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N° 264 rectifié

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2017.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2018 (n° 235)

TOME XII

INVESTISSEMENTS DAVENIR

PAR Mme Marie LEBEC

Députée

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 Voir le numéro : 235 et 273 (annexe 15).

 


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  SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : Analyse budgétaire

I. Le troisiÈme plan dinvestissements davenir

A. Présentation générale des crédits de la mission

1. La mission « Investissements davenir » dans le projet de loi de finances pour 2018

2. Le programme 422 : « Valorisation de la recherche »

3. Le programme 423 : « Accélération de la modernisation des entreprises »

B. Le PIA 3 sinscrit dans une logique dinvestissement spécifique

1. Le PIA 3 marque une évolution nette par rapport aux PIA 1 et 2

2. La régionalisation des fonds du PIA 3 : une nouveauté à encourager

II. État stratège, État actionnaire, État investisseur

A. LÉtat se positionne davantage comme un investisseur de marchÉ

1. Lintervention de lÉtat dans léconomie reste légitime

2. Face au repli de lÉtat actionnaire, lÉtat investisseur progresse

B. Le PIA illustre ce repositionnement de lÉtat dans léconomie

1. Le levier du PIA pour stimuler léconomie dans des secteurs jugés stratégiques

2. La gouvernance innovante du PIA pour garantir lefficacité de la dépense publique

secONDe partie : ANALYSE THÉmatique

I. RECALIBRER LE PIA AU BénÉfice des trÈs petites, petites et moyennes entreprises

A. Valoriser les TPME pour densifier le tissu des entreprises de taille intermÉdiaire françaises

1. Le champ des TPME : un tissu dentreprises très hétérogène

2. La structuration en filières à linitiative de lÉtat et des régions

B. Le PIA bÉnÉficie-t-il suffisamment aux TPME ?

1. Une montée en puissance des projets à destination des TPE-PME encore trop marginale

2. Des besoins spécifiques en faveur de linternationalisation des PME

3. Recommandations

II. LÉvaluation stratÉgique du PIA : BEAUCOUP reste À faire

A. certains effets pervers risquent dapparaître

1. Le risque dune substitution au marché

2. Le risque dun mauvais calibrage des aides

3. Le risque de la dépendance à la subvention et du saupoudrage des fonds publics

B. Face À lampleur des sommes engagÉes, une Évaluation rigoureuse doit Être organisÉe

1. Les bénéfices socio-économiques des projets soutenus ne sont observables quà long terme

2. Lévaluation à court terme est insuffisante

a. Les indicateurs qualitatifs de la mission « Investissements davenir »

b. Les conventions avec lÉtat et le reporting au Parlement

C. Au-delà des projets, le PIA doit faire lobjet dune évaluation à part entière

EXAMEN EN commission

Liste des Personnes auditionnÉes


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   Introduction

L’État français est aujourd’hui engagé dans un effort d’investissement public historique. Outre les deux programmes d’investissements d’avenir (PIA) de 2010 et 2014 représentant 47 milliards d’euros, le troisième PIA qui sera financé à partir de 2018 et le nouveau Grand plan d’investissement devraient appuyer l’intervention de l’État à hauteur de 57 milliards d’euros.

L’objectif affiché est celui d’accompagner l’économie française vers la « frontière technologique », grâce à une innovation en pointe, à une numérisation accélérée du tissu des entreprises et à une réindustrialisation efficace, l’ensemble s’inscrivant dans un modèle de soutenabilité énergétique et écologique.

L’ampleur des moyens mis en œuvre par l’État justifie, à due proportion, une interrogation sur l’efficacité de la dépense publique : si la légitimité de l’intervention publique, dans des secteurs traditionnellement marqués par des défaillances de marché, ne pose pas question, l’évaluation de cette politique d’investissements massifs doit être menée avec justesse.

Le présent avis budgétaire, consacré aux crédits affectés à la mission « Investissements d’avenir », et plus spécifiquement aux programmes 422 et 423, dépasse le champ du seul PIA 3, concerné par ces crédits. Votre rapporteure souhaite revenir de façon exhaustive sur le fonctionnement du PIA, éclaircir sa gouvernance complexe et présenter les bénéfices qui en sont attendus pour l’économie française. Quelle figure prend aujourd’hui l’État investisseur, tandis que l’État actionnaire évolue et que l’État providence se redéfinit ?

Votre rapporteure consacre la seconde partie de son avis à l’analyse des modalités d’évaluation des différents PIA ainsi qu’à l’étude de leur articulation avec les autres initiatives de l’État en matière d’investissement. En particulier, les investissements d’avenir doivent intégrer une dimension essentielle de la transformation économique du pays : le développement des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) innovantes, qui concentrent un important potentiel d’emploi et de croissance en France. Il s’agira d’analyser dans quelle mesure ces entreprises bénéficient du PIA et de rechercher des pistes d’amélioration du ciblage des crédits vers ce tissu d’entreprises.

*

*     *

Votre rapporteure émet un avis favorable à ladoption des crédits de la mission « Investissements davenir ».

 


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   Première partie : Analyse budgétaire

I.   Le troisiÈme plan d’investissements d’avenir

A.   Présentation générale des crédits de la mission

1.   La mission « Investissements d’avenir » dans le projet de loi de finances pour 2018

La mission « Investissements d’avenir » concerne l’engagement des crédits du troisième programme d’investissements d’avenir. Les 10 milliards d’euros (Md€) dont il a été doté ont entièrement été engagés dans la loi de finances pour 2017. Dans le projet annuel de performances (PAP) annexé au projet de loi de finances pour 2017, les décaissements (déclinaison des autorisations d’engagement en crédits de paiement) de ces 10 Md€ devaient intervenir sur un rythme stable de 2 Md€ par an jusqu’en 2022.

En réalité, comme pour les deux précédents PIA, les décaissements présentés en lois de finances sont relativement fictifs : ils traduisent simplement le transfert de crédits budgétaires vers les opérateurs du PIA (voir ci-dessous), qui les utilisent à mesure que les appels d’offres sont réalisés.

L’historique des programmes d’investissements d’avenir

Le programme d’investissements d’avenir (PIA), issu des préconisations du rapport « Juppé ‑ Rocard » (Investir pour lavenir, novembre 2009), est une démarche d’investissement originale qui a pour ambition de préparer la France aux défis de demain, en finançant des projets particulièrement innovants, structurants et créateurs de richesse sur le long terme. L’originalité du PIA tient également au caractère collaboratif de ces projets, qui associent souvent grandes entreprises, laboratoires de recherche et petites et moyennes entreprises technologiques.

35 Md€ ont été déployés à partir de 2010 dans le cadre du premier PIA, au bénéfice de l’enseignement supérieur, de la recherche, de la valorisation et de l’innovation dans les secteurs stratégiques de l’économie française (industrie du futur, numérique, transport, énergie, santé). 12 Md€ ont renforcé cette dynamique à partir de 2014 dans le cadre du PIA 2.

Le PIA 3, voté il y a un an et doté de 10 Md€, est désormais une composante pleine et entière du Grand plan d’investissement (GPI) dont les axes d’intervention sont similaires : accélérer la transition écologique, édifier une société de compétences, ancrer la compétitivité sur l’innovation et construire l’État de l’âge numérique.

La gouvernance budgétaire du PIA 3 est toutefois un peu différente de celle qui a prévalu pour les PIA 1 et 2. Les crédits de ces deux programmes ont été entièrement engagés et versés aux opérateurs dans les lois de finances initiales pour 2010 et pour 2014 ([1]), au sein de programmes préexistants ou ad hoc. Or, les décaissements effectifs de ces crédits interviennent sur un rythme pluriannuel, en dérogation au principe d’annualité budgétaire qui impose que les crédits de paiement (CP) votés pour une année budgétaire soient effectivement dépensés cette année-là. À ce jour, par exemple, les crédits des PIA 1 et 2 ont été décaissés à hauteur de 18,2 milliards d’euros sur une enveloppe de 47 milliards d’euros, soit moins de 40 % des crédits engagés en 2010 et en 2014.

En ce qui concerne le PIA 3, il bénéficie d’une mission et de programmes spécifiques et stables dans le temps. Les crédits de paiements sont désormais votés chaque année (même si leur dépense effective reste pluriannuelle), ce qui permet d’améliorer la transparence sur leur déploiement. Ainsi, le PAP annexé au projet de loi de finances pour 2018 modifie sensiblement la trajectoire financière initialement prévue (2 Md€ par an) : en 2018 et 2019, 1,08 et 1,05 milliard d’euros devraient finalement être transférés aux opérateurs du PIA. En 2020, le rythme initialement prévu serait retrouvé, puisque 1,88 milliard devrait être voté en CP. Cette montée en charge très progressive des décaissements fait apparaître que 60 % des autorisations d’engagement (AE) du PIA 3, soit 5,99 milliards d’euros, devraient n’être dépensés qu’à partir de 2021 et 2022.

Cela s’explique notamment par le fait que de nombreux crédits des PIA 1 et 2 vont être dépensés jusqu’en 2020 ; le PIA 3 prendra la relève à partir de cette année-là pour conserver un rythme d’investissement annuel aussi important qu’équilibré.

PIA 3 – Trajectoire initialement prévue (PLF 2017)

(en M€)

Mission « Investissements davenir »

AE 2017

CP 2017

CP 2018

CP 2019

CP 2020

CP 2021

CP 2022

Programme 421 « Soutiens des progrès de lenseignement supérieur et de la recherche »

2 900

0

465

515

475

285

1 160

Programme 422

« Valorisation de la recherche »

3 000

0

585

635

675

665

440

Programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises »

4 100

0

950

850

850

1 050

400

TOTAL

10 000

0

2 000

2 000

2 000

2 000

2 000

 

PIA 3 – Trajectoire actualisée (PLF 2018)

(en M€)

Mission
« Investissements davenir »

AE 2017

CP 2018

CP 2019

CP 2020

CP 2021
et au-delà

Programme 421 « Soutiens des progrès de lenseignement supérieur et de la recherche »

2 900

142,5

212,5

355

2 190

Programme 422 « Valorisation de la recherche »

3 000

227

433

655

1 685

Programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises »

4 100

710

404

870

2 116

TOTAL

10 000

1 079,5

1 049,5

1 880

5 991

2.   Le programme 422 : « Valorisation de la recherche »

Ce programme est doté de 3 milliards d’euros en autorisations d’engagements, qui seront progressivement décaissés à partir de 2018, année pour laquelle 227 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus.

Si le programme monte en charge au fil des années (433 millions d’euros devraient être décaissés en 2019 et 655 millions en 2020), c’est en 2021 et en 2022 que plus de la moitié des crédits prévus seront dépensés (soit 1,69 milliard d’euros).

Le diagnostic qui a conduit à la création de ce programme est celui d’un succès des PIA 1 et 2 en matière de valorisation économique de la recherche, à la fois en termes de structuration des relations entre monde de la recherche et développement économique et en termes de soutien financier à des projets innovants. L’objectif du programme 422 est donc d’être un continuum efficace des initiatives passées : poursuivre et intensifier les efforts déjà réalisés tout en veillant à la lisibilité, à la simplicité et à l’efficacité des systèmes de valorisation déjà mis en place.

Cinq actions composent le programme :

– « Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs » : cette action poursuit l’effort des PIA précédents en matière de valorisation économique de la recherche, en effectuant la liaison entre les établissements de recherche et l’écosystème des start-up. Les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), directement issues des investissements d’avenir et présentes dans les établissements de recherche publics, permettent la maturation économique des résultats de la recherche et leur transformation en propriété intellectuelle, tandis que les incubateurs et les accélérateurs envisagent, ensuite, la transition vers la création d’entreprises ;

– « Fonds national post-maturation Frontier Venture » : ce fonds interviendra en fonds propres entre la phase de maturation d’un projet (dans les structures de valorisation, d’incubation et d’accélération précitées) et la phase de l’amorçage, qui correspond à une autre action du PIA 3. Cette phase de post-maturation permet de couvrir des coûts de développement technologique, des coûts de protection de la propriété intellectuelle, ou encore des coûts pour couvrir des prestations de prospection commerciale, de certification et conseil juridique, nécessaire à la création de l’entreprise et à l’établissement de son modèle d’affaires. Il s’agit de remédier au manque d’investisseurs privés – de business angels notamment – sur cette tranche de vie des projets ;

– « Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition » : les démonstrateurs de recherche de la transition énergétique sont des projets d’innovation de rupture dans les domaines de la biodiversité, de l’économie circulaire, des énergies renouvelables ou encore de la décarbonation des usages. Ces projets étaient déjà soutenus par les PIA 1 et 2, et il s’agit essentiellement d’en accélérer le déploiement sur le marché. Les territoires d’innovation de grande ambition sont un autre volet de cette action. Il s’agit de cibler une douzaine de territoires spécifiques pour y concentrer un ensemble d’actions expérimentales d’innovation qui ont non seulement un effet positif en matière de développement durable, mais aussi un effet mesurable et réel en termes de qualité de vie pour les habitants ;

– « Nouveaux écosystèmes d’innovation » : cette action, complémentaire de l’action 1, vise à poursuivre le financement des instituts hospitalo-universitaires (IHU – qui associent hôpitaux, laboratoires publics et entreprises), à la suite des six instituts déjà créés dans le cadre du PIA 1 et des SATT et à lancer des initiatives de rationalisation des initiatives en matière de maturation ;

– « Accélération du développement des écosystèmes d’innovation performants » : cette action est également proche des actions 1 et 4. Elle consiste à poursuivre le financement des SATT au-delà des années de financements prévues dans le cadre du PIA 1. Elle vise également à consolider les instituts de recherche technologique (IRT), les instituts pour la transition énergétique (ITE) et autres IHU en fonction des résultats obtenus.

3.   Le programme 423 : « Accélération de la modernisation des entreprises »

Le programme 423 est doté de 4,1 milliards d’euros d’autorisations d’engagements, ce qui en fait le principal programme de la mission. En 2018, 710 millions d’euros de crédits de paiement devraient être votés.

Comme le programme 422, c’est en 2021 et en 2022 que plus de la moitié des crédits, soit 2,11 Md€, seront décaissés. Le rythme des décaissements antérieurs sera en dents de scie : 404 M€ en 2019 et 870 M€ en 2020.

Le programme 423 se compose de neuf actions, essentiellement tournées vers :

– le soutien au tissu industriel français, qui doit être plus compétitif et plus innovant (actions « Soutien à l’innovation collaborative », « Accompagnement et transformation des filières », « Industrie du futur » et « Adaptation et qualification de la main-d’œuvre) ;

– le soutien aux petites et moyennes entreprises technologiques, notamment dans la perspective d’en faire des entreprises de taille intermédiaires (ETI) (actions « Concours d’innovation » et « Fonds d’internationalisation des PME ») ;

– l’accompagnement de la montée en puissance de l’économie numérique, notamment dans le secteur des services, qui fait encore face à des problèmes de financements, d’où des interventions en capitaux propres (actions « Fonds national d’amorçage n° 2 », « Fonds de fonds Multicap Croissance n° 2 et « Grands défis »).

Selon le projet annuel de performances de la mission, les priorités stratégiques poursuivies par les PIA 1 et 2, comme la transition énergétique ou la santé, restent soutenues par ces actions du PIA 3, mais des projets issus de secteurs comme les industries culturelles, le tourisme ou la construction auront vocation à être davantage soutenus dans le cadre du PIA 3.

Ce programme traduit surtout la volonté de l’État de renforcer ses interventions en fonds propres, comme investisseur de marché, au travers de fonds d’investissements ou de fonds de fonds. Le succès du premier Fonds national d’amorçage ou des premiers fonds de fonds a conduit le PIA 3 à poursuivre la dotation de ces interventions, et à en créer de nouveaux, comme le fonds Frontier Venture (programme 422), le fonds à l’internationalisation des PME ou encore le fonds qui sera issu de l’action « Grands défis », lorsque celle-ci sera opérationnelle. Dans ce dernier cas, l’État pourrait être conduit à investir d’importants tickets dans de jeunes entreprises technologiques pour financer leur croissance sur le territoire français.

B.   Le PIA 3 s’inscrit dans une logique d’investissement spécifique

1.   Le PIA 3 marque une évolution nette par rapport aux PIA 1 et 2

Le PIA 3 s’inscrit dans une philosophie proche de ses prédécesseurs, mais redéfinit assez largement les priorités d’action et les moyens d’intervention, ce qui se justifie par un effet d’apprentissage des points faibles des précédents plans. Sur le fond, tout d’abord, le PIA 3 vise toujours à dégager une capacité d’investissement exceptionnelle, ciblée sur l’innovation et sur les secteurs technologiques d’avenir, dans la continuité des efforts mobilisés par les PIA 1 et 2, dont de nombreuses actions sont poursuivies dans le cadre du PIA 3.

Toutefois, le PIA 3 se distingue assez nettement sur plusieurs aspects. En termes de lisibilité du fonctionnement du plan, le PIA 3 est désormais structuré uniquement selon une logique transversale, de l’amont vers l’aval ([2]), et non de façon sectorielle. Au sein de chaque action, des déclinaisons sectorielles pourront toutefois avoir cours si besoin. Parmi les priorités d’action du PIA figure également l’attention portée aux petites et moyennes entreprises, qui bénéficieront davantage d’actions ciblées en soutien à la modernisation de leurs procédés de production (robotisation, impression 3D, internet des objets) : à la transition numérique des PME et à l’innovation collaborative PME/start-up pour qu’elles saisissent le plein potentiel de développement du numérique ; et à la croissance externe des PME les plus prometteuses, via un fonds d’internationalisation.

En termes de moyens, l’intervention en fonds propres est mise en avant, avec 40 % des crédits du plan : l’État s’apparente à un investisseur, qui partage les risques avec l’entreprise et qui peut en récolter les gains, en remplacement de ses formes d’intervention traditionnelles (subventions et avances remboursables) ([3]). En outre, une part des crédits sera déployée au niveau régional, pour permettre des co-investissements publics et pour se rapprocher des écosystèmes territoriaux (voir ci-dessous).

Enfin, en termes de gouvernance, les opérateurs de l’État qui organisent les appels d’offres et contractualisent avec les porteurs de projets sélectionnés sont moins nombreux dans le cadre du PIA 3 – la Caisse des dépôts et consignations, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), l’Agence nationale de la recherche (ANR), pour les dépenses relatives à l’université et la recherche, et Bpifrance pour les interventions auprès des entreprises – tandis qu’une douzaine d’opérateurs manipulent les crédits des PIA 1 et 2.

2.   La régionalisation des fonds du PIA 3 : une nouveauté à encourager

Le PIA 3 dispose d’un volet territorial nouveau par rapport à ses prédécesseurs : 500 millions d’euros (M€) de crédits seront combinés avec des crédits d’investissement des régions, à même hauteur, pour accompagner des projets ancrés dans les territoires (250 M€ de subventions et avances remboursables ; 250 M€ de fonds propres) ([4]). Les régions disposent, en effet, de la compétence exclusive pour le développement économique de leur territoire, qu’elles mettent en œuvre au travers d’un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII).

Les fonds régionalisés du PIA pourront avoir trois destinations, selon le choix de chaque région :

– les concours mondiaux d’innovation (CMI), qui sont des petits appels à projets (subventions ou interventions en fonds propres de 200 000 euros maximum) à destination des PME innovantes, dans certains secteurs clés (big data, silver economy, stockage de l’énergie, etc.) ;

– la formation professionnelle et l’adaptation des compétences aux besoins de demain, la promotion de l’entrepreneuriat (notamment dans le cadre du French tech ticket, programme qui regroupe les incubateurs des métropoles labellisées French tech) ;

– la structuration des filières industrielles, dans la lignée des Neuf solutions industrielles. Il s’agit notamment d’encourager l’émergence de structures collaboratives, comme le Factory Lab du CEA, qui regroupe laboratoires, grands groupes, PME et intégrateurs ; ou bien des projets collaboratifs, comme l’achat mutualisé et le partage de machines de fabrication additive ([5]).

Cet effort de régionalisation n’est pas tout à fait nouveau : les concours mondiaux d’innovation, encadrés par Bpifrance, s’organisaient déjà au niveau territorial. Mais le PIA 3 conduit à un effort de co-investissement État-régions bien plus important. Si la somme concernée ne représente que 5 % des fonds du PIA 3 (500 M€), répartis selon la densité de population des régions, ces dernières devront investir au moins autant que l’État, et donc permettre un effet de levier des investissements privés encore plus important.

Les acteurs rencontrés par votre rapporteure ont mis en avant les avantages de cette régionalisation : les services régionaux qui disposeront d’enveloppes du PIA ont une bien meilleure connaissance du tissu productif innovant sur leur territoire ; en outre, les projets soutenus, nécessairement d’envergure réduite par rapport aux appels d’offres nationaux – de l’ADEME, par exemple –, profiteront davantage aux petites et moyennes entreprises, qui pourront s’allier entre elles et continuer de croître grâce à ces projets, sans avoir à rester dans l’ombre d’un grand groupe.

Cependant, avec cette nouvelle étape régionale, il existe un risque d’aggraver les lourdeurs administratives intrinsèques au PIA, qui dispose déjà de plusieurs guichets uniques et d’une gouvernance complexe malgré la rationalisation récente des opérateurs. Pour que l’attribution des fonds trouve son public, il faudra que la simplicité, la lisibilité et la rapidité ne soient jamais perdues de vue : les TPME n’ont pas assez de moyens humains ni de temps suffisant pour consacrer des ressources à de l’ingénierie de projet.

Votre rapporteure rappelle également que cette dimension territoriale du PIA, pour bienvenue qu’elle est, doit rester à destination des TPME innovantes, à forte plus-value technologique, et non conduire à flécher des crédits vers les entreprises traditionnelles, au nom de la défense de l’emploi. Le PIA n’est pas un outil de péréquation territoriale ou de soutien aux entreprises en difficulté : c’est un levier qui doit permettre aux petites entreprises qui innovent de croître rapidement, et de former les entreprises de taille intermédiaire de demain, compétitives à l’internationale, fortement créatrices d’emplois et de croissance et ancrées sur l’ensemble du territoire.

II.   État stratège, État actionnaire, État investisseur

A.   L’État se positionne davantage comme un investisseur de marchÉ

1.   L’intervention de l’État dans l’économie reste légitime

Dans certaines situations économiques, fonctionnement naturel du marché est défaillant. C’est notamment le cas du trop faible investissement des entreprises dans la recherche et le développement (R&D), dans un contexte concurrentiel normal. L’État est alors fondé à encourager les entreprises à investir davantage dans l’innovation ([6]), grâce à des crédits d’impôts, des subventions ou des investissements directs dans la recherche privée. Dès avant le PIA, l’État avait ainsi accompli un important effort de structuration des écosystèmes d’innovation dans les territoires et de rapprochement entre la recherche publique et l’innovation économique.

Cette politique de rapprochement entre tous les acteurs qui participent de l’innovation en France a plus particulièrement conduit à la création des pôles de compétitivité en 2005. Ces 71 structures, d’ampleur nationale ou régionale, rassemblent sur un territoire et sur une thématique donnée plusieurs structures publiques et privées en vue de produire de l’innovation en collaboration : des TPME, ETI et grandes entreprises, des laboratoires de recherche, des incubateurs, des accélérateurs et des établissements d’enseignement supérieur. Ils bénéficient de la coordination et du financement de l’État, au travers du Fonds unique interministériel (FUI), qui attribue des aides financières aux meilleurs projets de R&D présentés par les pôles.

Après la mise en place de cet écosystème de l’innovation, mieux structuré et plus collaboratif, il manquait encore les fonds pour alimenter et stimuler cette innovation. Ce fut l’objet du Grand emprunt de 2010, qui a permis la mise en place du PIA 1. Toutes les actions des investissements d’avenir procèdent bien de cette logique de « compensation » d’un marché qui, sans coup de pouce, ne favorise pas suffisamment, ou pas assez vite, les transitions vers de nouveaux modèles d’avenir (transition écologique, transition numérique, décarbonation de l’économie, etc.). En matière de financement de l’écosystème d’innovation en particulier, la France reste marquée par une tradition d’intermédiation bancaire, peu adaptée à des investissements très risqués. Sans marché du capital-risque et du capital‑développement suffisamment matures, beaucoup de jeunes entreprises innovantes françaises ont dû se tourner vers des investisseurs internationaux pour leurs levées de fonds, voire quitter la France – le cas de la « licorne » Criteo ([7]) est, à cet égard, exemplaire.

Certaines actions du PIA ont donc eu pour objet de lancer des fonds d’investissements publics pour dynamiser le capital-risque et le capital‑développement en France, comme le fonds « Ambition numérique », le fonds « Accélération Biotech » ou le fonds « Ecotech ». En dehors d’interventions directes sur le marché, qui peuvent toujours créer des biais, le PIA a également recouru à un outil assez innovant : le fonds de fonds, comme le Fonds national d’amorçage. Il s’agit d’investir des capitaux propres dans des fonds d’investissement qui, eux-mêmes, investiront dans des projets innovants – sans que l’État n’intervienne dans leur stratégie de portefeuille. La logique de soutien au marché du capital est ici assez claire, et, comme il a été vu, le succès de ces opérations a conduit à leur renforcement dans le cadre du PIA 3.

Mais le PIA a également accentué la dynamique de restructuration du paysage académique, pour le tourner davantage vers le marché et vers les entreprises innovantes. C’est dans le cadre du PIA qu’ont été créées les initiatives d’excellence (IDEX), dotées de 7,7 Md€, qui ont eu pour objet de rapprocher et de fusionner des établissements d’enseignement supérieur et de recherche capables de rivaliser avec les meilleurs campus mondiaux. C’est notamment le cas de l’Université Paris-Saclay, qui réunit grandes écoles, laboratoires, universités et plusieurs outils de transferts de technologie (dont une SATT et une structure de prématuration Lab2biz).

2.   Face au repli de l’État actionnaire, l’État investisseur progresse

La logique d’investissement du PIA est, au regard de l’histoire de l’État stratège, assez iconoclaste. Les investissements du PIA sont extra-budgétaires : ils s’ajoutent aux investissements traditionnels des ministères ; ils ne sont pas choisis par décision discrétionnaire du Gouvernement mais au terme d’un processus de sélection exigeant qui fait intervenir des jurys internationaux ; ils promeuvent la coopération entre des acteurs publics et privés qui n’avaient pas l’habitude de se parler ; ils ne sont engagés que pour soutenir des entreprises d’avenir, quelle que soit leur taille, et jamais des entreprises en difficulté.

À côté de cette nouvelle figure de l’État investisseur, l’État actionnaire, au travers de l’Agence des participations de l’État, veille aux intérêts stratégiques et souverains du pays, par sa présence au capital de nombreuses grandes entreprises françaises, publiques ou non. 100 Md€ d’actifs sont ainsi détenus dans 81 entreprises (12 cotées et 69 non cotées à la Bourse de Paris), à des fins d’influence directe sur la gouvernance de ces entreprises. L’État actionnaire a longtemps matérialisé la vision de l’intervention de l’État dans l’économie : une politique de soutien aux champions nationaux, marquée par une conception très verticale des filières économiques – le soutien à Airbus ou Thales permettant de soutenir indirectement toute la filière de sous-traitance –, et par une défense, le cas échéant, des grandes entreprises en difficulté face à la concurrence internationale, comme Alstom en 2003 ou Areva en 2016.

Aujourd’hui, il faut constater que ces deux visages de l’État stratège, bien que complémentaires à de nombreux égards, évoluent dans des directions opposées. Ainsi, l’annonce par le ministre de l’économie du lancement d’un Fonds pour l’innovation de rupture s’est accompagnée du détail de son financement. Le fonds sera, à terme, alimenté à hauteur de 10 milliards d’euros, somme exclusivement procurée par des cessions successives de participations de l’État, qui seront effectuées aux meilleures conditions de vente possibles. Une première opération a déjà eu lieu le 5 septembre 2017 : l’État a cédé un peu moins de 4,6 % du capital d’Engie auprès d’investisseurs institutionnels. Cette cession a permis de mobiliser près de 1,5 milliard d’euros.

Tandis que le portefeuille des participations de l’État actionnaire « respire » à la baisse à hauteur de 10 % de son enveloppe, le PIA 3, doté du même montant, entre en action. L’État actionnaire devrait conserver des prérogatives majeures dans les sphères de souveraineté (défense, nucléaire, grands services publics) mais se retirer progressivement des interventions directement économiques, au bénéfice d’autres acteurs, comme le Commissariat général à l’investissement (CGI) ou Bpifrance, dans le cadre du PIA.

Ce choix se justifie probablement par la méthode que le Gouvernement souhaite faire prévaloir en matière de stratégie industrielle, avec une intervention plus « diffuse ». Plutôt que de vouloir peser sur les décisions et sur la gouvernance des grands champions nationaux du pays, l’État peut influencer le choix des secteurs d’avenir, assurer le bon financement de l’économie de l’innovation, apporter le soutien nécessaire à la croissance des entreprises technologiques, et laisser le marché s’adapter et prospérer dans ces conditions favorables. Lorsque l’État intervient directement dans l’économie, il s’efforce de le faire comme un acteur de marché.

Par exemple, en 2015, dans le cadre du PIA et devant la difficulté de certains industriels pour financer seuls d’importants projets industriels, le CGI a créé un fonds d’investissement qui n’a pas d’équivalent privé et qui est prêt à prendre des risques sur le long terme : le fonds « Société de projets industriels » (fonds SPI doté de 700 M€). Comme l’ensemble des interventions en fonds propres du PIA, ce fonds intervient de façon minoritaire dans les entreprises soutenues et systématiquement en co-investissement avec des acteurs privés. Comme il a été vu, le PIA recourt également à l’instrument des fonds de fonds, qui traduit une intervention encore plus diffuse de l’État, puisque seuls des fonds privés investissent directement dans les entreprises, l’État se limitant à financer et à former ces fonds privés, sans affecter leurs choix d’investissement.

Le nouvel État investisseur : fonds dinvestissement et fonds de fonds

À ce jour, 13 fonds d’investissement ont été créés dans le cadre du PIA et sont gérés par Bpifrance. Six sont des fonds de fonds et sept sont des fonds directs. Le montant total souscrit par ces structures est de 3,47 Md€, soit une taille moyenne de 270 M€ environ.

La décision de créer un fonds d’investissement provient toujours de l’examen du marché :

– dans le cadre du PIA 1, il s’agissait de répondre aux graves défaillances du marché de l’amorçage (Fonds national d’amorçage, 600 M€) et de répondre à une insuffisance de liquidité en capital-risque pour financer les start-up numériques et les start-up cleantech (fonds « Ambition numérique », 300 M€ ; et fonds « Ecotech », 150 M€).

– dans le cadre du PIA 2, l’examen des marchés de capitaux a montré que les start-up plus matures ne trouvaient pas de fonds français capable d’investir des « tickets » importants (10 à 30 M€) dans des tours de financement de 30 à 80 M€. Le fonds Multicap Croissance a été ainsi créé (400 M€, porté à 650 M€ début 2016) ;

– dans le cadre du PIA 3, le Fonds national d’amorçage et le fonds Multicap Croissance ont été augmentés (respectivement de 500 M€ et de 400 M€), tandis que le fonds Frontier Venture (500 M€) est créé pour intervenir au stade du pré-amorçage.

Selon le CGI, les montants levés par le capital-investissement (notion qui regroupe tous les segments d’intervention en capital, dont capital-risque et capital-développement) se sont très fortement redressés ces deux dernières années en France, pour atteindre, en 2016, le montant record de 14,5 Md€. Sur ce montant 6,5 Md€ ont été souscrits par des investisseurs étrangers, deux fois plus qu’en 2015.

B.   Le PIA illustre ce repositionnement de l’État dans l’économie

1.   Le levier du PIA pour stimuler l’économie dans des secteurs jugés stratégiques

Les développements précédents permettent d’esquisser ce qui serait une nouvelle doctrine d’investissement de l’État, dont le PIA serait le porte-drapeau :

– le choix de secteurs d’avenir transversaux (révolution numérique, nanotechnologies, transition verte, intelligence artificielle), qui doivent, à l’aide des aides du PIA, percoler dans tous les secteurs, même moins directement technologiques (dans le cas du PIA 3, le tourisme, la sécurité ou la culture) ;

– une intervention publique diffuse, qui se concentre sur la suppression de défaillances de marché et la recherche d’effets de levier : les soutiens publics doivent susciter une innovation, une recherche, une création d’entreprise, un co-investissement, une internationalisation qui ne se feraient pas avec le seul fonctionnement du marché ;

– un contenu en innovation et en plus-value technologique systématiquement présent, et indépendant de la taille de l’entreprise qui le porte – les différents guichets du PIA permettant un éventail très large de catégories d’aides et de mécanismes de soutien financier ;

– la volonté d’acculturer le tissu économique français à la prise de risque, à la non-stigmatisation de l’échec, par le soutien à des projets particulièrement risqués – notamment très en amont de leur mise sur le marché ;

– par un effet de second tour, l’amplification des externalités positives de l’intervention publique : la recherche d’une meilleure structuration des filières, de l’acclimatation des marchés financiers à l’innovation de rupture (depuis le stade du pré-amorçage jusqu’au scale-up ([8]) ; et de l’effet d’entraînement des projets soutenus sur d’autres entreprises qui en bénéficient indirectement.

La diversité des aides du PIA pour sadapter aux besoins des acteurs innovants

Le PIA a vocation à financer l’innovation depuis le stade de la recherche jusqu’au projet de croissance d’une entreprise. Il dispose donc d’outils répondant aux besoins d’un projet innovant dans toutes ses dimensions et à tous les stades de la maturation. À chaque moment de la chaîne de valeur correspondent des instruments financiers de nature juridique différente. Plus l’intervention se situe en amont, plus on recourt logiquement à des instruments de soutien direct :

– la subvention : aide financière apportée à un projet ou à un organisme (avec ou sans contrepartie) ;

– l’avance remboursable : aide financière apportée à un projet, qui doit être remboursée en cas de succès du projet, avec paiement d’intérêts définis en fonction du type de projet, ou qui se transforme en subvention si le projet échoue.

Plus en aval, sont davantage mobilisés des instruments similaires à ceux des investisseurs privés :

– le prêt ou la garantie sur prêt : remise de fonds à une entreprise ou à un organisme moyennant le paiement d’intérêts ; dotations à des fonds de garantie qui permettent d’assurer le risque de défaut des emprunteurs pour leur permettre d’accéder à des prêts privés. Les prêts sont souvent longs et avec un remboursement du capital différé : ce sont des prêts de développement (prêt vert, robotique, industrie du futur et numérique) ;

– l’intervention en fonds propres : apport en capital à une société, en tant qu’investisseur avisé ; cet apport peut se faire par l’intermédiaire d’une société de projet, d’un fonds d’investissement ou d’un fonds de fonds.

2.   La gouvernance innovante du PIA pour garantir l’efficacité de la dépense publique

L’affectation des crédits du PIA répond à une logique d’appels à projets qui fait intervenir de nombreux acteurs publics et privés. Les bénéficiaires font l’objet d’une procédure de sélection particulièrement exigeante et en partie indépendante des choix gouvernementaux, puisqu’un jury composé de personnalités qualifiées émet un avis sur l’ensemble des projets qui lui sont présentés. Cette gouvernance innovante marque également un tournant dans les choix d’investissement de l’État, en particulier pour les opérateurs de l’État. Ainsi, pour chaque projet, les critères de sélection s’appuient sur l’excellence scientifique, sur le potentiel de marché des innovations proposées, sur leur capacité d’entraînement pour le tissu économique et sur la coopération des acteurs concernés.

Concrètement, trois grandes étapes marquent le cycle de vie des projets sélectionnés : l’engagement, la contractualisation et le décaissement effectif du soutien du PIA. En premier lieu, les porteurs de projets candidatent à un appel à projets, lancé par un des opérateurs du PIA (voir ci-dessous), dont le cahier des charges a été approuvé par arrêté du Premier ministre, avec l’aide du CGI. Les bénéficiaires du PIA sont ensuite sélectionnés par le Premier ministre sur proposition d’un jury ou comité indépendant et après avis du CGI. En second lieux, les bénéficiaires signent un contrat avec l’opérateur qui gère l’appel à projets. Ces contrats avec les porteurs de projets fixent des jalons dans le déroulement des projets en question et déterminent les résultats attendus. L’opérateur est chargé du suivi administratif et financier du projet. Les versements (subventions, prêts ou avances remboursables, par exemple) s’effectuent le plus souvent en plusieurs tranches au cours de la vie du projet, en fonction des jalons du contrat.

Le CGI et les opérateurs du PIA

Alors qu’on en dénombrait une douzaine dans le cadre des PIA 1 et 2, il ne subsiste que quatre opérateurs principaux dans le cadre du PIA 3 ([9]). Le Commissariat général à l’investissement encadre leurs opérations. Votre rapporteure a auditionné ces cinq organismes.

Le CGI est un service du Premier ministre, composé de 35 agents. De façon générale, il est chargé de veiller, sous l’autorité du Premier ministre, à la cohérence de la politique d’investissement de l’État, ce qui inclut le PIA mais également le plan Juncker ou le Grand plan d’investissement (GPI). À ce titre, il prépare les décisions du Gouvernement relatives aux contrats passés entre l’État et les opérateurs chargés de la gestion des fonds consacrés aux investissements d’avenir ; il coordonne la préparation des cahiers des charges accompagnant les appels à projets ; il coordonne l’instruction des projets d’investissement et formule des avis et propositions ; il veille à l’évaluation, a priori et a posteriori, des investissements, et notamment de leur rentabilité.

La Caisse des dépôts et consignations (CDC) est l’opérateur de 17 actions des PIA 1 et 2, ce qui représente une enveloppe totale de 5,7 Md€. Dans le cadre du PIA 3, la CDC contribuera à la mise en œuvre de 9 actions pour une enveloppe globale de 3,2 Md€.

Bpifrance est l’opérateur de 18 actions des PIA 1 et 2, essentiellement tournées vers le soutien aux entreprises, ce qui représente une enveloppe totale de 7 Md€. Dans le cadre du PIA 3, Bpifrance contribuera à la mise en œuvre de 6 actions pour une enveloppe globale de 2,95 Md€.

L’Agence nationale de la recherche (ANR) est l’opérateur de 18 actions des PIA 1 et 2, tournées vers l’enseignement et la recherche, ce qui représente une enveloppe totale de 23,46 Md€, dont 18,3 Md€ de dotations non consommables qui génèrent des intérêts. Dans le cadre du PIA 3, l’ANR contribuera à la mise en œuvre de 12 actions pour une enveloppe globale de 3,75 Md€.

L’ADEME est l’opérateur de 7 actions des PIA 1 et 2, essentiellement tournées vers la transition écologique et énergétique, ce qui représente une enveloppe totale de 2,89 Md€. Dans le cadre du PIA 3, l’ADEME contribuera à la mise en œuvre de 3 actions pour une enveloppe globale de 1 Md€.

Les conventions entre l’État et les opérateurs chargés de la mise en œuvre du PIA décrivent la gouvernance retenue pour chacune des actions, en particulier le rôle des comités de pilotage (qui sont toujours interministériels), des opérateurs et du CGI.

Cette gouvernance, d’apparence complexe, permet d’assurer une logique de décentralisation/recentralisation du choix des projets pour garantir que, d’une part, seuls les meilleurs d’entre eux seront sélectionnés et, d’autre part, que la diffusion des crédits dans chacune des nombreuses actions existantes ne conduit pas à un émiettement de la stratégie d’investissement de l’État.

Toutefois, la très large ambition du PIA contribue à créer un risque de conflit d’objectifs à gérer : faut-il, comme la plupart des actions structurantes du PIA 1 le concevait, encourager la modernisation de filières d’excellence (aéronautique, biotechnologies, mobilités de demain), capables de résister à la concurrence des géants chinois et américains ; ou plutôt créer un « Mittelstand » d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) en ciblant l’internationalisation et la croissance rapide d’entreprises fortement technologiques ; ou encore encourager la création et le développement de très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) pour favoriser la production continue de nouvelles innovations, pour que la France reste à la frontière technologique ?

Votre rapporteure a donc souhaité approcher de près deux problématiques du PIA pour approfondir cette réflexion : d’une part, mesurer la part du PIA qui soutient effectivement les TPME et, d’autre part, observer les capacités d’évaluation d’un programme d’une telle importance budgétaire.

 


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   secONDe partie : ANALYSE THÉmatique

I.   RECALIBRER LE PIA AU BénÉfice des trÈs petites, petites et moyennes entreprises

A.   Valoriser les TPME pour densifier le tissu des entreprises de taille intermÉdiaire françaises

1.   Le champ des TPME : un tissu d’entreprises très hétérogène

Parmi les 3,75 millions d’entreprises françaises, 3,6 millions sont des très petites entreprises (microentreprises au sens de la loi), 138 000 sont des PME (de plus de dix salariés) et 5 300 sont des ETI ([10]). Cependant, parmi l’ensemble des TPME, seules un tiers environ innovent ([11]) ; parmi les TPE, cette proportion chute à 27 % pour monter à 61 % chez les PME. Selon la direction générale des entreprises, cette proportion d’un tiers de TPME innovantes est plus faible que chez nos partenaires économiques plus avancés en matière d’innovation, comme les États-Unis ou le Japon, où la proportion s’approche plutôt des 40 %.

Cette approche statistique permet de mesurer qu’il est difficile de parler des TPME de façon générale, tant ces entreprises, qui vont de l’artisanat traditionnel en zone rurale à la start-up de services présente dans une grande ville, sont hétérogènes. Or, le PIA n’a pas vocation à soutenir l’ensemble des TPME : ce n’est pas un outil de développement territorial ou de création d’emploi : c’est un outil qui vise à soutenir l’innovation technologique, à structurer les filières, à créer de la compétitivité et de la croissance potentielle.

C’est pourquoi votre rapporteure estime que le soutien à la croissance des TPME doit trouver des outils adaptés à leur situation. En l’occurrence, pour soutenir les TPME à véritable plus-value technologique, le PIA est l’outil le plus pertinent. Il reste à savoir si son calibrage est suffisamment orienté vers ces petites et moyennes entreprises innovantes.

2.   La structuration en filières à l’initiative de l’État et des régions

Il convient, au préalable, de rappeler que plusieurs outils de soutien à l’innovation dans les territoires existent et valorisent déjà particulièrement les TPME innovantes. L’État et les régions ont mené un véritable effort de structuration des écosystèmes territoriaux et des filières industrielles. Votre rapporteure a auditionné des représentants de la plupart de ces acteurs de terrain, qui utilisent, quand ils le peuvent et à hauteur de leurs moyens, le levier du PIA pour porter des projets territoriaux :

– les pôles de compétitivité, précités, qui rassemblent, en réalité, les pôles de compétitivité « institutionnels » et les clusters d’entreprise, au sens plus large. Ces organismes mutualisent des compétences en matière de conseils juridiques, d’aide à la mise sur le marché, d’accès à l’international ou de montage de projet. Les pôles de compétitivité labellisent des projets qu’ils ont contribué à développer – d’où la critique qui consiste à les qualifier d’« usines à projets » –, ces projets pouvant ensuite candidater aux aides du PIA. Votre rapporteure a auditionné l’association française des pôles de compétitivité ainsi que France Clusters, qui ont notamment comme mission de faciliter l’accès des TPME soutenus par des pôles de compétitivité aux financements privés et aux grands marchés issus des appels à projet du PIA, dans un contexte budgétaire contraint, marqué par la réduction continue des crédits du Fonds unique interministériel (FUI) ;

– les centres techniques industriels (CTI), créés en 1948, ont pour mission de moderniser les filières industrielles, en mobilisant des activités de R&D, d’innovation et de diffusion des connaissances techniques dans des secteurs d’activité bien définis (industrie mécanique, bois construction, industrie du béton, etc.). Les CTI concentrent leur action sur les TPME industrielles, pour leur donner les moyens de mutualiser l’innovation et d’accéder à des outils techniques de pointe (comme des imprimantes 3D à grande échelle) et à une expertise sur leur stratégie R&D et leur stratégie d’internationalisation. Dans le cadre des Neuf solutions industrielles (ex 34 plans de la Nouvelle France industrielle), les CTI ont participé à la restructuration des filières industrielles, sur le volet « innovation technologique », tandis que les comités stratégiques de filière (CSF) organisaient davantage le dialogue entre tous les acteurs des filières ;

– les instituts Carnot, appelés « Carnot » et créés en 2006, sont des laboratoires qui ont pour objet de favoriser la recherche au service des entreprises : ils livrent donc des prestations et des contrats de R&D à ces entreprises (recherche dite « partenariale ») en plus de leur mission de recherche fondamentale. Les Carnot sont particulièrement utiles pour les TPME assez peu matures en matière de R&D, tandis que les PME plus technologiques ont développé d’emblée une politique intrinsèque de R&D, et se dirigeront plutôt vers les pôles de compétitivité.

Votre rapporteure signale qu’il y a probablement un effort de rationalisation à mener dans la diversité de ces outils territoriaux ; toutefois, leur rôle essentiel de structuration et de soutien à la R&D permet à de très nombreuses TPME de parvenir à faire prospérer une véritable stratégie d’innovation.

Votre rapporteure rappelle, en particulier, que l’ambition du Gouvernement est désormais d’augmenter le tissu d’ETI d’environ 4 000 entreprises, notamment dans les filières industrielles (avec le nouveau label French fab), ce qui suppose d’encourager plus avant les PME technologiques, innovantes et qui exportent, puisque ce sont celles qui ont le plus gros potentiel de croissance.

B.   Le PIA bÉnÉficie-t-il suffisamment aux TPME ?

1.   Une montée en puissance des projets à destination des TPE-PME encore trop marginale

Comme les développements précédents l’illustrent, le PIA 3 cible davantage les TPME que les deux précédents plans. Comme le rappelle le CGI dans les réponses au questionnaire budgétaire transmis par votre rapporteure, le PIA fonctionne par appels à projets ouverts et non différenciés selon la typologie des acteurs susceptibles d’y répondre – à l’exception d’actions spécifiques (voir ci-dessous). Ainsi, dans la plupart des appels à projets, la part des TPME n’est pas sanctuarisée, car ce n’est pas un critère qui a été jugé pertinent pour conditionner l’attribution des fonds. Ainsi, dans le domaine des aides à l’innovation, cette part varie entre moins de 5 % des crédits alloués à l’action (par exemple pour les actions du secteur aéronautique, où les grandes entreprises françaises bénéficient de très importantes subventions en volume) et près de 43 % des crédits alloués à l’action, par exemple les « projets structurants pour la compétitivité » (PSPC), opérés par Bpifrance et pour lesquels un seuil minimal de 20 % de participation de PME-ETI a été mis en place.

Cependant, ce dernier exemple contient un biais d’ampleur : les projets structurants inscrits dans cette action, qui sont massivement soutenus (plusieurs dizaines de millions d’euros), associent un consortium d’acteurs généralement composés d’une grande entreprise, d’un laboratoire de recherche public ou d’un institut issu du PIA (IRT, ITE ou IHU) et des PME ou des ETI qui complètent le dispositif, sans être cependant en position dominante dans l’aide.

Lors de l’audition de la Confédération des petites et moyennes entreprises, votre rapporteure a ainsi pu entrevoir les difficultés de ces entreprises à tirer leur épingle du jeu dans le mécanisme complexe du PIA.

En premier lieu, dans la logique de consortium qui préside au critère structurant recherché par beaucoup d’actions du PIA, les TPME innovantes ne sont pas incitées à se regrouper avec une grande entreprise pour répondre à l’appel à projets, du fait du risque que leur valeur ajoutée, leur propriété intellectuelle ou leur identité d’entreprise ne soit cannibalisée par le grand groupe dans la mise en œuvre du projet. En somme, les TPME concernées craignent que le « consortium » ne se mue en classique relation « donneur d’ordres
– sous‑traitants », crainte qui semble avérée en pratique. Ce premier effet d’éviction se double d’un effet d’antisélection : les meilleures TPME pourraient donc préférer croître en dehors du mécanisme PIA, tandis que les TPME moins performantes auraient bien moins à perdre à s’associer avec une grande entreprise.

En second lieu, la mécanique complexe et longue de l’attribution des fonds du PIA et le ticket d’entrée des projets, souvent à la maille du million d’euros, produisent un deuxième effet d’éviction à l’endroit des TPME, qui ne disposent jamais de la taille critique et des moyens d’ingénierie de projet (ressources humaines, temps disponibles, moyens techniques de monter et de défendre un dossier) suffisants pour candidater sans l’aide d’une grande entreprise. Votre rapporteure regrette, en particulier, que les pôles de compétitivité ne puissent pas jouer un rôle reconnu d’intégrateur des initiatives de plusieurs TPME, afin de parvenir à cette taille critique nécessaire pour candidater de façon unifiée à un gros appel à projets du PIA. En effet, la labellisation des pôles de compétitivité n’est pas suffisamment reconnue dans la grille de sélection des projets PIA pour les encourager à y consacrer des ressources et ainsi promouvoir leur écosystème territorial.

En somme, la plupart des actions des PIA 1 et 2 produisent de l’exclusion en privilégiant des grands projets, portés par un acteur économique jugé sûr, c’est-à-dire un grand groupe. C’est la contrepartie d’un État investisseur qui raisonne comme un acteur privé privilégiant la recherche de rentabilité économique et qui minimise le risque de son investissement. Cependant, l’innovation se trouve aussi dans les écosystèmes territoriaux, où le tissu industriel des TPME est très présent.

Des actions réservées aux TPME : une montée en régime très récente

– L’action « Initiatives PME » (ADEME) : depuis 2015, ces appels à projets adaptés aux PME ont permis à 325 PME d’être soutenues pour un total de 60 millions d’euros, avec procédure accélérée sur six semaines, pour des subventions de 200 000 euros en moyenne.

– L’action « Concours d’innovation » (ADEME et Bpifrance), prolongée dans le cadre du PIA 3 (action du programme 423, dotée de 300 M€), soutient les projets portés par des start‑up et des PME à très fort potentiel de croissance, sans consortium. Dans le cadre de cette action, l’innovation s’entend au sens large (technologie, modèle économique, design, usage, cycle de vie des produits, expérience utilisateur, etc.) et le dispositif est ciblé sur l’innovation de rupture pour un marché. L’action vise à soutenir 150 entreprises par an, sur des tickets d’en moyenne 300 000 euros mais pouvant aller jusqu’à 2 millions d’euros, en subventions ou en avances remboursables.

– Les prêts de Bpifrance, comme le prêt « Industrie du futur » sont réservés aux TPME, afin que le PIA soit conforme aux règles européennes relatives aux aides d’État.

En réalité, le PIA touche surtout les TPME dans ses instruments de prêt (prêt vert, prêt numérique, prêt industrie du futur), car ces instruments fonctionnent sur une logique de guichet ouvert, tenu par Bpifrance, à la différence des appels à projets qui nécessitent une ingénierie particulière et difficilement mobilisable pour une entreprise de petite taille.

2.   Des besoins spécifiques en faveur de l’internationalisation des PME

Il ressort également des auditions de votre rapporteure que la situation des PME à l’international est largement perfectible et que le PIA devrait davantage mobiliser ses outils pour favoriser leur internationalisation, notamment dans la perspective d’en faire des ETI efficaces. En effet, aujourd’hui, seules 31 % des PME exportent, quand c’est le cas de 70 % des ETI ([12]).

En outre, il résulte de plusieurs travaux statistiques et économiques récents que les PME exportatrices innovent plus, sont de plus grande taille et sont plus productives que leurs semblables restreintes au seul marché domestique ([13]). De façon plus qualitative, les avantages de l’internationalisation sont nombreux pour les PME : des gains de compétitivité lors d’opérations de croissance externe (taille critique, création d’économies d’échelle, partage de R&D) ; l’accès à de nouveaux marchés pour déployer l’offre de l’entreprise ; la confiance d’investisseurs de niveau international. Du point de vue de l’État, disposer d’un tissu d’entreprises exportatrices ou internationalisées plus dense permet d’améliorer le niveau de sa balance courante, d’assurer la croissance de ses entreprises technologiques et donc de son niveau de R&D privé, et enfin de tirer parti de leur meilleure compétitivité, c’est-à-dire de leur meilleure résistance à la concurrence internationale, notamment extra-européenne.

Lors de l’audition de Business France par votre rapporteure, il est apparu que les start-ups françaises ont davantage besoin d’être reconnues comme des entreprises born global, c’est-à-dire qui vise le marché mondial dès leur création. Ces entreprises ont des besoins forts d’identification de leur plus-value technologique à l’international, en particulier à destination des investisseurs internationaux auprès desquels elles effectuent leurs levées de fonds.

À ce titre, le label French Tech s’est révélé très efficace pour les start-up, mais il est difficile à répliquer pour l’ensemble des PME et ETI industrielles qui innovent, car ce label participe d’un effet de « communauté » spécifique aux entrepreneurs qui s’y sont engagés.

En termes de soutiens publics, votre rapporteure relève qu’il existe déjà un système d’aides à l’international relativement complet, bien que faisant intervenir un grand nombre d’acteurs nationaux et régionaux (Business France, Bpifrance, chambres de commerce et d’industrie, agences régionales, solutions privées). C’est pourquoi elle salue particulièrement la mise en place d’une action du PIA de nature inédite : le fonds à l’internationalisation des PME.

Ce fonds, qui va bientôt être opérationnel, fonctionne comme un outil d’accélération à destination des PME qui ont le potentiel de devenir des ETI européennes. Sur le modèle du fonds SPI, il s’agit de créer des sociétés de projet portées à 50-50 par l’État et la PME afin d’acquérir des filiales à l’étranger, et de profiter de cette opération de croissance externe pour obtenir la taille critique suffisante pour croître rapidement.

Cependant, la question de la dotation du fonds se pose (200 millions d’euros d’intervention en fonds propres, sur 5 ans) : elle ne permettra de participer qu’à une vingtaine d’opérations, sur des tickets de 3 à 20 M€, comme l’indique la convention État-CDC à laquelle votre rapporteure a eu accès. Cette convention précise notamment que sont instruits en priorité les investissements les plus créateurs de valeur, pour des entreprises disposant déjà d’une expérience commerciale à l’export et apportant la démonstration de la crédibilité de leur développement international (stratégie de développement, études de marché, etc.). Cela écarte d’emblée les PME à fort potentiel qui auraient besoin, au préalable, d’un accompagnement à l’exportation (avec Bpifrance ou Business France). Cette limitation, qui se comprend du point de vue de l’État qui investit de façon avisée (un projet présentant une rentabilité proportionnée au risque), empêche un déploiement vraiment ambitieux de ce fonds au bénéfice d’un maximum d’entreprises pouvant prétendre à se transformer rapidement en ETI européennes.

3.   Recommandations

Dans la lignée des développements précédents, votre rapporteure suggère de s’appuyer sur les recommandations suivantes pour améliorer le soutien du PIA aux TPME à fort potentiel de croissance :

– s’appuyer davantage sur les outils existants de structuration des filières en accentuant la territorialisation des appels à projets du PIA, par exemple en assurant que la labellisation des projets des pôles de compétitivité permette d’accéder directement à l’examen du projet par le jury de sélection ;

– améliorer la simplification et la lisibilité des appels à projets pour toucher un maximum de TPME dans les actions du PIA centrées sur ces entreprises : dossiers de candidature brefs et tickets d’entrée plus modestes sont ainsi nécessaires ;

– créer un fonds spécifiquement dédié au soutien des pôles de compétitivité dans leur mission de structuration et de développement de l’écosystème d’innovation au bénéfice des PME. Dans le cadre du PIA, l’action « projets structurants pour la compétitivité » avait, initialement, cette finalité. Cependant, l’évolution du PIA a conduit à décorréler cette action des pôles de compétitivité, ce qui est regrettable ;

– créer un critère de PME-conditionnalité pour certaines actions thématiques du PIA afin d’inciter les PME à se regrouper, si besoin avec un agrégateur qui peut être un pôle de compétitivité, pour candidater aux appels à projets proposant des tickets importants ;

– attribuer d’emblée au Fonds à l’internationalisation des PME une force de frappe plus importante afin d’accélérer la transformation d’un maximum de PME en ETI européennes dans les prochaines années.

II.   L’Évaluation stratÉgique du PIA : BEAUCOUP reste À faire

Votre rapporteure constate que le PIA n’est pas à l’abri de critiques sur l’inefficacité des crédits budgétaires qui sont utilisés. Face au risque que certains effets indésirables se produisent, une évaluation plus approfondie doit être organisée.

A.   certains effets pervers risquent d’apparaître

1.   Le risque d’une substitution au marché

Ce risque résulte du choix de l’État d’intervenir dans l’économie comme investisseur avisé, lorsqu’il intervient en fonds propres, ce qui en fait un acteur de marché à part entière. De ce fait, l’État stimule le marché mais crée également un biais, notamment lorsque son intervention tend à conditionner l’intervention privée.

C’est en particulier le cas sur certains marchés de capitaux peu matures en France : à travers le Fonds national d’amorçage ou le fonds Multicap croissance, l’État co-investit systématiquement avec des acteurs privés. Cela concerne l’opérateur Bpifrance, chargé de ces fonds. La stratégie de Bpifrance est d’écarter toute éviction du marché bancaire : l’opérateur n’intervient pas en investisseur majoritaire sur les projets qu’il soutient, sauf pour l’amorçage, où la défaillance de marché est réelle. Ainsi, Bpifrance se limite à une intervention en garantie de prêts ou à un cofinancement à 20 % maximum, par exemple pour les prêts de développement ou pour les interventions en fonds de fonds. La logique d’intervention publique est de former une offre privée qui prendra le relais des soutiens publics lorsque le marché sera suffisamment mûr.

Mais le risque est alors d’acclimater ces financeurs privés à la présence publique et de biaiser leur stratégie d’investissement, c’est-à-dire que les fonds privés, co-investisseurs de l’État ou non, mesurent le risque des projets en fonction de la stratégie de Bpifrance : si ce dernier n’intervient pas sur un projet, le signal est d’éviter ce projet. Le marché est donc biaisé.

Ainsi, le Fonds national d’amorçage, qui a eu six ans en 2017, est engagé à hauteur de 545 M€, répartis sur 26 fonds d’investissement qui ont financé environ 300 entreprises. Les start-up concernées ont levé, par ailleurs, 750 M€ soit un total de plus de 1 Md€. Mais si ce fonds de fonds, de l’avis des acteurs de ce marché, a couvert efficacement, une défaillance de marché, il a fallu le prolonger dans le cadre du PIA 3 car le marché n’est toujours pas en mesure d’être « sevré » de l’intervention publique, comme le précise le projet annuel de performances de la mission : « ce segment d’investissement étant encore trop fragile en matière de levée de fonds privés pour se passer d’un engagement public important sur les cinq à six années à venir, le PIA 3 permettra de créer un nouveau fonds de fonds d’amorçage ».

2.   Le risque d’un mauvais calibrage des aides

Le soutien à certains projets qui auraient été lancés sans aides publiques pose la question de l’efficacité de la dépense publique, et plus précisément de son calibrage. Par exemple, dans le cadre des PIA 1 et 2 et de l’action « Prêt numérique », des prêts de développement ont été accordés par Bpifrance afin de combler la réticence des acteurs bancaires à accorder des crédits aux entreprises technologiques qui tentent d’effectuer leur scale-up. Une première évaluation de cette action a montré toute sa pertinence, mais en a également démontré quelques limites :

– l’existence d’un effet d’aubaine, lorsque certaines entreprises n’ayant pas de problème d’accès aux marchés bancaires ont pu profiter de ces prêts, accordés à des taux bonifiés et donc attractifs ;

– le stop-and-go de la distribution des prêts, lorsque le rythme de décaissement des enveloppes finançant ce service de guichet n’est pas suffisant, ce qui laisse certaines entreprises exposées à la défaillance de marché.

Inversement, si certains projets n’auraient pas été lancés sans le soutien du PIA, la question à poser est celle de l’adéquation réelle des projets au marché qu’ils sont supposés satisfaire. Ainsi, un projet très risqué, qui dispose de peu de chances de donner lieu à une commercialisation mais qui est toutefois très subventionné, peut être lancé sans risque pour les acteurs privés, puisque l’échec est couvert par l’État. C’est un autre effet d’aubaine qu’il faut éviter grâce à l’expertise industrielle des acteurs publics, notamment de la direction générale des entreprises, qui développe une vision des marchés de demain et tâche de déceler les projets qui risquent de conduire à des impasses technologiques.

Enfin, un troisième risque de mauvais calibrage du soutien public tient à la différence de « langage » entre l’administration et les industriels, ce qui nuit au bon appariement du soutien public avec le besoin privé. Par exemple, lors des auditions d’industriels de l’automobile, votre rapporteure a relevé qu’il existe un biais entre la définition de l’innovation par l’État, qui s’appuie sur le manuel de Frascati (mesure de la R&D préconisée par l’OCDE) et les industriels, notamment dans l’automobile, qui s’appuient sur l’échelle TRL (technology readiness level ou niveau de maturité technologique). Ce biais crée des frictions dans la définition des besoins de financement et de qualification de l’innovation industrielle.

3.   Le risque de la dépendance à la subvention et du saupoudrage des fonds publics

Avec un peu de recul, le paysage très complexe des acteurs, organismes, collectivités, laboratoires, instituts ou entreprises qui composent le PIA se double d’un paysage encore plus complexe des aides publiques diverses, européennes, nationales comme régionales, issues du PIA ou non, administratives ou fiscales. Beaucoup de financements d’origines différentes incitent généralement à la multiplication des structures d’aide à l’innovation et ne poussent pas à la rationalisation de l’existant. Dans ce contexte, il est délicat de mesurer la plus-value réelle des soutiens publics, en particulier du PIA, encore trop peu évalué. Cela a au moins deux implications.

D’une part, il est plausible que certaines structures au cœur ou en périphérie du PIA bénéficient de nombreuses aides à l’innovation, disséminées dans l’ensemble des actions du programme, sans que l’impact économique de ces aides ne soit avéré. L’« effet levier », qui est très souvent recherché lorsque l’argent public est investi, ne se produit pas. Une telle évaluation n’a pas encore eu lieu pour des structures issues du PIA, comme les instituts pour la transition énergétique (ITE), les instituts de recherche technologique (IRT) ou les instituts hospitalo-universitaires, ce qui empêche à ce jour d’identifier l’inefficacité potentielle de certains « tremplins » du PIA.

D’autre part, une dépendance à la subvention risque d’apparaître pour certains bénéficiaires du PIA. Mécaniquement, ce risque est surtout perceptible en amont des projets, sur les phases de recherche et de valorisation économique. Par exemple, le fonctionnement des SATT, qui permettent de transformer une recherche en plus-value économique (par exemple, en propriété intellectuelle qui peut faire l’objet d’une transaction), traduit un modèle économique structurellement déficitaire, ainsi que l’ont montré au moins deux rapports récents ([14]), ce qui signifie que les aides du PIA sont nécessaires à la survie de ces sociétés. Là encore, l’impératif d’une évaluation rigoureuse se pose.

B.   Face À l’ampleur des sommes engagÉes, une Évaluation rigoureuse doit Être organisÉe

1.   Les bénéfices socio-économiques des projets soutenus ne sont observables qu’à long terme

Dès la mise en place du PIA 1, le principe de son évaluation indépendante a été posé. Les conventions entre l’État et les opérateurs conclues pour chaque action consacrent ainsi une section au suivi et à l’évaluation et sanctuarisent un budget à cet effet. Le CGI demande également à chaque opérateur de fournir chaque année un bilan de chaque action qui porte sur les indicateurs et les processus de suivi et d’évaluation mis en place.

En effet, la loi a instauré en 2013 l’obligation d’une évaluation de nature socio-économique des projets d’investissement de l’État et de ses établissements publics. Le CGI tient dans ce cadre un inventaire des projets d’un montant supérieur à 20 M€, et diligente une contrexpertise de l’évaluation pour les projets d’un montant supérieur à 100 M€. Il s’agit par exemple de mesure l’impact des actions sur la structuration du paysage académique, sur les filières industrielles, sur l’effet des projets soutenus sur l’emploi et sur la croissance des entreprises qui bénéficient des aides. Si un projet d’innovation de rupture a bénéficié d’un soutien, il faut attendre plusieurs années avant de mesurer si son impact sur le marché s’est effectivement concrétisé.

Votre rapporteure a donc dû constater que ce travail d’évaluation socio‑économique ne débutait à peine pour les premières actions du PIA 1. L’ADEME, par exemple, lors de son audition, estime qu’il faut déjà soutenir un projet pendant 3 à 5 ans, avant d’attendre encore 5 ans pour savoir s’il a fonctionné. La mesure du juste retour sur investissement des fonds du PIA est donc une mesure de long terme. Le CGI, dans ses réponses au questionnaire budgétaire, précise également que l’évaluation a posteriori de toutes les actions est encore prématurée et qu’elle ne sera pertinente qu’une fois que l’impact des projets financés se manifestera réellement.

En contrepoint, ce constat signifie notamment que les opérateurs manquent de visibilité sur le succès de leurs initiatives, et peinent d’ailleurs à connaître et à contrôler l’ensemble des projets qui ont reçu des fonds du PIA. Ces opérateurs ont eu de réelles difficultés à exposer, en particulier, la quantité de petites et moyennes entreprises qui ont bénéficié, directement ou non, des fonds du PIA, et leur proportion dans l’ensemble des entreprises aidées.

Selon l’Agence nationale de la recherche, un premier retour d’expérience de leurs équipes PIA a permis de mesurer que peu de projets ont été abandonnés, et que l’interdisciplinarité a beaucoup progressé grâce aux actions du PIA, notamment dans les sciences humaines et sociales, sans que toutefois des indicateurs de suivi puissent permettre de tenir des données d’évaluation concrètes. En outre, l’ANR reconnaît également qu’il est difficile d’assurer un monitoring efficace des projets PIA. Par définition, ces derniers bénéficient d’un pilotage assez large, avec des objectifs qui se définissent en cours de construction, à la différence des projets soutenus par l’ANR hors PIA, qui sont beaucoup plus précis dans les objectifs prescrits et dont la partition est connue à l’avance.

2.   L’évaluation à court terme est insuffisante

a.   Les indicateurs qualitatifs de la mission « Investissements d’avenir »

Comme pour l’ensemble des missions qui composent la partie « crédits » du projet de loi de finances, la mission « Investissements d’avenir » comporte des objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre, dont le suivi est effectué à partir d’indicateurs socio-économiques qui fixent des cibles à atteindre à plusieurs échéances.

Pour le programme 422, ces objectifs sont : « faciliter l’appropriation de l’innovation » et « soutenir les investissements dans le parc industriel concourant au renforcement de la performance environnementale ». Les indicateurs de suivi sont, pour le premier objectif, le nombre de brevets déposés par les entreprises soutenues par le PIA, la progression de la valeur ajoutée des entreprises soutenues par le PIA par rapport à la valeur ajoutée des entreprises françaises, la progression de la valeur ajoutée des SATT, puis, pour le second objectif, la progression de l’investissement privé dans les investissements « verts » des entreprises soutenues.

Pour le programme 423, les objectifs sont : « accélérer la croissance des PME et des ETI » et « soutenir la modernisation des entreprises françaises ». Les indicateurs de suivi sont, respectivement, le taux de pérennité des entreprises soutenues, les chiffres d’affaires à l’export des entreprises soutenues par rapport à celui des entreprises françaises, puis l’écart de taux de numérisation des entreprises soutenues par rapport à l’ensemble des entreprises et le taux de croissance de la valeur ajoutée des éco-activités soutenues par le PIA par rapport à l’ensemble des entreprises.

Votre rapporteure note la pertinence de ces indicateurs : ils devraient permettre de mesurer à moyen terme – horizon 2020 – l’impact réel du PIA sur les entreprises qui bénéficient de son soutien. En outre, la présence d’un objectif spécifique sur la croissance des PME et des ETI traduit effectivement le recentrage du PIA 3 sur ce tissu d’entreprises en particulier.

Toutefois, ce type d’évaluation reste assez superficiel. Ainsi, le choix des cibles à atteindre n’est pas justifié et les moyens de mesurer l’atteinte de ces cibles ne sont pas précisés, en dehors de quelques précisions méthodologiques. Il n’est pas possible de saisir, du point de vue du contrôle parlementaire, ni le caractère ambitieux ou non de ces cibles, ni le calcul effectué pour démontrer leur atteinte, ni l’effet de cette mesure sur l’évolution des actions. Par exemple, il n’est pas possible de savoir si le CGI recourt à ces indicateurs pour envisager des réallocations de crédits vers les actions les plus efficaces, ou si le CGI dispose de son propre tableau de bord.

Dans ces conditions, ce travail d’évaluation comporte le risque d’être essentiellement cosmétique, avec des objectifs relativement faciles à atteindre pour limiter l’exposition des programmes aux critiques sur l’efficacité de la dépense publique. À titre d’exemple, il est étonnant d’observer que la plupart des cibles fixées pour l’année 2018 et pour l’année 2020 sont assez proches, alors même que l’année 2018 sera marquée par l’utilisation très progressive des crédits du PIA 3 pour les programmes 422 et 423 (environ 13 % du total), tandis qu’en 2020, 46 % des crédits disponibles auront été décaissés.

b.   Les conventions avec l’État et le reporting au Parlement

Comme il a été vu, chaque convention signée entre l’État et les opérateurs pour chaque action consacre une section au suivi et à l’évaluation. C’est par exemple le cas d’une convention très récente sur le fonds d’internationalisation des PME. Comme montré ci-après, ce cadre d’évaluation est beaucoup plus poussé que le cadre présenté en annexe au projet de loi de finances.

Cette convention précise, dans sa section 5, l’ensemble des modalités d’évaluation de l’action concernée, dont les coûts sont pour l’essentiel à la charge de l’opérateur qui gère cette action : une évaluation ex ante des projets qui pourront être sélectionnés ; une évaluation de suivi à l’aide d’indicateurs de performance ; une évaluation ex post plus générale (au niveau des projets et de l’action dans son ensemble), financée quant à elle à hauteur de 0,15 % de l’enveloppe de crédits.

Ces évaluations sont menées par des équipes externes spécialisées et indépendantes, sélectionnées à la suite d’appel d’offres en cas de recours à un prestataire privé. En particulier, elles doivent fournir une estimation de la rentabilité économique et financière de l’action, ainsi que de ses externalités socioéconomiques.

Exemples dévaluations partielles déjà réalisées (non rendues publiques)

– l’évaluation économétrique intermédiaire du régime d’aides de l’ADEME par l’Institut des politiques publiques ;

– l’évaluation ex post de l’action « Financement de l’économie sociale et solidaire » par un consortium Pluricité, L’autre entreprise et Inno ;

– l’établissement d’une méthodologie d’évaluation ex post de l’action « Ville de demain » par un consortium Efficacity-InnoEco.

Parmi les indicateurs de suivi généraux, mesurés sur un rythme annuel, figurent le nombre d’ « opportunités » examinées (le deal flow), le nombre de projets ayant fait l’objet d’un investissement, le nombre de projets en situation d’échec ou le taux de rentabilité interne (TRI) du fonds d’investissement ; parmi les indicateurs plus spécifiques figurent la croissance du chiffre d’affaires, de la valeur ajoutée et du chiffre à l’exportation des sociétés soutenues (avant et après consolidation avec les entreprises acquises), ou encore la croissance de leurs effectifs.

Ces éléments d’évaluation en continu, ou leurs résultats, ne sont cependant pas rendus publics. En la matière, le CGI a indiqué à votre rapporteure que l’évaluation la plus pertinente était l’évaluation ex post, d’ordre socio-économique (voir ci-après), qui est réalisée sur le long terme. En réalité, les seuls éléments dont disposent les parlementaires pour suivre l’évolution du PIA sont présentés au sein d’un reporting trimestriel envoyé aux parlementaires.

Les informations contenues dans ce compte rendu sont essentiellement d’ordre financier. Y figurent notamment les données réelles de décaissement des crédits au cours du temps, le nombre de projets soutenus depuis 2010, les différents engagements financiers pris, par nature d’intervention (subvention, prêts, avances remboursables, etc.) et selon différentes ventilations.

Ces données précieuses d’un point de vue comptable sont cependant assez limitées en termes d’évaluation d’une politique publique mobilisant plusieurs dizaines de milliards d’euros. En particulier, votre rapporteure s’étonne qu’aucune projection sur le rythme futur de décaissement des crédits ne soit rendue publique – alors qu’elle existe – et qu’aucun des éléments d’évaluation des actions qui sont établis annuellement en application des conventions signées entre les opérateurs et l’État, ne soit communiqué au Parlement. Dans ces conditions, il est particulièrement délicat d’effectuer un contrôle parlementaire efficace, d’autant plus que les faiblesses du PIA existent, comme l’a montré le rapport à mi-parcours de la mission Maystadt ([15]).

C.   Au-delà des projets, le PIA doit faire l’objet d’une évaluation à part entière

Afin de garantir la meilleure utilisation des fonds mobilisés par l’État dans le cadre du PIA, il faut dès aujourd’hui renforcer drastiquement les actions d’évaluation de ce programme, depuis sa gouvernance jusque dans l’impact socio-économique. L’ampleur des sommes en jeu ne doit permettre aux acteurs concernés de s’abriter derrière le nécessaire temps long qu’il convient d’observer avant de rechercher les inefficacités du plan. Votre rapporteure préconise :

– d’améliorer sensiblement l’exercice de reporting au Parlement auquel se prête le CGI. Aujourd’hui essentiellement comptable et financier, il ne permet pas aux parlementaires de disposer des éléments quantitatifs et qualitatifs suffisants pour mener un contrôle parlementaire efficace ou une appropriation politique adaptée du PIA ;

– de remédier au manque de transparence du CGI et des opérateurs sur les données brutes du PIA, qui pourraient être rendues disponibles en open data comme la loi l’impose, mais également sur les tableaux de bord dont ces organismes disposent, sur les évaluations partielles menées et sur les résultats des contrôles et expertises menées par les comités de pilotage de chaque action ;

– de renforcer la précision de la budgétisation du PIA 3, dans la mesure où les éléments disponibles dans la maquette budgétaire sont très généraux, peu lisibles et insuffisamment fiables, notamment par rapport aux décaissements effectifs de crédits, ce qui fait de la « normalisation budgétaire » du PIA 3 une parade plus qu’une réalité ;

– de renforcer les évaluations partielles des projets lancés par le PIA 1 et 2 et de les rendre publiques pour justifier les réallocations de fonds, le renouvellement de certaines actions ou le lancement de nouveaux appels d’offres.

 

 


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   EXAMEN EN commission

Dans le cadre de la commission élargie du lundi 6 novembre 2017, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Marie Lebec, les crédits de la mission « Investissements davenir » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du lundi 6 novembre 2017, sur le site internet de lAssemblée nationale) ([16]).

*

*     *

À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Investissements davenir ».

La commission, conformément à lavis favorable de Mme Marie Lebec, donne un avis favorable à ladoption des crédits de la mission « Investissements d’avenir ».

La commission examine larticle 29, elle est saisie de lamendement n° IICE67 de M. François Ruffin et plusieurs de ses collègues.

M. le président Roland Lescure. Je demande à M. Alexis Corbière de défendre cet amendement.

M. Alexis Corbière. Il est défendu.

Mme Marie Lebec, rapporteure pour avis. Cette demande de rapport n’a pas de lien avec le PIA. En outre, vous indiquez dans l’exposé sommaire que le PIA n’est pas animé par des intérêts de transition écologique, ce qui est faux : c’est une des priorités du PIA depuis le PIA 1, et c’est un volet entier du Grand plan d’investissement dans lequel le PIA 3 s’inscrit. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement n° IICE67, puis les amendements n° II-CE68 de Mme Bénédicte Taurine et plusieurs de ses collègues, n° II-CE69 de M. François Ruffin et plusieurs de ses collègues, n° II-CE70 de Mme Bénédicte Taurine et plusieurs de ses collègues et n°II-CE71 de M. François Ruffin et plusieurs de ses collègues.

La commission est saisie de lamendement n° II-CE72 de M. François Ruffin et plusieurs de ses collègues.

M. Alexis Corbière. Cet amendement vise à empêcher la recherche par les entreprises.

Mme Marie Lebec, rapporteure pour avis. Les équipements structurants de recherche sont très coûteux et l’intervention de fonds privés pour cofinancer ces équipements est indispensable.

La commission rejette lamendement n° IICE72, puis lamendement n° IICE73 de Mme Bénédicte Taurine et plusieurs de ses collègues.

 


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   Liste des Personnes auditionnÉes

 

Commissariat général à linvestissement (CGI)

– M. Thierry Francq, commissaire général adjoint

– M. Édouard Bloch-Escoffier, directeur stratégie et finances

Direction générale des entreprises

– M. Alain Schmitt, chef du service de la compétitivité, de l’innovation et du développement des entreprises

– M. Michael Monerau, chargé de mission auprès du directeur général

Agence de lenvironnement et de la maîtrise de lénergie (ADEME)

– M. François Moisan, directeur exécutif stratégie, recherche et international

– Mme Fantine Lefèvre, directrice des investissements d’avenir

– M. Benjamin Stremsdoerfer, directeur adjoint des investissements d’avenir

Caisse des dépôts et consignations (CDC)

– Mme Gabrielle Gauthey, directrice des investissements et du développement local

– M. Nicolas Chung, directeur de la mission PIA

– Mme Aurélia Brunon, chargée des relations institutionnelles

Bpifrance

– M. Guillaume Mortelier, directeur de la stratégie et du développement

– M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles

Agence nationale de la recherche (ANR)

– M. Arnaud Torres, président-directeur général

– Mme Daniela Floriani, directrice adjointe à la direction des grands programmes d’investissements de l’État

Cabinet de M. Bruno le Maire, ministre de léconomie et des finances

– M. Alois Kirchner, conseiller industrie

– M. Michael Monerau, chargé de mission

Agence des participations de lÉtat (APE)

– M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État

– M. Charles Sarrazin, directeur de participations services & finance

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

– M. Frédéric Grivot, vice-président de la section Industrie

– Mme Jennifer Bastard, juriste

– Mme Sabrina Benmouhoub, chargée de mission affaires publiques

Réseau CTI

– M. Stéphane Le Guirriec, président

– M. Philippe de Laclos, vice-président

– Mme Marie-Sabine Gavois, déléguée générale

Groupe PSA

– Mme Virginie de Chassey, directrice/Senior VP

– M. Louis Michel Gomes, responsable PIA

Groupe Renault

– Mme Virginie Guérin, vice-présidente, directeur des affaires publiques

– M. Bertrand Hauet, secrétaire général de la recherche

Business France

– M. Lorenzo Cornuault, directeur exécutif réseau France et relations institutionnelles

CCI France *

– M. Dominique Brunin, délégué général CCI International

– M. Jérôme Pardigon, directeur des relations institutionnelles

Pôle de compétitivité Moveo

– M. Marc Charlet, directeur général

– M. Jean-Luc Brossard, directeur R&D

Association française des pôles de compétitivité (AFPC)

– M. Jean-Luc Beylat, président

– Mme Karine Jacq, déléguée générale

France Clusters

– M. Jean-Loic Carré, vice-président de France Clusters et délégué général du pôle de compétitivité Aqua Valley

– M. Francis Bertrand, adhérent de France Clusters et délégué général du pôle de compétitivité Dream

 

 

* Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants dintérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants dintérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 (PIA 1) et loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 (PIA 2)

([2]) L’amont de la valorisation économique concerne l’enseignement supérieur et la recherche, et l’aval désigne l’ensemble des processus d’innovation et de développement des entreprises qui conduisent à une mise sur le marché.

([3]) Il faut également relever que l’intervention en fonds propres comporte un autre intérêt essentiel pour la gouvernance des finances publiques de l’État : un investissement fait par l’État, dès lors qu’il est considéré comme un « investissement avisé », autrement dit effectué avec une recherche de rentabilité comparable à un investissement privé, n’entre pas dans le cadre du calcul du déficit public de l’État (déficit « maastrichtien »).

([4]) En réalité, 50 M€ du PIA 2 étaient déjà investis dans des projets co-décidés avec les régions.

([5]) Comme l’impression 3D.

([6]) La reconnaissance de cette défaillance de marché justifie qu’un plan d’investissement public d’aussi grande ampleur que le PIA soit autorisé par la Commission européenne, qui applique des règles très strictes de limitation des aides d’État aux entreprises nationales. Parmi les exceptions notables à l’interdiction des aides d’État figurent en effet les aides à l’innovation, les aides à destination des TPME ou encore les aides de faible ampleur (moins de 200 000 euros de subvention, aussi appelées règles de minimis).

([7]) Entreprise d’origine française, spécialisée dans les solutions de publicité ciblée, qui a choisi de se développer aux États-Unis et d’être cotée au NASDAQ.

([8]) Passage de la start-up à la PME.

([9]) Parmi les opérateurs des PIA 1 et 2 non retenus pour le PIA 3 figurent l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’Agence nationale de l'habitat, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’Agence de services et de paiement, le Centre national d'études spatiales, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, l’Office national d'études et de recherches aérospatiales ou encore FranceAgriMer.

([10]) Les données sont issues du rapport continu « PME au fil de l’eau » de Bpifrance, actualisé à mesure que les études paraissent.

([11]) L’innovation, au sens statistique, est considérée assez largement : une entreprise innove si elle réalise de la R&D, si elle dépose un brevet ou une marque, ou même un dessin ou un modèle, ou si elle commercialise un nouveau produit ou utilise un nouveau procédé de production.

([12]) Insee, bases Ésane, CLAP et Lifi (données 2013)

([13]) Voir, notamment, Crozet et al. « Plus grandes, plus fortes, plus loin... Les performances des firmes exportatrices françaises », Revue économique, n° 62, 2011/4 ; Insee, « Le financement de l’exportation pour les PME », Insee Références, édition 2016 ; Insee, « Les sociétés exportatrices sont plus innovantes que les autres », Insee Première, n° 1521, 2014

([14]) Cour des comptes, « Le programme d’investissements d’avenir. une démarche exceptionnelle, des dérives à corriger », rapport public thématique, 2015 ; Suzanne Berger, « Reforms in the French Industrial Ecosystem », rapport aux ministres de la recherche et de l’économie, 2016.

([15]) France Stratégie, Rapport du comité d’examen à mi-parcours présidé par Ph. Maystadt, mars 2016

([16]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/commissions_elargies/cr/