N° 2112

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 janvier 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT,
 

encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés
dans les politiques publiques
 

PAR MM. Bruno MILLIENNE et Nicolas SANSU

Députés

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 Voir les numéros :

 Sénat :  720 (2021-2022), 38, 39 et T.A. 4 (2022-2023).

 Assemblée nationale :  366.


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION..................................................... 7

PrÉsentation du texte

I. l’examen du texte au sÉnat

A. un texte qui constitue l’aboutissement lÉgislatif des travaux de la commission d’enquÊte du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privÉs sur les politiques publiques

B. Les dispositions de la proposition de loi

C. Les principaux apports du SÉnat

II. Les principales modifications apportÉes par la commission

A. Un ajustement du champ d’application du texte

B. la recherche d’une meilleure proportionnalitÉ et d’une plus grande subsidiaritÉ dans la mise en œuvre des obligations dÉontologiques

C. l’encadrement des obligations de transparence

D. l’assouplissement de certaines AUTRES obligations

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Chapitre Ier  Champ d’application

Article 1er  Champ d’application de la proposition de loi

Article 1er bis (nouveau) Demande de rapport étudiant l’impact d’une éventuelle extension  des dispositions de la présente loi aux collectivités territoriales  et à leurs groupements

Chapitre II Renforcer la transparence dans le recours aux prestations de conseil

Article 2 Règles permettant de mieux identifier l’action des prestataires et des consultants dans leurs rapports avec l’administration bénéficiaire  et avec les tiers

Article 3 Rapport annuel relatif aux prestations de conseil  réalisées au cours des cinq dernières années

Article 3 bis (nouveau) Complément au rapport annuel de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations portant sur le recours aux prestations de conseil

Article 4 Publication des informations relatives aux prestations de conseil en données ouvertes et dans le rapport social unique des administrations concernées

Chapitre III Mieux encadrer le recours aux consultants

Article 5 Interdiction des prestations de conseil à titre gracieux

Article 5 bis (nouveau) Interdiction pour l’administration de recourir aux prestataires et consultants pour la rédaction d’un projet de loi ou de son étude d’impact

Article 6 Évaluation des prestations de conseil par l’administration bénéficiaire

Article 6 bis (nouveau) Extension de la compétence de la Commission d’accès aux documents administratifs

Article 7 (article 5-1 [nouveau] de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française) Obligation de l’emploi du français par les consultants

Article 8 Remise d’un rapport au Parlement sur la cartographie des ressources humaines de l’administration et des mesures de valorisation du conseil interne

Chapitre IV Renforcer les exigences déontologiques

Section 1 Mieux lutter contre les conflits d’intérêts

Article 9 (article 20 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Encadrement déontologique des prestations de conseil  sous le contrôle de la HATVP

Article 10 Obligation de déclaration d’intérêts des prestataires et consultants

Article 11 Obligation pour les cabinets de conseil de déclarer les actions de démarchage ou de prospection et les actions de mécénat

Article 12 Modalités de saisine et pouvoirs de la HATVP en cas de manquement aux règles déontologiques des prestataires de conseil et des consultants

Article 13 Sanctions administratives en cas de manquement à certaines des obligations prévues par la proposition de loi

Article 14 (article 19-1 [nouveau] de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) Création d’une commission des sanctions au sein de la HATVP

Article 15 (supprimé) (articles L. 2141-1, L. 2141-5, L. 2341-1, L. 2341-2,  L. 2651‑1, L. 2661‑1, L. 2671‑1 et L. 2681‑1, L. 3123-1 [nouveau], articles L. 3351‑1, L. 3361‑1, L. 3371‑1 et L. 3381‑1) Exclusion des consultants sanctionnés par la HATVP des procédures de passation des marchés publics, des marchés de défense et de sécurité et des contrats de concession

Section 2 Mieux encadrer les « allers-retours » entre l’administration et les cabinets de conseil

Article 16 (supprimé) (articles L. 124‑5, L. 124‑7, L. 124‑8, L. 124‑18, L. 124‑26 du code général de la fonction publique) Encadrement des mobilités entre l’administration  et le secteur du conseil

Chapitre V Assurer une meilleure protection des données de l’administration

Article 17 Obligation de suppression des données confiées par l’administration pour les besoins de la prestation de conseil et possibilité de faire diligenter un contrôle par la CNIL

Article 18 Obligation de réaliser un audit de la sécurité des systèmes d’information des cabinets de conseil selon un référentiel établi par l’ANSSI

Chapitre VI Entrée en vigueur

Article 19 (supprimé) Application de la loi aux contrats en cours

ANNEXE : liste d’établissements publics entrant  dans le champ d’application de la proposition de loi

Compte rendu des débats

Personnes entendues

 


Mesdames, Messieurs,

 

À la demande des groupes Démocrate et Gauche démocrate et républicaine – NUPES, la Conférence des Présidents de notre Assemblée a finalement décidé, près de quinze mois après sa transmission, d’inscrire à l’ordre du jour la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques.

Ce texte est très attendu. Il fait suite aux travaux de la commission d’enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, qui avait dressé un constat critique sur le recours par l’État à ces cabinets, relevant l’importance des dépenses consacrées et les insuffisances du cadre actuel.

Face à l’émoi suscité par les travaux de la commission d’enquête, cette proposition de loi tente d’apporter des réponses.

Elle traduit sous forme législative l’essentiel de ses propositions. Ses dix-neuf articles sont structurés autour de deux axes forts : améliorer la transparence, et renforcer les obligations déontologiques. La proposition de loi n’interdit pas la réalisation de prestations de conseil, mais cherche à la rationaliser et à encadrer fermement le recours à ces prestations, afin que celui-ci soit pleinement conforme à l’intérêt général.

Malgré nos divergences, nous avons été animés d’une même volonté de consolider le texte, pour qu’il puisse prospérer. Au cours de nos auditions, pendant lesquelles nous avons entendu plus de soixante-dix personnes, nous nous sommes attachés à prolonger les réflexions ouvertes par le Sénat et à en conserver l’approche. Nous avons également cherché à identifier les difficultés posées par la rédaction actuelle, afin d’aboutir à un dispositif véritablement opérationnel. À de nombreuses reprises, nous sommes parvenus à identifier en commun des pistes d’amélioration.

La commission des Lois de notre Assemblée a approuvé la plupart des dispositions du texte, tout en procédant à des aménagements significatifs, dans l’optique d’une plus grande proportionnalité.

Nous sommes convaincus de l’intérêt et de la pertinence de cette proposition de loi et de la nécessité d’aller au bout de son examen : ce texte constitue en effet un enjeu crucial non seulement pour assurer l’efficacité de l’action publique, mais aussi, plus profondément, pour préserver et conforter la confiance des citoyens en nos institutions.

 


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PrÉsentation du texte

I.   l’examen du texte au sÉnat

A.   un texte qui constitue l’aboutissement lÉgislatif des travaux de la commission d’enquÊte du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privÉs sur les politiques publiques

  1.   Les travaux de la commission d’enquête du Sénat

Au cours des dernières années, plusieurs travaux ont été consacrés à la question du recours par l’État aux prestations externes de conseil. Dès 2014, celle‑ci avait fait l’objet d’une communication de la Cour des comptes ([1]). Plus récemment, au sein de la commission des finances de notre Assemblée, les travaux de contrôle de Mme Véronique Louwagie, en 2021 ([2]), puis de Mme Cendra Motin, en 2022 ([3]), nous ont conduits à nous y intéresser. Enfin, l’ouvrage de Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, Les Infiltrés, a contribué à nourrir le débat ([4]).

Présidée par M. Arnaud Bazin, la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseils privés sur les politiques publiques, dont la rapporteure était Mme Éliane Assassi, a quant à elle présenté ses conclusions le 16 mars 2022.

Le rapport de la commission d’enquête soulevait deux principales questions : la vision de l’État et de sa souveraineté face à des cabinets privés, d’une part, et la bonne utilisation des deniers publics, d’autre part. Il évoquait un « phénomène tentaculaire », car les cabinets de conseil interviendraient « au cœur des politiques publiques ».

Le rapport formulait trois constats principaux :

– un recours massif et croissant aux cabinets de conseil, d’abord : en 2021, les dépenses de conseil de l’État au sens large auraient dépassé le milliard d’euros, en forte augmentation par rapport à 2018. Le recours aux consultants serait devenu un « réflexe », et ces derniers auraient été massivement sollicités lors de la crise sanitaire ;

– des méthodes mal acceptées de la part des agents publics, et des résultats inégaux, ensuite : certaines missions, au coût pourtant élevé, n’auraient connu aucune suite, tandis que les risques déontologiques, et notamment les risques de conflits d’intérêts, ne feraient pas l’objet d’un encadrement suffisant ;

– une « influence avérée » sur la prise de décision publique, enfin : l’intervention des consultants est très souvent discrète, ce qui alimente un sentiment de défiance, en particulier chez les agents publics. Les scénarios présentés seraient par ailleurs orientés, et priorisés, parfois à la demande de l’administration.

 Le rapport formulait 19 propositions, réparties en trois axes : en finir avec l’opacité des prestations de conseil, mieux encadrer le recours aux cabinets de conseil, et renforcer les règles déontologiques des cabinets de conseil.

  1.   Les mesures mises en œuvre depuis les travaux de la commission d’enquête

Depuis les travaux de la commission d’enquête, le Gouvernement a pris des mesures pour mieux encadrer le recours par l’État aux prestations intellectuelles de conseil.

Deux circulaires ont ainsi été prises :

 la circulaire 6329/SG du Premier ministre du 19 janvier 2022 encadrant le recours par les administrations et les établissements publics de l’État aux prestations intellectuelles a prévu une nouvelle politique de recours à ces dernières : la circulaire rappelle la doctrine de l’État en la matière, fixe un objectif de diminution de 15 % des dépenses de conseil en stratégie et en organisation pour l’année à venir, prévoit la mise en place de dispositifs ministériels d’engagement pour autoriser ces prestations, en lien avec la délégation interministérielle à la transformation publique (DITP) et la direction des achats de l’État (DAE), prévoit également des outils pour accompagner la réinternalisation des compétences, et définit un certain nombre de bonnes pratiques ;

– la circulaire 6391/SG de la Première ministre du 7 février 2023, relative au pilotage et à l’encadrement du recours aux prestations intellectuelles informatiques prévoit des mesures spécifiques pour les prestations de conseil en informatique.

La mission d’évaluation de la mise en œuvre de la circulaire du Premier ministre n° 6329/SG du 19 janvier 2022 a publié son rapport le 20 janvier 2023 ([5]). Elle concluait que tous les ministères avaient mis en place les dispositifs d’engagement prévus, même si la granularité de leur suivi restait variable. Elle précisait par ailleurs que le recrutement de consultants internes, comme la formation de chefs de projets, étaient engagés. Elle formulait 14 propositions.

La DITP a renouvelé en 2023 l’accord-cadre interministériel, hors ministères des Armées, relatif à la réalisation de prestations de conseil en stratégie, en cadrage et conduite de projets et en efficacité opérationnelle, dont le fonctionnement avait fait l’objet de critiques dans le rapport de la commission d’enquête. La consultation a été lancée fin juillet 2022 et notifiée le 23 janvier 2023. Ce nouvel accord-cadre intègre plusieurs propositions de la commission d’enquête.

En matière de transparence budgétaire, la loi de finances pour 2023 a créé une annexe au projet de loi de finances (ou « jaune » budgétaire) consacrée au Recours aux conseils extérieurs. Deux annexes ont déjà été publiées, à l’automne 2022, puis à l’automne 2023. La dernière édition de ce document relève notamment que le montant des dépenses entrant dans son périmètre est passé de 235 millions d’euros en crédits de paiement en 2021 à 156,3 millions en 2022, et à 63,4 millions pour le premier semestre 2023.

Enfin, dans son rapport consacré au recours par l’État aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil de juillet 2023, la Cour des comptes, qui réalisait à cette occasion son premier rapport d’initiative citoyenne, relevait plusieurs difficultés, concernant la qualité des données budgétaires et comptables, la doctrine d’emploi du recours aux cabinets de conseil, le pilotage interministériel, ainsi que du point de vue de l’application du droit de la commande publique. Elle soulignait que si des progrès avaient été faits dans la dernière décennie, par exemple en matière de déontologie, les avancées les plus significatives l’avaient été dans la période très récente, sous la pression de l’actualité. La Cour formulait huit propositions, de nature infra-législative. ([6])

B.   Les dispositions de la proposition de loi

Déposée au Sénat le 21 juin 2022, la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques comprend 19 articles, répartis en six chapitres. Elle traduit l’essentiel des propositions de la commission d’enquête ([7]).

  1.   Le champ d’application de la proposition de loi

Le champ d’application de la proposition de loi est précisé dans son chapitre Ier, composé du seul article 1er.

Le texte définit les acteurs publics concernés, qu’il désigne sous les termes d’administrations bénéficiaires. Il s’agit de l’État et de ses opérateurs, des autorités administratives et publiques indépendantes, ainsi que des établissements de santé.

Le périmètre des prestations de conseil concernées reprend celui de la commission d’enquête du Sénat, et est entendu de manière très large. Il comprend ainsi le conseil en stratégie, en organisation, en informatique, en communication, en mise en œuvre des politiques publiques, ainsi que le conseil juridique, financier ou en assurance – à l’exception, pour cette dernière catégorie, des prestations réalisées par les professions réglementées du droit, les experts-comptables et les commissaires aux comptes.

Enfin, les dispositions du texte ont vocation à s’appliquer à des personnes morales (les « prestataires de conseil », qui renvoient essentiellement aux cabinets de conseil) comme à des personnes physiques (les « consultants »).

  1.   Les obligations de transparence

Le chapitre II renforce les obligations de transparence dans les relations entre les administrations et leurs conseils.

Les consultants sont ainsi tenus de faire connaître cette qualité dans leurs relations avec l’administration et les tiers, et d’identifier les documents sur lesquels ils ont travaillé (article 2).

Le texte prévoit par ailleurs d’importances obligations de publication.  L’article 3 prévoit la création d’une annexe budgétaire recensant les prestations de conseil commandées par les administrations, qui a vocation à présenter des informations agrégées sur les dépenses consacrées aux prestations de conseil par ministère, ainsi que des informations détaillées sur chaque prestation de conseil réalisée.

L’article 4 prévoit que ces mêmes informations figurent dans le rapport social unique de chaque administration et sont publiées en données ouvertes. Il impose par ailleurs la publication des bons de commande et des actes d’engagement des marchés subséquents, s’agissant des prestations achetées via un accord-cadre.

  1.   L’encadrement du recours aux prestations de conseil

Le chapitre III prévoit plusieurs règles tendant à encadrer le recours aux prestations de conseil.

L’article 5 interdit les prestations de conseil à titre gratuit (« pro bono »), à l’exception des actions de mécénat, tandis que l’article 6 impose aux administrations d’évaluer systématiquement les prestations de conseil réalisées, ces évaluations étant rendues publiques.

Il prévoit par ailleurs la publication, tous les cinq ans, d’un rapport cartographiant les compétences disponibles au sein de chaque ministère (article 8), et impose l’usage du français dans les échanges entre l’administration et ses conseils (article 7).

  1.   Les obligations déontologiques et les nouvelles compétences de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Le chapitre IV crée de nouvelles obligations déontologiques, applicables aux prestataires et consultants, dont le contrôle serait confié à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui se verrait dotée d’un pouvoir de sanction administrative et d’une commission des sanctions.

L’article 9 prévoit ainsi que le prestataire et les consultants exercent leur fonction avec probité et intégrité, et veillent à prévenir ou faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts. De plus, l’administration et ses conseils doivent s’engager sur un code de conduite avant chaque prestation, la HATVP étant compétente pour répondre aux demandes d’avis de l’administration.

L’article 10 prévoit par ailleurs que les prestataires et les consultants réalisent une déclaration d’intérêts, dont le contenu serait aligné sur celle que doivent remplir les responsables publics. Ces déclarations sont transmises avant le début de chaque prestation à l’administration bénéficiaire, qui peut ensuite saisir la HATVP en cas de doute.

Ils doivent également déclarer les actions de démarchage, de prospection commerciale et de mécénat réalisées, ces informations étant publiées sur le site de la Haute Autorité en données ouvertes (article 11).

Afin d’assurer le respect de ces obligations nouvelles, la HATVP se verrait dotée d’un droit de communication, ainsi que de la possibilité de procéder à des vérifications sur place, et pourrait adresser une mise en demeure aux personnes ayant manqué à leurs obligations (article 12).

Surtout, la HATVP pourrait infliger des amendes administratives, d’un montant de 15 000 euros au maximum, en cas de manquement aux obligations prévues par le texte, décider de rendre publiques ces amendes, et exclure l’intéressé de la procédure de passation des contrats de la commande publique (article 15).

Ces sanctions seraient prononcées par une commission des sanctions dont la création est prévue par le texte (articles 13 et 14). Actuellement, la HATVP ne dispose d’aucun pouvoir de sanction administrative.

Le texte cherche enfin à étendre le champ des contrôles obligatoires réalisés par la HATVP, qui portent actuellement sur les mobilités professionnelles de certains responsables publics, aux agents qui quittent la fonction publique pour un cabinet de conseil et aux consultants qui rejoignent l’administration. Il impose aux agents ayant rejoint un cabinet de conseil de rendre régulièrement des comptes à la HATVP (article 16).

  1.   La protection des données de l’administration

Le chapitre V renforce la protection des données de l’administration.

L’article 17 interdit de réutiliser les données collectées par les conseils dans le cadre de leurs prestations ; ces données doivent être supprimées dans un délai d’un mois, et l’article confie à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) le contrôle du respect de cette obligation.

L’article 18 impose par ailleurs la réalisation d’un audit de sécurité des systèmes d’information du prestataire de conseil préalablement à l’obtention d’un contrat, suivant un référentiel établi l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI).

  1.   L’entrée en vigueur et l’application aux contrats en cours

Le chapitre VI, composé d’un unique article 19, prévoit enfin l’application de ces dispositions aux prestations de conseil en cours, afin, notamment, de permettre l’application du texte aux accords-cadres interministériels, dont l’un des plus importants a été renouvelé en 2022 pour une durée de quatre ans.

C.   Les principaux apports du SÉnat

La proposition de loi a été examinée par le Sénat le 12 octobre en commission, et le 18 octobre en séance publique. 22 amendements de la rapporteure, Mme Cécile Cukierman, ont été adoptés en commission, tandis que 4 amendements, déposés par d’autres sénateurs, l’ont été en séance publique.

Le Sénat s’est attaché à préciser la rédaction du texte, sans en changer l’esprit. Il a ainsi précisé son champ d’application, complété les règles applicables et mieux encadré les obligations prévues, ainsi que les procédures mises en œuvre pour les faire respecter.

  1.   Les précisions apportées au champ du texte

À l’article 1er, la commission des Lois du Sénat a choisi d’abandonner la référence aux opérateurs au profit de la notion d’établissement public de l’État, qui est juridiquement plus robuste. En séance publique, sur proposition de M. Jean-Pierre Sueur, le Sénat a ajouté la Caisse des dépôts et consignations à la liste des administrations concernées.

La commission a par ailleurs exclu des prestations concernées les prestations de programmation et de maintenance en informatique, au motif que celles-ci sont courantes et ne présentent pas de risque d’influencer la décision publique, ainsi que les prestations réalisées par les professions réglementées du droit, qui sont d’ores et déjà soumises à des obligations déontologiques.

Elle a enfin inclus les sous-traitants dans la définition des prestataires, et clarifié les notions de prestataire et de consultant.

  1.   L’ajout de l’interdiction pour les consultants d’utiliser une adresse électronique comportant le nom de domaine de l’administration

À l’article 2, la commission des Lois du Sénat a prévu une nouvelle interdiction applicable aux consultants, qui ne pourraient plus se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l’administration bénéficiaire, afin d’éviter qu’ils puissent être confondus avec des agents publics.

  1.   La transformation du jaune budgétaire en rapport annuel

À l’article 3, la commission des Lois du Sénat a modifié la nature du document demandé, et l’a transformé en un rapport annuel remis avant le premier mardi d’octobre, et non plus en une annexe budgétaire, afin de se conformer à la loi organique relative aux lois de finances, qui prévoit que seule une loi de finances peut prévoir une annexe budgétaire.

  1.   Les pouvoirs de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et les sanctions applicables

À l’article 12, la commission des Lois du Sénat a précisé les modalités d’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) en cas de contrôle sur place. Elle a notamment étendu le contrôle du JLD à l’ensemble des opérations de vérification sur place menées par la HATVP, et non aux seules vérifications intervenant entre 23 heures et 6 heures du matin

En séance publique, le Sénat a prévu que la commission des sanctions de la HATVP puisse se prononcer en cas d’opposition à une demande de la HATVP au nom d’un secret protégé par la loi.

À l’article 13, la commission des Lois du Sénat a précisé le régime des sanctions. Elle a notamment différencié le montant de l’amende administrative selon qu’il s’agisse d’une personne physique ou d’une personne morale (15 000 euros par manquement dans le premier cas, 2 % du chiffre d’affaires mondial total dans le second), et a prévu que l’exclusion de la procédure de passation des contrats de la commande publique n’est possible qu’en cas de faute professionnelle grave.

À l’article 15, la commission des Lois du Sénat a prévu la création d’un mécanisme de régularisation pour les personnes exclues de la procédure de passation des marchés publics, dit d’« auto-apurement ». Le Sénat a par la suite ajouté à la liste des motifs d’exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics le cas d’une condamnation définitive pour faux témoignage.

II.   Les principales modifications apportÉes par la commission

La Commission a adopté 64 amendements, dont 44 de l’un ou de vos deux rapporteurs, 8 du groupe Renaissance, 6 du groupe Socialistes et apparentés, 5 du groupe Horizons et apparentés, et un du groupe La France Insoumise-Nouvelle union populaire écologique et sociale.

A.   Un ajustement du champ d’application du texte

La Commission a opéré plusieurs modifications tendant à recentrer le champ d’application du texte, tant du point de vue des administrations bénéficiaires que des prestations de conseil concernées.

À l’article 1er, la Commission a restreint le champ des établissements publics de l’État concernés aux seuls établissements dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 60 millions d’euros, afin de ne pas y attraire les plus petits d’entre eux, pour lesquels les enjeux paraissent limités.

Elle a également supprimé la référence aux établissements publics de santé, qui entrent d’ores et déjà dans la catégorie des établissements publics de l’État.

La Commission a exclu la Caisse des dépôts et consignations de la liste des administrations bénéficiaires, du fait des spécificités de cet établissement. Elle a néanmoins prévu, à l’article 3 bis, de compléter le rapport de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, remis chaque année au Parlement, afin de prévoir que ce rapport fasse état des informations relatives au recours aux prestations de conseil.

La Commission a par ailleurs adopté, sur proposition de vos rapporteurs, l’article 1er bis qui prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre 2024 et après consultation des associations nationales d’élus locaux, un rapport étudiant l’impact d’une éventuelle extension des dispositions de la présente proposition de loi aux collectivités territoriales et à leurs groupements sur le fonctionnement de ces collectivités et groupements, ainsi que sur le marché du conseil au secteur public local. 

Enfin, malgré l’avis défavorable de vos rapporteurs, la Commission a modifié le champ des prestations informatiques concernées, et l’a limité aux seules prestations les plus stratégiques, dites de conseil en stratégie numérique ou en stratégie numérique des politiques publiques

B.   la recherche d’une meilleure proportionnalitÉ et d’une plus grande subsidiaritÉ dans la mise en œuvre des obligations dÉontologiques

  1.   La modification de la nature de la déclaration d’intérêts

À l’article 10, la Commission a adopté un amendement de rédaction globale transformant la déclaration exhaustive, exacte et sincère des intérêts en une attestation d’absence de conflit d’intérêts, pour les prestataires comme pour les consultants. Ainsi, dans le cas où le prestataire ou le consultant estimerait être en situation de potentiel conflit d’intérêts, il devrait en déclarer les raisons à l’administration, et seules les informations pertinentes seraient alors transmises à cette dernière.

Cette proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, faisait suite aux interrogations soulevées lors des travaux préparatoires. Plusieurs difficultés avaient été soulevées concernant la déclaration d’intérêts telle qu’elle était envisagée dans le texte du Sénat : un tel dispositif exige la transmission systématique de très nombreuses informations, dont la nature risque de porter atteinte à la vie privée des consultants, et ce même dans les cas où les risques de conflit d’intérêts seraient inexistants ; elle constitue une formalité administrative très lourde et pourrait dissuader certains cabinets de répondre aux appels d’offres publics ; elle implique que l’administration bénéficiaire soit en mesure d’analyser l’intégralité des déclarations reçues, et fait peser sur elle l’appréciation du risque de conflit d’intérêts potentiel ; elle présente le risque d’engorger la HATVP.

L’attestation d’absence de conflit d’intérêts apporte de la souplesse tant au stade de l’établissement de la déclaration par les prestataires et les consultants que de son exploitation par l’administration. S’agissant d’un document opposable à l’administration, elle n’en serait pas moins efficace juridiquement pour prévenir les conflits d’intérêts.

La nouvelle rédaction de l’article 10 renforce par ailleurs les garanties de confidentialité applicables, cherche à mieux cibler les informations devant être déclarées, et prévoit que le consultant qui commence sa mission après le début de la prestation est également soumis à l’obligation de transmettre une déclaration d’intérêts.

  1.   La fréquence de la réalisation du code de conduite

À l’article 9, la Commission a précisé les conditions d’établissement du code de conduite, et a notamment prévu que le code de conduite précise les mesures pouvant être mises en œuvre par le prestataire ou les consultants pour prévenir une situation de conflit d’intérêts ou y mettre fin.

  1.   L’association des référents déontologues

La nouvelle rédaction des articles 9 et 10 prévoit désormais l’association des référents déontologues des administrations concernées, à deux moments du contrôle déontologique :

– aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 9, c’est désormais le référent déontologue qui répond aux demandes d’avis de celle-ci, du prestataire ou des consultants sur les questions d’ordre déontologique qu’ils rencontrent dans la préparation ou l’exécution des prestations de conseil ; la HATVP pourrait ensuite être saisie, si la question est complexe ou si le référent déontologue le juge nécessaire ;

– l’article 10 prévoit désormais qu’en cas de doute sur l’appréciation du risque de conflit d’intérêts ou sur l’exactitude ou la sincérité d’une déclaration d’intérêts attestant l’absence de conflit d’intérêts, l’administration bénéficiaire saisit le référent déontologue ; là encore, si le doute persiste, la HATVP peut être saisie, cette fois pour assurer le contrôle de la déclaration.

  1.   La suppression des dispositions applicables au contrôle des mobilités des agents publics

Sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, et malgré l’avis défavorable de votre rapporteur, M. Nicolas Sansu, la Commission a par ailleurs supprimé l’article 16, relatif au contrôle des mobilités professionnelles des agents publics. En effet, en l’état de la rédaction proposée, les dispositions relatives à la systématisation des contrôles de la HATVP ne paraissent pas avoir de portée juridique concrète.

Au demeurant, l’intention affichée par les auteurs de la proposition de loi, et rappelée par la rapporteure du texte au Sénat, de systématiser la saisine de la HATVP en cas de mobilité de tout agent public, quelles que soient ses responsabilités, vers ou depuis un cabinet de conseil, entre en contradiction avant les avancées réalisées depuis la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, et poserait d’importantes difficultés opérationnelles.

  1.   L’interdiction de recourir à des prestataires pour la rédaction des projets de loi et des études d’impact

Faisant écho aux préoccupations de la commission d’enquête, la Commission a adopté un amendement, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, M. Nicolas Sansu, et malgré l’avis défavorable de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, qui pose à l’article 5 bis le principe selon lequel l’administration ne peut recourir aux prestataires et consultants pour la rédaction d’un projet de loi ou de son étude d’impact.

C.   l’encadrement des obligations de transparence

  1.   La confirmation du champ des obligations de publication

La Commission a approuvé le principe des obligations de transparence prévues par le texte, et n’a pas modifié sur le fond la nature des informations concernées.

À l’article 6, la Commission prévu que l’évaluation de la prestation qui doit être systématiquement réalisée doit justifier pourquoi l’administration a recouru à une prestation de conseil, plutôt qu’à des ressources internes.

Elle a par ailleurs prévu que le rapport présentant la cartographie des compétences en matière de conseil de l’État, prévu à l’article 8, soit rendu dans un délai d’un an à compter de la promulgation du texte, puis tous les deux ans, et non dans un délai de six mois, puis tous les cinq ans.

  1.   Une harmonisation avec le droit commun de la communication des documents administratifs

La Commission a par ailleurs souhaité procéder à l’harmonisation des obligations de publication prévues par le texte avec le droit commun de la communication des documents administratifs.

Elle a ainsi prévu que les mesures de protection de l’information, prévues aux articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, s’appliquent également aux informations dont la publication en données ouvertes est prévue aux articles 4 et 6 du texte, c’est-à-dire aux informations détaillées relatives aux prestations de conseil, aux bons de commande et aux actes d’engagement des marchés subséquents, ainsi qu’aux évaluations. Elle a par ailleurs étendu le champ des secrets prévus à l’article 3 au secret des affaires.

En parallèle, à l’article 6 bis, la Commission a choisi d’étendre la compétence de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) aux questions relatives à l’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques relevant des dispositions des articles 4 et 6 de la proposition de loi. Cet ajout permet de rendre la CADA explicitement compétente pour se prononcer sur un refus de communication des documents mentionnés par la proposition de loi, dès lors que celle-ci serait saisie par un administré sur le fondement des dispositions du code des relations entre le public et l’administration (CRPA).

  1.   Des aménagements apportés aux obligations applicables aux consultants dans leurs rapports avec l’administration

Tout en approuvant les dispositions de l’article 2, qui prévoient plusieurs règles tendant à assurer la transparence dans les rapports entre l’administration et les prestataires et consultants, la Commission a apporté deux tempéraments, pour prévenir les difficultés qui pourraient naître d’une application trop systématique de ces dispositions générales :

– elle a prévu une exception à la règle selon laquelle les consultants ne peuvent se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l’administration bénéficiaire, pour des motifs de sécurité informatique ;

– elle a exclu les documents destinés à l’information du public réalisés dans le cadre de prestations de conseil en communication de l’obligation de mentionner la participation du prestataire ou du consultant ainsi que de l’interdiction d’utiliser les signes distinctifs de l’administration. Sans cette précision, la réalisation de certaines prestations, telles que la production de visuels pour une campagne d’information de la population par exemple, aurait été rendue impossible.

D.   l’assouplissement de certaines AUTRES obligations

  1.   La suppression de la possibilité pour la HATVP de prononcer l’exclusion des marchés publics en cas de faute professionnelle grave

Malgré l’avis défavorable de vos rapporteurs, la Commission a supprimé, aux articles 13 et 15 de la proposition de loi, la possibilité, pour la commission des sanctions de la HATVP, de prononcer l’exclusion des marchés publics du prestataire ou du consultant en cas de faute professionnelle grave.

  1.   L’allègement des obligations en matière d’audit de sécurité informatique

La Commission a par ailleurs procédé à l’assouplissement des exigences prévues par l’article 18 de la proposition de loi, qui prévoyait un audit systématique du prestataire de conseil, afin d’attester que son système informatique présente un niveau minimal de sécurité. Si l’objectif de mieux protéger les données de l’administration qui sont temporairement collectées par les prestataires et les consultants pour les besoins de la réalisation de leur mission est partagé par vos rapporteurs, le dispositif prévu faisait peser des obligations très lourdes sur l’ensemble des prestataires de conseil, quelle que soit la sensibilité des données concernées, et désavantageait de facto les cabinets de petite taille.

La Commission a ainsi rendu optionnelle l’exigence de réaliser un audit de sécurité, au choix de l’administration, l’a conditionnée au fait que l’objet ou les caractéristiques du marché nécessitent un haut niveau de sécurité des systèmes d’information, et a élargi le champ des audits pouvant être réalisés.

  1.   L’entrée en vigueur

La Commission a enfin supprimé l’article 19, qui prévoit l’application du texte aux contrats en cours.


– 1 –

 

   COMMENTAIRE DES ARTICLES

Chapitre Ier
Champ d’application

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er définit le champ d’application de la proposition de loi. Il fixe pour cela deux critères, reposant, d’une part, sur une liste d’administrations concernées et, d’autre part, sur une typologie de prestations de conseil.

Il définit par ailleurs les notions de prestataire de conseil et de consultant.

Il prévoit enfin que ces prestataires et consultants ne peuvent prendre aucune décision administrative, et qu’ils proposent aux administrations bénéficiaires plusieurs scénarios qui s’appuient sur des informations factuelles et non orientées.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a choisi de faire référence aux établissements publics de l’État plutôt qu’à ses opérateurs. En séance publique, sur proposition de M. Jean-Pierre Sueur, le Sénat a ajouté la Caisse des dépôts et consignations à la liste des administrations concernées.

La commission a par ailleurs exclu des prestations concernées les prestations de programmation et de maintenance en informatiques, ainsi que les prestations réalisées par les professions réglementées du droit.

Elle a enfin inclus les sous-traitants dans la définition des prestataires, et clarifié les notions de prestataire et de consultant.

       Principaux apports de la Commission

La Commission a adopté 11 amendements, dont 4 identiques :

– sur proposition de vos rapporteurs et de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, elle a prévu de restreindre le champ des établissements publics de l’État concernés aux seuls établissements dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 60 millions d’euros (amendements CL110 et CL72, identiques) ;

– sur proposition de vos rapporteurs, elle a par ailleurs exclu la Caisse des dépôts et consignations du champ d’application du texte (amendement CL148) ;

– sur proposition de vos rapporteurs et de Mme Laure Miller, elle a supprimé la référence aux établissements publics de santé, qui entrent d’ores et déjà dans la catégorie des établissements publics de l’État (amendements CL97 et CL111, identiques) ;

– sur proposition de Mme Laure Miller, et malgré l’avis défavorable de vos rapporteurs, elle a modifié le champ des prestations informatiques concernées, et l’a limité aux seules prestations les plus stratégiques (amendement CL98) ;

– sur proposition de M. Bruno Millienne et de Mme Laure Miller, elle a précisé la définition des consultants afin d’exclure les cas des contractuels de droit public des administrations bénéficiaires (amendements CL112 et CL99, identiques) ;

– sur proposition de vos rapporteurs et de Mme Laure Miller, elle a supprimé l’obligation de proposer plusieurs scénarios à l’administration concernée (amendements CL113 et CL100, identiques) ;

– sur proposition de Mme Cécile Untermaier, et suivant l’avis favorable de vos rapporteurs, elle a prévu que l’administration puisse demander au prestataire ou au consultant d’associer un agent public à la réalisation de la prestation de conseil (amendement CL14).

  1.   Le dispositif proposé initialement

L’article 1er de la proposition de loi reprend l’approche suivie par la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, dont le rapport avait été remis le 16 mars 2022 ([8])  concernant le champ d’application du texte.

La commission d’enquête du Sénat avait souhaité examiner le recours aux cabinets de conseil par l’État « dans son ensemble ».

Elle avait ainsi retenu une approche particulièrement large, et s’était intéressée à des prestations de nature très différentes, allant du conseil en stratégie au conseil en organisation et en gestion des ressources humaines, en passant par le conseil en communication ou en informatique ([9]).

Elle avait néanmoins concentré ses travaux sur le seul périmètre de l’État et de ses opérateurs et, « au regard de l’ampleur du sujet », avait souhaité exclure les collectivités territoriales de son champ d’investigation ([10]).

Reprenant cette approche, les I et II définissent le champ d’application du texte, en se fondant sur deux critères cumulatifs, relatifs à l’administration bénéficiaire et à la nature de la prestation : entrent ainsi dans le champ de la proposition de loi les prestations de conseil qui sont réalisées pour certaines administrations, précisément énumérées, et qui relèvent, de par leur nature, de la typologie définie.

La notion « d’administration bénéficiaire », prévue au I, renvoie à trois catégories :

– l’État et ses opérateurs :

– les autorités administratives indépendantes (AAI) et les autorités publiques indépendantes (API) ;

– les établissements publics de santé.

Conformément à l’approche suivie par la commission d’enquête, le champ d’application ne s’étend ni aux collectivités territoriales, ni aux établissements publics locaux.

Les prestations de conseil concernées, définies aux II, appartiennent quant à elles à six catégories :

– le conseil en stratégie ;

– le conseil en organisation et en gestion des ressources humaines ;

– le conseil en informatique ;

– le conseil en communication ;

– le conseil pour la mise en œuvre des politiques publiques, y compris leur évaluation ;

– et, enfin, le conseil juridique, financier ou en assurance, à l’exclusion de l’assistance ou de la représentation des parties devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires, de l’expertise‑comptable et du commissariat aux comptes.

En revanche, le texte ne précise pas la notion de « prestation de conseil ».

Si cette notion est déjà prévue par le droit en vigueur, et notamment par le droit des incompatibilités parlementaires, elle n’est pas définie par la loi ou par le règlement.

Des éléments de définition de cette notion résultent de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, dans une décision rendue à propos d’un projet de statuts d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) qu’un député envisageait de créer, a été amené à préciser les éléments qui pouvaient caractériser une prestation de conseil.

Le Conseil constitutionnel n’a pas précisé le sens de cette notion, mais la décision rendue laisse entrevoir les éléments pris en compte, selon la méthode du faisceau d’indices.

La notion de conseil en droit des incompatibilités parlementaires

Dans la décision n° 2011-29 I du 12 juillet 2011, Situation de M. Jean-Charles Taugourdeau au regard du régime des incompatibilités parlementaires, le Conseil a relevé que le projet de statuts de l’entreprise faisait mention de : « - L’élaboration, la mise en place de stratégies marketing et commerciales, et plus généralement toutes prestations de services, à l’intention de toutes entreprises, spécialement celles intervenant dans les domaines de la production et de la commercialisation de produits horticoles ou agricoles ; - L’élaboration, la mise en place et le suivi de politiques de qualité à l’intention de toutes entreprises, spécialement celles intervenant dans les domaines de la production et de la commercialisation de produits horticoles ou agricoles ; - L’assistance, la formation dans les domaines de la gestion de toutes entreprises, spécialement celles intervenant dans la production et le négoce de plantes et plants ou de tous autres produits agricoles ; - L’accompagnement et la mise en œuvre de plannings et programmes de production, l’élaboration et la coordination de processus d’organisation en matière qualitative et logistique, la mise en place de l’organisation et du développement commercial des sociétés ; - L’exécution de toutes opérations se rattachant directement ou indirectement à cet objet, notamment et à titre accessoire des opérations de négoce de produits horticoles de pépinières, de produits agricoles, de végétaux, de matières premières, ou encore de prestations de services ; - La participation de la société, par tous moyens, directement ou indirectement, à toutes opérations pouvant se rattacher à son objet par voie de création de sociétés nouvelles, d’apport, de souscription ou d’achat de titres ou droits sociaux, de fusion ou autrement, de création, d’acquisition, de prise en location-gérance de tous fonds de commerce ou établissements, et de location ou d’acquisition d’immeubles ; - La mise au point, la prise, l’acquisition, l’exploitation ou la cession de tous procédés, licences et/ou brevets concernant ces activités ; - Et plus généralement, toutes opérations industrielles, commerciales, financières, civiles, mobilières ou immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l’objet social ou à tout objet similaire ou connexe ».

Le Conseil a considéré que de telles activités se rattachaient à la fonction de conseil au sens de l’article L.O. 146-1 du code électoral et que, par voie de conséquence, le député en cause, s’il exerçait les fonctions de gérant de l’entreprise menant ces activités, se trouverait en situation d’incompatibilité.

Les III et IV définissent ensuite les notions de prestataires de conseil et de consultants, respectivement.

Les prestataires de conseil sont définis comme les personnes morales de droit privé qui s’engagent avec l’administration bénéficiaire pour réaliser une prestation de conseil, ce qui renvoie principalement aux cabinets de conseil.

Sont également des prestataires les personnes physiques qui, sans être employées par une personne morale prestataire, s’engagent individuellement avec l’administration bénéficiaire pour réaliser une prestation de conseil : cette formulation a vocation à s’appliquer à la situation des personnes exerçant cette profession à titre individuel, en tant qu’autoentrepreneur par exemple.

Les consultants sont quant à eux définis comme les personnes physiques qui exécutent les prestations de conseil pour le compte des prestataires. Cette définition englobe les dirigeants des cabinets, ainsi que les employés affectés à la réalisation des missions de conseil.

Enfin, le V précise le rôle des prestataires de conseil et des consultants, et prévoit que ceux-ci proposent plusieurs scénarios aux administrations bénéficiaires, s’appuyant sur des « informations factuelles et non orientées ».

La rapporteure du texte au Sénat justifiait cette obligation « compte tenu du risque que les cabinets de conseil puissent orienter la décision vers un scénario qu’ils considèrent comme prioritaire » ([11]).

Faisant suite aux conclusions de la commission d’enquête, qui évoquait une « influence avérée » ([12]) des cabinets de conseil sur la prise de décision, le texte prévoit enfin que les consultants ne prennent aucune décision administrative.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat
    1.   Les modifications apportées par la commission des Lois

À l’initiative de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a apporté quatre modifications à l’article 1er, portant sur la définition des administrations bénéficiaires, la typologie des prestations de conseil concernées, et la définition des prestataires de conseil et des consultants.

  1.   La définition des administrations bénéficiaires

S’agissant de la définition des administrations bénéficiaires, la commission des Lois a tout d’abord choisi de faire référence aux établissements publics de l’État plutôt qu’à ses opérateurs ([13]).

La notion d’opérateur, essentiellement budgétaire ([14]), n’est en effet pas précisément définie par la loi. Elle repose sur un ensemble de critères permettant de caractériser la proximité de l’établissement par rapport au budget et aux missions de l’État ([15]) . Si la liste des opérateurs est publiée chaque année dans une annexe au projet de loi de finances, celle-ci est susceptible de varier d’une année sur l’autre ([16]).

La référence à la catégorie juridique des établissements publics, qui représentent actuellement près de 93 % des 438 opérateurs identifiés à l’occasion du projet de loi de finances pour 2024, paraît effectivement plus claire et précise.

Cette modification a pour effet d’étendre nettement le champ d’application du texte : l’étude du Conseil d’État consacrée aux établissements publics en 2009 évaluait à environ 800 le nombre d’établissements publics nationaux.

  1.   La typologie des prestations de conseil concernées

S’agissant ensuite de la typologie des prestations de conseil concernées, la commission des lois a apporté deux modifications.

Premièrement, elle a maintenu les prestations de conseil en informatique dans le champ du texte, mais en a exclu les prestations de programmation et de maintenance ([17]).

La rapporteure du texte au Sénat relevait que la programmation et la maintenance informatiques correspondaient aux « prestations informatiques » que les auteurs du texte avaient eux-mêmes entendu exclure ([18]). Ces prestations d’exécution, très courantes, ne seraient pas de nature à influencer la décision publique, et ne poseraient pas de difficulté en soi.

Le conseil stratégique en informatique resterait quant à lui dans le champ du texte, suivant l’analyse de la commission d’enquête, qui avait souligné le montant élevé des dépenses de conseil en informatique, et le caractère stratégique de ces prestations dans l’organisation et le fonctionnement des administrations ([19]).

Deuxièmement, la commission des Lois du Sénat a étendu les exclusions déjà prévues en ce qui concerne le conseil juridique, financier et en assurance ([20]), afin de prendre en compte la spécificité des professions réglementées du droit.

Elle a exclu du champ du texte l’ensemble des prestations réalisées par les professions réglementées du droit, et non plus les seules prestations d’assistance et de représentation des parties devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires (c’est-à-dire les prestations d’avocat en cas de contentieux), au motif que ces professions seraient déjà soumises à des obligations déontologiques assorties de sanctions disciplinaires ([21]).

Seraient ainsi exclues des obligations prévues par la proposition de loi les prestations réalisées par les professionnels mentionnés à l’article 56 de la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, soit les prestations réalisées par :

– les avocats inscrits à un barreau français ;

– les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation ;

– les notaires ;

– les huissiers de justice ;

– les commissaires-priseurs judiciaires ;

– les administrateurs judiciaires et les mandataires-liquidateurs.

L’exclusion porterait désormais sur l’ensemble des prestations réalisées par ces professionnels, soit sur les prestations de conseil et de contentieux, et non plus les seules prestations d’assistance et de représentation des parties lors de procédures contentieuses, au motif que ces deux activités, de conseil et de contentieux, sont soumises de la même manière aux règles déontologiques applicables ([22]).

L’ensemble des prestations effectuées par les experts-comptables et par les commissaires aux comptes resteraient exclues du champ du texte.

  1.   La définition des prestataires de conseil et des consultants

Enfin, la commission a précisé la distinction entre les prestataires de conseil et les consultants, en prévoyant que les premiers ne puissent être que des personnes morales de droit privé, et les seconds, des personnes physiques.

Elle a également étendu la définition des prestataires de conseil aux personnes morales de droit privé qui réalisent une prestation de conseil pour l’administration bénéficiaire en qualité de sous-traitants.

  1.   Les modifications apportées en séance publique

En séance publique, sur proposition de M. Jean-Pierre Sueur, et suivant l’avis favorable de la rapporteure de la commission des Lois, le Sénat a complété la liste des administrations bénéficiaires, en l’étendant à la Caisse des dépôts et consignations, au motif que celle-ci faisait partie du périmètre de la commission d’enquête, mais restait exclue jusqu’alors de la rédaction du texte, puisqu’elle n’est ni un opérateur de l’État, ni un établissement public de l’État, ni une autorité administrative ou publique indépendante ([23]).

Le ministre de la Transformation et de la fonction publiques, M. Stanislas Guerini, avait émis un avis de sagesse, relevant que la Caisse des dépôts et consignations « fait déjà l’objet d’un contrôle parlementaire, puisque sa commission de surveillance est présidée par un parlementaire. On pourrait donc considérer que son contrôle existe déjà » ([24]).

  1.   Les modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté 11 amendements, dont 4 identiques, tendant à préciser le champ d’application du texte ainsi que les conditions d’exécution des prestations de conseil.

Premièrement, sur proposition de vos rapporteurs et de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, elle a prévu de restreindre le champ des établissements publics de l’État concernés aux seuls établissements dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 60 millions d’euros ([25]).

En effet, ces établissements, de taille significative, apparaissent davantage susceptibles de recours aux cabinets de conseil, et présentent donc des enjeux budgétaires et déontologiques potentiellement importants.

En revanche, assujettir les prestations de conseil réalisées pour les établissements publics nationaux de taille modeste aux obligations aux obligations de transparence et aux obligations déontologiques prévues par le texte risquerait de créer une charge administrative trop importante.

Le seuil de 60 millions d’euros a été retenu par référence à celui applicable aux avances obligatoires versées aux petites et moyennes entreprises dans le cadre d’un marché public par certains établissements publics de l’État, prévu à l’article R. 2191-7 du code de la commande publique. Il présente l’avantage d’être déjà connu des co-contractants de l’administration.

 

Vos rapporteurs ont demandé à l’administration la transmission d’une liste aussi exhaustive que possible de la liste des établissements concernés.

La direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers a transmis à vos rapporteurs un document recensant, parmi les établissements publics nationaux soumis à la comptabilité publique et les établissements publics de santé, ceux qui seraient concernés par l’application du seuil de 60 millions d’euros de dépenses de fonctionnement.

Ces listes ne constituent qu’une première estimation, car les informations transmises n’ont pas pu être totalement fiabilisées au moment de la publication de ce rapport. Elles font apparaître que resteraient dans le champ d’application de la proposition de loi 129 établissements (hors établissements publics de santé) sur les 627 établissements publics nationaux soumis à la comptabilité publique identifiés, ainsi que 116 établissements publics de santé.

Malgré les réserves évoquées, vos rapporteurs ont choisi de publier cette liste en annexe du présent rapport.

Les établissements publics de l’État de taille plus importante, tels que la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, Voies navigables de France, l’Union des groupements d’achats publics, ou Météo France, continueraient de faire l’objet des obligations prévues par le texte. Il en serait de même pour une vingtaine d’universités.

Ce seuil permettrait, en revanche, de ne pas soumettre aux nouvelles obligations les chambres départementales d’agriculture, la majorité des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, certaines écoles de formation de la fonction publique, certains musées de taille réduite, ainsi que certains établissements publics fonciers. Vos rapporteurs ont été sensibles à l’idée selon laquelle il serait problématique que certains petits établissements publics de santé, ainsi que les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes leur étant rattachés, soient automatiquement concernés en l’absence de seuil.

Deuxièmement, sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a exclu la Caisse des dépôts et consignations du champ d’application du texte, en raison des spécificités de cet établissement ([26]).

Établissement public, la Caisse des dépôts et consignations est néanmoins, aux termes de l’article L. 528‑10 du code monétaire et financier, un « établissement spécial », chargé d’administrer les dépôts et les consignations, d’assurer les services relatifs aux caisses ou aux fonds dont la gestion lui a été confiée et d’exercer les autres attributions de même nature qui lui sont légalement déléguées. Elle est placée « de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative ».

La Caisse des dépôts et consignations dispose d’un budget propre, distinct de celui de l’État, adopté par la commission de surveillance sur proposition de son directeur général, puis soumis au ministre chargé de l’économie pour approbation. Elle est dotée d’une commission de surveillance, qui comprend trois députés et deux sénateurs et est présidée par un parlementaire. Cette commission assure le contrôle permanent de la gestion de la Caisse par le directeur général.

De ce fait, les obligations de transparence prévues par la proposition de loi, qui impliquent notamment la publication d’informations budgétaires dans le cadre d’un rapport établi par le Gouvernement, s’articuleraient mal avec les spécificités de cet établissement public.

Parallèlement à la suppression de la mention de la Caisse des dépôts et consignations à l’article 1er de la proposition de loi, la Commission a prévu, à son article 3 bis, d’intégrer des obligations de transparence supplémentaires en matière de recours aux cabinets de conseil, dans le rapport annuel de la commission de surveillance sur la direction morale et sur la situation matérielle de la Caisse des dépôts et consignations, qui est remis chaque année au Parlement.

Troisièmement, sur proposition de vos rapporteurs et de Mme Laure Miller, la Commission a supprimé la référence aux établissements publics de santé, qui entrent d’ores et déjà dans la catégorie des établissements publics de l’État ([27]).

Quatrièmement, sur proposition de Mme Laure Miller, et malgré l’avis défavorable de vos rapporteurs, elle a modifié le champ des prestations informatiques concernées, qu’elle a limité aux seules prestations les plus stratégiques ([28]).

La nouvelle rédaction du 3° du II de l’article 1er prévoit désormais qu’entrent dans le champ du texte les prestations de « conseil en informatique, à l’exclusion des prestations d’appui et d’expertise technique ainsi que des prestations de réalisation informatique ».

Ces catégories ne sont pas prévues par la loi. Elles font écho aux mesures prévues dans la circulaire 6391/SG de la Première ministre du 7 février 2023, relatives au pilotage et à l’encadrement du recours aux prestations intellectuelles informatiques, qui établit une nomenclature applicable à ces prestations.

Cette nomenclature comporte trois catégories, précisées par la circulaire :

– les prestations de conseil en stratégie numérique ou en stratégie numérique des politiques publiques (première catégorie) concernent des prestations stratégiques qui présentent des risques d’influence de la décision publique. Ces prestations représentaient 156,1 millions d’euros en 2022 ;

– les prestations d’appui et d’expertise technique (deuxième catégorie) renvoient par exemple à des prestations d’expertise sur des technologies innovantes en cours d’analyse (mise en œuvre d’un chatbot, recours à de la datascience pour l’emploi de l’intelligence artificielle), ou sur des méthodes de travail émergentes (mise en œuvre de l’agilité auprès d’un ministère), ou à des prestations d’aide à l’étude de projets applicatifs (renfort ponctuel pour l’élaboration de « tir de performance » ou la réalisation d’un audit de cyber-sécurité par un tiers de confiance). Ces prestations représentaient 644,2 millions d’euros en 2022 ;

– les prestations de réalisation informatique concernent par exemple des prestations de développement informatique, d’installation de matériels ou de progiciels par des experts certifiés, de support aux utilisateurs, ou encore d’aide à l’exécution de « jeux de tests » sur les nouvelles versions de certaines applications informatiques. Ces prestations représentaient 932,7 millions d’euros en 2022.

Les dépenses associées à ces différentes catégories de prestations concernées pour l’année 2022 sont présentées dans le tableau ci-après.

Dépenses de conseil au titre de l’année 2022,
selon la Nomenclature des prestations intellectuelles informatiques
prÉvue dans la circulaire du 7 fÉvrier 2023

Catégorie

Type de prestations concernées

Dépenses 2022

(en millions d’euros)

1ère catégorie : conseil en stratégie numérique ou stratégies numériques des politiques publiques

Audit et conseil stratégie SI

156,1

156,1

2ème catégorie : appuis et expertises techniques

Conseil urbanisation

2,5

644,2

Expertises techniques

502,6

Conseil qualité et méthode

60,0

Étude projet applicatif

79,1

3ème catégorie : réalisations informatiques

Forfait de développement

265,2

932,7

Prestation de numérisation (tout type)

34,1

Tierce Maintenance Applicative (TMA)

354,8

Tierce Recette Applicative (TRA)

27,5

Forfait services projet applicatif (ingénierie de projet)

57,3

Autre maintenance informatique (hors TMA)

64,9

Prestation d’installation matériel

35,9

Supervision exploitation serveurs

25,3

Support utilisateurs (hotline, helpdesk)

62,2

Autres

 

36,5

Total

 

1 735,4

Source : ministères économiques et financiers.

Par rapport à la rédaction issue du Sénat, l’amendement adopté réduit nettement le champ d’application du texte en matière de prestations informatiques.

En excluant les prestations d’appui et d’expertise technique et de réalisation informatique du champ du texte, l’amendement adopté par la Commission limite les prestations informatiques concernées aux seules prestations de conseil en stratégie numérique ou en stratégie numérique des politiques publiques (première catégorie), ce qui correspond aux prestations d’audit et de conseil en stratégie des systèmes d’information.

Or, les prestations de « programmation et de maintenance », visées par le texte adopté par le Sénat, peuvent être rapprochées de la troisième catégorie, celle des prestations de réalisation informatique. L’exposé des motifs de la proposition de loi précisait en effet : « Le conseil en informatique comprend notamment les domaines suivants : stratégie des systèmes d’information, qualité des systèmes d’information, étude de projets applicatifs, conseil en urbanisation informatique et expertise technique. Il exclut les prestations informatiques, à l’instar des opérations de maintenance », ce qui correspond aux première et deuxième catégories mentionnées dans la circulaire du 7 février 2023 précitée.

L’amendement adopté par la Commission exclut donc en pratique les prestations de deuxième catégorie du champ du texte, c’est-à-dire les prestations d’appui et d’expertise technique, qui représentaient 644,2 millions d’euros de dépenses de conseil en 2022.

Cinquièmement, sur proposition de M. Bruno Millienne et de Mme Laure Miller, la Commission a précisé la définition des consultants, afin d’exclure les contractuels de droit public ou les vacataires recrutés par les administrations bénéficiaires pour assurer des tâches ponctuelles relevant des prestations de conseil au sens de la présente loi ([29]).

Sixièmement, sur proposition de vos rapporteurs et de Mme Laure Miller, elle a supprimé l’obligation de proposer plusieurs scénarios à l’administration concernée, toutes les prestations intellectuelles n’ayant pas vocation à donner lieu à l’élaboration de plusieurs scénarios ([30]).

Enfin, sur proposition de Mme Cécile Untermaier, et suivant l’avis favorable de vos rapporteurs, elle a prévu que l’administration puisse demander au prestataire ou au consultant d’associer un agent de l’administration concernée à la réalisation de la prestation de conseil, afin de faciliter le transfert de compétences ([31]).

Si une telle association peut d’ores et déjà être organisée par les dispositions contractuelles régissant la prestation de conseil, il paraît pertinent d’en consacrer le principe au niveau législatif.

 

*

*     *

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté sur proposition de vos rapporteurs, l’article 1er bis prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre 2024 et après consultation des associations nationales d’élus locaux, un rapport étudiant l’impact d’une éventuelle extension des dispositions de la présente loi aux collectivités territoriales et à leurs groupements sur le fonctionnement de ces collectivités et groupements, ainsi que sur le marché du conseil au secteur public local.

*

La question de l’extension du champ de la proposition de loi aux collectivités territoriales avait été débattue lors de l’examen du texte au Sénat, en commission puis en séance publique : elle avait fait l’objet de plusieurs amendements, déposés par des sénateurs ainsi que par le Gouvernement ([32]). Le ministre de la Transformation et de la fonction publiques, M. Stanislas Guerini, relevait ainsi que la proposition n’était pas « punitive », mais, au contraire, « [renforçait] les acteurs publics concernés », et notait que les enjeux de transparence et de déontologie concernaient l’État comme les collectivités locales.

Si ces amendements ont été rejetés, les sénateurs ont toutefois reconnu l’intérêt du sujet. Par la suite, avant l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi, la commission des Lois de l’Assemblée nationale a créé une mission flash, portant spécifiquement sur le champ d’application de la proposition de loi. Cette mission avait été conduite par Mme Marie Lebec ainsi que par votre rapporteur, M. Nicolas Sansu ([33]).

La mission avait identifié trois enjeux communs à l’État et aux collectivités locales dans le recours à des conseils privés : un enjeu de transparence budgétaire et de bonne gestion des deniers publics, un enjeu de transparence dans la prise des décisions publiques, ainsi qu’un enjeu de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts. Elle avait par ailleurs rappelé que divers mécanismes permettaient déjà, dans une certaine mesure, le contrôle de certains marchés de conseil, même si ces mécanismes étaient d’une nature différente de ceux que prévoit de mettre en œuvre la proposition de loi.

La mission avait conclu que si certaines dispositions du texte paraissent, dans leur esprit, transposables aux collectivités locales, l’extension systématique de l’ensemble des dispositions risquerait de créer une charge administrative excessive pour ces collectivités. Elle suggérait dès lors plutôt la réalisation d’une étude approfondie pour déterminer un juste équilibre.

Faute de temps, ce travail complémentaire n’a malheureusement pas pu être réalisé.

C’est la raison pour laquelle vos rapporteurs ont proposé que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre 2024 et après consultation des associations nationales d’élus locaux, un rapport étudiant l’impact d’une éventuelle extension des dispositions de la présente loi aux collectivités territoriales et à leurs groupements sur le fonctionnement de ces collectivités et groupements, ainsi que sur le marché du conseil au secteur public local, proposition qu’a adoptée la Commission ([34]).

 

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Chapitre II
Renforcer la transparence dans le recours aux prestations de conseil

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 prévoit trois règles encadrant les pratiques des prestataires et des consultants dans leurs rapports avec l’administration : ceux-ci doivent indiquer leur identité dans leurs contacts avec l’administration bénéficiaire et les tiers avec qui ils échangent pour les besoins de leurs prestations, ils ne peuvent utiliser les sceaux, timbres, cachets et marques de l’administration, et les documents produits avec l’appui de consultants doivent le mentionner.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a précisé la rédaction du dispositif, et l’a complété en prévoyant que les consultants ne peuvent se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l’administration bénéficiaire.

       Principaux apports de la Commission

Sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a prévu une exception à la règle selon laquelle les consultants ne peuvent se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l’administration bénéficiaire pour des motifs de sécurité informatique (amendement CL150), et a exclu des obligations et interdictions prévues à l’article 2 les documents destinés à l’information du public réalisés dans le cadre de prestations de conseil en communication (amendement CL151). Elle a également adopté un amendement rédactionnel (amendement CL115).

  1.   Les constats de la commission d’enquête

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat formulait un « constat d’opacité, qui alimente un climat de défiance ». Il relevait notamment que les consultants travaillaient souvent « dans la discrétion, en accord et même à la demande de leurs clients », et pouvaient « être amenés à travailler en “ équipes intégrées ˮ chez leurs clients, [étant] alors quasiment assimilés à des agents publics », allant jusqu’à rédiger des notes administratives sous le sceau de l’administration et à disposer d’une adresse électronique de l’administration bénéficiaire ([35]).

La commission d’enquête voyait dans cette situation une triple difficulté : il en résulterait, premièrement, un manque de transparence, car elle ne permet pas d’identifier l’apport des consultants ; deuxièmement, l’intégration de consultants au collectif de travail des agents publics pourrait être constitutive d’un délit de marchandage ; troisièmement, cela rendrait plus difficile l’évaluation de l’apport réel des consultants.

Suite à ces constats, la commission d’enquête proposait d’assurer la traçabilité des prestations des cabinets de conseil, en exigeant que chaque livrable précise le rôle qu’ont joué les cabinets dans sa conception, et en interdisant aux cabinets de conseil d’utiliser le sceau ou le logo de l’administration. Cette traçabilité devrait demeurer en cas de publication de tout ou partie des livrables des cabinets ([36]).

  1.   Les mesures prises depuis les travaux de la commission d’enquête

Postérieurement aux constats réalisés par la commission d’enquête, le Gouvernement a pris plusieurs mesures pour renforcer la transparence et répondre à ces préoccupations.

La circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 encadrant le recours par les administrations et les établissements publics de l’État aux prestations intellectuelles ([37]), qui s’applique essentiellement aux prestations de conseil en stratégie et organisation, prévoit que, « dans le cadre des missions que les consultants sont amenés à conduire auprès des administrations, il est primordial qu’aucun doute ne soit entretenu concernant leur qualité de prestataire, tant en interne que vis-à-vis des tiers » : à cette fin, les consultants ne doivent « en aucun cas se voir affecter une adresse de messagerie électronique qui pourrait créer une confusion avec celle des agents publics », tandis que « la signature de leurs messages doit explicitement mentionner leur qualité de prestataire et l’administration qui les a mandatés pour la mission qu’ils conduisent ».

Par ailleurs, concernant les prestations achetées via l’accord-cadre de la délégation interministérielle à la transformation publique (DITP), le dernier cahier des charges, publié en juillet 2022, comporte plusieurs clauses ayant pour objectif de permettre une meilleure transparence lors de la réalisation des prestations de conseils, et dont la formulation s’inspire directement des préconisations de la commission d’enquête. L’accord-cadre prévoit ainsi que les consultants doivent indiquer « leur identité ainsi que le nom de l’entreprise qui les emploie dans leurs contacts avec l’administration bénéficiaire et les tiers avec qui ils échangent pour les besoins de leurs prestations » ([38]).

Ils ont par ailleurs « interdiction d’utiliser les sceaux, timbres, cachets et marques de l’administration », cette obligation étant sanctionnée contractuellement par l’application de pénalités, à hauteur de 500 euros par jour, et « lorsqu’un document a été rédigé avec la participation, directe ou indirecte, du titulaire, il mentionne cette information, précise la prestation de conseil réalisée et le cadre contractuel dans lequel s’inscrit ladite prestation ». Enfin, « les livrables rédigés conjointement sont réalisés à la charte graphique de l’administration, avec mention du concours du titulaire » ([39]).

  1.   Le dispositif proposé

L’article 2 de la proposition reprend fidèlement l’approche de la commission d’enquête et prévoit la création de trois règles visant à permettre une meilleure identification du travail des prestataires et des consultants, dans leurs relations avec l’administration bénéficiaire ainsi qu’avec les tiers concernés par la réalisation de la prestation.

Le I prévoit ainsi que les consultants sont tenus d’indiquer leur identité et le prestataire de conseil qui les emploie, dans leurs contacts avec l’administration bénéficiaire ainsi qu’avec les tiers avec qui ils échangent pour les besoins de leurs prestations.

Le II prohibe l’utilisation par les prestataires et les consultants des sceaux, timbres, cachets et marques de l’administration bénéficiaire ou des tiers.

Le III dispose que, lorsqu’un document a été rédigé avec la participation, directe ou indirecte, de consultants, ce document doit le mentionner et préciser la prestation de conseil réalisée ainsi que le cadre contractuel dans lequel elle s’inscrit.

Enfin, le IV précise que tout manquement ou pratique contraire aux interdictions et obligations créées par l’article est passible des amendes et sanctions administratives susceptibles d’être infligées par la commission des sanctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, instaurée par le texte aux articles 13 et 14.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a complété et précisé le dispositif ([40]).

La commission a ainsi complété le I pour prévoir que les consultants ne peuvent se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l’administration bénéficiaire, faisant ainsi écho à l’un des constats de la commission d’enquête.

Elle a par ailleurs substitué, au II, la référence aux « sceaux, timbres, cachets et marques » de l’administration bénéficiaire par les termes, plus généraux, de « signes distinctifs », et a précisé que l’interdiction d’utiliser ces signes ne valait que dans les relations avec l’administration bénéficiaire et les tiers concernés, et sur les documents produits pour le compte de cette administration. Cette précision a pour objectif de permettre « la diffusion, sur le site internet des prestataires de conseil, de la liste des administrations pour lesquelles ils ont travaillé en les identifiant notamment par leur logo » ([41]).

Elle a précisé, ensuite, que l’obligation prévue au III repose sur l’administration bénéficiaire.

Elle a enfin supprimé le IV, relatif aux amendes et sanctions, car l’article 13 du texte, qui énonce les manquements susceptibles d’être sanctionnés par la HATVP, mentionne déjà l’article 2.

En séance publique, le Sénat n’a pas apporté de modification à cet article.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a prévu une exception à la règle selon laquelle les consultants ne peuvent se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l’administration bénéficiaire, pour assurer la sécurité des systèmes d’information et la protection des données de l’administration bénéficiaire ([42]).

En effet, si cette règle s’entend pour s’assurer que les consultants soient bien identifiés et distingués des agents publics avec lesquels ils sont amenés à travailler, elle peut poser des difficultés dans certaines situations, et notamment en matière informatique.

En particulier, lorsque des consultants doivent avoir accès au système informatique d’une administration, il peut être préférable, pour des questions tenant à la sécurité du système d’information et à la protection des données de l’administration bénéficiaire, que le consultant intervienne directement depuis un poste de l’administration, ce qui nécessite généralement des droits d’accès spécifiques attachés à une adresse électronique comportant le nom de domaine de l’administration bénéficiaire.

Elle a par ailleurs adopté un amendement de vos rapporteurs tendant à exclure des obligations et interdictions prévues aux II (interdiction d’utiliser tout signe distinctif de l’administration ou des tiers sur les documents produits par les consultants) et III (obligation de mentionner la participation de consultants sur tout document rédigé avec la participation, directe ou indirecte, de consultants) du présent article les documents destinés à l’information du public réalisés dans le cadre de prestations de conseil en communication ([43]).

L’absence d’une telle exclusion empêcherait en pratique la réalisation par une agence externe de toute campagne de communication ou de publicité pour une administration publique.

La Commission a enfin adopté un amendement rédactionnel de vos rapporteurs ([44]).

 

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 3 prévoit la création d’une annexe budgétaire présentant des informations agrégées sur le recours aux prestations de conseil par les administrations bénéficiaires au cours des cinq dernières années, ainsi que des données détaillées sur ces prestations. Cette annexe présenterait ainsi la liste des prestations de conseil réalisées au cours des cinq dernières années, et indiquerait notamment, pour chacune de ces prestations, outre l’administration bénéficiaire et l’identité du prestataire, les références du marché concerné, l’objet résumé de la prestation, et le montant de la prestation.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 164 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a prévu la création d’une annexe budgétaire relative au recours par l’État aux prestations de conseil réalisées par des personnes morales de droit privé ou par des personnes physiques exerçant à titre individuel.

       Les modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat a modifié la nature du document demandé, et l’a transformé en un rapport annuel remis avant le premier mardi d’octobre, afin de se conformer à la loi organique relative aux lois de finances et d’assurer ainsi la constitutionnalité du dispositif.

       Principaux apports de la Commission

Sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, la Commission a étendu le champ des secrets encadrant la publication de certaines informations au secret des affaires (amendement CL118). Elle a par ailleurs adopté trois amendements rédactionnels et de précision (amendements CL116, CL117, CL157).

  1.   Les constats de la commission d’enquête

Les travaux de la commission d’enquête ont relevé la difficulté, pour l’État, d’évaluer de manière suffisamment précise et fiable le montant des dépenses de conseil engagées par les ministères et leurs opérateurs.

Selon le rapport de la commission d’enquête, le suivi de ces prestations s’inscrirait dans une logique exclusivement comptable et non qualitative, et les données dont dispose l’administration seraient le plus souvent parcellaires, faute d’avoir su organiser la centralisation du suivi des dépenses de conseil.

La commission d’enquête relevait par ailleurs que le montant de ces dépenses était très élevé, et avait fortement augmenté au cours des dernières années, atteignant 893,9 millions d’euros toutes dépenses prestations confondues en 2021, contre 379,1 millions en 2018, hors opérateurs. S’y ajoutaient 171,9 millions d’euros pour la seule année 2021, au titre d’un échantillon de 44 opérateurs de l’État consultés par la commission d’enquête.

Les dépenses de conseil des ministères intégrant une forte dimension de conseil stratégique auraient de leur côté triplé, passant de 152,5 millions d’euros en 2018 à 445,6 millions en 2021.

Ces constats convergent avec ceux formulés par la Cour des comptes, qui relevait dans son dernier rapport de 2023 des difficultés d’appréhension des enjeux financiers, tenant à l’imprécision et au manque d’homogénéité des données disponibles ([45])

De son côté, la mission d’information de l’Assemblée nationale de 2022 concluait qu’il serait « hasardeux d’avancer un chiffre précis pour la sphère de l’État » ([46]).

Face à ces constats, et afin d’assurer une meilleure transparence, la commission d’enquête proposait de publier la liste des prestations de conseil de l’État et de ses opérateurs dans un document budgétaire annexé au projet de loi de finances, ainsi qu’en données ouvertes, pour permettre leur analyse. Cette liste préciserait l’objet de la prestation, son montant, le cabinet de conseil sélectionné et ses éventuels sous-traitants ([47]).

  1.   Le dispositif proposé

L’article 3 de la proposition de loi prévoit la création d’une annexe budgétaire (ou « jaune budgétaire ») relative au recours aux prestations de conseil entrant dans le champ d’application du texte.

Ce rapport comprendrait la liste des prestations de conseil réalisées au cours des cinq dernières années, à titre onéreux ou dans le cadre d’un mécénat.

Pour chacune de ces prestations, le rapport indiquerait :

– la date de notification de la prestation ou sa période d’exécution ;

– le ministère ou l’organisme bénéficiaire ;

– le nom et le numéro de système d’identification du répertoire des établissements (SIRET) du prestataire ;

– l’objet résumé, le montant de la prestation, et le groupe de marchandises auquel cette prestation se rattache au sens de la nomenclature des achats de l’État ;

– les informations relatives au contrat de la commande publique dans le cadre duquel la prestation a été fournie : l’intitulé et le numéro d’identification du marché, l’intitulé et le numéro du lot et, lorsque la prestation se rattache à un accord‑cadre, le numéro du bon de commande ou du marché subséquent, ainsi que l’intitulé et référence de l’accord‑cadre auquel se rattache la prestation, le cas échéant.

Seraient exclus de cette publication les informations protégées par le secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l’État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes ou de la sécurité des systèmes d’information.

Les secrets mentionnés à l’alinéa 3 de l’article 3 de la proposition de loi

Le secret de la défense nationale et les procédures visant à garantir sa protection sont prévus aux articles 413-9 et suivants du code pénal, et L. 2311-1 et suivants du code de la défense. Ce secret vise à protéger les informations et supports dont la divulgation ou auxquels l’accès est de nature à nuire à la défense et à la sécurité nationale : sa protection participe de la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation (1). Il peut être invoqué dans les domaines de l’action publique, et notamment politique, militaire, diplomatique, scientifique, économique et industrielle, dès lors que les informations et supports qu’il entend protéger ont fait l’objet d’une mesure de classification dans les conditions prévues par la loi. La Commission du secret de la défense nationale, autorité administrative indépendante, est chargée de donner un avis sur la déclassification et la communication d’informations ayant fait l’objet d’une classification.

Les c et d de l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration mentionnent, sans les définir, les documents administratifs dont la communication porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes et à la sécurité des systèmes d’information. À l’inverse du secret de la défense nationale, ces « secrets » (qui ne sont toutefois pas désignés comme tels par la loi) ne reposent pas sur un mécanisme de classification. Leurs contours sont précisés par les décisions de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) ainsi que par la jurisprudence administrative.

S’agissant par exemple du secret de la conduite de la politique extérieure de la France, le site internet de la CADA précise que celui-ci est notamment applicable aux documents ayant servi de base à des négociations internationales ou retraçant de telles négociations, aux documents analysant une situation internationale ou le comportement d’un État, ou encore aux documents traduisant la politique extérieure de la France.

(1)    Voir l’instruction générale interministérielle sur la protection du secret de la défense nationale du 9 août 2021.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a transformé cette annexe budgétaire en rapport annuel, remis avant chaque premier mardi d’octobre (soit, en pratique, au moment du dépôt du projet de loi de finances) ([48]).

En effet, l’article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances prévoit que seules les lois de finances peuvent prévoir des « annexes générales » destinées à l’information et au contrôle du Parlement.

La commission a par ailleurs modifié la rédaction applicable aux actions de mécénat, en coordination avec celles opérées à l’article 5 ([49]).

En séance publique, le Sénat n’a pas apporté de modification à cet article.

  1.   Les évolutions intervenues depuis l’adoption de la proposition de loi

L’article 164 de la loi de finances pour 2023 ([50]), issu d’un amendement du Gouvernement, a prévu la création d’un « jaune budgétaire » sur les cabinets de conseil ([51]).

Le rapport sur les conseils extérieurs prévu au 32° du I de l’article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, modifié par l’article 164 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023

32° Un rapport relatif au recours par l’État aux prestations de conseil réalisées par des personnes morales de droit privé ou par des personnes physiques exerçant à titre individuel, sous réserve du secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l’État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes, de la sécurité des systèmes d’information et du secret des affaires et à l’exclusion des marchés entrant dans le champ d’application de l’article L. 1113-1 du code de la commande publique et de ceux que le ministre concerné estime nécessaire de ne pas diffuser dans le cadre de la protection du patrimoine scientifique et technique de la Nation.

Ce rapport présente, pour les deux exercices précédents :

a) La stratégie poursuivie en matière de recours au conseil extérieur ;

b) Les transferts de compétences réalisés au bénéfice de l’administration ainsi que les mesures mises en œuvre pour développer et valoriser les compétences de conseil en interne ;

c) Le montant par ministère, par mission et par programme des autorisations d’engagement et des crédits de paiement consacré aux dépenses de conseil extérieur et la part de ces dépenses dans le total des crédits alloués au ministère, à la mission et au programme ;

d) La liste des prestations de conseil réalisées à titre onéreux ou relevant du champ d’application de l’article 238 bis du code général des impôts.

Pour chacune de ces prestations, la liste indique l’objet résumé de la prestation, son montant, sa date de notification, sa période d’exécution, l’organisme bénéficiaire au sein du ministère et le prestataire.

Les établissements publics dont les dépenses de fonctionnement constatées dans le compte financier au titre de l’avant-dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d’euros publient annuellement les mêmes éléments que ceux définis aux sept premiers alinéas du présent 32°.

Ces informations sont publiées dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.

L’amendement adopté reprend la rédaction qu’avait proposée le Gouvernement lors de l’examen du présent article 3 au Sénat. En séance publique, le ministre de la Transformation et de la fonction publiques, M. Stanislas Guerini, avait justifié la rédaction alternative proposée, qu’il entendait substituer aux articles 3, 4 et 8 de la proposition de loi. Il avançait que la « dispersion des informations dans différents documents obéissant à différentes temporalités » serait peu pertinente, et partageait ses « réserves » quant à l’idée de publier les bons de commande de manière exhaustive, en raison de la charge administrative que représenterait leur anonymisation, qu’il estimait à environ 25 000 heures par an, et des risques qu’un tel travail ferait peser sur les agents en cas d’erreur, leur responsabilité pouvant être engagée. Il précisait enfin que le jaune budgétaire « serait régi par un principe de justification par les ministères de la non-publication éventuelle, la nature de la raison devant être communiquée » ([52]).

Si la création de cette annexe budgétaire correspond, dans l’esprit, à la demande de la commission d’enquête, son contenu diffère néanmoins des prescriptions de la proposition de loi, et le champ du « jaune budgétaire » créé par l’amendement du Gouvernement est, de manière générale, bien plus limité que le rapport prévu par le présent article, pour plusieurs raisons.

Premièrement, le périmètre des prestations concernées dans le jaune budgétaire diffère de celui prévu au II de l’article 1er de la proposition de loi. Il paraît nettement plus restreint, car il n’inclut pas les dépenses de conseil en informatique, et se limite aux prestations de conseil stratégique. Le jaune budgétaire retrace toutefois les dépenses de conseil juridique réalisées par des avocats, qui sont exclues du champ de la proposition de loi.

Les périmètres respectifs du rapport d’enquête du Sénat
et du jaune budgétaire créé par l’article 164 de la LFI pour 2023

Le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2024 précise que les dépenses retracées correspondent aux engagements et paiements réalisés sur le périmètre du budget général de l’État et des comptes spéciaux dotés de crédits.

Ces dépenses comprennent toutes les prestations de conseils extérieurs comptabilisées dans le système d’information financière de l’État pour les huit natures d’achat suivantes (selon la nomenclature des « groupes de marchandises ») : conseil en communication ; audit comptable et financier ; conseil en stratégie et organisation ; conseil en recrutement ; prestation de conseil métier ; étude technique métier, y compris recherche et développement ; conseil et expertise juridique ; conseil et expertise en assurance.

Les prestations de conseil réalisées par des personnes publiques (notamment les établissements sous tutelle de l’État), les prestations induites par des contrôles réglementaires obligatoires ne pouvant être demandées qu’à des entreprises spécialisées, et les prestations pour lesquelles les ministères n’ont pas de marge de manœuvre discrétionnaire sont exclues du périmètre. Sont également exclues les prestations de conseils extérieurs dans le domaine informatique (ce qui correspond aux groupes de marchandises « audit et conseil stratégie en systèmes d’information », et « conseil qualité et méthode »).

Le périmètre retracé dans le jaune budgétaire est de ce fait significativement moins étendu que l’approche suivie par la commission d’enquête du Sénat.

Le périmètre du jaune budgétaire fait état de 235 millions d’euros de dépenses de conseil en 2021 (en crédits de paiements consommés) : il se limite aux dépenses de conseil à forte dimension stratégique (445,6 millions d’euros en 2021), dont il soustrait les dépenses numériques (198 millions d’euros) ainsi que les opérations internes aux personnes publiques et les erreurs d’imputations comptables (12 millions d’euros). Il ne retrace par ailleurs que les dépenses des ministères, la responsabilité de la publication des dépenses des opérateurs étant laissée à ces derniers.

Le périmètre du rapport d’enquête du Sénat, en revanche, s’étend à l’intégralité des prestations de conseil, qu’elles intègrent ou non une forte composante stratégique, et inclut notamment le conseil en informatique. Pour l’année 2021, selon la commission d’enquête, et sur la base des données transmises par la direction du budget, les dépenses de conseil des ministères atteignaient ainsi 893,9 millions d’euros, dont 445,6 millions d’euros de dépenses de conseil à forte dimension stratégique. S’y ajoutaient 171,9 millions d’euros au titre des opérateurs de l’État, pour un échantillon de 44 organismes consultés.

C’est cette approche, volontairement large, qui est retenue dans la proposition de loi, dont l’exposé des motifs rappelle que « l’État et ses opérateurs ont ainsi dépensé plus d’un milliard d’euros en prestations de conseil en 2021 ».

De plus, le jaune budgétaire créé par la LFI pour 2023 ne retrace que les dépenses des ministères, et non celles relatives à l’ensemble des administrations bénéficiaires. La publication des informations relatives aux prestations intellectuelles achetées par les établissements publics dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 60 millions d’euros est réalisée par ces derniers, et ne figure pas dans le « jaune budgétaire » ;

Le jaune budgétaire ne porte par ailleurs que sur les deux années précédentes, et non cinq comme prévu dans la proposition de loi.

S’agissant des informations dont la confidentialité est protégée, le jaune budgétaire exclut la publication des informations couvertes par le secret des affaires, de celles relatives aux marchés de défense et de sécurité, et de celles que le ministre concerné estime nécessaire de ne pas diffuser dans le cadre de la protection du patrimoine scientifique et technique de la Nation.

Enfin, le jaune budgétaire ne prévoit pas d’identifier les numéros de marché ou de bon de commande.

Le jaune budgétaire créé par la LFI pour 2022 intègre par ailleurs des informations complémentaires, mais qui ne satisfont que partiellement les objectifs poursuivis par les articles 4 et 8 de la proposition de loi.

Il présente ainsi la stratégie poursuivie en matière de recours au conseil extérieur, ainsi que les transferts de compétences réalisés au bénéfice de l’administration et les mesures mises en œuvre pour développer et valoriser les compétences de conseil en interne. Il reprend ainsi partiellement l’objet de l’article 8 de la proposition de loi, qui prévoit la publication, tous les cinq ans, d’une cartographie des compétences et des mesures mises en œuvre pour développer le conseil interne.

La disposition adoptée prévoit enfin que les informations concernées doivent être publiées en données ouvertes, comme l’impose le 1° du I de l’article 4 de la présente proposition de loi.

Deux annexes budgétaires ont déjà été publiées, en annexe des projets de loi de finances pour 2023 et 2024.

La dernière édition du rapport fait ainsi apparaître les orientations stratégiques et la synthèse des dépenses réalisées. Il présente, pour chaque ministère :

– les dispositifs mis en place pour encadrer le recours aux conseils extérieurs ;

– les mesures de contrôle interne déployées ;

– les mesures de développement et de valorisation des compétences de conseil en interne ;

– les dépenses de conseil extérieur réalisées, par nature et par programme budgétaire, ainsi qu’une liste de prestations réalisées auprès des cinq principaux fournisseurs du ministère.

Contrairement à ce que prévoit le d de l’article 164 de la LFI pour 2023, la liste des prestations de conseil réalisées n’est donc pas publiée dans son intégralité. Dans le cas des ministères de la Transition écologique et de la cohésion des territoires et de la Transition énergétique, les cinq principales prestations représentaient 8,1 millions d’euros en 2022, sur un total de 25,4 millions.

Interrogée sur ce point par vos rapporteurs, la direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers relève que « le champ couvert est constitué en 2023 de près de 4 800 lignes d’engagement, pour des montants unitaires souvent très faibles. L’identification de l’objet des prestations n’est pas disponible dans une restitution en masse. En l’état, dans Chorus, cette information n’est disponible que via une consultation détaillée dossier par dossier. Cette demande nécessite donc un outillage spécifique. Une évolution technique devrait permettre d’afficher l’objet de la prestation, dans le courant de l’année 2024. En parallèle, des préconisations de saisies devront être communiquées aux ministères afin de s’assurer du caractère exploitable des données et d’harmoniser selon un référentiel commun. »

Par ailleurs, la publication des informations par les opérateurs, ainsi que de l’ensemble des informations en données ouvertes, ne semble pas avoir été réalisée.

Dans son récent rapport consacré au recours par l’État aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil, la Cour des comptes soulignait que « la publication de cette annexe constitue un progrès significatif. Mais elle ne remédie pas, pour l’instant, à la sérieuse limite que constitue l’absence de comptabilisation des dépenses réalisées à ce titre par les opérateurs de l’État. Elle ne répond pas non plus à l’incomplétude du champ couvert s’agissant de la nature des dépenses prises en compte » ([53]). Au-delà de la question du périmètre du rapport, la Cour relevait également la nécessité d’adapter les outils de suivi budgétaires et comptables afin de disposer de données exhaustives et fiables relatives à tous les types de prestations intellectuelles.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, la Commission a étendu le champ des secrets prévus à l’article 3 de la proposition de loi, qui couvre actuellement une partie de ceux mentionnés dans le droit commun de la communication des documents administratifs à l’article L. 311‑5 du code des relations entre le public et l’administration, au secret des affaires, mentionné à l’article L. 311‑6 du même code ([54]).

En effet, l’absence de mention du secret des affaires au sein de la liste mentionnée à l’article 3 pourrait porter à confusion, et risquerait de conduire à la publication d’informations couvertes par ce secret.

Sur proposition de vos rapporteurs, elle a préféré faire référence à l’imputation de la dépense au sens de la nomenclature budgétaire et comptable employée par l’administration bénéficiaire, plutôt qu’au « groupe de marchandises », notion qui n’est pas prévue par la loi ([55]).

Elle a enfin adopté deux amendements rédactionnels ([56]).

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Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté sur proposition de vos rapporteurs, l’article 3 bis complète le rapport annuel de la commission de surveillance sur la direction morale et sur la situation matérielle de la Caisse des dépôts et consignations, afin de prévoir que ce rapport fasse état des informations relatives au recours aux prestations de conseil, mentionnées à l’article 3.

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L’article L. 518-10 du code monétaire et financier prévoit que la commission de surveillance de la Caisse des dépôts remet chaque année au Parlement, avant le 30 juin, un rapport sur la direction morale et sur la situation matérielle de l’établissement au cours de l’année expirée.

Ce rapport comprend notamment, pour l’année considérée, les procès-verbaux des séances de la commission, auxquels sont annexés les avis, motions ou résolutions qu’elle a votés, ainsi que le tableau des ressources et des emplois prévisionnels de la section générale et des sections d’épargne qui est présenté à la commission au cours du premier trimestre.

Afin d’adapter les exigences de transparence en matière de recours aux prestations de conseil prévues par la proposition de loi aux spécificités de l’établissement public Caisse des dépôts et consignations, vos rapporteurs ont considéré qu’il était préférable d’exclure la Caisse du champ du texte prévu à l’article 1er, et de lui appliquer des mesures spécifiques.

Sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a ainsi complété le contenu du rapport prévu à l’article L. 518-10 du code monétaire et financier, pour prévoir que celui comprenne également une annexe faisant état des informations agrégées sur le recours aux prestations de conseil ainsi que des informations détaillées sur ces prestations, mentionnées à l’article 3 de la proposition de loi ([57]).

Cette obligation s’applique naturellement aux prestations de conseil auxquelles a recours l’établissement public Caisse des dépôts et consignations, et non le groupe dans son ensemble (en d’autres termes, cette exigence de transparence ne s’applique pas aux filiales de la Caisse des dépôts et consignations).

 

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 prévoit la publication des informations relatives aux prestations de conseil, mentionnées à l’article 3, en données ouvertes et dans le rapport social unique de l’administration bénéficiaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 164 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a prévu la publication, en données ouvertes, de certaines informations relatives aux prestations de conseil auxquelles ont recours l’État et les établissements publics les plus importants.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois a adopté un amendement de coordination avec la nouvelle rédaction de l’article 3.

       Principaux apports de la Commission

Sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, et malgré l’avis défavorable de votre rapporteur, M. Nicolas Sansu, la Commission a supprimé l’exigence de publication des informations relatives aux prestations de conseil dans le rapport social unique de l’administration bénéficiaire (amendement CL119), et a précisé que les secrets mentionnés par le code des relations entre le public et l’administration s’appliquent aux données ainsi publiées, en cohérence avec le droit commun de la communication des documents administratifs (amendement CL120).

  1.   L’état du droit

La loi du 17 juillet 1978 a consacré un droit d’accès aux documents administratifs ([58]).

Ce droit est actuellement précisé et garanti par le code des relations entre le public et l’administration (CRPA), qui prévoit notamment que, sauf exception et dans les conditions prévues par le code, les administrations sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande ([59]).

Depuis la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, toute mise à disposition effectuée sous forme électronique se fait dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ([60]).

Le droit d’accès aux documents administratifs

Aux termes de l’article L. 300-1 du code des relations entre le public et l’administration, le droit de toute personne à l’information est précisé et garanti par les dispositions des titres Ier, III et IV du livre III du CRPA en ce qui concerne la liberté d’accès aux documents administratifs.

Toute personne a ainsi le droit de demander la communication d’un document administratif ne mettant personne en cause. Le CRPA ne prévoit pas de distinction de nationalité et n’exige pas de justifier d’un intérêt à agir.

Le droit à communication ne s’applique qu’à des documents achevés, et ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu’elle est en cours d’élaboration.

S’agissant des administrations concernées, le droit de communication s’étend à tout document produit ou reçu, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission.

L’accès aux documents administratifs s’exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l’administration, selon quatre modalités : par consultation gratuite sur place ; par la délivrance d’une copie sur un support identique à celui utilisé par l’administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur ; par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique ; par publication des informations en ligne.

L’administration saisie d’une demande de communication d’un document administratif dispose d’un mois pour le lui communiquer, au terme duquel son silence vaut décision de refus. Le demandeur dispose alors d’un délai de deux mois après le refus éventuel de l’administration pour saisir la commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui est l’autorité administrative indépendante chargée de veiller à la liberté d’accès aux documents administratifs et aux archives publiques ainsi qu’à la réutilisation des informations publiques.

La loi prévoit les cas où l’accès à l’information peut être refusé. Il s’agit notamment, outre des avis, rapports et documents produits par certaines juridictions et autorités administratives indépendantes, des documents dont la consultation ou la communication porterait atteinte au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif, au secret de la défense nationale, à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la sécurité des systèmes d’information des administrations, à la monnaie et au crédit public, au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente, à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d’infractions de toute nature, ou sous réserve des limites applicables au droit à l’information relative à l’environnement, aux autres secrets protégés par la loi.

Enfin, l’administration doit publier en ligne les documents qu’il a communiqués à la suite d’une demande privée. Ces documents sont publiés dans le répertoire des informations publiques des ministères économiques et financiers (RIPMEF), ou sur le site internet du service concerné.

Par ailleurs, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a prévu la publication, chaque année, d’un rapport social unique, qui fusionne divers rapports obligatoires que produisaient déjà chaque année les administrations publiques ([61]). Ce rapport social unique est désormais prévu à l’article L. 231-2 du code général de la fonction publique.

Le rapport social unique rassemble ainsi les éléments et données à partir desquels sont établies les lignes directrices de gestion, qui déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines dans chaque administration, collectivité territoriale et établissement public ([62]). Il est présenté aux comités sociaux et sert de support à un débat relatif à l’évolution des politiques des ressources humaines.

Le rapport social unique est également rendu public.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 4 tend à renforcer la transparence autour des prestations de conseil, et poursuit plusieurs objectifs.

Il vise tout d’abord à faciliter la réutilisation des informations mentionnées dans le rapport prévu à l’article 3 et relatives aux prestations de conseil réalisées au cours des cinq dernières années, en prévoyant que ces informations sont publiées en données ouvertes ( du I).

Par ailleurs, la commission d’enquête du Sénat précitée a considéré l’intervention des cabinets de conseil pouvait être « mal vécue » par les agents publics. Les représentants syndicaux avaient ainsi indiqué qu’ils n’étaient bien souvent informés « ni du volume ni de la nature des prestations de conseil achetées au sein des ministères dont ils relèvent » ([63]).

Pour remédier à ce problème, le présent article prévoit que les agents publics soient formellement informés des missions de conseil réalisées au sein de leur administration, et fait figurer les informations relatives aux prestations de conseil mentionnées à l’article 3 dans le rapport social unique de l’administration bénéficiaire ( du I).

Enfin, l’article prévoit la publication systématique, en données ouvertes, des bons de commande ou des actes d’engagement des marchés subséquents, lorsque les prestations de conseil se rattachent à un accord-cadre (II).

L’article 3 de la proposition de loi prévoit la transparence des numéros de bon de commande et d’acte subséquent, ce qui permet à toute personne de formuler une demande de communication des marchés concernés auprès l’administration bénéficiaire, et de saisir la CADA en cas de refus de communication.

En effet, la CADA a déjà eu l’occasion de rappeler qu’une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d’accès consacré par le CRPA ([64]).

Le II de l’article 4 conduirait ainsi à ouvrir la publication des marchés concernés, non pas à la demande et après un délai d’instruction par l’administration et en cas de refus, par la CADA, mais systématiquement.

La rapporteure du texte au Sénat relevait que cette saisine permettrait de réduire les saisines de la CADA, dans un contexte de hausse des demandes.

Lors de son audition par vos rapporteurs, le président de la CADA, M. Bruno Lasserre, a rappelé que la CADA avait été saisie à 82 reprises de demandes tendant à la communication de documents relatifs à des prestations intellectuelles, dont 77 demandes émanant de journalistes. Ce flux est à rapporter aux quelque 10 500 demandes traitées par la CADA en 2023.

 

nombre de dossiers instruits par la cada et typologie des documents sollicités, depuis 2021

 

2021

2022

2023

Nombre total de dossiers instruits (avis et conseils)

2

64

16

Typologie des documents sollicités dans le cadre des prestations intellectuelles de conseil :

Documents adressés à la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence des cabinets de conseil

 

21

 

Documents se rapportant aux marchés publics de conseil

 

31

 

Bons de commande

 

22

5

Actes d’engagement

 

1

1

Factures

 

1

 

Notes de cadrage

 

 

1

Livrables

 

31

8

Rapports produits par les cabinets

2

3

2

Fiches d’évaluation des missions

 

28

4

Lettres de mission

 

2

3

Correspondances et échanges avec le cabinet

 

35

2

Liste de prestations

1

1

 

Source : Commission d’accès aux documents administratifs.

La CADA a rendu un avis favorable dans 56 dossiers, et un avis partiellement défavorable dans 28 dossiers pour un motif tiré du secret des affaires. Elle s’est par ailleurs déclarée incompétente pour se prononcer dans 21 dossiers, car les demandes portaient sur les documents exploités par la commission d’enquête sénatoriale, qui ne sont pas communicables.

sens des avis de la CADA

 

2021

2022

2023

Favorable ou favorable sous réserves

2

39

15

Sans objet (communiqué ou inexistant)

 

1

4

Incompétence / loi spéciale

 

21

 

Irrecevable / imprécise

1

2

 

Irrecevable / refus non établi

 

 

1

Défavorable / abusive

 

2

1

Défavorable / secret des affaires

 

28

 

 

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois a adopté un amendement de coordination avec la nouvelle rédaction de l’article 3 ([65]).

L’article 4 n’a pas été modifié en séance publique.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, et malgré l’avis défavorable de votre rapporteur, M. Nicolas Sansu, la Commission a supprimé l’exigence de publication des informations relatives aux prestations de conseil et mentionnées à l’article 3 dans le rapport social unique des administrations bénéficiaires ([66]).

Deux raisons ont motivé cette suppression. D’une part, ces informations sont déjà rendues publiques sous la forme du rapport au Parlement ainsi qu’en données ouvertes ; une publication sous une troisième forme apparaît donc superfétatoire. D’autre part, le rapport social unique n’a pas vocation à retracer les informations relatives aux cabinets de conseil : il rassemble les éléments et données à partir desquels sont établies les lignes directrices de gestion, permettant de déterminer la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines dans chaque administration.

Sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, la Commission a par ailleurs prévu l’application des secrets mentionnés aux articles L. 311‑5 et L. 311‑6 du code des relations entre le public et l’administration, s’agissant de la publication des bons de commande et des actes d’engagement des marchés subséquents se rattachant à un accord-cadre. Il s’agit de mettre le régime de publication de ces documents en cohérence avec ce qui est prévu dans le droit commun de la communication des documents administratifs ([67]).

*

*     *

Chapitre III
Mieux encadrer le recours aux consultants

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 5 prévoit l’interdiction de toute prestation de conseil à titre gracieux auprès des administrations bénéficiaires, à l’exception des actions de mécénat.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2023 a étendu le champ des bénéficiaires des actions de mécénat mentionnés à l’article 238 bis du code général des impôts, en ajoutant les versements réalisés au bénéfice des communes et syndicats de gestion forestière pour la réalisation d’opérations d’entretien, de renouvellement ou de reconstitution de bois et forêts présentant des garanties de gestion durable, ou pour l’acquisition de bois et forêts, dans le cadre d’une activité d’intérêt général concourant à la défense de l’environnement naturel.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a précisé la rédaction du dispositif.

       Principaux apports de la Commission

Sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne et de Mme Laure Miller, la Commission a adopté deux amendements de précision (amendements CL121 et CL101).

  1.   L’état du droit

Si l’essentiel des prestations réalisées par les cabinets de conseil sont rémunérées, ceux-ci peuvent également intervenir à titre gratuit auprès de leurs clients ou partenaires, dans le cadre de missions de pro bono ou de mécénat.

Le terme de pro bono renvoie, de manière générale, à l’ensemble des formes d’engagement volontaire au bénéfice du bien public, qu’elles émanent de structures privées ou publiques, ou d’individus ([68]).

Lorsque les prestations sont exercées sans contrepartie directe, au bénéfice d’une œuvre ou d’une personne pour l’exercice d’activités présentant un caractère d’intérêt général, on parle de mécénat de compétences. Les règles juridiques applicables aux missions réalisées sous cette forme diffèrent alors des autres missions de pro bono.

En particulier, du point de vue fiscal, le mécénat de compétences peut constituer un don, et ainsi ouvrir droit à une réduction d’impôt, dès lors qu’il remplit les conditions prévues à l’article 238 bis du code général des impôts ([69]).

Pour être éligibles, ces dons, qui peuvent prendre la forme de moyens en personnel ou de services, doivent notamment, doivent être réalisés au bénéfice de certaines œuvres ou organismes d’intérêt général, mentionnés à l’article 238 bis du CGI précité.

Les entreprises donatrices et les organismes bénéficiaires font l’objet d’obligations déclaratives spécifiques ([70]).

Le mécénat se distingue ainsi du parrainage, dans le cadre duquel l’entreprise qui parraine retire un bénéfice direct de l’organisme parrainé en contrepartie du soutien accordé ([71]). Les opérations de parrainage sont destinées à promouvoir l’image du parrain dans un but commercial.

  1.   Les constats de la commission d’enquête

La commission d’enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques a soulevé plusieurs critiques concernant les missions réalisées par les cabinets de conseil à titre gratuit, et notamment les missions de pro bono.

En particulier, le pro bono n’est encadré par aucun régime juridique, à l’inverse du mécénat. La signature d’une convention ne serait pas systématique et, et en l’absence de contrat, l’administration ne peut pas imposer d’obligations déontologiques à ses prestataires.

Par ailleurs, les missions de pro bono seraient ensuite utilisées par les cabinets de conseil pour les besoins de leur stratégie commerciale.

Enfin, les actions de pro bono permettraient aux cabinets de conseil qui les réalise de se rendre indispensables, et de les positionner favorablement si des suites sont données aux missions gratuites qu’ils ont déjà conduites, notamment sous la forme de prestations onéreuses.

  1.   Les mesures prises depuis les travaux de la commission d’enquête

La circulaire du premier ministre du 19 janvier 2022 précitée a conduit à un premier encadrement des missions réalisées à titre gratuit. La circulaire rappelle ainsi que « les missions dites pro bono, effectuées à titre gracieux au bénéfice des administrations publiques, ne doivent donner lieu à aucune contrepartie. Toute mission pro bono ou mécénat de compétences doit être autorisée par le secrétariat général du ministère et enregistrée auprès de l’acheteur ministériel ou interministériel compétent. Il va sans dire qu’aucun droit de suite ne peut être accordé au prestataire d’une mission pro bono » ([72]).

Considérant que ces mesures étaient insuffisantes, la commission d’enquête a proposé d’interdire aux cabinets de conseil de réaliser des prestations gratuites (pro bono) pour l’État et ses opérateurs, tout en maintenant la possibilité pour les cabinets de conseil de réaliser des missions de mécénat dans les secteurs « non marchands » couverts par la loi « Aillagon » de 2003, tels que le secteur culturel, éducatif, social ou humanitaire ([73]).

  1.   Le dispositif proposé

L’article 5 interdit aux cabinets de conseil de proposer, de réaliser ou d’accepter une prestation de conseil à titre gracieux, à l’exception des actions de mécénat.

Si les personnes concernées par cette interdiction ne sont pas explicitement mentionnées, on peut déduire d’une lecture combinée de l’article 1er et de l’article 5 que celle-ci serait applicable aux prestations de conseil proposées, réalisées ou acceptées par les prestataires et consultants, au bénéfice des administrations mentionnées à l’article 1er du texte ([74]).

Les actions de mécénat qui resteraient autorisées sont définies par référence à l’article 238 bis du code général des impôts. Cet article ne définit pas explicitement les actions de mécénat, mais établit notamment, dans son 1, la liste des organismes éligibles aux dons ouvrant droit à une réduction d’impôt.

En particulier, le a du 1 de l’article 238 bis précise que les dons réalisés au bénéfice des personnes morales qui remplissent les deux conditions cumulatives suivantes peuvent ouvrir droit à la réduction d’impôt « mécénat ». Ces œuvres ou organismes doivent ainsi, premièrement, être d’intérêt général et, deuxièmement, avoir un des caractères prévus par la loi : philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

La doctrine fiscale rappelle que sont notamment concernés « les organismes publics (État, collectivités territoriales, établissements publics et généralement toutes les personnes morales de droit public, tels les groupements d’intérêt public) ». Ainsi, les dons effectués à une collectivité publique, et notamment à l’État, peuvent ouvrir droit à la réduction d’impôt à condition que les dons soient affectés à une activité d’intérêt général présentant un des caractères mentionnés à l’article 238 bis du CGI ([75]).

Les organismes bénéficiaires éligibles, mentionnés à l’article 238 bis du CGI, sont rappelés dans l’encadré suivant.

Les organismes bénéficiaires des versements mentionnés
à l’article 238 bis du code général des impôts (réduction d’impôt « mécénat »)

L’article 238 bis du code général des impôts dispose qu’ouvrent droit à une réduction d’impôt les versements effectués au profit :

 d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises (notamment quand ces versements sont faits au bénéfice d’une fondation universitaire, partenariale ou d’entreprise) (a du 1) ;

– de fondations ou associations reconnues d’utilité publique ou de musées de France, ainsi que d’associations cultuelles ou de bienfaisance et des établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle (b du 1) ;

– d’établissements d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics ou privés, d’intérêt général, à but non lucratif (c du 1) ;

– d’établissements d’enseignement supérieur consulaire (c bis du 1) ;

– de sociétés ou organismes publics ou privés, agréés à cet effet par le ministre chargé du budget en matière de recherche scientifique et technique (d du 1) ;

– d’organismes publics ou privés dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale la présentation au public d’œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques, audiovisuelles et de cirque ou l’organisation d’expositions d’art contemporain (e du 1) ;

 de projets de thèse proposés au mécénat de doctorat par les écoles doctorales (e bis du 1) ;

– de sociétés, dont l’État est l’actionnaire unique, qui ont pour activité la représentation de la France aux expositions universelles (e ter du 1) ;

– des sociétés nationales de programme (France Télévisions, Radio France et France Médias Monde), lorsque ces versements sont affectés au financement de programmes audiovisuels culturels et, dans le cas de Radio France, lorsque ces versements sont affectés au financement d’activités des formations musicales dont elle assure la gestion et le développement (e quater et e quinquies du 1) ;

– de communes, de syndicats de gestion forestière et de groupements syndicaux forestiers pour la réalisation, dans le cadre d’opérations de boisement (e sexies du 1) ;

– de la Fondation du patrimoine (ou d’une fondation ou une association qui lui affecte irrévocablement ces versements) (f du 1) ;

– de fonds de dotation finançant des œuvres ou organismes d’intérêt général (g du 1) ;

– d’organismes agréés par le ministre du budget et dont l’objet exclusif est de verser des aides financières permettant la réalisation d’investissements en faveur des petites et moyennes entreprises (4) ;

– d’organismes qui ont pour objet la sauvegarde, contre les effets d’un conflit armé, des biens culturels en danger (5).

Ces organismes doivent être établis en France ou dans un pays de l’espace économique européen (EEE) (4 bis).

Échapperaient ainsi à l’interdiction de réaliser des prestations de conseil à titre gratuit les prestations qui, bien que réalisées auprès d’administrations bénéficiaires mentionnées à l’article 1er, le seraient au bénéfice d’organismes entrant dans le champ de la réduction d’impôt « mécénat »

Seraient ainsi potentiellement concernées, outre les dons réalisés au profit des personnes mentionnées au a du 1, les missions de conseil réalisées au bénéfice de musées nationaux (b du 1), d’établissements d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics (c du 1), ou d’organismes publics ayant pour activité principale la présentation au public d’œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques, audiovisuelles et de cirque ou l’organisation d’expositions d’art contemporain (e du 1).

Enfin, les modalités de contrôle et de sanction des règles définies au présent article sont prévues aux articles 12 et 13 de la proposition de loi. En cas de non-respect des interdictions prévues, une amende administrative pourrait ainsi être infligée par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ([76]).

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a modifié la rédaction du dispositif, afin de faire référence aux « actions menées au profit des personnes morales relevant des catégories » mentionnées à l’article 238 bis du CGI plutôt qu’au terme de « mécénat », qui n’est effectivement pas consacré par l’article du CGI précité ([77]).

En séance publique, le Sénat n’a pas apporté de modification à cet article.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Sur proposition de votre rapporteur et de Mme Laure Miller, la Commission a adopté deux amendements identiques tendant à préciser la rédaction de cet article ([78]).

Il semble en effet préférable de faire référence aux prestations qui « relèvent du champ d’application de l’article 238 bis du code général des impôts », c’est-à-dire qui remplissent les conditions prévues par la loi pour bénéficier de la réduction d’impôt « mécénat », plutôt que de simplement faire référence aux prestations à titre gratuit réalisées au profit des personnes mentionnées à cet article.

L’amendement clarifie d’ailleurs le champ des personnes concernées par l’interdiction : il précise que celle-ci porte uniquement sur les prestataires de conseil privés et les consultants, afin d’expliciter le fait que cette interdiction ne s’applique pas entre personnes publiques (même si cette interprétation pouvait se déduire de la rédaction des articles 1er et 5).

*

*     *

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté sur proposition de Mme Cécile Untermaier, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, M. Nicolas Sansu, et malgré l’avis défavorable de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, l’article 5 bis interdit aux prestataires et consultants pour la rédaction d’un projet de loi ou de son étude d’impact.

*

La commission d’enquête du Sénat a rappelé que le Gouvernement avait fait appel à un cabinet d’avocats pour rédiger l’étude d’impact du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM).

Lors de son audition par la commission d’enquête, la Secrétaire générale du Gouvernement, Mme Claire Landais, avait indiqué qu’il s’agissait, à sa connaissance, d’un cas isolé, tout en relevant qu’il n’était « pas aberrant que la réflexion [sur une étude d’impact] soit en partie externalisée », « compte tenu des rubriques qui doivent être renseignées, notamment la capacité à montrer les alternatives possibles au choix qui a été fait et à en évaluer les conséquences économiques, sociales ».

Si le Conseil constitutionnel a, par la suite, admis l’intervention de cabinets extérieurs sur une étude d’impact ([79]), la commission d’enquête a considéré que de telles pratiques pouvaient « toutefois surprendre, l’étude d’impact constituant un document majeur, visant à éclairer les travaux du Parlement et donc le vote de la loi ».

Faisant écho à ces préoccupations, la Commission a adopté un amendement de Mme Cécile Untermaier, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, M. Nicolas Sansu, et malgré l’avis défavorable de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, qui pose le principe selon lequel l’administration ne peut recourir aux prestataires et consultants pour la rédaction d’un projet de loi ou de son étude d’impact ([80]).

*

*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 6 prévoit que toute prestation de conseil fait l’objet d’une évaluation formalisée par l’administration bénéficiaire, cette évaluation étant rendue publique.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a apporté plusieurs précisions rédactionnelles.

       Principaux apports de la Commission

La Commission a adopté trois amendements :

– sur proposition de vos rapporteurs, elle a précisé que l’évaluation est réalisée après la réalisation de la prestation (amendement CL122) ;

– sur proposition de Mme Mathilde Panot, et suivant l’avis favorable de vos rapporteurs, elle a prévu que l’évaluation précise pourquoi la prestation a été externalisée plutôt que réalisée en interne (amendement CL68) ;

– sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, elle a précisé que les secrets mentionnés par le code des relations entre le public et l’administration s’appliquent aux données ainsi publiées, en cohérence avec le droit commun de la communication des documents administratifs (amendement CL123).

  1.   Les constats de la commission d’enquête

Le rapport de la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques a relevé des insuffisances dans l’évaluation par l’administration des prestations de conseil dont elle a bénéficié.

Le droit de la commande publique ne prévoit pas d’obligation d’évaluation portant sur les prestations payées par l’administration.

La commission d’enquête relevait que les évaluations des ministères restaient en pratique « souvent sommaires », se limitant à une « simple validation du service fait, obligatoire sur le plan comptable, sans s’interroger sur le déroulement de la prestation, la plus-value des consultants et l’impact réel de leur travail sur les politiques publiques », et constatait une certaine hétérogénéité de pratiques entre ministères ([81]). Elle faisait également état de livrables de qualité inégale, et indiquait que, malgré la faible valeur ajoutée de certaines prestations, les pénalités n’avaient pas été appliquées.

Dans son rapport d’initiative citoyenne consacré aux cabinets de conseil, la Cour des comptes abondait dans le même sens ([82]). La Cour soulignait ainsi que l’évaluation des prestations fournies n’était pas systématique, et que le contrôle du service fait lui-même était « parfois opéré de manière non optimale ».

  1.   Les mesures prises depuis les travaux de la commission d’enquête

La circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 précitée a prévu que toute prestation intellectuelle fasse l’objet à son terme d’une évaluation, « non seulement sur la qualité du service rendu par le prestataire (respect des délais, qualité des ressources mises à disposition, coopération avec les services, etc.), mais aussi sur l’atteinte des objectifs définis lors de l’expression du besoin ». Cette évaluation doit être conduite par le service bénéficiaire de la prestation, selon un modèle défini dans le cahier des charges pour chaque catégorie de prestation ([83]).

Par ailleurs, s’agissant des prestations réalisées via l’accord-cadre de la délégation interministérielle à la transformation publique (DITP), le paragraphe 12.2.4 du nouveau cahier des clauses administratives particulières précise qu’à l’issue de chaque prestation, les prestataires et leurs sous-traitants sont évalués par l’administration sur l’ensemble des prestations ayant fait l’objet du bon de commande. Un modèle de fiche d’évaluation pourra être fourni aux administrations bénéficiaires par la DITP.

Ce même paragraphe précise par ailleurs que ces évaluations pourront faire l’objet d’une publication, sur décision de l’administration et conformément aux règles applicables en matière de communication des documents administratifs, et sans préjudice du secret en matière industrielle et commerciale, du secret de la vie privée et du secret des affaires.

La commission d’enquête du Sénat considérait toutefois ces avancées comme tardives et incomplètes, et proposait de systématiser les fiches d’évaluation des prestations de conseil et de les rendre publiques ([84]).

  1.   Le dispositif proposé

L’article 6 de la proposition de loi prévoit l’évaluation de l’ensemble des prestations de conseils réalisées au bénéfice des administrations publiques, ces évaluations étant rendues publiques.

Le I dispose que toute prestation de conseil fait l’objet d’une évaluation par l’administration bénéficiaire.

Cette évaluation doit préciser quatre aspects :

– la liste des documents rédigés avec la participation, directe ou indirecte, des consultants, ainsi que tout autre travail réalisé par ces derniers () ;

– le bilan de la prestation, l’apport des consultants et les éventuelles pénalités infligées au prestataire () ;

– les transferts de compétences réalisés au bénéfice de l’administration () ;

– les conséquences de la prestation sur les politiques publiques ().

Le II prévoit que les évaluations sont rédigées à partir d’un modèle fixé par décret en Conseil d’État, pris après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (CSFPE), et qu’elles sont publiées sous forme électronique, en données ouvertes.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a précisé la rédaction du dispositif sur trois points, sans en changer l’esprit ([85]) :

– premièrement, elle a prévu que l’évaluation fasse apparaître non pas les seules pénalités, mais l’ensemble des sanctions infligées ;

– deuxièmement, elle a choisi de faire référence aux conséquences de la prestation sur la décision publique, et non sur les politiques publiques, au motif que cette notion serait plus claire et plus opérationnelle, dans la mesure où l’évaluation serait réalisée à brève échéance après la réalisation de la mission ;

– troisièmement, elle a modifié la nature du décret devant être pris pour déterminer le modèle des évaluations. La commission a ainsi supprimé la consultation du CSFPE, faute de pouvoir rattacher le décret à l’une de ses compétences, et a préféré prévoir un décret simple et non un décret en Conseil d’État, considérant que la détermination du modèle des évaluations présente un caractère purement technique.

En séance publique, le Sénat n’a pas apporté de modification à cet article.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté trois amendements.

Sur proposition de vos rapporteurs, elle a précisé que l’évaluation est réalisée après la réalisation de la prestation ([86]).

Sur proposition de Mme Mathilde Panot, et suivant l’avis favorable de vos rapporteurs, elle a par ailleurs prévu que l’évaluation justifie pourquoi l’administration a recouru à une prestation de conseil, plutôt qu’à des ressources internes ([87]).

Enfin, sur proposition de votre rapporteur, la Commission a prévu l’application des secrets mentionnés aux articles L. 311‑5 et L. 311‑6 du code des relations entre le public et l’administration, au moment de la publication des évaluations. Il s’agit, comme ce qui a été proposé à l’article 4, de mettre le régime de publication de ces documents en cohérence avec ce qui est prévu dans le droit commun de la communication des documents administratifs ([88]).

 

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Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Adopté sur proposition de vos rapporteurs, l’article 6 bis étend la compétence de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) aux questions relatives à l’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques relevant des dispositions des articles 4 et 6 de la proposition de loi.

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L’article L. 342-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) prévoit que la commission d’accès aux documents administratifs émet des avis lorsqu’elle est saisie par une personne à qui est opposé un refus de communication ou un refus de publication d’un document administratif, un refus de consultation ou de communication des documents d’archives publiques, ou une décision défavorable en matière de réutilisation d’informations publiques.

Le A de l’article L. 342-2 du même code prévoit que la CADA est également compétente pour connaître des questions relatives à l’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques relevant de certaines dispositions législatives spéciales, précisément énumérées.

En vertu de ces dispositions, la CADA a ainsi une compétence générale pour le régime de droit commun, mais une compétence d’attribution pour les autres régimes spéciaux de communication.

Or, la présente proposition de loi prévoit des obligations particulières de publication, aux articles 4 et 6, sans prévoir de renvoi aux dispositions du livre III du CRPA, relatif à l’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques.

Il en résulte une ambiguïté quant à l’articulation entre les dispositions de la proposition de loi et celles du CRPA, et donc avec l’office de la CADA.

Sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a adopté un amendement proposant d’étendre le champ de compétence de la CADA aux questions relatives à l’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques relevant des articles 4 et 6 de la proposition de loi, qui prévoient la publication en données ouvertes de certaines informations et documents administratifs ([89]).

Cet ajout permet de rendre la CADA explicitement compétente pour se prononcer sur un refus de communication des documents mentionnés par la proposition de loi, dès lors que celle-ci serait saisie par un administré sur le fondement des dispositions du CRPA. En revanche, la CADA resterait incompétente pour connaître d’une demande fondée sur le non-respect des obligations de mise en ligne telles que prévues par la proposition de loi.

La CADA resterait également incompétente, en cohérence avec l’état actuel du droit, concernant les documents parlementaires élaborés en application des articles 3 et 8.

 

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Adopté par la Commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 7 impose l’emploi du français par les consultants dans leurs échanges avec l’administration bénéficiaire et la rédaction des documents auxquels ils participent. Ces documents peuvent néanmoins comporter une ou plusieurs versions en langue étrangère.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a inscrit cette obligation nouvelle dans la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite loi « Toubon ».

       Principaux apports de la Commission

La Commission n’a pas modifié cet article.

  1.   L’état du droit

L’encadrement juridique de l’usage du français est ancien. Plus ancien texte législatif encore en vigueur, l’ordonnance du 25 août 1539 sur le fait de la justice, dite « ordonnance de Villers-Cotterêts », impose que tous les actes juridiques soient « prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement » ([90]).

Plus récemment, la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 a inscrit, au deuxième alinéa de l’article 2 de la Constitution, le principe selon lequel la langue de la République est le français ([91]).

Promulguée deux années plus tard, la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite loi « Toubon », a prévu, dans son article 1er, que la langue française, élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France, constituait la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics ([92]).

Cette loi dispose par ailleurs, dans son article 5, que les contrats auxquels une personne morale de droit public ou une personne privée exécutant une mission de service public sont parties sont rédigés en langue française.

Ces principes ont été diffusés par diverses circulaires et instructions. La circulaire du 1er octobre 2016 rappelle ainsi que l’administration est garante en son sein de l’emploi de la langue française. Les agents de la fonction publique, qui ont un « devoir d’exemplarité à cet égard », veillent au respect de l’emploi de la langue française dans l’exercice de leurs fonctions, et notamment dans le cadre de leur travail, de leurs relations avec leurs différents interlocuteurs, ou de la production de rapports, de présentations et d’interventions ([93]).

  1.   Les constats de la commission d’enquête

Si l’obligation légale d’utiliser la langue française s’applique aux contrats auxquels l’administration est partie, elle ne s’étend toutefois pas aux documents produits par les cabinets de conseil dans le cadre des missions qu’ils conduisent.

La commission d’enquête du Sénat a ainsi fustigé le recours, par les consultants, à l’emploi de « termes anglo-saxons consubstantiels à la culture de ces cabinets mais incompréhensibles pour nos concitoyens comme pour une grande partie des fonctionnaires qui en retirent une souffrance certaine ». L’usage d’un vocabulaire étranger conduirait également à un « nouveau conformisme » dans les solutions recherchées ([94]).

Elle proposait d’obliger contractuellement les cabinets de conseil à recourir à l’usage du français, sous peine de pénalités ([95]).

Pour les prestations qui le concernent, le dernier accord-cadre de la délégation interministérielle à la transformation publique (DITP), a fait droit à cette préoccupation de la commission d’enquête. Le paragraphe 9.3.7 reprend ainsi les dispositions du présent article 7, et impose l’usage du français dans les échanges avec l’administration bénéficiaire ainsi que dans la rédaction des documents utilisés. Une sanction est par ailleurs prévue, puisqu’en cas d’utilisation abusive de termes non issus de la langue française, le prestataire encourt une pénalité de 100 euros par occurrence dans le livrable ([96]) .

  1.   Le dispositif proposé

L’article 7 prolonge la réflexion de la commission d’enquête et tend à interdire l’usage de termes étrangers dans les documents produits par les cabinets de conseil.

Le I prévoit ainsi que les consultants emploient la langue française dans leurs échanges avec l’administration bénéficiaire et la rédaction des documents auxquels ils participent.

Ils ne peuvent utiliser ni expression ni termes étrangers lorsqu’il existe une expression ou un terme français de même sens approuvés dans les conditions prévues par les dispositions réglementaires relatives à l’enrichissement de la langue française.

Le II autorise néanmoins la traduction des livrables, et dispose qu’outre la rédaction en langue française, les documents auxquels les consultants participent peuvent comporter une ou plusieurs versions en langue étrangère.

Cet article ne prévoit, en l’état, aucune sanction spécifique en cas de non-respect de l’obligation d’utilisation de la langue française dans les livrables des cabinets de conseil.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a inscrit cette obligation nouvelle dans la loi n° 94‑665 du 4 août 1995 relative à l’emploi de la langue française, dite loi « Toubon », dans un nouvel article 5-1 ([97]).

En séance publique, le Sénat n’a pas apporté de modification à cet article.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

La Commission n’a pas modifié cet article.

 

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 8 prévoit la remise au Parlement et au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État d’un rapport présentant, pour chaque ministère, la cartographie des ressources humaines en matière de conseil, les mesures de valorisation du conseil interne, et les conséquences sur le recours aux cabinets de conseil privés. Ce rapport est remis dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, puis tous les cinq ans.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, le Sénat a précisé la rédaction du dispositif, en fusionnant en un seul rapport les publications exigées des différents ministères, qui serait remis par le ministre chargé de la fonction publique, et en précisant le champ de la cartographie des ressources humaines.

       Principaux apports de la Commission

Sur proposition de vos rapporteurs, la commission a allongé à un an, au lieu de six mois, le délai de publication de la première édition de ce rapport (amendement CL152), et, sur proposition de Mme Cécile Untermaier et suivant l’avis favorable de vos rapporteurs, elle a en revanche accéléré la fréquence de publication des éditions suivantes, passant de cinq à deux ans (amendement CL20).

  1.   L’état du droit

Comme le rappelle la circulaire du Premier ministre 19 janvier 2022 précitée, trois raisons peuvent expliquer le recours par l’administration à des cabinets de conseil privés.

Elle peut, tout d’abord, chercher à acquérir des compétences ou des expertises dont elle ne dispose pas à un instant donné.

Elle peut également présenter un besoin ponctuel en compétences ou en expertises complémentaires dans la conduite d’un projet, alors que les capacités des services ne permettent pas d’absorber la charge nécessaire.

Enfin, l’administration peut solliciter un cabinet de conseil pour qu’il apporte un regard extérieur et présente les innovations et les bonnes pratiques identifiées dans d’autres pays ou dans le secteur privé.

La commission d’enquête du Sénat a néanmoins relevé qu’au-delà de ces explications « classiques », le recours aux cabinets de conseil a pu devenir le « réflexe d’un État qui donne parfois le sentiment qu’il “ ne sait plus faire ˮ », les consultants pouvant être appelés pour « compenser un manque de ressources au sein de l’administration, pour des missions complexes, mais également pour des tâches de gestion » ([98]).

Elle relevait divers exemples, dont celui de l’externalisation de la maîtrise d’ouvrage des radars routiers du fait d’un manque de ressources en interne, alors que cette mission est « pourtant récurrente et stratégique ».

Elle proposait de cartographier les compétences au sein des ministères, et d’élaborer, avec l’appui de la DGAFP, un plan de réinternalisation pour mieux valoriser les compétences internes et moins recourir aux cabinets de conseil ([99]).

  1.   Les mesures prises depuis les travaux de la commission d’enquête

Si la loi ne prévoit actuellement aucune obligation d’information du Parlement en la matière, la circulaire du 19 janvier précitée a prévu la mise en place d’une base de données identifiant les compétences internes disponibles au sein de l’État et de ses établissements publics, dans l’objectif de renforcer les compétences internes pour éviter le recours aux conseils extérieurs. Cette base serait élaborée par la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (DIESE) et la direction interministérielle de la transformation publique (DITP).

La circulaire prévoyait par ailleurs un plan de formation au conseil interne d’au moins 100 chefs de projet au cours de l’année 2022, piloté par l’Institut national du service public (INSP), ainsi que le renforcement de l’offre de services des inspections générales et conseils généraux ministériels en matière de conseil interne, notamment sur la stratégie et l’évaluation des politiques publiques. Elle confiait enfin à la DITP la charge de créer une base de données recensant les prestations déjà commandées par les administrations et comportant les livrables obtenus, le cas échéant.

Attendue pour la fin du premier semestre 2022, la base de données est en cours d’élaboration. Le récent rapport de la Cour des comptes relève que « la Diese a indiqué qu’elle avait engagé, avec la DITP et les délégués à l’encadrement supérieur des ministères, une modification des référentiels de compétences qu’elle utilise dans le cadre, notamment, de ses applications de suivi des cadres dirigeants et supérieurs de l’État » afin de pouvoir identifier, dans le parcours des cadres, les compétences mises en œuvre dans les domaines relevant traditionnellement du conseil.

La Cour relevait par ailleurs qu’à terme, le projet était de créer une « place de marché interministérielle de missions pour les cadres en attente d’affectation », qui aurait pour objet de partager les besoins de missions et les profils disponibles dont la gestion reste à ce jour ministérielle. Un scénario alternatif résiderait dans la création d’une « agence interministérielle de missions », composée d’agents expérimentés, détachés pour une période allant de six mois à plusieurs années, et qui pourraient être formés aux métiers et aux techniques du conseil ([100]).

Interrogée sur ce point par vos rapporteurs, la direction interministérielle de la transformation publique indiquait que pour être en mesure d’internaliser un nombre croissant de missions, les effectifs de l’agence de conseil interne de la DITP avaient été portés à 75 équivalents temps plein (ETP), contre 20 en 2021, et que 25 ETP supplémentaires avaient été ouverts par la loi de finances pour 2024 pour équiper les laboratoires d’innovation territoriale, placés auprès des préfets de région et animés par le DITP.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 8 prévoit la remise d’un rapport sur la cartographie des ressources humaines et des mesures de valorisation du conseil interne au sein de l’administration, établi par chaque ministère.

Ces rapports sont remis dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, puis tous les cinq ans, au Parlement et au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État.

Chaque rapport présenterait :

– la cartographie des ressources humaines dont le ministère dispose, en interne et dans le cadre interministériel () ;

– les mesures mises en œuvre pour valoriser ces ressources humaines et développer des compétences de conseil en interne () ;

– les conséquences de ces mesures sur le recours par le ministère aux prestations de conseil ().

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a apporté deux modifications au dispositif :

– elle a prévu que ce rapport soit remis non pas par chaque ministère, mais par le ministre chargé de la fonction publique, afin de disposer d’une vision agrégée des éléments demandés, et de faciliter les comparaisons sur le long terme en facilitant les comparaisons, même en cas de changements de périmètre ;

– elle a précisé que la cartographie mentionnée au 1° ne porte que sur les ressources humaines dont le ministère dispose « en matière de conseil », et non sur l’ensemble des missions du ministère ([101]).

En séance publique, le Sénat n’a pas apporté de modification à cet article.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Sur proposition de vos rapporteurs, la commission a allongé à un an, au lieu de six mois, le délai de publication de la première édition de ce rapport ([102]).

Par ailleurs, sur proposition de Mme Cécile Untermaier, et suivant l’avis favorable de vos rapporteurs, elle a en revanche accéléré la fréquence de publication des éditions suivantes, passant de cinq à deux ans ([103]).

 

 

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Chapitre IV
Renforcer les exigences déontologiques

Section 1
Mieux lutter contre les conflits d’intérêts

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 9 définit le cadre déontologique dans lequel le prestataire et les consultants exercent leurs missions. Il complète à cet égard la liste des missions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les missions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ont été complétées à l’occasion de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, qui y a ajouté le respect des principes déontologiques inhérents à l’exercice d’une fonction publique.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a apporté des précisions au dispositif, en soumettant également les prestataires aux principes déontologiques applicables aux consultants, et en faisant référence à l’exercice indépendant, impartial et objectif de la « mission » de conseil, plutôt que de la « profession », qui n’est pas définie par la proposition de loi.

       Principaux apports de la Commission

La Commission a adopté un amendement de vos rapporteurs ainsi qu’un amendement de M. Philippe Pradal tendant à modifier les conditions d’établissement du code de conduite (amendements CL153 et CL3). Sur proposition de Mme Cécile Untermaier, et suivant l’avis favorable de vos rapporteurs, elle a par ailleurs prévu la possibilité de saisir le référent déontologue de l’administration bénéficiaire, comme étape intermédiaire avant une éventuelle saisine de la HATVP (amendement CL24).

  1.   L’état du droit

Le code de la commande publique appréhende essentiellement la notion de conflit d’intérêts sous l’angle des liens qu’entretiennent l’acheteur et l’entreprise candidate.

Aux termes du deuxième alinéa des articles L. 2141-10 du code de la commande publique, concernant les marchés publics, et L. 3123-10, s’agissant des concessions, constitue une situation de conflit d’intérêts toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure ou est susceptible d’en influencer l’issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché ou du contrat de concession.

De plus, l’article R. 2143-3 du code de la commande publique précise que les acheteurs sont tenus d’obtenir des candidats une attestation sur l’honneur, portant notamment sur l’absence de conflit d’intérêts dans le cadre de la passation du marché. Les personnes susceptibles d’être dans une telle situation peuvent, après la procédure contradictoire prévue à l’article L. 2141-11 du même code, être exclues de la procédure pour ce motif.

Enfin, aux termes de l’article R. 2184-3, pour les marchés passés selon une procédure formalisée, les pouvoirs adjudicateurs doivent décrire dans le rapport de présentation du marché public, les potentiels conflits d’intérêts relevés et les mesures prises pour les faire cesser.

Les acheteurs peuvent par ailleurs prévoir des conditions de participation à la procédure prenant en considération des exigences en matière d’indépendance et d’impartialité.

Aux termes de l’article L. 2142-1 du code de la commande publique, les acheteurs publics précisent les conditions de participation auxquelles les candidats doivent répondre pour s’assurer qu’ils disposent de l’aptitude à exercer l’activité professionnelle, de la capacité économique et financière, ou des capacités techniques et professionnelles nécessaires à l’exécution du marché.

Dans une décision du 12 avril 2023, et conformément aux dispositions combinées des articles L. 2141-10 et L. 2142-1 du code de la commande publique, le Conseil d’État a ainsi précisé que les exigences de l’acheteur relatives aux capacités professionnelles pouvaient porter sur l’indépendance et l’impartialité dont doit faire preuve le titulaire du contrat et qu’un « pouvoir adjudicateur peut considérer qu’un opérateur économique ne possède pas les capacités professionnelles requises lorsqu’il a établi que l’opérateur économique se trouve dans une situation de conflit d’intérêts qui pourrait avoir une incidence négative sur l’exécution du marché » ([104]).

Au stade de l’exécution du contrat, le droit de la commande publique permet également de répondre à certaines situations de conflits d’intérêts.

L’acheteur peut en particulier prévoir des clauses d’exécution tenant, par exemple, à des exigences d’indépendance ou d’impartialité du cocontractant, sous réserve qu’elles soient en lien avec l’objet du marché. Le cahier des clauses administratives préalables (CCAP) peut ainsi définir les situations de conflits d’intérêts et les mesures auxquelles s’engage le titulaire pour les prévenir ou y remédier. Dans le cas d’un marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage, le pouvoir adjudicateur peut ainsi insérer, dans le marché, une clause « imposant à son titulaire de divulguer, sur simple demande, les liens qui l’uniraient aux opérateurs économiques présentant leur candidature lors d’une procédure de passation ultérieure » ([105]).

Enfin, et bien que ne visant pas spécifiquement les conflits d’intérêts, le point 3.4.2 de l’article 3 du cahier des clauses administratives (CCAG) relatif aux marchés publics de prestations intellectuelles stipule, comme tous les CCAG, que « de façon générale, le titulaire est tenu de notifier sans délai à l’acheteur toutes les modifications importantes concernant le fonctionnement de l’entreprise pouvant influer sur le déroulement du marché ».

Au-delà de ces règles générales applicables aux marchés publics, les cabinets de conseil ne font pas l’objet d’obligations déontologiques spécifiques.

  1.   Les constats de la commission d’enquête

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat faisait état de plusieurs risques sur le plan déontologique, dans le recours aux cabinets de conseil.

Il existerait un risque de conflit d’intérêts, lorsque les cabinets conseillent aussi bien les pouvoirs publics que des clients privés, dont les intérêts peuvent diverger. Dès lors que, parmi les clients du cabinet privé, certains pourraient avoir intérêt à orienter une décision publique dans un sens ou dans un autre, se poserait la question de l’impartialité du cabinet, et de son éventuelle influence sur la décision publique.

Le rapport mentionnait également les avantages dont pourrait bénéficier un cabinet ayant réalisé des missions de pro bono, ainsi que les questions posées par les potentielles mobilités de responsables publics vers et depuis les cabinets de conseil.

Il rappelait néanmoins que deux corpus déontologiques encadraient l’intervention des cabinets de conseil : en plus des règles générales précitées prévues par les marchés publics, les cabinets de conseil eux-mêmes ont formalisé leurs engagements en matière de déontologie dans des chartes déontologiques ou des codes de conduite.

La commission d’enquête considérait ainsi que si les règles déontologiques étaient nombreuses, leur contrôle reposait d’abord sur une « logique déclarative, basée sur la confiance entre les cabinets de conseil et leurs clients publics » et que l’enjeu principal est donc de contrôler le respect des règles déontologiques.

Elle proposait la mise en œuvre d’un « dispositif déontologique complet », articulé autour de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, en confiant à cette dernière une nouvelle mission de contrôle des cabinets de conseil intervenant dans le secteur public, pour vérifier le respect de leurs obligations déontologiques ([106]), et recommandait de faire signer par les cabinets de conseil, dès le début de leurs missions, un code de conduite précisant les règles déontologiques applicables et les moyens de contrôle mis en place par l’administration ([107]).

  1.   Les mesures prises depuis les travaux de la commission d’enquête

La circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 prévoit de nouvelles mesures pour renforcer la prévention des conflits d’intérêts. En particulier, les chartes de déontologie ministérielles doivent être revues pour assurer qu’elles couvrent bien les risques spécifiques liés aux prestations intellectuelles. Tout lien d’intérêt d’une personne ayant à prendre des décisions concernant une prestation intellectuelle doit donner lieu à un déport formalisé. Enfin, les marchés futurs intégreront des clauses type qui visent à prévenir les conflits d’intérêts potentiels entre les clients d’un même fournisseur. 

Le nouvel accord-cadre de la DITP a intégré des obligations de respect déontologique. Le paragraphe 9.3.5 prévoit que les cabinets de conseil réalisent leurs prestations avec probité et intégrité, veillent à prévenir et à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts, et s’engagent à respecter toutes les mesures déontologiques applicables dans le cadre de l’exécution des prestations.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 9 de la proposition de loi définit le cadre déontologique dans lequel le prestataire et les consultants exercent leurs missions.

  1.   Les principes déontologiques applicables aux consultants

Le I énonce les principes déontologiques que doivent respecter les consultants.

Ceux-ci doivent réaliser leurs prestations avec probité et intégrité.

Ils veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts, défini comme une situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de leur profession.

Cette rédaction s’inspire de formulations existantes. Elle reprend notamment la définition du conflit d’intérêts prévue par la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ([108]), qui a été reprise et adaptée aux fonctionnaires par l’article 2 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie aux droits et obligations des fonctionnaires, et est aujourd’hui codifiée à l’article L. 121-5 du code général de la fonction publique.

  1.   La réalisation d’un code de conduite avant chaque prestation de conseil

Le II prévoit qu’avant chaque prestation de conseil, l’administration bénéficiaire, le prestataire et les consultants s’engagent sur un code de conduite, qui précise les règles déontologiques applicables et les procédures mises en œuvre pour les respecter.

Comme le rappelle la rapporteure du texte au Sénat, « ce code de conduite, sectoriel et obligatoire quelle que soit la taille du cabinet de conseil, serait à distinguer de celui que toute grande entreprise est censée élaborer, sous le contrôle de l’Agence française anticorruption, pour définir et illustrer les différents types de comportements à proscrire comme étant susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d’influence en application de l’article 17 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite “ Sapin 2 ”) »  ([109]) .

  1.   Une mission nouvelle confiée à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Le III et IV prévoient enfin l’association de la Haute Autorité pour la transparence pour la vie publique (HATVP) au contrôle déontologique des prestations de conseil.

Le III confie à la HATVP le soin de répondre aux demandes d’avis de l’administration bénéficiaire, du prestataire ou des consultants sur les questions d’ordre déontologique qu’ils rencontrent dans la préparation ou l’exécution des prestations de conseil.

L’avis peut être rendu par le président de la HATVP, sur délégation.

Le IV complète la liste des missions de la HATVP, prévue au I de l’article 20 de la loi du 11 octobre 2013 précitée, en prévoyant que cette dernière contribue au contrôle déontologique des prestations de conseil, dans les conditions fixées par la présente loi.

Les missions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Aux termes de l’article 20 de la loi du 11 octobre 2013, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique exerce les missions suivantes :

– elle reçoit des responsables publics, et notamment des membres du Gouvernement, des députés et des sénateurs, leurs déclarations de situation patrimoniale et leurs déclarations d’intérêts, en assure la vérification, le contrôle et, le cas échéant, la publicité (1°) ;

– elle se prononce sur les situations pouvant constituer un conflit d’intérêts dans lesquelles peuvent se trouver les responsables publics et leur enjoint d’y mettre fin (2°) ;

– elle répond aux demandes d’avis des responsables publics sur les questions d’ordre déontologique qu’elles rencontrent dans l’exercice de leur mandat ou de leurs fonctions. Ces avis, ainsi que les documents sur la base desquels ils sont rendus, ne sont pas rendus publics (3°) ;

– elle se prononce sur la compatibilité de l’exercice d’une activité libérale ou d’une activité rémunérée au sein d’un organisme ou d’une entreprise exerçant son activité dans un secteur concurrentiel conformément aux règles du droit privé avec des fonctions gouvernementales ou des fonctions exécutives locales exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité (4°) ;

– à la demande du Premier ministre ou de sa propre initiative, elle émet des recommandations pour l’application de la loi du 11 octobre 2013, qu’elle adresse au Premier ministre et aux autorités publiques intéressées qu’elle détermine. Elle définit, à ce titre, des recommandations portant sur les relations avec les représentants d’intérêts, et la pratique des libéralités et avantages donnés et reçus dans l’exercice des fonctions et mandats publics (5°) ;

 elle répond aux demandes d’avis des responsables publics sur les questions relatives à leurs relations avec les représentants d’intérêts et au répertoire des représentants d’intérêts (6°) ;

 elle apprécie le respect des principes déontologiques inhérents à l’exercice d’une fonction publique, dans les conditions prévues par le code général de la fonction publique (7°).

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a apporté des précisions au dispositif, en soumettant également les prestataires aux principes déontologiques applicables aux consultants, et en faisant référence à l’exercice indépendant, impartial et objectif de la « mission » de conseil, plutôt que de la  « profession », qui n’est pas définie par la proposition de loi ([110]).

En séance publique, le Sénat n’a pas modifié cet article.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté deux amendements de vos rapporteurs et de M. Philippe Pradal tendant à préciser les conditions d’établissement du code de conduite ([111]).

L’objectif de l’amendement proposé par vos rapporteurs était de prévoir que c’est à l’administration bénéficiaire d’établir un code de conduite, qui serait permanent et n’aurait pas à être réédité à chaque nouvelle prestation, et auquel les prestataires et les consultants devraient se conformer, ce qui paraît plus souple et opérationnel ([112]). L’amendement de M. Pradal tend, quant à lui, à prévoir que le code de conduite puisse être réalisé avant la réalisation d’une prestation ou au moment de l’attribution d’un accord-cadre. Il résulte de l’adoption de ces deux amendements une formulation que vos rapporteurs proposeront de préciser en séance publique.

L’amendement proposé par vos rapporteurs prévoit notamment que le code de conduite précise les mesures pouvant être mises en œuvre par le prestataire ou les consultants pour prévenir une situation de conflit d’intérêts ou y mettre fin.

Il s’agit, dans un but de sécurité juridique, de clarifier et de préciser les obligations des prestataires et des consultants en cas de conflit d’intérêts, en formalisant les règles et pratiques à suivre. Il peut s’agir de règles de déport, de retrait de certaines procédures, de renforcement de la collégialité, ou de transfert de certains dossiers à un autre consultant, par exemple ([113]).

Par ailleurs, la Commission a adopté, suivant l’avis de vos rapporteurs, un amendement de Mme Cécile Untermaier qui prévoit la possibilité de saisir le référent déontologue de l’administration bénéficiaire, comme étape intermédiaire avant une éventuelle saisine de la HATVP ([114]).

La Haute Autorité pourrait ensuite être saisie par le référent déontologue, si la complexité de la demande d’avis le justifie, ou si celui-ci le juge nécessaire.

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 10 prévoit la remise à l’administration bénéficiaire d’une déclaration d’intérêts par les prestataires et consultants, et ouvre la possibilité de saisir la HATVP en cas de doute sur l’exhaustivité, l’exactitude ou la sincérité d’une déclaration d’intérêts.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a apporté deux modifications rédactionnelles au dispositif.

       Principaux apports de la Commission

Sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, la Commission a adopté un amendement de rédaction globale transformant la déclaration exhaustive, exacte et sincère des intérêts en une attestation d’absence de conflit d’intérêts, pour les prestataires comme pour les consultants. Ainsi, dans le cas où le prestataire ou le consultant estimerait être en situation de potentiel conflit d’intérêts, il devrait en déclarer les raisons à l’administration : seules les informations pertinentes seraient alors transmises à cette dernière (amendement CL159).

L’amendement complète par ailleurs le dispositif sur plusieurs points : il prévoit une saisine du référent déontologue, la HATVP étant saisie en cas de doute ; il renforce les garanties de confidentialité applicables ; il cherche à mieux cibler les informations devant être déclarées ; il précise que le consultant qui commence sa mission après le début de la prestation est également soumis à l’obligation de transmettre une déclaration d’intérêts.

  1.   L’état du droit

Du fait de leurs mandats ou de leurs fonctions, certaines personnes sont actuellement tenues de transmettre une déclaration d’intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Il s’agit notamment :

– des membres du Gouvernement et des responsables publics mentionnés à l’article 11 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (tels que les représentants français au Parlement européen, les élus de grandes collectivités ainsi que leurs directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinet, les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du Président de la République, les collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat, les membres des collèges et des commissions investies de pouvoirs de sanction, ainsi que les directeurs généraux et secrétaires généraux et leurs adjoints des autorités administratives et publiques indépendantes, notamment) ;

– des députés et des sénateurs (article LO 135-1 du code électoral) ;

– de certains agents publics civil ou militaire exerçant un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient (articles L. 122-2 du code général de la fonction publique, et article L. 4122 6 du code de la défense) ;

– des magistrats (article 7-2 de l’ordonnance n° 58‑1270 du 22 décembre 1958) ;

– des membres du Conseil d’État et des magistrats administratifs (articles L. 131-7 et L. 231‑4‑1 du code de justice administrative) ;

– les membres et personnels de la Cour des comptes et des magistrats financiers (articles L. 210‑10 et L. 220-8 du code des juridictions financières).

Le format et le contenu de ces déclarations d’intérêts sont déterminés, selon les cas, par la loi ou le règlement. Les déclarations d’intérêts portent, le plus souvent, et avec des intitulés proches, sur les éléments suivants :

– les activités professionnelles non bénévoles en cours, et celles exercées au cours des cinq dernières ;

– les activités de consultant en cours, et celles exercées au cours des cinq dernières années ;

– les participations aux organes dirigeants d’un organisme public ou privé au cours des cinq dernières années ;

– les participations financières détenues au moment de la déclaration ;

– les activités professionnelles exercées à la date de l’élection par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin ;

– les fonctions et mandats électifs exercés ;

– les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts.

Pour les parlementaires, la déclaration fait également apparaître les noms des collaborateurs parlementaires ainsi que les autres activités professionnelles déclarées par eux.

Une déclaration d’intérêts peut également être prévue pour certaines fonctions au sein d’organismes publics particuliers. C’est le cas, par exemple, pour les membres de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignation ([115]) ou les membres du collège de contrôle et du collège des sanctions ainsi que le médiateur de la commission de contrôle des organismes de gestion des droits d’auteur et des droits voisins ([116]).

Enfin, il peut arriver que certaines personnes privées soient astreintes à une obligation de dépôt d’une déclaration d’intérêts. Les membres des commissions des marchés de certains concessionnaires d’autoroutes sont par exemple soumis à l’obligation de déposer une déclaration d’intérêts auprès de l’Autorité de régulation des transports, autorité administrative indépendante en charge du bon fonctionnement du système de transport ferroviaire national ([117]).

Ces personnes privées sont néanmoins chargées de l’exécution d’une mission de service public, et ne sont pas de simples cocontractants de l’administration.

  1.   Les constats de la commission d’enquête

En complément de l’élaboration des codes de conduite, la commission d’enquête proposait de systématiser les déclarations d’intérêts pour toute prestation de conseil dans le secteur public, afin de s’assurer que les pouvoirs publics soient informés des prestations que le cabinet de conseil a assurées au cours des dernières années, pour des clients intervenant sur le même secteur d’activité.

En cas de doute, l’administration pourrait saisir la HATVP aux fins de contrôler ces déclarations d’intérêts, et de sanctionner les déclarations mensongères ou incomplètes ([118]).

  1.   Les mesures prises depuis les travaux de la commission d’enquête

Parmi les mesures prévues par la circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022, figure notamment l’intégration de clauses types dans les marchés publics de conseil afin de prévenir les conflits d’intérêts potentiels entre les clients d’un même fournisseur. En particulier, une déclaration d’intérêts des personnes mobilisées par le fournisseur dans le cadre de la prestation devra être transmise à l’administration. 

Le paragraphe 9.3.5 du nouvel accord-cadre de la DITP prévoit par ailleurs qu’avant chaque mission, les consultants doivent compléter une annexe du CCAP certifiant l’absence de conflit d’intérêts ou identifiant les potentiels conflits existants ([119]).

  1.   Le dispositif proposé

L’article 10 de la proposition de loi prévoit la remise à l’administration bénéficiaire d’une déclaration d’intérêts par les prestataires et consultants, et détermine les modalités de saisine de la HATVP.

Le I prévoit ainsi qu’avant chaque prestation de conseil, le prestataire et les consultants adressent à l’administration bénéficiaire une déclaration exhaustive, exacte et sincère des intérêts détenus à la date de la déclaration et au cours des cinq dernières années.

En pratique, les déclarations d’intérêts seraient donc reçues, au sein de l’administration bénéficiaire, par l’acheteur de la prestation de conseil.

Cette obligation s’applique également lorsque le prestataire ou consultant intervient en tant que sous‑traitant.

Par ailleurs, en cas de modification substantielle des intérêts détenus au cours de la prestation, le prestataire et les consultants actualisent leur déclaration dans un délai de quinze jours, et selon les mêmes modalités.

Le contenu de la déclaration d’intérêt ne serait pas le même pour les prestataires et pour les consultants.

Le II précise le champ de la déclaration d’intérêts des prestataires, qui porte sur :

– les missions réalisées dans le même secteur au cours des cinq dernières années, pour des clients de droit public ou privé () ;

– les missions réalisées, dans les mêmes conditions, par les sociétés dans lesquelles le prestataire détient une participation financière () ;

– les missions réalisées, dans les mêmes conditions, par la société mère du prestataire ().

Le III précise le champ de la déclaration d’intérêts des consultants, qui présente :

– les activités professionnelles ayant donné lieu, au cours des cinq dernières années, à rémunération ou à gratification () ;

– les missions réalisées, dans le même secteur que la prestation, au cours des cinq dernières années, pour des clients de droit public ou privé () ;

– les participations aux organes dirigeants d’un organisme public ou privé ou d’une société intervenant dans le même secteur que la prestation, au cours des cinq dernières années () ;

– les participations financières directes détenues, à date, dans le capital d’une société intervenant dans le même secteur que la prestation () ;

– les activités professionnelles exercées, à date, par le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin () ;

– les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître, à date, un conflit d’intérêts () ;

 les fonctions et mandats électifs exercés au cours des cinq dernières années ().

Le champ de la déclaration des prestataires serait ainsi proche, avec quelques adaptations, de la déclaration d’intérêts exigée des députés et sénateurs et des membres du Gouvernement, et également applicables aux responsables publics mentionnés à l’article 11 de la loi du 11 octobre 2013 ([120]). Ces déclarations sont toutefois transmises, non à l’administration, mais à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Le IV ouvre la possibilité, pour l’administration bénéficiaire, de saisir la HATVP à titre subsidiaire, en cas de doute sur l’exhaustivité, l’exactitude ou la sincérité d’une déclaration d’intérêts.

La HATVP en assurerait alors le contrôle.

Le V renvoie enfin à un décret en Conseil d’État le soin de préciser le modèle, le contenu et les modalités de transmission, de mise à jour et de conservation des déclarations d’intérêts.

Ce décret est pris après avis de la HATVP et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a apporté deux modifications rédactionnelles au dispositif : elle a supprimé la référence aux sous-traitants, dans la mesure où ceux-ci sont désormais inclus dans la nouvelle définition des prestataires, et a précisé que les pouvoirs de contrôle de la HATVP en cas de doute sur l’exhaustivité, l’exactitude ou la sincérité d’une déclaration d’intérêts sont ceux mentionnés à l’article 12 de la proposition de loi (droit de communication, pouvoirs de contrôle sur place, mise en demeure) ([121]).

En séance publique, le Sénat n’a pas modifié cet article.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, la Commission a adopté un amendement de rédaction globale, transformant la déclaration exhaustive, exacte et sincère des intérêts en une attestation d’absence de conflit d’intérêts, pour les prestataires comme pour les consultants ([122]) .

En effet, l’obligation de déclaration prévue par la rédaction de l’article 10 issu du Sénat paraît disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi, et présente plusieurs difficultés :

– elle exige la transmission systématique de nombreuses informations, même dans les cas où les risques de conflit d’intérêts seraient limités, voire inexistants, et risque à ce titre de porter atteinte à la vie privée des consultants ;

– elle constitue une formalité administrative très lourde, tant pour les prestataires et les consultants que pour les administrations bénéficiaires, et pourrait dissuader certains cabinets de réaliser des prestations de conseil pour l’administration ;

– elle implique que l’administration bénéficiaire soit en mesure d’analyser l’intégralité des déclarations reçues, et fait peser sur elle l’appréciation du risque de conflit d’intérêts potentiel, alors même qu’elle ne possède pas des moyens juridiques de contrôler la déclaration ;

– elle présente le risque d’engorger la HATVP (qui serait seule dotée des moyens de contrôler la déclaration) ;

– enfin, les prestataires et les consultants deviendraient les seuls cocontractants de l’administration pour lesquels une déclaration d’intérêts est exigée, sans que cette situation ne semble justifiée. Ils seraient par ailleurs soumis à des obligations déclaratives approfondies, même lorsque la prestation concernée ne présente pas de risque particulier d’influence sur la décision publique, et feraient de ce fait l’objet d’obligations bien plus lourdes que les représentants d’intérêts, dont l’activité principale ou régulière est pourtant d’influer sur la décision publique.

Afin d’assurer un juste équilibre entre la volonté d’assurer un meilleur contrôle du risque de conflit d’intérêts des prestataires et des consultants, la recherche d’un formalisme adapté, et la préservation de la vie privée des consultants, il a paru plus pertinent à votre rapporteur, M. Bruno Millienne, de prévoir au I la remise d’une déclaration attestant l’absence de conflit d’intérêts, sur le modèle de ce qui est désormais prévu par le nouvel accord-cadre de la délégation interministérielle à la transformation publique (DITP).

Dans le cas où le prestataire ou le consultant estimerait être en situation de potentiel conflit d’intérêts, il devrait en déclarer les raisons à l’administration bénéficiaire : seules les informations pertinentes devraient alors être transmises à l’administration.

Par exemple, si un consultant estime se trouver dans une situation de conflit d’intérêts potentiel du fait de ses activités professionnelles antérieures, et de ce seul fait, alors seule cette information devra être portée à la connaissance de l’administration.

Afin de préciser les éléments sur lesquels le prestataire et les consultants devront porter une attention particulière au moment de la réalisation de leur déclaration, la nouvelle rédaction de l’article maintient aux II et III les références aux différents éléments qui étaient prévus dans les déclarations d’intérêts exhaustives des prestataires et des consultants dans la rédaction adoptée par le Sénat. Ces énumérations ont une vocation essentiellement pédagogique – le prestataire ou le consultant n’ayant pas vocation à renseigner l’ensemble de ces éléments –, et ne sont d’ailleurs pas limitatives : si le prestataire ou le consultant estime être dans une situation de conflit d’intérêts du fait d’autres éléments, il est attendu qu’il le signale à l’administration.

Le document n’en resterait pas moins opposable : en cas de déclaration insincère, les sanctions prévues par la proposition de loi seraient bien applicables, et notamment l’amende administrative.

Par ailleurs, l’appréciation du conflit d’intérêts potentiel tiendrait compte des responsabilités passées et présentes du consultant, car le risque de conflit d’intérêts lié à l’activité des consultants les moins expérimentés ne doit pas devoir être apprécié de la même manière que celui des dirigeants (dernier alinéa du III).

Enfin, la nouvelle rédaction de l’article complète la rédaction issue du Sénat sur plusieurs points :

– elle clarifie la situation du consultant qui commence sa mission après le début de la prestation et précise qu’il est également soumis à l’obligation de transmettre une déclaration d’intérêts (dernier alinéa du I) ;

– elle prévoit la possibilité de saisir le référent déontologue en cas de doute concernant l’appréciation du risque de conflit d’intérêts ou sur l’exactitude ou la sincérité d’une déclaration d’intérêts, et de saisir la HATVP à titre subsidiaire, si le doute persiste (IV);

– elle renforce les garanties de confidentialité applicables à la conservation des déclarations d’intérêts (IV bis) ;

– elle substitue à la notion de « mission réalisée dans le même secteur que la prestation de conseil » celle de « prestation réalisée auprès d’un client dont les intérêts entrent en interférence avec ceux de l’administration bénéficiaire et dont l’objet est en lien avec celui de la prestation de conseil concernée », qui paraît à la fois plus large et mieux ciblée (IV ter).

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*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 11 prévoit l’obligation pour les cabinets de conseil de déclarer les actions de démarchage et de prospection ainsi que les actions de mécénat, par l’intermédiaire d’un téléservice mis en œuvre par la HATVP. Ces informations seraient rendues publiques.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a apporté des précisions rédactionnelles au dispositif.

       Principaux apports de la Commission

Sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a limité de champ de l’article 11 aux seules actions de démarchage ou de prospection qui ont précédé la réalisation d’une prestation de conseil par le même prestataire (amendement CL171) et, sur proposition de M. Bruno Millienne, elle a prévu que les modalités d’application de l’article soient prévues par un décret en Conseil d’État, pris après avis public de la HATVP, plutôt que par la HATVP elle-même (amendement CL132). Elle a également adopté deux amendements rédactionnels (amendements CL102 et CL131).

  1.   Les constats de la commission d’enquête

La commission d’enquête a indiqué avoir documenté l’existence d’un « démarchage organisé de la part des cabinets de conseil envers les autorités publiques ». Certains cabinets proposeraient également un travail complémentaire à titre gratuit, dans le cadre d’un contrat onéreux, afin de démontrer leur « capacité à maîtriser des sujets connexes à la commande initiale », ce qui peut « déboucher sur de nouvelles commandes » ([123]). Selon la commission d’enquête, l’État contrôlerait « trop peu » ce démarchage des cabinets de conseil.

Afin de mieux encadrer ces pratiques commerciales, la commission d’enquête recommandait que les cabinets de conseil déclarent chaque année à la HATVP les actions de démarchage réalisées, à leur initiative, auprès des pouvoirs publics. Ces déclarations seraient ensuite rendues publiques en données ouvertes, sur l’exemple du répertoire des représentants d’intérêts.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 11 prévoit l’obligation pour les cabinets de conseil de déclarer les actions de démarchage ou de prospection et les actions de mécénat.

Le I prévoit que tout prestataire de conseil communique à la HATVP, par l’intermédiaire d’un téléservice :

– les actions de démarchage ou de prospection réalisées auprès des administrations bénéficiaires () ;

– les actions de mécénat, définies par référence à l’article 238 bis du code général des impôts, en précisant le montant des dons et versements du prestataire, les ressources humaines qu’il a mobilisées et les contreparties qu’il a reçues ().

Le II prévoit que, pour la mise en œuvre du dispositif, la HATVP détermine le modèle, le contenu, les modalités et le rythme des déclarations (), ainsi que le modèle, le contenu, les modalités et le rythme des déclarations ().

Comme le suggérait la commission d’enquête, le dispositif proposé s’inspirerait du système applicable aux représentants d’intérêts. Aux termes des articles 18-1 et suivants de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique précitée, ceux-ci doivent en effet déclarer les actions de lobbying réalisées sur une plateforme en ligne, gérée par la HATVP ([124]).

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, et par cohérence avec les modifications apportées à l’article 5, la commission des Lois du Sénat a apporté des précisions rédactionnelles au dispositif ([125]).

En séance publique, le Sénat n’a pas modifié cet article.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a limité de champ de l’article 11 aux seules actions de démarchage ou de prospection qui ont précédé la réalisation d’une prestation de conseil par le même prestataire ([126]).

La déclaration et la publication des actions de démarchage ou de prospection réalisées par les prestataires de conseil envers les administrations publiques posent en effet deux difficultés :

– d’une part, les termes employés sont très généraux et tendent à embrasser un champ très large d’actions. Il en résulte une réelle difficulté à appréhender le champ exact de l’obligation, et de ce fait une charge administrative potentiellement très lourde pour le prestataire concerné ;

– d’autre part, les informations demandées, qui seraient rendues publiques, sont susceptibles de révéler des éléments sur la stratégie commerciale de l’entreprise. Elles risquent dès lors de porter atteinte à la liberté d’entreprendre, qui est constitutionnellement garantie.

La modification proposée par vos rapporteurs restreint ainsi les informations transmises à un champ plus pertinent, et directement en lien avec les dérives identifiées par la commission d’enquête. Cette précision ne fait certes pas disparaître intégralement les difficultés mentionnées plus haut, mais contribue à les réduire très nettement.

Par ailleurs, sur proposition de M. Bruno Millienne, la Commission a renvoyé à un décret en Conseil d’État, pris après avis public de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), la définition des modalités de publication des informations relatives aux actions de démarchage, de prospection et de mécénat, retirant ainsi à la HATVP la compétence de définir elle-même ces éléments ([127]).

Cette modification aligne les règles relatives à la communication des informations à la HATVP sur les modalités de publication de ces informations applicables au répertoire numérique des représentants d’intérêt, prévues à l’article 18‑3 de la loi du 11 octobre 2013 précitée.

La Commission a enfin adopté deux amendements rédactionnels de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, et de Mme Miller (amendements CL102 et CL131).

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*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 12 de la proposition de loi définit les conditions dans lesquelles la HATVP peut être saisie et précise l’étendue de ses pouvoirs dans le cadre de sa mission de contrôle déontologique des prestations de conseil. Un droit de communication, un droit d’audition et un pouvoir de vérification sur place sont ainsi prévus. En cas de manquement constaté, la HATVP adresse au prestataire ou au consultant concerné une mise en demeure, et en avise l’administration bénéficiaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a précisé les conditions dans lesquelles la HATVP pouvait être saisie dans le cadre du contrôle déontologique des mobilités des agents publics.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a étendu et précisé les modalités d’intervention du juge des libertés et de la détention en cas de contrôle sur place. En séance publique, sur proposition de M. Jean-Pierre Sueur, et malgré l’avis défavorable du Gouvernement, le Sénat a prévu que la commission des sanctions de la HATVP, créée à l’article 14 de la proposition de loi, puisse se prononcer en cas d’opposition à une demande de la HATVP au nom d’un secret protégé par la loi.

       Principaux apports de la Commission

La Commission a adopté sept amendements :

– sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, et malgré l’avis défavorable de votre rapporteur, M. Nicolas Sansu, la Commission a supprimé la saisine de la HATVP par une organisation syndicale de fonctionnaires (amendement CL133) et a supprimé la procédure permettant à la commission des sanctions de se prononcer sur le bien-fondé du motif d’un refus de communication (amendement CL129) ;

– elle a par ailleurs adopté un amendement de M. Pradal, sous-amendé par votre rapporteur M. Millienne, qui a supprimé la possibilité de mettre en demeure un consultant (amendements CL33 et CL169) ;

– elle a par ailleurs adopté un amendement de Mme Cécile Untermaier prévoyant un délai de quinze jours pour que le consultant puisse se conformer à la mise en demeure de la HATVP (amendement CL27) ;

– elle a précisé que les contrôles sur place de la HATVP réalisés dans un lieu affecté au domicile privé ne peuvent se porter que sur le domicile d’un consultant (amendement CL135) ;

– elle a enfin adopté un amendement rédactionnel de vos rapporteurs (amendement CL154).

  1.   L’état du droit

Les conditions dans lesquelles la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et l’étendue de ses pouvoirs peuvent être saisies sont prévues par la loi (notamment par la loi du 11 octobre 2013 et par le code général de la fonction publique) et dépendent des missions concernées.

Ainsi, lorsqu’il est constaté qu’un responsable public ne respecte pas ses obligations déontologiques, déclaratives ou de déport, ou portant sur la compatibilité entre une activité lucrative avec certaines fonctions publiques, la Haute Autorité peut se saisir d’office ou être saisie par le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat. Elle peut également être saisie par l’une des associations anti-corruption agréées par elle.

Elle peut demander aux responsables publics concernés par ces obligations toute explication ou tout document nécessaire à l’exercice de ses missions. Elle peut entendre ou consulter toute personne dont le concours lui paraît utile.

Elle peut par ailleurs charger un ou plusieurs de ses membres ou rapporteurs de procéder ou de faire procéder par les agents de ses services à des vérifications portant sur le contenu des déclarations d’intérêt et de patrimoine.

Elle peut enfin demander à l’administration fiscale communication de la copie des déclarations souscrites un député ou par son conjoint séparé de biens, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ainsi que par les autres responsables publics concernés par ces obligations.

Plus spécifiquement, dans le cadre du contrôle de la compatibilité de l’exercice d’activités professionnelles avec les fonctions de certains responsables publics ([128]), la HATVP est saisie :

– soit par la personne concernée, préalablement au début de l’exercice concerné ;

– soit par son président, dans un délai de deux mois à compter de la connaissance de l’exercice non autorisé de l’activité concernée.

Par ailleurs, dans le cadre du contrôle des obligations applicables aux représentants d’intérêts, la HATVP peut se faire communiquer, sur pièce, par les représentants d’intérêts, toute information ou tout document nécessaire à l’exercice de sa mission, sans que le secret professionnel puisse lui être opposé. Elle peut également procéder à des vérifications sur place dans les locaux professionnels des représentants d’intérêts, sur autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Dans le cadre de cette mission, la Haute Autorité peut être saisie :

– par les responsables publics concernés, sur la qualification à donner à l’activité d’un représentant d’intérêts ;

– par les représentants d’intérêts eux-mêmes, sur le respect de leurs obligations déontologiques ;

– ou par les associations se proposant, par leurs statuts, de lutter contre la corruption, que la HATVP a préalablement agréées en application de critères objectifs définis par son règlement général ([129]).

Enfin, dans le cadre du contrôle déontologique des mobilités des agents publics, la HATVP est saisie, selon les cas, soit par l’autorité hiérarchique, soit, à défaut, par l’agent public lui-même. La HATVP peut également s’autosaisir en cas de défaut de saisine.

Aux fins de réaliser ce contrôle, elle peut à recueillir toute information nécessaire à l’accomplissement de sa mission auprès des personnes publiques et privées, et peut entendre ou consulter toute personne dont le concours lui paraît utile.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 12 de la proposition de loi définit les conditions dans lesquelles la HATVP peut être saisie et précise l’étendue de ses pouvoirs dans le cadre de sa mission de contrôle déontologique des prestations de conseil.

Le I prévoit que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’assure du respect des règles déontologiques fixées par les articles 2, 5 et 9 à 15 de la proposition de loi.

La HATVP serait ainsi compétente pour s’assurer du respect :

– des règles encadrant les pratiques des prestataires et des consultants dans leurs rapports avec l’administration (obligation d’indiquer leur identité dans leurs communications, interdiction d’utiliser les signes distinctifs de l’administration, obligation de mentionner le recours aux consultants sur les documents produits, interdiction de bénéficier d’une adresse électronique comportant le nom de domaine de l’administration bénéficiaire – article 2) ;

– de l’interdiction des missions de pro bono, à l’exception des actions de mécénat (article 5) ;

– du respect des principes déontologiques (probité, intégrité, obligation de faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts – article 9) ;

– de l’élaboration d’un code de conduite avant chaque prestation (article 9) ;

– de la remise d’une déclaration exhaustive, exacte et sincère des intérêts détenus par les prestataires et les consultants à l’administration bénéficiaire (article 10) ;

– de l’obligation de déclaration des actions de démarchage et de prospection ainsi que des actions de mécénat (article 11).

Ce même I prévoit que la HATVP peut se saisir d’office, ou être saisie par certaines personnes, précisément énumérées. Il s’agit de :

– l’administration bénéficiaire de la prestation de conseil () ;

– une organisation syndicale de fonctionnaires () ;

– le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat () ;

– les associations se proposant, par leurs statuts, de lutter contre la corruption, qui ont été agréées par elle (([130]).

Le II précise l’étendue des pouvoirs de la HATVP dans le cadre de sa mission de contrôle déontologique des prestations de conseil.

Le premier alinéa prévoit l’ouverture d’un droit de communication. La HATVP peut ainsi se faire communiquer, sur pièces, par l’administration bénéficiaire de la prestation de conseil, le prestataire ou les consultants, toute information ou tout document nécessaire à l’exercice de sa mission.

Elle peut par ailleurs entendre ou consulter toute personne dont le concours lui paraît utile, sans disposer toutefois de pouvoirs spécifiques à l’encontre de ces tiers.

Le deuxième alinéa prévoit l’ouverture d’un pouvoir de contrôle sur place à la HATVP. Lorsque les vérifications sur place interviennent entre 23 heures et 6 heures, l’autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire compétent est nécessaire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Le dernier alinéa du II prévoit seuls le secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l’État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes ou de la sécurité des systèmes d’information peuvent être opposés à la Haute Autorité dans le cadre de ces contrôles.

Le III de l’article précise enfin les pouvoirs de la HATVP en cas de constatation d’un manquement.

Ainsi, lorsque la HATVP constate un manquement aux règles susmentionnées, celle-ci :

– adresse au prestataire ou au consultant concerné une mise en demeure de respecter les obligations auxquelles il est assujetti, après l’avoir mis en état de présenter ses observations. Elle peut décider de rendre publique cette mise en demeure () ;

– avise l’administration bénéficiaire et, le cas échéant, lui adresse des observations ().

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a étendu le contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD) à l’ensemble des opérations de vérification sur place menées par la HATVP, et non aux seules vérifications intervenant entre 23 heures et 6 heures du matin ([131]).

Elle a par ailleurs confié ce contrôle au JLD du tribunal judiciaire de Paris, comme ce qui est déjà prévu par le droit en vigueur concernant les pouvoirs de contrôle sur place de la HATVP dans sa mission de contrôle des représentants d’intérêts.

Elle a enfin prévu que la visite s’effectue sous l’autorité et le contrôle du JLD qui l’a autorisée, en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant qui peut se faire assister d’un conseil de son choix ou, à défaut, en présence de deux témoins qui ne sont pas placés sous l’autorité des personnes chargées de procéder au contrôle.

En séance publique, suivant l’avis favorable de sa rapporteure et malgré un avis de défavorable du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement de M. Jean‑Pierre Sueur qui prévoit qu’en cas d’opposition à une demande de la HATVP au nom d’un secret protégé par la loi, et après mise en demeure préalable, la commission des sanctions puisse se prononcer sur le bien-fondé du refus opposé à la HATVP ([132]). Lorsque le secret de la défense nationale est invoqué, la commission des sanctions saisit pour avis la commission du secret de la défense nationale.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté sept amendements.

Sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, et malgré l’avis défavorable de votre rapporteur, M. Nicolas Sansu, la Commission a supprimé la saisine de la HATVP par une organisation syndicale de fonctionnaires : ces dernières ont pour mission de représenter les intérêts des agents publics et de défendre leurs droits, mais n’ont pas vocation à participer au contrôle du respect par les cocontractants de l’administration de leurs obligations déontologiques, et de susciter l’action répressive ([133]).

Elle a également supprimé la procédure permettant à la commission des sanctions de la HATVP de se prononcer sur le bien-fondé du motif d’un refus de communication, introduite en séance publique par le Sénat. En effet, ces dispositions, qui paraissent inédites au sein des règles applicables aux autorités administratives indépendantes, manquent de précision et paraissent peu opérantes ([134]).

La Commission a, par ailleurs, adopté un amendement de M. Pradal, sous-amendé par votre rapporteur M. Millienne, qui supprime la possibilité de rendre publique la mise en demeure, dans la mesure où celle-ci a vocation à permettre à l’intéressé de respecter ses obligations et où la publicité de la sanction, qui intervient nécessairement après la mise en demeure, est rendue possible à l’article 13 ([135]).

Elle a par ailleurs adopté un amendement de Mme Cécile Untermaier prévoyant un délai de quinze jours pour que le consultant puisse se conformer à la mise en demeure de la HATVP  ([136]).  Un tel délai paraît en effet pertinent afin de rendre plus effectives les obligations prévues, car les prestations de conseil peuvent être réalisées dans des délais courts ; ce délai semble par ailleurs suffisant au regard des obligations concernées.

La Commission a enfin précisé, suivant la proposition de votre rapporteur M. Bruno Millienne, que les contrôles sur place de la HATVP réalisés dans un lieu affecté au domicile privé ne peuvent se porter que sur le domicile d’un consultant ([137]), et a enfin adopté un amendement rédactionnel de vos rapporteurs ([138]).

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 13 de la proposition de loi détermine les sanctions pouvant être prononcées par la commission des sanctions de la HATVP, créée à l’article 12. Celle‑ci peut ainsi prononcer des amendes administratives, d’un montant maximal de 15 000 euros par manquement. Elle peut également décider de rendre publiques les amendes administratives prononcées, aux frais de l’intéressé, et de l’exclure de la procédure de passation des contrats de la commande publique, pour une durée maximale de trois ans.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois a notamment différencié le montant de l’administrative selon qu’il s’agisse d’une personne physique ou d’une personne morale (15 000 euros par manquement dans le premier cas, 2 % du chiffre d’affaires mondial total dans le second cas), et a précisé que l’exclusion de la procédure de passation des contrats de la commande publique n’est possible qu’en cas de faute professionnelle grave.

       Principaux apports de la Commission

La Commission a adopté un amendement de Mme Cécile Untermaier prévoyant la possibilité de publier, non seulement la sanction, mais également la décision rendue par la commission des sanctions, sous-amendé par votre rapporteur, M. Bruno Millienne (amendement CL28 et CL170). Elle a par ailleurs adopté un amendement de M. Philipe Pradal tendant à supprimer le pouvoir donné à la HATVP d’exclure le cabinet de conseil de la procédure de passation des contrats de la commande publique (amendement CF8). Elle a enfin adopté deux amendements rédactionnels (CL136 et CL137)

  1.   L’état du droit

Depuis la fin des années 1990, le Conseil constitutionnel a reconnu la possibilité, pour les autorités administratives indépendantes, de disposer d’un pouvoir de sanction administrative.

Le champ de ces sanctions est néanmoins encadré, le juge constitutionnel ayant posé certaines limites.

Il a ainsi précisé que la loi ne pouvait doter une autorité administrative indépendante de pouvoirs de sanction que dans la limite nécessaire à l’accomplissement de sa mission ([139]) .

Il a par ailleurs considéré que la sanction susceptible d’être infligée devait être exclusive de toute privation de liberté, et a exigé que l’exercice du pouvoir de sanction soit assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ([140]).

Le juge constitutionnel a également réaffirmé le principe selon lequel les sanctions administratives pouvant être infligées devaient être conformes aux principes constitutionnels applicables à la matière pénale. Après avoir rappelé qu’il résultait de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République qu’une peine ne pouvait être infligée qu’à la condition que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale d’incrimination plus sévère ainsi que le principe du respect des droits de la défense, le Conseil constitutionnel a affirmé que ces exigences ne concernaient pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives, mais s’étendaient à « toute sanction ayant le caractère d’une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire » ([141]).

En l’état du droit, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ne dispose pas de pouvoirs de sanction administrative.

La création d’un pouvoir de sanction administrative a toutefois été déjà proposée par le Gouvernement, dans le cadre de l’examen de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 ». Le projet de loi initial prévoyait en effet la possibilité, pour la HATVP, d’infliger une amende de 30 000 euros en cas de non-respect par un représentant d’intérêts de ses obligations déclaratives ou déontologiques, que l’Assemblée nationale avait portée à 50 000 euros. Soucieux de ne pas remettre en cause l’équilibre trouvé lors de la création de la HATVP ([142]), le Sénat avait substitué à cette sanction administrative des sanctions pénales, qui ont été maintenues dans le texte promulgué.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 13 de la proposition de loi détermine les sanctions pouvant être prononcées par la commission des sanctions de la HATVP, créée par l’article 14 de la proposition de loi.

Le I prévoit la création d’une amende administrative, d’un montant de 15 000 euros par manquement, dont serait passible le fait :

– de ne pas respecter les exigences fixées à l’article 2 (obligation faite aux consultants d’indiquer leur identité dans leurs communications, interdiction d’utiliser les signes distinctifs de l’administration, obligation de mentionner le recours aux consultants sur les documents produits, interdiction de bénéficier d’une adresse électronique comportant le nom de domaine de l’administration bénéficiaire), ou de ne pas mettre fin à un conflit d’intérêts () ;

– de proposer, de réaliser ou d’accepter une prestation de conseil à titre gracieux, à l’exclusion des actions de mécénat () ;

– de ne pas adresser de déclaration d’intérêts ou d’omettre de déclarer une partie substantielle de ses intérêts () ;

– de ne pas communiquer à la HATVP les informations sur les actions de démarchage, de prospection et de mécénat via l’utilisation du téléservice () ;

– d’entraver l’action de la HATVP en refusant de lui communiquer toute information ou pièce utile à l’exercice de sa mission, quel qu’en soit le support, sous réserve de la préservation des secrets mentionnés au dernier alinéa du II de l’article 12 ([143]), ou en transmettant des informations mensongères ().

Le II prévoit que les amendes administratives seraient prononcées par la commission des sanctions de la HATVP, créée par l’article 14 de la proposition de loi, dans les conditions prévues à cet article.

Leur produit serait recouvré comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

La commission des sanctions de la HATVP pourrait également :

– rendre publiques les amendes administratives prononcées, aux frais de l’intéressé () ;

– exclure l’intéressé de la procédure de passation des contrats de la commande publique, pour une durée maximale de trois ans ().

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois a apporté plusieurs précisions au dispositif ([144]).

Elle a ainsi précisé le montant maximal de l’amende administrative pouvant être infligée, en distinguant selon la personne sanctionnée.

Pour une personne physique, le montant de l’amende mentionnée ne pourrait ainsi excéder 15 000 euros par manquement constaté. Pour une personne morale, ce montant pourrait atteindre 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent.

L’amendement adopté prévoit également que le montant de l’amende est proportionné à la gravité des manquements constatés, ainsi qu’à la situation financière de la personne physique ou morale sanctionnée.

La commission des Lois a par ailleurs précisé que l’exclusion du consultant ou du prestataire de conseil de la procédure de passation des contrats de la commande publique n’est possible qu’en cas de faute professionnelle grave, conformément au droit européen.

L’article 57 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE énumère en effet les motifs d’exclusion des marchés publics devant ou pouvant être retenus par les États membres, au nombre desquels figure la commission d’une « faute professionnelle grave qui remet en cause [l’] intégrité » de l’opérateur.

L’amendement opère enfin deux précisions rédactionnelles :

– il prévoit, d’une part, que seuls les consultants et les prestataires de conseil peuvent faire l’objet d’une sanction administrative, et non pas l’administration ;

– il opère, d’autre part, une coordination rédactionnelle avec l’article 5 de la proposition de loi, s’agissant des opérations de mécénat.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Sur proposition de Mme Cécile Untermaier, précisée par un sous-amendement rédactionnel de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, la Commission a rendu possible la publication, la diffusion ou l’affichage de la décision de sanction pécuniaire ou d’un extrait de celle-ci par la commission des sanctions de la HATVP, selon les modalités qu’elle précise, et aux frais de la personne physique ou morale sanctionnée ([145]).

Actuellement, seule la publication de la sanction est prévue, ce qui ne permettrait pas de connaître les faits et le raisonnement suivi par la commission des sanctions. La publication de la décision répond à un impératif de transparence et permet la diffusion des règles déontologiques et de leur interprétation par l’autorité chargée du contrôle.

Malgré l’avis défavorable de vos rapporteurs, la commission a adopté un amendement de M. Philippe Pradal tendant à supprimer le pouvoir donné à la HATVP d’exclure un prestataire ou un consultant ayant commis une faute professionnelle d’une particulière gravité de la procédure de passation des contrats de la commande publique, au motif que cette disposition serait « superfétatoire » au regard des dispositions du code de la commande publique, et notamment de son article L. 2141‑10 ([146]). Comme cela a été exposé précédemment, l’article L. 2141-10 du code de la commande publique porte pourtant sur la passation du marché, et non sur son exécution, et appréhende la notion de conflit d’intérêts sous un angle restrictif – celui des liens qu’entretiennent l’acheteur et l’entreprise candidate.

La Commission a enfin adopté deux amendements rédactionnels de votre rapporteur, M. Bruno Millienne (CL136 et CL137).

 

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Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 12 prévoit la création d’une commission des sanctions au sein de la HATVP, qui serait compétente pour se prononcer sur les manquements constatés à certaines règles et obligations déontologiques prévues par la proposition de loi.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a prévu la nomination de suppléants, la motivation des décisions de la commission des sanctions, et a supprimé la référence aux membres « présents », afin d’éviter que la commission ne puisse se réunir à moins de trois membres.

       Principaux apports de la Commission

La Commission a adopté un amendement rédactionnel de vos rapporteurs (amendement CL138).

 

  1.   L’état du droit

Le Conseil constitutionnel rattache à la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 le droit à un recours juridictionnel effectif, les droits de la défense ([147]), le droit à un procès équitable ([148]) , ainsi que l’impartialité et l’indépendance des juridictions ([149]) .

Il a ainsi développé une jurisprudence sur l’application de ces principes aux autorités administratives ou publiques indépendantes (AAI ou API) exerçant un pouvoir de sanction.

Dans une décision relative à la Commission bancaire (devenue ensuite l’Autorité de contrôle prudentielle et de résolution), le Conseil constitutionnel a jugé que la séparation des fonctions de poursuite et de jugement s’impose aux AAI exerçant des fonctions que la loi qualifie de juridictionnelles ([150]).

Il a par la suite jugé, concernant cette fois-ci l’Autorité de la concurrence, que les principes d’indépendance et d’impartialité découlant de l’article 16 de la DDHC de 1789 sont également applicables à une AAI disposant d’un pouvoir de sanction, même lorsqu’elle n’exerce pas ce pouvoir en tant que juridiction ([151]).

Il en découle qu’il revient au Conseil constitutionnel de s’assurer que, conformément au principe d’impartialité, les fonctions de poursuite et d’instruction sont effectivement séparées du pouvoir de jugement au sein d’une AAI exerçant un pouvoir de sanction.

Le juge constitutionnel n’exige toutefois pas une séparation organique de ces différentes fonctions, une séparation fonctionnelle pouvant suffire. En particulier, s’il admet que le législateur puisse doter les AAI du pouvoir de se saisir d’office en matière de sanction, il s’assure que ce pouvoir ne conduit pas l’autorité à « préjuger la réalité des manquements à examiner » et que l’instruction de l’affaire est assurée par des services faisant l’objet d’une séparation fonctionnelle du collège infligeant les sanctions ([152]). L’organisation interne de l’autorité, ou les modalités selon lesquelles la saisine d’office est décidée ne doivent donc pas donner l’impression d’un pré-jugement ([153]).

Par ailleurs, le Conseil d’État applique les garanties issues régime procédural commandé par l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme aux autorités administratives indépendantes. et notamment le principe d’impartialité de l’autorité chargée de se prononcer sur les sanctions, l’exigence de communication préalable des griefs, le fait de disposer d’un temps suffisant donné à la personne poursuivie pour se défendre, le droit de se défendre soi-même ou de recourir à l’assistance d’une personne de son choix, l’égalité des droits pour l’audition des témoins, ou encore la possibilité d’une assistance gratuite d’un interprète ([154]).

  1.   Le dispositif proposé

L’article 14 de la proposition de loi prévoit la création, au sein de la HATVP, d’une commission des sanctions, et précise sa composition ainsi que ses modalités de saisine.

Il ajoute pour cela un nouvel article 19-1 dans la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Le I dispose ainsi que la HATVP comprend une commission des sanctions, qui peut prononcer les amendes et sanctions administratives mentionnées à l’article 13.

Le II prévoit que la commission des sanctions est composée de trois membres :

– un magistrat administratif, en activité ou honoraire, désigné par le vice-président du Conseil d’État () ;

– un magistrat judiciaire, en activité ou honoraire, désigné par le premier président de la Cour de cassation () ;

– un magistrat financier, en activité ou honoraire, désigné par le premier président de la Cour des comptes ().

Il précise également que l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes ne peut pas être supérieur à un.

Le président de la commission des sanctions est élu par ses membres.

Le III dispose que les membres de la commission des sanctions sont nommés pour une durée de six ans, non renouvelable.

Ils ne peuvent pas être membres du collège ou des services de la HATVP et sont par ailleurs soumis aux mêmes incompatibilités et aux obligations déclaratives que les autres membres de la HATVP. Leurs déclarations de situation patrimoniale et leurs déclarations d’intérêts sont rendues publiques.

Les incompatibilités applicables aux membres de la HATVP

Le IV de l’article 19 de la loi du 11 octobre 2013 dispose que : « Le mandat des membres de la Haute Autorité est incompatible avec toute autre fonction ou tout autre mandat dont les titulaires sont assujettis aux obligations déclaratives prévues aux articles 4 et 11 de la présente loi ». En pratique, cela concerne :

– les membres du Gouvernement ;

– les représentants français au Parlement européen ;

– les titulaires de certaines fonctions exécutives locales, au sein des grandes collectivités ou EPCI (président de conseil régional ou départemental, maire d’une commune de plus de 20 000 habitants, président élu d’un EPCI à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants ou dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 5 millions d’euros, président des autres EPCI dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 5 millions d’euros) ;

– les directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinet de ces autorités territoriales ;

– les titulaires de certaines fonctions non exécutives locales, au sein des grandes collectivités ou EPCI (conseillers régionaux, conseillers départementaux, adjoints aux maires des communes de plus de 100 000 habitants, vice-présidents des EPCI à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants, lorsqu’ils sont titulaires d’une délégation de fonction ou de signature) ;

– les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du Président de la République ;

– les  collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale et du Président du Sénat ;

– les membres de l’organe chargé de la déontologie parlementaire dans chaque assemblée (sauf s’ils sont députés ou sénateurs) ;

– des fonctions de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante ;

– les médiateurs du cinéma, du livre et de la musique ;

– les personnes exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elles ont été nommées en conseil des ministres.

Le IV prévoit que la commission des sanctions est saisie par le Président de la HATVP.

Il encadre par ailleurs la procédure afin de permettre le respect du contradictoire :

– la saisine de la HATVP ne peut intervenir qu’après que l’intéressé a été mis en demeure, dans les conditions prévues à l’article 12 ;

– aucune amende ou sanction administrative ne peut être prononcée sans que l’intéressé ou son représentant n’ait été entendu ou, à défaut, dûment appelé.

Un représentant du collège de la HATVP peut présenter des observations pour le compte de celle‑ci. La commission des sanctions délibère hors la présence de l’intéressé ou de son représentant et du représentant du collège de la HATVP, et statue à la majorité des membres présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

Enfin, le V prévoit que la commission des sanctions établit son règlement intérieur, qui précise ses règles de fonctionnement, les procédures applicables devant elle, et les conditions dans lesquelles elle peut être assistée de rapporteurs.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a apporté trois modifications à l’article 14 ([155]).

Afin de permettre à la commission des sanctions de siéger même en l’absence de l’un de ses membres, l’amendement adopté prévoit ainsi la nomination de suppléants, selon les mêmes modalités et dans les mêmes conditions que les titulaires.

L’amendement prévoit également la motivation des décisions de la commission des sanctions.

Enfin, compte tenu du nombre réduit de membres de la commission des sanctions et de la création de suppléants, l’amendement a supprimé la référence aux membres « présents », afin d’éviter que la commission ne puisse se réunir à moins de trois membres.

En séance publique, le Sénat n’a pas apporté de modifications à cet article.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

La proposition a adopté un amendement rédactionnel de vos rapporteurs ([156]).

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Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 15 complète la liste des exclusions de plein droit des procédures de passation des marchés publics, des marchés de défense et de sécurité, et des contrats de concession, pour y ajouter le cas des personnes qui font l’objet d’une exclusion prononcée par la commission des sanctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique devenue définitive.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 15 de la loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (dite « DDADUE ») a mis en conformité le code de la commande publique (CCP) avec les exigences européennes en prévoyant un mécanisme dit « d’auto-apurement ».

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a complété les deux articles L. 2141-5-1 et L. 3123-5-1 nouvellement créés afin d’assurer la conformité du dispositif au droit européen, en mettant en œuvre un mécanisme de régularisation. En séance publique, le Sénat a adopté deux amendements identiques de Mme Éliane Assassi et de Mme Nathalie Goulet, qui ajoutent les cas de faux témoignage à la liste des motifs d’exclusion de plein droit de la procédure de passation des marchés publics, des marchés de défense ou de sécurité et des contrats de concession.

       Principaux apports de la Commission

La Commission a adopté un amendement de suppression de M. Philippe Pradal, malgré l’avis défavorable de vos rapporteurs (amendement CL9).

  1.   L’état du droit

Aux termes de l’article L. 4 du code de la commande publique (CCP), « les contrats de la commande publique ne peuvent être attribués à des opérateurs économiques ayant fait l’objet des mesures d’exclusion définies par le présent code ».

Le CCP distingue les exclusions de plein droit de la procédure de passation des marchés ([157]) ou des concessions ([158]) des causes d’exclusion facultatives, qui sont à l’appréciation de l’acheteur ([159]) ou de l’autorité concédante ([160]) .

Ces dispositions trouvent respectivement leur origine dans l’article 38 de la directive 2014/23/UE sur l’attribution de contrats de concession et dans l’article 57 de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics.

S’agissant plus particulièrement de l’exclusion de plein droit, celle-ci peut résulter de trois principales catégories de règles.

Elle peut résulter, premièrement, du prononcé de la peine d’exclusion des marchés publics, prévue par l’article 131-34 du code pénal en ce qui concerne les personnes physiques et au 5° de l’article 131-39 du même code pour les personnes morales ([161]), et qui est prononcée à titre de peine complémentaire.

Elle peut résulter, deuxièmement, de la condamnation définitive pour certaines infractions.

Ainsi, les articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du CCP disposent que sont exclues des procédures de passation des marchés ou des concessions les personnes qui ont été condamnées définitivement pour certaines infractions déterminées. Sont ainsi visés le trafic de stupéfiants, la traite des êtres humains, l’escroquerie et sa tentative, l’abus de confiance, le blanchiment et sa tentative, les infractions terroristes prévues aux articles 421-1 à 421-2-4 et 421-5 du code pénal, la concussion, la corruption passive et le trafic d’influence par personne exerçant une fonction publique, la prise illégale d’intérêts, la corruption active et le trafic d’influence commis par les particuliers, les entraves à l’exercice de la justice, la corruption et le trafic d’influence actif, le faux, la corruption des personnes n’exerçant pas une fonction publique, l’association de malfaiteurs et les infractions de fraude fiscale, ainsi que le recel de ces infractions ainsi que les infractions équivalentes prévues par la législation d’un autre État membre de l’Union européenne.

Ces articles prévoient par ailleurs que la condamnation définitive pour l’une de ces infractions ou pour recel d’une de ces infractions d’un membre de l’organe de gestion, d’administration, de direction ou de surveillance ou d’une personne physique qui détient un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle d’une personne morale entraîne l’exclusion de la procédure de passation des marchés de cette personne morale, tant que cette personne physique exerce ces fonctions.

Cette exclusion s’applique par principe pour une durée de cinq ans à partir de la condamnation.

Elle peut résulter, troisièmement, d’autres motifs, et notamment :

– des défauts de régularité au regard des obligations sociales ou fiscales, constatés soit par un juge, soit par les administrations chargées du recouvrement des impôts, cotisations et contributions sociales, soit par les services d’inspection du travail et assimilés (article L. 2141-2 et 2° de l’article L. 2141-4 du CCP) ;

– des états de liquidations judiciaires, de faillites, de redressement judiciaire constatés par le tribunal de commerce (article L. 2141-3 du CCP) ;

– de la violation des règles relatives à la lutte contre le travail illégal, constatées par les services de l’inspection du travail et assimilés ou rapportés par ces derniers aux représentants de l’État (1° de l’article L. 2141-4 et article L. 2141-5 du CCP) ([162]).

Ainsi, dans les différentes situations d’exclusion des procédures de passation de plein droit, l’acheteur ou l’autorité concédante ne fait que constater la présence d’une cause d’exclusion.

La situation est différente dans le cas des clauses d’exclusions facultatives, qui sont à l’appréciation de l’acheteur ou de l’autorité concédante.

L’acheteur peut ainsi exclure de la procédure de passation d’un marché :

– les personnes qui ont fait l’objet de sanctions lors d’un contrat de la commande publique antérieur (article L. 2141-7 CCP) ;

– les personnes qui ne satisfont pas à l’obligation d’établir un plan de vigilance (article L. 2141-7-1 CCP) ;

– les personnes qui ne satisfont pas à leur obligation d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (article L. 2141-7-2 CCP) ;

– les personnes qui ont tenté d’influencer la décision de l’acheteur, d’obtenir des informations confidentielles, ou qui ont eu accès à des informations susceptibles de créer une distorsion de concurrence (article L. 2141-8 CCP) ;

– les personnes qui sont susceptibles d’avoir participé à une entente (article L. 2141-9 CCP) ;

– les personnes qui, par leur candidature, créent une situation de conflit d’intérêts, entendu comme « toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché ou est susceptible d’en influencer l’issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché » (article L. 2141-9 CCP).

Dans de telles situations, l’acheteur (ou l’autorité concédante) apprécie lui-même si les éléments à sa disposition pourraient mener à l’exclusion de l’opérateur économique de la procédure et notamment s’il dispose de preuves suffisantes.

Il est enfin rappelé, comme cela a été exposé dans le commentaire de l’article 10, que si le droit de la commande publique permet de répondre à certaines situations de conflits d’intérêts, c’est principalement au stade de la passation des marchés publics et sous l’angle des liens qu’entretiennent l’acheteur et l’entreprise candidate. Par ailleurs, les cabinets de conseil ne font pas l’objet d’obligations déontologiques spécifiques au regard du code de la commande publique.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 15 de la proposition de loi complète la liste des exclusions de plein droit des procédures de passation des marchés publics, des marchés de défense et de sécurité, et des contrats de concession, pour y ajouter le cas des personnes qui font l’objet d’une exclusion prononcée par la commission des sanctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique devenue définitive.

Le  crée ainsi un nouvel article L. 2141-5-1 du CPP, applicable aux marchés publics, qui prévoit que les personnes qui ont fait l’objet d’une exclusion prononcée par la commission des sanctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et devenue définitive, en application de l’article 13 de la présente proposition de loi, sont exclues de la procédure de passation des marchés publics.

Le  modifie l’article L. 2341-2 du CCP pour prévoir que l’article L. 2141-5-1 nouvellement créé est également applicable aux marchés de défense et de sécurité.

Le  crée un nouvel article L. 3123-5-1 du CPP, qui prévoit les mêmes dispositions en matière de contrats de concession.

Les  et prévoient l’application de ces dispositions à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a complété les deux articles L. 2141-5-1 et L. 3123-5-1 nouvellement créés afin d’assurer la conformité du dispositif au droit européen, en mettant en œuvre un mécanisme de régularisation ([163]).

En effet, l’article 38 de la directive 2014/23/UE et l’article 57 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil précitées prévoient qu’un opérateur économique qui se trouve dans l’un des cas d’exclusion obligatoire mentionnés (et notamment du fait d’une faute professionnelle grave, tel que prévu par la nouvelle rédaction de l’article 13 de la proposition de loi) peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité, malgré l’existence du motif d’exclusion invoqué, et que si ces preuves sont jugées suffisantes, l’opérateur économique concerné n’est pas exclu de la procédure.

L’amendement adopté précise ainsi que l’exclusion prévue aux articles L. 2141-5-1 et L. 3123-5-1 nouvellement créés n’est pas applicable à la personne qui établit qu’elle a régularisé sa situation en réglant l’ensemble des amendes et indemnités dues, en collaborant activement avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et avec l’administration bénéficiaire de la prestation de conseil, et en prenant des mesures concrètes de nature à prévenir la commission d’une nouvelle faute.

Cette rédaction est inspirée de celle des articles L. 2141-5 et L. 3123‑5 du CCP, en vigueur au moment de l’examen de la proposition de loi.

L’amendement adopté opère par ailleurs une précision rédactionnelle.

En séance publique, suivant l’avis favorable de sa rapporteure et malgré un avis de sagesse du Gouvernement, le Sénat a adopté deux amendements identiques de Mme Éliane Assassi et de Mme Nathalie Goulet, qui ajoute les cas de condamnation définitive pour faux témoignage à la liste des motifs d’exclusion de plein droit de la procédure de passation des marchés publics, des marchés de défense ou de sécurité et des contrats de concession ([164]).

En application de l’article 434-13 du code pénal, le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exécution d’une commission rogatoire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

À travers cet ajout, il semble que c’est bien le cas, plus spécifique, de faux témoignage devant une commission d’enquête qui était visé par les auteurs de l’amendement adopté ([165]).

Le quatrième alinéa du III de l’article 6 de l’ordonnance n° 58‑1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit que les dispositions de l’article 434-13 du code pénal sont applicables en cas de faux témoignage devant une commission d’enquête.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

En cohérence avec la position retenue à l’article 13, malgré l’avis défavorable de vos rapporteurs, la Commission a adopté un amendement de suppression de M. Philippe Pradal ([166]).

 

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Section 2
Mieux encadrer les « allers-retours » entre l’administration et les cabinets de conseil

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 16 prévoit une saisine systématique de la HATVP en cas de reconversion de tout agent public dans le secteur du conseil privé lucratif, et de nomination d’une personne ayant travaillé dans le secteur du conseil privé lucratif à tout emploi public. Il prévoit par ailleurs que les agents concernés doivent systématiquement rendre compte de leur activité à la HATVP, tous les six mois et pendant trois ans.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les lois du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ont dessiné le cadre juridique dans lequel s’exercent actuellement les contrôles déontologiques applicables aux anciens responsables publics et aux agents publics.

L’article 34 de la loi du 6 août 2019 a notamment procédé au transfert des compétences de la Commission de déontologie de la fonction publique à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, et prévu la mise en œuvre de contrôles déontologiques gradués en fonction du niveau d’exposition de l’emploi de l’agent public concerné.

       Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat n’a apporté aucune modification à cet article.

       Principaux apports de la Commission

Sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, et malgré l’avis défavorable de votre rapporteur, M. Nicolas Sansu, la Commission a supprimé cet article (amendement CL142).

  1.   L’état du droit

Les lois du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique ont dessiné le cadre juridique dans lequel s’exercent actuellement les contrôles déontologiques applicables aux anciens responsables publics et aux agents publics.

  1.   Le contrôle de la reconversion des anciens responsables publics

La loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a créé la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), et l’a rendue compétente pour procéder au contrôle de la reconversion professionnelle des anciens responsables publics.

Aux termes de son article 23, la HATVP examine ainsi les projets de reconversion professionnelle des personnes ayant exercé, au cours des trois années précédentes :

– des fonctions gouvernementales ;

– des fonctions de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante ;

– ou certaines fonctions exécutives locales, au sein des grandes collectivités ou EPCI (président de conseil régional ou départemental, maire d’une commune de plus de 20 000 habitants, président élu d’un EPCI à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants ou dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 5 millions d’euros, président des autres EPCI dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 5 millions d’euros). 

Sont concernées les personnes souhaitant exercer une activité libérale ou une activité rémunérée au sein d’une entreprise, ou au sein d’un établissement public ou d’un groupement d’intérêt public dont l’activité a un caractère industriel et commercial.

La HATVP peut rendre un avis de compatibilité simple ou avec réserves, ou un avis d’incompatibilité. Les réserves et incompatibilités sont applicables pendant une période de trois ans.

Lorsque l’avis rendu est un avis d’incompatibilité, les actes et contrats conclus en vue de l’exercice de l’activité concernée cessent de plein droit.

Enfin, en cas de violation d’un avis rendu par la HATVP, la personne concernée est mise en mesure de produire des explications. La HATVP publie ensuite au Journal officiel un rapport spécial comprenant l’avis rendu et les observations écrites de la personne concernée, qu’elle transmet au procureur de la République accompagné des pièces en sa possession.

  1.   Le contrôle de la déontologie des agents publics

La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a fait évoluer le cadre juridique applicable aux contrôles déontologiques applicables en cas de mobilité public-privé.

Cette loi a ainsi transféré à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) les compétences de l’ancienne Commission de déontologie de la fonction publique (CDFP), depuis le 1er février 2020.

Elle a par ailleurs mis en place une gradation des contrôles. Pour la plupart des agents, le contrôle déontologique est effectué par l’autorité hiérarchique qui peut, en cas de doute sérieux, soumettre la demande à son référent déontologue ; si le doute subsiste, l’autorité hiérarchique peut alors saisir la HATVP. Concernant les agents les plus exposés aux risques déontologiques, en revanche, la HATVP est saisie d’office.

L’objectif poursuivi par cette réforme était de « tenir compte de l’activité de la commission observée ces dernières années, quand près de 90 % des avis, parce qu’ils ne posent pas de difficulté, sont rendus sous forme simplifiée, et que près de la moitié des avis rendus sous forme collégiale sont des avis de compatibilité. Au total, seulement 2 % des avis rendus par la commission sont des avis d’incompatibilité » ([167]). Le ministre de la Transformation et de la fonction publiques, M. Olivier Dussopt, relevait que « chaque année, 8 000 examens environ sont faits [par la CNFP]. Certains n’ont pas lieu d’être de manière systématique » ([168]).

Le code général de la fonction publique prévoit désormais l’existence de contrôles déontologiques dans plusieurs situations, et notamment :

– s’agissant des agents publics qui cessent ou ont cessé leur activité depuis moins de trois ans, définitivement ou temporairement, et qui souhaitent exercer une activité lucrative (article L. 124-4 du CGFP) ([169]) : il s’agit du contrôle du « pantouflage » ;

– et s’agissant des personnes qui exercent ou ont exercé au cours des trois dernières années une activité privée lucrative et dont la nomination est envisagée à certains emplois publics (art. L. 124-7 du CGFP), qu’il s’agisse d’anciens fonctionnaires (contrôle préalable à la réintégration) ou d’autres personnes (contrôle préalable à la nomination) : il s’agit du contrôle du « rétro-pantouflage ».

Aux termes de l’article L. 124-12 du CGFP, lorsqu’elle est saisie pour émettre un avis sur un projet d’activité privée lucrative présenté par un agent public, ou en cas de recrutement d’un agent contractuel ou de réintégration d’un fonctionnaire sur un emploi exposé, la HATVP réalise un double contrôle.

Elle réalise d’une part un contrôle déontologique, et examine si l’activité exercée par l’agent public risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service, de méconnaître tout principe déontologique (dignité, impartialité, intégrité et probité, neutralité et laïcité). Elle effectue, d’autre part, un contrôle du risque pénal, et vérifie si cette activité est susceptible de placer l’intéressé en situation de commettre le délit de prise illégale d’intérêts.

La HATVP peut rendre trois types d’avis : un avis de compatibilité, de compatibilité avec réserves (celles-ci étant prononcées pour une durée de trois ans), ou d’incompatibilité. Afin d’exercer cette mission, la HATVP peut demander toute information ou tout document à l’agent public ou à l’autorité dont il relève (art. L. 124-14 du CGFP).

Le champ des personnes dont la situation doit être systématiquement examinée par la HATVP diffère selon les cas.

Dans le cas du contrôle des activés lucratives des agents ayant cessé leurs fonctions, la HATVP est saisie d’office lorsque ces agents occupent un emploi « dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient », selon la formulation retenue à l’article L. 124-5 du CGFP.

La liste de ces emplois a été précisée par décret en Conseil d’État et représente, d’après la DGAFP, environ 14 000 emplois.

Le champ des emplois dont le niveau hiérarchique
ou la nature des fonctions le justifient

Aux termes de l’article 2 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique, la liste des emplois concernés comprend :

– les emplois soumis à l’obligation de transmission préalable d’une déclaration d’intérêts (1) :

* dans la fonction publique d’État : chef de service ; secrétaire général de préfecture ; directeur général et directeur général adjoint des directions générales des services de l’État dans les départements et les régions d’outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon ; emplois emportant compétence pour prendre certaines décisions (et notamment la signature de contrats relevant des dispositions du code de la commande publique ou l’attribution d’aides ou de subventions) ; secrétaire général des affaires régionales et leurs adjoints ; directeur département interministériel et leurs adjoints ; responsable de la plate-forme régionale des achats de l’État ;

* dans la fonction publique territoriale : directeur général et directeur général adjoint des services des régions, des départements, des communes et des EPCI à fiscalité propre de plus de 40 000 habitants, des établissements publics assimilés à des communes de plus de 40 000 habitants, ainsi que du Centre national de la fonction publique territoriale ; directeur de caisse de crédit municipal d’une commune de plus de 40 000 habitants et directeur et directeur adjoint des établissements publics assimilés à des communes de plus de 40 000 habitants ; emplois de direction de la ville de Paris ;

* dans la fonction publique hospitalière : directeur de centre hospitalier universitaire et directeur de centre hospitalier régional ; emplois fonctionnels de direction et de directeurs des soins des établissements ;

* les personnes occupant les emplois correspondant à l’exercice de fonctions d’inspection générale ou de contrôle général auprès de corps d’inspections ou de contrôle et les inspecteurs généraux de la ville de Paris ; les personnes exerçant les fonctions de référent déontologues ; les emplois de membres du Conseil général de l’environnement et du développement durable ;

– les magistrats administratifs, les membres du Conseil d’État, de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes (2) ;

– certains emplois soumis à l’obligation de transmission d’une déclaration de situation patrimoniale et d’une déclaration d’intérêts (3)  :

* les membres des cabinets ministériels et les collaborateurs du Président de la République ;

* les directeurs généraux et secrétaires généraux et leurs adjoints des autorités administratives indépendantes ;

* les médiateurs du cinéma, du livre et de la musique ;

* toute autre personne exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elle a été nommée en conseil des ministres ;

* les directeurs, directeurs adjoints et chefs de cabinet des grandes collectivités (région, département, maire d’une commune de plus de 20 000 habitants ou président d’un EPCI à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants).

(1) Articles 2 à 5 du décret n° 2016-1967 du 28 décembre 2016 relatif à l’obligation de transmission d’une déclaration d’intérêts prévue à l’article 25 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

(2) Articles L. 131-7 et L. 231-4-1 du code de justice administrative et aux articles L. 120-10 et L. 220-8 du code des juridictions financières.

(3) 4°, 6°, à l’exception des membres des collèges et des membres des commissions investies de pouvoirs de sanction, 7° et 8° du I de l’article 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Dans le cas d’un contrôle préalable à la nomination ou à la réintégration, en revanche, la liste des personnes concernées par une saisine systématique de la HATVP est plus restreinte, et est précisée à l’article L. 124-8 du même code. Il s’agit :

– des emplois de directeur d’administration centrale ou de dirigeant d’un établissement public de l’État dont la nomination relève d’un décret en conseil des ministres ;

– de directeur général des services des régions, des départements, et des communes et EPCI à fiscalité propre de plus de 40 000 habitants ;

– de directeur d’EP hospitaliers dotés d’un budget de plus de deux cents millions d’euros.

Selon la DGAFP, ce champ représente environ 3 000 emplois.

MODALITÉS DES CONTRÔLES DÉONTOLOGIQUES

 

 

Contrôle des activités lucratives des agents ayant cessé leurs fonctions
(art. L. 124-4 à L. 124-6 du CGFP)

Contrôle préalable à la nomination ou à la réintégration (art. L. 1247 et L. 124-8 du CGFP)

Tous emplois (sauf ceux mentionnés ci-dessous).

Autorité hiérarchique, avec saisine facultative du référent déontologue en cas de doute sérieux, puis de la HATVP

Emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient.

(environ 14 000 emplois)

Contrôle obligatoirement exercé par la HATVP

Autorité hiérarchique, avec saisine facultative du référent déontologue en cas de doute sérieux, puis de la HATVP

 

Emplois :

– de directeur d’administration centrale ou de dirigeant d’un EP de l’État dont la nomination relève d’un décret en conseil des ministres ;

– de directeur général des services des régions, des départements, et des communes et EPCI à fiscalité propre de plus de 40 000 habitants ;

– de directeur d’EP hospitaliers dotés d’un budget de plus de 200 M€.

(environ 3 000 emplois)

Contrôle obligatoirement exercé par la HATVP

Les réserves et les avis d’incompatibilité lient l’administration et s’imposent à l’agent public (art. L. 124-15 du CGFP).

Afin d’apprécier le respect de ses avis, la HATVP peut demander à l’agent public toute explication ou tout document justifiant qu’il respecte son avis et, en l’absence de réponse, elle met en demeure l’agent de répondre dans un délai de deux mois (art. L. 124-18 du CGFP).

Si l’avis n’est pas respecté, plusieurs mesures sont envisageables :

– l’agent public peut ainsi faire l’objet de poursuites disciplinaires ; une retenue sur pension peut être appliquée au fonctionnaire retraité ;

– il est mis fin au contrat dont l’agent est titulaire, sans préavis et sans indemnité de rupture ;

– l’administration ne peut pas procéder au recrutement du contractuel pendant trois ans (art. L. 124-20 du CGFP).

La HATVP peut également effectuer un signalement au parquet lorsque la violation de réserves ou d’un avis d’incompatibilité a conduit la personne à commettre des faits susceptibles d’être qualifiés de prise illégale d’intérêts.

  1.   Les constats de la commission d’enquête

Tout en relevant que le recrutement de responsables publics par les cabinets de conseil constituait un phénomène limité, la commission d’enquête du Sénat a identifié plusieurs enjeux déontologiques et appelait à de « nouvelles précautions ».

Selon les données obtenues par la commission d’enquête auprès de la HATVP, 7 agents auraient ainsi quitté la fonction publique pour partir travailler dans un cabinet de conseil entre février 2020 et janvier 2022, et 8 personnes auraient été nommées à des emplois publics depuis le secteur de conseil (sur 264 dossiers de reconversion et 573 avis de pré-nomination traités par la HATVP au total sur la période).

Les données de la HATVP sont néanmoins partielles, puisqu’elles ne portent que sur les avis qu’elle a rendus.

Le rapport de la commission d’enquête relevait que les profils recrutés correspondaient « souvent à des responsables publics de haut niveau », que ces recrutements permettaient de « renforcer leur légitimité auprès de leurs clients », et pouvaient même « devenir un argument de vente pour les cabinets de conseil ». 

Elle considérait par ailleurs que les mobilités des responsables publics vers et depuis les cabinets de conseil les exposaient au risque pénal de prise illégale d’intérêts.

Elle relevait enfin que les moyens de la HATVP n’étaient pas suffisants pour assurer le suivi des réserves émises.

La commission d’enquête suggérait dès lors de prévoir un contrôle déontologique systématique de la HATVP lorsqu’un responsable public ([170]) part exercer une activité de consultant (« pantouflage ») ou lorsqu’un consultant rejoint l’administration (« rétro-pantouflage »), lorsqu’un responsable public devient consultant, l’obliger à rendre compte de son activité à la HATVP, à intervalles réguliers – tous les 6 mois – et sur une période de 3 ans ([171]).

  1.   Le dispositif proposé

L’article 16 de la proposition de loi prolonge ces recommandations.

L’exposé des motifs précise ainsi que l’article 16 prévoit, d’une part, un contrôle systématique de la HATVP lorsqu’un responsable public part exercer une activité de consultant dans le secteur privé ou lorsqu’un consultant rejoint l’administration et, d’autre part, que lorsqu’un responsable public devient consultant, il devrait désormais rendre compte de son activité à la HATVP à intervalles réguliers.

La rédaction proposée laisse néanmoins planer une ambiguïté quant aux objectifs poursuivis par le texte et à sa portée réelle, s’agissant de la systématisation des contrôles de la HATVP.

Le  prévoit ainsi une saisine systématique de la HATVP, dans les mêmes conditions que celles déjà prévues à l’article L. 124-5 (c’est-à-dire lorsque la demande émane d’un agent public occupant ou ayant occupé au cours des trois dernières années un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient), « lorsque l’agent public cessant ou ayant cessé ses fonctions depuis moins de trois ans, définitivement ou temporairement, souhaite fournir des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif ».

Le prévoit par ailleurs une saisine systématique de la HATVP, dans les mêmes conditions que celles déjà prévues à l’article L. 124-8, (c’est-à-dire lorsque l’autorité hiérarchique envisage de nommer une personne exerçant ou ayant exercé au cours des trois dernières années une activité privée lucrative à l’une des trois catégories mentionnées à cet article ([172])), « lorsque l’autorité hiérarchique envisage de nommer une personne fournissant ou ayant fourni des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif au cours des trois dernières années ».

Les prestations de conseil dans le secteur privé lucratif étant incluses dans la notion, plus générale, d’activité privée lucrative mentionnée aux articles L. 124-4 et L. 124-8 du CGFP, ces ajouts ne modifient aucunement le champ des contrôles de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique.

Ce n’est pourtant pas l’interprétation donnée par la rapporteure du texte au Sénat, qui considérait que « tout agent public cessant ou ayant cessé ses fonctions depuis moins de trois ans et qui souhaiterait “ fournir des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif ” verrait ainsi sa demande soumise directement et obligatoirement à l’avis préalable de la HATVP » et que « de manière symétrique, la HATVP serait obligatoirement saisie par l’autorité hiérarchique lorsque celle-ci envisagerait de nommer, à quelque poste que ce soit dans l’administration, “ une personne fournissant ou ayant fourni des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif au cours des trois dernières années » ([173]).

Cette discordance a été relevée lors des débats en séance publique ([174]).

Le propose de systématiser le suivi des avis émis par la HATVP, lorsque ceux-ci portent sur la fourniture de conseil dans le secteur privé lucratif. Quelle que soit la nature de l’avis rendu (qu’il s’agisse d’un avis de compatibilité simple ou avec réserves ou d’incompatibilité), la personne concernée aurait l’obligation de rendre compte de son activité à la HATVP, tous les six mois et pendant trois ans, et ce, sans que la HATVP ait à demander les éléments concernés, comme c’est le cas actuellement.

Enfin, les et procède à des coordinations rédactionnelles.

En tout état de cause, ces ajouts impliqueraient, à côté du principe de gradation des contrôles, un régime de contrôle distinct, fondé sur la nature de l’activité lucrative exercée, et non sur le niveau de responsabilité exercé dans les emplois publics concernés.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat n’a apporté aucune modification à cet article.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Sur proposition de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, et malgré l’avis défavorable de votre rapporteur, M. Nicolas Sansu, la Commission a supprimé cet article.

En l’état de la rédaction proposée, et comme cela a été exposé, les alinéas 1 à 6 ne semblent pas avoir de portée juridique concrète.

Au demeurant, l’intention affichée par les auteurs de la proposition de loi, et rappelée par la rapporteure du texte au Sénat, de systématiser la saisine de la HATVP en cas de mobilité de tout agent public, quelles que soient ses responsabilités, vers ou depuis un cabinet de conseil, entre en contradiction avant les avancées réalisées depuis la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, et poserait d’importantes difficultés opérationnelles :

– la réforme opérée en 2019, qui a conduit à fusionner l’ancienne Commission de déontologie de la fonction publique avec la HATVP, devait permettre d’exercer un meilleur contrôle sur les seules fonctions les plus exposées aux risques déontologiques et de prise illégale d’intérêts, et de responsabiliser les administrations. De nombreux responsables publics, qu’ils soient agents publics ou qu’ils aient exercé des fonctions ou des mandats politiques, entrent ainsi déjà dans le champ des contrôles obligatoires de la HATVP ;

– l’extension à l’intégralité des mobilités d’agents publics conduirait mécaniquement à HATVP à contrôler un grand nombre de mobilités qui ne présentent aucun risque déontologique, et qui font actuellement l’objet d’un contrôle de premier rang par l’autorité hiérarchique de l’agent ;

– la référence à un secteur d’activité ou à une profession en particulier pose une question de principe, dès lors que d’autres secteurs ou d’autres professions « sensibles » au regard des enjeux déontologiques ne seraient pas mentionnés ;

– cette procédure alourdirait les processus de recrutement de certains contractuels dont les compétences sont pourtant recherchées (dans le domaine informatique par exemple), alors même que ces personnels n’auraient pas vocation à exercer des emplois exposés. Cela affaiblirait l’attractivité de l’État employeur, dans un contexte où la volonté de développer le conseil interne peut nécessiter de recruter des profils techniques.

*

*     *

Chapitre V
Assurer une meilleure protection des données de l’administration

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 17 encadre l’utilisation des données collectées par les prestataires et les consultants auprès de l’administration bénéficiaire, en interdisant leur réutilisation et en exigeant leur suppression dans un délai d’un mois. Il donne de plus à l’administration la possibilité de saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) en cas de doute sur le respect de ces dispositions.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a supprimé l’obligation pesant sur la CNIL d’aviser préalablement le prestataire ou le consultant en cas de contrôle sur place.

       Principaux apports de la Commission

Sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a adopté trois compléments au dispositif :

– elle a prévu que les données et les traitements réalisés sur ces données soient remis à l’administration bénéficiaire avant la suppression de ces données (amendement CL163) ;

– elle a précisé que le prestataire et les consultants transmettent à l’administration bénéficiaire une déclaration attestant que les données ont bien été détruites (amendement CL155) ;

– elle a enfin prévu qu’en cas de non-respect des obligations prévues à cet article, la CNIL en informe l’administration bénéficiaire, qui peut alors saisir la HATVP sur ce fondement (amendement CL164) ;

Elle a par ailleurs adopté deux amendements rédactionnels (amendements CL143 et CL144).

  1.   L’état du droit

Dans le cadre de leurs travaux, les prestataires de conseil peuvent avoir accès à certaines informations dont disposent les administrations.

L’utilisation et la conservation des données personnelles collectées par ce biais sont encadrées par les règles générales qui leur sont applicables, et notamment par les principes issus du règlement général sur la protection des données (RGPD), qui sont contrôlés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

En revanche, le droit en vigueur ne prévoit pas de garanties visant à assurer la confidentialité des données non personnelles, dont les modalités d’exploitation, de conservation et de réutilisation sont généralement prévues par le contrat liant l’administration à son prestataire.

  1.   Les constats de la commission d’enquête

La commission d’enquête du Sénat a cherché à savoir si, et dans quelles conditions, l’administration mettait à disposition des cabinets de conseil des informations sensibles, quelles étaient les garanties de confidentialité apportées, et s’il était possible que ces données soient réemployées par les prestataires dans d’autres contextes.

Si la commission d’enquête n’a pas été en mesure de trancher clairement la question de savoir si des cabinets de conseil réemployaient effectivement les données collectées auprès d’une personne publique dans le cadre de missions ultérieures avec d’autres acteurs, elle a en revanche considéré que les garanties en matière de protection et de confidentialité pouvaient apparaître « insuffisamment contrôlées » ([175]).

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat proposait ainsi de prévoir la destruction systématique des données confiées aux cabinets de conseil à l’issue de la mission et, en cas de doute, de permettre à l’administration de saisir la CNIL pour qu’elle puisse diligenter des contrôles ([176]).

  1.   Les mesures prises depuis les travaux de la commission d’enquête

Depuis le début de l’année 2022, des mesures ont été prises pour renforcer la protection des données de l’administration.

La circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 précitée a rappelé plusieurs principes en matière de protection des données.

En particulier, les cahiers des charges des marchés devront contenir des clauses obligeant les bénéficiaires à respecter les standards de protection des données et de confidentialité en vigueur. Ces clauses devront en outre permettre de s’assurer qu’aucune donnée collectée par les cabinets de conseil ne soit ultérieurement communiquée en dehors des donneurs d’ordre.

Ces clauses devront également prévoir qu’à l’issue de chaque mission, le prestataire retourne à l’administration bénéficiaire l’intégralité des données transmises, puis qu’il supprime sans délai ces données.

Par la suite, le nouvel accord-cadre de la DITP, publié en juillet 2022, a renforcé les exigences en matière de protection des données.

Le paragraphe 9.3.2 du cahier des clauses administratives particulières prévoit ainsi notamment, dans une rédaction similaire à celle prévue par la proposition de loi, que les données collectées auprès de l’administration bénéficiaire ou des tiers avec qui ils échangent pour les besoins de leur prestation sont utilisées dans le seul objectif d’exécuter cette même prestation, et que toute utilisation pour une autre finalité est interdite.

Le paragraphe 9.3.3.1 stipule quant à lui que le titulaire garantit la destruction des données utilisées dans le cadre de la réalisation des prestations, dans un délai d’un mois après la restitution de ces données à l’administration.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 17 de la proposition de loi encadre l’utilisation des données collectées par les prestataires et les consultants auprès de l’administration bénéficiaire, et donne à l’administration la possibilité de saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés en cas de doute sur le respect de ces dispositions.

Le I prévoit que les données que le prestataire et les consultants collectent auprès de l’administration bénéficiaire ou des tiers avec qui ils échangent pour les besoins de leur prestation sont utilisées dans le seul objectif d’exécuter cette même prestation. Il interdit toute utilisation pour une autre finalité.

Il prévoit également que le prestataire et les consultants suppriment ces données dans un délai d’un mois à l’issue de la prestation.

Le II prévoit que ces dispositions ne s’appliquent pas aux données publiées par l’administration bénéficiaire ou par les tiers précités.

Le III prévoit que, lorsque l’administration bénéficiaire ou les tiers ont un doute sur le respect de ces dispositions, ils peuvent saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui peut alors procéder aux contrôles dont elle est chargée en application de l’article 19 de la loi du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés » ([177]), et notamment réaliser des contrôles sur place ou exercer son droit de communication.

En cas de contrôle sur place, la CNIL avise le prestataire et les consultants concernés.

Alors que la CNIL est habituellement compétente pour contrôler le respect des règles applicables à la protection des données personnelles, l’article prévoit qu’elle pourrait procéder à de tels contrôles y compris lorsque des données qui n’ont pas de caractère personnel sont en cause. Il s’agirait là d’une extension « ponctuelle » des compétences de la CNIL ([178]).

Le IV renvoie enfin à un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le soin de définir les modalités d’application du dispositif.

Le dispositif ne prévoit pas de sanction en cas de non-respect des obligations et interdictions prévues au I. La rapporteure du texte au Sénat indiquait qu’une extension des pouvoirs de sanction de la CNIL lorsque des données non personnelles sont en cause « lui semblait par trop modifier l’esprit de la loi “ Informatique et Libertés ” du 6 janvier 1978 ».

En revanche, les sanctions prévues par l’article 226-22-2 du code pénal en cas d’entrave à l’action de la CNIL resteraient applicables.

Article 226-22-2 du code pénal

Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait d’entraver l’action de la Commission nationale de l’informatique et des libertés :

1° Soit en s’opposant à l’exercice des missions confiées à ses membres ou aux agents habilités […] lorsque la visite a été autorisée par le juge ;

2° Soit en refusant de communiquer à ses membres ou aux agents […], ou aux agents d’une autorité de contrôle d’un État membre de l’Union européenne […], les renseignements et documents utiles à leur mission, ou en dissimulant lesdits documents ou renseignements, ou en les faisant disparaître ;

3° Soit en communiquant des informations qui ne sont pas conformes au contenu des enregistrements tel qu’il était au moment où la demande a été formulée ou qui ne présentent pas ce contenu sous une forme directement accessible.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a supprimé l’obligation pesant sur la CNIL d’aviser préalablement le prestataire ou le consultant en cas de contrôle sur place, afin de « prévenir tout risque de dépérissement des preuves » ([179]).

D’après le rapport de la commission des Lois du Sénat, la CNIL était favorable à cette suppression, car « il pourrait y avoir en la matière des risques de dissimulation plus élevés qu’en matière de traitement de données personnelles, dans la mesure où il est difficile pour un responsable de traitement de chercher à modifier en urgence ses traitements, mais moins de faire migrer des données ou de les effacer en urgence ».

Il est rappelé que le II de l’article 19 de la loi du 6 janvier 1978 précitée prévoit qu’en cas de contrôle sur place, le responsable des lieux contrôlés est informé de son droit d’opposition à la visite, et que, lorsqu’il exerce ce droit, la visite ne peut se dérouler qu’après l’autorisation du juge et des libertés et de la détention.

Toutefois, en cas d’urgence ou lorsque la gravité des faits à l’origine du contrôle ou le risque de destruction ou de dissimulation de documents le justifient, la visite peut avoir lieu sans information ni droit d’opposition du responsable des lieux, après autorisation du juge des libertés et de la détention.

En séance publique, le Sénat n’a pas apporté de modification à cet article.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Sur proposition de vos rapporteurs, la Commission a adopté trois compléments au dispositif.

Premièrement, elle a prévu que les données transmises par l’administration bénéficiaire ainsi que les traitements réalisés sur celles-ci lui soient remis avant leur suppression ([180]).

Deuxièmement, elle a précisé que le prestataire et les consultants transmettent à l’administration bénéficiaire une déclaration attestant que les données ont bien été détruites ([181]). Cette déclaration serait opposable, ce qui engagerait donc davantage le prestataire et les consultants.

Troisièmement, elle a prévu qu’en cas de non-respect des obligations prévues à cet article, la CNIL en informe l’administration bénéficiaire, qui peut alors saisir la HATVP sur ce fondement ([182]). L’intention de vos rapporteurs est que la commission des sanctions HATVP puisse alors infliger une sanction administrative pour méconnaissance des obligations prévue au I, ce qui nécessitera d’apporter une précision lors de l’examen du présent article en séance publique.

Elle a par ailleurs adopté deux amendements rédactionnels (amendements CL143 et CL144).

*

*     *

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 18 prévoit la création d’une procédure d’audit de la sécurité des systèmes d’information des prestataires de conseil, selon un référentiel établi par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). La réalisation d’un tel audit serait obligatoire pour pouvoir réaliser une mission auprès d’une administration bénéficiaire.

 

       Les modifications apportées par le Sénat

La commission a préféré faire référence au référentiel de l’ANSSI déjà existant en matière d’audit de la sécurité des systèmes d’information (le référentiel d’exigences applicables aux prestataires d’audit de la sécurité des systèmes d’information, ou « PASSI »), plutôt que prévoir la création d’un nouveau référentiel et d’une procédure de certification spécifique. Elle a par ailleurs précisé que l’audit produit doit attester d’un niveau minimal de sécurité.

       Principaux apports de la Commission

Sur proposition de Mme Laure Miller, et suivant l’avis favorable de vos rapporteurs, la commission a assoupli les exigences prévues à l’article 18 :

– elle a rendu optionnelle l’exigence de réaliser un audit de sécurité, au choix de l’administration ;

– elle l’a conditionnée au fait que l’objet ou les caractéristiques du marché nécessitent un haut niveau de sécurité des systèmes d’information ;

– elle a élargi le champ des audits pouvant être réalisés, au-delà de l’audit « PASSI », à tout document, équivalent d’un autre État membre de l’Union européenne, attestant d’un niveau minimal de sécurité (amendement CL107).

  1.   L’état du droit

Créée par décret en 2009 ([183]), l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) est l’autorité nationale en matière de sécurité des systèmes d’information. Elle prend la forme d’un service à compétence nationale, rattaché au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale.

À ce titre, l’agence assure la fonction d’autorité nationale de défense des systèmes d’information : elle propose au Premier ministre les mesures destinées à répondre aux crises affectant la sécurité des systèmes d’information des autorités publiques et des opérateurs d’importance vitale, et coordonne l’action gouvernementale en matière de défense des systèmes d’information.

L’agence est par ailleurs compétente pour se prononcer sur la sécurité des dispositifs et des services nécessaires à la protection des systèmes d’information qui sont offerts par les prestataires informatiques.

Elle est en particulier chargée de délivrer certaines qualifications, certifications, habilitations et agréments, relatifs aux matériels et logiciels ainsi qu’aux prestataires contribuant à la sécurité des systèmes d’information ([184]).

  1.   Les constats de la commission d’enquête

La commission d’enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques a fait état de risques spécifiques concernant les systèmes d’information utilisés par les cabinets de conseil.

En effet, les cabinets de conseil peuvent être l’objet de cyberattaques, ou faire l’objet de demandes de communication de la part d’autorités étrangères, notamment américaines, concernant les données hébergées sur des serveurs distants, en application du Cloud Act ([185]) américain. Il en résulterait une « source de vulnérabilité pour l’État ».

Auditionnée par la commission d’enquête, l’ANSSI avait indiqué, par la voix de son ancien directeur général, n’être en mesure de se prononcer ni sur le niveau de sécurité des cabinets de conseil, ni sur leur capacité à protéger l’information de leurs clients.

La commission proposait de faire réaliser par l’ANSSI un référentiel d’audit de la sécurité des systèmes d’information attendue des prestataires réalisant une mission de conseil pour l’État et ses opérateurs, et de faire figurer, dans les pièces nécessaires pour candidater à un appel d’offres public, l’attestation de réalisation de cet audit ([186]).

La réalisation préalable de cet audit serait ainsi nécessaire pour effectuer une mission de conseil au bénéfice de l’administration.

  1.   Les mesures prises suite aux travaux de la commission d’enquête

Par la suite, des mesures ont été prises pour renforcer les exigences portant sur la sécurité des systèmes d’information des prestataires de l’État.

La circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 relative à l’encadrement par les administrations et les établissements publics de l’État aux prestations intellectuelles prévoit que « les données [transmises par l’administration au prestataire de conseil] qui revêtiraient une sensibilité particulière au sens de la circulaire du 5 juillet 2021 relative à la doctrine d’utilisation de l’informatique en nuage par l’État, devront être impérativement hébergées dans des solutions internes à l’État ou respectant la qualification SecNumCloud de l’ANSSI et protégées contre tout transfert de données en dehors de l’Union européen du fait d’une règlementation extracommunautaire ».

Par ailleurs, le cahier des clauses administratives particulières relatif à l’accord-cadre de la DITP de juillet 2022 prévoit des mesures complémentaires visant à assurer la sécurité des données de l’administration. Ainsi, aux termes du paragraphe 9.3.3.1, lorsque le titulaire est amené à manipuler des informations transmises par l’administration, celle-ci peut imposer des mesures complémentaires et requérir, par exemple, l’usage de solutions détenant un visa de sécurité de l’ANSSI, ou ayant été auditées par un prestataire qualifié par l’ANSSI. Les données particulièrement sensibles doivent faire l’objet d’un hébergement non exposé au droit extra-communautaire et respectant les exigences du référentiel SecNumCloud, et le prestataire doit garantir l’hébergement des données de l’administration sur le territoire national, sauf accord du haut fonctionnaire de défense et de sécurité et dérogation dûment motivée et précisée.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 18 de la proposition de loi prévoit la création d’une procédure d’audit de la sécurité des systèmes d’information des prestataires de conseil, qui serait obligatoire pour pouvoir réaliser une mission auprès d’une administration bénéficiaire.

Le I prévoit que l’ANSSI établit un référentiel d’audit de la sécurité des systèmes d’information attendu d’un prestataire de conseil.

Cet audit est conduit par un tiers indépendant, dont la certification est assurée par l’agence.

Le II prévoit que pour participer à la procédure de passation d’un contrat de la commande publique pour une administration bénéficiaire, le prestataire de conseil produit une attestation prouvant que l’audit a été réalisé.

Le III renvoie les modalités d’application à un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’ANSSI.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a modifié la procédure d’audit nouvelle créée par le texte ([187]).

D’une part, la commission a préféré faire référence au référentiel de l’ANSSI déjà existant en matière d’audit de la sécurité des systèmes d’information, plutôt que prévoir la création d’un nouveau référentiel et d’une procédure de certification spécifique.

En effet, l’ANSSI dispose d’un référentiel d’exigences applicables aux prestataires d’audit de la sécurité des systèmes d’information (PASSI) ([188]). D’après l’ANSSI, et comme le précise la rapporteure, ce dispositif serait « adapté au regard des pratiques informatiques des cabinets de conseil, qui reposent majoritairement sur des outils bureautiques standards » ([189]).

De plus, l’ANSSI ne certifie pas directement les tiers indépendants : elle délègue leur qualification à des centres d’évaluation agréés pour réaliser les évaluations de sécurité, et dont elle vérifie les compétences.

Ainsi, la rédaction adoptée par la commission des Lois prévoit que pour participer à la procédure de passation d’un contrat de la commande publique, le prestataire de conseil doit produire les conclusions d’un audit de sécurité réalisé par un tiers, qualifié selon le référentiel d’exigences PASSI.

D’autre part, la commission des Lois a précisé que l’audit produit doit attester d’un niveau minimal de sécurité.

En effet, la rédaction initiale du texte prévoyait simplement que le prestataire de conseil devait produire une attestation que l’audit a été réalisé, sans préciser le niveau de sécurité attendu : un cabinet de conseil ayant fait l’objet d’un audit dont les conclusions seraient défavorables pourrait théoriquement se porter candidat au marché public. 

Ce niveau minimal de sécurité serait défini dans le décret prévu au III de l’article.

En séance publique, le Sénat n’a pas apporté de modification à cet article.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Interrogée par vos rapporteurs, l’ANSSI a indiqué que, si cet article visait l’amélioration de la sécurité informatique de l’administration et traduisait ainsi une démarche positive, il posait en l’état trois difficultés importantes.

Premièrement, il met sur un même plan toutes les prestations de conseil, alors que l’enjeu de sécurité informatique n’est pas le même.

Deuxièmement, il ne semble pas tenir compte du renforcement très prochain du cadre réglementaire au travers de la transposition de la directive NIS 2 (Network and Information Security), qui mettra en œuvre un référentiel de sécurité général, auquel devront se conformer un grand nombre d’acteurs au regard de leur sensibilité.

Enfin, ces exigences risquent de peser lourdement sur le marché des prestations d’audit de sécurité des systèmes d’information, et de conseil en cyber-sécurité de manière générale, alors que les prestataires spécialisés ont des capacités limitées et vont être fortement sollicités par le besoin d’accompagnement des nouveaux acteurs assujettis à la directive NIS 2. Il y a actuellement 66 PASSI qualifiés auprès de l’ANSSI, qui réalisent chacun en moyenne environ une dizaine de prestations d’audit dites « qualifiées » par an, c’est-à-dire conformes au référentiel PASSI.

Plus généralement, vos rapporteurs ont été alertés, à plusieurs reprises, concernant les conséquences que la mise en œuvre d’une telle obligation générale pourrait avoir sur le marché du conseil, et plus particulièrement sur les petites et moyennes entreprises de conseil. Ces structures ne disposent généralement pas de qualification en sécurité informatique, et l’obtention d’une telle qualification représenterait pour elles des coûts très importants.

Ainsi, bien qu’ils partagent l’objectif de mieux protéger les données de l’administration qui sont temporairement collectées par les prestataires et les consultants pour les besoins de la réalisation de leur mission, vos rapporteurs considèrent qu’une obligation générale et indifférenciée de réaliser un audit de sécurité informatique telle qu’elle est prévue par le présent article pénaliserait les petites sociétés de conseil, au bénéfice des plus grandes.

Vos rapporteurs ont donc donné un avis favorable à la proposition de Mme Laure Miller, adoptée par la Commission, qui a assoupli les exigences prévues à l’article 18 en matière de sécurité informatique ([190]). En effet :

– elle a rendu optionnelle l’exigence de réaliser un audit de sécurité, au choix de l’administration, qui peut l’imposer au stade de la procédure de passation d’un contrat de la commande publique ;

– elle l’a conditionnée au fait que l’objet ou les caractéristiques du marché nécessitent un haut niveau de sécurité des systèmes d’information ;

– elle a élargi le champ des audits pouvant être réalisés, au-delà de l’audit « PASSI », à tout document équivalent d’un autre État membre de l’Union européenne, attestant d’un niveau minimal de sécurité.

*

*     *

Chapitre VI
Entrée en vigueur

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 19 assure l’application de la loi aux contrats en cours à la date de sa promulgation. Il prévoit une période transitoire de deux mois concernant l’élaboration du code de conduite, et de trois mois pour la transmission des déclarations d’intérêts des prestataires et des consultants.

       Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de coordination avec la nouvelle rédaction de l’article 5.

       Principaux apports de la Commission

Sur proposition de Mme Laure Miller, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, et malgré l’avis défavorable de votre rapporteur, M. Nicolas Sansu, la Commission a supprimé cet article (amendement CL108).

  1.   Le dispositif proposé

En l’absence de précisions, les dispositions de la proposition de loi ne s’appliqueraient qu’aux missions de conseil réalisées à compter de sa promulgation, ainsi qu’aux mobilités professionnelles d’agents publics intervenus à partir de cette date.

En particulier, ces dispositions ne s’appliqueraient pas aux prestations effectuées en application des accords-cadres actuellement en vigueur, et notamment ceux de la DITP et de l’UGAP.

Selon la rapporteure du texte au Sénat, ces accords-cadres, qui ont été renouvelés en 2022 pour une durée de quatre ans, représentent des enjeux financiers significatifs.

Afin de couvrir l’ensemble des prestations de conseil effectivement réalisées à compter de sa promulgation, l’article 19 assure l’application de la loi aux contrats en cours, lui conférant ainsi un caractère rétroactif.

Le I dispose que la loi s’applique aux prestations de conseil en cours à la date de sa promulgation, et prévoit deux périodes transitoires. Ainsi :

– le code de conduite prévu au II de l’article 9 est rédigé dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi ;

– les déclarations d’intérêts des prestataires et des consultants, prévues à l’article 10, sont adressées à l’administration bénéficiaire dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi.

Le II dispose que les prestations de conseil à titre gracieux, en cours à la date de promulgation de la loi, cessent de plein droit, à l’exclusion des actions de mécénat mentionnées à l’article 238 bis du code général des impôts.

Le III précise enfin que l’article 16 s’applique aux avis rendus par la Haute Autorité de la transparence de la vie publique à compter de la promulgation de la loi.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de sa rapporteure, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de coordination avec la nouvelle rédaction de l’article 5 ([191]).

En séance publique, le Sénat n’a pas apporté de modification à cet article.

  1.   Les modifications apportées par la Commission

Sur proposition de Mme Laure Miller, suivant l’avis favorable de votre rapporteur, M. Bruno Millienne, et malgré l’avis défavorable de votre rapporteur, M. Nicolas Sansu, la Commission a supprimé cet article ([192]).

*

*     *

 


ANNEXE : liste d’établissements publics entrant
dans le champ d’application de la proposition de loi

 

L’article 1er, tel qu’adopté par la Commission, prévoit que sont notamment des administrations bénéficiaires au sens de la présente loi « l’État et ses établissements publics dont les dépenses de fonctionnement constatées dans le compte financier au titre de l’avant‑dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d’euros ».

La direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers a transmis à vos rapporteurs une première estimation du périmètre de ces établissements.

Deux réserves importantes doivent impérativement être mentionnées :

– la liste des établissements publics de l’État concernés, hors établissements publics de santé, ne concerne que les établissements soumis à la comptabilité publique ;

– du fait des délais d’examen, ces listes n’avaient pas encore pu faire l’objet de travaux complémentaires visant à fiabiliser les données présentées au moment de la publication du présent rapport.

Cette liste donc être regardée comme une première estimation, par construction incomplète et imparfaite, du champ d’application du texte.

Elle fournit toutefois des informations utiles.

 

*

 

 


– 1 –

Liste des 129 établissements publics de l’État soumis à la comptabilité publique concernés

 

Agence de financement des infrastructures de transport de France

Agence de la Biomédecine

Agence de l’eau Adour-Garonne

Agence de l’eau Artois-Picardie

Agence de l’eau Loire-Bretagne

Agence de l’eau Rhin-Meuse

Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse

Agence de l’eau Seine-Normandie

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

Agence de services et de paiement

Agence nationale de la cohésion des territoires

Agence nationale de la recherche

Agence nationale de l’habitat

Agence nationale de santé publique

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

Agence nationale de traitement automatisé des infractions

Agence nationale des titres sécurisés

Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs

Agence nationale pour les chèques-vacances

Agence pour l’enseignement français à l’étranger

Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes

Agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté

Agence régionale de santé de Bretagne

Agence régionale de santé de Guyane

Agence régionale de santé de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy

Agence régionale de santé de la Réunion

Agence régionale de santé de Martinique

Agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte-d’Azur

Agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire

Agence régionale de santé d’Île-de-France

Agence régionale de santé du Centre - Val de Loire

Agence régionale de santé Grand Est

Agence régionale de santé Hauts-de-France

Agence régionale de santé Normandie

Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine

Agence régionale de santé Occitanie

Bibliothèque nationale de France

Bureau de recherches géologiques et minières

Business France

Caisse de garantie du logement locatif social

Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés

Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

Caisse nationale des allocations familiales

Caisse nationale militaire de sécurité sociale

Centre des monuments nationaux

Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement

Centre national d’art et de culture Georges Pompidou

Centre national de la musique

Centre national de la recherche scientifique

Centre national des œuvres universitaires et scolaires

Centre national d’études spatiales

Centre national du cinéma et de l’image animée

Centre régional des œuvres universitaires et scolaires de Paris

Centre scientifique et technique du bâtiment

Chambres d’agriculture France (ex- Assemblée permanente des Chambres d’agriculture)

Économat des armées

Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique

Établissement français du sang

Établissement national des invalides de la Marine

Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer

Établissement public d’aménagement de Bordeaux-Euratlantique

Établissement public d’aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée

Établissement public d’aménagement de Paris-Saclay

Établissement public d’aménagement Euroméditerranée

Établissement public de la Cité de la musique – Philharmonie de Paris

Établissement public de la Réunion des musées nationaux et du Grand Palais des Champs-Élysées

Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l’aéronautique

Établissement public d’insertion de la défense

Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles

Établissement public du musée du Louvre

Établissement public du palais de la Découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie

Établissement public expérimental Université Clermont Auvergne (UCA)

Établissement public foncier de Grand Est

Établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes

Établissement public foncier de Normandie

Établissement public foncier de Provence-Alpes-Côte-d’Azur

Établissement public foncier des Hauts-de-France

Établissement public foncier d’Île-de-France

Fonds de réserve pour les retraites

Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante

Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la Fonction Publique

Grand Paris Aménagement

Grand port fluvio-maritime de l’axe Seine

Grand port maritime de Dunkerque

Grand port maritime de Marseille

Grand port maritime de Nantes - Saint-Nazaire

INSERM - Institut national de la santé et de la recherche médicale

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

Institut de recherche pour le développement

Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer

Institut Mines-Télécom

Institut national de la propriété industrielle

Institut national de l’information géographique et forestière

Institut national de recherche en informatique et en automatique

Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement

Institut national de recherches archéologiques préventives

Météo-France

Muséum national d’histoire naturelle

Nantes Université

Office français de la biodiversité

Office français de l’immigration et de l’intégration

Office national des combattants et des victimes de guerre

Office national des forêts

Office national d’études et de recherches aérospatiales

Office national indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et infections nosocomiales

Opéra national de Paris

Société de livraison des ouvrages olympiques

Société du Grand Paris

Union des groupements d’achats publics

Université Claude Bernard Lyon I

Université Côte d’Azur

Université d’Aix-Marseille

Université de Bordeaux

Université de Lille

Université de Lorraine

Université de Montpellier

Université de Paris III

Université de Paris XII

Université de Rennes

Université de Rouen

Université de Strasbourg

Université de Toulouse

Université de Toulouse III

Université Grenoble Alpes

Université Gustave Eiffel

Université Paris Cité

Université Paris Saclay

Université Sorbonne Université

Voies navigables de France

 

*

 

Liste des 116 établissements publics de santé concernés

 

Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille

Assistance Publique-Hôpitaux de Paris

C.H. Agen-Nerac

C.H. Alpes Leman

C.H. Annecy Genevois

C.H. Arras

C.H. Auxerre

C.H. Béziers

C.H. Blois-Simone Veil

C.H. Boulogne-Sur-Mer

C.H. Bretagne Atlantique

C.H. Carcassonne

C.H. d’Angoulême

C.H. d’Avignon Henri Duffaut

C.H. Dax – Côte D’argent

C.H. de Bastia

C.H. de Beauvais

C.H. de Cayenne

C.H. de Chartres

C.H. de Châteauroux Le Blanc

C.H. de Gonesse

C.H. de la Côte Basque

C.H. de Laval

C.H. de Libourne

C.H. de Mayotte

C.H. de Niort

C.H. de Pau

C.H. de Périgueux

C.H. de Roanne

C.H. de Rodez Hôpital Jacques Puel

C.H. de Roubaix

C.H. de Saint Brieuc

C.H. de Saint Quentin

C.H. de Saint-Denis

C.H. de Saintonge - Saintes

C.H. de Troyes

C.H. de Valence

C.H. de Valenciennes

C.H. de Versailles

C.H. départemental de Vendée

C.H. Douai

C.H. Dr. Schaffner de Lens

C.H. du Mans

C.H. Dubois Brive

C.H. Dunkerque

C.H. Eure-Seine

C.H. Fleyriat

C.H. Jacques Cœur de Bourges

C.H. Les Chanaux Macon

C.H. Métropole Savoie

C.H. Nord-Ouest Villefranche

C.H. Perpignan

C.H. Public du Cotentin

C.H. Robert Ballanger

C.H. Saint Malo

C.H. Saint Nazaire

C.H. Sud Francilien

C.H. Sud Seine Et Marne

C.H. Tarbes Lourdes

C.H. Victor Dupouy Argenteuil

C.H. William Morey Chalon-sur-Saône

C.H.I. Aix Pertuis

C.H.I. Angers

C.H.I. Compiègne-Noyon

C.H.I. Cornouaille Quimper

C.H.I. de Créteil

C.H.I. de l’agglomération de Nevers

C.H.I. Émile Durkheim Épinal

C.H.I. Lille

C.H.I. Metz-Thionville

C.H.I. Mont de Marsan Et Pays Des Sources

C.H.I. Nord Ardennes

C.H.I. Poissy St-Germain

C.H.I. Toulon La Seyne Sur Mer

C.H.R.U. Brest

C.H.R.U. de Nancy

C.H.R.U. Rennes

C.H.U. Amiens Picardie

C.H.U. Besançon

C.H.U. d’Orléans

C.H.U. de Bordeaux

C.H.U. de Caen Normandie

C.H.U. de Clermont-Ferrand

C.H.U. de La Guadeloupe

C.H.U. de La Réunion

C.H.U. de Limoges

C.H.U. de Martinique

C.H.U. de Nantes

C.H.U. de Nice

C.H.U. de Poitiers

C.H.U. de Saint-Etienne

C.H.U. de Tours

C.H.U. Dijon Bourgogne

C.H.U. Grenoble Alpes

C.H.U. Montpellier

C.H.U. Nîmes

C.H.U. Reims

C.H.U. Rouen

C.H.U. Toulouse

G.H. Bretagne Sud

G.H. de Haute Saône

G.H. du Havre

G.H. du Sud Ile de France

G.H. Eaubonne Montmorency Simone Veil

G.H. La Rochelle-Re-Aunis

G.H. Nord Essonne

G.H. Public Sud de l’Oise

G.H. Région Mulhouse & Sud Alsace

G.H.I. Le Raincy-Montfermeil

G.H.U. Paris Psy et Neurosciences

Grand Hôpital de l’Est Francilien

Hôpital Nord Franche Comte

Hôpital Novo

Hôpitaux Civils de Colmar

Hôpitaux Universitaires de Strasbourg

Hospices Civils de Lyon

 


—  1  —

 

   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 24 janvier 2024, la Commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques (n° 366) (MM. Bruno Millienne et Nicolas Sansu, rapporteurs).

Lien vidéo : https://assnat.fr/dHvqlZ

M. le président Sacha Houlié. Chers collègues, nous examinons ce matin la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. Cette proposition de loi a été déposée le 21 juin 2022 au Sénat par Mme Éliane Assassi, M. Arnaud Bazin et plusieurs de leurs collègues. Elle a ensuite été adoptée par le Sénat le 18 octobre 2022.

La Conférence des présidents a choisi de l’inscrire à l’ordre du jour au cours de la semaine de l’Assemblée nationale, dans une séance réservée aux initiatives transpartisanes. C’est pourquoi nous avons désigné deux rapporteurs : MM. Bruno Millienne, du groupe Démocrate, et Nicolas Sansu, du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Enfin, cette proposition de loi a trouvé son chemin pour parvenir à forcer la porte de l’ordre du jour de notre Assemblée ! Ainsi, nous allons faire œuvre utile dans ce qui doit toujours guider nos travaux : mieux répondre à l’exigence de transparence de notre vie publique, donc être garants de l’intérêt général.

En effet, les vicissitudes – c’est un euphémisme – de quelques-uns risquent toujours de jeter l’opprobre sur tout le monde. La pente dangereuse empruntée depuis des années, celle consistant, non pas à faire appel aux cabinets de conseil, mais à multiplier les recours et à mélanger les genres, doit être stoppée et inversée, pour deux raisons essentielles. D’une part, pour que la démocratie fonctionne, il faut s’abstenir de livrer du carburant à ses ennemis en circonscrivant et en interdisant les conflits d’intérêts. D’autre part, notre État a des compétences remarquables, qui ne demandent qu’à être valorisées dans une vision de service public qui ne singe pas systématiquement les méthodes du privé, avec l’intervention des cabinets de conseil comme cheval de Troie.

Disant cela, je tiens juste à souligner que les objectifs ne sont pas les mêmes, entre le privé et le public. Les indicateurs ne sauraient être identiques. En clair, pour reprendre un concept qui parlera à nos collègues de la majorité présidentielle, l’État a participé à son propre désarmement. Il était donc plus que temps que nous prenions en main cette proposition de loi adoptée par le Sénat, à une très large majorité – et aucun vote contre –, en octobre 2022, et qui était sur le Bureau de notre Assemblée depuis près de quatorze mois. Elle résulte non pas d’une lubie de nos collègues sénateurs, mais de l’aboutissement des travaux d’une commission d’enquête sénatoriale remarquable, conduite par la rapporteure Éliane Assassi et le président Arnaud Bazin, sur l’influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques – une question qui avait fait grand bruit au printemps 2022.

Ce sujet a d’ailleurs donné lieu à une profusion de travaux – Bruno Millienne en dressera la liste –, démontrant, si besoin était, qu’il n’est plus possible que l’État s’affranchisse de règles de transparence, de déontologie et de maîtrise publique, dans le cadre de son recours aux prestations intellectuelles.

Au-delà même du montant d’1 milliard d’euros de dépenses de conseil couvertes par l’article 1er, le Sénat a surtout documenté la dynamique inquiétante de ce recours et a réalisé un constat très tranché, en identifiant quatre difficultés principales : l’opacité, le foisonnement incontrôlé, la dépossession de l’État et les risques déontologiques non maîtrisés. Ce sont ces difficultés que la proposition de loi transpartisane du Sénat – encore une fois, adoptée sans aucun vote contre – permet de dépasser.

Bien sûr, le vent du boulet n’étant pas passé trop loin, des mesures correctrices et régulatrices ont été instaurées par les précédents Gouvernements : mise en place d’un jaune budgétaire, règles plus restrictives pour les accords-cadres de marchés publics de conseil de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), extension des codes de conduite dans les administrations centrales.

Si tout cela a eu des effets, la question majeure de l’influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques n’en demeure pas moins posée. Au regard des dérives qui ont existé et de celles qui se font jour dans d’autres grands pays occidentaux – mis en lumière par des ouvrages comme McKinsey pour le meilleur et pour le pire ou The Big Con, sorti fin
2023 –, le travail que nous allons conduire me semble essentiel.

Notre objectif est de nous assurer que les cabinets de conseil aident à la décision publique, sans s’y substituer. C’est pourquoi la proposition de loi n’interdit pas le recours aux cabinets de conseil, mais l’assortit de trois grands principes. Tout d’abord, en vertu du principe de transparence, la liste exhaustive des prestations de conseil listées à l’article 1er et les montants budgétaires afférents seraient publiés chaque année. Le respect de règles déontologiques serait également renforcé, avec l’interdiction du pro bono et le suivi des données collectées. Enfin, les conflits d’intérêts seraient mieux prévenus et sanctionnés.

Toutes les auditions que nous avons conduites ont été assorties de la volonté de rechercher le meilleur équilibre entre ces principes et la portée opérationnelle des dispositions. Je veux au passage remercier sincèrement Bruno Millienne pour sa bonne humeur et l’esprit d’ouverture qui l’a animé.

Avant de conclure, j’évoquerai deux points portant sur le champ d’application de la proposition de loi. À l’article 1er, le Sénat a déterminé les prestations concernées et précisé leur champ d’application – professions réglementées ou non, type de prestations informatiques. Le débat reste ouvert. Veillons toutefois à ne pas vider le texte de sa portée.

Bruno Millienne indiquera les raisons pour lesquelles nous avons mieux ciblé les établissements publics nationaux concernés en prévoyant un seuil.

S’agissant enfin des collectivités locales, le sujet avait déjà fait l’objet d’une mission flash, au printemps dernier. Nous avons longuement cherché comment intégrer le champ des administrations publiques locales dans la présente proposition de loi : aucune solution ne nous a semblé satisfaisante. Il faut prendre en compte les spécificités du marché local du conseil, très atomisé, et des collectivités locales, dans le respect du principe de libre administration. Les intégrer sans effectuer un travail préalable d’évaluation aurait pour conséquence de ruiner l’ensemble des dispositions de la proposition de loi. Il nous faudra revenir très vite sur ce point, en lien avec les associations d’élus. Tel a été le choix qui s’est imposé à nous et dont nous voulions vous faire part.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Ce texte constitue l’aboutissement des travaux de la commission d’enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, qui avait remis son rapport en mars 2022. Une proposition de loi transpartisane a ensuite été adoptée à l’unanimité des votants, en octobre 2022. Je me réjouis de son inscription à l’ordre du jour de notre assemblée.

J’espère qu’à l’issue de nos discussions, nous aurons un texte équilibré et utile. Il répond en tout cas à une demande de nos concitoyens. La Cour des comptes, en 2014, les rapports de nos collègues Véronique Louwagie, en 2021, et Cendra Motin, en 2022, l’ouvrage des journalistes Mathieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, Les infiltrés, la même année, et, plus récemment, le premier contrôle d’initiative citoyenne de la Cour des comptes ont tous, en effet et sous des angles différents et avec des approches et des sensibilités variées, identifié des insuffisances dans la manière dont l’État recourt aux prestations intellectuelles de conseil.

Selon les chiffres de la commission d’enquête, les dépenses de conseil se sont élevées à près d’1 milliard d’euros en 2021. Cela peut paraître beaucoup – peut-être même trop aux yeux de certains –, mais je ne suis pas là pour jeter la pierre à telle ou telle administration ; tel n’est pas mon rôle. Mon objectif est, conformément à l’esprit de cette proposition de loi, de permettre à l’État et à ses administrations d’avoir recours à des cabinets de conseil de manière raisonnée et transparente.

Je ne reviendrai que brièvement sur les différents articles du texte. Il prévoit des mesures nouvelles, que l’on peut classer en trois catégories : un principe de transparence, des règles déontologiques et des obligations déclaratives. Il dote également la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) de nouveaux pouvoirs, pour assurer le respect de ces règles.

Mais soyons francs et réalistes : ces obligations seraient, dans de trop nombreux cas, lourdes et inapplicables. Rappelons que l’idée n’est pas d’interdire le recours aux cabinets de conseil. Or, appliquer les règles telles que prévues dans la version du Sénat reviendrait de facto à leur quasi-disparition.

Je connais, monsieur le président, vos interrogations et je ferai au mieux pour y répondre. Tout d’abord, nous n’inclurons pas les collectivités territoriales dans le périmètre de la proposition de loi, pour une raison simple : aucune dérive n’a été identifiée en matière de recours aux prestations de conseil. En outre, les associations d’élus ont toutes insisté sur les difficultés que représenterait pour elles une transposition trop mécanique du texte, qui semble inadapté à leurs enjeux. Nous avons envisagé plusieurs solutions, mais aucune ne nous a paru satisfaisante. Nous demanderons ainsi un rapport au Gouvernement pour étudier l’instauration d’une plus grande transparence. Je demanderai à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de faire de même.

S’agissant du champ de la proposition de loi, l’intention des auteurs était d’embrasser un ensemble très vaste de prestations, dans une approche exhaustive. Du fait du vaste champ de prestations de conseil retenues et de la nature des obligations créées, il nous est apparu qu’il ne serait pas pertinent de conserver un périmètre trop large. Nous proposerons donc un amendement pour restreindre le champ des établissements publics concernés aux plus gros d’entre eux. Il nous semble par ailleurs que la Caisse des dépôts et consignations (CDC), que la loi qualifie d’« établissement spécial », doit faire l’objet de dispositions spécifiques.

Lors de nos travaux préparatoires, de nombreuses personnes auditionnées nous ont fait part de leurs craintes à propos de la déclaration d’intérêts prévue à l’article 10, et de l’obligation de déclarer les actions de démarchage figurant à l’article 11. Par leur caractère très général et exhaustif, ces exigences pourraient porter atteinte à la liberté d’entreprendre et à la vie privée des consultants, constitutionnellement garanties. Ces articles posent également des enjeux opérationnels, pour l’administration et pour les cabinets.

Nous y avons été sensibles : nous proposerons des amendements pour mieux cibler les informations exigées et rechercher un meilleur équilibre entre la volonté de prévenir les conflits d’intérêts et le nécessaire respect de nos libertés. Nous pourrons également prévoir d’adapter l’intensité de ces obligations au niveau de responsabilité du consultant.

Je proposerai également la suppression de l’article 16. Si je comprends l’objectif recherché par nos collègues sénateurs, cet article concernerait près de 5,5 millions de personnes et ferait peser sur la HATVP des obligations de contrôle bien trop importantes, sans être réellement pertinentes. Le code général de la fonction publique prévoit des contrôles de la HATVP pour les demandes de reconversion dans le privé lucratif des agents publics occupant ou ayant occupé, au cours des trois dernières années, un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient. Ces dispositions permettent déjà de couvrir les faits relevés par la commission d’enquête.

Enfin, je soutiendrai l’amendement de réécriture de l’article 18 de ma collègue Laure Miller, visant à le rendre conforme au droit européen et plus adapté à la réalité des besoins de sécurité. Sa rédaction actuelle empêche en effet les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME) d’effectuer des missions de conseil, faute de pouvoir effectuer cet audit : in fine, il soutiendrait les gros au détriment des petits.

Le présent texte est important et attendu. Je sais pouvoir compter sur votre sérieux et votre travail pour que nous puissions trouver les meilleurs compromis possibles et l’adopter, comme je l’espère, à l’unanimité.

M. le président Sacha Houlié. Je souhaite vous poser quelques questions. S’agissant du champ d’application tout d’abord, l’article 1er désigne comme consultant toute personne exerçant une activité professionnelle au sein de ces entreprises. Cette définition ne vous apparaît-elle pas excessive, puisqu’elle pourrait comprendre des stagiaires ou de jeunes collaborateurs n’ayant aucun pouvoir de décision dans l’entreprise ?

De même, la proposition de loi intègre des prestations informatiques ou de communication, comme celles qui ont pu être déployées lors des crises récentes – la gestion de l’épidémie de Covid ou la réponse urgente à l’attaque informatique d’un établissement hospitalier. Ces situations sont-elles compatibles avec les exigences que la commission s’apprête à examiner ?

Concernant le champ d’application, je reste convaincu que les collectivités territoriales – en tout cas les plus importantes – sont concernées par les mêmes enjeux de transparence, de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts.

Le deuxième type d’interrogations que soulève l’examen de ce texte est celui de la nature des obligations nouvelles faites aux consultants. Notre commission a travaillé à renforcer les obligations pesant sur les représentants d’intérêts, dans le cadre de la mission flash de nos collègues Gilles Le Gendre et Cécile Untermaier. Ces préconisations avaient fait l’objet d’une proposition de loi transpartisane, que le Bureau de la commission, il était alors autorisé à le faire, avait proposé d’inscrire à l’ordre du jour. Faut-il considérer que les obligations des consultants doivent être supérieures à celles des représentants d’intérêts ? Cela est susceptible de constituer une difficulté.

Troisième préoccupation, la proposition confère un rôle tout à fait nouveau à la HATVP. Cela peut être souhaitable – c’est en tout cas une demande du Président de la HATVP. Cette question du rôle joué par les autorités administratives indépendantes (AAI) est d’ailleurs récurrente. Selon vous, faut-il lui confier un pouvoir de sanction administrative, de telle sorte qu’il lui soit permis de prononcer des amendes financières ou d’interdire l’accès à des marchés publics ? Quelles conséquences budgétaires, fonctionnelles et temporelles avez-vous identifiées sur l’organisation de la HATVP, qui devra organiquement se scinder en deux collèges, un pour le conseil et un autre pour les sanctions ?

Quatrième question relative au marché des cabinets de conseil, ne craignez-vous pas que les nouvelles obligations législatives et réglementaires envisagées aient pour effet d’exclure les plus petites entités ?

Enfin, la création – bienvenue – d’un jaune budgétaire tendant à rendre plus transparente et donc plus lisible l’action de l’État n’est sans doute pas suffisante. Comment articuler les dispositions de la proposition de loi avec les travaux de contrôle menés par notre commission, qui s’est récemment intéressée aux dispositifs de contrôle interne menés par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN)  ?

Nous en venons aux orateurs des groupes.

Mme Laure Miller (RE). Nous examinons ce matin une proposition de loi provenant du Sénat, et qui reprend des recommandations faites par la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques. Je veux ici souligner le caractère transpartisan de ce travail. Oui, nous sommes fort heureusement capables de travailler ensemble pour améliorer nos politiques publiques, en l’occurrence, pour assainir leur élaboration. En ce sens, cette proposition est, sur le principe, bienvenue.

Elle intervient donc après un rapport de la commission d’enquête créée en novembre 2021 et dont les travaux se sont achevés en mars 2022. Elle a été adoptée par le Sénat, le 19 octobre 2022. Précisons que, dans ce laps de temps, le Gouvernement a pris ses responsabilités : le régime juridique qui encadre les prestations de conseil a évolué dans le bon sens. Le Gouvernement Castex a introduit de nouvelles règles d’ordre réglementaire, par la voie d’une circulaire du 19 janvier 2022. Un nouvel accord-cadre a ensuite été conclu sur la réalisation des prestations de conseil en stratégie, en juillet 2022. Puis, la loi de finances pour 2023 a prévu la remise d’un rapport sous forme d’annexe au projet de loi de finances, portant sur le recours par l’État aux prestations de conseil. Enfin, une circulaire de la Première ministre en date du 8 février 2023, relative au pilotage et à l’encadrement du recours aux prestations intellectuelles informatiques, est venue renforcer le cadre de régulation.

Toutes ces évolutions ont permis de construire notre arsenal législatif pour lutter contre certaines dérives du recours aux cabinets de conseil, en contraignant l’administration à démontrer au préalable qu’elle ne disposait pas des moyens ou compétences nécessaires pour avoir recours aux cabinets de conseil, en fixant un objectif de réduction des dépenses et une maîtrise de leur montant, en instaurant un dispositif de pilotage par ministère et une évaluation après chaque prestation, en renforçant les règles de déontologie, de la transparence et de la protection des données. En somme, nombre de mesures de la proposition ont, d’une manière ou d’une autre, été traitées par l’exécutif, depuis 2021. S’il est sans doute nécessaire de transcrire dans la loi cette régulation, il me semblait important de préciser l’état du droit.

Je relèverai en revanche trois points d’alerte. En premier lieu, si nos administrations doivent gagner en compétence, elles ne peuvent, de toute évidence, pas disposer de toutes les expertises – parfois techniques –, a fortiori lorsque surviennent des sujets urgents et spécifiques, comme celui de la crise du Covid. Ne caricaturons donc pas la situation en empêchant tout recours à des expertises extérieures, sauf à vouloir créer un État omnipotent, impliquant des agents supplémentaires, qui ne seraient sollicités que ponctuellement : cela ne serait pas raisonnable.

Deuxièmement, notre droit est trop complexe. Nous construisons, chaque semaine, dans cette enceinte, la démobilisation générale, qu’elle soit économique ou sociale, en empilant des normes les unes sur les autres. En voulant protéger, nous finissons par empêcher toutes les initiatives. Certes, il s’agit de l’argent des Français et il est légitime de briser la relation de dépendance qui s’est parfois installée entre les cabinets de conseil et le secteur public. Il est donc extrêmement sain de vouloir encadrer le recours aux cabinets de conseil. Veillons cependant à ne pas prévoir des règles disproportionnées, à ne pas construire des usines à gaz et à ne pas aboutir, en privilégiant les grosses structures, au but inverse à celui recherché.

Dernier élément, cette PPL étant de nature politique, la tentation peut être forte, pour les uns et les autres, de politiser ce sujet. Je reprendrai à cet égard les mots de François Sureau, prononcés récemment devant l’Académie des sciences morales et politiques : « La France est un étrange pays, visiblement gouverné par le principe de l’échange des rôles ; chacun y fait le travail d’un autre. Les ministres tweetent comme des journalistes et parlent comme des fonctionnaires. Les parlementaires se rêvent juges d’instruction et convoquent, l’une après l’autre, des commissions d’enquête. » Je forme donc un vœu, sans doute pieux : restons ce matin dans notre rôle de législateur. Notre groupe formulera un certain nombre d’aménagements rédactionnels, afin que la proposition de loi soit davantage proportionnée au but recherché.

M. Timothée Houssin (RN). La commission d’enquête sénatoriale ne s’est pas trompée en évoquant un phénomène tentaculaire pour qualifier l’influence des cabinets de conseil sur les politiques de l’État. Pourtant le recours massif à ces cabinets n’avait jamais donné lieu à un débat public ou à des votes. Si les députés sont chargés de contrôler l’action du Gouvernement, qui contrôle leur activité ?

Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, le montant des dépenses des différents ministères en prestations de conseil a plus que doublé, atteignant 1 milliard d’euros en 2021. L’omniprésence de ces cabinets – en particulier McKinsey – avait commencé dès la campagne du futur Président : une vingtaine de consultants du cabinet y ont participé, sans que cela ne donne lieu à facturation, ni à déclaration au titre des comptes de campagne. Dans la cellule « idées et perspectives » de la campagne Macron, des consultants analysaient des enquêtes d’opinion et des contributions de citoyens pour construire les propositions du candidat – tout un programme !

Nous ne sommes pas sûrs que les Français aient choisi le meilleur candidat, mais il est un bon choix pour les cabinets de conseil et McKinsey. Ce sont d’ailleurs les abus et l’affaire McKinsey qui ont alerté l’opinion publique sur le recours massif de l’État aux cabinets de conseil et conduit à la commission d’enquête sénatoriale dont le texte que nous examinons vise à appliquer les propositions. Le Gouvernement avait déjà confié à McKinsey la gestion de la crise du Covid, pour 12 millions d’euros, sans qu’aucun document produit ne soit estampillé du nom de ce cabinet. McKinsey, encore, qui a été payé 4 millions d’euros pour suggérer à l’État de baisser les aides personnalisées au logement (APL) de cinq euros. McKinsey, toujours, qui a facturé près d’un demi-million d’euros pour l’organisation d’un colloque sur l’avenir du métier d’enseignant qui n’a jamais eu lieu. McKinsey, enfin, qui n’a pas payé un seul euro d’impôt en France en 2010 et dont les dirigeants se seraient payé le luxe de mentir sous serment lors de leur audition par la commission d’enquête.

Pour autant, nous aurions tort de n’incriminer que McKinsey, car ce cabinet devenu symbolique n’est que l’arbre qui cache la forêt de la privatisation de la décision publique vers laquelle nous nous dirigeons, si nous ne prenons pas de mesures. Nous constatons déjà les effets de cette privatisation lorsque l’État va jusqu’à s’en remettre à des cabinets de conseil pour sa stratégie militaire, pour les choix budgétaires du ministère des Armées ou le plan d’économies de Bercy, la lutte contre la radicalisation, la gestion de la crise sanitaire, la stratégie nationale de santé, la réforme de l’aide au logement, les états généraux de la justice, l’avenir du métier d’enseignant ou encore la réforme des retraites.

Cette privatisation de la décision publique a un coût, puisque cela revient en moyenne quatre fois plus cher d’avoir recours à un consultant qu’à un fonctionnaire. Alors que le niveau de nos dépenses publiques est l’un des plus élevés au monde, celles dédiées aux cabinets de conseil représentent 2 à 3 milliards d’euros par an, soit davantage que le budget de certaines régions et un niveau proche de celui du ministère de la santé lorsqu’il existait. À terme, il sera indispensable de se pencher sur le recours des collectivités aux cabinets de conseil. Si l’inclusion des communes nécessite des aménagements et pourrait nuire à l’adoption d’un texte commun aux deux chambres dans un délai rapide, il n’en demeure pas moins que les régions et les départements devraient être soumis au dispositif de ce texte : une commission d’enquête sur le recours des collectivités locales aux cabinets de conseil est indispensable, afin d’identifier les besoins en matière de législation.

Enfin, le recours massif aux cabinets de conseil se traduit par une perte de savoir-faire pour les fonctionnaires, les ministères et l’État, donc par une perte de souveraineté. Si le recours à ces cabinets peut être justifié pour gérer une situation exceptionnelle ou apporter un regard extérieur sur un dossier, il doit être strictement justifié, encadré et transparent – les trois piliers de notre politique en la matière.

Nous voterons ce texte, car il permet d’empêcher les dérives en matière de recours aux cabinets de conseil, en termes de conflits d’intérêts, de réalité des prestations ou d’opacité des contrats. Nous estimons cependant qu’il n’encadre pas suffisamment le recours de la puissance publique aux prestations de ces cabinets : nous risquons de continuer à aller vers la privatisation de la décision publique. Le groupe Rassemblement national a donc déposé une vingtaine d’amendements visant à renforcer cette proposition de loi.

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Le groupe La France insoumise-NUPES salue le sérieux du travail mené au Sénat autour de cette proposition de loi, qui nous paraît hautement nécessaire. En effet, sur ce sujet, le nom de McKinsey nous vient spontanément à l’esprit, car il symbolise la compromission de la Macronie avec des intérêts privés – des partages de personnel à titre gratuit durant des campagnes électorales, suivis de renvois d’ascenseur en termes de marchés publics, au point que deux enquêtes sont actuellement diligentées par le parquet national financier.

McKinsey symbolise un hold-up organisé quotidiennement, non seulement sur les finances publiques, mais surtout sur le service public, ses missions, ses prérogatives et sur la responsabilité des décideurs publics. Peut-être cela explique-t-il qu’il nous ait fallu attendre quinze mois pour que cette proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de notre honorable assemblée. S’il était sincère dans sa démarche, le Gouvernement aurait sans doute fait le choix de l’inscrire durant la semaine qui lui est réservée. Or, il a fallu attendre celle de l’Assemblée pour trouver un accord.

Cette proposition de loi ne nous semble néanmoins pas suffisante. Si l’architecture générale du dispositif recueille notre avis favorable, les scandales liés aux recours aux cabinets de conseil sont allés tellement loin que nous sommes dans l’obligation, en tant que législateur, d’aller au bout de la démarche et de ne laisser de côté aucun angle mort.

Si le nom de McKinsey revient souvent, c’est qu’il symbolise l’influence d’intérêts privés sur la décision publique, l’opacité malsaine des relations entre décideurs publics et intérêts privés, la confiscation du bien commun en vue de sa mise à sac. Même durant le covid, il a fallu que le chouchou des cabinets de conseil du Président de la République, vorace, vienne se tailler sa part, alors que l’économie était à l’arrêt, que les finances publiques étaient durement mises à l’épreuve, et que l’ensemble des Français étaient confinés à leur domicile, craignant pour eux-mêmes et pour leurs proches. Le cabinet McKinsey est venu taper dans les finances publiques, dispensant des conseils stratégiques et en organisation, autant de compétences dont le ministère de la santé n’était pourtant pas dépourvu au moment de la crise. Tel est le véritable scandale : les citoyens ne l’oublient pas.

Je le redis, si nous sommes globalement favorables à ce texte, nous devons épuiser la totalité du sujet, à la hauteur du scandale suscité. Il nous faut débattre de la question des collectivités territoriales, de même que de l’élargissement du champ des prestations : conseils juridiques et comptables, stratégies dans les systèmes d’information – en 2021, le conseil en stratégie des systèmes d’information a représenté plus de 50 % de l’ensemble du chiffre d’affaires des cabinets de conseil –, déontologie des cabinets de conseil dans leurs relations avec les administrations, reconquête des compétences perdues dans les services de l’État, translation pénale.

M. Philippe Gosselin (LR). Je partage l’avis de Nicolas Sansu : enfin, nous y voilà ! Le texte a en effet été adopté par le Sénat il y a quinze mois, à l’unanimité. Or, nous avons l’impression que tout a été fait depuis pour en différer l’examen : sans doute était-il un peu gênant, au vu des irrégularités mises en avant lors de la campagne présidentielle de 2022 de l’actuel Président de la République ; il appartiendra à la justice de se prononcer. Des enquêtes sont toujours en cours et le parquet national financier a été saisi en novembre 2022. Le sentiment très désagréable d’une forme d’endogamie, qu’il faut à tout prix éviter, est à l’origine du texte. Comme toute proposition de loi, il n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact. Un certain nombre de points peuvent donc prêter à discussion, comme celui portant sur l’extension du champ d’application aux collectivités locales.

Avec la polémique de l’élection présidentielle de 2022, on a semblé découvrir les cabinets de conseil, McKinsey en particulier. En réalité, les alertes ne sont pas nouvelles et figuraient déjà dans les publications de la Cour des comptes et les rapports de nos collègues Véronique Louwagie, en 2021, et Cendra Motin, en 2022. Vous avez vous-même, monsieur le rapporteur, commis un rapport sur les collectivités locales et les cabinets de conseil, avec l’une des actuelles membres du Gouvernement – peut-être bénéficie-t-il désormais du soutien gouvernemental. En tout état de cause, le manque de transparence, le foisonnement des conseils, donc la dépossession de l’État, y compris sur des secteurs régaliens – une différence notable avec les collectivités –, posent problème.

Cette proposition de loi ne vise pas à interdire strictement les cabinets de conseil. Les collectivités, tout comme l’État, peuvent, sous certaines conditions, avoir des besoins particuliers : s’ils disposent de toutes les compétences, des sujets très pointus peuvent parfois nécessiter un éclairage extérieur. Il est toutefois nécessaire de renforcer la transparence et les règles de déontologie, et de prévoir des sanctions pour prévenir les conflits d’intérêts, tout en veillant à ne pas rompre l’équilibre existant. Aussi est-il préférable d’exclure les collectivités locales du champ d’application : nous ne disposons d’aucun chiffre en la matière ; les apports stratégiques concernent des domaines différents de ceux de l’État, ne portant pas sur le régalien, l’ordre ou la sécurité. Il serait à cet égard utile d’établir un rapport spécifique, visant à pallier l’absence d’étude d’impact. En conclusion, le groupe Les Républicains soutiendra ce texte, en modifiant le moins possible la version du Sénat.

M. Pascal Lecamp (Dem). L’intervention des cabinets de conseil dans les politiques publiques est un sujet politique et polémique ; il occupe le débat public depuis maintenant plusieurs années. L’État recourt très souvent à ces prestataires pour concevoir et mettre en place des politiques publiques qui nous concernent tous. La commission d’enquête sénatoriale, initiée par le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), a montré que ces prestations sont très peu encadrées, souvent opaques et susceptibles de poser des problèmes déontologiques.

En l’absence de législation claire et précise, nous convenons tous de la nécessité d’une loi pour mieux encadrer les relations entre l’État et les cabinets de conseil. Je me réjouis donc que mon groupe ait trouvé un accord avec le groupe GDR-NUPES pour inscrire ce texte à l’ordre du jour. Je salue ici mes collègues Bruno Millienne et Nicolas Sansu pour leur travail de rapporteurs.

L’objectif n’est pas de pointer du doigt les cabinets de conseil, dont le travail permet de contribuer aux politiques publiques et qui sont d’une grande aide pour l’État – je pense en particulier aux prestations de conseil en informatique, un domaine exigeant des qualifications dont l’État ne dispose pas en proportion à ses besoins. En l’absence de véritable cadre légal, les interventions des cabinets de conseil dans les politiques publiques manquent toutefois de transparence : les citoyens se voient imposer des politiques publiques qu’ils imaginent conçues par des fonctionnaires, alors qu’elles ont été élaborées par des cabinets de conseil ; l’État lui-même ne dispose pas de document recensant l’ensemble des prestations de conseil passées et en cours.

De ces manques d’encadrement et de transparence découlent des risques déontologiques, aucune règle ni procédure ne permettant à l’État de contrôler et de se prémunir des conflits d’intérêts. Alors que les passages du secteur public au secteur privé sont fréquents et que le recrutement d’anciens fonctionnaires est devenu un atout pour les cabinets de conseil, l’État doit être en mesure d’éviter tout risque déontologique. Les cabinets ont également tendance à proposer des prestations à titre gratuit et à multiplier les actions de démarchage et de prospection commerciale, renforçant leur réseau et se rendant indispensable aux yeux de l’administration et du politique. Une telle relation de dépendance pose un risque déontologique important, que nous devons éviter.

La France s’est dotée, en 2014, d’une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, chargée de s’assurer de l’intégrité et de la probité des responsables publics. Le législateur a en particulier décidé de charger la HATVP de contrôler le pantouflage, en lui permettant de rendre des avis d’incompatibilité lorsqu’elle estime que les nouvelles fonctions envisagées sont incompatibles avec les précédentes. Dans la lignée de ces politiques publiques visant à la transparence, nous devons exiger une probité exemplaire des consultants amenés à exercer temporairement des missions publiques. Tel est l’objet de la proposition de loi que nous examinons : définir les prestations de conseil, encadrer le recours aux consultants, en finir avec l’opacité des prestations et renforcer les exigences déontologiques. L’enjeu est également de protéger les données de l’État, car il les communique aux cabinets de conseil, sans préciser quel usage peut et pourra ultérieurement en être fait. Ainsi, je suis convaincu de la nécessité de ce texte. Sous réserve des améliorations et des simplifications qui seront proposées par notre rapporteur du groupe Démocrate, nous voterons en sa faveur.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Je salue la qualité du travail parlementaire à l’origine de la présente proposition de loi. La commission d’enquête sénatoriale sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, créée à la suite de la révélation d’abus, a livré des conclusions alarmantes et choquantes. En se saisissant du sujet, le Parlement prouve à nouveau sa capacité à se saisir de sujets importants. Je suis, pour ma part, soulagée et heureuse d’entendre prononcer les mots « transparence » et « déontologie » dans les débats du Parlement sans que nul ne s’en offusque.

La nécessité de réguler l’intervention des cabinets de conseil dans l’action publique s’impose à nous. Depuis plusieurs années, l’intervention des cabinets privés auprès de l’État dans la définition de sa stratégie, l’élaboration des politiques publiques, son organisation et la gestion des ressources humaines ne cesse de s’accroître.

Dans l’opacité, l’État a eu recours à des prestations pour des montants atteignant parfois plusieurs millions d’euros. En 2021, les dépenses de conseil ont dépassé le milliard d’euros, dont 893 millions pour les ministères. Ces montants excessivement élevés ont été facturés pour des prestations parfois évitables, sans réel contrôle ni évaluation. La circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022 est la première pierre d’un arsenal juridique à consolider. Je salue, à cet égard, la capacité à réagir rapidement du ministère de la fonction publique face au danger.

Au demeurant, il faut préciser que les cabinets de conseil ne sont pas nos ennemis, ni ceux de l’action publique. L’État recommande d’ailleurs aux collectivités territoriales, et parfois les y oblige, de recourir à leurs services. Dans l’immense majorité des cas, ils répondent à des besoins de l’administration qui fait appel à eux. L’enjeu de la présente proposition de loi n’est pas d’interdire leur intervention. Notre responsabilité est de les réguler et d’impulser une politique de réinternalisation des compétences, lesquelles font l’excellence de notre fonction publique, qui nous est enviée partout dans le monde.

Sur le fond, le texte vise plusieurs objectifs. Il renforce les obligations de transparence en prévoyant la publication par les ministères d’un rapport. L’exigence de transparence doit également s’imposer avant l’exécution de la prestation. Les agents publics concernés doivent notamment en être informés – cela nous semble essentiel. Nous formulerons cette proposition par voie d’amendement.

Le texte encadre davantage le recours aux prestations de conseil, en renforçant leur évaluation a posteriori. Par ailleurs, il nous semble que, en tant que législateurs, nous sommes tenus d’interdire la rédaction par des cabinets privés d’un projet de loi ou de son étude d’impact – la commission d’enquête a révélé de telles pratiques.

Le texte renforce les principes déontologiques applicables aux consultants au sein de la HATVP. Toutefois, la prévention des conflits d’intérêts et le respect des principes déontologiques ne peuvent reposer sur la seule HATVP. Le référent déontologue désigné au sein de chaque administration doit prendre toute sa part dans cette mission.

Le champ d’application de ce texte nous interroge tous. Je fais mienne la préoccupation exprimée par le président de notre commission s’agissant des stagiaires-collaborateurs et du rôle de la HATVP. S’agissant des collectivités territoriales, je ne comprendrais pas que nous n’envisagions pas des mesures permettant d’encadrer, pour leur propre sécurité, le recours à des cabinets de conseil.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Notre groupe sera ce matin le moins enthousiaste. Dans le pays de Caux, nous avons coutume de dire : « Méfie-toi, méfie-toi toujours, méfie-toi encore ». Telle est notre attitude au sujet de la présente proposition de loi.

La transparence permet-elle la confiance ? Telle est l’une des questions que soulève l’examen de la présente proposition de loi. Cette question est plus philosophique que juridique, peut-être ; elle est surtout d’ordre pratique.

Au cours des trente dernières années, le législateur a donné la priorité, pour de saines et justes raisons, à la moralisation et à l’encadrement des relations financières entre le privé et le public. Il a porté une attention particulière au financement des partis et des campagnes électorales par les entreprises, au plafonnement des dons des particuliers et des dépenses de campagne, et à la publication des comptes des candidats. Ces mesures étaient nécessaires pour recréer de la confiance entre les citoyens et leurs représentants ainsi que l’administration.

Or, depuis quelques années, la nécessaire quête d’indépendance financière a induit une défiance a priori à l’égard du secteur public. Cette défiance entrave gravement la volonté de s’engager et va à l’encontre des objectifs recherchés par le législateur, lequel s’intéresse de près, depuis plusieurs mois, à l’État en tant que personne morale, à ses administrations et à ses partenaires. Depuis l’affaire McKinsey, nous avons tout entendu dire de l’administration, que j’ai entendu présenter ce matin encore comme une nébuleuse tentaculaire, et qui dépenserait sans compter et indûment des milliards pour des prestations de conseil souvent jugées a posteriori médiocres, voire dangereuses compte tenu de l’ingérence dans l’activité des élus qu’elle constitue.

Loin de ces caricatures, nous souscrivons à l’esprit de la proposition de loi, qui vise à assurer la traçabilité des rôles des cabinets dans les prises de décision et à améliorer l’information des citoyens. Toutefois, méfions-nous des faux prophètes ! Je n’accepte pas le raccourci consistant à considérer que les pratiques honteuses de certains résument les pratiques d’une profession. Sur ce point, il me semble utile de rappeler quelques évidences.

La conduite de l’action publique peut, dans certains cas précisément identifiés, exiger le recours à des prestations intellectuelles extérieures. Nous partons de loin. Cette majorité a beaucoup fait pour encadrer le recours aux cabinets de conseil. La circulaire du Premier ministre du 12 janvier 2022 donne la pleine responsabilité à chaque ministère de piloter ces investissements et offre la possibilité inédite de tracer avec plus de précision les dépenses réalisées grâce aux jaunes budgétaires.

En matière de limitation de la contrainte administrative, la proportionnalité de la norme est un principe qui doit nous guider, notamment pour éviter de faire peser une charge déraisonnable sur des structures de taille réduite. À ce titre, je défendrai au nom de mon groupe un amendement à l’article 1er visant à fixer à 60 millions de dépenses de fonctionnement le seuil d’application de la loi aux établissements publics nationaux.

Par ailleurs, notre groupe a une ligne rouge, dont j’ai conscience qu’elle n’est pas partagée : l’extension du dispositif aux collectivités territoriales ne nous semble pas souhaitable. Accroître la complexité et les contraintes dans lesquelles gouvernent les élus locaux est une impasse si l’on songe aux difficultés qu’ils affrontent quotidiennement. Aidons-les en matière de responsabilité pénale et cessons de les charger encore et encore !

L’enjeu du texte est double : clarifier et simplifier nos relations.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Je salue le travail du Sénat et celui de nos deux rapporteurs, dont l’un est mon voisin de circonscription et l’autre mon camarade de travée.

On nous incitait tout à l’heure à ne pas faire de politique. Je m’en étonne. Il n’y a rien de plus politique que la question de la transparence, condition de la confiance. Il n’y a rien de plus politique que la question de la démocratie, de l’autorité de l’État, de sa compétence et de la façon dont sont construites les politiques – que l’on m’excuse du mot – publiques.

Il n’y a rien de plus politique que de s’interroger sur le pognon de dingue donné à des cabinets de conseil. À titre d’exemple : 957 000 euros pour préparer une réforme des retraites finalement abandonnée ; 500 000 euros pour réfléchir à l’avenir du métier d’enseignant, ce qui certes est sans doute moins cher que Mme Oudéa-Castéra ; 235 600 euros pour un guide du télétravail ; 3,88 millions pour la réforme des aides personnalisées au logement (APL) ; 41 millions pour la stratégie à adopter face à la crise du covid-19. Voilà un échantillon de ce qu’a versé l’État à des cabinets de conseil pour des prestations inégales, à l’intérêt souvent limité !

Le coût des prestations facturées à l’État par des cabinets de conseil privés a été multiplié par trois depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. On nous a pourtant vendu, en 2017, l’arrivée des professionnels et des super-technocrates qui allaient tout remplacer – la droite, la gauche, la politique – par la technocratie conquérante et talentueuse. Manifestement, ils ont besoin de beaucoup de soutien et de beaucoup de conseils dans cette entreprise ! Les Françaises et les Français ont pu constater l’amateurisme dont ils font preuve, encore dernièrement avec les déclarations de l’éphémère – nous l’espérons – ministre de l’éducation nationale.

Les chiffres sont vertigineux, et probablement sous-évalués. Le 27 novembre 2022, le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, avouait « des abus » et « une dérive » dans le recours du Gouvernement aux cabinets de conseil privés. Nous ne le citons pas souvent ; ses paroles ont valeur de recommandation pour l’examen de la présente proposition de loi.

Quant au président de la HATVP, Didier Migaud, il a déclaré au Sénat : « Le recours par l’État à des prestations de conseil peut légitimement susciter des inquiétudes en matière de déontologie et de conflits d’intérêts ». La question, décidément, est éminemment politique ! L’existence de dérives et d’abus est confirmée par le rapport sur le recours par l’État aux prestations intellectuelles des cabinets de conseil, publié par la Cour des comptes en juillet 2023. Il relève notamment une doctrine d’emploi incomplète, un pilotage mal assuré et des insuffisances au regard du droit des marchés publics.

Le recours massif et sans cesse croissant aux cabinets de conseil, outre la gabegie d’argent public et les potentiels conflits d’intérêts, avec lesquels nous avons malheureusement pris l’habitude de fonctionner concernant le pouvoir actuel, pose un grave problème : l’intervention toujours croissante des intérêts privés dans les affaires publiques. Cette question est éminemment politique. Dans la gestion des politiques nationales et locales, la décision publique est de plus en plus suspendue aux avis de prétendus experts, payés une fortune – 1 milliard par an tout de même – pour des résultats médiocres.

Ce que l’État demande aux cabinets privés, il peut le demander à son administration. Je rends hommage à ces 2,5 millions de fonctionnaires dépossédés des travaux de recherche au profit de cabinets qui n’ont pas une once de légitimité démocratique. Telle est bien la question que soulève ce débat : comment l’État détermine-t-il l’intérêt général dans la construction des politiques publiques ? La recherche de l’intérêt général et de l’efficacité doit-elle être confiée à des entreprises privées dont le but est de faire du profit ou aux serviteurs de l’État ? Notre réponse ne fait aucun doute.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). La proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, adoptée par le Sénat à l’unanimité, met en œuvre les recommandations du rapport de la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, publié le 16 mars 2022. Elle est le fruit d’un travail transpartisan mené dans le cadre de la mission de contrôle du Parlement.

Ces quatre mois d’enquête ont révélé un phénomène tentaculaire : l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur des pans entiers des politiques publiques, tels que la gestion de la crise sanitaire, la stratégie nationale de santé, l’avenir du métier d’enseignant et la mise en œuvre de la réforme des APL. Elle a mis en lumière des missions pléthoriques, externalisées, souvent de qualité médiocre, voire inachevées, validées et payés par l’État à des coûts exorbitants, en l’absence de système d’évaluation des prestations.

Ces abus et ces dérives inacceptables n’ont pas freiné l’essor de l’externalisation des prestations de conseil. La liste des missions déléguées à des cabinets de conseil privés au cours des dernières années témoigne d’un recours massif et croissant à leurs services. Certes, l’externalisation de mission n’est pas nouvelle, mais elle a doublé depuis 2018 et a augmenté de 45 % en 2021, portant les dépenses de l’État en la matière à plus de 1 milliard. Cette accélération du recours à l’externalisation soulève des interrogations au sujet de la capacité de la puissance publique à agir, à prendre ses décisions de manière souveraine et à bien utiliser les deniers publics.

Pour préserver la décision publique de toute influence des cabinets de conseil privés, prévenir les conflits d’intérêts et rendre transparent le recours à leurs services, la présente proposition de loi semble indispensable. Elle vise non pas à interdire le recours aux cabinets de conseil privés, mais à l’encadrer et à évaluer l’exécution des prestations fournies, tout en imposant une réelle transparence et en prévoyant un mécanisme de contrôle ainsi que des sanctions spécifiques.

Si le travail mené au Sénat a incité le Gouvernement à prendre timidement des mesures telles que la circulaire du 19 janvier 2022 ou l’inscription dans les jaunes budgétaires des dépenses liées au recours à des conseils extérieurs, les efforts engagés sont largement insuffisants. Le jaune budgétaire est lacunaire. Il ne présente ni la liste des missions de conseil commandées par l’État, ni les prestations informatiques, qui représentent près des trois quarts des prestations externalisées de l’État. Le renforcement du contrôle interne du recours à des prestataires semble très en deçà des enjeux. Nous soutenons pleinement la proposition de loi, dans un souci de transparence et d’exemplarité

Indépendamment de l’avancée qu’elle constitue, nous considérons que l’accélération du recours à l’externalisation est la conséquence du choix de l’affaiblissement des services publics, qui s’accompagne de la dégradation des compétences de la puissance publique, de la réduction de ses capacités d’action et de son étroite dépendance à l’égard d’opérateurs extérieurs.

Dans de nombreux domaines, l’État, ayant externalisé certaines de ces missions, ne possède plus l’expertise où les capacités matérielles nécessaires pour assurer en toute autonomie la conduite des politiques publiques. Pour rompre ce cercle vicieux, il faut réarmer les services publics, et procéder à la réinternalisation progressive des fonctions les plus stratégiques parmi celles qui sont sous-traitées, afin de rendre à la puissance publique les moyens de remplir ses missions en toute indépendance.

M. Paul Molac (LIOT). Les cabinets de conseil suscitent bien des suspicions, légitime à mes yeux : opacité totale, coûts disproportionnés, résultats inégaux voire médiocres, et surtout influence jugée illégitime sur la décision publique. Face à l’ampleur du scandale McKinsey et au recours incontrôlé aux consultants pendant la pandémie, la réponse du Gouvernement, sous la forme d’une simple circulaire, est un signe de frilosité, voire de culpabilité. Il est nécessaire que le Parlement s’empare du sujet.

En 2021, l’État a dépensé 1 milliard en prestations de cabinets de conseil. Notre groupe s’étonne, à cet égard, de voir le ministère de l’économie et des finances représenter 20 % du total des dépenses, ce qui est considérable pour un ministère censé faire des économies. À l’aune de l’appauvrissement de la fonction publique, il y a en outre de quoi s’interroger sur certaines rémunérations de consultants, atteignant par exemple 1 528 euros pour une journée de travail, soit presque le salaire mensuel d’un professeur stagiaire ou d’une infirmière en début de carrière. C’est un peu choquant.

Comment accepter de réduire les dépenses des administrations tout en doublant entre 2018 et 2021 les dépenses de conseil des ministères ? En externalisant l’étude, on risque d’être orienté dans une direction particulière. Est-ce l’objectif ? Il y a des compétences dans nos ministères. Pourquoi ne pas faire appel à elles ?

Le présent texte procède d’un effort de transparence indéniable, consistant à rendre public et surtout accessible aux citoyens les données liées au recours aux cabinets de conseil, notamment le bilan et l’évaluation de chaque prestation. C’est une avancée. Le pantouflage et le lobbying font l’objet d’un encadrement ; il était nécessaire d’en créer un pour les activités de conseil. La proposition de loi crée un cadre déontologique complet et ambitieux.

Notre groupe estime cependant que la saisine de la HATVP gagnerait à être élargie. Le texte n’offre cette possibilité qu’au Premier ministre et aux présidents des assemblées. Pourquoi ne pas l’ouvrir par exemple à soixante députés ou sénateurs afin d’accorder un rôle aux oppositions parlementaires ?

Nous saluons le choix de prévoir un volet répressif dissuasif. Que vaudrait une telle loi sans sanctions ? Nous serons surtout attentifs au maintien de l’amende de 2 % du chiffre d’affaires mondial du cabinet en cas de manquement.

Notre groupe votera résolument pour ce texte, qui est une belle avancée.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). Le 18 octobre 2022, le Sénat a adopté la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. En juillet dernier, la Cour des comptes épinglait une forte augmentation des dépenses de recours aux cabinets de conseil par l’État entre 2017 à 2021. Ces dépenses ont augmenté de 11 millions en 2014 à 100 millions en 2018 et à 230 millions en 2021, avant de se tasser à 200 millions en 2022. Si ces dépenses ne représentent qu’une part minime des dépenses de l’État – 0,04 % d’après la Cour des comptes –, elles n’en ont pas moins triplé de 2017 à 2021.

Ces dépenses sont loin d’être anodines. Elles doivent être contrôlées avec sérieux, pour au moins deux raisons : il s’agit de l’argent des contribuables, dont les Français se préoccupent à juste titre ; ce recours soulève la question des compétences et de l’indépendance de nos institutions. Cependant, dans certains domaines très techniques, les collectivités locales, qui certes n’entrent pas dans le périmètre de la proposition de loi, ont besoin de recourir à des cabinets de conseil. Tout n’est pas à jeter.

La proposition de loi vise à renforcer l’encadrement des prestations, à les rendre plus transparentes et à prévenir les conflits d’intérêts. Elle vise également à en finir avec l’opacité des prestations de conseil et à interdire les prestations à titre gracieux, sauf dans des cas spécifiques tels que celui des fondations reconnues d’utilité publique. Elle vise aussi à renforcer les pouvoirs de la HATVP et prévoit d’encadrer les allers-retours de personnel entre administration et cabinets privés. Tout cela me semble plutôt positif.

Le recours à des prestations externes ne doit pas – ne doit plus – constituer une modalité inévitable et coûteuse de mise en œuvre, et parfois de conception, de nos politiques publiques. Il doit au contraire retrouver sa juste place parmi les instruments à la disposition de nos administrations pour mener à bien leur mission de service public. Tel sera le sens de mes amendements.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Monsieur le Président, vous avez soulevé avec pertinence la question du champ d’application du texte, s’agissant notamment des prestations informatiques. Nos débats en commission, en séance publique et dans le cadre de la navette parlementaire devraient nous permettre d’y répondre.

J’aimerais préciser notre approche s’agissant des collectivités territoriales, évoquées par la plupart des orateurs. Elles ne peuvent pas être placées sur le même plan que les administrations centrales, où ont été constatés les manquements à l’origine de la proposition de loi, et où le commanditaire de la prestation n’a aucun compte à rendre.

Tel n’est pas le cas dans les collectivités territoriales, qui commandent des prestations par le biais de leurs assemblées délibérantes, dans le cadre d’une procédure de passation de marché public et d’appel d’offres formalisée, faisant l’objet d’un contrôle de légalité. Le compte administratif, visé par la chambre régionale des comptes, garantit l’existence d’une documentation. Il n’en faut pas moins trouver une solution pour que les collectivités territoriales soient soumises à une transparence accrue et à des règles déontologiques, afin de prévenir les conflits d’intérêts, notamment pour protéger les élus locaux.

Je le dis très tranquillement : intégrer les collectivités dans le texte en leur appliquant les mêmes dispositions que celles prévues pour les administrations centrales, en leur imposant par exemple d’enregistrer les prestations fournies, n’a pas de sens. Aucun jaune budgétaire, pas même ceux qui traitent des relations de l’État avec les collectivités territoriales, ne présente les budgets des collectivités territoriales.

Cette solution que nous devons trouver à tout prix, nous ne la trouverons pas sans les élus, et encore moins contre eux. Nous devons donc reprendre notre bâton de pèlerin pour produire une évaluation précise du marché du conseil aux collectivités locales. Il faut éviter de rigidifier le marché du conseil aux petites structures. Il faut faire en sorte que la démarche des collectivités locales ne soit pas trop lourde tout en étant transparente.

J’ai plaidé, à l’issue de la mission flash sur l’encadrement de l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, en faveur d’une évaluation menée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Elle n’a pas été menée. Il est nécessaire de procéder à une mission d’information ou de demander au Gouvernement la remise d’un rapport sur le sujet. À défaut, nous ne pouvons pas régler le problème.

Nous devons notamment tenir compte de l’article 72 de la Constitution, qui garantit la libre administration des collectivités territoriales. Ceux qui pensent que recourir à un seuil de population est une solution font erreur, en raison du risque de rupture d’égalité induit.

Bruno Millienne et moi-même avons exploré cette piste, en prévoyant de limiter les exigences s’agissant des passations de marchés publics de gré à gré, et de les renforcer s’agissant des procédures formalisées. Pour l’heure, elle est impraticable. J’invite chacune et chacun à faire confiance aux collectivités territoriales et à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation pour prendre le sujet à bras-le-corps.

Par ailleurs, le texte adopté par le Sénat est transpartisan. Nous devons rester à peu près dans son épure. Je répondrai à Frédéric Mathieu ce que disait Lénine : un petit pas vaut mieux que 1 000 programmes. Sur la question de la transparence, de la déontologie et du contrôle, nous devons adopter un dispositif opératoire.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Nicolas Sansu et moi-même avons travaillé en bonne intelligence, de manière réaliste et objective. S’agissant des collectivités territoriales, les amendements reposant sur un seuil de population ne tiennent pas. Nous avons tourné le problème dans tous les sens. Nous n’avons trouvé qu’une demi-solution. Il faut poursuivre la réflexion. La proposition de loi, je le rappelle, découle d’une commission d’enquête parlementaire et son examen a été précédé d’une mission flash. À l’origine, j’étais le plus fervent partisan de l’inclusion des collectivités territoriales dans le texte. Il ne s’agit pas d’une reculade de ma part.

La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation doit impérativement s’emparer du sujet. Nous demanderons également au Gouvernement de produire un rapport. Chacun sait qu’il faut améliorer la transparence, mais le présent texte, tel qu’il est issu des travaux du Sénat, n’est en aucun cas applicable aux collectivités territoriales, qui doivent faire l’objet d’un texte dédié.

Sans reprendre toutes les interventions en détail, je vous informe, monsieur Houssin, que McKinsey ne fait plus partie des cabinets de conseil travaillant avec l’État. J’aimerais être certain que « McPoutine » ne fait plus partie des conseillers du Rassemblement national… Par ailleurs, l’État, depuis la publication du rapport de la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, n’est pas resté sans rien faire. Deux circulaires ont été publiées, par les Premiers ministres Jean Castex et Elisabeth Borne.

Encore une fois, il s’agit non pas d’interdire le recours aux cabinets de conseil privés, mais d’encadrer leur activité au bénéfice de la transparence et de la déontologie, en veillant à ne pas faire peser sur nos fonctionnaires une charge de travail excessive. Tel est l’état d’esprit dans lequel nous avons travaillé. J’espère que les nombreux amendements que nous allons examiner ne dénatureront pas l’esprit du texte adopté par le Sénat, d’autant que des évolutions ont eu lieu depuis son adoption.

Avant l’article 1er 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL109 des rapporteurs.

Article 1er : Champ d’application de la proposition de loi

Amendement CL1 de M. Philippe Pradal

M. Philippe Pradal (HOR). Il s’agit de préciser le champ d’application de la proposition de loi en visant uniquement les conseils destinés à éclairer, illustrer ou accompagner l’élaboration des politiques publiques.

M. Bruno Millienne, rapporteur. En précisant la notion de prestation de conseil, l’amendement, dont je ne suis pas surpris qu’il ait été élaboré avec le syndicat des cabinets de conseil, limite considérablement le champ du texte en le restreignant aux prestations de conseil les plus stratégiques visant à épauler l’administration dans l’élaboration d’une politique publique. Nous pensons que les obligations de transparence et les règles déontologiques doivent s’appliquer dans un champ plus large. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL110 des rapporteurs et CL72 de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Nous souhaitons restreindre le champ d’application de la proposition de loi aux établissements publics dont le budget est supérieur à 60 millions. Actuellement, le texte s’appliquerait à l’ensemble des établissements qui sont au nombre de 800 environ. L’amendement permettrait d’exclure les petits établissements, dont j’ai dit que leur appliquer la proposition de loi n’a pas de sens. Le cœur de cible, ce sont les administrations centrales, notamment les accords-cadres qu’elles concluent.

L’amendement ne modifie en rien l’esprit de la loi, mais il permet d’exclure de son champ d’application des petites structures telles que les Ehpad de petite taille adossés à un hôpital. Il nous a semblé excessif de leur appliquer les mêmes règles qu’à une administration centrale chargée par exemple de réfléchir à l’avenir du métier d’enseignant.

M. Philippe Gosselin (LR). La cohérence propre du seuil de 60 millions, emprunté au code de la commande publique, m’échappe. Pourquoi pas 50 ou 100 ? Sur le fond, nous ne disposons pas de la liste exhaustive des établissements ainsi exclus du champ d’application de la proposition de loi. Ces amendements me semblent procéder à l’aveugle. Je n’en fais pas une question de principe, mais ce chiffre me semble sortir du chapeau.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Il ne sort pas du chapeau, mais des débats du Sénat, qui a finalement renoncé à fixer un seuil. Il nous semble difficile d’intégrer les petits établissements publics dans le champ du texte. Le seuil de 60 millions a le mérite de figurer dans le code de la commande publique.

Un petit musée refondant sa politique de communication qui passe un marché à 10 000 euros peut-il être soumis aux mêmes règles que le ministère de l’économie et des finances qui fait appel au Boston consulting group ? Cela ne me semble pas opératoire.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL148 des rapporteurs

M. Bruno Millienne, rapporteur. Il vise à supprimer l’alinéa 4. Il s’agit d’exclure la Caisse des dépôts et consignations (CDC) du champ des administrations bénéficiaires, en raison de son statut très particulier au sein des établissements publics, et de prévoir pour elle des mesures spécifiques, qui seront présentées dans un amendement examiné ultérieurement.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je ne vois pas pourquoi la CDC serait exclue du champ des administrations bénéficiaires. Si elle bénéficie de sur-mesure, il faut que les normes soient plus contraignantes qu’ailleurs, s’agissant d’activités plus difficiles à encadrer.

La CDC a des activités financières et économiques dans le champ concurrentiel qui accroissent sa porosité avec la sphère privée. Elle est conseillée par des gens relevant de la sphère privée et ayant des intérêts économiques aux opérations certes réalisées pour le compte de l’État. La spécificité de la CDC incite à l’inclure dans le champ du texte, en raison de la sensibilité de son activité, qui présente un potentiel corruptif plus élevé.

M. Bruno Millienne, rapporteur. La CDC est dotée d’une commission de surveillance où siègent des sénateurs et des députés. Cet établissement public est donc soumis au contrôle des assemblées. Par ailleurs, certains de ses personnels travaillent sous contrat de droit privé, d’autres relèvent du droit public.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. La CDC est un établissement public sui generis. Certes, elle n’échappe pas à l’obligation de transparence et de contrôle de déontologie, mais il faut trouver une solution adaptée. Elle n’est ni un établissement public administratif (EPA) ni un établissement public industriel et commercial (Epic). Elle n’est pas sous le contrôle de l’exécutif.

Nous défendrons un amendement portant article additionnel après l’article 3, visant à compléter le rapport annuel de la commission de surveillance sur la direction morale et sur la situation matérielle de la CDC, et à y inclure les informations mentionnées à l’article 3 de la proposition de loi. Par ailleurs, la CDC est dotée d’un déontologue.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL11 de Mme Untermaier, CL70 de Mme Marie-France Lorho et CL75 de M. Timothée Houssin (discussion commune)

Mme Cécile Untermaier (SOC). Fixer un seuil d’application à 100 000 habitants n’est sans doute pas une solution, mais il me semble difficile, voire impossible, d’examiner un tel texte sans y intégrer les collectivités territoriales. Les administrations centrales ont fait l’objet d’une commission d’enquête et de deux circulaires. Leur régulation est en cours. S’agissant des collectivités territoriales, il faut sinon prendre des mesures coercitives, du moins envoyer un message.

Indépendamment du sort de ces trois amendements, nous devons travailler sur ce point d’ici à l’examen du texte en séance publique. Nous ne pouvons pas laisser de côté le pan de l’action publique relevant des collectivités territoriales, en considérant que la direction générale des collectivités locales (DGCL), qui est elle-même pourvoyeuse de cabinets de conseil auprès des collectivités locales, nous donnera la solution. Nous devons faire notre travail de législateur, si difficile soit-il. Nous ne pouvons pas aller de mission flash en rapport d’information si nous voulons régler le problème.

Sans doute le seuil de 100 000 habitants est-il trop bas ; nous défendrons en séance publique un amendement prévoyant un seuil plus élevé. Quoi qu’il en soit, l’essentiel est de maintenir l’exigence de transparence pour les collectivités locales.

M. Stéphane Rambaud (RN). L’amendement CL70 vise à étendre le champ de la proposition de loi aux collectivités territoriales de plus de 350 000 habitants. Dans le cadre de leur mission flash, nos collègues Lebec et Sansu ont pris la mesure de la diversité des prestations de conseil dispensées aux collectivités territoriales, qui découle de la variété des compétences recherchées.

Pour dissiper ce flou, la loi doit encadrer cette pratique, au moins pour les collectivités de grande taille. Cela permettrait de limiter les situations de conflit d’intérêts et de faire la lumière sur l’absence de transparence des coûts des missions commandées.

M. Timothée Houssin (RN). Nous avons débattu à plusieurs reprises de l’opportunité d’intégrer les collectivités territoriales dans le champ du texte. Nous avons pris acte de la difficulté d’intégrer des milliers de communes dans un système complexe. Ces dernières ont le plus souvent recours à de petits cabinets locaux prenant des décisions rarement politiques. Elles ont surtout recours à des cabinets de conseil pour la passation de marchés. Les inclure dans le texte lui fait courir un risque d’enlisement.

S’agissant des régions et des départements, le constat n’est pas le même. L’amendement CL75 vise donc à les inclure dans le champ du texte. En effet, ils prennent des décisions de nature politique. En outre, leurs services internes sont étoffés et leurs budgets sont de plusieurs centaines de millions, voire de quelques milliards d’euros ; ils sont parfois comparables à ceux des ministères. Ainsi, le budget du département du Nord ou de la région Grand-Est, qui est d’environ 4 milliards, est du même ordre que celui du ministère de la santé et de la prévention, et supérieur à celui de la culture.

S’agissant de l’amendement CL11, nous sommes favorables à l’esprit dont il procède, mais son adoption risque, nous semble-t-il, de retarder l’adoption du texte par les deux chambres. Nous nous y opposerons donc. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut travailler à l’encadrement du recours aux cabinets de conseil par les collectivités locales, par exemple dans le cadre d’une mission d’information ou d’une commission d’enquête.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Pour avoir étudié la question avec Nicolas Sansu, je peux vous dire que les seuils exprimés en nombre d’habitants ne fonctionnent pas. Des collectivités qui seraient en dessous des seuils que vous proposez pourraient avoir à faire appel à de l’AMO, par exemple, pour des sommes bien plus importantes que des communes de 100 000 ou 350 000 habitants en ce qui concerne de petites choses. C’est pourquoi nous privilégions plutôt les seuils de la commande publique, même si, pour être très franc, cette solution n’est pas plébiscitée par les associations d’élus. Cela paraît, néanmoins, la mesure la plus adaptée – c’est peut-être une piste à creuser.

Il ne s’agit pas d’abandonner la question des collectivités territoriales, madame Untermaier. La proposition de loi demande un rapport à ce sujet et nous réitérons le souhait d’un travail approfondi dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales.

Les dispositions qui régissent ces dernières, notamment en matière de contrôle, n’ont rien à voir celles prévues pour l’État. Agissons en fonction des réalités sur le terrain au lieu de se calquer sur des textes qui ne sont absolument pas adaptés.

Par conséquent, je vous demande de retirer ces amendements. Sinon, avis défavorable.

M. Roger Vicot (SOC). Nous partageons tous, me semble-t-il, la volonté de faire preuve de transparence et donc de ne pas exclure les collectivités du champ du texte. On pourrait imaginer qu’un rapport annuel soit remis, comme dans d’autres domaines, pour permettre de savoir quand les maires ou les présidents de conseils départementaux ou régionaux ont fait appel à des cabinets de conseil, dans quel but – nous considérons, compte tenu de la technicité nécessaire, qu’il peut être légitime de recourir à des cabinets de conseil –, pour quels montants et de quels cabinets il s’agissait.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Ces informations existent déjà – je pense en particulier aux comptes administratifs – et il suffit de les mettre en avant. J’ai ainsi demandé lors des auditions s’il était possible d’insérer dans le cadre du rapport sur les orientations budgétaires un paragraphe expliquant quand et pour quoi on a recours aux cabinets de conseil et de consacrer un développement spécifique à cette question dans le compte administratif : on peut le faire.

On peut prévoir les mêmes obligations pour les collectivités, mais un vrai problème se posera. S’il y a des dizaines et des dizaines de déclarations sur l’honneur d’absence de conflits d’intérêts de la part des personnes intervenant dans les collectivités, comment feront les centres de gestion qui seront chargés de la déontologie ? Un logo pour un centre social de la mairie de Paris peut coûter 1 500 euros, contre 400 000 pour un travail relatif à un PLUI (plan local d’urbanisme intercommunal) d’une intercommunalité de 30 000 habitants : on ne peut donc pas prévoir un seuil de population.

Forcer le passage pour appliquer tout de suite le dispositif aux collectivités serait une erreur, qui risquerait en outre de faire tomber tout le texte. Nous n’allons pas lâcher la proie pour l’ombre, mais au contraire continuer le travail sur cette question, qui a été identifiée par les sénateurs, afin de produire quelque chose de propre avec la délégation aux collectivités territoriales.

M. Philippe Pradal (HOR). Pour les collectivités non pas les plus importantes, mais les plus peuplées ou les régions et les départements, comment se passe l’attribution d’un marché public ? L’assemblée délibérante commence par autoriser la passation d’un marché. Se tient ensuite une commission d’appel d’offres dans laquelle l’opposition est représentée. Une fois que la commission a statué, le marché est soumis au contrôle de légalité, qui est exercé par les services de l’État. Une fois par an, un document publié dans la presse locale et nationale et fourni au conseil municipal ou, pour les régions et les départements, à l’assemblée délibérante, dresse la liste de tous les marchés en indiquant l’objet de la prestation. La chambre régionale des comptes exerce ensuite un contrôle. Que voulons-nous de plus ?

L’unique effet sera que seuls les prestataires les plus importants fourniront clefs en main les informations supplémentaires qui devront être produites par les collectivités, ce qui conduira à l’éviction des acteurs qui assurent le service au plus près du terrain, pour accompagner une politique culturelle ou une politique sportive, par exemple, et qui travaillent le plus sérieusement et depuis le plus longtemps au service des collectivités.

Nous sommes donc farouchement contre ce qui nous est proposé. Je suis d’accord avec vous, messieurs les rapporteurs : si une disposition de ce type était adoptée, cela remettrait en cause l’équilibre du texte et le vote de notre groupe.

M. Philippe Gosselin (LR). Le souhait de transparence est louable : nous le partageons tous, et il n’y a pas de difficulté en la matière. Les collectivités locales ne peuvent se soustraire à un certain nombre d’obligations qui existent déjà, comme l’a rappelé Philippe Pradal. Les chambres régionales des comptes exercent des contrôles, de même que les comptables publics. Le compte de gestion et le compte administratif, qui sont adoptés chaque année à l’issue de l’exécution budgétaire, doivent être concordants. Il y a aussi les rapports annuels qui ont été évoqués, et les élus d’opposition jouent parfois un rôle de poil à gratter, dans la proximité et d’une façon plus simple qu’au Parlement.

Aller plus loin sans réaliser une expertise me paraît très dangereux. Il n’y a pas eu de rapport de la délégation aux collectivités territoriales ou de la commission des lois à ce sujet. S’il faut une autre étape, on doit la préparer en évaluant les montants concernés, les conditions, les manquements actuels, etc. Or nous n’avons rien de tel pour le montant.

Par ailleurs, on en revient toujours à la question des effets de seuil. Je ne dis pas que c’est le mal absolu. Le code général des collectivités territoriales prévoit déjà des seuils, de 3 500 habitants, 10 000 ou 100 000 selon les cas. Mais ce n’est pas parce qu’on est une collectivité de 100 000 habitants qu’on passe nécessairement des marchés importants ; une collectivité de moindre taille peut, en revanche, en conclure.

Mme Cécile Untermaier (SOC). La proposition de Roger Vicot émane d’un collègue qui a été maire pendant dix ans et qui sait donc comment fonctionne une collectivité locale. Ce que nous demandons relève plutôt de la communication, car les chiffres existent déjà – sinon, on n’aurait pas découvert ce qui s’est passé avec McKinsey – mais personne ne les lit. Il s’agit de restaurer la confiance du citoyen à l’égard des collectivités en assurant la transparence. On ne demande pas de produire un jaune budgétaire, qui n’existe pas dans les collectivités locales, mais de publier un rapport de synthèse annuel, dans toutes les collectivités locales, pour informer la population du recours aux cabinets de conseil. Il faut que la loi en fasse l’obligation, non parce que faire appel à ces cabinets serait malsain en soi, mais parce qu’il faut appliquer aux collectivités la même exigence de transparence qu’à l’État.

M. Didier Paris (RE). Je ne suis vraiment pas persuadé que ce soit le moment opportun d’ajouter des pressions sur les collectivités territoriales. Je rejoins au contraire Philippe Pradal et Philippe Gosselin.

La différence entre un ministère et une collectivité, c’est qu’il y a une opposition dans une collectivité. Et plus la collectivité est grande, plus l’opposition est structurée et dynamique. En réalité, des dispositions de contrôle, comme les rapporteurs l’ont très bien rappelé, existent déjà, qu’il s’agisse de la publication des marchés publics ou de l’analyse des comptes annuels. Nous savons bien comment les choses se passent. Je n’ai pas besoin de rappeler dans le détail ce qui est fait par les chambres régionales des comptes et au niveau du contrôle de légalité – j’ai été membre du corps préfectoral, et je sais donc comment ça marche.

N’ajoutons pas, alors qu’aussi peu de travail préparatoire a été réalisé sur une question aussi lourde pour les collectivités territoriales, des dispositions qui n’apporteraient strictement rien en matière d’autocontrôle.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Nous en reparlerons sans doute dans l’hémicycle, mais je tiens à vous assurer, madame Untermaier, que le but des rapporteurs n’est pas d’écarter les collectivités territoriales, comme vous le semblez le dire, mais de réaliser un travail précis qui tienne compte de ce qu’on sait déjà, c’est-à-dire de ce que les collectivités sont obligées de déclarer et donc des informations qu’on peut obtenir si on cherche un peu. Vous ne pouvez pas dire que ces informations n’existent pas et que les collectivités territoriales ne sont pas contrôlées – il y a le contrôle de légalité, les chambres régionales des comptes et les oppositions.

Je tiens à ce qu’on avance – vous savez de quel territoire je viens, c’est peut-être la raison – mais on ne peut pas le faire en adoptant un ou deux petits amendements qui se contentent d’enfoncer un coin. Il faut faire le travail très sérieusement dans le cadre d’une mission de la délégation aux collectivités territoriales. Quand j’ai commencé ce travail de rapporteur, j’étais pour inclure les collectivités dans le dispositif, mais nous n’y serions pas parvenus même si nous avions travaillé sur le sujet un mois de plus. Il faut réaliser, d’une façon qui peut être transpartisane, une étude complémentaire pour élaborer des dispositions qui s’appliquent spécifiquement aux collectivités territoriales au lieu d’être tirées des mesures prévues pour les administrations de l’État.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CL97 de Mme Laure Miller et CL111 des rapporteurs

Mme Laure Miller (RE). Depuis la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, qui a notamment modifié les articles L. 6141-1 et suivants du code de la santé publique, tous les établissements publics de santé sont des établissements publics de l’État. L’alinéa 5 est donc superflu. C’est la raison pour laquelle nous proposons de le supprimer.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Nous nous sommes effectivement aperçus que cet alinéa ne servirait à rien et nous proposons aussi de le supprimer.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL2 de M. Philippe Pradal

M. Philippe Pradal (HOR). L’objet de cet amendement est de renvoyer à un décret la définition des prestations entrant dans le champ d’application de la future loi. Il faut, de l’aveu même des rapporteurs, être aussi exhaustif que possible, et il me semble que la loi n’est pas le véhicule le plus adapté pour cela, ni pour faire preuve de réactivité. Si un nouveau type de prestation voit le jour, faudra-t-il un nouveau débat au Parlement pour l’inclure dans le périmètre existant ?

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Sans voir de malice derrière cet amendement, je pense que si on confiait au Gouvernement le soin de définir les prestations de conseil qui seront contrôlées, il pourrait avoir légèrement tendance à réduire le champ des prestations, voire à en faire une coquille vide. Le législateur est mieux placé pour définir la liste, et les prestations visées, qui ont fait l’objet d’une discussion au Sénat, me semblent convenir : préservons cette disposition. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL49 de Mme Mathilde Panot et CL98 de Mme Laure Miller (discussion commune)

Mme Mathilde Panot (LFI-NUPES). Nous proposons de revenir sur l’exclusion des prestations informatiques et de maintenance dans ce domaine. Les montants sont énormes – en 2021, ils s’élevaient à 448 millions d’euros, ce qui représente la moitié des prestations de conseil – et ils explosent. Entre 2018 et 2021, les dépenses de conseil en stratégie des systèmes d’information ont été multipliées par 5,8.

Le rapport du Sénat a pointé, s’agissant de la relation de dépendance qui s’est instaurée, les particularités du domaine informatique. Le livre de Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, Les Infiltrés, révèle que près de 90 % des grands projets numériques sont entre les mains de cabinets qui sont la plupart du temps étrangers, ce qui pose évidemment un problème, et que les contrats sont des pièges : on fabrique des applications de mauvaise qualité et on prévoit un tarif de maintenance exorbitant qui augmente une fois que l’État est prisonnier du prestataire.

Il est d’autant plus urgent de revenir sur cette exclusion du champ d’application du dispositif que c’est à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) de soutenir les directions en manque d’effectifs à la suite de recrutements insuffisants. Il faut aussi augmenter le nombre de fonctionnaires.

Mme Laure Miller (RE). Les prestations d’expertise technique et informatique sont assez particulières : elles nécessitent un régime juridique distinct ou présentant au moins quelques spécificités. Nous suggérons ainsi de laisser s’appliquer la circulaire de la Première ministre relative au pilotage et à l’encadrement du recours aux prestations intellectuelles informatiques, datant de février 2023, et éventuellement de légiférer a posteriori, si cette circulaire n’était pas efficiente.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Avis défavorable à l’amendement de Mme Panot. L’exclusion des prestations de programmation et de maintenance a été proposée par la rapporteure du Sénat et était souhaitée par les auteurs du texte. Il s’agit de prestations courantes qui ne sont pas de nature à influencer la décision publique. En revanche, le Sénat a maintenu le conseil stratégique en informatique dans le champ de la proposition de loi, ce qui était cohérent avec les constats de la commission d’enquête sénatoriale.

Madame Miller, je vous suggère de retirer votre amendement ; sinon, j’émettrai un avis défavorable. Ce que vous proposez aurait pour effet d’exclure du champ du dispositif les prestations d’appui et d’expertise technique, alors qu’il s’agit aussi de prestations stratégiques qui peuvent présenter un risque d’influence sur la décision publique et qu’il faut donc contrôler plus fortement.

M. Timothée Houssin (RN). Le groupe Rassemblement national est plutôt favorable au premier amendement. Au vu des chiffres, une vraie question se pose : ces prestations représentent 450 millions d’euros par an, ce qui est considérable. On sait que le ministère de la justice n’assure en interne que 9 % de ses prestations informatiques, le ministère des affaires étrangères 10 % et le ministère de la culture 14 %. La direction interministérielle du numérique a affirmé lors des auditions menées par la commission d’enquête du Sénat que 90 à 95 % de la maîtrise des grands projets informatiques et des technologies sont externalisés, ce qui pose notamment un problème de coûts. Surtout, on a beaucoup recours à des cabinets étrangers, et il y a la question des contrats de TMA, c’est-à-dire de tierce maintenance applicative : on fait appel à des consultants qui créent une application et deviennent les seuls à maîtriser sa maintenance, ce qui conduit à des coûts faramineux. Par conséquent, inclure les prestations de programmation et de maintenance nous semble plutôt une bonne idée.

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Je soutiens l’amendement présenté par ma camarade Panot. Il ne faut pas se méprendre sur la qualité des prestations informatiques : on est passé d’une fonction support à une fonction stratégique. Je remets la casquette que je portais la semaine dernière à la même heure, en tant que corapporteur d’une mission sur la cybersécurité, pour souligner que la stratégie et la structure informatique influencent l’organisation des pouvoirs publics et donc les politiques publiques qui sont menées : ce n’est pas un sujet annexe. Quand on ajoute à cela l’environnement que constituent les Gafam, on voit qu’il s’agit directement de questions de souveraineté pour les ministères. Il faut prendre en compte cette réalité : la fonction informatique est stratégique et devrait donc entrer dans le champ d’application du texte.

M. Philippe Gosselin (LR). Si le numérique occupe pratiquement la moitié des cabinets de conseil, je crois qu’il faut conserver une distinction entre ce qui est vraiment stratégique et ce qui relève plus du fonctionnement quotidien, de l’accompagnement ou de la vente de produits, bien que la ligne de partage des eaux ne paraisse pas toujours très claire. Une stratégie peut induire des équipements, des logiciels particuliers et donc une maintenance particulière ou encore certains pare-feu et moyens de lutte contre les cyberattaques. L’amendement CL49 met l’accent sur un point qui n’est pas anodin, c’est vrai, mais sa rédaction est très binaire et conduirait à être trop englobant. Je voterai contre, un peu par précaution : nous pourrons peut-être retravailler sur la question d’ici à la séance.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Je partage une inquiétude, qui concerne le droit de suite. Quand un conseil en informatique construit l’architecture d’un réseau, cela entre évidemment dans le champ d’application de la proposition de loi. Par ailleurs, si le conseil vend un logiciel et assure la maintenance, cela reste de la stratégie. Je suis d’accord avec Philippe Gosselin : tout ne peut pas entrer dans le champ du texte, mais on rate quand même des choses. J’invite donc à trouver des solutions d’ici à la séance. L’amendement CL49 me semble utile, mais regardons ensemble comment nous pourrions faire en sorte que tout ne soit pas inclus. En cas de cyberattaque, par exemple, il faut que quelqu’un intervienne tout de suite – c’est la réalité.

La commission rejette l’amendement CL49 et adopte l’amendement CL98.

Amendement CL54 de M. Frédéric Mathieu, amendements identiques CL63 de Mme Sandra Regol et CL76 de M. Timothée Houssin, et amendement CL12 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune)

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Il y a peut-être une erreur de rédaction dans le texte actuel de la proposition de loi. La question des avocats, experts-comptables et commissaires aux comptes a été traitée suivant le prisme des professions et non des fonctions. Or, historiquement, les cabinets de conseil sont issus de ces professions. Il existe donc une très forte connexité en la matière. Certains députés qui sont d’anciens avocats ayant fait tout ou partie de leur carrière dans des cabinets de conseil pourront le confirmer. Si on se concentre sur les professions, on crée un angle mort, et c’est pourquoi nous préférons nous intéresser aux fonctions.

Un avocat, dans ses fonctions juridictionnelles, entendues au sens large, c’est-à-dire au-delà de la plaidoirie, lorsqu’on prend une affaire et qu’on va jusqu’au bout du suivi de l’exécution d’un jugement devenu définitif, doit être exclu du champ ; en revanche, à partir du moment où on met simplement une casquette de conseil, comme le font beaucoup d’avocats dans des cabinets de conseil, on doit être réintégré dans le champ d’application du texte.

Pour les avocats, commissaires aux comptes et experts-comptables, nous proposons de faire une distinction entre les différentes fonctions qui peuvent être exercées, pour faire entrer le conseil pur dans le champ du texte. Tel est l’objet de notre amendement, que nous considérons comme étant de précision.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). L’amendement de notre collègue Regol vise à revenir à la version initiale de la proposition de loi en ce qui concerne l’alinéa 12 de l’article 1er. La rédaction qui nous est actuellement proposée exclut un ensemble de professions, notamment les avocats, alors que ces derniers peuvent être amenés à exercer des missions de conseil hors de toute activité liée à un contentieux, ce que la proposition de loi cherche précisément à encadrer. À titre d’exemple, le cabinet d’avocats Dentons a rédigé en 2019 l’étude d’impact et l’exposé des motifs du projet de loi d’orientation des mobilités, comme l’ont relevé nos collègues sénateurs dans un rapport, étant entendu que bien d’autres cabinets d’avocats effectuent aussi ce type de missions pour l’État. Notre amendement permettra de soumettre aux obligations du présent texte les activités de conseil des cabinets d’avocats et d’autres professions juridiques, au même titre que les activités de conseil réalisées par des cabinets traditionnels, sans compromettre le secret professionnel, qui restera garanti, ce qui est normal dans un État de droit, pour les activités de représentation ou d’assistance devant les juridictions.

M. Timothée Houssin (RN). Notre amendement vise également à revenir à la réaction initiale de l’alinéa 12 : il s’agit d’exclure du dispositif les avocats lorsqu’ils exercent une mission de représentation des parties, ainsi que les experts-comptables et les commissaires aux comptes pour les missions d’expertise comptable ou de commissariat aux comptes, mais d’inclure ces corps de métier s’agissant des missions de conseil. Nous n’avons pas réellement eu d’explication, lors des auditions, sur la modification opérée en la matière.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Ces amendements proposent de réintroduire dans le champ d’application du texte les professions juridiques réglementées, notamment les avocats réalisant des activités de conseil. L’amendement CL54 comporte une précision supplémentaire, mais celle-ci ne change pas la portée de la rédaction. L’amendement CL12 propose, outre le retour au texte initial, l’inclusion de l’expertise comptable dans le champ des obligations prévues par la proposition de loi.

Je suis défavorable à ces amendements parce qu’il s’agit de professions réglementées, disposant de leurs propres règles déontologiques, lesquelles sont sanctionnées par des ordres professionnels ou, dans le cas des commissaires aux comptes, par une autorité administrative indépendante, le Haut conseil du commissariat aux comptes. Il ne me paraît pas pertinent d’appliquer à ces professions des obligations déontologiques supplémentaires. J’entends néanmoins vos remarques. Peut-être faut-il retravailler sur la question d’ici à la séance ou lors de la navette.

M. Didier Paris (RE). Il s’agit, comme le rapporteur vient de le dire, de professions réglementées, qui ont leurs propres règles déontologiques. Pour ce qui est des avocats, par exemple, c’est le bâtonnier qui intervient. La crainte qu’on pourrait avoir, assez naturellement, est celle d’une éventuelle opposition de normes entre la HATVP (Haute Autorité pour la transparence de la vie publique) et le bâtonnier, par exemple. Nous n’y voyons pas suffisamment clair pour avancer : c’est la rapporteure du Sénat qui a elle-même déposé un amendement pour retirer les professions réglementées du texte – elles y figuraient initialement.

En ce qui concerne les avocats, ce n’est pas la première fois que nous parlons du secret professionnel. Quand j’entends les distinctions qui sont faites entre la phase contentieuse, qui serait couverte par ce secret, et le reste, qui ne le serait pas, les bras m’en tombent. Le secret professionnel doit être absolument garanti. Je ne qualifierai pas ce qui nous est proposé, mais je tiens à dire que j’y suis fondamentalement opposé, et je pense que l’ensemble des avocats et des professions réglementées en général seraient très choqués qu’on aille dans ce sens.

M. Philippe Gosselin (LR). Il est toujours tentant de balayer très largement en se disant qu’on couvre ainsi tous les cas de figure. Néanmoins, comme l’a souligné Didier Paris, il s’agit de professions réglementées qui ont leur propre déontologie. Pour les avocats en particulier – je rappelle que je n’en fais pas partie –, on risque de porter atteinte au secret professionnel. En outre, il y a déjà des éléments en place du côté des bâtonniers, du règlement intérieur national et de la loi du 31 décembre 1971, dont l’article 66-5 traite du secret professionnel : il existe un environnement juridique permettant d’assurer un contrôle ou un autocontrôle et, le cas échéant, de prononcer des sanctions. Aller plus loin sans évaluation, sans étude d’impact, me paraît hasardeux et de nature à rompre l’équilibre du texte. Je ne m’engouffrerai donc pas dans cette direction.

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). La circonstance qu’il y ait des professions réglementées ne fait pas obstacle à l’adoption de notre amendement. La déontologie est avant tout un droit disciplinaire vis-à-vis des membres d’une profession réglementée, et rien ne s’oppose à une cohabitation entre des blocs de normes différents. La profession de médecin, par exemple, est extrêmement réglementée, mais cela n’empêche pas un médecin d’être un justiciable au titre du code pénal pour les crimes et délits qu’il aurait pu commettre dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. L’existence de différents blocs de normes est très habituelle en droit français ; elle est même, me semble-t-il, encore plus vieille que celle de l’État lui-même, ou concomitante à sa création. Ne confondons pas la déontologie avec le droit originel que nous promouvons par cet amendement.

L’amendement CL12 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CL54, CL63 et CL76.

Amendements identiques CL99 de Mme Laure Miller et CL112 de M. Bruno Millienne

Mme Laure Miller (RE). Il s’agit de remplacer, à l’alinéa 16, « à titre individuel » par « en qualité d’indépendant ». Cette précision paraît importante au vu de l’objectif de la proposition de loi : nous voulons réguler les prestations venant du privé et non celles effectuées entre administrations. Il serait particulièrement absurde qu’un vacataire ou un agent sous contrat de droit privé se voit appliquer certaines des obligations figurant dans la proposition de loi.

M. Bruno Millienne, rapporteur. J’ai déposé le même amendement de bon sens.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CL113 des rapporteurs et CL100 de Mme Laure Miller

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Je laisse Mme Miller défendre ces amendements.

Mme Laure Miller (RE). Il s’agit de supprimer l’alinéa 18. En pratique, comme l’ont montré les auditions, un grand nombre de prestations n’appellent pas à élaborer plusieurs scénarios. Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi fait peser une contrainte disproportionnée sur les cabinets de conseil.

M. Timothée Houssin (RN). Quand je lis l’exposé des motifs de l’amendement des rapporteurs, je suis d’accord. Il est question de supprimer l’obligation de proposer plusieurs scénarios aux administrations bénéficiaires pour la raison suivante : « si cette obligation peut sembler pertinente concernant les cabinets de conseil en stratégie et en organisation, elle s’applique mal à d’autres types de prestation, et notamment aux prestations de conseil informatique. » C’est vrai, mais pourquoi supprimer l’ensemble au lieu d’apporter une précision concernant seulement les cabinets de conseil en stratégie et en organisation ?

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Il me semble logique qu’un conseil en stratégie se traduise par plusieurs scénarios ou qu’on arrive, par itérations, au scénario final. Pour le reste, je ne suis pas sûr que la mesure soit très opérante.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). C’est la prestation de conseil informatique qui a motivé l’amendement, or le raisonnement est faux : dans ce domaine, comme dans d’autres, il peut exister plusieurs scénarios, plusieurs technologies, plusieurs supports ou plusieurs langages informatiques. Les bases de données, par exemple, peuvent être distribuées ou rassemblées, et les coûts ne sont pas les mêmes selon les scénarios, pas plus que l’avenir des systèmes informatiques fournis ou les possibilités de déploiement. Il n’y a aucune raison valable d’exclure du dispositif les prestations de conseil informatique.

M. Timothée Houssin (RN). Si on s’en tient à un seul scénario, c’est la privatisation de la décision publique dont nous avons parlé tout à l’heure : il ne s’agit plus d’un conseil, mais d’une consigne.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Penser que l’existence de plusieurs scénarios change quelque chose me semble complètement incroyable. C’est le cahier des charges de la prestation demandée qui prévoit les choses : lors d’une consultation pour l’administration centrale, on peut demander de présenter trois scénarios différents ou au contraire d’aller dans telle direction. N’inscrivons pas l’exigence de plusieurs scénarios dans la loi.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CL52 de M. Frédéric Mathieu et CL13 de Mme Cécile Untermaier tombent.

Amendements CL14 et CL15 de Mme Cécile Untermaier

Mme Cécile Untermaier (SOC). Mon premier amendement vise à permettre l’intégration et la participation d’un agent public dans l’intervention d’un prestataire de conseil ou d’un consultant auprès d’une administration. Vous me direz que cela peut être prévu par le cahier des charges, mais je pense qu’il est préférable de le préciser dans la loi.

Le second amendement tend à formaliser une distinction qui existe déjà en pratique : les cabinets de conseil qui contractualisent avec l’État auront interdiction d’effectuer toute action de représentation d’intérêts auprès des pouvoirs publics au nom des tiers que sont leurs clients privés, ce qui ne les empêchera pas d’effectuer des actions de représentation d’intérêts en leur nom propre ou par leurs associations professionnelles. C’est un amendement suggéré par Transparency International France.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Avis favorable au premier amendement, et plutôt défavorable au second – je vous invite à le retirer. Dans la situation que vous décrivez, le cabinet de conseil sera de fait en situation de conflit d’intérêts : il sera donc passible de sanctions de la part de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Il n’en sera pas de même, en revanche, s’il effectue une mission de conseil pour l’administration sur un sujet et une action de lobbying pour le compte d’un tiers sur un tout autre sujet.

L’amendement CL15 est retiré.

La commission adopte l’amendement CL14.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement CL16 de Mme Cécile Untermaier

M. Bruno Millienne, rapporteur. Demande de retrait. En l’état, rien n’empêche le Bureau de chaque assemblée parlementaire de définir ses propres règles.

L’amendement est retiré.

Amendements CL149 des rapporteurs et CL36 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Notre amendement prévoit la remise au Parlement, avant le 31 décembre 2024 et après consultation des associations nationales d’élus locaux, d’un rapport étudiant l’effet d’une éventuelle extension aux collectivités territoriales et à leurs groupements des dispositions de la proposition sur le fonctionnement de ces collectivités et groupements, ainsi que sur le marché du conseil au secteur public local.

J’y insiste : il est indispensable de réaliser une telle évaluation préalable, qui pourrait être faite au sein de notre assemblée. Cela permettra de mettre en place un dispositif adapté.

M. Stéphane Rambaud (RN). Notre amendement vise à encourager la Cour des comptes à rédiger un rapport annuel pour estimer le coût global des prestations de conseil réalisées au profit des collectivités locales.

Au cours de la mission flash que j’ai déjà mentionnée, les rapporteurs ont souligné que l’on ne disposait pas de données suffisamment précises pour estimer le montant global des prestations de conseil réalisées pour ces collectivités. L’absence complète de données suscite des interrogations. Quelle part de leur budget les collectivités allouent-elles à de telles prestations ? Emploient-elles de manière suffisamment complète la main-d’œuvre dont elles disposent en propre ?

Compte tenu de l’importance potentielle de ces dépenses, un tel rapport de la Cour des comptes nous semble nécessaire. Il pourrait être intégré à son rapport annuel sur les finances locales.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Il n’est pas pertinent d’imposer à la Cour des comptes de rédiger un tel rapport.

Tout d’abord, nous proposons un amendement qui prévoit un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’extension éventuelle du dispositif aux collectivités. Le sujet fera donc bien l’objet d’une étude.

Ensuite, nous allons également demander à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de créer une mission d’information.

Enfin, rien n’empêche la Cour des comptes de réaliser un tel rapport si elle le juge opportun.

Avis défavorable à l’amendement CL36.

M. Philippe Gosselin (LR). On comprend bien la volonté de transparence accrue exprimée par nos collègues. Mais disposer d’un bilan annuel qui ne comprendrait pas de conclusions ne serait pas forcément d’une grande utilité. Je préfère qu’une mission d’information de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ou de notre commission nous éclaire sur le sujet. Cela permettra ensuite d’intégrer au dispositif, le cas échéant, tout ou partie des collectivités territoriales. L’amendement CL36 met en quelque sorte la charrue avant les bœufs.

En outre, un tel rapport relève selon moi davantage de la compétence des chambres régionales des comptes que de celle de la Cour des comptes – même si certains des travaux de cette dernière portent évidemment sur les collectivités territoriales.

La commission adopte l’amendement CL149. L’article 1er bis est ainsi rédigé.

Elle rejette l’amendement CL36.

Avant l’article 2

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL114 de M. Bruno Millienne.

Article 2 : Règles permettant de mieux identifier l’action des prestataires et des consultants dans leurs rapports avec l’administration bénéficiaire et avec les tiers

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL115 de M. Bruno Millienne.

Amendement CL150 des rapporteurs et sous-amendement CL165 de M. Timothée Houssin

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Le texte adopté par le Sénat interdit aux consultants de se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l’administration bénéficiaire.

Nous proposons que l’administration concernée puisse déroger à cette règle lors de la réalisation de prestations en matière informatique, pour des raisons de sécurité informatique.

M. Timothée Houssin (RN). Le sous-amendement vise à conserver l’esprit initial de l’article. Nous comprenons l’objectif de votre amendement, mais il ne faudrait pas qu’il permette de retomber dans des travers qui ont été dénoncés.

Il convient donc qu’un consultant n’ait pas d’adresse mail nominative de type prenom.nom@gouv.fr, mais seulement une adresse fonctionnelle qui permette de bien l’identifier comme un consultant.

M. Bruno Millienne, rapporteur. La rédaction de votre sous-amendement n’est pas adaptée. Cela donnerait « l’attribution d’une telle adresse électronique non nominative », alors que l’interdiction mentionnée auparavant porte sur tous les types d’adresses, qu’elles soient nominatives ou non.

Je souligne par ailleurs que notre amendement permet également l’utilisation d’une adresse d’une administration lorsque celle-ci prête du matériel au prestataire ou consultant.

Demande de retrait.

La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

Amendement CL17 de Mme Cécile Untermaier. 

Mme Cécile Untermaier (SOC). Cet amendement prévoit que l’administration bénéficiaire d’une prestation de conseil en informe l’ensemble de ses agents, en précisant de manière résumée l’objet de la prestation et sa période d’exécution.

Cela permettra d’éclairer le rôle qui va être joué par le cabinet de conseil au sein de l’administration et cela constitue une marque de respect vis-à-vis des agents de cette dernière.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Je comprends votre objectif, mais imaginez que le ministère de l’éducation nationale ait recours à une prestation de conseil. Il faudrait qu’il en informe l’ensemble de ses agents – dont certains ne sont quand même pas directement concernés. ’’’Ce que vous proposez est démesuré. Avis défavorable.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Nous aurons l’occasion de débattre d’amendements à l’article 4 qui concernent notamment les informations devant figurer dans le rapport social unique de l’administration bénéficiaire d’une prestation de conseil.

Je souhaite pour ma part que les organisations syndicales représentatives continuent à bénéficier d’informations, car c’est une manière d’assurer la transparence vis-à-vis des personnels des administrations concernées.

M. Timothée Houssin (RN). Je suis d’accord avec l’argument du rapporteur Millienne. Être obligé de contacter par exemple tous les agents du ministère de l’intérieur semble disproportionné.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il s’agit simplement d’une obligation d’information. L’administration bénéficiaire n’est pas forcément l’ensemble du ministère. Il peut s’agir par exemple d’une direction. Vous retenez une définition maximaliste de l’obligation d’information parce que cela vous permet de dire que la mesure est disproportionnée. Dans les faits, le champ de cette mesure peut être précisé par une circulaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL151 des rapporteurs

M. Bruno Millienne, rapporteur. L’article 2 prévoit l’interdiction d’utiliser tout signe distinctif de l’administration sur le document que produisent les prestataires de conseil et l’obligation de mentionner la participation de consultants sur tout document rédigé avec leur participation, directe ou indirecte.

Notre amendement propose d’exclure de ces obligations et interdictions les documents destinés à l’information du public réalisés dans le cadre de prestations de conseil en communication. Dans le cas contraire, l’article empêcherait en pratique la réalisation par une agence de prestations de communication ou de publicité pour une administration publique.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 : Rapport annuel relatif aux prestations de conseil
réalisées au cours des cinq dernières années

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL116 des rapporteurs.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL117 de M. Bruno Millienne.

Amendement CL96 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). L’article 5 interdit les prestations de conseil à titre gratuit et l’article 19 prévoit que celles en cours cessent de plein droit à compter de la promulgation du texte. Il est donc normal que le rapport annuel relatif aux recours aux prestations de conseil, prévu par l’article 3, ne concerne pas de telles prestations pour ce qui est des années postérieures à la promulgation de la loi.

Toutefois, dans la mesure où cette interdiction n’existait pas avant cette date, et dès lors que le rapport porte sur les cinq dernières années, il convient d’intégrer l’ensemble des prestations de conseil à titre gratuit qui ont pu être réalisées au bénéfice de l’administration, afin de disposer d’une vision rétrospective complète du recours aux prestations de conseil dans les politiques publiques.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Avis défavorable, car il faudrait déclarer les prestations réalisées avant la promulgation de la loi et mais pas celles qui auront lieu ensuite.

M. Timothée Houssin (RN). Oui, puisque les prestations à titre gratuit seront interdites après l’entrée en vigueur de la loi !

M. Nicolas Sansu, rapporteur. L’interdiction ne concerne que le pro bono, or votre amendement porte à la fois sur les actions pro bono et sur le mécénat.

M. Timothée Houssin (RN). Ce n’est pas du tout l’objet de mon amendement.

Il prévoit que le rapport porte aussi sur les prestations à titre gratuit qui vont être interdites mais qui ont été dispensées précédemment, entre 2020 et 2025. Si nous n’adoptons pas cet amendement, ce rapport sera incomplet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL79 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). Il est incroyable que l’argumentation du rapporteur ne porte pas sur l’amendement examiné et qu’en outre, il n’apporte pas de réponse aux explications qui sont ensuite fournies.

L’amendement CL79 propose la même chose que l’amendement CL37 de M. Di Filippo – qu’il n’a pas défendu.

Il prévoit que le premier rapport rendu à compter de la promulgation de la loi couvre la période écoulée depuis 2017. Le rapport de la commission d’enquête du Sénat a révélé que l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques date du début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, au cours duquel le montant des contrats passés avec ces cabinets a été multiplié par 3,5.

L’amendement permettra également d’étudier les années marquées par le covid et le glissement qui est alors intervenu.

Le Sénat a adopté cette proposition en octobre 2022 mais nous ne l’examinons que maintenant. Il convient donc en conséquence d’adapter la période couverte par le rapport.

M. Bruno Millienne, rapporteur. L’année 2017 que vous avez retenue n’a pas été choisie au hasard.

Sur le fond, la période couverte par le rapport est largement suffisante.

Le travail a déjà été fait dans les rapports de l’Assemblée nationale, du Sénat et de la Cour des comptes publiés en 2022 et 2023. Ils présentent les données disponibles pour 2014 et depuis 2018.

Ils ont surtout insisté sur la nécessaire fiabilisation des données dont dispose l’administration en matière de prestations de conseil. L’enjeu n’est pas tant de disposer de données brutes – elles sont déjà connues – que de données fiables. L’administration travaille afin d’améliorer la qualité de l’information financière qui sera disponible à l’avenir.

Il ne s’est pas rien passé depuis 2022, Monsieur Houssin. Loin s’en faut ! L’administration a travaillé pour une meilleure fiabilité des données et la transparence est assurée.

Avis défavorable.

M. Timothée Houssin (RN). Le choix de l’année 2017 n’est en effet pas innocent, mais il a surtout pour but de rester fidèle à l’esprit de la commission d’enquête du Sénat.

L’une de ses propositions formulées en 2022 demandait un rapport couvrant les cinq dernières années, c’est-à-dire depuis 2017. Nous ne sommes pas responsables du fait qu’il ait fallu attendre 2024 pour que l’Assemblée examine cette proposition.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL38 de Mme Cécile Untermaier et CL118 de M. Bruno Millienne (discussion commune)

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il s’agit de faire en sorte que la loi ne soit pas rendue inefficace par l’application des règles relatives au secret – et notamment celui de la défense nationale.

Il nous paraît important que les administrations qui bénéficient de cette protection légale ne soient pas complètement écartées de l’obligation d’information et qu’elles soient tenues d’avoir une communication adaptée.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Mon amendement propose d’étendre le champ des secrets prévus à l’article 3, qui correspond dans la rédaction actuelle à certains des secrets mentionnés par l’article L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration.

Il convient d’ajouter le secret des affaires, mentionné à l’article L. 311-6 du même code. En effet, l’absence de mention du secret des affaires dans une liste qui se veut limitative prête à confusion et pourrait conduire à la publication d’informations couvertes par ce secret.

Je suis par conséquent défavorable à l’amendement CL38.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Il ne vous a pas échappé que je n’ai pas cosigné l’amendement CL118. Je préfère celui de Mme Untermaier, car il faut veiller à ne pas rogner le champ d’application de la proposition de loi sénatoriale. Je peux comprendre les limitations déjà apportées, mais il ne faut pas ajouter le secret des affaires à la liste car on risque de ne plus avoir aucune transparence sur les prestations de conseil réalisées.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Notre groupe votera contre l’amendement de M. Millienne.

Le droit actuel permet déjà à des entreprises d’opposer le secret des affaires et il n’est donc pas utile de le faire figurer aussi dans ce texte.

Nous sommes favorables à l’amendement de Mme Untermaier, qui permet de respecter la protection du secret tout en fournissant des informations nécessaires sur l’utilisation de l’argent public.

Il faudrait d’ailleurs s’interroger sur le fait que des activités protégées par le secret sont malgré tout confiées à des cabinets de conseil privés. Peut-être devraient-elles être traitées en interne plutôt que de faire l’objet de marchés publics…

M. Philippe Gosselin (LR). Il est évidemment légitime d’exclure certaines informations, notamment celles qui sont couvertes par le secret de la défense nationale.

Le secret des affaires – qui est parfois utilisé comme une sorte de joker – est toujours un sujet délicat. En tout cas, il ne doit pas être utilisé pour contourner cette proposition de loi. Il faut trouver un juste équilibre et ne pas dévoyer l’esprit de ce texte essentiel adopté à l’unanimité par le Sénat.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il ne s’agit pas de lever le secret, mais d’imposer à l’administration de donner au moins le nom des cabinets de conseil auxquels elle a eu recours et les objectifs qui leur ont été assignés. Mon amendement est sérieux : il garantit l’efficacité du texte sans porter atteinte aux prérogatives de l’administration en matière de secret.

La commission rejette l’amendement CL38 et adopte l’amendement CL118.

Elle adopte l’amendement de précision CL157 des rapporteurs.

Amendement CL80 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). Cet amendement propose d’ajouter au rapport prévu par l’article 3 la liste des amendes administratives prononcées au titre de l’article 13, afin de mesurer l’étendue des cas d’abus en matière de recours aux prestations de conseil dans le cadre des politiques publiques.

L’article 13 prévoit des amendes administratives pour sanctionner le non-respect des principales exigences de ce texte. Ces amendes peuvent notamment être prononcées en cas de violation de l’interdiction du pro bono, de conflit d’intérêts persistant, de refus d’adresser sa déclaration d’intérêts ou de fraude manifeste.

Nous souhaitons que le rapport remis au Parlement comprenne une liste des amendes définitivement prononcées. Cela permettra d’en évaluer l’ampleur mais aussi, le cas échéant, d’identifier des réfractaires réguliers. Ces informations seront rendues publiques.

Les députés contrôlent l’action du Gouvernement, mais qui contrôle celle des cabinets de conseil ?

M. Bruno Millienne, rapporteur. Demande de retrait.

Les informations que vous mentionnez sont déjà prévues par l’article 6 de la proposition.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL89 et CL78 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). L’amendement CL89 prévoit que le rapport remis par le Gouvernement au Parlement indique les raisons pour lesquelles une administration a fait appel à un prestataire de conseil ou à un consultant externe dans le cadre d’une prestation de conseil. Cette précision peut être utile dans la mesure où il est préférable d’avoir recours aux ressources internes d’une administration pour effectuer une mission d’expertise.

L’amendement CL78 propose quant à lui que chaque ministère décrive dans le rapport la stratégie poursuivie en matière de recours au conseil extérieur, d’une part, et les transferts de compétences réalisés au bénéfice de l’administration ainsi que les mesures mises en œuvre pour développer et valoriser les compétences de conseil en interne, d’autre part.

L’ajout de ces divers éléments avait été proposé par le Gouvernement lors de l’examen de la proposition en séance au Sénat. Ils permettaient d’enrichir le rapport par des informations utiles pour mieux appréhender l’intérêt du recours aux prestations de conseil en matière de politique publique. Mais l’amendement n’a pas été adopté par le Sénat.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendement CL158 des rapporteurs

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Cet amendement prévoit de compléter le rapport annuel de la commission de surveillance sur la direction morale et sur la situation matérielle de la Caisse des dépôts et consignations. Il devra faire état des informations mentionnées à l’article 3 de la proposition.

La Caisse des dépôts ne saurait être considérée comme un établissement public administratif ou comme un établissement public industriel et commercial. Son contrôle doit continuer à être assuré par le Parlement, et non par l’exécutif.

La commission adopte l’amendement. L’article 3 bis est ainsi rédigé.

Article 4 : Publication des informations relatives aux prestations de conseil en données ouvertes et dans le rapport social unique des administrations concernées

Amendement CL119 de M. Bruno Millienne

M. Bruno Millienne, rapporteur. Cet amendement supprime l’alinéa qui prévoit la publication des informations prévues à l’article 3 dans le rapport social unique de l’administration bénéficiaire.

Premièrement, ces informations seront déjà rendues publiques dans le rapport au Parlement. Elles seraient également publiées en données ouvertes. Le fait de reproduire ces mêmes informations dans un troisième rapport n’apporterait strictement rien.

Deuxièmement, le rapport social unique n’a pas vocation à retracer les informations relatives aux cabinets de conseil. L’objet de ce document – qui comprend dix rubriques que je ne détaillerai pas – est défini par la loi et précisé par décret.

Il rassemble ainsi les éléments et données à partir desquels sont établies les lignes directrices de gestion qui déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines dans chaque administration.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. La suppression pure et simple de l’alinéa 4 par l’amendement pose un problème. Comment informe-t-on les salariés et les organisations syndicales représentatives au sein de l’administration sur le choix de recourir aux cabinets de conseil et sur ses conséquences ?

Le rapport social unique traite aussi des questions relatives à la formation, qui sont essentielles pour internaliser de nouveau un certain nombre de compétences.

Si le dispositif peut sembler compliqué, il avait été retenu par le Sénat pour de bonnes raisons. Il serait opportun de le conserver – quitte à l’adapter lors de la discussion en séance.

Je ne suis donc pas toujours d’accord avec M. Millienne.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Je partage l’analyse de M. Sansu : si l’on supprime cet alinéa, les agents ne sauront rien de ce qui se passe dans leur administration.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL120 de M. Bruno Millienne

M. Bruno Millienne, rapporteur. Cet amendement propose d’appliquer aux données publiées en données ouvertes les mesures de protection de l’information prévues aux articles L. 311-4 et L. 311-5 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA).

Il s’agit, ni plus, ni moins, de mettre en cohérence le dispositif de publication prévu à l’article 4 avec le droit commun de la communication des documents administratifs.

S’agissant de données publiques, il est naturel que les informations concernées fassent l’objet du même encadrement que celles dont la communication est possible en application du CRPA. Or le texte est ambigu sur ce point. Il ne précise pas si la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) est compétente et quels secrets s’appliquent.

Faute de précisions, on peut penser que la Cada n’est pas compétente et qu’il faudra saisir le juge administratif en cas de refus de communication. Mais on peut aussi estimer que le droit commun de la communication des documents administratifs s’appliquera.

L’amendement propose de clarifier la situation. Il prévoit l’application des articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration, comme pour tous les documents administratifs.

Ce dispositif est complété par l’amendement CL125, que nous examinerons après l’article 6 et qui étend la compétence de la Cada aux éventuels refus de communication.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 4 modifié.

Avant l’article 5

Amendement CL94 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). Nous considérons que le recours par l’administration à des prestataires de conseil ne se justifie qu’à titre subsidiaire, c’est-à-dire lorsqu’elle ne dispose pas en interne des personnels nécessaires à la réalisation de la prestation de conseil dans les délais utiles. Dans la mesure où des agents publics sont aptes à conduire la mission de conseil envisagée, il importe de la leur confier.

Si ce texte a vocation à mettre fin aux abus constatés dans le passé, il reste insuffisant pour lutter contre le recours abusif de la puissance publique aux cabinets de conseil et pour contrer la dérive qui consiste au fond à privatiser la décision publique.

Cet amendement propose d’inscrire une forme de principe de subsidiarité et d’encadrer le recours aux cabinets privés pour définir les politiques publiques.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Je comprends que l’on souhaite évaluer au préalable l’opportunité du recours aux prestations de conseil. On peut en effet estimer qu’il faut que l’administration s’appuie systématiquement sur sa ressource interne, lorsqu’elle en dispose. Mais l’État peut avoir besoin de recourir à des prestations extérieures lorsqu’il n’a pas lui-même l’expertise nécessaire, voire pour obtenir un regard extérieur – ce dont on peut discuter. On ne peut donc pas interdire le recours aux cabinets de conseil privés.

La question est donc bien davantage d’évaluer a posteriori si le recours à un prestataire extérieur était pertinent. Il vaut mieux organiser la transparence et prévenir et sanctionner les conflits d’intérêts que faire peser une suspicion sur toutes les demandes de conseils susceptibles d’être formulées par les administrations centrales.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CL95 de M. Timothée Houssin est retiré.

Article 5 : Interdiction des prestations de conseil à titre gracieux

Amendements identiques CL121 de M. Bruno Millienne et CL101 de Mme Laure Miller

Mme Laure Miller (RE). Cet amendement de précision autorise les administrations à continuer à effectuer entre elles des prestations pro bono. Si la proposition a pour objet d’encadrer le recours à des cabinets de conseil privé, il convient de ne pas brider les synergies entre services publics.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL53 de Mme Mathilde Panot

Mme Mathilde Panot (LFI-NUPES). Cet amendement propose d’ajouter le mécénat des cabinets de conseil à la liste des prestations à titre gracieux qui seront interdites. Comme l’a relevé le rapport de la commission d’enquête du Sénat, quand c’est gratuit c’est que vous êtes le produit.

Ces cabinets multiplient les partenariats avec les écoles de commerces, mais aussi avec les écoles qui préparent aux carrières publiques – qu’il s’agisse d’écoles d’ingénieurs ou de Sciences Po Paris. L’effet pervers est évident, puisque ces écoles initialement destinées à fournir un vivier de recrutement pour l’administration publique sont désormais assaillies par des cabinets de conseil dont l’objectif est ouvertement de recruter des étudiants. L’État perd ainsi beaucoup de ceux qui auraient pu se consacrer à son service.

C’est d’autant plus malsain que ce mécénat permet aux cabinets de conseil de bénéficier d’une réduction d’impôt. L’État se prive ainsi de recettes et d’une ressource humaine précieuse, ce qui renforce encore sa dépendance aux cabinets de conseil.

Il est donc temps de cesser de considérer le mécénat comme un don désintéressé. Il s’inscrit en fait dans une stratégie globale d’affaiblissement de la fonction publique.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Nicolas Sansu et moi-même n’aurons pas le même avis sur cet amendement – ce qui est normal.

Le problème avec les prestations pro bono est qu’elles peuvent être réalisées de manière « sauvage », sans encadrement particulier, sans convention de partenariat avec le cabinet, et donc sans obligations déontologiques pour le prestataire et les consultants.

Ce n’est pas le cas des missions de mécénat, car celui-ci est mieux encadré. Je souhaite que nous suivions l’approche du Sénat afin de maintenir l’autorisation de réaliser des missions sous le régime du mécénat, ce qui bénéficiera à des organismes d’intérêt général.

Ce sera donc une demande de retrait.

J’ajoute que l’amendement CL39 de Mme Untermaier, qui suit, propose d’interdire aux cabinets de conseil de réaliser des missions auprès des entités publiques qui ont bénéficié de leurs actions de mécénat. C’est une bonne idée, qui mérite d’être précisée d’ici à la séance publique.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Il ne faudrait pas que le pro bono soit remplacé par le mécénat pour obtenir un certain nombre de largesses d’administrations ou d’écoles.

La question du mécénat concerne toutes les entreprises, car les cabinets de conseil ne sont pas les seuls à le pratiquer.

L’amendement CL39 est en effet plus efficace, car il propose d’interdire l’attribution de missions à un cabinet de conseil qui a fait bénéficier l’organisme concerné d’actions de mécénat. Cela empêchera que ces dernières soient utilisées comme un instrument pour obtenir des marchés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL39 de Mme Cécile Untermaier

Mme Cécile Untermaier (SOC). Cet amendement s’inscrit dans le prolongement de celui de Mme Panot.

Comme la proposition n’interdit pas le mécénat aux cabinets de conseil, il faudrait au moins interdire aux prestataires et consultants de fournir des prestations de conseil à un client ayant bénéficié de mécénat de leur part dans les cinq années qui précèdent. Cela permettra d’empêcher que ce dernier soit instrumentalisé à des fins commerciales.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Avis défavorable.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Avis favorable sur le principe.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

Amendements CL18 de Mme Cécile Untermaier, CL55 de Mme Mathilde Panot et CL81 de M. Timothée Houssin (discussion commune)

Mme Mathilde Panot (LFI-NUPES). L’amendement CL55 propose d’interdire le recours aux prestataires et consultants privés pour rédiger des études d’impact ou des projets de loi.

Cela paraît évident mais il faut insister. Le rapport de la commission d’enquête du Sénat a relevé que des consultants sont intervenus à l’occasion de la plupart des grandes réformes du quinquennat précédent. Ils ont ainsi renforcé leur position dans le processus de décision publique, en choisissant parfois de privilégier un scénario plutôt que d’autres. Le recours accru à ces cabinets est concomitant avec le démantèlement de l’État.

Les études d’impact contribuent à orienter nos votes et il n’est pas acceptable qu’elles soient rédigées par d’autres acteurs que les services de l’État. Elles doivent demeurer une prérogative exclusive de ce dernier et ne pas être confiées à des consultants privés. Sinon, la France devient une république de consultants.

M. Timothée Houssin (RN). L’amendement CL81 vise également à empêcher le recours aux cabinets de conseil pour la rédaction de projets de loi et des études d’impact. L’État dispose en effet de compétences propres pour remplir cette mission régalienne. L’intervention fréquente de consultants dans la rédaction des textes peut soulever des difficultés et pose la question de l’usage qui est fait de l’argent public. Édouard Philippe avait ainsi sous-traité l’exposé des motifs du projet de loi d’orientation des mobilités à un cabinet de conseil, pour un montant de 30 000 euros, alors qu’un ministère était en charge des transports !

M. Bruno Millienne, rapporteur. J’entends votre préoccupation. Nombre d’entre nous ont été surpris d’apprendre que l’étude d’impact d’un projet de loi avait été rédigée avec l’aide de prestataires extérieurs. J’attire néanmoins votre attention sur le fait que l’article 2 de la présente proposition de loi assure la transparence en la matière : lorsqu’un document est rédigé avec la participation de consultants, l’administration bénéficiaire doit le préciser. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Je pense quant à moi qu’il serait préférable de préciser cette interdiction, même si l’article 2 impose la transparence au sujet du recours à des cabinets de conseil. Quoi qu’il en soit, je rappelle que les professions juridiques ne sont pas intégrées dans le champ d’application de la proposition de loi : l’adoption de ces amendements n’empêchera pas les cabinets d’avocats de rédiger les études d’impact et les exposés des motifs.

M. Philippe Gosselin (LR). Il y a là un vrai sujet de fond. La rédaction de projets de loi, d’exposés des motifs ou d’études d’impact ne relève-t-elle pas du régalien par excellence ? L’État, au travers de ses administrations et de ses ministères, ne dispose-t-il pas des compétences nécessaires ? Je rappelle que le Conseil d’État compte des juristes patentés, aux parcours exceptionnels, tout comme la Cour des comptes et tant d’autres organismes. Peut-être faut-il revoir la formulation des amendements, mais je suis quant à moi favorable à ce que l’État reste au cœur du dispositif et assure lui-même ces missions.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Il y a quelques mois, un reportage sur le fonctionnement du Parlement européen démontrait la mainmise des lobbys, lesquels fournissent parfois intégralement les projets de loi. Cela nourrit la défiance des citoyens. Pourquoi ne pas utiliser les compétences des politiques et de la haute administration pour rédiger les projets de loi ? Il serait incongru de ne pas se prémunir contre le risque qu’ils soient rédigés par des groupes d’intérêts.

La commission adopte l’amendement CL18. L’article 5 bis est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL55 et CL81 tombent, de même que les amendements CL69 de M. Frédéric Mathieu et CL82 de M. Timothée Houssin.

Article 6 : Évaluation des prestations de conseil par l’administration bénéficiaire

Suivant l’avis des rapporteurs, la commission rejette l’amendement CL40 de Mme Cécile Untermaier et adopte l’amendement CL122 des rapporteurs, en discussion commune.

Amendement CL68 de Mme Mathilde Panot

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). À eux seuls, les cabinets de conseil coûtent aussi cher à l’État que la présidence de la République, le Parlement, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel réunis – soit environ un milliard d’euros par an. C’est scandaleux. Il n’est pas justifié, selon nous, de recourir à une prestation de conseil plutôt qu’à des ressources internes.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Peut-être allez-vous en être étonné, cher collègue, mais je suis favorable à cet amendement : il nous aidera à mieux comprendre la raison de l’externalisation de certaines prestations et, ainsi, à mieux appliquer la doctrine édictée dans la circulaire du Premier ministre du 19 janvier 2022.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL83 de de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). Cet amendement a pour objet de renseigner le volume horaire des prestations fournies par les cabinets de conseil, afin d’éviter les éventuels abus. Cette donnée permettra en outre de calculer le coût horaire des prestations et de comparer celui-ci au coût d’un fonctionnaire.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Cette information n’a selon moi aucun intérêt, d’autant plus que les taux horaires sont en général connus. L’évaluation a surtout vocation à indiquer si la prestation a été bien ou mal réalisée. Il existe enfin un risque d’atteinte au secret des affaires. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL123 de M. Bruno Millienne

M. Bruno Millienne, rapporteur. Le présent amendement, auquel je ne suis pas certain que mon corapporteur soit favorable, propose de mettre en cohérence le régime de publication en données ouvertes prévu à l’article 6 avec le droit commun de la communication des documents administratifs, et ainsi d’appliquer à ces données les secrets mentionnés aux articles L. 311-5 et L. 311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Il prévoit également de suspendre temporairement la publication des évaluations lorsque celles-ci portent sur une prestation de conseil concourant à l’élaboration d’une décision administrative. Une fois la décision prise – ou, si l’administration n’y a pas manifestement renoncé, à l’expiration d’un délai raisonnable – l’évaluation sera publiée. Cette précision tend à aligner le régime de publication de ces informations avec celui prévu dans le droit commun.

La commission adopte l’amendement. L’article 6 bis est ainsi rédigé.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Après l’article 6

Amendement CL125 des rapporteurs

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’étendre le champ de compétences de la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) aux informations dont la publication en données ouvertes est prévue par la présente proposition de loi.

La commission adopte l’amendement. L’article 6 bis est ainsi rédigé.

Article 7 (article 5-1 [nouveau] de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française) : Obligation de l’emploi du français par les consultants

La commission adopte l’article 7 non modifié.

Article 8 : Remise d’un rapport au Parlement sur la cartographie des ressources humaines de l’administration et des mesures de valorisation du conseil interne

Amendement CL152 des rapporteurs

M. Bruno Millienne, rapporteur. Un délai d’un an nous paraît plus réaliste pour la remise du rapport qu’un délai de six mois.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL19 de Mme Cécile Untermaier et CL85 de M. Timothée Houssin, et amendement CL20 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune)

Mme Cécile Untermaier (SOC). Nous proposons que le rapport soit remis tous les ans et non tous les cinq ans.

M. Timothée Houssin (RN). Dans le rapport qu’il remet au Parlement, le Gouvernement doit présenter, pour chaque ministère, la cartographie des ressources humaines disponibles en matière de conseil en interne ou dans le cadre interministériel, et présenter les mesures prises pour valoriser ces ressources et développer les compétences en interne. Nous proposons que le rapport soit remis chaque année, afin que chaque Gouvernement soit comptable de sa propre action et non de celle de son prédécesseur, et qu’il puisse infléchir une politique plutôt que simplement constater ses effets.

Mme Cécile Untermaier (SOC). L’amendement CL20 est un amendement de repli, proposant que le rapport soit remis tous les deux ans.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Un délai de cinq ans est trop long, mais une publication annuelle serait difficile à mettre en œuvre. Nous émettons donc un avis défavorable aux amendements identiques et un avis favorable à l’amendement CL20, que nous vous proposons d’adopter collectivement.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Je préférerais pour ma part que le rapport soit publié tous les trois ans et voterais un éventuel amendement en ce sens qui serait présenté en séance.

Les amendements identiques CL19 et CL85 sont retirés.

La commission adopte l’’amendement CL20.

Suivant l’avis du rapporteur Bruno Millienne, la commission rejette l’amendement CL90 de M. Timothée Houssin

Amendement CL21 de Mme Cécile Untermaier

M. Bruno Millienne, rapporteur. Cet amendement est satisfait ; demande de retrait.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Je propose quant à moi que nous adoptions cet amendement car c’est une bonne idée d’intégrer des éléments prospectifs au rapport.

La commission rejette l’’amendement.

Amendements CL41 de Mme Cécile Untermaier et CL47 de Mme Emmanuelle Ménard (discussion commune)

Mme Emmanuelle Ménard (NI). Cet amendement vise à ce que le rapport précise les raisons objectives qui conduisent nos administrations à recourir à des prestataires privés plutôt qu’aux fonctionnaires de l’État.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. L’amendement CL68 de Mme Panot, que nous avons adopté, satisfait cette légitime exigence. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL84 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). Le principe de fongibilité asymétrique, établi par la Loi organique relative aux lois de finances (Lolf), permet d’utiliser, au sein d’un programme, des crédits économisés à un titre au profit d’un autre titre – hors dépenses de personnel, dont les crédits peuvent être réaffectés à d’autres titres mais qui, elles-mêmes, ne peuvent être abondées par des crédits prévus pour des dépenses d’une autre nature. Alors qu’il ne peut utiliser ses « économies » pour accroître ses dépenses de personnel, le gestionnaire peut à l’inverse rogner sur celles-ci au profit d’autres postes. Ce principe, qui s’applique depuis 2006 dans un objectif de maîtrise des dépenses publiques, a aujourd’hui un effet néfaste : dans une administration publique, il est beaucoup plus facile d’externaliser que de recruter. Le présent amendement d’appel vise à étudier l’impact de ce principe sur le recours aux cabinets de conseil.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Votre amendement rendrait le rapport peu lisible et peu opérationnel, monsieur Houssin. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 8 modifié.

Après l’article 8

Amendement CL22 de Mme Cécile Untermaier

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Cet amendement soulève plusieurs difficultés. Il paraît difficile, par exemple, de déterminer ce qu’est une évaluation préalable correctement établie. Certaines infractions posent par ailleurs un problème de cohérence, l’amendement associant le pantouflage et le rétro-pantouflage au recours à l’externalisation, alors que ce n’est pas la même chose. Enfin, il paraît disproportionné de prévoir des sanctions pénales à l’encontre d’un fonctionnaire qui aurait renoncé à exercer son pouvoir de sanction à l’égard d’un cocontractant. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL67 de M. Frédéric Mathieu

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Tirant les conclusions des politiques du démantèlement de l’État entamées avec la révision générale des politiques publiques (RGPP) sous le président Sarkozy, le présent amendement propose d’introduire un article prévoyant la reconstitution des viviers de fonctionnaires.

M. Bruno Millienne, rapporteur. L’idée défendue par votre amendement est intéressante mais dépourvue de portée normative. En outre, la cartographie des compétences dont la création est prévue par l’article 8 permettra d’établir les besoins de chaque administration et les objectifs de réinternalisation. Avis défavorable.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. C’est à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances que nous devons discuter des moyens à dédier aux politiques publiques.

M. Philippe Gosselin (LR). En réponse à la petite pique antisarkozyste, je voudrais souligner que, comme le démontre le rapport du Sénat, le recours aux cabinets de conseil s’est particulièrement accru à partir de 2017…

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL66 de Mme Mathilde Panot

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous demandons la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport sur le nombre de recrutements de fonctionnaires à effectuer pour éviter le recours aux cabinets privés. Une réflexion doit sans doute être menée également sur l’attractivité de la fonction publique d’une façon générale. Le nombre de candidats aux concours baisse en effet de manière très sensible dans tous les domaines.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. La cartographie des compétences répondra à votre demande.

La commission rejette l’amendement.

Article 9 (article 20 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) : Encadrement déontologique des prestations de conseil
sous le contrôle de la HATVP

Amendement CL23 de Mme Cécile Untermaier

Mme Cécile Untermaier (SOC). Les consultants et prestataires ne doivent pas s’affranchir des exigences minimales de déontologie de la fonction publique. Nous proposons donc d’ajouter les obligations de dignité et d’impartialité à celles de probité et d’intégrité.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Dans sa rédaction actuelle, la proposition de loi prévoit que les prestataires et les consultants assurent leurs fonctions avec intégrité et probité, ce qui nous paraît suffisant. Comment juger de la dignité d’un prestataire ? Par ailleurs, les consultants ne peuvent pas être assimilés à des agents publics : ils fournissent une prestation intellectuelle achetée par l’administration. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Ce que l’on exige de la fonction publique, on peut l’exiger d’un cabinet de conseil ! Quant à la dignité et à l’impartialité, elles sont importantes pour les consultants qui travaillent au sein d’une administration régalienne et qui la représentent. En excluant ces deux principes, on questionne les règles déontologiques.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. La proposition de loi a pour objet de bien distinguer les consultants des agents publics, en édictant des règles et en fixant des frontières. Si l’on assimile les cabinets et l’administration, cette PPL n’a plus de sens ! Je rappelle qu’au-delà du respect de l’intégrité et de la probité, les règles de transparence et de déontologie s’appliquent. Je suis moi aussi défavorable à cet amendement.

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Il est fait un mauvais procès à l’amendement de Mme Untermaier. Il ne s’agit pas d’assimiler les consultants à des agents publics mais de leur imposer les responsabilités et les contraintes qui vont avec les postes de catégorie A qu’ils prennent. Dans la mesure où ils sont étroitement associés à l’action de l’État, des règles déontologiques supplémentaires ne semblent pas inopportunes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL153 des rapporteurs

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Nous proposons de réécrire le texte du Sénat, s’agissant du code de conduite, afin de mieux prévenir les situations de conflit d’intérêts.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL3 de M. Philippe Pradal

M. Philippe Pradal (HOR). Cet amendement vise à prévoir, le cas échéant, la signature de l’ensemble des documents par les consultants au moment de l’engagement de l’accord-cadre et non pas à l’occasion de chaque prestation.

Malgré l’avis défavorable du rapporteur Bruno Millienne, la commission adopte l’amendement.

Amendement CL24 de Mme Cécile Untermaier

Mme Cécile Untermaier (SOC). La direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) propose d’établir deux échelons dans l’examen de la demande d’avis : dans un premier temps, le référent déontologue est saisi et répond aux demandes d’avis puis, si le cas le justifie ou s’il le juge nécessaire, il peut saisir la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

M. Bruno Millienne, rapporteur. Cette précision a été suggérée par plusieurs des personnes que nous avons auditionnées. Elle permettra de responsabiliser les administrations et de ne pas surcharger la HATVP. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL62 de M. Frédéric Mathieu et CL64 de Mme Mathilde Panot (discussion commune)

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Pour nous assurer que la HATVP dispose des moyens nécessaires pour mener à bien sa nouvelle mission de contrôle, nous demandons la remise d’un rapport par le Gouvernement, à l’amendement CL62, et par la HATVP elle-même, à l’amendement CL64.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Les moyens de la HATVP relèvent non pas de cette proposition de loi mais du projet de loi de finances. Avis défavorable.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Je comprends qu’il soit nécessaire de s’assurer que la HATVP a les moyens d’assurer sa nouvelle mission. Le recrutement de quatre équivalents temps plein (ETP) vient d’y être accepté, me semble-t-il ; ce n’est pas beaucoup. Pour éviter l’embolie, il faut que le principe de subsidiarité s’applique et que les déontologues des ministères, des administrations centrales ou des établissements publics soient saisis avant de saisir, éventuellement, la HATVP.

M. Frédéric Mathieu (LFI-NUPES). Je rappelle que ces amendements sont des demandes de rapports. Je reconnais avec vous, monsieur Millienne, que le rapport du Gouvernement devrait plutôt s’inscrire dans le cadre du projet de loi de finances. Il ne me semble pas incohérent, en revanche, qu’une autorité administrative indépendante informe le Parlement de ses besoins.

M. Philippe Gosselin (LR). Il y a certes un intérêt à mettre la HATVP au centre du dispositif, mais l’objet de cette PPL n’est pas de l’engorger ; évitons la suradministration dans ce domaine. Quitte à confier de nouvelles missions à la HATVP, je souhaiterais pour ma part qu’elle soit particulièrement vigilante aux situations de pantouflage qui voient les membres de cabinets ministériels rejoindre des cabinets de conseil.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Nous pourrions demander à la HATVP d’intégrer dans son rapport annuel des éléments relatifs au traitement de ses nouvelles missions.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur Bruno Millienne, elle rejette ensuite l’amendement CL65 de M. Frédéric Mathieu.

La commission adopte l’article 9 modifié.

Article 10 : Obligation de déclaration d’intérêts des prestataires et consultants

Amendement CL159 de M. Bruno Millienne, sous-amendements CL166 et CL167 de M. Timothée Houssin et amendement CL7 de M. Philippe Pradal (discussion commune)

M. Bruno Millienne, rapporteur. De nombreuses personnes que nous avons auditionnées nous ont fait part de leurs craintes au sujet de la déclaration d’intérêts prévue à l’article 10 : par son caractère exhaustif, cette obligation déclarative pourrait porter atteinte à la liberté d’entreprendre et à la vie privée des consultants, constitutionnellement garanties. Il faut, en outre, que l’administration puisse analyser les déclarations et en tirer des conséquences concrètes. Je vous propose donc un amendement de réécriture visant à mieux cibler les informations exigées et à rechercher un meilleur équilibre entre la volonté de prévenir les conflits d’intérêts et le nécessaire respect de nos libertés.

M. Timothée Houssin (RN). Le sous-amendement CL166 a pour objet d’ajouter à la liste des personnes devant effectuer une déclaration d’intérêts les dirigeants des cabinets de conseil, qui ne sont pas mentionnés à l’article 1er. Le Gouvernement a d’ailleurs identifié cette lacune puisque lors de l’examen du texte en séance, au Sénat, il a proposé de remplacer le terme de consultants par celui de « dirigeants ».

Quant au sous-amendement CL167, il vise à inclure dans la déclaration les participations financières des conjoints susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts.

M. Philippe Pradal (HOR). Gardons de la hauteur en citant Voltaire : « Des lois que nous suivons la première est l’honneur. » Je propose de substituer une déclaration sur l’honneur à la déclaration qu’il est prévu de demander aux consultants.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. J’émets un avis défavorable aux sous-amendements CL166 et CL167 ainsi qu’à l’amendement CL7. L’amendement CL159 de mon corapporteur vise à substituer à la déclaration d’intérêts une attestation d’absence de conflits d’intérêts devant être documentée, en cas de risque de conflit. Le déontologue de l’administration pourra être sollicité. Je ne voudrais pas qu’il amoindrisse les obligations pesant les consultants, mais j’en comprends l’esprit : il n’est pas utile de recueillir les données personnelles des consultants qui ne se trouvent pas en situation de conflit d’intérêts potentiel.

Cet amendement précise aussi les modalités garantissant la confidentialité de ces déclarations, et apporte un certain nombre de clarifications ; il substitue ainsi à la notion de missions « réalisées dans le même secteur que la prestation de conseil » celle de « prestations réalisées auprès d’un client dont les intérêts entrent en interférence avec ceux de l’administration. »

Avec cette nouvelle rédaction, les consultants ne seraient contraints de transmettre la liste des potentiels conflits d’intérêts les concernant que s’ils estiment qu’il existe un risque. Sinon, ils n’auraient qu’à transmettre une déclaration d’absence de conflits d’intérêts. Cette rédaction est plus souple que celle du Sénat.

La commission rejette successivement les sous-amendements CL166 et CL167.

Elle adopte l’amendement CL159 et l’article 10 est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement CL7 tombe, de même que les autres amendements à l’article 10.

Article 11 : Obligation pour les cabinets de conseil de déclarer les actions de démarchage ou de prospection et les actions de mécénat

Amendement CL171 des rapporteurs

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Cet amendement vise à ne rendre obligatoire la déclaration des actions de démarchage ou de prospection que lorsqu’elles précèdent la réalisation d’une prestation.

La commission adopte l’amendement.

Amendement rédactionnel CL130 de M. Bruno Millienne et amendement CL102 de Mme Laure Miller (discussion commune)

Mme Laure Miller (RE). Cet amendement propose d’apporter une correction légistique afin de rendre opérant l’article 11. En effet, les personnes morales énumérées à l’article 238 bis du code général des impôts ne relèvent pas, pour la plupart, du champ d’application de la proposition de loi.

L’amendement CL130 est retiré et, suivant l’avis du rapporteur Bruno Millienne, la commission adopte l’amendement CL102.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL131 de M. Bruno Millienne.

Amendements CL132 de M. Bruno Millienne et amendement CL103 de Mme Laure Miller (discussion commune)

M. Bruno Millienne, rapporteur. L’amendement CL132 a pour objet de renvoyer à un décret en Conseil d’État, pris après avis public de la HATVP, la définition des modalités de publication des informations relatives aux actions de démarchage, de prospection et de mécénat.

Mme Laure Miller (RE). L’amendement CL103 entend permettre au pouvoir réglementaire d’exercer sa compétence pour fixer les modalités de publication et de présentation des actions des prestataires en matière de démarchage et de prospection. Par essence, la HATVP a vocation à être consultée plutôt qu’à édicter des règles.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Je vous invite à retirer votre amendement au profit du mien, madame Miller, pour des raisons rédactionnelles.

L’amendement CL103 est retiré et la commission adopte l’amendement CL132.

Puis la commission adopte l’article 11 modifié.

Article 12 : Modalités de saisine et pouvoirs de la HATVP en cas de manquement aux règles déontologiques des prestataires de conseil et des consultants

La commission adopte l’amendement de précision CL154 des rapporteurs.

À la demande du rapporteur Bruno Millienne, l’amendement CL43 de Mme Cécile Untermaier est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur Bruno Millienne, la commission rejette l’amendement CL26 de Mme Cécile Untermaier.

Amendements CL133 de M. Bruno Millienne et CL134 de M. Nicolas Sansu (discussion commune)

M. Bruno Millienne, rapporteur. L’amendement CL133 vise à supprimer l’alinéa 4, afin que les organisations syndicales de fonctionnaires ne puissent saisir la HATVP. Pour moi, ces organisations ont en effet pour mission de représenter les intérêts des agents publics et de défendre leurs droits, et non de participer au contrôle du respect de leurs obligations par les cocontractants de l’administration.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. L’amendement CL134 vise à restreindre le champ des organisations syndicales pouvant saisir la HATVP à celles qui sont représentatives.

La commission adopte l’amendement CL133.

En conséquence, l’amendement CL134 tombe.

Amendement CL61 de Mme Mathide Panot

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). L’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose que « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Dans cet esprit, il est normal que les citoyens puissent interpeller leurs agents publics et leurs responsables politiques sur leur gestion des deniers publics notamment. Nous souhaitons donc ajouter, après l’alinéa 6, que « tout citoyen majeur » peut saisir la HATVP.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Un tel ajout étendrait de façon beaucoup trop large la possibilité de saisine. Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (LR). Il ne faut pas confondre la nécessaire transparence sur le contenu des prestations de conseil, qu’il faut effectivement améliorer, avec la mise en cause des personnes, qui pourrait être utilisée comme un moyen de pression par certaines organisations militantes et n’apporterait aucune information intéressante sur le fond.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Vos réactions ne m’étonnent guère. Une majorité des membres de notre commission s’était déjà opposée à l’examen de la pétition déposée sur le site de l’Assemblée en faveur du référendum d’initiative citoyenne. Ce refus traduit une suspicion à l’égard du peuple, à qui il ne s’agit pourtant pas de donner le pouvoir d’accuser mais celui d’interpeller. Je ne comprends pas que cela vous fasse si peur.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Je comprends votre préoccupation mais conservons la cohérence de cette proposition de loi sénatoriale : elle permettra une plus grande transparence s’agissant du recours aux cabinets de conseil et constitue déjà un progrès. N’essayons pas d’y faire entrer d’autres sujets qui n’y ont pas leur place.

M. Philippe Gosselin (LR). Le rapporteur a raison. Qui trop embrasse mal étreint. Je n’ai pas de problème avec le contrôle citoyen en démocratie, mais la proposition qui nous est faite risque plutôt d’entretenir les polémiques et de jeter des noms en pâture. Sachons raisons garder.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL104 de Mme Laure Miller

M. Bruno Millienne, rapporteur. Aujourd’hui, la HATVP peut procéder à des vérifications sur place, dans les locaux professionnels des représentants d’intérêts mais pas dans les locaux affectés au domicile privé. Le nouveau dispositif applicable aux prestataires de conseil et aux consultants serait bien encadré : pour réaliser un contrôle sur place, dans un local professionnel ou affecté au domicile privé, il faudrait d’abord que la HATVP obtienne l’autorisation du juge des libertés et de la détention. Demande de retrait, ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement de précision CL135 de M. Bruno Millienne.

Amendements CL105 de Mme Laure Miller et CL129 de M. Bruno Millienne (discussion commune)

M. Bruno Millienne, rapporteur. Un amendement adopté en séance publique au Sénat rend la commission des sanctions de la HATVP, nouvellement créée, compétente pour se prononcer sur « le bien-fondé du motif invoqué » lorsque le prestataire ou le consultant oppose l’un des secrets mentionnés à l’article 12 pour refuser la communication d’une information. Une telle disposition serait inédite parmi les autorités administratives indépendantes.

En outre, la procédure prévue manque de précision : elle n’indique pas dans quelles conditions la commission des sanctions peut prendre connaissance des informations, ne prévoit pas les garanties applicables et ne précise pas les suites qui lui sont données. En particulier, elle ne précise pas si les informations concernées peuvent finalement être connues de la HATVP ou si leur non-transmission constitue un refus de communication passible de sanctions.

Je propose donc, au travers de l’amendement CL129, la suppression de cette procédure, et j’invite Mme Miller à retirer le sien.

L’amendement CL105 est retiré et la commission adopte l’amendement CL129.

Amendement CL133 de M. Philippe Pradal, sous-amendement CL169 de M. Bruno Millienne et amendement CL35 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)

M. Philippe Pradal (HOR). L’amendement CL133 précise que les mises en demeure sont adressées à la structure, et non au consultant à titre individuel, et qu’elles ne sont pas rendues publiques. En effet, elles ne constituent pas à proprement parler des sanctions.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement à la condition que soit adopté le sous-amendement CL169, qui vise à maintenir la possibilité de mettre en demeure un consultant.

M. Stéphane Rambaud (RN). Il nous semble à l’inverse que le fait de rendre public le non-respect des règles déontologiques par un prestataire ou un consultant possède un pouvoir de dissuasion intéressant. L’amendement CL35 entend rendre systématique cet affichage public, dans l’espoir de dissuader les prestataires de se rendre à nouveau coupable des mêmes manquements. Un tel affichage renseignerait aussi les administrations bénéficiaires sur les comportements des prestataires auxquels elles souhaitent faire appel et leur permettrait de choisir le candidat le plus vertueux.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Notre commission a bien un problème avec la démocratie. Ne pas vouloir de publicité, c’est vouloir désinformer les citoyens. Nous considérons quant à nous qu’il faut rendre publics les manquements éventuels, voire les suspicions de manquements – il reviendra ensuite au juge de se prononcer.

La commission adopte successivement le sous-amendement CL169 et l’amendement CL33 sous-amendé. En conséquence, l’amendement CL35 tombe.

Suivant l’avis des rapporteurs, la commission adopte l’amendement CL27 de Mme Cécile Untermaier

Amendements CL59 de Mme Mathilde Panot et CL60 de M. Frédéric Mathieu (discussion commune)

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Il s’agit d’introduire la possibilité de saisir la HATVP par une pétition citoyenne réunissant 50 000 ou 100 000 signatures, sur le modèle de dispositions en vigueur pour d’autres institutions – ce n’est pas le Grand soir.

M. Bruno Millienne, rapporteur.  Avis défavorable. La HATVP n’a pas vocation à recevoir et traiter des pétitions.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 12 modifié.

Article 13 : Sanctions administratives en cas de manquement à certaines des obligations prévues par la proposition de loi

Amendement CL5 de M. Philippe Pradal

M. Philippe Pradal (HOR). Il s’agit d’expliciter l’obligation de mise en demeure préalable au prononcé de la sanction.

Suivant l’avis des rapporteurs, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL136 et CL137 de M. Bruno Millienne.

Amendements CL91 et CL92 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). L’amendement CL91 est un amendement de cohérence visant à préciser que, si la déclaration d’intérêts n’est pas actualisée en cas de modification substantielle des intérêts détenus au cours de la prestation de conseil, l’amende administrative est la même que celle sanctionnant la non-communication de cette déclaration.

L’amendement CL92 vise à rendre obligatoire la publication des amendes administratives infligées et l’exclusion de la procédure de passation des contrats de la commande publique, pour une durée maximale de trois ans, en cas de faute professionnelle grave.

Suivant l’avis des rapporteurs, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL28 de Mme Cécile Untermaier, sous-amendement CL170 de M. Bruno Millienne

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il s’agit de remplacer la publication des sanctions par la publication de la décision, laquelle comprend, outre la sanction pécuniaire, la motivation de la décision. Il s’agit d’une demande du président de la HATVP.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Le sous-amendement CL170 introduit une précision rédactionnelle.

La commission adopte le sous-amendement CL170.

Elle adopte l’amendement CL28 sous-amendé.

Amendements CL8 de M. Philippe Pradal et CL44 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune)

M. Philippe Pradal (HOR). Il s’agit de supprimer l’alinéa 11, qui est satisfait par les dispositions de l’article L. 2141-10 du code de la commande publique.

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Demande de retrait ou avis défavorable. L’alinéa 11 n’est pas superfétatoire. Quant à la mention d’une faute professionnelle grave, elle est exigée par le droit européen.

L’amendement CL44 est retiré.

La commission adopte l’amendement CL8.

Elle adopte l’article 13 modifié.

Article 14 (article 19-1 [nouveau] de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) : Création d’une commission des sanctions au sein de la HATVP

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL138 des rapporteurs.

Suivant l’avis des rapporteurs, elle rejette successivement les amendements CL45 et CL30 de Mme Cécile Untermaier.

Suivant l’avis des rapporteurs, elle rejette l’amendement CL93 de M. Timothée Houssin.

Elle adopte l’article 14 modifié.

Article 15 (articles L. 2141-1, L. 2141-5, L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2651‑1, L. 2661‑1, L. 2671‑1 et L. 2681‑1, L. 3123-1 [nouveau], articles L. 3351‑1, L. 3361‑1, L. 3371‑1 et L. 3381‑1) : Exclusion des consultants sanctionnés par la HATVP des procédures de passation des marchés publics, des marchés de défense et de sécurité et des contrats de concession

Amendement CL9 de M. Philippe Pradal

M. Philippe Pradal (HOR). L’article 15 est superfétatoire.

M. Nicolas Sansu, rapporteur.  Avis défavorable. Les conflits d’intérêts justifiant l’exclusion d’un candidat d’une passation de marché public visés par le code de la commande publique portent sur l’attribution du marché. L’article 15 inclut les conflits d’intérêts relatifs à la déontologie des prestataires.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article est supprimé et tous les autres amendements sur l’article 15 tombent.

Article 16 (articles L. 124‑5, L. 124‑7, L. 124‑8, L. 124‑18, L. 124‑26 du code général de la fonction publique) : Encadrement des mobilités entre l’administration
et le secteur du conseil

Amendement CL142 de M. Bruno Millienne

M. Bruno Millienne, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article.

Le code général de la fonction publique prévoit la saisine systématique de la HATVP en cas de mobilité vers le secteur privé d’un agent public exerçant ses fonctions à un certain niveau de responsabilité. Cette obligation concerne jusqu’à 14 000 personnes. En pratique, les situations particulières identifiées par la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques sont couvertes.

 Si je comprends bien l’objectif visé par le Sénat, le présent article cherche à étendre la saisine de la HATVP à tout agent public réalisant une mobilité vers ou depuis un cabinet de conseil, quelles que soient les responsabilités qu’il exerce. Les obligations de contrôle qui en résulteraient pour la HATVP seraient trop lourdes.

En outre, cette disposition pose un problème de principe : pourquoi contrôler spécifiquement les mobilités vers et depuis les cabinets de conseil et pas vers et depuis d’autres secteurs sensibles ? Enfin, la rédaction de l’article soulève un problème légistique. Elle est imparfaite et dépourvue de portée.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 16 est supprimé et l’amendement CL31 de Mme Cécile Untermaier tombe.

Après l’article 16 

Amendement CL34 de Mme Marie-France Lorho

M. Stéphane Rambaud (RN). Cet amendement peut sembler dur, mais il faut parfois faire preuve d’autorité dans ce pays.

Il s’agit de déchoir du statut de fonctionnaire toute personne ayant livré des informations sensibles sur l’administration dans laquelle elle a eu l’occasion d’œuvrer. De trop nombreux exemples récents de personnalités au service de l’État passées dans le secteur privé doivent nous alerter sur les dangers relatifs à de tels transferts.

Dans certaines administrations, le caractère sensible des informations diffusées doit aller de pair avec un devoir de discrétion des fonctionnaires. Le présent amendement vise à empêcher la livraison d’informations confidentielles par d’anciens fonctionnaires à des sociétés privées.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Avis défavorable.

M. Philippe Gosselin (LR). Je suis évidemment contre le pantouflage excessif et les conflits d’intérêts, mais le statut de la fonction publique prévoit déjà des droits et devoirs et un certain nombre de sanctions : l’amendement est en réalité très largement satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL73 de Mme Caroline Colombier

M. Timothée Houssin (RN). Il s’agit simplement d’imposer une obligation déclarative aux militaires qui, après avoir exercé des fonctions ayant une sensibilité particulière ou requérant des compétences techniques spécialisées, souhaitent réaliser des prestations pour des cabinets privés de conseil en matière de politiques publiques qui ont leur siège en dehors du territoire national ou se trouvent sous contrôle étranger.

M. Bruno Millienne, rapporteur. L’amendement est largement satisfait par l’article R. 4122-14 du code de la défense.

La commission rejette l’amendement.

Article 17 : Obligation de suppression des données confiées par l’administration pour les besoins de la prestation de conseil et possibilité de faire diligenter un contrôle par la CNIL

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL143 des rapporteurs.

Amendements CL74 de M. Aurélien Lopez-Liguori et CL88 de M. Timothée Houssin (discussion commune)

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Au cours des prestations réalisées auprès des administrations des collectivités et de l’État, les cabinets de conseil peuvent recueillir des données potentiellement sensibles, stratégiques, personnelles ou identifiantes, comme des données de santé. Le Gouvernement a ainsi eu recours d’une manière extensive à des cabinets de conseil tels que McKinsey ou Accenture pendant la crise du covid. Le texte ne comporte malheureusement aucune mesure de protection contre une quelconque extraterritorialité de dispositions non européennes. Des pays comme les États-Unis ont des législations de type Cloud Act qui constituent une véritable menace, puisqu’elles permettent à leurs autorités publiques d’accéder aux données hébergées en Europe : c’est écrit noir sur blanc dans le rapport du Sénat sur les cabinets de conseil. Il faut prendre le problème à bras-le-corps et c’est pourquoi nous demandons un cloud français ou européen pour stocker les données de l’administration française dans le respect des critères du référentiel SecNumCloud de l’Anssi, qui vise à nous immuniser contre ce type d’ingérences étrangères. Notre amendement CL74 est de bon sens : il est favorable à notre souveraineté et soutiendra notre industrie du numérique.

M. Timothée Houssin (RN). L’amendement suivant vise également à nous apporter des garanties en matière de sécurité et de protection des données, en conformité avec le droit européen.

Nous devons nous protéger vis-à-vis du droit extraeuropéen : les États-Unis ont notamment mis en place des législations permettant à leurs autorités d’accéder, dans certains cas, aux données stockées par des entreprises soumises à leur droit.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Avis défavorable. Ces deux amendements poseraient de vraies difficultés aux TPE et PME. Nous proposons au contraire, à l’article 18, d’alléger les obligations en matière de sécurisation des données lorsque la nature de ces dernières n’exige pas d’aller aussi loin.

M. Philippe Gosselin (LR). Une vraie question se pose quand même, et nous ne l’abordons pas pour la première fois, en matière de souveraineté numérique et de clouds souverains. J’ai mené à ce sujet une mission d’information avec Philippe Latombe. On botte chaque fois en touche en disant que tout va bien, mais ce n’est pas si vrai en réalité, car nous rencontrons régulièrement des difficultés. Je rappellerai seulement ce qui s’est passé pendant l’état d’urgence sanitaire : la plateforme des données de santé, qui n’avait pas été créée que pour le covid, certes, confiait largement nos données, et pas n’importe lesquelles, à Microsoft. Du droit américain est ainsi applicable, ce qui conduit parfois à des injonctions. Nous devons absolument nous inscrire dans le cadre du RGPD pour assurer notre souveraineté. Ces amendements ne permettraient pas nécessairement de le garantir, mais je tiens à rappeler l’ardente obligation à laquelle nous ne satisfaisons pas complètement ni tout le temps.

M. Aurélien Lopez-Liguori (RN). Ce n’est pas la première fois que nous déposons des amendements relatifs au référentiel SecNumCloud : on nous répond toujours qu’il y aura un problème du côté des TPE et des PME. Or des entreprises françaises sont au niveau de Microsoft et de Google en matière de construction de cloud, comme OVH et Scaleway. On aurait tout intérêt à se tourner vers elles. En refusant ce type d’amendements, nous mettons à disposition des Américains et d’entreprises étrangères des données de l’État. Ce n’est peut-être pas de l’incompétence, mais on est à la limite de la trahison.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL163 des rapporteurs

M. Bruno Millienne, rapporteur. Le présent amendement prévoit que le cabinet de conseil remet à l’administration bénéficiaire les données collectées auprès de celle-ci, ainsi que les traitements réalisés sur les données, avant leur suppression.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL155 des rapporteurs

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Cet amendement complète le précédent en demandant une déclaration qui atteste que les données ont bien été détruites. L’Anssi nous a dit que c’était possible et nous a expliqué comment faire.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL32 de Mme Cécile Untermaier

Mme Cécile Untermaier (SOC). Nous proposons un contrôle aléatoire, confié à la Cnil, en ce qui concerne la gestion des données par le consultant ou le prestataire.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Avis défavorable. Dans l’esprit du texte, la Cnil intervient en appui de l’administration lorsque celle-ci a un doute sur le respect de l’obligation de suppression ou de non-réutilisation des données.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL144 de M. Bruno Millienne.

Amendement CL164 des rapporteurs et sous-amendement CL168 de M. Timothée Houssin

M. Bruno Millienne, rapporteur. Notre amendement concerne l’interdiction de réutiliser les données et l’obligation de les supprimer, qui ne sont pas sanctionnées à l’heure actuelle. Si ces obligations ne sont pas respectées, la Cnil en informera l’administration concernée qui pourra alors saisir la HATVP aux fins d’infliger une sanction administrative.

M. Timothée Houssin (RN). Nous proposons de systématiser la saisine de la HATVP dans ce cas.

M. Bruno Millienne, rapporteur. Avis défavorable au sous-amendement.

La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 17 modifié.

Article 18 : Obligation de réaliser un audit de la sécurité des systèmes d’information des cabinets de conseil selon un référentiel établi par l’ANSSI

Amendement CL107 de Mme Laure Miller

M. Nicolas Sansu, rapporteur. Cet amendement vise à remplacer l’alinéa 2 en précisant comment la sécurité informatique est assurée. Cela nous semble un peu plus opérant que de demander à tous les prestataires de réaliser un audit de sécurité, ce qui coûtera fort cher et risque d’exclure les petits cabinets. Par conséquent, avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 18 modifié.

Avant l’article 19

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL146 de M. Bruno Millienne.

Article 19 : Application de la loi aux contrats en cours

Amendement de suppression CL108 de Mme Laure Miller

M. Nicolas Sansu, rapporteur. M. Millienne est favorable à cet amendement. Pour ma part, je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 19 est supprimé et les amendements CL6 et CL10 de M. Philippe Pradal et CL147 de M. Bruno Millienne tombent.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques (n° 366) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 


—  1  —

 

   Personnes entendues

   M. David Mahé, président

   M. David Ifrah, délégué général

   M. Fabrice Alexandre, président de Communication & Institutions, conseil de Syntec Conseil

   M. Benoît Darde, membre du conseil d’administration et président de la commission affaires publiques, associé chez Wavestone

   Mme Marine Gossa, déléguée aux affaires publiques de Numeum

   M. Christophe Longepierre, délégué général

   Mme Sandrine Cormary, présidente

   Mme Anne-Mareille Dubois, directrice générale

   Mme Catherine Emprin, porte-parole de la Filière Communication

   Mme Justine Roubaud, associée chez Euros Agency *, conseil du SCRP

   M. Bruno Lasserre, président

   Mme Hélène Servent, secrétaire générale

   M. Jean Deguerry, porte-parole, président du département de l’Ain (LR)

   M. Brice Lacourieux, conseiller relations avec le Parlement

   M. Marc Suivre, directeur de cabinet

   Mme Gaëlle Charlemandrier, secrétaire générale du Groupe de Droite, du Centre et des Indépendants (DCI)

   Mme Nathalie Colin, directrice générale

   Mme Nathalie Green, sous-directrice de la synthèse statutaire, des politiques territoriales et des partenariats

   Mme Marie Niedergang, cheffe de service, adjointe de la déléguée interministérielle

   Mme Claire Orosco, chef de projet parcours et mobilité des cadres

   M. Bastien Taloc, conseiller fonction publique territoriale et institutions

   Mme Séverine Bourlier, vice-présidente

   Mme Sara Durier, chargée de mission affaires publiques

   M. François Adam, directeur

   M. Stéphane Morin, adjoint au directeur

   Mme Hélène Martin, adjointe à la sous-directrice des compétences et des institutions locales

   Mme Emilie Vouillemet, cheffe du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique

   M. Antoine Lefrançois, chargé de mission au sein du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique

   M. Thomas Dautieu, directeur de l’accompagnement juridique

   Mme Astrid Mariaux-de Rugy, cheffe du service des contrôles, affaires économiques

   Mme Chirine Berrichi, conseillère pour les questions parlementaires et institutionnelles

   Mme Laure Bédier, directrice

   Mme Aurore Fougère, cheffe du bureau du droit public général

   M. Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique

   Mme Tiphaine Havel, cheffe de cabinet

   M. Jean-Michel de Guerdavid, secrétaire général

   M. François Gobillard, responsable du pôle interministériel d’achat de prestations de conseil

   M. Edward Jossa, président-directeur général

   M. Lionel Ferraris, directeur des politiques publiques et du pilotage de l’offre

   M. Olivier Giannoni, directeur juridique

   M. Christian Charpy, président de la 4ème chambre

   M. Emmanuel Belluteau, président de section

   M. Didier Migaud, président

   M. Guy Geoffroy, maire de Combs-la-Ville, vice-président de l’AMF

   Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

   M. Vincent Strubel, directeur général

   Mme Jennyfer Chrétien, directrice de cabinet

   M. Stéphane Perrin, vice-président du conseil régional de Bretagne

   M. Frédéric Eon, conseiller parlementaire, juridique et fonction publique

   M. Dominique Rouquayrol, directeur du département juridique et conformité

   M. Antoine Esneault, chargé de mission relations institutionnelles

   M. Romain Lucazeau, directeur général de la SCET

   M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles, internationales et européennes du groupe Caisse des dépôts et consignations

   Mme Selda Gloanec, conseillère relations institutionnelles, groupe Caisse des dépôts et consignations

   M. Michael Nathan, directeur

   Mme Julie Chiret-Cannesan, directrice adjointe

   M. Aurélien Sourdille, responsable adjoint du pôle Offres

   M. Marc Bourquin, conseiller stratégie et responsable de l’articulation et de la coordination Parcours, proximité, autonomie et territoire

   M. Dominique Legouge, directeur général

   Mme Sandrine Bourg, directrice des relations institutionnelles et de la communication

   M. Pierre Chevalier, directeur juridique et fiscal

   M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

 

CONTRIBUTIONS ÉCRITES REÇUES

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1])  Cour des comptes, Le recours par l’État aux conseils extérieurs, Communication à la commission des finances du Sénat, rapport au parlement, novembre 2014.

([2])  Communication sur les contrats conclus par le ministère des solidarités et de la santé avec des cabinets de conseil depuis l’engagement de la crise sanitaire, par Mme Véronique Louwagie, rapporteure spéciale des crédits de la mission Santé, 10 février 2021.

([3])  Rapport de la mission d'information relative aux différentes missions confiées par l’administration de l’État à des prestataires extérieurs (outsourcing), fait par Mme Cendra Motin, rapporteure, le mercredi 19 janvier 2022 (n° 4928).

([4])  Les Infiltrés. Comment les cabinets de conseil ont pris le contrôle de l’État, de M. Matthieu Aron et Mme Caroline Michel-Aguirre, Allary Éditions, février 2022.

([5])  Rapport n° 2022-M-075-05, Rénovation de l’encadrement du recours aux prestations intellectuelles des cabinets de conseil : évaluation de la mise en œuvre de la circulaire du Premier ministre n° 6329/SG du 19 janvier 2022, établi par Pierre Cunéo, inspecteur des finances, et Jean-Benoît Eyméoud, inspecteur des finances, janvier 2023.

([6])  Cour des comptes, Le recours par l’État aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil, rapport public thématique, juillet 2023.

([7]) Sauf celles qui relèvent du pouvoir réglementaire ou de stipulations contractuelles, comme la rationalisation des accords-cadres (proposition n° 4 de la commission d'enquête) ou l’avis conforme de la DITP pour toute prestation de conseil de plus de 150 000 euros (proposition n° 5), comme l’indique l’exposé des motifs.

([8])  Rapport fait par Mme Éliane Assassi au nom de la commission d’enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, enregistré à la Présidence du Sénat le 16 mars 2022.

([9])  Voir le compte rendu de la réunion constitutive de la commission d’enquête du 25 novembre 2021 : « M. Arnaud Bazin : […] Outre cet exemple concret, le thème de la commission d’enquête nous invite à examiner le recours aux cabinets de conseil par l’État dans son ensemble, ce qui comprend notamment le conseil en stratégie, la gestion des ressources humaines, l’accompagnement de projets ou encore le conseil en communication[…] Mme Éliane Assassi : Notre commission d’enquête aura en premier lieu à établir une cartographie de l’intervention de ces acteurs privés, pour gagner en transparence. D’ores et déjà, nous pouvons établir que les prestations de conseil comprennent en particulier l’aide à la décision, y compris le conseil en stratégie, l’influence, y compris le conseil en communication, la gestion des ressources humaines et l’organisation des services, l’accompagnement de projets, y compris les projets informatiques, l’aide à la mise en œuvre des politiques publiques et à leur évaluation et l’expertise dans des domaines spécifiques comme les conseils juridiques ou financiers et les audits comptables. » Voir également le rapport de la commission d’enquête, pages 27 et 43.

([10])  Voir le rapport de la commission d’enquête, page 27 : « Méthode de travail de la commission d’enquête – définition des prestations de conseil ».

([11])  Rapport de Mme Cécile Cukierman au nom de la commission des Lois, page 15.

([12])  Rapport de la commission d’enquête, page 16.

([13])  Amendement n° COM-3 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([14])  La notion d’opérateur de l’État est née avec la mise en œuvre de la loi organique relative n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Même si elle ne mentionnait pas directement le terme « opérateur » jusqu’à sa modification par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, la LOLF identifiait la catégorie des « organismes bénéficiaires d’une subvention pour charges de service public » qui désigne exclusivement des opérateurs de l’État. Depuis l’adoption de la loi organique n° 2021-1836, la notion d’opérateur de l’État figure dans la LOLF, dont le 2° bis de l’article 34 prévoit la fixation en loi de finances d’un « plafond des autorisations d’emplois des opérateurs de l’État ».

([15])  Annexe budgétaire « Opérateurs de l’État » au PLF pour 2024, page 13.

([16])  L’annexe budgétaire « Opérateurs de l’État » au PLF pour 2024 relève ainsi que le nombre d’opérateurs est passé de 483 opérateurs en 2020 à 438 en 2023.

([17])  Amendement n° COM-4 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([18])  Voir l’exposé des motifs de la proposition de loi : « Le conseil en informatique comprend notamment les domaines suivants : stratégie des systèmes d’information, qualité des systèmes d’information, étude de projets applicatifs, conseil en urbanisation informatique et expertise technique. Il exclut les prestations informatiques, à l’instar des opérations de maintenance. »

([19]) Rapport de la commission d’enquête précité, page 94 : « Ces prestations d’assistance à la maîtrise d’ouvrage sont également l’occasion pour les ministères et pour les cabinets de conseil d’engager une réflexion sur l’organisation et le fonctionnement même des administrations ».

([20])  Amendement n° COM-5 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([21])  Articles 31 et suivants de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

([22])  Articles 22 et suivants de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

([23])  Amendement n° 27 rect. de M. Jean-Pierre Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

([24])  Compte rendu intégral des débats du Sénat, séance du 18 octobre 2022.

([25])  Amendements CL110 de Mme Marie-Agnès Poussiez-Winsback et CL72 de vos rapporteurs, identiques.

([26])  Amendement CL148.

([27])  Amendements CL97 et CL111, identiques.

([28])  Amendement CL98.

([29])  Amendements CL112 et CL99, identiques.

([30])  Amendements CL113 et CL100, identiques.

([31])  Amendement CL14.

([32]) Amendements n° 1 rect. de M. Jean-Claude Réquier, n° 24 rect. de M. Jean-Pierre Sueur, et n° 44 du Gouvernement.

([33])  Mission « flash » sur le champ d’application de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. Communication de Mme Marie Lebec et M. Nicolas Sansu devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale, le 12 juillet 2023.

([34])  Amendement CL149.

([35])  Rapport de la commission d’enquête, pages 35-36.

([36])  Proposition n° 2 du rapport de la commission d’enquête précitée.

([37])  Circulaire n° 6329/SG du Premier ministre du 19 janvier 2022 encadrant le recours par les administrations et les établissements publics de l’État aux prestations intellectuelles.

([38])  Paragraphe 9.2.2. du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) relatif à la réalisation de prestations de conseil en stratégie, en cadrage et conduite de projets et en efficacité opérationnelle.

([39]) Paragraphe et 9.3.4. du CCAP.

([40])  Amendement n° COM-4 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([41]) Rapport de la commission des Lois du Sénat.

([42])  Amendement CL150.

([43])  Amendement CL151.

([44])  Amendement CL115.

([45])  Cour des comptes, Le recours par l’État aux conseils extérieurs, communication à la commission des finances du Sénat, novembre 2014, et Le recours par l’État aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil, rapport public thématique, juillet 2023.

([46])  Rapport de la mission d’information relative aux différentes missions confiées par l’administration de l’État à des prestataires extérieurs (outsourcing), fait par Mme Cendra Motin au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, présenté le 19 janvier 2022 (n° 4928).

([47])  Proposition n° 1 du rapport de la commission d’enquête précitée.

([48])  Amendement n° COM-8 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([49])  Amendement n° COM-9 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([50])  Article 164 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([51]) Amendement n° II-2818 du Gouvernement, Déposé à l’Assemblée nationale en première lecture le 28 octobre 2022, soit dix jours après l’adoption de la proposition de loi par le Sénat, l’amendement n’a pas été mis aux voix, du fait de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le texte.

([52]) Sénat, compte rendu intégral, séance du mardi 18 octobre 2022, pages 3994-3995.

([53]) Rapport de la Cour des comptes précité, page 40.

([54]) Amendement CL118.

([55]) Amendement CL157.

([56]) Amendements CL116 et CL117.

([57])  Amendement CL158.

([58])  Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.

([59])  Article L. 311-1 du CRPA.

([60])  Article L. 300-4 du CRPA, créé par l’article 3 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

([61])  Le rapport social unique remplace ainsi le bilan social annuel (ou rapport sur l’état de la collectivité, dans les collectivités territoriales), obligatoire pour toute entreprise comptant au moins trois cents salariés et applicable par extension aux établissements publics de l’État et des collectivités territoriales, le rapport de situation comparée entre les hommes et les femmes institué par la loi « Sauvadet » du 12 mars 2012, le rapport sur les fonctionnaires mis à disposition, ainsi que le rapport sur l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés.

([62])  Article 5 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, actuellement codifié aux articles L. 231-1 et suivants du code général de la fonction publique. 

([63])  Rapport de la commission d’enquête, page 38.

([64])  Avis n° 20221607 du 21 avril 2022, portant sur une demande tendant à la communication de documents liés aux missions de conseil exercées par des cabinets privés pour le compte de la Présidence de la République.

([65])  Amendement n° COM-10 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([66])  Amendement CL119.

([67])  Amendement CL120.

([68])  Issu de la locution latine « pro bono publico » qui signifie « pour le bien public », le « pro bono » rassemble toutes les formes d’engagement volontaire de compétences pour servir le bien public.

([69])  L’entreprise bénéficie ainsi d’une réduction d’impôt s’élève à 60 % de la valorisation des dons annuels lorsque ceux-ci sont inférieurs à 2 millions d’euros, et à 40 % au-delà. La réduction d’impôts est par ailleurs plafonnée à 20 000 euros par an, ou à 5 pour mille du chiffre d’affaires du mécène si ce dernier montant est plus élevé. Lorsque ce plafond est dépassé, l’excédent peut donner lieu à des réductions d’impôts sur les cinq exercices suivants.

([70])  Voir, à ce sujet, le Bulletin officiel des finances publiques n° BOI-BIC-RICI-20-30-40.

([71])  Aux termes de l’arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière précité, le parrainage se définit comme un « soutien matériel apporté à une manifestation, une personne, à un produit ou à une organisation en vue d’en retirer un bénéfice direct ». Du point de vue fiscal, il est encadré par le 7° du I de l’article 39 du CGI, qui prévoit que les dépenses engagées par les entreprises dans le cadre de manifestations notamment de caractère culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, sont déductibles du revenu imposable de l’entreprise lorsqu’elles sont engagées dans l’intérêt direct de l’exploitation.

([72])  Circulaire n° 6329/SG du Premier ministre du 19 janvier 2022 encadrant le recours par les administrations et les établissements publics de l’État aux prestations intellectuelles.

([73])  Propositions n° 14 et 15 du rapport d’enquête précité. Voir infra pour la présentation du dispositif de mécénat.

([74])  Lors de l’examen du texte en séance publique au Sénat, la rapporteure du texte considérait ainsi que « si l’article 5 ne précise pas explicitement que les prestataires et les consultants sont visés par l’interdiction posée, le champ d’application de la proposition de loi est défini à l’article 1er. Dès lors, nous pouvons déduire de cet article que l’interdiction des prestations de conseil réalisées à titre gratuit vaut pour les prestataires et les consultants. »

([75]) Le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) précise ainsi que « Les dons doivent être consentis à une œuvre ou organisme pourvu de la personnalité morale. Sont concernés les organismes privés (associations, fondations, etc.) ainsi que les organismes publics (État, collectivités territoriales, établissements publics et généralement toutes les personnes morales de droit public, tels les groupements d’intérêt public), toutes les conditions étant par ailleurs remplies. Les dons effectués à une collectivité publique, telle que l’État ou une collectivité territoriale, peuvent ouvrir droit à la réduction d’impôt prévue à l’article 238 bis du CGI à condition que les dons soient affectés à une activité d’intérêt général présentant un des caractères mentionnés à ce même article. L’examen de la condition d’intérêt général s’effectue selon les modalités exposées au II-A-2 § 80 et suivants. À cette fin, la collectivité publique doit isoler les versements en cause au sein de sa comptabilité et s’assurer qu’ils sont utilisés conformément à leur objet. » (BOI-BIC-RICI-20-30-10-10)

([76])  Voir le commentaire des articles 12 et 13.

([77])  Amendement n° COM-11 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([78])  Amendements CL121 et CL101.

([79])  « La circonstance qu’un prestataire privé a participé, sous la direction et le contrôle du Premier ministre, à la rédaction de son exposé des motifs et de son étude d’impact ne méconnaît pas l’article 39 de la Constitution ni aucune autre règle constitutionnelle ou organique » (Conseil constitutionnel, décision n° 2019-794 DC du 20 décembre 2019, Loi d’orientation des mobilités)

([80])  Amendement CL18.

([81])  Rapport de la commission d’enquête précitée, page 140. La règle dite du « service fait », prévue par les articles 20 et 31 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique modifié, interdit en principe à l’Administration de régler les prestations prévues au contrat avant leur réalisation complète.

([82])  Cour des comptes, Le recours par l’État aux prestations intellectuelles de cabinets de conseil, rapport d’initiative citoyenne juillet 2023.

([83])  Circulaire n° 6329/SG du Premier ministre du 19 janvier 2022 encadrant le recours par les administrations et les établissements publics de l’État aux prestations intellectuelles, page 5.

([84])  Proposition n° 7 du rapport de la commission d’enquête précité.

([85])  Amendement n° COM-12 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([86])  Amendement CL122.

([87])  Amendement CL68.

([88])  Amendement CL120.

([89])  Amendement CL125.

([90])  Article 111 de l’ordonnance du 25 août 1539 précitée. Seuls les articles 110 et 111 de cette ordonnance sont encore en vigueur.

([91])  Loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 ajoutant à la Constitution un titre : « Des Communautés européennes et de l’Union européenne ».

([92])  Loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française.

([93])  Circulaire du 1er octobre 2016, dispositions relatives à l’emploi de la langue française dans la fonction publique.

([94])  Le rapport de la commission d’enquête relevait ainsi que « le benchmarking , les power-point , le BtoB , le brainstorming , le behind the scene comme l’open data , l’open source ou le feed back ne constituant que la partie émergée de l’iceberg, comme l’illustre le glossaire en fin de rapport. »

([95])  Proposition n° 8 : « Les administrations doivent s’assurer contractuellement que les cabinets de conseil auxquels elles recourent respectent l’emploi de termes français tout au long de leurs missions et notamment dans leurs livrables. Le non-respect de ces exigences pourra être considéré comme un manquement au contrat. »

([96])  Paragraphes n° 9.3.7 et 17.8 du cahier des clauses administratives particulières.

([97])  Amendement n° COM-13 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([98])  Rapport de la commission d’enquête précitée, pages 87 et suivantes.

([99])  Proposition n° 6.

([100])  Rapport de la Cour des comptes précité, page 98.

([101])  Amendement COM-14 de Mme Cécile Cukierman, rappporteure.

([102])  Amendement CL152.

([103])  Amendement CL20.

([104])  Conseil d’État, 12 avril 2023, Office national des forêts, n° 466740.

([105])  Réponse à la question écrite n° 49422 de M. Édouard Philippe, publiée au JOAN le 20 septembre 2016.

([106])  Proposition n° 9 de la commission d’enquête. La commission d’enquête proposait également de renforcer les moyens de la HATVP pour assurer cette mission.

([107]) Proposition n° 11.

([108])  L’article 2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique dispose que : « I.  Au sens de la présente loi, constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. » Son article 18-5 dispose par ailleurs que : « Les représentants d’intérêts exercent leur activité avec probité et intégrité. »

([109])  Rapport de la commission des Lois du Sénat, page 47. Pour une présentation détaillée du dispositif mis en œuvre par l’Agence française anticorruption, voir le rapport de MM. Olivier Marleix et Raphaël Gauvain, faits au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, sur l’évaluation de l’impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 » (n° 4325), déposé le mercredi 7 juillet 2021.

([110])  Amendement COM-15 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([111])  Amendements CL153 et CL3.

([112])  Elle paraît par ailleurs conforme à l’esprit de ce que souhaitait la rapporteure du texte au Sénat, Mme Cécile Cukierman, qui relevait que « ces codes n’auraient pas à être modifiés à chaque prestation de conseil : il suffirait simplement de formaliser un engagement des parties prenantes sur un code de conduite spécifiquement élaboré pour les prestations de conseil réalisées auprès de l’État ou ses établissements publics ».

([113])  Voir par exemple le guide de l’Agence française anticorruption, La prévention des conflits d’intérêts dans l’entreprise, « Adopter des mesures de remédiation adaptées » (partie III. 4).

([114])  Amendement CL24.

([115])  Article L. 518-6 du code monétaire et financier.

([116])  Article L. 327‑9 du code de la propriété intellectuelle.

([117])  Article R. 122 34 du code la voirie routière.

([118])  Proposition n° 12 du rapport de la commission d’enquête.

([119])  Annexe n° 4 du CCAP.

([120])  III de l’article LO 135-1 du code électoral, pour les parlementaires, et III de l’article 4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique pour les autres responsables publics.

([121])  Amendement COM-16 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([122])  Amendement CL159.

([123])  Rapport de la commission d’enquête, page 188 et suivantes.

([124])  Pour une présentation récente de ce dispositif, il est renvoyé aux travaux de la mission flash de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur la rédaction du décret n°2017-867 du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d’intérêts, dont les rapporteurs étaient Mme Cécile Untermaier et M. Gilles Le Gendre, qui ont présenté leurs travaux le 3 mai 2023.

([125])  Amendement COM-17 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([126])  Amendement CL171.

([127])  Amendement CL32.

([128])  L’article 23 de la loi du 11 octobre 2013 mentionne ainsi « des fonctions gouvernementales, des fonctions de membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante ou des fonctions exécutives locales [au sein de grandes collectivités] ».

([129]) Article 18-6 de la loi du 11 octobre précitée.

([130])  Le deuxième alinéa du II de l’article 20 de la loi du 11 octobre 2013 prévoit que la HATVP peut notamment être saisie par les associations se proposant, par leurs statuts, de lutter contre la corruption, qu’elle a préalablement agréées en application de critères objectifs définis par son règlement général. Cet agrément est différent de celui prévu à l’article 2-23 du code de procédure pénale, qui permet à toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption, d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne certaines infractions, ce dernier agrément étant accordé par arrêté du garde des Sceaux en application du décret n° 2014‑327 du 12 mars 2014 relatif aux conditions d’agrément des associations de lutte contre la corruption en vue de l’exercice des droits reconnus à la partie civile.

([131])  Amendement COM-18 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([132])  Amendement n° 25 rect. de M. Jean-Pierre Sueur et des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

([133])  Amendement CL133.

([134])  Amendement CL129.

([135])  Amendements CL33 et CL169.

([136])  Amendement CL27.

([137])  Amendement CL135.

([138])  Amendement CL154.

([139]) Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, considérant n° 27.

([140]) Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, considérant n° 6.

([141])  Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 précitée, considérant n° 34 à 36.

([142])  Rapport n° 712 (2015-2016) de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 22 juin 2016 : « En effet, la HATVP ne dispose actuellement d’aucun pouvoir de sanction. En cas de manquement aux obligations déclaratives - déclarations d’intérêts et, le cas échéant, d’activités ainsi que déclaration de situation patrimoniale -, la HATVP saisit le parquet pour engager des poursuites pénales sur le fondement d’infractions pénales. Votre commission n’a pas souhaité remettre en cause cet équilibre trouvé lors de sa création pour ses missions actuelles. »

([143])  Il s’agit du secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l’État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes ou de la sécurité des systèmes d’information.

([144])  Amendement COM-19 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([145])  Amendements CL28 et CL170.

([146])  Amendement CL8.

([147])  Décision n° 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, cons. 24.

([148])  Décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, cons. 11

([149])  Décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006, Loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social, cons. 24.

([150]) Décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011, Banque populaire Côte d’Azur (Pouvoir disciplinaire de la

Commission bancaire).

([151]) Décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Société Groupe Canal Plus et autre (Autorité de la concurrence : organisation et pouvoir de sanction), cons. 16.

([152]) Ainsi qu’il l’a admis dans la décision n° 2012-280 QPC précitée.

([153])  Commentaire de la décision n° 2017-688 QPC du 2 février 2018, M. Axel N. (Saisine d’office de l’agence française de lutte contre le dopage et réformation des sanctions disciplinaires prononcées par les fédérations sportives).

([154])  Voir notamment Conseil d’État, 3 décembre 1999, Didier, et Conseil d’État, 27 octobre 2006, Parent, n° 276069.

([155])  Amendement COM-19 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([156]) Amendement CL138.

([157])  Articles L. 2141-1 et suivants du code de la commande publique.

([158])  Articles L. 3123-1 et suivants du code de la commande publique.

([159])  Articles L. 2141-7 et suivants du code de la commande publique.

([160])  Articles L. 3123-7 et suivants du code de la commande publique.

 

([162])  Pour plus de clarté, seuls sont référencées à partir d’ici les exclusions relatives aux marchés publiques, mais celles-ci sont transposables aux contrats de concession.

([163])  Amendement COM-21 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([164])  Amendement n° 9 rect. de Mme Nathalie Goulet et n° 46 rect. bis de Mme Éliane Assassi.

([165]) Compte rendu intégral de la séance du 18 octobre 2022. M Éric Bocquet : « À l’évidence, nous sommes face une forme de parjure, puisque les personnes auditionnées par une commission d’enquête parlent sous serment. La commission d’enquête a donc saisi le bureau du Sénat, qui a invoqué l’article 40 du code de procédure pénale pour suspicion de faux témoignage, ce qui n’est pas rien. Par conséquent, comme Nathalie Goulet, nous estimons qu’il n’est pas question de donner le moindre euro d’argent public à un cabinet qui serait convaincu de parjure ni de lui permettre de soumissionner pour un quelconque marché public. »

([166])  Amendement CL9.

([167])  Rapport fait par Mme Émilie Chalas au nom de la commission des lois sur le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, de transformation de la fonction publique, enregistré le 3 mai 2019 (n° 1802).

([168])  Compte rendu de l’examen du texte en commission des Lois, le 2 mai 2019 à 21 h 15.

([169])  Entrent dans le champ de cet article « toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise privée ou un organisme de droit privé » et « toute activité libérale ».

([170])  La notion de « responsable public » est mentionnée dans le décret n° 2017-867 du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d’intérêts, pour désigner la liste prévue à l’article 18‑2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique : elle ne renvoie pas qu’à des agents publics, mais également à des membres d’autorités administratives ou publiques indépendantes, à des élus ou à des membres du Gouvernement.

([171])  Propositions n° 16 et 17 de la commission d’enquête.

([172]) Et rappelées dans la partie consacrée à l’état du droit du présent commentaire d’article : emplois de directeur d’administration centrale ou de dirigeant d’un établissement public de l’État dont la nomination relève d’un décret en conseil des ministres ; emplois de directeur général des services des régions, des départements, des communes de plus de 40 000 habitants et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 40 000 habitants ; emplois de directeur d’établissements publics hospitaliers dotés d’un budget de plus de 200 millions d’euros.

([173])  La rapporteure du texte au Sénat ajoutait : « S’appliquerait donc à l’ensemble des agents publics ayant un projet de reconversion professionnelle dans le secteur du conseil, le régime de l’article L. 124-5 actuellement en vigueur pour les seuls agents publics occupant ou ayant occupé au cours des trois années qui ont précédé « un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient » et souhaitant rejoindre le secteur privé. » […] « Le régime défini aujourd’hui pour les seuls emplois « stratégiques » énumérés à l’article L. 124-8 serait donc étendu aux personnes venant du secteur du conseil, quel que soit le poste envisagé au sein des trois versants de la fonction publique. »

([174])  M. Stanislas Guerini, ministre. « […] il n’y aurait plus aucune hiérarchie entre les agents concernés. Alors que la loi de 2019 était centrée sur les postes à responsabilité au sein des administrations, ce qui me semble correspondre à l’exercice, à l’objectif et à la finalité de ce texte, à savoir éviter les influences, absolument tous les agents administratifs seraient concernés par le dispositif que vous voulez mettre en place. » […] Mme Cécile Cukierman, rapporteure. « Même si j’entends les réserves que vous avez émises, monsieur le ministre, nous souhaitons conserver l’article 16 dans sa rédaction actuelle pour gagner en clarté et en lisibilité. » […] M. Arnaud Bazin. « Je ne crois pas trahir l’esprit de la commission d’enquête et des cosignataires de cette proposition de loi en précisant que nous visions les responsables publics et non tous les agents publics – d’ailleurs, l’exposé des motifs le rappelle, ce qui restreint bien le périmètre. Dans l’article 16, il est fait mention d’ « agent public », ce qui peut entraîner quelques confusions. La navette parlementaire pourrait être l’occasion d’améliorer et de préciser cette rédaction. » […] M. Stanislas Guerini, ministre. « Dans son rapport, la commission des lois fait mention d’agent public. À mon sens, il y a bien un véritable problème de rédaction, puisque l’article 16 concernerait l’ensemble des agents publics. »

([175])  Le rapport de la commission d’enquête relève ainsi que « la commission d’enquête s’est trouvée face à des réponses parfois contradictoires ou qui, en tout cas, ne permettent pas de trancher le point de savoir si des cabinets de conseil réemploient, en pratique, les données qu’ils obtiennent dans le cadre d’une mission avec l’État ou d’autres acteurs publics, éventuellement étrangers » (page 222).

([176])  Proposition n° 18 du rapport de la commission d’enquête.

([177])  Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

([178])  Rapport de la commission des Lois, page 80.

([179])  Amendement COM-22 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([180])  Amendement CL163.

([181])  Amendement CL155.

([182])  Amendement CL164.

([183])  Décret n° 2009-834 du 7 juillet 2009 portant création d’un service à compétence nationale dénommé « Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information ».

([184])  Article 4 du décret n° 2009-834 du 7 juillet 2009 précité.

([185])  Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act, adopté au Congrès des États-Unis le 23 mars 2018.

([186])  Proposition n° 19. 

([187])  Amendement COM-23 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([188])  Les différents référentiels d’exigences gérés par l’Anssi sont disponibles en ligne : https://cyber.gouv.fr/referentiels-dexigences-pour-la-qualification.

([189])  Rapport page 82.

([190])  Amendement CL107.

([191])  Amendement COM-24 de Mme Cécile Cukierman, rapporteure.

([192])  Amendement CL108.