N° 2626

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 mai 2024.

            RAPPORT D’INFORMATION

            dÉposÉ

en application de l’article 145 du Règlement

 

PAR LA MISSION D’INFORMATION ([1])

 

sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation
d’un parcours
résidentiel durable

            et prÉsentÉ par

            M. StÉphane PEU, Président,

            et

            M. MickaËl COSSON, Rapporteur,

            Députés

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TOME I  RAPPORT

 

La mission d’information, créée par la Conférence des président, sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation d’un parcours résidentiel durable est composée de : M. Stéphane Peu, président ; M. Mickaël Cosson, rapporteur ; MM. Thibault Bazin et Dominique Da Silva, vice-présidents ; Mmes Martine Étienne et Anaïs Sabatini, vice-présidentes, Mmes Anne Brugnera, Véronique Louwagie, Marjolaine Meynier-Millefert, M. François Piquemal, secrétaires ; M. Julien Bayou, Mme Véronique Besse, M. Lionel Causse, M. Iñaki Echaniz, M. Frédéric Falcon, M. François Jolivet, Mme Annaïg Le Meur, M. Philippe Lottiaux, Mme Jacqueline Maquet, M. William Martinet, M. Jean-Paul Mattei, M. Paul Molac, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Alexandre Vincendet, M. Guillaume Vuilletet, membres.


SOMMAIRE

 

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Pages

Avant-propos du président

PROPOSITIONS de la mission d’information

Introduction

Partie I – Le logement en France : un secteur en crise profonde

A. Une demande insatisfaite et évolutive

1. Des parcours résidentiels compromis, voire bloqués

a. L’augmentation des dépenses liées au logement pèse durablement sur leur budget

b. La hausse du coût du logement s’accompagne d’une amélioration de la qualité des logements

c. La hausse continue des prix et des loyers accentue les inégalités et conduit à une demande croissante de logements sociaux

2. Un parc existant partiellement inadapté aux nouveaux besoins

a. Une diminution préoccupante de la part des résidences principales au bénéfice des résidences secondaires et du locatif de court séjour

b. La hausse continue de la part des logements vacants témoigne d’une inadaptation partielle du parc de logement

c. Des souhaits de changement de logement durablement insatisfaits et la persistance du mal-logement

3. Des besoins en logements croissants et évolutifs

a. Les besoins réels en logement doivent être objectifs et affinés au niveau territorial

b. L’offre de logements doit être adaptée aux différentes étapes du cycle de la vie et au parcours résidentiel

c. La carence de logements crée des difficultés de recrutement, qui pèsent sur l’emploi et la croissance

B. Une offre de logement fragilisÉe par un environnement dÉfavorable et des Évolutions structurelles

1. Le financement de la construction fragilisé par un environnement défavorable

a. Un modèle de financement de l’offre de logement dépendant de mécanismes fiscaux anciens progressivement mis en extinction et d’une politique monétaire longtemps accommodante.

b. Des facteurs conjoncturels exacerbent les difficultés structurelles inhérentes au secteur de la construction

2. Des défis structurels majeurs à affronter

a. Les objectifs de rénovation énergétique et d’adaptation du parc existant s’ajoutent à ceux de construction de l’immobilier neuf à haute performance qui constituent des contraintes sur l’offre immobilière

b. L’objectif de zéro artificialisation nette accroît les difficultés d’accès au foncier et oblige à construire « la ville sur la ville »

3. Les atouts du modèle français d’aide au logement doivent être confortés

a. Le rôle essentiel du financement de la construction sociale par la Caisse des dépôts et consignations

b. Un temps fragilisé, Action Logement a su accroître sa contribution à l’offre de logement pour les salariés, et son modèle doit désormais être conforté.

Partie II – Propositions pour des parcours résidentiels durables

A. Territorialiser la politique du logement afin d’optimiser les parcours résidentiels

1. La politique du logement doit s’inscrire dans une approche d’ensemble sur son territoire

2. La territorialisation de la politique du logement : une réalité déjà existante qu’il convient d’approfondir

B. Conforter le logement social et abordable pour en faire un ÉlÉment du parcours rÉsidentiel

1. Redonner aux secteur social les moyens financiers de produire du logement abordable

2. Optimiser l’utilisation du parc social

a. Renforcer l’adéquation entre les structures de l’offre et de la demande de logement social

b. Faire contribuer le logement intermédiaire à la diversification de l’offre sans affaiblir les objectifs de production de logements sociaux

c. Encourager l’accession sociale à la propriété

3. Mobiliser les employeurs privés et publics

a. Permettre aux employeurs d’offrir à leurs salariés un accès à un logement abordable à proximité de leur lieu de travail

b. Permettre l’accès à un logement abordable pour les agents publics

C. Agir sur tous les leviers qui améliorent le marchÉ du logement afin d’accroître la mise à disposition de résidences principales

1. Sécuriser les propriétaires et les locataires

a. Aux garanties nouvelles pour les propriétaires…

b. … doivent répondre des protections supplémentaires pour les locataires

2. Pour une fiscalité immobilière plus juste et plus efficace

a. Alléger massivement la fiscalité pour les primo-accédants

b. Rendre la fiscalité des revenus locatifs plus juste et plus incitative

c. La fiscalité doit frapper plus lourdement les situations de rétention immobilière afin d’inciter les propriétaires à louer ou mettre en vente des logements

d. Faire bénéficier les collectivité d’un « choc de trésorerie » résultant d’une nouvelle fiscalité sur les plus-values foncières issues de l’enrichissement consécutif au ZAN

e. À plus long terme, engager des réformes conduisant à faire peser plus fortement la fiscalité sur la détention des logements plutôt que sur la construction, la location ou les mutations immobilières

EXAMEN du rapport

contributions ÉCRITES DES groupes

Contribution DU groupe Rassemblement National

Contribution DU groupe LA France Insoumise

Contribution DU groupe socialiste

Liste des personnes auditionnées

 


    

   Avant-propos du président

Notre pays traverse une crise du logement inédite, la plus importante depuis l’après-guerre : un million de personnes sont privées de logement, plus de quatre millions sont mal logées, plus de douze millions sont en situation de fragilité et 2,6 millions de ménages sont en attente d’un logement HLM.

Depuis des mois, les acteurs du logement (fédérations du bâtiment, promoteurs immobiliers, organismes HLM, associations, élus locaux, …) tirent la sonnette d’alarme. Et après avoir longtemps alerté sur le risque d’une bombe sociale à retardement, nombreux disent désormais qu’elle a explosé.

Le premier facteur de cette crise profonde, source d’une immense souffrance sociale, est le manque criant de construction de logements. Le choc d’offre promis n’a toujours pas eu lieu. En 2023, nous comptons seulement 280 000 mises en chantier tous types de logements confondus, soit à peine au-dessus du point bas historique de 1992-1993.

Un autre facteur de cette crise est la raréfaction de l’offre de logement dans le parc locatif privé. Elle est en particulier due à la mode des locations de meublés de tourisme. Leur nombre a quasiment triplé depuis 2016 pour s’établir à plus de huit cent mille, avec pour corollaire un renchérissement des coûts du foncier, et pour conséquence l’éviction des résidents permanents. Il a fallu des années de combats pour obtenir une première loi et des décrets d’applications afin de limiter le nombre de jours de locations, gageons que la dernière et très récente initiative parlementaire visant à remédier aux déséquilibre du marché en zone tendue porte rapidement ses fruits.

Cette extrême tension à laquelle s’ajoute un contexte économique particulièrement défavorable – inflation, durcissement des conditions de crédit, hausse des taux d’intérêts, flambée des prix de l’énergie… – nécessite des actions gouvernementales fortes avec un objectif clair celui de renouer avec notre histoire singulière sur le sujet, mêlant initiative privée et logement public.

Cette mission d’information parlementaire que j’ai présidée s’est donc donné pour objectif de dégager des consensus afin de bâtir des propositions transpartisanes sur toutes les composantes du logement (privé, public, locatif, aide à la primo‑accession, aux maires bâtisseurs, à la pierre …) et d’agir sur le parcours résidentiel durable.

Après plusieurs mois d’auditions, cette mission s’achève par la publication de ce rapport. Je souhaite remercier le rapporteur et l’ensemble de nos collègues qui ont alimenté la réflexion de la mission par leurs interventions et leurs questions aux personnalités auditionnées.

Pour conclure cet avant-propos, je souhaite insister sur la nécessité évidemment de préserver le logement HLM, et par là même la loi SRU souvent, et très injustement, décriée. Car un chiffre témoigne à lui-même de son efficacité : depuis 2001, 50 % des logements HLM construits l’ont été dans les villes soumises à la SRU. Sans cette loi, on peut légitimement penser qu’une grande partie de ces logements ne serait pas sortie de terre. Il s’agit donc d’un puissant levier de production de logements et de solidarité entre les territoires, qu’il faut conserver et non détricoter.

 


  PROPOSITIONS de la mission d’information

Une approche des politiques du logement en fonction des territoires et des parcours résidentiels

Recommandation n° 01 : Territorialiser les objectifs en matière de construction de logements.

Recommandation n° 02 :  Définir des objectifs de logement en fonction de la typologie des publics bénéficiaires (étudiants, jeunes actifs, jeunes ménages seniors…).

Recommandation n° 03: Élaborer des approches stratégiques qui incorporent l’aménagement du logement au sein des politiques industrielles.

Recommandation n° 04 : Développer une boîte à outils à disposition des territoires afin de favoriser une meilleure différenciation des politiques du logement.

Recommandation n° 05 : Permettre une prise en compte des dynamiques territoriales, et de leurs besoins en logements, dans la mise en œuvre du ZAN.

Recommandation n° 06 : Prioriser la construction de logements lors de la mise en œuvre du ZAN.

Recommandation n° 07 :  Favoriser un meilleur parcours résidentiel à chaque étape de la vie.

Recommandation n° 08 : Prendre en compte les difficultés particulières des territoires ultramarins.

Recommandation n° 09 : Confier davantage de responsabilités aux intercommunalités, au travers du statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH).

Recommandation n° 10 : À l’exemple du « Pinel Breton », expérimenter des versions régionalisées de dispositifs nationaux d’incitation à la construction de logements.

Recommandation n° 11 : Rétablir l’aide aux maires bâtisseurs contribuant à l’effort de production de nouveaux logements par le versement d’une aide forfaitaire.

Recommandation n° 12 : Pour le calcul des dotations financières des collectivités territoriales, mieux tenir compte du surcroît de charges occasionnées pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale conduisant des politiques de logement et de rénovation énergétique volontaristes.

Recommandation n° 13 : Améliorer le soutien à l’ingénierie publique locale en matière d’urbanisme.

Pour un choc d’offre en faveur du logement social et abordable

Recommandation n° 14 (président Stéphane Peu) : Revenir sur les effets de la réduction de loyer de solidarité (RLS) afin de restituer aux organismes HLM une capacité d’investissement supplémentaire annuelle de l’ordre de 1,3 Md€.

Recommandation n° 15 : Étendre le taux de TVA de 5,5 % à l’ensemble de la production de logements sociaux et conventionnés.

Recommandation n° 16 : Augmenter les contributions de l’État au fonds national d’aide à la pierre (Fnap).

Recommandation n° 17: Maintenir dans la durée les financements à taux bonifié accordés par la Banque des territoires et y préserver la part consacrée à la rénovation thermique des logements.

Recommandation n° 18: Assortir la hausse du financement du logement social de garanties tenant à l’organisation des parcours résidentiels, à la mobilité des locataires et à la gestion du parc existant.

Recommandation n° 19 : Mieux organiser les mutations au sein du parc social, en incitant les locataires en situation de sous-occupation à accepter un logement plus petit grâce à des contreparties financières (garantie d’absence de hausse du loyer, prise en charge sous conditions de ressources de certains frais liés au déménagement).

Recommandation n° 20 : Mieux organiser les mutations au sein du parc social en favorisant l’accession sociale à la propriété.

Recommandation n° 21 : Rapprocher l’offre de services d’Action Logement des besoins des petites et moyennes entreprises (PME).

Recommandation n° 22 : Assujettir à la participation de l’employeur à l’effort de construction (Peec) l’ensemble des entreprises de plus de dix salariés afin d’établir un lien financier entre Action logement et l’ensemble des PME.

Recommandation n° 23 : Mobiliser les branches professionnelles pour faciliter l’accompagnement des salariés.

Recommandation n° 24 : Développer, pour les agents publics, une offre de services comparable à celle d’Action Logement, financée le cas échéant par une cotisation assise sur la rémunération des agents.

Recommandation n° 25 : Promouvoir les mécanismes d’intermédiation locative et conforter les acteurs territoriaux de l’information sur le logement.

Recommandation n° 26 : Soutenir la montée en charge du dispositif Visale.

Recommandation n° 27 (président Stéphane Peu) : Engager une réflexion visant à la mise en place d’une garantie universelle des loyers (GUL).

Pour une fiscalité immobilière plus juste et plus efficace 

Recommandation n° 28 : Consacrer prioritairement les marges de manœuvres résultant de réformes de la fiscalité immobilière à des mesures encourageant la primo-accession à la propriété d’une résidence principale : TVA à 5,5 % dans le neuf, droits de mutation à titre onéreux à taux de faveur, élargissement du prêt à taux zéro, réduction du taux de TVA pour les travaux d’amélioration assortie, le cas échéant, d’une exonération temporaire de taxe foncière.

Recommandation n° 29 : Mettre fin aux avantages fiscaux dont bénéficie la location meublée touristique de courte durée.

Recommandation n° 30 : Faire aboutir la réflexion sur les conditions de suppression progressive de la distinction fiscale entre location meublée et location non meublée.

Recommandation n° 31 : Établir un régime fiscal plus favorable aux revenus fonciers sous condition de durée de location, de niveau de loyer et de performance énergétique.

Recommandation n°32: Poursuivre la modernisation de la fiscalité sur les logements vacants et les résidences secondaires, en généralisant la taxe sur les logements vacants (TLV) et la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) à l’ensemble du territoire, en en excluant seulement les territoires en déprise. Concomitamment, augmenter le taux de la TLV et le plafond de majoration de la THRS.

Recommandation n° 33 : Afin de décourager les comportements de rétention immobilière visant à éviter l’impôt sur les plus-values immobilières, remplacer les abattements pour durée de détention par l’actualisation de la valeur d’acquisition du bien en fonction d’un indice statistique (inflation, coût de la construction) pour déterminer la plus-value imposable.

Recommandation n° 34 : Faire bénéficier les collectivités d’un « choc de trésorerie » en taxant les plus-values foncières résultant du ZAN en fusionnant les deux taxes existantes applicables aux plus-values de cession de terrain rendu constructible, en accroissant leurs assiettes et leurs taux, et en attribuant le rendement principal au bloc communal pour des dépenses d’aménagement et d’aide à la construction de logement.

Recommandation n° 35 : Mettre à profit la révision des valeurs locatives à l’échéance de 2028 pour procéder à la bascule d’une partie de la fiscalité du logement vers l’impôt foncier, afin de réduire à due concurrence les impôts pesant sur les transactions ou les locations immobilières.

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   Introduction

Créée le 20 juin 2023 à la demande du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), la présente mission d’information sur l’accès des Français à un logement digne et la réalisation d’un parcours résidentiel durable est née du constat que la France, en matière de logement, est confrontée à une crise profonde et complexe qui ébranle les fondations mêmes du droit à un logement décent pour tous.

Cette crise du secteur se traduit par un accroissement significatif de la demande de logements insatisfaite, un phénomène qui se trouve amplifié par une progression soutenue des coûts d’accès à la propriété ou à la location, ainsi que par une exacerbation des inégalités socio-économiques au sein de la population.

Face à cette situation, de nombreux rapports ont été publiés au cours de la période récente sur ce sujet. S’ils sont divers dans leurs approches et leurs conclusions, ces rapports partagent néanmoins un point commun : tous mettent en lumière l’urgence d’agir et la nécessité d’un dialogue constructif pour forger des solutions durables. Parmi ces publications, le 29e rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mallogement ([2]), le document d’analyse et de proposition présenté par l’Association des maires de France ([3]) ainsi que plusieurs travaux parlementaires – notamment, le rapport de nos collègues Daniel Labaronne et Charles de Courson au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété ([4]) et les réflexions en cours au sein de la mission d’information sénatoriale relative à la crise du logement ([5]) – dressent un tableau alarmant, mais nécessaire, de la situation du logement en France.

La présente mission d’information a donc conduit ses travaux dans un climat de volonté forte d’expression et de débat, portée par l’espoir d’une meilleure compréhension des enjeux et des défis pour assurer une politique du logement rénovée et plus efficace.

À cet égard, la mission salue la démarche de concertation impulsée par le Conseil national de la refondation (CNR Logement), lancée en novembre 2022 par les ministres Christophe Béchu et Olivier Klein et dont les travaux ont été présentés le 5 juin 2023 à la Première ministre Elisabeth Borne et au Haut-Commissaire au plan François Bayrou.

Cette démarche a su fédérer une pluralité d’intervenants du domaine du logement, parmi lesquels figurent experts, élus, représentants de la société civile et acteurs économiques.

Le CNR Logement a ainsi pu élaborer un diagnostic commun et consensuel sur l’état du logement en France, jetant ainsi les bases d’une politique rénovée apte à affronter les défis préalablement identifiés.

La présente mission d’information partage les conclusions consensuelles issues des concertations du CNR Logement, mettant en avant une série de recommandations stratégiques qui s’articulent autour de trois axes majeurs.

Ces axes visent à redynamiser l’accès au logement pour tous, notamment en renforçant l’accès à la propriété à travers des mesures comme le prêt à taux zéro amélioré et le bail réel solidaire, et à promouvoir un marché plus équitable, permettant à chaque citoyen de trouver un logement adapté à ses besoins et à ses moyens.

La mission partage également le constat du CNR de stimuler la production de nouveaux logements pour répondre à une demande sans cesse croissante, en simplifiant les procédures administratives pour la délivrance des permis de construire et en incitant les investissements dans la construction résidentielle, notamment par la collaboration avec les élus locaux pour initier un renouvellement urbain et traiter les friches urbaines.

Enfin, l’accent est mis sur l’intégration de la durabilité environnementale dans la stratégie de logement, en encourageant la rénovation énergétique des bâtiments existants et la promotion des normes d’écoconstruction pour les nouveaux projets, afin de réduire l’empreinte écologique du secteur du logement.

Parallèlement, l’activité législative dans le secteur du logement s’intensifie, témoignant de la volonté politique remédier à la crise. La promulgation récente de la loi visant à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement ([6]), ainsi que les examens en cours de textes visant à encadrer la location touristique ([7]) ou à favoriser la transformation de bureaux en logements ([8]), ouvrent de nouvelles perspectives pour augmenter l’offre de logements. De plus, l’annonce imminente de simplifications procédurales promet de faciliter encore la construction et la rénovation des bâtiments.

À cela nous pouvons abonder les différentes mesures initiées ou qui restent à initier par le gouvernement et les parlementaires tels que Loc’Avantages, l’appel à projet lancé par le gouvernement qui a retenu 74 zones commerciales pour rénover ces zones en instaurant du logement, la sélection de 22 territoires engagés pour le logement.

Le rapporteur considère aussi que s’impose des réflexions sur de nouveaux outils : par exemple, l’exonération des droits de donation favorisant la solidarité intergénérationnelle pour l’acquisition de résidences principales. La discussion prochaine du projet de loi sur le logement abordable donnera également l’occasion de mener une réflexion sur le périmètre de la loi SRU, notamment pour le cas des communes situées dans les intercommunalités soumises SRU mais qui ne sont pas elles-mêmes concernées car elles n’atteignent pas le seuil de population.

Bref, une action du gouvernement pour multiplier les dispositifs afin de favoriser l’accès au logement mais aussi un travail en parallèle pour sécuriser les propriétaires confrontés à des loyers impayés par un dispositif innovant prenant le relais en cas de défaillance du locataire.

Au-delà des mesures immédiates et des actions en cours, la mission d’information s’inscrit dans une perspective plus large, celle de préparer le terrain pour un débat autour d’un futur projet de loi majeur sur l’avenir du logement en France qui s’annonce comme un moment décisif pour la définition et l’orientation des politiques du logement pour les années à venir.

Dans cette optique, la présente mission d’information formule des préconisations d’ordre administratif, législatif et fiscal, dont l’objectif est double : répondre de manière urgente et efficace aux défis actuels, et poser les bases d’une politique du logement durable.

Les travaux et analyses de la mission d’information confirment l’urgence d’une intervention d’ensemble du législateur, pour répondre aux difficultés croissantes des Français à accéder à un logement adapté à leurs besoins et abordable, surtout dans les zones tendues.

La mission d’information doit en effet faire état de l’inadaptation du parc existant aux besoins résidentiels de la population comme le montre la réduction des résidences principales au profit des logements secondaires ou des meublés de tourisme ainsi que la hausse du nombre de logements vacants. De ce fait, la mobilité dans le parc locatif en France est limitée : les désirs de changement de logement restent largement insatisfaits. La mission d’information insiste sur la nécessité de définir les besoins réels en logement de manière objective et affinée au niveau territorial. La carence de logements a un impact négatif sur l’emploi et la croissance, tandis que l’offre doit être pensée pour s’adapter aux différentes étapes de la vie des citoyens.

Dans ce contexte, le financement de la construction apparaît fragilisé, pâtissant d’un environnement fiscal et monétaire défavorable qui entrave la capacité du secteur à répondre efficacement aux besoins de logements, tant dans les domaines du logement social et abordable que de la promotion immobilière dans son ensemble. La mission d’information souligne la nécessiter de redonner des marges financières au secteur afin de permettre de continuer à produire des logements neufs et performants tout en assumant les charges de la rénovation énergétique et de l’adaptation du parc existant.

La mission d’information souligne la nécessité impérieuse de renforcer la logique de durabilité environnementale dans le secteur du logement via la rénovation énergétique et la limitation de l’extension urbaine.

Pour répondre à ces enjeux, la mission d’information transpartisane formule des recommandations ciblées : elle prône une territorialisation de la politique du logement pour ancrer les décisions dans les réalités locales, propose des mesures visant à un « choc d’offre » au bénéfice du logement social et abordable, et suggère des ajustements fiscaux pour stimuler le marché, tout particulièrement au bénéfice de la primo-accession, et pour que la fiscalité du foncier, dans le contexte du zéro artificialisation nette (ZAN), apporte aux communes concernées un « choc de trésorerie » permettant de financer leurs politiques d’aménagement et de logement.

Ces propositions visent à sécuriser à la fois les propriétaires et les locataires, à encourager l’investissement dans le logement social, et à promouvoir une offre locative plus attractive.

Il revient désormais à l’ensemble de la représentation nationale, et au Gouvernement, de se saisir de ces propositions pour que le débat autour du grand projet de loi sur le logement à venir permette de répondre aux aspirations nombreuses et convergentes exprimées par des pans entiers de la société française.

 Certaines des propositions présentes dans le rapport, telles que celles de revenir sur la réduction de loyer de solidarité ou la garantie universelle des loyers, sont issues des différentes auditions du monde du logement social et à ce stade ne doivent être considérées que comme des recommandations.

Cependant, chacun s’accorde sur la nécessité de chercher à redonner de la capacité d’investissement pour produire les logements sociaux suffisants ou redonner confiance aux propriétaires.

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   Partie I – Le logement en France : un secteur en crise profonde

La crise profonde que traverse aujourd’hui le secteur du logement en France est le produit de tensions structurelles, accumulées au fil des ans et que des éléments conjoncturels ont exacerbées plus récemment.

La hausse du coût du logement, en locatif ou en accession à la propriété, pèse lourdement sur le budget des ménages et tend à figer les situations acquises. Par ailleurs, au regard de réalités démographiques et de besoins évolutifs, il apparaît que le parc existant n’apporte que des réponses imparfaites.

Du côté de l’offre, le financement de la construction, dépendant de mécanismes fiscaux anciens et d’une politique monétaire changeante, est mis à l’épreuve par divers facteurs conjoncturels. Concomitamment, le secteur doit relever des défis structurels majeurs, notamment les exigences de rénovation énergétique et l’adaptation des parcs existants. L’objectif de zéro artificialisation nette impose un réaménagement urbain intelligent, mais complexifie l’accès au foncier.

A.   Une demande insatisfaite et évolutive

La capacité des ménages à concrétiser leurs parcours résidentiels est aujourd’hui compromise par l’augmentation significative des dépenses liées au logement. Cette hausse a une incidence durable sur leur budget, malgré une amélioration notable de la qualité des logements. Parallèlement, cette hausse des coûts aggrave les disparités sociales et alimente une demande croissante en logements sociaux, révélant des inégalités profondément enracinées dans le secteur du logement.

1.   Des parcours résidentiels compromis, voire bloqués

a.   L’augmentation des dépenses liées au logement pèse durablement sur leur budget

La hausse des prix et celle des loyers alimentent une dynamique défavorable, qui explique les difficultés actuelles du secteur du logement pour les ménages.

Depuis la fin des années quatre-vingt, les loyers ont en effet connu une hausse presque ininterrompue. Cette hausse a été un peu plus élevée, surtout en début de période, dans le secteur libre que dans le secteur social.

Évolution de l’indice des loyers d’habitation (1966-2022)

Source : Insee (France hors Mayotte)

Cette hausse globale des loyers est la résultante d’une double évolution, une hausse de la qualité des logements (cf. infra) et une hausse des loyers à qualité constante.

Cette tendance est plus régulière que l’évolution des prix d’achat, dont la hausse est plus nette mais ne prémunit pas contre certaines baisses significatives, comme pendant la crise de 2008. Dans la décennie 2000, une hausse marquée des prix des logements a été enregistrée. Cette augmentation a été suivie par une période de baisse modérée, entrecoupée de fluctuations. Depuis 2016, les prix ont à nouveau augmenté, mais depuis les trois derniers trimestres, une diminution des prix des logements, à qualité constante, a été observée en raison de la hausse des taux directeurs de la Banque centrale européenne. Cette tendance est plus accentuée en Île-de-France.

Les variations des loyers sont moindres que celles des prix de l’immobilier, les prix ont augmenté nettement plus vite que les revenus. Alors qu’en moyenne la hausse des loyers entre 2000 et 2022 est d’environ 40 %, les prix de l’immobilier ont été multipliés entre 2,5 et 3 entre 2000 et 2022.

Évolution des prix, des loyers et des revenus (1996-2022)

Source : Contribution écrite de l’Insee.

L’écart croissant entre l’évolution des loyers et celle des prix immobiliers peut être partiellement attribué au plafonnement des loyers qui modère la hausse des coûts locatifs (cf. encadré).

Les politiques d’encadrement des loyers en France

La politique d’encadrement des loyers, alors appelée « Taxation des loyers », remonte à la Révolution française et à l’interdiction, imposée par l’État aux propriétaires, de dépasser un certain seuil de prix pour la location de leur bien ([9]).

Pendant la Première guerre mondiale, les pouvoirs publics instaurent un gel des loyers destiné à « soulager les familles dont un des membres était sous les drapeaux et à favoriser ainsi une acceptation des sacrifices consentis pour la défense de la patrie » ([10]). Ce blocage des loyers, lancé en 1914, ne fut partiellement levé qu’à partir de 1926.

En 1945 et face au manque criant de logements, les pouvoirs publics estimèrent nécessaire d’introduire plus de flexibilité. La loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 autorise ainsi une augmentation substantielle des loyers pour les contrats établis avant 1947, tout en assurant une protection pour les locataires à faible revenu. Cette loi a entraîné une augmentation de l’indice des loyers et des prix des logements jusqu’en 1965. Après une période de libéralisation des loyers dans la seconde moitié du XXe siècle, de nouvelles réglementations ont été introduites dans les années 2010, notamment la limitation de la hausse des loyers dans les grandes villes.

D’une part, l’évolution des loyers est plafonnée par la variation d’un indice de référence des loyers (IRL), créé dans sa version actuelle en 2008 et défini à l’article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Cet indice, publié chaque trimestre par l’Institut national de la statistique et des études économiques, correspond à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l’évolution de l’indice des prix à la consommation (IPC), hors tabac et hors loyers

D’autre part, la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi « Alur », a instauré un dispositif de plafonnement des loyers dans les « zones tendues », où un loyer ne peut pas dépasser de 20 % un loyer médian fixé par arrêté préfectoral, ni lui être inférieur de 30 %. Cependant, la mise en œuvre effective de cette mesure a été retardée par la nécessité de mettre en place des observatoires des loyers adéquats.

Ce plafonnement est initialement limité aux deux seules agglomérations de Paris (août 2016) et de Lille (janvier 2017). Le mécanisme est consolidé et généralisé par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique et s’appliquait dans vingt-quatre villes en 2023.

Afin de limiter l’impact de l’inflation sur le budget des ménages, la loi n° 222-1158 du 1er août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a plafonné temporairement à + 3,5 % la variation annuelle de l’indice de référence des loyers (IRL), un dispositif prolongé par la loi n° 2023-568 du 7 juillet 2023 maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs.

 

Enfin, l’augmentation des prix dans le marché immobilier se révèle être plus prononcée pour l’acquisition de biens anciens comparativement à celle des biens neufs. En vingt ans, les prix dans le neuf ont été multipliés par 2,4 et les prix dans l’ancien par 2,8 (3 en Île-de-France).

Évolution des indices de prix des logements

Source : Contribution écrite de l’Insee à la mission.

Toutefois, la hausse des prix de l’immobilier est moins marquée en France que dans certains pays européens. Depuis 2010, les marchés immobiliers européens ont connu des évolutions de prix très variées, mais dans l’ensemble, une tendance haussière a prévalu. Cette augmentation généralisée des prix immobiliers est principalement attribuable à la baisse significative des taux d’intérêt pour les crédits immobiliers. Une augmentation des revenus des ménages a également contribué à cette tendance, bien que dans une moindre mesure. La crise sanitaire liée à la covid-19 n’a pas entraîné de baisse des prix immobiliers. Sur une période de dix ans, l’Irlande a enregistré la plus forte hausse de prix de l’immobilier, avec une augmentation de 119,4 % entre fin septembre 2012 et fin septembre 2022 ([11]). Le Portugal a également connu une augmentation significative des prix immobiliers sur la même période, tandis que la France a connu une hausse plus modérée (+ 27,2 %). À l’inverse, l’Italie a enregistré une baisse des prix sur dix ans.

Évolution du prix des logements dans les principaux pays européens

Source : FNAIM, Le logement en France et en Europe, 2022

Les dépenses relatives au service de logement, incluant les loyers ainsi que les coûts en énergie, eau et entretien, représentent une part croissante de la consommation finale des ménages en France. Cette part a connu une augmentation notable depuis les années soixante, dépassant ainsi la plupart des autres catégories de dépenses.

Évolution des principaux postes de dépense des ménages (1971-2021)

Source : Insee, comptabilité nationale.

Du fait de la hausse des prix de l’immobilier et des loyers, le taux d’effort des ménages, défini comme la part de revenu disponible consacrée au logement, a nettement augmenté. En 2017, les ménages en France allouaient en moyenne 19,7 % ([12]) de leur revenu au logement. De 2001 à 2013, ce taux a connu une hausse généralisée pour tous les ménages, s’élevant à une augmentation de 2,1 points.

Ce taux d’effort varie selon le statut d’occupation des ménages : les locataires du marché privé y consacrent 28,6 % de leur revenu, les accédants à la propriété 27,5 %, tandis que les locataires du secteur social, bénéficiant de loyers régulés, y consacrent 24,1 % ([13]). Les propriétaires sans charges de remboursement de prêt immobilier ne consacrent, quant à eux, que 10 % de leur revenu au logement.

Taux d’effort des ménages pour le logement selon le statut de l’occupant

Source : Loïc Chapeaux d’après les données de l’Insee.

Le taux d’effort consacré au logement est nettement plus élevé pour les ménages les plus modestes, soulignant ainsi une disparité significative dans les charges de logement en fonction des niveaux de revenu. La proportion du revenu alloué au logement est plus élevée pour les 25 % des ménages aux revenus les plus modestes, avec 32,0 %, contre 14,1 % pour les ménages les plus aisés ([14]).

Sur le plan européen, le logement demeure la principale dépense de consommation finale des ménages au sein de l’Union européenne, avec une dépense moyenne de 23,7 % en 2021 ([15]). La France se positionne légèrement au-dessus de cette moyenne avec 24 %, se rapprochant des niveaux observés en Irlande, Danemark, Autriche et Allemagne.

b.   La hausse du coût du logement s’accompagne d’une amélioration de la qualité des logements

Selon l’enquête sur le logement menée par le SDES en 2020 ([16]), il apparaît une amélioration globale du confort et de la satisfaction des conditions de logement en France. Cette enquête révèle qu’en 2020, parmi les 29,5 millions de ménages résidant en France métropolitaine, 79,0 % estiment leurs conditions de logement satisfaisantes ou très satisfaisantes ; cette proportion s’accroît de 2,4 points par rapport à 2013.

Cette satisfaction varie toutefois considérablement selon le statut d’occupation des logements. Les propriétaires sont nettement plus satisfaits de leur situation de logement, avec un taux de satisfaction atteignant 90 %. En revanche, pour les locataires, le taux de satisfaction est sensiblement inférieur : en moyenne, 63 % des locataires expriment une satisfaction envers leur logement. Cette proportion diminue encore plus au sein du parc social collectif, où seulement 56 % des locataires se disent satisfaits de leurs conditions de logement.

Part des ménages estimant leurs conditions de logement satisfaisantes ou très satisfaisantes en 2020

Source : Sdes, Enquête logement 2020

La qualité des conditions de logement en France a connu une amélioration notable, caractérisée par plusieurs aspects :

 L’augmentation de la taille des logements : Selon Mme Christel Colin, directrice des statistiques démographiques et sociales à l’Insee, auditionnée par la mission : « Sur longue période, depuis les années 1970, la taille des logements a nettement augmenté, qu’elle soit calculée en surface globale, en nombre de mètres carrés par occupant ou en nombre de pièces. ». La surface moyenne des logements occupés a connu une légère hausse, particulièrement dans les maisons individuelles et le parc ancien. Cependant, les logements collectifs demeurent généralement plus petits que les logements individuels, et la surface disponible varie en fonction de l’âge des occupants, allant de 35 mètres carrés pour les personnes de 30 à 39 ans à plus de 70 mètres carrés pour les 75 ans et plus ([17]).

Surface moyenne disponible par occupant en 2013 et 2020
selon l’âge de la personne de référence