N° 1820

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 octobre 2023

 

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES ([1]),

sur le projet de loi de finances pour 2024

par

Mme Julie DELPECH

Députée

____

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de :

 

Mme Véronique Riotton, présidente ; Mme Virginie Duby-Muller, Mme Marie-Charlotte Garin, M. Guillaume Gouffier-Valente, Mme Sandrine Josso, viceprésidents ; Mme Julie Delpech, Mme Anne-Cécile Violland, secrétaires ; Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Anne-Laure Babault, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Soumya Bourouaha, Mme Céline Calvez, Mme Agnès Carel, Mme Émilie Chandler, Mme Mireille Clapot, M. Jean-François Coulomme, Mme Béatrice Descamps, Mme Christine Engrand, Mme Géraldine Grangier, Mme Fatiha Keloua Hachi, Mme Amélia Lakrafi, Mme Élise Leboucher, Mme Julie Lechanteux, Mme Sarah Legrain, Mme Marie-France Lorho, Mme Pascale Martin, Mme Graziella Melchior, Mme Frédérique Meunier, Mme Sophie Panonacle, Mme Josy Poueyto, Mme Anaïs Sabatini, Mme Ersilia Soudais, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Sarah Tanzilli, M. Jean Terlier, M. Stéphane Viry.

 

 


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  SOMMAIRE

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Pages

SYNTHÈse des recommandations

introduction

I. UNE FORTE AUGMENTATION DES MOYENS DU PROGRAMME 137 PORTÉE PAR LA MISE EN œuvre DE LA LOI DU 28 FÉVRIER 2023 CRÉANT UNE AIDE UNIVERSELLE D’URGENCE

A. Des ÉVOLUTIONS DU PROGRAMME EN DEMI-TEINTE EN PROJET de loi de finances pour 2024

1. Des crédits en augmentation concentrés sur l’aide universelle d’urgence et, dans une moindre mesure, le réseau du CIDFF

a. Le déploiement des crédits nécessaires à la mise en œuvre de l’aide universelle d’urgence aux victimes de violences conjugales

b. Un nouveau renforcement notable des CIDFF et de leur tête de réseau

2. Une stabilité voire une régression des autres crédits en dépit d’une hausse des besoins très marquée dans certains domaines

a. Une stabilité des financements des principaux autres dispositifs et structures

b. Des structures d’accueil et d’éducation en santé sexuelle dont la fréquentation augmente

c. Une lutte contre la prostitution qui progresse mais reste trop inégalement soutenue

d. Une baisse notable des crédits dédiés aux campagnes nationales d’information et de sensibilisation

3. Une présentation du programme qui reste perfectible

a. Des arbitrages budgétaires en partie invisibilisés dans le PAP 2024

b. Une ventilation des budgets par dispositifs à clarifier

c. Une démarche de performance qui reste à améliorer

B. UN PILOTAGE À RENFORCER ET HARMONISER POUR AMÉLIORER L’ÉQUITÉ, LA TRANSPARENCE ET LA LISIBILITÉ DES POLITIQUES PORTÉES PAR LE PROGRAMME 137

1. Un dialogue avec l’État qui s’améliore malgré un manque manifeste de moyens humains pour piloter la politique d’égalité

a. Des améliorations impulsées par le SDFE qu’il convient de souligner

b. Des services de l’État qui manquent toutefois de moyens pour assurer pleinement leur rôle de pilote

2. Un pilotage caractérisé par un certain éclatement, conduisant à un éparpillement des ressources au coût élevé

a. Une faiblesse du pilotage de l’État ayant conduit à un éparpillement des acteurs et des financements

b. Un manque d’harmonisation qui nuit à la transparence des financements

c. Un coût administratif élevé pour des associations aux moyens déjà limités

3. Des conséquences en termes d’équité territoriale et de lisibilité pour les usagères

a. Un maillage territorial qui reste sous-dimensionné et hétérogène

b. Des évolutions qui doivent davantage s’appuyer sur des diagnostics territoriaux de l’existant

c. Un effort à conduire pour clarifier l’offre et améliorer sa lisibilité

II. UN ACCROISSEMENt considÉrable dES CRÉDITS DU DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE, QUI reflÈte et implique un besoin de clarification de sa mÉthode d’Élaboration

A. Un accroissement CONSIDÉRABLE et en partie MAL MAÎTRISÉ du pÉrimÈtre des CRÉDITs

1. Une explosion des crédits du DPT national, portée par des accroissements de périmètre parfois mal justifiés

a. Trois programmes portent la quasi-totalité de la hausse massive des crédits retracés dans le DPT national

b. Les autres gros programmes contributeurs marquent une relative stabilité

c. Une contribution marginale des autres nouveaux programmes

2. Une reconduite des efforts déployés en faveur de la diplomatie féministe

a. Une légère hausse des crédits du DPT extérieur portée par le programme 110

b. Une présentation qualitative, pouvant encore être consolidée à la marge pour ce qui concerne la valorisation des crédits

c. Une valorisation des crédits qui n’est pas toujours suffisamment justifiée

d. Une faible prise en compte des objectifs de la LODSIM et des modalités de calcul de leurs résultats

i. Une contradiction entre les cibles du DPT et les objectifs fixés par la loi de programmation

ii. Une ambiguïté dans la présentation des résultats ne permettant pas de les apprécier au regard des objectifs fixés par la LODSIM

B. L’AMÉLIORATION DU DPT PASSE PAR UN RENFORCEMENT DU PILOTAGE STRATÉGIQUE ET DES OUTILS MÉTHODOLOGIQUES DES CONTRIBUTEURS

1. Une présentation clarifiée, mais qui révèle certaines incohérences

a. Une présentation stratégique plus claire

b. Des incohérences entre la stratégie présentée et les crédits inscrits au DPT

2. Des contributions de qualité très hétérogène, révélant un niveau inégal d’appropriation des enjeux de la politique d’égalité

a. Des contributions de qualité très hétérogène

b. Une maquette de performance qui présente également une certaine hétérogénéité

3. Deux leviers devraient permettre d’améliorer le Document de politique transversale et le pilotage de la politique qu’il porte

a. La budgétisation intégrant l’égalité pourrait contribuer à lever ces difficultés

b. Un pilotage interministériel à renforcer pour embarquer l’ensemble des acteurs dans la stratégie globale définie par le Gouvernement

TRAVAUX DE LA dÉlÉgation

annexe I : liste des personnes auditionnÉes par la DÉLÉGATION

annexe II : liste des personnes auditionnÉes par la RAPPORTEURE

ANNEXE III : AMENDEMENTS DE VOTRE RAPPORTEURE DÉPOSÉS EN COMMISSION DES FINANCES

 


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   SYNTHÈse des recommandations

Recommandation n° 1 : circonscrire au maximum les cas dans lesquels l’aide universelle d’urgence devra être remboursée par la victime, en prévoyant un plancher de ressources au moins égal à deux SMIC et en formant largement les magistrats afin qu’ils aient le réflexe de prononcer la peine complémentaire imputant ce remboursement à l’auteur des faits.

Recommandation n° 2 : afin de ne pas réduire le pouvoir d’achat déjà faible des personnels associatifs, augmenter chaque année, au moins au niveau de l’inflation, la part des crédits consacrés au tissu associatif et lui permettant d’assurer la rémunération de ses personnels.

Recommandation n° 3 : augmenter le soutien aux espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) pour leur permettre de continuer à assurer leur mission essentielle d’accueil, d’éducation et de prévention.

Recommandation n° 4 : assortir les accroissements de l’enveloppe de l’aide financière à l’insertion sociale (AFIS) du financement de moyens humains permettant d’accompagner les personnes en parcours de sortie de prostitution.

Recommandation n° 5 : maintenir au sein du programme 137 des moyens stables dédiés à l’organisation de campagnes nationales d’information et de communication sur les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes.

Recommandation n° 6 : faire apparaître clairement et de façon complète les arbitrages budgétaires et la ventilation des crédits envisagée au sein des actions dans le projet annuel de performances, en LFI n et en PLF n+1.

Recommandation n° 7 : modifier la maquette de performance du programme 137 pour associer à l’objectif 1 des sous-indicateurs qualitatifs et un indicateur relatif à l’aide universelle d’urgence, remplacer l’objectif 2 et les indicateurs associés et ajouter un indicateur à l’objectif 3 sur la part des crédits relatifs à cet objectif financés par l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).

Recommandation n° 8 : permettre à l’État de jouer pleinement son rôle de pilote de la politique d’égalité en étoffant sensiblement les moyens du service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE) et en particulier de son réseau déconcentré.

Recommandation n° 9 : dans le cadre du renforcement des moyens du SDFE et de son réseau déconcentré, porter un effort particulier sur l’amélioration du pilotage (le SDFE devant être l’interlocuteur unique du réseau associatif) et l’harmonisation et la transparence des montants et critères d’attribution des financements sur le territoire.

Recommandation n° 10 : afin d’harmoniser, d’optimiser et de simplifier le financement des associations, faire de la contractualisation le mode privilégié de financement public du tissu associatif à tous les échelons, dans le cadre de conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) pluripartites impliquant les différents financeurs publics (État et services déconcentrés, collectivités territoriales, caisses d’allocations familiales).

 

Recommandation n° 11 : confier au réseau déconcentré du SDFE la mission d’optimisation du maillage territorial et de coordination des différentes structures contribuant à l’accompagnement, à l’orientation, à l’accueil et à l’insertion professionnelle des femmes.

Recommandation n° 12 : confier au SDFE le pilotage du déploiement des nouveaux dispositifs, en établissant des diagnostics territoriaux de l’existant, en s’appuyant sur l’expertise du tissu associatif déjà présent et en ayant toujours à l’esprit l’amélioration du maillage territorial et l’intérêt des usagères.

Recommandation n° 13 : améliorer l’orientation des femmes en difficulté, par la création d’un site internet national recensant, par département, les structures susceptibles de leur venir en aide en fonction de la problématique qu’elles rencontrent. Réfléchir à plus long terme à des appellations plus éloquentes pour les structures agréées présentes sur tout le territoire, en lien avec les acteurs qui les portent.

Recommandation n° 14 : pour les programmes 209 et 110, exprimer les efforts en faveur de projets prenant en compte la dimension du genre (marqueur 1 ou 2) à la fois en nombre de projets et, surtout, en volume de financements, conformément aux objectifs fixés par la loi d’orientation et de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (LODSIM).

Recommandation n° 15 : demander à l’ensemble des contributeurs au DPT de remplir précisément l’entrée « Évaluation des crédits consacrés à la politique transversale ».

Recommandation n° 16 : communiquer de façon très claire auprès des contributeurs pour qu’ils ne valorisent pas dans le DPT la quote-part « femmes » de dispositifs de droit commun.

Recommandation n° 17 : encourager les responsables des programmes contributeurs à intégrer à leurs projets annuels de performances (PAP) au moins un objectif reflétant leur engagement dans la politique d’égalité entre les femmes et les hommes.

Recommandation n° 18 : poursuivre et renforcer le travail de déclinaison des indicateurs visant un public en sous-indicateurs genrés, en particulier lorsqu’ils sont intégrés au DPT.

Recommandation n° 19 : lancer dans les meilleurs délais les travaux préparatoires à la mise en œuvre de la budgétisation intégrant l’égalité, en particulier la mission des inspections générales des finances et des affaires sociales visant à en définir les contours et la méthode.

Recommandation n° 20 : renforcer le pilotage de la politique transversale d’égalité en réunissant deux fois par an le comité interministériel, en impliquant les associations, sur une base régulière, à la définition des plans pluriannuels, en particulier de lutte contre les violences, et en permettant au Haut Conseil à l’égalité (HCE) de contribuer plus activement à l’évaluation des politiques menées.

 


—  1  —

   introduction

Le projet annuel de performances (PAP) du programme 137 ‑ Égalité entre les femmes et les hommes ([2])  de la mission Solidarité, insertion, égalité des chances et le Document de politique transversale (DPT) Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes ([3]) , annexés au projet de loi de finances (PLF) pour 2024, traduisent l’engagement du Gouvernement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Votre rapporteure a donc souhaité se saisir plus spécifiquement de ces documents pour la deuxième année consécutive, afin de poursuivre un travail qui a en partie porté ses fruits, puisque huit des seize recommandations formulées dans son précédent rapport ont été au moins partiellement mises en œuvre.

Le présent rapport porte ainsi en premier lieu sur le programme 137. Pour l’exercice 2024, 76 millions d’euros y sont inscrits en autorisations d’engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP). Cela représente une hausse par rapport à 2023 de 22,3 % en AE, soit 13,8 millions d’euros, et de 16,2 % en CP, soit 10,6 millions d’euros. Ainsi, depuis 2017, les crédits alloués au programme 137 ont plus que doublé : 29,8 millions d’euros avaient été inscrits en CP dans la loi de finances pour 2017, ce qui porte la hausse des crédits de ce programme à 155 % sur la période.

Cette hausse permettra principalement le déploiement de l’aide universelle d’urgence aux victimes de violences conjugales, instituée par la loi n° 2023-140 du 28 février 2023, ainsi qu’un nouveau renforcement du réseau des Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Cette nouvelle montée en charge du programme 137 se concentre essentiellement sur ces structures, sans que les arbitrages ayant conduit à ces choix ne soient suffisamment explicités. Elle implique également un renforcement du pilotage des différents dispositifs portés par le programme, et donc des moyens du service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE) et de son réseau déconcentré, afin d’améliorer le maillage territorial, la cohérence et la lisibilité de la politique conduite.

Votre rapporteure s’est également penchée, en dépit de son dépôt très tardif, sur le DPT Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes. Celui‑ci connaît une véritable explosion en 2024, avec une augmentation d’environ 170 % des crédits qu’il retrace, en AE comme en CP. Cette augmentation correspond à des accroissements de périmètre sur le DPT national, lesquels ne sont, selon votre rapporteure, pas toujours pleinement justifiés. Le soutien à la diplomatie féministe, ou DPT extérieur, se voit quant à lui renforcé, d’environ 15 %, en AE comme en CP.

La présentation du DPT, qui rassemble les contributions établies par les différents responsables des programmes qui y inscrivent des crédits, est en nette amélioration cette année, notamment par la mise en cohérence de ses axes stratégiques avec le Plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027 et le rattachement de l’ensemble des programmes contributeurs aux différents axes stratégiques présentés, conformément aux observations formulées par votre rapporteure dans son précédent rapport. La grande hétérogénéité des contributions et les difficultés méthodologiques que celle-ci exprime, en particulier pour ce qui est de la valorisation des crédits à inscrire au DPT, devraient pouvoir être atténuées par la mise en œuvre annoncée d’une budgétisation intégrant l’égalité. Elle plaide également pour un renforcement, au plus haut niveau, du pilotage et de l’évaluation de la politique d’égalité entre les femmes et les hommes.

Outre l’examen de ces documents, les travaux de votre rapporteure se fondent sur les auditions du directeur général de la cohésion sociale, de la cheffe et de la cheffe adjointe du SDFE, des auteurs du récent rapport de la Cour des comptes sur la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes mise en œuvre par l’État, de la présidente du Haut Conseil à l’égalité (HCE) ainsi que des représentants des principaux réseaux associatifs, y compris ceux impliqués dans le déploiement de la diplomatie féministe de la France.

L’ensemble de ces travaux ont ainsi conduit votre rapporteure à formuler vingt recommandations et à déposer sept amendements, visant à renforcer la politique de l’égalité et à améliorer sa lisibilité et ses modalités de mise en œuvre.

 


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I.   UNE FORTE AUGMENTATION DES MOYENS DU PROGRAMME 137 PORTÉE PAR LA MISE EN œuvre DE LA LOI DU 28 FÉVRIER 2023 CRÉANT UNE AIDE UNIVERSELLE D’URGENCE

Pour l’année 2024, le programme 137 se décline en quatre actions, une nouvelle action 26 venant compléter celles de l’année précédente :

– l’action 23 – Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes soutient les initiatives d’information et de sensibilisation portées par l’État. Elle est dotée, pour 2024, de 0,8 million d’euros en AE comme en CP, soit une baisse de 42,4 % par rapport à 2023 ;

– l’action 24 – Accès aux droits et égalité professionnelle est dotée pour 2024 de 24 millions d’euros en AE comme en CP, soit une baisse de 5,6 % ;

– l’action 25 – Prévention et lutte contre les violences et la prostitution inscrit quant à elle 38,1 millions d’euros en AE comme en CP, soit une augmentation de 8,2 % en AE et une baisse de 0,9 % en CP ;

– enfin, l’action 26 – Aide universelle d’urgence pour les personnes victimes de violences conjugales, nouvellement créée, est dotée pour 2024 de 13 millions d’euros en AE comme en CP.

A.   Des ÉVOLUTIONS DU PROGRAMME EN DEMI-TEINTE EN PROJET de loi de finances pour 2024

Le tableau ci-après présente le détail de l’évolution des crédits par actions et dispositifs :

(en millions d’euros)

 

 

LFI 2023

PLF 2024

Écart

 

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 137

62,1

65,3

76,0

76,0

13,9

10,7

Action 23 - Soutien du programme

1,5

1,5

0,9

0,9

- 0,6

- 0,6

Action 24 - Accès aux droits et égalité professionnelle

25,4

25,4

24,0

24,0

1,4

1,4

dont accès aux droits

13,2

13,2

12,7

12,7

- 0,5

- 0,5

dont

échelon national (FNCIDFF + MFPF + lutte contre la précarité menstruelle)

2,3

2,3

2,3

2,3

-

-

échelon local (CIDFF + EVARS)

10,9

10,9

10,4

10,4

- 0,5

- 0,5

dont mixité des métiers et entrepreneuriat féminin

4,0

4,0

4,0

4,0

-

-

dont insertion professionnelle

2,6

2,6

2,6

2,6

-

-

dont projets innovants en faveur de l'égalité

3,6

3,6

2,8

2,8

- 0,8

- 0,8

dont partenariats territoriaux

0,8

0,8

0,8

0,8

-

-

dont autres actions accès aux droits et égalité professionnelle

1,2

1,2

1,1

1,1

- 0,1

- 0,1

Action 25 - Prévention et lutte contre les violences et la prostitution

35,2

38,4

38,1

38,1

2,9

- 0,3

dont lutte contre les violences faites aux femmes

23,6

26,8

26,8

26,8

3,2

-

dont

échelon national (plateforme téléphonique et autres subventions nationales)

6,8

10,0

10,0

10,0

3,2

-

échelon local (accueils de jour + LEAO + lieux d'informations + référents)

16,8

16,8

16,8

16,8

-

-

dont lutte contre la prostitution

4,5

4,5

4,7

4,7

0,2

0,2

dont

échelon national (AFIS)

1,6

1,6

1,8

1,8

0,2

0,2

échelon local (PSP)

2,9

2,9

2,9

2,9

-

-

dont prévention des auteurs de violences

6,8

6,8

6,3

6,3

- 0,5

- 0,5

dont

échelon national

0,7

0,7

0,2

0,2

- 0,5

- 0,5

échelon local (CPCA)

6,1

6,1

6,1

6,1

-

-

dont lutte contre les mutilations sexuelles

0,3

0,3

0,3

0,3

-

-

Action 26 - Aide universelle d'urgence pour les personnes victimes de violences conjugales

-

-

13,0

13,0

13,0

13,0

FNCIDFF : fédération nationale des Centres d’information sur les droits des femmes et des familles

MFPF : mouvement français pour un planning familial EVARS : espaces vie affective, relationnelle et sexuelle

LEAO : lieu d’écoute, d’accueil et d’orientation  AFIS : aide financière à l’insertion sociale

PSP : parcours de sortie de prostitution  CPCA : centre de prise en charge des auteurs

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteure à la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

1.   Des crédits en augmentation concentrés sur l’aide universelle d’urgence et, dans une moindre mesure, le réseau du CIDFF

a.   Le déploiement des crédits nécessaires à la mise en œuvre de l’aide universelle d’urgence aux victimes de violences conjugales

L’action 26 inscrit 13 millions d’euros en AE comme en CP pour la mise en œuvre de l’aide universelle d’urgence pour les personnes victimes de violences conjugales. Prévu par la loi précitée du 28 février 2023 créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales ([4])  qui entrera en vigueur le 1er décembre 2023, ce dispositif vise à leur garantir les conditions financières nécessaires pour se mettre à l’abri et prendre un nouveau départ. Il est ouvert, sans conditions de revenus, à l’ensemble des victimes de violences conjugales. Selon leur situation financière et sociale, ce dispositif prendra la forme d’une aide non remboursable ou d’un prêt sans intérêt, qui devra donc être remboursé. La loi prévoit toutefois que ce remboursement pourra être imputé à l’auteur des faits sur peine complémentaire prononcée par le juge.

La loi prévoit que la victime recevant l’aide bénéficiera également, pendant six mois à compter du premier versement de l'aide, des droits et des aides accessoires au revenu de solidarité active (RSA), dont un accompagnement social et professionnel. L’aide universelle d’urgence sera pilotée par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et versée dans un délai de 3 à 5 jours ouvrés après réception de la demande. Cette demande devra être transmise à l’organisme débiteur des prestations sociales, avec le consentement de la victime, au moment du dépôt de la plainte ou du signalement ou de la délivrance d’une ordonnance de protection à l’encontre de l’auteur des faits. L’aide est donc conditionnée à une action en justice.

La loi prévoit que les montants et plafonds de l’aide, ses modalités de versement ainsi que les situations dans lesquelles elle prendra la forme d’un prêt et, le cas échéant, le délai dans lequel il devra être remboursé, seront fixés par décret. Lors de son audition par votre Délégation, M. Jean-Benoît Dujol, directeur général de la cohésion sociale, a précisé que le montant de l’aide devrait être fixé en référence au montant forfaitaire du RSA et que cette aide devrait prendre la forme d’un prêt remboursable dès lors que la victime gagne l’équivalent ou plus de 1,5 du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Votre rapporteure souhaiterait que l’aide universelle d’urgence ne prenne la forme d’un prêt remboursable que dans des circonstances très circonscrites.

Bien que votre rapporteure se félicite de la création de cette aide, indispensable au nouveau départ des victimes, elle souligne que les décrets d’application ne sont toujours pas parus à quelques semaines de l’entrée en vigueur du dispositif. Sans les informations qu’ils doivent comporter et compte tenu de la nouveauté de l’action 26, il est difficile à votre Délégation d’apprécier le montant des crédits qui lui sont dédiés, d’autant plus que le programme 137 ne précise pas les modalités de calcul ayant conduit à l’attribution de 13 millions d’euros à l’action 26.

Recommandation n° 1 : circonscrire au maximum les cas dans lesquels l’aide universelle d’urgence devra être remboursée par la victime, en prévoyant un plancher de ressources au moins égal à deux SMIC et en formant largement les magistrats afin qu’ils aient le réflexe de prononcer la peine complémentaire imputant ce remboursement à l’auteur des faits.

L’aide universelle d’urgence sera progressivement intégrée au « pack nouveau départ », qui sera déployé sur cinq sites pilotes en 2024. Cette expérimentation, lancée dans le Val-d’Oise dès 2023, vise à offrir une réponse globale, coordonnée, rapide et individualisée aux femmes quittant une situation de violences conjugales. Un interlocuteur unique – la Caisse d’allocations familiales (CAF) pour le Val-d’Oise – sera alors chargé de déclencher toutes les aides dont la victime aura besoin pour prendre un nouveau départ (hébergement, aide à l’insertion professionnelle, garde d’enfants, suivi psychologique, etc.).

b.   Un nouveau renforcement notable des CIDFF et de leur tête de réseau

La nouvelle hausse des crédits dévolus au réseau des CIDFF témoigne d’un effort budgétaire en matière d’accès aux droits au niveau national comme local, de lutte contre les violences ou encore d’aide à l’emploi. En 2024, 1,7 million d’euros supplémentaire lui sera dévolu, soit 8 millions d’euros au total. Votre rapporteure ne peut que saluer ce nouvel effort en faveur de leur approche globale et systémique de l’autonomie des femmes.

Ces crédits supplémentaires permettront d’accompagner la montée en charge des missions dévolues aux CIDFF – qui ont reçu plus de 445 000 femmes en 2022, soit une augmentation de 14 % par rapport à 2021 – ainsi que la poursuite de leur déploiement territorial, particulièrement en zones rurales, dans les quartiers prioritaires de la ville et en outre-mer. 2 378 permanences, itinérantes ou mobiles, étaient ainsi recensées en 2022, soit 78 de plus que l’année précédente. L’augmentation des crédits, qui s’inscrit dans la continuité de celle de 2023, devrait également permettre de consolider l’effort de recrutement et de valorisation des salaires poursuivi par les CIDFF en 2023. Comme l’a indiqué Mme Clémence Pajot, directrice générale de la Fédération nationale des CIDFF à votre rapporteure, cette augmentation a notamment déjà permis d’assurer 1,4 équivalent temps plein (ETP) de juriste avec trois années d’expérience à chacun des 98 CIDFF. Elle devrait également permettre de poursuivre le déploiement des bureaux d’accompagnement individualisé vers l’emploi (BAIE) et services emploi au sein des CIDFF. Leur développement est soutenu par 2,5 millions d’euros de crédits, offrant à chaque BAIE ou service emploi une enveloppe socle minimale de 15 000 euros. 83 CIDFF sont dotés de ces services à ce jour, soit six de plus que l’année précédente, atteignant ainsi l’objectif fixé. Ils devraient être 87 en 2024 et tous en être équipés d’ici 2027.

Enfin, la tête de réseau voit son budget augmenter de 150 000 euros. Ces crédits supplémentaires lui permettront d’assurer des missions de coordination, de plaidoyer, de communication et de soutien auprès des CIDFF.

2.   Une stabilité voire une régression des autres crédits en dépit d’une hausse des besoins très marquée dans certains domaines

a.   Une stabilité des financements des principaux autres dispositifs et structures

Au cours de son audition devant votre Délégation, le directeur général de la cohésion sociale a précisé que l’effort consenti sur les dépenses de communication avait permis de préserver les dépenses d’intervention et donc le soutien aux associations. Si l’on a vu que le soutien aux CIDFF était nettement renforcé, on observe en effet une stabilité du soutien aux principaux autres dispositifs et structures identifiés et pérennes du programme 137. Parmi ceux-ci, le PAP pour 2024 mentionne une stabilité du soutien :

-         aux espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) ;

-         aux centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales (CPCA), dont le nombre reste de 30 et qui font l’objet d’une évaluation de type recherche-action au long cours ;

-         aux actions de prévention et de lutte contre la prostitution.

Il mentionne en outre une très légère augmentation :

- de l’enveloppe dédiée à l’aide financière à l’insertion sociale (AFIS), attribuée aux personnes entrant dans un parcours de sortie de prostitution (PSP) (+ 150 000 euros) ;

- des actions en faveur de la mixité professionnelle et de l’entrepreneuriat féminin (+ 100 000) ;

- du soutien aux lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation (LEAO) et aux accueils de jour, dont le montant n’est toutefois pas précisé.

Si elles permettent en partie de préserver les principales structures et le tissu associatif, ces évolutions doivent à terme laisser place à une hausse des crédits alloués à ces structures, afin de renforcer notamment, les capacités d’accueil et d’écoute et de prévention et de lutte contre la prostitution. La particularité du contexte inflationniste vient en effet complexifier le travail des associations, qui ne pourront pas toutes revaloriser leurs salariés en raison du contexte économique mondial, ne leur permettant pas de recruter massivement pour répondre à leurs besoins. Enfin, comme votre rapporteure l’avait déjà souligné dans son précédent rapport, il peut s’avérer difficile pour les personnels, le plus souvent féminins, de ces associations, de conduire des femmes en difficulté sur le chemin de l’autonomie personnelle et économique en étant elles-mêmes en situation de précarité.

Recommandation n° 2 : afin de ne pas réduire le pouvoir d’achat déjà faible des personnels associatifs, augmenter chaque année, au moins au niveau de l’inflation, la part des crédits consacrés au tissu associatif et lui permettant d’assurer la rémunération de ses personnels.

b.   Des structures d’accueil et d’éducation en santé sexuelle dont la fréquentation augmente

Lors de leurs auditions par votre rapporteure, les principales têtes de réseaux associatifs ([5]) ont relevé, et documenté, la hausse de la fréquentation de ces structures assurant un accueil inconditionnel des femmes en difficulté ou recherchant des informations sur leurs droits, que sont notamment les EVARS, les LEAO ou encore les accueils de jour. Si ces deux derniers semblent bénéficier d’un léger renforcement de leurs moyens, en particulier lorsqu’ils sont portés par des CIDFF, dont les moyens sont accrus, votre rapporteure regrette qu’il n’en aille pas de même pour les EVARS. Un renforcement des capacités attribuées aux EVARS permettrait d’intensifier la volonté du Gouvernement ([6]) de développer une culture de la prévention en matière de santé sexuelle et de vie affective, en particulier auprès des publics les plus jeunes et les plus précaires, alors que l’année 2022 a été marquée par un nombre record de recours à l’interruption volontaire de grossesse.

Un tel renforcement pourrait s’avérer particulièrement utile dans un contexte inflationniste qui accroît les difficultés de recrutement de ces structures dont les salariés n’ont pas ou peu bénéficié de revalorisations salariales. Mme Sarah Durocher, présidente du Mouvement français pour un Planning familial (MFPF), a également indiqué lors de son audition, que le MFPF, qui porte une part importante de ces structures, devait désormais décliner « au moins une demande par semaine » d’interventions en milieu scolaire concernant l’éducation à la sexualité, ces demandes étant le plus souvent adressées directement au Planning par les établissements scolaires.

Votre rapporteure considère que l’éducation et la prévention en santé sexuelle constituent des priorités, dont les bénéfices immédiats, y compris pour les finances publiques, justifient un renforcement de leur financement. Elle a donc déposé un amendement visant à renforcer de 20 % le soutien aux EVARS, soit un montant de 0,8 million d’euros, permettant de tenir compte des nécessaires revalorisations salariales et de la hausse de la fréquentation de ces lieux.

Recommandation n° 3 : augmenter le soutien aux EVARS pour leur permettre de continuer à assurer leur mission essentielle d’accueil, d’éducation et de prévention.

c.   Une lutte contre la prostitution qui progresse mais reste trop inégalement soutenue

Comme l’année précédente, votre rapporteure tient à souligner le soutien inégal dont bénéficient les associations qui contribuent à la mise en œuvre de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

En premier lieu, elle tient à saluer l’effort important engagé pour constituer les commissions départementales de lutte contre la prostitution. Cela s’est traduit par une hausse notable du nombre de parcours de sortie de prostitution (PSP) en cours, passés de 446 au 1er janvier 2022 à 643 au 1er janvier 2023.

Comme dans son précédent rapport, votre rapporteure regrette toutefois que la légère augmentation de l’enveloppe AFIS (+150 000 euros) ne s’accompagne pas d’une augmentation du soutien aux associations qui accompagnent les personnes en PSP, lequel reste stable, ce qui conduit in fine à exposer les potentielles bénéficiaires à une cruelle attente, voire à une sous-consommation de l’enveloppe ainsi augmentée. Cette situation est d’autant plus préjudiciable que le montant des crédits apportés par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) est très variable d’une année sur l’autre, et systématiquement attribué à travers des appels à projet, ce qui ne contribue pas à apporter aux associations la visibilité nécessaire pour sécuriser et professionnaliser les accompagnements.

Votre rapporteure a donc déposé un amendement pour augmenter de 240 000 euros les crédits dédiés à l’accompagnement des PSP, ce chiffre tenant compte du montant de l’augmentation de l’enveloppe AFIS sur 2023 et 2024 et de la nécessité de prévoir un ETP pour l’accompagnement de 12 bénéficiaires. L’application de la loi ne saurait en effet reposer durablement sur la seule bonne volonté de bénévoles.

Recommandation n° 4 : assortir les accroissements de l’enveloppe AFIS du financement de moyens humains permettant d’accompagner les personnes en parcours de sortie de prostitution.

d.   Une baisse notable des crédits dédiés aux campagnes nationales d’information et de sensibilisation

Enfin, l’action 23 – Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes connaît cette année une baisse de 42,7 % soit 0,6 million d’euros. Cette baisse vient acter dans les documents budgétaires une baisse déjà effective en exécution des dépenses consacrées aux actions de communication depuis 2022. Ainsi, des initiatives telles que les campagnes de communication digitale, l’achat d’espace publicitaire digital ou le recours à des prestations de référencement n’ont pas été reconduites après 2021, ou ont été financées à travers d’autres programmes.

Pourtant, ces campagnes jouent un rôle essentiel d’information et de prévention, en permettant aux femmes de connaître leurs droits et les façons d’y recourir et en assurant une diffusion massive de la culture de l’égalité.

Elles semblent d’autant plus nécessaires aujourd’hui que de nombreuses associations ont alerté votre rapporteure sur les offensives toujours plus nombreuses et structurées de certains mouvements antiféministes et anti-choix, principalement perpétrées sur les réseaux sociaux, mais pouvant aller jusqu’à prendre la forme d’attaques physiques de certains lieux d’accueil des femmes.

Si le directeur général de la cohésion sociale a expliqué lors de son audition que de telles campagnes pourraient également être financées à travers le programme 124, programme support de la mission Solidarité, insertion, égalité des chances, ou par le service d’information du Gouvernement, votre rapporteure considère qu’il est préférable de ne pas s’en remettre aux arbitrages des responsables d’autres programmes pour assurer que des campagnes nationales d’information dédiées aux droits des femmes et à l’égalité soient régulièrement conduites.

C’est pourquoi elle a déposé un amendement visant à réintégrer au programme 137 les dépenses de communication supprimées, en réaffectant 0,6 million d’euros depuis l’action 14 ([7])Communication du programme 124 vers l’action 23 du programme 137.

Recommandation n° 5 : maintenir au sein du programme 137 des moyens stables dédiés à l’organisation de campagnes nationales d’information et de communication sur les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes.

3.   Une présentation du programme qui reste perfectible

Au-delà du montant des crédits inscrits, leur présentation par le PAP remplit également un rôle majeur de transparence, de contrôle et d’évaluation de l’action du Gouvernement, non seulement par le Parlement mais plus largement par la société civile et le monde associatif, lequel, pour ce que votre rapporteure a pu en voir, identifie parfaitement et consulte chaque année ce document.

a.   Des arbitrages budgétaires en partie invisibilisés dans le PAP 2024

Pourtant, après un effort notable de clarification des PAP lors des exercices précédents, votre rapporteure constate que certains points restent peu clairs à la lecture du PAP pour 2024.

On l’a vu, la nouvelle hausse de 22,3 % en AE et de 16,2 % en CP des crédits du programme 137 est essentiellement liée à la création de l’action 26, et donc au déploiement des crédits relatifs à la mise en œuvre de la loi créant une aide financière d’urgence pour les victimes de violences, pour 13 millions d’euros.

Toutefois, l’ensemble des autres actions voient leurs crédits de paiement baisser, de 42,4 % pour l’action 23, de 5,6 % pour l’action 24, et de 0,9 % pour l’action 25. Au total, à périmètre constant, les crédits sont relativement stables en autorisations d’engagement, avec une variation de + 1,3 %, soit 0,8 million d’euros mais marquent une baisse de 3,7 % en crédits de paiement, soit 2,4 millions d’euros.

Cette baisse des crédits de paiement a été explicitée par M. JeanBenoît Dujol, directeur général de la cohésion sociale, lors de son audition devant votre Délégation : la loi de finances initiale (LFI) pour 2023 avait inclus, par voie d’amendement, des crédits à hauteur de 4,8 millions d’euros non prévus dans le projet initialement déposé, pour le soutien aux revalorisations salariales du secteur associatif. Cette enveloppe comprenait deux composantes :

-         l’une dédiée à des revalorisations pérennes, d’un montant de 3 millions d’euros ;

-         l’une dédiée à des revalorisations rétroactives, d’un montant d’1,8 million d’euros.

Cette deuxième composante rétroactive n’avait donc pas vocation à être pérennisée et à apparaître dans le projet de loi de finances pour 2024, ce qui explique l’essentiel de la baisse observée en crédits de paiement (1,8 million d’euros sur 2,4 millions d’euros), en particulier sur l’action 24 ‑ Accès aux droits et égalité professionnelle (- 1,4 million d’euros), et dans une moindre mesure sur l’action 25 – Prévention et lutte contre les violences et la prostitution (‑ 0,35 million d’euros).

La part restante de cette baisse, soit environ 0,6 million d’euros, a déjà été mentionnée supra et concerne les crédits dédiés aux campagnes d’information et de sensibilisation portées par l’action 23.

Outre cette dernière baisse, et si l’on s’en tient à ces explications et à une lecture superficielle du PAP, les crédits du programme seraient donc stables et le soutien aux différentes actions reconduit.

Or, ce raisonnement ne tient plus si l’on prend en compte, d’une part, la hausse de 1,7 million d’euros du soutien au réseau des CIDFF et d’autre part les autres légères hausses annoncées et mentionnées dans les parties précédentes. Prises ensemble, ces hausses semblent représenter au total un minimum de 2,8 millions d’euros ([8]), qui doivent donc nécessairement être compensées par ailleurs.

Or, le PAP ne détaillant, au sein des actions, que les montants dévolus à des dispositifs dont le financement est stable ou en légère hausse, il est impossible de déterminer sur quels projets, dispositifs ou actions cette baisse porte. Cette transparence permettrait pourtant d’expliciter les arbitrages budgétaires en faveur de dispositifs plus efficaces ou dont la mise en œuvre s’avère plus aisée et les résultats plus probants, y compris quand cela implique de renoncer à d’autres dispositifs n’ayant pas démontré autant d’efficacité. Votre rapporteure regrette donc le caractère lacunaire des informations mentionnées dans le PAP, que les réponses à son questionnaire écrit ne lui ont permis d’éclairer que partiellement.

b.   Une ventilation des budgets par dispositifs à clarifier

Comme l’a indiqué la représentante de la Fondation des femmes lors de son audition par votre rapporteure, il reste difficile d’identifier précisément dans le programme 137 et le PAP associé les budgets alloués aux différents dispositifs mis en place.

Allant dans ce sens, votre rapporteure souhaiterait, en premier lieu, qu’apparaisse clairement la ventilation par domaine des crédits au sein des actions, celles-ci regroupant des thématiques souvent hétérogènes. En particulier, les actions 24 - Accès aux droits et égalité professionnelle et 25 - Prévention et lutte contre les violences et la prostitution devraient soit être dédoublées, soit, si le volume des crédits ne semble pas le justifier, faire apparaître de façon claire le montant des crédits respectivement dédiés aux deux domaines qu’elles couvrent.

De la même façon, il serait utile de clarifier la présentation du PAP afin de permettre une comparaison entre l’année n-1 et l’année n des crédits alloués aux différentes mesures. En effet, d’une année sur l’autre, certains dispositifs ne sont plus mentionnés, ou sous une appellation différente, ou n’apparaissent pas au même endroit dans le PAP en dépit d’une stabilité de l’action dont ils relèvent, etc. L’on peut citer ici l’exemple des projets et partenariats en faveur de la culture de l’égalité comme particulièrement révélateur de la difficulté à suivre, d’une année sur l’autre, le périmètre, le contenu, et la variation des crédits. On trouve ainsi dans le PAP pour 2024 :

-         des « projets innovants et partenariats en faveur de la culture de l’égalité », déjà mentionnés dans le PAP pour 2023, et dont les crédits connaîtraient selon le PAP 2024 une hausse de 0,7 million d’euros pour atteindre 2,8 millions d’euros. Si le PAP pour 2023 indiquait en effet des crédits à hauteur de 2,1 millions d’euros pour ces dispositifs, la réponse de la DGCS au questionnaire écrit envoyé l’année dernière par votre rapporteure indiquait en face de la ligne « projets innovants en faveur de l’égalité » la somme de 3,5 millions d’euros, ce qui impliquerait que le financement de ces projets connaîtrait en réalité une baisse de 0,7 million d’euros en 2024 ; ce dernier chiffre semble plus cohérent au vu de la trajectoire globale des crédits ;

-         des « partenariats territoriaux en faveur d’une culture de l’égalité et de la prévention des stéréotypes sexistes et sexuels », dont le budget serait stable à 0,8 million d’euros, ce qui corrobore les informations du PAP 2023 et les réponses au questionnaire écrit envoyé à la DGCS.

En revanche, les « plans d’action territorialisés pour l’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes pour déconstruire les stéréotypes sexistes et favoriser la mixité », qui disposaient d’une enveloppe nouvelle d’1,4 million d’euros dans le PLF 2023 et devaient reposer sur une contractualisation pluriannuelle, semblent avoir disparu du PAP en 2024.

La recommandation qui suit est donc formulée par votre rapporteure à la suite des explications données dans cette partie et la précédente.

Recommandation n° 6 : faire apparaître clairement et de façon complète les arbitrages budgétaires et la ventilation des crédits envisagée au sein des actions dans le projet annuel de performances, en LFI n et en PLF n+1.

c.   Une démarche de performance qui reste à améliorer

Après plusieurs évolutions bienvenues dans les exercices précédents, la maquette de performance associée au programme 137 pour 2024 est très similaire à celle présentée pour 2023 et montre par conséquent les mêmes limites.

De façon générale, votre rapporteure regrette que l’accent soit trop systématiquement mis sur le niveau des moyens engagés plutôt que sur la justification de ce niveau, que doit précéder une évaluation des besoins, la fixation d’objectifs crédibles mais toutefois ambitieux, traduits par des indicateurs quantitatifs et qualitatifs éloquents et une évaluation régulière des mesures mises en œuvre, justifiant ou non de les poursuivre.

S’agissant de la maquette de performance, votre rapporteure suggère ainsi :

-         de conserver l’objectif 1 – Améliorer la qualité de service en matière d’aide aux personnes victimes de violences, ainsi que l’indicateur 1-1 associé, tout en y ajoutant un sous-indicateur qualitatif ; sur ce point, votre rapporteure a pris bonne note du fait que la cible de cet indicateur relatif à la qualité de service de la permanence téléphonique du 3919 a été relevée à 85 %, conformément aux engagements pris l’an dernier par le Gouvernement et la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF), qui porte cette plate-forme ;

-         sur ce même objectif, de modifier tout ou partie des sous-indicateurs de l’indicateur 1-2 relatif à l’accompagnement offert par les CIDFF : deux nouveaux sous-indicateurs ont été créés ici, visant à donner une image plus précise de la variété des services proposés par les CIDFF. Toutefois, les trois sous-indicateurs désormais présentés déclinent tous le nombre de prestations réalisées « par ETP », ce qui ne permet en réalité de mesurer que la « rentabilité » strictement quantitative des personnels des CIDFF et ne donne pas même d’aperçu du nombre total de personnes accompagnées, le nombre d’ETP des CIDFF n’apparaissant pas, et encore moins de la qualité du service rendu ;

-         sur ce même objectif, d’ajouter un indicateur relatif au déploiement de l’aide universelle d’urgence aux personnes victimes de violences conjugales (nouvelle action 26). En effet, cette nouvelle action, d’un montant de 13 millions d’euros, n’est actuellement rattachée à aucun objectif dans la présentation stratégique du programme, et aucun indicateur ne lui est associé ;

-         de remplacer l’objectif 2 – Mesurer l’effet de levier des crédits du programme 137 sur le financement des actions en faveur de l’égalité professionnelle, ainsi que l’indicateur et les deux sous-indicateurs associés. En effet, votre rapporteure a déjà indiqué l’an dernier et répété cette année devant votre Délégation qu’un programme ne saurait avoir pour objectif de mesurer sa propre efficacité, qui plus est à l’aide d’un indicateur aussi peu éloquent. Votre rapporteure suggère donc de remplacer cet objectif par un objectif clair, tel que celui présenté dans le DPT « Promouvoir l’égalité professionnelle et l’autonomie économique des femmes », et de l’assortir d’indicateurs tels que le nombre de femmes accompagnées vers l’emploi par les services emploi ou BAIE ou encore le nombre de femmes accompagnées vers l’entrepreneuriat grâce à des projets ou partenariats financés par le programme 137 ;

-         de conserver l’objectif 3 ainsi que l’indicateur associé, et d’y ajouter un nouvel indicateur relatif à la part des crédits dédiés dans le programme 137 à la lutte contre la prostitution et à l’accompagnement des personnes prostituées financés par l’AGRASC, ce financement étant trop aléatoire, ce qui accroît l’insécurité financière des associations œuvrant dans ce domaine dans les conditions difficiles que l’on imagine et avec très peu de moyens. Enfin, votre rapporteure s’étonne que sur l’indicateur 3  1 - Déploiement des parcours de sortie de prostitution, les résultats pour les années 2021 et 2022 soient renseignés comme « non déterminé », de telle sorte qu’il est impossible de suivre l’évolution de ce dispositif à la seule lecture du PAP, les seuls chiffres renseignés par celui-ci étant les cibles pour les années 2023 à 2025.

Votre rapporteure a donc déposé, comme le lui permet désormais la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), des amendements visant à modifier l’État G annexé au projet de loi de finances, pour y apporter l’ensemble des modifications présentées ci‑dessus.

Recommandation n° 7 : modifier la maquette de performance du programme 137 pour associer à l’objectif 1 des sous-indicateurs qualitatifs et un indicateur relatif à l’aide universelle d’urgence, remplacer l’objectif 2 et les indicateurs associés et ajouter un indicateur à l’objectif 3 sur la part des crédits relatifs à cet objectif financés par l'AGRASC.

B.   UN PILOTAGE À RENFORCER ET HARMONISER POUR AMÉLIORER L’ÉQUITÉ, LA TRANSPARENCE ET LA LISIBILITÉ DES POLITIQUES PORTÉES PAR LE PROGRAMME 137

1.   Un dialogue avec l’État qui s’améliore malgré un manque manifeste de moyens humains pour piloter la politique d’égalité

a.   Des améliorations impulsées par le SDFE qu’il convient de souligner

En premier lieu, votre rapporteure tient à saluer l’important travail réalisé au cours des années précédentes par le SDFE pour améliorer et approfondir le dialogue avec les associations. L’ensemble des représentants des réseaux associatifs entendus en audition par votre rapporteure ont en effet salué la qualité du dialogue avec les membres de ce service central et les efforts déployés pour améliorer, en particulier, les modalités d’exécution des crédits et la contractualisation.

Ainsi, les associations ont notamment salué des progrès notables dans le respect des échéances de versement des subventions, ce qui a permis de desserrer les problèmes de trésorerie auxquels les retards de versement les exposaient auparavant bien plus fréquemment.

De même, elles ont salué les efforts déployés pour améliorer la contractualisation :

-         un dialogue continu et de qualité précède la signature des conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) nationales ;

-         même si des progrès restent à faire sur ce point, la signature des CPO est davantage anticipée qu’auparavant, ce qui permet d’éviter certaines ruptures ou incertitudes liées à des signatures tardives dans l’année précédant la fin de la période couverte par une convention ;

-         la contractualisation à l’échelon local commence à se développer, sur l’impulsion du SDFE, sous la forme de déclinaisons territoriales des CPO nationales ; cette démarche, encore trop inégalement répartie sur le territoire, mériterait toutefois d’être renforcée ;

-         enfin, le SDFE a co-construit, en lien avec les réseaux associatifs concernés, un certain nombre de modèles, par exemple pour l’élaboration de rapports d’activité, permettant un début d’harmonisation des données demandées aux structures locales et la consolidation de résultats à l’échelle nationale.

Enfin, la part des crédits distribués à l’échelon central par le biais d’appels à projets tend à se réduire, ce dont votre rapporteure se réjouit.

b.   Des services de l’État qui manquent toutefois de moyens pour assurer pleinement leur rôle de pilote

Votre rapporteure salue naturellement ces progrès, et rappelle que le SDFE dispose de seulement 25 ETP pour « [impulser, coordonner et animer] l’action interministérielle relative aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes » ([9]), cette mission se déclinant en trois aspects :

-         « mettre en œuvre et évaluer, en relation avec les services du ministère et les départements ministériels concernés, les mesures contribuant à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie personnelle et sociale et dans la vie professionnelle ;

-         « assurer le suivi des plans d’action interministériels, l’animation des réseaux ministériels et interministériels ainsi que le suivi des orientations nationales ;

-         « piloter et gérer les crédits du programme 137 - Politique d’égalité entre les femmes et les hommes. »

Comme l’avait déjà indiqué votre rapporteure l’an dernier, ces effectifs pourraient tirer profit d’un renforcement pour assurer l’ensemble de ces missions, dans un contexte de forte montée en charge de l’ensemble des dispositifs mis en œuvre, et alors que les questions d’égalité entre les femmes et les hommes occupent une place croissante dans les politiques et le débat publics.

La faiblesse de ces effectifs interroge d’autant plus que les moyens dont disposait le SDFE et son réseau déconcentré étaient bien supérieurs à ce qu’ils sont aujourd’hui il y a seulement quelques années, comme votre rapporteure l’avait déjà relevé dans son rapport sur l’exercice 2023, et comme la Cour des comptes ou encore la Fondation des femmes l’ont justement relevé dans leurs récents rapports respectifs ([10]).

Pourtant, les moyens dévolus au SDFE sont une fois de plus stables pour 2024.

Les effectifs du réseau déconcentré demeurent également stables mais insuffisants. Ils ne permettent pas de couvrir efficacement les postes définis par l’organisation territoriale de ce réseau, en dépit des très légitimes demandes portées par la DGCS :

-         que soit rattrapé l’écart entre le schéma d’emploi (124 ETP) et les effectifs planchers qu’impliquerait l’organisation du réseau déconcentré (soit 140 ETP pour les échelons départemental et régional) ;

-         que les cinq régions outre-mer disposent chacune d’un poste supplémentaire, le directeur régional assurant seul la mise en œuvre des politiques d’égalité dans ces territoires ;

-         que six postes soient créés, dont un à l’échelon national et un dans chaque département pilote, pour assurer l’ingénierie de projet du « pack nouveau départ » ;

-         que trois ETP permettent de renforcer les régions les plus en difficulté.

Votre rapporteure ne peut donc que réitérer sa recommandation déjà formulée l’an dernier d’étayer substantiellement les moyens du SDFE, à l’échelle centrale et surtout à l’échelle déconcentrée.

Recommandation n° 8 : Permettre à l’État de jouer pleinement son rôle de pilote de la politique d’égalité en étoffant sensiblement les moyens du SDFE et en particulier de son réseau déconcentré.

2.   Un pilotage caractérisé par un certain éclatement, conduisant à un éparpillement des ressources au coût élevé

a.   Une faiblesse du pilotage de l’État ayant conduit à un éparpillement des acteurs et des financements

La faiblesse des moyens dévolus au SDFE et à son réseau déconcentré conduit à faire excessivement reposer les politiques publiques portées par le programme 137 sur les acteurs privés, en grande partie constitués de personnels bénévoles, que sont les réseaux associatifs : si cela est justifié s’agissant des missions consistant à intervenir auprès des publics, votre rapporteure considère en revanche que le pilotage, la coordination et la mise en cohérence des différents dispositifs ne devraient pas reposer sur ces acteurs, situation qui s’est pourtant imposée au fil des années. Il est révélateur à cet égard, par exemple, que la coordination des EVARS, structures agréées par l’État auxquelles sont déléguées des missions de service public essentielles ([11]), ait été confiée à une association, le MFPF, cette mission se traduisant par l’octroi d’une modeste subvention servant à rémunérer la personne en charge de cette coordination.

En outre, cette faiblesse se traduit par un manque de coordination interministérielle : en effet, les politiques et les acteurs soutenus par le programme 137 sont dans les faits souvent cofinancés par d’autres programmes, dépendant d’autres ministères. Ainsi, les réseaux associatifs se retrouvent à devoir assurer un dialogue avec souvent quatre, cinq, voire davantage d’interlocuteurs étatiques différents. Ils ont ainsi pu faire état de dispositifs dont le financement devait être assuré à 50 % par le ministère chargé de l’égalité et à 50 % par un autre ministère, voire par trois acteurs étatiques différents, ce qui les contraignait à assurer un dialogue séparé avec le SDFE d’une part, et d’autres directions ministérielles d’autre part, avant de pouvoir lancer leurs actions, avec des financements arrivant de façon dispersée et parfois incomplète.

Enfin, la forte demande des citoyens sur ces sujets transversaux pour lesquels le niveau de compétence entre les différents acteurs publics n’est pas toujours clairement défini, a également conduit un certain nombre de collectivités territoriales à s’y investir, et donc à lancer des projets ou structures avec leurs propres financements, sans qu’une coordination préalable avec les services de l’État ait toujours été conduite. Si ces initiatives ne peuvent qu’être saluées, leur absence de coordination représente un coût pour le secteur associatif qui ne peut que nuire à la cause de l’égalité que chacun cherche pourtant à faire avancer.

b.   Un manque d’harmonisation qui nuit à la transparence des financements

Le manque de moyens et de coordination au sein de l’État pour piloter la politique d’égalité et assurer sa déclinaison dans les territoires (à peine un ETP par département) se traduit dans les faits également par une grande disparité des pratiques observées sur le terrain. En particulier, les critères de distribution des crédits à l’échelon territorial n’apparaissent pas toujours clairement : un même dispositif, dans deux territoires aux tailles et aux caractéristiques socio-économiques comparables, peut obtenir des financements de l’État extrêmement variables.

On pourrait citer à cet égard l’exemple des LEAO ou des accueils de jour, pour lesquels les associations qui les portent peuvent obtenir de l’État des subventions pouvant aller de 1 900 euros à près de 40 000 euros annuels, sans que ces écarts puissent à première vue trouver d’explication objective. Cette caractéristique s’étend d’ailleurs à d’autres dispositifs de la politique d’égalité, et pas seulement à ceux qui sont directement financés par le programme 137 : par exemple, les associations qui sont chargées de l’accompagnement des personnes équipées d’un téléphone grave danger (TGD) peuvent recevoir pour cette mission des subventions pouvant varier de 200 à environ 1 500 euros par TGD.

De même, en ce qui concerne la lutte contre la prostitution, la répartition des crédits entre les associations ne semble pas toujours corrélée au nombre de parcours de prostitution qu’elles accompagnent.

Enfin, les revalorisations salariales décidées en loi de finances pour 2023 ont été distribuées territorialement dans des conditions ne permettant pas d’établir quels étaient les critères retenus. S’agissant des associations nationales, cette modalité de distribution ne leur a pas permis d’en bénéficier, dans la mesure où elles doivent assurer une équité dans l’évolution de la rémunération de leurs salariés sur l’ensemble des territoires.

La consolidation du SDFE et de son réseau déconcentré doit donc permettre la définition de critères plus objectifs et transparents de distribution des différents financements.

 

Recommandation n° 9 : dans le cadre du renforcement des moyens du SDFE et de son réseau déconcentré, porter un effort particulier sur l’amélioration du pilotage (le SDFE devant être l’interlocuteur unique du réseau associatif) et l’harmonisation et la transparence des montants et critères d’attribution des financements sur le territoire.

 

 

c.   Un coût administratif élevé pour des associations aux moyens déjà limités

On l’a vu, les réseaux associatifs doivent assurer un dialogue permanent avec une multiplicité d’interlocuteurs non coordonnés, adresser et suivre de nombreuses demandes de financements dont les modalités de dépôt, les critères d’attribution et donc la collecte de données qu’ils imposent, la forme et l’objet, sont chaque fois légèrement différents.

Plus encore, elles sont contraintes, pour assurer la pérennité de leurs missions et de leurs ressources humaines, de répondre à de très nombreux appels à projet, aux enveloppes n’excédant parfois pas quelques milliers d’euros. Si ceux-ci tendent à se réduire à l’échelon national, cela n’est pas le cas au niveau local. Ces appels à projet requièrent, de façon parfois artificielle voire décalée avec la réalité du terrain et la nature des missions conduites, que soient proposées des « solutions innovantes », et contraignent les associations à recruter des salariés sur des contrats précaires, faute de visibilité. Ils ont de plus pour conséquence fâcheuse de mettre les associations en concurrence entre elles, limitant ainsi parfois leurs échanges et leur capacité à travailler ensemble.

Le temps de constitution de ces dossiers et de conception et de montage de ces projets, dont les associations ne sont jamais certaines de remporter les enveloppes, couplé au temps qu’il leur faut consacrer à l’évaluation de leurs actions dans ces cadres et à la reddition de comptes, représente une déperdition de ressources considérables, lesquelles seraient probablement mieux employées à assurer leurs missions auprès des publics qui les sollicitent. Il ressort en effet d’une enquête auprès des associations d’Île-de-France adhérentes du Centre Hubertine Auclert ([12]), que les associations recevant des financements publics déposent, en moyenne, quinze demandes de financement par an et que leurs fonds proviennent, en moyenne, de 4,2 bailleurs publics différents.

Votre rapporteure souhaiterait donc que l’État, à travers un SDFE renforcé :

-         permette aux associations de disposer d’un interlocuteur unique, au moins dans le cadre de leurs relations avec les différents services de l’État ;

-         organise au niveau local des conférences des financeurs, impliquant les collectivités territoriales qui le souhaitent, les agences régionales de santé (ARS), les CAF et les différents services déconcentrés de l’État, afin de coordonner voire de regrouper les financements proposés ;

-         mette en place une plate-forme unique de demande de subventions ;

-         harmonise les critères et données demandés dans le cadre de ces demandes de financements ;

-         fournisse des outils harmonisés d’évaluation et de reddition des comptes.

Tout en formulant ces propositions qui seraient porteuses d’une certaine optimisation des ressources, votre rapporteure ne perd pas de vue qu’elles représentent elles-mêmes un coût administratif important au regard du montant des crédits distribués. Dans un souci de simplification et de réallocation des ressources du programme sur les dépenses d’intervention, elle recommande donc de généraliser la contractualisation pluriannuelle, en particulier au niveau local, au besoin à l’aide de conventions tripartites voire quadripartites, d’allonger la durée des conventions et de mettre fin, au moins en ce qui concerne l’État, à la pratique des appels à projet, la contractualisation ne lui semblant pas être un obstacle à la recherche, quand cela est pertinent, de solutions innovantes.

 

Recommandation n° 10 : afin d’harmoniser, d’optimiser et de simplifier le financement des associations, faire de la contractualisation pluriannuelle le mode privilégié de financement public du tissu associatif à tous les échelons, dans le cadre de CPO pluripartites impliquant les différents financeurs publics (État et services déconcentrés, collectivités territoriales, CAF).

 

3.   Des conséquences en termes d’équité territoriale et de lisibilité pour les usagères

a.   Un maillage territorial qui reste sous-dimensionné et hétérogène

Les contraintes du mode de pilotage actuel, couplées au temps et aux compétences administratives requis des associations pour obtenir chaque année des financements, contribuent à accentuer les disparités territoriales. Ces disparités se font au détriment notamment des territoires ne disposant pas de réseaux associatifs suffisamment bien organisés, structurés, et pourvus en ressources humaines salariées ou bénévoles disposant de compétences administratives et de gestion leur permettant d’obtenir des financements suffisants.

Ainsi, le maillage territorial des différentes structures, que leur activité soit centrée sur l’accès aux droits, l’insertion professionnelle, la prévention et l’éducation en santé sexuelle et affective ou l’accompagnement des femmes victimes de violences, montre sans équivoque des lacunes importantes dans les territoires ruraux, les quartiers prioritaires de la ville (QPV) et les départements et régions d’outre-mer (DROM).

Pourtant, des besoins forts s’expriment dans ces territoires, qui offrent moins de possibilités en termes de mobilité et d’accessibilité des services, d’insertion professionnelle, et qui subissent de plein fouet la désertification médicale. Les femmes en difficulté peuvent donc s’y retrouver dans des situations d’isolement pouvant avoir les conséquences les plus dramatiques : rappelons par exemple que près de la moitié des féminicides se produisent dans la ruralité.

La volonté d’optimiser le maillage des différentes structures existantes est certes affirmée dans les PAP successifs, et le financement de dispositifs itinérants, dans une logique d’« aller-vers », constitue un début de réponse à cet enjeu essentiel. Toutefois, la démarche d’optimisation du maillage des différentes structures semble être attendue des associations elles-mêmes, diverses et morcelées par nature, et dont l’expertise précieuse devrait être davantage mise au service de leurs cœurs de mission. Cette démarche devrait donc selon votre rapporteure être étroitement pilotée sinon conduite par les services de l’État, seul garant de l’équité territoriale, et plus à même de disposer d’une vue d’ensemble et d’assurer une coordination efficace et impartiale entre les différents acteurs.

Recommandation  11 : confier au réseau déconcentré du SDFE la mission d’optimisation du maillage territorial et de coordination des différentes structures contribuant à l’accompagnement, à l’orientation, à l’accueil et à l’insertion professionnelle des femmes.

b.   Des évolutions qui doivent davantage s’appuyer sur des diagnostics territoriaux de l’existant

L’optimisation du maillage territorial et la coordination des différents acteurs et structures œuvrant en faveur des droits des femmes et de l’égalité représente, on l’a vu, un enjeu d’équité entre les différents territoires. Elle représente également un enjeu fort pour le tissu associatif existant, qui porte ces questions à bras-le-corps dans les territoires depuis plusieurs décennies. En effet, si certaines zones sont largement sous-dotées en structures, la multiplication d’initiatives peu ou mal coordonnées ou le déploiement de nouveaux dispositifs sans diagnostic territorial préalable peut a contrario conduire à mettre en difficulté des associations déjà présentes sur un territoire par la création d’offres « concurrentes » venant capter les financements publics.

Le risque est donc que ces transferts de financements, conséquences de l’éclatement du pilotage de la politique d’égalité plutôt que d’une évaluation conduisant à des arbitrages conscients, se fassent au détriment d’associations parfois actives depuis des décennies sur un territoire, et ayant ainsi développé une expertise spécialisée extrêmement précieuse. Plus encore, ces associations ont développé au fil des années une relation de confiance avec les femmes en difficulté qu’elles accompagnent et pour lesquelles des changements d’interlocuteurs voire de lieux peuvent être déstabilisants.

Ainsi, les grandes têtes de réseaux associatifs qui sont les acteurs principaux et les partenaires privilégiés de l’État dans la mise en œuvre de la politique de l’égalité, en particulier la FNCIDFF, le MFPF et la FNSF se sont‑elles inquiétées à l’unisson des modalités de déploiement de ces nouveaux dispositifs, en dehors de toute concertation avec elles. Elles ont notamment évoqué le déploiement prévu d’une Maison des femmes par département, dont les missions recoupent en grande partie celles des LEAO et des accueils de jour, voire des EVARS, et du « pack nouveau départ ». Sans qu’il soit question pour votre rapporteure de remettre en cause le bien-fondé de ces initiatives bienvenues, elle considère toutefois que leur déploiement devrait toujours se faire selon des modalités et en des lieux qui permettent :

-         d’améliorer effectivement le maillage territorial des structures accompagnant les femmes en difficulté sur le territoire ;

-         d’associer les acteurs déjà existants et identifiés par ces femmes et de sécuriser leur financement ;

-         d’éviter des doublons qui pourraient mettre des structures existantes et efficaces en difficulté.

Cela implique nécessairement que des diagnostics territoriaux soient établis, et que l’État prenne toute sa place afin de garantir un déploiement optimal et lisible des différents dispositifs et d’éviter des ruptures contraires à l’intérêt des usagères.

Recommandation n° 12 : confier au SDFE le pilotage du déploiement des nouveaux dispositifs, en établissant des diagnostics territoriaux de l’existant, en s’appuyant sur l’expertise du tissu associatif déjà présent et en ayant toujours à l’esprit l’amélioration du maillage territorial et l’intérêt des usagères.

c.   Un effort à conduire pour clarifier l’offre et améliorer sa lisibilité

La question centrale de l’intérêt des usagères a enfin conduit votre rapporteure à s’interroger sur la faible lisibilité de l’offre qui leur est proposée. Cette faible lisibilité, comme les autres points évoqués ci-dessous, procède pour beaucoup de l’éclatement des acteurs de la politique de l’égalité. Elle s’est également installée et accrue du fait de diverses raisons historiques, sur lesquelles il n’est pas utile de revenir ici, mais qui rendent nécessaire, de son point de vue, qu’une démarche d’amélioration de la lisibilité de l’offre soit conduite.

En effet, force est de constater que les femmes qui se retrouvent en difficulté, que ce soit à la suite d’une situation de violences, à la suite d’une grossesse non désirée, parce qu’elles ont besoin d’un soutien juridique, parce qu’elles se retrouvent en situation de grande précarité, parfois avec des enfants à charge, parce qu’elles souhaitent sortir d’une situation de prostitution, etc., ne savent dans un premier temps pas toujours, ou pas sur tous les territoires, vers qui se tourner.

Cette situation s’est améliorée pour les femmes victimes de violences, avec la mise en place et l’identification de plus en plus forte de la plate-forme téléphonique nationale 3919. Toutefois, les termes d’EVARS (anciennement ETC.), de CIDFF, de LEAO, de BAIE, ne leur évoquent le plus souvent rien, ces acronymes très administratifs n’étant de fait pas très éloquents. De plus, il est parfois difficile, y compris en ayant une bonne connaissance de ces sujets, de comprendre quelle est réellement la différence entre un LEAO et un accueil de jour, entre un EVARS et un centre de santé sexuelle – et comment les Maisons des femmes viendront s’intégrer à ce paysage déjà peu lisible – entre un BAIE et un service emploi, etc. Cette faible lisibilité est très fortement accrue par l’hétérogénéité des organisations selon les territoires, qui ne permet pas à ce jour de fournir d’information claire et centralisée à destination des femmes.

Dans un souci de lisibilité pour les usagères, votre rapporteure suggère donc :

-         à court terme, que soit mis à disposition des femmes, sur un site internet national unique au nom de domaine évocateur, une liste par département des associations ou services publics pouvant leur venir en aide en fonction de la problématique qui est la leur (besoin d’accompagnement global, besoin d’assistance juridique, besoin de conseils en santé sexuelle, besoin de mise à l’abri, besoin d’écoute et d’accompagnement à la suite d’une dépression post-natale, etc.). Les numéros de téléphone, adresses et jours de permanences des associations ou services publics dédiés devraient y être mentionnés ; les associations partenaires devraient pouvoir y ajouter elles-mêmes des données, par exemple pour modifier au besoin leurs informations de contact ou mentionner des permanences itinérantes ou des actions ponctuelles ;

-         à plus long terme, de réfléchir à une simplification de ces différentes appellations et de les harmoniser, pour faciliter leur lisibilité. De ce point de vue, et sans préjuger de leur structuration ou des acteurs qui les portent, les termes de « Maisons des femmes » ou de « Planning familial » semblent par exemple particulièrement éloquents et lisibles/identifiés par leurs usagères potentielles.

Recommandation n° 13 : améliorer l’orientation des femmes en difficulté, par la création d’un site internet national recensant, par département, les structures susceptibles de leur venir en aide en fonction de la problématique qu’elles rencontrent. Réfléchir à plus long terme à des appellations plus éloquentes pour les structures agréées présentes sur tout le territoire, en lien avec les acteurs qui les portent.

 


—  1  —

II.   UN ACCROISSEMENt considÉrable dES CRÉDITS DU DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE, QUI reflÈte et implique un besoin de clarification de sa mÉthode d’Élaboration

Cette année encore, outre le programme 137, votre rapporteure a tenu à examiner le contenu du document de politique transversale « Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes » annexé au projet de loi de finances pour 2024. Compte tenu de la date extrêmement tardive du dépôt de ce document cette année (le 17 octobre), cet examen n’a malheureusement pas pu se faire dans des conditions optimales, ce que votre rapporteure regrette. En particulier, il est à relever que le DPT n’était pas disponible pendant la phase des auditions.

A.   Un accroissement CONSIDÉRABLE et en partie MAL MAÎTRISÉ du pÉrimÈtre des CRÉDITs

Pour 2024, 52 programmes (contre 50 en 2023) contribuent à la politique d’égalité entre les femmes et les hommes. 45 programmes y inscrivent des crédits, soit six programmes de plus que l’année précédente, et sept programmes y participent par une contribution littéraire.

Bien plus encore que les années précédentes, les crédits que retrace le DPT connaissent cette année une véritable explosion, pour atteindre près de 7 milliards d’euros en AE et de 6 milliards d’euros en CP, soit une croissance de 111 % des AE et de 144 % des CP par rapport au DPT 2023.

 

(en millions d’euros)

Exercices

DPT 2023 (PLF 2023)

DPT 2024 (PLF 2024)

Écarts

Crédits

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Total

3 269

2 377

6 898 

5 807

+ 111 %

+ 144 %

dont DPT « national »

2 070

1 928

5 539

5 286

+ 168 %

+ 174 %

dont DPT « extérieur »

1 199

449

1 359

521

+   13 %

+   16 %

Source : Délégation aux droits des femmes, sur le fondement du DPT Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes annexé au PLF pour 2024, pp. 32-33.

1.   Une explosion des crédits du DPT national, portée par des accroissements de périmètre parfois mal justifiés

Le DPT national affiche une véritable explosion de ses crédits, avec une hausse de 168 %, soit près de 3,5 milliards d’euros supplémentaires, en AE, et de 174 %, soit près de 3,4 milliards d’euros supplémentaires, en CP.

a.   Trois programmes portent la quasi-totalité de la hausse massive des crédits retracés dans le DPT national

Cette hausse est tout d’abord portée par celle du programme 103  Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi, issu de la mission Travail et emploi. Alors que sa contribution était marginale en 2023, avec environ 13 millions d’euros de crédits retracés au DPT, il en devient de loin le plus gros contributeur en 2024 avec près de la moitié des crédits inscrits au total sur le DPT national, pour un budget avoisinant 2,7 milliards d’euros en AE et 2,5 milliards d’euros en CP. De même, il porte à lui seul plus des trois-quarts de la hausse des crédits du DPT entre 2023 et 2024.

Comme l’indique la contribution sur ce programme, il vise « à accompagner les actifs et les entreprises dans leurs phases de transition et leur montée en compétence, à accompagner les restructurations sur les territoires, à stimuler l’emploi et la compétitivité et à financer les opérateurs nationaux de la formation professionnelle ». Toujours selon cette contribution, la politique d’égalité se déclinerait plus spécifiquement au sein de trois actions de ce programme :

-         l’action n° 1 – Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques, qui consiste essentiellement en l’indemnisation des salariés au titre de l’activité partielle, dont les femmes auraient bénéficié à 47 % en 2021, et 38 % en 2022 ;

-         l’action n° 3 – Développement de l’emploi, pour laquelle sont notamment mentionnés l’aide à l’embauche d’alternants ; les contrats d’apprentissage et de professionnalisation ; le fonds de cohésion sociale : celui-ci permet de faciliter l’accès aux prêts bancaires des chômeurs et titulaires de minimas sociaux souhaitant créer leur entreprise, et le DPT indique que 48 % de ses bénéficiaires étaient des femmes en 2022 ;

-         l’action n° 4 – Plan d’investissement des compétences (PIC), qui a pour objet de développer massivement l’offre de formation, notamment à destination des jeunes et des demandeurs d’emploi peu qualifiés.

Sur ce programme et sa contribution, votre rapporteure ne peut que faire part de son étonnement :

-         les actions citées ne correspondent pas aux numéros et intitulés des actions du PAP 103 pour 2024 mais aux numéros et intitulés des actions du PAP 103 pour 2023, ceux-ci ayant été profondément remaniés entre-temps ;

-         la contribution littéraire du programme 103, particulièrement brève, reprend pour l’essentiel le descriptif du DPT pour 2023, et ne semble pas avoir été mis à jour au vu des évolutions prévues en 2024, à ceci près que l’une des actions mentionnées en 2023 n’apparaît plus en tant que telle ;

-         cette contribution ne précise pas plus que l’année précédente quel a été le mode de calcul ayant permis d’aboutir à inscrire non plus 13 millions d’euros mais 2,5 milliards d’euros dans le DPT, ce qui représente pourtant une augmentation d’environ 19 000 % par rapport à l’année précédente ;

-         la question de l’égalité femmes-hommes y est à peine abordée, à l’exception de rares mentions de statistiques concernant les femmes, faisant d’ailleurs systématiquement état d’une distribution en leur défaveur des dispositifs d’aide mentionnés (part de femmes bénéficiaires inférieure à 50 %).

Votre rapporteure ne s’explique pas une telle hausse, sans information supplémentaire à son sujet.

Le deuxième programme qui contribue notablement à l’augmentation du volume des crédits inscrits au DPT est le programme 131 – Création. Ce programme, qui n’apportait jusqu’ici qu’une contribution littéraire au DPT, y inscrit pour la première fois en 2024 des crédits, à hauteur de 520 millions d’euros, en AE comme en CP. Ce programme couvre les interventions du ministère de la culture visant à assurer la diversité de la création et sa diffusion auprès d’un public aussi large que possible. Si la contribution sur ce programme aborde de façon riche et concrète les différents aspects de l’engagement, au demeurant réel, du ministère de la culture en faveur de l’égalité, elle ne donne toutefois aucune indication quant au mode de calcul ayant conduit à retenir la somme de 520 millions d’euros pour le DPT. De plus, dans la partie « Évaluation des crédits », l’on peut lire qu’« il n’est pas possible d’individualiser les crédits concourant à la politique transversale ». Votre rapporteure regrette donc que des crédits soient inscrits, en particulier pour un tel montant, en dépit d’une impossibilité, en l’état actuel des outils disponibles, de les évaluer.

Enfin, le programme 157  Handicap et dépendance inscrit 500 millions d’euros de crédits au DPT 2024, alors qu’il retraçait 50 000 euros de crédits l’année précédente. La contribution littéraire qui accompagne ce programme dans le DPT mentionne les centres ressources vie affective, relationnelle et sexuelle, dédiés aux femmes en situation de handicap et créés dans le cadre du Grenelle de lutte contre les violences. Il mentionne également divers dispositifs d’accompagnement vers l’emploi des personnes handicapées et leurs évolutions, sans nécessairement faire de lien avec la politique d’égalité entre les femmes et les hommes. Surtout, il mentionne la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) à partir du 1er octobre 2023, indiquant que « cette mesure représentera un surcroît de dépenses de 500 millions d’euros en année pleine, dont 90 millions d’euros au titre de la compensation des ménages perdants ». La somme de 500 millions d’euros étant justement inscrite au DPT au titre de ce programme, on croit donc pouvoir en conclure que la totalité du coût de cette mesure a été inscrite dans le DPT, y compris la compensation pour les ménages perdants. S’il est probable que la déconjugalisation de l’AAH bénéficie assez largement à des femmes, celles-ci ayant statistiquement des revenus plus faibles que leurs conjoints, votre rapporteure regrette toutefois que ce calcul n’ait pas été affiné ou justifié, ne serait-ce qu’en mentionnant la part des bénéficiaires de l’AAH mariés ou pacsés qui sont des femmes.

b.   Les autres gros programmes contributeurs marquent une relative stabilité

Dix programmes sur les 45 que contient le DPT concentrent à eux seuls plus de 90 % des crédits qui y sont retracés. Outre les trois programmes décrits supra, les sept autres programmes qui sont les plus gros contributeurs au DPT national 2024 sont les suivants :

 

– une lutte accrue contre toutes les formes de violence, en particulier les violences sexistes et sexuelles, la traite des êtres humains et le proxénétisme, dont 95 % des victimes sont des femmes ;

– en matière de violences conjugales, dont plus de 85 % des victimes sont des femmes : la mise en place de modes de communication innovants pour le recueil des plaintes (plateforme en ligne, plainte « hors les murs », etc.), la formation des personnels de la police et de la gendarmerie nationales, la protection des victimes (dispositifs d’évaluation du danger, généralisation des TGD et des bracelets anti-rapprochement), la mise en œuvre de structures et d’actions adaptées, notamment par la généralisation des maisons de protection des familles (13 MPF supplémentaires en 2023), une meilleure prise en charge des victimes (démarche partenariale avec les associations d’aide aux victimes, présence d’intervenants sociaux en commissariats et gendarmeries, accompagnement pour trouver un lieu d’hébergement, etc.) ;

– en matière de politique des ressources humaines, des mesures sont prises pour atteindre l’égalité réelle au sein de la gendarmerie et de la police nationale (labels « Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes » et « Diversité », réseau de référents égalité et diversité). Votre rapporteure salue la création de l’observatoire de la gendarmerie pour l’égalité et contre les discriminations, qui permettra d’évaluer les effets cette politique au sein de la gendarmerie nationale ;

S’il faut relever une fois de plus la grande qualité des contributions littéraires associées à ces programmes, qui révèlent une réflexion fine sur les enjeux d’égalité dans leurs champs de compétence respectifs, l’on peut toutefois regretter que celles-ci n’expliquent pas non plus leurs méthodes d’évaluation des crédits inscrits au DPT. La légère baisse de la contribution du programme 176, de 0,7 million d’euros, et à contrario la hausse de plus de 11 millions d’euros des crédits inscrits au programme 152, ne sont pas non plus explicitées.

 

 

 

c.   Une contribution marginale des autres nouveaux programmes

Outre le programme 131, quatre programmes supplémentaires inscrivent des crédits au DPT national 2024. Deux y font leur entrée, et deux qui y participaient par une contribution littéraire retracent maintenant des crédits. Votre rapporteure souligne le fait que l’ensemble de ces contributions explicitent clairement l’évaluation des crédits qu’elles inscrivent :

2.   Une reconduite des efforts déployés en faveur de la diplomatie féministe

Alors que la quatrième stratégie internationale pour l’égalité entre les femmes et les hommes du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) est en cours d’élaboration, les efforts français en faveur de la diplomatie féministe, correspondant à l’axe 6 du DPT, se poursuivent et s’intensifient en 2024. Ils marquent en effet une hausse de 14,5 % en AE, soit 172 millions d’euros supplémentaires, et de 7,2 % en CP, soit 35 millions d’euros. Cette hausse est essentiellement portée par le programme 110 – Aide économique et financière au développement.

a.   Une légère hausse des crédits du DPT extérieur portée par le programme 110

Programmes inscrits au SEIN DE l’AXE 6 DU DPT : Promouvoir les droits des femmes À L’international

(en millions d’euros)

 

Exécution 2022

LFI + LFRs 2023

PLF 2024

Programmes

AE

CP

AE

CP

AE

CP

209 – Solidarité à l’égard des pays en développement

402

268

458

266

458

266

110 – Aide économique et financière au développement

699

197

727

220

899

253

217 – Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables

1,01

1,01

1,05

1,05

1,18

1,18

105 – Action de la France en Europe et dans le monde

0,57

0,57

0,66

0,66

0,58

0,58

151 – Français à l’étranger et affaires consulaires

 

 

 

 

0,30

0,30

185 – Diplomatie culturelle et d’influence

0,04

0,04

0,05

0,05

0,05

0,05

Total

1 102

466

1 187

486

1 359

521

Source : DPT annexé au PLF pour 2024.

Six programmes issus de trois missions concourent à la mise en œuvre de la diplomatie féministe de la France.

Au sein de la mission Aide publique au développement, le programme 209, piloté par le MEAE, apporte une contribution significative à la diplomatie féministe, soit 458 millions d’euros en AE et 266 millions en CP, et stable par rapport à 2023. D’une part, à travers l’action 2 – Coopération bilatérale, ce programme finance différents outils : fonds de solidarité, projets déployés via l’agence française de développement (AFD), aide humanitaire et experts techniques internationaux (ETI). Les projets financés s’inscrivent dans des thématiques variées telles que la promotion de l’égalité et la lutte contre la discrimination, le soutien aux organisations féministes, la lutte contre les violences sexuelles ou encore le soutien à l’entrepreneuriat féminin. D’autre part, l’action 5 ‑ Coopération multilatérale de ce programme finance des organisations internationales, notamment dans le cadre des Nations unies, œuvrant en faveur de l’égalité femmes-hommes, au premier rang desquels ONU Femmes. La France fait partie des premiers donateurs de cette agence, avec 5,83 millions d’euros en 2023, une contribution qui a doublé depuis 2021 et permis à la France d’entrer au conseil d’administration d’ONU Femmes. L’action 5 finance également le Programme de développement (PNUD), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) ou encore le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP).

Toujours au sein de la mission Aide publique au développement, le programme 110, portant les crédits de l’aide économique et financière au développement, est quant à lui piloté par la direction générale du Trésor. Le PLF pour 2024 dote ce programme de 899 millions d’euros en AE (+ 172 millions par rapport à 2023) et 253 millions en CP (+ 33 millions par rapport à 2023). À l’échelle internationale, ces crédits financeront des institutions et des programmes internationaux tenant compte des objectifs de genre, comme la Banque mondiale et les banques régionales de développement. Comme l’indique le DPT, les partenaires financés intègrent de manière transversale l’égalité femmes-hommes dans l’essentiel de leurs interventions, d’une part et mènent, d’autre part, des projets ciblant spécifiquement l’égalité femmes-hommes en Afrique. Le programme 110 contribue également au financement des prêts octroyés par l’AFD.

À ces deux programmes clés, s’ajoutent quatre programmes apportant une contribution plus modeste au volet extérieur du DPT.

Au sein de la mission Écologie, développement et mobilités durables, le programme 217 valorise 1,18 million d’euros en AE et en CP, en légère augmentation par rapport à 2023 (1,05 million d’euros). Ces crédits ont par exemple permis de promouvoir l’égalité femmes-hommes lors de grands évènements internationaux.

Les programmes 105 – Action de la France en Europe et dans le monde, 185 ‑ Diplomatie culturelle et d’influence et 151 – Français à l’étranger et affaires consulaires, relèvent tous trois de la mission Action extérieure de l’État. Le programme 105 contribue au DPT en valorisant l’égalité professionnelle au sein du MEAE et à travers l’octroi de subventions à des associations œuvrant pour l’égalité femmes-hommes à l’international, à hauteur de 579 000 euros en AE et en CP. Le programme 185 inscrit quant à lui les crédits relatifs à la politique de coopération internationale, incluant la défense des droits des femmes et de l’égalité, pour environ 50 000 euros. Enfin, le programme 151, qui inscrit des crédits pour la première fois dans le DPT, à hauteur de 300 000 euros, valorise pour sa part le soutien qu’apportent les fonctionnaires du MEAE aux femmes françaises expatriées victimes de violence.

b.   Une présentation qualitative, pouvant encore être consolidée à la marge pour ce qui concerne la valorisation des crédits

Votre rapporteure remarque avec satisfaction les efforts fournis pour la présentation du DPT extérieur. L’axe 6 se détache en effet nettement du reste du DPT par sa cohérence et par la clarté et la lisibilité de ses cinq objectifs :

- objectif DPT-73 : améliorer la mobilité des étudiantes étrangères vers les universités françaises ;

- objectif DPT-74 : augmenter la part des crédits bilatéraux ayant un marqueur « genre » ;

- objectif DPT-75 : assurer la part des versements du Fonds européen de développement (FED) pour le sujet égalité femmes hommes ;

- objectif DPT-76 : augmenter la part des femmes dans les formations et stages financés par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) ;

- objectif P105-09 : promouvoir le multilatéralisme et agir pour une Europe souveraine, unie et démocratique.

Quatre objectifs sur cinq se distinguent par leur lien explicite avec l’objet du DPT, ce qui est loin d’être le cas dans les autres axes du DPT. En outre, la présentation stratégique associée à cet axe explique de façon claire les différents objectifs ainsi que les cibles visées.

Par exemple, concernant l’objectif 73 relatif à la mobilité des étudiantes étrangères vers les universités françaises, le périmètre et la provenance des données – à savoir seulement les universités et non tous les établissements d’enseignement supérieur – sont clairement explicités. De même, puisqu’elle est proche de la parité, la stabilité à 54 % de la cible de femmes parmi les étudiants étrangers en mobilité internationale dans les universités, se trouve justifiée. Toutefois, comme le suggère le DPT, votre rapporteure serait favorable à une analyse plus fine des données selon la zone géographique de provenance et les filières de formation choisies, pour mieux comprendre les potentiels écarts entre pays et filières. Sans ces données, il est difficile de savoir comment atteindre pleinement cet objectif.

De la même manière, les clés de lecture nécessaires pour comprendre les cibles de l’objectif 75 relatif à la part des versements du FED dévolus à l’égalité femmes hommes, semblent présentes en dépit d’une profusion d’informations ne facilitant pas la lecture. Le DPT détaille avec transparence les incertitudes pesant sur le décaissement du FED en 2023. Celles-ci seraient ainsi liées à des évolutions structurelles, telles que l’inclusion du FED dans le nouvel instrument de coopération de l’Union européenne (NDICI – Europe dans le monde) ([14]) et des évolutions conjoncturelles, comme la réorientation de crédits vers les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, décidée à la suite de la crise sanitaire en 2020 et 2021. Ce contexte justifie que les cibles de l’indicateur demeurent stables pour les années à venir et se fondent sur la moyenne des années précédentes. Votre rapporteure aurait toutefois souhaité que la réalisation de 2022, 43,58 % des parts des versements du FED tenant compte du marqueur genre, bien supérieure aux cibles pour 2023 (24,57 %), 2024 (23,12 %) et 2025 (23,9 %) soit davantage expliquée.

La présentation stratégique de l’axe 6 consacre également un développement détaillé au Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF), l’un des outils financiers majeurs de la diplomatie féministe, dont les financements ont atteint 134 millions d’euros sur la période 2020-2022. Votre rapporteure se réjouit de sa reconduction, confirmée le 8 mars dernier par la ministre des affaires étrangères. Elle regrette toutefois que le doublement des financements de la France en faveur des organisations féministes, annoncé en juillet dernier par la secrétaire d’État à la francophonie et aux partenariats internationaux, Mme Chrysoula Zacharopoulou, ne soit pas pleinement inscrit dans le PLF dès cette année. En l’état, le DPT ne précise pas comment ces crédits, estimés à 250 millions d’euros sur cinq ans, seront déployés.

En outre, le DPT 2024 comporte deux nouveautés bienvenues, à savoir la création d’un nouvel objectif et l’inscription de crédits du programme 151.

La France déployant une diplomatie féministe tant dans ses échanges bilatéraux que multilatéraux, l’inclusion d’un nouvel objectif intitulé « Promouvoir le multilatéralisme et agir pour une Europe souveraine, unie, démocratique » semble justifiée. Elle s’associe à la création d’un nouveau sous-indicateur, portant sur le pourcentage des évènements internationaux pour lesquels l’obtention du label « Évènement égalité femmes-hommes » a été proposée au secrétariat général de l’évènement. La progression dans le temps de la cible, passant de 20 % en 2023 à 50 % en 2025, est opportune. Néanmoins, votre rapporteure souhaiterait que l’indicateur présente plutôt le ratio entre les propositions faites et celles qui ont effectivement été suivies, donc un indicateur de résultats plutôt que de moyens.

c.   Une valorisation des crédits qui n’est pas toujours suffisamment justifiée

Si la présentation stratégique de l’axe 6 est satisfaisante, la valorisation des crédits reste perfectible.

En premier lieu, un certain excès de détails nuit à la clarté de la valorisation des crédits du programme 209. Alors qu’un tableau récapitulant l’ensemble des crédits consacrés à la politique transversale par le programme 209 accompagnait les explications littéraires en 2023, il a été supprimé pour cet exercice 2024. Or, compte tenu des nombreuses initiatives financées, les seules explications littéraires ne permettent pas d’apprécier avec clarté la répartition des crédits.

De la même manière, pour le programme 151 qui inscrit des crédits pour la première fois cette année, l’analyse n’est pas aisée. S’il est précisé que ces crédits de 300 000 euros relèvent du titre 2, aucune autre clé de lecture n’est donnée. Des détails supplémentaires, par exemple sur le nombre d’ETP pris en compte ainsi que leur répartition, seraient souhaitables pour mieux comprendre comment est financé l’accompagnement par les autorités consulaires des femmes expatriées victimes de violence.

Cette difficulté de lecture est exacerbée pour le programme 110, qui porte pourtant l’augmentation globale des crédits du DPT extérieur. En 2024, les AE s’élèvent à 899 millions d’euros, c’est-à-dire une hausse de 172 millions par rapport à 2023. Les CP connaissent, quant à eux, une légère hausse de 33 millions d’euros, en passant de 220 à 253 millions d’euros. Cette hausse conséquente des crédits inscrits au DPT par le programme 110 est toutefois difficile à appréhender. Elle ne semble correspondre ni à une augmentation des crédits disponibles ni à une évolution du périmètre du programme.

Le DPT n’apporte pas d’éclairage supplémentaire, à l’exception de quelques explications méthodologiques. En effet, les crédits retranscrits sont liés aux déclarations que font les bénéficiaires auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Or, le marqueur genre est une variable facultative de la déclaration que l’OCDE transmet à la France. De plus, 99 % des projets financés par l’Association internationale de développement (AID), un des acteurs les plus importants, ne renseignent pas le marqueur genre. Pour autant, comme le précise le DPT, « un marqueur non renseigné pour un projet ne signifie pas qu’il ne vise pas l’objectif d’égalité femmes hommes, ceci indique seulement que la portée du projet n’a pas été évaluée dans cette thématique ». Votre rapporteure tient donc à préciser que l’augmentation faciale des crédits peut donc n’être que la traduction d’un renseignement plus minutieux de leurs déclarations à l’OCDE par les organismes bénéficiaires de ces fonds.

d.   Une faible prise en compte des objectifs de la LODSIM et des modalités de calcul de leurs résultats

i.   Une contradiction entre les cibles du DPT et les objectifs fixés par la loi de programmation

La loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (LODSIM) a fixé un objectif clair pour la diplomatie féministe : elle prévoit qu’en 2025, 75 % des volumes annuels d’engagements de l’aide publique au développement (APD) bilatérale française doivent avoir l’égalité entre les femmes et les hommes pour objectif principal ou significatif (marqueur 1) et 20 % pour objectif principal (marqueur 2). Cet objectif est particulièrement ambitieux puisqu’un objectif de 50 % avait déjà été fixé en 2013 pour le marqueur 1 et qu’il n’est toujours pas atteint en 2022.

Si la part des crédits bilatéraux de marqueur 1 dévolus à l’APD a augmenté de 15 % entre 2022 et 2023, ces efforts pourraient être amplifiés. En effet, la cible PAP pour 2023 était de 48,5 %, toujours sous le seuil de 50 % et en dessous de l’objectif de 75 % en 2025, fixé par la LODSIM. Plus inquiétant encore, la cible prévue pour 2024 est de 47,5 %, puis de 47,3 % en 2025 et 47,2 % en 2026. En d’autres termes, les cibles fixées par le PAP reculent alors que l’échéance de 2025 fixée par la loi approche.

Dans ce contexte, comme le HCE ([15]), votre rapporteure appelle à harmoniser les cibles du DPT avec la loi de programmation de 2021 pour s’assurer que les objectifs fixés par la loi soient effectivement tenus.

De plus, si le programme 209 évoque ces objectifs, quoique de manière perfectible, le programme 110, pourtant également concerné pour ce qui concerne l’aide économique et financière octroyée dans un cadre bilatéral, n’en fait nullement mention. De ce fait, il est difficile d’apprécier la contribution du programme 110 sur ce point. Il conviendrait d’y remédier pour le prochain exercice budgétaire.

ii.   Une ambiguïté dans la présentation des résultats ne permettant pas de les apprécier au regard des objectifs fixés par la LODSIM

Dans le même temps, le DPT entretient une ambigüité sémantique dans la présentation des résultats du marqueur genre, rendant difficile l’appréciation des résultats au regard des objectifs fixés par la LODSIM.

Comme l’ont justement signalé à votre rapporteure les représentants du Fonds féministe en action ([16]), alors que la LODSIM fixe un objectif de 75 % de projets de marqueur 1 en volume de financements à l’horizon 2025, les documents budgétaires et l’AFD s’expriment tantôt en nombre de projets financés, tantôt en volume des crédits que ceux-ci représentent. Pourtant, la première méthode ne permet de contrôler l’application de la LODSIM.

Ainsi, faisant état des bons résultats de l’aide humanitaire, la contribution littéraire du programme 209 au DPT précise qu’en 2022, 63,4 % des financements, équivalant à environ 113 millions d’euros, avaient pour objectif principal ou significatif l’égalité entre les femmes et les hommes ; 12,2 % des financements avaient, pour leur part, l’égalité entre les femmes et les hommes comme objectif principal, c’est-à-dire environ 21,7 millions d’euros. De la même manière, le projet Minka ([17]) obtenant des résultats satisfaisants, est mis en avant : sur un budget de 900 millions d’euros entre 2017 et 2022, 64 % du volume des financements remplissait les exigences du marqueur 1 et 21 % celles du marqueur 2.

A contrario, les résultats globaux de l’AFD sont, quant à eux, valorisés en nombre de projets. Il est par exemple souligné qu’en 2022, 19 % des projets financés par l’AFD sur les crédits du programme 209 ont eu l’égalité entre les femmes et les hommes comme objectif principal.

La nuance est subtile mais fondamentale : le pourcentage de projets soutenus incluant le marqueur genre peut être élevé même si le volume de financements associé est faible. De ce fait, il peut s’avérer plus avantageux de présenter les résultats en projets financés et non en volume de financement. C’est pourquoi votre rapporteure préconise que le DPT exprime clairement la nuance entre le pourcentage de projets financés et le volume des financements. Il semble opportun que pour les deux programmes concernés, le 209 et le 110, ces deux méthodes de calcul soient mises en avant et détaillées.

Recommandation n° 14 : pour les programmes 209 et 110, exprimer les efforts en faveur de projets prenant en compte la dimension du genre (marqueur 1 ou 2) à la fois en nombre de projets et, surtout, en volume de financements, conformément aux objectifs fixés par la LODSIM.


B.   L’AMÉLIORATION DU DPT PASSE PAR UN RENFORCEMENT DU PILOTAGE STRATÉGIQUE ET DES OUTILS MÉTHODOLOGIQUES DES CONTRIBUTEURS

Le DPT connaît cette année une croissance inédite de ses crédits, qui s’explique essentiellement, on l’a vu, par l’inscription, peu ou insuffisamment justifiée, de volumes de crédits très importants sur les programmes 103, 131 et 157. Cette croissance incontrôlée limite la portée des efforts, pourtant réels, de clarification et de lisibilité de la stratégie pour l’égalité que porte le DPT.

1.   Une présentation clarifiée, mais qui révèle certaines incohérences

Si elle révèle de nombreux problèmes méthodologiques, la croissance des crédits inscrits au DPT s’est toutefois accompagnée en 2024 d’efforts majeurs de clarification de la présentation, qu’il convient en premier lieu de relever, et de saluer.

a.   Une présentation stratégique plus claire

Un certain manque de cohérence des différents documents stratégiques en matière d’égalité entre les femmes et les hommes a été relevé par la Cour des comptes, dans son récent rapport sur la politique d’égalité précité. La Cour y relève ainsi que la grande cause des quinquennats s’est caractérisée par une diversité de documents stratégiques, qui n’ont pas été unifiés.

Le DPT 2024 semble constituer à cet égard un premier pas vers une mise en cohérence de ces documents, autour du Plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027. Ce plan comprend quatre axes, qui recoupaient assez largement les quatre premiers axes du DPT. En 2024, l’ordre de présentation des axes du DPT a ainsi été modifié, afin que les quatre premiers soient identiques à ceux que décline le Plan interministériel.

De même, conformément à la recommandation ([18]) formulée par votre rapporteure sur le précédent exercice, l’ensemble des programmes portés par le DPT ont été rattachés à l’un de ces axes, et le tableau récapitulatif des crédits permet donc de visualiser très clairement les crédits consacrés à chacun des axes stratégiques portés par le DPT. Votre rapporteure salue cette évolution de la présentation du DPT, qui améliore très notablement sa lisibilité.

Cette évolution majeure permet de présenter pour la première fois le tableau suivant, retraçant par axe stratégique les crédits inscrits au DPT :

 

 

Axe

Intitulé

AE

CP

1

Combattre les violences faites aux femmes, protéger les victimes et prévenir la récidive

529 951 987

526 207 299

2

Améliorer la santé des femmes

509 439 000

509 439 000

3

Promouvoir l’égalité professionnelle et l’autonomisation économique des femmes

639 933 710

639 932 042

4

Construire l’égalité des sexes dès le plus jeune âge et diffuser la culture de l’égalité

361 042 852

360 957 480

5

Agir contre la pauvreté et l’exclusion sociale

3 392 816 975

3 143 012 435

6

Promouvoir les droits des femmes à l’international

1 358 901 769

521 170 022

TOTAL

6 898 094 975

5 806 723 960

Source : DPT annexé au PLF pour 2024.

b.   Des incohérences entre la stratégie présentée et les crédits inscrits au DPT

Si la possibilité de présenter le tableau ci-dessus constitue en elle-même une avancée majeure, il existe une différence entre les crédits qu’il présente et la stratégie énoncée dans le Plan interministériel précité.

En premier lieu, on constate que l’axe 5, « Agir contre la pauvreté et l’exclusion sociale », regroupe plus de la moitié des crédits inscrits au total dans le DPT. Cette situation interroge alors que cet axe est le seul axe concernant le DPT national qui ne fasse pas partie du Plan interministériel et qu’il est également le seul axe dont l’intitulé ne mentionne pas les femmes.

En deuxième lieu, ce tableau fait apparaître que peu de crédits semblent consacrés à l’axe 4 « Construire la culture de l’égalité des sexes dès le plus jeune âge ». Votre rapporteure considère pourtant que cet axe, qui a pour vocation de s’attaquer à la racine des inégalités et vise à investir sur l’avenir pour prévenir les inégalités de demain, devrait constituer une priorité et apparaître comme tel dans le DPT. Elle rejoint en cela les préoccupations de plusieurs auditionnés, tels que la Présidente du HCE, Mme Sylvie Pierre-Brossolette, qui regrettait lors de son audition que la prévention soit encore trop peu mise en avant et dotée de moyens conséquents. Le traitement des symptômes des inégalités, l’accompagnement des femmes victimes de violences, la mise en place de dispositifs d’aide aux femmes en situation de précarité, doivent impérativement s’accompagner de mesures fortes de prévention, au risque que cette tâche finisse par s’apparenter, pour reprendre ses termes, au « tonneau des Danaïdes ».

Enfin, le contenu de l’axe 2 « Améliorer la santé des femmes » suscite également des interrogations : cet axe, doté de 509 millions d’euros, n’inscrit que 584 000 euros en provenance de la mission Santé et du ministère associé, tandis que 98 % de ses crédits proviennent du programme 157 – Handicap et dépendance, dont on a vu qu’il valorisait dans le DPT le coût de la déconjugalisation de l’AAH. On ne reviendra pas ici sur l’évaluation du montant de ces crédits, déjà abordée dans le 1. du A de la présente partie, mais cette mesure semble plutôt en lien avec l’amélioration de l’autonomie économique des femmes qu’avec celle de leur santé. Ce programme devrait donc être inscrit dans l’axe 3, ce qui conduirait à constater que l’axe 2, pourtant présenté comme prioritaire, est presque vide. Dans une moindre mesure, un raisonnement similaire pourrait s’appliquer à la place du programme 131 – Création, dans l’axe 3 intitulé « Promouvoir l’égalité professionnelle et l’autonomie économique des femmes ».

Ces écarts entre les priorités stratégiques et les crédits retracés dans le DPT ne sont pas nécessairement le reflet, selon votre rapporteure, d’arbitrages budgétaires incohérents. Bien davantage, ils lui semblent révélateurs de difficultés méthodologiques, dans l’identification des crédits et la bonne compréhension, par certains acteurs, des enjeux de la politique d’égalité entre les femmes et les hommes.

2.   Des contributions de qualité très hétérogène, révélant un niveau inégal d’appropriation des enjeux de la politique d’égalité

a.   Des contributions de qualité très hétérogène

Plus encore que les années précédentes, le DPT pour 2024 se caractérise par une grande hétérogénéité de la qualité des contributions qu’il présente. Cela s’explique notamment par le fait que certains programmes ont plus ou moins reconduit leurs contributions précédentes, lesquelles ne se fondaient pas sur une approche intégrée de l’égalité, tandis que d’autres, dont le nombre croît, ont considérablement amélioré leurs contributions.

Cette qualité peut s’apprécier selon trois critères principaux :

-         une contribution littéraire reflétant qu’une analyse sectorielle approfondie a été conduite, permettant d’identifier les principaux enjeux du programme en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ; sur ce point, on peut par exemple relever la qualité des contributions de plusieurs programmes, tels que les programmes 152 ‑ Gendarmerie nationale, 176 – Police nationale, 150 – Formations supérieures et recherche universitaire, 224 – Soutien aux politiques du ministère de la culture, 205 – Affaires maritimes, pêche et aquaculture, mais aussi de programmes ne présentant pourtant que des contributions littéraires, tels que les programmes 166 – Justice judiciaire, 142 ‑ Enseignement supérieur et recherche agricoles ou 111 ‑ Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations de travail ;

-         la présentation claire et concise de l’évaluation des crédits : la trame du DPT prévoit que chaque contribution soit introduite par une entrée intitulée « Évaluation des crédits consacrés à la politique transversale » : on peut constater sur ce point comme sur les autres une certaine amélioration dans le DPT 2024, cette entrée étant remplie pour une quinzaine de programmes contre une dizaine dans le DPT 2023. Toutefois, cette progression reste insuffisante, surtout lorsque l’on tient compte de l’augmentation du nombre de programmes inscrivant cette année des crédits dans le DPT. Votre rapporteure regrette ainsi que sur les deux-tiers des programmes, cette entrée soit absente ou complétée de la façon suivante : « il n’est pas possible d’isoler les crédits concourant à la politique transversale », phrase que l’on peut y compris trouver en introduction des contributions de certains programmes inscrivant des crédits ;

-         la capacité à évaluer finement les crédits à retracer dans le DPT : ce point essentiel, qui permet de donner à voir de façon précise les efforts budgétaires spécifiquement consacrés à faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes, révèle malheureusement un certain nombre d’approximations. De nombreux programmes ont tendance à inscrire des volumes de crédits de façon trop indifférenciée, ce qui conduit à une surestimation de leur contribution réelle, voire, comme on l’a vu précédemment, au gonflement artificiel de certains axes ; pour cette raison, ce problème concerne donc au premier chef une bonne partie des plus gros contributeurs. Ce n’est toutefois pas le cas de tous : on a pu voir notamment que le programme 177 – Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, qui compte parmi les plus gros contributeurs, évaluait précisément ses crédits.

Recommandation n° 15 : demander à l’ensemble des contributeurs au DPT de remplir précisément l’entrée « Évaluation des crédits consacrés à la politique transversale ».

Sur ce dernier point, qui est probablement le plus problématique, votre rapporteure souhaite également appeler l’attention des contributeurs sur une erreur méthodologique fréquemment rencontrée : certains programmes semblent en effet valoriser dans le DPT la quote-part allouée à des femmes de certains dispositifs de droit commun. À cet égard, même si cela n’est pas précisé, on peut citer les exemples des contributions des programmes 102 et 103, qui semblent avoir valorisé dans le DPT les crédits relatifs aux bénéficiaires femmes de divers dispositifs visant à améliorer l’accès à l’emploi des jeunes ou des personnes précaires. Cette valorisation a une faible portée puisque la part des femmes parmi les bénéficiaires de ces dispositifs est systématiquement inférieure à 50 %. De manière plus anecdotique, on peut également donner l’exemple du programme 101  Accès au droit et à la justice, qui indique dans son évaluation des crédits, au demeurant présentée, et de façon claire et précise, avoir valorisé les dépenses consacrées « à la plateforme 116 006 sur la base des appels émanant de femmes ». Or, cette plate-forme a pour vocation d’orienter les victimes d’atteintes aux biens et aux personnes, de terrorisme, de catastrophes naturelles ou même d’accidents de la circulation. On ne voit donc pas bien en quoi le fait de prendre ces appels contribuerait de façon spécifique à améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes. Un tel raisonnement pourrait par exemple conduire à inscrire au DPT la moitié des dépenses de l’éducation nationale, pour la seule raison que la moitié des élèves sont des filles.

Recommandation n° 16 : communiquer de façon très claire auprès des contributeurs pour qu’ils ne valorisent pas dans le DPT la quote-part « femmes » de dispositifs de droit commun.

b.   Une maquette de performance qui présente également une certaine hétérogénéité

Une autre difficulté, déjà relevée l’an dernier par votre rapporteure, concerne la maquette de performance, c’est-à-dire les objectifs et indicateurs de performance associés aux différents axes du DPT. En effet, celle-ci est en partie inadaptée au document de politique transversale, cette difficulté provenant du fait que le DPT ne présente que très peu d’objectifs et peu d’indicateurs ad hoc, mais reprend pour l’essentiel les objectifs et indicateurs directement issus des PAP des programmes qui y inscrivent des contributions.

Le résultat de cette reprise est que les ministères qui ont déjà conduit une réflexion poussée sur les questions d’égalité et intégré cette question aux différentes actions qu’ils portent, seront davantage susceptibles d’avoir défini des objectifs spécifiques à la question de l’égalité, ou a minima d’avoir intégré des indicateurs ou sous-indicateurs genrés au sein de leurs programmes. On a pu par exemple voir dans la partie consacrée au DPT extérieur que la quasi-totalité des objectifs et la totalité des indicateurs présentés étaient en lien direct avec la politique d’égalité entre les femmes et les hommes, ce qui démontre une forte intégration de ces problématiques par le ministère qui les porte.

S’agissant des objectifs du DPT national en revanche, la situation est bien plus contrastée. Les objectifs présentés dans le DPT 2024 sont exactement les mêmes que dans le DPT 2023, et seuls deux d’entre eux présentent un lien évident avec la politique d’égalité : il s’agit du premier objectif de l’axe 2 – Santé des femmes, intitulé « Améliorer le taux de dépistage organisé du cancer du sein pour les femmes de 50 à 74 ans », et du premier objectif de l’axe 3 – Promouvoir l’égalité professionnelle et l’autonomisation économique des femmes, intitulé « Mieux assurer l’égalité professionnelle femmes-hommes dans les initiatives territoriales ». L’énoncé de l’ensemble des autres objectifs du DPT présente au mieux un lien direct avec le sujet (par exemple « réduire les inégalités d’accès à la pratique du sport »), mais ce lien est le plus souvent indirect (« réduire l’insécurité ») voire très indirect (« dynamiser la négociation collective et améliorer les conditions du dialogue social », « répondre aux besoins de qualification supérieure par la formation initiale et continue »).

Pour les mêmes raisons, les objectifs et indicateurs qui leur sont associés peinent à rendre compte de la variété et de la transversalité des actions portées par les différents axes. Par exemple, la présentation stratégique de l’axe sur la santé des femmes aborde avec beaucoup de pertinence un large panel de problématiques essentielles, telles que leur espérance de vie, le développement des conduites à risque, la santé sexuelle, ou encore la santé mentale des femmes. Pourtant, seuls deux objectifs et deux indicateurs éponymes viennent rendre compte de ces actions, qui visent à améliorer les taux de dépistage respectifs du cancer du sein et du cancer colorectal chez les personnes âgées de 50 à 74 ans.

Votre rapporteure forme donc le vœu que ces objectifs et indicateurs soient étoffés, soit par la création d’objectifs et indicateurs ad hoc, soit, et cela serait beaucoup plus satisfaisant, par l’intégration des questions d’égalité directement dans les PAP des différents ministères et en particulier de ceux qui apportent une contribution au DPT.

Recommandation n° 17 : encourager les responsables des programmes contributeurs à intégrer à leur PAP au moins un objectif reflétant leur engagement dans la politique d’égalité entre les femmes et les hommes.

S’agissant des indicateurs, votre rapporteure salue l’effort fourni par quelques contributeurs pour ajouter à leur maquette des sous-indicateurs genrés, conformément aux recommandations formulées par les rapporteures de la mission d’information de votre Délégation sur la budgétisation intégrant l’égalité ([19]).

On notera notamment l’amélioration des indicateurs fournis sur l’axe 1 par les programmes 152 et 176 (Gendarmerie et Police nationales) et sur l’axe 4 par le programme 141 (Enseignement scolaire du second degré). De même, sur l’axe 3, la contribution du programme 147 indique que le PAP a introduit cette année trois indicateurs genrés portant sur la réussite scolaire et le taux de chômage dans les quartiers prioritaires de la ville. Ces trois indicateurs n’apparaissent toutefois pas dans la présentation stratégique de l’axe concerné.

Reste que de trop nombreux indicateurs restent associés au PAP sans être genrés ni assortis de sous-indicateurs genrés, y compris sur des programmes pourtant essentiels (par exemple, le programme 150 ‑ Enseignement supérieur et recherche universitaire). Enfin, certains sous-indicateurs qui étaient genrés dans le précédent DPT n’apparaissent plus (en particulier sur le programme 143 – Enseignement technique agricole).

Recommandation n° 18 : poursuivre et renforcer le travail de déclinaison des indicateurs visant un public en sous-indicateurs genrés, en particulier lorsqu’ils sont intégrés au DPT.

 

3.   Deux leviers devraient permettre d’améliorer le Document de politique transversale et le pilotage de la politique qu’il porte

On l’a vu, le DPT connaît cette année encore des améliorations, qui sont parfois oblitérées par des erreurs ou maladresses méthodologiques et pas une très grande hétérogénéité entre les différentes contributions qui y sont regroupées. À la suite de l’adoption du rapport précité ([20]), la mise en œuvre d’une budgétisation intégrant l’égalité a été annoncée par le Gouvernement devant votre Délégation et dans la présentation stratégique du DPT 2024. Elle devrait pouvoir contribuer à lever ces difficultés, si elle est couplée à une mise en cohérence et un renforcement, au plus haut niveau, du pilotage de la politique d’égalité.

a.   La budgétisation intégrant l’égalité pourrait contribuer à lever ces difficultés

La budgétisation intégrant l’égalité (BIE) ne doit pas être confondue avec la démarche d’élaboration du DPT, qu’elle dépasse et à laquelle elle ne se résume pas. Toutefois, un certain nombre d’aspects de cette démarche, par la méthodologie qu’ils imposent, pourraient grandement contribuer, à la suite des efforts déjà engagés, à améliorer la qualité et donc la portée et l’utilité du DPT. Ces aspects sont les suivants :

-         la BIE implique une réflexion préalable, dans l’ensemble des ministères, sur l’ensemble des enjeux que soulève la politique d’égalité dans leurs domaines respectifs. La conduite de ces analyses sectorielles ne peut qu’améliorer ensuite la contribution, au moins littéraire, au DPT. La bonne qualité des contributions rédigées par les ministères ayant participé à l’expérimentation BIE conduite en 2019-2020 est éclairante de ce point de vue. Elle doit également pouvoir contribuer à définir de nouveaux objectifs venant traduire l’intégration des questions d’égalité dans tous les programmes budgétaires pour lesquels elles se posent ;

-         la BIE implique également de définir une méthode de cotation des crédits, dite analyse tricatégorielle, selon qu’ils ont un impact faible ou neutre sur l’égalité (cotation 0), un impact direct ou indirect, dont il convient ensuite de préciser s’il est positif ou négatif (cotation 1), et les dépenses dédiées à l’égalité entre les femmes et les hommes (cotation 2). Cette cotation implique qu’une méthode commune d’analyse soit définie, à l’instar de ce qui a été fait pour les budgets verts. Cela ne pourra que contribuer à harmoniser et donner de la cohérence au DPT, qui regroupe aujourd’hui des crédits de cotation 2, ce qui est sa vocation initiale, mais aussi un grand nombre de crédits de cotation 1, voire de cotation 1 à impact indirect. Le lancement prochain d’une mission IGF/IGAS pour venir préciser cette méthode, annoncé par le ministre des comptes publics devant votre Délégation conformément aux recommandations qu’elle avait formulées, et réitéré dans la présentation stratégique du DPT 2024, constitue une excellente nouvelle à cet égard ;

-         enfin, la mise en place d’une BIE exige la mise à disposition de sous-indicateurs genrés pour tous les indicateurs visant un public, ce qui devrait très nettement contribuer à améliorer et enrichir la maquette de performance, et par là même, celle qui est associée au DPT.

Recommandation n° 19 : lancer dans les meilleurs délais les travaux préparatoires à la mise en œuvre de la budgétisation intégrant l’égalité, en particulier la mission des inspections générales des finances et des affaires sociales visant à en définir les contours et la méthode.

  1.   Un pilotage interministériel à renforcer pour embarquer l’ensemble des acteurs dans la stratégie globale définie par le Gouvernement

Outre les améliorations méthodologiques qui pourront être apportées par la BIE, le DPT doit également, on l’a vu, s’efforcer de mieux refléter la stratégie du Gouvernement, et en particulier le Plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027, lequel doit s’imposer comme la feuille de route de l’ensemble des acteurs de cette politique.

Il est donc essentiel que cette feuille de route soit consolidée, et que sa mise en œuvre soit régulièrement suivie. Si elle l’est actuellement par le SDFE et le ministère délégué chargé de l’égalité, ce suivi doit également s’effectuer en formation interministérielle, et au plus haut niveau : votre rapporteure estime à cet égard que la réunion de comités interservices n’est pas suffisante. Le Comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes doit donc se tenir, comme le prévoit le décret n° 2012-1097 qui l’institue, « chaque fois qu’il est nécessaire et au moins deux fois par an », afin que l’ensemble des ministères travaillent au déploiement de la politique transversale d’égalité. La tenue de ces comités permettrait en outre d’assurer :

-         qu’une évaluation régulière des besoins soit conduite et présentée en interministériel pour ajuster le niveau d’engagement humain et financier sur les différents dispositifs existants ;

-         que le contrôle de la bonne application de la feuille de route soit exercé au plus haut niveau et que sa mise en œuvre soit cohérente et non soumise à la plus ou moins grande implication des différents ministres ou ministères ;

-         que les résultats obtenus soient régulièrement évalués, dans une logique vertueuse, permettant d’éclairer les arbitrages budgétaires et de réorienter au besoin les modalités de mise en œuvre de la feuille de route gouvernementale.

Outre les différents ministères, d’autres acteurs doivent également être associés à la définition et à l’évaluation de la stratégie globale de la politique d’égalité. S’agissant de la conception et de la définition des plans pluriannuels, votre rapporteure regrette que les associations n’y soient pas plus formellement associées, en particulier en ce qui concerne la lutte contre les violences faites aux femmes. En effet, en créant le Haut Conseil à l’égalité, le décret n° 2013-3 du 3 janvier 2013 a supprimé la commission nationale contre les violences envers les femmes. Celle-ci, créée en 2001, regroupait des élus, des représentants de l’État et des représentants d’associations spécialisées et avait notamment pour mission « d'organiser la concertation des services de l'État avec les organismes et associations concernés, en matière de prévention, de prise en charge et de suivi des femmes victimes de violences, de prostitution et de traite ainsi qu'en matière de formation des professionnels ».

Or, il n’existe plus aujourd’hui d’instance, permettant d’impliquer le réseau associatif dans la définition de la stratégie globale de prévention et de lutte contre les violences. La Convention d’Istanbul prévoit pourtant dans son article 7 que ce processus doit « impliquer, le cas échéant, tous les acteurs pertinents tels que les agences gouvernementales, les parlements et les autorités nationales, régionales et locales, les institutions nationales des droits de l’homme et les organisations de la société civile ».

Une telle instance manque donc pour permettre un dialogue multilatéral, organisé et cohérent entre l’État et le monde associatif, ce que nombre d’auditionnés n’ont pas manqué de rappeler à votre rapporteure.

Le Haut Conseil à l’égalité, quant à lui, devrait pouvoir recevoir les moyens nécessaires pour pouvoir mener à bien sa mission première définie par le décret précité, c’est-à-dire « [contribuer] à l’évaluation des politiques publiques conduites en matière de droits des femmes et d’égalité entre les femmes et les hommes et, notamment, [mettre] en exergue les écarts entre les objectifs et les résultats mesurés, dans tous les champs de la vie sociale ».

Recommandation n° 20 : renforcer le pilotage de la politique transversale d’égalité en réunissant deux fois par an le comité interministériel, en impliquant les associations, sur une base régulière, à la définition des plans pluriannuels, en particulier de lutte contre les violences, et en permettant au HCE de contribuer plus activement à l’évaluation des politiques menées.


—  1  —

   TRAVAUX DE LA dÉlÉgation

Lors de sa réunion du 31 octobre 2023, sous la présidence de M. Guillaume Gouffier-Valente, vice-président, la Délégation a adopté le présent rapport.

La vidéo de cette réunion est accessible en ligne sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/tDTExy

 


—  1  —

   annexe I : liste des personnes auditionnÉes
par la DÉLÉGATION

 

Mercredi 11 octobre 2023

Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

– M. Jean-Benoît Dujol, directeur général de la cohésion sociale, délégué interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes ;

– Mme Catherine Petit, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (SDFE) ;

– Mme Catherine Morin, cheffe adjointe du SDFE.

 


—  1  —

   annexe II : liste des personnes auditionnÉes
par la RAPPORTEURE

● Lundi 9 octobre 2023

Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF)

– Mme Françoise Brié, directrice générale ;

– Mme Mine Günbay, future directrice générale ;

– Mme Maryse Bergé, membre du conseil d’administration.

 

Fédération Nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF)

– Mme Clémence Pajot, directrice générale ;

– M. Grégoire Leray, directeur administratif et financier.

 

● Mercredi 11 octobre 2023

Cour des comptes

– Mme Catherine Démier, présidente de la 5e chambre ;

– Mme Maïa Rohner, conseillère référendaire ;

– M. Richard Lebaron, conseiller référendaire ;

– M. Emmanuel Noyaret, conseiller référendaire ;

 

● Jeudi 12 octobre 2023

Haut Conseil à l’égalité (HCE)

– Mme Sylvie Pierre-Brossolette, présidente.

 

● Vendredi 13 octobre 2023

Mouvement français pour un planning familial

– Mme Sarah Durocher, présidente nationale ;

– Mme Albane Gaillot, chargée de plaidoyer ;

– M. Elie Bouet, membre du bureau.

Mouvement du Nid-France

– Mme Stéphanie Caradec, directrice.

 

● Lundi 16 octobre 2023

Table ronde sur la diplomatie féministe

Care France

– Mme Aurore Peirera, chargée de plaidoyer égalité de genre.

Coordination Sud

– Mme Mélanie Pelascini, chargée de plaidoyer.

Equipop

– M. Nicolas Rainaud, responsable du plaidoyer.

Oxfam France

– Mme Sandra Lhote Fernandes, responsable de plaidoyer santé et égalité femmes-hommes.

 

Fondation des Femmes

– Mme Floriane Volt, directrice des affaires publiques et juridiques.


   ANNEXE III : AMENDEMENTS DE VOTRE RAPPORTEURE DÉPOSÉS EN COMMISSION DES FINANCES

 

ARTICLE 35

ÉTAT B

Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

 

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

0

0

Handicap et dépendance

0

0

Égalité entre les femmes et les hommes

800 000

0

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

0

800 000

TOTAUX

800 000

800 000

SOLDE

0

 


 

ARTICLE 35

ÉTAT B

Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

 

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

0

0

Handicap et dépendance

0

0

Égalité entre les femmes et les hommes

240 000

0

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

0

240 000

TOTAUX

240 000

240 000

SOLDE

0


 

 

ARTICLE 35

ÉTAT B

Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

 

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

 

 

(en euros)

Programmes

+

-

Inclusion sociale et protection des personnes

0

0

Handicap et dépendance

0

0

Égalité entre les femmes et les hommes

600 000

0

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

0

600 000

TOTAUX

600 000

600 000

SOLDE

0


 

 

ARTICLE 38

ÉTAT G

Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

Après l’alinéa 1500, insérer l’alinéa suivant :

« Part des crédits du programme n° 137 dédiés à la lutte contre la prostitution et à l’accompagnement des personnes prostituées financés par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) ».

 

 

ARTICLE 38

ÉTAT G

Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

Après l’alinéa 1503, insérer l’alinéa suivant :

« Taux d’appels traités par la permanence téléphonique ayant abouti à une orientation vers une structure d’accompagnement ».

 

 

ARTICLE 38

ÉTAT G

Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

Après l’alinéa 1503, insérer l’alinéa suivant :

« Nombre de femmes bénéficiaires de l’aide universelle d’urgence aux personnes victimes de violences ».

 

 

 

 

ARTICLE 38

ÉTAT G

Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

Substituer aux alinéas 1504 et 1505 les trois alinéas suivants :

« Promouvoir l’égalité professionnelle et l’autonomie économique des femmes »

« Nombre de femmes accompagnées vers l’emploi par les services emploi et les bureaux d’aide individualisée vers l’emploi (BAIE) et les services emploi »

« Nombre de femmes accompagnées vers l’entrepreneuriat grâce à des projets ou partenariats financés par le programme n° 137 ».

 

 


([1]) La composition de la Délégation figure au verso de la présente page.

([2])  PAP du programme 137, mission Solidarité, insertion, égalité des chances, annexé au projet de loi de finances pour 2024

([3]) Document de politique transversale, « Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes », annexe au projet de loi de finances pour 2024.

([4]) Proposition de loi d’initiative sénatoriale déposée par Mme Valérie Létard, Groupe Union Centriste.

([5]) Fédération nationale des CIDFF, Fédération nationale solidarité femmes, Mouvement français pour un Planning familial.

([6]) Cette stratégie a notamment été déployée à travers différentes mesures fortes des lois et projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, 2023 et 2024.

([7]) Cette action dispose d’un budget de 12 585 444 euros en PLF pour 2024, en hausse de 28 % par rapport à la LFI 2023.

([8]) Le montant total des hausses de crédit est lui-même assez difficile à établir, voir b. infra.

([9]) Site du ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

([10]) Cour des comptes, septembre 2023, La politique d’égalité entre les femmes et les hommes menée par l’État, Fondation des femmes, septembre 2023, Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ?.

([11]) Le site ivg.gouv.fr liste les missions suivantes : prévention des infections sexuellement transmissibles ; égalité entre les femmes et les hommes ; violences faites aux femmes, y compris les violences sexuelles ; éducation à la sexualité en milieu scolaire et autres ; respect des orientations sexuelles, des identités de genre, des personnes intersexuées, respect de l'intimité des personnes âgées, en situation de handicap et de toutes les personnes vulnérables.

([12])  Enquête citée par la Fondation des Femmes dans son rapport « Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ? », op.cit.

([13]) ALT1 : aide aux organismes qui logent temporairement des personnes défavorisées : le coût annuel de tels hébergements est estimé à 3 650 €, contre 18 000 € pour les places en CHRS.

([14])  Ce nouvel instrument devra également répondre à des objectifs d’égalité entre les femmes et les hommes. Au moins 85 % des nouvelles actions qui seront mises en œuvre à travers cet instrument devront avoir pour objectif principal ou significatif l’égalité de genre.

([15])  Chargé d’évaluer la stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018-2022), le HCE estime que « les efforts devront être nettement intensifiés pour être en cohérence avec les objectifs fixés pour 2025 de 75 % (…) ainsi que l’objectif européen de 85 % d’aide marquée 1 et 2 » dans son rapport « Diplomatie féministe : passer aux actes »  de juillet 2023.

([16]) Mme Sandra Lhote Fernandez, responsable de plaidoyer santé et égalité femmes-hommes, Oxfam, Mme Mélanie Pelascini, chargée de mission analyse et plaidoyer, Coordination Sud, Mme Aurore Pereira, chargée de plaidoyer égalité de genres, Care France et M. Nicolas Rainaud, responsable du plaidoyer France et international, Equipop.

([17]) Selon le DPT, « doté de 200 M€ par an, le Fonds Paix et Résilience Minka est l’outil de l’AFD pour agir sur les crises et apporter une réponse rapide aux populations locales dans l’objectif de consolider la paix au sein des quatre bassins de crises prioritaires pour la France : le Sahel, le Lac Tchad, la RCA et le Moyen-Orient ».

([18]) Rapport d’information n°1689 de Mme Julie Delpech pour la Délégation aux droits des femmes, sur la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023, p 32.

([19])  Rapport d’information n° 1240 de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, Pour une budgétisation intégrant l’égalité, rapporteures : Mmes Céline Calvez et Sandrine Josso.

([20]) Rapport d’information n° 1240, Pour une budgétisation intégrant l’égalité, op. cit.