N° 2012

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ASSEMBLÉE NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 décembre 2023

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE
relative à l’identification des défaillances de fonctionnement
au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des
organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu’elles ont
délégation de service public

 

 

 

Présidente

Mme Béatrice BELLAMY

 

Rapporteure

Mme Sabrina SEBAIHI

Députées

 

——

 

 

TOME I

RAPPORT

 

 

 

 Voir les numéros : 1319 et 1355


 

La commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement
au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des
organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu’elles ont
délégation de service public, est composée de : Mme Béatrice Bellamy, présidente ; Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure ; M. Quentin Bataillon ; M. Belkhir Belhaddad ; Mme Soumya Bourouaha ; M. Stéphane Buchou ; M. Frédéric Cabrolier ; Mme Céline Calvez ; M. Roger Chudeau ; Mme Fabienne Colboc ; M. Laurent Croizier ; M. Sébastien Delogu ; M. Pierre-Henri Dumont ; M. Hadrien Ghomi ; M. Jérôme Guedj ; M. Pierre Henriet ; M. Andy Kerbrat ; M. Stéphane Lenormand ; Mme Pascale Martin ; M. Stéphane Mazars ; Mme Sophie Mette ; M. Maxime Minot ; M. Julien Odoul ; M. François Piquemal ; Mme Claudia Rouaux ; M. Emeric Salmon ; M. Bertrand Sorre ; M. Michaël Taverne ; M. Stéphane Viry ; M. Frédéric Zgainski.

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT PROPOS de la présidente

Introduction

Première partie : des défaillances systémiques

I. Les défaillances de l’État dans son rôle de garant de l’intérêt général

A. face aux dérives, Une inertie ou une réponse tardive et partielle souvent sous pression médiatique

1. Une inertie ou une réponse tardive en réaction à des révélations médiatiques

2. Un « système » qui se protège par la désignation de boucs émissaires ?

B. D’une tutelle fictive à un contrôle fictif ?

1. Des fédérations longtemps sous tutelle fictive

a. L’agrément des fédérations sportives : une procédure « sans contrôle périodique organisé »

b. Une délégation longtemps « sans contenu ni contrepartie »

i. Un acte juridique essentiel porteur d’une grande valeur économique…

ii. … pourtant longtemps sans réelles contreparties

iii. Un État qui exerce ses prérogatives de manière restrictive

2. Une ambition affichée de renforcer le contrôle des fédérations et de remettre la protection de l’éthique au cœur de la mission de l’État

3. Les nouveaux contrats de délégation : une « ambition qui fait clairement défaut »

a. … dans le contenu

b. … dans le contrôle et l’évaluation

4. Une inspection générale insuffisamment sollicitée et suivie

a. Un outil précieux insuffisamment doté et sollicité…

b. … dont les recommandations doivent être mieux prises en compte par le ministère des sports

C. Un État défaillant dans son rôle de garant du respect des lois et règlements en vigueur

1. Des défaillances dans la mise en œuvre des lois

a. En matière d’éthique

b. En matière de protection des pratiquants

2. Des défaillances dans le contrôle du respect des textes par le mouvement sportif

a. En matière d’éthique

b. En matière de protection des lanceurs d’alerte

D. un soutien financier qui n’a pas été mis au service du renforcement de l’éthique et de la protection de l’intégrité des pratiquants

1. Un soutien financier considérable

2. Un soutien régulièrement minimisé par le mouvement sportif

3. Des conventions pluriannuelles d’objectifs silencieuses sur les enjeux de lutte contre les violences et l’éthique

4. Un soutien financier de l’État qui n’est toujours pas conditionné à des engagements en matière d’éthique et de protection des pratiquants

E. Un ministère défaillant dans la gestion des cadres d’État

1. Des agents placés dans une situation contestable ou contraire aux textes

a. Le cumul d’emploi de directeur technique national (DTN) avec la fonction de directeur général

b. Deux illustrations du laisser-faire ministériel

i. Le DTN de la Fédération française de tennis

ii. L’élection du directeur technique national de la Fédération française de handball à la présidence de la fédération

2. Une mobilisation insuffisante des cadres d’État dans le domaine de la protection de l’éthique du sport

3. Une activité qui reste insuffisamment suivie

II. Un État en retrait face aux fédérations : une faiblesse multifactorielle

A. Un manque de moyens

1. Une direction des sports sous-dimensionnée et « politiquement affaiblie »

a. Une petite direction fortement affaiblie

b. Le poids des cabinets, comme instance de recours politique

2. Les services déconcentrés du ministère des sports : une réduction des effectifs qui met en péril la protection des publics

a. Des services exsangues avant l’explosion des signalements qui a suivi la libération de la parole

b. Une revalorisation tardive et partielle

B. Une gouvernance partagée à responsabilités enchevêtrées et diluées

1. La création de l’Agence nationale du sport s’inscrit dans un mouvement de complexification de la gouvernance du sport et d’affaiblissement de l’État au sein de cette dernière

a. Une « mise en retrait de l’État » dans la nouvelle gouvernance du sport répondant à une revendication du mouvement sportif…

b. … au détriment du contrôle et de la capacité de réaction de l’État

2. « Il est important aujourd’hui que chacun reste à sa place et joue son rôle » : le CNOSF, un ministère des sports bis ?

a. Une relation de concurrence

i. En matière d’éthique

ii. En matière de lutte contre les violences sexuelles

b. Un ministère qui doit donner la direction et assurer la complémentarité des actions du CNOSF avec les siennes

C. « Un lien très atypique entre l’État et les fédérations qui ouvre la voie aux dérives »

III. les défaillances de la gouvernance des FÉDÉrations sportives

A. une gouvernance caractérisée par l’entre-soi et un défaut de culture dÉmocratique

1. La nécessité d’un profond renouvellement

a. Un choc de féminisation qui doit être imposé par la loi

i. « La faible représentation des femmes est criante »

ii. Des oubliés de la parité

iii. Des stratégies de contournement

b. Renforcer l’attractivité du bénévolat et des responsabilités fédérales

2. Un choc démocratique à imposer par la loi

a. Des exigences limitées et un contrôle insuffisant par le ministère des sports dans ce domaine également

b. Des clubs mis à l’écart de la vie fédérale

c. Des garde-fous insuffisants pour empêcher la captation du pouvoir entre les mains de quelques-uns

d. Un cas emblématique : la Fédération française de football

B. Des garde-fous insuffisants contre les dérives financières et les atteintes à la probité

1. Un secteur particulièrement exposé aux risques d’atteinte à la probité

2. Une gouvernance « trop lourde, coûteuse, peu contrôlée »

a. Des situations très hétérogènes sur les plans budgétaires et financiers

b. Une gouvernance « trop lourde et coûteuse »

c. L’absence de règlement financier type

3. Une « faible maturité en matière de maîtrise des risques d’atteinte à la probité »

4. D’importantes lacunes dans le respect des obligations déclaratives à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)

C. tirer les conséquences de l’échec de l’autorégulation dans le combat éthique

1. L’absence du CNOSF dans le combat éthique

a. Une représentativité limitée qui ne lui permet pas d’œuvrer en faveur de l’intérêt général

b. Un bilan inexistant en matière d’éthique

c. Un bilan très insuffisant en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes et les discriminations

2. Le bilan insatisfaisant des comités d’éthique fédéraux

a. Un cadre législatif incomplet

b. Le suivi des comités d’éthique fédéraux n’est de fait assuré ni par le CNOSF ni par le ministère des sports qui se renvoient la responsabilité

c. Un bilan notoirement insatisfaisant

d. La nécessité d’apporter de vrais garde-fous au niveau législatif

3. La nécessité d’un « dispositif de contrôle externe au milieu sportif »

Deuxième partie : la lutte contre les violences et les discriminations

I. Un si long silence : « notre système a fauté, régulièrement et depuis trop longtemps à tous les étages »

A. « Il n’y a pas d’omerta dans le sport » : un si long déni

1. Le sport, un environnement identifié comme propice aux violences et à l’omerta

2. « Merci aux victimes de nous avoir ouvert les yeux et les oreilles. Merci aux médias de les y avoir aidés »

B. « je regrette de devoir dire que ce sujet n’intéressait pas grand monde » : une si longue inertie

1. En 2007, Roselyne Bachelot lance un premier plan en réaction à la médiatisation du témoignage d’Isabelle Demongeot

2. « Une absence quasi générale d’actions mises en œuvre au sein des structures concernées » : un bilan sans appel sept ans plus tard

3. Un appel à changer de paradigme qui reste sans réponse et un observatoire des violences dans le sport qui ne voit pas le jour

a. Un appel à « changer de paradigme » qui reste sans réponse

b. Un observatoire annoncé qui ne voit pas le jour

4. « Nous partions de rien »

C. un aperçu de l’ampleur d’une omerta « à tous les étages »

1. « Les sujets ne remontaient pas » : une omerta « à tous les étages », qui se défaussent les uns sur les autres

2. Quand l’image de la discipline et de ses représentants réduit les victimes au silence : un entre soi qui engendre l’omerta

a. « Quand il y a des problèmes de famille, il faut les traiter en famille »

b. « Quelle patineuse n’est pas amoureuse de son entraîneur ? » : l’entraîneur tout-puissant

c. Quand les intérêts du groupe et l’image du sport l’emportent sur la protection des pratiquants

d. Un système qui a protégé des agresseurs et sanctionné des victimes et ceux qui cherchaient à les protéger

i. Une inaction disciplinaire qui protège les agresseurs et laisse les victimes à leur merci

ii. Un système qui a exclu ou sanctionné les victimes et ceux qui cherchaient à les protéger

3. Quand l’État ne protège pas

a. Des défaillances des cadres d’État

b. Des défaillances des services déconcentrés

4. Le traitement des violences dans les sports de glace : des défaillances généralisées jusqu’au plus haut niveau de l’État

a. Un sujet « Gilles Beyer » identifié dès 2000 au plus haut niveau de l’État

b. La mise à jour d’une véritable « culture du viol » dans le patinage

c. « Une volonté manifeste de taire des faits portés à la connaissance de la fédération dans l’objectif unique de préserver une image »

d. « Un fonctionnement fédéral controversé, marqué par une concentration des pouvoirs, que les multiples contrôles de l’État n’ont pas fait évoluer »

e. « De multiples carences dans la gestion des conseillers techniques sportifs et des défaillances de leur part dans la prise en compte des situations connues de violences et d’agressions sexuelles »

f. L’inertie complice du ministère

II. Depuis 2020, un traitement des violences dans le sport plus qu’imparfait

A. « nous ne connaissons que la partie émergée de l’iceberg » : Un État des lieux incomplet

1. Un diagnostic très partiel

a. Un travail d’évaluation resté à l’état de « brouillon »…

b. … complété par des enquêtes « ciblées »

c. L’enquête, outil essentiel de libération de la parole mobilisé de manière trop limitée

2. En février 2023, une « enquête » par le mouvement sportif dans des conditions qui n’en garantissent pas la rigueur

3. Un Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport en retrait sur le sujet de la lutte contre les violences sexuelles

B. Signal-sports : un outil de libération de la parole invisibilisé malgré une omerta persistante

1. Un outil essentiel qui souffre de graves lacunes

2. « Nous devons mieux faire connaître le canal de Signal-sports, partout et tout le temps : c’est l’un des enseignements que nous tirons des travaux de votre commission »

a. Une cellule invisibilisée par le ministère des sports

b. Des outils de signalement internes aux fédérations ou aux établissements publics qui omettent de renvoyer vers Signal-sports

i. Une prolifération d’outils de signalement qui pose question

ii. Une prolifération d’outils qui ne communiquent pas ou pas clairement sur la cellule nationale

3. Un périmètre indéterminé

4. Une cellule sous-dimensionnée

a. Une cellule créée sans moyens dédiés

b. Un manque de moyens qui a entraîné d’importants dysfonctionnements

c. Un nombre de signalements qui continue de croître

5. « Nous savons que de nombreux faits ne remontent pas encore, ou insuffisamment » : une « omerta encore présente »

a. Une « omerta encore présente »

b. Une omerta renforcée à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques

C. Les dysfonctionnements du traitement des signalements

1. Des services déconcentrés chargés de la protection des publics et des procédures administratives largement désarmés

a. Des équipes « parfois au point de rupture » et insuffisamment armées pour faire face à l’explosion des signalements de violences sexuelles

i. Des services « saturés » parfois « au point de rupture »

ii. Des équipes insuffisamment formées et accompagnées par le ministère des sports face à l’explosion du nombre d’enquêtes administratives

b. L’expression d’une défiance à l’égard des services déconcentrés

c. Des relations entre les services judiciaires et les services déconcentrés à systématiser

2. Les défaillances du traitement des violences par les fédérations

a. Des auditions qui témoignent d’un traitement encore inapproprié des violences sexuelles par plusieurs dirigeants fédéraux

b. Les défaillances persistantes de l’action disciplinaire

3. Des partenariats avec des associations largement salués mais qui ne sauraient tenir lieu d’engagement dans la lutte contre les violences

a. Le rôle central de Colosse aux pieds d’argile, association qui met en avant le chemin parcouru

b. La vision plus critique du Comité éthique et sport dissous en 2022

c. Confier une mission d’évaluation de l’action des associations à l’autorité administrative indépendante chargée de l’éthique du sport

4. Confier la compétence disciplinaire des fédérations en matière de lutte contre les violences sexuelles à l’autorité administrative indépendante chargée de la protection de l’éthique du sport

5. Le cas de l’INSEP : les graves défaillances de la politique de lutte contre les violences d’un établissement public et de son ministère de tutelle

a. Les nombreux manquements révélés par les travaux de la Commission

b. Les actions correctrices engagées par la ministre à la suite des défaillances révélées par la commission d’enquête

c. Des dysfonctionnements d’autant moins explicables que des alertes avaient été formulées sur les insuffisances de la politique de lutte contre les violences de l’INSEP à la ministre

d. Le contrôle sur pièces réalisé par la rapporteure a permis de mettre en lumière le traitement plus que contestable d’une autre affaire

D. Les failles de la politique de prévention

1. Des failles dans le contrôle de l’honorabilité des éducateurs professionnels rémunérés

i. Malgré l’incapacité ou le refus du ministère des sports de communiquer un état du contrôle des éducateurs professionnels, les éléments dont dispose la rapporteure révèlent des failles importantes

ii. Une même absence de données sur le contrôle des cadres d’État

2. « Nous avons déjà trop attendu » : une mise en œuvre du contrôle de l’honorabilité des bénévoles tardive et insuffisante

a. Le sport, parent pauvre de la protection des mineurs : une mise en œuvre tardive par le ministère des sports

b. Une mise en œuvre encore très insuffisante par les fédérations

c. « Nous avons déjà trop attendu » : une inertie qui justifie un retrait de délégation ou du soutien public

3. Les nombreuses failles et angles morts du contrôle de l’honorabilité

a. Les difficultés engendrées par le périmètre du contrôle des bénévoles

i. Un périmètre difficile à appréhender

ii. Des systèmes de licences qui peuvent être incompatibles avec les exigences du système de contrôle automatisé

iii. Des anomalies dans le périmètre des bénévoles à contrôler et des stratégies de contournement

iv. Étendre le périmètre du contrôle

b. Des difficultés techniques dans le fonctionnement du système

c. S’assurer que les contrôles interviennent avant l’entrée en fonctions

d. Systématiser la consultation du B2

4. Renforcer le contrôle du réseau sportif

a. Un contrôle des établissements d’activités physiques et sportives à renforcer

b. Renforcer le respect de l’obligation de déclaration des stages sportifs et élargir son champ

c. Lancer une réflexion sur le contrôle et l’encadrement des structures privées

5. Fixer des lignes rouges claires pour limiter les situations à risques

6. Engager un plan de formation et de sensibilisation de grande ampleur

E. « la peur doit changer de camp » : se tenir aux côtés des vicTImes

1. Sortir les victimes du silence

a. « Les enfants ne peuvent pas se sauver tout seuls » : mettre en place une stratégie de repérage, recueil et libération de la parole

b. Un accompagnement défaillant

c. Aider les victimes à faire face au « présent perpétuel de la souffrance »

2. Sortir d’un système d’impunité

a. Lever les freins de l’action disciplinaire et pénale

b. Lever l’immunité de ceux qui regardent sans rien dire

3. « Faire face au passé » et réparer

III. la lutte contre la haine et les discriminations : mieux prévenir, mieux réprimer

A. Le sport, un secteur non épargné par la haine et les discriminations

1. La connaissance des phénomènes haineux et discriminatoires dans le sport est limitée par l’absence d’outils de recensement fiables et d’enquêtes systématiques

a. L’absence de données relatives aux manifestations de haine et aux discriminations concerne la pratique sportive au sens large…

b. … et les enceintes sportives en particulier

c. L’État et le mouvement sportif doivent se doter de dispositifs permanents d’observation des comportements haineux et discriminatoires

2. Les manifestations de haine et les actes discriminatoires ont longtemps été minimisés par des responsables sportifs de premier plan, en dépit de l’évidence

a. Un racisme « à l’image de celui qui existe dans la société », une homophobie persistante

i. Le racisme : des préjugés ancrés

ii. « Le culte de la virilité, fait générateur » de l’homophobie

b. « Le phénomène raciste dans le sport, et dans le football en particulier, n’existe pas »

c. Le football amateur : un retard important dans la lutte contre les discriminations

d. L’exemple salué du rugby doit être étendu à toutes les disciplines sportives

B. les manifestations de haine et actes discriminatoires dans les enceintes sportives : un phénomène de masse

1. Les stades, « enceintes défouloir où les actions agressives et violentes peuvent être menées dans une relative impunité »

2. La politique de prévention et de sensibilisation de la LFP et du ministère des sports présente des limites

a. La LFP a mis en place des ateliers de sensibilisation, encore insuffisants et peu valorisés

b. L’État doit veiller à ce que l’ensemble des groupes de supporters bénéficient d’actions de sensibilisation

3. L’interruption des matchs en cas d’incident à caractère discriminatoire : un protocole non appliqué

4. Rééquilibrer les sanctions collectives et les sanctions individuelles en identifiant mieux les responsables des dérives

a. Les sanctions prononcées par la commission de discipline de la LFP présentent des limites

b. Des sanctions individuelles insuffisantes voire inexistantes

i. Les suppporters coupables d’actes ou de propos haineux ou discriminatoires ne font pas à ce jour l’objet de sanctions

ii. « Il n’y a pas d’autre solution que de travailler à résoudre l’anonymat des hooligans et des voyous »

iii. La mise en place de commissions d’observation dans les tribunes pourrait permettre de mieux recenser les faits discriminatoires

c. Les interdictions judiciaires et administratives de stade doivent être systématisées et renforcées

Liste des Recommandations

1. Première partie : Défaillances systémiques

2. Deuxième partie : Lutte contre les violences

3. Deuxième partie : Lutte contre la haine et les discriminations

EXAMEN EN COMMISSION

CONTRIBUTIONS DES GROUPES POLITIQUES ET DES DéPUTéS

1. Contribution du groupe Rassemblement national

2. Contribution de M. Quentin Bataillon, député de la Loire, M. Belkhir Belhaddad, député de Moselle, M. Stéphane Buchou, député de Vendée, Mme Fabienne Colboc, députée d’Indre-et-Loire, M. Hadrien Ghomi, député de Seine-et-Marne, M. Stéphane Mazars, député de l’Aveyron, et M. Bertrand Sorre, député de la Manche

3. Contribution de M. Frédéric Zgainski, député de Gironde

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

ANNEXES

Annexe  1

ANNEXE  2

Annexe  3

Annexe  4

Annexe  5

Annexe  6

Annexe  7

Annexe  8

Annexe  9

Annexe  10

Annexe  11

Annexe  12

Annexe  13

Annexe  14

Annexe  15

Annexe  16

Annexe  17

Annexe  18

Annexe  19

Annexe  20

Annexe  21

Annexe  22

Annexe  23

Annexe  24

Annexe  25

Annexe  26

Annexe  27

Annexe  28

Annexe  29

Annexe  30

 


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   AVANT PROPOS de la présidente

En toutes circonstances, le sport doit rester un plaisir et une passion, un facteur d’émancipation et d’enthousiasme. Les vertus fondamentales du sportif – partage, dépassement, don de soi, esprit d’équipe, solidarité, empathie  doivent demeurer la boussole de tous les acteurs du sport quels qu’ils soient. C’est la conviction qui n’a cessé de m’animer dans les fonctions de présidente de la commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu’elles ont délégation de service public. Dès que la détresse, le tourment, la violence ou la manipulation s’immiscent au cœur du mouvement sportif, c’est immanquablement toute la société qui se retrouve face à l’échec.

En écrivant ces lignes, je pense à tous les passionnés, à tous les pratiquants, aux 17 millions de licenciés, à tous les jeunes, à tous les encadrants, animateurs et éducateurs qui, chaque jour, sont et font le sport dans notre pays. Je pense également à tous les témoignages que nous avons entendus, à toutes les douleurs qui nous ont été rapportées et je dis mon admiration aux pionnières, à celles et ceux qui ont eu le courage de briser le silence et à toutes celles et ceux qui les ont imités. Le travail de la commission d’enquête et les pages de ce rapport nous plongent indéniablement au cœur d’un sujet de société majeur. Ils nous montrent des réalités parfois sombres, mais sans tomber dans le piège de la caricature ou de la stigmatisation, en n’oubliant pas de relever les fédérations exemplaires et les dispositifs déjà efficaces. Car oui, chaque identification de défaillance, lacune ou limite ne vise qu’à améliorer notre vie en société, chaque alerte posée permet de construire une correction et d’apporter une solution. Notre travail répond avant tout à une volonté partagée, celle d’œuvrer pour que le sport reste en toute circonstance pour les sportifs et pour chaque acteur un plaisir et une chance, que les pratiquants se sentent toutes et tous protégés et en sécurité.

Je tiens également à rendre hommage à tous les bénévoles de France, aux 3,5 millions d’acteurs essentiels du mouvement sportif. Parce que je les côtoie très régulièrement dans le cadre de ma délégation municipale en charge des évènements sportifs, parce que je participe moi-même à la vie d’un club dans ma commune, je sais qu’il ne peut y avoir de rassemblements sportifs sans les bénévoles. Ils sont la sève et l’énergie du sport au quotidien dans nos territoires. Ils sont vitaux pour que l’activité sportive existe et reste pérenne, pour que les bureaux associatifs jouent leurs rôles. Les voies et moyens de leur reconnaissance et de leur fidélisation sont à renforcer d’urgence, comme le souligne le rapport.

Cette commission d’enquête a été créée à l’initiative du groupe Les Écologiste-NUPES dans le cadre de leur « droit de tirage ». La conférence des présidents de l’Assemblée nationale a acté sa création le 20 juin 2023. Sa réunion constitutive a eu lieu le 5 juillet suivant et les auditions ont débuté le 20 juillet. Présider une telle commission a été non seulement un honneur mais également, au regard des attentes et de la lourdeur des sujets, une responsabilité conséquente.

Collectivement, nous ne nous attendions pas à découvrir un chantier d’une telle ampleur, à investiguer aussi largement et à ouvrir autant de débats.

Cette commission fut une course de fond de six mois, haletante, intense et dense. Le travail accompli a été considérable.

92 auditions sous serment ont été réalisées autour de 193 personnes, cela représente près de 140 heures de réunions, d’écoute et de questionnements. Des contrôles sur place ont été effectués par madame la rapporteure : à l’INSEP, à la Fédération française d’athlétisme et à deux reprises au ministère des sports. Des centaines de contributions écrites et de témoignages ont été reçus. La rapporteure a demandé la communication de nombreux documents, sans difficultés dans la plupart des cas mais en se heurtant parfois à des freins préjudiciables.

Les travaux de notre commission, eu égard à l’ampleur des révélations que ses très nombreuses auditions ont permis sur un sujet d’intérêt majeur pour l’ensemble de la société, ont suscité un intérêt croissant et inattendu.

De nombreux groupes politiques de notre Institution y ont siégé avec régularité, application et bonne volonté. À l’exception notable du Rassemblement national (RN) qui n’a plus souhaité siéger à partir du 28 septembre, mais qui n’a, pour autant, pas démissionné officiellement de la commission d’enquête. Les questions autour de l’islamisme dans le monde sportif ne faisaient pas partie des sujets ciblés par cette commission. Non que la problématique n’existe pas, mais pour garantir un traitement satisfaisant de ses axes de travail, déjà très vastes, le périmètre des investigations de la commission d’enquête devait nécessairement être limité. Rappelons par ailleurs que le groupe RN dispose de son propre droit de tirage.

Les instances sportives, le ministère des sports, le monde sportif, les victimes et les médias ont suivi avec une attention soutenue nos travaux.

Beaucoup d’auditions ont suscité de l’attente et des réactions, des témoignages complémentaires et des critiques. La réussite première de la commission d’enquête est d’avoir brisé le piège du silence et accompagné le mouvement de libération de la parole.

Ce que l’on a tu durant des années, ce que l’on a caché, ce que l’on n’a pas voulu voir à certaines époques ressort aujourd’hui parfois avec fracas. La commission a été au cœur des réalités des fédérations, de la société et du monde sportif. C’est ainsi que sa seule existence a fait bouger certaines lignes et encouragé les prises de parole.

Notre objectif premier était de dresser un constat quatre ans après le début du mouvement de libération de la parole. La commission a commencé les auditions en entendant les victimes ou les personnes ayant subi des violences sexistes, sexuelles ou des discriminations raciales ou homophobes, avant d’entendre les parties prenantes de la gouvernance des fédérations. Indéniablement et rapidement, les violences sexistes et sexuelles sont devenues le centre de gravité de notre travail. Et ce mot gravité est à entendre dans tous les sens du terme.

Les membres de la commission l’ont tout de suite ressenti et se sont soudés autour de la certitude de l’utilité sociale et démocratique de leurs travaux, de la légitimité de leur démarche.

Dans l’immense majorité des lieux de pratique et de compétition, le sport permet la transmission de valeurs essentielles et demeure un vecteur majeur de cohésion nationale et de lien social. Ces lieux devraient toujours rester des espaces de confiance et d’épanouissement, de sérénité, de respect et de fraternité. Nous avons constaté que tel n’est pas toujours le cas, loin de là.

Nous avons plongé, avec émotion souvent, avec effroi parfois, avec détermination toujours, au cœur des fédérations, des ligues, des clubs, des terrains de sport et des vestiaires qui maillent nos territoires. Nous avons constaté et entendu des arguments, des faits, des moments de vie, de la douleur et parfois une très grande souffrance. Des propos poignants et forts, avec quelques témoignages particulièrement douloureux, nous ont marqués au plus profond.

Le regard extérieur que nous avons collectivement porté sur le fonctionnement des fédérations et le monde sportif nous a permis d’identifier des défaillances, nombreuses, révélatrices à la fois de dérives individuelles et collectives et de l’absence d’une culture suffisante de la transparence. Il nous a semblé essentiel que des fédérations investies d’une mission de service public s’habituent désormais à un regard extérieur indépendant et à rendre davantage de comptes. En somme, j’estime qu’il n’est de bonne vitalité démocratique au sein des fédérations et du mouvement sportif qu’avec des contre-pouvoirs constitués.

La rapporteure développe, dans les pages qui suivent, des constats, analyses et préconisations avec les engagements et la sensibilité qui lui appartiennent.

La première évidence est que j’en partage l’essentiel. Et en premier lieu, les recommandations nos 7 et 28 relatives à la création d’une autorité administrative indépendante, extérieure au mouvement sportif, chargée de l’éthique et de l’intégrité du sport disposant de solides prérogatives. Celle-ci serait dotée d’une capacité de sanction financière. À l’issue de nos travaux, j’estime indispensable de permettre à un organe tiers de porter un regard extérieur sur la gestion du mouvement sportif. Cela répond à une demande clairement formulée par de nombreux acteurs, y compris au sein des fédérations. La culture de la transparence et du contrôle n’est pas une mode mais bien une exigence lorsqu’il s’agit d’éthique dans l’exécution d’une mission de service public, de protection de l’intégrité physique et morale de millions de personnes qui pratiquent le sport au quotidien, de flux budgétaires importants et parfois de destins brisés. De même, la recommandation  22 rappelle, à juste titre, l’obligation pour les fédérations agréées de faire la transparence sur leurs comptes. Dans le même esprit, la mise en place d’un observatoire national des discriminations dans le sport pourrait permettre d’accentuer et renforcer l’efficacité de la lutte contre ce fléau (recommandation  50).

Je suis particulièrement attachée à la préconisation  17 proposant de fixer dans la loi le principe de parité réelle dans tous les organes dirigeants du mouvement sportif, aux recommandations nos 30 et 32 incitant à une vaste enquête dans l’ensemble des fédérations sur les violences sexuelles et sexistes et à un renforcement des moyens affectés.

Un effort important doit être accompli pour mieux lutter contre les discriminations et les violences, notamment au cœur même des stades. La deuxième partie du rapport comprend de nombreuses propositions solides permettant de réduire ces fléaux qui abîment l’image même du sport. La généralisation de « commissions anti-discrimination et égalité » dans chaque fédération délégataire serait une arme supplémentaire utile (recommandation  52). Ces réponses à la fois préventives, formatives et punitives devront être complétées par une mobilisation totale de la société, bien au-delà du seul champ du sport.

Plus généralement, je partage la nécessité absolue de rendre les violences sexuelles sur mineurs imprescriptibles et de reconnaître l’amnésie traumatique dans le cadre de la prescription pénale (recommandation  48). Cette demande a été exprimée par de nombreuses victimes que nous avons auditionnées. Il me semble également important de garantir un soin spécialisé et accessible aux victimes de violence (recommandation  47).

L’entre-soi et le repli sont par essence des obstacles à la bonne marche d’institutions construites pour fédérer et rassembler. Leur permettre de s’ouvrir et de se dépasser est ainsi un gage pour garantir leur bon fonctionnement et leur avenir. C’est un service rendu aux futurs dirigeants de nos fédérations et au sport dans son ensemble.

La seconde évidence est que je ne peux appuyer certains des propos tenus et soutenus dans quelques-unes des pages de ce rapport. En effet, les pouvoirs publics se sont, depuis 2020, saisis de nombreuses problématiques identifiées dans le rapport avec une fermeté indiscutable. Je souhaite saluer ici l’engagement incontestable des ministres Roxana Maracineanu et Amélie Oudéa-Castéra dont l’action a permis depuis 2020 une politique de lutte contre les violences sexuelles, sans précédent historique. Par conséquent, si d’importantes marges d’amélioration existent, comme l’a reconnu la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, il serait caricatural d’ancrer l’idée d’un État inerte, impotent et finalement à côté de ses devoirs.

À cet égard, je salue également la réaction ferme et immédiate de l’actuelle ministre des sports pour apporter des réponses à différents dysfonctionnements mis en évidence par les travaux de la commission d’enquête, qu’il s’agisse de l’insuffisante visibilité de la cellule Signal-sports, de la politique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes conduite à l’INSEP et dans les différents établissements publics sous tutelle ou du contrôle de l’honorabilité, dont la ministre s’est dite pleinement déterminée à « combler toutes les brèches ». La volonté politique et la détermination du gouvernement et de la ministre des sports à apporter des réponses fermes ambitieuses à ces enjeux majeurs ne peuvent être mises en doute. En témoigne le soutien de la ministre à la proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et sa volonté de renforcer le contrôle de l’honorabilité, en allant le cas échéant vers un retrait de la délégation aux fédérations qui ne sont pas au rendez-vous. En témoigne également sa volonté d’aller plus loin dans tous les champs couverts par la commission d’enquête, comme le montre la mise en place d’un Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport dont de nombreux constats et préconisations rejoignent ceux de la commission d’enquête. Les travaux de la commission d’enquête viendront, je l’espère, utilement alimenter l’initiative législative annoncée par la ministre pour la fin de l’année 2024 afin de concrétiser une nouvelle étape de rénovation de notre modèle sportif.

La création de la cellule Signal-sports en 2020, dédiée à la lutte contre les violences sexuelles et au recueil des signalements, a constitué une avancée essentielle. J’ai constaté la faible visibilité de cette dernière au sein des fédérations et auprès des acteurs du sport. De nombreuses fédérations développent, en plus de quelques politiques de prévention efficaces, leur propre plateforme de signalements. Pour davantage d’efficacité et de clarté, l’outil de signalement doit être unique. Je soutiens donc qu’une plateforme unique est le meilleur moyen de faire connaître la procédure de signalement et de la rendre claire et accessible à tous. Dans cette optique, l’élargissement du périmètre de la cellule à l’ensemble des faits de racisme et de discrimination commis dans le champ du sport est indispensable (recommandation  51).

La plateforme Signal-sports doit donc être renforcée. Un renforcement de l’information sur l’existence de la plateforme et sur ses modalités de fonctionnement a d’ores et déjà été annoncé par la ministre des sports. En effet, une campagne de grande ampleur et un effort de pédagogie s’avèrent nécessaires afin que tous comprennent que « signaler [...] n’est pas une option, mais une obligation » comme le souligne à juste titre la ministre Amélie Oudéa-Castéra. À cet égard, la responsabilité de la plateforme doit être confiée à l’autorité administrative indépendante (recommandation  31), comme le préconise également le Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport.

Cela ne se fera pas sans moyens supplémentaires, notamment pour assurer le traitement et le suivi des signalements. C’est un enjeu, dont nous, parlementaires, aurons à nous saisir lors d’un prochain projet de loi de finances, afin de doter la cellule Signal-sports des moyens de cette politique indispensable.

Outre cette plateforme de signalement, le développement du contrôle d’honorabilité (recommandation  38) ou encore l’obligation inscrite désormais dans la loi de formation en matière de violences sexistes et sexuelles pour toutes les personnes obtenant des diplômes d’État délivrés dans le champ de la jeunesse et des sports, sont des mécanismes qui tendent à remédier aux dysfonctionnements que nous avons pu identifier.

Ainsi, à l’issue de notre mission, je suis convaincue que la mise à jour de ces défaillances doit être le ferment d’un renforcement de l’action publique déjà initiée, d’une nouvelle impulsion politique donnée par le Gouvernement, d’une prise de conscience générale sur la nécessité d’accompagner le mouvement sportif pour un meilleur traitement de ses maux, de la mobilisation d’une société qui aura gagné en vigilance sur ces sujets.

Durant ces six mois de travail, le fonctionnement de la commission a été exemplaire.

D’abord, par son caractère transpartisan, préservé des soubresauts politiques et des aléas de l’actualité parlementaire, qui lui a permis d’être solide face aux pressions extérieures.

Ensuite, par le respect qui a toujours animé les membres qui la composaient, par-delà les opinions diverses et les débats qui nous ont agités. C’est finalement assez peu courant pour une commission d’enquête et cela doit être salué avec force.

Également, par la bonne entente, le souci du bien public et la qualité du travail collectif entre la présidente et la rapporteure au-delà de nos points de vue différents et de nos conclusions et sensibilités à la fois convergentes et divergentes.

Enfin, par la relecture attentive des auditions sous serment qui ont conduit, à ce jour, à transmettre sept signalements de possibles parjures au parquet de Paris. Jamais la commission ne s’est érigée en juge, ce n’était point son rôle. Les députés écoutent, rapportent, signalent, préconisent, proposent et le cas échéant adoptent.

Je remercie mes collègues et madame la rapporteure pour leur travail et leur implication. Chacun avec nos parcours, nos personnalités et nos appétences sportives différentes, nous avons souhaité agir en faveur du sport, des sportifs et de l’intérêt général.

Nous, députés de la Nation, nous nous devions de prendre de la hauteur, de considérer cette commission, que nous n’avons pas tous voulue mais que nous avons tous saisie comme une chance de faire progresser l’équité, l’éthique et la justice. Nous nous devions d’apporter une réponse proportionnée et attendue par le milieu sportif et par les sportifs. Avec certitude, la tenue et le sérieux des travaux de cette commission d’enquête en a ouvert le chemin et a donné la chance à madame la rapporteure de produire son rapport en s’appuyant sur un corpus d’informations considérables en nombre et en qualité.

Désormais, il appartient à chacun de lire ce rapport, de se forger une opinion et il appartient aux responsables publics et aux législateurs de se saisir de ses préconisations.

Quoi qu’il en soit, ce bel exercice démocratique restera une contribution essentielle à la grande cause nationale de 2024, souhaitée par le Président de la République, qu’est l’activité physique et sportive pour toutes et tous. C’est un élan sportif que nous devons insuffler, renforcer, accompagner et pérenniser. Cet élan doit profiter au plus grand nombre et rendre possible la pratique du sport au quotidien pour tous les Français. Il doit ouvrir les portes de l’engagement bénévole et associatif, inciter à l’inscription dans nos clubs et à la découverte de sports. Si cet élan se fait sereinement, honnêtement, sans déviance ni crainte, avec les moyens pour sonner très précocement l’alerte, alors cette commission aura participé à changer en mieux notre société.

Je souhaite que l’esprit dans lequel cette commission d’enquête s’est acquittée de sa mission anime plus souvent notre Assemblée nationale et soit les prémices de l’indispensable union nationale autour des Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Je forme le vœu que l’esprit de notre commission d’enquête, le fond de son rapport et certaines de ses préconisations soient le support d’une loi d’héritage des JOP de Paris 2024.

 


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   Introduction

À la suite de très nombreuses révélations publiques de sportives et de sportifs et de diverses affaires retentissantes ayant trait à la gestion de plusieurs fédérations, la commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu’elles ont délégation de service public a été créée à l’initiative du groupe Écologiste-NUPES, qui a souhaité exercer à cet effet le « droit de tirage » que le Règlement de l’Assemblée nationale offre à chaque groupe d’opposition ou groupe minoritaire.

Pendant six mois, la commission, qui a entamé ses travaux le 20 juillet 2023, aura fait usage de toute l’étendue des pouvoirs que lui confère l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, pour tenter de faire la lumière sur trois axes : les violences, sexuelles et sexistes, mais aussi les violences psychologiques et physiques ; les discriminations et la haine ainsi que la gestion financière des fédérations.

Dans ce délai contraint, elle aura auditionné 193 personnes au cours de 92 auditions, pendant près de 140 heures de réunion. Ces auditions ont été complétées par de nombreuses contributions écrites de personnes que la commission n’a pas pu entendre.

La commission a souhaité commencer par donner la parole aux victimes.

Ces auditions, éprouvantes, ont constitué un moment révélateur d’un phénomène de grande ampleur et d’une omerta qui n’ont pas disparu après la déflagration qui a suivi la publication du témoignage de Mme Sarah Abitbol début 2020.

Avant Mme Abitbol, plusieurs sportives, comme Mmes Catherine Moyon de Baecque et Isabelle Demongeot, avaient témoigné, sans être entendues.

Les auditions de victimes ont été un moment fondateur qui a soudé les membres de la commission dans une commune conviction que sa création constituait une urgence démocratique et que des mesures fortes étaient encore nécessaires.

La commission a entendu un grand nombre d’acteurs clé, en particulier des journalistes, dont le rôle est particulièrement déterminant dans la révélation des violences et des dysfonctionnements au sein des fédérations, des responsables d’associations de lutte contre les violences et les discriminations, ainsi que les nombreux acteurs publics responsables du contrôle et de la gouvernance des fédérations sportives.

Les auditions de nombreux représentants de fédérations sportives ont constitué un second moment fondateur et révélateur de l’ampleur de la révolution culturelle qui reste à accomplir à la tête du mouvement sportif.

« Je me rends compte, en particulier grâce à vos travaux, qu’une transformation culturelle est nécessaire dans les fédérations » ([1]), a reconnu Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques lors de son audition.

La rapporteure a demandé la communication de très nombreux documents à l’ensemble des acteurs chargés de contrôler les fédérations et le mouvement sportifs : le ministère des sports, l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), la Cour des comptes, l’Agence française anticorruption (AFA), la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Elle a sollicité la communication de documents auprès d’établissements publics sous tutelle, en particulier l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), de plusieurs fédérations ainsi que du Comité national olympique et sportif français (CNOSF).

Elle a effectué quatre contrôles sur pièces et sur place : un à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP) le 26 octobre 2023, un à la Fédération française d’athlétisme, le 17 novembre, et deux au ministère des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, respectivement le 27 novembre et le 18 décembre.

Très vite, la rapporteure et la présidente ont été confrontées à une avalanche de témoignages de victimes et de lanceurs d’alerte, dénonçant des abus, des violences, des discriminations, des dysfonctionnements.

Pour faciliter ces témoignages et éclairer au mieux les travaux de la commission, la rapporteure et la présidente ont mis en place une plateforme destinée à recueillir les témoignages de victimes.

Dans l’exercice de sa mission, la commission d’enquête s’est heurtée à des difficultés certaines et à des réactions qui sont en elles-mêmes symptomatiques d’un défaut de culture démocratique, d’un entre-soi et d’une omerta.

La rapporteure souhaite d’emblée dénoncer avec la plus grande fermeté les difficultés qu’elle a rencontrées pour accéder à un certain nombre de documents demandés au ministère des sports en application de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958.

Elle n’a pas pu avoir accès à des documents et informations qui lui étaient indispensables pour mener à bien sa mission de contrôle. Il en va ainsi du tableau de suivi des signalements de violences reçus par Signal-sports, la cellule nationale mise en place par le ministère, qui ne lui avait pas été communiqué au moment où elle achevait la rédaction du présent rapport d’enquête.

La rapporteure s’est rendue au ministère la veille de l’examen du rapport par les membres de la commission d’enquête, pour tenter d’obtenir des réponses, clarifications et documents.

En l’absence de communication du tableau de suivi des signalements reçus par la cellule nationale, la rapporteure n’est pas en mesure de porter une appréciation parfaitement éclairée sur leur traitement. Elle ne peut notamment pas indiquer combien d’abus signalés auraient pu être évités par la mise en œuvre complète du contrôle de l’honorabilité, sous l’égide du ministère des sports.

Plusieurs relances ont été nécessaires pour accéder à certains documents de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche.

Un courrier ([2]) du 19 juillet 2023 adressé à la présidente et à la rapporteure par M. David Lappartient, président du CNOSF, est également particulièrement symptomatique d’un défaut notoire de culture démocratique.

Ce courrier, dont la presse s’est fait écho, s’interrogeait sur « les objectifs recherchés », « les finalités exactes » d’une commission d’enquête parlementaire et surtout sur « son calendrier à moins de quatre cents jours de l’ouverture des Jeux olympiques de Paris ». Il dénonçait des « accusations outrancières » et « caricaturales » et une volonté de « porter un nouveau coup au modèle associatif français ».

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports, s’est quant à elle exprimée publiquement, aux côtés de M. Sébastien Boueilh, directeur général de l’association Colosse aux pieds d’argile, pour juger « à côté de la plaque » l’outil de recueil de témoignages mis en place par une commission chargée de contrôler l’action de son ministère.

À la suite d’une audition par la commission d’enquête qui a permis de mettre à jour des incohérences et des inexactitudes, M. André Giraud, président de la Fédération française d’athlétisme, a quant à lui adressé le 4 novembre 2023 un courrier à la présidente de l’Assemblée nationale dont il a adressé une copie au Président de la République. « En vertu du principe de séparation des pouvoirs, nous ne pouvons tolérer le fait que les députés puissent ouvertement remettre en cause les décisions prises par les organes disciplinaires indépendants », écrivait-il ([3]).

« Permettez-moi, monsieur le président, de vous rappeler que les commissions d’enquête sont parfaitement fondées à s’interroger sur le fonctionnement de l’action disciplinaire des fédérations, dont nos travaux ont déjà permis de pointer de nombreuses défaillances. Nous pouvons en revanche nous interroger sur la conception de la séparation des pouvoirs d’un président de fédération qui se tourne vers le Président de la République pour critiquer le mode de fonctionnement d’une commission d’enquête parlementaire », a rappelé la présidente Béatrice Bellamy lors d’une seconde audition des dirigeants de la Fédération française d’athlétisme.

La commission d’enquête aura également été confrontée à des mensonges, inexactitudes, approximations, expressions de déni et de désinvolture dans des proportions sans doute sans précédent historique.

De fait, un grand nombre d’auditions de responsables, y compris celle de la ministre, ont été suivies de démentis par les médias ou par des observateurs, de lettres de rectification adressées à la commission par les intéressés afin d’éviter des poursuites pour faux témoignage. C’est presque une autre enquête qui serait nécessaire pour mettre à jour l’ensemble des inexactitudes et mensonges auxquels la représentation nationale a été confrontée.

Les auditions conduites par la commission d’enquête auront ainsi en elles-mêmes constitué un puissant révélateur de l’existence d’une culture du secret, du mensonge et du faux témoignage qui sont des dimensions essentielles de l’omerta.

Les fédérations sont pourtant investies d’une mission de service public qui leur est confiée par l’État. Leurs dirigeants sont également investis par le vote des licenciés. Cette double légitimité leur impose de rendre des comptes aux licenciés, à l’État et plus largement à l’opinion publique.

La première partie du présent rapport s’attache à mettre en évidence les défaillances systémiques que révèlent les travaux de la commission s’enquête sur ses trois axes d’investigation.

Ces défaillances, qui concernent autant l’État que la gouvernance interne des fédérations, sont autant de freins pour prévenir, détecter et sanctionner efficacement les abus et les dérives, quels qu’ils soient.

La rapporteure, extérieure au monde sportif, a découvert un secteur qui n’a pas été suffisamment habitué à faire l’objet d’un regard extérieur indépendant exigeant, un secteur qui n’a pas été suffisamment habitué à rendre des comptes publiquement.

Elle a pris la mesure des grandes faiblesses de l’État, dans l’organisation qui est la sienne, à l’égard du mouvement sportif, un État qui a failli dans l’exercice de sa mission de garant de l’intérêt général, de protection de l’éthique et des pratiquants.

Elle a pris la mesure des grandes faiblesses de la gouvernance des fédérations, marquée par l’entre-soi et des garde-fous et autres cordes de rappel, notamment démocratiques, notoirement insuffisants pour faire échec aux abus et aux dérives.

De fait, l’État n’a pas fait la preuve de sa capacité à contrôler efficacement un mouvement sportif qui n’a lui-même pas fait la preuve de sa capacité à s’autoréguler.

Il est donc proposé de répondre à cette double défaillance par la création d’un regard extérieur indépendant, exigeant, seul à même de soumettre les fédérations et le mouvement sportif au choc de contrôle, de transparence et de culture démocratique dont ils ont besoin.

La deuxième partie, consacrée à la lutte contre les violences et les discriminations, illustre et éclaire l’ampleur des conséquences de cette double défaillance.

Il y a quatre ans, le 11 décembre 2019, le média Disclose publiait une enquête de grande ampleur sur les violences sexuelles dans le sport qui révélait 77 affaires marquées par des dysfonctionnements graves ayant fait au moins 276 victimes âgées pour la plupart de moins de 15 ans au moment des faits ([4]). La patineuse artistique française Sarah Abitbol publiait quelques semaines plus tard son livre témoignage, Un si long silence, qui allait provoquer une véritable déflagration dans le monde du sport et au-delà. Sarah Abitbol y décrivait les viols et les agressions sexuelles que son entraîneur lui a fait subir, alors qu’elle était mineure.

La commission d’enquête a souhaité comprendre pourquoi il a fallu attendre 2020 pour que les pouvoirs publics et les responsables du monde sportif acceptent d’ouvrir les yeux sur un phénomène de grande ampleur. Elle a voulu revenir sur les raisons qui ont fait qu’« un certain nombre de dispositions n’ont pas été prises qui auraient permis d’éviter que ces faits se produisent », selon les termes employés par Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports ([5]).

Les éléments portés à la connaissance de la commission d’enquête révèlent un si long silence et une inertie coupables de l’ensemble de ceux qui étaient responsables de protéger ces enfants, ces femmes, ces hommes.

« Notre système a fauté, régulièrement et pendant trop longtemps, à tous les étages. » Mme Roxana Maracineanu, alors ministre déléguée chargée des sports, reconnaissait ainsi le 21 février 2020, devant la première convention nationale de prévention des violences sexuelles dans le sport, la faute et la responsabilité de tout un système.

« Ce combat est le plus important dans le sport aujourd’hui. Ne tremblez surtout pas », lui écrivait M. Jean-Claude Killy à ce moment historique.

Les travaux de la commission d’enquête montrent que les réponses apportées par l’ensemble des responsables depuis 2020 ne sont hélas pas à la hauteur des enjeux.

La rapporteure formule donc soixante-deux recommandations essentielles pour renforcer le modèle associatif français auxquels nous sommes tous attachés.

Le sport est d’abord un immense facteur d’émancipation et de cohésion sociale. Le mouvement sportif, ce sont aussi 3,5 millions de bénévoles, de toutes les générations, qui œuvrent et s’engagent au quotidien dans près de 160 000 clubs, permettant ainsi à 17 millions de licenciés dans tous les territoires d’accéder à une activité sportive encadrée.

La commission d’enquête achève ses travaux à l’aube d’une année historique au cours de laquelle la France accueillera les Jeux olympiques et paralympiques. La rapporteure forme le vœu que cette année soit l’année zéro de la révolution culturelle indispensable pour faire du sport un environnement plus démocratique, plus transparent, plus respectueux, plus éthique et plus sûr.


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   Première partie : des défaillances systémiques

Sur les trois axes d’investigation de la commission d’enquête (violences, discriminations, atteintes à la probité), ses travaux ont mis en lumière le caractère systémique de dysfonctionnements qui trouvent leur origine dans l’organisation de la gouvernance du monde sportif et la relation particulière qui le lie à l’État.

Pour reprendre les mots de M. Jean-Jacques Lozach, sénateur : « Les affaires récentes sont pour partie dues à des causes systémiques liées au fonctionnement du monde sportif, et pas seulement à des défaillances individuelles. » ([6])

« La gouvernance et la manière dont les fédérations ou les structures en leur sein sont organisées ont une incidence sur le recueil des témoignages et la capacité à faire émerger et, partant, à faire cesser des conduites déviantes, délictueuses voire criminelles », a relevé à très juste titre M. Lionel Dangoumau, directeur de la rédaction du journal L’Équipe ([7]).

La gouvernance du monde sportif, qui fait intervenir un grand nombre d’acteurs, se caractérise en particulier par sa très grande complexité et un enchevêtrement de responsabilités, qui conduit à leur dilution. Et de fait, « tous les acteurs se servent d’une certaine complexité », a observé lors de son audition M. Denis Masseglia, ancien président du CNOSF ([8]).

Ces dysfonctionnements systémiques concernent l’action de l’État comme la gouvernance interne des fédérations.

En ce qui concerne l’État, il a la responsabilité d’encadrer, d’orienter, de contrôler l’action des fédérations sportives. Il dispose pour ce faire de plusieurs leviers :

– la tutelle qu’il exerçait traditionnellement sur elles, supprimée en 2021 au profit d’une relation fondée sur un contrat de délégation ;

– un soutien public important ;

– la présence d’agents de l’État au sein des fédérations et de leurs instances territoriales affiliées : les conseillers techniques sportifs (CTS), bras armé de l’État ;

Surtout, l’État doit veiller au contrôle du respect des lois et règlements par les fédérations sportives.

Sur les trois axes d’investigation de la commission d’enquête, la rapporteure a relevé d’importantes défaillances de l’État dans l’exercice de ses prérogatives et dans son rôle de garant du respect de l’éthique et de la protection de l’intégrité des pratiquants (I).

Plusieurs facteurs expliquent la faiblesse de l’État à l’égard du mouvement sportif : un manque criant de moyens (de l’administration centrale comme des services déconcentrés, profondément affaiblis), une dilution des responsabilités au sein d’une gouvernance enchevêtrée que la création de l’Agence nationale du sport est venue complexifier, une trop grande proximité avec le mouvement sportif qui ouvre la voie aux dérives (II).

Les défaillances de l’État s’ajoutent aux défaillances internes à la gouvernance des fédérations, qui n’ont pas fait la preuve de leur capacité à s’autoréguler et à se saisir comme il se doit des enjeux de lutte contre les violences et de protection de l’éthique (III).

Face à cette double défaillance, la rapporteure estime qu’un choc de contrôle, de démocratie et de transparence est nécessaire, qui ne pourra être assuré que par une autorité administrative indépendante.

I.   Les défaillances de l’État dans son rôle de garant de l’intérêt général

A.   face aux dérives, Une inertie ou une réponse tardive et partielle souvent sous pression médiatique

La rapporteure constate que la réaction de l’État face aux dérives constatées au sein des fédérations sportives se caractérise trop souvent par :

– une inertie ou une réponse tardive en dépit d’alertes précoces, le plus souvent après des révélations médiatiques ;

– une réponse très partielle par la désignation de boucs émissaires, qui permet de ne pas identifier toute la chaîne des responsabilités et des défaillances systémiques.

1.   Une inertie ou une réponse tardive en réaction à des révélations médiatiques

« Comment un État qui est informé de délits et de crimes par une inspection générale ne peut-il pas agir plus vite et plus fort sur ces sujets-là ? […] Que peut-on déduire de ces silences ? Nous n’avons pas toutes les réponses », s’est interrogé M. Pierre-Alain Raphan, ancien député et ancien rapporteur de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France ([9]).

« Une posture en retrait, sauf lorsque se produisent des crises majeures » : c’est ainsi que la Cour des comptes qualifiait la posture de l’État à l’égard de la Fédération française de football dans un rapport de 2017 ([10]).

« Depuis 2016, j’ai notamment beaucoup travaillé sur les dysfonctionnements de la Fédération française de tennis (FFT). Au terme de mes investigations, j’ai le sentiment que depuis très longtemps, sans doute une trentaine d’années, la FFT traverse une crise morale et éthique grave sans que la puissance publique ne s’en soit occupée », a observé M. Laurent Mauduit, lors de son audition ([11]). « Je ne m’explique pas cette inertie, alors que les faits sont connus. »

Comment expliquer qu’il ait fallu attendre la « déflagration » ([12]) qu’ont constituée les révélations du média Disclose et le « choc Sarah Abitbol » pour que l’État et le mouvement sportif commencent à ouvrir les yeux sur un phénomène de grande ampleur ?

La deuxième partie du présent rapport d’enquête reviendra en détail sur l’inertie coupable des pouvoirs publics face au scandale des violences sexuelles dans le sport. Dès décembre 2009, un reportage de l’émission Envoyé spécial sur France 2 alertait sur les violences sexuelles dans les sports de glace. Ce reportage permettait, malgré le floutage, d’identifier aisément Gilles Beyer, l’agresseur de Sarah Abitbol accusé de harcèlement sexuel. « Ce reportage a failli ne pas être diffusé en raison des pressions exercées sur France 2 », a relevé la mission d’inspection qui sera chargée, seulement onze ans plus tard, de faire la lumière sur les violences sexuelles au sein de la Fédération française des sports de glace ([13]).

Comment expliquer qu’il ait fallu attendre la fin de l’année 2022 pour que l’État s’intéresse aux dysfonctionnements au sein de la Fédération française de football ?

Dès juin 2011, dans le rapport consacré à l’affaire dites des « quotas » qui avait éclaboussé le football français, l’Inspection générale notait : « L’organisation de la fédération mériterait une étude approfondie tant elle semble peu adaptée à un fonctionnement harmonieux de toutes ses composantes. » ([14])

M. Romain Molina, journaliste, a rappelé lors de son audition avoir alerté à de nombreuses reprises sur les dysfonctionnements de la Fédération française de football : « J’ai beaucoup publié au sujet de la Fédération française de football (FFF), depuis plusieurs années, principalement dans le New York Times, où j’ai relaté la culture toxique en place à la fédération. Quelle ne fut pas ma surprise de constater l’omerta incroyable dès que l’on touche à la FFF ! Personne ne voulait me parler pendant des années, d’autres personnes se rétractaient. » ([15])

Le 15 octobre 2020, M. Romain Molina cosignait ainsi un article dans le quotidien américain The New York Times ([16]), dans lequel il révélait la teneur du rapport d’audit d’un cabinet de conseil, missionné par M. Noël Le Graët, président de la Fédération française de football, pour analyser les causes du climat social dégradé au sein de l’équipe de direction de la fédération et apporter un éclairage sur des situations de harcèlement au travail. M. Molina relevait que l’« aura chatoyante » de la Fédération française de football « cache un mécontentement croissant et notamment des accusations de comportements inappropriés à l’égard du personnel féminin, de harcèlement de la part de la directrice générale de l’organisation, et l’existence d’une culture toxique entretenue par des hommes qui emploieraient systématiquement un langage ouvertement sexiste et feraient des remarques suggestives à leurs collègues féminines ».

Nous sommes en octobre 2020 et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est affichée comme une priorité politique du ministère. Il faudra pourtant attendre le 28 septembre 2022 pour que l’Inspection générale soit saisie d’une mission d’audit de la Fédération française de football ([17]).

La rapporteure s’étonne, au vu de ce qui précède, que le rapport de l’Inspection générale commence par ces termes : « Des articles de presse publiés à partir du début du mois de septembre 2022 font état de graves difficultés de fonctionnement au sein de la Fédération française de football (FFF). »

La rapporteure juge impossible que la situation n’ait pas été connue avant septembre 2022 par le ministère des sports.

Le manque de réactivité du ministère des sports s’illustre aussi dans la situation de la Fédération française de kickboxing, muaythaï et disciplines associées, où de graves accusations ont été formulées devant la commission d’enquête par M. Romain Molina et par d’autres canaux, nombreux.

Système de prostitution implanté dans un club d’Aulnay-sous-Bois, trafic de faux papiers, interventions auprès de commissariats afin d’empêcher des dépôts de plainte, détournements de fonds publics, violences physiques aggravées : l’ampleur et la gravité des faits, que la rapporteure n’est pas en mesure d’apprécier dans leur ensemble mais sur lesquels elle a été destinataire de nombreuses pièces et témoignages, appelait une réaction sans délai du ministère.

M. Molina a présenté lors de son audition un tableau Excel ([18]) à l’appui de l’existence d’un système de chantage sexuel dans un club d’Aulnay-sous-Bois : « S’agissant du système de prostitution, cela se passe à Aulnay-sous-Bois. Il existe un tableau Excel – que je peux vous envoyer  qui associe des noms à des fellations : ceux des mères des jeunes combattantes ou jeunes combattants, qui doivent faire des fellations aux responsables. Le tableau Excel comporte même des appréciations : "Doit faire ses preuves", "Favorable", et indique le nombre de fellations encore à réaliser pour que les enfants aillent au gala ou intègrent l’équipe de France. Le mail qui avait été adressé à cet homme l’a été par une femme qui, en réalité, sondait les mères pour voir si elles étaient disponibles. Le mail dit notamment ceci : "Ci-joint le tableau amélioré, avec avis de madame et planning à la semaine. Crois-moi, avec ça, elles vont te la gérer comme personne, ta petite bite". Je n’avais jamais vu cela de ma vie. Le pire est que ces gens s’en vantent ! Ils sont fiers d’eux. »

Quelques semaines après son audition par la commission d’enquête, M. Romain Molina a publié dans le média Blast une longue enquête sur la gestion de la Fédération française de kickboxing, muaythaï et disciplines associées par son président, M. Nadir Allouache, intitulé : « Kickboxing / Muay-thaï : une fédération à la dérive » ([19]).

M. Molina a indiqué avoir transmis des alertes et documents au ministère des sports sans avoir obtenu de retour, jusqu’à la veille de son audition par la commission d’enquête, le 20 juillet 2023 : « Je n’ai pas eu de retour. Une personne a demandé depuis le mois de mars à avoir un entretien physique avec Mme Fabienne Bourdais, sans l’obtenir. J’ai été opportunément contacté hier, la veille de mon passage devant votre commission. »

À la suite de l’audition de M. Molina, un article du journal Ouest-France révélait ([20]), le 22 septembre 2023, que « le ministère des sports a saisi la justice après avoir eu connaissance de faits susceptibles de révéler un système de chantage de nature sexuelle, au sein d’un club affilié de kickboxing, a indiqué l’AFP vendredi 22 septembre de source proche du dossier. Le nom du club n’a pas été précisé, ni la nature exacte des faits rapportés ».

Le 27 avril 2023, la direction des sports, adressait un courrier à M. Nadir Allouache, président de la Fédération française de kickboxing, muaythaï et disciplines associées ([21]) qui observait qu’alors que le système informatisé « SI-honorabilité » ([22]) permettant le contrôle automatisé de l’honorabilité des éducateurs sportifs bénévoles est effectif au sein de sa fédération depuis le 1er septembre 2021, aucun fichier de licenciés n’avait été déposé. Le 2 octobre 2023, 6 438 identités de bénévoles avaient été contrôlées.

Alors que les autorités ont été destinataires d’alertes dès le mois de mars, une mission de contrôle relevant de la revue permanente de l’Inspection générale n’a été lancée que le 25 septembre 2023. La rapporteure exige la transparence immédiate sur la gestion de cette fédération et une remise en cause de sa délégation si nécessaire.

Recommandation  1 : Publier dans les plus brefs délais un état des lieux de la gestion de la Fédération française de kickboxing, muaythaï et disciplines associées, un état du respect des textes et un bilan de l’exécution de son contrat de délégation par cette fédération et, le cas échéant, procéder sans délai au retrait de la délégation.

2.   Un « système » qui se protège par la désignation de boucs émissaires ?

M. Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d’État et président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) a condamné fermement la réaction des pouvoirs publics en matière de lutte contre les violences :

« Mon sentiment est que l’inaction dans ce domaine s’est doublée d’une forme d’hypocrisie car à chaque révélation de violences passées, on assiste au même jeu de rôle, interprété à la perfection. On prend des mines éplorées ; les pouvoirs publics affichent leur indignation, leur réprobation dans les termes les plus sévères, leur compassion, aussi, pour les victimes. Avec le plein appui de l’opinion, ils désignent à la vindicte quelques boucs émissaires, le plus souvent des entraîneurs sportifs ou, plus rarement, un président de fédération particulièrement défaillant. Ce jeu de rôle évite de se confronter au véritable problème et de mettre à plat un passé bien plus sombre que les quelques affaires révélées ici ou là par les rares victimes capables de parler publiquement de ce qui leur est arrivé et de s’adresser à l’opinion. Il permet aussi de se voiler la face sur l’ampleur du mal et de ses conséquences, ainsi que sur des défaillances systémiques qui ont pu se produire dans les différents milieux. » ([23])

L’analyse formulée par le journaliste Romain Molina, qui estime que le rapport de l’Inspection générale sur la Fédération française de football n’est pas « allé au fond des choses », rejoint largement celle de M. Jean-Marc Sauvé : « En France, on s’est toujours attaqué à une personne en particulier, souvent les présidents de fédérations : M. Laporte dans le rugby et M. Le Graët dans le football. Mais à aucun moment on ne s’attaque au système, comme si une seule personne était responsable de toute la mélasse, de toute la crasse. Soit on prend les gens pour des imbéciles, soit il s’agit d’un manque de connaissance, mais dans les deux cas, cela ne réglera pas les problèmes. On a sauvegardé des systèmes déficitaires, qui ont fermé les yeux sur des actes abominables, sans jamais s’attaquer au fond du problème. » ([24])

Une personne entendue à huis clos par la commission d’enquête a aussi souligné l’habitude de « couper des têtes […] quand il y a un dysfonctionnement… mais le système reste en place. Je n’ai rien personnellement contre Noël Le Graët, mais nous sommes bien d’accord pour dire que la Fédération française de football ne s’est pas complètement transformée parce qu’on lui a coupé la tête ».

La rapporteure souscrit pleinement à cette analyse qui est revenue de manière récurrente.

Évoquant la gestion par l’État des dérives au sein des fédérations, M. Pierre‑Alain Raphan, ancien député et ancien rapporteur de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, a déclaré : « Le premier rôle de l’État est de protéger. Ceci étant, il y a parfois un État qui se protège. » Et de poursuivre : « J’ai vu certaines choses et je me suis dit qu’il fallait modifier le système plutôt que de s’attaquer aux hommes qui avaient détourné le système. » ([25])

M. Denis Masseglia, ancien président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), a renvoyé l’État à ses propres responsabilités dans le scandale des violences sexuelles dans les sports de glace : « Je voudrais souligner que les fédérations n’ont pas été les seuls acteurs dans les affaires que vous évoquez. En ce qui concerne le cas de Sarah Abitbol, le principal coupable est Gilles Beyer, cadre technique d’État mis à la disposition de la fédération. Il serait un peu simple de résumer les responsabilités en disant : “la faute à la fédé ! » atil observé ([26]).

Les constats formulés dans la deuxième partie du présent rapport d’enquête démontrent clairement, s’agissant du cas de Sarah Abitbol, de la Fédération française des sports de glace et des violences sexuelles en général, que c’est en réalité tout un système qui a failli. Les responsabilités du désastre se situent à tous les étages d’un mille-feuille dont la complexité permet à chacun de se défausser.

Quant à M. Jean-François Lamour, que Sarah Abitbol a accusé d’avoir fermé les yeux sur les viols dont elle a été victime quand il était ministre, on le retrouve parmi les membres du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, installé le 29 mars 2023 par Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports, et chargé de formuler des préconisations sur la protection des pratiquants contre les violences sexuelles notamment ([27]).

La rapporteure a souhaité étayer précisément l’inertie du ministère à travers une évaluation de l’usage qu’il fait, ou ne fait pas, de ses prérogatives à l’égard des fédérations sportives.

B.   D’une tutelle fictive à un contrôle fictif ?

La tutelle à laquelle étaient soumises les fédérations sportives jusqu’en 2021 a été qualifiée de fiction ou de « mythe » ([28]). L’étude annuelle 2019 du Conseil d’État, Le sport : quelle politique publique ?, évoquait les « faux-semblants de la tutelle de l’État sur les fédérations » ([29]).

Les leviers majeurs que constituent l’agrément et la délégation n’ont pas réellement été utilisés par l’État afin de contrôler et orienter l’action des fédérations, et n’ont été mobilisés que tardivement et partiellement au service de l’éthique et de la lutte contre les violences.

La rapporteure reviendra plus en détail dans la deuxième partie du présent rapport d’enquête sur des dysfonctionnements constatés à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), qui illustrent également la faiblesse de la tutelle exercée par le ministère sur les établissements publics.

1.   Des fédérations longtemps sous tutelle fictive

Trois types de fédérations sportives doivent être distingués : les fédérations sportives, les fédérations sportives agréées et les fédérations sportives délégataires ([30]). Si toutes sont soumises au contrôle du ministère des sports, l’agrément et la délégation constituent une reconnaissance essentielle, qui leur permet de participer à l’exécution d’une mission de service public et de bénéficier d’un soutien de l’État.

Or en pratique, l’État n’a jamais réellement exercé sa mission de tutelle à l’égard des fédérations, par ailleurs contestée par les fédérations sportives internationales et le CNOSF. En 2017, l’Inspection générale ([31]) relevait ainsi qu’« en pratique, on peut considérer que cette tutelle "juridique" n’est pas véritablement assurée par la direction des sports ; les dispositifs d’agrément et de délégation ne font pas l’objet d’un contrôle régulier et la direction des sports n’assure pas un contrôle de légalité systématique de tous les actes des fédérations, y compris de ceux qui proviennent des fédérations délégataires ».

a.   L’agrément des fédérations sportives : une procédure « sans contrôle périodique organisé »

Jusqu’en 2021, l’agrément des fédérations sportives était délivré pour une durée indéterminée ([32]). « Premier niveau de reconnaissance accordé par l’État à une fédération » ([33]), l’agrément confère deux avantages très importants :

– le versement de subventions ;

– la mise à disposition par le ministère des sports de personnels de l’État ou d’agents publics rémunérés par lui, les conseillers techniques sportifs (CTS) ([34]).

En contrepartie de ces avantages, les fédérations sportives agréées doivent respecter certaines obligations, notamment adopter des statuts comportant certaines dispositions obligatoires, un règlement disciplinaire conforme à un règlement disciplinaire type, etc. ([35])

Pour être agréées les fédérations doivent en particulier en théorie adopter des statuts qui garantissent « le caractère démocratique de leurs élections et de leur fonctionnement » ([36]).

Cependant, le degré d’exigence fixé par l’État est minimal. Cette condition est jugée remplie dès lors que les statuts comportent des dispositions obligatoires rédigées de manière très large.

Par ailleurs, dans son rapport de 2017 précité, l’Inspection générale relevait que « l’agrément [était] délivré pour une durée indéterminée et il ne [faisait] pas dans les faits l’objet d’un examen périodique permettant de vérifier que les fédérations continuent de respecter sur la durée les conditions requises pour l’obtention et le maintien de l’agrément ».

Quant à la vérification de la conformité des règlements fédéraux et des statuts, le rapport observait qu’elle intervenait « de manière épisodique, soit suite à la transmission spontanée et volontaire réalisée par une fédération à l’occasion d’une modification d’un de ces textes pour avis du ministère, soit à la suite d’une campagne plus large menée par le ministère, et qui fait généralement suite à une évolution législative ou réglementaire sur un point particulier ».

Ainsi, en dehors de situations particulières portées à la connaissance du ministre chargé des sports, le bénéfice de l’agrément accordé à une fédération n’était pas régulièrement réévalué.

b.   Une délégation longtemps « sans contenu ni contrepartie »

i.   Un acte juridique essentiel porteur d’une grande valeur économique…

Dans chaque discipline sportive et pour une durée de quatre ans, une seule fédération agréée reçoit une délégation du ministre chargé des sports.

La délégation est le plus haut niveau de reconnaissance apporté par l’État à une fédération sportive.

Comme l’a souligné devant la commission d’enquête M. Philippe Rousselot, président de section à la 3e chambre de la Cour des comptes : « Cette délégation est un acte juridique majeur, par lequel l’État, indépendamment des subventions, délègue un service public à des bénéficiaires qui vont, dès lors, disposer d’un monopole pour la délivrance des titres nationaux, l’organisation des compétitions internationales et la gestion et la mise en œuvre des équipes nationales. » ([37])

Ces délégations ont une grande valeur économique. Comme le souligne la Cour des comptes, « elles sont souvent la principale source de revenus des fédérations délégataires. Pour la FFF, l’équipe de France masculine génère près de 78 millions d’euros de recettes nettes soit plus de 35 % des ressources annuelles de la fédération. Cet acte immatériel de l’État remis à un tiers qui l’exploite à son compte doit être pris en considération dans la relation avec les fédérations » ([38]).

ii.   … pourtant longtemps sans réelles contreparties

Mme Roxana Maracineanu, ancienne ministre déléguée chargée des sports, a rappelé qu’avant 2021, « en échange du monopole accordé à une fédération pour être la seule fédération dans sa discipline et de l’octroi de prérogatives de puissance publique, le ministère n’émettait aucune exigence extrasportive » ([39]).

La délégation ne s’accompagnait ainsi d’aucune obligation en matière d’éthique, en particulier dans le champ de la lutte contre les violences, les discriminations, les atteintes à la probité.

Plus généralement, l’Inspection générale et la Cour des comptes ont eu l’occasion de pointer, à de nombreuses reprises, une absence de contrepartie à la délégation et « un très faible nombre d’obligations spécifiques pour les fédérations demandeuses ».

Déplorant que cet acte fondateur de la relation entre l’État et les fédérations n’ait pas été « activé », la Cour des comptes appelait l’État à « donner un sens et un contenu à ces délégations qui incarnent mieux que les diverses procédures contractuelles et aides, la mission d’intérêt général qui lui revient envers le mouvement sportif » ([40]).

iii.   Un État qui exerce ses prérogatives de manière restrictive

La Cour des comptes rappelait en 2017 dans un rapport concernant la Fédération française de football que « le ministre chargé des sports (ou le préfet) reçoit toutes les modifications apportées aux statuts, au règlement intérieur, au règlement disciplinaire, au règlement fédéral de lutte contre le dopage et au règlement financier, ainsi qu’à leurs annexes.

« Il reçoit aussi le rapport annuel et les comptes ; une information sur les changements survenus au sein de ses instances dirigeantes et de sa direction générale. Sur simple demande, il a accès à tout document concernant l’administration et le fonctionnement de la fédération et sur réquisition, à tous les documents administratifs et comptables, dont le règlement financier.

« Le ministre a enfin le droit de faire visiter par ses délégués les établissements fondés par la Fédération et de se faire rendre compte de leur fonctionnement. » ([41])

La Cour observait que « les textes ouvrent donc un assez large pouvoir de contrôle à l’État dans l’exercice de sa tutelle, d’autant que l’Inspection générale de la jeunesse et des sports a également un droit d’enquête et de contrôle sur la fédération ».

« L’État a tous les moyens d’être un acteur majeur de la gouvernance du premier sport français », relevait la Cour ([42]).

L’État peut également, s’agissant d’une fédération délégataire, déférer à la justice administrative un acte pris en vertu de la délégation qu’il estime contraire à la légalité, en assortissant sa demande, le cas échéant, d’une demande de suspension ([43]). L’exercice de ce contrôle a aussi été jugé « parcimonieux » par la Cour des comptes, qui a souligné que « peu d’actes jugés litigieux » avaient été déférés à la justice administrative ([44]).

S’agissant du retrait de l’agrément et de la délégation, le ministère des sports n’en a fait usage que de façon exceptionnelle. Cette faculté n’a été utilisée qu’à deux reprises dans les deux dernières décennies :

– en 1998 à l’encontre de la Fédération française d’haltérophilie en raison de manquements au fonctionnement démocratique et à sa mission de service public, de sa situation financière et du non-respect des dispositions de lutte contre le dopage figurant au code du sport ;

– et en 2005, à l’encontre de la Fédération française d’équitation pour non-respect des dispositions statutaires obligatoires, notamment en matière de lutte contre le dopage ([45]).

La Cour des comptes, en 2017, soulignait que « les affaires récentes impliquant les fédérations françaises de tennis, de cyclisme ou des sports de glace, portées sur la place publique, n’ont pas donné lieu à retrait de la délégation malgré parfois des rapports sévères de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports » ([46]).

Elle rappelait enfin qu’en cas d’absence de délégation, les compétences attribuées aux fédérations délégataires peuvent être exercées, pour une période déterminée et avec l’autorisation du ministre chargé des sports, par une commission spécialisée mise en place par le CNOSF. « Aussi les voies et moyens d’une gestion “correctrice” sont prévus et peuvent être mis en œuvre », insistait la Cour ([47]).

Comme l’a résumé devant la commission d’enquête M. Dominique Lefebvre, conseiller maître à la Cour des comptes, « les outils existent. Ils ne demandent qu’à être utilisés » ([48]).

2.   Une ambition affichée de renforcer le contrôle des fédérations et de remettre la protection de l’éthique au cœur de la mission de l’État

« Nous avons complètement refondé la relation de l’État au mouvement sportif » a indiqué Mme Roxana Maracineanu, ancienne ministre déléguée chargée des sports, en se référant aux modifications apportées par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ([49]).

Désormais, l’agrément n’est plus délivré « ad vitam aeternam » ([50]) mais pour une durée de huit ans renouvelable ([51]) et il est conditionné à la souscription du contrat d’engagement républicain, lequel doit comporter des engagements en matière de protection de l’intégrité physique et morale des personnes.

Surtout, pour les fédérations délégataires, la notion de « tutelle » a disparu au profit d’un contrat de délégation, censé constituer le cœur d’une relation refondée avec un État qui affichait l’ambition de reprendre en main ses missions régaliennes.

« Autrefois strictement limité au champ sportif, le cadre de la délégation élargit donc les droits et devoirs du mouvement sportif fédéral, notamment sur le plan de l’éthique, la vie démocratique, la bonne gouvernance de la fédération et la protection de l’intégrité des pratiques comme des pratiquants », indiquait ainsi l’étude d’impact du projet de loi confortant le respect des principes républicains.

La rapporteure salue le principe de ces contrats dont la réussite supposait néanmoins, comme l’a souligné la Cour des comptes, que la direction des sports soit dotée des « moyens humains et d’expertise pour conduire cette démarche de pilotage par la performance et les résultats, et que les résultats en soient effectivement pris en compte et soutenus sur un plan politique » ([52]).

Selon Mme Roxana Maracineanu, « l’idée était de responsabiliser les fédérations » en étant « exigeant dans la délégation de service public que nous donnons à une fédération               et de se donner les moyens de contrôler ces contrats de délégation » ([53]).

Interrogé sur ce point, M. Stéphane Diagana, coprésident du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, a pourtant indiqué : « Il ressort de façon unanime des discussions que nous avons eues à ce sujet au sein du Comité que cette ambition fait clairement défaut. »

3.   Les nouveaux contrats de délégation : une « ambition qui fait clairement défaut »

a.   … dans le contenu

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, a insisté sur la nécessité de mener avec les fédérations « un dialogue serré, exigeant, précis, assis sur des chiffres et des indicateurs de performance. Cela permet notamment de cartographier les risques, de connaître les problèmes, les vulnérabilités et l’historique de chaque fédération, et de savoir ce qu’il faut essayer de réparer » ([54]).

La rapporteure a auditionné seize présidents de fédération dont elle a lu attentivement les contrats de délégation ([55]). Il en ressort que ces documents ne sont pas à la hauteur de l’ambition qu’ils devaient déployer, comme l’a relevé M. Stéphane Diagana. Ils constituent bien souvent une compilation d’engagements – pour certains déjà mis en œuvre –, qui ne tiennent pas suffisamment compte des situations spécifiques des fédérations.

Ils apparaissent lacunaires dans leur périmètre et assortis d’engagements insuffisamment précis, ce qui est de nature à limiter la capacité juridique de l’État de retirer une délégation.

Le contrat de délégation de la Fédération française de football (FFF) illustre les lacunes de cet outil

À titre d’exemple, alors que les contrats doivent fixer des engagements, le titre III du contrat de délégation de la FFF relatif à la « gouvernance et au fonctionnement démocratique de la fédération » (1) ne comporte que des descriptions d’actions déjà mises en œuvre par la fédération (2) ou des déclarations de principe : « La fédération rappelle son attachement à l’exercice d’un dialogue social de qualité avec les représentants du personnel et adapté aux évolutions de la FFF. »

En matière de gouvernance et de fonctionnement démocratique, les marges d’amélioration de la FFF sont pourtant significatives, comme l’a relevé l’Inspection générale, qui recommandait à la FFF de « réviser [ses statuts] en prévoyant des dispositions qui garantissent l’information et l’expression des oppositions à un haut niveau de gouvernance tout en permettant une gestion efficace par une majorité stable » (3).

Alors que les contrats de délégation doivent, en application du code du sport, comporter des engagements en matière de bonne gouvernance, le ministère des sports n’en a, dans le cas de la FFF, fixé aucun. Ce constat vaut pour l’ensemble des contrats de délégation dont la rapporteure a pris connaissance (4).

Le contrat ne compte aucune clause relative à l’intégrité et à l’exemplarité des dirigeants.

Alors que sa politique disciplinaire a été particulièrement défaillante en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, le contrat de délégation de la Fédération française de football est muet sur ce volet majeur.

(1)    Voir l’annexe  5 du rapport d’enquête.

(2)    « La FFF diffuse l’ensemble de ses décisions de ses organes d’administration et de fonctionnement (PV, AG, Comex, HAF) ainsi que ses rapports financiers sur son site web FFF.fr » ; « l’organisation de la FFF est disponible sur site web FFF.fr » ; « à noter enfin la participation d’élus des ligues et districts à la construction et au suivi du projet fédéral à travers le programme Performances 2024 organisé sous forme de comités de pilotage », etc.

(3)    IGÉSR, Contrôle du pilotage de la Fédération française de football et du respect des obligations qui s’y rattachent, février 2023.

(4)    Voir par exemple cet extrait de l’article 3-1 du titre III du contrat de délégation signé entre le ministère des sports et la Fédération française de rugby (FFR) : « La FFR entend poursuivre ses ambitions en matière de démocratie participative en mettant en œuvre une gouvernance sans cesse rénovée et représentative de la vie des clubs. Elle s’engagera ainsi dans une réflexion autour d’une nouvelle réforme de son organisation institutionnelle, concertée entre les groupes majoritaire et minoritaire au sein du Comité directeur et destinée à optimiser son fonctionnement exécutif dans le respect de l’élaboration d’orientations stratégiques respectueuses du pluralisme démocratique. »


« Venant de la Cour des comptes, j’ai une culture très quantitative. Mes dossiers sont bourrés de chiffres. Mes équipes savent que, lorsqu’il me manque un chiffre, je le réclame jusqu’à l’obtenir. Je ne peux donc pas vous laisser dire que le sport français manque d’indicateurs : il y en a partout », s’est défendue la ministre ([56]).

« Il manque effectivement des objectifs clairs et précis, ainsi que des indicateurs de mesure », et « ce qui ne se mesure pas est difficile à piloter », a pourtant jugé M. Stéphane Diagana, coprésident du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport ([57]).

Mme Stéphanie Bigas-Reboul, sous-directrice du contrôle de l’Agence française anticorruption (AFA), a aussi estimé que l’État n’avait pas suffisamment explicité ses attentes vis-à-vis des risques d’atteinte à la probité dans les contrats de délégation. « Je sais que le ministère des sports se posera la question au moment de la renégociation des contrats, afin d’introduire des exigences plus globales et moins parcellaires », a-t-elle précisé ([58]).

« Il s’agit d’un premier jet, qui est évidemment perfectible », a reconnu Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports ([59]). Interrogée sur le caractère trop vague, incomplet et dépourvu d’indicateurs précis de ces contrats : « Je l’explique par l’urgence dans laquelle nous avons travaillé, à la sortie du décret d’application sur les contrats de délégation, compte tenu des délais prévus pour conclure ces contrats. Les fédérations sont très nombreuses et nous avons eu très peu de temps. » ([60])

La rapporteure estime que ces lacunes sont en partie imputables au manque criant de moyens de la direction des sports, qui n’ont hélas pas été renforcés à la hauteur de l’ambition politique affichée d’instaurer un véritable contrôle des fédérations.

Force est de constater que l’État n’a pas saisi pleinement cette opportunité historique de rehausser son niveau d’exigence envers les fédérations et de conditionner la délégation à des engagements suffisamment précis en matière de renforcement de l’éthique et de la protection des pratiquants.

Ce manque d’ambition et de précision des contrats signés en mars 2022 prive l’État de capacités de réaction en cas de dérive, comme l’a montré la crise qui a suivi au sein de la Fédération française de football. Un objectif précis et ambitieux en matière d’exemplarité des dirigeants aurait pourtant pu offrir par exemple un levier essentiel.

Recommandation n° 2 : Faire de la prochaine génération de contrats de délégation de véritables outils au service du renforcement de l’éthique en déclinant dans l’ensemble des champs concernés des objectifs précis, tenant compte de la situation de chaque fédération et assortis d’indicateurs permettant d’en mesurer l’atteinte.

Soumettre la prochaine génération de contrats de délégation à l’avis de l’autorité administrative indépendante chargée de l’éthique du sport que la rapporteure appelle à mettre en place.

b.   … dans le contrôle et l’évaluation

Alors que ces contrats doivent faire l’objet d’une évaluation annuelle, à la fin de l’année 2023, la première campagne annuelle d’évaluation, engagée en juillet, était loin d’être achevée par une direction dépourvue des capacités de contrôle nécessaires.

« Pour préparer ces réunions de bilan de contrat de délégation, nous menons en amont un travail avec chaque fédération, pour reprendre les différents items et les sujets sur lesquels il pourrait y avoir des difficultés. De même, après l’entretien, un compte rendu exhaustif de tout ce qui s’est dit au cours du dialogue est rédigé, tandis qu’un courrier est adressé au président de la fédération, qui acte les attentes en matière d’amélioration. C’est grâce à tout ce dispositif que l’on peut motiver, ensuite, une éventuelle décision de retrait d’agrément ou de délégation », a explicité la directrice des sports.

Lors d’un contrôle sur pièces et sur place à la Fédération française d’athlétisme le 17 novembre 2023, la rapporteure a pu constater que c’est la fédération qui a défini les indicateurs pertinents pour évaluer l’atteinte des objectifs, et qui s’est auto-évaluée. Elle a d’ailleurs renseigné comme étant « atteints » des « objectifs » en matière de contrôle de l’honorabilité et de mise en œuvre de la surveillance médicale réglementaire, alors que cette fédération accuse un retard en ce domaine…

« L’idée d’un engagement réciproque du mouvement sportif et de l’État sur une série d’objectifs est bonne. Encore faut-il ensuite que l’État dispose des moyens de suivre la réalisation de ces contrats. On peut toujours signer des contrats, bien sûr, mais sans moyens de contrôle, et sans moyens d’accompagnement lorsque les fédérations sont en difficulté, leur effectivité restera sujette à caution », a conclu à juste titre Mme Marie-George Buffet, ancienne ministre chargée des sports, coprésidente du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport ([61]).

4.   Une inspection générale insuffisamment sollicitée et suivie

Le ministère dispose avec l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) ([62]) d’un outil majeur de contrôle des fédérations sportives, des établissements publics sous tutelle et d’évaluation de ses politiques. Cependant, comme cela a été relevé précédemment, la politique de saisine peut susciter certaines interrogations et le champ et la régularité des contrôles nécessitent d’être fortement renforcés.

a.   Un outil précieux insuffisamment doté et sollicité…

Les missions de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche

Le programme de travail annuel de l’Inspection générale est fixé par ses ministres de tutelle (1). S’agissant des fédérations sportives, deux types de missions doivent être distingués :

– les missions effectuées au titre de la revue permanente des fédérations sportives ;

– les missions de contrôle sur saisine en cas de dysfonctionnement avéré.

Mme Caroline Pascal, cheffe de l’Inspection générale, a ainsi présenté ces « deux types d’enquêtes sur les fédérations :

«  d’une part des missions de contrôle, qui sont des missions de conformité, où nous regardons le fonctionnement général, structurel de chacune des fédérations, dans une situation qui n’est pas dysfonctionnelle ;

«  d’autre part des missions liées à un dysfonctionnement. Lors d’une mission de contrôle, il arrive que nous découvrions un certain nombre de dysfonctionnements. Nous passons dans un autre mode d’enquête, qui vient confirmer ou infirmer des faits précis de dysfonctionnement, qui peuvent être d’ordre différent, notamment ceux que vous avez mentionnés, comme des violences sexuelles et sexistes, que nous appelons VSS, des dysfonctionnements financiers ou tout autre type de dysfonctionnement. »

En outre, l’Inspection générale effectue des enquêtes administratives sur saisine ministérielle.

Pour l’année 2024, au titre de la revue permanente, quatre fédérations seront contrôlées.

(1)    Voir l’annexe  6 du rapport d’enquête.

Face à la multiplication des révélations de dérives ces dernières années, Mme Caroline Pascal, cheffe de l’Inspection générale, confirme que « Madame Roxana Maracineanu puis Madame Amélie Oudéa-Castéra, ont saisi [l’inspection] de manière beaucoup plus fréquente qu’elle ne l’était auparavant, notamment depuis 2020, sur des cas de dysfonctionnement, signalés soit par des remontées directes, soit par une interpellation des médias » ([63]). Ses rapports ont ainsi « été à l’origine de dix signalements de l’Inspection générale depuis 2020 en application de l’article 40 du code de procédure pénale », ce qui illustre l’importance d’une politique de saisine un peu plus exigeante.

Dernier contrôle des fédérations sportives auditionnées par la rapporteure dans le cadre de la revue permanente ([64])

Fédération

Contrôle ou revue permanente

Fédération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées

2021

Fédération française de gymnastique

2018

Fédération française d’escrime

en cours

Fédération française de tennis

2022

Fédération française de football

1995

Fédération française des sports de glace

2023

Fédération française d’athlétisme

2019

Fédération française handisport

2014

Fédération française de rugby

1996

Fédération française de natation

2014

Fédération française de volley-ball

2007

Fédération française de handball

1999

Fédération française d’équitation

2021

Fédération française de kickboxing, muaythaï et disciplines associées

en cours

Fédération française de basket-ball

2023

Fédération française de canoë-kayak et sports de pagaie

2022

Source : IGÉSR.

La rapporteure a eu l’occasion de relever que le ministère a fait preuve d’une trop grande inertie face aux dérives de certaines fédérations. L’absence d’enquête sur la Fédération française de football entre 1995 et 2023 ne peut que susciter l’interrogation.

Au sujet de l’enquête sur la Fédération française de football, la cheffe de l’Inspection générale reconnaît par ailleurs qu’une mission « est limitée dans le temps, ce qui ne permet sans doute pas de voir tout ce qui aurait pu être découvert » ([65]).

Mme Caroline Pascal a indiqué que dans le cadre des missions de contrôle de revue permanente, l’Inspection générale s’était donné « comme objectif en 2014 d’avoir vu l’ensemble des fédérations sportives avant 2024 ».

Si la plupart des fédérations délégataires auditionnées par la rapporteure ont fait l’objet d’une inspection au cours des dernières années, dans le cadre de la revue générale, ce n’est pas le cas de toutes, même si le fonctionnement de certaines fédérations a cependant pu être examiné au cours de missions d’audit.

Ainsi, la mission de contrôle relative à la Fédération française de football, conduite d’octobre 2022 à février 2023, a-t-elle porté sur la gouvernance de la fédération et sa politique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes. En revanche, les problématiques d’atteintes à la probité n’ont pas été traitées. La Fédération française de rugby a pour sa part fait l’objet d’un contrôle budgétaire et financier de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, réalisé de manière conjointe avec l’Inspection générale des finances (IGF) ([66]).

Sur le plan de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, si des rapports très importants ont été rédigés depuis 2020 sur quelques rares fédérations particulièrement ciblées, comme la Fédération française de judo ou la Fédération française des sports de glace, les contrôles sont notoirement insuffisants – d’autant que les rapports antérieurs à 2020 sont largement muets sur ce sujet ([67]) et que les revues permanentes ont un champ trop vaste pour aborder ce sujet en profondeur.

Par ailleurs, on peut s’étonner que le ministère n’ait pas cherché à évaluer les outils mis en place pour lutter contre les violences sexuelles, à commencer par la cellule Signal-sports ou encore la mise en œuvre du contrôle de l’honorabilité, ce qui lui aurait permis d’identifier de nombreuses lacunes et angles morts.

Mme Caroline Pascal a alerté sur « la nécessité de pouvoir conforter la revue permanente des fédérations, au-delà des Jeux olympiques et paralympiques qui […] ont permis d’en voir trois ou quatre par an. C’est un moyen de regarder régulièrement leur fonctionnement et d’en tirer un certain nombre de préconisations plus générales et plus structurelles. Cela suppose que le traitement des urgences ne vienne pas impacter directement notre programme de travail. Depuis 2020, des saisines très importantes nous ont beaucoup occupés et ont parfois perturbé le rythme de revue permanente que nous avions mis en place » ([68]).

La rapporteure juge indispensable que les fédérations sportives fassent l’objet de contrôles beaucoup plus fréquents et approfondis, afin de mieux repérer et prévenir les dysfonctionnements. Pour ce faire, les moyens de ce corps interministériel doivent être fortement renforcés.

 

Recommandation  3 : Relever les moyens de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, afin de renforcer la fréquence (tous les trois ans) et la profondeur des contrôles.

b.   … dont les recommandations doivent être mieux prises en compte par le ministère des sports

L’Inspection générale a formulé des préconisations très importantes dans plusieurs rapports, notamment en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, à travers une mission conduite en 2014 dont les conclusions sont hélas restées sans suite ([69]).

En particulier, elle a régulièrement appelé à une modernisation des relations entre l’État et les fédérations et identifié des causes majeures de dysfonctionnements : défaillances de gouvernance interne des fédérations, gestion défaillante des cadres d’État, absence d’ambition des conventions d’objectifs, manque de moyens du ministère des sports, appel à clarifier les règles relatives aux marchés et contrats conclus par les fédérations, etc.

La rapporteure a constaté que beaucoup trop de recommandations, parfois anciennes et formulées de façon récurrente, n’étaient pas prises en compte par le ministère des sports.

Par ailleurs, l’Inspection générale ne dispose pas de prérogatives lui permettant d’assurer le suivi des préconisations formulées dans ses rapports, ce suivi étant effectué par la direction des sports ([70]). L’Inspection générale ne peut donc pas exercer de droit de suite auprès de la direction des sports, des fédérations sportives ou établissements publics sous tutelle du ministère des sports. Cette situation n’est à l’évidence pas satisfaisante.

Recommandation  4 : Doter l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche d’une mission de suivi et d’un droit de suite de ses recommandations auprès de la direction des sports, des fédérations sportives et des établissements publics sous tutelle.

C.   Un État défaillant dans son rôle de garant du respect des lois et règlements en vigueur

L’une des premières missions de l’État est de veiller « au respect des lois et règlements en vigueur par les fédérations sportives » ([71]).

Interrogée sur la création d’une autorité administrative indépendante chargée de veiller à l’éthique du sport, proposition qu’elle avait défendue en 2018 à la tête de l’association « Rénovons le sport français » ([72]), Mme Amélie Oudéa-Castéra a déclaré : « En cette fin d’année 2023, ce serait manquer de respect au législateur que de ne pas tenir compte de tout ce qu’il s’est échiné à mettre en place. Les choses ont bougé : nous disposons aujourd’hui d’un arsenal permettant de nous assurer que de telles situations ne peuvent se reproduire. » ([73])

S’il est vrai qu’un arsenal existe en matière d’éthique, les travaux de la commission d’enquête montrent que le ministère des sports n’en garantit pas la mise en œuvre, tant s’en faut. La rapporteure a ainsi relevé des manquements dans la mise en œuvre de lois importantes et un suivi défaillant du respect des textes en vigueur par les fédérations sportives.

1.   Des défaillances dans la mise en œuvre des lois

La publication tardive des décrets d’application des lois n’est pas l’apanage du ministère des sports. Pour autant, là encore on ne peut que constater une grande inertie de ce ministère sur des sujets majeurs.

a.   En matière d’éthique

À titre d’exemple, une loi du 1er février 2012 ([74]) avait créé l’obligation, pour chaque fédération sportive agréée, d’établir une charte éthique et de veiller à son application. Le contenu, les modalités d’entrée en vigueur et les conditions d’application de cette charte devaient être définis par décret.

Or ce décret n’a jamais été pris. Dans un rapport publié plus de deux ans après la promulgation de la loi ([75]), l’Inspection générale notait ainsi que « l’absence de décret d’application de la loi du 1er février 2012 ne permet pas une généralisation de la charte éthique dans toutes les fédérations agréées, alors que cet outil permettrait de traiter de la prévention des discriminations et des violences. Les rapporteurs regrettent cette situation ».

L’obligation pour les fédérations agréées de se doter d’une charte éthique sera finalement, et malheureusement, supprimée en 2017 ([76]).

Cette carence est révélatrice d’une absence de volonté politique et de la posture d’un ministère plus soucieux de ne pas contraindre les fédérations que de mettre en œuvre la volonté du législateur de faire progresser l’éthique.

b.   En matière de protection des pratiquants

Plus grave encore, comment admettre qu’à la fin de l’année 2018, ce soit une association, Colosse aux pieds d’argile, qui alerte la nouvelle ministre des sports, Roxana Maracineanu, de l’absence de contrôle de l’honorabilité des éducateurs sportifs bénévoles – pourtant inscrit depuis longtemps dans le code du sport –, faisant courir à des milliers d’enfants le risque d’entrer au contact de prédateurs sexuels ? ([77])

La mise en œuvre tardive du contrôle d’honorabilité des éducateurs sportifs est une illustration frappante de l’inertie du ministère des sports. Dès 2006, l’article L. 212-9 prévoyait ainsi que « nul ne peut exercer les fonctions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 212-1 à titre rémunéré ou bénévole ([78]), s’il a fait l’objet d’une condamnation pour crime ou pour l’un des délits […] ».

Il aura fallu attendre le 1er septembre 2021 pour que soit déployé le service automatisé permettant aux fédérations de commencer à s’assurer de l’honorabilité des éducateurs sportifs, des exploitants d’établissements d’activités physiques et sportives (EAPS) qui disposent d’une licence et des arbitres et des juges ([79]).

Comme le relevait le dossier de presse de la troisième convention nationale de prévention des violences dans le sport : « S’il constitue le poumon du sport français, le bénévolat constituait pourtant jusqu’en 2021 un angle mort dans la protection des mineurs. En effet, alors même que le code du sport fixait des conditions d’honorabilité (absence de condamnation pour crime ou pour certains délits, notamment sexuels), aucun contrôle n’était effectué pour garantir et vérifier cette honorabilité des volontaires indispensables à la bonne marche des 360 000 associations sportives de France. » Il s’agissait pourtant de la responsabilité du ministère des sports.

L’Inspection générale avait identifié cette problématique dans un rapport de décembre 2017 et appelé à prendre des mesures en évoquant une obligation de déclaration pour les sportifs bénévoles. La direction des sports avait considéré que « créer ce type d’obligation légale est très contraignant pour le mouvement sportif et serait difficile à faire accepter » ([80]).

2.   Des défaillances dans le contrôle du respect des textes par le mouvement sportif

La rapporteure reviendra plus en détail dans la seconde partie du présent rapport d’enquête sur le défaut de respect de textes fondamentaux par les fédérations sportives, notamment en matière de contrôle de l’honorabilité des éducateurs (pour s’assurer qu’ils n’ont pas fait l’objet de condamnations graves) ou de surveillance médicale réglementaire des sportifs de haut niveau.

L’actuelle ministre des sports est nécessairement très consciente de ces carences au regard du bilan insuffisant de la Fédération française de tennis dans ces deux domaines, lorsqu’elle en était la directrice générale ([81]).

La rapporteure se contentera ici de deux illustrations en matière d’éthique et de protection des lanceurs d’alerte.

a.   En matière d’éthique

La mise en œuvre par les fédérations délégataires de l’obligation de créer un comité d’éthique et de veiller à ce qu’ils soient indépendants illustre la désinvolture avec laquelle le ministère des sports a veillé au respect des lois et règlements en vigueur en matière d’éthique.

Au cours de son audition ([82]), de manière très surprenante, Mme Amélie Oudéa-Castéra a soutenu que les comités d’éthique avaient été introduits par la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, pour mettre en avant la réactivité des fédérations et de son ministère en ce domaine.

L’obligation de créer un comité d’éthique résulte pourtant d’une loi de 2017 ([83]) et de trop nombreuses fédérations ne disposaient pas encore, 5 ans plus tard, d’un tel comité. Au point que M. David Lappartient, président du CNOSF, qui s’appuyait sur un recensement du 16 mai 2022 ([84]), s’est ému de la passivité du ministère : « Il est cependant inacceptable que 17 % des fédérations n’en aient pas [de comité d’éthique] alors qu’il s’agit d’une obligation légale. À cet égard, je trouve que les fédérations qui n’en ont pas devraient être mises en demeure sous peine de perdre leur délégation ou ne plus être éligibles aux financements publics. Il est quand même compliqué d’expliquer qu’on peut bénéficier de financements publics et conserver sa délégation quand on ne respecte pas la loi. » ([85])

Une ministre des sports qui refuse d’admettre que les comités d’éthique doivent être mis en place sous le contrôle de son ministère depuis 2017

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Dans la loi du 2 mars 2022, qui a été défendue par certains députés ici présents, auxquels je veux rendre hommage, est affirmée haut et fort l’obligation, pour chaque fédération sportive de notre pays, de se doter d’un comité d’éthique. Sur les quatre-vingt-six fédérations ayant fait l’objet d’une délégation en 2022, seules deux n’ont pas encore mis en place un tel comité : les fédérations françaises de ballon au poing et de course camarguaise. J’espère qu’elles pourront le faire rapidement – c’est en tout cas l’invitation que je leur adresse avec beaucoup de cœur. Je réponds donc à M. Lappartient que le taux de carence n’est pas de 17 %, mais de 2,3 %.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Est-ce vraiment la loi de 2022 qui prévoit l’obligation de mettre en place un comité d’éthique ? Il nous semble que c’est plutôt celle de 2017.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. C’est la loi de 2022. En 2017, le législateur a imposé aux présidents de fédération de transmettre à la HATVP des déclarations d’intérêts et de patrimoine – un dispositif qu’il a étendu aux vice-présidents, trésoriers et secrétaires généraux en 2022.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. La loi de 2017, que j’ai sous les yeux, évoque déjà les comités d’éthique.

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. L’obligation a été affirmée dans la loi de 2022, mais la création de ces comités est heureusement antérieure.

[…]

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Après vérification, je confirme que la loi de 2017 a prévu l’obligation, pour les fédérations sportives, de mettre en place des comités d’éthique. La loi de 2022 a précisé qu’ils devaient être indépendants. Si je vous ai posé plusieurs fois cette question, c’est parce qu’il nous semblait assez illogique que, depuis 2017, certaines fédérations ne se soient toujours pas dotées d’un tel comité. Certes, vous nous dites que seules deux d’entre elles ne se sont pas conformées à cette obligation ; il n’empêche que six ans, c’est un peu long !

[…]

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Puisque vous aimez être précise en droit, madame la rapporteure, j’insiste sur le fait que les instances prévues par la loi de 2017 n’étaient pas des comités d’éthique, mais des « comités dotés d’un pouvoir d’appréciation » sur un ensemble de matières. C’est bien l’article 39 de la loi du 2 mars 2022 qui a prévu la mise en place obligatoire de comités d’éthique indépendants.

Il est incontestable que c’est la loi du 1er mars 2017 qui a créé l’obligation pour les fédérations de se doter d’un comité d’éthique et que le ministère des sports a été particulièrement défaillant dans le contrôle du respect de ce texte.

Si l’on comprend qu’un nombre important de fédérations se sont enfin dotées d’un comité d’éthique depuis le recensement de mai 2022 évoqué par M. David Lappartient, le tableau transmis par le ministère des sports ([86]) ne précise pas la date de création de plusieurs comités.

b.   En matière de protection des lanceurs d’alerte

La loi du 9 décembre 2016 ([87]), dite loi « Sapin II », a prévu une protection des lanceurs d’alerte et l’obligation de mettre en place un processus de signalement anti-corruption.

Dans un milieu marqué par une omerta particulièrement forte, il s’agit de mesures indispensables et fondamentales pour protéger celui qui a le courage de dénoncer des crimes et délits, des violences ou du harcèlement sexuel, des faits de corruption, de dopage, et qui ne doit pas craindre d’être sanctionné ou persécuté.

La loi impose aux structures morales publiques ou privées d’au moins 50 salariés de mettre en place un dispositif permettant à tout employé d’alerter de tout crime ou délit ou violation grave et manifeste des engagements dont il a eu personnellement connaissance ([88]).

On ne peut que s’étonner de constater que huit ans après, très peu de fédérations ont mis en œuvre ces dispositifs, comme l’a relevé l’Agence française anticorruption ([89]), sans que le ministère ne s’en émeuve.

L’État doit s’engager en faveur de l’application pleine et entière des dispositifs de la loi Sapin II et ne plus contribuer, par son inertie, à freiner les signalements.

Recommandation  5 : Publier chaque année un bilan précis du respect des textes et de l’exécution de leur contrat de délégation par les fédérations.

Prévoir dans la loi une audition annuelle de la direction des sports sur ce bilan, par les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat en charge du sport.

D.   un soutien financier qui n’a pas été mis au service du renforcement de l’éthique et de la protection de l’intégrité des pratiquants

1.   Un soutien financier considérable

Outre la délégation de service public qui a une grande valeur économique, l’engagement financier consenti par l’État en faveur des fédérations sportives est conséquent et devrait lui permettre d’exiger des contreparties substantielles.

En 2022, l’Agence nationale du sport (ANS), principal opérateur de l’État dans le domaine du sport, a versé aux fédérations 291,8 millions d’euros, au titre de leur action en faveur du développement des pratiques et de la haute performance.

Autre pilier du soutien de l’État aux fédérations, la direction des sports met à leur disposition des conseillers techniques sportifs (CTS), personnels de l’État ou agents publics rémunérés par lui ([90]), dont la valorisation financière représente, selon la Cour des comptes, un soutien à hauteur de 120 millions d’euros par an ([91]). Désormais inscrite dans les contrats de délégation, elle s’élève par exemple à 5,5 millions d’euros par an pour la Fédération française de natation, 4,7 millions d’euros par pour la Fédération française de canoë-kayak et sports de pagaie, 3,2 millions d’euros par an pour la Fédération française de volley, etc. ([92])

Enfin, des financements résiduels sont versés aux fédérations sportives par le ministère des sports (6,1 millions d’euros en 2022), principalement en faveur de l’organisation de grands événements sportifs internationaux (Gesi).

Au total, les transferts financiers de l’État en faveur des fédérations sportives s’élèvent à 420 millions d’euros par an.

À cette somme, il convient d’ajouter la subvention que verse l’État au CNOSF (9,4 millions d’euros en 2023), lequel plaide de manière constante pour « moins d’État » dans la gouvernance des fédérations.

On peut également mentionner les crédits du plan de relance (2021-2022). Selon la Cour des comptes ([93]), 122 millions d’euros ont été portés par l’ANS et la direction des sports, répartis en plusieurs enveloppes. Un dispositif de compensation des pertes de billetterie a également été mis en place pour un montant estimé par la Cour à 202,5 millions d’euros.

2.   Un soutien régulièrement minimisé par le mouvement sportif

En dépit de l’importance de l’effort financier consenti par l’État, le mouvement sportif minimise régulièrement cette contribution.

En 2013 et en 2017, l’Inspection générale relevait ainsi que « les aspirations récentes du CNOSF à exercer de plus larges responsabilités seraient bienvenues si elles ne s’inscrivaient pas dans une perspective de concurrence avec le ministère chargé des sports dont le soutien est parfois sous-estimé » ([94]).

Les propos de Mme Amélie Oudéa-Castéra, tenus au cours de son audition du 16 novembre 2023, sont caractéristiques de cette attitude.

Interrogée sur son salaire en tant que directrice de la Fédération française de tennis (FFT), une ministre des sports qui fournit une présentation inexacte du soutien public en direction de cette fédération

Interrogée sur sa rémunération en tant que directrice de la Fédération française de tennis, la ministre a déclaré : « Cette rémunération de 500 000 euros doit se comparer aux 100 millions d’euros dégagés par la FFT grâce à son modèle économique particulièrement performant lié au tournoi de Roland-Garros. À la Fédération, j’ai augmenté les effectifs, diminué les coûts, trouvé de nouveaux partenariats et créé de la valeur économique et financière pour cette institution qui ne touche pas le moindre euro de subvention publique. »

Le lendemain, la ministre des sports a rectifié, en précisant que la Fédération française de tennis avait perçu 1 280 000 euros en 2022, et souligné que cette somme ne représentait que 0,2 % du budget de fonctionnement de la fédération (1).

Selon les informations transmises à la rapporteure par M. Frédéric Sanaur, directeur général de l’Agence nationale du sport, la Fédération française de tennis a perçu, en 2022, 1,45 million d’euros de crédits de l’Agence (2).

Cette somme a été versée à la Fédération française de tennis entendue comme personne morale spécifique, c’est-à-dire au « siège » de la fédération. Par ailleurs, en 2022, les associations locales affiliées à la Fédération française de tennis ont directement perçu 6 321 590 euros de crédits de l’Agence nationale du sport.

En outre, la ministre a « oublié » de mentionner les 44 CTS placés auprès de la Fédération française de tennis, dont son administration d’origine, la Cour des comptes, rappelle régulièrement le soutien important qu’ils représentent de la part de son ministère. Pour cette fédération, ce soutien public représente 3,5 millions d’euros par an (3).

La ministre aurait pu prendre comme référence l’année 2021 pour éclairer au mieux la représentation nationale sur le soutien de l’État dans le contexte particulier de Covid dans lequel s’est inscrit son recrutement en mars 2021.

Le modèle économique particulièrement performant de Roland-Garros avait alors été percuté de plein fouet par la crise du covid, ce qui a donné lieu à un soutien massif de l’État en direction de la fédération, au titre du fonds de compensation des pertes de billetterie : 10,4 millions d’euros ont été versés à la FFT.

(1)    Voir l’annexe  11 du rapport d’enquête.

(2)    621 000 euros perçus au titre de la haute performance, 188 175 euros au titre des crédits de soutien aux équipements sportifs et 649 600 euros au titre des crédits de soutien au développement des pratiques.

(3)    Ce montant est inscrit dans le contrat de délégation signé entre la FFT et le ministère des sports.

3.   Des conventions pluriannuelles d’objectifs silencieuses sur les enjeux de lutte contre les violences et l’éthique

Jusqu’en 2021, des conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) conclues entre l’État et les fédérations sportives permettaient de fixer des objectifs aux fédérations en contrepartie des aides financières de l’État.

Un rapport de l’Inspection générale relatif à la prévention des violences sexuelles dans le sport avait appelé en 2014 à « inscrire l’objectif de prévention des violences sexuelles dans le sport de manière explicite dans ces conventions d’objectifs », « avec une évaluation sérieuse des actions conduites ». Cette préconisation de bon sens étant malheureusement restée lettre morte.

La dimension éthique, parent pauvre de la politique publique du sport, est restée globalement absente ([95]) de ces conventions centrées sur la seule pratique sportive.

4.   Un soutien financier de l’État qui n’est toujours pas conditionné à des engagements en matière d’éthique et de protection des pratiquants

Mme Roxana Maracineanu, ancienne ministre déléguée chargée des sports, a indiqué : « Si j’avais été ministre des sports encore quelques années, j’aurais souhaité – et je ne doute pas que la ministre actuelle le souhaite également – une meilleure articulation entre l’argent qui est donné spécifiquement par l’Agence nationale du sport aux fédérations et le volet éthique et intégrité qui est distribué dans le cadre des subventions générales aux fédérations. » ([96])

En 2019, la gestion de la haute performance sportive et du développement de la pratique sportive a été transférée à l’Agence nationale du sport (ANS). La direction des sports a été « recentrée » sur des missions régaliennes et des fonctions de pilotage stratégique, de coordination et d’observation des politiques publiques sportives.

Il en résulte que cette direction d’administration centrale a été très largement privée de son levier d’action financier, qui n’avait certes jamais été mis au service de l’éthique et de la lutte contre les violences.

La rapporteure juge indispensable d’avancer sans délai pour conditionner les aides publiques allouées au CNOSF, au Comité paralympique et sportif français (CPSF), aux fédérations sportives agréées, à leurs organes déconcentrés et aux ligues professionnelles, à des engagements précis en matière d’éthique, de lutte contre les violences et les discriminations, à commencer par le respect de la loi.

La rapporteure souhaite en particulier que l’Agence nationale du sport puisse vérifier, avant le versement de subventions aux associations sportives affiliées à une fédération agréée, que cette dernière a bien effectué le contrôle d’honorabilité des éducateurs sportifs, conformément à ses obligations légales.

Recommandation  6 : Conditionner les soutiens publics au mouvement sportif à des engagements précis et vérifiés en matière d’éthique.

Compte tenu des enjeux, conditionner le versement des subventions de l’Agence nationale du sport à la démonstration par les fédérations sportives de la bonne réalisation du contrôle d’honorabilité.

Par ailleurs, la rapporteure souhaite que l’autorité administrative indépendante dont elle appelle de ses vœux la création soit dotée du pouvoir de prononcer des sanctions pécuniaires à l’encontre des fédérations sportives ne respectant pas leurs obligations et engagements en matière d’éthique.

Recommandation  7 : Doter la future autorité administrative indépendante en charge de l’éthique du sport d’un pouvoir de sanctions financières à l’encontre des fédérations sportives ne respectant pas leurs obligations et engagements en matière d’éthique.

E.   Un ministère défaillant dans la gestion des cadres d’État

Soutien majeur de l’État en direction du mouvement sportif, les conseillers techniques sportifs (CTS) devraient aussi être, selon les termes de M. Patrick Karam, vice‑président du conseil régional d’Île-de-France et ancien inspecteur général de la jeunesse et des sports, « les yeux et les oreilles de l’État » ([97]).

Au-delà des nombreux cas de cadres d’État mis en cause dans des affaires, de très nombreux rapports pointent depuis longtemps et de manière récurrente des carences dans le pilotage de ces cadres.

La deuxième partie du présent rapport d’enquête reviendra en détail sur de graves défaillances des cadres d’État dans la lutte contre les violences.

Les dysfonctionnements qui ont été constatés à la Fédération française des sports de glace illustre également l’inertie de l’État face à des défaillances et comportements contraires aux règles administratives, financières, déontologiques, applicables à ces agents. Ces défaillances avaient été relevées par des rapports de l’Inspection générale, remis aux ministres des sports, depuis 1984.

Cour des comptes, Observations définitives sur les comptes et la gestion de la Fédération française des sports de glace (exercices 2010 à 2013), 2015

Des conseillers techniques sportifs (CTS) qui se soustraient aux règles
en toute impunité

« On a vu, dans trois des quatre cas précités, que des CTS placés auprès de la Fédération française des sports de glace (FFSG) se soustraient à ses directives et contreviennent en toute impunité aux règles les plus élémentaires de la fonction publique, que le directeur technique national (DTN) et les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) sont en conflits à propos des lettres de mission à adresser à ces agents, et que la direction des sports, après avoir tardé à réagir, n’a pas plus résolu ces conflits qu’elle n’a sanctionné les manquements de ses agents.

« Dans la mise en œuvre de sa politique de reprise en mains des CTS ayant pris des libertés avec les règles applicables et la politique fédérale, le DTN s’est ainsi heurté à l’inertie des autorités hiérarchiques des CTS mis en cause et n’a pas trouvé le soutien dont il avait besoin auprès du ministère chargé des sports, pour mettre un terme aux errements constatés.

« Sans qu’il soit besoin de s’appesantir sur les responsabilités de chacun dans cette affaire, le bilan que l’on peut dresser sur ce point, en fin d’olympiade, est le suivant : sur les trois CTS dont les manquements ont été révélés, l’un d’entre eux a quitté la France sans être sanctionné et les deux autres sont toujours en place dans des conditions inchangées. Le DTN, en revanche, n’a pas été renouvelé dans ses fonctions.

« Au-delà des cas d’espèce signalés ici, les difficultés relevées à la FFSG devraient conduire à s’interroger sur la pertinence d’un dispositif qui place juridiquement les CTS sous une double ou triple allégeance et permet d’autant plus à certains de s’affranchir des règles et de toute autorité, que les écarts ne sont pas sanctionnés.

« Le bon emploi des deniers publics qui financent ce dispositif pâtit de cette situation de même que l’efficacité de la politique sportive conduite avec le soutien de l’État. Les faits relevés à propos de la FFSG illustrent une nouvelle fois la gestion critiquable des cadres techniques sportifs que la Cour avait dénoncée dans son rapport public thématique de janvier 2013 consacré au sport, en soulignant en particulier que " leur activité reste insuffisamment suivie". »

1.   Des agents placés dans une situation contestable ou contraire aux textes

a.   Le cumul d’emploi de directeur technique national (DTN) avec la fonction de directeur général

Alors que l’Inspection générale a pointé ([98]) une situation qui n’est pas conforme aux règles de cumul prévues dans le statut général de la fonction publique ([99]) et contrevient aux dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 131‑12 ([100]) et du dernier alinéa de l’article R. 131-16 du code du sport ([101]), certains DTN continuent de cumuler leur emploi avec les fonctions de directeur général auprès de laquelle ils exercent.

Cette situation n’est pas souhaitable au regard de la nécessaire prévention des conflits d’intérêts, comme l’ont souligné de nombreux rapports de l’Inspection générale.

En particulier, Mme Caroline Pascal, cheffe de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, a indiqué lors de son audition que « l’Inspection générale a régulièrement souligné l’ambiguïté qui peut exister entre le rôle du directeur technique national (DTN), qui est un agent de l’État, et le directeur général des services (DGS) ou directeur général (DG) des fédérations. Ces deux fonctions sont parfois occupées par la même personne mais nous considérons que ce n’est pas souhaitable. Il est en effet important que le DTN conserve un regard, qui est celui de l’État, avec une fonction interne presque de contrôle, alors que le DGS ou le DG sont plus impliqués dans la politique menée par la fédération » ([102]).

Sur les 65 DTN en activité, 5 ont une lettre de missions qui leur permet d’exercer ce cumul ([103]).

 

Recommandation  8 : Mettre fin dans les plus brefs délais aux situations effectives de cumul d’emploi des fonctions de directeur technique national et de directeur général d’une fédération sportive.

b.   Deux illustrations du laisser-faire ministériel

i.   Le DTN de la Fédération française de tennis

Situation bien connue de l’actuelle ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, le 16 novembre 2023, la rapporteure a interrogé Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, sur la situation de M. Nicolas Escudé, DTN de la Fédération française de tennis, contraire aux textes ([104]). Le maintien de cette illégalité a été justifié par la perspective des Jeux olympiques et paralympiques ([105]) :

Les explications de la direction des sports sur la situation du directeur technique national (DTN) de la Fédération française de tennis (FFT)

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Est-ce que vous pouvez nous préciser quelle est la situation du DTN de la Fédération française de tennis (FFT) au regard des textes ?

Mme Fabienne Bourdais. Il fait partie des deux DTN qui ne sont pas des fonctionnaires de ce ministère. Ce sont des cadres de droit privé, auxquels a été confiée la mission de directeur technique national.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Est-ce que c’est conforme aux textes ?

Mme Fabienne Bourdais. Non, ce n’est pas conforme aux textes.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Est-ce que vous avez demandé à mettre fin à cette situation ?

Mme Fabienne Bourdais. J’ai en effet eu un échange avec le président de la FFT sur le fait que cette situation déborde du cadre légal. Nous sommes convenus de voir ensemble comment y remédier après 2024, parce qu’il est compliqué de remettre en question le dispositif d’ici aux Jeux olympiques. La nomination des DTN se fait pour chaque olympiade.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Et maintenant que vous avez demandé la fin de ce dysfonctionnement, il ne se passe rien d’autre ? On attend la fin des Jeux olympiques ?

Mme Fabienne Bourdais. Oui. Une lettre de mission a été signée avec le cadre en question pour la durée de l’olympiade. Il n’est pas forcément opportun d’y mettre fin avant. Mais, encore une fois, j’ai fait part au président de mon souhait que, pour la prochaine olympiade, le DTN soit bien un cadre d’État.

Il s’agit d’un cas exceptionnel, et contraire aux textes, d’un DTN qui n’est pas cadre d’État, pas diplômé d’État, et donc non titulaire d’une carte professionnelle garantissant son honorabilité.

ii.   L’élection du directeur technique national de la Fédération française de handball à la présidence de la fédération

La candidature du DTN de la Fédération française de handball à la présidence de cette fédération a également fait l’objet d’échanges avec Mme Fabienne Bourdais :

La réponse de la direction des sports

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Justement, puisque l’on parle de questions techniques et politiques, ne trouvez-vous pas problématique qu’un DTN puisse accéder à la présidence d’une fédération au sein de laquelle il a œuvré en tant que DTN ? Ne s’agit-il pas d’une forme de conflit d’intérêts, qui pourrait remettre en cause son indépendance par rapport à la présidence de la fédération ? Nous pensions qu’on ne pouvait pas être directeur technique national d’une fédération et candidat à la présidence de la même fédération, mais il semblerait que le ministère et le comité d’éthique aient donné leur aval en ce qui concerne la Fédération française de handball.

Mme Fabienne Bourdais. Ce que je sais de ce cas précis, c’est que le DTN a demandé une disponibilité à son administration, la direction des sports, en amont du dépôt de candidature à la présidence. Elle lui a été accordée. Le code de déontologie des CTS rend incompatible d’exercer des fonctions électives dans la fédération au sein de laquelle le cadre technique exerce. Il prévoit aussi un délai de carence de trois ans entre la fin de mission du cadre au sein de la fédération et le moment où il peut se présenter à des fonctions électives – mais il ne s’agit, aujourd’hui, que d’une recommandation. On peut se demander s’il ne faut pas rendre un tel délai obligatoire entre la fin des fonctions et l’accès à des fonctions électives. C’est en tout cas un sujet qui mérite débat.

Selon les informations de la rapporteure, le DTN de la Fédération française de handball a annoncé sa candidature le 9 décembre 2019 et ne s’est mis en disponibilité que le 1er octobre 2020, soit deux mois avant l’élection du 28 novembre 2020. Pourtant le code de déontologie des CTS « recommande à l’agent de s’abstenir d’exercer, au moins durant trois ans, les fonctions électives fédérales qui étaient incompatibles avec ses précédentes missions de CTS » ([106]).

La rapporteure juge indispensable de rendre ce délai de carence obligatoire.

Recommandation  9 : Inscrire dans le code du sport que les agents s’abstiennent d’exercer, au moins durant trois ans, les fonctions électives fédérales qui étaient incompatibles avec leurs précédentes missions de CTS.

Cette situation a également fait l’objet d’un échange avec Mme Béatrice Barbusse, vice-présidente déléguée de la Fédération française de handball ([107]). Mme Barbusse a précisé que M. Bana n’était plus DTN au moment où il s’est présenté. Contrairement à ce qu’elle a indiqué à la rapporteure, M. Philippe Bana était bien DTN de la fédération lorsqu’il s’est présenté à l’élection.

Recommandation  10 : Renforcer les dispositions du code de déontologie des conseillers techniques sportifs et les rendre obligatoires en les intégrant dans le code du sport.

2.   Une mobilisation insuffisante des cadres d’État dans le domaine de la protection de l’éthique du sport

L’Inspection générale avait appelé en 2014 à intégrer la lutte contre les violences sexuelles dans la lettre de missions des conseillers techniques sportifs (CTS) avec une « évaluation sérieuse des actions conduites » ([108]). Cette préconisation est longtemps restée lettre morte et elle est encore loin d’être mise en œuvre.

En 2019, MM. Yann Cucherat et Alain Resplandy-Bernard appelaient à nouveau à « placer les préoccupations d’éthique et de déontologie au cœur de l’intervention des cadres sportifs, fédéraux ou d’État […] ; il faut que chaque cadre, sans distinction de statut se sente le garant de l’éthique du sport et de l’intégrité des sportifs » ([109]).

Alors que des défaillances des CTS dans la prise en compte de situations connues de violences et d’agressions sexuelles avaient été mises à jour, jusqu’en 2021, les lettres de missions des CTS ne comportaient aucune mention de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (VSS), pas plus que la promotion de l’éthique du sport en général ([110]).

Désormais, la lutte contre les violences est mentionnée dans un préambule commun à l’ensemble des lettres de missions, sans tenir compte de la spécificité des fédérations sportives. Selon les informations transmises par M. Jacky Avril, chef du centre de gestion opérationnelle des cadres techniques sportifs (CGOCTS) ([111]), rencontré par la rapporteure lors du premier contrôle sur pièces et sur place réalisé au ministère des sports, cette mention n’appelle pas d’action particulière. Il revient ensuite aux CTS eux-mêmes de proposer le cas échéant des actions précises.

Le chef du CGOCTS n’a pas été en mesure de préciser la part d’activité des CTS consacrée à la lutte contre les violences.

L’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche s’est intéressée, lors de son contrôle de la Fédération française de football ([112]), au temps de travail des CTS affectés à la fédération consacré aux violences sexuelles et sexistes.

Les rapporteurs ont observé que « de manière générale cependant, la mobilisation des CTS dans la lutte contre les VSS apparaît relativement faible, même si pratiquement tous les CTS déclarent y consacrer une partie de leur emploi du temps. Le tableau de suivi du temps de travail des CTS tenu par la direction des sports révèle que sur les 41 CTS y figurant, 40 ont un temps de travail sur les VSS qui est estimé entre 2 % et 3 % de leur volume total et individuel d’activité, à l’exception d’un cadre qui y consacre 10 % de son temps. Ainsi, le cadre "référent VSS" de la DTN de la FFF figure-t-il dans ce tableau pour 2 % de son temps ».

3.   Une activité qui reste insuffisamment suivie

Alors que les CTS doivent rédiger un rapport d’activité annuel, il a été indiqué à la rapporteure par M. Jacky Avril, chef du CGOCTS, que « peu l’avaient rempli ces dernières années ».

Une dizaine de DTN sur la trentaine nouvellement en poste auraient remis un rapport d’étonnement à leur hiérarchie, celle-ci n’ayant d’ailleurs « pas eu le temps de les exploiter ».

Le CGOCTS n’a pas été en mesure de confirmer à la rapporteure que les CTS étaient systématiquement formés sur leur obligation de recourir aux dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale.

Recommandation  11 : Mettre au cœur de la mission des conseillers techniques sportifs (CTS) la lutte contre les violences et la préservation de l’éthique.

Introduire dans toutes les lettres de missions des CTS des objectifs et actions précis en matière de lutte contre les violences et de protection de l’éthique.

Conduire une évaluation annuelle de ces actions.

Sanctionner de manière systématique les cadres défaillants.

II.   Un État en retrait face aux fédérations : une faiblesse multifactorielle

La faiblesse de l’État tient à plusieurs facteurs : un manque flagrant de moyens, une gouvernance complexe entraînant une dilution des responsabilités de chacun, une trop grande proximité avec le mouvement sportif.

A.   Un manque de moyens

1.   Une direction des sports sous-dimensionnée et « politiquement affaiblie »

a.   Une petite direction fortement affaiblie

L’affaiblissement de la direction des sports est ancien : elle avait déjà perdu 12 % de ses effectifs entre 2012 et 2016 ([113]).

La Cour des comptes avait constaté qu’elle ne possédait pas de moyens de contrôle et d’audit. La direction des sports a ainsi dû faire appel, en 2017, à des prestataires pour procéder à des contrôles financiers sur pièces et sur place auprès de 25 à 30 fédérations.

La création de l’Agence nationale du sport (ANS) est venue aggraver la situation en entraînant une diminution des ressources humaines, un affaiblissement et une perte d’attractivité de cette petite direction. Le levier financier de l’État vis-à-vis des fédérations est aujourd’hui détenu par cet opérateur et non par la direction des sports.

Cour des comptes, L’Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport : des défis qui restent à relever, juillet 2022

L’impact de la création de l’Agence nationale du sport (ANS) sur la direction des sports

Pour remplir ses missions, la direction des sports comme les services déconcentrés disposent de moyens qui, au-delà des réductions substantielles intervenues entre 2014 et 2018, ont été impactés par la création de l’Agence dont les emplois proviennent essentiellement de l’administration centrale et des services déconcentrés. Le plafond d’emploi de la direction des sports, qui était de 144 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2018, a été fixé en 2022 à 126 ETPT.

Au-delà, et même si la direction des sports est composée d’une majorité d’agents de catégorie A, les missions d’état-major (observation, pilotage stratégique, tutelle sur les opérateurs), comptent peu d’effectifs (1).

À cet aspect quantitatif s’ajoute un enjeu qualitatif lié à l’attractivité de cette petite direction d’administration centrale aujourd’hui politiquement affaiblie à la suite de la création de l’Agence et dont le rôle et les missions apparaissent peu clairs par rapport à celles de l’Agence qui bénéficie pour sa part d’un portage politique important et d’une forte autonomie dans ses relations extérieures comme dans sa communication.

La rapporteure estime que les missions dévolues à la direction des sports ne peuvent être correctement assurées dans les circonstances actuelles.

Bien que le pilotage des politiques publiques du développement de la pratique sportive et du sport de haut niveau ne relève plus de sa compétence, les missions de la direction des sports n’ont pas été allégées pour autant, au contraire, comme l’a souligné la Cour des comptes ([114]).

L’étude d’impact du projet de loi confortant le respect des principes de la République faisait pourtant état de la « mobilisation plus importante des services » qui devait accompagner l’introduction des contrats de délégation ([115]).

« Les effectifs du bureau dédié au suivi des fédérations sportives ayant été très réduits, nous avons demandé des moyens supplémentaires. Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit d’ailleurs la création de quatre postes pour renforcer l’équipe de la direction des sports », a indiqué Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports ([116]).

Ces quatre nouveaux effectifs, certes bienvenus, apparaissent très insuffisants. Afin qu’elle puisse exercer ses missions régaliennes, au premier rang desquelles la protection des publics et la promotion de l’éthique du sport dans des conditions convenables, les effectifs de cette direction doivent être très substantiellement renforcés.

Recommandation  12 : Doter la direction des sports des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions.

b.   Le poids des cabinets, comme instance de recours politique

Élément intéressant, la Cour des comptes avait également eu l’occasion de pointer une fragilisation de la direction par « l’intervention prégnante des cabinets ministériels » ([117]), qui apparaissent comme « une instance de recours fréquente sur les décisions de la direction des sports, ce qui tend à décrédibiliser cette direction ».

La Cour relevait en 2017 : « On peut ajouter qu’en surplomb, si une difficulté apparaît, la direction des sports peut être soumise à l’intervention des cabinets de ministres, dont il a été indiqué qu’ils étaient parfois mieux dotés en cadres que la direction elle-même, voire de ministres eux-mêmes, liés aux fédérations dans une relation de puissance où certains présidents ont pour eux pour eux la durée et les clefs d’accès au capital médiatique. »

2.   Les services déconcentrés du ministère des sports : une réduction des effectifs qui met en péril la protection des publics

Les services déconcentrés ([118]) jouent un rôle essentiel dans la protection des publics, notamment des mineurs. C’est à eux qu’il revient de sécuriser un vaste réseau de 300 000 établissements d’activités physiques et sportives (EAPS), 220 000 éducateurs sportifs professionnels et 2 millions de bénévoles à contrôler. C’est à eux qu’il revient de contrôler les éducateurs sportifs rémunérés au plan de la qualification et de l’honorabilité. C’est à eux qu’il revient de contrôler sur place le bon déroulement des activités. C’est à eux qu’il revient la mission essentielle de conduire les enquêtes administratives concernant les personnes dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants.

a.   Des services exsangues avant l’explosion des signalements qui a suivi la libération de la parole

En février 2020, au moment où la parole a commencé à se libérer et où les signalements ont enfin commencé à « remonter », le Syndicat de l’encadrement de la jeunesse et des sports (SEJS) ([119]) dénonçait le « grand écart » entre une volonté politique affirmée de lutter contre les violences sexuelles et « les moyens humains et techniques attribués à l’administration de la jeunesse et des sports ». Ce syndicat relevait une diminution des effectifs de cette administration d’environ 25 % sur dix ans, alors même que les missions de ces services augmentaient continuellement ([120]).

Au moment de l’explosion du nombre de signalements, une dizaine de départements étaient sans inspecteur de la jeunesse et des sports et la plupart n’en comptaient qu’un seul, indépendamment de leur population, du nombre d’établissements ou d’éducateurs sportifs.

Le syndicat appelait à « remuscler en urgence » la mission de protection des sportifs et des mineurs. Les conséquences du refus d’entendre cet appel sont décrites précisément dans la seconde partie du présent rapport d’enquête.

En juillet 2022, c’est la Cour des comptes qui alertait sur cette situation : « Ils [les services déconcentrés] ont perdu 18 % de leurs effectifs entre 2014 et 2018. Ils ont encore été réduits de 4 % après la création de l’Agence [nationale du sport] (2 156 ETPT en 2018, 2 077 ETPT en 2022). » ([121])

Et la Cour de conclure : « La capacité de ces services à poursuivre à l’avenir dans le même temps les missions qui relèvent d’Agence nationale du sport et les missions régaliennes qu’elles conduisent pour le compte de l’État, et notamment les fonctions de contrôle de base, n’est pas assurée. » Ainsi par exemple, la Cour relevait que le contrôle des structures accueillant des mineurs était de 8 % en 2022 et pourrait encore baisser à l’avenir.

M. Dominique Lefebvre, magistrat de la Cour des comptes, a confirmé ce constat devant la commission d’enquête : « Quand nous interrogeons les directeurs régionaux de la jeunesse et des sports sur leurs capacités réelles de contrôler, sur le terrain, la sécurité des équipements sportifs, les conditions d’accueil des jeunes, etc., ceux-ci relèvent que leurs capacités d’exercer cette mission régalienne ont été drastiquement limitées. » « À la question de savoir si l’État dispose des moyens suffisants pour contrôler un mouvement sportif à sa base, la réponse est que les effectifs ont diminué et que la nouvelle articulation entre les recteurs et les préfets n’a pas aidé. » ([122])

Tant la Cour des comptes que M. Philippe Baylac, secrétaire général adjoint permanent du Syndicat de l’encadrement de la jeunesse et des sports (SEJS), ont souligné que la nouvelle organisation territoriale de l’État avait provoqué une certaine désorganisation du travail des services déconcentrés ([123]).

En juin 2023, une enquête du secrétariat général des ministères de l’éducation nationale et de la jeunesse, de l’enseignement supérieur et de la recherche, des sports et des Jeux olympiques et paralympiques a souligné « l’augmentation de l’activité des services sur les enquêtes administratives dans les deux champs de la jeunesse et des sports, avec un impact sur les actions de contrôle ». Sur les 2 075 équivalents temps plein (ETP) comptabilisés, seulement 223 ([124]) travaillent sur des missions régaliennes (lutte contre les violences, contre la radicalisation, dopage, etc.), soit à peine 10,7 % du total ([125]).

La rapporteure regrette que, dans la répartition des moyens, la haute performance sportive ait été priorisée au détriment du renforcement de la protection des publics.

Elle reviendra en détail sur les conséquences dramatiques de ces choix dans la deuxième partie du présent rapport d’enquête.

b.   Une revalorisation tardive et partielle

En 2024, l’objectif est que les SDJES accueillent 36 nouveaux effectifs, après l’ouverture de 20 effectifs supplémentaires en 2023. Ces nouveaux agents doivent se consacrer à des missions régaliennes.

Seuls 15 postes ont été pourvus sur les 20 ouverts en 2023, ce qui pose aussi la question de l’attractivité de ces services.

La rapporteure salue ces créations de postes mais invite le Gouvernement à aller beaucoup plus loin et plus vite et à mettre sans délai les moyens des services déconcentrés de l’État en adéquation avec leurs missions.

Au regard des constats formulés dans la deuxième partie du présent rapport d’enquête, elle invite plus largement le Gouvernement à réaliser un bilan approfondi de l’exercice par ces services de leurs missions de contrôle du réseau sportif et du traitement des signalements de violences.

Recommandation  13 : Sur la base d’un audit, précis et rendu public, de l’exercice de leurs missions en matière de protection des publics, renforcer quantitativement et qualitativement les services déconcentrés de l’État.

B.   Une gouvernance partagée à responsabilités enchevêtrées et diluées

Défaillance systémique majeure, la gouvernance du monde sportif est caractérisée par un empilement de structures ([126]) qui ne favorise pas l’identification des responsabilités de chacun et affaiblit le contrôle.

Au point que M. Pierre-Alain Raphan, ancien député et rapporteur de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France ([127]), s’est demandé « si le système n’aurait pas été complexifié pour arranger certains » ([128]).

1.   La création de l’Agence nationale du sport s’inscrit dans un mouvement de complexification de la gouvernance du sport et d’affaiblissement de l’État au sein de cette dernière

La création de l’Agence nationale du sport (ANS), à laquelle l’État a transféré une partie de ses compétences et de ses moyens pour financer et organiser le sport, est venue aggraver cette complexité et affaiblir encore davantage le ministère des sports. À ce sujet, la Cour des comptes relève « des carences qui pénalisaient l’action de l’État en direction des fédérations » ([129]).

a.   Une « mise en retrait de l’État » dans la nouvelle gouvernance du sport répondant à une revendication du mouvement sportif…

L’objectif de « recentrer l’action de l’État sur des missions essentielles » et de « donner davantage d’autonomie aux fédérations sportives et au CNOSF » figurait au cœur du programme d’Emmanuel Macron en 2017.

C’est dans cette logique que s’est inscrite la création de l’ANS et la suppression de la notion de « tutelle », qui correspondait à une revendication du mouvement sportif d’être mieux associé à la politique du sport de haut niveau et au développement de la pratique sportive.

Plus fondamentalement, le CNOSF est traditionnellement critique de la place jugée trop grande de l’État dans la gouvernance du sport. L’Inspection générale a pointé à plusieurs reprises dans les revendications du CNOSF une volonté de « dépérissement progressif des services du ministère chargé des sports, voire d’une disparition, à terme, d’une administration dédiée au sport » ([130]).

« Dans le cadre de cette gouvernance partagée, l’État avait vocation à se mettre en retrait afin d’être moins présent », a souligné M. Ludovic Royé, président de l’Association des directeurs et directrices techniques nationaux (AsDTN), au sujet de la création de l’Agence nationale du sport ([131]).

« Le CNOSF est arrivé dans une gouvernance partagée au sein de l’ANS. Il s’est dit qu’il pourrait jouer la place du ministère des sports beaucoup plus facilement parce qu’il disposait de l’argent », a confirmé Mme Roxana Maracineanu, ancienne ministre déléguée chargée des sports ([132]).

L’État a de fait partagé son pouvoir de décision au sein du groupement d’intérêt public ([133]).

Pourtant, cette gouvernance partagée ne s’est pas accompagnée d’une participation des autres acteurs au financement de l’ANS. Alors que chaque acteur devait participer au financement de l’agence, l’État reste quasiment le financeur unique de l’ANS à hauteur de 482,7 millions d’euros sur un total de 488,5 millions d’euros.

b.   … au détriment du contrôle et de la capacité de réaction de l’État

« L’ambition d’une gouvernance partagée à responsabilités réparties n’a pas été atteinte », a observé M. Dominique Lefebvre, magistrat à la Cour des comptes ([134]). En revanche il est certain que la multiplicité des acteurs et le découplage entre l’ANS et la direction des sports affaiblissent le contrôle et la capacité de réaction de l’État.

Les fédérations sportives doivent désormais souscrire à plusieurs contrats ([135]), ce qui conduit à une fragmentation du contrôle et de l’évaluation de leur activité par l’État. M. Philippe Rousselot, président de section à la 3e chambre de la Cour des comptes, constate ainsi qu’il est « plus difficile de préciser et d’observer la relation qui existe entre l’évaluation et le montant des subventions. Ce que donne l’État ne paraît pas encore bien connecté à une analyse serrée et évaluative des uns et des autres ».

Dès lors, fixer des objectifs précis, par exemple en matière d’éthique, et les évaluer de façon rigoureuse, apparaît plus compliqué, d’autant que les différents acteurs représentant l’État coordonnent peu leur action.

La Cour des comptes ([136]) a recommandé d’assurer la cohérence entre les contrats de délégation, les contrats de développement et les contrats de performance, en les agrégeant dans un document unique.

Ce foisonnement contractuel et la complexification de la gouvernance engendrent des lacunes dans le contrôle des fédérations, comme l’ont récemment illustré l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche en ce qui concerne la Fédération française de rugby.

 

IGF et IGÉSR, Contrôle budgétaire et financier de la Fédération française de rugby (FFR), juin 2023

Une gouvernance qui « dilue la responsabilité du contrôle et ne favorise pas de prise de position forte de l’État en cas de défaillance ou de problème »

Plusieurs acteurs représentent l’État face à la FFR : le ministère des sports et sa direction des sports ; le délégué interministériel aux grands événements sportifs (DIGES), qui est également le délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques (DIJOP) et l’Agence nationale du sport (ANS).

La mission a pu observer une faible coordination entre ces trois acteurs et au sein de chaque acteur, entre ses différents pôles ou directions.

Ainsi au sein de la direction des sports, le bureau chargé du contrôle de la FFR (à savoir le bureau de l’accompagnement à l’autonomie des fédérations sportives et du sport professionnel) :

– n’a pas connaissance de la mise à disposition des droits de la FFR à la société commerciale des Six Nations, les droits audiovisuels étant suivis par un autre bureau, chargé de l’accompagnement des acteurs économiques du monde sportif ; au demeurant, l’opération CVC n’est pas mentionnée dans la fiche de synthèse relative à la FFR, élaborée par la direction des sports et destinée au cabinet de la ministre ;

– n’a aucune prise sur l’agrément et les statuts de la FFR, la mission des affaires juridiques et contentieuses de la direction des sports gérant de son côté ces sujets ;

– ne traite pas des questions relatives aux conseillers techniques sportifs (CTS), qui relèvent du centre de gestion opérationnelle des CTS.

Le directeur général de l’ANS ne fait, quant à lui, pas de lien opérationnel entre le contenu du contrat de délégation signé avec la direction des sports et les différents contrats de développement et de performance signés avec l’ANS. De même, les financements instruits par le pôle développement des pratiques de l’ANS sont largement indépendants de ceux qui proviennent du pôle de la haute performance, à l’exception de quelques points de recouvrement concernant l’accession au sport de haut niveau.

Il résulte de cette multiplicité d’interlocuteurs et de sources de financement une parcellisation du dialogue de gestion avec la fédération, aucune autorité ne disposant de la vision d’ensemble et des leviers financiers permettant de contrôler et de réguler la bonne mise en œuvre des politiques publiques par la fédération et la qualité de sa gestion.

Cette situation dilue la responsabilité du contrôle de la FFR et ne favorise pas de prise de position forte de l’État en cas de défaillance ou de problème à la FFR.

La mission appelait la direction des sports à renforcer le contrôle de la FFR :

1/ en disposant d’une vision globale et précise des aides dont bénéficie la FFR, qu’elles soient le fait du ministère en charge des sports, de délégations interministérielles ou de l’ANS ;

2/ en organisant des réunions annuelles avec la FFR pour assurer un suivi de ses projets stratégiques et de sa gestion. Les réunions pourraient être l’occasion d’assurer un suivi des recommandations issues de contrôles administratifs, tel que ceux de l’AFA ;

3/ en dotant le bureau chargé de la coordination du suivi de la FFR de compétences générales en matière de gestion d’une fédération (budget, achats, ressources humaines).

Recommandation  14 : Au lendemain des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, réaliser un bilan complet de l’efficacité et de la pertinence de la nouvelle gouvernance du sport, en particulier de l’Agence nationale du sport, étant entendu que ce bilan ne pourra avoir pour seul critère la performance de la France aux Jeux. Ce bilan devra permettre une évaluation complète de l’action de l’ANS ainsi que de l’opportunité de son maintien.

2.   « Il est important aujourd’hui que chacun reste à sa place et joue son rôle » : le CNOSF, un ministère des sports bis ?

« Les aspirations récentes du CNOSF à exercer de plus larges responsabilités seraient bienvenues si elles ne s’inscrivaient pas dans une perspective de concurrence avec le ministère chargé des sports dont le soutien est parfois sous-estimé », écrivait, comme indiqué précédemment, l’Inspection générale en 2013 et en 2017 ([137]).

Interrogée sur les missions du CNOSF en matière d’éthique, Mme Roxana Maracineanu, ancienne ministre déléguée chargée des sports, a déclaré : « Je tiens à vous remercier d’avoir monté cette commission d’enquête, parce que cela a permis à la population entière, y compris à vous, membres de l’Assemblée nationale, de voir ce que j’ai vécu dans l’enceinte de mon bureau pendant quatre ans. Il s’agit effectivement du rôle du CNOSF. Il est important aujourd’hui que chacun reste à sa place et joue son rôle. » ([138])

Le CNOSF vit sous la dépendance financière du ministère des sports qui lui verse une subvention importante en contrepartie d’actions prévues dans une convention d’objectifs. Il appartient, là encore, au ministère des sports d’utiliser pleinement ce levier, pour faire en sorte « que chacun reste à sa place et joue son rôle ».

a.   Une relation de concurrence

La déclaration de Mme Roxana Maracineanu illustre le caractère particulier de la relation entre le ministère des sports et le CNOSF, une relation de concurrence qui participe à la complexité de la gouvernance du monde sportif.

De fait les responsabilités respectives du ministère et du CNOSF ne sont pas toujours claires, ce qui induit une dilution de responsabilité ou des doublons.

i.   En matière d’éthique

Le code du sport confie au CNOSF le soin de veiller au respect de l’éthique du sport ([139]) mais seul le ministère des sports dispose des véritables leviers, chacun se renvoyant la balle.

Ainsi, M. David Lappartient président du CNOSF, a critiqué la passivité du ministère des sports face aux fédérations n’ayant pas créé de comité d’éthique (cf. supra).

Quant à la directrice des sports, interrogée sur cette interpellation, elle a rappelé « que les comités d’éthique entrent dans le champ de compétence du CNOSF, à qui il revient aussi d’en assurer le suivi et la coordination » ([140]).

ii.   En matière de lutte contre les violences sexuelles

Le CNOSF a créé, le 18 janvier 2022, une commission de lutte contre les violences et les discriminations dans le sport co-présidée par Mme Catherine Moyon de Baecque et M. Jean Zoungrana.

L’articulation des responsabilités entre le ministère et le CNOSF dans ce domaine n’est pas clarifiée et l’échange apparaît quasiment inexistant.

Mme Roxana Maracineanu a regretté que la commission du CNOSF ait commandé un état des lieux sur les violences sexuelles à un cabinet privé, estimant que le ministère disposait déjà d’un tel état des lieux.

Plus généralement, elle a pointé l’absence de complémentarité des actions du CNOSF avec celles du ministère : « Tous les chantiers que nous engagions, il souhaitait aussi les engager, en repartant de zéro et en souhaitant bénéficier de moyens supplémentaires pour le faire. » ([141])

S’agissant de l’étude précitée, la rapporteure estime qu’elle illustre le caractère totalement incohérent de cette gouvernance puisqu’en effet, il était de la responsabilité du ministère de la lancer. Or c’est le CNOSF qui l’a réalisée, dans des conditions qui n’en garantissent pas la rigueur, tout en bénéficiant pour ce faire de crédits du ministère ([142]).

« Je déplore que le CNOSF rédige des documents qui permettent juste de montrer qu’il coche la case », a regretté Mme Roxana Maracineanu, ajoutant : « Le CNOSF doit être là pour s’engager. »

b.   Un ministère qui doit donner la direction et assurer la complémentarité des actions du CNOSF avec les siennes

Mme Roxana Maracineanu, ancienne ministre déléguée chargée des sports, a regretté que le CNOSF cherche à jouer le rôle du ministère et souhaité que « le ministère des sports impulse et donne la direction ».

La relation entre le ministère et le CNOSF apparaît déséquilibrée et l’on peut douter des marges de manœuvre d’un ou une ministre qui serait privé du soutien du CNOSF.

Le CNOSF représente en effet plus de 100 fédérations, dotées de moyens financiers importants, ce qui lui confère un poids politique non négligeable.

De son côté, le ministère des sports a été affaibli, l’essentiel des financements transitant désormais par l’Agence nationale du sport (cf. supra).

À cet « affaiblissement politique », s’ajoute la durée des fonctions des ministres chargés des sports, qui joue en faveur du mouvement sportif, comme l’a remarqué au cours de son audition M. Denis Masseglia, ancien président du CNOSF ([143]) : « Sachez que j’ai connu 13 ministres en tant que président du CNOSF. »

Une illustration de la faiblesse de l’État dans sa relation avec le mouvement sportif

Propos tenus par M. Dominique Lefebvre, magistrat à la Cour des comptes, sur le déséquilibre au cœur de la relation entre l’État et le mouvement sportif (1)

Quand nous avons contrôlé la concession du Stade de France et le consortium qui en assure l’exécution, nous avons constaté que les deux fédérations délégataires de service public que sont la Fédération française de football et la Fédération française de rugby (et pour lesquelles ce stade a été en partie créé) sont les éléments essentiels de l’équilibre économique du stade : elles sont les seules titulaires des droits commerciaux issus de la délégation de service public qui leur a été accordée par l’État. Cela n’a cependant pas empêché la Fédération française de football d’engager contre l’État un contentieux devant les juridictions administratives. Si cette fédération n’avait pas retiré son action, elle aurait d’ailleurs probablement gagné.

Quand nous avons interrogé le ministre alors en fonction sur la question de savoir pourquoi il avait laissé une fédération qui dispose d’une délégation de service public ester en justice contre l’État sur un tel sujet, il nous a expliqué qu’il était face au président d’une fédération de deux millions de licenciés. Même s’il existe de nouvelles règles sur la durée des mandats des présidents de fédération, ces derniers restent longs. Les ministres des sports changent en revanche souvent. Ceci crée un déséquilibre.

Le rapport sur l’ANS que nous avons présenté à la commission des finances, dans cette salle, en septembre 2022, montre bien que les arbitrages rendus reflètent ces enjeux, ces difficultés et ces ambiguïtés politiques.

(5)    Compte rendu  28.

Cependant, le CNOSF est lié au ministère des sports par une convention pluriannuelle d’objectifs, qui fixe le montant de la contribution financière de l’État.

« Il faut maintenant que le CNOSF trouve sa place et que cette place lui soit accordée, par le biais de la convention financière qui le lie au ministère des sports et grâce aux moyens supplémentaires qu’il aura obtenus une fois les Jeux en France terminés », a souhaité l’ancienne ministre.

La rapporteure a pu constater le caractère vague des objectifs fixés par la convention et le caractère insuffisamment contrôlé des actions conduites par le CNOSF dans le cadre de cette convention, à l’instar des contrats de délégation, en dépit, là encore, de préconisations nombreuses formulées en ce sens par l’Inspection générale ([144]).

Au titre de ses « missions de service public », dont son activité de représentation auprès des pouvoirs publics, le CNOSF perçoit des subventions publiques, qui s’établissent à 9,4 millions d’euros pour les années 2023, 2024 et 2025, soit 28,2 millions d’euros au total, conformément à la convention pluriannuelle d’objectifs (CPO) ([145]) signée entre le ministère des sports et le président du CNOSF le 18 septembre 2023.

Cette convention prévoit que « le CNOSF s’engage à son initiative et sous sa responsabilité, à mettre en œuvre, en cohérence avec les orientations de politique publique portée par l’État, le projet de développement du mouvement olympique », décliné selon plusieurs axes, dont des actions nationales liées à ses missions de service public ([146]). Sur les années 2023, 2024 et 2025, le coût total du programme d’actions est évalué à 53,8 millions d’euros. L’État s’est ainsi engagé à financer 52 % des actions du CNOSF.

Recommandation  15 : Actionner le levier de la convention pluriannuelle d’objectifs conclue avec le CNOSF pour mieux orienter et contrôler son action et s’assurer de sa complémentarité avec les actions conduites par le ministère.

Rendre publique la convention qui lie le CNOSF et le ministère des sports en contrepartie de sa subvention et le bilan annuel des actions menées par le CNOSF dans ce cadre.

Soumettre cette convention et son exécution à l’avis de l’autorité indépendante chargée de l’éthique du sport que la rapporteure appelle à mettre en place.

C.   « Un lien très atypique entre l’État et les fédérations qui ouvre la voie aux dérives »

La rapporteure identifie un autre facteur majeur de faiblesse de l’État face aux fédérations : la proximité quotidienne et structurelle entre le mouvement sportif et les agents de l’État, qui engendre une perte de repères et une confusion des rôles. Il s’agit d’une composante essentielle de cet entre-soi, caractéristique de la gouvernance du monde sportif, régulièrement évoqué et dénoncé au cours des auditions.

Cette confusion explique en partie le peu de réactivité du ministère dans le traitement des dysfonctionnements des fédérations sportives, souvent connus de longue date.

Le modèle sportif français repose sur une grande proximité entre les agents du ministère des sports et les fédérations sportives, qui résulte notamment de la mise à disposition de conseillers techniques sportifs auprès de ces dernières (cf. supra).

Cette proximité avait été soulignée par l’Inspection générale de la jeunesse et des sports en 2011 :

« La grande proximité entre l’ensemble des acteurs qui portent les politiques publiques du sport en France semble favoriser, parfois, une forme de perte de repères. Les quelques dysfonctionnements ponctuels relevés par la mission au cours de son travail témoignent, pour une part, de cet état de fait. Sur un plan plus général, il apparaît que la construction même du dispositif qui donne sa spécificité au "modèle sportif français", dont la pertinence n’est pas questionnée ici, crée un lien très atypique entre l’État et les fédérations sportives qui ouvre la voie aux dérives. » ([147])

L’Inspection générale observait également un « système de portes tournantes entre le ministère et les fédérations », non dénué de risques :

« Lors de plusieurs entretiens avec des chargés d’études et d’évaluation de la direction des sports, la mission a observé qu’à différentes étapes le travail sur les conventions d’objectifs était impacté par la relation forte qui lie les agents de l’État de part et d’autre. La négociation du montant et du contenu de la convention se fait ainsi entre pairs, parfois appelés à se succéder aussi bien en administration centrale qu’au sein des fédérations. Ce système de "portes tournantes" entre le ministère et les fédérations s’intègre dans des stratégies de carrière où le passage en administration centrale constitue une étape d’acquisition de technicité et de transversalité. Cet aspect est, en lui-même, positif. Il comporte cependant des risques – même si la mission n’a pas identifié d’exemples particuliers – que le seul fait qu’il " ne peut pas y avoir de conflits d’intérêts puisque les agents concernés demeurent des agents de l’État ", comme cela a été indiqué à la mission, ne peut suffire à prévenir. »

En 2017, la Cour des comptes formulait le même type d’observation : « Le processus de négociation [des conventions d’objectifs et de moyens] est lui-même particulier. La préparation et les premières étapes de la négociation se déroulent entre la direction et un de ses agents, le DTN placé fonctionnellement auprès de la fédération, mais hiérarchiquement sous l’autorité de la directrice des sports, situation pour le moins singulière. De surcroît, beaucoup de cadres de la direction sont d’anciens sportifs de haut niveau, d’anciens directeurs techniques nationaux ou autres CTS. C’est un facteur de proximité, de compréhension des problématiques et des enjeux, qui réduit la nécessaire distance entre une administration et un organisme sous " tutelle". » ([148])

À titre d’illustration des risques qui découlent de cette situation, la rapporteure a été alertée, à plusieurs reprises, du comportement d’agents affectés en administration centrale qui protégeraient les intérêts de « leur » ancienne fédération.

La rapporteure avait interrogé le ministère des sports sur le nombre d’agents de la direction ayant exercé des fonctions au sein de fédérations et inversement. Cette information ne lui a pas été communiquée.

La rapporteure a pu constater que ce « système de portes tournantes » n’a en rien disparu et que la gouvernance du sport se caractérise par un entre-soi frappant. Les mêmes personnes passent de directeur technique national d’une fédération à un poste en administration centrale ou à la direction d’un établissement public sous tutelle, ou inversement. Ils peuvent rejoindre l’Inspection générale avant ou après un passage en cabinet. Les CTS peuvent rejoindre les services déconcentrés en restant dans la grande famille du monde sportif. D’anciens ministres sont devenus présidents de fédération et l’actuelle ministre était directrice générale d’une fédération avant sa nomination.

Cette proximité n’est évidemment pas dénuée de risques. À cet égard, on peut s’étonner que Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports, ait pu nommer au sein du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, en mars 2023, M. Franck Latty, président du comité d’éthique de la Fédération française de tennis. En effet, d’une part, le comité d’éthique peut être amené à se prononcer sur la gestion de l’ancienne directrice générale de la Fédération française de tennis, et, d’autre part, un décret du 4 août 2022 a entendu à juste titre rompre tout lien entre la ministre des sports et son ancienne fédération ([149]).

Mme Caroline Pascal, cheffe de l’Inspection générale, a également formulé à cet égard une observation intéressante : « Je ne viens pas du monde du sport, et j’ai été frappée, quand j’ai pris mes fonctions en 2019, par l’entre-soi d’un milieu relativement restreint, où la crainte d’une forme d’omerta peut être tout à fait justifiée. La volonté de sortir de cet entre-soi est à l’origine même de la création de l’IGÉSR et nous conduit à envoyer systématiquement des équipes mixtes en mission, des équipes qui sont composées d’anciens cadres du monde sportif, mais aussi du monde éducatif et du monde universitaire. Ces derniers portent un regard pas nécessairement différent, mais avec une culture différente sur les situations auxquelles ils sont confrontés. Sur une fédération très connue, au sein de laquelle nous avons ainsi envoyé une équipe mixte, l’inspecteur général qui n’appartenait pas au monde sportif, a été très frappé que les autres inspecteurs puissent s’adresser au président de la fédération en l’appelant "Président" alors qu’il était lui-même attentif à l’appeler "Monsieur". »

Ainsi l’État est-il présent au sein des fédérations autant que les fédérations sont présentes au sein de l’État.

La proximité entre le mouvement sportif et l’État tient aussi à l’insuffisante mobilité des directeurs techniques nationaux entre les fédérations qui peut faire obstacle à l’indépendance du regard qu’un DTN doit avoir au sein d’une fédération ([150]).

Selon les informations communiquées à la rapporteure lors de son contrôle sur pièces et sur place à la direction des sports, la durée moyenne d’affectation des directeurs techniques nationaux au sein d’une même fédération est de 6 ans et 8 mois sur les 20 dernières années. 80 directeurs techniques nationaux ont occupé ce poste plus de 5 ans (45,4 %) et 27 plus de 10 ans (15,3 %). 35 agents (20 %) sont restés en fonction entre 7 et 9 ans. Selon les informations transmises à la rapporteure, le record de la durée d’affectation est actuellement détenu par M. Philippe Bana, qui a été directeur technique national de la Fédération française de handball pendant 21 ans, de 1999 à 2020, avant d’être élu à la tête de cette fédération (cf. supra).

Une telle durée d’affectation fragilise nécessairement l’autorité de l’État. Dès lors, la rapporteure juge impératif de limiter le renouvellement des contrats des directeurs techniques nationaux à quatre, c’est-à-dire huit ans au total ou la durée de deux olympiades.

Par ailleurs, il est indispensable de décorréler la durée des contrats des directeurs techniques nationaux de celle des mandats des présidents des fédérations restant à courir.

 

Recommandation  16 : Limiter la durée totale des fonctions de directeur technique national (DTN) auprès d’une même fédération à huit ans, afin de prévenir les risques de conflits d’intérêts et de connivence.

Décorréler la durée des contrats des directeurs techniques nationaux de celle du mandat des présidents de fédérations, pour garantir l’indépendance des DTN.

III.   les défaillances de la gouvernance des FÉDÉrations sportives

Les défaillances du contrôle de l’État se cumulent aux défaillances de la gouvernance interne aux fédérations et au mouvement sportif.

Comme l’a rappelé M. Philippe Rousselot, président de section à la 3e chambre de la Cour des comptes, « parce qu’elles sont sous le régime associatif, [les fédérations] sont autonomes et indépendantes. Cette indépendance doit respecter certains grands principes : le fonctionnement démocratique, la transparence de la gestion et un égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités » ([151]). Ces trois principes ne sont pourtant pas mis en œuvre dans des conditions satisfaisantes.

La démocratie fédérale est faible. Les phénomènes de captation des pouvoirs entre les mains de quelques-uns pendant de nombreuses années sont un facteur essentiel de l’entre-soi et de l’omerta qui ont étouffé pendant trop longtemps les violences sexuelles et sexistes, comme la deuxième partie du présent rapport s’attache à le démontrer.

L’enquête de l’Inspection générale sur la Fédération française des sports de glace diligentée à la suite de l’avalanche de témoignages qui ont suivi celui de Mme Sarah Abitbol insiste ainsi sur la contribution des dysfonctionnements fédéraux à l’omerta qui a maintenu une génération de jeunes patineuses sous le joug de prédateurs sexuels. La mission pointe un fonctionnement « marqué par une concentration des pouvoirs, que les multiples contrôles de l’État n’ont pas fait évoluer » ([152]).

De fait, ce dysfonctionnement est connu de l’État depuis très longtemps.

Il apparaît aujourd’hui urgent de briser l’entre-soi et d’apporter enfin des réponses à des défaillances structurelles identifiées depuis trop longtemps.

Mme Marie-Georges Buffet a décrit devant la commission d’enquête un mouvement sportif « où règnent une culture et un entre-soi qui l’empêchent de s’adapter pleinement aux exigences sociales, sociétales et éthiques de notre époque » ([153]).

« Il aurait besoin d’un profond renouvellement », a-t-elle ajouté. « Selon moi, garantir sa vitalité démocratique est primordial : cela permettrait de renouveler les instances et de susciter un débat interne, étapes nécessaires pour aborder le combat éthique d’une façon nouvelle. »

La rapporteure partage le constat selon lequel le mouvement sportif a besoin d’un profond renouvellement et d’un choc démocratique (A).

La Cour des comptes pointe par ailleurs une gouvernance interne « trop lourde, coûteuse et peu contrôlée » ([154]). De fait, les garde-fous contre les dérives financières et les atteintes à la probité apparaissent notoirement insuffisants (B).

La rapporteure constate surtout que le mouvement sportif n’a pas fait la preuve de sa capacité à se saisir du combat éthique et à s’autoréguler.

Le constat de la double défaillance de l’État et du mouvement sportif plaide, aux yeux d’un très grand nombre d’observateurs, pour la création d’une autorité administrative indépendante.

Seul un regard extérieur indépendant, qu’avait d’ailleurs préconisé, en 2018, Mme Amélie Oudéa-Castéra, lorsqu’elle présidait l’association « Rénovons le sport français », est à même d’apporter le choc de contrôle, de transparence et de démocratie dont le mouvement sportif a besoin (C).

A.   une gouvernance caractérisée par l’entre-soi et un défaut de culture dÉmocratique

1.   La nécessité d’un profond renouvellement

Les défaillances de très grande ampleur constatées par la commission d’enquête dans la gestion des violences sexuelles ou dans la lutte contre les discriminations sont aussi le reflet d’un manque criant de diversité et de renouvellement au sein des instances du monde sportif.

« S’il y avait plus de femmes dans ces instances, on aurait peut-être connu moins de problèmes », a estimé M. Pierre-Alain Raphan, ancien député et rapporteur de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France ([155]).

« Si les joueurs de couleur composent à 50 % les effectifs, il n’y a que 5 % d’entraîneurs ou de dirigeants », a relevé pour sa part, M. Marc Sauvourel, réalisateur ([156]).

Lorsqu’un président de fédération, en fonction depuis 2004, interrogé sur un éducateur sportif condamné deux fois pour des faits d’agression sexuelle, s’agace de perdre son temps sur « une affaire de voleur de pommes », peut-on imaginer qu’il soit capable de prendre des mesures ambitieuses en matière de protection des publics ([157]) ?

Peut-on faire confiance aux dirigeants de la Fédération française de gymnastique qui ignorent leur compétence disciplinaire et, face à des « choses qui tournaient dans le milieu » concernant des cas de maltraitance, ne prennent pas la peine de chercher à en savoir plus ?

Peut-on imaginer qu’une fédération dans laquelle toute une génération de cadres et dirigeants a mis sous le tapis des dérives, banalisé des comportements déviants ou discriminatoires, puisse être à la hauteur des enjeux ?

Ce que l’Inspection générale a constaté à la Fédération française de football, c’est une « ambiance sexiste et violente qui a régné au sein du Codir jusqu’en 2020 […]. Elle s’exprime selon les situations par des blagues sexistes, lourdes et récurrentes, par des manifestations de mépris entre directeurs, par l’usage d’un vocabulaire grossier, par l’échange d’injures ou d’invectives. […] Les anciens membres du Codir, et quelques membres encore en poste décrivent un Codir où la violence verbale et le mépris réciproque s’installent durant cette période, comme un système en vigueur » ([158]).

Comment imaginer un instant que cette culture et ce « système en vigueur » aient été abolis avec le départ de M. Noël Le Graët, quand M. Jean Lapeyre directeur juridique de la Fédération française de football, multiplie les inexactitudes et met une heure trente à reconnaître qu’« on savait depuis longtemps » que l’ancien président de la fédération faisait subir des « relations hors codes » aux femmes ([159]) ?

De très nombreuses auditions ont montré que le mouvement sportif a besoin d’un profond renouvellement et d’une révolution culturelle pour pouvoir se réformer.

En attendant ce renouvellement, qui prendra du temps, un regard extérieur indépendant apparaît indispensable pour mener sérieusement le combat éthique.

a.   Un choc de féminisation qui doit être imposé par la loi

i.   « La faible représentation des femmes est criante »

Ce constat du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport ([160]) s’appuie sur un état des lieux réalisé par le CNOSF en 2021.

Il en ressort que seuls 16 % des postes de président sont occupés par des femmes. Sur 119 fédérations agréées, seules 18 sont présidées par une femme. On ne trouve que quatre femmes à la tête de fédérations olympiques et paralympiques, dont l’une installée à la tête de la gouvernance de sa fédération, selon un rapport de l’Inspection générale, « sous l’influence d’un ancien président démissionnaire », « à la manœuvre ».

Le bureau fédéral de la Fédération française de rugby comporte 12 membres, dont 3 femmes seulement (25 %). Le bureau fédéral de la Fédération française de basket-ball comporte 17 membres, dont 5 femmes seulement (30 %).

La féminisation des fonctions dirigeantes au sein du mouvement sportif reste trop lente.

En outre, on constate une « distribution genrée des responsabilités », comme l’a observé Mme Béatrice Barbusse, auteure du livre Du sexisme dans le sport. Les femmes sont le plus souvent secrétaire générale, trésorière ou adjointe et s’évaporent au fur et à mesure que le niveau de responsabilité augmente.

ii.   Des oubliés de la parité

La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a constitué une première étape pour favoriser la parité à partir de seuils minimaux de représentation selon le taux de licenciés des deux sexes.

La loi du 2 mars 2022 ([161]) a posé un principe de parité des instances nationales, y compris pour les bureaux du CNOSF et du Comité paralympique et sportif français (CPSF), d’ici au 1er janvier 2024, et des instances régionales d’ici à 2028.

Comme le relève le rapport du « comité Buffet-Diagana », « il est étonnant de remarquer que les textes actuels n’imposent pas la parité au sein des conseils d’administration du CNOSF et du CPSF ».

D’autant que sur les 49 membres qui composent le conseil d’administration du CNOSF, on ne trouve que 14 femmes. Par comparaison le conseil d’administration du CPSF est parfaitement paritaire.

Le comité observe également que « les ligues professionnelles sont les grandes oubliées » de la parité.

Il en va de même des commissions de discipline, des commissions chargées de la gestion des clubs, des comités d’éthique, des commissions des agents, des commissions électorales ou des commissions médicales, qui exercent des missions importantes.

iii.   Des stratégies de contournement

De plus, au cours de son audition, Mme Béatrice Barbusse, auteure du livre Du sexisme dans le sport, a évoqué des stratégies de contournement des règles de féminisation des instances ([162]) en se référant aux travaux de Mme Annabelle Caprais, chercheuse en sociologie : « Certaines fédérations respectent le taux de 40 % de femmes au sein de leur conseil fédéral, mais elles ont transféré le pouvoir de décision mensuel à d’autres instances de direction qui n’ont pas été nommées dans la loi. Il s’agit là d’un problème important : quand la loi établit des quotas au sein des instances de décision, elle précise rarement les organes de décision concernés. »

Si le bureau du CNOSF comprend six hommes et cinq femmes, le Comité national coprésidé par Marie-Georges Buffet et Stéphane Diagana note que le CNOSF a mis en place en son sein un bureau exécutif élargi composé de 11 membres supplémentaires. Ce bureau élargi compte 8 femmes pour 17 membres.

Le lobbying intense du CNOSF contre la parité

Au sein de son bureau

On peut relever que dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, le CNOSF avait demandé la suppression de l’obligation de parité au sein de son bureau, au motif que la mesure ne relèverait pas du niveau législatif et serait déjà satisfaite en pratique.

Au sein des instances dirigeantes des fédérations

« Au moment où [la loi de 2022] a été pensée, il n’y avait qu’une seule femme parmi les présidents des fédérations de disciplines olympiques. L’accès des femmes aux responsabilités était presque prohibé par le système tel qu’il était conçu » a relevé M. Pierre-Alain Raphan, ancien rapporteur de la proposition de loi. « Nous avons donc dû forcer ce sujet, qui ne se réglait pas tout seul », a-t-il ajouté en précisant que certaines des grandes fédérations historiques (football, rugby, tennis, judo notamment) « ne voulaient absolument pas bouger » sur les sujets relatifs à la gouvernance. Le CNOSF s’est opposé à des dispositions jugées contraignantes qu’il s’est attaché à assouplir ou dont il s’est attaché à limiter la portée.

Au sein des instances d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques

« Un événement m’a profondément marqué lors de la construction de cette loi », a également témoigné M. Pierre-Alain Raphan. « En 2018, Aude Amadou et moi-même avions poussé une loi qui portait sur l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Elle proposait notamment une parité dans les instances d’organisation des JOP. Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) nous a alors transféré une réponse du Comité international olympique (CIO) qui était assez étonnante. Ces derniers nous expliquaient que le fait d’imposer la parité relevait d’une ingérence législative, ce qui mettait en risque le maintien de l’organisation des JOP en France.

« Je vous laisse méditer la signification de cette réponse. Ça signifiait qu’il y avait une inversion dans la hiérarchie des normes mises en avant au sein du milieu sportif et que ce dernier se sentait au-dessus des lois. »

Les actions de lobbying du CNOSF contre l’essentiel des avancées permises par la loi du 2 mars 2022 comptent d’ailleurs parmi les actions qui lui permettent de bénéficier d’une subvention de l’État.

Recommandation  17 : Fixer dans la loi le principe de parité réelle dans tous les organes dirigeants du mouvement sportif (CNOSF, CPSF, fédérations, ligues professionnelles, organes déconcentrés) ainsi que dans l’ensemble des commissions de discipline, des comités d’éthique et autres commissions régaliennes.

 

b.   Renforcer l’attractivité du bénévolat et des responsabilités fédérales

La rapporteure souscrit aux constats du « comité Buffet-Diagana » sur l’importance d’assurer l’attractivité du bénévolat sportif. Une réflexion sur ce sujet apparaît en effet nécessaire pour assurer le renouvellement du mouvement sportif dans son ensemble.

En outre, pour favoriser l’attractivité des fonctions de dirigeant fédéral pour des publics plus féminins, plus jeunes et mieux formés, pour professionnaliser ces postes qui impliquent de lourdes responsabilités, un système d’indemnisation fondé sur des critères clairs et transparents doit être mis en place.

Enfin, compte tenu des responsabilités attachées à ces fonctions, il est indispensable que le contrôle renforcé sur l’action des fédérations s’accompagne d’un effort d’accompagnement et de formation de grande ampleur des dirigeants et dirigeantes du mouvement sportif.

Recommandation  18 : Lancer une évaluation sur le bénévolat et les conditions de maintien de son attractivité.

Rendre obligatoire la formation des bénévoles des clubs exerçant des fonctions d’encadrement et y intégrer un module spécifique sur les violences sexuelles et sexistes.

Reconnaître le rôle essentiel des bénévoles à travers la création d’un statut officiel, incluant la reconnaissance des acquis d’expérience et la comptabilisation de leur engagement dans les trimestres de retraite.

Établir un système d’indemnisation des dirigeants et dirigeantes de fédération fondé sur des critères clairs et transparents.

Conditionner l’accès à l’agrément et aux soutiens publics à une formation des dirigeants et dirigeantes des fédérations et instances déconcentrées du mouvement sportif sur l’éthique.

2.   Un choc démocratique à imposer par la loi

Le caractère insuffisamment démocratique de la gouvernance des fédérations constitue une composante essentielle de l’entre-soi qui favorise les dérives.

« Une fois élu, l’exécutif fédéral évolue dans un système qui ne connaît pas de contre-pouvoir manifeste », a relevé M. Philippe Rousselot, président de section à la 3e chambre de la Cour des comptes ([163]).

Cette absence de contre-pouvoir est connue de longue date et nombre des constats et préconisations formulés par le rapport du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport sur la nécessité de renforcer la transparence et la démocratie au sein des fédérations figuraient déjà dans un rapport de l’Inspection générale rédigé par MM. Fabien Canu et Olivier Keraudren en 2017 ([164]).

a.   Des exigences limitées et un contrôle insuffisant par le ministère des sports dans ce domaine également

Pour être agréées, les fédérations doivent adopter des statuts qui garantissent « le caractère démocratique de leurs élections et de leur fonctionnement » ([165]).

Là encore, le degré d’exigence fixé par l’État est minimal. Cette condition est jugée remplie dès lors que les statuts comportent des dispositions obligatoires rédigées de manière très large ([166]).

De plus, en ce qui concerne le contrôle de la direction des sports, comme le relève le Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, il est formel et « insuffisant pour permettre un niveau d’exigence démocratique conforme à l’ambition poursuivie ».

b.   Des clubs mis à l’écart de la vie fédérale

Le mode de gouvernance interne des fédérations apparaît trop souvent peu démocratique en ce que les clubs ne sont que rarement membres de l’assemblée générale de leur fédération et ne participent donc que très peu à la vie statutaire de celle-ci. Plus encore que les clubs, les licenciés se sentent très souvent totalement extérieurs et déconnectés de leur fédération sportive.

La plupart des assemblées générales sont en effet composées de représentants de clubs élus au niveau départemental et parfois également au niveau régional.

Face aux « réticences portées avec vigueur par le CNOSF » ([167]), la loi du 2 mars 2022, en prévoyant la participation de 50 % des clubs aux assemblées générales électives qui ont lieu tous les quatre ans, n’apporte pas de réponse satisfaisante à cette anomalie démocratique.

Sur ce sujet, la rapporteure rejoint les préconisations du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport. Il est temps que les clubs participent pleinement à la gouvernance de leur fédération.

Recommandation  19 : Prévoir la participation directe de tous les clubs membres d’une fédération sportive aux élections et à toutes les assemblées générales.

Intégrer dans les dispositions statutaires obligatoires le principe du « référendum » fédéral permettant de consulter les clubs sur des questions particulières, y compris à l’initiative d’un certain nombre d’entre eux.


c.   Des garde-fous insuffisants pour empêcher la captation du pouvoir entre les mains de quelques-uns

La gouvernance des fédérations est marquée par une concentration et une captation du pouvoir dans les mains de quelques-uns.

D’une part, les « oppositions », à savoir les courants qui ne soutiennent pas l’équipe exécutive en place, « ne disposent d’aucun statut et sont très peu représentées » ([168]).

D’autre part, les instances dirigeantes ne se renouvellent que très peu.

Lors des élections qui se sont tenues en 2020-2021, le président sortant a été réélu dans 55 % des cas, la non-réélection s’expliquant, dans 24 % des cas, par le fait que le président ne s’était pas représenté. Le président sortant n’a été battu que dans 10 % des scrutins. Aux dernières élections, la durée moyenne des mandats effectués par les présidents déjà élus s’élevait à près de sept et certains entamaient leur sixième mandat.

La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France a limité le nombre de mandats des présidents de fédération et de ligue professionnelle à trois mandats « de plein exercice ». Cette précision permet à un dirigeant de rester seize ans à la tête d’une structure, dans l’hypothèse où son premier mandat n’était pas complet.

Enfin, les garanties ne sont pas aujourd’hui réunies pour que les élections se déroulent dans un cadre transparent assurant l’égalité de traitement entre tous les candidats.

La partie réglementaire du code du sport, à la main du ministère, n’apporte aucune garantie contre ces dérives. La détermination du mode de scrutin est à l’entière discrétion des fédérations agréées ([169]).

Mode de scrutin pour l’élection du comité directeur (ou équivalent)

Source : Pour un sport plus démocratique, plus éthique et plus protecteur, rapport remis à la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques le 7 décembre 2023.

Là encore, la loi du 2 mars 2022 n’a pas apporté de réponse satisfaisante ([170]).

« Force est de constater que la liberté offerte aux fédérations pour organiser leur mode de scrutin n’a, de manière générale, pas conduit à la mise en place de dispositifs offrant un résultat satisfaisant en termes d’ouverture et de participation », observe le « comité Buffet-Diagana » ([171]).

L’Inspection générale, comme la Cour des comptes, avait déjà alerté depuis longtemps sur ces dysfonctionnements : « Le cadre statutaire fixé par le code du sport n’apparaît pas à même de garantir dans les faits une organisation efficiente, démocratique et transparente des fédérations sportives. » ([172])

La rapporteure estime qu’un choc démocratique est nécessaire au sein des fédérations.

Face à l’inertie du ministère des sports, qui là encore n’a pas su apporter les garanties nécessaires par la voie réglementaire, il importe que le législateur reprenne la main.

Recommandation  20 : Prévoir l’élection des organes exécutifs selon un mode de scrutin proportionnel.

Encadrer les conditions de déroulement des campagnes électorales et fixer des garanties d’égalité de traitement entre les candidats.

Pour plus de renouvellement, limiter strictement le nombre de mandats à trois.


d.   Un cas emblématique : la Fédération française de football

Dans son rapport de février 2023, l’Inspection générale pointe « des modalités d’élection et de gouvernance qui réduisent la capacité d’expression des oppositions et expose la fédération à des dérives potentielles » :

IGÉSR, Contrôle du pilotage de la Fédération française de football et du respect des obligations qui s’y rattachent, février 2023

Une gouvernance marquée par l’absence de contre-pouvoir

Les modalités électives de la FFF sont prévues à l’article 16 des statuts. Le modèle retenu est un scrutin de liste prévoyant que « la liste qui obtient la majorité absolue des suffrages exprimés à l’issue de ce second tour se voit attribuer l’intégralité des sièges ». Il n’y a donc, selon la mission, aucune expression politique des oppositions ou de minorités au sein des organes de la FFF, une fois que l’assemblée générale élective, qui a lieu tous les quatre ans, a permis de désigner la liste majoritaire. Cette absence de contre-pouvoir limite l’exercice démocratique pourtant nécessaire à la gouvernance d’une fédération sportive.

Cette problématique est renforcée par le modèle de gouvernance très concentré de la FFF. Les statuts fédéraux ne prévoient en effet que trois niveaux décisionnels : le président, l’assemblée générale et le COMEX constitué de 12 membres issus de la liste du président et de deux membres de droit, représentant respectivement la LFP et la LFA. La mission constate la forte concentration des pouvoirs au sein de la FFF et le peu de régulation possible des décisions fédérales. […]

Dans cet environnement propre au football où les pressions médiatiques et les intérêts financiers sont considérables et où la gestion doit être réactive, la mission constate également le peu de poids des « autorités morales » (comité d’éthique, Haute Autorité) et leur incapacité à avoir un réel rôle de garde-fou ou de régulation. Cette situation, combinée avec la totale absence d’opposition au sein de la gouvernance, expose la FFF à des dérives potentielles.

La mission considère que ces constats doivent être pris en compte dans le cadre des travaux statutaires consécutifs à la mise en œuvre de la loi  2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France.

 


B.   Des garde-fous insuffisants contre les dérives financières et les atteintes à la probité

Une gouvernance marquée par « l’absence de contre-pouvoir manifeste » ([173]) est nécessairement propice à des risques d’atteintes à la probité et de dérives en matière financière. L’actualité des fédérations a ainsi été marquée par des affaires retentissantes qui ont en particulier touché la billetterie de la Fédération française de tennis ou les contrats de partenariat de la Fédération française de rugby.

M. David Lappartient, président du CNOSF, dans son courrier à la rapporteure et la présidente Béatrice Bellamy, s’interrogeait : « Comment peut-on qualifier d’opaques des fédérations qui transmettent, en toute transparence, leurs comptes financiers au ministère des sports et des Jeux olympiques et paralympiques ? Comment peut-on qualifier d’opaques des fédérations qui régulièrement font l’objet d’audit de la part de leur ministère de contrôle, de la part de la Cour des Comptes ou encore de la part de l’Agence française anticorruption et qui ont, par ailleurs, mis en place des dispositifs internes, en particulier des comités d’éthique indépendants conformément aux dispositions législatives applicables ? » ([174])

La commission d’enquête a entendu ou consulté l’ensemble de ces acteurs chargés du contrôle des fédérations. La rapporteure a pu prendre connaissance de leurs travaux. Ils ont tous formulé des observations sévères et pointé de manière récurrente des lacunes importantes en matière de transparence et de rigueur des procédures de contrôle.

1.   Un secteur particulièrement exposé aux risques d’atteinte à la probité

« Les zones de risques liés à la probité et l’intégrité, auxquels peuvent être associés les conflits d’intérêts, se sont sans doute multipliées ces dernières années, ce qui nécessite une application stricte du cadre législatif », a relevé le « comité Buffet-Diagana ».

L’intendant des Bleus : un conflit d’intérêts ignoré par la Fédération française de football

M. Bachir Néhar, intendant de l’équipe de France masculine de football, est également employé comme « team manageur » de la société VV Consulting, une agence de conseil et de management sportif basée à Monaco et fondée par M. Vadim Vasilyev, homme d’affaires russe et ancien vice-président de l’AS Monaco. Plusieurs situations problématiques ont été pointées par la presse, comme la sélection pour la Coupe du monde de football 2022 de M. Jordan Veretout. M. Vadim Vasilyev aurait participé, comme intermédiaire, au transfert de M. Veretout à l’Olympique du Marseille, en faisant publiquement état de son rôle sur un réseau social.

Au cours de son audition, la rapporteure a demandé à M. Noël Le Graët de lui apporter des précisions sur les mesures prises par la Fédération française de football relativement à cette situation présumée de conflit d’intérêts. M. Noël Le Graët a indiqué à la rapporteure qu’à sa connaissance, M. Néhar avait été écarté de la fédération. La rapporteure lui ayant précisé que M. Néhar continuait de travailler au sein de la fédération, M. Le Graët a répondu : « Impossible », puis : « Il n’a pas le droit. La fédération aurait pris des sanctions ».

Deux jours plus tard, la rapporteure est revenue sur cette affaire lors de l’audition de M. Jean Lapeyre, directeur juridique de la fédération. Ce dernier a avancé, comme élément d’explication possible au maintien de M. Néhar dans ses fonctions, la relation personnelle liant MM. Didier Deschamps et Bachir Néhar. C’est M. Deschamps qui entendait « le conserver ». M. Lapeyre a expliqué avoir alerté sa hiérarchie de l’existence d’un conflit d’intérêts. Le contrat de travail de M. Néhar a été transformé en contrat de prestation, comportant une clause relative audit conflit d’intérêts, prévoyant notamment que « les parties conviennent que le prestataire peut exécuter des prestations de consulting sportif, et d’intendance logistique pour le compte de joueurs, clubs ou fédérations, et ce, dans le cadre strict de son champ de compétence ».

La rapporteure a eu connaissance d’échanges de mails entre M. Jean Lapeyre et M. François Rajaud, directeur des ressources humaines de la Fédération française de football (1). M. Lapeyre affirme que « le fait [que Bachir Néhar] soit prestataire lui permettra toujours d’être en contact avec les joueurs de l’équipe de France et le problème ne sera donc pas résolu sur le fond, il travaille dans une société d’agents de joueurs et ça nous laissera en porte à faux ». Il ne sera pas tenu compte de son avis, M. Rajaud lui précisant que « Didier [a] déjà réuni son staff, avec Bachir Néhar, en vue des deux prochains matchs ».

Si le mouvement sportif n’est naturellement pas le seul milieu exposé à ces risques, il n’en demeure pas moins que son niveau d’exposition est particulièrement élevé, du fait du développement du sport professionnel, des flux financiers liés aux droits télévisuels et à de nouvelles formes de revenus commerciaux tels que le sponsoring, de l’arrivée de capitaux étrangers non soumis aux contrôles préalables de l’État, de l’interaction croissante des fédérations avec des acteurs privés et de l’internationalisation du sport.

De fait, « le sport a été identifié par l’Agence française anticorruption comme un secteur exposé aux risques de probité. Nous l’avons d’ailleurs érigé en priorité lors du plan pluriannuel de lutte contre la corruption 2020-2022, qui prévoyait l’établissement d’une action plus spécifique dans le domaine du sport », a expliqué Mme Isabelle Jégouzo, directrice de l’Agence française anticorruption.

L’Agence française anticorruption a contrôlé neuf fédérations sportives en se concentrant sur celles qui disposent du plus grand nombre de licenciés. Ces contrôles ont permis à sa directrice de tirer un certain nombre d’enseignements :

« Tout d’abord, ces entités sont exposées aux risques de corruption et de trafic d’influence. En tant que personnes chargées de missions de service public, elles sont exposées à la prise illégale d’intérêts et au risque de concussion. De plus, les fédérations qui reçoivent des fonds publics peuvent être sujettes au risque de détournement desdits fonds et, en tant qu’associations, d’abus de confiance. Celles qui attribuent des marchés publics sont quant à elles soumises au risque de favoritisme. En résumé, l’ensemble des secteurs des fédérations sportives est à risque. »

M. Alexandre Calvez, administrateur d’Anticor, a également signalé que « les dysfonctionnements peuvent encore prendre la forme de pratiques relevant du clientélisme, notamment lors du renouvellement des instances dirigeantes dans les fédérations, qui touchent aux modes de scrutin ou au comportement des dirigeants en campagne, confondant parfois les outils de la fédération avec ceux servant leur candidature. D’autres sujets, plus spécifiques au domaine sportif, constituent aussi des points de vulnérabilité, tels les cadeaux, la billetterie et l’hospitalité, mais aussi l’organisation de grands événements sportifs internationaux en partenariat financier avec de grandes entreprises, dont nous nous interrogeons sur les contreparties qu’ils impliquent » ([175]).

Mme Caroline Pascale, cheffe de l’Inspection générale, a observé pour sa part que « les dysfonctionnements financiers, notamment en matière d’appels d’offres, de marchés publics, etc. sont assez récurrents. Ils ont donné lieu à des rapports importants sur des fédérations ou sur des groupements d’intérêt public dont le parquet national financier (PNF) s’est saisi et ont donc débouché sur des enquêtes. Ces enquêtes n’ont pas encore abouti, sauf pour la Fédération française de rugby, pour laquelle des condamnations ont été prononcées ».

2.   Une gouvernance « trop lourde, coûteuse, peu contrôlée »

a.   Des situations très hétérogènes sur les plans budgétaires et financiers

Sur les plans budgétaire et financier, la situation des 119 fédérations sportives agréées est très hétérogène.

« Une des difficultés de ce secteur tient au fait que ces fédérations sont de tailles extrêmement différentes ; certaines d’entre elles maniant beaucoup plus d’argent, quand d’autres présentent un caractère plus associatif », a confirmé la directrice de l’Agence française anticorruption.

Leur budget annuel va en effet de moins de 100 000 euros pour les plus petites fédérations à plus de 260 millions d’euros pour la Fédération française de football, et 325 millions d’euros pour la Fédération française de tennis.

La Fédération française de rugby avait quant à elle présenté un budget prévisionnel de 135,9 millions d’euros de recettes pour la saison 2022-2023.

D’autres fédérations, à l’inverse, disposent de capacités financières importantes mais plus limitées, comme la Fédération française de golf (35 millions d’euros), la Fédération française de basket-ball (39 millions d’euros) ou la Fédération française d’athlétisme (25 millions d’euros) ([176]).

b.   Une gouvernance « trop lourde et coûteuse »

C’est le constat dressé par M. Philippe Rousselot, président de section à la 3e chambre de la Cour des comptes, laquelle a contrôlé treize fédérations ces dix dernières années, soit un peu plus d’une par an (tennis, volley-ball, golf, football, rugby, sports de glace, handisport, etc.)

La Cour appelle régulièrement à alléger le coût de fonctionnement des instances fédérales dont elle considère notamment que les comités sont trop nombreux.

Selon la Cour, « cette comitologie foisonnante rend les organigrammes complexes et favorise par ailleurs la multiplication des responsabilités. Sans doute prestigieuses, celles-ci confèrent à chaque intéressé un rôle de dirigeant fédéral. Cette multiplication des postes à responsabilités est forcément coûteuse » ([177]).

Évoquant la faiblesse de la démocratie fédérale, M. Philippe Rousselot a également déclaré : « Nos rapporteurs qui contrôlent les fédérations sportives saisissent rapidement les conséquences de cette absence de pression ou de contrôle. Nous relevons très souvent des facilités de gestion, telles que des usages généreux de carte bancaire, de frais de déplacement et de logement. »

« Ces phénomènes que nous qualifions de facilités de gestion mériteraient peut-être d’être mieux interrogés. De fait, ils ne le sont jamais, du fait du défaut de contrôle interne et de vigilance démocratique », a regretté M. Philippe Rousselot.

La commission d’enquête a pu à cet égard constater que certaines fédérations sportives offrent à leurs cadres des rémunérations très élevées, voire anormales, peu conciliables avec leur statut associatif.

Une mission de deux inspections générales a pointé, à la Fédération française de rugby, des rémunérations de certaines fonctions administratives de 30 à 45 % plus élevées que la moyenne des entreprises du secteur privé, hors emplois du staff technique et des joueurs et joueuses. Elle s’est interrogée sur la pertinence du niveau de ces rémunérations : « Vu les résultats d’exploitation de la FFR, déficitaires depuis 2017, et considérant son statut d’association à but non lucratif, la mission s’interroge sur la permanence de telles rémunérations pouvant fragiliser l’équilibre économique fédéral. » ([178])

Interrogé sur ce sujet, M. Bernard Laporte a indiqué : « Lorsque je suis arrivé, le directeur général percevait une rémunération deux fois plus élevée que celle que touche aujourd’hui Laurent Gabbanini. […] J’ajoute que certains directeurs généraux, notamment dans le tennis, gagnaient cinq fois plus que M. Gabbanini aujourd’hui. » ([179])

De fait, en février 2022, l’Inspection générale avait appelé à reconsidérer le niveau de rémunération des 10 principaux cadres de la Fédération française de tennis et pointé l’absence de procédures de recrutement pour ses principaux cadres ([180]) :

« Le niveau des dix plus hautes rémunérations est selon la mission à reconsidérer de même que l’ensemble des postes d’avantages en nature (voitures…). La mission a ainsi eu connaissance de la rémunération des principaux cadres de la FFT et en particulier de celle du directeur général (période observée de septembre 2019 à septembre 2020) : 413 325 € brut annuel, hors frais de déplacement. La mission s’interroge sur cette rémunération considérable – voire anormale – compte tenu du statut associatif de l’organisation, du nombre de salariés (la DTN n’est d’ailleurs pas dans le champ de responsabilité du DG), du parcours de fonctionnaire de l’intéressé, du niveau moyen de rémunération des cadres dirigeants du privé sur cette taille d’entreprise. Le total des cinq rémunérations les plus importantes s’élève à 1,32 M€ brut. Ce montant est certes comparable avec celui de la Fédération française de football (FFF) mais il est très supérieur à celui des autres fédérations olympiques (de 125 000 € pour la lutte à 650 000 € pour le basket-ball et le golf). »

Force est de constater que cette demande de l’Inspection générale n’a pas été respectée par la Fédération française de tennis : la rémunération brute annuelle de Mme Amélie Oudéa-Castéra, directrice générale de la fédération de mars 2021 à mai 2022, a en effet été fixée à 400 000 euros, à laquelle s’ajoutait une prime annuelle sur objectif de 100 000 euros, soit 500 000 euros ([181]).

« À la FFT, ma rémunération était très proche de celle de mon prédécesseur », a précisé Mme Amélie Oudéa-Castéra, minimisant une augmentation de plus de 86 000 euros, aussi largement qu’elle a minimisé le soutien public consenti par l’État à la FFT.

Rémunération des directeurs généraux de la FFT

M. Jean-François Vilotte : Rémunération annuelle brute (sur 13 mois) : 373 750 € ; prime annuelle sur objectif : 37 375 € ;

Mme Amélie Oudéa-Castéra : Rémunération annuelle brute (sur 13 mois) : 400 000 € ; prime annuelle sur objectif : 100 000 € ;

Mme Caroline Flaissier : Rémunération annuelle brute (sur 13 mois) : 260 000 € ; prime annuelle sur objectif : 150 000 €

« Compte tenu des rémunérations pratiquées, la mission s’est aussi étonnée de ne pas avoir eu connaissance de procédures de recrutement pour les principaux cadres de la FFT. Les COMEX successifs de 2021 ne font état d’aucune procédure de recherche de cadres dirigeants qu’il s’agisse de la directrice générale, du directeur du développement, du directeur financier, de la directrice de la communication…, de la directrice du tournoi. Seul le recrutement du DTN a semble-t-il fait l’objet d’une procédure d’entretiens par une cellule dédiée. »

La rapporteure partage l’étonnement de l’Inspection générale et souscrit à la préconisation de M. Jean-Jacques Lozach, sénateur, d’établir une grille de rémunération tant pour les fédérations que pour les comités d’organisation des grands événements sportifs internationaux, de rendre publics les rémunérations, les organigrammes et les postes vacants et de constituer des jurys de recrutement aussi diversifiés que possible, notamment pour les hauts postes de l’encadrement fédéral (directeur technique national, directeur général, etc.), à l’instar des pratiques ayant cours dans le milieu culturel où des collèges sont chargés du recrutement des dirigeants dans certains établissements ([182]).

Recommandation  21 : Établir une grille de rémunérations tant pour les fédérations que pour les comités d’organisation des grands événements sportifs internationaux.

Rendre publics les rémunérations, les organigrammes et les postes vacants.

Constituer des jurys de recrutement aussi diversifiés que possible pour les hauts postes de l’encadrement fédéral (directeur technique national, directeur général, etc.)

c.   L’absence de règlement financier type

« Les fédérations doivent aussi se doter de règlements financiers. Cette recommandation peut paraître une évidence. Pour certaines fédérations, elle reste à appliquer » a constaté M. Philippe Rousselot, président de section à la 3e chambre de la Cour des comptes ([183]).

De fait, le code du sport pose un principe de transparence de la gestion pour les fédérations agréées mais l’agrément du ministère des sports n’est pas clairement conditionné à l’adoption d’un règlement financier ([184]).

« Les stipulations obligatoires sont, dans le domaine financier, très limitées et très largement insuffisantes pour permettre d’imposer à elles seules un niveau de structuration et de transparence financière en adéquation avec les enjeux contemporains », conclut le « comité Buffet-Diagana », qui préconise donc qu’un règlement financier type soit fixé par voie réglementaire.

La rapporteure souscrit à cette préconisation de bon sens. Ce règlement financier type devra notamment prévoir des procédures minimales de mise en concurrence systématique ainsi que la publication des principaux marchés et contrats de prestations conclus, des règles de prévention des conflits d’intérêts et notamment des règles de déport.

Alors qu’il s’agit d’une obligation légale, la rapporteure a constaté que les comptes des fédérations ne sont pas systématiquement publiés. La publication des comptes des fédérations sportives doit faire l’objet d’une transparence et d’une accessibilité renforcée.

Recommandation  22 : Enjoindre à l’ensemble des fédérations sportives concernées de publier sans délai leurs comptes.

Rendre obligatoire pour les fédérations agréées l’adoption d’un règlement financier, rendu public, conforme à un règlement type fixé par voie réglementaire et comportant notamment des dispositions relatives à l’obligation de publicité des comptes et aux procédures de passation des contrats.

Ce règlement devra faire l’objet d’un avis de l’autorité indépendante chargée de l’éthique du sport que la rapporteure appelle à mettre en place.

L’autorité indépendante chargée de l’éthique du sport devra rendre publics et accessibles les comptes des fédérations.

Formaliser l’emploi des cartes bancaires, des frais de déplacement et des invitations.

3.   Une « faible maturité en matière de maîtrise des risques d’atteinte à la probité »

Les contrôles de l’Agence française anticorruption ont mis en évidence « une faible maturité en matière de maîtrise des risques d’atteinte à la probité pour la plupart des fédérations », comme l’a expliqué la directrice de l’agence au cours de son audition ([185]).

« Nous avons été confrontés à des entités qui disposent pour la plupart d’un contrôle interne insuffisant sur leurs processus support (achats, ressources humaines, etc.) mais également sur les processus directement liés aux missions qui leur sont confiées.

« À titre d’exemple, s’agissant des contrats signés avec les partenaires pour générer des ressources, des différences peuvent être observées entre les fédérations. Cependant, en règle générale, le processus de partenariat est peu formalisé ce qui ne permet pas de comprendre la manière dont l’entrée en relation avec le partenaire s’est réalisée, les modalités de négociation et le processus de validation, alors même que ce processus est souvent exposé à des risques, notamment de corruption.

« Le processus de billetterie est également fortement exposé à des risques d’atteinte à la probité. Globalement, la maîtrise des risques est meilleure que pour les partenariats, puisque des dysfonctionnements avaient déjà été révélés. Le scénario de risque classique concerne la cession gratuite ou à prix avantageux à des proches de la gouvernance, engendrant des risques de prise illégale d’intérêts ou d’abus de confiance. L’AFA a certes constaté une maturité grandissante des fédérations sur ces processus et a été associée récemment par le Gouvernement à des réflexions sur la billetterie populaire, auxquelles les fédérations seront associées. Cependant, l’ensemble des fédérations ne dispose pas d’une sécurisation complète dans ce domaine.

« Enfin, le processus achat est insuffisamment sécurisé à l’heure actuelle, les démarches internes n’étant pas assez formalisées : les guides internes font défaut. La mise en concurrence n’est pas systématique et demeure trop souvent allégée, notamment en matière de modalités de publicité, qui ne sont pas toujours proportionnées aux enjeux. Ces modalités de publicité se limitent parfois à une mise en ligne sur le site de la fédération et n’informent pas suffisamment les candidats potentiels de l’ouverture d’un marché.

« Les pratiques et positionnements des fédérations sont en outre hétérogènes dans le domaine des règles de la commande publique. Certaines fédérations ne se considèrent pas comme pouvoir adjudicateur, alors que l’AFA en a une appréciation différente. D’autres fédérations appliquent en revanche les règles de la commande publique.

« Il nous apparaît nécessaire que les fédérations se conforment aux règles de la commande publique pour les marchés qu’elles passent, puisque les critères juridiques nous semblent remplis. » a insisté la directrice de l’Agence. « Il nous est aujourd’hui objecté qu’il est compliqué d’appliquer la même approche pour les plus petites d’entre elles. Cependant, je fais remarquer que les petites collectivités locales sont assujetties aux mêmes règles que les grandes.

« Globalement, l’existence d’un dispositif complet et intégré de maîtrise d’atteinte à la probité fait défaut. Je rappelle que celui-ci se fonde sur une identification précise des risques, ainsi que des mesures de détection et de prévention cohérentes. Nous avons notamment observé des dispositifs de prévention et de gestion des conflits d’intérêts notoirement insuffisants, mais également des risques liés aux cadeaux et invitations, qu’il s’agisse de ceux offerts par les fédérations ou de ceux reçus par les salariés et les dirigeants », a précisé Mme Stéphanie Bigas-Reboul, sous-directrice du contrôle à l’AFA.

L’applicabilité du code de la commande publique aux fédérations sportives : une incertitude persistante

Toutes les fédérations sportives ne respectent pas les règles de la commande publique : il s’agit à ce jour d’une simple recommandation. Les fédérations sportives, qui ne sont pas des personnes publiques, sont-elles des pouvoirs adjudicateurs ? De la réponse à cette question dépend leur soumission aux règles de la commande publique. Cette question n’a jamais été réellement résolue. Pour considérer les personnes morales de droit privé comme des pouvoirs adjudicateurs, plusieurs critères doivent être remplis. En l’espèce, il s’agit du critère du contrôle de gestion des fédérations sportives par l’État (1).

Plusieurs autorités de l’État sont en désaccord sur cette question. En 2019, la direction des sports a saisi (2) la direction des affaires juridiques (DAJ) des ministères économiques et financiers, laquelle a rappelé que le ministère des sports détenait de nombreuses prérogatives de contrôle de l’action des fédérations : « Il ne semble donc guère faire de doute que le ministère des sports, en définissant et en portant les politiques publiques du sport amateur et de haut niveau, encadre étroitement l’action de cette fédération. L’ensemble de ces éléments conduit donc à conclure en la qualité de pouvoir adjudicateur de la Fédération française de natation. Les éléments complémentaires transmis, relatifs à la Fédération française de triathlon et disciplines enchaînées, de hockey et de karaté, qui reproduisent le même modèle, laissent à penser que, pour les mêmes raisons, ces fédérations peuvent être considérées comme autant de pouvoir adjudicateur. » (3) La DAJ a donc considéré que les fédérations sportives pouvaient être considérées comme des pouvoirs adjudicateurs.

En dépit de cette analyse très claire, le ministère des sports n’a pas clarifié le cadre juridique applicable aux fédérations en matière d’achats.

(1)    Aux termes de l’article L. 1211-1 du code de la commande publique, les personnes morales de droit privé sont considérées comme des pouvoirs adjudicateurs si elles ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel et commercial, et si elles remplissent l’un des trois critères énoncés par la loi, dont le contrôle de leur gestion par un pouvoir adjudicateur.

(2)    Voir l’annexe  17 du rapport d’enquête.

(3)    Voir l’annexe  18 du rapport d’enquête.

Mme Isabelle Jégouzo, directrice de l’Agence française anticorruption, a également insisté sur le fait que « le déploiement des mesures de prévention et de détection des atteintes à la probité ([186]) doit concerner non seulement les fédérations, mais également les éventuelles ligues professionnelles dont elles assurent le contrôle. Or certaines fédérations ne s’estiment pas responsables des actions menées dans les ligues professionnelles, qui sont pourtant celles les plus à risque, potentiellement. Les fédérations, dans le cadre de leur propre dispositif d’évaluation des risques d’atteinte à la probité, devraient intégrer les ligues professionnelles ».

Recommandation  23 : Inscrire dans le code du sport l’obligation pour les fédérations sportives agréées de respecter les règles de la commande publique. Exiger l’intégration des grands principes de la commande publique au sein des règlements financiers des fédérations sportives.

Intégrer un volet ambitieux de prévention des atteintes à la probité dans les contrats de délégation. Ce volet doit concerner les fédérations mais aussi les ligues professionnelles dont elles assurent le contrôle.

Comme évoqué précédemment, la mise en place d’un dispositif de recueil des signalements par les lanceurs d’alerte constitue une obligation légale notamment pour toutes les personnes morales de droit privé de plus de cinquante salariés depuis la publication de la loi dite « Sapin II » en 2016 ([187]).

« Or un certain nombre de fédérations ne disposaient toujours pas de ce dispositif lors de nos contrôles » a relevé Mme Stéphanie Bigas-Reboul, sous-directrice du contrôle de l’Agence française anticorruption ([188]).

Face à ces carences manifestes des fédérations et du ministère des sports dans la mise en œuvre d’un dispositif fondamental, il apparaît indispensable de confier à l’autorité indépendante chargée de l’éthique du sport que la rapporteure appelle à créer la mission de centraliser un dispositif de recueil des signalements.

Cette centralisation a également été appelée de ses vœux par le comité Buffet-Diagana.

Recommandation  24 : Vu les carences des fédérations et du ministère de contrôle dans la mise en place des dispositifs de signalement prévus par la loi Sapin II, confier à l’autorité administrative indépendante chargée de l’éthique du sport la mission de centraliser un dispositif de signalement anti-corruption en assurant une protection efficace des lanceurs d’alerte.

Communiquer massivement sur ce dispositif.

Mme Isabelle Jégouzo a également appelé à renforcer la puissance et l’indépendance des comités d’éthique et de déontologie des fédérations. « En effet, ils sont parfois très liés aux fédérations elles-mêmes », a-t-elle constaté (cf. infra).

« En outre, ils doivent mieux intégrer les sujets relatifs à la probité, au-delà de l’éthique du sport stricto sensu. Il importe également de réfléchir à la composition et au positionnement de ces comités, afin que cette fonction probité soit pleinement prise en compte », a-t-elle ajouté.

4.   D’importantes lacunes dans le respect des obligations déclaratives à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)

Les obligations déclaratives du mouvement sportif

Au sein du mouvement sportif, sont concernés par des obligations déclaratives auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ([189]) :

– les présidents (depuis 2017) et les vice-présidents, trésoriers et secrétaires généraux (depuis 2022) des fédérations sportives délégataires, des ligues professionnelles, du Comité national olympique et sportif français et du Comité paralympique et sportif français ;

– les représentants légaux des organismes chargés de l’organisation d’une compétition sportive internationale sur le territoire français et les délégataires de pouvoir ou de signature de ces représentants autorisés à engager, pour le compte de ces organismes, une dépense supérieure ou égale à 50 000 euros (depuis 2018). Il s’agit actuellement du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 et du groupement d’intérêt public Rugby 2023, en charge de l’organisation de la Coupe du monde de Rugby en France ;

– le président, le directeur général et le responsable de la haute performance de l’Agence nationale du sport (depuis 2019).

Ces responsables publics ont deux mois après leur entrée en fonction pour adresser à la Haute Autorité une déclaration de leur situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts. Au cours de leurs fonctions, ils doivent déposer une déclaration modificative en cas de modification substantielle de leurs intérêts ou de leur patrimoine (ils ont deux mois après la date de la modification pour le faire). Enfin, ils adressent également à la Haute Autorité une déclaration de situation patrimoniale de fin de mandat, au plus tard dans les deux mois qui suivent la fin de leurs fonctions.

Interrogée par la rapporteure, la Haute Autorité a indiqué « rencontrer des difficultés pour :

«  faire comprendre que l’extension du périmètre des obligations déclaratives (de 100 à 600 déclarants), introduite par la loi du 2 mars 2022, était à effet immédiat ;

«  identifier les responsables publics soumis à des obligations déclaratives, obtenir les contacts et les titulaires de délégations » ([190]).

La Haute Autorité a évoqué « une population encore peu habituée à l’exercice et a priori peu sensibilisée à ces obligations alors même qu’elle est particulièrement exposée à de multiples risques de conflits d’intérêts ».

Au total, en novembre 2023, plus de la moitié des responsables concernés est en défaut total de déclaration, parmi lesquels 20 présidents de fédérations ou de ligues (sur 93 recensés).

Suivi du respect par les membres du mouvement sportif de leurs obligations déclaratives auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique

Catégorie

Nombre de déclarants

À jour de leurs obligations

En défaut partiel

En défaut total

Fédérations

539

173

70

295

Ligues (Football, rugby, handball, volley, basket, cyclisme)

34

9

2

23

Comités (CNOSF, CPSF)

18

13

-

5

Autre (ANS)

3

2

-

1

Source : HATVP.

Pour mémoire, les responsables publics ne respectant pas leurs obligations déclaratives s’exposent à des sanctions pénales ([191]).

Par ailleurs, la HATVP souligne que les contrôles déjà effectués révèlent de nombreux manquements en termes de complétude des déclarations de situation patrimoniale, qui peuvent s’expliquer en tenant compte du fait qu’il s’agit pour la plupart de « primo-déclarants ».

Pour assurer le respect des obligations déclaratives, la Haute Autorité appelle de ses vœux « une plus grande implication des instances sportives faîtières » ainsi qu’un « maintien dans la durée du soutien du ministère de tutelle ».

Recommandation  25 : Inscrire dans les contrats de délégation l’engagement du président de fédération à veiller au respect, par les personnes concernées de sa fédération, de leurs obligations déclaratives. Procéder au rappel de ces obligations lors de chaque campagne annuelle de suivi des contrats de délégation.

La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France a par ailleurs étendu le champ de compétence des comités d’éthique des fédérations sportives délégataires, qui doivent désormais déterminer la liste des personnes soumises à une obligation de déclaration d’intérêts. Elle précise à cet égard que le comité d’éthique fédéral « saisit la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique de toute difficulté concernant ces déclarations d’intérêts » ([192]).

Le comité Buffet-Diagana constate que « la plupart des comités d’éthique n’ont pas établi la liste des personnes soumises à déclaration et ne vérifient pas ces déclarations ; la HATVP n’a encore jamais été saisie d’une quelconque "difficulté" ».

C.   tirer les conséquences de l’échec de l’autorégulation dans le combat éthique

1.   L’absence du CNOSF dans le combat éthique

a.   Une représentativité limitée qui ne lui permet pas d’œuvrer en faveur de l’intérêt général

Si aux termes de la loi, le CNOSF doit être le représentant du CIO et de l’ensemble du « mouvement sportif français », des associations sportives, des sociétés sportives et des licenciés, il est dans les faits avant tout le représentant des fédérations sportives ([193]).

En outre, sa représentativité est centrée sur les seules fédérations olympiques, particulièrement surreprésentées au sein de son assemblée générale ([194]) et de son conseil d’administration ([195]).

b.   Un bilan inexistant en matière d’éthique

Interrogée sur le bilan du CNOSF en matière d’éthique, Mme Marie-George Buffet, présidente du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, a déclaré : « Lors de nos auditions, nous avons demandé à des dirigeants de clubs locaux, à des responsables de districts, à des dirigeants fédéraux ce qu’ils attendaient du CNOSF sur les questions d’éthique. Très souvent, la réponse était : "rien". »

La rapporteure partage ce constat. Elle a pris la mesure de la mobilisation vigoureuse du CNOSF contre les évolutions apportées par la loi du 2 mars 2022 ou en faveur de la création de l’Agence nationale du sport, mais elle n’a pas été en mesure d’identifier un bilan du CNOSF en matière de renforcement de l’éthique.

La loi lui confie pourtant la mission de veiller « au respect de l’éthique et de la déontologie du sport définies dans une charte établie par lui » ([196]).

De fait, comme le relève le rapport du comité Buffet-Diagana, dans le domaine de l’éthique, l’action du CNOSF s’est limitée à l’adoption d’une charte en 2012, qu’il a mis dix ans à rénover.

« Son comité de déontologie s’est abstenu de jouer un rôle d’appui aux comités d’éthique fédéraux, ce qui est perçu comme une carence importante », constate également le comité. « Sa capacité d’intervention est par ailleurs limitée par ses modalités de saisine (exclusivement à la main du président ou de la présidente), ses moyens humains contraints (aucune ressource humaine spécialement dédiée) et par des prérogatives limitées à l’édiction d’avis non systématiquement publiés. »

De plus, face aux très nombreux scandales qui ont éclaboussé le monde du sport, « le CNOSF n’a presque jamais pris de position susceptible de mettre en cause l’action d’un dirigeant fédéral ou d’une fédération ».

M. Denis Masseglia, ancien président du CNOSF, a insisté sur le fait que la mission qui revient au CNOSF en matière d’éthique ne s’accompagne pas des moyens, notamment juridiques ou disciplinaires, qui pourraient lui permettre d’agir, et qu’il n’a d’ailleurs pas réclamés ([197]).

La rapporteure est convaincue que le CNOSF, juge et partie, en tant que représentant des fédérations, ne peut jouer le rôle de régulateur du mouvement sportif.

Fort des constats sévères qu’il a dressés, on ne peut donc que s’étonner que le comité Buffet-Diagana propose de confier au CNOSF « une mission de service public élargie en matière d’éthique ».

Alors que le CNOSF bénéficie de crédits publics pour veiller à l’éthique et assurer une mission d’animation des comités d’éthique, dans laquelle il n’a pu faire valoir aucune action concrète, ni au cours des auditions ni dans les bilans transmis au ministère des sports ([198]), la rapporteure appelle le ministère à exiger le remboursement des crédits versés au titre de l’exercice de cette mission au CNOSF.

Recommandation  26 : Mettre en œuvre l’article 8 de la convention pluriannuelle d’objectifs signée entre le ministère des sports et le CNOSF, afin d’exiger le reversement des sommes versées au CNOSF au titre de ses actions en matière d’éthique.

c.   Un bilan très insuffisant en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes et les discriminations

S’agissant de la charte adoptée en 2012 par le CNOSF, l’Inspection générale avait pointé en 2014 qu’elle ne mentionnait pas la lutte contre les violences sexuelles. L’Inspection ajoutait : « Aucune action spécifique n’a été initiée sur ce sujet depuis 2008 par le CNOSF. La détermination à lutter contre les violences sexuelles dans le sport est évidemment partagée par le président mais se trouve nuancée car assortie de réserves de principe – souvent entendues dans différents cercles - quant au risque de stigmatisation du sport sur un sujet général de société, et aux conséquences que pourrait avoir un discours anxiogène sur les parents qui confient leurs enfants aux clubs. Le CNOSF privilégie plutôt un discours positif sur les valeurs du sport et le rôle éducatif de la pratique » ([199]).

M. Denis Masseglia, président du CNOSF de 2009 à 2021, n’a pas pu faire valoir une seule action du CNOSF en ce domaine devant la commission d’enquête.

Évoquant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, M. Jean Zoungrana, coprésident de la commission de lutte contre les violences sexuelles et les discriminations dans le sport du CNOSF et président de la Fédération française de canoë-kayak et sports de pagaie, a reconnu qu’il s’agissant « d’une préoccupation tout à fait récente pour le mouvement sportif » ([200]).

En janvier 2022, le CNOSF, alors présidé par Mme Brigitte Henriques, a mis en place une commission de lutte contre les violences sexuelles et les discriminations. En dépit de l’engagement indiscutable de Mme Catherine Moyon de Baecque, la rapporteure ne saurait être convaincue par le bilan de cette commission.

Son action se résume essentiellement à un état des lieux, commandé au cabinet Mouvens, sur les violences sexuelles, exercice qui, comme évoqué précédemment, aurait dû être conduit dans des conditions beaucoup plus ambitieuses et sérieuses par le ministère des sports ([201]).

« Je déplore que le CNOSF rédige des documents qui permettent juste de montrer qu’il coche la case », a ajouté Mme Roxana Maracineanu ([202]).

Les membres de la cellule Signal-sports rencontrés par la rapporteure lors d’un contrôle sur pièces et sur place n’ont pas été en mesure non plus d’expliciter l’action conduite par le CNOSF en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

« Il faut élire les bonnes personnes pour que le sujet puisse infuser au sein des fédérations », a indiqué Mme Roxana Maracineanu. Selon elle, « il faut que ces personnes s’impliquent sur le sujet […] et aient envie d’avancer. Les auditions que vous avez menées avec un certain nombre de présidents de fédérations impliquées dans le CNOSF laissent à penser que ce n’est pas vraiment le cas aujourd’hui. »

La rapporteure en est pleinement convaincue.

Entendue par la commission d’enquête le 5 octobre 2023, Mme Catherine Moyon de Baecque a souligné qu’elle n’avait pas été reçue par M. David Lappartient, nouveau président du CNOSF élu le 29 juin 2023, en dépit de plusieurs demandes pour évoquer les travaux de la commission de lutte contre les violences sexuelles et les discriminations ([203]).

2.   Le bilan insatisfaisant des comités d’éthique fédéraux

a.   Un cadre législatif incomplet

Dès 2012, la loi a imposé à chaque fédération d’établir une charte d’éthique et de veiller à son application ([204]).

Depuis une loi du 1er mars 2017 ([205]), les fédérations délégataires doivent se doter d’une charte d’éthique et créer un comité d’éthique doté d’un « pouvoir d’appréciation indépendant », chargé de contribuer à son respect. Ces comités ont été également chargés de veiller au respect des règles de prévention et de traitement des conflits d’intérêts.

La loi du 2 mars 2022 a prétendu « renforcer l’indépendance » de ces comités en se contentant de préciser que les fédérations sportives délégataires « garantissent l’indépendance » de leur comité d’éthique.

Comme évoqué, elle a également étendu le champ de compétence de ces comités qui doivent désormais établir une liste de personnes soumises à une obligation de déclaration d’intérêts et saisir la HATVP en cas de difficulté concernant ces déclarations, mission dont ils ne se sont pas encore saisis.

Comme indiqué précédemment, depuis 2017, seules les fédérations délégataires doivent se doter d’une charte et d’un comité.

La loi n’a pas prévu de garanties suffisantes en termes d’indépendance des comités, de transparence de leur action, et de définition des prérogatives et pouvoirs de ces comités pour que ce cadre puisse fonctionner de manière satisfaisante.

Le législateur a ainsi entendu faire confiance au mouvement sportif pour se saisir de l’enjeu de l’éthique et au ministère pour l’y inciter. Force est de constater que l’approche reposant sur la confiance a échoué.

« C’est un constat de large ineffectivité » du cadre existant « qui doit être dressé », reconnaît pour sa part le Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport.

b.   Le suivi des comités d’éthique fédéraux n’est de fait assuré ni par le CNOSF ni par le ministère des sports qui se renvoient la responsabilité

La rapporteure a demandé au ministère des sports la communication d’un bilan des comités d’éthique ainsi qu’une appréciation critique de leurs garanties d’indépendance afin de pouvoir comprendre le degré de contrôle exercé par la direction sur ces comités.

Elle a reçu une note sur les constats de l’Agence française anticorruption relatifs aux comités d’éthique de certaines fédérations ([206]), ainsi qu’un fichier Excel intitulé « Bilan comités éthique », qui ne peut sérieusement tenir lieu de bilan ([207]).

Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, a indiqué qu’un bilan d’activité complet serait réalisé avec les présidents de fédération, ce qui permettra « de dresser un état des lieux et d’aller, le cas échéant, vers un retrait de la délégation ou de l’agrément » ([208]).

Alors que 16 % des fédérations ne disposaient encore pas d’un comité en mai 2022, la rapporteure émet un doute sérieux sur la capacité du ministère des sports à dresser de façon rigoureuse et objective un bilan complet de l’activité des comités d’éthique fédéraux et à en tirer les conséquences.

Comme évoqué précédemment, M. David Lappartient a quant à lui pointé la responsabilité de l’État à qui il incombait de réagir par la mobilisation des outils dont il dispose et Mme Fabienne Bourdais a rappelé qu’il s’agissait aussi de la mission du CNOSF.

« Comment peut-on qualifier d’opaques des fédérations qui ont mis en place des comités d’éthique indépendants conformément aux dispositions législatives applicables ? », s’indignait M. David Lappartient dans son courrier adressé à la présidente et à la rapporteure de la commission d’enquête le 19 juillet 2023 ([209]).

Interrogé plus précisément par la commission d’enquête sur ces comités d’éthique, M. David Lappartient s’est plutôt indigné de l’absence de comité d’éthique dans 16 % des fédérations cinq ans après l’adoption de la loi qui les a rendus obligatoires… ([210])

Au cours de son audition, M. Lappartient a également reconnu que certains comités d’éthique, même lorsqu’ils existent, ne disposaient pas des « moyens nécessaires pour fonctionner » et que, pour d’autres, « les liens avec l’exécutif n’en [garantissaient] pas l’impartialité et pourraient être revisités ».

Appelé à apporter des précisions sur ce bilan, M. Lappartient a répondu : « Je n’ai pas forcément les noms mais dans la réponse que nous vous ferons sur les fédérations qui n’ont pas de comité d’éthique, nous pourrons aussi vous indiquer les comités dont nous estimons que le fonctionnement peut être perfectible. »

Relancé à la suite de son audition, le président du CNOSF n’a fourni aucune précision supplémentaire.

c.   Un bilan notoirement insatisfaisant

L’absence de comité d’éthique dans 16 % des fédérations, cinq ans après l’introduction d’une obligation légale et l’absence de bilan d’ensemble sérieux tant par le ministère que par le CNOSF est particulièrement symptomatique des limites du système actuel.

Si certains comités d’éthique ont pu atteindre une certaine maturité, six ans après leur création, le bilan qu’on peut en tirer sur la base des éléments très lacunaires transmis par les responsables de leur suivi n’est clairement pas à la hauteur.

« Il est certain qu’en l’état actuel des procédures de nomination et d’appel à candidature, et compte tenu de la composition aujourd’hui très homogène des comités d’éthique, cela ne pourra pas fonctionner », a confirmé M. Stéphane Diagana ([211]).

Mme Isabelle Jégouzo, directrice générale de l’Agence française anticorruption, a également pointé les insuffisances de ces comités : « D’abord, il est nécessaire que les comités d’éthique et de déontologie des fédérations soient à la fois plus puissants et plus indépendants. En effet, ils sont parfois très liés aux fédérations elles-mêmes. En outre, ils doivent mieux intégrer les sujets relatifs à la probité, au-delà de l’éthique du sport stricto sensu. Il importe également de réfléchir à la composition et au positionnement de ces comités, afin que cette fonction probité soit pleinement prise en compte. » ([212])

Extrait d’un rapport de l’Inspection générale
sur la Fédération française d’équitation

« Le comité d’éthique s’est réuni le 15 décembre 2020. Il s’agissait d’une réunion d’installation dont l’ordre du jour prévoyait, outre la présentation du comité d’éthique et de la charte d’éthique et de déontologie, l’examen de la diversité des thématiques à étudier et du plan de prévention des violences sexuelles. Si les conditions formelles sont respectées la mission observe, notamment au regard des investigations conduites au sujet du traitement des violences sexuelles, que les questions d’éthique et de déontologie sont peu abordées en réalité : la charte d’éthique est assez succincte, un cas avéré de conflit d’intérêts […] n’a pas du tout été abordé alors que la loi prévoit que le comité d’éthique est compétent pour cela. Ces observations sont d’autant plus regrettables que le processus électoral conduit à une absence de représentation des oppositions éventuelles dans la gouvernance de la fédération qui s’expose dès lors à des risques de dérives. »

Mme Marie-George Buffet a appelé à sortir ces comités d’éthique de l’entre-soi et de la « famille » : « Il ne faut pas que la nomination d’un comité d’éthique se fasse dans la foulée de l’élection de la direction fédérale, et encore moins que l’on nomme à la présidence l’ancien dirigeant qui vient d’être remplacé… Cela semble être le b-a.ba, mais il faut le redire. »

« Nombreux sont ceux qui manquent encore d’indépendance et de compétences internes » a confirmé le rapport du comité mis en place par la ministre.

Le « bilan » transmis par le ministère des sports indique également que sur 86 comités d’éthique recensés :

– seulement 8 établissent un rapport annuel d’activité consultable ([213]), soit à peine plus de 8 % ;

– la composition du comité d’éthique n’est pas consultable sur le site internet pour 39 d’entre eux, soit 45 % ; 43 fédérations renseignent la composition ; seul le nom du président est indiqué pour 4 fédérations.

De nombreuses auditions ont mis en lumière les carences évidentes du système actuel.

Échange avec le président de la Fédération française de kickboxing, muaythaï et disciplines associées sur le fonctionnement du comité d’éthique

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Conformément à la loi, votre fédération a institué en son sein un comité d’éthique. La charte d’éthique et de déontologie de la fédération prévoit que les cinq membres du comité sont nommés par le comité directeur de la fédération sur proposition de son président, c’est-à-dire vous. Pensez-vous que cette nomination soit à même de fournir au comité d’éthique toutes les garanties d’indépendance ?

M. Nadir Allouache. Bien sûr. Toutes les commissions sont indépendantes, dont la commission de discipline.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Vous en nommez les cinq membres.

M. Nadir Allouache. Les personnes présentent leur candidature, que je valide. Il est important d’étudier le profil des personnes qui se présentent.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Il est indiqué que « les cinq membres du comité sont nommés par le comité directeur de la fédération sur proposition de son président. » Ainsi, vous êtes celui qui propose les noms.

M. Nadir Allouache. Des candidats se présentent, nous étudions le profil des uns et des autres puis nous nous efforçons de nommer les personnes qui sont capables de gérer les commissions. Ensuite, le comité directeur valide cette majorité.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. La charte d’éthique et de déontologie prévoit que le président de la fédération peut assister au débat. Concevez-vous que la présence du président de la fédération puisse créer un doute légitime sur l’impartialité des travaux du comité d’éthique ?

M. Nadir Allouache. Je ne le pense pas, car nous allons tous dans le même sens. Nous n’avons jamais reçu de signalement. Cependant, si vous souhaitez que le président ne soit pas présent, ce n’est pas un problème.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je ne souhaite rien du tout. Dans la charte, vous écrivez que « compte tenu des missions du comité, il est nécessaire de veiller à l’indépendance de celui-ci par rapport aux instances dirigeantes de la fédération, tant dans sa composition que dans son fonctionnement. » Ne pensez-vous pas que votre présence remet en cause l’impartialité ?

M. Nadir Allouache. Madame la députée, je ne peux vous répondre. Cependant, nos commissions sont souveraines et le président n’interfère pas. Qui plus est, il n’est pas obligatoirement présent, mais invité à assister à la réunion.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Sur le site, nous n’avons trouvé aucun compte rendu au bilan d’activité du comité d’éthique. Combien de fois s’est-il réuni depuis sa création ?

M. Nadir Allouache. Il s’est réuni deux ou trois fois. Cependant, est-il nécessaire de l’indiquer sur le site ?

 

 

Échange sur le comité d’éthique de la Fédération française d’athlétisme

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Estimez-vous que votre comité d’éthique fonctionne de manière satisfaisante et suffisamment indépendante ? A-t-il connu des démissions et si tel est le cas, pour quelles raisons ?

M. André Giraud. Ce comité fonctionne de manière satisfaisante et suffisamment indépendante à mon sens. Ensuite, comme je vous l’ai indiqué plus tôt, des démissions sont intervenues, pour des raisons de relations interpersonnelles et de points de vue différents. Certaines personnes ne se sont pas entendues avec le président actuel. Je regrette ces démissions.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Sur quels sujets ces mésententes portaient-elles ?

M. André Giraud. Je crois que les personnes démissionnaires reprochaient au comité d’éthique de ne pas pouvoir intervenir sur des sanctions. Mais le comité d’éthique n’a pas de pouvoir de sanction, il ne peut émettre que des recommandations. Dans les cas en question, les personnes auraient aimé que le comité d’éthique prenne des sanctions à la place de la commission de discipline.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Êtes-vous satisfaits des avis rendus par le comité d’éthique ?

M. André Giraud. Tout à fait.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Combien de démissions sont-elles intervenues jusqu’à présent ?

M. André Giraud. Il y a eu deux démissions, en 2018 ou 2019.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. La composition du comité d’éthique est-elle paritaire aujourd’hui ?

M. André Giraud. Elle ne l’est pas pour le moment, mais nous prévoyons que cela soit le cas pour le prochain mandat. Actuellement, il est composé de huit hommes et de quatre femmes. Les services, représentés par deux femmes, y participent également.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. À part ce désaccord concernant la possibilité de prononcer des sanctions, d’autres raisons ont-elles été invoquées par les démissionnaires ?

M. André Giraud. À ma connaissance, les deux personnes qui ont démissionné ont agi de la sorte uniquement parce qu’elles n’étaient pas en accord avec les procédures juridiques de la fédération. Elles estimaient que dans un ou deux cas, le comité d’éthique devait prononcer des sanctions. Or seule la commission de discipline est chargée de prononcer les sanctions.

À la suite de ces déclarations, les deux membres démissionnaires, Mmes Maryse Éwanjé-Épée et Maguy Nestoret-Ontanon, ont adressé un courrier au président de la Fédération qui permet de corriger la version inexacte qu’il a présentée à la commission d’enquête des raisons de leur démission ([214]).

d.   La nécessité d’apporter de vrais garde-fous au niveau législatif

La rapporteure souscrit aux préconisations de bon sens formulées en 2018 par l’actuelle ministre des sports qui était alors présidente de l’association « Rénovons le sport ». Elle note que de nombreux constats et préconisations du rapport Buffet-Diagana figuraient déjà dans ce rapport.

Recommandation  27 : Renforcer au niveau de la loi les garanties pour :

– étendre aux fédérations agréées, ainsi qu’au CNOSF et au CPSF l’obligation instituée par le code du sport d’élaborer une charte et de constituer un comité (obligation qui, depuis la loi de 2017, ne concerne plus que les fédérations délégataires) ;

– préciser, dans le code du sport, les attributions et modalités de fonctionnement des comités d’éthique des fédérations, du CNOSF et du CPSF, afin d’y intégrer notamment les missions suivantes : élaboration de la charte, pouvoir d’enquête et capacité d’autosaisine, proposition de sanctions aux organes disciplinaires compétents, réception d’alertes ou encore, rédaction d’un rapport d’activité annuel ;

– renforcer la transparence en prévoyant que les avis émis par ces comités soient rendus publics. Le rapport d’activité devrait également être publié et systématiquement commenté lors des assemblées générales des fédérations, de leurs ligues professionnelles, du CNOSF et du CPSF ;

– établir les modalités de désignation des membres des comités d’éthique ainsi que les règles d’indépendance et de prévention des conflits d’intérêts auxquelles ils sont soumis (notamment, régime d’incompatibilités et membres indépendants) ;

– doter les comités d’éthique de ressources financières propres et d’un secrétariat indépendant.

3.   La nécessité d’un « dispositif de contrôle externe au milieu sportif »

En revanche, la rapporteure ne souscrit pas du tout à la proposition du comité Buffet-Diagana de confier au CNOSF une mission de service public élargie en matière d’éthique (cf. supra).

M. Stéphane Diagana a partagé les hésitations du comité sur ce point : « Faut-il absolument dès à présent instaurer une autorité indépendante sur cette question, comme cela a été fait pour la lutte contre le dopage ? Nous sommes encore en phase de réflexion. » Au regard du bilan du CNOSF en matière d’éthique, la rapporteure s’étonne de la préconisation qui est issue de ces réflexions.

La mise en place d’un dispositif de contrôle externe au mouvement sportif a été préconisée par de très nombreuses personnes auditionnées et avait été jugée nécessaire par la ministre des sports, lorsqu’elle était présidente de l’association « Rénovons le sport français ».

La création d’une nouvelle institution se justifierait pleinement. Dans un souci de rationalisation, cette mission pourrait le cas échéant être confiée à l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), dont le périmètre serait élargi et la composition et le mode de fonctionnement refondés pour intégrer une dimension d’éthique élargie. Ce modèle a été retenu par plusieurs pays.

Recommandation  28 : Créer une autorité administrative indépendante chargée de la protection de l’éthique du sport et investie des missions suivantes :

– élaboration de normes minimales (ou de recommandations en matière de normes minimales) devant obligatoirement figurer dans les chartes d’éthique et de déontologie des fédérations, du CNOSF et du CPSF, telles qu’un dispositif interne efficace et précis en matière de prévention de la corruption, des règles strictes d’indépendance et de prévention des conflits d’intérêts à destination des membres des organes de direction et des différentes commissions, ou encore, le renforcement des règles en matière de transparence financière ;

– évaluation (avec publication des résultats), contrôle (à travers notamment des pouvoirs d’enquête) et sanction des fédérations et organismes sportifs récalcitrants à adopter et mettre en œuvre de telles normes ;

– régulation des procédures disciplinaires internes des fédérations et de leurs ligues professionnelles, du CNOSF et du CPSF (sur le modèle de l’Autorité française de lutte contre le dopage, qui dispose d’un pouvoir de réforme des sanctions disciplinaires prises par les fédérations en matière de dopage).

Dans ce cadre, la rapporteure souscrit à la préconisation du rapport Buffet-Diagana de créer un régime d’incompatibilité de principe d’une condamnation pénale, même non définitive, avec l’exercice des fonctions d’administration et de représentation d’une fédération agréées.

Compte tenu de la trop grande inertie du ministère des sports et du mouvement sportif face aux différentes dérives qui ont touché le monde du sport, elle souhaite confier à une autorité indépendante le pouvoir de prononcer des mesures telles que l’inéligibilité, la suspension conservatoire ou la convocation d’une assemblée générale de la fédération afin de statuer sur une éventuelle révocation du dirigeant mis en cause.

Recommandation  29 : Confier à la nouvelle autorité indépendante en charge de l’éthique et de l’intégrité du sport le pouvoir de prononcer des mesures telles que l’inéligibilité, la suspension conservatoire ou la convocation d’une assemblée générale de la fédération afin de statuer sur une éventuelle révocation du dirigeant mis en cause.

 


—  1  —

   Deuxième partie : la lutte contre les violences et les discriminations

Un enfant sur sept subit des violences dans le milieu sportif avant sa majorité. Ce chiffre n’est pas issu d’une étude du ministère des sports mais d’un rapport du Conseil de l’Europe. Comme l’a rappelé Mme Angélique Cauchy, « dans chaque groupe de tennis, il y a un enfant qui, avant ses 18 ans, aura subi des violences sexuelles » ([215]).

Parmi les 5,5 millions de femmes et d’hommes adultes qui ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance, 150 000 l’ont été dans le milieu sportif. On peut s’étonner que ce soit la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) et non le ministère des sports qui ait permis d’obtenir cette estimation ([216]).

Enfin ce sont les travaux de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) qui ont permis de mettre en lumière une autre particularité du monde sportif : « Les actes sont connus d’autres personnes. Cela se sait. De la même manière, il est connu que l’entraîneur a fait également d’autres victimes. » Selon M. Édouard Durand, ancien président de la CIIVISE, dans le milieu sportif, dans 60 % des cas, « le confident de l’enfant victime de violences ne fait rien » ([217]). Après un témoignage, dans le monde sportif plus qu’ailleurs, la plupart des enfants se heurtent au néant.

Le 2 novembre 2023, quatre ans après sa création, la cellule créée par le ministère des sports, Signal-sports, avait traité plus de 1 800 signalements, qui mettaient en cause plus de 1 200 personnes. 78 % des victimes étaient mineures au moment des faits.

« Depuis que je travaille sur ces questions, et compte tenu du nombre de signalements que nous avons à traiter, j’ai acquis la conviction que pour leur très grande majorité ils auraient dû être révélés bien en amont, et qu’en tout cas un certain nombre de dispositions n’ont pas été prises qui auraient permis d’éviter que ces faits se produisent », a déclaré Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports ([218]).

La plupart des personnes entendues par la commission d’enquête reconnaissent qu’en matière de lutte contre les violences dans le sport, en particulier sexuelles, il y a eu un avant et un après 2020.

Le 12 décembre 2019, le média Disclose publiait une enquête de grande ampleur et la patineuse artistique française Sarah Abitbol publiait, quelques semaines plus tard, son livre témoignage, Un si long silence, qui allait provoquer une véritable onde de choc dans le monde du sport et au-delà. Mme Sarah Abitbol y décrit les viols et les agressions sexuelles que son entraîneur lui a fait subir, alors qu’elle était mineure.

« Le courage de cette sportive nous a permis d’ouvrir les yeux sur des crimes étouffés dans l’intimité d’un vestiaire, d’une chambre d’enfant, d’une chambre d’hôtel. Les cris de cette jeune femme, et de celles et de ceux qui ont suivi, ont permis de lever le voile sur le secret le mieux gardé du milieu sportif », a déclaré lors de son audition M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice ([219]).

La commission d’enquête a souhaité comprendre pourquoi il a fallu attendre 2020 pour que les pouvoirs publics et les responsables du monde sportif acceptent d’ouvrir les yeux et d’entendre ces cris. Elle a voulu revenir sur les raisons qui ont fait qu’« un certain nombre de dispositions n’ont pas été prises qui auraient permis d’éviter que ces faits se produisent ».

Les éléments portés à la connaissance de la commission révèlent un si long silence et une inertie coupables de l’ensemble de ceux qui étaient responsables de protéger ces enfants, ces femmes, ces hommes. « Notre système a fauté, régulièrement et pendant trop longtemps, à tous les étages. » Dans le cataclysme qui a suivi les révélations de Sarah Abitbol, Mme Roxana Maracineanu, ancienne ministre déléguée chargée des sports, reconnaissait le 21 février 2020 devant la première convention nationale de prévention des violences sexuelles dans le sport, la faute et la responsabilité de tout un système (I).

« Ce combat est le plus important dans le sport aujourd’hui. Ne tremblez surtout pas », lui écrivait Jean-Claude Killy à ce moment historique. Les travaux de la commission d’enquête montrent que les réponses apportées par l’ensemble des responsables depuis 2020 ne sont hélas pas à la hauteur des enjeux (II).

En matière de lutte contre la haine et les discriminations dans le sport, beaucoup de travail reste également à accomplir, en particulier un travail d’information, indispensable préalable à la définition de politiques publiques efficaces, et un travail de répression, qui fait aujourd’hui défaut dans les enceintes sportives (III).


  1.   Un si long silence : « notre système a fauté, régulièrement et depuis trop longtemps à tous les étages »

Alors que le sport est identifié depuis longtemps comme un environnement propice aux violences et à l’omerta, cette réalité a longtemps fait l’objet d’une véritable politique de déni de la part du mouvement sportif et des responsables politiques. Seule la médiatisation massive du témoignage des victimes en 2020 et la pression de l’opinion publique a permis d’en venir partiellement à bout.

A.   « Il n’y a pas d’omerta dans le sport » : un si long déni

1.   Le sport, un environnement identifié comme propice aux violences et à l’omerta

Alors que des pays comme la Norvège, le Canada, les États-Unis ou le Danemark ont mené dans les années 1990 des études spécifiques sur ces questions, il a fallu attendre la deuxième moitié des années 2000 pour que le ministère des sports commande une étude à deux universitaires, Mme Anne Jolly et M. Greg Décamps, pour étudier ce phénomène dans le milieu sportif français.

Dans une enquête de 2006 ([220]), les deux universitaires avaient mis en lumière un risque d’exposition plus élevé dans les populations de sportifs.

La seule enquête nationale sur le sujet date de 2009. Menée par ces deux auteurs et par Sabine Afflelou ([221]), elle établissait que le sport constitue un contexte particulier pouvant induire plus facilement des actes de violences sexuelles que celles subies dans l’ensemble des milieux non sportifs. Le taux d’exposition des sportifs mesuré apparaissait deux fois supérieur à la moyenne nationale (11,2 % des sportifs interrogés contre 6,6 % hors de la sphère sportive). Toutefois les auteurs estimaient que la prise en compte des sportifs qui manquent de certitude concernant leur exposition à de possibles violences ferait passer ce taux à 17 %.

Les victimes déclaraient en avoir parlé à leur entourage, surtout leurs amis, pour plus de trois quarts d’entre eux, mais pas à des professionnels en raison, selon l’enquête, de l’éloignement des parents lorsque l’enfant est en internat mais aussi avec la conscience des sacrifices des parents pour permettre à leur enfant d’accéder à une carrière sportive de haut niveau.

Cette enquête confirmait aussi la réticence à dénoncer les faits à la justice puisque seuls 5 % des victimes (7 victimes sur 158) avaient déposé plainte en raison de la crainte de conséquences négatives possibles comme l’exclusion du groupe, le changement de club, la procédure judiciaire mais aussi des craintes liées à la difficulté à « identifier des personnes ressources », « aux procédures juridiques traumatisantes, interminables, aux issues incertaines, la méconnaissance de la loi, liée à une certaine banalisation des agissements et l’omerta du milieu sportif qui ne relaie pas toutes les informations recueillies ».

 

Les travaux de la Commission d’enquête ont confirmé la multiplicité des facteurs de risque :

 un « gisement lié à l’attirance pédophilique, à l’instar du milieu de l’enseignement » (1) ;

– l’âge des pratiquants, les licenciés étant majoritairement âgés de moins de 30 ans, ce qui les place dans une situation de vulnérabilité accrue face à des agresseurs en l’absence de conscience du caractère délictuel, voire criminel, des comportements qu’ils peuvent subir ;

– la relation asymétrique et atypique qui s’installe entre entraîneurs et entraînés ;

– la domination du genre masculin et des stéréotypes de genre ;

– des contacts physiques plus fréquents et un rapport particulier au corps : Mme Karine Repérant, psychologue indépendante, a ainsi souligné que dans le « microcosme sportif », « le corps est un outil de performance […]. Vous le laissez aussi aux autres : vous êtes pesé, étiré ; votre alimentation est contrôlée ; votre corps est touché par votre kiné, votre médecin, votre entraîneur. En fait, le sportif ne le maîtrise pas entièrement. Il est donc compliqué de connaître les limites, et un enfant de 15 ans ne peut tout simplement pas savoir quand dire « stop », ce n’est pas possible. » (2) ;

– la quête de la performance et le « rêve sportif » qui peuvent conduire à une grande tolérance pour les violences physiques et psychologiques, un chantage sexuel de la part de ceux qui peuvent faire ou défaire une carrière, mais aussi à un aveuglement des parents qui peuvent voir dans un entraîneur abusif le vecteur de la réussite de leur enfant ;

– la fréquence des situations à risques : situations d’isolement dans le huis clos de l’entraînement, vie quotidienne en vase clos au sein d’internats ou de centres d’entraînement, situations de promiscuité corporelle et de nudité dans les vestiaires, les douches, fréquence des déplacements et des situations d’hébergement hors de la maison, loin des parents, parfois chez l’entraîneur.

(1)    Ces mots sont de M. Philippe Astruc, procureur de la République de Rennes. Voir compte rendu  27.

(2)    Compte rendu  10.

L’analyse des 27 000 témoignages confiés à la CIIVISE a permis de mettre en lumière certaines spécificités propres au milieu du sport s’agissant des violences sexuelles commises à l’encontre des mineurs.

Pour les enfants, une prévalence d’agressions sexuelles graves, commises
sur longue durée sur des victimes très jeunes dont le témoignage
« se heurte au néant » (1)

Selon les informations transmises à la commission d’enquête par M. Édouard Durand, ancien co-président de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), les viols sont présents dans la moitié des témoignages de violences sexuelles commises dans le milieu sportif, ce qui représente une proportion plus importante que dans d’autres milieux. 75 % des victimes font état, aussi ou exclusivement, d’agressions sexuelles, délits d’une extrême gravité.

Les violences sexuelles dans le monde du sport sont commises sur une durée longue, entre un an et trois ans. Pour moins de 20 % des victimes dans le monde du sport, le passage à l’acte sexuel criminel ou délictuel n’a été commis qu’à une reprise. Aussi, la répétition des faits est-elle plus importante. 60 % des victimes évoquent des violences sexuelles et agressions sexuelles commises plusieurs fois par mois. Cette proportion est plus importante que dans les autres institutions où cette répétition ne se retrouve que dans 40 % des cas.

Lorsque les enfants ont été victimes de violences sexuelles dans leurs activités sportives, l’âge moyen des premières violences est situé autour de 11 ans, contre 13 ans pour les victimes issues d’autres institutions.

Une autre particularité réside dans le fait que les actes sont connus d’autres personnes. « Cela se sait » a insisté M. Édouard Durand. « De la même manière, il est connu que l’entraîneur a fait également d’autres victimes. Ainsi, la révélation des faits a pour motif principal la protection des autres enfants. Le processus est le suivant : "cela se sait qu’il fait d’autres victimes", "je parle pour protéger les autres enfants, mais aussi pour que l’agresseur soit puni". Il s’agit d’un motif exprimé par les victimes qui ont témoigné auprès de la CIIVISE. Cela se vérifie auprès d’un tiers des témoignages exprimés dans le milieu sportif, contre 20 % au sein des autres milieux. » Le témoignage de Mme Sarah Abitbol devant la commission d’enquête est à cet égard emblématique : « Je ne pouvais plus supporter l’idée que mon agresseur soit dans un club de patinage artistique et qu’il puisse de nouveau reproduire ce qu’il m’a fait. »

Enfin, autre spécificité, en milieu sportif dans 60 % des cas, le confident de l’enfant victime de violences ne fait rien (2).

(1)    M. Édouard Durand. Voir compte rendu  27.

(2)    À l’inverse, dans la moyenne globale, l’absence totale de soutien social est de l’ordre de 40 %.

  1.   « Merci aux victimes de nous avoir ouvert les yeux et les oreilles. Merci aux médias de les y avoir aidés »

En octobre 2017, alors que dans le sillage de l’affaire Harvey Weinstein, les témoignages de harcèlement sexuel se multiplient à travers le monde et que les sportives françaises restent étonnamment silencieuses, Mme Véronique Lebar, présidente du Comité éthique et sport déclarait : « Les victimes attendent d’être sorties du milieu sportif pour parler, par peur d’être limogées, écartées ou décrédibilisées. Dans le sport, l’omerta est plus forte qu’ailleurs. » ([222])

En novembre, Mme Laura Flessel, ministre des sports, la contredisait en affirmant qu’« il n’y a pas d’omerta dans le sport et que ce silence prouve simplement que « le travail de prévention paie » en mettant en avant une politique déjà qualifiée de « tolérance zéro » ([223]).

« Derrière chaque sportif, il y a un citoyen, pas plus touché par ce phénomène qu’un citoyen lambda, comme dans l’entreprise, le monde du cinéma... », affirmait la ministre.

En avril 2018, après des révélations du journal Le Monde sur des soupçons de violences sexuelles dans l’athlétisme, la ministre persiste : « Il n’y a pas de loi du silence. » ([224])

Plusieurs médias avaient pourtant conduit un travail d’investigation que le ministère, dont c’est pourtant le rôle, n’a pas su ou voulu entreprendre. Ils avaient envoyé à de multiples reprises des alertes fortes qui n’ont pas été prises en compte.

Pire, des pressions sur les médias sont même évoquées dans le rapport de l’Inspection générale sur la Fédération française des sports de glace ([225]).

Dès décembre 2009, un reportage d’Envoyé spécial sur France 2 sur les violences sexuelles dans le sport de glace permettait, malgré le floutage, d’identifier aisément M. Beyer, l’agresseur de Sarah Abitbol accusé de harcèlement sexuel par une patineuse également floutée, ainsi que par une autre patineuse jointe au téléphone. « Ce reportage a failli ne pas être diffusé en raison des pressions exercées sur France 2 », relève la mission d’inspection.

En juin 2011, L’Équipe publiait à nouveau une double page titrée « En finir avec un tabou ». Il y était notamment question de Gilles Beyer. « En 2013, sur la chaîne L’Équipe 21, nous avions diffusé un documentaire sur les violences sexuelles : "En finir avec un tabou, les violences sexuelles dans le sport" », a rappelé M. Lionel Dangoumau, directeur de la rédaction de L’Équipe ([226]). Ce reportage traitait lui aussi, entre autres, encore de la situation de Gilles Beyer, entraîneur de Mme Sarah Abitbol et du cas d’un autre entraîneur accusé d’agression sexuelle sur une jeune patineuse de 13 ans.

Mais il faudra attendre l’enquête de grande ampleur de Disclose publiée fin 2019 et la médiatisation de la vague de témoignages qui a suivi la publication de celui de Mme Sarah Abitbol, pour venir partiellement à bout d’une politique de déni et pour qu’une enquête soit enfin diligentée par la ministre des sports sur les violences sexuelles au sein de la Fédération française des sports de glace.

« Merci aux victimes de nous avoir ouvert les yeux et les oreilles. Merci aux médias de les y avoir aidés », déclarait Mme Roxana Maracineanu, alors ministre déléguée chargée des sports, dans son discours précité devant la première convention nationale de prévention des violences sexuelles dans le sport.

« C’est sidérant. Il faut que des journalistes publient les faits pour qu’enfin les victimes soient entendues. » La rapporteure partage la sidération de Mme Karine Repérant, psychologue indépendante, co-auteure du livre Le revers de nos médailles ([227]).

B.   « je regrette de devoir dire que ce sujet n’intéressait pas grand monde » : une si longue inertie

À la suite de la médiatisation du témoignage de Mme Isabelle Demongeot ([228]), un premier plan de lutte contre les violences sexuelles dans le sport avait été mis en place en 2007 (1).

Ce n’est que sept ans plus tard, en 2014, que l’Inspection générale établira un bilan, consternant, de ce plan, dans le cadre d’une mission ([229]), commandée par Mme Najat Vallaud-Belkacem, de préfiguration d’un observatoire des violences dans le sport, souhaité et annoncé par la ministre. Le rapport corédigé par Mme Fabienne Bourdais et M. Jacques Primault, inspecteurs généraux de la jeunesse et des sports, appelait à tirer les leçons de cet échec et à « changer de paradigme » (2).

Cet appel restera hélas sans réponse et l’observatoire ne verra pas le jour (3).

Interrogée sur l’inaction coupable à laquelle se sont heurtées ses propres préconisations, Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, qui était devenue quelques semaines après la remise de ce rapport directrice de cabinet du secrétaire d’État chargé des sports, M. Thierry Braillard, a répondu lors de son audition : « Je regrette de devoir dire que ce sujet n’intéressait pas grand monde. » ([230])

  1.   En 2007, Roselyne Bachelot lance un premier plan en réaction à la médiatisation du témoignage d’Isabelle Demongeot

C’est en réaction à la médiatisation du témoignage de Mme Isabelle Demongeot, ancienne numéro deux du tennis français, que Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, se saisit du sujet pour la première fois. En juillet 2007, une première campagne de lutte contre le harcèlement et les violences sexuelles dans le milieu sportif est organisée en plusieurs volets :

– un état des lieux à travers une enquête ;

– un dispositif de sensibilisation et de prévention (DVD, affiches, dépliants et cartes, etc.) ;

– un dispositif d’écoute et d’accompagnement, en partenariat avec l’Institut national d’aide aux victimes et des médiations (Inavem) et son numéro d’appel, le « 08 Victimes » ;

– la signature, le 22 février 2008, par le ministère chargé des sports, le CNOSF et 95 fédérations ou groupements sportifs, d’une charte relative à la prévention des violences sexuelles dans le sport. Cette charte de bonne conduite contenait diverses recommandations, telles que la mise en œuvre d’une déclaration de politique générale, d’un guide de bonnes pratiques et de programmes de formation, ou encore l’implication des commissions médicales.

  1.   « Une absence quasi générale d’actions mises en œuvre au sein des structures concernées » : un bilan sans appel sept ans plus tard

En 2014, dans le sillage de la révélation de viols présumés sur des joueuses de tennis du club de Sarcelles, Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, annonce la création d’un observatoire des violences sexuelles dans le sport. L’Inspection générale de la jeunesse et des sports est chargée d’une mission de préfiguration et d’un bilan, tardif, des actions lancées six ans plus tôt.

La mission relève « une absence quasi générale d’actions mises en œuvre au sein des structures concernées » et, plus généralement, « une sorte "d’absence" des différents acteurs sur une question pourtant importante » ([231]).

Le consternant bilan du premier plan de lutte contre les violences sexuelles dans le sport

Le rapport constate que « la très grande majorité des fédérations privilégie une approche positive autour d’un discours sur les valeurs du sport, sans nommer les violences et les violences sexuelles en particulier –, et donc sans les traiter.

« Beaucoup de responsables sportifs craignent en effet une nouvelle stigmatisation du sport, avec une double conséquence, d’abord d’effrayer les parents au moment d’inscrire leurs enfants en club et ensuite de démotiver non seulement les cadres salariés mais aussi les dirigeants et entraîneurs, suspectés a priori d’intentions malveillantes ».

Les rapporteurs pointent :

– un « dispositif d’écoute et d’accompagnement, de moins en moins soutenu par le ministère au fil des années, y compris au plan de la communication » qui « n’a pu donner sa pleine mesure. » ; « À la suite de propos tenus lors des entretiens menés par la mission, la question se pose aujourd’hui de savoir si les documents d’information en papier ont bien atteint l’ensemble des services, établissements et collectivités (affichage dans les équipements sportifs) en 2008. » ; « La mission a pu constater, six ans après le lancement, que l’affiche permettant de communiquer sur le 08 VICTIMES était très rarement apposée dans les équipements, de même d’ailleurs que l’affichage pourtant obligatoire du 119 "allô enfance en danger" dans tous les lieux accueillant régulièrement des mineurs, dans les équipements sportifs et les établissements du ministère.

– « une absence de communication qui a participé à la disparition progressive du sujet dans les préoccupations des différents acteurs du monde sportif, en termes de sensibilisation et de formation », et une campagne dont les effets sont « imperceptibles auprès de tous les publics concernés » ;

– « une connaissance insuffisante des faits… qui ne remontent pas ou peu » ; « l’absence de dispositif organisé permettant de s’appuyer sur des données consolidées, fiables et exhaustives ». La faiblesse des signalements est imputée à la « faiblesse des moyens alloués à cette question, aussi bien par les services de l’État que par les fédérations depuis 2010 » ;

 l’absence du thème de la lutte contre les violences sexuelles dans le sport dans les conventions d’objectifs qui lient les fédérations à l’État ;

 l’absence de responsable identifié sur ces sujets au ministère des sports. Sur ce dernier point, on relèvera, à titre d’illustration, qu’un organisme allemand (Deutsche Sportjugend im Deutschen Olympischen Sportbund), chargé d’une réflexion sur le sujet au sein de l’unité sport de la Commission européenne, n’a pas pu identifier d’interlocuteur au sein du ministère. Comme en témoignent les actes publiés en novembre 2012, l’action du ministère français et quelques éléments de bilan – nuancés faute d’évaluation – ont finalement été présentés non par les services du ministère mais par un universitaire.

 

3.   Un appel à changer de paradigme qui reste sans réponse et un observatoire des violences dans le sport qui ne voit pas le jour

a.   Un appel à « changer de paradigme » qui reste sans réponse

Compte tenu du « bilan chiffré et de l’évaluation des actions (non) entreprises depuis 2008 par les différents acteurs », la mission de l’Inspection générale considérait qu’il était désormais « indispensable de changer de paradigme et de rendre certaines dispositions obligatoires » ([232]).

Les rapporteurs préconisaient un renforcement du signalement et du traitement des faits, une relance d’une politique nationale de prévention exigeante et inscrite dans la durée et, enfin, une large diffusion d’outils adaptés et reproductibles.

Les préconisations du rapport de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports de 2014

Le rapport de 2014 formulait 39 préconisations en particulier :

– traiter les signalements en complétant la réglementation, notamment par des sanctions pénales applicables aux éducateurs sportifs bénévoles en cas de non-respect de l’interdiction du droit d’exercer fondée sur des antécédents judiciaires et la mise en place d’un dispositif de contrôle a priori des conditions d’honorabilité des bénévoles. Une meilleure organisation de la remontée des signalements était également préconisée. Il s’agissait notamment d’organiser un système fiable de recueil et de remontée des données relatifs aux mesures administratives d’interdiction d’exercer des fonctions d’encadrement d’activités physiques et sportives prises par les préfets, et de faire remontée à la direction des sports les données relatives aux mesures disciplinaires prises par les chefs d’établissement à l’encontre de sportifs auteurs de violence ;

– la relance d’un plan de prévention, notamment en renforçant les moyens et l’engagement de la direction des sports, par exemple en inscrivant l’objectif de prévention des violences sexuelles dans le sport de manière explicite dans les conventions d’objectifs passées avec les fédérations et dans les lettres de missions des DTN, avec une évaluation sérieuse des actions conduites, ou en lançant périodiquement des campagnes de communication sur la lutte contre les violences sexuelles dans le sport. Les services déconcentrés devaient également être mobilisés ;

– enfin, la mission recommandait la création d’un observatoire, en étudiant différents scénarios : intégration au sein d’un laboratoire de recherche, élargissement des missions de l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP), etc.

b.   Un observatoire annoncé qui ne voit pas le jour

L’observatoire voulu et annoncé par Mme Najat Vallaud-Belkacem ne verra quant à lui jamais le jour.

« Le choix politique qui a été fait a été de ne pas créer cet observatoire et de continuer à travailler selon une approche interministérielle, sans faire du sport un cas particulier qui devait être traité dans une structure ad hoc », a expliqué Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports ([233]). Interrogée sur ce point, Mme Bourdais a précisé que le ministère des sports n’était pas favorable à la création de cet observatoire.

Quant à M. Denis Masseglia, ancien président du CNOSF, pour expliquer l’absence de mise en place de cet observatoire, il a rappelé que « Najat Vallaud-Belkacem n’a été ministre des sports que trois ou quatre mois ». « Il faut comprendre que le dialogue entre le ministère des sports et le Comité olympique nécessite du temps, surtout lorsqu’il est question de nouvelles actions » ([234]), a précisé celui qui a été en responsabilité pendant plus de douze ans et qui, devant la commission d’enquête, n’a pas su faire valoir une seule action dans ce domaine.

C’est un observatoire de l’économie du sport qui sera créé en 2015…

4.   « Nous partions de rien »

« Quand j’ai décidé de prendre en charge le sujet au niveau du ministère, je me suis très vite rendu compte que ce sujet était inexistant, aussi bien au sein de la direction des sports que dans nos services déconcentrés et dans les missions des 1 600 cadres techniques sportifs placés auprès des fédérations » a déclaré Mme Roxana Maracineanu, ancienne ministre déléguée chargée des sports à compter de septembre 2018 ([235]).

Comme évoqué précédemment, le contrôle de l’honorabilité pourtant prévu par les textes et voulu par le législateur n’était pas mis en œuvre.

La ministre avait commencé à s’emparer de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dès 2018-2019.

S’agissant du contrôle de l’honorabilité, une expérimentation sur le contrôle des bénévoles a été lancée à la suite de plusieurs condamnations successives pour maltraitance ou prédation sexuelle d’éducateurs dont les antécédents n’avaient pas été vérifiés par des clubs de football.

La ministre a lancé en août 2019 un « Tour de France de la prévention » et de lutte contre le bizutage et les violences sexuelles dans le sport au sein des établissements du ministère des sports avec l’association Colosse aux pieds d’argile et développé diverses actions de formation et de sensibilisation.

« Un guide avait été rédigé par la direction des sports, mais il n’était pas très connu des fédérations et pas du tout diffusé par les cadres techniques qui étaient censés s’occuper de ces missions régaliennes au sein des fédérations. Aucune action précise et prioritaire n’était menée sur le sujet. […] De mon point de vue, nous partions de rien », a-t-elle relevé ([236]).

  1.   un aperçu de l’ampleur d’une omerta « à tous les étages »

Dès le 8 mars 2019, Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des sports, avait diligenté une mission d’évaluation des violences sexuelles dans le sport dont elle avait demandé que les conclusions lui soient remises pour le 1er octobre de la même année. La lettre de mission témoigne à l’évidence de la volonté politique de la ministre de se saisir de ces enjeux ([237]). La ministre a pourtant affirmé devant la commission d’enquête ne pas avoir commandé ce rapport.

Cette mission d’évaluation a été confiée à M. Patrick Karam, inspecteur général de la jeunesse et des sports, qui n’a remis en janvier 2020 qu’un rapport d’étape, lequel ne sera jamais achevé (cf. infra).

« Durant mon mandat, j’ai diligenté quatre enquêtes de l’inspection générale sur la thématique des violences sexuelles : sur les sports de glace, la moto, le judo et l’équitation », a indiqué Mme Madame Roxana Maracineanu ([238]).

Cet état des lieux incomplet, que la rapporteure a pu consulter, donne cependant un aperçu de l’ampleur et des ressorts d’une omerta à tous les étages du mille-feuille que constitue la gouvernance du sport en France.

1.   « Les sujets ne remontaient pas » : une omerta « à tous les étages », qui se défaussent les uns sur les autres

« On a lancé une politique publique sur cette question, qui n’a pas eu les effets escomptés, en partie parce que les sujets ne remontaient pas. On s’aperçoit aujourd’hui qu’à l’époque, les victimes avaient exprimé des choses mais qu’elles n’avaient pas été entendues. Les dirigeants ou les personnes qui étaient aux responsabilités disent qu’ils ne savaient pas alors que, manifestement, compte tenu des faits et des circonstances qui les ont entourés, il était impossible que personne ne soit au courant », a déclaré Mme Fabienne Bourdais en évoquant le passé ([239]).

La rapporteure partage cette conviction et estime que des choses se savaient « à tous les étages », comme le montre l’exemple de la Fédération française des sports de glace (cf. infra).

Au fil des auditions, la commission d’enquête a pu constater combien la structuration de la gouvernance du sport favorise une dilution des responsabilités ([240]).

Du club à la tête de la fédération en passant par ses instances déconcentrées jusqu’au ministère, avec ses services déconcentrés et son administration centrale, et au sein même d’une structure, lorsque vous interrogez un responsable, il n’est, sauf exception, jamais responsable. « Vous m’interrogez, mais il y a tous les autres aussi », s’est ainsi défendu M. James Blateau, président de la Fédération française de gymnastique ([241]).

Le rapport d’étape consacré à l’évaluation des violences sexuelles dans le sport de janvier 2020 dresse le constat d’« une omerta à tous les niveaux des établissements d’activités physiques et sportives » ([242]).

L’enquête de l’Inspection générale sur la Fédération française de judo et disciplines associées met aussi en lumière « une forme d’omerta systémique au sein de la fédération » ([243]).

En croisant les témoignages et auditions et après analyse des différents dossiers portés à sa connaissance, la mission de l’Inspection générale a constaté « une tendance à tous les échelons de la Fédération française de judo et disciplines associées et jusqu’en 2020 à ne pas vouloir traiter les affaires de violences sexuelles et à veiller ne pas avoir à les traiter, ou alors le plus tard possible, au point qu’un CTS parle d’“omerta côté FFJDA” ». Un haut cadre de la fédération le reconnaît : « Nous avons changé de démarche depuis 2019 […]. » Et de préciser : « Il y a une omerta générale au niveau local sur ces dossiers. Il y a un milieu qui s’est défaussé face à la fédération. »

Un ancien haut cadre de la Fédération française de judo témoigne auprès de l’Inspection : « Il y a des fautes au niveau de l’exécutif fédéral mais aussi au niveau des OTD ([244]), on avait les informations en dernier ressort. Nous, on n’avait que des rumeurs et pour avoir des appuis solides, c’était très difficile. »

Quant au rapport d’étape précité de janvier 2020 sur les violences sexuelles dans le sport, il relève que « les clubs ne jugent pas utile de signaler les dérives au préfet de département et à leurs comités régionaux qui ne les signalent pas non plus à leur fédération. Et chacun se renvoie la responsabilité. Quant aux élus locaux, ils se reposent sur les dirigeants des clubs qu’ils accueillent pour ne pas donner suite aux signalements. C’est qu’en réalité, les priorités ne sont pas les mêmes. À quelques exceptions près, les fédérations préfèrent se concentrer sur la performance sportive et l’organisation de compétitions nationales et se déchargent sur leurs instances déconcentrées des questions qu’elles considèrent accessoires, comme le développement du sport dans les quartiers difficiles, la lutte contre les agressions sexuelles et l’homophobie ou le racisme, moyennant quelques subsides ».

À propos d’une affaire concernant un entraîneur condamné pour agression sexuelle qui a continué à entraîner des mineurs pendant de longues années, un haut cadre de la Fédération française de judo admet : « Il y avait une forme d’omerta car personne ne voulait le dénoncer. Tous les cadres techniques, entraîneurs, etc., tous se défendent les uns les autres, y compris contre la fédération. » Évoquant un ancien cadre mis en examen pour viol : « Pourquoi XX a été couvert par exemple ? Il y a ceux qui ne veulent pas savoir et ceux qui ne veulent pas dire. »

Et un autre haut cadre de confirmer : « Sa situation était connue de tous même si on en a sous-estimé l’ampleur. […] Il était de notoriété publique que d’autres entraîneurs et des très haut gradés avaient des relations avec des gamines (sic). »

2.   Quand l’image de la discipline et de ses représentants réduit les victimes au silence : un entre soi qui engendre l’omerta

a.   « Quand il y a des problèmes de famille, il faut les traiter en famille »

M. Patrick Roux, co-auteur d’un livre ([245]) dédié aux violences dans le judo, a déclaré en en juin 2023 dans le journal L’Équipe : « Dans les fédérations, c’est très consanguin. Ce sont des organisations dont les membres se connaissent depuis des années. Certains ont été athlètes à la même époque, ils se sont connus à l’INSEP, en stage ou en équipe de France, donc ce sont des amis, un peu potaches, qui ont vécu des aventures de jeunesse ensemble, des moments très forts. On se protège, comme dans une famille. » ([246])

La notion de famille revient également à l’échelle du club. M. Patrick Karam l’a affirmé au cours de son audition : « Un club est une famille dans laquelle on ne dénonce pas les agissements des uns et des autres. » ([247]) Des victimes entendues par la commission d’enquête ont parlé de secte, de mafia ou de gang.

Un ancien haut cadre de la Fédération française de judo a témoigné en ces termes auprès de l’Inspection générale : « Il y a un entre-soi qui protège les entraîneurs mis en cause. […] Les conseillers techniques sont tous dans des clubs. Ils avaient intérêt à se mettre bien avec les clubs et donc ils ne dénoncent pas forcément des pratiques répréhensibles. » ([248])

Un ancien cadre de la direction technique nationale l’assume : « C’est comme quand il y a des problèmes de famille, ici, c’est grave, il faut le traiter en famille. »

Et la mission de conclure sans aucune ambiguïté : « La Fédération de judo a privilégié, dans ces domaines comme dans d’autres, une gestion interne en considérant à tort que le mieux était de rester dans un entre soi et de traiter ces dossiers "dans la famille". »

b.   « Quelle patineuse n’est pas amoureuse de son entraîneur ? » : l’entraîneur tout-puissant

Dans le monde du judo, l’Inspection générale a constaté que « le professeur de judo a bénéficié d’un positionnement central au plan culturel et social, favorisant chez certains un sentiment d’impunité et de toute puissance vis-à-vis de leurs élèves. Ce positionnement a accentué l’emprise de l’éducateur sur les jeunes et la survenue d’éventuelles dérives sur les tatamis et en dehors ».

À plusieurs reprises, l’attention de la commission d’enquête a été appelée sur le fait que les parents ne donnent pas toujours crédit à la parole des enfants face à celle d’un entraîneur. Certains parents ont tendance à minimiser les choses face à un grand entraîneur. Ainsi M. Édouard Durand, magistrat, ancien président de la CIIVISE, a-t-il relevé que « l’entraîneur est investi par les parents d’une autorité très élevée. Aussi, comme cela est souvent le cas dans d’autres milieux, les parents eux-mêmes, en tenant compte de la gloire à venir de leur enfant, protègent les agresseurs » ([249]).

S’agissant de la Fédération française de judo, l’Inspection générale a dénoncé « une forme d’omerta systémique au sein de la fédération, une tendance à tous les niveaux à ne pas croire a priori qu’un enseignant, souvent très apprécié de tous, puisse être l’auteur de violences sexuelles à l’encontre de ses élèves et même à banaliser, sous couvert de sentiments, les relations extra-sportives fussent-elles sexuelles entre un enseignant et une ou plusieurs de ses élèves » ([250]).

La mission de l’Inspection générale sur la Fédération française des sports de glace a elle aussi été confrontée, que ce soit au niveau des clubs ou de la Fédération, à des propos minimisant les violences de toute nature dont peuvent être victimes les jeunes patineurs tels que : « Quelle patineuse n’est pas amoureuse de son entraîneur ? » ([251])

Jusqu’à rendre la victime responsable de son sort. L’Inspection générale rapporte ainsi les propos d’un ancien cadre de premier plan de la fédération : « Il y a une volonté de séduction des patineuses, cela m’a toujours étonné, nos disciplines sont-elles génératrices de situations qui généreraient ces comportements ? Les tenues sont surprenantes dans le cadre de performances sportives, pourquoi ne sont-elles pas simplement en justaucorps ? », en soulignant que ces propos « peuvent être interprétés comme une mise en cause indirecte des jeunes victimes ».

c.   Quand les intérêts du groupe et l’image du sport l’emportent sur la protection des pratiquants

« Les mécanismes de pouvoir permettent de maintenir l’omerta : personne ne jouera sa place au sein de la fédération pour sauver des victimes », a constaté Mme Karine Repérant, psychologue indépendante, coauteure de l’essai précité Le revers de nos médailles. « C’est d’ailleurs le principe de base de l’omerta : il ne faut rien rendre public, pour ne pas dévaloriser le sport », a-t-elle ajouté ([252]).

Dans son rapport d’étape de janvier 2020, M. Patrick Karam observait que « les quelques rares cas d’agressions sexuelles médiatisées commis par des entraîneurs "emblématiques" ont pu freiner la mise en place d’action de prévention dans certains clubs, soucieux de protéger d’abord la notoriété de leurs "éléments phares".

« Le risque d’entacher la réputation de leur discipline et qu’elle se voie assimiler aux violences sexuelles alors qu’ils considèrent les affaires comme anecdotiques engendre souvent un réflexe de défense qui conduit à l’enterrement des affaires ou alors à les traiter en interne par de simples remarques au mis en cause, sans aucune recherche de la vérité et sans volonté de protéger la victime, y compris lorsqu’elle est mineure » ([253]).

Les constats sont les mêmes à la Fédération française de judo : « Remettre en cause un enseignant, remettre en cause une ceinture noire, c’est se remettre en cause soi-même et remettre en cause l’image que l’on a de sa discipline. » ([254])

Le rapport sur les faits de violences sexuelles au sein de la Fédération française des sports de glace a lui aussi pointé « une volonté manifeste de taire des faits portés à la connaissance de la FFSG dans l’objectif unique de préserver une image » (cf. infra([255]).

d.   Un système qui a protégé des agresseurs et sanctionné des victimes et ceux qui cherchaient à les protéger

i.   Une inaction disciplinaire qui protège les agresseurs et laisse les victimes à leur merci

Cette défaillance est pointée dans l’ensemble des rapports dont la rapporteure a pris connaissance.

Le rapport d’étape précité de janvier 2020 a relevé tout d’abord que « les règlements disciplinaires n’évoquent pas ou que de manière allusive le sujet des violences sexuelles ».

« Et même lorsque le volontarisme est affiché », ajoute la mission, « les acteurs sportifs évoquent leur impuissance à justifier un examen en commission de discipline qui puisse aboutir à une sanction avant le rendu de la procédure judiciaire, alors même que des mesures conservatoires devraient être prises. Le mis en cause reste alors en poste alors que la licence aurait pu être suspendue à titre conservatoire ».

La mission relative à la Fédération française de judo a relevé de la même manière que depuis de nombreuses années, cette fédération a « pris le parti de ne traduire en commission de discipline les encadrants incriminés qu’une fois la décision de justice définitivement rendue, après recours éventuels.

« Il en découle que des enseignants ont pu continuer à exercer pendant plusieurs années malgré les graves accusations qui pesaient sur eux. La fédération a eu tendance à faire prévaloir la parole de l’enseignant plutôt que celle des victimes présumées, en d’autres termes, à prioriser la présomption d’innocence plutôt que la protection des victimes. »

Illustrations à la Fédération française de judo

– Un enseignant est condamné à plusieurs années de prison, dont une ferme, pour des faits d’agression sexuelle sur mineure. Il continuera à exercer malgré une condamnation judiciaire pour des faits de violence sexuelle sur mineur de moins de 15 ans jusqu’à ce que cette situation soit dénoncée par la presse dans les années récentes et que la préfecture intervienne enfin pour lui notifier son interdiction d’exercer.

– En 2020, sur les quatre dossiers traités au total par la commission fédérale de discipline, trois concernaient des cas de violences sexuelles. Tous ont été traités le même jour afin, manifestement, de régulariser des situations anciennes. Dans ces dernières, les enseignants concernés avaient été condamnés pénalement pour des faits de violences sexuelles plusieurs années auparavant mais poursuivaient leur activité en toute impunité, la fédération n’ayant pris à leur encontre, aucune mesure disciplinaire. Ce n’est qu’après publication dans les médias de ces situations anormales que la fédération interviendra.

– Un club ayant délivré une licence à un judoka alors qu’il le savait condamné judiciairement et sous le coup d’une radiation pour agression sexuelle, n’a reçu qu’un « blâme » de la part de la fédération.

Illustrations à la Fédération française de motocyclisme

En début d’année 2020, la presse a révélé qu’un entraîneur de motocyclisme, gestionnaire d’un centre qu’il avait créé en Loire‑Atlantique et affilié à la Fédération française de motocyclisme (FFM), a poursuivi son activité malgré la condamnation dont il avait fait l’objet pour viols et agressions sexuelles à l’encontre de deux jeunes filles qu’il entraînait dans le centre entre 2006 et 2010, mineures au moment des faits. Ce centre a été fermé en 2019.

Au vu de ces éléments, la ministre des sports a demandé en février 2020 à la cheffe de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche de diligenter une mission d’enquête.

La mission, qui a rendu ses conclusions en octobre 2020, a établi que la Fédération française de motocyclisme a été informée dès janvier 2011 de cette affaire par le témoignage d’une des victimes, qui a indiqué qu’elle allait porter plainte. La fédération a considéré qu’il convenait de privilégier la présomption d’innocence de l’entraîneur, y compris après sa première condamnation en septembre 2015, dont le parquet a fait appel.

En 2011 et jusqu’en 2018, la Fédération française de motocyclisme n’a informé de ce témoignage ni la justice, ni l’administration centrale du ministère des sports ni ses services déconcentrés. Elle n’a pas non plus pris de mesures à l’encontre de l’entraîneur, titulaire d’une licence, comme elle en avait le pouvoir.

La Fédération française de motocyclisme a par ailleurs la capacité, en tant que fédération agréée, de se constituer partie civile pour défendre les intérêts collectifs de ses licenciés et de ses clubs, ce qu’elle n’a pas fait dans ce cas d’espèce.

ii.   Un système qui a exclu ou sanctionné les victimes et ceux qui cherchaient à les protéger

Le témoignage de Mme Catherine Moyon de Baecque a hélas montré à des générations de victimes le sort qui pouvait être réservé à ceux qui osaient transgresser la loi du silence.

M. Patrick Roux, co-auteur d’un livre ([256]) dédié aux violences dans le judo, a évoqué en audition « des cas de jeunes qui, dans les pôles Espoirs, vivent des choses abominables – ils se font lyncher sur le tatami, des choses qui n’ont rien à voir avec des techniques dures d’entraînement  et qui supplient leurs parents, qui, eux, sont furieux, de ne pas porter plainte, parce qu’ils craignent que tout soit fini pour eux ensuite. Nous avons des kilomètres de tels témoignages » ([257]).

La commission d’enquête a recueilli de nombreux témoignages de victimes écartées ou de témoins sanctionnés pour avoir voulu parler ou dénoncer des faits.

Le témoignage de Mme Marie David, professeure de judo, l’illustre parfaitement : « J’ai été victime de violences psychologiques et sexuelles à l’âge de 18 ans, alors que j’étais judokate au sein d’un pôle Espoirs. Pendant deux ans je n’ai rien dit, parce que j’avais peur et que je pensais que personne ne me croirait. Lorsque j’en ai parlé, à 20 ans, j’ai été exclue de ce pôle Espoirs où je m’entraînais. À l’époque, très peu de gens m’ont crue et j’ai été traitée en paria dont il fallait se débarrasser. Pardon pour ma voix qui tremble : on dit souvent que la peur doit changer de camp, mais pour l’instant, elle est toujours de mon côté. » ([258])

M. Hervé Gianesello, professeur spécialiste des sports de combat, enseignant au sein de l’unité de formation et de recherche (UFR) Staps de l’Université Rennes 2, a été le professeur de Mme Marie David, qu’il a voulu protéger. La personne qui a agressé Mme Marie David l’a attaqué en justice pour propos diffamatoires.

M. Gianesello s’est retrouvé devant la commission de discipline, laquelle a prononcé un avertissement publié dans le journal Judo Magazine. Sa condamnation a été maintenue en appel. Il a témoigné en ces termes devant la commission d’enquête : « La nouvelle gouvernance de la fédération a envoyé un courriel à ma ligue pour annoncer que je devais être considéré comme un professeur de judo normal, qui avait dénoncé des faits qui n’auraient jamais dû avoir lieu. Pendant vingt ans, j’ai été le professeur de judo qu’il fallait éviter. Sept procédures ont été lancées par le comité départemental ou la ligue contre moi-même, mes athlètes ou mon club, pour tenter de nous radier ou ne pas reconnaître la qualification de nos athlètes – qui l’avaient pourtant méritée sur le tapis. »

« Je pourrai vous transmettre dix noms de cadres – entraîneurs, kinésithérapeutes, psychologues, et même un dirigeant élu  qui ont perdu leur place parce qu’ils avaient eu le courage de refuser de cautionner ces choses-là », a déclaré M. Patrick Roux.

Sur la base de plusieurs auditions, le rapport de la mission d’inspection consacré à la Fédération française de judo a confirmé que « dans certains cas, on n’a pas hésité à écarter les personnes dénonçant des faits répréhensibles ».

3.   Quand l’État ne protège pas

Outre l’inertie et la complaisance des pouvoirs publics évoquée précédemment, les rapports de l’Inspection générale dénoncent des défaillances des cadres d’État et des lacunes des services déconcentrés.

a.   Des défaillances des cadres d’État

De très nombreuses défaillances des cadres d’État sont pointées dans tous les rapports de l’Inspection générale relatifs aux violences sexuelles et sexistes. La situation de Gilles Beyer et de M. Didier Gailhaguet, tous deux cadres d’État, est à cet égard particulièrement emblématique (cf. infra).

Des erreurs d’appréciation en matière de politique disciplinaire sont parfois le fait de cadres d’État, lesquels ont pu faire montre d’une inertie certaine. « Les cadres d’État placés auprès des fédérations ont pu indiquer ne pas avoir accès au dossier pénal de l’agresseur lorsqu’il s’agit d’un entraîneur bénévole et être dans l’incapacité de disposer d’éléments concrets qui conduiraient à une mesure disciplinaire. Et parfois certains évoquent de manière erronée l’enquête judiciaire qui justifie selon eux l’impossibilité de prendre des mesures de mise à l’écart ou de suspension d’activité », a relevé M. Patrick Karam dans son rapport d’étape ([259]).

M. Karam, dans le rapport d’étape précité de janvier 2020 sur les violences sexuelles, a illustré ces défaillances par le cas d’un directeur technique national d’une fédération qui avait connaissance par Mediapart de l’interdiction d’exercer toute activité avec les jeunes pendant dix ans dont faisait l’objet un éducateur professionnel et qui malgré son inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV), continuait à exercer dans un club en qualité d’entraîneur bénévole. « Le DTN a indiqué à la mission avoir tenté de joindre la référente de la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS(PP)) sans réponse et il a fallu lui expliquer la démarche à suivre pour que la procédure s’enclenche fin novembre 2019. »

À la Fédération française de judo, l’Inspection générale souligne que « le traitement de ces dossiers de violences sexuelles a également été, jusqu’à très récemment, totalement absent des préoccupations et priorités des directeurs techniques nationaux. L’attention et les moyens de ces derniers ont été focalisés prioritairement sur l’obtention de titres dans les compétitions majeures internationales pour cette fédération historiquement pourvoyeuse de médailles pour la France ».

« La DTN n’étant pas mobilisée sur ces sujets, les CTS ne le sont, par conséquent et de facto, pas non plus. En effet, le manque de formation et de pilotage fédéral de ses intervenants nationaux et locaux, élus, salariés ou mis à sa disposition (CTS) sur les questions de violences, est manifeste », poursuit la mission ([260]).

La mission a pointé dans certains cas constatés « un manque de vigilance et/ou d’intervention du conseiller technique sportif (CTS) qui peut avoir participé à ce qu’un enseignant condamné continue à exercer, durant parfois plusieurs années ».

Elle a relevé que les cadres d’État auditionnés « ont souvent témoigné de leur méconnaissance des règles relatives notamment à l’obligation de signalement qui s’impose aux agents publics dans le cadre de leurs fonctions, prévue par l’article 40 du code de procédure pénale, et de l’absence de formation sur le sujet des violences dans le sport ».

Le rapport sur la Fédération française des sports de glace a pointé lui aussi « une responsabilité défaillante des conseillers techniques sportifs dans la gestion des situations connues de violences et d’agressions sexuelles » ([261]) (cf. infra).

b.   Des défaillances des services déconcentrés

Plusieurs victimes ont témoigné d’un défaut de rigueur ou d’indépendance des services déconcentrés chargés notamment des enquêtes administratives. « Aujourd’hui, c’est différent » a observé M. Patrick Roux, « mais il y a quinze ou vingt ans, […] les signalements et témoignages adressés aux services déconcentrés du ministère des sports – à l’époque, les DRDJSCS, devenues les DRAJES –, donnaient lieu à nombre d’irrégularités. D’une part, le passé d’entraîneur de nombreux conseillers d’animation ou d’administration sportive pose question quant à l’objectivité des enquêtes et la circulation de l’information. D’autre part, une fois les informations délivrées à la Drajes, il ne se passait pas grand-chose, au point qu’avec le recul, on peut vraiment s’interroger sur l’indépendance des enquêtes » ([262]).

Dans une autre fédération marquée par un cas de violences sexuelles, l’Inspection générale a pointé l’absence de déclenchement d’un article 40 par un DTN, « une grave erreur d’analyse de la situation par la DDCS ([263]) », outre l’absence d’information de la direction des sports sur une condamnation et un défaut de suivi du renouvellement de la carte professionnelle.

Mme Alexandra Soriano, ancienne judoka, éducatrice spécialisée à l’aide sociale à l’enfance, membre de l’association Artemis Sport, a estimé que « dans le milieu du sport, tout le monde se connaît. Même si la personne n’est pas issue de la discipline concernée, les CTS sont des cadres d’État, collègues de travail des membres des directions régionales » ([264]).

Des carences manifestes des agents de l’État et des services déconcentrés sont confirmées dans différents rapports de l’Inspection générale.

Des « carences manifestes » des services de l’État pointées dans plusieurs affaires

Dans le dossier concernant M. XX, condamné à la fin des années 2010, à plusieurs années de prison pour des faits d’agression sexuelle sur mineurs :

 le conseiller technique régional (CTR), informé des faits par le comité départemental et la ligue régionale, les a communiqués, par oral, à son autorité hiérarchique, la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS).

 lors de son audition par la mission, le CTR a déclaré : « Je n’ai pas effectué d’article 40 car pour moi cette obligation était celle de le signaler à mon autorité, ce que je considérais avoir fait ».

 Il est apparu que la DRJSCS n’a pas relayé le signalement à la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) qui, sans signalement porté à sa connaissance, n’a pas mené d’enquête administrative en sus de l’enquête judiciaire.

Dans le dossier de M. XX, éducateur sportif dans un club, condamné au milieu des années 2010 pour des faits d’agression sexuelle sur mineur commis à la fin des années 2000 :

 le CTR a indiqué à la mission s’être borné, au moment de la prise de connaissance des faits reprochés à cet éducateur, et non encore jugés, à vérifier si l’intéressé avait fait l’objet d’une condamnation préalable.

Dans l’affaire XX, encadrant qui avait des relations avec des mineures, depuis 2011, malgré les alertes du CTR, aucune enquête administrative n’a été lancée par la DRJSCS (ni par la DDCS, visiblement pas informée à l’époque par la DRJSCS).

L’exécutif de la fédération et la DTN ont considéré que la responsabilité d’investiguer revenait exclusivement à la DRJSCS et que la fédération n’avait d’autre action à mener que de s’assurer que cette dernière avait bien reçu les informations.

Les personnels de la DRJCS ont appréhendé le dossier de deux manières bien distinctes :

 d’un côté, les personnels administratifs en prise directe avec le terrain qui ont constitué un dossier sur la base du signalement effectué par le CTS, et qui considèrent avoir informé voire alerté leur hiérarchie sur la nécessité de mener une enquête approfondie.

 de l’autre, leur hiérarchie n’a pas jugé bon de réaliser ces investigations complémentaires et n’a donné aucune suite.

In fine, personne ne traitera ce dossier, que ce soit au sein de la Fédération française de judo ou des organes déconcentrés de l’État (DDCS et DRJCS), et il faudra attendre 2014 et le signalement effectué par un principal du collège (relevant de l’éducation nationale) dans lequel exerçait l’intéressé, pour que le procureur de la République soit saisi par les services académiques et que M. XX soit suspendu de ses fonctions à titre conservatoire.

Selon la mission, cette absence d’implication des plus hauts responsables de la DRJSCS dans le traitement d’affaires mettant en cause un entraîneur de pôle espoir et de clubs relève d’une carence manifeste.

 

4.   Le traitement des violences dans les sports de glace : des défaillances généralisées jusqu’au plus haut niveau de l’État

La rapporteure ne peut clore ce chapitre sans livrer un éclairage sur le scandale dont la révélation a constitué un tournant historique, sur la base des conclusions de l’enquête réalisée par l’Inspection générale de juillet 2020.

Ce scandale illustre et étaye l’ensemble des défaillances systémiques relevées dans la première partie du présent rapport d’enquête.

a.   Un sujet « Gilles Beyer » identifié dès 2000 au plus haut niveau de l’État

Des accusations d’agressions sexuelles ont été portées dès 1994 à l’encontre de Gilles Beyer, patineur artistique et champion de France en 1978, recruté conseiller technique sportif (CTS), entraîneur national, en 1982.

Début 2000, à la suite de deux alertes concernant le comportement de Gilles Beyer à l’égard de deux jeunes filles mineures, le directeur de cabinet de la ministre des sports a demandé un rapport au directeur régional de la jeunesse et des sports d’Île-de-France. Ce rapport a été remis en mars 2000 et suggérait que l’Inspection générale soit saisie. À la même époque, une enquête préliminaire avait été ouverte à la suite d’une autre accusation de harcèlement moral et sexuel et avait été classée sans suite.

Le rapport de l’Inspection générale concluait que « Gilles Beyer n’avait plus sa place dans l’équipe fédérale », mettant en cause son attitude et son comportement non conformes à ce que l’on est en droit d’attendre d’un cadre de la fonction publique et de surcroît d’un éducateur. Il était proposé qu’il soit mis fin à son contrat de préparation olympique et à son détachement au sein du ministère de la jeunesse et des sports. Le rapport faisait également état d’un cumul de fonctions et rémunérations sans demande d’autorisation préalable.

Dans le cadre l’inspection conduite en 2000, un cadre de la fédération avait remis un mémorandum dans lequel il signalait que depuis son arrivée des accusations et bruis les plus divers avaient couru concernant son comportement vis-à-vis de jeunes athlètes.

En août 2000, un arrêté notifie à Gilles Beyer une suspension de ses fonctions de conseiller technique sportif. Il est affecté à la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) d’Île-de-France pour exercer des fonctions de conseiller d’animation sportive, sans encadrement de mineurs, dans l’attente de sa réintégration au sein de son ministère d’origine, l’éducation nationale. Cette réintégration sera effective le 1er avril 2001 mais il n’aurait jamais pris ses fonctions. Il sera radié des cadres le 20 février 2013.

Malgré le rapport de l’Inspection générale et son éviction des fonctions de CTS, il sera recruté en mai 2001 comme chargé de mission (entraîneur) auprès du président du club des Français volants avant de devenir, en mai 2003, délégué général de ce club. De 2008 à 2014, il effectue plusieurs mandats au sein du bureau exécutif de la Fédération française des sports de glace, où il est chargé du haut niveau. Il sera team leader de l’équipe de France en 2011, à l’occasion des championnats du monde junior en Corée du Sud, et devient l’animateur attitré pendant des années de l’équipe de France de patinage. Il a également été membre de la Ligue d’Île-de-France de la fédération, de 2012 à février 2020, date à laquelle il démissionne à la demande de la présidente, suite aux révélations publiées dans la presse.

Il faudra attendre le 30 janvier 2020 pour que le scandale éclate. À la suite des révélations de Mme Sarah Abitbol sur les viols qu’elle a subis entre 1990 et 1992, alors qu’elle était âgée de 15 à 17 ans, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour viols et agressions sexuelles sur mineurs, par personne ayant autorité sur la victime.

Alors que le comportement de Gilles Beyer à l’égard des patineuses a été vraisemblablement connu depuis longtemps dans le milieu du patinage, ce n’est qu’après ces révélations qu’il sera suspendu puis exclu de ses différentes fonctions.

S’il n’a plus exercé de fonctions d’entraînement à partir de mai 2003, plusieurs témoignages recueillis par la mission d’inspection ont permis de confirmer que « l’intéressé continuait à fréquenter les vestiaires du club et les patineuses qui s’y trouvaient ».

« Le club des Français volants a ainsi fait fi de toutes les mises en garde d’avoir à tenir M. Beyer éloigné des missions et des responsabilités d’éducateur, les actes qui lui étaient reprochés étant de nature à porter atteinte à l’intégrité physique et morale des mineurs qui lui sont confiés », a souligné l’Inspection générale.

« La fédération, qui dispose de prérogatives liées à l’affiliation des clubs, n’a pas davantage trouvé à redire à ces nominations. » ([265])

b.   La mise à jour d’une véritable « culture du viol » dans le patinage

Lorsque Mme Abitbol s’est décidée à raconter son histoire, elle a découvert qu’elle n’avait pas été la seule victime de Gilles Beyer, mais surtout que l’entourage sportif était au courant du comportement de l’entraîneur à l’égard des jeunes patineuses.

Les révélations de Mme Abitbol ont entraîné une succession de témoignages de jeunes patineuses elles-mêmes victimes de Gilles Beyer ou d’autres entraîneurs. Son témoignage a eu pour effet de libérer la parole de plusieurs patineuses, qui avaient enfoui dans leur mémoire les agressions qu’elles avaient subies dans leur jeunesse, mais aussi d’encourager de plus jeunes athlètes, ainsi que leurs familles, à dénoncer, y compris auprès de la justice, des faits plus récents, qu’il s’agisse de violences à caractère sexuel, physique, moral ou verbal.

De nombreux autres entraîneurs ont ainsi été mis en cause pour des violences à caractère sexuel, physique ou verbal.

En croisant les éléments recueillis au cours de ses auditions, les signalements enregistrés par le ministère des sports, les révélations parues dans la presse, « la mission décompte, en plus des agressions dont M. Beyer est accusé, douze entraîneurs mis en cause pour des faits de harcèlement ou agressions sexuelles, sept dossiers concernant des violences physiques ou verbales ».

La mission a observé que « les entraîneurs mis en cause appartiennent plus ou moins à la même génération, et se sont fréquentés tout au long de leur vie, depuis leurs débuts de jeunes patineurs, pendant leur carrière de sportif de haut niveau, et ont poursuivi dans le cadre de leur parcours professionnel en club et/ou à la Fédération ».

Et la mission de conclure : « Les faits rapportés illustrent ce que la presse a pu qualifier de "culture du viol" dans le patinage. »

c.   « Une volonté manifeste de taire des faits portés à la connaissance de la fédération dans l’objectif unique de préserver une image »

La mission a dénoncé « le choix de la fédération de ne pas agir, nonobstant les très nombreuses alertes », constitutif d’« un manquement grave à ses obligations ».

Elle a observé qu’un nombre significatif d’affaires évoquées dans son rapport n’ont donné lieu, ni à une saisine de la Fédération française des sports de glace par les clubs concernés, ni à une procédure engagée par la Fédération elle-même, alors même que la fédération « ne pouvait pas ignorer les problèmes récurrents de violences, notamment sexuelles, et d’alcoolisme ».

Au-delà des violences sexuelles, la mission fait état de « l’omniprésence de pratiques d’entraînement violentes et humiliantes » mais aussi de problèmes d’alcool dans le patinage.

Elle a relevé que la fédération était bien informée par plusieurs enquêtes journalistiques des problèmes de violences sexuelles qui touchaient les sports de glace, notamment le reportage précité d’Envoyé spécial sur France 2 en 2009 et celui diffusés par L’Équipe 21 sur les violences sexuelles dans le sport qui traitaient, outre de la situation de Gilles Beyer, du cas d’un autre entraîneur accusé d’agression sexuelle sur une jeune patineuse de 13 ans.

Comme évoqué précédemment, la mission a pointé « une volonté manifeste de taire des faits portés à la connaissance de la FFSG dans l’objectif unique de préserver une image ».

La mission a, entre autres, mis en cause la façon dont la fédération a géré l’affaire d’un entraîneur reconnu en 2003 coupable de deux viols et cinq agressions sexuelles sur sept de ses élèves mineures et condamné à dix ans de réclusion criminelle. Non seulement la fédération ne s’est pas portée partie civile pour apporter son soutien à une victime qui avait porté plainte, mais elle aurait apporté un témoignage favorable à l’entraîneur.

d.   « Un fonctionnement fédéral controversé, marqué par une concentration des pouvoirs, que les multiples contrôles de l’État n’ont pas fait évoluer »

La mission, au-delà des nombreux cas individuels de violences qu’elle a répertoriés, a cherché à comprendre « pourquoi la fédération […] n’avait pas tenté d’y mettre un terme. Ses investigations l’ont amenée à analyser le fonctionnement général de la Fédération, tant les manquements observés paraissent intimement liés à la gouvernance même de la fédération ».

Elle a constaté « un fonctionnement fédéral controversé, marqué par une concentration des pouvoirs, que les multiples contrôles de l’État n’ont pas fait évoluer. » Ce fonctionnement, « tenu par un nombre très limité de dirigeants et de cadres techniques qui se connaissent depuis de nombreuses années, réunis autour du président », est même qualifié de « clanique ».

La mission a observé que « cette fédération figure parmi les fédérations sportives les plus contrôlées de toutes au cours des trois dernières décennies. Pour autant, ces nombreux contrôles ne semblent pas avoir eu d’effet sur l’amélioration de son fonctionnement ».

Quatorze rapports de l’Inspection générale remis aux ministres chargés des sports depuis 1984 et couvrant la période 1984-2014, outre ceux de la Cour des comptes, « ont relevé un fonctionnement manquant de transparence, des difficultés financières successives et importantes par le passé, des anomalies dans la gestion comptable, des actes financiers importants sans consultation des instances dirigeantes ; des difficultés de fonctionnement de la direction technique nationale ; des situations de cumul d’activités non déclarées de CTS et des conflits de ces fonctionnaires avec des dirigeants fédéraux et de clubs ».

La mission a relevé « une grande constance des dysfonctionnements constatés dans l’ensemble de ces rapports pourtant établis sur une période très longue, plus de trente ans. Les défauts de gestion, les difficultés de fonctionnement, les scandales et les faits délictueux sont certes anciens, mais ils transcendent l’histoire de la FFSG qui, depuis le début des années 1990, semble n’avoir jamais pu s’en débarrasser ».

e.   « De multiples carences dans la gestion des conseillers techniques sportifs et des défaillances de leur part dans la prise en compte des situations connues de violences et d’agressions sexuelles »

Comme évoqué précédemment, les nombreux rapports de l’Inspection générale remis aux ministres des sports depuis 1984, ainsi que ceux de la Cour des comptes, ont identifié de nombreuses carences dans le pilotage et la gestion des missions des CTS exerçant leurs activités auprès de la Fédération française des sports de glace, ainsi que des comportements contraires aux règles administratives, financières, déontologiques applicables à ces agents.

Les rapports de l’Inspection générale sont unanimes pour dénoncer « un pilotage et une gestion anarchiques, sans ligne directrice, des CTS. Il y est fait état de comportements contraires aux règles administratives, financières et déontologiques. Plusieurs rapports évoquent l’existence d’emplois fictifs et de cumuls d’activités rémunérées sans autorisation concernant des CTS qui, au-delà ou en substitution de leurs missions d’État, auraient assuré ou assureraient des activités d’entraîneurs contre rémunération ».

La mission considère que « le réseau des CTS a été défaillant dans la prise en compte des informations sur les violences physiques et à caractère sexuel qui circulaient depuis de nombreuses années et dont il avait connaissance, même s’ils ne s’agissaient que de "bruits".

« Quelques témoignages prouvent que certains d’entre eux avaient connaissance, soit directement, soit par personne interposée, de certains faits. D’autres avaient eu écho de rumeurs concernant des entraîneurs qu’ils n’ont pas cherché à explorer.

« Ils ne pouvaient ignorer cette accumulation des faits de violence rapportés par la presse nationale ou régionale s’agissant des faits concernant des entraîneurs de clubs provinciaux. Certains ont reconnu avoir eu connaissance des deux reportages télévisés de décembre 2009 et 2013 qui concernaient des patineuses qu’ils connaissaient, mais n’ont pas pris conscience que la gravité des faits qui étaient évoqués alors que leur statut de fonctionnaire ou d’agent public de l’État leur imposait d’agir, en recherchant les informations utiles et en transmettant celles-ci à leurs autorités administratives ou aux autorités judiciaires conformément à l’article 40 du code de procédure pénale.

« La mission ne peut écarter l’hypothèse que la trop grande proximité entre certains CTS et le président de la fédération les ait conduits à ne pas engager de démarches pour en savoir plus et identifier les éventuelles suites qu’il aurait convenu de donner à ces affaires. Ce silence partagé semble être devenu un principe qu’aucun n’a osé remettre en cause, de peur de représailles ou d’une éviction de la fédération, comme de nombreux témoignages l’ont évoqué auprès des rapporteurs ».

f.   L’inertie complice du ministère

La mission a relevé que « le ministère des sports aurait dû engager une procédure disciplinaire à l’encontre de M. Beyer consécutivement à la mesure de suspension de ses fonctions de conseiller technique sportif prise par arrêté du 16 août 2000. Même si, au final, M. Beyer, qui était alors affecté à la direction régionale de la jeunesse et des sports d’Île-de-France, a quitté les effectifs du ministère des sports le 31 mars 2001, les faits qui avaient motivé cet arrêté de suspension auraient dû justifier une sanction disciplinaire lourde dès le mois de septembre 2000 ».

L’Inspection générale a d’ailleurs souligné comment la fédération a pu mettre en avant le fait qu’aucune sanction n’ait été prise par le ministère des sports contre l’intéressé en sa qualité de fonctionnaire.

« Aux termes de ces éléments, la mission s’interroge sur la longévité d’une telle présidence malgré les très nombreux contrôles réalisés par l’État. L’hypothèse d’une proximité vis-à-vis du ministère et de certains de ses fonctionnaires ne peut à ce titre être écartée. »

Cette « proximité avec l’ensemble des services du ministère est notamment identifiable dans la situation très contestable au plan juridique dans laquelle il s’est trouvé pendant vingt ans, en cumulant les fonctions de président de la FFSG avec celles de conseiller technique sportif au sein même de cette fédération ».

La mission a relevé que « le problème posé par le double statut, pourtant incompatible au plan réglementaire, de président de fédération sportive et de fonctionnaire de l’État (CTS) n’a pas été traité par le ministère des sports, sauf à quelques mois de son départ à la retraite qui est intervenue par limite d’âge le 23 mai 2018 » ([266]).

M. Didier Gailhaguet est devenu président de la Fédération française des sports de glace le 5 septembre 1998, alors qu’il était conseiller technique sportif et directeur des équipes de France au sein de cette fédération.

La mission a constaté que « depuis au moins 2014, M. Gailhaguet aurait bénéficié en tant que président d’une rémunération […] versée par la Fédération, perçue en sus de sa rémunération de fonctionnaire, ce qui constitue une situation de cumul d’emploi contraire aux dispositions de l’article 25 septies I de la loi statutaire du 13 juillet 1983, dans sa nouvelle rédaction issue de la loi  2016-148 du 20 avril 2016 relative à la déontologie des fonctionnaires ».

« Malgré toutes les tentatives de régularisation engagées par l’administration, M. Didier Gailhaguet est resté dans une situation d’occupation d’un emploi fictif de fonctionnaire de l’État », a pointé la mission.

« Au final, M. Didier Gailhaguet a fait valoir ses droits à la retraite le 23 mai 2018 sans avoir assuré aucune mission de fonctionnaire du ministère des sports pendant vingt ans, situation que les ministres des sports, cabinets ministériels et directeurs des sports qui se sont succédé connaissaient parfaitement. »

La situation de la Fédération française des sports de glace révèle en réalité la faute et la responsabilité de tout un système qui va bien au-delà de la personne de M. Didier Gailhaguet.

Lors de son audition par la commission d’enquête, M. Denis Masseglia, ancien président du CNOSF, a évoqué une « partie de ping-pong dans l’établissement de la responsabilité » de ce scandale entre le ministère et la fédération ([267]).

La rapporteure estime que ni la fédération ni le ministère dans toutes ses composantes ne pouvaient ignorer ce qu’il se passait à la Fédération des sports de glace, compte tenu des conclusions de l’enquête sur Gilles Beyer menée dès 2000, et des alertes lancées par les médias qui se sont heurtées à l’inaction coupable de la fédération comme du ministère.

Combien de personnes ont eu à répondre de la responsabilité de ce désastre ? Combien ont été sanctionnées ?

Faute d’avoir conduit un exercice approfondi et exhaustif d’enquête sur les violences dans l’ensemble des fédérations, et faute d’un travail d’identification précise des responsabilités de chacun et des défaillances systémiques à l’origine de ce scandale, la réponse apportée à compter de 2020 ne peut être à la hauteur des enjeux.

II.   Depuis 2020, un traitement des violences dans le sport plus qu’imparfait

Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, a qualifié de « zéro tolérance » la politique mise en place depuis 2020 en insistant sur sa volonté de « mettre un terme à ces violences, à ces dérives, mais aussi à leurs complices de toujours, l’omerta, la passivité, parfois même la complaisance et souvent l’inertie » ([268]).

Le constat est unanimement partagé : il y a eu un avant et un après 2020.

Le chemin parcouru depuis l’arrivée du mouvement « #MeToo » dans le sport est indéniable. L’année 2020 a incontestablement constitué un tournant dans la lutte contre les violences dans le sport à travers plusieurs mesures engagées par Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des sports :

– en décembre 2019, à la suite de la publication de l’enquête du média Disclose, la création d’une cellule nationale au sein de la direction des sports, pour instruire les signalements et y donner les suites nécessaires, est demandée par la ministre ;

– la nomination d’une déléguée ministérielle en charge de la lutte contre les violences dans le sport, censée « incarner » l’importance accordée à ce sujet. Cette innovation a en réalité pris fin en juillet 2022 avec le rattachement de ces fonctions à celles de la directrice des sports dont c’est le rôle : « Le sujet de la lutte contre les violences renvoie à la responsabilité de l’État et donc de la direction des sports » a souligné Fabienne Bourdais lors de sa première audition ([269]) ;

– le 21 février 2020, l’organisation par la ministre des sports de la première convention nationale de prévention des violences dans le sport au CNOSF, convention qui sera reconduite les années suivantes ;

– l’obligation pour les fédérations de se doter d’un référent aux violences sexuelles ;

– une volonté de renforcer le contrôle de l’État sur les fédérations et l’intégration de la lutte contre les violences dans le champ des contreparties de l’agrément et de la délégation ;

– une volonté de « mieux mettre en œuvre » le contrôle de l’honorabilité prévu par la loi en le généralisant à tous les éducateurs sportifs bénévoles et exploitants d’établissements d’activités physiques et sportives (EAPS), professionnels ou bénévoles.

Si ces avancées doivent évidemment être saluées, les travaux conduits par la commission d’enquête mettent en évidence des failles importantes dans les différents volets de la réponse apportée, à commencer par le caractère incomplet de l’état des lieux.

A.   « nous ne connaissons que la partie émergée de l’iceberg » : Un État des lieux incomplet

La rapporteure reprend à son compte l’analyse d’une grande justesse formulée devant la commission d’enquête par M. Jean-Marc Sauvé, ancien président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), président du comité d’éthique de Paris 2024, qui évoque, pour décrire la réaction des pouvoirs publics, un « jeu de rôle » et une réponse fondée sur la désignation de rares boucs émissaires, qui évitent « de se confronter au véritable problème et de mettre à plat un passé bien plus sombre que les quelques affaires révélées ici ou là par les rares victimes capables de parler publiquement de ce qui leur est arrivé et de s’adresser à l’opinion ». Un jeu de rôle qui « permet aussi de se voiler la face sur l’ampleur du mal et de ses conséquences, ainsi que sur les défaillances systémiques qui ont pu se produire » ([270]).

Le 21 février 2020, dans le cataclysme qui a suivi les révélations de Mme Sarah Abitbol, Mme Roxana Maracineanu, alors ministre déléguée chargée des sports, appelait les rares présidents de fédérations qui avaient daigné faire le déplacement pour assister à la première convention nationale de prévention des violences sexuelles dans le sport ([271]), à « définir la chaîne des responsabilités et les assumer ».

En réalité, ce travail est loin d’avoir été conduit à son terme.

L’état des lieux commandé à l’inspection générale en début d’année 2019 est demeuré inachevé (cf. infra).

Quelques enquêtes ponctuelles ont été menées sur des fédérations particulièrement mises en cause par les médias.

Quelques rares têtes sont tombées, à commencer par celle de M. Didier Gailhaguet, puis celle de M. Noël Le Graët, lorsque les pouvoirs publics se sont enfin décidés, tardivement fin 2022, à contrôler la Fédération française de football.

Cependant, aucun travail transversal et systématique sérieux n’a été entrepris pour mieux saisir l’ampleur des abus sexuels et d’autres types de violences physiques et psychologiques dans le monde sportif, aller rechercher les victimes, les bourreaux, leurs complices, mettre en lumière les différentes chaînes des défaillances individuelles et collectives, identifier les points de blocage systémiques pour apporter une réponse à la hauteur des enjeux.

« Nous ne connaissons pour l’instant que la partie émergée de l’iceberg », a estimé M. Patrick Roux en début du cycle d’auditions de la commission d’enquête ([272]).

Au terme de six mois de travaux, la rapporteure partage plus que jamais ce sentiment.

1.   Un diagnostic très partiel

a.   Un travail d’évaluation resté à l’état de « brouillon »…

Dès le 8 mars 2019, Mme Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des sports, avait diligenté une mission d’évaluation des violences sexuelles dans le sport dont elle avait demandé que les conclusions lui soient remises pour le 1er octobre de la même année. Comme la rapporteure l’a déjà observé, la lettre de mission témoigne à l’évidence d’une préoccupation et d’une volonté politique de la ministre ([273]). Curieusement, la ministre a affirmé devant la commission d’enquête ne pas avoir commandé ce rapport ([274]).

Cette mission d’évaluation a été confiée à M. Patrick Karam, inspecteur général de la jeunesse et des sports, qui n’a remis qu’un rapport d’étape en janvier 2020 ([275]).

Ce rapport comporte quelques éléments de diagnostic intéressants mais très lacunaires et une première série de recommandations qui, sans surprise, reprennent largement les préconisations restées sans suite de l’unique rapport commandé à l’Inspection générale sur ce sujet, rendu en septembre 2014 ([276]).

M. Karam a procédé par l’envoi de questionnaires aux fédérations auxquels « nombre de structures n’ont pas répondu ou ont déclaré n’avoir pas constaté de faits », ce qui ne lui permettait de tirer aucune conclusion. Il s’appuie sur les enquêtes précédentes, notamment celles de la presse, pour en souligner les limites…

Ce rapport ne comptait pas parmi les documents transmis à la commission d’enquête, bien que figurant dans le périmètre de la demande formulée à l’Inspection générale. Alertée par son auteur de l’existence de ce rapport, la rapporteure et la présidente ont demandé à nouveau sa transmission, qui lui a été refusée par l’IGÉSR au motif que « Monsieur Karam n’a pas produit de rapport en 2020 puisque ce rapport est à l’état de brouillon et n’a jamais été achevé par l’intéressé. Il ne constitue donc pas un rapport au plan juridique ».

Après avoir rappelé que ce rapport d’étape figurait bien dans le champ des documents qui devaient lui être transmis en application de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, qu’il avait été jugé suffisamment abouti pour être présenté par son auteur à la première convention de prévention des violences dans le sport et figurait dans le rapport d’activité de l’Inspection générale, la rapporteure et la présidente ont obtenu transmission du rapport d’étape n° 2019-155 rédigé par M. Karam. L’Inspection générale rappelait « qu’il s’agit d’un rapport d’étape », « pour lequel les travaux poursuivis par l’intéressé, n’ont donné lieu à aucune remise de rapport à la ministre chargée des sports ».

La rapporteure ne s’est d’ailleurs pas privée de citer des passages jugés éclairants ou pertinents de ce rapport d’étape inachevé. Elle note au demeurant qu’une précédente mission d’évaluation confiée à M. Patrick Karam relative à la lutte contre les discriminations et les incivilités dans le sport et plus particulièrement dans le football et le rugby, est demeurée inachevée, ne donnant lieu qu’à la remise d’un rapport d’étape en décembre 2013…

Alors même que le sujet de la lutte contre les violences sexuelles devient prioritaire, il est regrettable et surprenant que ce travail n’ait pas été conduit à son terme, d’autant que le rapport d’étape appelait à poursuivre les investigations, à procéder à une enquête exhaustive auprès de l’ensemble des acteurs du sport en vue de proposer une démarche globale et cohérente susceptible de constituer le plan d’action du ministère. Cette enquête exhaustive n’a hélas pas vu le jour.

Le choix de ne procéder qu’à des enquêtes ciblées est d’autant plus regrettable que, comme évoqué précédemment, les rapports de l’Inspection générale antérieurs à 2020 étaient largement muets sur le sujet des violences et que les enquêtes de revue permanente ne peuvent aborder le sujet que de manière insuffisamment approfondie ([277]).

b.   … complété par des enquêtes « ciblées »

Interrogée sur ce rapport inachevé, Mme Roxana Maracineanu, ancienne ministre déléguée chargée des sports, indique avoir mandaté d’autres inspections générales « sur des sujets bien précis » ou sur les « fédérations les plus touchées » et « qui [lui] paraissaient beaucoup plus utiles ». « J’ai diligenté quatre enquêtes de l’inspection générale sur la thématique des violences sexuelles : sur les sports de glace, la moto, le judo et l’équitation », a précisé l’ancienne ministre ([278]).

Mme Maracineanu a indiqué avoir estimé disposer déjà d’un état des lieux, notamment celui co-rédigé par l’actuelle directrice des sports en 2014 ainsi que celui réalisé par Colosse aux pieds d’argile dans le cadre du « Tour de France de la prévention ».

Tant le travail d’évaluation conduit en 2014 par l’Inspection générale que celui de M. Patrick Karam en 2020 appelait l’attention sur leur caractère incomplet, l’absence de données consolidées, fiables et exhaustives. Ils ne pouvaient tenir lieu d’état des lieux.

Le rapport sur la Fédération française de judo et disciplines associées ([279]), centré sur les seules violences sexuelles et sexistes, appelait à diligenter une mission d’évaluation sur le thème des violences liées à l’entraînement et aux pratiques de bizutages dans les structures sportives d’accès au haut niveau et de haute performance. Aucun rapport sur ce sujet n’a été remis dans les années qui ont suivi.

Selon l’approche paradigmatique identifiée dans la première partie du présent rapport d’enquête, il faudra encore attendre un reportage de Stade 2 en mai 2023 ([280]) pour que Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports, diligente une enquête sur les violences liées à l’entraînement dans la gymnastique.

Les travaux de la commission d’enquête ou les constats formulés en 2023 sur la Fédération française de football, alors même que des dysfonctionnements graves y étaient identifiés par des médias dès 2020, montrent qu’un état de lieux plus exhaustif et approfondi était pourtant nécessaire.

En outre, comme l’a rappelé l’Inspection générale, les missions qu’elle conduit dans un temps limité ne permettent pas nécessairement d’aller au fond des choses.

Elles ne permettent pas davantage d’aller au bout de l’identification de l’ensemble des responsabilités. « De son côté, que fait le ministère des sports lorsqu’il reçoit des signalements ? » s’est interrogé à cet égard M. Romain Molina. « J’ai donné aux inspecteurs du ministère des sports les contacts de certaines victimes, mais – je le dis haut et fort – celles-ci n’ont pas été contactées. Lorsque j’ai été interrogé par les inspecteurs du ministère, M. Bruno Béthune et son équipe, on m’a dit : "Monsieur Molina, on ne peut pas sanctionner tout le monde". Finalement, personne au ministère n’a réalisé un signalement auprès du procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale. » ([281])

Un diagnostic plus complet aurait également permis au ministère d’être mieux armé dans l’élaboration de la réponse à apporter.

En complément de la mise en place Signal-sports, il aurait permis de libérer davantage la parole.

c.   L’enquête, outil essentiel de libération de la parole mobilisé de manière trop limitée

« Les dispositifs de signalement, qui ne donnent à voir que la partie émergée de l’iceberg, ne sauraient suffire : des enquêtes auprès de licenciés, des recherches doivent être menées pour comprendre l’ampleur des violences, en comprendre les mécanismes, les zones et étapes à risques », souligne le Défenseur des droits dans une contribution écrite aux travaux de la commission d’enquête.

Les propos de M. Patrick Lavaure, inspecteur général et responsable du collège « jeunesse et vie associative » au sein de l’Inspection générale, au sujet de l’enquête menée sur la Fédération française de football, lancée à la fin de l’année 2022 et achevée en février 2023, le confirment :

« Lors des auditions que la mission a conduites, nous avons identifié des victimes qui n’avaient jamais parlé. Elles ont été informées de l’existence de cette mission et ont décidé de contacter les inspecteurs et les inspectrices et de témoigner. La mission les a conseillées sur les suites à donner à titre personnel. C’est un élément de satisfaction, si vous permettez que j’emploie ce terme dans un contexte si sensible. Nous ne sommes jamais sûrs de la portée d’un rapport d’inspection générale mais ici, nous sommes certains que la mission a permis à certaines victimes de se manifester. » ([282])

« J’ajoute que le retour très fort que nous avons de ces enquêtes, quelles que soient les fédérations qui ont été concernées par des faits de cette nature, montre une réelle libération de la parole. Nous ne pouvons pas assurer qu’elle est complète pour toutes les raisons que nous avons évoquées. Patrick Lavaure vous a indiqué que des victimes avaient parlé pour la première fois, d’autres ont fini par parler au cours de leur audition. L’assurance qui est donnée par les inspecteurs généraux sur la protection accordée à leur témoignage est souvent un élément déclencheur », a confirmé Mme Caroline Pascal, cheffe de l’Inspection générale.

Au regard des constats formulés dans les premières enquêtes sur des fédérations ciblées, on ne peut que regretter le refus de l’État de se donner les moyens, pour reprendre les termes employés par M. Jean-Marc Sauvé, « de mettre à plat un passé bien plus sombre que les quelques affaires révélées ici ou là par les rares victimes capables de parler publiquement de ce qui leur est arrivé et de s’adresser à l’opinion » ou le choix « de se voiler la face sur l’ampleur du mal et de ses conséquences, ainsi que sur les défaillances systémiques qui ont pu se produire ».

Recommandation  30 : Conduire une vaste enquête systématique dans l’ensemble des fédérations sur les violences sexuelles et sexistes et sur les violences psychologiques et physiques.

2.   En février 2023, une « enquête » par le mouvement sportif dans des conditions qui n’en garantissent pas la rigueur

Comme évoqué dans la première partie du rapport d’enquête, le CNOSF a installé le 18 janvier 2022 une commission de lutte contre les violences sexuelles et les discriminations dans le sport. Coprésidée par Mme Catherine Moyon de Baecque et M. Jean Zoungrana, elle est chargée de « travailler durant l’Olympiade à l’accompagnement des acteurs du mouvement sportif dans la lutte contre ces violences, en lien avec les autorités publiques et les autorités judiciaires » ([283]).

À défaut d’état des lieux réalisé par le ministère des sports dont c’était le rôle, la première action de cette commission a été de commander une enquête sur les violences sexuelles et leur traitement au sein des fédérations. Cette enquête commencée début 2022 a été confiée au cabinet Mouvens. Sa synthèse a été publiée en avril 2023.

L’enquête se fonde sur un questionnaire adressé à 109 fédérations. « Soixante-quatre d’entre elles y ont répondu, soit un taux de réponse relativement satisfaisant de 70 % », a estimé M. Jean Zoungrana au cours de son audition ([284]). Outre qu’il s’agit d’un taux de réponse de 58 %, on ne peut pas juger satisfaisant un tel taux de réponse.

Alors qu’elle révèle que seuls 84 % des fédérations répondantes sont « engagées dans la lutte contre les violences sexuelles », la synthèse de l’étude qui a été publiée présente le mouvement sportif comme étant « engagé sur la lutte contre les violences ». Le rapport complet dont la rapporteure a fini par obtenir la communication après plusieurs demandes, sans identification des fédérations répondantes, est plus nuancé et évoque « un mouvement sportif globalement engagé mais un effort qui reste à amplifier ».

Si l’on part du postulat raisonnable que les fédérations qui n’ont pas répondu à l’enquête n’ont pas témoigné de leur engagement sur la lutte contre les violences, on peut estimer à moins de la moitié la part des fédérations engagées dans ce combat.

Même si elle témoigne d’efforts réels de la part de certaines fédérations, plusieurs résultats de cette enquête sont préoccupants.

Les résultats de l’état des lieux partiel dressé par le cabinet Mouvens à la demande du CNOSF en avril 2023

Seules 84 % des 64 fédérations répondantes sont engagées dans la lutte contre les violences sexuelles.

Seules 72 % des fédérations répondantes ont inscrit cette lutte dans leur projet sportif fédéral.

Seules 80 % des fédérations ont mis en place un plan de lutte contre les violences dans leur discipline alors qu’il s’agit désormais d’une exigence législative.

95 % des fédérations répondantes procèdent à la vérification de l’honorabilité des éducateurs sans que soit précisé le champ des éducateurs.

Seules 86 % des fédérations répondantes ont un système de licence adapté aux exigences du SI-honorabilité.

Seules 81 % organisent des sessions de formation et 73 % diffusent des outils à destination des clubs ou licenciés.

Seules 93 % des fédérations répondantes ayant connaissance de faits de violences sexuelles communiquent systématiquement avec la cellule Signal-sports pour transmettre le signalement.

70 % avancent un manque de ressources humaines en interne pour traiter le sujet, 34 % l’absence de cas de signalements connus à ce jour, 27 % une difficulté à convaincre les clubs de s’engager dans la démarche et 20 % la difficulté à avoir accès aux signalements.

Seuls 67 % ont mis en place une procédure de signalement.

Seules 50 % des fédérations répondantes ont mis en place des dispositions dans le règlement disciplinaire et applicables à la commission de discipline.

La libération de la parole est encore difficile pour les victimes, qui continuent à rencontrer des difficultés (isolement, honte, culpabilité, peur d’être jugées, crainte de ne pas être crues, emprise, etc.) La démarche de signalement est vécue comme « complexe » pour les bénévoles et éducateurs des clubs.

L’étude complète indique également que, dans les petites fédérations, le référent chargé de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes exerce souvent bien d’autres missions, ce qui rend difficile le déploiement d’actions à grande échelle.

Parmi les freins évoqués, l’absence de ressources suffisantes pour impulser une politique forte est évoquée.

La capacité à mobiliser et impliquer l’ensemble des clubs et des dirigeants apparaît comme un axe de progrès incontournable pour impulser un changement profond des comportements.

Réaliser une enquête partait d’une intention louable. On ne peut que s’étonner que ce travail nécessaire qui relève de la mission du ministère ait été réalisé par le CNOSF dans des conditions qui n’en garantissent pas le caractère exhaustif et complet, d’autant qu’il s’agit d’une action qui fait l’objet d’un financement public.

3.   Un Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport en retrait sur le sujet de la lutte contre les violences sexuelles

L’actuelle ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques a confié à un Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport la mission de formuler des recommandations pour renforcer la protection des pratiquants notamment contre les violences sexuelles, physiques, psychiques.

La rapporteure partage les trois préconisations formulées par ce comité dans le domaine de la lutte contre les violences sexuelles, notamment la principale, écartée par la ministre avant même la remise des conclusions, de créer une autorité administrative indépendante.

Elle s’étonne cependant du traitement réservé au sujet des violences sexuelles et sexistes par ce comité.

Le rapport n’y consacre en effet que trois pages qui passent sous silence des sujets majeurs comme les failles du contrôle de l’honorabilité ou l’invisibilité de la cellule Signal-sports.

La ministre des sports elle-même a reconnu la nécessité d’aller au-delà des préconisations du comité dans ces deux domaines.

B.   Signal-sports : un outil de libération de la parole invisibilisé malgré une omerta persistante

« Signaler c’est sauver des vies », a fait valoir Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports. D’où l’importance de ne pas faire d’erreur en ce domaine.

La stratégie consistant à ne pas enquêter de manière systématique mais à attendre que les signalements « remontent » doit reposer sur un outil puissant et visible. La rapporteure ne peut que constater que ce cahier des charges n’a pas été respecté dans la mise en place de Signal-sports.

La rapporteure est par ailleurs dans l’incapacité de porter une appréciation parfaitement éclairée sur le fonctionnement de la cellule, puisqu’au moment de la rédaction du présent rapport d’enquête, le ministère des sports n’avait pas encore transmis le tableau de suivi des signalements.

Elle dénonce fermement ce refus de communiquer un document indispensable à l’exercice de la mission de contrôle de la représentation nationale.

1.   Un outil essentiel qui souffre de graves lacunes

Pour briser l’omerta qui règne sur les violences dans le sport et « libérer la parole », la création d’une cellule de signalement extérieure aux fédérations était une mesure indispensable.

Le nombre de signalements qui lui sont adressés démontre la pertinence et la nécessité de sa création qui mérite d’être saluée.

L’objectif, tel que décrit par Mme Roxana Maracineanu, ancienne ministre déléguée chargée des sports, était que « tout remonte en centrale […]. Le président de la fédération ne peut plus venir dire qu’il ne savait pas ce qui se passait dans tel club très loin de chez lui » ([285]).

Le 24 septembre 2023, Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports, s’exprimait publiquement pour juger « à côté de la plaque » l’outil de recueil de témoignages mis en place par la commission d’enquête pour éclairer sur des dysfonctionnements, en complément de ses auditions ([286]). « Il n’y a qu’une seule plateforme pour recueillir les signalements en matière de violences sexuelles et sexistes. C’est une plateforme qui s’appelle Signal-sports mise en place par le ministère des sports. […] Il est capital de ne pas se disperser et de ne pas perdre en lisibilité pour les victimes. »

Une rapide évaluation de la cellule nationale dont elle est responsable aurait permis à la ministre de constater que, quatre ans après sa création, Signal-sports demeure très largement méconnue, qu’elle souffre d’un manque de lisibilité pour les victimes et qu’elle est concurrencée, voire court-circuitée, par les plateformes et outils de signalement internes aux fédérations ou aux établissements publics sous tutelle du ministère des sports.

Tout en saluant la mise en place de la cellule, le Défenseur des droits a souligné, dans une contribution écrite transmise à la rapporteure, que « celle-ci [la cellule] reste très peu connue », et a rappelé la nécessité que les outils de signalement fassent l’objet d’évaluations régulières « à la fois du recueil des signalements et de leur traitement administratif ».

« J’ai participé à une formation auprès des étudiants Staps qui seront les futurs éducateurs et professeurs de sport. Sur une assemblée de cinq cents étudiants, cinq connaissaient Signal-sports », a confirmé Mme Roxana Maracineanu.

Que cet outil de libération de la parole n’ait pas été doté de la visibilité et de la clarté indispensables pour en garantir l’efficacité apparaît particulièrement troublant.

Que le ministère des sports ait laissé prospérer des outils de signalement internes aux fédérations ou à l’INSEP qui omettent de communiquer sur Signal-sports ou communiquent selon des modalités qui induisent en erreur l’est tout autant.

D’autant que, comme l’a relevé Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, « même s’il y a eu une libération de la parole, nous savons que de nombreux faits ne remontent pas encore, ou insuffisamment » ([287]).

Le Défenseur des droits observe que « les auditions de la commission d’enquête ont fait ressortir les limites de l’outil national, qui rappelons-le, ne porte que sur les violences sexuelles et non sur l’ensemble des discriminations ».

Le Défenseur des droits constate « une faible connaissance par les sportifs, même au plus haut niveau » ; « une méfiance voire une crainte à l’égard d’un outil interne au ministère qui pourrait souffrir d’un manque d’indépendance, de transparence et de courage dans les décisions prises » et « un manque de moyens ».

Ces limites confirment la nécessité de transférer rapidement la cellule à une autorité administrative indépendante.

2.   « Nous devons mieux faire connaître le canal de Signal-sports, partout et tout le temps : c’est l’un des enseignements que nous tirons des travaux de votre commission »

Comme l’a reconnu Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports, les travaux de la commission d’enquête ont permis de faire la lumière sur l’étonnante confidentialité de la cellule mise en place par son ministère.

a.   Une cellule invisibilisée par le ministère des sports

D’une part, la plupart des interlocuteurs questionnés par la commission d’enquête sur la cellule n’en avaient jamais entendu parler. Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, qui avait pourtant alerté en 2014 sur l’importance d’accompagner et soutenir les outils de signalement d’une communication qui permette de leur donner leur « pleine mesure », a reconnu une communication insuffisante.

De manière encore plus troublante, le site de la cellule n’indiquait pas que les victimes pouvaient la saisir directement. Le ministère des sports en est convenu également.

Ancienne Page d’accueil de la cellule Signal-sports

Dans la « plaquette fiche pratique » à laquelle renvoie le site internet ([288]), les signaleurs sont invités à s’adresser en premier lieu au commissariat ou à la gendarmerie ou aux « services de l’État au niveau départemental ». La cellule n’arrive qu’en troisième position avant l’autorité judiciaire.

En situation d’urgence, les victimes sont renvoyées vers les numéros nationaux et les associations mais pas vers Signal-sports.

« Des pages explicatives, comportant des vidéos et une FAQ (foire aux questions), aident à faire comprendre comment fonctionne la cellule Signal-sports et qui peut la saisir », a précisé Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports ([289]).

Aucune vidéo ni FAQ n’explique pourtant comment fonctionne la cellule. La vidéo à l’attention des victimes mineures est particulièrement troublante : le mot Signal-sports n’y est pas prononcé et les jeunes victimes y sont informées qu’elles peuvent écrire aux « agents des services départementaux à la jeunesse, à l’engagement et aux sports ». Charge à elles d’identifier un agent et un contact…

Les raisons invoquées pour expliquer cette « invisibilisation » de la plateforme et le renvoi des victimes vers d’autres canaux restent tout aussi illisibles.

La directrice des sports a avancé la volonté de « laisser le choix aux victimes » en rappelant qu’elles « peuvent se défier de leur propre fédération » mais que « cette défiance peut également exister envers le ministère des sports. C’est un élément essentiel. Les supports de communication faisaient donc référence à la fois au 119, au 3919 et à Signal-sports ; aucun support n’excluait celui-ci au profit de ceux-là. Et, s’agissant du 119, nous avons en outre fait en sorte que la loi soit respectée, puisqu’elle ne l’était pas auparavant » a-t-elle observé ([290]).

Après avoir reconnu ces surprenantes anomalies révélées au fil des auditions, le ministère des sports a engagé, avant l’audition de la ministre, des actions correctrices partielles pour qu’il soit enfin explicité que la cellule est à la disposition des victimes.

Le site internet du ministère a été corrigé par l’intégration d’un encart, en haut à droite de la page d’accueil, qui permet de signaler les violences et la clarification du fait que cette cellule s’adresse aux victimes ([291]).

La ministre a annoncé vouloir par ailleurs « enclencher une vaste campagne de communication, qui commencera au tout début de l’année 2024, durant laquelle le sport sera la grande cause nationale – et dont la lutte contre les violences fera partie intégrante ».

« Cela se traduira notamment par la diffusion de nouveaux contenus, non seulement sur les réseaux sociaux mais aussi auprès des collectivités territoriales, afin d’accroître la visibilité des outils de signalement et d’accompagnement des victimes dans tous les lieux de pratique, ce qui inclut un affichage dans l’ensemble des clubs français », a-t-elle ajouté.

M. David Lappartient, président du CNOSF, a partagé le constat que « l’information sur cette cellule doit être mieux connue et mieux diffusée par les fédérations, mieux diffusée encore par nous, avec sans doute une campagne grand public pour que nous ayons le plus de signalements possible et que la parole continue de se libérer.

« Il faut aussi faire en sorte que cette cellule soit systématiquement indiquée dans les formations obligatoires que font un certain nombre de fédérations vis-à-vis de leurs clubs.

« Il faut aussi une obligation d’information de l’ensemble des athlètes dans les sélections, qu’elles soient au niveau départemental dans les équipes départementales, dans les équipes régionales, les organes déconcentrés des fédérations » ([292]).

Quatre ans après la création de la cellule, ces objectifs de bon sens ne figurent pourtant pas parmi ceux que le ministère des sports a fixés au CNOSF en contrepartie de sa subvention annuelle.

Communiquer sur l’existence de la plateforme est un objectif qui ne figure dans aucun des contrats de délégation signés en mars 2022 avec les fédérations auditionnées par la commission.

En tout état de cause, on peut s’étonner qu’il ait fallu une commission d’enquête parlementaire pour découvrir ces lacunes évidentes.

La passivité, l’inertie, complices de toujours, n’ont pas complètement disparu…

Version corrigée de la page d’accueil de la cellule Signal-sports

b.   Des outils de signalement internes aux fédérations ou aux établissements publics qui omettent de renvoyer vers Signal-sports

i.   Une prolifération d’outils de signalement qui pose question

La commission d’enquête, par une simple visite des sites de quelques fédérations auditionnées, s’est aperçue que nombre d’entre elles, tout comme l’INSEP, ont créé leurs propres procédures et outils de signalement, ce qui peut paraître contradictoire avec l’objectif de centralisation affiché.

La création d’outils de signalement propres aux fédérations ne s’inscrit pas dans une stratégie cohérente, pensée au niveau du ministère, comme en témoigne l’étonnement de Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports : « Pour en revenir aux plateformes propres à certaines fédérations, j’ai été étonnée, lorsque nous avons demandé à celles-ci de généraliser une stratégie de prévention, de constater qu’une de leurs premières actions avait été de créer leur propre cellule – aujourd’hui, seules trois fédérations olympiques n’ont pas créé leur plateforme dédiée. » ([293])

La rapporteure partage les interrogations du Défenseur des droits, exprimées dans sa contribution écrite aux travaux de la commission d’enquête : « Se pose aussi la question de la multiplication des dispositifs de signalement, dont la complémentarité, voire les effets de concurrence sont impensés. Au-delà de la plateforme nationale Signal-sports, les fédérations ont en effet mis en place ou mettent en place leur propre dispositif national, parfois même décliné à l’échelle des régions. Comment s’articulent ces dispositifs entre eux ? Comment peut-on réaliser une information efficace des sportifs sur ces multiples canaux d’accès aux droits et d’accompagnement des victimes ? »

La qualité des dispositifs mis en place n’est d’ailleurs pas évaluée. Le numéro vert mis en place par la Fédération française de football pour recueillir les témoignages de victimes de violences, physiques ou sexuelles, a sonné dans le vide entre avril et octobre 2022. La Fédération française de football a mis plus de six mois à réactiver ce numéro gratuit ! C’est d’ailleurs, là encore, le journal L’Équipe ([294]) qui a relevé cette anomalie et non une évaluation conduite par le ministère.

De fait, l’étude du cabinet Mouvens commandée par le CNOSF a hélas confirmé en avril 2023 que « la démarche de signalement est vécue comme "complexe" pour les bénévoles et les éducateurs des clubs ».

ii.   Une prolifération d’outils qui ne communiquent pas ou pas clairement sur la cellule nationale

Interrogée sur la multiplication des canaux de signalement créés par les fédérations, Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, a indiqué : « Personnellement, après en avoir discuté avec elles, j’ai acquis la conviction que ce n’est pas un problème, à la condition que la communication relative à Signal-sports soit claire et que la victime puisse avoir le choix. » ([295])

Ces conditions étant rappelées, on ne peut que s’étonner que le ministère des sports ait laissé prospérer des outils de signalement qui ne les remplissent pas, alors même que le ministère sait que « de nombreux faits ne remontent pas encore ou pas suffisamment », comme l’a reconnu Mme Fabienne Bourdais.

La rapporteure a pu constater que nombre des outils mis en place par les fédérations ne renvoient pas à Signal-sports ou omettent de préciser clairement que quiconque peut saisir directement la cellule nationale pour signaler une violence.

Ainsi par exemple, l’encart « lutte contre les maltraitances », notamment sexuelles, créé par la Fédération française de natation sur son site ne renvoyait pas vers Signal-sports comme l’ont reconnu les représentants fédéraux entendus par la commission d’enquête lors de leur audition. La création de cet encart était pourtant valorisée et validée de fait par le volet « lutte contre les violences » du contrat de délégation signé par la fédération avec le ministère des sports.

Il n’est sans doute pas aisé pour le ministère de faire grief aux fédérations et établissements publics sous tutelle de n’avoir pas suffisamment communiqué sur Signal-sports ou selon des modalités inadaptées alors qu’il n’a lui-même pas montré l’exemple.

La ministre des sports, qui rappelait la nécessité de « ne pas perdre en lisibilité pour les victimes », est familière de cette problématique puisque l’outil de recueil des signalements mis en place par la Fédération française de tennis dont elle assurait la direction générale est une bonne illustration de ce qu’il ne faut pas faire.

Page de signalement de la Fédération française de tennis

En dépit de l’insuffisante communication autour de la cellule et de l’existence de ces canaux de signalement internes aux fédérations, les signalements qui parviennent à Signal-sports émanent à 52 % des victimes ou de leurs proches, seulement à 31 % du mouvement sportif (fédérations, ligues, comités, jusqu’au licencié), et à 5 % par les services déconcentrés (SDJES), ce qui démontre la nécessité pour les victimes d’identifier un canal direct et non filtré par les fédérations.

3.   Un périmètre indéterminé

Si l’existence de la cellule est rarement connue, lorsqu’elle l’est, la commission d’enquête a pu constater qu’il y a souvent erreur sur son champ de compétence.

La commission d’enquête a d’ailleurs compris tardivement que la plateforme ne traite, en théorie, que des violences sexuelles et sexistes. Ceux qui la connaissaient pensaient qu’elle avait un périmètre plus large, à l’instar de M. Éric Arassus, président de la fédération sportive LGBT+ ([296]).

M. Éric Arassus, président de la fédération sportive LGBT+. Nous avons effectué quatre signalements sur Signal-sports pour des cas d’homophobie graves et avérés. Des personnes ont notamment été déclassées et traitées de pédophiles. […] Nos signalements n’ont été remontés qu’hier soir, ce qui est assez étonnant et a peut-être un lien avec la présente audition.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. […] Vous ont-ils expliqué pourquoi ça avait pris du temps en sachant qu’il ressort de nos auditions que les discriminations, dont l’homophobie, n’entrent pas dans le périmètre de Signal-sports qui se limiterait aux violences sexistes et sexuelles (VSS).

M. Éric Arassus. C’est intéressant car on nous a toujours dit que le sujet relevait de Signal-sports. Je crois savoir que cette cellule n’est aujourd’hui composée que de quatre personnes, ce qui est peu. Nous pensons qu’il faut mettre plus de moyens. Si l’homophobie ne fait pas partie de Signal-sports, c’est intéressant de l’apprendre aujourd’hui mais il faudrait dans ce cas qu’une plateforme dédiée soit mise en place.

« Nous nous interrogeons », a reconnu Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, « quant au périmètre de la cellule Signal-sports ».

De fait, de nombreux signalements hors de son champ de compétences lui parviennent si bien que seuls 79,5 % des signalements concernent les violences à caractère sexuel et que les violences qui ne sont pas à caractère sexuel prennent une place croissante dans l’activité d’une cellule dimensionnée pour ne traiter que des violences à caractère sexuel.

La directrice des sports a indiqué que la cellule a traité les violences à caractère psychologique ou physique « parce qu’il n’était pas question de laisser sans effet des atteintes à l’intégrité physique et morale, a fortiori concernant des mineurs ».

S’agissant des discriminations, la directrice des sports a indiqué qu’« à l’heure actuelle, la cellule ne les traite pas : elle les reçoit, mais elle n’assure pas leur suivi et les oriente vers la plateforme anti-discrimination mise en place par le Défenseur des droits ».

En ce qui concerne les cas de discriminations signalés par la fédération LGBT+, les services de la Défenseure des droits indiquent qu’ils n’ont pas été redirigés vers sa plateforme.

Interpellée par la rapporteure sur le fait que cette situation manque singulièrement de clarté et crée beaucoup de confusion, pour les victimes mais aussi pour les équipes qui ignorent où commencent et où s’arrêtent leurs responsabilités, la ministre a indiqué : « Je crois au contraire qu’il est très clair qu’une priorité absolue est donnée au traitement des violences dans le cadre de Signal-sports. »

La version corrigée du site de la cellule appelle à signaler « une violence », sans préciser de quel type de violence il doit s’agir. Il est donc très clair que le périmètre et les priorités de la cellule ne le sont pas.

4.   Une cellule sous-dimensionnée

a.   Une cellule créée sans moyens dédiés

Malgré la proclamation d’une priorité politique, le choix a été fait de créer la cellule à moyens constants, c’est-à-dire sans moyens dédiés au sein d’un ministère déjà notoirement sous-doté.

Une mission qui va bien au-delà de celle d’une « gare de triage »

 la transmission, après quelques investigations, des signalements aux services départementaux à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (SDJES) ;

 le suivi et la relance des services départements sur la conduite des enquêtes administratives ;

 l’accompagnement des services départementaux dans les affaires complexes qui impliquent plusieurs SDJES ;

 l’accompagnement des services départementaux pour le suivi administratif (rédaction d’arrêté, relecture d’arrêté, etc.) ;

 la récupération de l’arrêté d’interdiction d’exercice prononcé par le préfet pour inscription de l’éducateur sportif dans le fichier des cadres interdits de l’administration permettant d’informer via une alerte sur la fiche de l’éducateur tous les services départementaux des mesures prises et bloquer ainsi la délivrance (renouvellement) d’une éventuelle carte professionnelle.

La cellule est également amenée à orienter les personnes vers des associations d’aide aux victimes.


 


Comme l’a indiqué Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, les personnes affectées à la cellule « s’occupaient également d’autres sujets, comme le contrôle des établissements d’activités physiques et sportives (EAPS) et des éducateurs sportifs, » ([297]) « sans pouvoir être déchargées d’une partie de leurs autres attributions » ([298]).

« C’est fin 2021 », soit deux ans après la création de la cellule, « qu’on est arrivé à trois personnes exclusivement dédiées à Signal-sports », a précisé Mme Fabienne Bourdais.

L’Inspection générale relevait dans un rapport de septembre 2021 que « la déléguée ministérielle [consacrait] 80 % de son temps en appui à la cellule pour le traitement des signalements » ([299]).

b.   Un manque de moyens qui a entraîné d’importants dysfonctionnements

« Cependant, face au nombre exponentiel de signalements (plus de 421 recensés au 19 février 2021 par la cellule nationale) et malgré le renfort en personnel, la cellule nationale peine à assurer leur traitement », avait relevé l’Inspection générale en septembre 2021 ([300]).

La mission relevait que « la centralisation du recueil des signalements par la cellule ministérielle emporte des conséquences notamment lorsqu’il y a un délai important entre la réception et la transmission du signalement au service territorialisé pour traitement ».

Un manque de moyens qui a entraîné des dysfonctionnements
aux conséquences graves

Pour illustrer les dysfonctionnements que le sous-dimensionnement de la cellule a pu occasionner, l’Inspection générale évoque un signalement concernant un éducateur accusé de violences graves, notamment sexuelles, qui a été effectué en juillet 2020 sur Signal-sports et transmis en novembre au service départemental concerné.

À l’initiative de cet éducateur, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l’exécution de l’arrêté d’interdiction temporaire d’exercer, prononcé en urgence en décembre 2020 à l’encontre du mis en cause. Le juge s’est fondé, notamment, sur l’urgence qui n’était pas constituée : « un délai de presque cinq mois sépare l’alerte transmise à la cellule “Signal-sports” et l’envoi de ces informations au préfet ».

L’éducateur est aujourd’hui toujours en activité.

Le rapport de l’Inspection générale sur la Fédération française de judo avait également pointé un « manque d’appui et de supervision de l’action des services déconcentrés par la cellule ».

Il s’agit pourtant d’une mission essentielle compte tenu des difficultés majeures auxquelles se heurtent des services déconcentrés particulièrement désarmés (cf. infra).

Interrogée sur l’existence de dysfonctionnements, Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, reconnaît que la cellule a connu « des périodes, notamment à sa création, où les délais de traitement n’étaient pas aussi courts qu’aujourd’hui. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la plateforme a été renforcée ».

Elle reconnaît que « des délais trop importants entre le moment où la cellule recevait le signalement et celui où il était transmis pour traitement au service départemental ont pu parfois mettre en difficulté les personnes chargées de l’enquête ».

« Ces problèmes sont aujourd’hui derrière nous », a-t-elle estimé, ajoutant que la cellule parvient à rediriger « dans la journée » un signalement vers le service départemental chargé de conduire l’enquête ([301]).

La ministre des sports, Mme Amélie Oudéa-Castéra, a estimé que la cellule avait « désormais les moyens d’effectuer sa mission correctement », reconnaissant ainsi que cela n’a pas toujours été le cas ([302]).

Mme Caroline Pascale, cheffe de l’Inspection générale, a formulé une appréciation beaucoup plus nuancée : « C’est un outil qui n’est sans doute pas encore suffisamment performant. » ([303])

Mme Fabienne Bourdais a reconnu une situation « assez tendue » d’autant qu’il apparaît que « le sujet n’est pas derrière nous ». La rapporteure a pu échanger avec l’équipe de la cellule lors d’un contrôle sur place pour constater l’investissement des personnes qui la composent, ainsi que la faiblesse de ses moyens.

La rapporteure, faute de transmission du tableau de suivi, n’a pas été en mesure de se faire une idée suffisamment éclairée du fonctionnement de la cellule, dans toutes ses dimensions, notamment dans son rôle d’accompagnement des services déconcentrés ou de suivi des enquêtes disciplinaires des fédérations.

Face à l’ampleur des signalements, de nombreuses personnes auditionnées ont pour leur part alerté sur l’insuffisance des moyens dont dispose la cellule, en particulier M. David Lappartient, président du CNOSF, qui a déclaré : « Il faut qu’il y ait plus de moyens sur cette cellule, sinon cela ne peut pas fonctionner. » ([304])

En tout état de cause, la rapporteure estime que la cellule n’est clairement pas dimensionnée pour assurer le suivi et l’accompagnement du traitement des signalements par les différents acteurs, d’autant que le nombre de signalements continue de croître.

c.   Un nombre de signalements qui continue de croître

Bilan d’activité de la cellule Signal-sports au 2 novembre 2023

1 207 personnes mises en cause (dont 95 % d’hommes) pour 1 145 affaires (estimation à un total de 1 800 signalements reçus depuis la création de la cellule).

Depuis le 1er janvier 2023, 297 nouveaux mis en cause (soit une augmentation de 37,5 % par rapport à la même période en 2022).

Pour la période de septembre-octobre 2023, 75 nouveaux mis en cause (soit une augmentation de 36 % par rapport à la même période en 2022).

53 mis en cause avaient un statut d’agent public au moment des faits (+ 10 mis en cause fonctionnaires depuis le 1er janvier 2023).

783 mis en cause sont des éducateurs sportifs, professionnels ou bénévoles (+ 221 depuis le 1er janvier 2023).

18 affaires liées au milieu du handicap.

65 fédérations sportives concernées.

73 % des victimes sont de sexe féminin (depuis le 1er janvier 2023, 61 %).

78 % des victimes étaient mineures au moment des faits (68 % pour le compte de l’année 2023 seule).

79,5 % des faits dénoncés concernent des violences sexuelles (67 % pour le compte de l’année 2023 seule).

Sur les 783 éducateurs sportifs mis en cause :

– 573 éducateurs rémunérés ou éducateurs stagiaires, dont 73 % ont une carte professionnelle valide ;

– 220 éducateurs bénévoles.

Sur les 53 agents publics au moment des faits :

– 28 (53 %) sont issus du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse ;

– 15 (28 %) sont issus du ministère des sports et des Jeux olympiques et paralympiques ;

– 7 (13 %) sont issus du ministère de l’intérieur et des outre-mer.

Source : ministère des sports.

513 mesures prononcées par les préfets de département pour 1 207 mis en cause (43 %)

266 décisions en urgence (+ 72 depuis le 1er janvier 2023) ;

126 mesures pérennes d’interdiction (+ 13 depuis le 1er janvier 2023) ;

123 notifications d’incapacité liées à un signalement ayant donné lieu à une condamnation pénale incapacitante (+ 4 depuis le 1er janvier 2023) ;

8 arrêtés en urgence n’ayant pas conduit à la prise de mesure pérenne.

Source : ministère des sports.

Procédures administratives, judiciaires et disciplinaires – au 6 octobre 2023

49 % des affaires sont closes

44 % des signalements ont fait l’objet d’une décision administrative

592 enquêtes en cours au sein des services départementaux

98 départements concernés (pas de signalement pour départements : 02, 09, 55)

177 signalements transmis aux procureurs de la République

471 mis en cause (40 %) ont fait l’objet d’une plainte ou d’une main courante

29 radiations définitives ont été prononcées par les fédérations

Source : ministère des sports.

En 2023, 90 % des faits concerneraient l’année en cours alors qu’à son lancement, la cellule a vu remonter une part très importante de faits anciens qui n’avaient jamais été traités.

La direction des sports a par ailleurs observé en septembre et octobre 2023 une augmentation de 30 % des signalements par rapport à la même période l’année précédente. « Nous ne pouvons donc pas nous dire que les faits sont anciens et que les signalements sont quasiment tous traités : on voit tous les jours que ce n’est pas du tout le cas », a relevé Mme Fabienne Bourdais ([305]).

5.   « Nous savons que de nombreux faits ne remontent pas encore, ou insuffisamment » : une « omerta encore présente »

Alors que la cellule est très largement inconnue des publics concernés, les signalements qu’elle reçoit ne sauraient refléter parfaitement la réalité, comme le reconnaissent la ministre et la direction des sports.

L’enquête très partielle du CNOSF publiée en avril 2023 indiquait également que seuls 93 % des quelques fédérations répondantes ayant connaissance de faits de violences sexuelles communiquent systématiquement avec la cellule Signal-sports pour transmettre le signalement.

Plusieurs rapports de l’Inspection générale confirment aussi que les signalements recensés par Signal-sports ne constituent pas l’exhaustivité des affaires de violences, notamment sexuelles.

Dans le domaine du basket-ball : « En effet, une recherche par mots-clefs sur Internet a pu faire apparaître plusieurs articles de presse traitant d’autres affaires relatives à des faits de violences sexuelles reprochés à des éducateurs de basket-ball et qui ne figuraient pas systématiquement parmi les signalements réalisés auprès du ministère des sports et recensés par ce dernier. » ([306])

Il en va de même dans le judo, « aux termes de ces recherches, la mission confirme […] que les cas recensés par la cellule ministérielle ne représentent pas l’intégralité des affaires de violences sexuelles concernant le judo » ([307]).

Comme l’a relevé Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, « même s’il y a eu une libération de la parole, nous savons que de nombreux faits ne remontent pas encore, ou insuffisamment » ([308]).

Et la ministre des sports, Mme Amélie Oudéa-Castéra, de corroborer ([309]) : « Je vois bien, dans les chiffres que j’ai devant moi, dans quelles fédérations le nombre de signalements est anormalement bas au regard du nombre total de licenciés. Je dispose de données absolues et de données rapportées à la base de licenciés : cela permet de comprendre beaucoup de choses. » ([310])

En présence de telles anomalies, l’absence d’initiative du ministère et l’invisibilisation de la cellule relèvent de la faute plus que de l’inertie, d’autant que les ressorts systémiques de l’omerta n’ont évidemment pas disparu.

Dans ce contexte, alors que même que la directrice des sports reconnaît l’existence d’une défiance à l’égard du ministère des sports, l’ensemble de ces constats milite pour la création au plus vite d’une seule et unique cellule au périmètre élargi, clarifié et extérieure au ministère, gérée par une autorité administrative indépendante et faisant l’objet d’une communication massive.

Recommandation  31 : Confier la responsabilité d’une seule plateforme Signal-sports, au périmètre élargi à l’ensemble des violences et discriminations dans le sport, à l’autorité administrative indépendante chargée de veiller à l’éthique du sport.

Supprimer les outils de signalement internes aux fédérations.

Communiquer massivement sur cette plateforme et obliger toutes les fédérations à en faire autant.

Permettre à l’autorité administrative indépendante de prononcer une sanction à l’encontre d’une fédération ou d’une structure qui ne signalerait pas un fait.

Présenter chaque année devant le Parlement et la convention nationale pour la prévention des violences dans le sport un bilan précis et transparent des suites données à chacun des signalements reçus par la cellule.

 

a.   Une « omerta encore présente »

Les auditions conduites par la commission d’enquête et les documents auxquels elle a eu accès ont convaincu la rapporteure que « l’omerta est encore présente. »

C’est d’ailleurs le constat que formule l’Inspection générale dans son rapport de février 2023 sur la Fédération française de football ([311]).

« Au regard des dernières données observées », l’étude du cabinet Mouvens publiée en avril 2023 indique clairement que « le déni, la loi du silence, les stéréotypes sexistes ou encore l’isolement des victimes restent d’actualité et que la libération de la parole est encore difficile pour les victimes qui rencontrent encore des difficultés (isolement, honte, culpabilité, peur d’être jugées, crainte de ne pas être crues, emprise…). »

À l’issue des travaux conduits par la commission d’enquête, la rapporteure ne peut que constater que la peur de la stigmatisation et la minimisation, par un grand nombre d’acteurs du monde sportif, de l’ampleur du phénomène des violences dans le sport, n’ont pas disparu.

La rapporteure, comme le grand public, a d’abord pu constater que toute une génération de responsables qui ont contribué à l’omerta avant 2020 est toujours très largement en responsabilité, au sein des fédérations, du ministère ou d’établissements sous tutelle.

Mme Claire Palou, athlète, a dit « [comprendre] pourquoi beaucoup de victimes, hommes ou femmes, ne veulent pas porter plainte ou en parler publiquement : l’omerta est trop forte » et a ajouté « [avoir] senti le poids très lourd de l’omerta » au sein de sa fédération ([312]) quand elle a porté à la connaissance de ses dirigeants des accusations de harcèlement sexuel ([313]). La rapporteure reviendra plus en détail sur les graves dysfonctionnements constatés à l’INSEP (cf. infra).

Évoquant l’évolution constatée à compter de la prise de conscience intervenue en 2020, M. Patrick Roux a indiqué : « À partir de ce moment, le ministère semble avoir accentué la pression sur les fédérations, avec davantage de contrôles, et l’attitude de la fédération de judo a changé à notre égard.

« Nous reconnaissons le travail de prévention qu’elle réalise, notamment des actions d’information et de sensibilisation de leurs cadres, mais beaucoup de choses devraient être faites, qui ne le sont pas.

« Nous avons toujours droit aux mêmes éléments de langage : on ne va pas poursuivre des gens qui sont proches de la retraite ; on ne peut pas regarder le passé avec les yeux d’aujourd’hui, il ne faut pas nuire à l’image du judo à l’approche des Jeux olympiques ni abîmer l’économie de la licence. Cela ne me satisfait pas du tout. On parle d’exactions très graves sur des enfants mineurs. L’intensité de la réponse n’est pas encore là. » ([314])

Le témoignage de Mme Myriam Wendling sur le traitement, après l’électrochoc de 2020, d’un signalement relatif à un entraîneur de gymnastique accusé de pratiques faites d’humiliations et d’entraînements allant au-delà du raisonnable, est particulièrement éclairant sur la persistance des ressorts de l’omerta et de l’inertie.

Un témoignage éclairant sur la persistance des ressorts de l’omerta et de l’inertie

Mme Myriam Wendling, ancienne conseillère technique nationale de gymnastique artistique, cadre d’État à la DRAJES Grand Est. Ma fille a pu entendre, quand une athlète était blessée, « ce n’est pas grave s’il y a de la casse, du moment qu’il en reste une à la fin » et autres réflexions de ce genre, régulièrement. Il y avait aussi de fortes pressions sur l’esthétique et sur le poids, avec beaucoup d’humiliations, tout cela dans un cadre de silence imposé et d’incitation au mensonge, car ce qui se passe dans le gymnase ne doit pas en sortir.

En décembre 2020, j’ai décidé de parler. Ma fille m’a suppliée de ne rien dire, sachant que ce serait la fin de sa carrière dans une structure de haut niveau. Et c’est ce qui s’est passé. […] L’entraîneur a directement contacté les responsables nationaux, qui m’ont avisée, deux jours plus tard, que ma fille ne resterait pas dans cette structure de haut niveau. Début janvier 2021, il m’a été signifié que je ne participerais plus aux stages des équipes de France, où j’étais systématiquement convoquée, étant aussi juge internationale. Dès lors, j’ai été écartée de toutes les sélections des équipes de France et de toutes les compétitions internationales, au motif que ma présence perturberait les gymnastes de la structure concernée. […]

Au début du mois de janvier s’est tenue une réunion de conciliation avec les responsables nationaux. Pour ma part, j’ai trouvé leur positionnement insuffisamment ferme, sans réelle écoute des victimes, dont ma fille. J’ai contacté l’association Colosse aux pieds d’argile, qui a signalé de nouveau les faits auprès de la fédération, par le biais de la cellule Signal-sports. Une enquête administrative a été engagée, ainsi qu’une enquête judiciaire à l’initiative des inspecteurs du SDJES concerné.

Malgré cela, malgré des courriers relatant des faits graves, la commission disciplinaire de la fédération n’a pas sanctionné l’entraîneur, qui a pu revenir dans le gymnase, en faisant appel de l’interdiction en urgence dont il avait fait l’objet par le SDJES. Tout au long des dix ou onze mois de l’enquête judiciaire, cet entraîneur était présent tout à fait normalement sur les plateaux et les victimes devaient supporter d’être à son contact. Au final, nous avons été cinq parents à porter plainte contre cet entraîneur. J’étais la seule dont la fille faisait encore de la gymnastique, toutes les autres qui ont décidé de porter plainte étant parties dans les mois précédents, pour les mêmes raisons : elles avaient fait des signalements à la fédération, sans avoir de retour.

[…] Je porte la parole de toutes les gymnastes qui ont témoigné lors du procès, qui a eu lieu deux ans après le signalement – dès lors qu’on se décide à parler, on part pour un long combat ! Les filles ont été traitées de menteuses sur les réseaux sociaux, et moi, de folle […] L’entraîneur a été condamné à six mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende.

À la suite d’un reportage diffusé dans « Stade 2 » en mai, la ministre des sports a prononcé à son encontre une interdiction d’exercer.

C’est aux médias que nous devons cette avancée. Et si la position de la fédération a évolué et qu’elle s’est progressivement placée aux côtés des victimes, c’est bien aussi grâce aux articles de presse – L’Équipe a publié un article en août, puis six pages ont été consacrées au sujet dans L’Équipe magazine, en donnant la parole aux victimes.

Les réactions sont rudes pour les gymnastes et leurs parents car l’omerta demeure – il ne faut pas casser l’image de la gymnastique. »

 

La rapporteure signale que des informations relatives à de potentiels faits de harcèlement sexuel portant sur un haut cadre d’une fédération importante ont été portées à sa connaissance de la part de plusieurs sources. Interrogé, le ministère des sports a indiqué ne disposer d’aucune information à ce sujet.

b.   Une omerta renforcée à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques

Mme Emma Oudiou, championne d’athlétisme, victime d’agression sexuelle, a dénoncé la présence de certains coachs et sportifs dans les rangs de l’équipe de France, malgré des accusations connues de la Fédération française d’athlétisme les visant : « À un an des Jeux olympiques, rien ne va les arrêter. […] Au risque de déplaire, je crois que les noms ne sortiront pas et que les personnes concernées ne seront pas sanctionnées à un an des Jeux olympiques. Ce serait trop dangereux, surtout après la débâcle subie lors des derniers championnats du monde : nous n’avons obtenu qu’une seule médaille, ce qui était assez alarmant. La priorité de la fédération sera de sauver les apparences dans un an et certainement pas de protéger les victimes, car avoir à mettre de côté de potentiels médaillés et leurs entraîneurs serait catastrophique pour l’image de la Fédération française d’athlétisme. » ([315])

La direction générale de l’INSEP, qui n’a elle-même pas fait montre d’une réactivité exemplaire, tant s’en faut, a confirmé une forme d’inertie de la Fédération française d’athlétisme. « Sur les dossiers dont il est question, la fédération d’athlétisme a mis du temps à réagir », a indiqué M. Fabien Canu, directeur général de l’INSEP ([316]).

D’autres intervenants ont alerté sur l’existence d’un risque renforcé à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques.

Ainsi M. Sébastien Boueilh, président de Colosse aux pieds d’argile : « Les mentalités ont changé. Je dois cependant vous indiquer que nous craignons qu’à un an des Jeux olympiques de Paris 2024 et à l’approche des sélections, certains athlètes subissent un chantage sexuel. » ([317])

Dans son rapport d’étape de janvier 2020, M. Patrick Karam alertait également : « Sans doute au regard des enjeux d’un événement planétaire à domicile, faut-il prêter une attention particulière aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 en raison du risque supplémentaire, lié à la pression de la performance et des médailles avec une pression fédérale qui pourrait brider plus encore la parole des victimes. » ([318])

La rapporteure est convaincue de l’existence d’un risque renforcé à l’approche des Jeux que les dysfonctionnements constatés notamment à l’INSEP illustrent.

Elle appelle à cet égard de ses vœux une sélection olympique qui envoie un message clair sur le fait que les violences et les discriminations n’ont pas leur place dans le sport.

Il n’est pas nécessaire qu’un athlète ait fait l’objet d’une condamnation pour l’écarter, a souligné lors de son audition M. David Lappartient, président du CNOSF. « Nous regardons l’ensemble des éléments en connaissance de cause. Nous devrons forcément être justes et équilibrés mais nous prendrons la décision en connaissance de cause et nous en serons responsables », a-t-il déclaré ([319]).

C.   Les dysfonctionnements du traitement des signalements

Le traitement des signalements est rendu complexe par l’existence de trois types de procédures pour les mêmes faits : une procédure judiciaire, une procédure administrative relevant de la responsabilité du ministère et de ses services, et une procédure disciplinaire, qui est de la compétence des fédérations.

Au-delà du manque de moyens, d’expertise et parfois de volonté politique des fédérations, la multiplicité des acteurs et des procédures complexifie fortement le traitement de ce type d’affaires et amplifie les failles et les carences ainsi que le renvoi des responsabilités, au point que de très nombreux acteurs, y compris au sein des fédérations, ont appelé à créer une autorité indépendante.

En effet, plusieurs autorités sont censées intervenir de manière parallèle et donc en théorie coordonnée. Ils agissent sous l’empire de régimes distincts, avec des délais ou des pouvoirs d’investigations différents dont la coordination et parfois complexe :

– les services départementaux, chargés des enquêtes administratives qui peuvent conduire l’autorité préfectorale à notifier une incapacité d’exercer du fait d’une condamnation, l’édiction d’une mesure d’urgence ou la mise en œuvre d’une interdiction d’exercer ;

– la fédération dans le cadre de son pouvoir disciplinaire ;

– l’autorité judiciaire, dans le cadre d’une procédure pénale.

Interviennent également dans la réception et le traitement des signalements les associations chargées du recueil de la parole et de l’accompagnement des victimes.

Sans que le ministère des sports lui ait donné accès au tableau de suivi des signalements reçus par Signal-sports, la rapporteure a eu connaissance de nombreux dysfonctionnements dans toutes les dimensions du traitement.

1.   Des services déconcentrés chargés de la protection des publics et des procédures administratives largement désarmés

La rapporteure a déjà évoqué dans la première partie du présent rapport d’enquête le manque criant de moyens des services déconcentrés.

Si le renforcement récent de leurs moyens doit être salué et surtout amplifié, au regard des dysfonctionnements portés sa connaissance, la rapporteure estime qu’un audit plus approfondi de la manière dont les services déconcentrés gèrent les dossiers de violences est indispensable.

a.   Des équipes « parfois au point de rupture » et insuffisamment armées pour faire face à l’explosion des signalements de violences sexuelles

Les informations dont la commission d’enquête a eu connaissance sont préoccupantes s’agissant des services déconcentrés de l’État chargés de missions de contrôle et d’enquêtes administratives essentielles pour protéger les publics.

i.   Des services « saturés » parfois « au point de rupture »

Comme évoqué précédemment, à travers une réduction importante pendant plusieurs années des effectifs de ses services, en particulier départementaux, l’État s’est privé de la capacité d’absorber l’explosion du nombre des signalements qui a suivi le mouvement de « libération de la parole », le déclenchement systématique des enquêtes administratives correspondantes et l’extension du contrôle d’honorabilité aux encadrants bénévoles.

En septembre 2021, une mission de l’Inspection générale relevait que « l’inflation des cas de violences sexuelles à traiter administrativement depuis plusieurs mois, conjuguée aux autres missions prioritaires à mener, engendre parfois une saturation des équipes de plus en plus réduites, un manque de temps pour traiter efficacement les enquêtes, ainsi qu’un manque de formation pour les réaliser avec pertinence et efficacité. » ([320])

L’Inspection générale décrivait des services départementaux chargés des sports « parfois au point de rupture face aux délais contraints pour réagir (prise de décision dans l’urgence) et agir (enquêtes administratives à mettre en œuvre et décision définitive éventuelle à prendre dans les six mois suivant la prise de l’arrêté de suspension provisoire) ».

La mission a pu constater l’« inadéquation entre le nombre croissant d’enquêtes administratives à conduire et l’effectif d’agents disponibles et formés pour les mettre en œuvre ».

Elle évoque la situation « critique » de trois départements dans lesquels la responsabilité du service départemental à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (SDJES) a été confiée à un inspecteur de la jeunesse et des sports stagiaire – donc fonctionnaire non titulaire –, de surcroît issu de la voie externe et donc sans aucune expérience administrative.

ii.   Des équipes insuffisamment formées et accompagnées par le ministère des sports face à l’explosion du nombre d’enquêtes administratives

Plusieurs interlocuteurs des services déconcentrés de l’État avaient indiqué à l’Inspection générale « se sentir parfois isolés, peu armés et insuffisamment accompagnés et appuyés, notamment, par le niveau central » pour gérer des « dossiers et procédures par nature sensibles » et « complexes à mettre en œuvre ».

En effet, du temps est indispensable pour recueillir, analyser et discerner les éléments portés à leur connaissance, particulièrement lorsque les affaires nécessitent le concours de plusieurs départements (celui de la résidence de la victime, celui dans lequel l’éducateur incriminé s’est déclaré pour sa carte professionnelle, celui dans lequel il réside au moment de l’enquête administrative et celui dans lequel les faits se sont déroulés).

Des victimes ou ceux qui les accompagnent ont ainsi apporté un retour d’expérience plus que contrasté sur ces services.

M. Patrick Roux, co-auteur du livre Le revers de nos médailles : Des clubs au haut niveau, en finir avec la violence dans le sport, a observé que « les cadres administratifs de ces structures ont d’autres tâches à effectuer, et ne sont pas du tout formés dans ce domaine. Je suis allé les voir : l’inspectrice avec qui j’avais rendez-vous m’a posé un lapin et la personne qui m’a reçu s’est avérée calamiteuse. Un tel fonctionnement entrave véritablement l’efficacité des enquêtes » ([321]).

Dans le cadre d’enquêtes administratives, M. Patrick Roux a indiqué avoir été « auditionné par les Drajes (délégations régionales académiques à la jeunesse, à l’engagement et aux sports) de Paris et du Val-de-Marne et par le SDJES (service départemental à la jeunesse, à l’engagement et aux sports) de l’Hérault. Dans les deux premiers cas, j’ai trouvé les enquêteurs très sérieux et professionnels ; j’étais très satisfait de l’entretien. Dans le troisième, j’ai été choqué par le rapport qui a été rédigé, avec un contresens à chaque paragraphe et dénaturant complètement mes propos ».

Et Mme Karine Repérant, psychologue indépendante, co-autrice du livre Le revers de nos médailles, de confirmer : « J’ai été entendue récemment par la DRAJES de l’Hérault sur des faits prescrits, s’agissant notamment d’un entraîneur qui aurait eu des relations dites consenties avec une mineure de 16 ans. Le monsieur qui m’interrogeait m’a demandé si la demoiselle était fière de sortir avec son entraîneur. Je crois que cela résume tout ce que l’on peut répondre lorsque vous demandez ce qu’il advient des plaintes… » ([322])

Au printemps 2022, M. Patrick Roux a indiqué avoir reçu un témoignage concernant des faits importants de violences et de harcèlement sur mineur, datant de 2021 : « Comme d’habitude la victime, voulant poursuivre son parcours à haut niveau, ne voulait pas parler par peur de représailles. J’ai tout de même dirigé cet homme vers la personne responsable du service départemental à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (SDJES) concerné : celle-ci l’a appelé à deux reprises, alors qu’il n’était pas disponible ; il a sollicité un rendez-vous en visioconférence mais, à ma connaissance, n’a jamais été rappelé. »

De fait, les témoignages recueillis par l’Inspection générale mettent en évidence que peu d’agents considèrent disposer de la formation et des outils nécessaires pour traiter les signalements de violences sexuelles de manière adaptée. Ils « se sentent parfois démunis et insuffisamment accompagnés par le niveau central notamment, pour traiter de tels dossiers » ([323]).

L’Inspection générale évoque le fonctionnement d’un service départemental à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (SDJES), qui « n’a conduit aucune enquête administrative dans le champ du sport depuis 2020. Aucun des quatre professeurs de sport que compte actuellement ce service n’est formé aux techniques de l’enquête administrative et selon le chef du service SDJES : "pire encore, aucun n’a manifesté l’envie de se former sur ce sujet" ».

La mission a constaté « plusieurs cas pour lesquels le manque de diligence, de vigilance ou de connaissances des services déconcentrés a participé à un traitement administratif défaillant des dossiers ».

Sont évoqués des retards dans la prise de décision et les enquêtes administratives.

Ces dysfonctionnements ont été aggravés par la mise en œuvre de la nouvelle organisation territoriale de l’État.

« Dans au moins deux départements, les DASEN ont été amenés à refuser que des agents du SDJES procèdent à l’ouverture d’une enquête administrative au motif qu’ils considéraient que les affaires concernées, qui devaient pourtant donner lieu à une mesure administrative de suspension, puis d’interdiction d’éducateurs sportifs, relevaient exclusivement d’une procédure judiciaire. Ces situations ont dû donner lieu à une intervention de l’administration centrale. » ([324])

b.   L’expression d’une défiance à l’égard des services déconcentrés

Comme évoqué précédemment, des carences graves des services déconcentrés ont été relevées dans plusieurs rapports de l’Inspection générale. Plusieurs victimes entendues ont fait part de leur défiance à l’égard de ces services.

Ainsi Mme Alexandra Soriano, ancienne judokate, éducatrice spécialisée à l’aide sociale à l’enfance, membre de l’association Artemis Sport, a estimé que « confier ce type d’enquête aux directions régionales, c’est rester dans le milieu du sport, où tout le monde se connaît. Plusieurs cadres techniques mis en cause ont même été reclassés dans ces directions régionales. Autant dire que cela reviendrait à dénoncer des faits auprès des bourreaux ou de personnes qui ont cautionné leurs agissements ou participé à l’omerta » ([325]).

« Il y a des hypothèses qu’on ne peut pas ne pas faire », estime pour sa part M. Patrick Roux. « Dans le monde du sport, tout le monde se connaît. Certains entraîneurs de haut niveau deviennent, quelques années plus tard, un de ces conseillers administratifs de DRAJES dans les mains desquels passent les dossiers. Ils peuvent connaître la personne mise en cause, voire avoir travaillé à ses côtés. Je me contente de décrire la situation, sans faire de procès d’intention, mais nous avons connaissance de cas où la personne responsable de la lutte contre les violences sur son territoire est citée dans trois ou quatre dossiers par des victimes ou des témoins. Cela évolue sans doute, au fur et à mesure que les choses se mettent en place, mais quand on regarde le tableau d’ensemble, l’existence de collusions et d’arrangements ne fait aucun doute. »

Une illustration des conséquences d’un manquement de l’administration

Dans le dossier concernant M. XX, éducateur accusé de faits d’attouchements sexuels sur une mineure de 15 ans, la cellule Signal-sports (direction des sports) a sollicité la mise en œuvre d’une enquête administrative auprès de la direction départementale de la cohésion sociale de XX en avril 2020 suite au signalement effectué par la fédération.

Les organes déconcentrés de la fédération avaient déjà alerté la direction départementale de la cohésion sociale et la direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, trois ans plus tôt.

Malgré ces deux signalements, la direction départementale de la cohésion sociale a refusé d’ouvrir une enquête administrative en 2017 puis en 2020, ne disposant pas de nouveaux éléments par rapport aux « faits non avérés s’appuyant sur des rumeurs… simplement des suspicions ».

La direction départementale de la cohésion sociale n’a pas saisi le préfet, ni fait de signalement au procureur de la République. En 2017, la fédération n’a pas pris de mesure disciplinaire à l’encontre du mis en cause, sa doctrine consistant à n’engager une action qu’après une condamnation pénale définitive.

En 2020, la fédération n’a pris aucune mesure disciplinaire car M. XX n’était plus licencié.

Début d’année 2020, l’instance déconcentrée de la fédération réalisait un signalement au procureur de la République.

Ce manquement de l’administration dans le traitement de cette affaire et une absence d’action particulière de la part de la fédération ont laissé à cet éducateur sportif la possibilité de poursuivre une activité bénévole dans une association de loisir dans un village voisin.

 

Un exemple de traitement critiquable d’un dossier et du manque de supervision de l’action des services déconcentrés par Signal-sports

Un éducateur a fait l’objet de plusieurs signalements concernant des méthodes d’entraînement inappropriées et des violences sexuelles qui avaient donné lieu à une mesure de suspension d’urgence d’une durée de trois mois par arrêté en 2021.

Le préfet a finalement décidé, après avis du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative (CDJSVA), par arrêté de la même année, non seulement de lever cette mesure temporaire, mais encore de renoncer à prononcer une mesure d’interdiction administrative à son encontre.

Pour prendre cette décision, le préfet s’est notamment fondé sur le rapport d’enquête administrative réalisé par le SDJES, qui indique notamment que :

– les seules accusations suffisamment établies dans le cadre de l’enquête administrative étaient anciennes et « paraissent choquantes avec le regard de la société d’aujourd’hui » ;

– « Concernant les faits de tentatives d’agression, d’agressions sexuelles ou de viols, il n’appartient pas à la police administrative de déterminer s’ils sont réels mais bien de se questionner sur leur possible reconduction dans le contexte actuel afin de protéger les usagers d’aujourd’hui ».

Sur la base de ce rapport d’enquête administrative, le CDJSVA a proposé à l’unanimité qu’aucune décision administrative ne soit prononcée à l’encontre de l’éducateur alors même que les témoignages se recoupant de victimes et d’autres personnes de son entourage professionnel ont confirmé lors de l’enquête conduite par le SDJES que l’intéressé avait eu des comportements et des pratiques d’entraînement violentes et totalement déplacées et avait quitté un club dans des conditions particulièrement troubles.

Le rapport de l’Inspection générale relève qu’« une telle approche concernant non seulement la non prise en compte de faits antérieurs mais aussi la finalité supposée du pouvoir de police administrative du préfet apparaît à la mission infondée et totalement erronée au plan juridique ».

« Le rapport d’enquête du SDJES commet une double erreur : celle d’une part de bâtir la décision de relaxe principalement sur les explications du mis en cause, qui sont assez largement considérées comme dignes de foi au contraire des témoignages recueillis auprès des victimes ; et celle, d’autre part, de considérer que la procédure administrative doit s’éteindre au motif que les faits pourraient relever de poursuites pénales.

« Une telle analyse est totalement incohérente au regard de la politique volontariste actuellement poursuivie par la ministre déléguée chargée des sports dans le domaine de la lutte contre les violences dans le sport.

« […] Ce dossier illustre également la méconnaissance de certains agents dans la mise en œuvre de l’obligation de signalement prévue à l’article 40 du code pénal qui en l’espèce aurait dû être réalisé dès la prise de connaissance de faits susceptibles de faire l’objet d’une qualification pénale sans devoir attendre, comme ce fut le cas en l’espèce, la réunion de la CDJSVA et que celle-ci en fasse la proposition.

« Dans la mesure où il apparaît que l’administration centrale avait par ailleurs été sollicitée pour avis sur le projet d’arrêté du préfet, cette affaire illustre également le caractère encore perfectible de la relation et de la supervision de ces affaires par la cellule nationale ».

Recommandation  32 : Conduire de toute urgence une enquête approfondie rendue publique sur la gestion de chacun des dossiers de violences sexuelles et sexistes par les services déconcentrés.

Renforcer quantitativement et qualitativement les ressources humaines des services déconcentrés départementaux de l’engagement de la jeunesse et des sports dans leur capacité à mener des enquêtes administratives.

Approfondir le plan de formation initiale et continue des agents pour conduire les contrôles et enquêtes administratives et procéder à l’évaluation de l’efficacité des actions de formation mises en place.

Renforcer la mission de coordination et d’appui de la direction des sports à très court terme et de l’autorité administrative indépendante, dès sa création, auprès des services déconcentrés départementaux pour l’ensemble des enquêtes administratives.

Mieux prendre en considération la possible mobilité géographique des personnes mises en cause

c.   Des relations entre les services judiciaires et les services déconcentrés à systématiser

De nombreux interlocuteurs ont appelé à systématiser et fluidifier les échanges d’informations entre l’autorité judiciaire et les services déconcentrés lorsqu’une affaire fait à la fois l’objet d’une procédure judiciaire et d’une procédure administrative.

Le garde des sceaux a rappelé avoir diffusé, en décembre 2020, une fiche relative à la « lutte contre les violences sexuelles dans le sport » à tous les corps de l’autorité judiciaire, en vue d’une circulation des informations plus fluide ([326]). Les procureurs peuvent transmettre, de manière sécurisée, toutes les informations judiciaires aux autorités administratives lorsqu’un éducateur sportif ou un dirigeant de fédération est mis en cause pour des faits de violences commises à l’encontre de mineurs. L’objectif est de s’assurer que les fédérations sportives puissent réagir vite lorsqu’elles sont informées qu’une enquête judiciaire est ouverte, afin de faire cesser tout contact avec des mineurs, au-delà des mesures de sûreté judiciaire.

Pour certains magistrats, des auditions dans le cadre administratif ne seraient pas souhaitables, tant qu’ils n’ont pas été entendus dans le cadre judiciaire. Des demandes en ce sens ont été faites par les autorités judiciaires ou les services d’investigation dans plusieurs dossiers, comme l’a relevé l’Inspection générale et comme cela a été porté à la connaissance de la commission d’enquête.

Or le non-traitement immédiat par l’autorité administrative des dossiers est susceptible d’entraîner la remise en cause des décisions d’interdiction temporaires éventuellement prises sur le fondement de l’urgence. Cette position de certains magistrats peut remettre en cause la possibilité d’intervention de l’autorité administrative pour protéger les publics.

En sens inverse, il ne faut pas, par exemple, qu’une personne suspectée et alertée par l’enquête administrative ne fasse, par exemple, disparaître des preuves avant une perquisition.

Il apparaît donc indispensable qu’une parfaite coordination entre l’autorité judiciaire et les services administratifs soit assurée, dans le souci d’optimiser le traitement de ces dossiers,

À cet égard, M. Ludovic Royé, président de l’Association des directeurs et directrices techniques nationaux (AsDTN), a également appelé à la création d’une autorité administrative indépendante en rappelant que la création de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) avait permis de renforcer la collaboration entre les autorités administratives et l’autorité judiciaire ([327]).

Recommandation  33 : Systématiser les échanges d’informations et de traitement des dossiers entre l’autorité judiciaire et les services déconcentrés de l’État lorsqu’une affaire fait à la fois l’objet d’une procédure judiciaire et d’une procédure administrative.

Confier à l’autorité administrative indépendante chargée de l’éthique du sport une mission de renforcement de la collaboration avec les services de la justice.

À Rennes et à Saint-Malo, les procureurs ont intégré la problématique des violences en milieu sportif dans le schéma directeur départemental de lutte contre les violences faites aux femmes, réunissant tous les acteurs concernés – préfet, agence régionale de santé (ARS), éducation nationale, conseil départemental, ville, forces de sécurité intérieure (FSI), services sociaux.

Recommandation  34 : Généraliser l’intégration de la problématique des violences en milieu sportif dans le schéma directeur départemental de lutte contre les violences faites aux femmes.

Un poste de magistrat référent sport a été créé par une dépêche signée en octobre 2021. Cette mesure mérite d’être saluée. À ce jour, la quasi-totalité des 164 parquets ont procédé à la désignation d’un magistrat référent sport, interlocuteur privilégié des instances sportives locales qui assure le suivi des procédures judiciaires dans le champ sportif.

Recommandation  35 : Généraliser rapidement la désignation d’un magistrat référent sport dans la totalité des parquets.

2.   Les défaillances du traitement des violences par les fédérations

Si une prise de conscience a eu lieu et si des avancées, qui doivent être encouragées et saluées, sont indéniables, notamment sous l’impulsion des nouvelles générations, les travaux de la commission d’enquête, qui avaient pour objet d’identifier des défaillances et des points de blocage, ont permis de mettre en lumière des défaillances et carences qui persistent dans l’action des fédérations sportives.

a.   Des auditions qui témoignent d’un traitement encore inapproprié des violences sexuelles par plusieurs dirigeants fédéraux

« Je suis étonné quand même que l’on passe une heure de notre temps sur une affaire de voleur de pommes. » ([328]) C’est ainsi que s’est exprimé M. Serge Lecomte, président de la Fédération française d’équitation, interrogé sur les conditions dans lesquelles un éducateur sportif, exploitant un établissement lui appartenant, condamné pour des faits d’agressions sexuelles, et privé à ce titre de la capacité d’exercer la fonction d’éducateur sportif, a été salarié par la fédération sur le site de son siège social au parc équestre de Lamotte-Beuvron.

Comme évoqué précédemment, il aura fallu une heure trente à M. Jean Lapeyre, directeur juridique de la Fédération française de football, pour reconnaître que les « relations hors codes avec les femmes » ([329]) de M. Noël Le Graët étaient connues depuis longtemps au sein de la fédération, et sans doute au-delà.

Outre des inexactitudes et contradictions sur le traitement réservé à plusieurs dossiers, M. André Giraud, président de la Fédération française d’athlétisme, a affirmé sous serment, lors de sa première audition, avoir déclenché un article 40 dans le dossier de Mme Claire Palou. Lors d’un contrôle sur pièces et sur place, la rapporteure a pu constater que tel n’était pas le cas. M. André Giraud a corrigé ces propos lors de sa deuxième audition, en précisant : « Lors de notre première audition, je me suis peut-être mal exprimé, mais je ne suis pas habilité à déclencher un article 40. Cette compétence relève de notre directeur technique national (DTN). » « Je vous remercie de cette précision, je l’ignorais » ([330]), a-t-il répondu à la présidente, qui lui rappelait qu’il est non seulement habilité mais tenu par la loi d’effectuer des signalements systématiques sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.

Quant à M. Jean Zoungrana, président de la Fédération française de canoë kayak et sports de pagaie, il ne s’est pas souvenu qu’un rapport de contrôle de l’Inspection générale, daté de 2022, avait pointé des situations de violences qui n’ont, à tort, pas fait l’objet de signalements au procureur de la République en application de l’article 40, et rappelé à la fédération ses obligations légales ([331]).

La commission d’enquête a également été confrontée à des présidents qui ignoraient ou feignaient d’ignorer l’étendue de leur compétence disciplinaire.

M. James Blateau, président de la Fédération française de gymnastique, a affirmé ne pas avoir le pouvoir de suspendre des entraîneurs mis en cause dans des cas de maltraitance, ce qui a conduit la ministre des sports à réagir publiquement pour lui rappeler sa capacité à sanctionner l’ensemble des licenciés, qu’ils soient recrutés par les clubs ou par d’autres organismes affiliés ([332]).

M. Bruno Gares, ancien président de la Fédération française d’escrime, a affirmé à tort qu’il n’avait pas les moyens de prendre des mesures conservatoires ([333]).

Il y a aussi ceux qui ne savaient pas, ou encore ceux qui, à l’instar du président de la Fédération française de gymnastique, avaient entendu des « choses qui tournaient » sur des situations de maltraitance, sans que cela ne le conduise à enquêter.

La rapporteure ne saurait être exhaustive sur l’étendue des incohérences, inexactitudes, imprécisions, approximations, expressions de déni ou de désinvolture auxquelles la commission d’enquête a été confrontée au cours de ses auditions.

Ce tableau n’inspire pas confiance sur la capacité de l’ensemble de ces acteurs à se saisir comme il se doit de ce combat essentiel.

De fait, beaucoup de dirigeants ont aussi confié de bonne foi se sentir démunis en termes de moyens et d’expertise et beaucoup ont appelé à la mise en place d’une autorité administrative indépendante qui apparaît en effet indispensable à très court terme.

b.   Les défaillances persistantes de l’action disciplinaire

Alors que les premières enquêtes de l’Inspection générale sur les violences sexuelles dans le sport alertaient sur les répercussions des carences de l’action disciplinaire des fédérations ([334]), la rapporteure constate que les conséquences n’en ont pas été tirées et que d’importantes défaillances demeurent en ce domaine.

Le pouvoir disciplinaire « n’est pas exercé de manière idéale par toutes les fédérations, vous avez pu vous en rendre compte vous-mêmes lors des auditions que vous avez menées », a relevé Mme Roxana Maracineanu, ancienne ministre des sports ([335]). « On doit faire en sorte d’engager nos fédérations à aller au bout de leur compétence disciplinaire », a indiqué Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports, reconnaissant que le compte n’y était pas ([336]).

Cette carence est d’autant plus grave que l’action disciplinaire est un outil particulièrement indispensable et efficace pour protéger rapidement les pratiquants contre des agresseurs, et pour réprimer des comportements inappropriés, indépendamment de l’issue de l’action pénale.

Pénal et disciplinaire, des procédures indépendantes et complémentaires

La commission a eu connaissance de très nombreux cas dans lesquels une fédération s’est abstenue de prendre les mesures qui s’imposaient, en se considérant liée par une action pénale et par une décision pénale.

Or au plan juridique, « le pénal ne tient pas le disciplinaire en l’état ». L’action disciplinaire est indépendante de l’action pénale. Cela signifie notamment qu’il n’est pas nécessaire d’être en présence d’une infraction pénale pour qu’une infraction de nature disciplinaire puisse être constatée et sanctionnée.

De nombreux motifs, de fond ou de forme, peuvent justifier qu’aucune sanction pénale ne soit prononcée, alors même que des faits a priori constitutifs d’une infraction peuvent avoir été commis.

Ainsi, par exemple, la prescription d’une infraction au plan pénal ne remet pas en cause l’existence des faits incriminés et donc, le cas échéant, le motif permettant de justifier des poursuites au plan disciplinaire.

De même, la justice peut considérer qu’une infraction pénale est insuffisamment caractérisée alors que les éléments connus permettraient largement une action au plan disciplinaire.

Une obligation figurant dans la charte d’éthique ou le règlement disciplinaire est suffisante pour permettre de réprimer disciplinairement des comportements jugés inappropriés, y compris si de tels faits ne constituent pas, en soi, une infraction pénale.

Ainsi, à titre d’exemple, le fait pour un entraîneur de dormir avec un ou une de ses élèves pourrait être considéré comme un comportement sanctionnable au plan disciplinaire, sans pour autant constituer en soi une infraction pénale.

Il résulte de cette autonomie dans les procédures et les qualifications qu’il n’y a pas lieu non plus d’attendre nécessairement l’existence ou l’achèvement d’une procédure pénale pour pouvoir mettre en œuvre une procédure disciplinaire contrairement à la pratique constante de certaines fédérations.

La faculté explicite pour une fédération de prendre des mesures conservatoires

Depuis la publication du décret n° 2016-1054 du 1er août 2016, fixant le nouveau règlement disciplinaire type des fédérations, il est expressément prévu que des mesures conservatoires puissent être prises dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

Une telle mesure peut permettre de suspendre provisoirement un licencié, compte tenu de la gravité des faits qui lui sont reprochés, dans l’attente de la décision définitive de la commission de discipline.

Ainsi, en ce qui concerne la Fédération française de football, sans surprise, l’Inspection générale a constaté, en février 2023, « des sanctions fédérales qui interviennent généralement seulement après les sanctions judiciaires ou administratives méconnaissant le principe d’indépendance des procédures. […] Le retrait ou la suspension peut intervenir automatiquement en conséquence d’une sanction judiciaire ou administrative, mais aussi à titre conservatoire. Pourtant, la Fédération française de football mobilise très peu cette possibilité en matière de violences sexuelles et sexistes. Les responsables rencontrés, lorsqu’ils sont sensibilisés au sujet, assument cette position fédérale considérant de manière erronée que la présomption d’innocence doit primer ». ([337])

S’agissant de la Fédération française d’équitation, l’Inspection générale a également constaté, en mars 2021, que cette fédération « [s’estimait] globalement incompétente pour sanctionner des comportements délictueux en dehors du domaine très étroit de « l’activité sportive fédérale » et restait « figée sur l’analyse restrictive de sa compétence prévue par le règlement disciplinaire. » Et de conclure : « C’est donc une absence de volonté politique qui conduit la fédération à ne pas prendre de sanctions y compris à l’égard des auteurs avérés d’infractions à caractère sexuel, dès lors que les faits n’ont pas été commis dans le strict cadre de l’entraînement ou de la compétition sportive. » ([338])

L’étude précitée du cabinet Mouvens d’avril 2023 a également identifié la procédure disciplinaire comme un point de cristallisation et de difficulté dans la lutte contre les violences sexuelles.

Elle a fait apparaître que seuls 50 % des fédérations répondantes ont mis en place des dispositions dans leur règlement disciplinaire applicables à la commission de discipline.

« Pour beaucoup », souligne l’étude, « il est difficile de prendre une décision disciplinaire tant que le pénal ne s’est pas prononcé ».

« En matière de sanction, les fédérations se trouvent pour la plupart dépourvues d’une grille de sanctions réellement efficaces. » Enfin, « il apparaît nécessaire d’assurer aux sanctions disciplinaires des conditions de transparence indispensables pour rétablir la confiance des pratiquants ».

De tels constats, quatre ans après l’électrochoc de début 2020, ne sont pas acceptables.

Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, a reconnu qu’un bilan est nécessaire en ce domaine et que ce bilan « pourrait justifier un retrait de délégation » ([339]). On ne peut que déplorer que ce bilan arrive si tard et que ces enjeux soient trop absents des contrats de délégation et du travail d’évaluation de leur exécution, qui est en cours et auquel la rapporteure a eu accès.

 

Une politique disciplinaire qui bride la libération de la parole ?

À la Fédération française d’escrime, Mme Jacqueline Felzines, présidente de la commission éthique et déontologique, s’est étonnée de la baisse du nombre de déclarations de faits graves au sein d’une fédération de 55 000 licenciés, passés de dix-huit pour la saison 2021-2022 à huit lors de l’exercice suivant.

« Cette réduction doit faire l’objet d’une analyse en profondeur », a-t-elle estimé devant la commission d’enquête, suggérant que certaines décisions disciplinaires récentes de la fédération avaient pu contribuer à « réduire la prise de parole » (1).

Elle a également fait état de disparités dans le traitement des violences et des décisions disciplinaires « sidérantes » et cité à cet égard l’exemple d’un maître d’armes et d’un président de club, tous deux fichés au FIJAIS – le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. Le premier a été condamné à une suspension de dix ans par la fédération alors que le second, reconnu coupable en 2022 par la justice de détention d’images pédopornographiques, a été autorisé par la commission de discipline de la Fédération française d’escrime – qui plaide « le droit à la réhabilitation », a dénoncé Mme Felzines – de continuer à s’entraîner, même si ses titres de président de club et d’éducateur fédéral lui ont été retirés.

Mme Felzines a également pointé des délais de traitement anormalement longs par la commission de discipline et des « difficultés à caractériser les faits comme étant des agressions sexuelles » par cette dernière.

(1)    Compte rendu  32.

3.   Des partenariats avec des associations largement salués mais qui ne sauraient tenir lieu d’engagement dans la lutte contre les violences

Diverses associations, parfois concurrentes, interviennent dans la lutte contre les violences, dans le recueil de la parole des victimes et dans leur accompagnement.

L’étude du cabinet Mouvens réalisée pour le CNOSF confirme que l’accompagnement des victimes est souvent délégué à des associations. 69 % des fédérations répondantes faisaient ainsi appel à des associations partenaires dans ce domaine. Les plus petites fédérations ne disposent en revanche pas des ressources nécessaires pour financer un partenariat avec une structure extérieure.

a.   Le rôle central de Colosse aux pieds d’argile, association qui met en avant le chemin parcouru

Une association, Colosse aux pieds d’argile, occupe une place toute particulière et absolument centrale aujourd’hui dans la lutte contre les violences sexuelles dans le sport. Son action a été saluée par de nombreux acteurs.

Créée en juin 2013 par M. Sébastien Boueilh, victime de viol entre ses 12 et ses 16 ans, elle est devenue l’association de référence dans la lutte contre les violences sexuelles dans le sport. Elle compte aujourd’hui 40 salariés et pas de bénévoles. Elle travaille avec 50 fédérations et six ministères. L’association intervient dans le domaine de la prévention des violences et dans le domaine de l’accompagnement des victimes.

« Toutes nos interventions en matière de prévention sont tarifées, à un prix unique, tandis que l’accompagnement est gratuit. Nous recevons également des subventions étatiques pour aide à l’emploi, et une subvention départementale à hauteur de 10 000 euros par an, sur trois ans. Nous ne disposons pas d’aides de fonctionnement, mais nous répondons à des appels à projets : 45 % de notre budget provient de l’État au titre des actions que nous mettons en place sur le terrain, en métropole et en outre-mer », a précisé M. Sébastien Boueilh au cours de son audition ([340]).

S’il a dénoncé fermement l’omerta qui règne à l’INSEP, M. Sébastien Boueilh compte parmi les rares interlocuteurs qui ont fait état d’une vision positive de la situation : il a ainsi mis en avant le virage pris en 2018 « grâce à la ministre Roxana Maracineanu qui a repris l’idée d’un contrôle d’honorabilité des bénévoles, dont nous lui avions parlé ».

« Je me trouve tous les jours sur le terrain, et il ne me semble plus possible de parler d’omerta dans le sport », a affirmé M. Boueilh, à rebours des très nombreux constats formulés devant la commission d’enquête.

Dans un communiqué de presse du 14 septembre 2023 relatif à la plateforme de recueil de témoignages mise en place par la commission d’enquête, M. Boueilh appelait à ne pas multiplier les canaux et plateformes d’alerte, pour s’appuyer sur « les points de contact nationaux existants du type 119 et Signal-sports » en précisant que ces canaux sont « déjà identifiés de tous ».

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Selon vous, toutes les affaires sont aujourd’hui signalées ?

M. Sébastien Boueilh. Depuis cinq ans, aucune victime des cinquante fédérations avec lesquelles nous travaillons ne nous a indiqué avoir vu son affaire étouffée par sa fédération. En étant tous les jours sur le terrain, notre vision diffère souvent de celles d’autres associations.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je ne pensais pas aux associations, mais à des responsables dans des fédérations qui nous ont dit ne pas vouloir s’exprimer par crainte d’être marginalisés au sein de leur fédération.

M. Sébastien Boueilh. Si nous avions fait face à de tels agissements dans une fédération, nous l’aurions signalé. Mais nous ne sommes pas confrontés à cette omerta. Je n’ai pas souvenir d’avoir reçu le témoignage d’un signalement non effectué, même si j’imagine que des défaillances ont pu intervenir.

[…]

M. Simon Latournerie. De notre point de vue, des mesures sont malgré tout prises, même si l’on peut toujours estimer qu’il faut aller plus loin. Par ailleurs, il est possible qu’un certain nombre d’affaires soient antérieures à la coopération avec Colosse aux pieds d’argile. Lors de la mise en place de notre coopération avec une fédération, nous nous attachons à obtenir toutes les informations et nous nous montrons vigilants.

b.   La vision plus critique du Comité éthique et sport dissous en 2022

La rapporteure a reçu la contribution écrite de Mme Véronique Lebar, ancienne présidente du Comité éthique et sport, association à but non lucratif composée de bénévoles, créée en juillet 2013 et dissoute en juin 2022 à l’initiative de son bureau.

La vision de Mme Lebar contraste singulièrement avec celle de Colosse aux pieds d’argile.

Le 12 avril 2022, le journal L’Équipe annonçait la dissolution du Comité éthique et sport, dont la présidente dénonçait un manque de volonté de changement de la part des institutions et l’immobilisme du monde sportif et des services de l’État ([341]).

« Tout est mis en place pour que le système ne change pas », regrettait-elle.

Dans sa contribution écrite, Mme Véronique Lebar fait part de nombreuses difficultés rencontrées par l’association avec différentes fédérations. Elle pointe en particulier une absence de transparence et de communication sur des faits de violence de la part de plusieurs fédérations ou des phénomènes de minimisation de ces violences.

Mme Lebar fait référence à une affaire de violences physiques, impliquant un athlète de la Fédération française d’athlétisme, médaillable aux Jeux olympiques, pour des faits de violence sur sa compagne, « simple » athlète. Fin 2020, l’avocat du Comité éthique et sport a saisi la commission de discipline de la Fédération française d’athlétisme. À deux reprises, la lettre de convocation à la victime, en vue de son audition par la commission de discipline, aurait été « oubliée ». Cette lettre lui serait ensuite parvenue après la réunion de la commission de discipline. Alors que la victime était absente, le procès-verbal de la réunion aurait été rédigé comme si la victime avait été présente. Enfin, une plainte a été déposée contre l’avocat du comité par la Fédération française d’athlétisme pour obstruction sur cette affaire. « Notre avocat a bien sûr gagné et le sportif médaillable a passé les derniers Jeux olympiques en prison », précise Mme Véronique Lebar. L’avocat du comité indique qu’il avait à plusieurs reprises alerté le ministère des sports de cette affaire et n’aurait jamais reçu la moindre réponse.

Véronique Lebar évoque également « le partenariat avec la Fédération française de natation qui devait nous envoyer leurs victimes afin que nos avocats, psychologues et médecins les accompagnent. Après un an de partenariat, aucune victime ne nous avait été envoyée alors que nous savions par une de nos connaissances à la fédération qu’il y avait de nombreuses victimes qui la contactaient pour une prise en charge. Après deux relances par nos avocats, précédées de deux entrevues avec les responsables fédéraux, nous avons rompu notre partenariat avec la fédération, qui comme pratiquement toutes les fédérations, recherchait un alibi en nouant ce partenariat avec nous, mais ne souhaitait absolument pas que nous nous occupions de l’objet de ce partenariat […]. La fédération a noué un partenariat avec Colosse aux pieds d’argile ».

Le Comité éthique et sport indique avoir rompu son partenariat avec la Fédération française de cyclisme pour les mêmes raisons.

Quant à la Fédération française de football, Mme Véronique Lebar souligne que le responsable de la cellule de traitement des violences ne tenait pas l’association au courant de toutes les affaires de violence, en particulier les affaires de harcèlement et d’abus sur mineurs à la section foot de la Salésienne.

Elle souligne que « le Comité éthique et sport n’était pas apprécié par les fédérations ».

« Il nous a été rapporté à de nombreuses reprises par diverses personnes du monde du sport », indique-t-elle, « qu’il était déclaré en réunion publique institutionnelle qu’il était préférable de ne pas travailler avec le comité mais plutôt avec Colosse aux pieds d’argile ». Elle précise que ces propos auraient été formulés à de très nombreuses reprises au CNOSF et au ministère des sports.

Mme Véronique Lebar souligne la grande proximité du directeur général de l’association Colosse aux pieds d’argile avec la ministre des sports.

Au cours sa présentation devant la commission d’enquête, Mme Roxana Maracineanu a en effet mis en avant le rôle clé de cette association, qui a elle-même salué l’action de la ministre : « Quelques semaines [après ma prise de fonctions], j’ai rencontré Colosse aux pieds d’argile, une association que vous avez auditionnée. Celle-ci m’a alertée sur le nombre de signalements qu’elle recevait et sur la nécessité de mettre en place un contrôle d’honorabilité des éducateurs bénévoles. Ce contrôle n’était pas mis en œuvre, alors qu’il était pourtant déjà inscrit dans le code du sport à l’époque. J’ai immédiatement lancé, avec Colosse aux pieds d’argile, un tour de France des Creps et des établissements du ministère, dont l’INSEP, pour sensibiliser les éducateurs et les sportifs à ces violences. » ([342])

Suite à un appel à projets, le Comité éthique et sport avait lui aussi signé une convention de partenariat avec le ministère des sports.

Mme Lebar indique que le ministère aurait décidé d’orienter les seules victimes majeures vers le comité, les autres étant renvoyées vers Colosse aux pieds d’argile « alors que », précise-t-elle, « la quasi-totalité des victimes sont mineures dans le sport ».

Elle fait également état de menaces de mort reçues par téléphone demandant à l’association d’arrêter ses travaux.

c.   Confier une mission d’évaluation de l’action des associations à l’autorité administrative indépendante chargée de l’éthique du sport

Mme Lebar souligne que l’association Colosse aux pieds d’argile est, par contraste avec le comité, « à but lucratif » et que les tarifs de ses prestations en matière de formation sont élevés, observation formulée à plusieurs reprises au cours des auditions conduites par la commission d’enquête.

Elle avance que Colosse aux pieds d’argile constitue « le partenaire de choix des fédérations car il ne se positionne jamais contre la fédération avec laquelle il est partenaire », ce qui en fait de son point de vue « l’alibi de choix des fédérations ».

Sans remettre en cause la qualité du travail de l’association, les travaux de la commission d’enquête indiquent en effet que les fédérations ont tendance à mettre en avant leur partenariat avec Colosse aux pieds d’argile comme preuve de leur engagement en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Il s’agit parfois du principal engagement de certaines fédérations sur le sujet de la lutte contre les violences dans leur contrat de délégation.

Évoquant en 2021 le partenariat envisagé par une fédération avec Colosse aux pieds d’argile, l’Inspection générale formule le même type d’alerte : « Il conviendra d’être vigilant à ce que le fait de confier certaines missions en matière de prévention des violences sexuelles ou d’accompagnement des victimes à une association spécialisée ne conduise pas la [fédération] à un désengagement sur ces questions. »

Dans son rapport d’étape de janvier 2020 ([343]), évoquant le tour de France de la sensibilisation, M. Patrick Karam avait également pointé certaines pratiques contestables s’agissant de l’intervention de Colosse aux pieds d’argile devant les professionnels : « Solliciter l’adhésion à l’association par une somme d’argent est totalement déplacé et fait perdre du crédit, d’autant que l’action est fortement soutenue par le ministère chargé des sports. L’association doit demeurer en axe avec la mission confiée. »

L’autorité administration indépendante dont la rapporteure appelle de ses vœux la création doit également permettre d’établir une stratégie de sensibilisation et d’accompagnement des victimes et de coordonner et évaluer précisément l’action des associations.

Recommandation  36 : Confier à l’autorité administrative indépendante chargée de l’éthique du sport la mission d’établir une stratégie de sensibilisation et d’accompagnement des victimes et de coordonner et évaluer précisément l’action des associations intervenant dans le champ de la lutte contre les violences.

4.   Confier la compétence disciplinaire des fédérations en matière de lutte contre les violences sexuelles à l’autorité administrative indépendante chargée de la protection de l’éthique du sport

« Nous proposons de réfléchir à la création d’une entité indépendante qui pourrait avoir la charge de la lutte contre les violences sexuelles et les discriminations. Cela permettrait de déporter cette problématique de nos fédérations et de lui assurer un traitement indépendant », a indiqué M. Jean Zoungrana, coprésident de la commission de lutte contre les violences sexuelles et les discriminations du CNOSF devant la commission d’enquête ([344]).

De fait, la création d’une telle entité a été préconisée par un très grand nombre de personnes entendues par la commission d’enquête et par le Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport.

La rapporteure est pleinement convaincue de la nécessité de transférer la compétence disciplinaire relative aux affaires de violences à une autorité indépendante qui pourrait le cas échéant intégrer l’Agence française de lutte contre le dopage, dont le champ serait élargi et la composition refondée.

Une telle évolution permettrait de réduire fortement le nombre d’interlocuteurs chargés de ces dossiers et de renforcer l’efficacité du triptyque prévention-sensibilisation-formation, ainsi que celle du traitement de ces affaires, au plan disciplinaire en particulier.

Elle pourrait également être chargée de superviser et évaluer l’action des fédérations dans le domaine de l’éducation et de la prévention.

Les affaires de violences sexuelles supposent une action et une supervision supra fédérale, afin d’éviter que les prédateurs sexuels, experts en matière de nomadisme d’évitement, bannis d’une discipline ou d’une fédération, ne puissent agir au sein d’une autre. Le sujet de la lutte contre les violences sexuelles ne peut donc être cloisonné au sein de chaque fédération sportive sans perdre en efficacité.

Le même type de constat avait déjà été formulé il y a quelques années, lors des révélations grandissantes sur des affaires de dopage dans le sport.

La réponse apportée par les pouvoirs publics avait alors consisté à tenir compte de la transversalité du sujet et de sa spécificité en créant en 1999, sous la forme d’une autorité administrative indépendante, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD). Ce conseil est ensuite une autorité publique indépendante, l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Depuis 2018, l’AFLD s’est vu transférer la compétence disciplinaire pour tous les faits de dopage à l’égard des licenciés des fédérations, antérieurement chargées de traiter ces dossiers.

L’objectif est notamment d’assurer une plus grande harmonisation dans les sanctions prononcées et donc de renforcer l’efficacité générale du dispositif.

Parallèlement au transfert de la cellule ministérielle de lutte contre les violences dans le sport, la rapporteure considère que l’externalisation du traitement disciplinaire actuellement géré par les fédérations, des dossiers de violences notamment sexuelles, serait de nature à assurer une plus grande efficacité et indépendance de ce traitement mais aussi une harmonisation et une transversalité qui font aujourd’hui défaut.

Ce choix a été fait par de nombreux pays à la pointe de ce combat en particulier les États-Unis, le Canada, la Suisse, la Finlande, l’Australie, la NouvelleZélande.

« En ce qui concerne le recueil de la parole, certains préconisent de continuer à travailler avec les associations spécialisées. Pourquoi ne pas envisager d’avoir demain une autorité indépendante pour traiter le recueil de la parole, qualifier les situations remontées, gérer les problématiques d’information auprès des fédérations et permettre une meilleure coordination entre procédures administratives et procédures judiciaires ? » s’est interrogé Ludovic Royé ([345]).

Recommandation  37 : Transférer la compétence disciplinaire des fédérations en matière de lutte contre les violences à une autorité administrative indépendante.

Dans l’attente de la création de cette autorité :

– enjoindre sans délai, sous peine de retrait de l’agrément aux fédérations qui n’en disposent pas, de se doter de dispositions relatives à la lutte contre les violences sexuelles dans leur règlement disciplinaire ;

– renforcer l’automaticité des mesures de suspension dès lors qu’un signalement relatif à un licencié est effectué ;

– présenter chaque année dans un rapport remis au Parlement et lors de la convention sur la prévention des violences dans le sport un bilan public et détaillé du suivi de toutes les affaires de violences par la cellule, les services déconcentrés, les fédérations et les associations ;

– en tirer les conséquences en termes de sanction ou de retrait de délégation ;

– assurer aux sanctions les conditions de transparence indispensables pour rétablir la confiance des pratiquants et afficher une volonté politique claire d’accorder une « tolérance zéro » en matière de violences sexuelles ;

– assurer une transférabilité entre fédérations des sanctions ou des informations sur les mesures disciplinaires, afin de limiter les risques de récidive dans une autre fédération.

5.   Le cas de l’INSEP : les graves défaillances de la politique de lutte contre les violences d’un établissement public et de son ministère de tutelle

La rapporteure a déjà évoqué en détail dans la première partie du présent rapport d’enquête les carences de l’action de l’État dans sa mission de contrôle et d’orientation de l’action des fédérations. Les travaux de la commission d’enquête révèlent également des carences du ministère dans son rôle de tutelle d’un établissement public.

a.   Les nombreux manquements révélés par les travaux de la Commission

L’audition, le 5 octobre 2023, de M. Fabien Canu, directeur général de l’INSEP ([346]), ainsi qu’un contrôle sur pièces et sur place, ont révélé de graves manquements dans la politique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes au sein de cet établissement sous tutelle du ministère des sports :

– un déficit d’information, à travers un circuit de signalement dont le directeur général a reconnu, lors du contrôle, qu’il était « obsolète » et « prêtait à confusion », et une communication insuffisante et erronée sur la cellule Signal-sports ;

– un déficit de formation et de sensibilisation. La direction générale de l’INSEP s’est déclarée privée des moyens d’obliger les sportifs majeurs à assister aux formations organisées au sein de l’INSEP sur les violences, alors qu’une simple modification du règlement intérieur de l’établissement ou une clause dans les conventions qui lient l’INSEP aux fédérations permettraient aisément de remédier à cette situation ;

– un défaut de signalement de cas d’agressions sexuelles : une absence de signalement en application de l’article 40 du code de procédure pénale dans un cas d’agression par un agent de sécurité et un signalement tardif dans un autre ([347]) ;

– une politique disciplinaire défaillante marquée notamment par l’absence de convocation d’une commission disciplinaire à la suite du signalement de Mme Claire Palou ;

– une interprétation plus que contestable de la notion de consentement.

Le 10 octobre 2023, la rapporteure et la présidente de la commission d’enquête ont écrit à Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, pour l’alerter de cette situation préoccupante. La ministre des sports leur a répondu le 24 novembre 2023 ([348]).

b.   Les actions correctrices engagées par la ministre à la suite des défaillances révélées par la commission d’enquête

Le 16 novembre 2023, Mme Amélie Oudéa-Castéra a déclaré devant la commission d’enquête :

« J’ai jugé, compte tenu des témoignages recueillis dans le cadre de votre commission d’enquête, qu’il était de mon devoir d’écrire une lettre au directeur général de l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), ce que j’ai fait dès le 11 octobre dernier, et la directrice des sports a fait de même s’agissant de l’ensemble des établissements, le 9 novembre dernier, pour demander qu’il y ait un renforcement de l’information sur l’existence de la plateforme et ses modalités de fonctionnement et, au-delà des questions de communication, une amélioration de la pédagogie au sujet des circuits de signalement, des modalités de prise en charge des victimes et de la prévention de toutes les situations à risque.

« Dans les jours qui ont suivi, j’ai fait un point détaillé avec la sous-directrice suivant le pilotage de ces sujets, afin de recenser tous les leviers que nous devons renforcer à l’INSEP, mais aussi dans les établissements.

« Un plan d’action complet est en train d’être finalisé dans ce domaine : il ira jusqu’à décliner, au cœur de la convention d’objectifs et de moyens (COM) de l’INSEP et des conventions de collaboration entre l’INSEP et les différentes fédérations, ces exigences, afin de construire un maillage juridique serré et d’augmenter le niveau d’exigence et de mobilisation de l’ensemble des outils déployés.

« Je sais qu’il vous est revenu que le déclenchement de l’article 40 par le directeur général de l’INSEP, à la suite des accusations d’agressions sexuelles formulées par Claire Palou, était intervenu avant son audition par votre commission d’enquête. Il a d’ores et déjà pris la décision de multiplier par deux la taille de la cellule chargée de la lutte contre les violences.

« J’ai rappelé à la directrice des sports et à la sous-directrice responsable du contrôle de ces établissements que je voulais que les procédures disciplinaires soient conduites avec davantage d’exigence.

« Dans l’affaire Palou, je n’ai pas compris que la commission de discipline n’ait pas elle aussi été saisie. Je l’ai dit tout à l’heure, l’articulation entre les procédures administratives, judiciaires et disciplinaires est essentielle et fait la force de notre dispositif. Saisir la justice est insuffisant dans ce type de circonstances : il faut aller au bout des responsabilités en matière disciplinaire. » ([349])

Là encore, une telle inertie est stupéfiante. Que ces enjeux affichés comme prioritaires ne figurent pas encore comme il se doit dans le contrat d’objectifs et de performance (COP) de l’établissement et dans les conventions qui lient l’INSEP aux fédérations est incompréhensible, d’autant que la ministre des sports, et le ministère plus généralement, ne peuvent pas affirmer avoir découvert ces problèmes à l’occasion d’une audition par une commission d’enquête.

c.   Des dysfonctionnements d’autant moins explicables que des alertes avaient été formulées sur les insuffisances de la politique de lutte contre les violences de l’INSEP à la ministre

Lors de son audition par la commission d’enquête, le 20 juillet 2023, M. Sébastien Boueilh, président de Colosse aux pieds d’argile, a indiqué avoir alerté les deux ministres sur la situation de l’INSEP : « Il se passe malheureusement beaucoup de choses à l’INSEP depuis des années.

« Je l’ai indiqué aux deux dernières ministres des sports, mais aussi lors de mon audition devant une commission sénatoriale.

« Lors de nos interventions, de nombreux sportifs de haut niveau nous parlent de l’INSEP. Malheureusement, l’omerta semble y régner. Pourtant, lors de ma dernière audition, un ancien directeur de l’INSEP a confirmé mes dires.

« Il s’agit là d’un sujet que le ministère des sports doit prendre à bras-le-corps. En dix ans d’intervention, la seule fois où je n’ai eu aucun public devant moi, c’était à l’INSEP. On peut donc se poser des questions. » ([350])

Pour mémoire, l’association avait été mandatée pour réaliser un tour de France des Creps et des établissements publics dès 2019, afin de sensibiliser les jeunes athlètes et leurs encadrants.

Le rapport inachevé précité de M. Patrick Karam de janvier 2020 attirait lui aussi l’attention sur le fait que « l’enquête réalisée en 2014 par la direction des sports auprès des établissements relevant de la tutelle du ministère chargé des sports quant aux cas liés aux violences sexuelles et au bizutage […] démontre l’existence d’une omerta dans le secteur puisque treize Creps et l’INSEP n’ont signalé aucun fait les trois dernières années. Les quatre CREPS qui ont signalé les faits sanctionnés entre septembre 2011 et avril 2014 ont mentionné 14 cas au total ».

Le rapport indiquait que « les agressions sexuelles comme le bizutage devraient être mieux pris en compte dans les établissements publics nationaux comme l’INSEP. »

Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, a pourtant affirmé n’avoir pas eu connaissance de dysfonctionnements à l’INSEP, avant l’audition de M. Fabien Canu par la commission d’enquête.

d.   Le contrôle sur pièces réalisé par la rapporteure a permis de mettre en lumière le traitement plus que contestable d’une autre affaire

La rapporteure n’a pas pu examiner l’ensemble des dossiers traités à l’INSEP mais a examiné de près une affaire mentionnée par M. Fabien Canu lors de son audition, concernant une athlète qui a témoigné devant la commission d’enquête.

La présentation de l’affaire par le directeur général de l’INSEP et le président de la Fédération française d’escrime

M. Fabien Canu a présenté cette affaire de la manière suivante : « Dans une affaire précédente qui a concerné l’établissement et qui impliquait d’ailleurs Emma Oudiou, une exclusion définitive d’un jeune athlète de l’INSEP a été prononcée mais la justice a ensuite classé le dossier. Dès lors, le jeune athlète et sa fédération ont demandé qu’il soit réintégré. L’établissement a également été attaqué pour le manque à gagner que cette personne aurait subi pendant sa période d’exclusion. À cette époque, nous l’avons réintégré avec tout de même la mise en place de mesures de contraintes : il ne pouvait venir que deux fois par semaine et il n’avait le droit d’aller qu’à la salle d’entraînement, sans pouvoir utiliser les services de l’INSEP. La personne qui avait porté le signalement a aussi été informée avec un dispositif associé, sachant que la salle d’entraînement où elle s’entraînait était située juste à côté de celle du sportif mis en cause. » (1)

M. Bruno Gares, ancien président de la Fédération française d’escrime, a apporté les éléments d’explication suivants : « Je tiens à souligner que la fédération n’est pas à l’origine de la demande de réintégration, mais le sportif à travers ses avocats. Une enquête menée par le procureur de la République avait effectivement abouti à un non-lieu. L’athlète avait par conséquent saisi un avocat qui avait mis en avant l’absence de condamnation et d’accusations, soulignant que celui-ci avait été accusé à tort. C’est la raison pour laquelle nous avons été contraints d’effectuer une demande auprès de l’INSEP pour que l’athlète puisse reprendre l’entraînement. Il a cependant été affecté sur des situations externes, accompagné, se rendait à l’entraînement et ressortait. […] Nous pourrions dire qu’il était chaperonné. Le procureur de la République n’a pas suivi cette affaire et l’a arrêtée. [] Le sportif a demandé à réintégrer l’INSEP et la contrepartie de ne pas porter plainte contre l’INSEP a consisté à ôter la plainte contre l’INSEP. » (2)

(1)    Compte rendu  19.

(2)    Compte rendu  32.

Le dossier fait apparaître qu’à la suite de signalements à l’encontre d’un sportif pour faits de harcèlement et violences sexuelles, M. Ghani Yalouz, ancien directeur général de l’INSEP, a prononcé une exclusion temporaire à titre conservatoire le 8 mars 2021, pour non-respect de l’article 2 du règlement traitant du comportement des personnes.

Le 28 mai, M. Yalouz prononce, sur proposition du conseil de discipline de l’établissement, une exclusion définitive à l’encontre du sportif, compte tenu des faits qui lui sont reprochés et qui « constituent des manquements graves et avérés aux dispositions du règlement intérieur de l’INSEP ». La décision du conseil de discipline indique que le sportif n’a pas reconnu les faits qui lui étaient reprochés mais n’a pas tout nié.

La plainte d’une des deux jeunes femmes concernées par les agissements de ce sportif sera cependant classée sans suite le 23 mars 2022, l’infraction étant insuffisamment caractérisée, ce qui est fréquent en matière d’agressions sexuelles, compte tenu de la difficulté à réunir des preuves, comme l’a souligné le Procureur de la République de Rennes, Philippe Astruc, lors de son audition ([351]).

Fin juin 2022, le sportif a demandé l’annulation de la décision d’exclusion devant le tribunal administratif et porté plainte du chef de dénonciation calomnieuse à l’encontre de la victime.

Se fondant sur ce classement sans suite, la fédération, dont l’ancien président évoque un « non-lieu » et en déduit que le mis en cause a « été accusé à tort », demande la réintégration du sportif par un courrier du 19 septembre 2022.

Le 24 novembre 2022, sans convoquer à nouveau le conseil de discipline, M. Canu a pris la décision de réintégrer le sportif selon des modalités encadrées, décision validée par la direction des sports qui confirme qu’« au regard de la décision judiciaire rappelée par l’établissement d’une part et des conditions strictes de prise en charge de l’athlète fixées par l’INSEP (statut d’externat et accès au site circonscrit à la salle d’entraînement) d’autre part, la direction des sports a considéré que les conditions de sécurité étaient réunies pour ne pas s’opposer à la décision du directeur général de l’INSEP ».

La rapporteure estime que cette décision va à l’encontre d’une politique volontariste dite de « tolérance zéro » contre les violences sexuelles et sexistes.

Les arguments juridiques avancés tant par le directeur général de l’INSEP, que par le président de la fédération, ainsi que par la direction des sports, reflètent une méconnaissance du principe d’indépendance des procédures disciplinaires et pénales.

Le classement sans suite n’emportait aucune conséquence sur une décision d’exclusion définitive qui a été remise en cause sans nouvelle convocation du conseil de discipline.

M. Fabien Canu a indiqué que « l’établissement a également été attaqué pour le manque à gagner que cette personne aurait subi pendant sa période d’exclusion » ([352]). « Loin de moi l’idée de remettre en cause les témoignages des victimes, mais nous sommes obligés d’être prudents dans ce type de situations », a globalement plaidé le directeur général.

Après vérification, cette présentation était également fausse et de nature à induire en erreur la commission d’enquête : les avocats du mis en cause n’ont demandé que le remboursement des frais exposés dans le cadre du recours pour annulation de la décision d’exclusion.

D.   Les failles de la politique de prévention

Un reportage d’Enquête exclusive diffusé le 19 novembre 2023 sur la chaîne de télévision M6 a mis en lumière le scandale d’un système défaillant dans la protection des enfants dans le football ([353]). Le reportage révèle des situations particulièrement révoltantes, notamment la décision d’un président de club de renouveler la licence d’un entraîneur pédophile condamné, mis au contact d’enfants qui ont subi des attouchements.

L’enquête illustre l’incapacité des fédérations et du ministère à effectuer des contrôles adéquats, laissant ainsi trop d’enfants à la merci de prédateurs.

Dans le sillage de la diffusion de ce reportage, la ministre a annoncé de nouvelles mesures pour combler les brèches du système, alors que le comité qu’elle avait chargé de formuler des propositions pour renforcer la protection des pratiquants est resté totalement silencieux sur cet enjeu majeur.

L’enquête de Disclose publiée fin 2019 faisait état d’un « taux de récidive touchant près d’une affaire d’infraction sexuelle sur deux qui impliquent aussi bien les éducateurs sportifs professionnels que les bénévoles dans 28 disciplines sportives, dont le football, la gymnastique, l’équitation, l’athlétisme, le tir à l’arc, le roller, le handisport ou les échecs… » Le contrôle de l’honorabilité des éducateurs sportifs professionnels et bénévoles doit donc constituer un volet majeur de la politique de lutte contre le fléau des violences sexuelles dans le sport.

La loi est claire depuis 2006 : toute personne condamnée pour certaines infractions pénales, dont les infractions à caractère sexuel, est interdite d’encadrer une activité sportive, que ce soit à titre bénévole ou rémunéré ([354]).

L’application de la loi implique donc de vérifier que les 220 000 éducateurs professionnels et les 2 millions d’éducateurs bénévoles du monde sportif au contact d’un public vulnérable, en particulier mineur, n’aient pas fait l’objet d’une condamnation pénale incompatible avec ces fonctions.

Or, jusqu’en 2021, le contrôle de l’honorabilité s’opérait uniquement, selon des modalités lacunaires, lors de la délivrance de la carte professionnelle des éducateurs sportifs professionnels, laissant deux millions de bénévoles encadrer des mineurs sans contrôle de leurs antécédents judiciaires.

Le contrôle de l’honorabilité des bénévoles a fait l’objet d’une mise en œuvre particulièrement tardive qui reste très incomplète puisqu’on estime à 800 000 le nombre d’encadrants dont l’honorabilité n’a pas été vérifiée quatre ans après l’annonce de la généralisation du contrôle.

On est donc en ce domaine très loin d’une politique de « tolérance zéro ».

Interrogé sur le nombre de récidives dans les signalements reçus par la cellule Signal-sports et l’état du contrôle de l’honorabilité des personnes mises en cause, le ministère des sports a apporté des éléments de réponse incomplets.

Sur les 513 mesures prononcées par les préfets de départements au 2 novembre 2023, Mme Fabienne Bourdais a indiqué, lors du second contrôle sur pièces et sur place réalisé au ministère des sports, qu’il y avait 123 notifications d’incapacités liées à un signalement ayant donné lieu à une condamnation pénale incapacitante. La directrice des sports précise qu’il s’agit donc de personnes qui avaient des antécédents judiciaires.

Sur ce sujet également, un choc de contrôle et de transparence apparaît urgent pour lutter sérieusement contre les violences sexuelles.

1.   Des failles dans le contrôle de l’honorabilité des éducateurs professionnels rémunérés

« Nous avons amélioré la portée du contrôle d’honorabilité, en le systématisant de manière beaucoup plus rigoureuse pour tous les éducateurs sportifs professionnels », a fait valoir Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports ([355]).

La ministre des sports est particulièrement consciente de cet enjeu compte tenu des lacunes du contrôle des cartes professionnelles dans le monde du tennis (cf. infra).

Sans avoir pu obtenir les éléments permettant d’évaluer le respect du cadre par les acteurs dans ce domaine comme dans d’autres, les informations auxquelles la rapporteure a eu accès indiquent que le contrôle des éducateurs professionnels n’a longtemps pas été mis en œuvre de manière rigoureuse et que ce contrôle présente encore des failles très importantes.

i.   Malgré l’incapacité ou le refus du ministère des sports de communiquer un état du contrôle des éducateurs professionnels, les éléments dont dispose la rapporteure révèlent des failles importantes

Pour être éducateur sportif rémunéré, il faut en théorie avoir une carte professionnelle, qui est délivrée à l’issue d’une double vérification portant sur la qualification et l’honorabilité. Tout éducateur sportif qui souhaite exercer contre rémunération doit ainsi se déclarer auprès du service de l’État chargé des sports (SDJES) de son principal lieu d’exercice. Le SDJES instruit le dossier de l’éducateur sportif et lui délivre, ou pas, une carte professionnelle après avoir vérifié les certifications ouvrant droit à cette délivrance, son honorabilité et l’absence de mesure administrative d’interdiction ou d’injonction de cesser d’exercer.

L’honorabilité de l’éducateur est en théorie vérifiée annuellement grâce au croisement de trois fichiers :

– le bulletin numéro 2 du casier judiciaire (B2) ;

– le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (FIJAISV) ;

– le fichier des interdits administratifs, qui relève de la responsabilité du ministère des sports.

Si l’éducateur a fait l’objet d’une interdiction d’exercer dans un département et qu’il demande une carte professionnelle dans un autre département, le dispositif bloque la demande et la carte professionnelle ne lui est pas délivrée.

Le ministère des sports rappelle que les dirigeants associatifs doivent systématiquement et régulièrement contrôler sur le portail de déclaration des éducateurs sportifs ([356]) que les éducateurs sportifs qu’ils emploient détiennent bien une carte professionnelle en cours de validité et ne font l’objet d’aucune interdiction d’exercer. À défaut, l’employeur s’expose à des poursuites pénales pour travail illégal.

Sur l’année écoulée, 70 000 bulletins n° 2 et 82 000 consultations du FIJAISV ont été demandés pour les éducateurs sportifs professionnels, a précisé lors de son audition par la commission d’enquête M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice ([357]). Ces chiffres révèlent un écart surprenant entre le nombre de vérifications des bulletins n° 2 et celles du FIJAISV. S’agissant en principe d’un contrôle annuel, on ne peut que s’étonner que ces chiffres soient très inférieurs au nombre total d’éducateurs sportifs professionnels, soit 220 000. Interrogée lors du second contrôle sur place effectué au ministère des sports le 18 décembre 2023, la directrice des sports n’a pas pu apporter d’éclaircissements.

Illustration d’une défaillance relevée par l’Inspection générale dans le contrôle de l’honorabilité d’un éducateur professionnel

Dans le dossier concernant M. XX, condamné à la fin des années 2000 à deux ans de prison dont un ferme pour des faits d’agression sexuelle sur mineure, dans le cadre d’un enseignement sportif, il est apparu que malgré le jugement définitif du tribunal correctionnel transmis à la direction départementale de la jeunesse et des sports (DDJS), cette dernière n’a pas notifié de mesure d’interdiction à cet éducateur, se bornant, durant plusieurs années, à constater l’absence d’inscription de cette condamnation sur le B2 de l’intéressé.

Ces carences de l’administration, conjuguées à une complaisance manifeste du club employeur de cet éducateur et une absence d’action particulière de la part de la fédération, de ses instances déconcentrées pourtant informées, ont permis à cet éducateur condamné définitivement, de poursuivre son activité.

Il a également pu suivre une formation, obtenir un diplôme d’État de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (DEJEPS) et se voir remettre une distinction des mains du président de la fédération pour son activité d’enseignant.

Ce n’est qu’à partir de la fin de l’année 2019, et de la publication d’un article de presse relatant cette situation, que son interdiction d’exercer lui sera notifiée par l’administration et que la fédération engagera à son encontre une procédure disciplinaire, principalement d’ailleurs pour avoir exercé malgré une interdiction.

« Hier, certaines fédérations mettaient à des postes à responsabilité, y compris en équipe de France, des éducateurs dont l’honorabilité n’avait pas été contrôlée », a témoigné lors de son audition Mme Roxana Maracineanu, ancienne ministre déléguée chargée des sports. « J’ai dû rappeler aux fédérations que seuls les éducateurs diplômés d’État pouvaient exercer moyennant rémunération et qu’elles devaient vérifier l’honorabilité de ces personnes. » ([358])

Sans que la rapporteure ait pu obtenir du ministère un point sur l’évolution de ce contrôle, la déclaration de la ministre des sports révèle des lacunes.

Lors du second contrôle effectué au ministère des sports, Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, a précisé que 17 % du staff olympique des Jeux olympiques de Tokyo ne disposaient pas d’une carte professionnelle.

Par ailleurs, le bilan de la cellule Signal-sports, en novembre 2023, montre que sur les 784 éducateurs sportifs mis en cause, 573 étaient des éducateurs professionnels ou stagiaires rémunérés, dont 73 % seulement disposaient d’une carte professionnelle valide.

S’agissant de l’obligation de déclaration des éducateurs sportifs rémunérés, le rapport de l’Inspection générale sur la Fédération française de football a pointé des chiffres « assez étonnants : 8 900 éducateurs sportifs rémunérés sont déclarés dans le domaine du football sur un total de 202 500.

« Le football représenterait donc 4,4 % des éducateurs sportifs rémunérés, tous sports confondus. Si l’on retient le chiffre de 12 068 clubs communiqué par la FFF dans ses observations, on devrait considérer que moins de 74 % des clubs rémunèrent leurs éducateurs.

« Ces chiffres paraissent assez faibles au regard des pratiques habituelles des clubs qui selon leur vocabulaire « indemnisent » la plupart des éducateurs sportifs. Pourtant, les titres à finalité professionnelle (TFP), qui ont été créés par la FFF précisément pour répondre très finement aux besoins fédéraux permettent d’encadrer contre rémunération et dès lors on ne mesure pas ce qui pourrait faire obstacle à la déclaration des éducateurs rémunérés. L’intérêt de cette déclaration, au cas particulier de ce rapport, est qu’elle permet de contrôler le casier judiciaire B2 de chaque éducateur déclaré.

« En négligeant de promouvoir ces dispositions obligatoires, la FFF se prive, selon la mission, d’un levier important de lutte contre les violences sexistes et sexuelles ». ([359])

Dans le rapport sur la Fédération française de judo, on peut également lire que la nouvelle gouvernance de la fédération estimait que 30 % des cartes professionnelles étaient à jour ([360]).

Les rapporteurs observaient que la vérification de l’honorabilité restait perfectible : « À partir des différentes auditions réalisées, la mission a pu constater que les [règles en ce domaine], pourtant anciennes sont également mal connues des dirigeants ou bien encore que certains d’entre-deux pensent faire offense à un professeur de judo connu et reconnu en lui demandant de produire sa carte professionnelle. »

La rapporteure a demandé un point sur le contrôle des éducateurs professionnels au ministère des sports qui n’a transmis aucune information permettant d’évaluer la manière dont il s’acquitte de cette mission et d’évaluer le nombre d’éducateurs professionnels dont la carte professionnelle n’est pas à jour et dont l’honorabilité n’a pas été contrôlée comme il se doit.

Une situation incertaine à la Fédération française de tennis

La rapporteure a été alertée sur des insuffisances à la Fédération française de tennis en ce domaine, comme en témoigne l’objectif de « déploiement d’une campagne de régularisation des cartes professionnelles » inscrit dans son contrat de délégation.

Aucun élément sur ce sujet ne figure dans le bilan d’exécution du contrat de délégation de la FFT transmis par le ministère à la demande de la rapporteure.

Interrogée sur l’état d’avancement de cet objectif, la direction des sports a indiqué que 9 038 éducateurs sportifs sont titulaires d’une carte professionnelle en cours de validité, en précisant qu’elle peut communiquer le nombre de cartes délivrées à des enseignants en tennis (9 038), sans connaître leur employeur ou leur cadre d’intervention (au sein de la Fédération française de tennis ou non). Relancée, elle n’a pas précisé le taux d’éducateurs sportifs titulaires d’une carte professionnelle en cours de validité.

Quant à la Fédération française de tennis, elle évalue le taux d’enseignants disposant d’une carte professionnelle à près de 90 %, et indique que « pour relancer les enseignant(e)s qui ne seraient pas à jour de leur carte professionnelle, nous avions échangé il y a trois ans, avec le ministère des sports afin qu’il nous communique la situation de nos enseignant(e)s. Pour des raisons de respect des règles de protection des données personnelles, il n’a pas été fait suite à notre demande. Mais le ministère nous a donné un tableau de taux de détention par région, lequel, après retraitement, avait permis de calculer le taux de détention en 2021 à 75,76 %. Une nouvelle requête a été faite en septembre 2023. À cette occasion, le ministère nous a indiqué qu’il était dans l’impossibilité de nous transmettre ces informations car le logiciel de gestion des cartes professionnelles était en cours de changement. […] Pour améliorer ce résultat, nous avons renforcé nos actions de prévention et de sensibilisation. Toutefois sans une nécessaire collaboration avec les services du ministère des sports, nous ne sommes pas en mesure d’évaluer complètement l’efficacité de nos actions. […] Enfin […] en début d’année 2023, un sondage a été fait auprès des dirigeants sur le contrôle des cartes professionnelles dans le cadre d’une enquête sur les salaires des enseignants. Sur 553 réponses, le taux moyen de contrôle systématique déclaré est de 88 % ».

Interrogée sur ce sujet lors du deuxième contrôle sur pièces et sur places réalisé par la rapporteure au ministère des sports le 18 décembre 2023, la directrice des sports n’a pas confirmé ces informations transmises par la FFT.

ii.   Une même absence de données sur le contrôle des cadres d’État

Ce n’est que depuis 2020 que le ministère exige de ses cadres d’État, les conseillers techniques sportifs, le même contrôle systématique que celui en vigueur pour tous les éducateurs sportifs dotés d’une carte professionnelle. En application des instructions du ministère, ils doivent se télé-déclarer « éducateurs sportifs » sur le site des éducateurs sportifs et des exploitants d’établissements et d’activités physiques et sportives (EAPS), et obtenir une carte professionnelle.

Interrogée sur le respect de cette obligation, la direction des sports a indiqué ne pas disposer « des données consolidées au niveau national dans la mesure où les cartes professionnelles sont délivrées au niveau départemental par l’application EAPS. Toutefois l’enquête réalisée en 2021 après avoir initié la démarche avait conduit au constat de 71,65 % de cartes délivrées ».

Alors que des cadres d’État ont été mis en cause dans différentes affaires et que le ministère se doit d’être particulièrement exemplaire, ces (absences de) réponses apparaissent préoccupantes.

Les données sur les signalements effectués auprès de la cellule nationale indiquent que 53 mis en cause avaient un statut d’agent public au moment des faits, dont 15 issus du ministère des sports. La rapporteure n’est pas en mesure d’apprécier si l’honorabilité de ces agents avait été vérifiée.

2.   « Nous avons déjà trop attendu » : une mise en œuvre du contrôle de l’honorabilité des bénévoles tardive et insuffisante

S’exprimant sur la mise en œuvre insuffisante du contrôle de l’honorabilité des bénévoles par de nombreuses fédérations, Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, a estimé qu’il n’était « plus possible aujourd’hui que des fédérations ne soient pas au rendez-vous en matière de contrôle de l’honorabilité » ([361]). Et la ministre des sports, Mme Amélie Oudéa-Castéra, de reconnaître : « Nous avons déjà trop attendu. » ([362])

Force est de constater que ni les fédérations, ni le ministère, ne sont au rendez-vous sur ce volet essentiel de la lutte contre les violences sexuelles.

a.   Le sport, parent pauvre de la protection des mineurs : une mise en œuvre tardive par le ministère des sports

C’est l’une des caractéristiques du monde sportif associatif en France : il repose largement sur les bénévoles, qui sont plus de deux millions à assurer quotidiennement des fonctions d’encadrement au sein des clubs sportifs.

S’il constitue le poumon du sport français, comme indiqué dans la première partie du présent rapport d’enquête, le bénévolat constituait pourtant jusqu’en 2021 un angle mort dans la protection des mineurs.

Alors que la loi fixait depuis 2006 des conditions d’honorabilité pour les éducateurs bénévoles ([363]), aucun contrôle n’était effectué pour la garantir.

Dans son rapport précité de septembre 2014 relatif à la prévention des violences sexuelles dans le sport, l’inspection générale avait appelé à mettre en œuvre, après expérimentation, un contrôle a priori des conditions d’honorabilité des bénévoles ([364]).

En janvier 2020, M. Patrick Karam avait pointé, dans son rapport inachevé, « des mises en danger et des récidives en raison des failles liées au contrôle de l’honorabilité des intervenants » ([365]).

Une expérimentation ne verra le jour qu’en 2019 en Centre-Val-de-Loire, par les services de l’État en partenariat avec la Fédération française de football, à la suite de plusieurs condamnations médiatisées successives pour maltraitance ou prédation sexuelle d’éducateurs dont les antécédents n’avaient pas été vérifiés par des clubs de football.

Il a fallu attendre février 2020 pour que la ministre chargée des sports annonce sa volonté d’appliquer enfin la loi.

Un contrôle automatisé de l’honorabilité des encadrants bénévoles a été rendu possible grâce au développement d’un outil informatique, permettant une consultation généralisée et sécurisée du fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV).

Le dispositif permettant d’effectuer le contrôle de l’honorabilité des bénévoles n’est donc opérationnel que depuis la rentrée sportive de septembre 2021 et sa mise en œuvre à fin 2023 par les fédérations était encore très partielle.

Une extension progressive du périmètre de l’obligation d’honorabilité imposée par le code du sport

Depuis 2006

– toute personne exerçant, à titre rémunéré ou bénévole, des fonctions d’entraînement, d’enseignement, d’animation ou d’encadrement d’une activité physique et sportive, à titre principal ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle (art. L. 212-9 du code du sport) ;

 tout exploitant d’un établissement d’activités physiques et sportives (art. L. 322-1 du code du sport).

Extension par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République (article 64)

– tous les intervenants au contact de mineurs dans un équipement sportif ;

– tous les arbitres et juges-sportifs ;

– tous les maîtres-nageurs

Extension par la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France (art. 56)

– tous les entraîneurs, encadrants, dirigeants, arbitres de e-sport et de jeux vidéos.

Les incapacités visées par le contrôle de l’honorabilité

Sont visées les condamnations pour l’un des crimes ou délits suivants :

1° Au chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal (« Des atteintes à la vie de la personne »), à l’exception du premier alinéa de l’article 221-6 (homicide involontaire par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement) ;

2° Au chapitre II du même titre II (« Des atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne », notamment viol ou agression sexuelle), à l’exception du premier alinéa de l’article 222-19 (atteinte involontaire à l’intégrité de la personne par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 3 mois) ;

3° Aux chapitres III (« De la mise en danger de la personne »), IV (« Des atteintes aux libertés de la personne »), V (« Des atteintes à la dignité de la personne ») et VII (« Des atteintes au mineur et à la famille » et notamment, atteinte sexuelle sur mineur) dudit titre II ;

4° Au chapitre II du titre Ier du livre III du même code (« De l’extorsion ») ;

5° Au chapitre IV du titre II du même livre III (« Des détournements ») ;

6° Au livre IV du même code (« Des crimes et délits contre la nation, l’État et la paix publique ») ;

7° Aux articles L. 235-1 (conduite après usage de stupéfiants et conduite sous l’empire d’un état alcoolique) et L. 235-3 (refus de se soumettre au dépistage de substances ou plantes classées comme stupéfiants) du code de la route ;

8° Aux articles L. 3421-1 (usage de stupéfiants), L. 3421-4 (provocation à l’usage de stupéfiants ou au trafic de stupéfiants ou fait de présenter ces infractions sous un jour favorable) et L. 3421-6 (refus de se soumettre au dépistage de stupéfiants) du code de la santé publique ;

9° Au chapitre VII du titre Ier du livre III du code de la sécurité intérieure (infractions à la législation sur les armes) ;

10° Aux articles L. 212-14 (violation d’une interdiction administrative d’enseigner, d’animer ou d’encadrer une activité physique ou sportive), L. 232-25 à L. 232-27 (infractions en matière de lutte contre le dopage), L. 241-2 à L. 241-5 (infractions en matière de lutte contre le dopage animal) et L. 332-3 à L. 332-13 (infractions en matière de sécurité des manifestations sportives) du code du sport ;

11° Crime ou délit à caractère terroriste.

Au total ce sont environ 3 millions de bénévoles ou professionnels dont les FIJAISV devraient être annuellement consultés au moment de la prise de licence dans une fédération sportive.

b.   Une mise en œuvre encore très insuffisante par les fédérations

Au 6 novembre 2023, soit quatre ans après l’annonce d’une volonté de généraliser enfin le contrôle des bénévoles, seul 1,2 million d’identités de bénévoles avaient vu leur honorabilité vérifiée, sur un total estimé à 2 millions de bénévoles dans le champ du contrôle ([366]). 165 incapacités ont été notifiées dans ce cadre.

Si la montée en charge est réelle et la rapporteure ne mésestime pas l’ampleur de la tâche et du chemin parcouru, quatre ans après l’annonce d’une généralisation du contrôle, on en est encore loin.

Une trentaine de fédérations ont été identifiées par le ministère des sports comme n’étant pas, selon les termes de Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, « au rendez-vous ».

« Soit les contrôles n’ont pas encore débuté, soit ils sont très loin de couvrir le nombre de personnes qui doivent l’être. Il peut arriver ainsi que le nombre d’individus soumis au contrôle d’honorabilité soit manifestement inférieur à celui des personnes qui relèvent du périmètre de ce contrôle », a précisé la directrice des sports ([367]).

Le ministère n’a transmis dans un premier temps que le nombre d’identités contrôlées par fédération ([368]).

Il a fallu relancer le ministère pour obtenir des éléments permettant d’identifier ces fédérations « en retard ».

La direction des sports a précisé qu’elle n’a pas connaissance du nombre exact de bénévoles qui entrent dans le champ du contrôle d’honorabilité par fédération, dans la mesure où « les fonctions de bénévole dans une association ne relèvent d’aucune obligation de déclaration permettant à l’administration de connaître cette donnée ». Comme évoqué précédemment, le choix a été fait de ne pas imposer une telle obligation jugée trop contraignante par le ministère des sports.

Au regard du nombre de licenciés et du nombre de clubs affiliés, la direction des sports estime une cible théorique du nombre de bénévoles à soumettre au contrôle et considère qu’un ratio entre le nombre d’identités déposées et le nombre de licences de moins de 5 % est anormalement faible.

Le tableau transmis par la direction des sports, ci-dessous, montre que trente fédérations n’ont déposé aucun fichier sur le SI-Honorabilité. De plus, 12 sont identifiées par le ministère des sports comme n’ayant déposé que très peu de fichiers par rapport au nombre de licenciés.

La rapporteure regrette que la direction des sports n’ait pas transmis à la commission d’enquête ces estimations fédération par fédération, afin de lui permettre de porter une appréciation sur la situation de l’ensemble des fédérations.

Le tableau montre que ce sont au moins 42 fédérations qui ne sont pas « au rendez-vous ».

Fédérations sportives n’ayant déposé aucun fichier sur le SI-honorabilité ou très peu de fichiers par rapport à leur nombre de licenciés
(au 6 novembre 2023)

Fédérations délégataires n’ayant déposé aucun fichier sur le SI-honorabilité

Fédérations agréées n’ayant déposé aucun fichier sur le SI-honorabilité

Fédérations délégataires n’ayant déposé que très peu de fichiers par rapport au nombre de licenciés

Fédérations agréées n’ayant déposé que très peu de fichiers par rapport au nombre de licenciés

Fédération française de pentathlon moderne

Fédération française de boxe américaine et disciplines associées

Fédération française montagne et escalade : 49

Fédération française du sport travailliste : 3

Fédération française de flying disc

FF de jeu de ball au tambourin

Fédération française de pétanque et jeu provençal : 10

Fédération française d’aïkido, d’aïkibudo et affinitaires : 8

Fédération française des pêches sportives

Fédération française de la course landaise

Fédération française de volley : 4

Fédération française omnisports des personnels de l’éducation nationale : 45

Fédération française de planeur ultra léger motorisé

Fédération française de javelot tir sur cible

Fédération française de boxe : 2

 

Fédération française de ballon au poing

Fédération française de jeu de paume

Fédération française de ski nautique et wakeboard : 89

 

Fédération française de char à voile

Fédération française de pulka et traineau à chiens

Fédération française du sport adapté : 100

 

Fédération française de course camarguaise

Fédération française culturelle et sportive Maccabi

Fédération française motonautique : 1

 

Fédération française de double dutch et jump rope

Fédération française des sports populaires

Fédération française de bowling et de sports de quilles : 76

 

Fédération française de longue paume

Fédération sportive de la police nationale

Fédération française de ball-trap : 141

 

Fédération française des sports de traineau, de ski/VTT joëring et de canicross

Fédération nationale des offices municipaux des sports

 

 

Fédération française de voitures radio commandées

Fédération sportive LGBT+

 

 

Fédération française d’hélicoptère

Fédération française du sport universitaire

 

 

Fédération française de lutte et disciplines associées

Fédération sportive éducative de l’enseignement catholique

 

 

Fédération française de joute et sauvetage nautique

Union nationale des clubs universitaires

 

 

Fédération française de spéléologie

 

 

 

Fédération française de taekwondo et disciplines associées

 

 

 

c.   « Nous avons déjà trop attendu » : une inertie qui justifie un retrait de délégation ou du soutien public

Forte de ces constats, Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports, a déclaré : « Je compte donc demander à la trentaine de fédérations, souvent petites, qui n’ont encore enclenché aucune démarche de le faire très rapidement. » ([369])

Et la ministre de reconnaître à juste titre : « Nous avons déjà trop attendu. »

« Nos fédérations savent exactement ce qu’elles ont à faire. […] Pour avoir été au cœur d’une fédération, je peux vous assurer que, quand on veut traiter un sujet et atteindre l’objectif ambitieux fixé par le législateur, on dispose d’absolument tous les leviers pour le faire », a complété la ministre.

Au regard de cette affirmation, on ne peut que s’étonner du nombre anormalement faible de contrôles de bénévoles effectués par la Fédération française de tennis au moment où Mme Oudéa-Castéra en assurait la direction générale, soit seulement 305 au 22 novembre 2022, contre 74 374 pour la Fédération française de football, 67 056 pour la Fédération française de rugby, 49 720 pour la Fédération française de basket-ball, 28 350 pour la Fédération française de judo, 23 619 pour la Fédération française de handball, d’autant que la fédération ne peut pas mettre en avant un avant un manque de moyens.

Sans compter le contrôle incomplet des cartes professionnelles et la situation dérogatoire du DTN, qui ne dispose pas d’une carte professionnelle.

Mme Fabienne Bourdais a estimé que « la question [du retrait de la délégation] pourrait se poser […]. Certaines fédérations ne sont pas encore au point, alors que le dispositif date de 2021. […] Pour y parvenir, le ministère a accompli tout un travail d’accompagnement, car c’était son rôle. Mais l’accompagnement ne fait pas tout. Même si, c’est vrai, toutes les fédérations ne sont pas structurées de la même façon et ne disposent pas des mêmes outils – il faut en tenir compte et ne pas être dogmatique  j’estime qu’il n’est plus possible aujourd’hui que des fédérations ne soient pas au rendez-vous en matière de contrôle d’honorabilité » ([370]).

La rapporteure souscrit à ce constat.

3.   Les nombreuses failles et angles morts du contrôle de l’honorabilité

Les travaux de la commission d’enquête ont permis d’identifier de trop nombreux angles morts, failles et voies de contournements du contrôle, autant de brèches exploitables par des prédateurs sexuels.

a.   Les difficultés engendrées par le périmètre du contrôle des bénévoles

i.   Un périmètre difficile à appréhender

« S’agissant du périmètre des personnes dont les antécédents judiciaires sont vérifiés, nous sommes strictement limités par le code du sport aux éducateurs sportifs et aux exploitants d’établissements d’activités physiques et sportives (EAPS).

« Ce périmètre a été étendu par différentes lois aux personnes qui accompagnent les mineurs, aux surveillants de baignade, aux éducateurs sportifs dans le jeu vidéo et l’e-sport.

« Nous ne pouvions pas l’étendre à tous les licenciés d’une fédération », a précisé Mme Cécile Mantel, ancienne conseillère technique de Mme Roxana Maracineanu, chargée de l’éthique et de l’intégrité ([371]).

Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, a indiqué que la notion d’encadrant n’a pas suscité de difficulté particulière « même si elle doit être entendue au sens large : éducateur sportif, entraîneur, toute personne qui a une fonction d’encadrement, notamment pour des mineurs » ([372]).

En revanche, a-t-elle précisé, « des questions se sont posées pour ce qui concerne les exploitants d’EAPS. Dans le code du sport, ce terme d’exploitant renvoie aussi bien aux structures privées, comme les salles de remise en forme, qu’aux clubs sportifs. Le périmètre qui a été déterminé est celui des personnes qui ont une action en matière d’organisation de la pratique dans le club et des personnes qui ont une responsabilité au titre d’un mandat social, à savoir les élus en particulier. Lors du déploiement du dispositif, nous avons travaillé dans un premier temps pour que, au minimum, le président, le secrétaire et le trésorier soient concernés, parce qu’ils étaient faciles à isoler ».

Ce périmètre a ainsi été défini pour des raisons pratiques mais il se prête à des contournements (cf. encadré infra).

ii.   Des systèmes de licences qui peuvent être incompatibles avec les exigences du système de contrôle automatisé

Les fédérations doivent saisir les licences de leurs adhérents et identifier les profils relevant du contrôle de l’honorabilité (éducateurs, arbitres, dirigeants). Or toutes les fédérations n’ont pas mis en place une typologie de licences permettant de distinguer les éducateurs, les dirigeants, les arbitres et a fortiori les personnes en contact avec les mineurs. Certaines fédérations ont néanmoins su gérer cette difficulté, comme l’a relevé Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports :

« Il faut en effet extraire du fichier des licences celui des personnes qui entrent dans ce périmètre. Or toutes les fédérations n’ont pas la même organisation : certaines ont des licences dédiées – licence éducateur, licence dirigeant… – alors que d’autres ont une seule licence, destinée aussi bien aux simples pratiquants qu’aux personnes qui ont des responsabilités.

« La constitution du fichier qui va être croisé est donc fondamentale, et ce ne sont pas les présidents de fédération qui vont s’en charger.

« Ce fichier ne peut être élaboré qu’à partir des informations qui sont communiquées par le président du club, en fonction des responsabilités qui sont exercées par les personnes concernées au sein du club.

« Certaines fédérations ont mis à profit le contrôle d’honorabilité pour revoir leur processus d’attribution de licences et faire en sorte que toutes les personnes qui sont concernées par le contrôle d’honorabilité soient titulaires d’une licence identifiée, ce qui permet de les isoler et de pratiquer le croisement de fichiers. Mais ce n’est pas le cas dans toutes les fédérations. »

Selon l’étude incomplète publiée en avril 2023 par le cabinet Mouvens, pour le CNOSF, seuls 86 % des fédérations répondantes ont un système de licence adapté aux exigences du SI-Honorabilité.

iii.   Des anomalies dans le périmètre des bénévoles à contrôler et des stratégies de contournement

« Nous observons des cas où des fichiers sont croisés, ce qui pourrait laisser à penser que le contrôle se fait, mais où leur nombre ne correspond pas à ce que nous savons du nombre de licenciés et de l’estimation que l’on peut faire du nombre de bénévoles concernés par le contrôle d’honorabilité » a indiqué Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports ([373]).

Elle a pointé une difficulté majeure concernant la Fédération française de football : « La question qui se pose avec la FFF, sur laquelle j’ai eu l’occasion de revenir maintes fois depuis que je travaille sur ces sujets, est celle de l’articulation entre la typologie des licences et le croisement des fichiers, pour s’assurer que toutes les personnes qui sont en situation de responsabilité sont bien dans le fichier. Or on sait que ce n’est pas le cas. »

La ministre des sports a elle aussi pointé des « stratégies de contournement » de la part de certaines fédérations, qui plaident par exemple qu’une licence « dirigeant » permettrait d’échapper « aux fourches caudines du contrôle d’honorabilité ».

« Je ne peux pas accepter que certaines fédérations considèrent qu’une licence "dirigeant" permet d’échapper à ce contrôle. Tous les dirigeants et tous les bénévoles au contact des mineurs doivent y être soumis. Il faut être clair et responsable », a observé Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports ([374]).

Appelé par la rapporteure à préciser l’ampleur de ces contournements, le ministère des sports n’a pas apporté de précision supplémentaire et a indiqué que « plusieurs affaires médiatiques ont mis en évidence ce contournement au sein de la FFF » (cf. encadré infra).

iv.   Étendre le périmètre du contrôle

Évoquant la nécessité de parachever ce système et d’en combler toutes les brèches, la ministre des sports a proposé, à la suite de la remise du rapport du comité Buffet-Diagana ([375]), qui n’évoque pas du tout ce sujet :

– d’étendre le contrôle d’honorabilité à tous les licenciés autres que pratiquants ;

– de mettre en place une obligation de licence pour les intervenants réguliers au sein des clubs.

« Je suis la première à dire qu’il faut tout faire pour licencier les bénévoles qui se trouvent, sur le bord du terrain, en contact régulier avec des mineurs afin de les inclure dans le champ du contrôle » a affirmé la ministre devant la commission d’enquête ([376]).             

« Je veux que les bénévoles qui tiennent la buvette, accompagnent les enfants le week-end et sont régulièrement au bord des terrains soient pourvus d’une licence pour qu’ils entrent dans les fichiers et soient soumis au contrôle d’honorabilité. »

La ministre des sports a également appelé de ses vœux une normalisation de certaines professions – comme celle de recruteur bénévole, y compris pour le football – « qui se situent aujourd’hui dans une zone grise, dans une zone de non-droit où il n’y a ni formation ni exigences réglementaires.

« J’ai même envie que, dans les cas les plus graves, les violeurs et les multirécidivistes n’aient plus du tout la possibilité d’obtenir une licence. J’entends dire que la pratique sportive relève de la liberté individuelle et qu’un condamné ayant purgé sa peine doit pouvoir faire du sport dans un club, mais ce n’est pas vraiment mon point de vue ».

La rapporteure souscrit pleinement à ces propositions et observations.

Cependant, elle estime que le ministère n’a pas fait preuve d’une transparence suffisante à l’égard de la commission d’enquête sur ce sujet essentiel et qu’il n’est plus possible de compter sur le travail des médias pour identifier les brèches et défaillances du système et amener le ministère à réagir.

Le contrôle de l’honorabilité, absent du rapport du comité Buffet-Diagana, compte parmi les sujets majeurs sur lesquels un état des lieux et une évaluation complète et approfondie font notoirement défaut.

La rapporteure appelle à la mise en place sans délai d’une mission d’inspection chargée de réaliser un état des lieux précis et complet, rendu public, du contrôle de l’honorabilité dans toutes ses composantes.

Au regard de l’impossibilité d’identifier les bénévoles dans le champ du contrôle et des difficultés et risques de contournements induits par le périmètre discutable de ce contrôle, la rapporteure estime opportun qu’une réflexion soit ouverte sur une obligation de déclaration des bénévoles et une extension du champ du contrôle à l’ensemble des bénévoles, d’autant que les violences sont aussi le fait de pratiquants.

Recommandation  38 : Mettre en place sans délai une mission d’inspection chargée de réaliser un état des lieux précis et complet, rendu public, du contrôle de l’honorabilité et de sa mise en œuvre dans toutes ses composantes.

Compléter à court terme la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport, afin d’étendre le champ du contrôle d’honorabilité à tous les licenciés autres que pratiquants ;

Mettre en place une obligation de licence pour les intervenants réguliers au sein des clubs ;

Encadrer la profession de recruteur bénévole, les soumettre au contrôle de l’honorabilité par voie législative, les soumettre à l’obligation de licence par modification des règlements des fédérations ;

Priver de la possibilité d’obtenir une licence les personnes reconnues coupables d’abus sexuels particulièrement graves ;

Ouvrir dans le cadre de la mission d’inspection une réflexion sur l’introduction d’une obligation de déclaration des bénévoles et une extension du contrôle à l’ensemble des bénévoles.

b.   Des difficultés techniques dans le fonctionnement du système

Le code du sport impose aux clubs sportifs de relever l’identité complète (nom de naissance, prénom, lieu et date de naissance) des éducateurs sportifs qui interviennent en leur sein.

Ces listes sont ensuite transmises aux fédérations, dont le référent honorabilité est habilité pour les déposer sur la plateforme mise en place par le ministère des sports.

Les fédérations ont fait état de difficultés techniques importantes.

La principale contrainte est l’absence de correspondance pour certaines personnes avec les bases vérifiées. Ces personnes apparaissent alors comme « AIA » : aucune identité applicable.

Après les avoir identifiées dans les listes de plusieurs milliers de noms, les fédérations doivent faire les démarches, via les clubs, pour les contacter et collecter les bonnes informations.

Cette vérification est particulièrement lourde : à titre d’exemple, pour certaines fédérations, la moitié des noms transmis sont ressortis en AIA. Le système automatisé reste donc perfectible.

M. Julien Issoulié, directeur technique national de la Fédération française de natation, qui compte 400 000 licenciés, a indiqué : « Lorsque les données sont saisies par les clubs, sans contrôle par le licencié, les fautes de frappe sont fréquentes. Dans le cadre du contrôle d’honorabilité, l’on peut considérer que 30 % des éducateurs ne passent pas parce qu’un champ est mal rempli. » ([377])

Ce travail implique des centaines d’heures de travail à l’échelle d’une grande fédération. Les petites fédérations manquent de moyens et d’accompagnement dans la réalisation de ce travail.

c.   S’assurer que les contrôles interviennent avant l’entrée en fonctions

Comme l’a relevé M. Patrick Lavaure, inspecteur général et responsable du collège « jeunesse et vie associative » au sein de l’Inspection générale, « la presse se fait parfois l’écho de personnes qui ont été intégrées aux équipes d’encadrement dans un club et pour lesquelles le contrôle Fijais / B2 est intervenu plusieurs semaines après leur arrivée » ([378]).

Il appartient aux fédérations de faire preuve de la plus grande vigilance pour qu’aucun bénévole n’intervienne dans un club, en tant qu’encadrant, tant que le processus de contrôle n’a pas été mené à son terme.

d.   Systématiser la consultation du B2

S’agissant des fichiers consultés, il apparaît que la consultation du FIJAISV a pu être systématisée car elle est automatisée, alors que la consultation du B2 ne l’est pas compte tenu de l’antériorité du logiciel.

La rapporteure appelle à systématiser la consultation du B2, prévue par les textes.

En matière de contrôle de l’honorabilité des bénévoles, le ministère ne procède à une double vérification que lorsque l’inscription d’une identité est vérifiée au FIJAISV.

Après cette seconde vérification nominative, si le résultat s’avère toujours positif, l’information est transmise aux services déconcentrés du ministère des sports qui notifient l’incapacité ou l’interdiction d’exercer à l’intéressé, à son club et, le cas échéant, à son employeur.

Sur l’année écoulée, 70 000 bulletins n° 2 et 82 000 consultations du FIJAISV ont été demandés pour les éducateurs sportifs professionnels, a précisé M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice, ce qui montre là encore un décalage surprenant entre la consultation des deux fichiers ([379]).

Recommandation  39 : Dans le cadre de la mission d’inspection que la rapporteure appelle de ses vœux, faire la lumière sur la manière dont sont consultés les différents fichiers et sur les voies et moyens d’une systématisation de la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire.

 

La proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport vient combler plusieurs failles du cadre

La proposition de loi renforce le cadre du contrôle de l’honorabilité des éducateurs sportifs, y compris les bénévoles :

– elle précise qu’il s’effectue par la consultation systématique du bulletin  2 du casier judiciaire (B2) ainsi que du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV), avant la prise de fonctions ;

– elle inscrit dans la loi le principe d’une annualité du contrôle : en effet, de nombreux éducateurs sportifs, notamment bénévoles, restent en poste de longues années au sein d’un même club. Un contrôle uniquement avant la prise de fonction risque de créer une fragilité dans le dispositif ;

 elle prévoit que l’inscription d’une condamnation au FIJAISV, même si celle-ci n’est plus inscrite sur le B2, entraîne l’interdiction d’exercer. Le FIJAISV est en effet plus complet pour les délits et crimes à caractère sexuel ou violent : certaines condamnations peuvent être effacées du B2 dès six mois après la date de condamnation, à la demande de la personne condamnée. Elles restent cependant inscrites au FIJAISV au minimum 20 ans (1) ;

– elle oblige les dirigeants de club à signaler aux services de l’État les comportements des éducateurs qu’ils emploient ou de toute personne en contact avec des mineurs présentant un danger pour la sécurité et la santé physique ou morale des sportifs (2).

Elle crée une mesure administrative d’interdiction, temporaire ou définitive, de diriger un club dans trois conditions (3) :

– lorsque le comportement du dirigeant fait peser un risque sur les pratiquants ;

– lorsque celui-ci emploie, ou maintient en emploi, malgré la notification par les services déconcentrés du ministère des sports, un éducateur qui ne respecte pas les critères d’honorabilité ;

– lorsqu’il ne signale pas aux services de l’État le comportement d’un éducateur sportif ou d’une personne intervenant auprès de mineurs qui présente un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants.

En cas de non-respect de cette mesure administrative, le dirigeant de club concerné s’expose à une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

(1)    Ce nouveau dispositif répond à une attente forte des fédérations et du ministère qui ont vu plusieurs de leurs décisions visant à écarter un éducateur sportif inscrit au FIJAISV, mais dont l’infraction n’apparaissait plus au B2, remises en cause par la justice.

(2)    Un tel signalement administratif, en parallèle de l’action judiciaire, est essentiel pour protéger le plus rapidement possible les sportifs. Il permet d’abord le déclenchement d’un contrôle du club par les services déconcentrés du ministère des sports. Il ouvre ensuite la faculté au préfet de prendre en urgence une interdiction temporaire d’exercer envers la personne potentiellement dangereuse.

(3)    Cette mesure apporte une réponse à l’absence de mesures administratives vis-à-vis de certains dirigeants de club peu enclins à lutter contre les violences. Alors que le préfet peut prendre une mesure administrative d’interdiction d’exercer pour les éducateurs sportifs potentiellement dangereux, il n’existe aucune interdiction similaire pour les dirigeants de club. Le préfet dispose seulement de la faculté de fermer administrativement le club - rien n’empêchant le dirigeant d’en ouvrir un nouveau.

4.   Renforcer le contrôle du réseau sportif

Ce renforcement doit aller de pair avec celui des moyens des services déconcentrés qui, comme évoqué précédemment, ne sont pas à la hauteur des besoins.

a.   Un contrôle des établissements d’activités physiques et sportives à renforcer

« J’ai décidé de faire passer le nombre de contrôles d’établissements d’activités physiques et sportives (EAPS) de 3 900 à 6 000 en 2024, grâce aux renforts obtenus, ce qui représentera une hausse de 54 % », a indiqué Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports ([380]).

La France compte 300 000 établissements d’activité physique et sportive (EAPS).

Même si cette mesure participe d’un effort de sécurisation qui doit être salué, l’objectif quantitatif de contrôle apparaît faible au regard du nombre d’établissements.

L’instruction du 18 juillet 2023 du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et de la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, relative aux orientations nationales de contrôle 2023-2024, précise que « ces objectifs ont été fixés à partir du nombre d’établissements déclarés auprès de l’INSEE par région, des moyens humains des services déconcentrés et des bilans antérieurs des plans régionaux d’inspection contrôle et évaluation. L’agrégation de ces données a permis de fixer un taux de contrôle d’EAPS par région compris entre 1,5 % et 3,7 % » ([381]).

La rapporteure a été alertée de l’impact négatif de la suppression de la déclaration d’exploitant d’établissement d’activités physiques et sportives par la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, dans une optique de simplification administrative.

Cette déclaration permettait aux services de l’État de répertorier les établissements, de créer un lien avec eux, et de les sensibiliser au cadre législatif et réglementaire et à la nécessité de le respecter. La rapporteure estime nécessaire de réintroduire cette déclaration.

Recommandation  40 : Rétablir l’obligation de déclaration des établissements d’activités physiques et sportives.

 


b.   Renforcer le respect de l’obligation de déclaration des stages sportifs et élargir son champ

Certains stages sportifs doivent être déclarés en tant qu’accueil collectif de mineurs. Cette obligation présente des garanties très importantes, dans la mesure notamment où elle permet de contrôler, via le FIJAISV, les éventuelles incapacités de tous les cadres de ces stages (cf. infra).

Le rapport de l’Inspection générale relatif à la Fédération française de football a souligné la faible mobilisation de cette fédération pour promouvoir l’obligation de déclarer ces stages sportifs ([382]).

Il apparaît par ailleurs qu’un nombre important de stages sont exclus de la réglementation en raison de leur lien direct avec une compétition.

La rapporteure appelle de ces vœux un renforcement de ce cadre et de son respect.

Recommandation  41 : Étendre l’obligation de déclaration en accueil collectif de mineurs aux séjours qui en sont actuellement exonérés.

Exiger des fédérations qu’elles développent un appui et une incitation aux structures locales pour qu’elles déclarent systématiquement les stages sportifs et les éducateurs rémunérés.

c.   Lancer une réflexion sur le contrôle et l’encadrement des structures privées

L’attention de la commission d’enquête a été appelée sur le fait qu’une grande part de l’activité sportive, par exemple dans l’équitation, peut se faire hors cadre fédéral, dans des clubs et structure privés qui échappent à toute forme de réglementation et contrôle de l’honorabilité.

Il apparaît urgent d’ouvrir une réflexion sur l’encadrement de ces structures dans lesquelles des personnes mises en cause peuvent se retrouver au contact d’un public jeune.

Recommandation  42 : Dans le cadre de la mission d’inspection que la rapporteure appelle de ses vœux sur le contrôle de l’honorabilité, ouvrir une réflexion sur l’encadrement des structures sportives privées non affiliées à une fédération.

 


Une affaire emblématique des failles du contrôle d’honorabilité

La rapporteure a souhaité revenir sur ce cas évoqué par la presse et par le reportage d’Enquête exclusive car il est emblématique des failles du contrôle de l’honorabilité.

Dans le cadre du contrôle automatisé d’honorabilité des bénévoles, le service départemental à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (SDJES) est alerté, fin 2021, d’une condamnation incapacitante d’un dirigeant de club, et procède aux vérifications prévues dans cette procédure.

En janvier 2022, le service départemental notifie à ce dirigeant son incapacité à exercer des fonctions d’encadrement ou de dirigeant bénévole au sein d’un établissement d’activités physiques et sportives. Ce courrier lui demande expressément de cesser immédiatement les activités visées par cette incapacité.

Cette décision a été notifiée, également en janvier 2022, au président du club, en lui demandant de mettre fin sans délai aux activités de cette personne.

Le président accuse réception en précisant qu’il est écarté des fonctions dirigeantes et d’encadrement des jeunes mais restera chargé de diverses missions : buvettes, festivités, sponsoring, réception des parents.

La licence « éducateur fédéral » de cette personne lui est retirée par la ligue en février 2022.

Au printemps 2022, le club participe à un tournoi et à un stage pour enfants. Le mis en cause fait l’objet de la plainte d’un enfant auprès de sa mère pour attouchements lors de ce stage auquel il a été autorisé à participer. D’autres enfants se plaignent également. Le service départemental est informé et signale les faits au procureur de la République. Une enquête judiciaire est ouverte.

Il apparaît que le club a sollicité en mars 2022, auprès de la ligue, une licence de simple dirigeant pour le mis en cause. Cette licence lui a été délivrée au motif que cette demande ne concernerait ni les fonctions d’éducateur ni l’une des trois fonctions dirigeantes relevant du contrôle de l’honorabilité.

Ce dossier met en évidence plusieurs dysfonctionnements, notamment :

 une demande de licence « ordinaire » visiblement formulée dans le but de contourner le contrôle d’honorabilité et permettre de maintenir en activité un dirigeant qui s’était vu notifier une interdiction d’exercice par les services de l’État ;

– une personne frappée d’incapacité qui se voit confier une mission d’encadrement de jeunes ;

 un défaut de déclaration du « stage sportif » comme accueil collectif de mineurs (ACM), qui aurait permis de repérer que le mise en cause participait à des fonctions d’encadrement.

5.   Fixer des lignes rouges claires pour limiter les situations à risques

La commission d’enquête a pu constater, après comme avant 2020, l’absence de lignes rouges claires s’agissant des situations à risque.

Ces zones de risques importantes (situations d’isolement dans le huis clos de l’entraînement, situations de promiscuité corporelle et de nudité dans les vestiaires, déplacements et situations d’hébergement hors de la maison, parfois au domicile même de l’entraîneur), bien connues et exploitées par les agresseurs et les prédateurs, comme l’ont révélé de nombreux témoignages de victimes, sont très insuffisamment encadrées.

À titre d’exemple, M. Gilles Moretton, président de la Fédération française de tennis, a indiqué avoir expliqué à de jeunes joueurs, au tournoi « Les Petits As » de Tarbes, qu’il ne fallait pas accepter qu’un entraîneur vienne dans leur chambre après 21 heures ([383]). La rapporteure estime que doit être clairement interdit à un entraîneur d’entrer dans la chambre d’un mineur, quel que soit l’horaire. Il en va de même de la douche ou des vestiaires.

Dans le même esprit, M. Julien Issoulié, directeur technique national de la Fédération française de natation, a déclaré que les championnats de France représentent un coût élevé pour les clubs : « Aussi certains font-ils le choix de louer un hébergement sur Airbnb. Nous ne recommandons pas cette pratique. Nous recommandons plutôt l’hébergement en hôtel, en chambre individuelle. Mais nous n’en faisons pas une obligation écrite compte tenu de l’économie de la natation. Si nous le faisions, je pense que certains clubs ne pourraient plus entraîner les athlètes et accéder à ce niveau de compétition. » ([384])

La rapporteure invite tous les responsables du monde sportif à entendre le témoignage de Mme Angélique Cauchy, afin de prendre conscience de ce à quoi on expose des enfants en ne fixant pas de limites claires en ce domaine.

« La Fédération française de tennis a développé une plateforme de formation en ligne, qui s’appelle Lift – L’Institut de formation du tennis. On y trouve un module consacré aux violences sexuelles, où il est expliqué, par exemple, qu’il ne faut pas se trouver seul avec un jeune dans une voiture », a indiqué Mme Angélique Cauchy. « Mais il n’y a pas encore assez de connaissances sur le sujet, à tous les niveaux. Il suffit d’aller dans n’importe quel club de France pour s’apercevoir qu’il n’est pas évident pour tout le monde que le fait de se trouver seul avec un jeune pose problème. Les terrains de tennis couverts se trouvent souvent sous des bulles : si les parents ne viennent pas sur le terrain, personne ne voit ce qui s’y passe. C’est un milieu où l’on est facilement isolé. » ([385])

Comme l’a rappelé à juste titre M. Édouard Durand, ancien président de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), les professionnels du milieu sportif ont très facilement accès au corps de l’enfant : « Dans la mesure où le risque est plus élevé, la prévention et la protection doivent l’être tout autant. Si l’on reprend le cas de l’enfant qui a agressé dans les douches un autre enfant, la solution aurait été d’imposer la présence de deux adultes. C’est la mesure qui préviendra la commission et la répétition des violences. » ([386])

« Il y a des choses à faire, parfois toutes simples, pour éviter des dérives », a observé Mme Alexandra Soriano, ancienne judokate, éducatrice spécialisée à l’aide sociale à l’enfance, membre de l’association Artemis Sport, « par exemple, lever le huis clos dans lequel se déroulent de nombreux entraînements et stages pour les sportifs de haut niveau : la présence d’un public est dissuasive.

« Trop souvent, les parents et les enseignants des clubs sont totalement écartés de la vie du sportif dès qu’il entre dans des structures de haut niveau. Il faut changer cela, car ce sont des garde-fous que l’on perd.

« La situation dérape souvent au cours des stages. L’entraîneur est omniprésent, vingt-quatre heures sur vingt-quatre : il est avec vous à l’entraînement, il mange avec vous, il dort avec vous, parfois dans la chambre de certains sportifs. C’est toute une équipe d’encadrement qu’il faudrait, une équipe mixte, de sorte que si l’un de ses membres commence à dériver, ses collègues puissent le rappeler à l’ordre » ([387]).

Recommandation  43 : Rédiger à l’échelle nationale une charte définissant précisément les lignes rouges à ne pas franchir et l’intégrer au règlement disciplinaire de l’ensemble des structures sportives en assortissant les manquements de sanctions.

Éviter systématiquement, notamment dans les structures d’accès au haut niveau, l’encadrement exclusif par un seul encadrant et favoriser la prise en charge à plusieurs.

Privilégier dans la mesure du possible la mixité dans les équipes d’encadrement pour la prise en charge des jeunes sportifs.

Veiller à constituer des équipes mixtes d’encadrement pour les déplacements à l’occasion des stages et compétitions concernant les sportifs mineurs.

6.   Engager un plan de formation et de sensibilisation de grande ampleur

L’ensemble des interlocuteurs entendus par la commission d’enquête ont insisté sur cette dimension, aussi essentielle que difficilement évaluable. Des avancées ont été enregistrées ([388]) mais l’ensemble des auditions confirment qu’il faut accélérer.

L’autorité administrative indépendante qui doit être chargée de la protection de l’éthique du sport devra superviser et évaluer les effets des actions conduites à l’échelle de l’ensemble du mouvement sportif.

 

Recommandation  44 : Mener systématiquement, dans toutes les structures sportives des actions de prévention et de sensibilisation aux violences sexuelles, tant pour les encadrants que pour les pratiquants et leurs parents.


E.   « la peur doit changer de camp » : se tenir aux côtés des vicTImes

« Pardon pour ma voix qui tremble : on dit souvent que la peur doit changer de camp, mais pour l’instant, elle est toujours de mon côté », a déclaré Mme Marie David, professeure de judo, en livrant son témoignage à la commission ([389]).

Pour que la peur puisse enfin changer de camp, plusieurs actions sont indispensables : une amélioration de l’accompagnement des victimes, une action disciplinaire et pénale forte à l’encontre des agresseurs mais aussi de tous ceux qui les regardent sans rien dire et, enfin, une action de réparation.

La rapporteure préconise à cet égard la mise en place d’une commission d’établissement des faits de violence dans le sport. Cette mission pourrait être conduite sous l’égide de l’autorité administrative indépendante chargée de l’éthique du sport. Cette préconisation a également été formulée par le comité Buffet-Diagana.

1.   Sortir les victimes du silence

a.   « Les enfants ne peuvent pas se sauver tout seuls » : mettre en place une stratégie de repérage, recueil et libération de la parole

Comme indiqué précédemment, la mise en place d’un outil de signalement puissant, visible et non filtré par les fédérations et les établissements, qui fait aujourd’hui défaut, ne suffit pas.

Face à l’omerta, une stratégie de repérage quasi systématique des victimes doit être mise en place, afin de les identifier et de les aider à sortir du silence dans lequel elles sont trop souvent murées.

« Il ne s’agit pas de dire qu’il y a des enfants violés dans les clubs de sport, il faut savoir comment ils s’appellent pour mieux les protéger. Le seul moyen est de poser la question à tous les enfants. Il s’agit donc du questionnement systématique », a indiqué M. Édouard Durand ([390]), ancien président de la CIIVISE.

Comme l’a relevé Mme Angélique Cauchy, ancienne joueuse de tennis, « les enfants ne peuvent pas se sauver tout seuls » ([391]).

Une stratégie de sensibilisation, de prévention, de repérage, de recueil et de libération de la parole pourrait être mise en œuvre et évaluée régulièrement, de manière transparente et indépendante, par l’autorité administrative indépendante chargée de la protection de l’éthique du sport.

Un effort particulier doit être porté en direction des mineurs et des personnes en situation de handicap. Comme l’a souligné M. Elie Patrigeon, directeur général du Comité paralympique et sportif français (CPSF), « toutes les études épidémiologiques montrent que les personnes en situation de handicap sont plus souvent victimes que le reste de la population, et ce quel que soit le degré de gravité de l’acte. […] Or les signalements dans le champ du parasport sont ultra-minoritaires, voire pratiquement marginaux : sur l’ensemble des cas signalés dans le cadre de Signal-sports, moins d’une dizaine concernait le parasport dont quatre ont été signalés par le CPSF. Pour de nombreuses raisons, la libération de la parole est difficile » ([392]).

Dans le sport de haut niveau, la surveillance médicale réglementaire doit enfin être mise en œuvre, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, comme l’ont montré les travaux de la commission d’enquête. La Fédération française d’athlétisme accuse par exemple un retard important en ce domaine. Un entretien psychologique annuel est obligatoire, prévu par les textes : il doit être réalisé annuellement sous le contrôle du ministère des sports, chargé de faire respecter les textes.

M. Sébastien Le Garrec, chef du pôle médical de l’INSEP, a appelé l’attention de la commission d’enquête sur le fait que « moins de 10 % des sportifs de certains pôles ont réalisé en 2021 le bilan psychologique obligatoire. » ([393])

En particulier, cet entretien peut permettre de sensibiliser les sportifs et de repérer des situations problématiques.

Recommandation  45 : Mettre en place une stratégie de repérage, de recueil et de libération de la parole.

Pour les sportifs de haut niveau veiller à la mise en œuvre de la surveillance médicale réglementaire, en particulier du bilan psychologique qui doit permettre de repérer des situations problématiques.

b.   Un accompagnement défaillant

Comme l’a relevé M. Elie Patrigeon, directeur général du CPSF, « sans aller jusqu’à parler de présomption de culpabilité, la victime doit aussi avoir l’absolue certitude qu’elle sera toujours soutenue pour franchir les obstacles qui ne manqueront pas de se dresser devant elle. Certaines personnes accusées produiront des attestations pour nier les faits, des contre-témoignages d’autres femmes entraînées par le même homme, etc. Nous ne sommes pas des juges mais des accompagnateurs et nous voulons que la présumée victime ait la certitude qu’elle sera accompagnée jusqu’au bout. Malgré les déclarations de principe et les communications auprès des délégations, cela n’est pas suffisamment ancré dans l’état d’esprit des pratiquants » ([394]).

Cet objectif est loin d’être atteint. Les auditions conduites par la commission d’enquête ont mis en lumière un accompagnement plus que défaillant des victimes. Celles qui ont le courage de parler se heurtent en général à un parcours du combattant, voire à l’exclusion, à une multiplicité de procédures, qui les contraignent à témoigner à de multiples reprises et ne débouchent sur rien ou se retournent contre elles (cf. encadré infra).

Le silence, l’impunité et le défaut d’accompagnement sont vécus comme une nouvelle agression par les victimes.

« Nous avons érigé en priorité le suivi des victimes. De fait, les fédérations sont complètement nulles sur cet aspect-là. Nous nous sommes dit que nous devions rappeler les victimes après le signalement des faits, pour prendre de leurs nouvelles, ce qui n’était pas fait chez nous », a reconnu Mme Béatrice Barbusse, vice-présidente déléguée de la Fédération française de handball ([395]).

À une politique disciplinaire souvent trop favorable aux agresseurs s’ajoute un défaut de soutien des fédérations dans les procédures judiciaires.

Depuis 2000, des dispositions, aujourd’hui codifiées à l’article L. 131-10 du code du sport ([396]), permettent expressément aux fédérations agréées d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs de leurs licenciés et des associations et sociétés sportives qui en sont membres.

Recommandation  46 : Inviter les fédérations à intervenir de manière beaucoup plus systématique au plan pénal pour soutenir les victimes et préserver les intérêts collectifs de leurs disciplines et de leurs pratiquants.

c.   Aider les victimes à faire face au « présent perpétuel de la souffrance »

Comme l’a souligné M. Édouard Durand, ancien président de la CIIVISE, et comme les témoignages livrés à la commission d’enquête l’ont mis en évidence, « les violences sexuelles subies dans l’enfance ont un impact sur chacun des jours de l’existence de la victime, tout au long de sa vie et jusqu’à sa mort. Ce sont les conséquences psychotraumatiques des violences sexuelles, également appelées « présent perpétuel de la souffrance ». L’impossibilité de sortir de chez soi, d’avoir une activité professionnelle et donc une retraite, d’avoir une vie affective, sentimentale, sexuelle, une famille, des enfants, soit les éléments qui concernent toutes les sphères de l’existence, sont attaqués durablement par cette rupture existentielle radicale qu’est la soumission au pouvoir de l’agresseur » ([397]).

« On m’a volé des pans entiers de mon existence, dont la carrière que j’aurais pu avoir. En effet, j’ai par la suite fait des choix qui ont été déterminés par ma volonté de ne jamais être seule avec un adulte ayant une autorité sur moi. […] Selon l’expert psychiatre, je souffre de séquelles à hauteur de 35 %, c’est-à-dire que 35 % de ma vie est dictée par ce qui m’est arrivé, ce qui correspond à huit heures par jour », a souligné Mme Angélique Cauchy ([398]).

Pour aider les victimes à briser ce « présent perpétuel de la souffrance », la CIIVISE préconise que l’intégralité du coût du parcours de soins spécialisés du psychotraumatisme, incluant les soins somatiques, psychologiques ou psychiatriques, et psycho-corporels, soit prise en charge par la solidarité nationale. La rapporteure soutient cette préconisation qui dépasse le champ du sport.

Recommandation  47 : Garantir un parcours de soins spécialisé et accessible, pris en charge par la solidarité nationale, aux victimes de violences.

2.   Sortir d’un système d’impunité

De nombreux témoignages de victimes entendues par la commission d’enquête ont permis de mesurer le néant auquel elles se heurtent trop souvent lorsqu’elles ont le courage de dénoncer les abus.

Témoignages sur le système d’impunité auquel se heurtent les victimes

M. Patrick Roux, co-auteur du livre Le revers de nos médailles : Des clubs au haut niveau, en finir avec la violence dans le sport. « Du fait de l’omerta que j’ai décrite, les faits que l’on nous signale sont la plupart du temps prescrits.

« Résultat : il ne se passe rien, en dehors de quelques enquêtes administratives. Les victimes continuent de croiser leur agresseur " présumé ", qui parfois n’hésite pas à les narguer, voire les menaces d’une plainte en diffamation.

« Il y a là un paradoxe. Les pouvoirs publics demandent aux victimes de témoigner, alors qu’elles sont déjà en situation de vulnérabilité et éprouvent de grandes difficultés à reparler de ce qui s’est passé ; mais quand elles prennent leur courage à deux mains et témoignent, il ne se passe rien. C’est un deuxième préjudice pour elles, qui se demandent à quoi cela a servi puisque, un an ou deux après, l’agresseur est non seulement toujours là, mais soutenu par de nombreuses personnes – des cadres, des conseillers techniques sportifs (CTS)  qui envoient des lettres de soutien sans leur avoir jamais demandé, à elles, ce qui s’était passé.

« Et il y a un troisième préjudice, quand une commission de discipline de la fédération déclare que les faits sont prescrits. De plus en plus, les personnes accusées d’agression, avec le soutien de certaines instances régionales, annoncent qu’elles vont attaquer la victime en diffamation. »

Mme Marie David, victime de violences psychologiques et sexuelles à l’âge de 18 ans, alors qu’elle était judokate au sein d’un pôle Espoirs. « S’agissant de l’entraîneur qui m’avait agressée sexuellement, on m’a indiqué qu’il n’était pas possible d’entreprendre quoi que ce soit car il n’était plus sur le sol français. Mais j’ai appris qu’il est revenu en France. J’ai été accusée de dénonciation calomnieuse. J’ai été entendue à la gendarmerie, ce qui a été une épreuve terrible : la société nous invite à parler, mais ensuite, on est toute seule… J’ai donc été entendue à la gendarmerie, à trois reprises : on a pris des photos de moi, de face et de côté, ainsi que mes empreintes digitales, de chaque doigt ; je me suis sentie comme une criminelle, terriblement seule, c’était horrible. La plainte a été classée sans suite, mais cela a été très éprouvant.

« Il y a deux ans, j’ai porté plainte pour l’agression sexuelle d’un entraîneur. Il me semble que cet entraîneur n’a toujours pas été entendu, malgré son retour sur le sol français. Je sais qu’il est sur les tatamis et remet des diplômes de grade. J’ai à nouveau témoigné cette année, dans un article de Mediapart. À ce jour, aucune suite n’a été donnée par la gendarmerie, qui m’a indiqué avoir perdu mon dossier en raison d’un problème numérique. Je n’ai pas de nouvelles non plus de la fédération de judo. Pour avancer, j’ai sollicité un dialogue avec un élu sur ces questions, mais je n’ai aucun retour, ni de la fédération, ni de la gendarmerie, ni du procureur. »

Mme Marie-Laurence Urvoy, ancienne athlète du Dojo nantais, victime de harcèlement sexuel lorsqu’elle était mineure. « Ces moments ont été à l’origine de nombreux traumatismes, car mes relations avec les hommes ont ensuite été désastreuses : je ne connaissais que la violence, les coups, les humiliations. Ainsi, ce que j’ai vécu dans le sport a eu des conséquences sur ma vie entière. Quant à la justice, elle a été totalement défaillante, considérant la victime comme quelqu’un qui simule et exagère. La plainte que j’ai déposée et les actions en justice que j’ai introduites pour obtenir réparation se sont avérées infructueuses. C’est pourquoi je ne vis plus en France aujourd’hui. »


a.   Lever les freins de l’action disciplinaire et pénale

Ces défaillances sont d’abord, celles, détaillées précédemment, de la politique disciplinaire des fédérations ou des établissements publics sous tutelle du ministère des sports, celles des procédures administratives conduites par les services déconcentrés auxquelles s’ajoutent la lenteur et les limites de l’action judiciaire.

Comme l’a souligné M. Philippe Astruc, procureur de la République de Rennes, « une faible partie [des violences] est judiciarisée, car il y a encore de nombreux freins » ([399]).

En ce qui concerne les violences sexuelles sur mineurs, M. Édouard Durand, ancien président de la CIIVISE, a rappelé les chiffres qui traduisent l’impunité dont ils font l’objet : « 73 % des plaintes sont classées sans suite, seuls 3 % des plaintes pour viol sur mineur donnent lieu à la condamnation du mis en cause et seuls 7 % d’entre elles pour violences sexuelles sur mineur, quelle que soit leur qualification, donnent lieu à la condamnation du mis en cause. Il s’agit donc d’un système d’impunité. » ([400])

Deux facteurs expliquent le grand nombre de classements sans suite des agressions sexuelles.

La prescription est le premier de ces facteurs. La prescription est indéniablement un frein dans un secteur marqué par une puissante omerta et dans lequel la parole se libère souvent trop tard.

Le second est lié au régime de la preuve, qui bénéficie de fait aux agresseurs. Les agressions dont il est question sont le plus souvent commises à huis clos, en l’absence de témoins. Comme l’a relevé M. Philippe Astruc, procureur de la République de Rennes, « la personne mise en cause conteste le plus souvent les faits qui lui sont reprochés. Le procureur a peu de raisons de douter a priori de la parole de la victime car il est statistiquement très rare que la mise en cause repose sur une invention. En revanche, selon le régime de la preuve, je dois être en mesure en tant que procureur d’apporter des éléments de preuve significatifs lors de la traduction devant un juge. Aussi, de nombreuses procédures sont classées sans suite du fait du caractère non suffisamment caractérisé de l’infraction ».

La première réponse à cette situation se situe dans un transfert de la politique disciplinaire des fédérations vers une autorité indépendante, « seule option crédible et d’ampleur qui permettra d’apporter des réponses suivies, expertes, indépendantes et efficaces » aux victimes, comme l’a indiqué le rapport du comité Buffet-Diagana ([401]).

Comme évoqué précédemment, dans la mesure où le pénal ne lie pas le disciplinaire, la politique disciplinaire, pour peu qu’on veuille en faire un usage favorable aux victimes, constitue un puissant outil qui permet de pallier les limites de l’action judiciaire. Comme indiqué précédemment, cette politique disciplinaire doit faire l’objet d’une reprise en main ferme par une autorité indépendante.

Les sanctions devront par ailleurs faire l’objet d’une politique de transparence et de publicité affirmée.

La seconde réponse se situe dans l’imprescriptibilité des violences sexuelles sur mineurs, préconisée par la CIIVISE. Le rapport de la CIIVISE a noté que l’abolition des délais de prescription est la demande la plus formulée (35 % de l’ensemble des témoignages). Consciente des limites de l’action pénale au-delà de certains délais, la rapporteure s’associe néanmoins à cette préconisation et rejoint sur ce sujet les revendications exprimées depuis de nombreuses années dans le débat public par des professionnels, des associations, comme par des victimes.

Recommandation  48 : Rendre les violences sexuelles sur mineurs imprescriptibles.

Reconnaître l’amnésie traumatique dans le cadre de la prescription pénale.

b.   Lever l’immunité de ceux qui regardent sans rien dire

« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire », a dit Albert Einstein.

Les travaux de la commission d’enquête montrent que deux articles de loi ont été particulièrement bafoués et inappliqués à tous les étages du millefeuille que constitue le mouvement sportif, jusqu’au plus haut niveau de l’État.

L’article 40 du code de procédure pénale impose à toute autorité constituée, officier public ou fonctionnaire, de signaler tout crime ou délit dont il a connaissance au procureur de la République et de lui transmettre tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

L’article 434-3 du code pénal dispose que quiconque ayant connaissance de maltraitance physique, psychologique ou sexuelle infligée à un mineur a l’obligation d’en informer les autorités judiciaires sous peine de poursuites pénales.

Pourtant, la rapporteure n’a pas eu connaissance de la moindre sanction prononcée à l’encontre de tous ceux, nombreux, qui n’ont pas respecté leurs obligations de signalement des abus.

« Il faut continuer à marteler l’obligation de signalement, pour que chacun comprenne que signaler ce type de violence n’est pas une option, mais une obligation, et responsabiliser chaque acteur de la chaîne, dans le sport amateur ou professionnel », a indiqué Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports ([402]).

La rapporteure estime que « continuer à marteler » ne sert à rien si des sanctions ne sont pas prononcées à l’encontre de ceux qui manquent à leurs obligations de signalement. Seules des sanctions et des poursuites seront à même d’envoyer un message sans ambiguïté sur la prise en compte de la gravité de tels manquements. Il s’agit d’une dimension essentielle pour briser l’omerta.

L’autorité administrative indépendante chargée de mettre en œuvre une véritable politique de « tolérance zéro » devra impérativement se saisir de cette mission.

Comme l’a souligné M. Jean-Marc Sauvé, vice-président honoraire du Conseil d’État, ancien président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), président du comité d’éthique des Jeux olympiques de Paris 2024, « il n’y a pas de prescription pour les fautes disciplinaires. On doit pouvoir sanctionner des errements anciens. Tout le monde doit répondre de ses actes » ([403]).

3.   « Faire face au passé » et réparer

La République est grande quand elle reconnaît ses erreurs, voire ses fautes. Elle l’est encore plus quand elle les répare.

Les chiffres de la CIIVISE indiquent que 150 000 personnes dans notre pays ont été victimes dans leur enfance de violences sexuelles dans le milieu sportif. Le présent rapport d’enquête démontre la responsabilité de l’État et de tout un système dans ce scandale.

Comme l’a indiqué M. Jean-Marc Sauvé, « eu égard aux conséquences de long terme de ces actes, en particulier des violences sexuelles, il semble nécessaire de mettre en lumière ce qui s’est passé au cours des décennies écoulées et d’instituer des mécanismes de reconnaissance et de réparation des violences subies lorsque la justice ne peut plus être saisie, en raison de l’ancienneté des faits et de la prescription des infractions.

« Les victimes des maltraitances et des violences du passé devraient être écoutées, reconnues, et recevoir une forme de réparation adaptée.

« Cette étape semble indispensable à la reconstruction de personnes qui ont été profondément blessées par ce qu’elles ont vécu. »

« Il y a une impérieuse nécessité de faire face au passé », a poursuivi M. Jean-Marc Sauvé. « Il y a un passé qui ne passe pas. Ce passé, il faut savoir le regarder et en tirer les conséquences. Ma […] proposition est donc de créer un dispositif d’enquête sur le passé. »

Recommandation  49 : Mettre en place une commission nationale d’établissement des faits de violences dans le sport dans la perspective d’une démarche de reconnaissance et de réparation des conséquences des abus commis à l’égard des victimes.

Cette commission devra également identifier les responsabilités de ceux qui ont eu connaissance d’abus et n’ont rien dit afin que ceux dont le management a été défaillant puissent être écartés de leurs responsabilités.

III.   la lutte contre la haine et les discriminations : mieux prévenir, mieux réprimer

Le racisme et l’homophobie, comme l’ensemble des discriminations fondées sur l’ethnie, le sexe, la religion, le genre, n’ont pas leur place dans le sport. Dans les enceintes sportives, les chants racistes et homophobes, qui prospèrent depuis de longues années, peinent à trouver une réponse pénale effective. Malgré des discours volontaristes et des dispositifs fondés sur la prévention, de trop nombreuses manifestations sportives demeurent entachées par des comportements et des propos haineux ou discriminatoires. Les compétitions de football apparaissent, de loin, comme les plus concernées par ces comportements déviants. Parfois présentés comme relevant du « folklore » du football, les chants homophobes se sont multipliés et, du fait de la forte exposition médiatique des matchs de Ligue 1 ou de Ligue 2, contribuent à banaliser l’homophobie et le racisme dans l’ensemble de la société. Des réponses fortes sont nécessaires pour endiguer la montée de ces comportements, dont la rapporteure a pu mesurer à quel point ils pouvaient blesser.

A.   Le sport, un secteur non épargné par la haine et les discriminations

1.   La connaissance des phénomènes haineux et discriminatoires dans le sport est limitée par l’absence d’outils de recensement fiables et d’enquêtes systématiques

a.   L’absence de données relatives aux manifestations de haine et aux discriminations concerne la pratique sportive au sens large…

La difficulté à mesurer les comportements discriminatoires en lien avec la pratique sportive est régulièrement soulignée et n’a pas encore été traitée, malgré de nombreuses alertes. En 2013, M. Patrick Karam, inspecteur général de la jeunesse et des sports, regrettait ainsi « l’hétérogénéité des outils mis en place pour recenser les comportements répréhensibles » dans le sport ([404]). Il estimait que « les phénomènes de violences à caractère raciste ou homophobe touchent principalement le football mais d’autres sports sont concernés », tout en reconnaissant les limites de cette analyse : « Il manque des outils de recension des phénomènes de violence et de discrimination pour une meilleure compréhension du phénomène ».

De nombreuses personnes auditionnées ont pointé un manque d’informations fiables et objectives, alors même qu’une compréhension fine de ces phénomènes serait indispensable en vue de politiques publiques adaptées.

M. Yoann Lemaire, président de l’association Foot ensemble, a par exemple jugé qu’« au lieu de démultiplier les initiatives, il [lui] paraît préférable de s’assurer que les informations sont correctement remontées. Autrement, on n’arrivera à rien ! Le gouvernement a effectivement un rôle à jouer pour avoir un retour sur les discriminations dans le sport » ([405]).

Les travaux de la rapporteure se sont focalisés en priorité sur les discriminations et manifestations de haine dans le football, en raison de la grande popularité de ce sport (près de 2,2 millions de licenciés) et de sa forte exposition médiatique, qui confèrent au monde du football un devoir d’exemplarité particulier.

Pour autant, il est impossible d’affirmer que le football serait par nature plus concerné que d’autres sports, comme l’a affirmé M. Olivier Klein, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) : « Nous n’avons donc pas de chiffres suffisamment clairs pour nous permettre d’affirmer que tel sport est plus touché que tel autre ». ([406]) Par ailleurs, M. Klein a indiqué à la rapporteure que la réalisation d’études visant à établir un état des lieux des actes anti-LGBT+ dans le sport constituait l’un des axes du plan national pour l’égalité, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ ([407]).

M. Klein a également évoqué un problème de « chiffres noirs », c’est-à-dire « une différence entre la réalité des faits et le nombre de plaintes », un phénomène particulièrement prégnant dans le sport, selon M. Marc Sauvourel, réalisateur ([408]) : « Malheureusement, bien souvent, les joueurs victimes de racisme ne veulent pas créer de polémique, en pensant à leur carrière et à leurs clubs. Ils finissent donc par minimiser ce qui leur arrive ou ce qui peut arriver à leurs collègues. [...] Nous avons également donné la parole à M. Samuel Umtiti, champion du monde avec l’équipe de France en 2018. Après la victoire des Bleus, il a subi un torrent de commentaires racistes, notamment anonymes, sur les réseaux sociaux, que les joueurs utilisent par ailleurs fréquemment. Parmi les commentaires, on pouvait lire que "ce n’est pas l’équipe de France qui a gagné la Coupe du monde, c’est l’équipe d’Afrique". Quand on a rapporté cela au joueur, il ne voulait pas forcément revenir sur cet épisode. Il avait d’ailleurs hésité à nous accorder une interview, car selon ses propres termes "il ne voulait pas passer pour une victime". […] Les joueurs eux-mêmes n’aident pas en ne voulant pas passer pour des "victimes" et les arbitres ne veulent pas passer pour celui qui a interrompu un match attendu par tant de gens. Finalement, le système est sclérosé et on ne va pas jusqu’au dépôt de plainte. »

Seules des enquêtes ponctuelles sont menées. La Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) a ainsi mené, pendant plusieurs années, une enquête sur les dérives dans le sport amateur et professionnel, à destination des communes. Conduite pour la première fois en 2006, sa dernière édition a eu lieu en 2017-2018. Tout en constatant une hausse des faits racistes et discriminatoires sur les terrains de sport, la LICRA regrettait que « les communes et les institutions se reposent sur les clubs et les instances sportives pour organiser l’observation des faits et des dérives racistes et discriminatoires sur les terrains de sport, avec le risque que des faits ne soient pas toujours signalés ». Alors que « cette enquête [était] l’une des rares en France à aborder ces sujets dans le sport », la LICRA soulignait ses limites, du fait d’un faible taux de retour lié à une forme d’autocensure, de désintérêt ou à un manque de moyens de comptage des dérives. La LICRA préconisait ainsi « auprès des pouvoirs publics et des collectivités territoriales, la création d’observatoires territoriaux de veille et d’analyse des dérives racistes et discriminatoires dans le sport » ([409]).

En 2013, M. Patrick Karam avait recommandé, dans son rapport précité, la création d’un « observatoire national avec des ramifications régionales des comportements qui prévoit aussi une partie racisme, homophobie, discrimination, sexisme ».

b.   … et les enceintes sportives en particulier

Si les incitations à la haine ou à la discrimination lors des manifestations sportives sont régulièrement rapportées dans les titres de presse, il apparaît très difficile de mesurer leur ampleur. Les comportements déviants sont nombreux et connus (banderoles injurieuses, chants homophobes, injures racistes envers des joueurs ou des groupes de supporters, etc.) mais demeurent sous-évalués.

Mme Mathilde Mandelli, membre du bureau de l’Association nationale des supporters, a ainsi regretté une collecte d’informations sur les discriminations dans les tribunes des enceintes sportives inexistante, du fait d’une « absence de base de données » ([410]).

Maître Adrien Reymond, avocat au barreau de Paris, a quant à lui fait état de ses échanges avec Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports, lors d’une réunion de travail au ministère des sports : « Nous lui avons répondu qu’elle ne disposait d’aucune statistique relative aux chants homophobes. Dès lors, comment, au XXIe siècle, étudier un problème public sans statistique, sans une étude concrète ? Il importe donc de commencer par faire des études sérieuses et de mettre en place des systèmes de signalement et de recensement des faits d’homophobie et de racisme dans les enceintes sportives. » ([411])

En 2013, M. Patrick Karam avait recommandé une meilleure « signalisation des faits sur les feuilles de match des arbitres, y compris pour les matchs professionnels et sur la sanction ». Dix ans plus tard, les faits d’homophobie et de racisme constatés lors d’une compétition ne sont pas systématiquement consignés sur la feuille de match des rencontres ([412]). Le plan d’action pour mieux lutter contre la haine et favoriser l’inclusion des personnes LGBT+ dans le sport, présenté par Mme Amélie Oudéa-Castéra le 17 mai 2023, prévoit ainsi de « mettre en place une obligation de formation des juges et arbitres aux discriminations anti-LGBT+ pour qu’elles soient systématiquement identifiées et signalées, notamment dans les feuilles de match ».

c.   L’État et le mouvement sportif doivent se doter de dispositifs permanents d’observation des comportements haineux et discriminatoires

En juin 2019, un groupe de travail sur la prévention des discriminations dans les enceintes sportives a été mis en place au sein de l’Instance nationale du supportérisme (INS) ([413]). Une mission d’appui a été confiée au cabinet Mouvens, afin de réaliser un état des lieux précis des discriminations dans le sport. Cette étude, restituée au groupe de travail de l’INS en mars 2021 ([414]), s’est fondée sur une approche qualitative, s’appuyant sur 55 entretiens menés avec des groupes de suppporters, des référents-supporters, des associations de lutte contre les discriminations et des acteurs du ministère des sports. Elle s’est concentrée sur la pratique professionnelle de trois sports (basket-ball, football et rugby) et son champ n’a pas couvert l’ensemble des discriminations : seuls l’homophobie, le racisme, l’antisémitisme et le sexisme ont été abordés. Le handicap, par exemple, n’a pas été traité.

L’accès à la pratique sportive des personnes handicapées

Seuls 1,4 % des clubs français proposent une offre sportive à destination des personnes en situation de handicap, qui doivent effectuer cinquante kilomètres en moyenne pour trouver une structure accessible.

Le dispositif « club inclusif », cofinancé par le Comité paralympique sportif français (CPSF) et le ministère des sports, vise à développer la pratique des personnes en situation de handicap au plus près de chez elles, aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain, via une stratégie de formation des encadrants sportifs.

Enfin, le développement du para-sport constitue un axe important du programme des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. MM. Stéphane Mazars et Stéphane Peu ont cependant relevé, dans leur rapport d’information sur l’héritage des Jeux (1), plusieurs obstacles au développement de la pratique para-sportive : manque d’informations, rareté des équipements, etc.

(4)    Rapport d’information  1505, déposé le 5 juillet 2023 par la commission des affaires culturelles et de l’éducation en conclusion d’une mission d’information sur les retombées des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 sur le tissu économique et associatif local.

Dès lors, les conclusions de cette étude doivent être interprétées avec prudence et ne sauraient pallier le « déficit général de connaissances objectives et quantifiées relatives à l’ampleur réelle des discriminations et des violences » qu’a souligné le Défenseur des droits dans un avis de 2017 ([415]). Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, a jugé que « des enquêtes auprès des licenciés, des recherches doivent être menées pour connaître l’ampleur des discriminations, comme des violences, et comprendre les mécanismes, les zones et étapes à risque » ([416]).

La rapporteure s’associe à la Défenseure des droits et invite le ministère des sports à mettre en place un observatoire national des discriminations dans le sport, qui s’appuierait sur l’ensemble des parties prenantes : collectivités territoriales, mouvement sportif, associations, etc. Afin de disposer d’informations fiables et régulières permettant d’orienter les politiques publiques, chaque fédération délégataire devrait instituer un observatoire des comportements, qui ferait remonter l’ensemble des faits discriminatoires portés à sa connaissance auprès du ministère. Un tel observatoire pourrait être placé auprès de la future autorité administrative indépendante en charge de l’éthique du sport ([417]).

Recommandation  50 : Mettre en place un observatoire national des discriminations et manifestations de haine dans le sport, placé auprès de la nouvelle autorité administrative indépendante en charge de l’éthique du sport.

Inscrire dans les contrats de délégation l’obligation, pour chaque fédération sportive délégataire, d’instituer un observatoire des comportements, qui fera remonter l’ensemble des signalements auprès de cette autorité indépendante.

En conclusion, le ministère des sports peine encore à apprécier l’ampleur des discriminations et manifestations de haine dans le sport. À cet égard, un élargissement du périmètre de la cellule Signal-sports à l’ensemble des faits de haine et de discrimination, outre qu’il permettrait de traiter ces derniers plus rapidement, favoriserait une connaissance plus fine du phénomène.

Cet élargissement a d’ailleurs été réclamé par plusieurs personnes, dont le Défenseur des droits, qui a estimé, dans la contribution écrite adressée à la rapporteure, qu’« au-delà des violences sexuelles, sexistes, physiques et psychologiques, la plateforme devrait être compétente pour traiter l’ensemble des situations de discrimination (ne serait-ce que parce que les victimes ne savent pas toujours caractériser en droit ce dont elles ont été victimes et parce que les discriminations s’entrelacent souvent à des propos ou comportements violents) ».

Cet élargissement a également été défendu par M. Olivier Klein, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) : « Nous pensons justement que la cellule Signal-sports pourrait être étendue aux questions des discriminations et des actes homophobes. Au lieu de réinventer un dispositif, il serait plus simple d’utiliser celui qui existe déjà. Il s’agit de dépasser la question évidemment nécessaire des violences sexistes et sexuelles dans le sport en permettant à cette cellule de prendre en compte également les actes de haine, de racisme, d’antisémitisme et de LGBT-phobie. C’est plutôt notre position. » ([418])

La rapporteure s’associe pleinement à eux et invite le ministère des sports à élargir le périmètre de la cellule Signal-sports que la rapporteure appelle à transférer à l’autorité indépendante chargée de l’éthique du sport à l’ensemble des actes discriminatoires commis dans le champ du sport.

 

Recommandation  51 : Élargir le périmètre de la cellule Signal-sports à l’ensemble des faits de racisme et de discriminations commis dans le champ du sport. En confier la responsabilité à l’autorité administrative indépendante chargée de veiller à l’éthique du sport.

 

2.   Les manifestations de haine et les actes discriminatoires ont longtemps été minimisés par des responsables sportifs de premier plan, en dépit de l’évidence

a.   Un racisme « à l’image de celui qui existe dans la société », une homophobie persistante

i.   Le racisme : des préjugés ancrés

Ces mots de Lilian Thuram ([419]) résument bien la situation du sport au regard des discriminations : comme tout espace social, il n’y échappe pas et peine à faire face à ce phénomène. Selon M. Thuram : « Bien des personnes ne se rendent pas compte de la violence des mots. Le foot, je le répète, est à l’image de la société et de ses habitudes. Des propos racistes, sexistes et homophobes sont très souvent proférés. »

Dans son état des lieux des discriminations dans le sport, le cabinet Mouvens a relevé que « les sportifs noirs sont régulièrement renvoyés à leurs capacités physiques, alors que les sportifs blancs sont définis par leur intelligence sportive et leur habileté à comprendre le sport. Ces caractéristiques attribuées aux sportifs blancs correspondent à l’idéal de masculinité de Coubertin, auquel les autres sportifs ne répondraient pas. De plus, les minorités ethniques sont également peu présentes dans les fonctions autres du sport, comme aux postes d’entraîneurs ou de dirigeants ».

Ce constat fait écho à celui de MM. Marc Sauvourel et Olivier Dacourt qui, dans un documentaire, ont mis à jour une faible présence des joueurs noirs parmi les entraîneurs professionnels ou les dirigeants du football. M. Sauvourel a ainsi observé : « Si les joueurs de couleur composent à 50 % les effectifs, il n’y a que 5 % d’entraîneurs ou de dirigeants. Nous en concluons que les préjugés ont la vie dure. […] La représentation des entraîneurs noirs ou arabes dans les effectifs au plus haut niveau ne s’est pas améliorée. À l’époque de notre documentaire, il y avait trois entraîneurs de couleur en Ligue 1 : MM. Patrick Vieira, Sabri Lamouchi et Antoine Kambouaré, qui est néo-calédonien. Ce dernier n’avait pas souhaité figurer dans le documentaire, mais MM. Patrick Vieira et Sabri Lamouchi nous avaient parlé. Ils faisaient le même constat d’un manque de représentation mais ils ignoraient les raisons véritables même s’ils s’accordent pour constater que les préjugés sont bien ancrés. Cette année, M. Patrick Vieira est le seul entraîneur de couleur en Ligue 1. » ([420])

ii.   « Le culte de la virilité, fait générateur » de l’homophobie

S’agissant de l’homophobie, le cabinet Mouvens a rapporté ces propos d’un responsable d’une association de lutte contre les discriminations : « L’homophobie est mise en avant dans le foot, mais c’est pareil au rugby. Surtout que la virilité est poussée au maximum. Moi je jouais devant, l’insulte homophobe était bien présente dans la mêlée. C’est mis en exergue par les médias, mais dans les petits clubs au fin fond de la campagne, c’est encore pire. »

M. Patrick Karam est allé dans le même sens au cours de son audition : « Pour terminer sur le sujet de l’homophobie, le fait générateur est le culte de la virilité. Plus ce culte existe dans le sport, plus les faits d’homophobie se produisent et se répètent. » ([421])

De fait, un grand nombre de personnes auditionnées ont estimé que vivre une sexualité homosexuelle au grand jour était encore très difficile, voire impossible, dans le sport en général et particulièrement dans le football et le rugby. Selon M. Ouissem Belgacem, ancien footballeur : « La FFF et la LFP affirment que les choses avancent et que l’homophobie recule. Pour autant, les faits ne mentent pas. En France, aucun joueur de football ne fait son coming out, que ce soit dans les centres de formation ou au niveau professionnel. En revanche, c’est le cas dans d’autres pays tels que l’Angleterre ou l’Australie, qui sont des sociétés différentes. Sur le Vieux continent, les cultures méditerranéennes sont certainement plus machistes et virilistes. Je pense que notre pays et le football se voient plus progressistes qu’ils ne le sont réellement. » ([422])

M. Yoann Lemaire, président de l’association Foot ensemble, a ajouté : « Il n’y a toujours pas de coming out dans le milieu du football professionnel. Il y en a très peu dans le milieu amateur. »

En 2020, dans le cadre d’un plan de sensibilisation intitulé « Plaquons l’homophobie », la Ligue nationale de rugby (LNR) a réalisé un état des lieux de l’homophobie dans le rugby, auprès de joueurs professionnels, d’entraîneurs et d’encadrants. 75 % des personnes interrogées ont jugé qu’il serait très difficile de faire un coming out dans le rugby.

Une étude plus récente sur les LGBT-phobies, réalisée par l’Ipsos en 2022 ([423]), a conclu à des résultats similaires pour le milieu sportif en général : le milieu sportif professionnel est perçu comme homophobe par 77 % des Français, ce chiffre s’élevant à 75 % pour le milieu sportif amateur. « Au global, 46 % des Français ont déjà été témoins d’un comportement homophobe ou transphobe dans le milieu sportif. » 40 % des Français interrogés ont déjà été témoins ou visés par une insulte homophobe, ce chiffre montant à 67 % auprès des personnes LGBT+. Pour 44 % des répondants LGBT+, l’agression est même devenue physique.

Ces chiffres, qui démontrent l’ampleur de l’homophobie dans le sport, illustrent la nécessité d’actions de sensibilisation pérennes et systématiques, et rendent d’autant plus insupportables les propos relativisant ou minimisant ce phénomène, attitude qui a longtemps prévalu au sein de la Fédération française de football.

b.   « Le phénomène raciste dans le sport, et dans le football en particulier, n’existe pas »

Ces mots de M. Noël Le Graët, ancien président de la Fédération française de football, tenus en septembre 2020, ont symbolisé l’attitude de déni d’une partie des dirigeants français du sport.

Comment traiter sérieusement la problématique des discriminations si l’on refuse d’en reconnaître la réalité ? Selon M. Hermann Ebongué, secrétaire général de SOS Racisme et président-fondateur de Sportitude-France, « cette phrase résume très bien l’esprit dans lequel cette fédération gère le sujet ». M. Lemaire, pour qui l’ancien président de la Fédération française de football ne « s’intéressait absolument pas » au « sujet de la lutte contre l’homophobie et les discriminations », a ainsi salué son départ, selon lui « la meilleure chose qui puisse se produire » pour l’enjeu de la lutte contre l’homophobie.

Cette attitude n’a pas disparu avec le départ de M. Le Graët. Ainsi, M. Didier Deschamps, interrogé par la présidente Béatrice Bellamy sur les faits de racisme auxquels il aurait été confronté au cours de sa carrière, a répondu : « Concernant le racisme, durant toute ma carrière, j’ai été dans de nombreux vestiaires et stades en France et à l’étranger. En toute sincérité, je n’ai pas été confronté dans le cadre de mon activité sportive à des situations de ce type. » ([424]) La rapporteure a ensuite évoqué un match au Stade Vélodrome de Marseille, en avril 1990 ([425]), au cours duquel M. Joseph Antoine Bell avait été victime d’injures racistes et de jets de bananes de la part de supporters. M. Didier Deschamps, qui avait participé à ce match, a répondu : « J’y étais, c’est vrai, maintenant que vous le dites. J’ai commencé le football professionnel en 1985. J’ai participé à beaucoup de matchs dans des stades. Je jouais des matchs tous les trois jours. Il est possible qu’il y ait eu à un moment un incident dans un stade. Quand je dis que je n’y ai pas été personnellement confronté, je veux dire au cœur de mon activité, que ce soit en tant que joueur, dans un vestiaire, avec un problème entre deux joueurs d’origines différentes, ou en tant qu’entraîneur et sélectionneur. »

En septembre 2019, M. Le Graët, refusant d’être « pris en otage sur l’homophobie », avait écarté l’arrêt des matchs en cas de chants homophobes dans les stades, affirmant : « J’arrêterai un match pour des cris racistes, ça c’est clair. ». Interrogé lors de son audition devant la commission d’enquête, M. Le Graët a exprimé son regret d’avoir employé ces mots : « Lorsque je suis rentré, après cette déclaration, ma fille m’a passé un savon. J’ai ensuite rendu visite à des associations qui luttent contre l’homophobie. J’ai découvert que ce ne sont pas des gens qui vont au football. Souvent, il s’agit d’enfants abandonnés par leurs parents, qui vivent dans la rue. Je suis ressorti de cette visite très triste et j’ai considéré que j’avais été un peu maladroit d’avoir tenu de tels propos. Je suis certain que les imbéciles qui, dans les matchs de foot, hurlent les mots que vous connaissez, ne sont pas homophobes mais qu’ils sont bêtes. » ([426])

Selon la rapporteure, les chants homophobes ne relèvent pas de la « bêtise » mais de discriminations « ordinaires », qui s’appuient sur des préjugés profondément enracinés dans la société et, du fait de la médiatisation des compétitions de football, banalisent la haine et le rejet des homosexuels. Que l’élément intentionnel soit constitué ou non dans les injures homophobes n’a pas d’importance en soi. Comme l’a relevé M. Pierre Bathélemy, membre du bureau de l’Association nationale des supporters, certains termes injurieux, que la rapporteure ne reproduira pas dans le présent rapport d’enquête, peuvent ne pas être caractérisés pénalement comme des injures homophobes ([427]). Cependant, il ne s’agit pas, en l’espèce, de sonder les âmes et les consciences des auteurs de ces propos mais de reconnaître le caractère objectivement homophobe de ces derniers, ainsi que leur impact : des blessures morales et un sentiment d’exclusion chez les personnes LGBT+.

c.   Le football amateur : un retard important dans la lutte contre les discriminations

Si l’action de la Ligue de football professionnel (LFP) a été saluée par plusieurs personnes auditionnées – d’autres ayant au contraire jugé qu’elle n’agissait pas assez pour réprimer les comportements haineux et discriminatoires dans les stades (cf. infra) – l’action de la Fédération française de football a été très largement critiquée. M. Kilian Valentin, membre du bureau de l’Association nationale des supporters, a ainsi salué la mise en place de « travaux de sensibilisation et de prévention » au niveau professionnel, regrettant que « cette démarche de sensibilisation et de formation [n’ait] pas été mise en œuvre par la FFF dans les divisions inférieures et amateurs ».

M. Ronan Evain, membre du bureau de la même association, a confirmé : « Les clubs amateurs, y compris ceux des championnats semi-professionnels, ne bénéficient pas du même niveau de sensibilisation. Si un incident de nature homophobe survient au sein d’un club amateur, le président de ce club ne saura pas vers qui se tourner pour mettre en place une action de prévention. » ([428])

M. Yoann Lemaire est allé dans le même sens : « Nous sommes partenaires de la Ligue de football professionnel (LFP) et de la Fédération française de football (FFF). Dans la mesure où c’est très compliqué et difficile avec la FFF, il me serait difficile de vous dire exactement où nous en sommes aujourd’hui. Nous essayons d’intervenir au sein des clubs professionnels, tant auprès des joueurs professionnels que des jeunes dans les centres de formation. Nous intervenons également dans le milieu amateur afin de parler de ces sujets avec les jeunes, les éducateurs et les dirigeants. […] Malgré le nombre d’outils que nous pouvons leur fournir, on se rend compte qu’ils ne parviennent pas à les diffuser assez largement dans le milieu amateur. Ça signifie qu’un joueur, un coach ou un président de club au fin fond de la France sera difficilement informé de l’existence de ces outils pour essayer d’avancer sur ce sujet et d’en parler. Beaucoup d’éducateurs nous disent qu’ils ne sont pas aptes à parler d’homophobie. En sachant qu’il n’y a pas de formation pour les entraîneurs. Ça constitue un vrai problème. »

M. Philippe Diallo, président de la Fédération française de football, est revenu au cours de son audition sur les objectifs en matière de lutte contre les discriminations du « plan d’engagement » qu’il a présenté le 19 octobre 2023 ([429]) :

– 100 % des éducateurs de la fédération auront suivi, d’ici trois ans, un programme de formation et de sensibilisation aux discriminations sous toutes leurs formes, ce qui représente près de 35 000 personnes selon M. Diallo ;

– dans le même délai, 75 % des licenciés auront suivi un programme de formation et de sensibilisation.

Ce plan a vocation à se déployer jusqu’à la saison 2025-2026.

Les axes du plan d’engagement de la Fédération française de football en matière de lutte contre les discriminations

Le premier axe du plan d’engagement vise à prévenir, sensibiliser et former. Pour les éducateurs bénévoles, un module sera dispensé par territoire au cours de la saison 20232024, puis trois en 2024-2025, puis six en 2025-2026. 100 % des éducateurs professionnels seront formés au sein de l’Institut de formation du football ou à travers un module de l’association France victimes. D’autres actions sont prévues, comme la formation des membres des commissions de discipline des ligues et des districts, via des appels à projets associatifs (4 commissions régionales formées en 2023-2024, 13 commissions régionales et 10 commissions départementales formées en 2024-2025 et 20 commissions départementales formées en 2025-2026).

Le deuxième axe vise à contrôler, recueillir et traiter les alertes et accompagner les victimes. L’objectif, via un système fiable de mesure, est de diminuer de 80 % à horizon 2026 le nombre d’actes discriminatoires signalés. Pour ce faire, la FFF entend s’appuyer sur une plateforme fédérale de signalement, le numéro d’écoute France Victimes, la rédaction d’un livret de procédure sur les suites données aux alertes et l’accompagnement des victimes, en lien avec France Victimes.

Enfin, la FFF s’est donné pour objectif de créer, diffuser et rendre accessibles à tous les acteurs du football des contenus de formation et de sensibilisation à la lutte contre les discriminations (campagnes vidéo, projets innovants, etc.)

S’il est trop tôt pour se prononcer sur l’efficacité de ces mesures, la rapporteure suivra avec attention les bilans annuels qui seront réalisés par le comité stratégique, organe créé aux fins de piloter et d’évaluer la mise en œuvre du plan d’engagement de la Fédération française de football. L’autorité administrative indépendante chargée de veiller à l’éthique du sport devra également suivre et évaluer les actions conduites par les fédérations et l’État en ce domaine.

d.   L’exemple salué du rugby doit être étendu à toutes les disciplines sportives

Le monde du rugby n’est pas épargné par les actes racistes et homophobes, comme la rapporteure a pu le mesurer en entendant le témoignage de M. Bakary Meïté, ancien joueur de rugby ([430]).

De nombreuses personnes auditionnées ont salué le travail de la Fédération française de rugby, dont la commission anti-discrimination et égalité de traitement (CADET), créée en 2021, lutte contre toutes les formes de discriminations. Le travail de cette commission, présidée par M. Jean-Bernard Moles et qui mène des actions de prévention, de communication et de formation, a été salué par M. Olivier Klein, Dilcrah : « J’ai pu rencontrer la CADET. Il serait extrêmement utile d’avoir ce type de commission dans un maximum de fédérations. Ça démontrerait la prise en compte de ce sujet-là par le milieu sportif. Ça permettrait également de mettre en place un certain nombre d’actions, notamment en termes de formation et de sensibilisation. »

La CADET a apporté une attention particulière aux problématiques d’orientation sexuelle, en organisant plusieurs événements visant à favoriser l’inclusion des personnes LGBT+ dans la pratique du rugby. Le 11 octobre 2023, s’est ainsi tenu à Paris, à son initiative, un symposium international sur le « libre-arbitre dans le sport » et l’inclusion des personnes LGBT+. Le 14 octobre 2023, à Marcoussis, la CADET a organisé, avec le soutien du ministère des sports, du ministère de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la DILCRAH, une Pride Rugby Cup.

La rapporteure salue le travail précurseur de la Fédération française de rugby et soutient pleinement l’objectif du ministère des sports d’encourager la mise en place de structures similaires dans chaque fédération délégataire ([431]). Il convient cependant d’aller au-delà des simples encouragements ; la création d’une CADET dans les fédérations délégataires pourrait être inscrite dans les contrats de délégation, ce qui permettrait au ministère des sports d’apprécier l’efficacité de leur action lors de chaque campagne annuelle de suivi des engagements de ces contrats.

Recommandation  52 : Généraliser la création de commissions anti-discrimination et égalité de traitement (CADET) dans chaque fédération délégataire, via les contrats de délégation.


B.   les manifestations de haine et actes discriminatoires dans les enceintes sportives : un phénomène de masse

Si les actes et comportements racistes et homophobes ne sont pas propres aux compétitions de football, ces dernières présentent une spécificité, pour trois raisons :

– le phénomène des ultras est très largement circonscrit au football. Si certains ultras sont à signaler dans le basket-ball et le rugby, ces sports se caractérisent par un supportérisme plus familial et traditionnel ;

– la forte médiatisation des matchs de football : si les actes et comportements haineux et discriminatoires relèvent de déviances sociales, qui préexistent aux compétitions, la médiatisation amplifie l’impact de ces comportements, et contribue ainsi à leur banalisation dans l’ensemble de la société ([432]) ;

– le volume important de spectateurs des matchs de football crée un effet de groupe désinhibant, qui favorise le passage à l’acte.

Au regard de la multiplication, constatée par tous, des actes racistes et des chants homophobes dans les stades de football, et de la banalisation insupportable des propos haineux et discriminatoires qui en découle, la rapporteure juge nécessaire de sévir, d’une part, en améliorant sensiblement l’identification des responsables de ces comportements et, d’autre part, en interrompant systématiquement, si besoin définitivement, les rencontres sportives émaillées par ces actes. Les stades ne sont pas des lieux « hors la société », tout ne peut pas y être permis. En dépit d’une volonté d’agir fermement affirmée, tant à la LFP qu’au ministère des sports, les voies et moyens du nécessaire coup d’arrêt n’ont pas encore été trouvées.

1.   Les stades, « enceintes défouloir où les actions agressives et violentes peuvent être menées dans une relative impunité »

Deux exemples, qui ont marqué l’actualité pendant les travaux de la commission d’enquête, suffisent à prendre la mesure de l’ampleur du phénomène. Le 24 septembre 2023, lors d’une rencontre entre le Paris Saint-Germain (PSG) et l’Olympique de Marseille (OM), des milliers de supporters ont entonné des chants pendant une dizaine de minutes, essentiellement au sein de la tribune d’Auteuil. La commission de discipline de la LFP prononcera deux fermetures de cette tribune, l’une ferme et l’autre avec sursis. Quatre joueurs seront sanctionnés pour des chants injurieux. Le même jour, des supporters rennais avaient repris des chants homophobes contre les supporters nantais, lors d’un match de Ligue 1 opposant Nantes à Rennes.

Selon M. Vincent Labrune, président de la LFP, « la fin du confinement et le retour du public dans les stades ont été marqués par une résurgence des phénomènes violents dès la reprise du championnat » ([433]).

Ce constat a été étayé par une mission confiée au professeur en criminologie Alain Bauer, qui a remis un rapport à la LFP le 23 novembre 2022 ([434]). Si ce rapport ne s’est pas intéressé aux discriminations en elles-mêmes, une « reprise post-covid marquée par des comportements de "défoulement" » a été observée. M. Bauer a estimé qu’« à la reprise, les agressivités et frictions qui avaient déjà été observées avant les périodes de confinement, ont été multipliées dans les stades, et surtout, dans toutes les tribunes, et non plus seulement dans les tribunes d’ultras ». Si de nombreux secteurs de la vie en société sont concernés, comme les transports, M. Bauer a souligné la spécificité des stades, qui « ont été dans cette première saison de reprise des lieux où les interdits étaient moins supportés encore qu’à l’extérieur ».

M. Bauer souligne que ces comportements violents ne sont pas apparus avec la crise sanitaire : les stades « sont bien inscrits dans l’inconscient de certains comme des enceintes défouloir où les actions agressives, violentes ou dangereuses peuvent être menées dans une relative impunité ».

Dans leur immense majorité (à 95 % selon la ministre des sports ([435])), les actes discriminatoires sont des propos et chants homophobes. Selon M. Labrune, président de la LFP, « à chaque match ou presque, des chants homophobes sont entonnés » ([436]).

En 2022-2023, la LFP a recensé 197 dossiers disciplinaires, contre un peu plus de 200 en 2021-2022. Pour la saison 2023-2024, en à peine plus de trois mois, 75 dossiers disciplinaires ont déjà été ouverts pour des propos insultants ou discriminatoires.

2.   La politique de prévention et de sensibilisation de la LFP et du ministère des sports présente des limites

a.   La LFP a mis en place des ateliers de sensibilisation, encore insuffisants et peu valorisés

La sensibilisation constitue le premier pilier de la lutte contre les discriminations dans les stades. La LFP a ainsi mis en place des ateliers de sensibilisation à la lutte contre les discriminations dans les clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, en partenariat avec des associations : la LICRA, Foot ensemble, Panamboyz & Girlz United, Fondation pour le sport inclusif, SOS Homophobie. Ces ateliers permettent d’échanger avec les joueurs professionnels, les encadrants, les dirigeants et les supporters.

La LFP a indiqué avoir organisé 57 ateliers dans 23 clubs différents, soit 60 % des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2. Au cours de son audition, M. Rouger a commenté leur mise en place en ces termes : « Ces ateliers sont longs à organiser, il s’agit d’un travail de longue haleine, qui doit être permanent. »

Le déploiement de ces ateliers demeure très insuffisant. La rapporteure juge indispensable que l’ensemble des clubs professionnels bénéficient d’ateliers de sensibilisation, leur utilité n’étant plus à démontrer, comme l’a remarqué M. Ouissem Belgacem : « En fait, les jeunes réagissent très bien à mes conférences. On voit le chemin qu’ils peuvent parcourir en l’espace d’une intervention. C’est tellement incroyable qu’on se demande pourquoi ce n’est pas fait partout, chaque année et dans chaque club. Qu’attend-on pour le faire ? »

Recommandation  53 : Veiller à ce que l’ensemble des clubs professionnels bénéficient d’ateliers de sensibilisation et de déconstruction concernant les mécanismes du racisme et des discriminations, associant systématiquement leurs groupes de supporters.

La LFP a décidé, lors d’un conseil d’administration de janvier 2023, que les ateliers de lutte contre les discriminations seraient désormais intégrés en tant que critère pour obtenir la licence club ([437]). M. Arnaud Rouger, directeur général de la LFP, a présenté cette innovation au cours de son audition : « À la Ligue, nous disposons du dispositif multicritères "Licence Club", qui attribue des points aux clubs en fonction d’un certain nombre de critères, dont le centre de formation, la qualité de la pelouse ou l’engagement sur les questions énergétiques. Cette "Licence Club" a été modifiée l’année dernière, afin d’intégrer 1 000 points relatifs aux questions de RSE sur l’ensemble des 10 000 points disponibles, soit 10 % du total. Ils portent notamment sur les engagements en matière de sobriété énergétique ou de lutte contre les discriminations. » Comme M. Rouger l’a indiqué, les actions relatives à la responsabilité sociétale et environnementale (RSE) peuvent permettre aux clubs d’acquérir 1 000 points. L’utilisation de gobelets réutilisables, par exemple, permet d’obtenir 130 points tandis que la mise en place d’ateliers de sensibilisation auprès d’une association de supporters permet d’acquérir seulement 10 points. Afin d’obtenir un maximum de 100 points, doivent être visés par les ateliers de lutte contre les discriminations les joueurs professionnels, les associations de supporters et le top management du club. À titre de comparaison, le barème des actions relatives à la pelouse des terrains s’élève à 1 350 points. M. Vincent Labrune a reconnu que « dans la durée, il peut être envisageable d’augmenter son pourcentage dans la part totale ».

M. Julien Pontes, porte-parole du collectif Rouge direct, qui lutte contre l’homophobie dans le football, a regretté le faible niveau du barème RSE dans le total des points attribués : « Pour obtenir la licence club, les clubs doivent remplir certains critères qui valent un certain nombre de points dont le total s’élève à dix mille points. L’obtention de la licence club impose de totaliser sept mille points. L’état de la pelouse compte pour mille trois cents points et un atelier de sensibilisation à l’homophobie ou le racisme, qui sont deux ateliers différents, (c’est-à-dire que vous pouvez ne faire aucun atelier de sensibilisation à l’homophobie) rapporte cent points. Cela signifie que, pour la LFP, le respect des LGBT a treize fois moins de valeur que l’état de la pelouse. Il s’agit bien d’un indicateur chiffré du mépris de la LFP et des clubs pour la question de l’homophobie. » ([438])

De fait, l’augmentation dudit pourcentage apparaît indispensable à la rapporteure : la licence club constitue un dispositif particulièrement utile pour inciter les clubs à mettre en œuvre des ateliers de sensibilisation.

Recommandation  54 : Augmenter sensiblement la part du barème des ateliers de lutte contre le racisme et les discriminations dans les critères d’obtention de la licence club.

Enfin, si certaines actions de communication, comme le port du maillot arc-en-ciel, symbole de la cause LGBT+ ([439]), sont utiles, elles doivent systématiquement s’accompagner d’actions de formation, afin de prévenir le refus, exprimé par plusieurs joueurs en mai 2023, de porter ce maillot. M. Julien Pontes a ainsi relevé que plusieurs joueurs « ont des convictions d’ordre religieux et cette exigence leur pose problème parce que nul n’ignore qu’il existe des problèmes entre l’homosexualité et la religion, quelle qu’elle soit. Certains joueurs du Championnat de France sont connus pour être croyants et très pieux. Si la LFP et ses partenaires faisaient un travail intelligent de sensibilisation, la démarche liée aux maillots arc-en-ciel pourrait être intéressante. Cependant, il est nécessaire d’anticiper six mois à l’avance et d’expliquer que le port du maillot arc-en-ciel représente une démarche de solidarité avec LGBT. Si cela pose des problèmes à certains joueurs, probablement peu nombreux, il importe de prendre le temps de les accompagner et de travailler avec eux sur leur blocage par rapport au port du maillot arc-en-ciel ».

b.   L’État doit veiller à ce que l’ensemble des groupes de supporters bénéficient d’actions de sensibilisation

Le 12 octobre, dans un courrier adressé aux présidents de clubs de football, cosigné avec Mme Bérangère Couillard, ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, par M. Philippe Diallo, président de la Fédération française de football, et par M. Vincent Labrune, président de la LFP, la ministre des sports a réclamé « la mise en œuvre ou le renforcement des ateliers de sensibilisation et de formation en matière de lutte contre les discriminations, à destination de tous les acteurs concernés, dont les référents supporters des clubs et les associations de supporters, pour œuvrer avec pédagogie en matière de lutte contre les discriminations à caractère homophobe ».

La rapporteure ne peut que s’associer à cette demande : les référents supporters ([440]) devraient en effet jouer un rôle de premier plan dans la prévention des comportements discriminatoires au sein des groupes de supporters. Dans son courrier du 12 octobre (cf. supra), la ministre a réclamé l’organisation de temps d’échanges, avant les rencontres, avec les groupes de supporters, afin de prévenir les comportements discriminatoires. Afin de donner sa pleine efficacité à une telle mesure, il convient de faire bénéficier les référents supporters d’une formation à la lutte contre les discriminations, qui devrait être obligatoire. Or il n’est actuellement pas prévu que les référents supporters suivent une telle formation avant leur désignation. La rapporteure souhaite donc que le principe de cette formation soit inscrit dans le code du sport, charge à la LFP de s’assurer de leur respect ([441]).

Recommandation  55 : Inscrire dans le code du sport le suivi obligatoire par les référents supporters d’un atelier de sensibilisation à la lutte contre le racisme et les discriminations, préalablement à leur désignation.

Enfin, le dispositif d’agrément des associations de supporters doit être davantage mis au service de la lutte contre les discriminations. Si les associations de supporters ne peuvent être agréées par l’État qu’après avoir adopté des statuts comportant des dispositions qui garantissent l’interdiction de toute discrimination ([442]), le suivi d’ateliers de sensibilisation n’est pas obligatoire en vue de l’agrément. Une telle mesure serait pourtant utile afin de prévenir les comportements haineux et discriminatoires dans les enceintes sportives.

Recommandation  56 : Conditionner l’agrément d’une association de supporters au suivi, par tous ses membres, d’un atelier de sensibilisation à la lutte contre le racisme et les discriminations. Une fois l’association agréée, prévoir le suivi obligatoire d’un atelier de sensibilisation pour toute personne souhaitant rejoindre l’association.

Enfin, les mesures de prévention ne suffiront pas à faire cesser les chants homophobes : la prévention doit aller de pair avec la répression. Comme l’a résumé M. Julien Pontes, porte-parole du collectif Rouge direct, au cours de son audition : « L’homophobie étant interdite, elle doit faire l’objet de sanctions. À défaut, cela [les actions de prévention] n’a aucun sens. »

3.   L’interruption des matchs en cas d’incident à caractère discriminatoire : un protocole non appliqué

L’article 549 du règlement des championnats de France transpose un protocole de la FIFA qui prévoit la marche à suivre en cas d’incident de match.

ARTICLE 549. – PROCÉDURE EN CAS D’INCIDENTS DE MATCH

L’arbitre peut décider de retarder le coup d’envoi d’un match ou de l’interrompre, à plusieurs reprises le cas échéant, en raison d’incidents graves pouvant entraîner ou non un retour des joueurs et de l’équipe arbitrale aux vestiaires. Le match ne peut débuter ou reprendre que si les incidents graves ont cessé.

Si la typologie et/ou la gravité de l’incident le nécessite, une cellule de crise peut être activée par l’arbitre, le délégué ou l’autorité publique. À l’issue de celle-ci, la décision d’interrompre définitivement ou non le match, ou de le débuter ou non en cas d’incident en avant-match, revient à l’arbitre.

Néanmoins l’autorité publique peut se substituer à ce dernier pour modifier la décision finale, uniquement pour des motifs de risques graves de troubles à l’ordre public.

De tels incidents relèvent de la compétence de la Commission de Discipline de la LFP.

Toute décision de la Commission de Discipline est renvoyée pour enregistrement à la Commission des Compétitions

Il revient à l’arbitre de prendre la décision d’interrompre définitivement une rencontre sportive en cas d’incident violent ou à caractère discriminatoire, tel que des chants homophobes.

Alors que ce protocole pourrait jouer un rôle dissuasif, il apparaît qu’il n’est que très peu appliqué, comme l’a reconnu la LFP, qui a indiqué à la rapporteure qu’aucun match n’avait été définitivement arrêté. Les étapes précédentes du protocole, c’est-à-dire l’arrêt temporaire du match, sont également mal appliquées, comme l’a reconnu M. Labrune au cours de son audition : « Dans un premier temps – et le protocole européen est bien rédigé –, il faut interrompre la rencontre, de manière préventive. Je n’ai pas compris pourquoi l’arbitre ne l’avait pas fait lors du match PSG-OM, alors que les chants avaient duré une dizaine de minutes. Finalement, je pense qu’il était concentré sur son match et ceux qui ont failli étaient sans doute plutôt les délégués. » Mme Amélie Oudéa-Castéra, pour sa part, évoquant la même rencontre, a relevé que « ces protocoles sont faits pour être appliqués » ([443]).

M. Olivier Klein, Dilcrah, a quant à lui dénoncé une « forme d’indifférence » de la part des arbitres et des délégués de match : « Nous avons pu constater hier soir dans le match entre Nancy et le Red Star que des cris de singe sont descendus des tribunes. Nous avons également entendu, lors du match au Parc des Princes, des chants homophobes particulièrement virulents qui ont été repris par le stade de manière unanime et sans aucune réaction de l’arbitre et du délégué. Nous avons même constaté une forme d’indifférence. La DILCRAH et les ministres se sont saisis de cette affaire, mais on nous a expliqué que tout ça n’était que "du folklore et quelque chose d’anecdotique". » ([444])

L’application ferme et systématique de ce protocole ne fait pas consensus. Mme Amélie Oudéa-Castéra a récemment renvoyé les arbitres à leur responsabilité, tout en estimant que les matchs, en cas d’incidents répétés, devraient être définitivement interrompus ([445]). En revanche, M. Philippe Diallo a estimé qu’il « [fallait] le faire avec discernement, pour ne pas non plus se mettre dans la main des gens qui seraient mal intentionnés en tribunes » ([446]). Si M. Labrune, au cours de son audition, a expliqué ne pas être « favorable à une interruption définitive des rencontres de manière systématique », il a également précisé « que les interruptions temporaires doivent devenir définitives au bout de la deuxième ou troisième interruption, si les chants ne cessent pas ».

La rapporteure a conscience que l’arrêt définitif des rencontres s’apparente à une punition collective pour les spectateurs et les téléspectateurs. Cependant, cette procédure est indispensable pour dissuader efficacement des supporters malveillants de perturber le bon déroulement des rencontres sportives par des propos haineux, qui n’ont pas leur place dans les stades français. L’article 549 du règlement des championnats de France doit donc être rigoureusement appliqué.

Au vu de l’ampleur des incidents et des réactions parfois timorées des arbitres, la rapporteure souhaite que le préfet puisse se substituer à ces derniers et prendre lui-même la décision d’interrompre la rencontre, temporairement ou définitivement, en cas d’inaction.

Recommandation  57 : Inscrire dans le code du sport la possibilité pour le préfet d’interrompre, temporairement ou définitivement, une rencontre sportive en cas d’incident violent ou à caractère discriminatoire.

Enfin, la rapporteure serait favorable à ce que, en cas de survenue d’un incident haineux et discriminatoire d’ampleur au sein d’une enceinte sportive, la retransmission audiovisuelle de la manifestation sportive soit interrompue. Cette mesure, aussi symbolique que pragmatique, enverrait un signal fort à l’ensemble du corps social : les actes et propos discriminatoires n’ont pas leur place dans la société.

Recommandation  58 : Interrompre la retransmission audiovisuelle d’une manifestation sportive en cas de survenue d’un incident haineux ou discriminatoire d’ampleur.

4.   Rééquilibrer les sanctions collectives et les sanctions individuelles en identifiant mieux les responsables des dérives

a.   Les sanctions prononcées par la commission de discipline de la LFP présentent des limites

Au cours de son audition, M. Pierre Barthélémy, membre du bureau de l’Association nationale des supporters, a mis en cause la commission de discipline de la LFP, qui prononce des sanctions collectives : « Les commissions de discipline prennent désormais la décision d’épargner les clubs et de sanctionner les supporters en fermant toute la tribune. Cela signifie qu’en cas de mauvais comportement de quelques personnes, par exemple en cas de chant raciste, tous les supporters sont sanctionnés. Ces sanctions collectives constituent un détournement grave de la mission disciplinaire des commissions, et reposent sur des présomptions paternalistes selon lesquelles les supporters sont inaptes à vivre en collectivité, et qu’ils sont stupides et dépourvus d’intelligence collective et de culture. » ([447])

M. Arnaud Rouger lui a répondu en soulignant que si la sanction collective « n’est pas une fin en soi », elle n’en est pas moins « la seule à la disposition de la commission de discipline », rappelant que celle-ci ne dispose pas de pouvoir de police et ne peut pas « sanctionner un individu de manière isolée ». M. Vincent Labrune a insisté : « Les sanctions collectives peuvent sembler injustes, mais elles sont nécessaires, au même titre que les sanctions individuelles. Cependant, ces dernières ne sont pas de notre ressort. »

Si ces sanctions collectives présentent des limites, elles sont susceptibles d’inciter les clubs à tenir un discours très ferme vis-à-vis de leurs supporters. La rapporteure constate, selon les informations qui lui ont été transmises, que la commission de discipline de la LFP réprime encore trop modestement les infractions à son règlement. Ainsi, lors de la saison 2022-2023, sur 197 dossiers disciplinaires ouverts, 107 affaires ont donné lieu à une invitation à réaliser un atelier, 54 affaires ont donné lieu à une amende avec sursis, 36 affaires ont donné lieu à une amende ferme. 8 dossiers disciplinaires ont été ouverts pour des banderoles injurieuses, discriminatoires ou à caractère politique : 2 affaires ont été classées, 4 ont donné lieu à une amende avec sursis, 4 ont donné lieu à une amende ferme. En 2023-2024, sur 75 dossiers disciplinaires, 49 ont été classés ou n’ont pas donné lieu à des sanctions. 3 fermetures de tribunes ont été décidées (PSG/OM, PFC/Bastia et OL/OM), 20 amendes ont été prononcées (dont 12 fermes) et 4 joueurs ont été suspendus.

La rapporteure appelle la LFP à renforcer la sévérité de ses sanctions et à prononcer des fermetures de tribunes chaque fois que nécessaire.

Recommandation  59 : Sanctionner systématiquement les actes et propos haineux et discriminatoires dans les stades de football, en prononçant des fermetures de tribunes chaque fois que nécessaire.

b.   Des sanctions individuelles insuffisantes voire inexistantes

i.   Les suppporters coupables d’actes ou de propos haineux ou discriminatoires ne font pas à ce jour l’objet de sanctions

M. Hermann Ebongué a déploré l’absence de sanctions individuelles, due à l’anonymat des responsables de comportements haineux ou discriminatoires : « La législation actuelle nous permet de répondre sur les plans pénal et disciplinaire, mais il faut aboutir à des sanctions. On n’a pas suffisamment travaillé pour identifier les personnes qui posent problème et prononcer des sanctions individuelles, ce qui éviterait des sanctions collectives en sachant que les sanctions collectives créent souvent une fausse solidarité. » ([448])

De fait, les sanctions prévues par le code du sport en cas de provocation à la haine ou à la violence ne sont pas appliquées.

Sanctions prévues par le code du sport en cas de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination dans les enceintes sportives

Article L. 332-6 du code du sport

Lors d’une manifestation sportive ou de la retransmission en public d’une telle manifestation dans une enceinte sportive, le fait de provoquer, par quelque moyen que ce soit, des spectateurs à la haine ou à la violence à l’égard de l’arbitre, d’un juge sportif, d’un joueur ou de toute autre personne ou groupe de personnes est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Article L. 332-7 du code du sport

Le fait d’introduire, de porter ou d’exhiber dans une enceinte sportive, lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive, des insignes, signes ou symboles incitant à la haine ou à la discrimination à l’encontre de personnes à raison de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur sexe ou de leur appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. La tentative du délit prévu au premier alinéa est punie des mêmes peines.


Selon les informations transmises à la rapporteure par la direction des affaires criminelles et des grâces :

– pour des faits de provocation à la haine ou à la violence lors d’une manifestation sportive, seulement deux condamnations ont été prononcées de 2019 à 2022 ;

– pour des faits d’introduction ou de port dans une enceinte sportive d’objet incitant à la haine ou à la discrimination, seulement une condamnation a été prononcée, en 2020.

Il n’est donc pas nécessaire de modifier la loi, seulement de l’appliquer. C’est par la sanction individuelle que la collectivité pourra efficacement faire cesser les comportements discriminatoires, afin que les coupables ne puissent plus s’abriter derrière un groupe qui endossera, à travers les sanctions collectives, la responsabilité de ces agissements à leur place.

ii.   « Il n’y a pas d’autre solution que de travailler à résoudre l’anonymat des hooligans et des voyous »

Par ces mots, M. Alain Bauer a parfaitement résumé l’enjeu : seule une meilleure identification des responsables d’agissements haineux et discriminatoires dans les enceintes sportives permettra de garantir une application effective des sanctions individuelles.

La mise en place d’une billetterie nominative moderne permettrait de faciliter l’identification des auteurs d’incidents et donc d’individualiser les sanctions. Selon M. Bauer, « les moyens techniques pour y parvenir sont multiples » : carte de supporter obligatoire pour accéder aux stades, achat nominatif de billet avec vérification de l’identité du porteur de billet via une application sur téléphone portable, vérification locale d’identité à l’entrée du stade.

Une réflexion est en cours au sein de l’Instance nationale du supportérisme (INS), espace de dialogue et de concertation que la ministre des sports a utilement relancé en mai 2022. Un équilibre devra être recherché entre le respect des droits des personnes et la fiabilité du dispositif.

Enfin, une modification de la loi pourrait être nécessaire. La loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux olympiques ([449]) a prévu que toute personne pénétrant en qualité de spectateur dans un lieu où doit se dérouler une manifestation sportive dont l’accès est subordonné à l’acquittement d’un droit d’entrée doit présenter un titre d’accès. Un décret doit déterminer les seuils de spectateurs au-delà desquels les organisateurs de manifestations sportives prévoient des titres d’accès nominatifs, dématérialisés et infalsifiables. Cependant, seront seules concernées les manifestations sportives « exposées, par leur nature ou par leurs circonstances particulières, à un risque de fraude ». Il est regrettable que la problématique de la billetterie nominative ait été abordée à travers le seul prisme de la fraude, celle-ci n’étant pas le seul incident susceptible de perturber le bon déroulement d’une manifestation sportive. Dès lors, la rapporteure souhaite que le champ de cette obligation soit, de façon proportionnée, élargi aux manifestations sportives exposées, par leur nature ou par leurs circonstances particulières, à un risque de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination. Les matchs de Ligue 1 et de Ligue 2 pourraient correspondre à cette définition ; il reviendra à l’Instance nationale du supportérisme de se prononcer sur cette question.

Recommandation  60 : Étendre le champ de l’obligation de mise en place de titres d’accès nominatifs, dématérialisés et infalsifiables aux manifestations sportives exposées, par leur nature ou par leurs circonstances particulières, à un risque de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination.

iii.   La mise en place de commissions d’observation dans les tribunes pourrait permettre de mieux recenser les faits discriminatoires

Dans son rapport précité de 2013 ([450]), M. Patrick Karam avait recommandé de « dupliquer l’expérience menée au Parc des Princes avec les associations antiracistes quant à la création d’une commission "contrôle surveillance" sur les discriminations ». Ce dispositif, aussi connu sous le nom de « plan Leproux » ([451]), consiste à associer, lors des manifestations sportives, trois acteurs : la police, les directeurs de sécurité des clubs et les associations de lutte contre les discriminations.

Lors d’une réunion de travail au ministère des sports, le 31 août 2023, des représentants d’associations ([452]) ont proposé à Mme Amélie Oudéa-Castéra de reprendre ce dispositif tripartite, qui permettrait de mieux prévenir et réprimer les discriminations. Ainsi, avant le match, en concertation avec les directeurs sécurité des clubs, des observateurs issus de la police et des associations seraient placés dans les tribunes. Pendant le match, les faits d’homophobie et de racisme seraient recensés et les observateurs pourraient, le cas échéant, imposer un arrêt du match. Les délégués de la LFP consigneraient dans la feuille de match (cf. supra) tous les actes délictuels constatés. Des dispositifs de vidéosurveillance seraient systématiquement mis en place afin d’identifier les auteurs. À l’issue du match, les faits seraient directement transmis :

– à la commission de discipline de la LFP et à la Licra afin qu’un dossier disciplinaire soit ouvert et que des sanctions collectives soient, le cas échéant, prononcées ;

– au procureur de la République et au préfet territorialement compétent, afin qu’une réponse pénale soit mise en œuvre.

La rapporteure s’associe pleinement à cette préconisation, qui a fait ses preuves outre-manche.

Lors de son audition, la ministre des sports est revenue sur les conclusions de cette réunion : « J’ai demandé à mon cabinet d’enchaîner, et il a tout de suite pris contact avec les équipes de Metz et de Saint-Étienne – deux des quatre endroits recommandés par Rouge Direct  et nous avons enclenché le travail. » ([453]) Deux clubs ont ainsi été sélectionnés : l’Association sportive Saint-Étienne (AS Saint-Étienne) et le FC Metz.

Cependant, ces expérimentations n’ont pas encore commencé, ce qu’a confirmé M. Labrune, qui n’en a pas explicitement soutenu le principe : « J’ai discuté avec la directrice générale du FC Metz jeudi dernier, lors du Comex de la FFF. Elle m’a effectivement fait état d’un appel du ministère des sports, afin d’intégrer un observateur lors des matchs à Metz. À cette occasion, elle a formulé à juste titre la remarque suivante : "On va se tirer une balle dans le pied". En effet, le club sera sanctionné. Il faut agir, mais de quelle manière le faire ? »

Selon la rapporteure, un tel dispositif serait le mieux à même d’identifier les auteurs de propos discriminatoires et de permettre une réponse pénale effective, qui fait aujourd’hui complètement défaut. Elle rappelle que la systématisation du dépôt de plainte, le signalement au procureur de la République ([454]) ou la constitution de partie civile pour les associations ou fédérations sportives ayant connaissance de discriminations envers les personnes LGBT+ constituent l’un des axes du plan d’action du ministère des sports présenté le 17 mai 2023. Elle appelle donc le ministère des sports et la LFP à déterminer sans délai, au sein de l’Instance nationale du supportérisme, les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation décidée lors de la réunion du 31 août 2023 au ministère des sports.

Recommandation  61 : Définir sans délai les modalités de l’expérimentation de dispositif tripartite (police, directeurs de la sécurité des clubs, associations) lors des compétitions de football. À l’issue de la saison sportive 2023-2024, réaliser un bilan au sein de l’INS et déterminer les voies et moyens de sa généralisation.


c.   Les interdictions judiciaires et administratives de stade doivent être systématisées et renforcées

Les interdictions judiciaires de stade (IJS) et les interdictions administratives de stade (IAS) ([455]) pourraient constituer un instrument de premier ordre dans la lutte contre les comportements violents et discriminatoires dans les stades. Trop peu sont hélas décidées par les juridictions et les préfets.

En 2018-2019, 339 personnes étaient soumises à une IJS ou une IAS. Au 14 novembre 2023, ces personnes sont au nombre de 214 seulement.

Suivi des IAS et des IJS (au 14 novembre 2023)

 

IAS

IJS

Cumul IAS / IJS

Saison 2015/2016

154

160

314

Saison 2016/2017

121

139

260

Saison 2017/2018

169

120

289

Saison 2018/2019

191

148

339

Saison 2019/2020

69

53

122

Saison 2020/2021

28

49

77

Saison 2021/2022

52

122

174

Saison 2022/2023

86

132

218

Saison 2023/2024

132

82

214

Source : direction des sports.

En particulier, M. Labrune a jugé au cours de son audition que « lors de la reprise après le confinement, les personnes interdites de stade avaient purgé leur sanction. Nous avons donc été confrontés à un retour de " cinglés " dans les stades. J’en avais d’ailleurs discuté très rapidement avec le ministre Blanquer, à la fin de l’année 2021, à l’occasion d’un match. De manière subjective, j’avais estimé qu’un millier de personnes devaient être interdites de stade, soit une moyenne de cinquante personnes par club, qui n’ont rien à faire dans nos tribunes ».

La meilleure identification des auteurs d’actes et de propos discriminatoires devrait permettre une meilleure application de la peine complémentaire d’IJS. Depuis le 19 mai 2023 ([456]), cette peine est obligatoire à l’encontre des personnes coupables de certaines infractions, dont la provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination. Cette dernière infraction (cf. supra) n’étant pas sanctionnée, il apparaît difficile d’assurer l’effectivité des IJS.

Enfin, la rapporteure s’associe pleinement aux propos de M. Éric Dupond‑Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice, tenus au cours de son audition du 23 novembre 2023 : « Je suis tout à fait prêt – j’en ai parlé ce matin avec mes équipes  à ce qu’on fasse en sorte que les gens qui se comportent ainsi soient définitivement interdits de stade. Il n’y a pas, pour moi, de ligne infranchissable en la matière. Certains ne comprennent rien à rien, et je ne sais même pas s’ils aiment le sport. Ce n’est pas possible quand on a de telles attitudes discriminatoires : le sport, au contraire, unit les gens. » ([457])

M. Lilian Thuram est allé dans le même sens : « Si des personnes ne se comportent pas bien, il faut leur interdire l’entrée des stades. Si elles ont un mauvais comportement au stade de Niort, par exemple, elles ne doivent pas pouvoir aller à celui de Guingamp. Je pense que tout le monde est d’accord. » ([458])

Comme l’a relevé le garde des sceaux, « certains ne comprennent rien à rien ». Dès lors, la rapporteure propose que la limitation de durée des IJS et des IAS, actuellement fixée à cinq ans et vingt-quatre mois respectivement, soit supprimée en cas de récidive. De surcroît, elle souhaite que les juridictions et les préfets, selon les cas, puissent étendre le champ des IJS et des IAS à l’ensemble des enceintes sportives, sans les limiter à certaines manifestations sportives. Ces deux mesures contribueraient fortement à ramener dans les stades l’atmosphère de sécurité, de respect et de tranquillité qui devrait y régner en toutes circonstances.

Recommandation  62 : Introduire dans le code du sport la possibilité pour les juridictions et les préfets de prononcer des interdictions judiciaires de stade (IJS) et des interdictions administratives (IAS) définitives en cas de récidive. Étendre le champ des IJS et des IAS à l’ensemble des enceintes sportives.

 


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   Liste des Recommandations

1.   Première partie : Défaillances systémiques

 

Recommandation  1 : Publier dans les plus brefs délais un état des lieux de la gestion de la Fédération française de kickboxing, muaythaï et disciplines associées, un état du respect des textes et un bilan de l’exécution de son contrat de délégation par cette fédération et, le cas échéant, procéder sans délai au retrait de la délégation.

 

Recommandation n° 2 : Faire de la prochaine génération des contrats de délégation de véritables outils au service du renforcement de l’éthique en déclinant dans l’ensemble des champs concernés des objectifs précis, tenant compte de la situation de chaque fédération et assortis d’indicateurs permettant d’en mesurer l’atteinte.

Soumettre la prochaine génération de contrats de délégation à l’avis de l’autorité administrative indépendante chargée de l’éthique du sport que la rapporteure appelle à mettre en place.

 

Recommandation  3 : Relever les moyens de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, afin de renforcer la fréquence (tous les trois ans) et la profondeur des contrôles.

 

Recommandation  4 : Doter l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche d’une mission de suivi et d’un droit de suite de ses recommandations auprès de la direction des sports, des fédérations sportives et des établissements publics sous tutelle.

 

Recommandation  5 : Publier chaque année un bilan précis du respect des textes et de l’exécution de leur contrat de délégation par les fédérations.

Prévoir dans la loi une audition annuelle de la direction des sports sur ce bilan, par les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat en charge du sport.

 

Recommandation  6 : Conditionner les soutiens publics au mouvement sportif à des engagements précis et vérifiés en matière d’éthique.

Compte tenu des enjeux, conditionner le versement des subventions de l’Agence nationale du sport à la démonstration par les fédérations sportives de la bonne réalisation du contrôle d’honorabilité.

 

Recommandation  7 : Doter la future autorité administrative indépendante en charge de l’éthique du sport d’un pouvoir de sanctions financières à l’encontre des fédérations sportives ne respectant pas leurs obligations et engagements en matière d’éthique.

 

Recommandation  8 : Mettre fin dans les plus brefs délais aux situations effectives de cumul d’emploi des fonctions de directeur technique national et de directeur général d’une fédération sportive.

 

Recommandation  9 : Inscrire dans le code du sport que les agents s’abstiennent d’exercer, au moins durant trois ans, les fonctions électives fédérales qui étaient incompatibles avec leurs précédentes missions de CTS.

 

Recommandation  10 : Renforcer les dispositions du code de déontologie des conseillers techniques sportifs et les rendre obligatoires en les intégrant dans le code du sport.

 

Recommandation  11 : Mettre au cœur de la mission des conseillers techniques sportifs (CTS) la lutte contre les violences et la préservation de l’éthique.

Introduire dans toutes les lettres de missions des CTS des objectifs et actions précis en matière de lutte contre les violences et de protection de l’éthique.

Conduire une évaluation annuelle de ces actions.

Sanctionner de manière systématique les cadres défaillants.

 

Recommandation  12 : Doter la direction des sports des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions.

 

Recommandation  13 : Sur la base d’un audit, précis et rendu public, de l’exercice de leurs missions en matière de protection des publics, renforcer quantitativement et qualitativement les services déconcentrés de l’État.

 

Recommandation  14 : Au lendemain des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, réaliser un bilan complet de l’efficacité et de la pertinence de la nouvelle gouvernance du sport, en particulier de l’Agence nationale du sport, étant entendu que ce bilan ne pourra avoir pour seul critère la performance de la France aux Jeux. Ce bilan devra permettre une évaluation complète de l’action de l’ANS ainsi que de l’opportunité de son maintien.

 

Recommandation  15 : Actionner le levier de la convention pluriannuelle d’objectifs conclue avec le CNOSF pour mieux orienter et contrôler son action et s’assurer de sa complémentarité avec les actions conduites par le ministère.

Rendre publique la convention qui lie le CNOSF et le ministère des sports en contrepartie de sa subvention et le bilan annuel des actions menées par le CNOSF dans ce cadre.

Soumettre cette convention et son exécution à l’avis de l’autorité indépendante chargée de l’éthique du sport que la rapporteure appelle à mettre en place.

 

Recommandation  16 : Limiter la durée totale des fonctions de directeur technique national (DTN) auprès d’une même fédération à huit ans, afin de prévenir les risques de conflits d’intérêts et de connivence.

Décorréler la durée des contrats des directeurs techniques nationaux de celle du mandat des présidents de fédérations, pour garantir l’indépendance des DTN.

 

Recommandation  17 : Fixer dans la loi le principe de parité réelle dans tous les organes dirigeants du mouvement sportif (CNOSF, CPSF, fédérations, ligues professionnelles, organes déconcentrés) ainsi que dans l’ensemble des commissions de discipline, des comités d’éthique et autres commissions régaliennes.

 

Recommandation  18 : Lancer une évaluation sur le bénévolat et les conditions de maintien de son attractivité.

Rendre obligatoire la formation des bénévoles des clubs exerçant des fonctions d’encadrement et y intégrer un module spécifique sur les violences sexuelles et sexistes.

Reconnaître le rôle essentiel des bénévoles à travers la création d’un statut officiel, incluant la reconnaissance des acquis d’expérience et la comptabilisation de leur engagement dans les trimestres de retraite.

Établir un système d’indemnisation des dirigeants et dirigeantes de fédération fondé sur des critères clairs et transparents.

Conditionner l’accès à l’agrément et aux soutiens publics à une formation des dirigeants et dirigeantes des fédérations et instances déconcentrées du mouvement sportif sur l’éthique.

 

Recommandation  19 : Prévoir la participation directe de tous les clubs membres d’une fédération sportive aux élections et à toutes les assemblées générales.

Intégrer dans les dispositions statutaires obligatoires le principe du « référendum » fédéral permettant de consulter les clubs sur des questions particulières, y compris à l’initiative d’un certain nombre d’entre eux.


 

Recommandation  20 : Prévoir l’élection des organes exécutifs selon un mode de scrutin proportionnel.

Encadrer les conditions de déroulement des campagnes électorales et fixer des garanties d’égalité de traitement entre les candidats.

Pour plus de renouvellement, limiter strictement le nombre de mandats à trois.

 

Recommandation  21 : Établir une grille de rémunérations tant pour les fédérations que pour les comités d’organisation des grands événements sportifs internationaux.

Rendre publics les rémunérations, les organigrammes et les postes vacants.

Constituer des jurys de recrutement aussi diversifiés que possible pour les hauts postes de l’encadrement fédéral (directeur technique national, directeur général, etc.)

 

Recommandation  22 : Enjoindre à l’ensemble des fédérations sportives concernées de publier sans délai leurs comptes.

Rendre obligatoire pour les fédérations agréées l’adoption d’un règlement financier, rendu public, conforme à un règlement type fixé par voie réglementaire et comportant notamment des dispositions relatives à l’obligation de publicité des comptes et aux procédures de passation des contrats.

Ce règlement devra faire l’objet d’un avis de l’autorité indépendante chargée de l’éthique du sport que la rapporteure appelle à mettre en place.

L’autorité indépendante chargée de l’éthique du sport devra rendre publics et accessibles les comptes des fédérations.

Formaliser l’emploi des cartes bancaires, des frais de déplacement et des invitations.

 

Recommandation  23 : Inscrire dans le code du sport l’obligation pour les fédérations sportives agréées de respecter les règles de la commande publique. Exiger l’intégration des grands principes de la commande publique au sein des règlements financiers des fédérations sportives.

Intégrer un volet ambitieux de prévention des atteintes à la probité dans les contrats de délégation. Ce volet doit concerner les fédérations mais aussi les ligues professionnelles dont elles assurent le contrôle.

 

Recommandation  24 : Vu les carences des fédérations et du ministère de contrôle dans la mise en place des dispositifs de signalement prévus par la loi Sapin II, confier à l’autorité administrative indépendante chargée de l’éthique du sport la mission de centraliser un dispositif de signalement anti-corruption en assurant une protection efficace des lanceurs d’alerte.

Communiquer massivement sur ce dispositif.

 

Recommandation  25 : Inscrire dans les contrats de délégation l’engagement du président de fédération à veiller au respect, par les personnes concernées de sa fédération, de leurs obligations déclaratives. Procéder au rappel de ces obligations lors de chaque campagne annuelle de suivi des contrats de délégation.

 

Recommandation  26 : Mettre en œuvre l’article 8 de la convention pluriannuelle d’objectifs signée entre le ministère des sports et le CNOSF, afin d’exiger le reversement des sommes versées au CNOSF au titre de ses actions en matière d’éthique.

 

Recommandation  27 : Renforcer au niveau de la loi les garanties pour :

– étendre aux fédérations agréées, ainsi qu’au CNOSF et au CPSF l’obligation instituée par le code du sport d’élaborer une charte et de constituer un comité (obligation qui, depuis la loi de 2017, ne concerne plus que les fédérations délégataires) ;

– préciser, dans le code du sport, les attributions et modalités de fonctionnement des comités d’éthique des fédérations, du CNOSF et du CPSF, afin d’y intégrer notamment les missions suivantes : élaboration de la charte, pouvoir d’enquête et capacité d’autosaisine, proposition de sanctions aux organes disciplinaires compétents, réception d’alertes ou encore, rédaction d’un rapport d’activité annuel ;

– renforcer la transparence en prévoyant que les avis émis par ces comités soient rendus publics. Le rapport d’activité devrait également être publié et systématiquement commenté lors des assemblées générales des fédérations, de leurs ligues professionnelles, du CNOSF et du CPSF ;

– établir les modalités de désignation des membres des comités d’éthique ainsi que les règles d’indépendance et de prévention des conflits d’intérêts auxquelles ils sont soumis (notamment, régime d’incompatibilités et membres indépendants) ;

– doter les comités d’éthique de ressources financières propres et d’un secrétariat indépendant.

 

Recommandation  28 : Créer une autorité administrative indépendante chargée de la protection de l’éthique du sport et investie des missions suivantes :

– élaboration de normes minimales (ou de recommandations en matière de normes minimales) devant obligatoirement figurer dans les chartes d’éthique et de déontologie des fédérations, du CNOSF et du CPSF, telles qu’un dispositif interne efficace et précis en matière de prévention de la corruption, des règles strictes d’indépendance et de prévention des conflits d’intérêts à destination des membres des organes de direction et des différentes commissions, ou encore, le renforcement des règles en matière de transparence financière ;

– évaluation (avec publication des résultats), contrôle (à travers notamment des pouvoirs d’enquête) et sanction des fédérations et organismes sportifs récalcitrants à adopter et mettre en œuvre de telles normes ;

– régulation des procédures disciplinaires internes des fédérations et de leurs ligues professionnelles, du CNOSF et du CPSF (sur le modèle de l’Autorité française de lutte contre le dopage, qui dispose d’un pouvoir de réforme des sanctions disciplinaires prises par les fédérations en matière de dopage).

 

Recommandation  29 : Confier à la nouvelle autorité indépendante en charge de l’éthique et de l’intégrité du sport le pouvoir de prononcer des mesures telles que l’inéligibilité, la suspension conservatoire ou la convocation d’une assemblée générale de la fédération afin de statuer sur une éventuelle révocation du dirigeant mis en cause.

 

2.   Deuxième partie : Lutte contre les violences

 

Recommandation  30 : Conduire une vaste enquête systématique dans l’ensemble des fédérations sur les violences sexuelles et sexistes et sur les violences psychologiques et physiques.

 

Recommandation  31 : Confier la responsabilité d’une seule plateforme Signal-sports, au périmètre élargi à l’ensemble des violences et discriminations dans le sport, à l’autorité administrative indépendante chargée de veiller à l’éthique du sport.

Supprimer les outils de signalement internes aux fédérations.

Communiquer massivement sur cette plateforme et obliger toutes les fédérations à en faire autant.

Permettre à l’autorité administrative indépendante de prononcer une sanction à l’encontre d’une fédération ou d’une structure qui ne signalerait pas un fait.

Présenter chaque année devant le Parlement et la convention nationale pour la prévention des violences dans le sport un bilan précis et transparent des suites données à chacun des signalements reçus par la cellule.

 

Recommandation  32 : Conduire de toute urgence une enquête approfondie rendue publique sur la gestion de chacun des dossiers de violences sexuelles et sexistes par les services déconcentrés.

Renforcer quantitativement et qualitativement les ressources humaines des services déconcentrés départementaux de l’engagement de la jeunesse et des sports dans leur capacité à mener des enquêtes administratives.

Approfondir le plan de formation initiale et continue des agents pour conduire les contrôles et enquêtes administratives et procéder à l’évaluation de l’efficacité des actions de formation mises en place.

Renforcer la mission de coordination et d’appui de la direction des sports à très court terme et de l’autorité administrative indépendante, dès sa création, auprès des services déconcentrés départementaux pour l’ensemble des enquêtes administratives.

Mieux prendre en considération la possible mobilité géographique des personnes mises en cause

 

Recommandation  33 : Systématiser les échanges d’informations et de traitement des dossiers entre l’autorité judiciaire et les services déconcentrés de l’État lorsqu’une affaire fait à la fois l’objet d’une procédure judiciaire et d’une procédure administrative.

Confier à l’autorité administrative indépendante chargée de l’éthique du sport une mission de renforcement de la collaboration avec les services de la justice.

 

Recommandation  34 : Généraliser l’intégration de la problématique des violences en milieu sportif dans le schéma directeur départemental de lutte contre les violences faites aux femmes.

 

Recommandation  35 : Généraliser rapidement la désignation d’un magistrat référent sport dans la totalité des parquets.

 

Recommandation  36 : Confier à l’autorité administrative indépendante chargée de l’éthique du sport la mission d’établir une stratégie de sensibilisation et d’accompagnement des victimes et de coordonner et évaluer précisément l’action des associations intervenant dans le champ de la lutte contre les violences.

 

Recommandation  37 : Transférer la compétence disciplinaire des fédérations en matière de lutte contre les violences à une autorité administrative indépendante.

Dans l’attente de la création de cette autorité :

– enjoindre sans délai, sous peine de retrait de l’agrément aux fédérations qui n’en disposent pas, de se doter de dispositions relatives à la lutte contre les violences sexuelles dans leur règlement disciplinaire ;

– renforcer l’automaticité des mesures de suspension dès lors qu’un signalement relatif à un licencié est effectué ;

– présenter chaque année dans un rapport remis au Parlement et lors de la convention sur la prévention des violences dans le sport un bilan public et détaillé du suivi de toutes les affaires de violences par la cellule, les services déconcentrés, les fédérations et les associations ;

– en tirer les conséquences en termes de sanction ou de retrait de délégation ;

– assurer aux sanctions les conditions de transparence indispensables pour rétablir la confiance des pratiquants et afficher une volonté politique claire d’accorder une « tolérance zéro » en matière de violences sexuelles ;

– assurer une transférabilité entre fédérations des sanctions ou des informations sur les mesures disciplinaires, afin de limiter les risques de récidive dans une autre fédération.

 

Recommandation  38 : Mettre en place sans délai une mission d’inspection chargée de réaliser un état des lieux précis et complet, rendu public, du contrôle de l’honorabilité et de sa mise en œuvre dans toutes ses composantes.

Compléter à court terme la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport, afin d’étendre le champ du contrôle d’honorabilité à tous les licenciés autres que pratiquants ;

Mettre en place une obligation de licence pour les intervenants réguliers au sein des clubs ;

Encadrer la profession de recruteur bénévole, les soumettre au contrôle de l’honorabilité par voie législative, les soumettre à l’obligation de licence par modification des règlements des fédérations ;

Priver de la possibilité d’obtenir une licence les personnes reconnues coupables d’abus sexuels particulièrement graves ;

Ouvrir dans le cadre de la mission d’inspection une réflexion sur l’introduction d’une obligation de déclaration des bénévoles et une extension du contrôle à l’ensemble des bénévoles.

 

Recommandation  39 : Dans le cadre de la mission d’inspection que la rapporteure appelle de ses vœux, faire la lumière sur la manière dont sont consultés les différents fichiers et sur les voies et moyens d’une systématisation de la consultation du bulletin  2 du casier judiciaire.

 

Recommandation  40 : Rétablir l’obligation de déclaration des établissements d’activités physiques et sportives.

 

Recommandation  41 : Étendre l’obligation de déclaration en accueil collectif de mineurs aux séjours qui en sont actuellement exonérés.

Exiger des fédérations qu’elles développent un appui et une incitation aux structures locales pour qu’elles déclarent systématiquement les stages sportifs et les éducateurs rémunérés.

 

Recommandation  42 : Dans le cadre de la mission d’inspection que la rapporteure appelle de ses vœux sur le contrôle de l’honorabilité, ouvrir une réflexion sur l’encadrement des structures sportives privées non affiliées à une fédération.

 

Recommandation  43 : Rédiger à l’échelle nationale une charte définissant précisément les lignes rouges à ne pas franchir et l’intégrer au règlement disciplinaire de l’ensemble des structures sportives en assortissant les manquements de sanctions.

Éviter systématiquement, notamment dans les structures d’accès au haut niveau, l’encadrement exclusif par un seul encadrant et favoriser la prise en charge à plusieurs.

Privilégier dans la mesure du possible la mixité dans les équipes d’encadrement pour la prise en charge des jeunes sportifs.

Veiller à constituer des équipes mixtes d’encadrement pour les déplacements à l’occasion des stages et compétitions concernant les sportifs mineurs.


 

Recommandation  44 : Mener systématiquement, dans toutes les structures sportives des actions de prévention et de sensibilisation aux violences sexuelles, tant pour les encadrants que pour les pratiquants et leurs parents.

 

Recommandation  45 : Mettre en place une stratégie de repérage, de recueil et de libération de la parole.

Pour les sportifs de haut niveau, veiller à la mise en œuvre de la surveillance médicale réglementaire, en particulier du bilan psychologique qui doit permettre de repérer des situations problématiques.

 

Recommandation  46 : Inviter les fédérations à intervenir de manière beaucoup plus systématique au plan pénal pour soutenir les victimes et préserver les intérêts collectifs de leurs disciplines et de leurs pratiquants.

 

Recommandation  47 : Garantir un parcours de soins spécialisé et accessible, pris en charge par la solidarité nationale, aux victimes de violences.

 

Recommandation  48 : Rendre les violences sexuelles sur mineurs imprescriptibles.

Reconnaître l’amnésie traumatique dans le cadre de la prescription pénale.

 

Recommandation  49 : Mettre en place une commission nationale d’établissement des faits de violences dans le sport dans la perspective d’une démarche de reconnaissance et de réparation des conséquences des abus commis à l’égard des victimes.

Cette commission devra également identifier les responsabilités de ceux qui ont eu connaissance d’abus et n’ont rien dit afin que ceux dont le management a été défaillant puissent être écartés de leurs responsabilités.

 

3.   Deuxième partie : Lutte contre la haine et les discriminations

 

Recommandation  50 : Mettre en place un observatoire national des discriminations et manifestations de haine dans le sport, placé auprès de la nouvelle autorité administrative indépendante en charge de l’éthique du sport.

Inscrire dans les contrats de délégation l’obligation, pour chaque fédération sportive délégataire, d’instituer un observatoire des comportements, qui fera remonter l’ensemble des signalements auprès de cette autorité indépendante.

 

Recommandation  51 : Élargir le périmètre de la cellule Signal-sports à l’ensemble des faits de racisme et de discriminations commis dans le champ du sport. En confier la responsabilité à l’autorité administrative indépendante chargée de veiller à l’éthique du sport.

 

Recommandation  52 : Généraliser la création de commissions anti-discrimination et égalité de traitement (CADET) dans chaque fédération délégataire, via les contrats de délégation.

 

Recommandation  53 : Veiller à ce que l’ensemble des clubs professionnels bénéficient d’ateliers de sensibilisation et de déconstruction concernant les mécanismes du racisme et des discriminations, associant systématiquement leurs groupes de supporters.

 

Recommandation  54 : Augmenter sensiblement la part du barème des ateliers de lutte contre le racisme et les discriminations dans les critères d’obtention de la licence club.

 

Recommandation  55 : Inscrire dans le code du sport le suivi obligatoire par les référents supporters d’un atelier de sensibilisation à la lutte contre le racisme et les discriminations, préalablement à leur désignation.

 

Recommandation  56 : Conditionner l’agrément d’une association de supporters au suivi, par tous ses membres, d’un atelier de sensibilisation à la lutte contre le racisme et les discriminations. Une fois l’association agréée, prévoir le suivi obligatoire d’un atelier de sensibilisation pour toute personne souhaitant rejoindre l’association.

 

Recommandation  57 : Inscrire dans le code du sport la possibilité pour le préfet d’interrompre, temporairement ou définitivement, une rencontre sportive en cas d’incident violent ou à caractère discriminatoire.

 

Recommandation  58 : Interrompre la retransmission audiovisuelle d’une manifestation sportive en cas de survenue d’un incident haineux ou discriminatoire d’ampleur.

 

Recommandation  59 : Sanctionner systématiquement les actes et propos haineux et discriminatoires dans les stades de football, en prononçant des fermetures de tribunes chaque fois que nécessaire.


 

Recommandation  60 : Étendre le champ de l’obligation de mise en place de titres d’accès nominatifs, dématérialisés et infalsifiables aux manifestations sportives exposées, par leur nature ou par leurs circonstances particulières, à un risque de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination.

 

Recommandation  61 : Définir sans délai les modalités de l’expérimentation de dispositif tripartite (police, directeurs de la sécurité des clubs, associations) lors des compétitions de football. À l’issue de la saison sportive 2023-2024, réaliser un bilan au sein de l’INS et déterminer les voies et moyens de sa généralisation.

 

Recommandation  62 : Introduire dans le code du sport la possibilité pour les juridictions et les préfets de prononcer des interdictions judiciaires de stade (IJS) et des interdictions administratives (IAS) définitives en cas de récidive. Étendre le champ des IJS et des IAS à l’ensemble des enceintes sportives.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 19 décembre 2023, la commission a procédé, à huis clos, à l’examen du projet de rapport.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. La conférence des présidents du 20 juin 2023 a acté la création de cette commission d’enquête, dont la réunion constitutive a eu lieu le 5 juillet. La commission a auditionné 193 personnes, au cours de 92 réunions, soit 133 heures d’écoute et de questions, dans des délais resserrés.

Mme la rapporteure Sabrina Sebaihi a effectué quatre contrôles sur place – à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), à la Fédération française d’athlétisme et, à deux reprises, au ministère des sports. Nous avons reçu des centaines de contributions écrites. Nos travaux ont très tôt suscité de l’intérêt ; de nombreux groupes politiques de notre assemblée ont régulièrement participé, à l’exception notable du groupe Rassemblement national, qui n’a plus souhaité siéger à partir du 28 septembre, sans officiellement démissionner.

Son travail transpartisan et exemplaire a rendu notre commission plus forte et plus légitime. Je salue notre engagement commun et vous remercie tous.

La publication en ligne des comptes rendus sera achevée dans les prochaines semaines ; elle exige un travail colossal. Davantage de moyens humains auraient été nécessaires mais nous n’avons pas pu en disposer. Le compte rendu de l’audition qui s’est tenue sous le régime du secret ne sera pas publié ; nous proposons qu’il en soit de même de celui de l’audition de M. Didier Dinart, qui n’avait pas souhaité être auditionné et a été entendu en qualité de victime. Ayant observé que les représailles étaient caractéristiques du monde sportif, nous avons estimé qu’il était important d’accéder à sa demande.

Mme la rapporteure exposera les grandes lignes de son rapport et ses conclusions, puis les commissaires qui le souhaitent pourront s’exprimer. Nous mettrons ensuite aux voix l’adoption du projet de rapport. L’article 144-2 du règlement de l’Assemblée nationale dispose que « le rapport adopté par une commission d’enquête est remis au Président de l’Assemblée. Le dépôt de ce rapport est publié au Journal officiel. Sauf décision contraire de l’Assemblée constituée en comité secret dans les conditions prévues à l’article 51, le rapport est imprimé et distribué. Il peut donner lieu à un débat sans vote en séance publique.

« La demande de constitution de l’Assemblée en comité secret à l’effet de décider, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport, doit être présentée dans un délai de cinq jours francs à compter de la publication du dépôt au Journal officiel ».

Il ne sera donc possible de publier tout ou partie de ce rapport qu’à partir du 26 décembre 2023. Cette date n’étant pas opportune, nous avons décidé de le publier lors de la rentrée parlementaire de janvier. Dans l’intervalle, aucune communication du contenu du rapport ou de contenus non publics de nos travaux n’est autorisée.

En cas de rejet, le projet de rapport ne serait pas publié et sa divulgation serait passible de sanctions pénales. Le dernier alinéa de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose que « sera punie des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal toute personne qui, dans un délai de vingt-cinq ans, sous réserve des délais plus longs prévus à l’article L. 213-2 du code du patrimoine, divulguera ou publiera une information relative aux travaux non publics d’une commission d’enquête, sauf si le rapport publié à la fin des travaux de la commission a fait état de cette information ».

Je remercie une nouvelle fois chaleureusement Mme la rapporteure pour son plein engagement et pour les discussions que nous avons eues au cours de notre efficace collaboration.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Nous avons mené un travail soutenu pendant plusieurs mois, avec plus de quatre-vingt-dix réunions d’audition. Il a exigé de nous de la ténacité, du sérieux et une endurance à toute épreuve. Je remercie Mme la présidente, avec qui ce fut un grand plaisir de travailler.

Je remercie également les députés engagés dans la commission. Ils ont enrichi les auditions et ouvert des perspectives pour étudier un mouvement sportif pluriel, vaste et complexe. Je salue enfin les administrateurs, qui ont travaillé sans relâche jusqu’à la dernière minute. Nous avons demandé des effectifs supplémentaires, mais nous n’avons pas été entendues.

Nous avons dû reporter la présentation du rapport. En effet, nous avons eu beaucoup de difficultés à obtenir certains documents, notamment issus du ministère des sports et des Jeux olympiques et paralympiques et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR). J’ai même dû me rendre au ministère lundi pour réitérer la demande de transmission de documents effectuée en juillet. Il a également fallu étudier l’ensemble des rapports de l’IGÉSR.

Nous nous sommes collectivement engagés à protéger les victimes de violence et de discrimination et à favoriser la transparence et le caractère inclusif du mouvement sportif. Nos travaux ont suscité de fortes réticences chez certains acteurs qui jugeaient nos pistes de travail anachroniques, voire caricaturales ; nous avons subi des critiques et des attaques tout au long de nos travaux, sans que cela nous empêche d’avancer.

Le mouvement sportif fonctionne en vase clos depuis des décennies ; l’attention accrue des parlementaires à ses dysfonctionnements l’a mis à l’épreuve. De nombreux pratiquants ont accueilli favorablement notre commission et nous avons reçu une avalanche de témoignages. Puisque l’omerta est très vite apparue, nous avons estimé important de donner d’abord la parole aux victimes.

La France compte 17 millions de licenciés, 160 000 clubs et 3,5 millions de bénévoles. Dans la dynamique des Jeux olympiques et paralympiques (JOP), le Président de la République a déclaré la promotion de l’activité physique et sportive grande cause nationale pour 2024. Cela nous oblige.

Notre objectif était de présenter un rapport clair et accessible, afin que tout le monde puisse s’en saisir. Nous avons émis cinquante-huit recommandations, dont la mise en œuvre se fera sentir dans le quotidien de millions de Français. Nous avons ouvert la boîte de Pandore : nous ne pourrons plus faire semblant d’ignorer ce qui ne va pas dans le mouvement sportif.

La première partie du rapport est consacrée aux défaillances systémiques, au niveau de l’État, des fédérations et de l’organisation du mouvement sportif ; la seconde aux violences sexistes et sexuelles (VSS) et aux discriminations.

La première partie met en évidence la nécessité de renforcer la place de l’État. Le mouvement sportif est presque orphelin de son ministère de tutelle. Nous avons constaté un manque de moyens humains. La cellule Signal-sports, par exemple, chargée de recueillir les témoignages, est composée de trois personnes, pour plus de 1 500 signalements : c’est très peu.

La recommandation n° 3 consiste donc à relever les moyens de l’IGÉSR, afin de renforcer la fréquence des contrôles, en la portant à trois ans en moyenne, et leur profondeur. Certaines fédérations n’ont pas été contrôlées depuis quinze ans, ce qui est inacceptable. Quelques départements ne disposent même pas d’un inspecteur.

La recommandation n° 4 tend à doter l’IGÉSR d’une mission de suivi et d’un droit de suite de ses recommandations auprès de la direction des sports, des fédérations sportives et des établissements publics sous tutelle. Les contrôles sur pièces ont révélé que faute de moyens humains, les rapports n’étaient pas toujours lus. L’Inspection doit pouvoir suivre l’application de ses préconisations afin de travailler dans la durée.

La recommandation n° 6 vise à conditionner les soutiens publics au mouvement sportif à des engagements précis et vérifiés en matière d’éthique. Les subventions sont attribuées sans contreparties, notamment en matière de lutte contre les VSS et les discriminations. Il faut des leviers précis, pour agir et pouvoir évaluer le travail accompli.

Dans cette perspective, nous préconisons, avec la recommandation n° 28, de créer une autorité administrative indépendante (AAI) chargée de la protection et de l’éthique du sport. Les acteurs du mouvement sportif l’ont souvent demandé au cours des auditions. Cette autorité élaborerait les normes et les recommandations, évaluerait et contrôlerait les fédérations et les organismes sportifs ; elle aurait un pouvoir de sanction sur ceux récalcitrants à appliquer les règles. Elle régulerait les procédures disciplinaires internes des fédérations et de leur ligue professionnelle.

Plusieurs dirigeants de fédération ont expliqué qu’ils n’étaient pas à l’aise avec toutes les procédures disciplinaires ; ils n’ont pas toujours les moyens nécessaires de les suivre, d’autant plus que les tailles des fédérations varient sensiblement, leurs moyens également. Elles en seraient ainsi libérées. Il existe déjà une autorité indépendante, l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ; sa mission serait intégrée à la nouvelle autorité.

La recommandation n° 29 tend à confier à la nouvelle autorité indépendante en charge de l’éthique et de l’intégrité du sport le pouvoir de prononcer des mesures telles que l’inéligibilité, la suspension conservatoire ou la convocation d’une assemblée générale de la fédération, afin de statuer sur une éventuelle révocation du dirigeant mis en cause.

Dans la même perspective, la recommandation n° 23 vise à intégrer un volet ambitieux de prévention des atteintes à la probité dans les contrats de délégation. Nous avons constaté qu’il était très difficile de faire démissionner ou de révoquer des dirigeants qui posaient un problème. Je pense à ce qui s’est passé avec Noël Le Graët à la Fédération française de football (FFF) ; la FIFA et d’autres organisations ont empêché la ministre d’intervenir. Le président de la Fédération française d’équitation a comparé un agresseur sexuel à un « voleur de pommes » : il n’a peut-être rien à faire à la tête d’une fédération sportive. L’inscription d’obligations dans le contrat de délégation offrirait un levier d’action.

Plusieurs recommandations concernent les conseillers techniques sportifs (CTS). Beaucoup de textes ne sont pas respectés, par exemple concernant les cumuls de postes, comme ceux de directeur technique national (DTN) et de directeur général de fédération. Nous proposons d’inscrire explicitement la lutte contre les violences et la préservation de l’éthique au cœur des missions des CTS, et de sanctionner systématiquement les cadres défaillants. Lorsqu’il y en a, on observe parfois un manque de suivi, parce que les rapports ne sont pas lus. Pour y remédier, la recommandation n° 12 tend à doter la direction des sports des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions.

La création de l’Agence nationale du sport (ANS) a dépouillé le ministère d’effectifs, or elle verse les fonds, tandis que le ministère exerce les fonctions de tutelle et de contrôle. La recommandation n° 14 vise donc à établir un bilan de l’efficacité et de la pertinence de l’ANS. Lors des derniers JOP, certains athlètes médaillés n’appartenaient pas au cercle haute performance. Il faudra évaluer l’Agence après les JOP de 2024 et décider de l’opportunité de la maintenir.

La recommandation n° 18 tend à évaluer le bénévolat et les conditions pour maintenir son attractivité. Nous avons beaucoup parlé des bénévoles, dont le rôle est essentiel. Nous recommandons de former ceux qui exercent des fonctions d’encadrement, notamment aux problématiques liées aux VSS et aux discriminations, de créer un statut officiel et un système d’indemnisation des dirigeants. Certaines fédérations les rémunèrent, d’autres non ; un encadrement clarifierait la situation.

La recommandation n° 20 vise à élire les organes exécutifs des fédérations au scrutin proportionnel, pour améliorer leur représentativité. Le manque d’opposition démocratique empêche le débat, donc les progrès dans certains domaines. Nous recommandons également de faire respecter le plafond de trois mandats.

La recommandation n° 20 prévoit d’établir une grille de rémunération pour les fédérations et pour les comités d’organisation de grands événements sportifs et de rendre publics les rémunérations, les organigrammes et les postes vacants. La transparence est très insuffisante en la matière.

Nous demandons ensuite que les fédérations publient leurs comptes. Elles ne respectent pas toujours l’obligation de publication qu’entraîne leur statut d’association. L’autorité indépendante chargée de l’éthique du sport devra les rendre accessibles, en indiquant les trois plus gros postes de dépenses. Certaines fédérations versent des salaires très élevés. Nous recommandons également de formaliser les recours aux cartes bancaires, aux frais de déplacement et aux invitations, car nous avons été alertés sur l’absence de cadres.

La seconde partie du rapport est consacrée à la lutte contre les violences et les discriminations.

La recommandation n° 30 consiste à conduire une vaste enquête dans les fédérations sur les violences sexuelles et sexistes et sur les violences psychologiques et physiques. Tout le monde nous a dit que l’omerta était désormais finie et qu’il était plus facile de témoigner, cependant nous avons observé que tel n’était pas toujours le cas pour les victimes, qui craignent des sanctions, comme les témoins. Nous avons créé la plateforme Balance ton sport pour alimenter la commission d’enquête. En quelques semaines, nous avons recueilli 140 témoignages relatant des faits d’une extrême gravité. Nous voulons donc établir un état des lieux précis.

Nous recommandons ensuite – recommandation n° 31 – de confier la responsabilité de la plateforme unique Signal-sports à l’autorité administrative chargée de veiller à l’éthique du sport, en élargissant son périmètre à tous les phénomènes de violence et de discrimination. L’objectif est de mutualiser les signalements et leur suivi. En l’état, la cellule est supposée recueillir les témoignages de VSS, mais elle reçoit des plaintes relatives à des cas de racisme et de discrimination, qu’elle transfère.

La recommandation n° 32 vise à mener et publier une enquête approfondie sur la manière dont les services déconcentrés ont pris en charge chacun des dossiers de VSS. Lors de la création de la cellule Signal-sports, ses membres espéraient instruire dans un premier temps de nombreux dossiers incluant des cas anciens, puis voir le nombre de signalements diminuer. Or ils en reçoivent encore beaucoup, qui concernent des faits récents. En 2023, ils avaient reçu 300 témoignages de VSS et 365 d’autres faits, tous récents.

La recommandation n° 36 tend à transférer la compétence disciplinaire des fédérations à l’autorité indépendante déjà évoquée. En attendant sa création, nous recommandons d’enjoindre sans délai aux fédérations qui ne l’ont pas encore fait de se doter de dispositions relatives à la lutte contre les violences sexuelles dans leur règlement disciplinaire, sous peine de retrait de leur agrément ; de renforcer l’automaticité des mesures de suspension dès lors qu’un signalement relatif à un licencié est effectué ; de présenter chaque année dans un rapport remis au Parlement et lors de la convention sur la prévention des violences dans le sport un bilan public et détaillé du suivi de toutes les affaires de violences par la cellule, les services déconcentrés, les fédérations et les associations ; d’en tirer les conséquences en prononçant des sanctions ou des retraits de délégation. Certaines fédérations sont encore défaillantes en la matière. Nous suggérons également de renforcer le contenu des contrats de délégation, afin d’avoir des outils d’action. Nous devons être beaucoup plus ambitieux, et ne pas nous contenter de demander qu’un référent éthique ou VSS soit nommé, afin de disposer des moyens de retirer des délégations ou des agréments aux fédérations qui n’agissent pas suffisamment.

Nous préconisons ensuite de créer sans délai une mission d’inspection chargée d’établir un état des lieux précis et complet du contrôle de l’honorabilité, puis de le publier. Il s’agit notamment de compléter la proposition de loi visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport, afin d’étendre le contrôle à tous les licenciés qui ne sont pas seulement pratiquants ; d’obliger tous les intervenants réguliers des clubs à être licenciés ; d’encadrer la profession de recruteur bénévole ; de soumettre ses membres au contrôle d’honorabilité.

Lors de notre contrôle au ministère, nous avons constaté que tout le monde pensait que le contrôle d’honorabilité consistait à vérifier le bulletin n° 2 du casier judiciaire et le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV), or seul le second est vérifié. En 2018, 80 000 personnes y figuraient, ce qui est très peu ; la vérification du bulletin n° 2 constitue un tamis beaucoup plus fin, mais elle n’est pas automatique. Le garde des sceaux nous a fourni les chiffres : même pour la délivrance ou le renouvellement d’une carte professionnelle d’éducateur sportif, le FIJAISV est plus souvent contrôlé que le casier judiciaire. Selon nous, il faut renforcer le contrôle d’honorabilité en rendant la vérification du bulletin n° 2 systématique. Seuls 50 % des bénévoles qui devraient être contrôlés, soit 1 million, le sont. En 2022, 30 % des auteurs de faits signalés n’avaient pas de carte professionnelle, alors qu’ils étaient entraîneurs. C’est également un problème. Souvent, les prédateurs choisissent d’être intervenants réguliers et ne demandent pas la licence pour échapper au contrôle d’honorabilité, aussi proposons-nous de la rendre obligatoire. Quant aux recruteurs, ils sont au contact des mineurs, mais n’ont ni statut, ni licence, ni obligation de passer un contrôle d’honorabilité. L’émission Enquête exclusive a révélé le cas d’un prédateur qui a pu de ce fait violer des jeunes en toute impunité pendant des années.

Nous demandons aussi – c’est la recommandation n° 39 – que, dans le cadre de cette mission d’inspection, soit envisagée la systématisation de la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire pour le contrôle d’honorabilité.

La recommandation n° 43 vise à rédiger à l’échelle nationale une charte définissant précisément les lignes rouges à ne pas franchir et l’intégrer au règlement disciplinaire de l’ensemble des structures sportives en prévoyant des sanctions en cas de manquement, à éviter systématiquement, notamment dans les structures d’accès au haut niveau, l’encadrement exclusif par un seul encadrant et à favoriser la prise en charge à plusieurs, à privilégier dans la mesure du possible la mixité dans les équipes d’encadrement pour la prise en charge des jeunes sportifs.

Nous avons en effet découvert que le jeune sportif et son entraîneur partagent parfois la même chambre d’hôtel. Nous proposons donc d’inscrire quelques règles noir sur blanc, par exemple qu’un entraîneur ne doit pas aller dans la chambre d’un mineur après vingt et une heures, et de préciser que tout manquement à ces règles sera sanctionné.

Nous proposons aussi – c’est la recommandation n° 46 – d’inviter les fédérations à intervenir de manière beaucoup plus systématique au plan pénal pour soutenir les victimes. Les fédérations peuvent se porter partie civile ; or certaines l’ignoraient.

Notre recommandation n° 48 vise à rendre les violences sexuelles sur mineurs imprescriptibles et à reconnaître l’amnésie traumatique dans le cadre de la prescription pénale. C’est une demande des victimes et des associations. Il convient aussi de garantir un parcours de soins aux victimes – c’est la recommandation n° 47 – car nombre d’entre elles nous ont dit s’être senties seules au moment des faits.

J’en viens à la dernière série de recommandations, relatives à la lutte contre la haine et les discriminations.

La recommandation n° 50 tend à lancer une mission de préfiguration d’un observatoire national des discriminations dans le sport, placé auprès de la nouvelle autorité administrative indépendante, et d’inscrire dans les contrats de délégation l’obligation, pour chaque fédération sportive délégataire, d’instituer un observatoire des comportements, qui fera remonter l’ensemble des signalements auprès de cette autorité indépendante. Nous suggérons également, avec la recommandation n° 51, d’élargir le périmètre de la cellule Signal-sports à l’ensemble des faits de racisme et de discriminations commis dans le champ du sport, afin de simplifier les démarches des victimes.

Nous proposons de conditionner l’agrément d’une association de supporters au suivi, par tous ses membres, d’un atelier de sensibilisation à la lutte contre le racisme et les discriminations – c’est la recommandation n° 56 –, d’interrompre la retransmission audiovisuelle d’une manifestation sportive en cas de survenue d’un incident discriminatoire d’ampleur – recommandation n° 58 –, de sanctionner systématiquement les actes et propos discriminatoires dans les stades de football, en prononçant des fermetures de tribunes chaque fois que nécessaire – recommandation n° 59 – et d’étendre le champ de l’obligation de mise en place de titres d’accès nominatifs, dématérialisés et infalsifiables aux manifestations sportives exposées à un risque de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination. Lors du dernier match entre l’Olympique de Marseille et l’Olympique lyonnais, des supporters qui étaient interdits de stade à Lyon ont pu se présenter à Marseille sans problème : il faut qu’une personne interdite de stade le soit partout.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Chacun peut à présent intervenir pour commenter ou compléter cette présentation.

Je note, monsieur Odoul, que vous voulez prendre la parole or vous aviez indiqué que vous souhaitiez quitter cette commission d’enquête et nous avions pris acte de votre départ.

M. Julien Odoul (RN). Nous avions signifié que nous ne souhaitions plus participer aux auditions de cette commission d’enquête, parce que nous jugions que l’orientation qu’elle avait prise n’était pas la bonne et qu’elle négligeait des problèmes importants. Cela étant, nous n’avons pas quitté la commission d’enquête et je suis là pour exposer la position de mon groupe sur ce rapport.

Il nous semble que certaines des orientations politiques que vous avez choisies ont eu pour conséquence d’éluder des problèmes majeurs, et cela transparaît dans l’organisation de ce rapport. Une très grande partie de celui-ci est consacrée aux problèmes de gouvernance, de financement et de démocratie au sein des fédérations ; une plus petite partie concerne la lutte contre les violences et les discriminations, et il n’y est presque question que des violences sexuelles et sexistes. Nous ne nions pas la réalité de ces dernières et j’ai été très marqué par l’audition bouleversante d’Angélique Cauchy. Nous regrettons toutefois que, sur cette question des discriminations, vous ayez fait l’impasse sur le communautarisme, la montée de l’entrisme islamiste dans un certain nombre de disciplines et le racisme anti-blancs, qui se répand dans le sport. Enfin, nos propositions d’auditions ont toutes été rejetées, à l’exception de celle de M. Lilian Thuram.

Je suis très choqué aussi que vous établissiez une comptabilité des entraîneurs de Ligue 1 en fonction de leur couleur de peau : c’est antirépublicain et cela rejoint les propos de la ministre de la culture au sujet des nominations à la tête des établissements culturels. S’agissant de l’homophobie, vous ne faites aucun lien entre la montée des actes homophobes et la banalisation de la haine des homosexuels dans certaines cultures et dans certains sports. Quant aux violences sexuelles, des drames ont eu lieu, qui ont été relayés par la presse et qui ont heureusement donné lieu à des condamnations, mais il me semble que vous faites une erreur en condamnant a priori le lien qui unit un entraîneur, ou une entraîneuse, à un jeune sportif, car c’est une réalité qui fait partie du sport.

Le sport n’est pas un monde à part. Or j’ai le sentiment que vous faites comme si le sport était un monde totalement clos depuis cinquante ans. Les problèmes que connaît le sport sont ceux que connaît la société. L’omerta que vous dénoncez n’est pas spécifique au sport. Je regrette certains de vos partis pris et votre critique assez facile des fédérations. Pour toutes ces raisons, je m’opposerai à la publication de ce rapport.

M. Stéphane Buchou (RE). Je veux souligner la qualité du travail réalisé au cours de nos auditions et la manière consensuelle dont se sont organisés nos travaux. Cette commission d’enquête a fait œuvre utile, puisqu’elle a mis en lumière de nombreux dysfonctionnements au sein des fédérations sportives et permis de libérer la parole des sportifs et des sportives, qui ont pu témoigner de ce qu’ils avaient vécu. Le caractère lunaire de certaines auditions montre à lui seul combien il importe de changer les choses.

Je n’ai pas eu le temps de lire le rapport dans son intégralité, mais il m’a paru un peu à charge, à la fois contre le Gouvernement et contre certains dispositifs récents dont on n’a pas encore pu mesurer l’efficacité. Il ne faut pas se tromper de cible.

Je m’étonne aussi que vous organisiez ce soir, madame la rapporteure, un webinaire pour présenter les conclusions de ce rapport, alors qu’il n’est censé être rendu public qu’en janvier. Cela me laisse un goût un peu amer, après tout le travail que nous avons accompli ensemble.

Le groupe que je représente s’abstiendra sur ce vote.

M. Quentin Bataillon (RE). Je tiens à saluer le travail réalisé par cette commission d’enquête sur des sujets importants, dont on ne parlera jamais assez.

Le chemin va être encore long. Je n’ai pas de difficulté à admettre que j’ai une divergence de point de vue avec la ministre au sujet de la plateforme de signalement : je pense qu’elle doit être ouverte à tous les types de plaintes, si nous voulons qu’elle soit efficace. Mais, sur un sujet comme celui-ci, il me paraît important de viser l’union des acteurs. Le Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport vient de remettre son rapport et je serais assez curieux de connaître la nature des échanges que vous avez eus avec lui. Il a fait trente-sept recommandations et le Gouvernement annonce déjà un projet de loi sur le sujet. Les choses vont donc avancer.

Certaines parties du rapport sont effectivement très à charge. Du reste, je ne crois pas que les Jeux olympiques soient le cœur du problème ; les faits graves mis au jour par cette commission d’enquête ne sont pas liés à l’organisation des Jeux à Paris. J’y insiste : pour atteindre notre objectif, il faut favoriser l’union des acteurs.

Comme mon collègue, je serais assez surpris que la rapporteure dévoile ce soir les conclusions de cette commission d’enquête au cours d’un webinaire : ce n’est pas l’usage. Parce que nous ne voulons pas nous opposer à la publication d’un travail aussi important, nous nous abstiendrons.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Ce rapport représente un travail colossal et je vous adresse mes félicitations. Cette commission d’enquête nous tenait très à cœur et le résultat est là.

Je ne suis pas d’accord avec mes collègues : il est clair que la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et les discriminations souffre d’un déficit de moyens.

Ces questions traversent toute notre société et je ne suis pas surprise que le monde sportif soit également touché. On pourrait faire le même genre de commission d’enquête dans bien d’autres secteurs et on y retrouverait sans doute les mêmes problèmes : défaut de culture démocratique, entre-soi et omerta. En tant que parlementaires, nous nous devons de dénoncer la « culture du viol », que vous mentionnez dans le rapport.

Quelques propositions ont particulièrement retenu mon attention, à commencer par la proposition n° 43, qui vise à garantir un parcours de soins aux victimes : il faut qu’une victime soit soignée pour pouvoir se reconstruire. La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) fait la même recommandation. Il me paraît également essentiel que tous les bénévoles qui travaillent dans le milieu sportif et qui, plus globalement, accueillent des mineurs, aient un certificat d’honorabilité. Le bénévolat attire moins : créer un statut du bénévole serait peut-être un moyen de rendre cet engagement plus attractif. Il importe enfin, comme vous le suggérer, de faciliter les échanges d’informations entre l’autorité judiciaire et les services déconcentrés.

Nous voterons pour la publication de ce rapport.

M. Stéphane Viry (LR). Au moment de sa création, cette commission d’enquête a suscité de la défiance dans le milieu sportif et fait l’objet, de la part de certains acteurs du monde du sport, d’un procès en illégitimité. Or ces craintes étaient infondées.

Vos travaux, que vous avez menés avec beaucoup d’énergie, étaient centrés sur les défaillances systémiques et la lutte contre les violences – on aurait pu choisir bien d’autres axes de réflexion – et vous nous faites aujourd’hui cinquante-huit recommandations.

Vous pointez du doigt de façon non équivoque les défaillances de l’État dans son rôle de garant de l’intérêt général, d’une part, et du respect des lois et règlements en vigueur, d’autre part. Vous avez des mots assez durs sur son action : inertie et réponse tardive. Vous décrivez des fédérations fonctionnant en roue libre, avec une gouvernance autocratique, alors même qu’elles ont des obligations de service public.

Si nombre de vos propositions sont consensuelles, il y en a d’autres sur lesquelles je ne peux pas vous suivre : je m’abstiendrai donc sur ce vote.

M. Stéphane Mazars (RE). Je tiens d’abord à vous adresser mes félicitations pour votre travail de recueil d’informations et de synthèse et pour la manière dont vous avez mené vos auditions. Ce n’était pas toujours facile, surtout quand les personnes auditionnées n’étaient pas enclines à répondre à vos questions ou faisaient mine de ne pas les comprendre. Madame la rapporteure, votre groupe a très bien fait d’utiliser son droit de tirage pour créer cette commission d’enquête : il était temps de se pencher sur cette question.

Je vous ai, moi aussi, trouvé parfois un peu sévère, par exemple quand vous dites que le Gouvernement a laissé passer des choses. Il me semble que, depuis que la nouvelle ministre a été nommée, les choses ont avancé.

Je regrette que le rapport n’ait été mis à notre disposition que vendredi dernier, pour un examen aujourd’hui : pour un député de province comme moi, qui passe son week-end dans sa circonscription, ce n’était pas commode.

Quand vous préconisez un mode de fonctionnement plus vertueux pour les fédérations, parvenez-vous à faire la distinction entre les grandes fédérations, qui ont des moyens, et les petites, qui en manquent cruellement ?

Une AAI est une très bonne idée, que j’avais d’ailleurs préconisée avec Stéphane Peu dans notre rapport d’information relatif aux retombées des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 sur le tissu économique et associatif local. Il reste à déterminer son périmètre d’intervention. En tout cas, décharger les fédérations de certaines responsabilités pour les confier à une instance dotée de spécialistes et qui va développer une expertise me semble une très bonne chose.

Un sujet qui m’est cher est la nécessité d’une meilleure articulation entre procédures disciplinaires, administratives et judiciaires. En effet, l’existence d’une enquête pénale sert à certains de paravent, voire de permis de continuer. À cet égard, mis à part l’imprescriptibilité des infractions sexuelles – dont je ne suis pas partisan –, vos préconisations sont intéressantes. Elles auront certainement besoin d’être affinées. Lorsque j’ai interrogé le garde des sceaux à ce propos, il m’a répondu qu’il attendait le résultat de nos travaux. Il attend donc de nous, et de vous, madame la rapporteure, des propositions en vue d’une éventuelle évolution. Je précise que je reste un farouche défenseur de la présomption d’innocence et du droit pour celui qui a commis une faute de revenir dans le circuit quand il a payé sa dette à la société.

Je m’abstiendrai lors du vote, faute d’avoir pu prendre connaissance de l’intégralité du rapport. Mais il est évident que celui-ci doit être publié et prospérer.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Je joins mes remerciements à ceux de mes collègues pour ce travail considérable.

Au départ, je m’interrogeais sur cette commission d’enquête ; aujourd’hui, je suis convaincue qu’elle était indispensable. Le nombre croissant de familles monoparentales, où le parent ne peut pas nécessairement accompagner son enfant, favorise la proximité entre celui-ci et l’entraîneur, ce qui appelle des garde-fous.

Mon cher collègue Mazars, pour ma part, j’ai changé mes habitudes du lundi pour venir spécialement lire le rapport hier. J’y ai retrouvé ce que nous avions entendu lors des auditions et rien ne m’y a choquée.

Les fédérations étaient très inquiètes au début de l’enquête, car certaines savent bien qu’elles n’ont pas tout fait pour éviter des violences sexuelles ou sexistes ou du harcèlement.

Au cours des auditions, j’ai aussi découvert l’homophobie dans les stades. Les propos du ministre de la justice ont clairement montré la nécessité de mettre fin à ce phénomène. Je ne sais pas si les cris homophobes dans les stades sont communautaristes ; en tout cas, ils sont tout simplement inacceptables et le rapport le dit bien.

Il y a deux recommandations au sujet desquelles nous devrons aller vite.

En ce qui concerne l’Agence nationale du sport, j’avais eu le sentiment, lors des auditions auxquelles j’avais procédé dans le cadre du projet de loi de finances, qu’elle était plutôt bien perçue par les fédérations, même les toutes petites. Peut-être l’articulation entre l’ANS et le ministère pourra-t-elle faire l’objet d’une mission à venir.

Tout doit passer par des comités d’éthique, installés dans les fédérations mais aussi chapeautés par l’État, car il faut de l’indépendance.

Se pose aussi la question du rôle de l’association Colosse aux pieds d’argile – étant donné les proportions que cela prend, une évaluation de ce type de structure serait souhaitable.

Les fédérations attendent beaucoup, car certaines sont très démunies s’agissant de ces sujets. Peut-être le rapport pourra-t-il déboucher sur une loi après les JOP.

Mme Sophie Mette (Dem). Félicitations pour ce travail colossal, qui nous a révélé un monde parallèle et montré les dysfonctionnements au sein des fédérations. Il faudra continuer à travailler sur ce sujet : vous avez ouvert une porte et la parole s’est libérée, mais la langue de bois n’a pas disparu. Le chemin est encore long.

Ce travail était effectivement très attendu par les fédérations, ainsi que par les sportifs, de haut niveau ou lambda. Il remet les pendules à l’heure. Ces problèmes touchent de près nos enfants, exposés à de grands dangers : restons vigilants.

Il ne sera peut-être pas facile d’appliquer toutes vos propositions, car elles sont nombreuses ; mais, pour certaines au moins, nous vous soutiendrons.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Monsieur Odoul, la seconde partie, sur la lutte contre les violences et les discriminations, est plus longue que la première. Surtout, la première amène logiquement la seconde : ce sont le système de gouvernance et ses défaillances qui conduisent aux dysfonctionnements systémiques en matière de VSS, de racisme et d’homophobie. D’ailleurs, les préconisations concernant la gouvernance répondent à des préoccupations exprimées dans la seconde partie, sur les violences et les discriminations.

Ensuite, vous nous prêtez des propos que nous n’avons pas tenus. Je n’ai pas souvenir que quiconque, dans cette commission d’enquête, ait dit que le racisme anti-blancs n’existe pas. Ce que nous disons, en revanche, c’est que certains sujets ne faisaient pas partie du périmètre de la commission d’enquête. Certes, son travail s’est affiné au fil des auditions : l’aspect financier et les questions de corruption ont été moins traités que prévu dans le rapport, car ils ont été moins abordés dans les auditions ; en revanche, le sujet des violences psychologiques et physiques, notamment dans le judo, s’est imposé alors que nous ne l’avions pas anticipé, si bien que nous lui avons consacré des recommandations. Mais le racisme anti-blancs ou le communautarisme dans le sport ne font pas partie des sujets qui ont émergé pendant les auditions. Si vous estimez que sont des problèmes massifs, usez de votre droit de tirage pour demander la création d’une commission d’enquête sur ces questions spécifiques. Nous, nous avons travaillé pendant six mois – et il en aurait peut-être fallu six de plus pour compléter le rapport.

Quant aux entraîneurs définis en fonction de leur couleur de peau, c’est à une citation que vous faites référence, celle d’une personne auditionnée qui indique qu’il existe de la discrimination dans la nomination aux postes à responsabilité du mouvement sportif : il y a 50 % de joueurs de football dits « racisés », mais deux entraîneurs seulement. Ainsi, l’effet miroir n’est pas au rendez-vous : beaucoup de personnes, dans le football, ne se retrouvent pas dans les instances dirigeantes. L’objectif de l’audition était de montrer ce déséquilibre flagrant.

Enfin, il y a bien un rapport très particulier d’entraîneur à entraîné. C’est apparu clairement lors des auditions de victimes. Nous ne portons pas de jugement sur ce point ; nous disons simplement que ce rapport particulier entraîne des dérives. La plupart des mis en cause dans les affaires de viol, notamment sur mineurs, sont d’ailleurs des entraîneurs – ils sont plus de 450 dans ce cas. C’est une particularité du mouvement sportif. Sur les 160 000 personnes qui ont témoigné auprès de la CIIVISE au sujet d’agressions sexuelles subies lorsqu’elles étaient mineures, 27 000 concernent le mouvement sportif. Dans le sport, les victimes sont beaucoup plus jeunes – 11 ans en moyenne, contre 13 dans les autres cadres – et les violences durent plusieurs années. Si les violences sur mineurs font malheureusement partie de la société, il y a donc bien une spécificité de ce milieu.

Monsieur Buchou, je rappelle que nous avons vraiment eu beaucoup de difficulté à récupérer les documents. J’ai dû me déplacer deux fois au ministère des sports pour cela. Nous avions demandé des rapports. On nous a transmis quelques documents cinq semaines après la demande, ce qui est déjà assez tardif. Ensuite, nous avons découvert qu’il existait d’autres rapports ; on nous a dit « vous ne nous aviez pas demandé les audits, ce n’est pas la même chose » – en fait, ils ont joué sur les mots pour nous empêcher d’accéder à des informations. J’ai donc dû retourner au ministère lundi matin pour avoir les renseignements qui manquaient sur le contrôle d’honorabilité. Cette communication tardive d’éléments importants fait partie des raisons pour lesquelles vous avez eu très peu de temps pour consulter le rapport.

Le rapport n’est pas à charge contre le Gouvernement. Les phénomènes dont nous parlons relèvent d’un système qui perdure depuis plusieurs années – il ne s’agit pas spécifiquement de ce gouvernement ni de cette ministre – et qui fait que l’on est incapable de pousser le mouvement sportif à se réformer de lui-même. Il faut donc être beaucoup plus dur pour l’y obliger.

Si vous lisiez les rapports de l’Inspection générale, vous les trouveriez encore plus sévères que le mien : tout ce que j’y ai écrit vient d’eux – le mot « inertie », par exemple, ou la notion de gouvernance autoritaire à propos de la Fédération française de football – et ils sont très durs envers certaines fédérations. Quant à l’État, notre constat à son sujet est sévère, mais nous disons surtout qu’il y a un besoin d’État et que le ministère des sports doit retrouver sa place de tutelle pour travailler avec le mouvement sportif et faire avancer les choses.

Le rapport Buffet-Diagana traite beaucoup de la gouvernance du mouvement sportif, très peu des violences. Il ne parle pas du contrôle d’honorabilité, de la cellule Signal-sports ; il est très peu critique sur ces points, alors que la ministre, la directrice des sports et certains dirigeants de fédération ont reconnu eux-mêmes que les dispositifs en place, s’ils ont le mérite d’exister – nous saluons dans le rapport l’impulsion donnée par le ministère depuis 2020 –, sont à améliorer. Signal-sports est très peu connu ; quant au contrôle d’honorabilité, il soulève encore beaucoup de questions. Trente fédérations n’ont déposé aucun fichier en vue du contrôle d’honorabilité de leurs bénévoles.

Le site du ministère a d’ailleurs été modifié au cours des travaux de la commission d’enquête pour répondre à nos critiques. Si les choses n’ont pas très bien commencé, nous nous sommes donc finalement retrouvés pour faire un bout de chemin, y compris avec la ministre.

Le rapport sert aussi à signaler les imprécisions que nous avons observées dans certaines auditions et, à cet égard, la ministre n’a pas fait exception.

En ce qui concerne l’autorité administrative indépendante, sa création est très demandée par les fédérations. Elle permettra de mutualiser les moyens, ce qui remédierait au problème des disparités entre elles de ce point de vue : grande ou petite, une fédération aura accès aux mêmes moyens pour traiter les questions auxquelles elle est confrontée.

S’agissant de l’ANS, nous sommes d’accord, mais la ministre et Mme Bourdais, directrice des sports, ont signalé un problème : l’agence donne l’argent sans contrepartie et sans assigner d’objectifs clairs aux fédérations. Il faudra le résoudre pour que les subventions fassent bien l’objet d’un contrôle.

Quant aux comités d’éthique, l’Inspection générale est claire : ils manquent de transparence et d’indépendance ; ils ne fonctionnent pas. L’autorité administrative indépendante permettra aussi de résoudre ce problème de l’éthique, primordial dans le mouvement sportif.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Et la question du webinaire de ce soir ?

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Ce n’est pas moi qui me suis occupée de la communication à ce sujet, et il y a eu une erreur. L’idée était d’expliquer comment fonctionne une commission d’enquête, donc comment nous avons mené les travaux. Aucune recommandation ne sera diffusée. Il a dû y avoir une confusion avec la conférence de presse prévue en janvier.

M. Stéphane Buchou (RE). Merci de cette utile précision.

Dans ma précédente intervention, je ne remettais pas du tout en cause le travail effectué, auquel nous sommes un certain nombre à avoir contribué. Je ne minimise pas non plus les difficultés auxquelles vous avez été confrontée pour mener à bien votre mission.

Sans entrer dans un débat sémantique et au-delà des propositions formulées, qui ont leur utilité, mon abstention s’explique par le fait que le rapport n’est pas censé être un outil permettant de charger le Gouvernement. On peut souligner la détermination de la ministre quand il s’agit d’éradiquer les dysfonctionnements mis en lumière par la commission d’enquête.

La commission adopte le rapport et autorise sa publication.

Mme la présidente Béatrice Bellamy. Je vous rappelle que des contributions individuelles ou de groupe peuvent être rédigées. Elles figureront en annexe du rapport. Elles peuvent être adressées au secrétariat de la commission d’enquête jusqu’au mardi 26 décembre à douze heures.

 

 


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   CONTRIBUTIONS DES GROUPES POLITIQUES ET DES DéPUTéS

 

 


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1.   Contribution du groupe Rassemblement national

 

 

Le 5 juillet dernier, une commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement dans le monde du sport a été créée à l’Assemblée nationale. Eu égard le choix des auditions et les sujets traités, les députés du Rassemblement National membres de la commission d’enquête avaient pris la décision en date du 28 septembre de ne plus siéger.

 

Durant toute la durée des travaux, la commission a délibérément décidé d’occulter certaines problématiques majeures dans le monde du sport. Par déni de réalité et par aveuglement idéologique, ce groupe de travail dirigé par la rapporteure écologiste Madame Sabrina Sebaihi a dissimulé des vérités pourtant bien ancrées dans la pratique du sport tant au niveau amateur que professionnel. À plusieurs reprises, les députés du Rassemblement National ont souhaité aborder deux problématiques majeures qui touchent le monde du sport, à tous les niveaux, à savoir le racisme anti-blancs et l’islamisme qui gagne du terrain, entre autres, à travers le port du voile lors des compétitions sportives. Pas une mention de ces sujets ne figure dans le rapport, et nous le regrettons.

 

Ainsi, les députés du groupe Rassemblement National avaient proposé à deux reprises à la Présidente, Madame Béatrice Bellamy, plusieurs auditions qu’ils pensaient pertinentes pour tenter de faire la lumière sur les dysfonctionnements précités, qui hélas, bénéficient d’un faible écho médiatique et institutionnel. Parmi ces propositions d’auditions figuraient notamment celle de Madame Fiouné Dawara, présidente du collectif islamiste « les Hijabeuses ». Ces demandes d’auditions ont été méprisées et n’ont, évidemment, jamais été entendues.

 

Tout d’abord, le racisme anti-blancs dans le football amateur, que Pierre Ménès dénonçait déjà en 2019, n’a pas été traité. La commission d’enquête a fait le choix de ne dénoncer qu’une seule forme de racisme, et de ne jamais évoquer les exemples de racismes anti-blancs nombreux dans les quartiers populaires dont les jeunes joueurs « blancs » sont parfois victimes. À titre d’exemple, Pierre Ménès révélait en 2017 que Yoann Gourcuff avait été victime de racisme anti-blanc de la part de Florent Malouda et Patrice Évra pendant la coupe du monde en 2010 en Afrique du Sud. En 2019, Pierre Ménès évoquait le cas de son propre fils qui avait tenté de jouer dans un club amateur en région parisienne et qui n’avait pu su s’intégrer en raison « de sa couleur de peau », selon lui. Les députés du Rassemblement National regrettent les œillères portées par la commission d’enquête tout au long de ces travaux et auraient ainsi souhaité évoquer une réalité : dans le football amateur, dans bon nombre de quartiers à forte immigration et dans des zones de non-droits, le racisme anti-blancs est devenu la norme.

 

Secondement, l’entrisme islamiste, notamment à travers le collectif des « Hijabeuses » et la multiplication des incidents liés au port du voile dans le football a été occulté. Depuis 2015, les services de renseignement alertent pourtant sur la radicalisation dans le sport amateur, où beaucoup de jeunes sont des proies. Dans un rapport de treize pages publié en 2015, il était notamment question de prières sur la pelouse à la mi-temps d’un match d’une équipe de Perpignan, des éducateurs sportifs, fichés comme étant des musulmans salafistes par les services de renseignement, qui prient « en déployant des tapis de prière dans les gymnases » tout en encadrant des adolescents, etc.

 

 

En 2020, Patrick Karam, vice-président de la région Île-de-France chargé des sports, alertait dans son ouvrage « Le livre noir du sport » qu’il y avait urgence à agir face aux dérives communautaires dans certains clubs sportifs. Rien n’a été fait depuis pour tenter d’endiguer l’islamisme des clubs de sport. Résultat, l’entrisme islamiste continue de gagner du terrain, et des incidents beaucoup plus fréquents se produisent au sein des clubs sportifs. Ainsi, le 11 juin 2023, le journal Le Parisien a à son tour dévoilé l’ampleur des incidents liés au port du voile, où certains clubs choisissent délibérément de mépriser le règlement de la Fédération Française de Football (FFF) qui interdit formellement dans son article premier « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance […] religieuse ». On y apprend aussi que quelques jours auparavant, à Pierrefitte, un arbitre avait dû être escorté par les forces de l’ordre pour sortir du gymnase ; il avait simplement appliqué le règlement et refusé de faire jouer le match car des joueuses souhaitaient rester voilées.

 

Des collectifs islamistes ont également vu le jour, soutenus parfois par des associations qui se rendent complices, aujourd’hui, du développement de l’islamisme à vitesse grand V. En juin 2021, soutenu Ligue des Droits de l’Homme (LDH), le collectif « Les Hijabeuses » avait saisi le Conseil d’État pour annuler l’article premier du règlement de la Fédération Française de Football (FFF). Le 29 juin 2023, le Conseil d’Était avait finalement acté que « le principe de neutralité du service public s’applique aux fédérations sportives qui en ont la charge ».

 

Le 29 octobre dernier, le fonctionnaire du ministère des sports, sociologue et ancien gendarme Médéric Chapitaux a publié son deuxième ouvrage sur l’impuissance de l’État face au communautarisme islamiste « Quand l’islamisme pénètre le sport ». Alors que le sport est souvent présenté comme un vecteur d’intégration et d’inclusion, l’auteur met en lumière la face sombre de certains clubs, plus particulièrement dans le football et les sports de combat. Dans cette enquête choc, il est notamment question de recrutement réservé aux musulmans, comme dans un club de sport de combat du centre de la France, ou encore le cas du président d’un club de football du Grand Est qui dirigeait lui-même les prières d’un groupe de salafistes dans les vestiaires. Selon un acteur du football, « les prières dans les vestiaires, c’est courant et c’est admis ».

 

Rien de tout cela n’a été traité par la commission d’enquête, et nous le déplorons.

 

Sur près d’une trentaine d’auditions depuis le mois de juillet, moins de trois ont été réellement instructives pour les travaux de la commission. À ce titre, les députés du groupe Rassemblement National tiennent à saluer le courage de l’ancienne joueuse de tennis Angélique Cauchy ou de l’ancienne patineuse artistique Sarah Abitbol venues témoigner le 5 septembre dernier sur les violences sexuelles qu’elles ont subies durant leur carrière. Bien entendu, les violences sexuelles dans le monde du sport doivent être dénoncées et combattues.

 

 

 

 

 

Mais après près de six mois de travaux, force est de constater que cette commission d’enquête n’a pas permis de mettre en lumière les problématiques évoquées, qui sont pourtant des enjeux majeurs pour le sport français. Pour des raisons idéologiques et par facilité, à travers la quasi-totalité des auditions, cette commission d’enquête n’a eu de cesse de se concentrer sur deux thèmes récurrents comme le sexisme et sur une certaine forme de racisme, uniquement. Les députés du groupe Rassemblement National membres de cette commission d’enquête refusent de voter un rapport qui occulte et dissimule des réalités du monde du sport. Alors que les revendications politico-religieuses se multiplient, nous continuerons de les dénoncer et de les combattre.

 

 

 


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2.   Contribution de M. Quentin Bataillon, député de la Loire, M. Belkhir Belhaddad, député de Moselle, M. Stéphane Buchou, député de Vendée, Mme Fabienne Colboc, députée d’Indre-et-Loire, M. Hadrien Ghomi, député de Seine-et-Marne, M. Stéphane Mazars, député de l’Aveyron, et M. Bertrand Sorre, député de la Manche

 

Contribution au rapport de la commission d’enquête relative à l’identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu’elles ont délégation de service public

 

 

Nous saluons le travail conséquent mené par la rapporteure et la présidente de la commission d’enquête.

 

Les très nombreuses auditions ont confirmé l’intérêt de cette commission d’enquête et le chemin qu’il reste à parcourir pour renforcer la gouvernance, la vie démocratique, l’éthique et la protection des pratiquants dans le sport.

 

En ce sens, nous tenons à rappeler le travail inédit réalisé depuis 2020 par la majorité présidentielle pour éradiquer toute forme de violences, de discriminations, et plus largement de toutes dérives dans le monde du sport.

 

Nous connaissons l’implication et la détermination de la ministre des sports, des Jeux Olympiques et Paralympiques Amélie Oudéa-Castéra.

 

Ces dernières années, la déflagration #MeToo a permis d’amorcer une libération de la parole.

 

S’il reste beaucoup de travail, une véritable révolution a été opérée dans le champ sportif entre 2019 et aujourd’hui, avec :

 

Face aux violences dans les stades, de nombreuses actions ont été engagées depuis plus d’un an, en lien avec le ministre de l’intérieur, la LFP, et grâce notamment à une relance de l’Instance nationale du supportérisme :

 

La lutte contre toutes les formes de discriminations a été renforcée en veillant à ce que les faits soient systématiquement relevés, les auteurs identifiés et les sanctions les plus sévèrement prononcées et en formant 100% des éducateurs sportifs à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine, par l’intégration d’un module obligatoire dans le cahier des charges imposé pour les 290 diplômes d’État dans le champ Jeunesse et Sport.

 

De plus, un plan d’action a été présenté le 17 mai 2023 pour lutter contre les violences dont sont victimes les personnes LGBT+ avec :

 

Une place centrale du sport a été donnée dans le plan interministériel contre le harcèlement porté le 27 septembre dernier autour de la Première Ministre avec notamment :

 

Concernant la gouvernance, la majorité présidentielle a conduit une réforme importante de la gouvernance du sport français, avec l’adoption de la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le Sport en France, qui comporte plusieurs améliorations significatives :

 

 

 

Nous saluons également le rapport remis par Marie-Geroge Buffet et Stéphane Diagana le 7 décembre 2023, avec trois ambitions :

 

Avec lucidité, nous continuerons à porter les sujets concernant la gouvernance, la vie démocratique, l’éthique et la protection des pratiquants dans le sport. Nous appelons à l’union et à la détermination de tous les acteurs du Sport en ce sens.

 

 

Quentin BATAILLON

Belkhir BELHADDAD

Stéphane BUCHOU

Fabienne COLBOC

Hadrien GHOMI

Stéphane MAZARS

Bertrand SORRE

 

 

 


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3.   Contribution de M. Frédéric Zgainski, député de Gironde

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Les comptes rendus des auditions sont consultables à l’adresse suivante :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/autres-commissions/commissions-enquete/ce-federations-sportives

Les auditions sont présentées dans l’ordre chronologique des réunions de la commission d’enquête.

Jeudi 20 juillet 2023

 Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports au ministère des sports et des jeux olympiques et paralympiques

 Mme Béatrice Barbusse, auteure du livre Du sexisme dans le sport

 M. Marc Sauvourel, réalisateur du film Je ne suis pas un singe – Le racisme dans le football (2019)

 M. Romain Molina, journaliste

 MM. Sébastien Boueilh, directeur de l’Association Colosse aux pieds d’argile et Simon Latournerie, directeur adjoint

 

Mardi 5 septembre 2023

 Mme Meriem Salmi, psychologue – à huis clos

 M. Lionel Dangoumau, directeur de la rédaction de l’Équipe

 Mme Angélique Cauchy, ancienne joueuse de tennis

 Mme Claire Palou et Mme Emma Oudiou, championnes d’athlétisme

 Mme Sarah Abitbol, ancienne patineuse artistique professionnelle

 

Mercredi 6 septembre 2023

 M. Patrick Roux, co-auteur du livre Le revers de nos médailles : Des clubs au haut niveau, en finir avec la violence dans le sport (2023), accompagné de plusieurs contributeurs

 

Mercredi 13 septembre 2023

– Table ronde réunissant les associations luttant contre les violences sur mineurs :

- Mme Mélanie Dupont, présidente de l’association Contre les Violences sur Mineurs (CVM) ;

- Mme Isabelle Debré, présidente, et Mme Laura Morin, directrice de l’association L’Enfant Bleu (*) ;

- Mme Martine Brousse, présidente de l’association La Voix De l’Enfant ;

- M. Laurent Boyet, président de l’association Les Papillons.

– M. Fabrice Arfi et M. Michaël Hajdenberg, journalistes à Mediapart

 M. Patrick Vieira, ancien footballeur international, actuellement entraîneur du Racing club Strasbourg Alsace – à huis clos

 M. Laurent Blanc, ancien footballeur international et entraîneur, ancien sélectionneur de l’équipe de France de football

 Mme Caroline Pascal, cheffe de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), et M. Patrick Lavaure, inspecteur général et responsable du collège « jeunesse, sports et vie associative » (JSVA)

 

Jeudi 28 septembre 2023

 M. Jean-Jacques Lozach, sénateur, président de la mission d’information sur le fonctionnement et l’organisation des fédérations sportives et M. Alain Fouché, ancien sénateur, rapporteur de la mission

 M. Denis Masseglia, ancien président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) (*)

 M. Jérôme Rouillaux, directeur général du Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS) Sud - Provence-Alpes-Côte d’Azur

 Mme Catherine Petit, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes à la direction générale de la cohésion sociale, ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

 M. Michel Cadot, président de l’Agence nationale du sport (ANS), délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs, M. Frédéric Sanaur, directeur général de l’ANS, M. Thierry Maudet, conseiller sport du délégué interministériel et Mme Agathe Barbieux, directrice du service du développement des pratiques au sein de l’ANS

 M. Alexandre Calvez, administrateur d’Anticor (*), responsable de la commission sport

Jeudi 5 octobre 2023

 M. Fabien Canu, directeur général de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), Mme Anne Barrois-Chombart, directrice générale adjointe en charge de la politique sportive, M. Patrick Roult, chef du pôle haut-niveau, et M. Sébastien Le Garrec, chef du pôle médical

 M. David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) (*)

 Mme Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité paralympique et sportif français (*) et M. Elie Patrigeon, directeur général

 Mme Brigitte Henriques, ancienne présidente du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) (*)

 Mme Catherine Moyon de Baecque, présidente de la Commission de lutte contre les violences sexuelles et les discriminations dans le sport du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) (*) et ambassadrice des valeurs de l’olympisme pour la France

 

Jeudi 12 octobre 2023

 M. Hermann Ebongué, secrétaire général de SOS Racisme et président-fondateur de Sportitude-France

 M. Olivier Klein, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH)

 Table ronde réunissant des associations luttant contre les violences sexuelles :

- M. Yoann Lemaire, président de l’association Foot Ensemble

- Mme Marielle Vicet, présidente de l’association Stop aux violences sexuelles (SVS), Mme Marie Laurendeau-Petit, vice-présidente, et M. Boris Sanson, membre du conseil d’administration

 Table ronde sur la lutte contre la haine anti-LGBT :

- M. Éric Arassus, président de la fédération sportive LGBT+

- M. Alban Vandekerkove, président du club de rugby Les Coqs festifs, M. Vincent Etienne, M. Rayhanne Abderrahim Amghar et Mme Inês Lafaurie, joueurs

- M. Ouissem Belgacem, ancien footballeur et écrivain

 M. Patrick Karam, vice-président du Conseil régional d’Île-de-France, chargé des sports, des Jeux olympiques et paralympiques, des loisirs, de la jeunesse, de la citoyenneté, de la politique de la ville et de la vie associative, et Mme Magali Lacroze, journaliste, co-auteurs de Le Livre noir du sport  Violences sexuelles, homophobie, paris truqués, racisme, radicalisation,… Tout ce qu’on ne dit jamais (2020)

 

Vendredi 13 octobre 2023

 M. Jean Zoungrana, président de la commission de lutte contre les violences sexuelles et les discriminations dans le sport du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) (*) et président de la Fédération française de canoë kayak et sports de pagaie

 Mme Isabelle Jégouzo, directrice de l’Agence française anticorruption (AFA), et Mme Stéphanie Bigas-Reboul, sous-directrice du contrôle

 Mme Mathilde Mandelli, M. Pierre Barthélemy, M. Tom Dufieu, M. Ronan Evain, et M. Kilian Valentin, membres du Bureau de l’Association nationale des supporters (ANS)

 M. Patrick Appéré, président de l’Association nationale des élus en charge du sport (ANDES)

Mardi 17 octobre 2023

 M. Pierre-Alain Raphan et M. Cédric Roussel anciens députés, rapporteurs de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France

 M. Ludovic Royé, président de l’Association des Directeurs et Directrices Techniques Nationaux (AsDTN)

Mercredi 18 octobre 2023

 M. Édouard Durand, président de la Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (la CIIVISE)

 M. Fodil Dehiba, ancien entraîneur de haut niveau en athlétisme

 M. Philippe Astruc, procureur de la République de Rennes

 

Jeudi 19 octobre 2023

 M. Philippe Rousselot, président de section à la 3ème chambre, M. Dominique Lefebvre, M. Laurent Le Mercier et Mme Lise Fechner, magistrats à la Cour des comptes

 M. Ghani Yalouz, ancien directeur général de l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP), Mme Audrey Peyrusin, ancienne directrice générale adjointe en charge de la politique sportive et M. Denis Avdibegovic, ancien directeur général adjoint en charge de l’administration

 Mme Roxana Maracineanu, secrétaire générale de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof), ancienne ministre déléguée chargée des sports et ancienne sportive de haut niveau

 M. Jean Luc Rougé, directeur du développement international de la Fédération internationale de Judo et ancien président de la Fédération française de judo, jujitsu et disciplines associées (FFJDA)

 

Mardi 24 octobre 2023

– M. Didier Dinart, ancien joueur international français de handball et ancien sélectionneur de l’équipe de France masculine de handball, entraîneur de l’US Ivry Handball – à huis clos

 M. Claude Onesta, manager général de la haute performance à l’Agence nationale du sport, ancien joueur et ancien sélectionneur et entraîneur de l’équipe de France de handball

 

Jeudi 26 octobre 2023

 M. James Blateau, président de la Fédération française de Gymnastique et M. David Vallée, directeur exécutif

 Mme Emmanuelle Bonnet Oulaldj, co-présidente de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT)

 M. Bruno Gares, ancien président de la Fédération française d’escrime et Mme Jacqueline Felzine, présidente de la commission éthique et déontologie de la Fédération française d’escrime

 Mme Aurélie Pankowiak, chercheure post-doctorante au sein de l’Institut pour le sport et la santé à l’université de Victoria, Australie

 M. Eric Borghini, membre du Comex de la Fédération française de football (*), président de la Commission fédérale de l’arbitrage

 M. Guy Drut, membre du Comité international olympique (CIO), ancien ministre chargé de la jeunesse et des sports

 Audition de témoins anonymes sous le régime du secret

 

Vendredi 27 octobre 2023

 M. Gilles Moretton, président de la Fédération française de tennis (*), et Mme Caroline Flaissier, directrice générale

 M. Philippe Diallo, président de la Fédération française de football (*) et M. Jean-François Vilotte, directeur général

 Table ronde réunissant des présidents de Conférences régionales du sport :

- Mme Évelyne Ciriegi, présidente de la Conférence régionale du sport d’Île-de-France et M. Pierre Rabadan, vice-président ;

- M. Pierre Pouliquen, président de la Conférence régionale du sport de Bretagne

 Mme Gwenaëlle Noury, présidente de la Fédération française des sports de glace, et Mme Nathalie Péchalat, ancienne présidente de la Fédération française des sports de glace

 

Mardi 31 octobre 2023

 M. Bakary Meïté, ancien joueur de rugby

 M. Gérard Perreau-Bezouille, président de la Fédération française des clubs omnisports (FFCO), et M. Denis Lafoux, directeur

 M. Julien Issoulié, directeur technique national de la Fédération française de natation (FFN)

 

Jeudi 2 novembre 2023

 M. Bernard Amsalem, ancien président de la Fédération française d’athlétisme (FFA) (*)

 M. André Giraud, président de la Fédération française d’athlétisme (FFA) (*), et Mme Souäd Rochdi, directrice générale

 Mme Guislaine Westelynck, présidente de la Fédération française Handisport (FFH), et M. Grégory Saint-Géniès, directeur technique national

 M. Didier Deschamps, footballeur international, sélectionneur de l’équipe de France de football

 M. Florian Grill, président de la Fédération française de rugby (FFR), et M. Laurent Gabbanini, directeur général

 

Mardi 7 novembre 2023

- M. Éric Tanguy, président de la Fédération française de volley, et M. Sébastien Florent, secrétaire général

 M. Noël Le Graët, ancien président de la Fédération française de football (*)

 M. Philippe Bana, président de la Fédération française de handball, et M. Laurent Freoa, directeur général

 

Mercredi 8 novembre 2023

– Mme Lucile Gangloff, ancienne secrétaire générale du comité régional Occitanie de canoë-kayak

 M. Julien Pontes, porte-parole du Collectif Rouge Direct, et Maître Adrien Reymond, avocat du Collectif

 M. Nadir Allouache, président de la Fédération française de kickboxing, muaythai et disciplines associées (FFKMDA)

 

Jeudi 9 novembre 2023

 Mme Florence Hardouin, ancienne directrice générale de la Fédération française de football (*)  à huis clos

 M. Jean Lapeyre, directeur juridique de la Fédération française de football (*)

 M. Jean-Marc Sauvé, président de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE)

 M. Lilian Thuram, ancien footballeur international

 M. Philippe Baylac, secrétaire général adjoint, permanent du Syndicat de l’encadrement de la jeunesse et des sports (SEJS)

 

Jeudi 16 novembre 2023

 Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports au ministère des sports et des jeux olympiques et paralympiques

 M. Stéphane Nomis, président de la Fédération française de judo, et M. Sébastien Nolesini, directeur général

 Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques

 

Mardi 21 novembre 2023

 M. Laurent Mauduit, journaliste à Mediapart

 M. Éric Thomas, président de l’Association française de football amateur (AFFA)

 M. Gilles Sézionale, président de la Fédération française de natation, et M. Laurent Ciubini, directeur général

 M. André Giraud, président de la Fédération française d’athlétisme (FFA) (*), et Mme Souäd Rochdi, directrice générale

Mercredi 22 novembre 2023

 M. Jean-Pierre Siutat, président de la Fédération française de basketball (FFBB), et M. Alain Contensoux, directeur général

 M. Serge Lecomte, président de la Fédération française d’équitation (*), et M. Frédéric Bouix, délégué général

 M. Vincent Labrune, président de la Ligue de football professionnel (*), M. Arnaud Rouger, directeur général, et M. Frédéric Besnier, directeur de l’Association nationale des ligues de sport professionnel (ANLSP) (*)

 

Jeudi 23 novembre 2023

 M. Bernard Laporte, ancien président de la Fédération française de rugby (FFR)

 M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

 Mme Marie-George Buffet, co-présidente du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, ancienne ministre chargée de la jeunesse et des sports, et M. Stéphane Diagana, co-président du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


–  1 

 

 

 

   ANNEXES

 


Annexe n° 1

 

 

 

 


–  1  –

ANNEXE  2


Annexe n° 3


–  1  –

Annexe n° 4

Les fédérations sportives agréées sont régies par les articles L. 131-8 à L. 131-13-1 et R. 131-3 à R. 131-24 du code du sport.

Au 24 octobre 2023, elles sont au nombre de 120 (voir l’annexe n° 5 du rapport d’enquête).

L’agrément est délivré par le ministre chargé des sports pour une durée de huit ans renouvelable, aux fédérations qui, en vue de participer à l’exécution d’une mission de service public, ont adopté des statuts comportant certaines dispositions obligatoires et un règlement disciplinaire conforme à un règlement-type.

L’agrément reconnaît ainsi la participation d’une fédération à la mise en œuvre des missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives, ce qui lui ouvre le droit de percevoir des aides financières de l’État et de bénéficier du concours de conseillers techniques sportifs.

Les fédérations agréées sont reconnues de plein droit comme établissements d’utilité publique et bénéficient des avantages associés à la reconnaissance d’utilité publique. Elles peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs de leurs licenciés et des associations et sociétés sportives qui en sont membres. Elles peuvent confier une partie de leurs attributions à des organes régionaux ou départementaux.

  1. Dispositions obligatoires des statuts des fédérations agréées

Ces dispositions obligatoires sont décrites à l’annexe I-5 du code du sport. Ainsi, les statuts doivent obligatoirement comporter l’objet social de la fédération, et notamment la ou les disciplines dont la fédération assure l’organisation et la promotion, la date de sa création, l’adresse de son siège social, qu’elle veille au respect de la charte de déontologie du sport établie par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), etc. Les statuts doivent comporter des dispositions relatives à la gouvernance de la fédération, notamment les conditions dans lesquelles les licenciés participent aux activités et au fonctionnement de la fédération. Les fédérations agréées doivent obligatoirement instituer une assemblée générale, composée des représentants des associations sportives affiliées, dotée de compétences minimales. Ainsi, l’assemblée générale entend chaque année les rapports sur la gestion de la ou des instances dirigeantes et sur la situation morale et financière de la fédération. Elle vote le budget et approuve les comptes de l’exercice clos, fixe les cotisations dues par ses membres, adopte, sur proposition de l’instance dirigeante compétente, le règlement intérieur et le règlement financier.

La délivrance ou le renouvellement de l’agrément est subordonné à la capacité de la fédération à participer à la mise en œuvre de la politique publique du sport. Cette capacité est appréciée discrétionnairement par le ministre chargé des sports. Outre le respect des dispositions obligatoires de l’annexe I-5 et l’adoption d’un règlement disciplinaire conforme au règlement disciplinaire type, les fédérations qui sollicitent l’agrément doivent justifier d’une existence d’au moins trois ans et justifier qu’elles sont en mesure de participer à la mise en œuvre des missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives et d’offrir à leurs membres les structures administratives et l’encadrement technique que requièrent la pratique de la discipline et la protection de l’intégrité physique et morale des personnes, en particulier des mineurs.

Les statuts des fédérations agréées doivent désormais favoriser la parité dans leurs instances dirigeantes :

– les statuts prévoient les conditions dans lesquelles est garanti le fait que, dans les instances dirigeantes de la fédération, l’écart entre le nombre d’hommes et le nombre de femmes n’est pas supérieur à un.

– les statuts prévoient les conditions dans lesquelles est garanti le fait que, dans les instances dirigeantes des organes régionaux, l’écart entre le nombre d’hommes et le nombre de femmes n’est pas supérieur à un.

  1. Contrat d’engagement républicain

Depuis la promulgation de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, les fédérations agréées doivent souscrire au contrat d’engagement républicain mentionné à l’article 10-1 de la loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Aux termes de l’article L. 131-8, ce contrat d’engagement républicain comporte l’engagement :

– de veiller à la protection de l’intégrité physique et morale des personnes, en particulier des mineurs, vis-à-vis, notamment des violences sexistes et sexuelles ;

– de participer à la promotion et à la diffusion, auprès des acteurs et publics de leur discipline sportive, des principes du contrat d’engagement républicain et d’organiser une formation spécifique des acteurs du sport pour qu’ils disposent des compétences permettant de mieux détecter, signaler et prévenir les comportements contrevenant à ces principes.

  1. Retrait de l’agrément

L’agrément peut être retiré à la fédération qui cesse de remplir les conditions prévues pour sa délivrance, notamment :

– en cas de modification des statuts ou du règlement disciplinaire incompatible avec les dispositions législatives et réglementaires ;

– pour un motif grave tiré soit de la violation par la fédération de ses statuts, soit d’une atteinte à l’ordre public ou à la moralité publique ;

– en cas de méconnaissance des règles d’hygiène ou de sécurité ;

– en cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 212-1L. 212-2L. 212-9 et L. 322-1 ;

– en cas de participation insuffisante à la mise en œuvre des missions de service public relatives au développement et à la démocratisation des activités physiques et sportives ;

– en cas de méconnaissance des engagements du contrat d’engagement républicain.

Le retrait de l’agrément est prononcé par arrêté motivé du ministre chargé des sports. Cet arrêté est publié au Journal officiel. La fédération bénéficiaire de l’agrément est préalablement informée des motifs pour lesquels le retrait de l’agrément est envisagé, et mise à même de présenter ses observations.


Annexe n° 5

Titre III Gouvernance et fonctionnement démocratique (contrat de délégation signé entre la ministre déléguée chargée des sports et le président de la FFF)

Art. 3-1 Transparence, indépendance et pluralisme

1 – Transparence décisionnelle :

– Complétude et sincérité des documents soumis aux membres de l’instance dirigeante ;

La FFF utilise le système « Dilitrust » permettant de mettre à disposition de tous les membres de son instance dirigeante l’ensemble de la documentation préalablement et pendant les réunions.

– Publication des comptes et des décisions ;

La FFF diffuse l’ensemble de ses décisions de ses organes d’administration et de fonctionnement (PV AG, Comex, HAF) ainsi que ses rapports financiers sur son site web FFF.fr […]

– Organigramme et structuration de la fédération ;

L’organisation de la FFF est disponible au public sur son site web FFF.fr.

– Publication des statuts et règlements (notamment RTS), rapport d’AG, PV Comité directeur, sanctions.

La FFF publie sa règlementation applicable (Statuts, Règlements Généraux et Règlements des compétitions) mise à jour chaque saison en indiquant en gras les modifications d’une saison à l’autre : Les règlements et les formulaires (fff.fr)

D’autre part, les procès-verbaux des commissions font également l’objet d’une publication sur l’intranet des clubs (footclubs), notamment des décisions des commissions disciplinaires (respect des recommandations Cnil).

2 – Pluralisme dans la prise en compte de tous les acteurs de la discipline :

La gouvernance fédérale est représentative de toutes les familles qui la composent dans la mesure où les organes de direction (Comité Exécutif de la FFF et Bureau Exécutif de la LFA) sont complétés par des collèges consultatifs tels que les collèges statutaires des Présidents de Ligue, de District, et des autres acteurs du football amateur. La Haute Autorité du Football est quant à elle la garante du bon fonctionnement fédéral.

De nombreuses commissions participent à l’activité fédérale dans tous les domaines (règlementaire, économique, sportif, emploi-formation, développement) et sont constituées d’experts et de représentants des territoires.

À noter enfin la participation d’élus des Ligues et Districts à la construction et au suivi du projet fédéral à travers le programme Performances 2024 organisé sous forme de comités de pilotage.

Art. 3-2 Prévention des conflits d’intérêts et lutte contre la corruption

La FFF veille à la mise en place de règles de déport au sein des instances dirigeantes et des commissions fédérales.

Par ailleurs, chaque membre de commission fédérale est soumis à la signature d’un engagement d’indépendance et de confidentialité avant chaque mandat.

Enfin, la FFF redéfinit actuellement sa politique de conformité. À ce titre elle travaille sur :

– Une cartographie des risques liés à la corruption validée par le Comité Exécutif du 23 février 2022 Un projet de rédaction d’un Code de conduite applicable aux élus et salariés

– Un projet de mise en place d’un outil de signalements

– Un projet de mise en place d’un outil de gestion des cadeaux et invitations

Art. 3-3 Dialogue social

La Fédération Française de Football rappelle son attachement à l’exercice d’un dialogue social de qualité avec les représentants du personnel et adapté aux évolutions de la FFF.

À cet égard, la Fédération Française de Football réitère sa volonté de garantir le bon exercice des mandats représentatifs par ses institutions représentatives du personnel, dont les missions contribuent pleinement au développement de l’activité fédérale.

Annexe n° 6

 


Annexe n° 7

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–  1  –

Annexe n° 8


–  1 

Annexe n° 9

 

 


Annexe n° 10

Annexe n° 11

Annexe n° 12


Annexe n° 13

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–  1 

Annexe n° 14

 


Annexe n° 15

Annexe n° 16

Annexe n° 17

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Annexe n° 18

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Annexe n° 19

 

Annexe n° 20

FICHE

 

Comités d’éthique

 

En juin 2022, l’Agence française anticorruption (AFA) a initié des contrôles dans huit fédérations sportives afin d’évaluer l’existence, la qualité et l’efficacité des procédures mises en œuvre pour prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme. Les fédérations concernées sont les suivantes :

-       Fédération française de football ;

-       Fédération française de tennis ;

-       Fédération française de basketball

-       Fédération française d’équitation ;

-       Fédération française de judo-jujitsu et disciplines associées

-       Fédération française de handball ;

-       Fédération française de golf ;

-       Fédération française de natation.

Lors de ces contrôles, l’AFA s’est notamment intéressée aux comités d’éthique, et notamment à leur organisation, leur fonctionnement et leur indépendance.

En avril 2023, l’AFA a fait parvenir des extraits du rapport préliminaire concernant quatre fédérations (basketball, natation, handball, judo) à la directrice des sports dans le cadre du contradictoire, afin qu’elle puisse lui faire parvenir ses commentaires. En juin 2023, une réponse a été adressée à l’AFA, indiquant que la direction des sports veillera à la bonne application des recommandations et au rappel de leurs obligations aux fédérations dans le cadre du suivi des contrats de délégation.

 

En ce qui concerne les comités d’éthique, les constats faits par l’AFA sont les suivants :

-          Fédération française de basketball :

Un comité d’éthique a été mis en place en 2018 mais les modalités de saisine sont limitées :

         Recommandation : élargir les modalités de saisine du comité d’éthique

 

-       Fédération française de natation :

Un comité d’éthique et de déontologie a été mis en place en 2017 :

o       Le président extérieur à la fédération, formé, ayant une expérience en matière de probité. Il a été renouvelé en 2021, comme une partie des membres du comité, ce qui permet une visibilité et une vision à plus long terme et d’être force de proposition

o       Le règlement intérieur du comité d’éthique prévoit le principe d’indépendance et d’absence de conflit d’intérêts de ses membres

o       La saisine du comité est ouverte à tous et le comité joue le rôle de référent déontologue (bonne pratique)

o       Le comité peut se saisir de toute question éthique même en dehors de la charte, qu’il considère comme non-exhaustive

o       Une procédure de signalement a été mise en place

o       Le comité joue un rôle actif dans la mise en œuvre du dispositif anticorruption.

 

-       Fédération française de handball :

Aucun référent déontologue n’a été désigné et bien que ça ne soit pas obligatoire, il serait opportun d’en désigner un ;

o       La commission fédérale éthique et citoyenne pourrait jouer ce rôle mais elle ne peut être saisie que par le président sur proposition du bureau directeur ; elle a également la possibilité de s’autosaisir ;

o       Selon les statuts, le président de la commission est le précédent président de la fédération ;

         Recommandation : la commission devrait être présidée par une personne extérieure et majorité de ses membres devraient l’être également

o       Il n’est prévu aucune déclaration d’intérêts et aucune obligation de déport ;

         Recommandation : désigner un référent déontologue avant la fin 2023

 

-       Fédération française de judo, jiu-jitsu et disciplines associées :

Un comité d’éthique et de déontologie a été mis en place en 2018 ; il dispose d’un pouvoir d’appréciation indépendant et ne peut recevoir aucune instruction externe

o       Il peut être saisi par toute personne ou se saisir d’office ; toutefois, la saisine n’est pas directe mais se fait par l’intermédiaire de la Secrétaire générale)

         Recommandation : la mise en place d’une procédure de saisine directe serait opportune

o       Le règlement intérieur du comité prévoit procédure de déport

 

 

À ce jour, DS3C ne sait pas si le rapport définitif sur ces fédérations et/ou ni si un rapport préliminaire sur les autres fédérations a été adressé à la direction des sports.

 


Annexe n° 21

Fédérations

Charte éthique

Comité d’éthique

Composition du comité d’éthique consultable sur le site internet

Rapport annuel consultable (site internet et PV d’AG)

Nombre de réunions (saisine)

Commentaires

Existence

Date de la dernière version

Existence

Date de création

Ball-Trap

Oui

26/10/2020

oui

24/10/2020

Oui

Non

 

jamais saisi

Billard

Oui

01/10/2022

Oui

17/06/2018

Oui

Non

 

Page dédiée au comité d’éthique sur son rôle, composition et sur les modalités de saisine.
Mail du comité d’éthique présent sur le site

Equitation

Oui

27/09/2022

oui

18/06/2019

Non

Non

 

 

Escrime

Oui

15/06/2018

oui

16/06/2018

Oui

Non

 

 

Golf

Oui

01/07/2021

oui

07/12/2017

Oui

Non

 

La FF Golf a également mis en place un règlement intérieur du comité d’éthique MAJ le 27 février 2020 disponible sur le site internet.

Pelote Basque

Oui

2022

oui

31/10/2021

Oui

Non

 

Un règlement du comité d’éthique : https://www.ffpb.net/wp-content/uploads/2022/01/Re%CC%80glement-et-Comite%CC%81-de%CC%81thique-et-de%CC%81ontologie-de-la-FFPB.pdf

Pétanque

Oui

12/01/2019

Oui

12/01/2019

Oui

Non

 

 

Tennis

Oui

01/01/2023

Oui

14/09/2017

Oui

Oui

3 avis en 2023
3 communiqués en 2023

Page dédiée sur le site internet. Un règlement intérieur du comité existe. Les avis et communiqués sont publiés sur le site internet.

Aviron

Oui

06/10/2018

oui

02/02/2019

oui

Non

 

 

char à voile

Oui

13/11/2020

oui

13/11/2020

oui

Non

 

 

Flying disc

oui

24/02/2013

oui

01/03/2020

Oui

Non

tous les trimestres

La fédération n’a pas de charte d’éthique sur leur site internet. Celle de la fédération internationale ainsi que celle du CNOSF sont disponibles. La charte de la FD internationale (mise à jour en 2013) est sur le PFS.

gymnastique

oui

11/12/2017

Oui

11/12/2017

Non

Non

 

 

motonautique

oui

05/12/2020

oui

25/03/2017

oui

Non

 

 

sauvetage et secourisme

oui

19/06/2020

oui

10/01/2020

oui

Oui

3 réunions par an en 2023

Date de la dernière réunion du comité éthique : 6 juillet 2023

sport adapté

oui

17/07/2020

oui

17/07/2020

Non

Non

oui

 

sports de traîneaux

oui

16/02/2021

oui

01/02/2021

Oui

Non

 

La composition d’une "COMMISSION ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE, SPORT- LOISIRS, PRATIQUES ÉCO-RESPONSABLES" est disponible sur leur site. Cependant, le président est membre du comité directeur, alors que le comité d’éthique doit être un organe indépendant. À vérifier auprès de la FD.

voile

oui

2020

oui

2020

Oui

Non

 

 

sports et loisirs canins

oui

01/04/2023

commission éthique

 

Non

Non

 

Existence d’une charte de lutte contre les discriminations
et pour la mise en œuvre de l’égalité femmes-hommes dans le champ sportif

athlétisme

Oui

2012

oui

2013

oui, seulement pour le Président

Non, évocation du CED lors de l’AG 2022

 

 

basket

Oui

07/07/2023

oui

01/07/2018

non

non

 

Prévention et traitements des conflits d’intérêts inscrits dans la charte.
Aux termes des rapports d’activité 2019/2020 et 2020/202110, le comité a été saisi deux fois depuis 2018,
une première fois en fin de saison 2019/2020 par le président de la LNB pour des propos tenus dans la
presse à l’encontre des dirigeants de la LNB, puis une seconde fois au cours de la saison sportive
2020/2021 par le président de la FFBB suite à des propos tenus dans la presse locale relatifs au dispositif
JIG/MIG11

badminton

oui

01/09/2018

oui

14/01/2018

oui

non

 

 

boxe

oui

05/09/2020

oui

05/09/2020

oui

non

 

 

canoë kayak et sports de pagaie

oui

12/03/2022

oui, commission d’éthique

01/01/2019

Non

Non

 

 

cyclisme

oui

21/01/2022

oui

2018

Non

Non

 

 

danse

oui

2020

oui

2017

Non

Non

 

 

football

oui

19/06/2023

Comité national de l’éthique

2002

Oui

Non

 

Comité national de l’éthique est composé de membres internes à la FFF, LFP, LFA.

sports de glace

oui

26/01/2021

oui

12/07/1905

oui

Non

 

 

haltérophilie, musculation

oui

30/09/2017

oui

30/09/2017

Non

Non

 

 

handball

oui

2023

oui

12/04/2008

oui

Non

 

La charte est actualisée tous les ans

hockey

oui

2020

oui

2011

oui

oui

intervention sur 4 dossiers en 2022

Mention du rapport dans le PV d’AG 2022

hockey sur glace

oui

30/06/2020

oui

01/12/2015

Non

Non

oui

 

judo-jujitsu et disciplines associées

oui

2022

oui

16/12/2017

non

non

 

 

lutte

oui

18/06/2020

oui

03/03/2018

non

non

 

 

montagne et escalade

oui

11/03/2023

oui

 

oui

oui

 

Le rapport annuel du comité (seulement 1 ligne) est consultable sur le rapport annuel de la FFME
Site internet composition du comité (onglet commission) : https://www.ffme.fr/ffme/la-federation/

natation

oui

22/09/2021

oui

09/12/2017

oui

non

Depuis sa création fin 2017, le CED a rendu sept avis sur saisine du bureau fédéral dont trois relatifs à des risques d’atteintes à la probité concernant un salarié de la fédération, un président de comité départemental et un président de club. Pour l’un des dossiers, le bureau fédéral a décidé de saisir le comité d’éthique et de déontologie notamment sur l’opportunité d’engager des poursuites disciplinaires, ce qui a été confirmé par le comité.

La composition est consultable sur la charte.
Les avis du comité et ses rapports annuels d’activité ne donnent pas lieu à présentation ou à publicité (en assemblée générale ou sur le site internet de la fédération).

pentathlon moderne

oui

2020

oui

2020

oui

non

 

Sur la composition du comité, on retrouve seulement le nom de la présidente sur le site internet (https://ffpentathlon.fr/wp-content/uploads/2023/04/SANS-STATUTAIRES-ET-AD-HOC.pdf)

roller et skateboard

oui

21/10/2017

oui

21/10/2017

non

non

 

 

rugby

oui

01/02/2023

oui

05/02/2016

oui

non

 

 

ski

oui

 

oui

02/06/2018

oui

non

 

Site internet composition du comité (onglet commission juridique d’éthique et de déontologie) : https://ffs.fr/structures/

surf

oui

2020

oui

15/06/2020

oui

non

 

 

taekwondo et disciplines associées

oui

01/07/2020

oui

01/07/2020

non

non

 

 

tennis de table

oui

01/07/2020

oui

17/06/2017

Oui

Non

 

Page dédiée sur le site internet

tir

oui

10/06/2017

oui

10/06/2017

Oui

non

 

 

tir à l’arc

oui

01/12/2017

oui

26/01/2019

Oui

Non

 

 

triathlon et disciplines enchaînées

oui

18/04/2023

oui

25/04/2017

oui

oui

6 saisines en 2023

Site internet composition comité d’éthique : https://www.fftri.com/la-federation/instances/comite-dethique-de-deontologie-et-de-citoyennete/

volley

oui

22/05/2021

oui

21/10/2017

oui

non

 

 

handisport

oui

03/03/2020

oui

2013

oui

oui

 

La dernière réunion s’est tenue le 14 avril 2023 à la veille de l’AG
Page dédiée sur le site internet

aéromodélisme

oui

21/10/2018

oui

21/10/2018

Non

Non

 

 

aéronautique

oui

2020

oui

2020

oui

non

 

Site internet composition comité d’éthique : https://www.ffa-aero.fr/FR/frmQuiSommnesNous_Commissions.awp

aérostation

oui

2020

oui

2020

Oui, seulement le président

Non

 

 

arts énergétiques et arts martiaux chinois

oui

24/06/2023

oui

 

non

non

 

 

baseball, softball

oui

21/10/2017

oui

21/10/2017

oui

non

 

 

clubs alpins et de montagne

oui

21/01/2023

oui

 

non

non

 

 

course d’orientation

oui

2019

oui

08/12/2018

non

non

 

 

études et sports sous marins

oui

01/02/2018

oui

mai-17

non

non

 

La composition du bureau d’éthique et déontologie est seulement observable dans un procès-verbal du comité directeur national n°487 mai 2022 : https://ffessm.fr/uploads/media/docs/0001/08/7b47781ff4e6b37a69002a16dbe41bfd81a3294d.pdf

football américain

oui

2019

oui

déc-18

oui

non

 

Page dédié + contact du mail générique du comité disponible sur le site internet

force

oui

 

oui

30/06/2018

oui

non

 

 

karaté et disciplines associées

oui

 

oui

16/12/2017

oui

oui

 

 

motocyclisme

oui

2018

oui

24/12/2018

non

non

 

Code éthique en cours d’actualisation, prévu pour 2024

parachutisme

oui

16/03/2018

oui

16/03/2018

oui

non

 

Site internet composition comité d’éthique : https://www.ffp.asso.fr/commissions-et-groupes-de-travail/

Pelote Basque

oui

juil-22

oui

31/10/2020

non

non

 

 

rugby à XIII

oui

 

oui

01/12/2018

non

non

 

le site internet ne mentionne pas le comité d’éthique ni le rapport annuel.

savate, boxe française et disciplines associées

oui

nov-20

oui

déc-20

non

non

 

 

ski nautique et wakeboard

oui

25/03/2018

oui

09/12/2017

oui

 

 

 

sport automobile

oui

2020

oui

24/01/2018

 

non

 

Pas d’accès au site internet

sport boules

oui

2021

oui

 

Oui, seulement pour le président

Non

 

 

squash

oui

 

oui

2019

Oui

Oui

2 avis en 2021/2022
1 saisine en 2023/2024

Page dédié avec rôle, compétence et saisine
Les avis et recommandations du comité sont présents et consultables sur le site internet
La présidente du comité a présenté un rapport d’activité lors de l’AG du 15/04/2023 (un peu plus d’une page sur le PV d’AG)

vol en planeur

oui

06/03/2021

oui

16/06/2018

non

non

 

 

vol libre

oui

2018

oui

16/06/2018

oui

non

 

La composition du comité d’éthique est précisée dans un document de présentation du comité d’éthique fédéral : https://federation.ffvl.fr/ethique.ffvl

kick boxing, muay thaï et disciplines associées

oui

 

oui

déc-17

non

non

 

 

pêches sportives

oui

2021

oui

 

non

non

 

 

planeur ultra léger motorisé

oui

31/01/2021

oui

nov-20

non

non

 

D’après le contrat de délégation, le comité est composé de 4 personnes dont le DTN.
Page dédiée sur le site internet fédéral : https://ffplum.fr/2021/ethique-et-deontologie-la-ffplum-s-engage

twirling bâton

oui

30/06/2018

oui

30/06/2018

oui

Non

3 avis de 2023 disponibles sur le site internet

Avis et communiqués du comité éthique disponibles sur le site fédéral

ballon au poing

oui

nd

NON
En cours de création en accompagnement avec la mission juridique de la DS

nd

non

non

 

ni le comité d’éthique, ni la charte n’est consultable sur le site internet. Pas non plus sur le PFS

course camarguaise

oui

nd

NON
En cours de création en accompagnement avec la mission juridique de la DS

nd

non

non

nd

pas de charte ni de comité d’éthique sur le site ni sur le PFS

cyclotourisme

oui

21/01/2022

oui

01/12/2018

non

non

 

 

double dutsch et jump rose

oui

 

oui

 

non

non

 

Organigramme pas disponible sur le site internet.
Charte éthique n’est pas consultable sur le site et sur le PFS.
Mention du comité dans le règlement intérieur de décembre 2020.

échecs

oui

20/06/2015

oui

2021

non

non

 

Pas de trace du comité d’éthique dans un règlement fédéral
La charte téléchargeable sur le site date de 2015.
À voir avec la FD pour la réactualiser.

hélicoptère

oui

2021

oui

 

non

non

 

La FD n’avait pas de comité en 2020. À vérifier lors de la mise en conformité des statuts à la loi de 2022.

joute et sauvetage nautique

oui

25/08/2018

Oui

25/08/2018

Non

Non

 

Commission existe mais n’apparaît pas sur le site fédéral

longue paume

oui

 

oui

20/12/2017

Non

Non

 

La charte n’est pas disponible sur le site internet.

polo

oui

2022

oui

 

Oui, seulement pour le président

non

 

Selon leur site internet, la composition du comité d’éthique est en cours d’actualisation

randonnée pédestre

oui

2019

oui

2020

non

non

 

Date de création de la charte d’éthique : https://www.ffrandonnee.fr/charte-d-ethique-et-de-deontologie-ffrandonnee-marchons-tous-dans-le-bon-sens?q=comit%C3%A9%20d%27%C3%A9thique&docid=3974Seulement le nom du président dans le rapport d’activité de la FFRP 2022 : https://www.mongr.fr/data/1000/Files/Emailing/rapport-activite-ffrandonnee-2022.pdf

spéléologie

oui

23/11/2018

oui

mars-18

non

non

 

Seulement le nom du président du comité sur le site internet fédéral (onglet commission) : https://ffspeleo.fr/organigramme.html

voitures radio commandées

oui

2022

oui

 

non

non

 

Commission mixte d’éthique dans le RI de 2022

nautique de pêche sportive en apnée

oui

2022

oui

 

non

non

 

 

Bowling et sports de quilles

oui

2022

oui

2009

Oui

Non

 

La composition est consultable sur la charte éthique qui semble être mise à jour lors de chaque saison sportive (dernière version pour la saison 2022/2023)
Le président ainsi que son contact est consultable directement sur le site

 

 


–  1 

Annexe n° 22


Annexe n° 23


Annexe n° 24

 

 


Annexe n° 25


Annexe n° 26


Annexe n° 27

 


Annexe n° 28

Fédération

23/02/2023

30/03/2023

23/05/2023

20/06/2023

11/08/2023

02/10/2023

06/11/2023

variation

Fédération française de football

103403

162432

162456

162456

162456

162459

162461

0%

Fédération française de basketball

95202

95202

95202

136860

141105

141105

183368

30%

Union Sportive Enseignement du 1er Degré

66695

68520

68520

70117

70117

74111

88093

19%

Fédération française de rugby

67057

67057

67782

67782

67782

67782

110734

63%

Fédération française de judo, jujitsu, kendo et disciplines associées

40028

40028

53192

53192

53192

53192

53591

1%

Fédération française de handball

36720

36720

36720

36720

36720

48903

48903

0%

Fédération française de tir à l’arc

43007

43007

43007

43007

43007

43007

43007

0%

Fédération française de tir

23543

23543

23543

23543

23543

36303

51537

42%

Fédération française de tennis

305

6303

6303

36013

36013

36013

36013

0%

Fédération française de natation

23660

23660

28556

28557

28557

28557

28558

0%

Fédération sportive et culturelle de France

24374

24669

25545

25679

25908

28309

28319

0%

Union française des œuvres laïques d’éducation physique

14276

14276

14276

14276

14276

28268

28268

0%

Fédération française d’équitation

10877

12746

12746

12746

21153

21153

21153

0%

Fédération française de voile

9196

15075

17112

17112

19178

19178

19655

2%

Fédération française de ski

17222

17222

17222

17222

17222

17222

17222

0%

Fédération française de badminton

10465

10541

10616

10616

10777

16771

19258

15%

Fédération française de tennis de table

14666

16441

16443

16443

16443

16443

16443

0%

Fédération française de randonnée

1201

6062

14844

14844

14844

14844

14844

0%

Fédération française de cyclisme

3843

6542

13933

13933

13933

13933

13933

0%

Fédération française de vol libre

9600

9600

9600

9600

12215

12294

12294

0%

Fédération française aéronautique

9720

10769

10769

11208

11726

11726

11726

0%

Union nationale du sport scolaire

7363

9750

10412

10412

10412

10413

10413

0%

Fédération française de roller et skateboard

6366

6366

6368

8292

9739

9739

10715

10%

Fédération française de canoë-kayak et sports de pagaie

9493

9493

9493

9493

9493

9493

9493

0%

fédération des clubs de la défense

9331

9424

9424

9424

9424

9424

9424

0%

Fédération française de motocyclisme

7534

7853

8581

8732

8964

9179

9254

1%

Fédération française de la retraite sportive

9058

9058

9058

9058

9058

9058

9058

0%

Fédération française sportive de twirling bâton

8515

9028

9028

9028

9028

9028

9028

0%

Fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire

7647

7647

7647

7647

7647

7647

7647

0%

Fédération française de football américain

3901

3901

3901

3901

7484

7484

7484

0%

Fédération française des clubs alpins et de montagne

1

1

7471

7471

7471

7471

7471

0%

Fédération française d’athlétisme

6768

6768

6768

7021

7021

7021

17244

146%

Fédération française de savate, boxe française et disciplines associées

6715

6715

6914

6914

6914

6914

6914

0%

Fédération française de Kick Boxing, Muay Thaï et disciplines associées

 

 

 

 

 

6 438

6 438

0%

Fédération française de triathlon et disciplines enchaînées

1087

1087

5558

5558

5558

5558

5558

0%

Fédération française de course d’orientation

3657

3657

5023

5023

5023

5023

5023

0%

Fédération sportive et gymnique du travail

4450

4670

4773

4773

4869

4869

4869

0%

Fédération Française d’Aïkido et de Budo

4334

4334

4352

4352

4352

4551

4551

0%

Fédération française de karaté et disciplines associées

4128

4196

4196

4196

4196

4197

4197

0%

Fédération française d’aviron

3529

3529

3529

3529

3529

3529

3529

0%

Fédération française de billard

2586

2701

2901

3101

3401

3401

3597

6%

Fédération française de gymnastique

3310

3310

3310

3310

3310

3310

3310

0%

Fédération française de golf

3293

3293

3293

3293

3293

3293

3293

0%

Fédération Française d’AéroModélisme

3225

3225

3225

3225

3225

3225

3225

0%

Fédération nationale du sport en milieu rural

3189

3189

3189

3189

3189

3189

3189

0%

Fédération française d’études et sports sous-marins

 

 

 

3161

3161

3161

26987

754%

Fédération française des sports de glace

3117

3117

3117

3117

3117

3117

3117

0%

Fédération française de baseball, softball

2731

2731

2948

2949

3049

3067

3067

0%

Fédération française d’escrime

230

230

325

3017

3017

3017

5820

93%

Fédération française des échecs

2845

2845

2845

2845

2845

2845

2846

0%

Fédération française de hockey sur glace

2801

2801

2801

2801

2801

2801

2801

0%

Fédération des arts énergétiques et martiaux chinois

2371

2372

2372

2463

2463

2554

3549

39%

Fédération française de squash

2464

2464

2464

2464

2480

2480

2480

0%

Fédération française sports pour tous

2410

2410

2410

2410

2410

2410

2410

0%

Fédération française de hockey

1932

1994

1994

1994

2086

2367

2367

0%

Fédération française de danse

2102

2102

2102

2102

2102

2102

2102

0%

Fédération sportive des ASPTT

2098

2099

2099

2099

2099

2099

2099

0%

Fédération française de sauvetage et de secourisme

962

962

962

962

1238

2059

2059

0%

Fédération française de vol en planeur

1618

1618

1618

1618

1618

1618

2020

25%

Fédération française de force

1530

1530

1530

1530

1530

1530

1530

0%

Fédération française de surf

1076

1076

1076

1076

1377

1377

1377

0%

Fédération française handisport

202

202

593

876

1363

1363

2337

71%

Fédération française d’haltérophilie, musculation

1322

1322

1322

1322

1322

1322

1322

0%

Fédération Française de Rugby à XIII

1134

1134

1288

1288

1314

1314

1412

7%

Fédération française du sport automobile

538

538

538

538

538

1191

1191

0%

Union nationale sportive Léo Lagrange

417

417

1161

1161

1161

1161

1161

0%

Fédération française de parachutisme

1110

1110

1110

1110

1110

1110

1110

0%

Fédération française du sport d’entreprise

728

728

728

728

728

728

728

0%

Fédération française des clubs omnisports

347

352

415

415

489

489

489

0%

Fédération française de cyclotourisme

142

142

437

437

437

437

437

0%

UCPA SPORT VACANCES

117

117

117

117

127

289

289

0%

Fédération française de pelote basque

138

141

141

141

156

156

532

241%

Fédération française de ball-trap

100

100

100

100

100

141

141

0%

Fédération française du sport adapté

100

100

100

100

100

100

100

0%

Fédération française de ski nautique et de wakeboard

89

89

89

89

89

89

89

0%

Fédération nautique de pêche sportive en apnée

1

1

81

81

81

81

81

0%

Fédération française de bowling et de sport de quilles

72

72

76

76

76

76

76

0%

Fédération française de polo

50

50

50

50

50

50

50

0%

Fédération française de la montagne et de l’escalade

49

49

49

49

49

49

49

0%

Fédération Française omnisports P EN

 

 

 

45

45

45

45

0%

Fédération française d’aérostation

24

24

24

24

24

24

24

0%

Fédération française de pétanque et jeu provençal

10

10

10

10

10

10

10

0%

Fédération des sports et loisirs canins

 

 

 

 

9

9

116

1189%

Fédération française d’aïkido, d’aïkibudo et affinitaires

8

8

8

8

8

8

8

0%

Fédération française de volley

3

3

3

4

4

4

4

0%

Fédération française du sport travailliste

 

 

 

 

 

3

3

0%

Fédération française de boxe

2

2

2

2

2

2

2

0%

Fédération française motonautique

1

1

1

1

1

1

1

0%

TOTAL

781525

870667

925901

1008241

1033546

1093873

 

5,84%

 

 

 

 


–  1 

Annexe n° 29


Annexe n° 30


([1]) Compte rendu n° 46.

([2]) Voir l’annexe n° 15 du présent rapport d’enquête.

([3]) Voir l’annexe n° 31 du rapport d’enquête.

([4]) https://abus-sport.disclose.ngo/fr/

([5]) Compte rendu n° 45.

([6]) Compte rendu n° 15.

([7]) Compte rendu n° 17.

([8]) Compte rendu n° 16.

([9]) Compte rendu n° 26.

([10]) Cour des comptes, Observations définitives sur la Fédération française de football (exercices 2011-2015), avril 2017.

([11]) Compte rendu n° 47.

([12]) L’expression est de Mme Roxana Maracineanu, ancienne ministre des sports.

([13]) IGÉSR, La situation de la Fédération française des sports de glace (FFSG) au regard des faits de violences sexuelles, juillet 2020.

([14]) Inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS), Rapport relatif à une suspicion de pratiques discriminatoires dans le football français, juin 2011.

([15]) Compte rendu n° 5.

([16]) https://www.nytimes.com/fr/2020/10/15/sports/soccer/france-football-federation-culture-toxique.html

([17]) IGÉSR, Contrôle du pilotage de la Fédération française de football et du respect des obligations qui s’y rattachent, février 2023.

([18]) Voir l’annexe n° 1 du rapport d’enquête.

([19]) https://www.blast-info.fr/articles/2023/kickboxing-muay-thai-une-federation-a-la-derive-GXoIZc8FQDapn0CNe3N5sQ

([20]) https://www.ouest-france.fr/sport/arts-martiaux/kickboxing-le-ministere-des-sports-saisit-la-justice-pour-une-affaire-de-chantage-sexuel-669f2852-5959-11ee-9ab3-e77646d4570d

([21]) Voir l’annexe n° 2 du rapport d’enquête.

([22]) Ce système informatisé permet de contrôler l’honorabilité des éducateurs sportifs bénévoles et professionnels, des exploitants d’établissements d’activités physiques et sportives, des juges et arbitres et des surveillants de baignade. Voir la deuxième partie du rapport d’enquête.

([23]) Compte rendu n° 43.

([24]) Compte rendu n° 5.

([25]) Compte rendu n° 26.

([26]) Compte rendu n° 16.

([27]) Ce comité, installé le 29 mars 2023 et coprésidé par Mme Marie-George Buffet et M. Stéphane Dianaga, a remis son rapport à Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports, le 7 décembre 2023.

([28]) IGJS, Mission relative au modèle sportif français : état des lieux des relations entre l’État et le mouvement sportif, décembre 2017.

([29]) https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/194000778.pdf

([30]) Voir l’annexe n° 3 du rapport d’enquête.

([31]) IGJS, Mission relative au modèle sportif français : état des lieux des relations entre l’État et le mouvement sportif, décembre 2017.

([32]) Article L. 131-8 du code du sport, dans sa rédaction en vigueur du 25 juillet 2015 au 26 août 2021.

([33]) IGJS, Mission relative au modèle sportif français : état des lieux des relations entre l’État et le mouvement sportif, décembre 2017.

([34]) En application de l’article L. 131-12 du code du sport.

([35]) Voir l’annexe n° 4 du rapport d’enquête.

([36]) Article R. 131-3 du code du sport.

([37]) Compte rendu n° 28.

([38]) Cour des comptes, Rapport public annuel 2018, février 2018.

([39]) Compte rendu n° 28.

([40]) Cour des comptes, Rapport public annuel 2018, février 2018.

([41]) Cour des comptes, Observations définitives sur la Fédération française de football (exercices 2011-2015), avril 2017.

([42]) Cour des comptes, Observations définitives sur la Fédération française de football (exercices 2011-2015), avril 2017.

([43]) Article L. 131-20 du code du sport.

([44]) Cour des comptes, Observations définitives sur la direction des sports (exercices 2012-2016), octobre 2017.

([45]) Après s’être mises en conformité avec le code du sport, elles ont retrouvé leur délégation respectivement le 17 novembre 2003 et le 21 décembre 2006.

([46]) Cour des comptes, Observations définitives sur la direction des sports (exercices 2012-2016), octobre 2017.

([47]) Ibid.

([48]) Compte rendu n° 28.

([49]) Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

([50]) Mme Fabienne Bourdais, directrice des sports, compte rendu n° 2.

([51]) L’agrément des fédérations sportives « tombera » le 31 décembre 2024 et toutes devront solliciter un nouvel agrément, en respectant le nouveau cadre juridique. Voir le décret n° 2022-877 du 10 juin 2022 relatif aux conditions d’attribution et de retrait de l’agrément accordé aux associations et aux fédérations sportives. Voir l’annexe n° 4 du rapport d’enquête.

([52]) Cour des comptes, L’Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport : des défis qui restent à relever, juillet 2022, p. 86 et 87.

([53]) Compte rendu n° 28.

([54]) Compte rendu n° 46.

([55]) Les contrats de délégation sont des documents publics que chacun peut consulter en ligne.

([56]) Compte rendu n° 46.

([57]) Compte rendu n° 49.

([58]) Compte rendu n° 24.

([59]) Compte rendu n° 45.

([60]) Le projet de loi confortant les principes de la République a été déposé le 9 décembre 2020 sur le bureau de l’Assemblée nationale avec l’objectif que « le cadre de délégation renouvelé (contrat de délégation, indicateurs, rapport annuel…) [soit] susceptible d’être opérationnel dès l’année 2021 » (étude d’impact).

([61]) Compte rendu n° 49.

([62]) La création de l’IGÉSR résulte de la fusion de l’Inspection générale de l’éducation nationale (IGÉN), de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS) et de l’Inspection générale des bibliothèques (IGB).

([63]) Compte rendu n° 14.

([64]) Cette notion a été introduite en 2012.

([65]) Compte rendu n° 14.

([66]) IGF et IGÉSR, Contrôle budgétaire et financier de la Fédération française de rugby (FFR), juin 2023.

([67]) Ce qui a pu amener des présidents de fédérations à déclarer que l’inspection générale n’avait pas relevé de problème. Voir à ce sujet la déclaration de M. David Vallée, directeur exécutif de la Fédération française de gymnastique (compte rendu n° 32).

([68]) Compte rendu n° 14.

([69]) Voir la deuxième partie du rapport d’enquête.

([70]) Voir l’annexe n° 7 du rapport d’enquête.

([71]) Article L. 111-1 du code du sport.

([72]) https://sport.newstank.fr/article/view/123927/gouvernance-35-recommandations-association-renovons-sport-francais.html

([73]) Compte rendu n° 46.

([74]) Loi n° 2012-158 du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs.

([75]) IGJS, Prévention des violences sexuelles dans le sport : évaluation du programme national de 2008, préfiguration d’un observatoire, septembre 2014.

([76]) Depuis cette date, seules les fédérations délégataires doivent en établir une.

([77]) Au cours de son audition, Mme Maracineanu, ministre des sports de septembre 2018 à mai 2022, a déclaré : « Quelques semaines plus tard [après sa prise de fonction], j’ai rencontré Colosse aux pieds d’argile, une association que vous avez auditionnée. Celle-ci m’a alertée sur le nombre de signalements qu’elle recevait et sur la nécessité de mettre en place un contrôle d’honorabilité des éducateurs bénévoles. Ce contrôle n’était pas mis en œuvre, alors qu’il était pourtant déjà inscrit dans le code du sport à l’époque. »

([78]) À savoir l’enseignement, l’animation ou l’encadrement d’une activité physique ou sportive, ou l’entraînement des pratiquants.

([79]) Voir la deuxième partie du rapport d’enquête.

([80]) Rapport IGJS n° 2017‐AI‐06 des inspecteurs généraux Patrick Karam et Patrice Lefebvre, décembre 2017.

([81]) Voir la deuxième partie du rapport d’enquête.

([82]) Compte rendu n° 46.

([83]) Article premier de la loi n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs.

([84]) Voir l’annexe n° 8 du rapport d’enquête.

([85]) Compte rendu n° 19.

([86]) Voir l’annexe n° 22 du rapport d’enquête.

([87]) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

([88]) Article 8.

([89]) Compte rendu n° 24.

([90]) Au 31 décembre 2022, les conseillers techniques sportifs placés auprès des fédérations étaient 1 422.

([91]) Cour des comptes, L’Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport : des défis qui restent à relever, juillet 2022.

([92]) Voir l’annexe n° 10 du rapport pour la répartition des CTS auprès des fédérations sportives.

([93]) Cour des comptes, Analyse de l’exécution budgétaire 2022, mission « Sport, jeunesse et vie associative », avril 2023.

([94]) IGJS, Mission relative au partenariat entre l’État et le CNOSF, mai 2013 ; Mission relative au modèle sportif français, décembre 2017.

([95]) Voir l’annexe n° 9 du rapport d’enquête pour un exemple de convention d’objectifs.

([96]) Compte rendu n° 28.

([97]) Compte rendu n° 22.

([98]) IGÉSR, Mission d’évaluation relative aux conseillers techniques sportifs, septembre 2018.

([99]) L’article L. 121-3 du code général de la fonction publique dispose que « l’agent public consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées » et le premier alinéa de l’article L. 123-1 du même code dispose : « L’agent public ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée de quelque nature que ce soit sous réserve des dispositions des articles L. 123-2 à L. 123-8. »

([100]) Le deuxième alinéa de l’article L. 131-12 du code du sport dispose : « Pendant la durée de leurs missions, les conseillers techniques sportifs restent placés, selon les cas, sous l’autorité hiérarchique exclusive du ministre chargé des sports ou du chef de service déconcentré dont ils relèvent. Ils ne peuvent être regardés, dans l’accomplissement de leurs missions, comme liés à la fédération par un lien de subordination caractéristique du contrat de travail au sens du livre II de la première partie du code du travail. »

([101]) Article R. 131-16 du code du sport : « Les personnels exerçant les missions de conseiller technique sportif restent soumis durant toute la durée de l’exercice de leurs missions, selon le cas, à l’autorité du ministre chargé des sports ou du chef de service déconcentré. »

([102]) Compte rendu n° 14.

([103]) Réponse de la direction des sports au questionnaire écrit adressé par la rapporteure. Il s’agit des DTN de la Fédération française de basket-ball, de la Fédération française de ski nautique, de la Fédération française des sports de glace, de la Fédération française de ski et de la Fédération sportive et gymnique du travail. Le DTN de la Fédération française handisport conduit actuellement cette activité par intérim.

([104]) Le premier alinéa de l’article L. 131-12 du code du sport dispose : « Des personnels de l’État ou des agents publics rémunérés par lui peuvent exercer auprès des fédérations agréées des missions de conseillers techniques sportifs, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. »

([105]) Compte rendu n° 45.

([106]) Arrêté du 31 juillet 2015 portant adoption du code de déontologie des agents de l’État exerçant les missions de conseiller technique sportif auprès d’une fédération sportive agréée.

([107]) Compte rendu n° 3.

([108]) IGJS, Prévention des violences sexuelles dans le sport : évaluation du programme national de 2008, préfiguration d’un observatoire, septembre 2014.

([109]) Yann Cucherat et Alain Resplandy-Bernard, Mission relative aux conseillers techniques sportifs, décembre 2019.

([110]) En application de l’article R. 131-22 du code du sport, une lettre de missions annuelle ou pluriannuelle fixe, pour chaque agent exerçant une mission de CTS, le contenu détaillé des tâches qui lui sont confiées et ses modalités d’intervention. Elle fixe la durée de ces missions.

([111]) Le CGOCTS est un service à compétence nationale placé sous l’autorité du ministre chargé des sports. Il assure la gestion opérationnelle du corps des CTS, pilote ses effectifs, propose une répartition et un suivi par fédération, suit les dépenses de rémunération, participe à la formation et assure l’accompagnement des carrières. Le CGOCTS compte sept effectifs.

([112]) IGÉSR, Contrôle du pilotage de la Fédération française de football et du respect des obligations qui s’y rattachent, février 2023.

([113]) Cour des comptes, Observations définitives sur la direction des sports (exercices 2012-2016), octobre 2017.

([114]) Cour des comptes, L’Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport : des défis qui restent à relever, juillet 2022.

([115]) Étude d’impact du projet de loi, p. 271.

([116]) Compte rendu n° 45.

([117]) Cour des comptes, Observations définitives sur la direction des sports (exercices 2012-2016), octobre 2017.

([118]) Il s’agit des délégations régionales académiques à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (DRAJES) et des services départementaux à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (SDJES).

([119]) Le SEJS est le premier syndicat du corps des inspecteurs de la jeunesse et des sports. Il est affilié à l’UNSA.

([120]) Voir l’annexe n° 12 du rapport d’enquête.

([121]) Cour des comptes, L’Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport : des défis qui restent à relever, juillet 2022.

([122]) Compte rendu n° 28. Ces services sont désormais rattachés aux directions des services départementaux de l’éducation nationale (DASEN), conformément à la circulaire du 12 juin 2019 relative à la mise en œuvre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État.

([123]) Cour des comptes, L’Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport : des défis qui restent à relever, juillet 2022.

([124]) 30 pour les DRAJES et 193 pour les SDJES.

([125]) Voir l’annexe n° 13 du rapport d’enquête.

([126]) Direction des sports, délégation interministérielle aux grands événements sportifs, Agence nationale du sport, Comité national olympique et sportif français, Comité paralympique et sportif français, Agence française de lutte contre le dopage, etc.

([127]) Loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France.

([128]) Compte rendu n° 26.

([129]) Compte rendu n° 28.

([130]) IGJS, Mission relative au partenariat entre l’État et le CNOSF, mai 2013. Ce constat est repris dans le rapport de l’IGJS de décembre 2017, Fabien Canu et Olivier Keraudren, Mission relative au modèle sportif français.

([131]) Compte rendu n° 26.

([132]) Compte rendu n° 28.

([133]) Voir l’article 7 de la convention constitutive de l’ANS. Au sein de l’assemblée générale comme du conseil d’administration de l’ANS, les collèges « État », « mouvement sportif » et « collectivités territoriales » détiennent chacun 30 % des droits de vote, les 10 % restants étant attribués au collège « monde économique ». En matière de sport de haut niveau cependant, l’État détient 60 % des droits de vote.

([134]) Compte rendu n° 28.

([135]) Contrats de performance et contrats de développement avec l’ANS, contrat de délégation avec le ministère des sports. Les fédérations souscrivent par ailleurs au contrat d’engagement républicain.

([136]) Cour des comptes, L’Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport : des défis qui restent à relever, juillet 2022.

([137]) IGJS, Mission relative au partenariat entre l’État et le CNOSF, mai 2013 ; Mission relative au modèle sportif français : état des lieux des relations entre l’État et le mouvement sportif, décembre 2017.

([138]) Compte rendu n° 28.

([139]) Article L. 141-3 du code du sport.

([140]) Compte rendu n° 45.

([141]) Compte rendu n° 28.

([142]) Voir la deuxième partie du rapport d’enquête.

([143]) Compte rendu n° 16.

([144]) IGJS, Mission relative au partenariat entre l’État et le CNOSF, mai 2013. Ce rapport de mission invitait le ministère des sports à mettre en œuvre une évaluation effective des aides allouées au CNOSF.

([145]) Voir l’annexe n° 14 du rapport d’enquête.

([146]) Les autres axes sont : les actions en tant que représentant du CIO et des comités olympiques européens, les actions du CNOSF pour la réussite des JOP de Paris 2024, les actions internationales du CNOSF et des fédérations, les actions nationales d’accompagnement du mouvement sportif français et les actions territoriales du CNOSF.

([147]) Inspection générale des finances (IGF) et Inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS), Mission d’audit relative à l’efficacité et l’efficience des relations entre l’État (ministère des sports), les fédérations sportives et les établissements publics sous tutelle, juin 2011.

([148]) Cour des comptes, Observations définitives sur la direction des sports (exercices 2012-2016), octobre 2017.

([149]) Décret n° 2022-1123 du 4 août 2022 pris en application de l’article 2-1 du décret n° 59-178 du 22 janvier 1959 relatif aux attributions des ministres.

([150]) Au sein du corps préfectoral ou du corps diplomatique, les changements d’affectation sont fréquents pour éviter qu’un lien d’attachement à un territoire ne vienne fragiliser l’allégeance envers l’État.

([151]) Compte rendu n° 28.

([152]) IGÉSR, La situation de la FFSG au regard des faits de violences sexuelles dans les sports de glace, juillet 2020.

([153]) Compte rendu n° 49.

([154]) Compte rendu n° 28.

([155]) Compte rendu n° 26.

([156]) Compte rendu n° 4.

([157]) L’expression a été employée par M. Serge Lecomte, président de la Fédération française d’équitation. Voir compte rendu n° 48.

([158]) IGÉSR, Contrôle du pilotage de la Fédération française de football et du respect des obligations qui s’y rattachent, février 2023.

([159]) Compte rendu n° 43.

([160]) Pour un sport plus démocratique, plus éthique et plus protecteur, rapport remis à la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques le 7 décembre 2023.

([161]) Loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France.

([162]) Compte rendu n° 3.

([163]) Compte rendu n° 28.

([164]) IGJS, Mission relative au modèle sportif français : état des lieux des relations entre l’État et le mouvement sportif, décembre 2017.

([165]) Article R. 131-3 du code du sport.

([166]) Annexe I-5 aux articles R. 131-1 et R. 131-11 du code du sport.

([167]) Rapport du Comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, page 12.

([168]) Pour un sport plus démocratique, plus éthique et plus protecteur, rapport remis à la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques le 7 décembre 2023.

([169]) Les statuts des fédérations agréées doivent uniquement prévoir que les membres de l’assemblée générale de la fédération élus par les assemblées générales des organismes régionaux et départementaux sont élus selon le même mode de scrutin à tous les niveaux, départemental et régional ; que les membres des instances dirigeantes sont élus au scrutin secret, pour une durée de quatre ans (annexe I-5 du code du sport fixant les dispositions obligatoires des statuts des fédérations sportives agréées).

([170]) Elle impose la présence de licenciés ayant une qualité particulière (sportifs et sportives de haut niveau, arbitre et entraîneur) au sein des instances dirigeantes.

([171]) Pour un sport plus démocratique, plus éthique et plus protecteur, rapport remis à la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques le 7 décembre 2023.

([172]) IGJS, Mission relative au modèle sportif français : état des lieux des relations entre l’État et le mouvement sportif, décembre 2017.

([173]) M. Philippe Rousselot, président de section à la 3e chambre de la Cour des comptes, compte rendu n° 28.

([174]) Voir l’annexe n° 15 du rapport d’enquête.

([175]) Compte rendu n° 18.

([176]) Source : Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche.

([177]) Compte rendu n° 28.

([178]) IGF et IGÉSR, Contrôle budgétaire et financier de la Fédération française de rugby (FFR), juin 2023.

([179]) Compte rendu n° 49.

([180]) IGÉSR, Contrôle de la Fédération française de tennis, février 2022

([181]) Selon les informations communiquées à la rapporteure par M. Gilles Moretton, président de la FFT.

([182]) Compte rendu n° 15.

([183]) Compte rendu n° 28.

([184]) L’adoption d’un règlement financier est prévue à l’annexe I-5 du code du sport fixant les dispositions obligatoires des statuts des fédérations sportives.

([185]) Compte rendu n° 24.

([186]) Entendues au sens de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique : les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme.

([187]) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

([188]) Compte rendu n° 24.

([189]) III bis de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

([190]) Contribution écrite adressée à la rapporteure par la HATVP.

([191]) L’article 26 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

([192]) Article L. 131-15-1 du code du sport.

([193]) Il ne comprend parmi ses membres aucun représentant direct des licenciés ou des associations sportives, contrairement à ce que prévoit la loi.

([194]) Sur un total théorique de 1 000 voix, 540 sont attribuées au collège des 35 fédérations olympiques, et 460 voix sont attribuées au collège des 61 fédérations non olympiques.

([195]) Les membres élus par l’assemblée générale se répartissent comme suit : 23 représentants des fédérations olympiques et 14 représentants des autres fédérations.

([196]) Article L. 141-3 du code du sport.

([197]) Voir l’annexe n° 19 du rapport d’enquête.

([198]) Voir l’annexe n° 20 du rapport d’enquête, dans laquelle le CNOSF explique que « l’activité conciliation, qui a été très impactante [sic] en 2023, a limité la mise en œuvre des activités en lien avec la Chambre arbitrale du sport, l’éthique ou la déontologie dans le sport ».

([199]) IGJS, Prévention des violences sexuelles dans le sport : évaluation du programme nationale de 2008, préfiguration d’un observatoire, septembre 2014.

([200]) Compte rendu n° 23.

([201]) Sur ce point, voir la deuxième partie du rapport d’enquête.

([202]) Compte rendu n° 28.

([203]) Compte rendu n° 20.

([204]) Loi  2012-158 du 1er février 2012 visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs.

([205]) Loi n° 2017-261 du 1er mars 2017 visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs.

([206]) Voir l’annexe n° 21 du rapport d’enquête.

([207]) Voir l’annexe n° 22 du rapport d’enquête.

([208]) Compte rendu n° 45.

([209]) Voir l’annexe n° 15 du rapport d’enquête.

([210]) Compte rendu n° 19.

([211]) Compte rendu n° 49.

([212]) Compte rendu n° 24.

([213]) Il s’agit de la Fédération française de tennis, de la Fédération française de sauvetage et de secourisme, de la Fédération française de hockey, de la Fédération française de montagne et de l’escalade, de la Fédération française de triathlon, de la Fédération française handisport, de la Fédération française de karaté, et de la Fédération française de squash.

([214]) Voir l’annexe n° 23 du rapport d’enquête.

([215]) Compte rendu n° 7.

([216]) Ciase, Les violences sexuelles dans l’Église catholique : France 1950-2020, octobre 2021.

([217]) Compte rendu n° 27.

([218]) Compte rendu n° 45.

([219]) Compte rendu n° 49.

([220]) Anne Jolly et Greg Décamps, « Les agressions sexuelles en milieu sportif : une enquête exploratoire », Movement & Sport Sciences, 2006/1 (n° 57).

([221]) Anne Jollys, Gredg Décamps et Sabine Afflelou, Étude des violences sexuelles dans le sport en France : contextes de survenue et incidences psychologiques, 2009.

([222]) https://www.lexpress.fr/sport/violences-sexuelles-dans-le-sport-l-omerta-est-plus-forte-qu-ailleurs_1956366.html

([223]) https://www.lexpress.fr/sport/laura-flessel-non-il-n-y-a-pas-d-omerta-sur-le-harcelement-sexuel-dans-le-sport_1958354.html

([224]) https://www.lequipe.fr/Athletisme/Actualites/Laura-flessel-s-exprime-sur-les-soupcons-de-violences-sexuelles-ne-pas-faire-d-omerta/889402

([225]) IGÉSR, La situation de la FFSG au regard des faits de violences sexuelles dans les sports de glace, juillet 2020.

([226]) Compte rendu n° 7.

([227]) Compte rendu n° 10.

([228]) Isabelle Demongeot, Service volé – une championne rompt le silence, mai 2007.

([229]) IGJS, Prévention des violences sexuelles dans le sport : évaluation du programme national de 2008 et préfiguration d’un observatoire, septembre 2014.

([230]) Compte rendu n° 45.

([231]) IGJS, Prévention des violences sexuelles dans le sport : évaluation du programme national de 2008, préfiguration d’un observatoire, septembre 2014.

([232]) Ibid.

([233]) Compte rendu n° 45.

([234]) Compte rendu n° 16.

([235]) Compte rendu n° 18.

([236]) Compte rendu n° 28.

([237]) Voir l’annexe n° 24 du rapport d’enquête.

([238]) Compte rendu n° 28.

([239]) Compte rendu n° 45.

([240]) Voir la première partie du présent rapport d’enquête.

([241]) Compte rendu n° 32.

([242]) IGÉSR, Évaluation des violences sexuelles dans le sport : rapport d’étape, janvier 2020.

([243]) IGÉSR, Mission relative au traitement des faits de violences au sein de la Fédération française de judo et des disciplines associées (FFJDA), septembre 2021.

([244]) Organismes territoriaux délégataires.

([245]) Patrick Roux et Karine Repérant, Le revers de nos médailles : des clubs au haut niveau, en finir avec les violences dans le sport, Dunod, avril 2023.

([246]) https://www.lequipe.fr/Judo/Article/Patrick-roux-denonce-l-inertie-de-la-federation-face-aux-violences-on-se-protege-comme-dans-une-famille/1402511

([247]) Compte rendu n° 22.

([248]) IGÉSR, Mission relative au traitement des faits de violences au sein de la Fédération française de judo et des disciplines associées (FFJDA), septembre 2021.

([249]) Compte rendu n° 27.

([250]) IGÉSR, Mission relative au traitement des faits de violences au sein de la Fédération française de judo et des disciplines associées (FFJDA), septembre 2021.

([251]) IGÉSR, La situation de la FFSG au regard des faits de violences sexuelles dans les sports de glace, juillet 2020.

([252]) Compte rendu n° 10.

([253]) IGÉSR, Évaluation des violences sexuelles dans le sport : rapport d’étape, janvier 2020.

([254]) IGÉSR, Mission relative au traitement des faits de violences au sein de la Fédération française de judo et des disciplines associées (FFJDA), septembre 2021.

([255]) IGÉSR, La situation de la FFSG au regard des faits de violences sexuelles dans les sports de glace, juillet 2020.

([256]) Patrick Roux et Karine Repérant, Le revers de nos médailles : des clubs au haut niveau, en finir avec les violences dans le sport, Dunod, avril 2023.

([257]) Compte rendu n° 10.

([258]) Ibid.

([259]) IGÉSR, Évaluation des violences sexuelles dans le sport : rapport d’étape, janvier 2020.

([260]) IGÉSR, Mission relative au traitement des faits de violences au sein de la Fédération française de judo et des disciplines associées (FFJDA), septembre 2021.

([261]) IGÉSR, La situation de la FFSG au regard des faits de violences sexuelles dans les sports de glace, juillet 2020.

([262]) Compte rendu n° 10.

([263]) Direction départementale de la cohésion sociale.

([264]) Compte rendu n° 10.

([265]) IGÉSR, La situation de la FFSG au regard des faits de violences sexuelles dans les sports de glace, juillet 2020.

([266]) Le deuxième alinéa de l’article R. 131-24 du code du sport dispose que les missions des conseillers techniques sportifs « sont incompatibles avec toute fonction élective au sein des instances dirigeantes, locales, départementales, régionales ou nationales, de la fédération auprès de laquelle ils exercent ces missions ».

([267]) Compte rendu n° 16.

([268]) Compte rendu n° 46.

([269]) Compte rendu n° 2.

([270]) Compte rendu n° 43.

([271]) « Très peu de présidents ont assisté à cette première convention » a regretté Mme Roxana Maracineanu lors de son audition par la commission d’enquête. Compte rendu n° 28.

([272]) Compte rendu n° 10.

([273]) Voir l’annexe n° 24 du présent rapport d’enquête.

([274]) Compte rendu n° 28.

([275]) IGÉSR, Évaluation des violences sexuelles dans le sport : rapport d’étape, janvier 2020.

([276]) IGJS, Prévention des violences sexuelles dans le sport : évaluation du programme national de 2008, préfiguration d’un observatoire, septembre 2014.

([277]) À titre d’exemple, un rapport de contrôle de la Fédération française d’échecs de septembre 2020 ne consacre que quelques lignes à ce sujet. On peut lire que « la FFE n’a pas été épargnée par la vague de violences sexuelles révélées récemment dans le sport. Un ancien professeur d’échecs a été condamné en Corse en 2020 pour viols et attouchements sexuels sur mineures. Dans ce contexte et à la suite de la première convention nationale de prévention des violences sexuelles dans le sport, organisée le 21 février 2020 à l’initiative de la ministre des sports, la FFE et son président ont fait part de leur détermination à lutter contre les violences sexuelles, en appliquant un principe de tolérance zéro vis-à-vis de ces agissements. La mission ne peut qu’encourager la FFE à poursuivre dans la voie tracée par ces déclarations ; elle a noté que la fédération avait dès à présent mis en place un dispositif de contrôle d’honorabilité des dirigeants et encadrants (bénévoles ou professionnels) des clubs ». En août 2023, quatorze des meilleures joueuses d’échec françaises ont publié sur X une lettre ouverte pour dénoncer les violences sexuelles et sexistes dont elles ont fait l’objet. https://twitter.com/nousjoueuses/status/1687025903803469824

([278]) Compte rendu n° 28.

([279]) IGÉSR, Mission relative au traitement des faits de violences au sein de la Fédération française de judo et des disciplines associées (FFJDA), septembre 2021.

([280]) https://www.france.tv/france-3/stade-2/4927771-grand-format-maltraitance-dans-la-gym-la-parole-se-libere.html

([281]) Compte rendu n° 5.

([282]) Compte rendu n° 14.

([283]) Communiqué de presse du CNOSF.

([284]) Compte rendu n° 23.

([285]) Compte rendu n° 28.

([286]) https://www.francetvinfo.fr/sports/violences-dans-le-sport/violences-dans-le-sport-il-n-y-a-qu-une-seule-plateforme-pour-recueillir-les-signalements-et-ce-n-est-pas-balance-ton-sport-mais-signal-sport-recadre-la-ministre-amelie-oudea-castera_6065949.html

([287]) Compte rendu n° 45.

([288]) Voir l’annexe n° 25 du rapport d’enquête.

([289]) Compte rendu n° 46.

([290]) Compte rendu n° 45.

([291]) https://www.sports.gouv.fr/signaler-une-violence-501

([292]) Compte rendu n° 19.

([293]) Compte rendu n° 45.

([294]) https://www.lequipe.fr/Football/Article/A-la-fff-le-numero-vert-dedie-aux-victimes-de-violences-sonnait-dans-le-vide/1424985

([295]) Compte rendu n° 45.

([296]) Compte rendu n° 22.

([297]) Le rapport de l’Inspection générale sur les faits de violences au sein de la Fédération française de judo (septembre 2021) relève que « la cellule nationale de traitement des signalements des violences sexuelles dans le sport n’est pas un nouveau service. Elle correspond à une organisation interne à la direction des sports, hébergée au sein du bureau de l’éthique et de la protection des publics (DS3A) de la sous-direction de la sécurité, des métiers de l’animation du sport et de l’éthique. Elle associe à ses travaux le bureau du pilotage stratégique et tutelle des établissements (DS2A), le bureau d’accompagnement à l’autonomie des fédérations sportives et du sport professionnel (DS2B) et le centre de gestion opérationnel des CTS car les signalements ne peuvent pas être traités simplement sous le prisme des enquêtes administratives et celui des mis en cause ».

([298]) Réponse à un questionnaire écrit adressé par la rapporteure.

([299]) IGÉSR, Mission relative au traitement des faits de violences au sein de la Fédération française de judo et des disciplines associées (FFJDA), septembre 2021.

([300]) Ibid.

([301]) Compte rendu n° 45.

([302]) Compte rendu n° 46.

([303]) Compte rendu n° 14.

([304]) Compte rendu n° 19.

([305]) Compte rendu n° 45.

([306]) IGÉSR, Mission de contrôle de la Fédération française de basket-ball, juin 2023.

([307]) IGÉSR, Mission relative au traitement des faits de violences au sein de la Fédération française de judo et des disciplines associées (FFJDA), septembre 2021.

([308]) Compte rendu n° 45.

([309]) Compte rendu n° 46.

([310]) Voir l’annexe n° 27 du rapport d’enquête.

([311]) IGÉSR, Contrôle de la Fédération française de football et du respect des obligations qui s’y rattachent, février 2023.

([312]) C’est-à-dire la Fédération française d’athlétisme.

([313]) Compte rendu n° 8.

([314]) Compte rendu n° 10.

([315]) Compte rendu n° 8.

([316]) Compte rendu n° 19.

([317]) Compte rendu n° 5.

([318]) IGÉSR, Évaluation des violences sexuelles dans le sport : rapport d’étape, janvier 2020.

([319]) Compte rendu n° 19.

([320]) IGÉSR, Mission relative au traitement des faits de violences au sein de la Fédération française de judo et des disciplines associées (FFJDA), septembre 2021.

([321]) Compte rendu n° 10.

([322]) Ibid.

([323]) IGÉSR, Mission relative au traitement des faits de violences au sein de la Fédération française de judo et des disciplines associées (FFJDA), septembre 2021.

([324]) Ibid.

([325]) Compte rendu n° 10.

([326]) Voir l’annexe n° 26 du rapport d’enquête.

([327]) Compte rendu n° 26.

([328]) Compte rendu n° 48.

([329]) Compte rendu n° 43.

([330]) Compte rendu n° 47.

([331]) IGÉSR, Contrôle de la Fédération française de canoë-kayak et sports de pagaie (FFCK), septembre 2022.

([332]) Compte rendu n° 32.

([333]) Compte rendu n° 32.

([334]) Une fédération sportive dispose à l’égard de ses licenciés et de ses structures affiliées, en particulier les clubs, d’un pouvoir disciplinaire lui permettant de sanctionner les actes commis par ces derniers, contraires aux dispositions de ses statuts et règlements. Le règlement disciplinaire type des fédérations sportives agréées figure à l’annexe I-6 du code du sport. Sa rédaction actuelle résulte en grande partie du décret n° 2016-1054 du 1er août 2016 relatif au règlement disciplinaire type des fédérations sportives agréées.

([335]) Compte rendu n° 28.

([336]) Compte rendu n° 46.

([337]) IGÉSR, Contrôle de la Fédération française de football et du respect des obligations qui s’y rattachent, février 2023.

([338]) IGÉSR, Faits de violences sexuelles dans l’équitation et exercice du pouvoir disciplinaire par la Fédération française d’équitation (FFE) : rapport d’étape, mars 2021.

([339]) Compte rendu n° 45.

([340]) Compte rendu n° 5.

([341]) https://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/Le-comite-ethique-et-sport-jette-l-eponge/1327355

([342]) Compte rendu n° 28.

([343]) IGÉSR, Évaluation des violences sexuelles dans le sport : rapport d’étape, janvier 2020.

([344]) Compte rendu n° 23.

([345]) Compte rendu n° 26.

([346]) Compte rendu n° 19.

([347]) Alors que la direction générale de l’INSEP a été informée en février 2023 des accusations d’agressions sexuelles portées par Mme Claire Palou, elle n’a effectué un signalement en application de l’article 40 du code de procédure pénale qu’en septembre.

([348]) Voir l’annexe n° 28 du rapport d’enquête.

([349]) Compte rendu n° 46.

([350]) Compte rendu n° 5.

([351]) Compte rendu n° 27.

([352]) Compte rendu n° 19.

([353]) https://actu.6play.fr/information-et-magazines/enquete-exclusive-speciale-foot-et-violences-sexuelles-diffusion-du-19-novembre-2023-a-2310-sur-m6

([354]) Article L. 212-9 du code du sport.

([355]) Compte rendu n° 46.

([356]) https://eaps.sports.gouv.fr/

([357]) Compte rendu n° 49.

([358]) Compte rendu n° 28.

([359]) IGÉSR, Contrôle du pilotage de la Fédération française de football et du respect des obligations qui s’y rattachent, février 2023.

([360]) IGÉSR, Mission relative au traitement des faits de violences au sein de la Fédération française de judo et des disciplines associées (FFJDA), septembre 2021.

([361]) Compte rendu n° 45.

([362]) Compte rendu n° 46.

([363]) Article L. 212-9 du code du sport.

([364]) IGJS, Prévention des violences sexuelles dans le sport : évaluation du programme national de 2008, préfiguration d’un observatoire, septembre 2014.

([365]) IGÉSR, Évaluation des violences sexuelles dans le sport : rapport d’étape, janvier 2020.

([366]) Fin 2022, 500 000 contrôles avaient été effectués.

([367]) Compte rendu n° 45.

([368]) Voir l’annexe n° 29 du rapport d’enquête.

([369]) Compte rendu n° 46.

([370]) Compte rendu n° 45.

([371]) Compte rendu n° 28.

([372]) Compte rendu n° 45.

([373]) Compte rendu n° 45.

([374]) Compte rendu n° 46.

([375]) Pour un sport plus démocratique, plus éthique et plus protecteur, rapport remis à la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques le 7 décembre 2023.

([376]) Compte rendu n° 46.

([377]) Compte rendu n° 37.

([378]) Compte rendu n° 14.

([379]) Compte rendu n° 49.

([380]) Compte rendu n° 46.

([381]) https://www.education.gouv.fr/bo/2023/Hebdo30/SPOV2319902J

([382]) IGÉSR, Contrôle du pilotage de la Fédération française de football et du respect des obligations qui s’y rattachent, février 2023.

([383]) Compte rendu n° 35.

([384]) Compte rendu n° 37.

([385]) Compte rendu n° 7.

([386]) Compte rendu n° 27.

([387]) Compte rendu n° 10.

([388]) Voir l’annexe n° 30 du rapport d’enquête.

([389]) Compte rendu n° 10.

([390]) Compte rendu n° 27.

([391]) Compte rendu n° 7.

([392]) Compte rendu n° 20.

([393]) Compte rendu n° 19.

([394]) Compte rendu n° 20.

([395]) Compte rendu n° 3.

([396]) Cet article dispose : « Les fédérations agréées peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs de leurs licenciés et des associations et sociétés sportives qui en sont membres. »

([397]) Compte rendu n° 27.

([398]) Compte rendu n° 7.

([399]) Compte rendu n° 27.

([400]) Ibid.

([401]) Pour un sport plus démocratique, plus éthique et plus protecteur, rapport remis à la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques le 7 décembre 2023.

([402]) Compte rendu n° 46.

([403]) Compte rendu n° 43.

([404]) IGJS, Rapport de la mission d’inspection générale relative aux discriminations et aux incivilités dans le sport et plus particulièrement dans le football et dans le rugby, décembre 2013.

([405]) Compte rendu n° 21.

([406]) Compte rendu n° 21.

([407]) Présenté le 10 juillet 2023 par Mme Isabelle Rome, ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, ce plan déclinera ses mesures jusqu’en 2026. Il s’articule autour de cinq axes : affirmer la réalité des LGBT-phobies, mesurer les phénomènes de LGBT-phobies et de discriminations, garantir l’accès et l’effectivité des droits, défendre les droits LGBT+ dans les relations européennes et internationales.

([408]) Avec M. Olivier Dacourt, ancien joueur de football international, M. Sauvourel a réalisé le film documentaire « Je ne suis pas un singe – le racisme dans le football ».

([409]) Licra, « Enquête 2017-2018 sur les dérives dans le sport amateur et professionnel », octobre 2019.

([410]) Compte rendu n° 25.

([411]) Compte rendu n° 41.

([412]) La feuille de match est prévue par l’article 530 du règlement des championnats de France de la Ligue de football professionnel (LFP). Elle est établie par les délégués de la LFP et comporte un rapport de match dédié à l’organisation de celui-ci.

([413]) L’Instance nationale du supportérisme a été installée en mars 2017. Présidée par le ministre chargé des sports, elle comprend des représentants des associations de supporters agréées, des représentants d’associations sportives ou de sociétés sportives participant aux compétitions organisées par une ligue professionnelle, le président du CNOSF, le président du CPSF, etc. Instance de réflexion et de dialogue, l’INS est consultée sur tout projet de texte relatif aux supporters et à leurs associations, et propose toute recommandation visant à contribuer au dialogue entre les supporters et les autres acteurs du sport, à la participation des supporters au bon déroulement des manifestations sportives et compétitions sportives et à l’amélioration de leur accueil.

([414]) Il en est fait mention dans le rapport d’activité n° 2 de l’Instance nationale du supportérisme, pour la période du 26 mars 2019 au 1er juillet 2022.

([415]) Avis 17-08 du 19 septembre 2017 relatif au projet de loi de finances pour 2018 – crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

([416]) Contribution écrite adressée à la rapporteure.

([417]) Voir la première partie du présent rapport d’enquête.

([418]) Compte rendu n° 21.

([419]) Compte rendu n° 44.

([420]) Compte rendu n° 4.

([421]) Compte rendu n° 22.

([422]) Compte rendu n° 21.

([423]) Cette enquête a été menée en ligne du 24 au 29 juin 2022 auprès de deux échantillons : un échantillon de 1 500 Français représentatif de la population âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas appliquée au sexe, à l’âge, à la profession de la personne interrogée, à la région et à la catégorie d’agglomération), et un échantillon de 500 personnes LGBT+.

([424]) Compte rendu n° 39.

([425]) Ce match avait opposé l’Olympique de Marseille et les Girondins de Bordeaux.

([426]) Compte rendu n° 40.

([427]) Compte rendu n° 25.

([428]) Compte rendu n° 25.

([429]) Compte rendu n° 35.

([430]) Compte rendu n° 37.

([431]) Voir le plan d’action pour mieux lutter contre la haine et favoriser l’inclusion des personnes LGBT+ dans le sport, présenté par la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques le 17 mai 2023.

([432]) L’étude du cabinet Mouvens a relevé que « l’enceinte sportive joue également un rôle de défouloir au sein de la société, où l’effet de masse crée une déresponsabilisation pour les individus. Ce phénomène favorise le passage à l’acte, tout comme l’effet de groupe ».

([433]) Compte rendu n° 48.

([434]) AB Conseil, Orientations pour l’amélioration de la sûreté des rencontres Ligue de Football professionnel, novembre 2022.

([435]) Cette proportion a été confirmée auprès de la rapporteure par la LFP.

([436]) Compte rendu n° 48.

([437]) La licence club est un titre attribué par la commission licence club de la LFP, valable une saison. Conformément au règlement licence club de la LFP, cette licence a pour objectif de valoriser les clubs qui en sont titulaires pour leur développement et le renforcement de leurs structures en évaluant ces dernières sur la base de critères adoptés par la commission licence club. Cette licence permet aux clubs qui en sont titulaires d’être éligibles à la répartition d’une fraction des droits audiovisuels définie dans le guide de répartition des droits audiovisuels adoptés par le conseil d’administration de la LFP mais ne conditionne en aucune façon la participation des clubs aux championnats professionnels. La licence club est octroyée à partir de 7 000 points pour les clubs évoluant en Ligue 1 et 6 000 points pour les clubs évoluant en Ligue 2.

([438]) Compte rendu n° 41.

([439]) Depuis cinq ans, la LFP, en association avec ses partenaires, organise une journée de Ligue 1 et de Ligue 2 dédiée à la lutte contre l’homophobie. Elle se traduit notamment par le port d’un maillot au flocage arc-en-ciel, porté par l’ensemble des joueurs de Ligue 1 et de Ligue 2.

([440]) Les référents supporters ont été créés par la loi n° 2016-564 du 10 mai 2016 renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme. Toute association ou société sportive participant aux compétitions organisées par une ligue professionnelle doivent désigner une personne référente, bénévole ou salariée, chargée des relations avec les supporters. Ce référent doit assurer le dialogue entre les supporters et les associations de supporters et le club, conseiller et informer les dirigeants du club sur toutes questions ou demandes concernant les supporters ou les associations de supporters.

([441]) La LFP a indiqué à la rapporteure que deux salariés assuraient, au sein de la ligue, le suivi du réseau des référents supporters.

([442]) Article D. 224-9 du code du sport.

([443]) Compte rendu n° 46.

([444]) Compte rendu n° 21.

([445]) https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Face-aux-insultes-racistes-il-faut-arreter-les-matches-pour-amelie-oudea-castera/1398278

([446]) https://www.leparisien.fr/sports/football/psg/les-chants-homophobes-ne-sont-plus-en-adequation-avec-la-societe-estime-philippe-diallo-30-09-2023-O6UMRLWZERHOTGH6TH5YND7DGA.php#:~:text=%C2%AB%20Il%20faut%20le%20faire%20avec,%2C%20explique%2Dt%2Dil.

([447]) Compte rendu n° 25.

([448]) Compte rendu n° 21.

([449]) Article 17 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

([450]) IGJS, Rapport de la mission d’inspection générale relative aux discriminations et aux incivilités dans le sport et plus particulièrement dans le football et dans le rugby, décembre 2013.

([451]) Du nom de M. Robin Leproux, ancien président du Paris Saint-Germain.

([452]) Cette réunion a réuni, sous la présidence de la ministre des sports et en présence du directeur adjoint du cabinet de la ministre, M. Julien Pontès (collectif Rouge direct), M. Gabriel Chavaudra-Carbon (association FLAG !), M. Jean-Baptiste Montarnier (Union des familles laïques et association Fiertés citoyennes), M. Matthieu Gatipon-Bachette (Association Supporters LGBT de l’équipe de France de football), ainsi que Maître Adrien Reymond (Association Stop Homophobie).

([453]) Compte rendu n° 46.

([454]) Lors de son audition, M. Olivier Klein a indiqué à la rapporteure qu’il avait effectué trois signalements au parquet suite à des chants homophobes constatés lors de matchs de football.

([455]) Ces sanctions sont prévues par les articles L. 332-11 et L. 332-16 du code du sport.

([456]) Article 18 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

([457]) Compte rendu n° 49.

([458]) Compte rendu n° 44.