Logo2003modif

N° 274

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2017.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2018,

 

 

TOME III

 

 

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

AVANCES À L’AUDIOVISUEL PUBLIC

 

 

Par Mmes Frédérique DUMAS et Béatrice PIRON,

 

Députées.

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  235, 273 (annexe n° 30).


 


—  1  —

   SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION

PremiÈre partie : Évolution globale des crÉdits de la mission en 2018

DeuxiÈme partie : repenser le rôle et la place du service public dans l’Écosystème audiovisuel et adapter son financement À L’horizon 2019/2020 afin d’aller plus loin dans Sa nÉcessaire transformation

I. L’Évolution de la gestion et de l’offre des sociétés de l’audiovisuel public : un chantier déjà bien engagé

A. Les efforts de gestion accomplis par les sociétés de l’audiovisuel public au cours des dernières années

1. L’engagement de France Télévisions dans le sens d’une maîtrise rigoureuse de son budget

a. Un retour à l’équilibre financier depuis deux ans

b. Le lancement de chantiers de transformation structurelle susceptibles de permettre des gains de productivité importants à moyen terme

2. L’important programme de transformation interne engagé par Radio France

a. Les efforts de réduction de la masse salariale

b. La refonte du cadre social

c. Un programme de transformation des métiers ainsi que des méthodes et organisations de travail

3. La stratégie de gestion efficiente et innovante d’Arte

a. Une optimisation des coûts de gestion permettant d’accorder la priorité au financement de programmes

b. Des méthodes de travail novatrices

4. Les réformes structurelles opérées par France Médias Monde (FMM)

a. Des efforts d’économies et de productivité

b. D’importants acquis en matière d’organisation

5. La modernisation de TV5 Monde

6. Les efforts de gestion de l’Institut national de l’audiovisuel (INA)

7. Le développement de synergies entre opérateurs de l’audiovisuel public

a. Le lancement de la chaîne de télévision Franceinfo

b. La mise en œuvre de rapprochements sectoriels entre sociétés de l’audiovisuel public

B. Les projets innovants des OPÉRATEURS de l’audiovisuel public pour s’adapter aux nouveaux MODES DE CONSOMMATION DES CONTENUS AUDIOVISUELS

1. La transformation numérique de France Télévisions

a. Le lancement, au printemps dernier, du nouveau service vidéo « france.tv »

b. Les projets en cours en matière d’offre numérique

2. La multiplicité des projets numériques chez Radio France

a. Le doublement du budget dédié au numérique sur la période 20122017

b. La nouvelle offre numérique de France Bleu

c. Le lancement de « podcasts natifs »

d. De multiples partenariats technologiques

e. « Un Monde de Radio France » : vers la radio sur-mesure

f. Le projet de plateforme numérique unique France Musique

g. Une stratégie payante, couronnée par de remarquables résultats d’audience

3. Arte : une stratégie numérique pionnière et reconnue

a. La refonte de l’offre numérique d’Arte au printemps 2017

b. D’un socle franco-allemand à un destin européen

c. Educ’Arte : un remarquable exemple de la contribution de l’audiovisuel public à l’éducation en Europe

4. Les performances de France Médias Monde

a. Une offre éditoriale enrichie

b. Des audiences en progression, en particulier sur les supports numériques

5. La conversion de TV5 Monde au numérique

6. L’adaptation de l’INA aux nouveaux usages numériques

a. Le plan de sauvegarde et de numérisation (PSN)

b. La contribution de l’INA à Franceinfo

c. Le projet de plateforme numérique unique

d. Une stratégie « social media » efficace et saluée

II. L’adaptation du financement de l’audiovisuel public : UN chantier À entreprendre dans le cadre d’une rÉflexion globale sur la place et les missions du service public dans le paysage audiovisuel

A. la contribution À l’audiovisuel public dans sa configuration actuelle : un modÈle de financement ÉLOIGNÉ dE LA réalité technologique et DES USAGES et PRÉSENTANT UN ÉVENTUEL RISQUE D’attrition des ressources À moyen terme

1. Une taxe affectée dont le produit demeure dynamique

a. Un nombre d’assujettis encore en croissance

b. Un montant en forte augmentation

c. Le cas particulier de l’outre-mer

d. Les autres pays européens

2. Un fait générateur qui pose un problème de cohérence et de justice fiscale

a. Un problème d’équité fiscale lié à la nature de l’équipement de réception

b. Un problème d’équité fiscale lié à la fraude

c. Un problème d’équité sociale et intergénérationnelle

3. Une assiette qui pourrait être menacée à moyen terme par les évolutions technologiques et la mutation des habitudes de consommation des contenus audiovisuels

a. La substitution de nouveaux écrans au téléviseur, lente jusqu’à présent, pourrait s’accélérer dans les prochaines années

b. La prédilection des publics jeunes pour la consommation délinéarisée de contenus audiovisuels sur de nouveaux supports

B. L’universalisation de la contribution À l’audiovisuel public : un levier pour une refonte ambitieuse, juste et pÉrenne du financement dun service public de l’audiovisuel relÉgitimÉ

1. Écarter toute budgétisation sur les modèles espagnol et néerlandais

2. Écarter toute reconfiguration de l’assiette de la CAP qui serait corrélée à des réalités technologiques

a. Lélargissement de l’assiette de la CAP actuelle aux nouveaux supports, selon un principe de neutralité technologique et sur le modèle britannique

b. La taxation de l’accès à l’internet haut débit (ADSL)

3. Privilégier l’universalisation de la CAP conçue comme la contrepartie d’une offre potentielle, accessible pour tous, sans lien avec la détention de récepteurs

a. Le modèle allemand de contribution universelle à caractère forfaitaire adossée à l’impôt foncier

b. Le modèle finlandais de taxe universelle à caractère proportionnel adossée à l’impôt sur le revenu

c. Le modèle italien de contribution adossée à la fourniture d’énergie

d. Pistes pour une adaptation de la contribution à l’audiovisuel public

4. Élargir le débat sur l’audiovisuel public en associant les citoyens à l’évaluation des opérateurs sur les modèles britannique et finlandais

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DES MINISTRES

II. Examen des crédits

Article 29 – État B

Après l’article 51

Après l’article 57

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


—  1  —

   INTRODUCTION

Plutôt que de doublonner l’analyse budgétaire de l’évolution des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles et du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2018 réalisée par la rapporteure spéciale de la commission des Finances, Mme Marie-Ange Magne, les rapporteures ont souhaité livrer leur analyse politique de cette évolution et se concentrer sur la question de l’audiovisuel public, estimant que le temps était propice à l’amorce d’une réflexion globale sur le sujet.

En effet, les opérateurs de notre service public audiovisuel sont aujourd’hui financés non seulement par leurs ressources propres (notamment publicitaires), mais aussi et surtout par des ressources publiques qui leur sont affectées par le biais d’un instrument budgétaire spécifique – le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public –, et qui sont issues de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) ainsi que, pour France Télévisions, d’une part du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE).

 

Les grands principes du financement de l’audiovisuel public en France

Le principe d’une redevance audiovisuelle payée par les usagers en contrepartie d’un service et assise sur la détention d’un appareil de réception remonte à une loi de 1933 qui a créé une redevance sur les postes de radio. L’assiette de celle-ci a été étendue aux téléviseurs en 1949 puis aux magnétoscopes (de 1982 à 1987), les récepteurs de radio en ayant été retirés en 1980. Aujourd’hui, en application de l’article 1605 du code général des impôts (CGI), la taxe affectée que constitue la CAP est due :

– par toutes les personnes physiques imposables à la taxe d’habitation qui détiennent, au 1er janvier de l’année au cours de laquelle la CAP est due, un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l’usage privatif du foyer – le montant forfaitaire dû au titre de la CAP étant indépendant du nombre de téléviseurs possédés par le foyer, dans sa résidence principale et/ou secondaire ;

– par toutes les personnes morales détenant, au 1er janvier de l’année au cours de laquelle la CAP est due, un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé qui diffuse des programmes de télévision dans un local situé en France – le montant dû au titre de la CAP étant égal à quatre fois celui des particuliers, des abattements s’appliquant en cas de points de vision multiples et des exemptions et exonérations existant au profit de certaines catégories de professionnels (police, justice, établissements d’enseignement et de santé, etc.)

En outre, pour compenser l’arrêt partiel de la publicité sur les antennes de France Télévisions, la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a créé une taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (soit 34 contribuables en 2016). En application de l’article 302 bis KH du CGI, cette taxe consiste en un pourcentage du chiffre d’affaires des opérateurs précités qui sont enregistrés auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) : initialement fixé à 0,9 %, ce pourcentage a été porté à 1,3 % dans la loi de finances initiale pour 2016. La loi de finances initiale pour 2011 a ajouté une disposition spécifique sur les offres télévision – internet – téléphone qui bénéficient d’un abonnement.

Taxe non affectée, la TOCE alimente le budget général de l’État, à charge pour ce dernier d’en reverser le produit à France Télévisions. Cependant, alors que la TOCE avait été créée spécifiquement pour compenser la baisse de ses ressources publicitaires de France Télévisions, l’État n’en affecte qu’une partie à cette entreprise (164,4 millions d’euros sur les 310 millions d’euros du produit de la TOCE en 2017).

Or, le recouvrement de la CAP – dont le produit, estimé à 3,25 milliards d’euros en 2017, fournit l’essentiel des ressources publiques des opérateurs du service public audiovisuel – est adossé à celui de la taxe d’habitation (TH). Dans la mesure où le PLF pour 2018 prévoit d’instaurer, à compter de l’an prochain, un dégrèvement qui, s’ajoutant aux exonérations existantes, permettra à environ 80 % des foyers d’être dispensés du paiement de la TH au titre de leur résidence principale d’ici 2020, il se pourrait que, d’ici trois ans, une large majorité de foyers fiscaux ne voit plus figurer que la CAP sur leur avis d’imposition, si les motifs d’exonération et de dégrèvement de la CAP ne sont plus alignés sur ceux de la TH ([1]).

On ne peut donc aujourd’hui faire l’économie d’un réexamen du modèle de financement de notre audiovisuel public qui lui-même ne peut s’inscrire que dans une réflexion beaucoup plus large sur la place et les missions souhaitées pour ce service public. À l’ère de la multiplication des contenus et de l’évolution des services et des usages, la question des moyens ne saurait en effet précéder celle des finalités.

Du point de vue des rapporteures, ce n’est par ailleurs qu’après s’être penché sur les modèles économiques et sur l’ensemble de l’écosystème dans lequel évolue l’audiovisuel public qu’il sera possible de prendre des décisions pertinentes quant à son ou ses modes de financement, car le paysage audiovisuel a profondément changé, avec la substitution progressive, mais de plus en plus rapide, de nouveaux supports, notamment numériques, au téléviseur et la consommation de plus en plus délinéarisée des contenus audiovisuels, en particulier chez les jeunes, aussi bien pour la télévision que pour la radio.

L’audiovisuel public ne peut donc aujourd’hui être envisagé que dans son environnement global, tant il contribue :

– à la création et à la diffusion des œuvres culturelles : d’après les représentants de l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER) qui ont été entendus par les rapporteures, 72 % des programmes diffusés sur le service public audiovisuel européen étaient d’origine européenne en 2015, dont 64 % des productions originales, là où les chaînes privées atteignent à peine 33 % ; la même année, les opérateurs de ce service public ont investi 18 milliards d’euros dans des contenus originaux, soit bien davantage que ce que les acteurs mondiaux comme Google, Apple, Facebook et Amazon (« GAFA ») ont alors investi dans ces mêmes contenus. En guise de comparaison, Netflix a dépensé 4,42 milliards d’euros et Amazon 2,41 milliards d’euros dans des contenus européens.

Par ailleurs, d’après les chiffres fournis aux rapporteures, France Télévisions investit près de la moitié de son budget de 2,8 milliards d’euros dans le secteur audiovisuel (soit 1,4 milliard d’euros), ce qui fait de cet opérateur le premier financeur de la création aujourd’hui, devant Canal +, TF1 et M6. France Télévisions investit en effet 60 millions d’euros dans la création cinématographique (contre 43 millions d’euros pour le groupe TF1) et 420 millions d’euros dans la création audiovisuelle (contre 174 millions d’euros pour le groupe TF1), ce qui représente environ 50 % de tous les apports à la production audiovisuelle française, contre 20 % pour le groupe TF1, 7 % pour le groupe M6 et 4 % pour l’ensemble des chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) réunies.

D’autres opérateurs de l’audiovisuel public comme Arte France ne sont pas en reste : près de 50 % du budget d’Arte France est ainsi investi dans les programmes, dont 88,7 % étaient européens en 2016 ([2]). De manière générale, la fiction française domine en audience sur toutes les chaînes. Parallèlement, on constate un fort dynamisme des ventes à l’export ([3]). On rappellera d’ailleurs qu’il y a quelques semaines, le prix CB News de la meilleure fiction TV a été attribué à la saison 2 de « Dix pour cent », produite par France 2.

– au développement économique : les représentants de l’UER ont indiqué, lors de leur audition, qu’en Belgique, pour 100 euros investis dans l’audiovisuel public, 270 euros de richesses sont injectés dans l’économie (notamment en termes d’emplois directs et indirects), soit un facteur multiplicateur de 2,7 qui serait encore inférieur à celui de l’audiovisuel public britannique. Ces chiffres méritent, selon eux, d’être comparés à la contribution relativement modeste des GAFA à l’économie, eux qui ont pourtant été les principaux bénéficiaires du transfert publicitaire à la suite de la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions entre 20 heures et 6 heures en application de la loi du 5 mars 2009 précitée ;

– au progrès social : lors de leur audition, les représentants de France Télévisions ont ainsi expliqué que le nombre de personnes qui, en un an, regardent les programmes de spectacle vivant diffusés en première et deuxième parties de soirée sur les chaînes de leur groupe équivaut au nombre total de spectateurs ayant assisté à des représentations au Théâtre du Châtelet au cours des vingt dernières années. Cette capacité de l’audiovisuel public français à réduire les fractures territoriales, sociales et culturelles n’est pas propre à France Télévisions : l’initiative « RFI Challenge App Afrique » de France Médias Monde (FMM) le prouve. Mise en œuvre en partenariat avec Facebook, Orange et des partenaires africains, cette initiative consiste à lancer un défi aux jeunes Africains sur une thématique donnée, par exemple la santé en 2015. Il leur a alors été demandé comment le numérique pouvait contribuer à améliorer la santé des Africains : FMM a reçu 650 réponses de tous les pays africains, y compris anglophones et a décerné un prix de 15 000 euros à un médecin malien qui a créé une plateforme de diagnostic à distance permettant aux médecins installés dans les grandes villes de faire des diagnostics sur des patients se trouvant dans des régions isolées sans hôpitaux, parfois même sans dispensaire. En 2017, le défi porte sur les moyens d’améliorer l’éducation des filles grâce au numérique. L’émission « Sept milliards de voisins » se délocalisera à cette occasion et FMM financera une application pour aider à l’éducation des filles ;

 et à la démocratie, en contribuant à renforcer l’indépendance, le pluralisme et la liberté d’expression, ainsi qu’en portant ce modèle dans le reste du monde : lors de sa récente audition par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, la présidente de FMM, Mme MarieChristine Saragosse, a mis en avant la liberté des journalistes de cet opérateur, en particulier à l’égard d’autorités étrangères qui confondraient chaînes publiques et chaînes gouvernementales et qui, mécontentes de la ligne éditoriale de programmes diffusés par FMM, seraient tentées d’exercer des pressions sur les ambassadeurs et le gouvernement français pour limiter l’indépendance de notre audiovisuel public extérieur ([4]). La défense de cette indépendance est un enjeu de liberté de la presse autant que de souveraineté.

*

*     *

Après une rapide réaction à certaines dispositions du PLF pour 2018 concernant la mission Médias, livre et industries culturelles et le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public (première partie), les rapporteures esquisseront des pistes visant à amorcer une réflexion globale sur l’audiovisuel public, qui ne sacrifie pas l’examen de ses finalités à celui de ses moyens (seconde partie).

 

Larticle 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, environ 78 % des réponses étaient parvenues, ce qui représente un progrès considérable par rapport à l’an passé où à peine 50 % des réponses, en moyenne, étaient parvenues dans le délai organique pour l’ensemble des programmes de la mission.

 


—  1  —

PremiÈre partie : Évolution globale des crÉdits de la mission en 2018

Compte tenu de l’impérieuse nécessité de maîtriser nos dépenses publiques, les rapporteures approuvent globalement les orientations du PLF pour 2018 concernant la mission Médias, livre et industries culturelles dont les crédits sont stables à périmètre constant (+ 0,2 % en crédits de paiement) ([5]), même si elles regrettent que les coupes budgétaires dans l’audiovisuel public aient été décidées sans réelle étude d’impact.

● S’agissant du programme 180 « Presse et médias », si la dotation allouée à l’Agence France-Presse baisse d’un million d’euros, elle restera néanmoins supérieure de 3,6 millions d’euros par rapport aux prévisions de son contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour 2018.

Quant à la baisse de 6,4 millions d’euros des aides à la presse (soit – 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017 ([6])), il faut souligner qu’elle concerne essentiellement le fonds d’aide au portage de la presse (– 4,5 millions d’euros), en cohérence avec la baisse relative des volumes portés constatée depuis quelques années pour les titres éligibles, et qu’elle ne doit pas occulter la stabilité de la quasi-totalité des autres aides à la presse, dans un contexte budgétaire pourtant contraint : le montant des aides au pluralisme (16,1 millions d’euros), à la modernisation des diffuseurs de presse (6 millions d’euros), à la distribution de la presse quotidienne nationale (18,9 millions d’euros), à la compagnie internationale de radio et télévision (1,7 million d’euros) et les dotations allouées au fonds stratégique pour le développement de la presse (27,3 millions d’euros) et aux fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation des médias (5 millions d’euros), à l’expression radiophonique locale (30,7 millions d’euros) et aux médias d’information sociale de proximité (1,6 million d’euros) restent constants ([7]). Les rapporteures estiment en outre bienvenue la clarification des règles d’application du taux super-réduit (2,10 %) de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) aux services de presse en ligne proposés par les opérateurs dans le cadre d’offres comprenant des services de télécommunication.

● S’agissant des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles », s’il est vrai que les autorisations d’engagement et les crédits de paiement baissent respectivement d’environ 17 et 7 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, il faut souligner qu’il s’agit de transferts de dispositifs existants vers les actions d’éducation artistique et culturelle (programme 224). Il faut se féliciter de ce que les dotations au fonds de soutien à l’innovation et à la transition numérique de la musique ainsi qu’à la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) restent stables (respectivement à 2 et 9 millions d’euros), et de ce que, malgré les contraintes budgétaires, les moyens du bureau Export de la musique et du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) soient renforcés (avec une augmentation de 2,5 % des crédits alloués à ce dernier).

● En revanche, tout en reconnaissant que les opérateurs de l’audiovisuel public ne sauraient être exonérés de toute contribution à l’effort de redressement des finances publiques engagé par le Gouvernement, les rapporteures souhaitent que la baisse des concours financiers alloués à ces entreprises n’affecte pas leurs investissements dans la création ou leurs missions de base, et qu’elle ne compromette pas leur transformation numérique – ce dont elles n’ont pas eu l’assurance à ce jour pour France Télévisions et France Médias Monde.

Dans sa version initiale, le PLF pour 2018 prévoit en effet une baisse des ressources publiques versées aux sociétés de l’audiovisuel public de 36,8 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017 – soit une baisse de près de 80 millions d’euros par rapport aux engagements pris dans les COM de ces sociétés. Cette baisse résulte de ce que :

 le montant de la CAP n’est pas rehaussé au-delà de son augmentation mécanique du fait de son indexation sur l’inflation (soit une augmentation d’un euro qui porte le montant de la CAP en 2018 à 139 euros en métropole et 89 euros dans les outre-mers, pour un rendement supplémentaire de quelque 30 millions d’euros) ;

– la part du produit de la TOCE reversée à France Télévisions chuterait de 164,4 millions d’euros (en 2017) à 86,4 millions d’euros (en 2018).

À la suite des auditions menées, les rapporteures estiment que ce dispositif annoncé très tardivement peut conduire certaines sociétés de l’audiovisuel public à faire des économies pouvant affecter la création, les programmes et les missions ou à trouver des astuces budgétaires qui ne font que repousser les décisions à prendre. Les rapporteures ne remettent pas en cause ces techniques budgétaires, mais tiennent à souligner que l’exercice demandé – trouver de réelles économies d’ordre structurel en un temps très court « sans toucher aux contenus » – s’avère extrêmement difficile.

L’écart entre la dotation prévue par le PLF pour 2018 et les prévisions des COM pour cette même année serait de :

– 24,6 millions d’euros pour Radio France qui est amenée à décaler la fin du chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio qu’il faudra tout de même conduire à terme. Les retards et l’inflation des coûts du chantier de réhabilitation font cependant peser une grave menace sur la situation financière de l’entreprise qui ne devrait par ailleurs plus pouvoir disposer de la possibilité d’avoir recours à l’endettement ;

– 2,9 millions d’euros pour Arte France dont la dotation progresse tout de même de 5,3 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, ce qui permet à la chaîne de maintenir ses investissements dans la création. Afin d’intégrer les économies demandées sans remettre en cause les engagements pris conjointement avec l’Allemagne en faveur de la création, Arte a opté pour un report à nouveau, avec l’affectation d’une partie de son fonds de roulement en fonctionnement. Le problème se reposera donc en 2019 ;

– 1,9 million d’euros pour France Médias Monde (FMM) dont la dotation reste néanmoins supérieure de 6,2 millions d’euros par rapport au montant prévu en loi de finances initiale pour 2017, afin d’assurer le financement de la version hispanophone de France 24, lancée en septembre dernier. Il semblerait toutefois que les économies demandées doivent conduire FMM à remettre en cause sa couverture mondiale en mettant fin notamment à sa diffusion aux États-Unis, à travers la dénonciation de son contrat avec Time Warner qui arrive à échéance prochainement, ainsi qu’à supprimer une langue comme le swahili dont la mise en place était prévue par le COM. Or aux États-Unis, France 24 est la chaîne d’information qui obtient le plus fort taux de satisfaction et la meilleure note globale de ses téléspectateurs, selon une étude Kantar menée auprès de 7 000 personnes au printemps 2017. Le développement de nos relations avec l’Afrique est, quant à lui, une priorité ;

– 1,2 million d’euros pour TV5 Monde qui devrait pouvoir intégrer cette demande d’économies en réduisant l’avance qu’a actuellement la France sur le versement de sa quote-part par rapport à ses partenaires que sont la Belgique, la Suisse et le Québec ;

– 450 000 euros pour l’Institut national de l’audiovisuel (INA) dont il serait souhaitable qu’il puisse affecter cette réduction budgétaire à ses investissements, sachant que l’entreprise pourra elle-même directement la compenser grâce à ses capacités d’autofinancement dégagées en raison de sa bonne gestion.

S’agissant de France Télévisions, sa dotation serait inférieure de 47,8 millions d’euros par rapport aux prévisions de son COM pour 2018 et de 30,8 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Les rapporteures ne disposent à ce jour d’aucune précision sur l’impact des économies demandées. Les différentes auditions menées laissent toutefois penser que ce sont bien soit les programmes, soit la création, soit les projets en développement, soit le résultat net, qui devraient être affectés.


—  1  —

DeuxiÈme partie : repenser le rôle et la place du service public dans l’Écosystème audiovisuel et adapter son financement À L’horizon 2019/2020 afin d’aller plus loin dans Sa nÉcessaire transformation

Depuis plusieurs années, le Parlement envisage le service public audiovisuel essentiellement sous l’angle de son financement ([8]), et souvent dans le cadre des débats sur les projets de loi de finances, lorsqu’il s’agit d’effectuer des arbitrages budgétaires : la discussion du projet de loi de finances pour 2017 en a été la parfaite illustration, le service public audiovisuel n’ayant alors été envisagé qu’au travers de « calculs d’apothicaire » visant à déterminer s’il fallait augmenter le montant de la CAP de deux euros, comme le proposait le Gouvernement dans son texte initial, ou s’il fallait ne l’augmenter que d’un euro tout en relevant par ailleurs le taux de la TOCE ainsi que la part du produit de cette taxe qui est reversée à France Télévisions, comme le suggérait la commission des Finances de l’Assemblée nationale ([9]). Cette année, c’est sur la réintroduction de la publicité après 20 heures sur France Télévisions que se sont concentrés les échanges, comme si une telle décision n’avait aucun impact sur le paysage audiovisuel et son écosystème, comme s’il était pertinent de redonner à cette entreprise une ressource qui aurait alors été supérieure aux économies qui lui sont demandées, uniquement parce que cette ressource ne grève pas le budget de l’État.

La question de l’audiovisuel public se réduit ainsi à une joute entre experts et acteurs concernés, un « entre-soi » dont les débats se concentrent sur les enjeux de financement, alors que cette question devrait être abordée dans le cadre d’une discussion beaucoup plus globale sur l’attractivité du service public à l’heure du numérique et des nouveaux usages, sur la modernisation de la gouvernance de ses opérateurs ([10]), sur les missions que nous entendons assigner au service public audiovisuel afin de réduire les fractures culturelles, sociales et territoriales, sur son périmètre et enfin sur ce que nos concitoyens attendent de ce service public.

Faute de définir les objectifs stratégiques pour l’audiovisuel public avant d’en déterminer les moyens, on peine à en asseoir la légitimité, ce qui ne pourra se faire qu’en faisant de la pédagogie, en mettant en valeur les transformations opérées par ses opérateurs, en exigeant de ces derniers qu’ils portent des projets toujours plus novateurs pour renforcer son attractivité, et en associant l’ensemble de nos concitoyens à la réflexion sur les finalités poursuivies. En deux mots : en reposant sa légitimité et en renforçant son attractivité.

De plus, les objectifs comme les moyens associés doivent être prévus sur plusieurs années. C’est d’ailleurs bien l’objet des COM qui se retrouvent pourtant régulièrement remis en cause, et ce quelques mois après avoir été signés. La visibilité et la stabilité sont essentielles. Si des modifications peuvent logiquement être introduites pour refléter les changements de contexte, elles doivent être validées par voie d’avenants.

Ce n’est qu’une fois que cette « relégitimation » aura été opérée qu’il sera possible de penser la réforme du financement de l’audiovisuel public dans le cadre d’un plan de croissance pour l’ensemble de la filière audiovisuelle (II) qui s’imposera non seulement comme la contrepartie des efforts en cours ou déjà accomplis, mais aussi comme la condition de la poursuite des transformations engagées par les opérateurs de l’audiovisuel public (I). L’audiovisuel public pourrait retrouver ainsi lisibilité, visibilité et stabilité.

I.   L’Évolution de la gestion et de l’offre des sociétés de l’audiovisuel public : un chantier déjà bien engagé

Les opérateurs de l’audiovisuel public ont consenti ces dernières années d’importants efforts de gestion (A) et d’adaptation aux nouveaux usages (B) qui méritent d’être encouragés et poursuivis.

A.   Les efforts de gestion accomplis par les sociétés de l’audiovisuel public au cours des dernières années

1.   L’engagement de France Télévisions dans le sens d’une maîtrise rigoureuse de son budget

a.   Un retour à l’équilibre financier depuis deux ans

Après plusieurs années d’exploitation déficitaire, le budget de France Télévisions est désormais revenu à l’équilibre, avec un résultat net prévisionnel de + 0,3 million d’euros en 2017. Cette évolution favorable de la situation financière de l’entreprise n’a été rendue possible que par des efforts de gestion importants qui, depuis 2012, représentent près de 370 millions d’euros en cumulé et en prenant en compte l’inflation, étant précisé que, cette année, les charges d’exploitation du groupe sont inférieures de près de 90 millions d’euros à leur niveau de 2012.

La baisse des effectifs a contribué à la réalisation de ces économies. Un plan de départs volontaires mis en place entre 2013 et 2016 et la réduction significative du recours à l’emploi non-permanent depuis 2011 ont permis, à missions constantes, de diminuer les effectifs de France Télévisions de 650 équivalents temps plein (ETP) par rapport à 2012, pour atteindre 9 840 ETP fin 2016. Pour la période 2016‑2020, l’engagement a été pris de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux, ce qui devrait conduire, selon le COM, à une nouvelle suppression de 350 ETP, dont 188 dès 2018.

D’ici à 2020, le groupe s’est fixé un objectif de 9 500 ETP moyens, soit une diminution, par rapport à 2012, de 10 % de l’effectif du groupe (– 997 ETP) dont il faut rappeler que la moitié se trouve en régions et en outre-mer.

À la suite du rapport publié à son sujet par la Cour des comptes en octobre 2016 ([11]), France Télévisions a mis en œuvre la quasi-totalité des recommandations formulées par les magistrats relevant de sa responsabilité : un plan d’action pour les achats hors programmes a été présenté au conseil d’administration dès le mois d’octobre 2016 ; une direction de la déontologie chargée du déploiement d’un dispositif éthique au sein du groupe a été créée en juin 2016 ; les règles de transparence concernant les engagements de programmes ont été renforcées par la création d’un comité d’investissement des programmes ainsi que d’une procédure d’engagement dite « renforcée » pour éviter les situations de conflit d’intérêts ; et enfin, la politique d’audit des programmes impulsée ces dernières années a été poursuivie et étendue. La mise en œuvre de ces audits a permis de réaliser, sur les seuls programmes de flux audités depuis 2010, une économie cumulée de près de 25 millions d’euros.

b.   Le lancement de chantiers de transformation structurelle susceptibles de permettre des gains de productivité importants à moyen terme

France Télévisions a lancé en 2015 un projet de fusion des rédactions d’information nationale qui devrait être achevé l’an prochain. Les deux premières phases de la fusion ont été mises en œuvre en 2015 et 2016 et ont notamment permis de créer une direction de la rédaction sous pilotage unique, se substituant aux trois directeurs des rédactions de France 2, de France 3 et des médias numériques. Les services « économie et social », « politique », « culture », « numérique » ainsi que les services d’infographie et de post-production de France 2 et France 3 ont été regroupés. Les troisième et quatrième phases, effectives d’ici la fin des années 2017 et 2018 (respectivement) conduiront au regroupement des services « enquête et reportages », « société » et « reporters d’image », ainsi qu’à la création d’un service unifié de « support aux éditions » qui regroupera les personnes travaillant à la mise en forme et en image des journaux télévisés.

À la suite de la modification de la délimitation des régions opérée en 2015 ([12]), une réforme du réseau régional de France 3 a été entreprise. 13 directions régionales et une direction territoriale de Corse ont été constituées : chaque directeur régional est responsable de son budget et dispose d’une autonomie éditoriale accrue. Il semble néanmoins aux rapporteures qu’il convient de mener une réflexion plus approfondie sur l’avenir de la télévision régionale, la télévision de proximité étant amenée à jouer un rôle essentiel pour répondre à la fracture territoriale, sociale et culturelle. Cette réflexion devra tenir compte de l’écosystème et des transformations des usages.

France Télévisions a mis en place en 2017 un schéma de développement des moyens internes de fabrication. La première phase de ce schéma, présentée au conseil d’administration en juin dernier, prévoit une adaptation du plan de charge des activités de fiction afin de mieux répondre aux besoins des antennes et aux évolutions des attentes du public. Le schéma de développement prévoit un redéploiement de trois équipes fiction à Vendargues (région Occitanie), parallèlement à une réduction du plan de charge fiction sur les sites existants (répartis entre les sites de Lille, Lyon, Bordeaux et Marseille). La filière de production, dont l’activité est actuellement de 32 fictions unitaires par an (48 heures) passerait ainsi à un feuilleton quotidien (101 heures) et 20 fictions unitaires par an (30 heures), ce qui, grâce à des gains de productivité, représenterait, pour la direction de France Télévisions, presqu’un triplement du volume de production existant.

L’objectif est de mieux organiser l’ensemble de la direction chargée de la production et des moyens afin d’optimiser son potentiel et d’améliorer son résultat de gestion.

Il semble néanmoins aux rapporteures que cette décision de renforcer la production en interne devra être évaluée très sérieusement à la lumière de l’objectif poursuivi avant d’être confortée sur de futurs autres projets, et cela pour deux raisons :

– quoi que l’on fasse, la production interne a toujours entraîné une augmentation substantielle des coûts de production dans le public comme dans le privé, ce qui est relevé dans le COM de France Télévisions : « ces moyens [internes] sont néanmoins parfois perçus comme des sources de contraintes économiques et également éditoriales pour les antennes (coût interne élevé par rapport aux prestataires extérieurs, processus de décision complexe pour le recours aux moyens internes) » ([13]) ;

– le recours aux producteurs indépendants a toujours dynamisé la création. Même la BBC a fait évoluer son modèle vers plus de production indépendante. Sans vouloir trancher à ce stade cette question, en l’absence d’évaluation objective, les rapporteures souhaitent, en fonction des différentes décisions qui pourraient être prises, voir se ré-ouvrir un débat encadré, équilibré et efficient, sur les rapports entre production et diffusion.

Conformément aux recommandations de la Cour des comptes, France Télévisions a engagé la signature d’accords sur les compétences complémentaires et la polyvalence des emplois, qui permettent à des non‑journalistes de concevoir des contenus multimédia ou à des journalistes d’assurer des montages et qui ouvrent la possibilité à des salariés relevant d’emplois en décroissance d’assurer des activités nouvelles. Trois accords ont d’ores et déjà été signés concernant Franceinfo, le réseau Outre-mer et le réseau France 3. Les négociations se poursuivent et devraient s’achever à l’automne.

France Télévisions a entamé cette année un projet de dématérialisation des procédures de gestion administrative, financière et sociale. Il se déploie en plusieurs étapes, avec la dématérialisation des bulletins de paie de l’ensemble des collaborateurs, le développement de « e-services » administratifs ainsi que les projets de dématérialisation de la gestion des frais de mission, des factures fournisseurs ou encore des supports médias.

Les rapporteures notent toutefois que l’ensemble des engagements de transformation n’ont néanmoins pas tous été conduits à terme par France Télévisions, notamment ceux de l’entreprise unique créée en 2009 : comme a pu le constater la Cour des comptes ([14]), le processus de fusion permettant synergies et économies, entamée il y a sept ans, n’a pas été finalisé en ce qui concerne les fonctions support comme la direction de la communication, la direction des ressources humaines, la direction de l’information nationale et la direction financière. Le conseil d’administration n’a pas non plus joué son rôle d’aiguillage stratégique. Et les pouvoirs publics n’ont pas toujours pris leurs responsabilités à ce sujet.

2.   L’important programme de transformation interne engagé par Radio France

La part du produit de la CAP allouée à Radio France ayant diminué entre 2012 et 2016 – passant de 610,2 millions d’euros en 2012 (soit près de 22 % du produit total de la CAP) à 606,8 millions d’euros en 2016 (soit 16 % du produit total de la CAP) –, Radio France s’est engagée dans une réforme en profondeur afin de tenir la trajectoire financière et d’effectifs fixée dans les COM, tout en modernisant l’entreprise et en faisant évoluer ses méthodes de travail.

a.   Les efforts de réduction de la masse salariale

Radio France a entrepris de redresser la situation fortement dégradée qui était la sienne en 2014, sous le double effet d’une baisse de ses recettes et d’une hausse de ses charges et du chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio. Le COM 2015-2019 prévoyant une trajectoire de diminution de la masse salariale et des charges en vue d’un retour à l’équilibre en 2018, l’entreprise a réduit ses effectifs en renonçant à remplacer un départ sur deux depuis 2016, ce qui a conduit à la suppression de 70 postes par an depuis cette date.

Ces départs non remplacés ont conduit à réformer l’organisation de l’entreprise, ce qui s’est traduit par la création de directions transverses (direction des achats, de l’Établissement, etc.) et par l’intégration de fonctions nouvelles (marketing relationnel, gestion des publics, sécurité, numérique). S’agissant plus particulièrement du réseau France Bleu, après la fermeture des 5 radios micro‑locales en 2015, ont été amorcés en 2016 un projet de convergence entre « 107.1 » et « Bleu Natio », ainsi qu’une réorganisation territoriale du réseau passant par la suppression de 7 délégations.

Les efforts de maîtrise de la masse salariale ont été poursuivis cette année : un accord collectif a été signé avec les musiciens et les personnels administratifs et techniques des orchestres et du chœur de Radio France, qui prévoit une baisse des effectifs du chœur (qui passeront de 104 à 90 ETP), une baisse des effectifs des orchestres (par la suppression de 40 ETP sur trois ans) ainsi que la possibilité pour des musiciens de l’orchestre philharmonique de Radio France d’effectuer des remplacements au sein de l’orchestre national de France (et inversement).

Au total, Radio France, qui comptait 4 613 ETP au 31 décembre 2016, a ainsi obtenu des résultats meilleurs que ceux fixés par le COM : son déficit était respectivement de 13,9 et de 10,6 millions d’euros en 2015 et 2016 (en lieu et place des – 19,1 et – 16,6 millions d’euros prévus par le COM). Ce déficit devrait encore reculer en 2017 pour être ramené à 6,5 millions d’euros.

b.   La refonte du cadre social

À la suite de la mise en place d’un agenda social partagé en 2015, un nouvel accord d’entreprise, signé le 31 mars 2017, a opéré une réorganisation de son cadre social, ce qui s’est notamment traduit par une refonte des nomenclatures d’emplois, par la rénovation du dialogue social et par la fin des automatismes salariaux ainsi que du paritarisme.

Un accord sur la transition multimédia a été signé le 27 juillet dernier qui prévoit l’intégration des enjeux numériques ainsi que le suivi des charges de travail, organisations, formations et moyens techniques associés.

Un chantier relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences a par ailleurs été lancé cette année, qui passe par la remise, d’ici quelques mois, d’une étude sur l’organisation du travail et des congés dans le cadre des contrats à durée déterminée (CDD), mais aussi par la signature d’un avenant à l’accord collectif national du 29 novembre 2007 relatif aux conditions de recours aux CDD d’usage dans le secteur de la radiodiffusion – ce qui pourrait concerner 160 personnes dès 2018 – ainsi que par la possibilité de proposer des contrats à durée indéterminée (CDI) de chantier pour les collaborations conditionnées par les grilles de programme.

c.   Un programme de transformation des métiers ainsi que des méthodes et organisations de travail

Radio France a impulsé une dynamique d’évolution des métiers et des compétences tous azimuts, qui concerne à la fois :

– les musiciens et métiers liés à la production culturelle : la création de la direction de la musique et de la création culturelle en 2015 a favorisé l’intégration des formations musicales au sein de la stratégie musicale et culturelle de Radio France, et l’accord signé en mars 2017 a permis leur redimensionnement ;

– les rédactions : outre les réformes des flash de nuit et de Mouv’, on peut citer la création des directions des sports et de l’investigation ainsi que la création de l’agence Franceinfo qui, composée d’une dizaine de journalistes basés au cœur de la chaîne d’information, propose ses services depuis 2016 à l’ensemble des rédactions de Radio France ;

– les métiers de la production (technique, réalisation, documentation) : leur organisation a évolué autour des projets « média global » des sept chaînes, ce qui a par exemple amené des techniciens vidéo à intervenir sur Franceinfo ou des réalisateurs vidéo à intervenir sur le site francemusique.fr.

Radio France s’attache à privilégier de nouvelles méthodes de travail et de conduite des projets, plus souples et plus collaboratives, destinées à favoriser la mobilisation des équipes et la transversalité entre métiers et services différents. Par exemple, la création de la chaîne Franceinfo a été l’occasion de faire travailler ensemble, autour d’un unique projet, des personnels d’entreprises et de métiers différents et de permettre entre autres à des techniciens radio de se former à la vidéo. De la même façon, la création de la plateforme France Musique, qui permettra, chaque semaine, de rendre accessibles deux concerts aux personnes qui ne peuvent se déplacer à la Maison de la Radio, est un moteur de transformation interne des métiers techniques.

La transformation doit donc se poursuivre.

3.   La stratégie de gestion efficiente et innovante d’Arte

a.   Une optimisation des coûts de gestion permettant d’accorder la priorité au financement de programmes

Financée exclusivement sur les fonds publics issus de la CAP, Arte France se montre soucieuse de son efficience et innovante dans sa gestion : la stabilité des frais de structure dans les COM 2012-2017 et 2017-2022, la maîtrise la masse salariale – qui représente environ 7 % du budget total d’Arte France avec environ 270 ETP –, les économies réalisées sur les appels d’offres, la renégociation par deux fois en sept ans du loyer des bâtiments occupés, la dématérialisation des procédures de gestion, ou encore les audits et contrôles de gestion auprès des producteurs ont permis à la chaîne d’optimiser ses coûts de gestion de façon à donner la priorité au financement de programmes.

Ainsi, entre 2011 et 2017, alors que la part du produit de la CAP allouée à Arte France a crû de 11 %, le budget de programmes de la chaîne a augmenté de 27,6 %. En 2017, la totalité de l’augmentation de la part du produit de la CAP attribuée à Arte France dans le cadre du nouveau COM a été consacrée au budget de programmes qui représente ainsi 146 millions d’euros sur les quelque 280 millions d’euros du budget total d’Arte France.

b.   Des méthodes de travail novatrices

La stratégie de responsabilité sociale et environnementale (RSE) d’Arte est déployée en cohérence avec les valeurs de ses programmes et privilégie les investissements dans la formation des équipes de la chaîne ainsi que l’insertion professionnelle des jeunes apprentis.

Pour des raisons non seulement financières mais aussi et surtout stratégiques, la décision a été prise en 2012 de former l’intégralité du personnel au numérique de façon à rendre l’ensemble des équipes « bimédias », tout en évitant l’embauche de personnes spécialisées et les risques de tension dans les équipes entre les pôles « web » et « antenne ». Cette politique de cohésion au sein de l’entreprise, doublée du travail collaboratif mené dans l’élaboration du COM 2017-2021, s’est avérée fructueuse puisque les taux de rotation de l’emploi (turn-over) et d’absentéisme sont très faibles (respectivement 3,7 % et 1,1 % en 2016) et que le dernier COM a été approuvé à l’unanimité par les instances représentatives du personnel, signe de l’adhésion des salariés au projet proposé.

4.   Les réformes structurelles opérées par France Médias Monde (FMM)

Ses ressources publiques stagnant autour de 250 millions d’euros depuis 2011, FMM a engagé ces dernières années des réformes structurelles qui ont permis des économies considérables et des gains de productivité afin de financer le lancement d’une diffusion de France 24 dans une nouvelle langue (l’espagnol), le passage complet en haute définition, l’enrichissement des grilles ou encore le développement du numérique.

a.   Des efforts d’économies et de productivité

Ces performances ont été favorisées par la réalisation d’importantes réformes structurelles des métiers de l’audiovisuel qui conduisent à ce que, désormais, les journalistes effectuent les tâches de montage et les « techniciens radio » celles de réalisation.

La mise en œuvre de deux plans de départs volontaires a contribué à la réduction de près de 20 % des effectifs de la radio. D’après la présidente de FMM, Mme Marie-Christine Saragosse, là où une chaîne comme BFMTV disposerait de quelque 215 ETP pour couvrir l’actualité en France et en langue française pendant 18 heures par jour, France 24 ne disposerait que de 160 ETP pour chacune des 15 langues dans lesquelles elle assure la couverture de l’actualité mondiale 24 heures sur 24.

Un accord d’entreprise signé fin 2015 a permis d’augmenter le temps de travail à 204 jours pour l’ensemble des personnels.

Par ailleurs, la fusion des fonctions supports des trois médias (France 24, Radio France internationale – RFI – et Monte Carlo Doualiya – MCD) à travers des directions communes a permis des synergies drastiques et la réalisation d’économies qui concernent plus généralement tous les frais de l’entreprise.

Ainsi, sur la période 2011‑2017, FMM a pu financer sur ses propres ressources des projets de développements structurants pour son avenir tout en consolidant ses acquis, en développant ses audiences et en présentant chaque année un résultat net à l’équilibre.

b.   D’importants acquis en matière d’organisation

Ces réalisations reposent en grande partie sur la construction d’un groupe stabilisé. Après une période marquée par une fusion difficilement vécue de RFI et France 24, des plans de départ non ciblés, un déménagement douloureux et un climat social dégradé, FMM a stabilisé son organisation, réformé son fonctionnement et restauré la confiance entre direction et salariés.

Les personnels de RFI, de MCD et de France 24 ont été regroupés dans les mêmes locaux et les équipes ont été réorganisées à travers l’élaboration d’organigrammes précis, validés par les instances représentatives du personnel et fondés sur des chaînes aux identités et formats distincts et sur des directions supports transverses.

Le dialogue social au sein de l’entreprise a été relancé dans un climat apaisé et constructif : après deux ans de négociation avec les organisations syndicales, FMM a signé fin 2015 un nouvel accord d’entreprise qui constitue un socle social applicable à l’ensemble de ses salariés en harmonisant les fonctionnements et les modes de traitement des différentes catégories de personnel. L’ensemble des procédures a été revu et formalisé avec notamment la professionnalisation des procédures d’achats et l’amélioration des outils et processus de gestion.

Enfin, dans un contexte de recrudescence des risques, FMM a renforcé les dispositifs de sécurité des personnes sur le terrain comme au siège et porte une attention particulière à la sécurité des systèmes d’information et de diffusion, étant précisé que FMM fait l’objet de menaces de Daesh et que près de 2 millions de tentatives de cyber-intrusion sont constatées chaque mois en moyenne.

5.   La modernisation de TV5 Monde

L’entreprise TV5 Monde est cofinancée par la France (76,9 millions d’euros en 2016, intégralement issus de la CAP) et par d’autres pays ou provinces francophones (Fédération de Wallonie-Bruxelles, Suisse, Canada et Québec, dont les concours se sont élevés au total à 26,2 millions d’euros l’an passé).

À la suite de la cyber-attaque d’envergure qu’il a subie en avril 2015, l’opérateur a bénéficié l’an dernier d’une dotation exceptionnelle de 2 millions d’euros, ce qui lui a permis de clôturer l’exercice 2016 à l’équilibre tout en faisant face aux frais de sécurité informatique et de personnel engendrés par cet incident.

Le conseil d’administration de l’opérateur a adopté en janvier dernier un plan stratégique pour la période 2017-2020 qui prévoit notamment :

– l’évolution vers une organisation bi-média de sa rédaction : il n’y aura désormais plus aucune séparation entre les équipes de la rédaction en charge du numérique et celles en charge de la télévision traditionnelle ; toutes les équipes auront donc la même formation et la même hiérarchie et elles travailleront de concert à l’expression sur tous supports de la ligne éditoriale de l’information ;

– la réorganisation de la structure des métiers de l’entreprise à travers la révision des postes et des missions, ce qui nécessite la mise en place d’outils de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Conformément à ces objectifs, au premier semestre 2017, la moitié des effectifs de journalistes de TV5 Monde a été formée aux outils d’édition numérique, formation qui a été doublée de sensibilisations au référencement.

6.   Les efforts de gestion de l’Institut national de l’audiovisuel (INA)

La part du produit de la CAP allouée à l’INA étant stable (à hauteur de 89 millions d’euros) sur toute la durée de son COM 2015-2019, l’Institut conduit depuis deux ans une politique résolue de maîtrise de ses charges d’exploitation, non sans succès puisqu’elle dépasse les objectifs fixés par le COM, la stabilisation de la masse salariale et des frais de fonctionnement s’étant accompagnée d’un redressement du chiffre d’affaires commercial.

Les charges d’exploitation de l’INA sont désormais inférieures à 39 millions d’euros (contre 40,7 millions d’euros en 2013) ; la masse salariale se stabilise autour de 66,3 millions d’euros (contre 67,4 millions d’euros en 2013) pour 985 ETP fin 2016 ; et la trajectoire de l’ensemble de ces charges est inférieure à celle fixée par le COM (108,1 millions d’euros prévus en 2017 contre 109,5 millions d’euros prévus au COM).

Parallèlement, le chiffre d’affaires commercial a augmenté de 1 million d’euros en 2016 et 0,5 million d’euros en 2017 ; et c’est sur ses ressources propres que l’INA a intégralement financé un important projet immobilier d’un montant de 25 millions d’euros, à Bry-sur-Marne.

7.   Le développement de synergies entre opérateurs de l’audiovisuel public

S’il y a encore certainement des progrès à faire et si, comme l’a expliqué le président du CSA, M. Olivier Schrameck, lors de son audition, il est sans doute souhaitable que les efforts d’économies puissent également passer par des collaborations entre ces sociétés, il faut souligner que les opérateurs de l’audiovisuel public ont commencé à développer des projets communs – pratique qui mérite d’être encouragée.

a.   Le lancement de la chaîne de télévision Franceinfo

Les entreprises du service public ont fait la démonstration de leur capacité à travailler en étroite collaboration avec le lancement, en septembre 2016, de la chaîne Franceinfo. Ce partenariat repose sur la valorisation des lignes de force des différents partenaires. Les modalités de coopération ont été définies par des conventions croisées, approuvées par chaque conseil d’administration. La complémentarité éditoriale des quatre partenaires (France Télévisions, INA, Radio France et FMM) permet à Franceinfo de proposer une offre visiblement différente des offres privées d’information en continu.

Sur le plan financier, la chaîne repose sur un montant d’investissement initial très limité par rapport à l’ampleur du projet : cet effort budgétaire a été porté par des synergies importantes entre rédactions et supports techniques des différents opérateurs ([15]).

Les résultats de Franceinfo sur le numérique sont très satisfaisants puisque Franceinfo a été, d’avril à juin 2017, la première plateforme d’actualité au classement Médiamétrie 3 écrans en France, avec près de 20 millions de visiteurs uniques chaque mois, devançant notamment lemonde.fr et lefigaro.fr. Les performances numériques de la nouvelle offre sont près de 70 % supérieures aux audiences des anciennes offres numériques de France Télévisions et Radio France.

b.   La mise en œuvre de rapprochements sectoriels entre sociétés de l’audiovisuel public

Les opérateurs de l’audiovisuel public ont également opéré des rapprochements sectoriels qui leur permettent de générer des économies en matière :

– d’achats hors programmes : les mises en concurrence communes de ces achats entre opérateurs de l’audiovisuel public se sont nettement intensifiées depuis plusieurs années, dans l’objectif de faire baisser le coût moyen de certaines prestations – ce coût restant élevé compte tenu du caractère relativement désordonné des achats hors programmes de France Télévisions, d’après ce qui a été indiqué aux rapporteures ;

– de publicité : France Télévisions Publicité, qui assure depuis 2006 la commercialisation des espaces publicitaires de TV5 Monde, et, depuis 2011, ceux de France 24, a annoncé en juin 2017 un renforcement significatif de son partenariat avec Radio France Publicité ;

– de sécurité informatique : France Télévisions et FMM ont lancé un important projet commun de supervision de sécurité, dans le but de mutualiser les ressources humaines, techniques et financières en la matière.

À ces synergies s’ajoutent celles entre les réseaux régionaux de France 3 et de France Bleu. Sur le plan éditorial, des opérations de partenariat d’antennes sont organisées afin de mettre en commun les atouts de France Télévisions et Radio France : ce fut par exemple le cas lors du cycle électoral en 2017. Sur le plan des moyens, une réflexion est en cours pour réaliser des synergies en matière immobilière.

Il faut également citer les coopérations développées entre FMM et TV5 Monde, notamment en matière éditoriale, mais aussi pour ce qui est de leurs dispositifs de distribution ou de mesure d’audiences.

Enfin, sont explorées des pistes de renforcement de l’offre numérique dédiée à la culture (plateforme Culturebox) avec laquelle collaborent la plupart des acteurs publics audiovisuels et culturels : Radio France, Arte, Mezzo, La Philharmonie de Paris, L’Opéra de Paris ou La Comédie Française.

C’est donc bien dans cette direction que les rapporteures estiment qu’il faut poursuivre : conduire à son terme le chantier de l’entreprise unique amorcé en 2009 chez France Télévisions, mais aussi entamer une réflexion sur le rapprochement de certaines fonctions support de l’ensemble des opérateurs.

Les rapporteures sont par contre défavorables au projet de fusion de l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public au sein d’une unique entité dénommée « France Médias », qui a été avancé dans le rapport des sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux ([16]) et qui leur semble être une « fausse bonne idée ». Vouloir ressembler à la BBC est une louable intention mais l’histoire de nos deux pays n’est pas la même. On n’impose pas une culture, elle se construit.

En France appliquer cette formule serait revenir vers le passé, celui du temps de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF). Cela coûterait très cher car, quoi que l’on dise, les fusions passées l’ont montré et cela mettrait en outre plusieurs années à se réaliser, comme en témoigne le projet d’entreprise unique chez France Télévisions. Autant de temps et d’argent perdu… alors qu’il nous faut aujourd’hui faire preuve d’agilité et d’imagination pour dégager les marges de manœuvre qui permettent d’investir dans les nouveaux usages afin de renforcer l’attractivité de notre service public.

La France peut trouver sa propre voie entre les deux modèles que sont d’un côté celui de l’intégration à la BBC (qui tend d’ailleurs à évoluer) et l’éclatement des opérateurs de l’autre : cette voie consisterait à repenser le périmètre sous toutes ses formes, à rapprocher les fonctions supports et à renforcer le travail de coopération sur les projets stratégiques et éditoriaux. Il s’agirait en somme de conserver les identités qui sont autant de marques et de construire des projets communs pour peser.

B.   Les projets innovants des OPÉRATEURS de l’audiovisuel public pour s’adapter aux nouveaux MODES DE CONSOMMATION DES CONTENUS AUDIOVISUELS

1.   La transformation numérique de France Télévisions

a.   Le lancement, au printemps dernier, du nouveau service vidéo « france.tv »

Mis en ligne en mai dernier, le nouveau service vidéo « france.tv » regroupe désormais l’intégralité des contenus de France Télévisions et donne ainsi accès, sur un seul et même espace dédié, à l’intégralité des contenus du groupe. Plus ergonomique et facile d’accès, il permet aux téléspectateurs de suivre en direct un programme, de le visionner en rattrapage (replay) ou de l’acheter. Le catalogue de vidéos à la demande est enrichi par rapport à l’ancienne plateforme « France TV Pluzz », avec plus de 150 nouveautés audiovisuelles et cinéma chaque mois.

Le nombre moyen de vidéos vues chaque mois sur tous les supports et plateformes était de 350 millions en 2016. Il s’agit d’une forte hausse (de 77 %) par rapport à 2015. D’après les informations fournies aux rapporteures, le nombre de vidéos vues en moyenne chaque mois au premier semestre 2017 sur l’ensemble des supports (internet, applications, réseaux sociaux, Youtube, etc.) était en hausse de 67 % par rapport à la situation du premier semestre 2016 et atteignait 540 millions. En moyenne mensuelle au premier semestre 2017, 230 millions de vidéos ont été vues sur Facebook, 170 millions de vidéos ont été vues sur Youtube et 120 millions de vidéos ont été vues sur les plateformes internes du groupe.

Les rapporteures tiennent par ailleurs à rappeler que chaque mois, plus de neuf Français sur dix regardent les chaînes du groupe France Télévisions et qu’en septembre dernier, la part d’audience de France Télévisions était de 28,1 %, ce qui en fait le premier groupe audiovisuel sur le mois, devant les groupes TF1 (27,5 %) et M6 (14,3 %).

b.   Les projets en cours en matière d’offre numérique

En complément des contenus d’ores et déjà proposés en vidéo à la demande payante à l’acte, France Télévisions entend développer un projet d’offre de vidéos à la demande payantes par abonnement afin d’offrir aux publics un accès facilité à un catalogue plus riche et plus large, tout en s’inscrivant dans un écosystème de valorisation de la création. Cette nouvelle offre devrait être adossée à la plateforme « france.tv » et permettre à un opérateur français d’émerger sur ce marché face à des plateformes globales – d’origine anglo-saxonne en particulier – qui exploitent des droits à l’échelle mondiale et poussent à la consommation de contenus produits majoritairement aux États-Unis.

Si cette offre SVOD correspond au développement des usages, elle n’est toutefois qu’à un stade précoce. Lancée sans réelle étude d’impact, il serait intéressant d’examiner non seulement si son développement a du sens, mais également si ce développement s’avère pertinent en termes de faisabilité économique et juridique et s’il peut s’établir sur une base européenne (coûts des droits et territorialité).

En résumé, si l’on convient, après expertise, qu’il s’agit d’une véritable orientation d’avenir pour le service public permettant de s’adapter aux attentes du public et aux nouveaux usages, de diversifier les sources de financement et de construire avec d’autres partenaires publics ou privés, sans impact négatif sur l’écosystème, c’est un projet qui peut porter la transformation. Dans cette hypothèse, il faudra en tirer toutes les conséquences : cela ne pourra pas se faire sans remise à plat. Cela demandera en partie une réorientation des moyens en conséquence. Il n’est pas possible de vouloir tout faire à la fois sans se reposer les questions de légitimité et de priorités.

France Télévisions a indiqué aux rapporteures que des discussions étaient en cours avec Radio France pour proposer aux jeunes adultes une offre commune intégralement digitale.

2.   La multiplicité des projets numériques chez Radio France

Face à un nouvel univers technologique et concurrentiel, Radio France a développé une stratégie d’innovation articulée autour de trois axes : la disponibilité de la production des antennes et des formations musicales sur tous les supports et à tout moment, qui passe à la fois par la refonte des sites et applications et par la distribution et la valorisation des contenus sur les plateformes tierces et les réseaux sociaux ; le développement de l’offre numérique sur les thématiques de l’information et de la musique ; et le renforcement de l’innovation, tant dans les domaines du son (spatialisé notamment) que dans des nouvelles formes d’écoute et d’usages liées par exemple aux voitures connectées ou aux assistants vocaux.

a.   Le doublement du budget dédié au numérique sur la période 2012‑2017

Le budget dédié par Radio France au numérique est passé de 6,5 millions d’euros en 2012 à 15,7 millions d’euros en 2017 ([17]). Pour permettre à l’entreprise de s’adapter aux nouveaux usages d’écoute de la radio, les moyens alloués aux projets numériques ont donc plus que doublé en cinq ans.

Les audiences numériques représentant d’ores-et-déjà 10 % du volume d’écoute global de Radio France, l’entreprise a repensé sa stratégie de distribution des contenus sur tous les supports, ce qui s’est traduit par la redéfinition de la gamme des sept radios du groupe pour les rendre plus complémentaires et moins concurrentes, par le renforcement de leur présence sur les réseaux sociaux, par la refonte des sites et applications des antennes depuis 2015, ou encore par le développement de webradios musicales (Fip, France Musique et Mouv’).

En 2017, Radio France a noué des partenariats technologiques et des formats innovants, lancé un nouveau service numérique de radio sur mesure et conduit un projet de plateforme numérique unique « France Musique ».

b.   La nouvelle offre numérique de France Bleu

L’année 2015 a été marquée par le lancement de la nouvelle offre numérique de France Bleu qui a impulsé une réelle dynamique : avec plus de 72 millions de visites et 85 millions de contenus consultés en ligne, l’année 2016 a marqué une progression de plus de 77 % de l’audience numérique de France Bleu sur un an. Le nombre de podcasts téléchargés chaque mois a quant à lui été multiplié par 2,5, dépassant désormais les 800 000 téléchargements mensuels. Enfin, l’offre de vidéo de France Bleu a progressé de plus de 70 %, avec 2 millions de vidéos vues par mois.

c.   Le lancement de « podcasts natifs »

Radio France s’est engagée dans la production de « podcasts natifs », c’est-à-dire de podcasts directement diffusés sur les plateformes numériques, avant d’être éventuellement diffusés à l’antenne. C’est en particulier le cas de France Culture qui a produit de nouveaux formats de ce type, notamment des fictions, créé un fonds « Podcast Native » en partenariat avec la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et lancé en juillet dernier un appel à projets en direction des auteurs pour l’écriture de séries feuilletonnantes.

France Inter et Franceinfo mènent également des expériences radiophoniques : la première a développé un cycle de conférences (« Grand bien vous fasse ») au Centquatre à Paris et dans 40 salles de cinéma ; la seconde a organisé, en décembre 2016, des tables rondes sur le public et les usages à l’ère des plateformes et des réseaux sociaux qui ont conduit à ce que le journaliste ne soit plus seul à éditorialiser l’information (la seconde édition de ces tables rondes aura lieu le 14 décembre prochain).

d.   De multiples partenariats technologiques

À l’heure où 20 % des requêtes formulées sur Google sont vocales (via Android) – ce chiffre devant atteindre 50 % en 2020 –, Radio France a bien compris que le nouveau défi de l’internet était vocal. L’opérateur a donc noué, le 3 août dernier, un partenariat technologique avec Google dans le cadre de la commercialisation de son assistant vocal (Google Home), profitant de ce que le « flash » info de Franceinfo, qui intervient toutes les 10 minutes, permet un meilleur référencement auprès de Google. Radio France a également développé un projet de partenariat avec Amazon qui devrait aboutir d’ici 2018 dans le cadre de la commercialisation de son assistant vocal Alexa.

Radio France a poussé plus loin encore les innovations en matière sonore. En lien avec l’industrie automobile, la société développe des projets pour inventer le média de demain dans des voitures connectées qui pourraient être des points d’entrée de nouvelles offres numériques pour la radio. L’entreprise a également noué un partenariat avec la French Tech à la Station F où elle mène des expérimentations éditoriales et technologiques avec des startups et des partenaires industriels en matière de speech-to-text (transcription automatisée), de recommandation de contenus ou d’aides vocales. Radio France a en outre mis en place en 2016 un processus d’industrialisation des enregistrements des concerts des formations musicales recourant à la technique du « son binaural », c’est‑à‑dire à la production et à la distribution de contenus en son spatialisé qui restituent l’écoute naturelle en trois dimensions (3D) et qui sont adaptés aux vidéos en réalité virtuelle ou filmées à 360° : le partenariat entre France Musique et le festival d’Aix-en-Provence pour la production en « 3D » de Pelléas et Mélisande en est un exemple.

e.   « Un Monde de Radio France » : vers la radio sur-mesure

Il s’agit là d’un projet précurseur que les rapporteures tiennent à mettre en avant.

En effet, le 30 août dernier, Radio France a lancé un nouveau service numérique facilitant l’accès et la promotion d’une sélection d’émissions pour tous les publics, francophones et francophiles, en France et à l’étranger intitulé « Un monde de Radio France ». Ce service permettra à chacun de se constituer à compter du 1er janvier 2018 une playlist parmi 40 émissions les plus écoutées sur les sept antennes de Radio France et les plus podcastées.

Cette interface simple et intuitive, qui a nécessité un gros travail en termes de documentation et de référencement des contenus, sera accessible partout, tout le temps et sur tous les supports, et proposera de nombreuses fonctionnalités : écoute des nouvelles émissions disponibles dès la fin du direct, accès aux données associées (thème, descriptif, invités…), liens directs vers le site de chaque radio et la page de chaque émission.

« Un monde de Radio France » est la première étape d’une nouvelle offre qui permettra aux auditeurs, dès l’année prochaine, de se composer leur radio sur‑mesure mise à jour en temps réel.

f.   Le projet de plateforme numérique unique France Musique

Le projet numérique de France Musique s’appuie sur deux piliers :

– en premier lieu, le développement des sept webradios qui permettront de décliner l’offre de l’antenne en une offre numérique plus riche, plus diverse, thématisée, référencée et plus facilement identifiable sur internet ;

– en second lieu, le déploiement d’une plateforme numérique unique qui permettra de valoriser un patrimoine de création radiophonique sans équivalent autour de la musique classique et de mettre en avant le patrimoine des orchestres par l’ouverture d’un « espace concert » valorisant tous les concerts captés par la chaîne.

Accessible de partout, cette plateforme offrira un accès gratuit à la fois sonore (le cas échéant en son 3D), audiovisuel et textuel, en direct et à la demande, à un catalogue unique d’œuvres de musique classique et en particulier aux concerts donnés dans l’auditorium de la Maison de la Radio.

On ne doit pas oublier que les formations musicales de Radio France sont aussi au cœur de l’innovation : outre le développement de nouveaux formats innovants, dont la musique du film Valerian de Luc Besson, conçue avec le chœur de Radio France, est une illustration, il faut citer la réalisation de kits numériques permettant aux enseignants de développer la pratique du chant choral à l’école, en lien avec les activités d’éducation artistique et culturelle, et de kits « atelier Franceinfo » en lien avec les activités d’éducation aux médias.

g.   Une stratégie payante, couronnée par de remarquables résultats d’audience

La stratégie adoptée par Radio France afin d’innover sans cesse à l’heure de la mondialisation et de la transformation digitale des usages et des médias, et de rester un acteur majeur de l’information et de la culture au-delà des frontières générationnelles, sociales et géographiques, s’avère particulièrement performante puisque l’entreprise a enregistré des résultats d’audience remarquables sur les trois dernières saisons, supérieurs aux objectifs, tant pour les audiences hertziennes que pour les audiences numériques.

Radio France compte en effet 14,3 millions d’auditeurs quotidiens sur la saison 2016-2017 (soit un gain d’1,1 million d’auditeurs depuis 2014), 40 millions de visites par mois sur les différents sites internet du groupe et 170 millions d’écoutes par mois tous formats, dont 50 millions de podcasts. La part d’audience de Radio France est passée de 22,3 % en 2013-2014 à 25,2 % en 2016-2017, et on estime que, lors de cette dernière saison, 26,6 % de la population a écouté chaque jour une radio du groupe (contre 24,9 % en 2013-2014). Radio France a notamment effectué de gros progrès sur la cible « jeunes » (35-49 ans) : le repositionnement de Mouv’ a notamment permis de multiplier l’audience de cette station par deux entre 2016 et 2017 et d’abaisser l’âge moyen de ses auditeurs de 35 à 27 ans.

3.   Arte : une stratégie numérique pionnière et reconnue

Les rapporteures tiennent à souligner qu’Arte a toujours été en avance sur les nouveaux usages : en 2007, elle a été la première chaîne à développer la télévision de rattrapage (Arte + 7), et à proposer des webproductions, webfictions et webdocumentaires. Pionnière du podcast, « Arte Radio », créée en 2002, est la première radio française sur la plateforme de distribution audio en ligne SoundCloud : elle propose désormais aussi des vidéos avec une animation du script pour les publics jeunes et malentendants. Quant à la plateforme « Arte creative », créée en 2011 et dédiée à une approche ludique de la culture autour de productions originales, elle progresse fortement auprès des publics du numérique, avec 13 millions de vidéos vues en 2016, soit une hausse de 90 % par rapport à 2015.

Développant sa présence sur les réseaux sociaux, la chaîne a entrepris en avril 2017 une refonte d’envergure de son offre numérique.

a.   La refonte de l’offre numérique d’Arte au printemps 2017

Consciente de ce que le visionnage délinéarisé deviendra de plus en plus la norme et représentera une part d’audience toujours plus significative, Arte ambitionne de faire de l’antenne (qui représente encore 80 % de son audience) la « bande-annonce » des programmes pouvant être visionnés sur internet et de mettre ainsi fin à la séparation entre les programmes produits pour l’antenne et ceux conçus pour le numérique, en rendant tous les programmes accessibles selon des catégories communes. Une programmation spéciale sur Philip. K. Dick a ainsi associé un jeu vidéo (Californium), une fiction en réalité virtuelle (I, Philip) et un documentaire à l’antenne.

Il s’agit d’utiliser les outils à disposition pour créer une proposition éditoriale délinéarisée, qui incite à la curiosité et à la découverte dans le respect de l’identité numérique et des données personnelles de chacun (aucune inscription sur le site internet d’Arte n’est nécessaire pour accéder aux programmes et aucun commerce n’est fait des données recueillies).

Afin d’être présente à tout moment sur tous les supports et toutes les plateformes dans une logique d’hyperdistribution, Arte a adapté sa présence aux différents canaux sur lesquels elle est diffusée : elle a ainsi étendu la plage de disponibilité des contenus en ouvrant la possibilité de visionner chaque jour, sur son site internet, en « rattrapage anticipé », dès 5 heures du matin, la quasi‑totalité des programmes du jour, et elle a par ailleurs progressivement allongé à 30 jours le délai de consultation des programmes en replay sur ce même site.

Ces innovations ont valu à « Arte.tv » de se voir décerner le prix CB News de la meilleure plateforme digitale de divertissement au début du mois de septembre dernier. Au premier semestre de cette année, l’audience numérique d’Arte s’établissait à 170 millions de vidéos vues (dont 54,1 millions sur internet, 17,8 millions sur des applications pour téléphones mobiles et tablettes, 26,9 millions sur des téléviseurs connectés, 43,1 millions sur Facebook et 27,8 millions sur Youtube). Fin mai 2017, Arte comptait 4,5 millions d’abonnés sur Facebook et 1,7 million d’abonnés sur Twitter.

b.   D’un socle franco-allemand à un destin européen

L’hyperdistribution d’Arte se joue aussi au niveau européen : la chaîne a pour ambition de devenir l’offre culturelle européenne de référence, accessible à tous les Européens, dans un nombre accru de langues. Par-delà une politique de distribution internationale volontariste, Arte a lancé fin 2015, avec le soutien de l’Union européenne, la déclinaison de ses programmes en trois langues en plus du français et de l’allemand : l’anglais, l’espagnol, et le polonais, auxquelles s’ajoutera l’italien en 2018. Cela devrait permettre à 70 % des Européens d’accéder aux programmes (sous-titrés en six langues) d’Arte Europe dans leur langue maternelle et d’accroître ainsi les audiences de la chaîne qui, au cours des cinq dernières années, ont progressé de 53 % en France et de 30 % en Allemagne.

c.   Educ’Arte : un remarquable exemple de la contribution de l’audiovisuel public à l’éducation en Europe

Consciente des devoirs que lui confère son statut de diffuseur public, Arte s’est engagée dans le COM 2017-2021 à accentuer son engagement au service de la cohésion sociale et des valeurs démocratiques : la chaîne est un partenaire volontariste de l’État et des collectivités territoriales en matière d’éducation artistique et culturelle grâce au développement des usages numériques dans les établissements scolaires.

Sa plateforme de SVOD multilingue « Educ’Arte » permet aux élèves des collèges et lycées (en milieu scolaire et à domicile) ainsi qu’à leurs enseignants d’avoir accès, en France et en Allemagne, à l’ensemble des 800 programmes produits par la chaîne et triés par matière et par niveau d’étude. Il s’agit de faire en sorte que les jeunes Européens disposent à la fin de leur scolarité d’un socle commun de connaissances à dominante culturelle – projet dont le succès dépend toutefois en partie d’une formation des enseignants aux potentialités de cet outil.

4.   Les performances de France Médias Monde

a.   Une offre éditoriale enrichie

Afin de faire face à la concurrence exacerbée, tant des autres grands médias internationaux que des offres locales, les propositions éditoriales de FMM se sont considérablement enrichies ces dernières années, ce que les rapporteures tiennent à souligner également. Dès 2013, la rénovation des grilles de France 24, RFI et MCD s’est accompagnée d’une refonte de tous les habillages visuels et sonores ainsi que du lancement de nouvelles émissions (comme Mardi politique, émission conjointe à France 24 et RFI), de nombreuses délocalisations, des formats inédits et des programmations spéciales (comme La Nuit américaine à l’occasion de l’élection présidentielle américaine de novembre 2016). S’agissant de France 24, le temps accordé aux directs s’est allongé et la chaîne est passée à une production intégralement en haute définition. Quant à RFI, elle a refondu ses sites en chinois, persan, roumain et portugais, renforcé son antenne en anglais et en espagnol, et lancé une diffusion en mandingue (langue parlée par 30 millions de personnes dans la bande sahélienne) ainsi qu’une diffusion en français au Cambodge (en complément de l’offre existante en khmer). Octobre 2017 a vu le lancement réussi et attendu des émissions en espagnol, et ainsi l’accroissement de la couverture vers l’Amérique latine et les Caraïbes.

FMM a réaffirmé ses engagements en matière d’accessibilité (journaux télévisés sous-titrés), de cohésion sociale (émission « Pas2Quartier »), d’éducation aux médias (« Info/Intox ») et de développement de ses environnements numériques avec un accent particulier mis sur la mobilité, les réseaux sociaux et la production de nouvelles formes d’écriture. Des projets stratégiques ont été lancés afin de toucher la jeune génération des 18-30 ans, ainsi que des projets d’internet citoyen comme le site « InfoMigrants » ou encore « RFI Savoirs ». Ces transformations ont porté à 26 % le poids du numérique dans les audiences de FMM.

La transformation numérique est d’ailleurs au cœur du projet d’entreprise de FMM pour les prochaines années : cet opérateur investit dans de nouveaux outils de reportage et de montage collaboratif mieux adaptés à la production de vidéos spécifiques pour les plateformes de publication (réseaux sociaux). Une refonte de ses sites internet devrait en outre être entreprise à partir de 2018.

b.   Des audiences en progression, en particulier sur les supports numériques

Au cours des cinq dernières années, les médias de FMM ont renforcé leur présence mondiale sur tous les supports. Depuis 2012, le nombre de foyers susceptibles de recevoir France 24 a augmenté de plus de 60 %, et dépasse désormais 333 millions. La chaîne s’est développée au travers de la diffusion sur la TNT en Afrique, du renforcement de sa distribution en Europe, au Maghreb, au Proche et Moyen Orient ainsi que d’importants développements en Asie (Inde et Indonésie) et dans les Amériques. Des avancées ont été réalisées sur le territoire français avec le lancement sur la TNT en Île-de-France en 2014 et la participation de France 24 à la nouvelle offre « Franceinfo ». RFI et MCD ont, pour leur part, consolidé leur présence internationale avec l’ouverture de nouvelles fréquences FM (Roumanie et Côte d’Ivoire pour RFI, Oman pour MCD), ainsi que le développement de leurs radios partenaires, dont le nombre a plus que doublé en quatre ans. Pour sa part, MCD, tout en s’imposant sur le numérique avec une offre lancée en 2013, a conquis de nouvelles audiences avec 7,3 millions d’auditeurs hebdomadaires dans le monde arabe (soit une audience en augmentation de 9 %).

La stratégie adoptée par FMM a porté ses fruits, comme en témoignent les résultats d’audience : au total, à la fin de l’année 2016, le groupe touchait 135 millions de contacts par semaine en moyenne, tous médias confondus (télévision, radio, internet), quand l’opérateur allemand Deutsche Welle, avec un budget plus conséquent (352 millions d’euros en 2016, contre 261 millions d’euros pour FMM) comptait 118 millions de contacts hebdomadaires. 55 millions de téléspectateurs différents visionnent les programmes de France 24 chaque semaine (soit une augmentation de 31 % par rapport à 2012), ce qui en fait la première chaîne d’information internationale en Afrique francophone. RFI est la première radio internationale en Afrique francophone avec 41,3 millions d’auditeurs (+ 19 % par rapport à 2012). Quant à MCD, elle compte 7,3 millions d’auditeurs (+ 9 % par rapport à 2012) et a vu la fréquentation de ses environnements numériques augmenter de 26 % entre 2015 et 2016.

L’ensemble des sites internet et applications du groupe dénombrait 35 millions de visites par mois au premier semestre 2017 (soit près du double du niveau de 2012). Le groupe FMM comptait en juin dernier 39,6 millions d’abonnés sur Facebook et 18,5 millions d’abonnés sur Twitter. RFI et France 24 figurent en tête des médias français ayant construit les plus grandes communautés sur Facebook.

5.   La conversion de TV5 Monde au numérique

Sur internet, TV5 Monde dispose d’ores et déjà : d’un site d’information (information.tv5monde.com), d’un site de télévision de rattrapage (tv5mondeplus.com), d’une bibliothèque numérique, d’un site de découverte du français basé sur des documentaires (parlons-francais.tv5monde.com) et de deux sites de soutien à l’apprentissage de notre langue (apprendre.tv5monde.com et enseigner.tv5monde.com). Présente sur les réseaux sociaux où elle compte 8,5 millions d’abonnés et où ses vidéos ont été vues 40 millions de fois sur Facebook et 10 millions de fois sur Youtube au premier semestre 2017, la chaîne a également développé des webTV thématiques : l’une consacrée à l’Afrique (TV5 Monde + Afrique) et l’autre à la jeunesse (offre de dessins animés en français destinée aux 4-13 ans sans publicité et accessible sur tous supports).

Le plan stratégique 2017-2020 adopté en janvier dernier vise à permettre à cet opérateur de rattraper le retard qu’il accuse en matière de développement numérique : ce plan prévoit la refonte de l’offre de programmes délinéarisée avec la création de sites internet thématiques, le développement d’une application pour smartphone, l’extension de l’offre de programmes en télévision de rattrapage et le renforcement des investissements dans les outils numériques d’éducation et d’apprentissage du français.

6.   L’adaptation de l’INA aux nouveaux usages numériques

a.   Le plan de sauvegarde et de numérisation (PSN)

Depuis 1999, l’INA a entrepris un plan de sauvegarde et de numérisation (PSN) des archives de l’audiovisuel public, dont il est le dépositaire légal. Colonne vertébrale des trois premiers COM de l’établissement, le PSN a constitué une appropriation à la fois précoce et réussie de la révolution numérique des années 1990-2000. Aujourd’hui, 75 % des fonds de l’INA sont numérisés, ce qui représente quelque 16 millions d’heures de contenus. Le coût du PSN avoisine jusqu’à présent 142 millions d’euros et devrait approcher 150 millions d’euros au total d’ici son achèvement en 2021 ou 2022.

Au-delà du PSN, l’entreprise s’est mobilisée pour faire évoluer ses offres de produits, de services ou de contenus, son organisation et ses méthodes de travail selon des modalités adaptées aux nouveaux usages numériques : mise en place d’une offre d’archives « prêt-à-vendre » pour les professionnels, création d’un véritable e-campus pour la formation, ouverture (sous réserve de l’évolution du cadre légal) d’un accès en ligne au dépôt légal audiovisuel pour les chercheurs, etc. L’INA innove dans la segmentation et l’éditorialisation de ses propositions à tous ses publics, dans la façon dont il rend accessibles, expose, raconte et édite ses services ainsi que ses contenus, afin d’augmenter leur valeur commerciale et scientifique.

b.   La contribution de l’INA à Franceinfo

Ce mouvement d’adaptation des propositions de l’Institut aux nouveaux usages numériques est déjà amorcé comme en témoignent le lancement, en octobre 2015, d’Ina Premium, première offre de SVOD de l’audiovisuel public, ou encore la contribution de l’INA à Franceinfo pour laquelle l’établissement produit quotidiennement 3 modules d’archives multi-diffusés et accessibles en ligne destinés à éclairer l’actualité de la chaîne à la lumière des archives de l’établissement.

En permettant, grâce au recours aux images d’archives, d’éclairer l’événement présent et de le mettre en perspective avec le passé comme avec l’avenir, les modules produits pour Franceinfo s’inscrivent pleinement dans la stratégie de rééditorialisation des contenus de l’Institut au service du renforcement de ses missions d’éducation à l’image et aux médias, de l’élargissement de ses publics et d’enrichissement de ses offres audiovisuelles et internet.

c.   Le projet de plateforme numérique unique

D’ici la fin du COM en cours, les nouvelles offres de l’INA seront par ailleurs rendues accessibles de manière simplifiée à partir d’un « hub », sorte de grand site-carrefour, en lieu et place des 17 sites internet que compte aujourd’hui l’Institut (inamediapro.com, inatheque.fr, etc.). Toutes les propositions de l’Institut seront arrimées à cette plateforme unique, pour tous ses publics – grand public, professionnels, chercheurs, institutions, en France comme à l’étranger.

d.   Une stratégie « social media » efficace et saluée

La hausse remarquée, sur seulement un an (mai 2016 à mai 2017) et au profit d’un public élargi et rajeuni, de l’audience du site ina.fr sur les réseaux sociaux (+ 300 % sur Facebook, + 700 % sur Twitter, + 100 % sur Instagram) a valu à l’Institut de recevoir, au début du mois de septembre dernier, le prix CB News 2017 de la « meilleure stratégie social média ».

Cette récompense illustre l’ampleur des efforts déployés par l’INA, et, plus généralement, par l’ensemble des opérateurs de l’audiovisuel public, pour s’adapter aux nouveaux modes et supports de consommation des contenus audiovisuels.

*

*     *

Du point de vue des rapporteures, si l’on veut que ces opérateurs poursuivent dans cette voie et portent des projets toujours plus innovants, on ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion globale sur l’ensemble de l’écosystème dans lequel ils évoluent – réflexion qui exigera d’aborder l’ensemble des ressources de l’audiovisuel, publiques comme publicitaires, et de repenser son modèle de financement.


II.   L’adaptation du financement de l’audiovisuel public : UN chantier À entreprendre dans le cadre d’une rÉflexion globale sur la place et les missions du service public dans le paysage audiovisuel

Ce n’est qu’une fois qu’aura été conduite une réflexion globale sur la place et les missions du service public audiovisuel dans notre société, ainsi que sur sa gouvernance, que pourront être décidées les modalités de l’adaptation de son financement.

Le moment est d’autant plus favorable à cette adaptation que, quelle que soit la forme prise par la CAP (redevance pour service rendu ou impôt), la direction générale de la Commission européenne chargée de l’information statistique à l’échelle de l’Union (Eurostat) la classera parmi les prélèvements obligatoires à compter de 2018 ([18]) – ce qui lève un obstacle juridique jadis brandi pour limiter le champ des évolutions et réformes possibles. Cela contribue néanmoins à alimenter le débat autour de l’augmentation du déficit public que cette décision entraîne, au regard de la fameuse règle européenne fixant un plafond de déficit public à 3 % du produit intérieur brut (PIB), et cela incite certains à pousser au retour de la publicité après 20 heures sur France Télévisions.

Il est, pour les rapporteures, devenu à la fois possible et impératif d’explorer de multiples pistes de réflexion pour rendre plus légitime, plus équitable et plus pérenne (B) un modèle de financement qui, dans sa configuration actuelle, pose des problèmes d’équité et de cohérence avec la réalité des usages (A).

A.   la contribution À l’audiovisuel public dans sa configuration actuelle : un modÈle de financement ÉLOIGNÉ dE LA réalité technologique et DES USAGES et PRÉSENTANT UN ÉVENTUEL RISQUE D’attrition des ressources À moyen terme

1.   Une taxe affectée dont le produit demeure dynamique

Le rendement de la CAP a progressé de 39 % au cours des dix dernières années, pour atteindre 3,214 milliards d’euros en 2016, dont 119 millions d’euros provenant des contributions versées par les professionnels redevables.

Évolution du rendement de la CAP depuis 2013

(en millions d’euros)

Ressources

2013

2014

2015

2016

2017 (prévisions)

Encaissements bruts de redevance

2 986,20

3 072,20

3 181,34

3 243,75

3 253,34

Frais d’assiette et de recouvrement

28,20

28,40

28,20

28,20

28,63

Coûts de trésorerie

0,50

0,50

0,50

1,00

1,00

Encaissements nets de redevance

2 957,50

3 043,30

3 144,70

3 214,57

3 224,71

Compensation pour dégrèvements

490,20

507,80

522,10

513,79

567,26

Dotations aux organismes publics (TTC)

3 447,70

3 551,10

3 666,80

3 728,36

3 791,97

Source : Rapport spécial n° 4125-III-32 (XIVe législature), fait par le député Jean-Marie Beffara, sur le projet de loi de finances pour 2017, p. 43.

D’après la Cour des comptes, « entre 2007 et 2016, environ 70 % de l’augmentation du rendement trouve son origine dans l’augmentation du montant de la redevance […] et 30 % dans la croissance du nombre des assujettis » ([19]).

a.   Un nombre d’assujettis encore en croissance

Si le nombre de professionnels redevables de la CAP se stabilise autour de 100 000 depuis 2011, le nombre de particuliers assujettis a crû ces dernières années, notamment en raison d’un phénomène de « décohabitation ». Du fait des divorces, des séparations et de l’augmentation du nombre de personnes vivant seules, le nombre de foyers fiscaux assujettis à la CAP a progressé, passant de 24,9 millions en 2006 à 27,4 millions en 2016. Parmi ces derniers, seuls 23,1 millions payaient effectivement la CAP, les autres (soit 4,3 millions de foyers) bénéficiant d’exonérations ou de dégrèvements dits « sociaux » ([20]) qui ont été compensés par l’État à hauteur de 743,8 millions d’euros en 2016.

b.   Un montant en forte augmentation

Sous l’effet d’un phénomène de « surindexation » tenant à la combinaison de son indexation, depuis 2009, sur l’inflation prévisionnelle et de règles d’arrondi favorables, et sous l’effet de divers « coups de pouce » législatifs, le montant de cet impôt forfaitaire qu’est la CAP a évolué plus rapidement que celui de l’inflation ce qui, à cet égard, pourrait être interrogépassant, pour la France métropolitaine, de 116 euros en 2006 à 138 euros en 2017 – ce qui situe toutefois la France dans la moyenne européenne des pays où pareille imposition est appliquée.

Évolution du montant de la CAP depuis 2007

(en euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

France métropolitaine

116

116

118

121

123

125

131

133

136

137

138

Départements d’outre-mer

74

74

75

78

79

80

84

86

86

87

88

Source : Cour des comptes, La contribution à l’audiovisuel public (2007-2016) : régime, collecte et usage, juillet 2017, p. 20.

c.   Le cas particulier de l’outre-mer

Les rapporteures tiennent à souligner que si le montant spécifique de la CAP pour l’outre-mer (88 euros en 2017) pose un problème d’équité territoriale – outre le fait qu’il représente un manque à gagner de 33 millions d’euros pour les opérateurs de l’audiovisuel public, comme l’a souligné la Cour des comptes –, il pourrait toutefois être maintenu pour des raisons économiques et sociales.

Cette particularité remonte au débat budgétaire pour l’année 2004 : comme l’explique la Cour des comptes, « la redevance spécifique pour les téléviseurs noir et blanc a d’abord été supprimée, avant que soit établi un taux pour l’outre-mer, reprenant le taux qui s’appliquait jusque-là aux téléviseurs en noir et blanc. Avant 2010, cette différence de montant se justifiait par le fait que l’outre-mer n’avait accès qu’à une fraction de l’offre du secteur public audiovisuel. Or depuis 2010, l’outremer a accès à l’ensemble de l’offre disponible en métropole et au réseau outre-mer de France Télévisions : le réseau des Outre-mer Première. La différence de montant n’a donc plus d’explication en termes de service rendu » ([21]).

 S’il semble que les programmes radio hertziens diffusés outre-mer soient moins nombreux qu’en métropole, il n’est pas sûr que cela suffise à justifier le principe et l’ampleur de la différence de montants de la CAP entre la métropole et l’outre-mer. Les rapporteures appuient donc la première recommandation qui a été formulée par la Cour des comptes dans le rapport qu’elle a adressé au Parlement cet été, et qui vise à rendre plus transparent le montant réduit de CAP en outre‑mer, en en faisant une mesure en faveur des ménages ultra-marins dont le coût figure explicitement dans les documents budgétaires.

d.   Les autres pays européens

Le montant de la CAP ne figure nullement parmi les impositions équivalentes les plus élevées d’Europe : les redevances audiovisuelles s’élèvent à 165 euros environ au Royaume-Uni (147 livres sterling), 210 euros en Allemagne, 335 euros environ au Danemark (2 492 couronnes danoises) et 390 euros environ en Suisse (451 francs suisses).

Les rapporteures notent à cet égard que, contrairement aux idées reçues, les ressources de l’audiovisuel public français sont inférieures par rapport à celles de leurs homologues européens ([22]).

Dans les faits, il existe une nette distinction entre les pays du Nord et du Sud de l’Europe en ce qui concerne l’effort public consenti en faveur de l’audiovisuel public. Dans l’analyse faite par l’Union européenne de RadioTélévision (UER) en décembre 2014 sur les ressources des médias de service public, on relève ainsi que les deux pays dont les ressources publiques consacrées à l’audiovisuel public sont les plus importantes, soit l’Allemagne et le RoyaumeUni (suivis de très loin par la France, avec respectivement 9, 7,1 et 3,7 milliards d’euros en 2013), sont rattrapés par la Suisse, la Suède et la Finlande si on rapporte ces montants au nombre d’habitants, mais devancent largement l’Italie et l’Espagne.

2.   Un fait générateur qui pose un problème de cohérence et de justice fiscale

a.   Un problème d’équité fiscale lié à la nature de l’équipement de réception

Tel qu’elle est aujourd’hui conçue, la CAP est un impôt réel qui repose sur la détention d’un appareil récepteur de télévision ou, pour reprendre la formule de l’article 1605 du CGI, d’un « dispositif assimilé permettant la réception de la télévision », dont la définition fait l’objet de débats récurrents : en effet, l’administration fiscale considère aujourd’hui que figurent parmi de tels dispositifs, les magnétoscopes, lecteurs de DVD et vidéoprojecteurs équipés d’un tuner et reliés à un écran. En revanche, les ordinateurs munis d’une carte de télévision – pour permettre, précisément, la réception de la télévision – ne donnent pas lieu à l’acquittement de la CAP ([23]), ce qui « aboutit à des situations peu compréhensibles où l’abonné d’une box internet peut regarder la télévision sur son ordinateur sans être redevable, alors qu’il l’aurait été si sa box avait été reliée non pas à son ordinateur mais à un écran autonome » ([24]).

b.   Un problème d’équité fiscale lié à la fraude

Il est également relativement aisé d’échapper au paiement de l’impôt en déclarant, sur sa déclaration de revenus, qu’on ne détient ni téléviseur ni dispositif assimilé : 1,2 million de contribuables déclarent ne pas détenir de tels récepteurs au 1er janvier de l’année (1 217 541 précisément en 2015) et près de 15 % du total des réclamations fiscales sont causées par la seule CAP.

Cela représente une charge administrative significative pour les services fiscaux qui doivent s’assurer de la sincérité des déclarations. Or, si le contrôle sur place des professionnels est relativement simple, puisqu’il se déroule en général dans des lieux ouverts au public, le contrôle sur place des particuliers est plus délicat car il se heurte à la limite juridique majeure que les agents des services fiscaux ne peuvent entrer dans le domicile des personnes contrôlées qu’avec leur autorisation.

La création d’un droit à communication des fichiers des câblo-opérateurs et fournisseurs d’accès internet de télévision payante, la mise en place en 2013 d’une application nationale des contrôles de la redevance audiovisuelle et de la gestion des sanctions (fichier « Ancrages »), l’utilisation des fichiers de ventes de téléviseurs transmis par les vendeurs, le développement des contrôles sur pièces plutôt que sur place, ainsi que la réforme des services de contrôle de la CAP opérée en 2016 ont permis d’optimiser l’efficacité des contrôles des particuliers et des professionnels, dont le produit a progressé de 82 % entre 2007 et 2016, pour atteindre 16 millions d’euros l’an passé ([25]) . Toutefois tant que la CAP reposera sur la détention d’un poste de télévision ou d’un support quelconque la fraude ne pourra pas être véritablement enrayée et ne fera que se développer de plus en plus massivement.

Si l’adossement du recouvrement de la CAP à celui de la taxe d’habitation (TH) a permis de faire passer le taux de recouvrement de la CAP de 80 % à 90 %, il n’en demeure pas moins que, selon la Cour des comptes, « le nombre de fraudeurs est très important. La charge de la preuve étant pour l’administration fiscale et l’impôt étant assis sur la possession d’un téléviseur, il est très difficile de prouver, sans pouvoirs d’investigation particuliers, que la personne est de mauvaise foi. On voit ici les limites d’un impôt réel, qui engendre beaucoup de contestations » ([26]).

Les services fiscaux notent régulièrement des phénomènes de contestation multiples, sur des mêmes ensembles d’habitation, sans qu’ils n’aient les moyens d’endiguer la contagion de ce type de contestation anormalement localisée.

La légitimité de la CAP étant aujourd’hui fragilisée par la fraude et la difficulté des contrôles, les rapporteures estiment qu’une réforme qui romprait le lien entre cet impôt et la détention d’un récepteur pourrait être de nature à faciliter son recouvrement et à apporter une réponse aux actuels problèmes d’équité intergénérationnelle.

c.   Un problème d’équité sociale et intergénérationnelle

Dans sa configuration actuelle, la CAP pose des problèmes d’équité sociale et intergénérationnelle.

En premier lieu, ceux qui ne s’acquittent pas de la CAP sont souvent ceux qui ont les moyens financiers de s’offrir d’autres supports que le téléviseur et qui disposent des connaissances pour utiliser les nouvelles technologies liées à ces supports. Comme le note la Cour des comptes, « la catégorie socioprofessionnelle qui possède le moins de téléviseurs est celle des cadres supérieurs, soit qu’ils aient renoncé à ce type d’équipement, soit qu’ils privilégient une consommation de contenus sur d’autres écrans » ([27]). Par ailleurs, selon certaines des personnes entendues, un quart des foyers actuellement exonérés de la CAP (soit environ un million de foyers) souscrit un abonnement à une offre payante pour un montant annuel supérieur à celui de la CAP.

En second lieu, les exonérations et les dégrèvements assortissant la CAP ‑ dégrèvements qui concernent, selon la Cour des comptes, environ 15 % des foyers assujettis et qui ont engendré une prise en charge par l’État à hauteur de 734 millions d’euros en 2016 ‑ profitent aujourd’hui en bonne partie à un public âgé qui est un grand consommateur des programmes de l’audiovisuel public. Au premier semestre 2016, l’âge moyen du public de France Télévisions était en effet de 58,6 ans (contre 51,7 ans pour celui de TF1).

Qui plus est, comme le note un rapport commandé par les entreprises de l’audiovisuel public en 2015, les dégrèvements au titre des « droits acquis » conduisent à ce que « les personnes de plus de 75 ans aujourd’hui non imposables à l’impôt sur le revenu sont exonérées si elles l’étaient avant 2005, mais pas les personnes du même âge et du même niveau de ressources qui n’étaient pas exonérées avant 2005, ni a fortiori les personnes plus jeunes qui disposeraient d’un niveau de ressources équivalent » ([28]).

3.   Une assiette qui pourrait être menacée à moyen terme par les évolutions technologiques et la mutation des habitudes de consommation des contenus audiovisuels

a.   La substitution de nouveaux écrans au téléviseur, lente jusqu’à présent, pourrait s’accélérer dans les prochaines années

À la suite du vote, lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2009, d’un amendement parlementaire s’interrogeant sur la pertinence d’exclure « les ordinateurs équipés pour la réception des chaînes de télévision » de l’assiette de la CAP ([29]), le Gouvernement a remis au Parlement un rapport concluant que l’essor des écrans alternatifs conduisait à un phénomène de duplication d’écrans, et non à un phénomène de substitution qui aurait eu un impact direct sur l’assiette de la CAP ([30]).

Les rapporteures estiment que la question mériterait sans doute une nouvelle expertise :

– à la fois parce que ce n’est pas le point de vue défendu par des rapports plus récents qui, à l’instar de celui commandé par les opérateurs de l’audiovisuel public en février 2015, constatent que « l’essor des écrans alternatifs au téléviseur ne concerne plus seulement les ordinateurs mais aussi les tablettes et les smartphones, davantage susceptibles d’entraîner un phénomène de substitution d’écrans » ([31]) ;

– et parce que, d’après les informations fournies aux rapporteures par l’Alliance française des industries du numérique (AFNUM), si le nombre de postes de télévision diminue par foyer, le téléviseur peut, du fait des évolutions technologiques, rester un support essentiel. Nombreux sont ceux parmi les jeunes qui basculent le contenu qu’ils visionnent sur leur ordinateur sur le « grand écran domestique » qu’est la télévision. Cela est, il est vrai, plus pertinent pour les films visionnés en « streaming » que pour les programmes linéaires de télévision.

Ce débat doit être tranché en toute transparence car, tant que la CAP reposera sur le principe de la détention physique d’un poste de télévision, il s’agira d’un système qui ne permettra pas d’enrayer la fraude. Cette dernière ne fera que se développer et trouvera sa « légitimité » dans la détention d’écrans multiples de substitution, réelle ou prétendue.

Le fait est que l’on constate depuis quelques années une décroissance lente mais continue du taux d’équipement des ménages en téléviseurs. Alors que le taux de pénétration des téléviseurs était, au dernier trimestre de l’année 2012, de 98,3 %, il n’était plus, au dernier trimestre de l’année 2016, que de 94 %. Et la baisse de ce taux de 4 points en quatre ans pourrait s’accélérer brutalement si l’on en croit certaines des personnes entendues, qui ont fait état de projections situant le taux d’équipement des ménages en téléviseurs entre 80 % et 90 % du nombre total de foyers en France d’ici 2020. À cet égard, même si elle peut s’expliquer en partie par l’augmentation des achats de téléviseurs les années passées, dans le contexte de transition numérique, la chute spectaculaire des ventes de téléviseurs en France cette année est éloquente : en effet, « selon les données de l’institut GfK, il s’est vendu en France tout juste 2 millions de téléviseurs, contre 3,9 millions à la même époque un an plus tôt, soit une baisse de 46 % en volume » ([32]).

Dans le même temps, les smartphones et les tablettes connaissent actuellement un taux d’équipement nettement plus dynamique. D’après le rapport publié par l’Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers du CSA en avril dernier, ce phénomène répond à une sociologie particulière puisque « la baisse relative du nombre de téléviseurs est probablement moins due à un retrait des équipements qu’au fait que les moins de 35 ans ont moins tendance à s’en équiper au profit d’écrans alternatifs » ([33]). Le même rapport montre qu’en 2016, les foyers français disposaient en moyenne de 5,5 écrans permettant de regarder la vidéo (contre 4,8 au troisième trimestre de l’année 2012).

Les rapporteures soulignent que cette tendance n’est pas propre à la France. D’après la Cour des comptes, « cet effritement du taux de possession de téléviseurs est général à l’Europe, plus sensible dans certains pays qu’en France, sans qu’aucun effondrement rapide ne soit nulle part constaté. […] En revanche, le nombre d’appareils connectés par personne augmente en Europe de façon très significative. […] En 2016, le taux d’équipement de la population d’Europe occidentale en téléphones intelligents est de 69 %, 33 % de la population utilise une tablette » ([34]). Selon l’étude réalisée en 2015 pour les sociétés de l’audiovisuel public, « le phénomène est également bien avancé au RoyaumeUni, où […] presque 6 consommateurs sur 10 (57 %) utilisent aujourd’hui leur mobile pour regarder de la télévision » ([35]).

La même étude montre que « c’est aux ÉtatsUnis que le mouvement de désaffection à l’égard du poste de télévision semble le plus avancé, comme précurseur de la poursuite des tendances qui se profile en Europe : en 2013 le Web a dépassé la télévision, comptabilisant 43,4 % du temps passé en médias, contre 37,5 % pour la télévision traditionnelle, soit une hausse de 5 points en un an ; au total, celleci n’est plus utilisée que pour 65 % des images vues sur les téléviseurs américains, alors que l’utilisation des autres supports croît de manière exponentielle (le temps passé sur smartphone a quintuplé au cours des trois dernières années et les foyers qui ont le haut débit consomment deux heures de vidéo par semaine sur smartphones) » ([36]). Lors de leur audition, les représentants de l’UER ont ajouté qu’aux États-Unis, alors qu’en 2011, seuls 5,6 % de l’ensemble des ménages avaient résilié leur abonnement à une offre de télévision payante au profit de solutions alternatives existant sur internet (« cord cutters »), ils étaient 13 % de l’ensemble des ménages à avoir « coupé le cordon » en 2017.

b.   La prédilection des publics jeunes pour la consommation délinéarisée de contenus audiovisuels sur de nouveaux supports

La consommation de contenus audiovisuels sur les supports classiques que sont la radio et la télévision est plus faible chez les jeunes qui privilégient de plus en plus une consommation délinéarisée sur d’autres supports ([37]). L’essor de la télévision de rattrapage est particulièrement net chez les jeunes : si le taux moyen de pénétration de ce mode de consommation des programmes est passé de 52 % en janvier 2011 à 75,5 % en avril 2017 (soit une hausse de 23,5 points en six ans), il a atteint 84,5 % chez les 15-24 ans en 2016 ([38]). Selon le CNC, qui publie un baromètre annuel de la télévision de rattrapage, la moitié du public de cette télévision a entre 15 et 34 ans ([39]). Pour ne prendre que l’exemple d’Arte, si la moyenne d’âge de ses téléspectateurs est de 61 ans en France, 60 % des personnes qui consomment les programmes de la chaîne de façon délinéarisée sur les réseaux sociaux en France et en Allemagne ont moins de 35 ans.

Ce phénomène concerne aussi la radio : Radio France – dont 60 % des écoutes numériques sont aujourd’hui effectuées en différé – a ainsi indiqué que les différents supports multimédias participent à près de 9 % à l’écoute en direct de ses programmes, mais déjà 27 % chez les 13-24 ans, qui sont les auditeurs de demain.

« Tout se passe comme si l’on assistait aujourd’hui au même phénomène que celui qui a eu lieu avec les transistors chez les jeunes dans les années 1960 » ([40]) ; et ce phénomène n’est, là encore, pas une spécificité française. Aux États-Unis, le visionnage d’un programme télévisé en linéaire devant un téléviseur ne représente plus que 28 % du temps consacré aux programmes télévisés chez les 14-25 ans : cette pratique est majoritaire seulement chez les plus de 55 ans ([41]). De la même façon, au RoyaumeUni, l’écoute de la télévision devant son poste représente 50 % du temps d’écoute total des 1624 ans, contre 69 % chez les plus âgés, soit 148 minutes journalières, contre 232 pour les plus âgés, et la consommation de vidéos sur mobile des 16‑24 ans a augmenté de 133 % en 2013. De même, au Canada francophone, les 1833 ans passent deux fois plus de temps sur le web que sur la télévision ou la radio ([42])

Or, comme l’a fort justement rappelé M. Jean-Paul Philippot, président de l’UER, afin d’accomplir sa mission, le service public audiovisuel a le devoir de s’adresser à des publics jeunes et de s’adapter à leurs habitudes de consommation de plus en plus délinéarisée, ce qui implique de repenser non seulement l’offre de l’audiovisuel public, mais aussi son architecture globale, et, par voie de conséquence, son financement.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, face à ces évolutions, douze États européens ont, au cours des dernières années, amorcé une réforme du financement de leur audiovisuel public, comme l’a rappelé le directeur général des médias et des industries culturelles, M. Martin Ajdari, lors de son audition.

B.   L’universalisation de la contribution À l’audiovisuel public : un levier pour une refonte ambitieuse, juste et pÉrenne du financement d’un service public de l’audiovisuel relÉgitimÉ

Du point de vue des rapporteures, quelle que soit la voie de réforme du financement de l’audiovisuel public qui sera retenue une fois qu’auront été redéfinies la place et les missions de ce service public, elle devra aboutir à la construction d’un dispositif socialement acceptable, équitable et pérenne. C’est un impératif quand on sait qu’un sondage réalisé par Médiamétrie en 2013 place la CAP parmi les impôts les plus impopulaires – 70 % des contributeurs interrogés jugent son montant trop élevé et 80 % de ces mêmes contributeurs ne savent pas à quoi elle sert.

Il ne sera pas possible de faire l’économie d’une relégitimation du service public à travers un débat transparent sur la refondation de ses missions, le renouvellement de son offre et l’optimisation de sa gouvernance.

Il est aussi fondamental de faire œuvre de pédagogie et de consulter d’une manière ou d’une autre les citoyens en s’inspirant, le cas échéant, de ce qui s’est fait chez nos voisins européens.

1.   Écarter toute budgétisation sur les modèles espagnol et néerlandais

La « budgétisation » des ressources de l’audiovisuel public consisterait à supprimer toute taxe affectée à ses opérateurs et à assurer leur financement par des dotations du budget général de l’État, comme c’est le cas aujourd’hui au Canada, en Espagne ou encore aux Pays-Bas. En effet, dès 2000, les PaysBas ont choisi de faire reposer le financement de la Nederlandse Publieke Omroep (NPO) sur une dotation allouée par le gouvernement. Quant au financement de la radio‑télévision publique espagnole (RTVE), il est assuré pour moitié par une dotation publique et pour moitié par une taxe non affectée sur les opérateurs de télécommunications et les groupes audiovisuels privés, dont le produit est reversé à l’opérateur public après avoir transité par le budget de l’État.

Si, d’après la Cour des comptes, ce modèle de financement « est privilégié par la direction du budget » ([43]), les rapporteures y sont pour leur part très hostiles.

En effet, le caractère affecté de la taxe finançant l’audiovisuel public apparaît comme une condition de son indépendance et l’expérience montre que partout où la « budgétisation » du financement du service public audiovisuel a été retenue, le transit des ressources par le budget de l’État a contribué à fortement abaisser le montant des ressources allouées aux opérateurs de l’audiovisuel public et à les rendre déficitaires au point qu’ils ne puissent plus garantir l’accomplissement de leurs missions. La baisse de la subvention de l’État espagnol à RTVE, qui est passée de 544 millions d’euros en 2011 à 293 millions d’euros en 2016, a ainsi conduit la télévision publique espagnole à clôturer ses derniers exercices avec un déficit qui avoisine désormais les 100 millions d’euros.

Comme le note fort justement la Cour des comptes, « le principe d’un financement affecté et automatique de l’audiovisuel public […] est souvent considéré en Europe (notamment en Allemagne ou au Royaume-Uni) comme un élément constitutif de l’indépendance des médias de service public car il préserve ces derniers de décisions discrétionnaires de l’exécutif ou du Parlement. C’est d’ailleurs dans cette optique que le prélèvement de la redevance est souvent effectué par les entreprises elles-mêmes » ([44]).

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, d’après les données fournies aux rapporteures par les représentants de l’UER, en Europe, en 2017, seuls 14 % de l’ensemble des ressources des opérateurs de l’audiovisuel public européen sont issus de dotations provenant du budget des États, alors que 18 % de ces ressources proviennent de revenus commerciaux, et notamment publicitaires (Channel 4 au Royaume-Uni, services publics audiovisuels de pays d’Europe centrale) et que 64 % de ces mêmes ressources proviennent de taxes affectées (comme c’est le cas en France, au Royaume-Uni ou en Allemagne).

Comme l’explique le rapport commandé par les sociétés de l’audiovisuel public français en 2015, « globalement, les pays du Nord de l’Europe se caractérisent par un effort public important […] qui va de pair avec des procédures de garanties d’indépendance financière qui n’existent pas dans les pays du Sud. Or ceuxci, lorsqu’ils ont une redevance, mettent en œuvre un taux beaucoup plus bas […] et affichent un coût mensuel de l’audiovisuel public par foyer bien plus faible. […] Une redevance élevée apparaît ainsi comme la meilleure garantie d’indépendance de celuici. À l’inverse, dans tous les pays qui y ont renoncé au profit d’un système de dotation ou d’une taxe transitant par le budget de l’État (Espagne, Grèce, Chypre, mais les PaysBas également, qui rejoignent les pays du “ Sud ), les opérateurs de l’audiovisuel public sont déficitaires au point de ne pouvoir garantir l’accomplissement de leurs missions » ([45]).

Si l’on peut penser que les entreprises de l’audiovisuel public auraient intérêt à ces conclusions, il est à noter que la Cour des comptes observe elle aussi une « corrélation existant entre la part de marché du service public audiovisuel et le montant de la redevance. Au montant intermédiaire de redevance en France, correspond d’ailleurs une place intermédiaire du service public audiovisuel entre des pays où il occupe une large place (principalement au Nord de l’Europe) ([46]) et des pays où il occupe une place plus réduite (pays du Sud de l’Europe) » ([47]).

Cette analyse est partagée par l’UER qui a aussi constaté une corrélation entre le niveau de la contribution demandée aux citoyens et le volume de programmes mis à leur disposition.

2.   Écarter toute reconfiguration de l’assiette de la CAP qui serait corrélée à des réalités technologiques

a.   L’élargissement de l’assiette de la CAP actuelle aux nouveaux supports, selon un principe de neutralité technologique et sur le modèle britannique

Afin de prendre acte des nouvelles modalités de diffusion du service public audiovisuel, le Royaume-Uni a, dès 2004, adopté une conception technologiquement neutre de la redevance audiovisuelle. La « TVLicence », qui bénéficie à l’ensemble des chaînes de télévision nationales de la BBC ainsi qu’à ses stations de radio, s’applique ainsi à tout foyer qui utilise un équipement pour regarder ou enregistrer des programmes télévisuels (y compris lorsqu’il s’agit d’émissions transmises par satellite depuis l’étranger) : au nombre de ces équipements figurent donc les téléviseurs (avec un tarif réduit pour les récepteurs en noir et blanc), les ordinateurs, les téléphones mobiles, les tablettes, les consoles de jeu, les décodeurs numériques, les magnétoscopes, les lecteurs de DVD, mais également tout autre appareil. Depuis quelques mois, l’accès aux services de télévision de rattrapage à la demande sur la plateforme « iPlayer » de la BBC donne également lieu à la perception de la redevance. Celle‑ci est due à raison d’une par foyer, même lorsque plusieurs des modes de réception précités sont utilisés. À l’inverse, le foyer dépourvu de tout appareil de réception ne paie rien.

Cette neutralité technologique comporte toutefois une limite : contrairement à ce qu’elle sert à financer, la redevance ne s’applique pas aux postes de radio, alors que « la neutralité technologique, dans sa pureté, devrait conduire à taxer tout support dès lors qu’il délivre du service public de télévision et de radio » ([48]).

Ce modèle de financement a notamment été défendu par les députés Éric Woerth et Jean-Marie Beffara qui, en 2015, ont préconisé l’élargissement de l’assiette de la CAP à tout « redevable de la taxe d’habitation dont le foyer est équipé d’au moins un support (poste de télévision, smartphone, tablette) permettant la réception, en illimité, du service public audiovisuel (entendu comme les services offerts par les bénéficiaires de la contribution : France Télévisions, Arte-France, Radio France, l’audiovisuel extérieur de la France, INA), à l’exclusion des postes de radio qu’il en soit ou non propriétaire » ([49]).

D’après l’étude remise aux opérateurs de l’audiovisuel public français en 2015, l’élargissement de l’assiette de la CAP selon un principe de neutralité technologique – qui pourrait être effectué à législation constante, puisqu’il suffirait de modifier une instruction fiscale – permettrait d’assujettir 720 000 foyers supplémentaires (pour un produit supplémentaire d’environ 98 millions d’euros) si les postes de radio sont exclus de l’assiette, et jusqu’à 747 000 foyers supplémentaires (pour un rendement accru de 100 millions d’euros), si les postes de radio y sont inclus ([50]).

Du point de vue des rapporteures, une réforme de la CAP qui maintiendrait son lien avec la détention d’un récepteur quel qu’il soit serait une « fausse bonne idée », car elle ne présenterait pas suffisamment de garanties de pérennité : l’obsolescence technologique nourrira sans cesse l’obsolescence réglementaire, et les évolutions technologiques menaceront indéfiniment l’assiette de la CAP.

À cela s’ajoutent des obstacles pratiques que la Cour des comptes relève dans son rapport. Il sera en effet difficile de délimiter de façon très précise, dans une instruction fiscale, le champ couvert par les dispositifs dits « assimilés » et il est à craindre que les instructions fiscales ne puissent être tenues à jour au rythme de l’innovation technologique de ces produits, sans compter le fait qu’un dispositif de déclaration par les vendeurs de ces appareils devra être mis en place, sur le modèle de celui existant pour les téléviseurs.

b.   La taxation de l’accès à l’internet haut débit (ADSL)

D’après ce qui a été indiqué aux rapporteures, la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) a exploré en 2015 une piste de réforme visant à taxer l’accès à l’internet haut débit. En effet, aujourd’hui, l’accès à la télévision en direct et en rattrapage par un simple abonnement ADSL (même sans offre TV) est possible dans de très bonnes conditions de réception. Cette évolution permettrait également de toucher les consommateurs de services « over the top » (OTT) qui fournissent des programmes directement via internet comme Netflix ou Beinsport.

D’après une enquête réalisée en 2016 par Médiamétrie, à la demande du ministère de la Culture, grâce à cette réforme, qui pourrait être mise en œuvre par modification d’un article du CGI, le nombre de foyers assujettis supplémentaires serait de 900 000 et les ressources supplémentaires pour les opérateurs de l’audiovisuel public seraient de 123 millions en 2016 – et plus exactement 100 millions d’euros si l’on tient compte des dégrèvements.

Cependant, comme le relève la Cour des comptes, « quelles que soient les modalités retenues pour en élargir l’assiette, cette voie de réforme conduira à assujettir au paiement de la contribution 500 000 à 600 000 foyers à faible revenu ainsi que quelque 100 000 jeunes » ([51]), ce qui, aux yeux des rapporteures, ne satisfait pas à l’exigence d’équité que l’on est en droit d’attendre d’une réforme ambitieuse de l’audiovisuel public et de son financement.

3.   Privilégier l’universalisation de la CAP conçue comme la contrepartie d’une offre potentielle, accessible pour tous, sans lien avec la détention de récepteurs

Bien que très différents par leurs caractéristiques sociales, démographiques et culturelles, un certain nombre de nos voisins européens, comme l’Allemagne, la Finlande ou l’Italie, ont, pour des raisons propres, choisi de retenir des modèles de financement de leur audiovisuel public qui, tous, déconnectent le prélèvement de l’outil de réception – étant considéré a priori qu’à l’ère numérique, tous les foyers en sont pourvus – et le font donc reposer, non pas sur l’utilisation d’un service, mais sur une offre potentielle accessible pour tous. Tous ces pays ont en effet estimé que cette « universalisation » du financement de l’audiovisuel public était le plus pertinent, le mieux orienté vers le futur et le plus acceptable socialement.

a.   Le modèle allemand de contribution universelle à caractère forfaitaire adossée à l’impôt foncier

Le déclin du rendement de la redevance entre 2009 et 2012 ainsi que la nécessité de contrôler les déclarations de non-détention de récepteurs générant de la fraude et des frais de gestion importants ont conduit les autorités allemandes à opérer une réforme ambitieuse du financement de leur audiovisuel public. Entrée en vigueur en janvier 2013, celle-ci prévoit que :

– chaque foyer est tenu d’acquitter, indépendamment du nombre d’appareils détenus, une taxe forfaitaire d’un montant initialement fixé à 215,76 euros (soit 17,98 euros par mois), correspondant au taux plein ancien (un taux réduit existait pour les radios et les ordinateurs connectés à internet) – étant précisé que les dégrèvements pour les ménages à faibles revenus, les personnes handicapées et les personnes dépendantes sont demeurés inchangés et que, la taxe étant due pour toute unité d’habitation ;

 les entreprises sont tenues d’acquitter une taxe dont le montant est fonction du nombre de salariés ou de véhicules de société (ou de chambres pour les hôtels) ([52]).

Ce passage d’une redevance pour service rendu à un prélèvement universel, justifié par l’universalité de l’accès au service audiovisuel public et, au‑delà, par le rôle de celui-ci dans la construction du tissu démocratique de la société, a contribué à augmenter les ressources de l’audiovisuel public allemand au-delà des prévisions, tant et si bien que la commission indépendante pour la détermination des besoins financiers de l’audiovisuel public (KEF) a décidé d’une baisse de la redevance de 48 centimes en juillet 2015.

Les rapporteures ont pu constater, au gré des auditions menées, que ce modèle de réforme faisait l’objet d’une approbation largement partagée.

D’après la Cour des comptes, « la DGFIP a toujours privilégié cette voie » ([53]). Si le modèle allemand de contribution universelle forfaitaire devait être adapté en France, la gestion de la CAP ainsi universalisée serait adossée à la taxe d’habitation ou à la taxe foncière. « Sur la base des données individuelles de taxation pour 2016 et à périmètre constant (à savoir hors prise en compte des résidents à l’étranger), la DGFIP estime à 215 millions d’euros les recettes additionnelles pour les sociétés de l’audiovisuel public : 159 millions d’euros de recettes supplémentaires, 26 millions d’euros de dégrèvements, 30 millions d’euros de réduction des dégrèvements contentieux (avec le risque de voir augmenter les dégrèvements gracieux) » ([54]).

La suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des redevables d’ici trois ans pourrait remettre toutefois en cause « la pertinence » de ce modèle de perception. Il y aurait donc une réflexion à mener sur le modèle allemand qui correspond davantage à un système lié à la taxe foncière, avec, le cas échéant, répercussion du montant de la redevance sur le montant des loyers.

b.   Le modèle finlandais de taxe universelle à caractère proportionnel adossée à l’impôt sur le revenu

En Finlande, sous l’effet de la substitution d’autres écrans à la télévision et de l’évasion fiscale, la part des foyers déclarant ne pas posséder de téléviseur est passée de 4 % en 2002 à 10 % en 2010, tant et si bien que l’opérateur de l’audiovisuel public finlandais (YLE) s’est trouvé dans une situation critique.

Une réforme d’ampleur a donc été opérée qui a conduit à la suppression de la redevance et à son remplacement par une taxe proportionnelle sur le revenu due par tous les contribuables, qui représente 0,68 % du revenu total, qui n’est pas perçue en dessous de 70 euros et qui est plafonnée à 143 euros – l’ensemble des dispositifs d’exonérations et de dégrèvements ayant par ailleurs été supprimé.

Pour ce qui est des entreprises, celles qui ont un revenu imposable supérieur à 50 000 euros versent 140 euros, auxquels s’ajoute 0,35 % des revenus dépassant ce seuil, dans la limite d’un plafond fixé à 3 000 euros.

Cette taxe est assortie d’un mécanisme d’indexation automatique et son produit est affecté au financement de l’opérateur public YLE.

Ce modèle de financement a recueilli, lors des auditions, l’assentiment de certaines organisations de producteurs, notamment le Syndicat des producteurs indépendants (SPI) qui considère qu’une taxe proportionnelle au revenu fiscal imposable serait plus juste. Mais elle a également suscité les réticences d’autres personnes entendues à l’égard d’un modèle perçu comme un premier pas vers la budgétisation.

Si, du fait de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des redevables, ce modèle devait être adapté en France, le prélèvement, qui concernerait les 36 millions de foyers fiscaux, serait assis sur le revenu fiscal de référence, notion plus large que le revenu imposable. D’après l’étude fournie aux sociétés de l’audiovisuel public français en 2015, « avec un seuil de mise en recouvrement de 50 euros (correspondant à un revenu fiscal de 10 000 euros) et un plafonnement à 250 euros (au-delà de 50 000 euros de revenu fiscal), on aboutirait à un taux de 0,5 %, faisant payer 65 % des foyers en-dessous du montant actuel de la CAP (136 euros) ; de même, avec un seuil de mise en recouvrement de 60 euros (correspondant à un revenu fiscal de 10 000 euros) et un montant maximal de la taxe de 180 euros (au-delà de 30 000 euros de revenu fiscal), on aboutirait à un taux de 0,6 %, faisant payer 60 % des foyers en-dessous du montant actuel de CAP » ([55]) – les deux scénarios permettant « de générer un montant de recettes proche de la situation actuelle » ([56]).

Tout en soulignant qu’« il serait techniquement possible de collecter la CAP à l’occasion de la collecte de l’impôt sur le revenu (IR) [dans la mesure où] la plupart des motifs d’exonération sont fondées sur des informations figurant dans la déclaration de revenus » et que « si une part très large de la population était à l’avenir exonérée de taxe d’habitation, cette option pourrait être mise en place » ([57]), la Cour des comptes prévient qu’une telle réforme pourrait aboutir « à ce que des foyers qui ne payent pas d’impôt au titre de l’IR s’acquittent d’une contribution spéciale assise sur leurs revenus » et que « la création d’un deuxième impôt progressif sur les revenus et ce, pour le seul financement du secteur audiovisuel, n’en serait pas moins une novation fiscale singulière » ([58]).

L’universalisation de la CAP amène en effet inéluctablement à s’interroger sur les facultés contributives des redevables. Or, lors de leur audition, les représentants de la DGFIP ont souligné que, plus de la moitié des foyers fiscaux n’étant, en France, pas imposables au titre de l’IR, près de 36 millions de foyers fiscaux seraient amenés à recevoir un avis de non-imposition au titre de l’IR exigeant cependant l’acquittement de la CAP, ce qui pourrait être vécu comme une augmentation de l’IR… sauf bien sûr à imaginer que le montant de la CAP soit proportionnel aux revenus, dans quel cas ces foyers fiscaux pourraient en être exonérés. Par ailleurs, l’universalisation de la CAP sur le modèle finlandais impliquant que cette taxe soit déconnectée de la notion de « local », cela pourrait signifier que deux ou plusieurs personnes vivant dans un même local mais constituant des foyers fiscaux distincts pourraient être amenés à acquitter deux ou plusieurs fois le montant de la CAP – qui pourrait toutefois être inférieur à ce qu’il est aujourd’hui s’il était proportionnel aux revenus.

Sous ces réserves, les représentants de la DGFIP ont fait valoir l’intérêt qu’il pourrait y avoir à adosser la CAP sur l’IR, non seulement en termes de déclaration mais aussi en termes de recouvrement, quand on sait qu’en 2016, 29 millions d’avis ont été mis pour un coût total d’affranchissement de 12 millions d’euros et que 230 ETP sont affectés au traitement des quelque 400 000 réclamations annuelles relatives à la CAP.

Les rapporteures notent pour leur part que le modèle finlandais de financement de l’audiovisuel public présente des avantages en termes de simplicité et de justice fiscale, grâce à la prise en compte des revenus, et que l’acceptabilité d’une réforme sur ce modèle pourrait être facilitée. L’élargissement du nombre de redevables pourrait permettre, à recettes constantes, de baisser le tarif pour une majorité de contribuables, faisant ainsi plus de gagnants que de perdants à la réforme.

c.   Le modèle italien de contribution adossée à la fourniture d’énergie

Pour lutter contre une évasion fiscale massive (estimée à environ 30 %), le gouvernement italien a fait savoir, au cours de la discussion de la loi de finances pour 2015, qu’il souhaitait déconnecter le paiement de l’impôt de la détention d’un téléviseur et instaurer un prélèvement automatique mensuel sur la facture électrique des foyers, comme c’est le cas aussi en Grèce. L’objectif était d’élargir le nombre de redevables de 17 millions à 26 millions de foyers et de réduire le montant de la redevance.

L’an dernier, l’Italie a réformé la collecte de la redevance en la confiant aux entreprises de distribution d’électricité tout en modifiant à la marge le périmètre de son assiette qui, initialement limitée à la détention d’un téléviseur, a été étendue aux ordinateurs dotés d’un tuner (mais pas aux ordinateurs qui en sont dépourvus ni aux tablettes et smartphones). Désormais, tout foyer qui recourt au service d’un fournisseur d’électricité est présumé être détenteur d’un appareil en capacité de recevoir, décoder et visualiser le signal numérique terrestre ou satellitaire et donnant lieu à l’acquittement de la redevance. La charge de la preuve de la non-détention d’un tel appareil pèse sur les foyers qui doivent renseigner une déclaration, transmise à l’administration fiscale, pour signaler qu’ils n’en sont pas équipés. Cette réforme a permis de baisser le montant de la redevance de 113,5 à 100 euros par an.

Cette réforme pourrait inspirer un modèle plus ambitieux d’universalisation de la CAP qui consisterait à en rendre redevables l’ensemble des titulaires d’abonnements au gaz et à l’électricité – les représentants de la DGFIP ayant noté, lors de leur audition, l’intérêt qu’il pourrait y avoir à faciliter le recouvrement de la CAP par croisement avec les fichiers des fournisseurs d’énergie. Certaines des personnes entendues, comme M. René Bonnell, ou encore M. Frédéric Goldsmith, délégué général de l’Union des producteurs de cinéma (UPC), ont suggéré que cette piste de réforme mériterait d’être explorée.

d.   Pistes pour une adaptation de la contribution à l’audiovisuel public

Du point de vue des rapporteures, quel que soit le modèle de réforme du financement de l’audiovisuel public pour lequel on optera à l’issue de la réflexion sur les finalités qu’on souhaite lui assigner, il devra apporter un certain nombre de garanties fort bien exposées par les représentants de l’UER lors de leur audition, à la fois :

– en termes de prévisibilité et de stabilité : les entreprises de l’audiovisuel public ont en effet un cycle d’investissement (notamment dans les contenus) sur les moyen et long termes et elles sont souvent dotées de personnels dont les statuts limitent la capacité de variation de la masse salariale à court terme ;

– en termes d’indépendance de la ligne éditoriale : le modèle de financement de l’audiovisuel public doit prévenir d’éventuels « chantages » financiers susceptibles d’influer sur la ligne éditoriale des médias concernés ;

– en termes de transparence : il doit être exigé du modèle de financement de l’audiovisuel public qu’il impose aux entreprises concernées de justifier l’exécution de leurs missions au regard des objectifs qui leur sont assignés ;

– en termes d’acceptation sociale : une réforme réussie est une réforme à l’issue de laquelle les contribuables ne trouvent pas inacceptable d’être tenus de payer quelque chose qu’ils ne veulent ou n’utilisent pas.

Or, comme l’ont expliqué les représentants de l’UER, seule l’universalisation de la CAP (sur les modèles allemand, finlandais voire italien) paraît satisfaire toutes ces attentes tout en inscrivant le financement de l’audiovisuel public dans l’évolution inéluctable des technologies et des modes de consommation des contenus audiovisuels.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, de son côté, le gouvernement norvégien a annoncé en décembre 2016 une réforme du modèle de financement de son audiovisuel public susceptible d’intervenir en 2018 et d’être conçue soit sur le modèle allemand soit sur le modèle finlandais.

Pour sa part, la Cour des comptes estimait, avant l’annonce de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des redevables, que, « parmi les options d’évolution de la CAP, celle d’une contribution déconnectée de la détention d’un récepteur, sur le modèle allemand, paraît être le modèle le plus solide, tant en termes de sécurité juridique que de contrôle de l’impôt. Cette option semble en tout état de cause bien plus robuste que l’option consistant à élargir la redevance à des “ appareils assimilés , qui apparaît très risquée en termes de sécurité juridique. L’option d’assujettir les redevables disposant d’un accès internet à haut débit susciterait moins de difficultés juridiques, mais cette extension pourrait se révéler inopérante sur le moyen terme, si les consommateurs de programmes audiovisuels étaient amenés à privilégier massivement l’usage d’autres moyens de réception (nouvelle génération de téléphonie mobile, notamment) » ([59]).

Les rapporteures estiment donc venu le temps de franchir le pas et d’assumer politiquement l’« universalisation » de la CAP, qu’elle soit inspirée du modèle allemand, finlandais ou italien – étant entendu que pareille réforme pourra aussi conduire à réexaminer la finalité de la TOCE… En effet, depuis 2009, le coût cumulé de cette taxe qui, en Europe, n’a d’équivalent qu’en Espagne et qui, en France, n’a pas été étendue aux GAFA (alors qu’ils captent aujourd’hui l’essentiel de la croissance du marché publicitaire sur le digital) représente, pour l’ensemble des opérateurs de communications électroniques, près de 1,8 milliard d’euros – soit à peu près le coût de la création d’un réseau mobile, à l’heure où il est par ailleurs demandé aux mêmes opérateurs d’effectuer d’importants investissements afin d’accélérer la couverture fixe et mobile de l’ensemble du territoire.

En toute hypothèse, le modèle retenu devra satisfaire aux exigences de pérennité des ressources des opérateurs de l’audiovisuel public et d’équité pour les contribuables ([60]), et la réforme du financement de l’audiovisuel public devra être l’occasion d’un exercice de consultation des publics, de pédagogie et de communication sur la raison d’être du service public audiovisuel.

4.   Élargir le débat sur l’audiovisuel public en associant les citoyens à l’évaluation des opérateurs sur les modèles britannique et finlandais

Aux yeux des rapporteures, la réforme du financement de l’audiovisuel public ne saurait se dispenser d’une campagne de communication : que ce soit en Allemagne ou en Finlande, l’objectif de simplification, de baisse du coût de gestion de l’impôt et surtout de lutte contre la fraude a été largement mis en avant et a sans doute contribué à l’adhésion du public aux réformes entreprises.

À cet égard, leur point de vue rejoint celui de la Cour des comptes qui, s’exprimant au sujet de l’« universalisation » de la CAP, juge que, « pour être acceptable, un tel changement suppose que le service public audiovisuel constitue sans conteste aux yeux de la population un “ bien collectif , comme le sont par exemple l’éducation nationale, la police ou la défense » ([61]), que, « quelles qu’en soient les modalités, une réforme ne pourra s’exonérer d’être accompagnée d’actions visant à restaurer cette cohérence, c’est-à-dire à renforcer le “ pacte social  qui devrait exister entre la population et les médias de service public » et qu’« un travail d’explicitation de la “ contribution à la société  des médias de service public paraît donc conditionner la possibilité d’une réforme » ([62]).

Au Royaume-Uni, d’après certaines des personnes entendues, la satisfaction des contributeurs fait l’objet de sondages hebdomadaires sur la base d’indicateurs de qualité et, tous les dix ans, la commission royale de la télévision évalue l’argent public investi dans l’audiovisuel au regard de la satisfaction des usagers. Par ailleurs, la BBC « a clairement relié l’exercice de légitimation de la redevance avec son expansion numérique. Dans son plan de développement “ Delivering Quality First en 2010, qui prévoyait notamment une augmentation régulière de la redevance indexée sur l’inflation jusqu’en 2013, elle a fait de l’amélioration du “ rapport qualitéprix  [« value for money »] de la redevance un objectif stratégique » ([63]) et mis en valeur son rôle dans la « digitalisation » de la société numérique et ses innovations à la pointe des usages et attentes des contributeurs. Il est certain que l’acceptation par le contribuable de l’augmentation serait facilitée par la prise de conscience que celleci a également vocation à financer les développements numériques qu’il plébiscite par ailleurs en tant qu’auditeur ou téléspectateur.

En Finlande, la mise en place d’un nouveau modèle de financement élargissant le nombre de contribuables a été accompagnée d’une grande campagne de communication et de pédagogie sur le rôle culturel, citoyen et démocratique de l’opérateur public YLE dans le pays (« YLE for all ») : il s’est agi de démontrer que le nouvel impôt visait à financer un « bien commun » justifiant son intégration au système fiscal de l’État providence. « Une démarche participative peut être utile de ce point de vue pour améliorer l’adhésion à la mission de service public financée par la redevance. Lors du lancement de la réforme, l’opérateur YLE en Finlande a ainsi lancé une grande consultation par voie électronique pour que le publiccontribuable s’exprime sur la façon dont il voyait le service public audiovisuel de demain. Les premières indications portent à croire que ce changement a été assez bien perçu par le public, qui se déclare satisfait de la réforme à 71 % et sait mieux désormais à quoi sert la taxe (79 %, soit 8 points de plus qu’avant la réforme) » ([64]).

Les rapporteures considèrent que la France gagnerait à s’inspirer des initiatives « value for money » et « YLE for all » : « l’idée de service rendu aux contribuables, pour un prix donné, pourrait être étayée de manière très concrète, de manière à convaincre ceux-ci qu’ils en  ont pour leur argent ( value for money ). S’inspirant du rapport d’efficacité annuel de la BBC, entièrement orienté sous l’angle du  rapport qualitéprix ( good value ) de la redevance, des indicateurs illustrant la manière dont la redevance est dépensée pourraient être valorisés » ([65]).

Les rapporteures souhaitent donc élargir le débat sur l’audiovisuel public en associant les citoyens à l’évaluation des opérateurs car la relégitimation de ce service public passe par la consultation des contributeurs sur leur perception de la qualité de ses réalisations au regard des missions qui lui sont assignées – missions dont la définition exige préalablement une vaste réflexion sur la place que les Français souhaitent pour l’audiovisuel public dans notre société.

 

 


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   AUDITION DES MINISTRES

La commission des Affaires culturelles et de lÉducation procède, le mardi 7 novembre 2017 en commission élargie à lensemble des députés, dans les conditions fixées à larticle 120 du Règlement, à laudition Mme Françoise Nyssen, ministre de la Culture, sur les crédits pour 2018 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » ([66]).

II.   Examen des crédits

À l’issue de la commission élargie, la commission examine, pour avis, les crédits pour 2018 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».

Article 29 – État B

La commission est saisie de l’amendement n° II-AC72 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Les aides à la presse écrite restent attribuées, pour la vaste majorité des montants concernés, à une petite dizaine de groupes de presse détenus par autant de milliardaires qui dominent le paysage des médias et de l’information dans le pays. En dépit de la mise en avant d’arguments sur la défense du pluralisme, de l’accompagnement de la transition numérique ou encore de l’accompagnement social du secteur, ces aides sont, essentiellement, un transfert de richesses sans contrepartie des contribuables à ces quelques riches actionnaires.

Le PLF ne permettant pas d’opérer la refonte des aides à la presse écrite qui s’impose pourtant, il est proposé de réduire l’aide la plus injustifiée, à savoir l’aide au portage. Celle-ci, comme l’a souligné la Cour des comptes dans son rapport de 2013, a fortement augmenté à la suite des États généraux de la presse, sans aucun effet notable ni sur le développement du portage, ni sur la situation des porteurs, ni sur la santé des titres de presse nominalement bénéficiaires. Par cet amendement, nous proposons donc de ramener l’aide au portage (sous‑action 1 de l’action 2 du programme 180) à son montant de 2008, soit 8 millions d’euros et de répartir les 23,5 millions d'euros ainsi dégagés entre le programme 334, en faveur de la médiation en matière de livre et de lecture, et un nouveau programme, intitulé « Soutien aux médias de proximité », auxquels seront également transférés les crédits inscrits sur l’action 5 du programme 180. À titre indicatif, le responsable de ce nouveau programme serait le directeur général des médias et des industries culturelles, qui est aussi responsable du programme 180 d’où sont issus les crédits abondant le nouveau programme ainsi créé.

Mme Béatrice Piron, rapporteure pour avis. Le PLF pour 2018 prévoit déjà de réduire l’aide au portage de la presse de 4,5 millions d’euros pour tenir compte de la baisse relative des volumes portés constatée depuis quelques années pour les titres éligibles. La baisse proposée de 23,5 millions d’euros de l’aide au portage serait excessivement brutale. En effet, si les volumes portés sont en baisse pour la presse locale et nationale d’information politique et générale, ils ne diminuent pas en revanche pour la presse magazine ni pour la presse hebdomadaire régionale. Pour ces deux derniers types de presse, le nombre de volumes portés a crû de 7 millions d’exemplaires entre 2011 et 2016. Quant à la presse quotidienne régionale et départementale, elle voit la part de ses abonnements portés croître au point qu’elle atteint près de 86 % du nombre total de ses abonnements.

La baisse considérable de l’aide au portage proposée par cet amendement affecterait donc essentiellement la presse locale, et plus précisément la presse quotidienne et hebdomadaire régionale et départementale dont le modèle économique pourrait se trouver déstabilisé. Parmi nos concitoyens, les premiers à faire les frais des conséquences de cette mesure seraient sans doute les abonnés géographiquement excentrés, ce qui risque d’accentuer encore l’isolement de certaines zones rurales. La mesure proposée par les auteurs de l’amendement semble donc avoir tous les caractères d’une mesure anti-sociale.

Il semble préférable de réformer le régime de l’aide au portage. C’est ce à quoi s’est attelé un décret du 11 septembre 2017 qui a notamment prévu le plafonnement de l’aide aux éditeurs à 110 % de l’aide perçue l’année précédente, le renforcement de la mutualisation des réseaux de portage, la dégressivité de l’aide aux réseaux à partir de 15 millions d’exemplaires tiers portés et le calcul de l’aide sur la base des données réelles de l’année précédente.

Pour toutes ces raisons, nous émettons un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement n° II-AC65 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Le Bureau Export de la Musique Française accompagne chaque année près de 300 professionnels dans le développement à l’international des carrières de leurs artistes. C’est le seul outil commun à tous les acteurs de la filière, assurant veille de marchés, présence des artistes dans plus de 80 événements professionnels dans le monde entier et soutien financier à leurs projets d’export.

Acteur indispensable au secteur musical, le Bureau Export ne dispose pourtant pas aujourd’hui de ressources à la hauteur des enjeux. Dans le cadre de la présentation du projet de loi de finances pour 2018, le ministère de la Culture a annoncé une augmentation de 800 000 euros pour porter les crédits de l'association à 2,2 millions d'euros au sein du programme 334 « Livre et industries culturelles » de la mission Médias, Livre et Industries culturelles. Si nous saluons cet effort, il apparait insuffisant au regard de la place que nous souhaitons donner à la filière musicale française et de ses enjeux culturels, industriels et pour le rayonnement de notre pays. En raison de la dimension hautement stratégique prise par l’export dans son modèle économique, le secteur ne peut se satisfaire d’une augmentation aussi modeste des moyens du Bureau Export. Cet amendement propose donc d’augmenter les crédits alloués au Bureau Export de la Musique Française d’un million d’euros supplémentaire pour les porter à 3,2 millions d'euros.

L’industrie mondiale de la musique connaît en effet une transformation historique, sous l’impulsion de l’explosion du streaming et des évolutions récentes de l’économie de la production de spectacles. Les frontières nationales s’estompent et les barrières à l’entrée des différents marchés disparaissent progressivement. Ce contexte ouvre des perspectives inédites pour une création française riche et diversifiée, qui peut rayonner dans le monde entier. La France peut réussir à s’imposer si elle engage dès aujourd’hui les investissements indispensables pour permettre à ses artistes de concevoir et porter des projets de dimension mondiale, et donc en gagnant la bataille de l’export. Tel est l’objet de cet amendement.

Mme Béatrice Piron, rapporteure pour avis. Le PLF pour 2018 prévoit d’ores et déjà une augmentation des moyens attribués au Bureau export de la musique à hauteur de 800 000 euros – ce qui porte les crédits accordés à cet organisme à 2,2 millions d’euros au total. Or, dans le même temps, l’amendement propose d’augmenter encore ces moyens en réduisant d’1,6 million à 600 000 euros la dotation à la radio franco-marocaine Médi1 alors que cette dotation d’1,6 million d’euros suffit tout juste à assurer la couverture des coûts salariaux des journalistes français travaillant pour cette radio. Comment paierait‑on ces journalistes si l’amendement était adopté ?

Le marché français de la musique a déjà été beaucoup aidé ces dernières années. Parmi les dispositifs de soutien à la création, on citera, outre le Fonds pour la création musicale et le Fonds d’avances remboursables pour l’industrie musicale – qui était doté de près de 20 millions d’euros au 31 décembre 2016 –, le crédit d’impôt pour la production phonographique.

Le secteur de la musique enregistrée se porte mieux. Pour la première fois depuis 2002, selon les chiffres du Syndicat national de l’édition phonographique, le marché de la musique enregistrée a connu l’an dernier une croissance significative de son chiffre d’affaires.

Enfin, en juin dernier, la ministre de la Culture a confié à M. Roch-Olivier Maistre une mission de réflexion autour d’une « maison commune de la musique », qui devra notamment établir un état des lieux de la filière musicale, ainsi qu’un diagnostic précis de ses besoins et des enjeux auxquels elle est confrontée et qui justifient une intervention des pouvoirs publics. Plutôt que de prendre des décisions hâtives dans ce PLF, peut-être serait-il sage d’attendre la mise en œuvre des recommandations de M. Roch-Olivier Maistre.

Pour toutes ces raisons, nous émettons donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Après l’article 51

La commission examine l’amendement n° II-AC74 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Nous nous opposons à la réduction des moyens attribués à l’audiovisuel public par rapport à 2017. Le PLF 2018 prévoit en effet une baisse de plus de 36 millions d’euros des dotations, soit 1 % des moyens permettant à France Télévisions (‑ 30,8 millions d’euros), Radio France, ARTE, France Médias Monde, l’INA et TV5 Monde de faire face à leurs missions de service public. Cette diminution de moyens a provoqué, à juste titre, l’incompréhension des personnels des sociétés nationales de programme, qui se sont notamment mis à grève à Radio France.

Comme précisé dans le bleu budgétaire, l’objectif de « maîtrise de la masse salariale » poursuivi par le gouvernement s’est traduit par le non‑remplacement d’un départ en retraite sur deux jusqu’en 2020 dans le cadre du Contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2016-2020 de France Télévisions. Nous nous inquiétons de l'impact de cette politique sur le personnel du groupe, ses conditions de travail, sa santé et sa précarité.

L’amendement demande donc au gouvernement un rapport sur la précarité des emplois à France Télévisions, rapport qui pourrait être rédigé par un groupe de travail associant diverses parties concernées, et notamment les syndicats de France Télévisions, pour un état des lieux transparent sur un sujet préoccupant.

Mme Béatrice Piron, rapporteure pour avis. Pour rappel, l’objectif de maîtrise de la masse salariale a été poursuivi par l’ensemble des gouvernements successifs, y compris par le Gouvernement issu de la précédente majorité, qui est celui qui a négocié le COM 2016‑2020.

Certes, le COM actuel prévoit la suppression de 350 ETP d’ici 2020, par non‑remplacement d’un départ à la retraite sur deux, mais le précédent COM prévoyait lui aussi une diminution des effectifs. Or les réductions d’effectifs ont été réalisées en partie grâce à la diminution significative du recours à l’emploi non-permanent… C’est bien la preuve que la stabilisation de la masse salariale de France Télévisions n’est pas synonyme d’une précarisation du statut de ses personnels. Bien au contraire.

Les réponses apportées par le ministère de la Culture au questionnaire budgétaire que nous lui avons adressé indiquent que le taux de recours de France Télévisions aux collaborateurs non-permanents s'établissait à 13,9 % fin 2016, contre 18,2 % en 2012. Quant à la part de l'intermittence, elle est baisse et ne représentait plus l’an dernier que 7,7 % (contre 8,1 % en 2015). France Télévisions mène une action volontariste de réduction de la précarité et de pérennisation des emplois jusqu’alors non-permanents.

De plus, cher collègue, nous n’avons pas à demander de rapport au Gouvernement car cela reviendrait à lui déléguer notre mission de contrôle. Nous pouvons réaliser un travail d’évaluation interne à notre commission.

Pour toutes ces raisons, ma collègue Frédérique Dumas et moi-même émettons un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine enfin l’amendement n° II-AC75 de Mme Sabine Rubin.

M. Michel Larive. Aujourd’hui, la taxe d’habitation et la contribution à l’audiovisuel public (CAP) sont rattachées, en termes de paiement comme d’exonérations. Nous nous inquiétons de l’impact de la suppression de la taxe d’habitation, annoncée par le gouvernement, sur la perception, le paiement et la répartition de la CAP. Cet impôt n’étant pas progressif, l’égalité d’accès à l’information et à la culture est-elle entravée par le poids de la redevance actuelle ? Quelle est l’importance de la taxe d’habitation, et donc de la CAP, dans le financement de l’audiovisuel public ?

Par ailleurs, de plus en plus de personnes renoncent à la télévision comme équipement au sein de leur foyer. Quels seront les axes de compensation pour que l’audiovisuel public ne voie pas son financement à nouveau diminuer ?

Enfin, la politique gouvernementale pousse au développement de l’activité de vente d’espaces publicitaires, ce qui entraîne nécessairement la marchandisation du secteur et donc des risques de collusions d’intérêts privés de plus en plus importants. Quel impact sur la qualité du service public et son indépendance ?

À travers cette demande de rapport, nous demandons un éclairage sur ces points.

Mme Béatrice Piron, rapporteure pour avis. Comme pour l’amendement AC 74, je ne vois pas pourquoi les auteurs de l’amendement tiennent à dessaisir le Parlement de ses missions d’évaluation au profit du Gouvernement.

Par ailleurs, j’indique aux auteurs de l’amendement que la question de la suppression de la taxe d’habitation a été abordée tout au long des nombreuses auditions que nous avons menées et qu’ils trouveront d’ores et déjà dans notre projet d’avis bien des éléments de réflexion à ce sujet. C’est précisément parce que le recouvrement de la contribution à l’audiovisuel public est adossé à celui de la taxe d’habitation et qu’environ 80 % des foyers devraient être dispensés du paiement de cette taxe d’ici 2020 qu’une large majorité de foyers fiscaux ne devrait plus voir figurer que la CAP sur leur avis d’imposition.

Notre projet d’avis invite à réexaminer le modèle de financement de notre audiovisuel public, dans le cadre d’une réflexion beaucoup plus large sur la place et les missions souhaitées pour ce service public. Pour notre part, nous estimons que seule l’universalisation de la CAP sur les modèles allemand, finlandais ou italien est à même de garantir la transparence, la prévisibilité, la stabilité, l’indépendance et surtout l’acceptation sociale que l’on est en droit d’exiger du modèle de financement de l’audiovisuel public.

Pour toutes ces raisons, nous émettons à nouveau un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Après l’article 57

La commission examine l’amendement n° II-AC73 de Mme Sabine Rubin.

M. Michel Larive. Nous constatons une baisse des moyens alloués aux bibliothèques ainsi que des pertes d’emplois. Le secteur du livre et de la lecture publique perd ainsi 5 millions d’euros de dotations dans le projet de loi de finances 2018. Le symbole de cette austérité n’est autre que la Bibliothèque nationale de France, qui perd 6 millions de subventions pour charges de service public alors même que son solde budgétaire est déjà déficitaire de 9,5 millions. L’hémorragie n’est pas que financière, puisque nous constatons aussi la baisse de 10 ETPT, dont 6 contrats aidés.

Pourtant, Emmanuel Macron, en janvier 2017, revendiquait « l’ouverture de toutes les bibliothèques, en particulier les bibliothèques municipales et universitaires », considérant que des établissements fermés le week-end et après 18 heures « c’est une vraie inégalité, parce que c’est le plus modeste qui en a besoin. Cet accès à la culture, on doit aussi le faire en ouvrant plus largement, en soirée, les week-ends, toutes les bibliothèques de France. ».

D’après le service du livre et de la lecture du ministère de la Culture (rapport d’activité 2014), il y a en France 7 100 bibliothèques et 9 000 points d’accès au livre, soit 16 100 lieux de lecture publique. Or, entre 2014 et 2015, la France a surtout enregistré une légère baisse du nombre d’inscrits dans les bibliothèques publiques, passant de 5,492 millions d’euros à 5,427 millions d’euros.

Nous nous inquiétons de la vision du gouvernement en matière de politique du livre et doutons de l’adéquation des moyens alloués avec l’atteinte d’objectifs ambitieux.

Mme Béatrice Piron, rapporteure pour avis. Les auteurs de l’amendement invoquent une « baisse de moyens alloués aux bibliothèques » – ce qui est faux. Il est vrai qu’au programme 334 « Livre et industries culturelles », les autorisations d’engagement et les crédits de paiement baissent respectivement d’environ 17 et 7 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, mais il faut souligner qu’il s’agit là de transferts vers les actions d’éducation artistique et culturelle figurant au programme 224, dont les crédits sont augmentés d’autant. Je vous renvoie à la page 75 du projet annuel de performances relatif à la mission « Médias, livre et industries culturelles », où il est expliqué qu’« en lien avec la structuration du plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle (dit “ plan EAC ”), les moyens sont rassemblés au sein du programme 224 ».

Par ailleurs, il est vrai que les crédits alloués à la Bibliothèque nationale de France (BnF) baissent de 6 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Mais cette baisse d’environ 2,5 % des crédits de fonctionnement de la BnF sera indolore puisqu’elle sera absorbée par la diminution du taux de sa réserve de précaution et par la mobilisation de crédits historiquement sous‑consommés. Pour ce qui concerne la dotation d’investissement de la BnF, elle sera consolidée à son niveau historiquement haut de 2017. La rénovation du site Richelieu sera poursuivie selon le calendrier initialement prévu : les moyens nécessaires à cette fin seront mobilisés en 2018, marquant ainsi, dans un contexte budgétaire globalement contraint, le caractère prioritaire de ce chantier.

Pour toutes ces raisons, nous émettons un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

*

M. le président Bruno Studer. Avant de consulter la commission, je vais demander aux rapporteures de nous rappeler leur avis sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et ceux du compte d’avances à l’audiovisuel public.

Mme Béatrice Piron, rapporteure pour avis. Avis favorable.

La commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », ainsi que du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».

 

 


—  1  —

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

 

       Radio France  M. Mathieu Gallet, président-directeur général, Mme Maïa Wirgin, secrétaire générale, membre du comité exécutif, M. Oliver Zegna-Rata, directeur des affaires institutionnelles et des affaires internationales, et M. François Stéphane Hamon, responsable des relations parlementaires et européennes

       Ministère de la Culture  Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) – M. Martin Ajdari, directeur général, et M. Ludovic Berthelot, directeur de l’audiovisuel public

       Arte – Mme Véronique Cayla, présidente du directoire, Mme Anne Durupty, directrice générale, et Mme Elsa Comby, responsable des affaires publiques

       Table ronde réunissant des sociétés de gestion des droits d’auteur :

Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD)  M. Patrick Raude, secrétaire général, et M. Guillaume Prieur, directeur des relations institutionnelles et européennes

Société civile des auteurs multimedia (SCAM)  M. Hervé Rony, directeur général-gérant, et M. Nicolas Mazars, responsable juridique de l'audiovisuel et de l'action professionnelle

Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) – M. Jean-Noël Tronc, directeur général, et M. Blaise Mistler, directeur des relations institutionnelles

       Table ronde réunissant des producteurs :

Syndicat des producteurs indépendants (SPI)  M. Emmanuel Priou, président, Mme Catherine Bertin, déléguée générale, et Mme Emmanuelle Mauger, déléguée audiovisuelle

Société civile des auteurs réalisateurs et producteurs (ARP) –M. Mathieu Debusschère, délégué général, et Mme Lucie Girre, chargée des relations institutionnelles

Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA) – M. Thomas Anargyros, président, et M. Stéphane Le Bars, délégué général

       Institut national de l’audiovisuel (INA)M. Laurent Vallet, président-directeur général, et M. Jean-Marc Boero, secrétaire général

       France Télévisions – Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente, M. Francis Donnat, secrétaire général, M. Stéphane Sitbon-Gomez, directeur de cabinet, et Mme Juliette Rosset-Cailler, directrice des relations avec les pouvoirs publics

       France Médias Monde – Mme Marie-Christine Saragosse, présidente, M. Victor Rocaries, directeur général, et M. Thierry Delphin, directeur administratif et financier

       Union des annonceurs (UDA) – M. Jean-Luc Chetrit, directeur général, M. Didier Beauclair, directeur stratégies et médias et Mme Laura Boulet, directrice des affaires publiques, juridiques et éthiques

       Table ronde des fournisseurs d’accès à internet (FAI) :

Orange – M. Pierre Petillault, directeur adjoint des affaires publiques, et Mme Claire Chalvidant, directrice des relations institutionnelles

Numericable-SFR  M. Régis Turrini, secrétaire général du groupe SFR, et M. Thomas Puijalon, responsable des affaires publiques

Bouygues Telecom  M. Anthony Colombani, directeur des affaires publiques

Free  M. Maxime Lombardini, directeur général du groupe, et Mme Ombeline Bartin, responsable des relations institutionnelles

Fédération française des Télécoms – M. Michel Combot, directeur général, et M. Olivier Riffard, directeur des affaires publiques

       Union des producteurs de cinéma (UPC) – M. Xavier Rigault, président, et M. Frédéric Goldsmith, délégué général

       M. René Bonnell, ancien directeur du Cinéma de Canal +, ancien directeur de la stratégie des programmes de France Télévisions

       Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – M. Olivier Schrameck, président, M. Guillaume Blanchot, directeur général, Mme Leila Derouich, directrice de cabinet, et Mme Anissa Zeghlache, directrice-adjointe de cabinet

       Union Européenne de Radio-Télévision (UER) – M. Jean-Paul Philippot, président, et M. Michael Wagner, responsable droit des médias et de la communication

        Ministère de l’Économie – Direction générale des finances publiques (DGFIP) – M. Audran Le Baron, chef du service de la gestion fiscale, et M. Gaël Perraud, chef du bureau C1


([1]) D’après les représentants de la Direction générale des finances publiques (DGFIP) entendus par les rapporteures, en 2016, 526 000 avis d’imposition avaient été émis, qui comportaient un montant nul de taxe d’habitation et une CAP positive. Si aucune réforme n’était entreprise, ce nombre exploserait puisqu’en 2020, 80 % des contribuables qui acquittent aujourd’hui la taxe d’habitation recevraient un avis d’imposition comportant un montant nul au titre de la taxe d’habitation et une CAP positive. Le recouvrement de la CAP pourrait s’en trouver plus difficile, car plus les montants d’impôts dus sont faibles, plus on peut hésiter à déployer d’importants moyens pour en obtenir le paiement.

([2]) En complément de ces données chiffrées, les rapporteures tiennent à signaler le vidéoclip élaboré par le Syndicat des producteurs indépendants (SPI) qui explique de façon très pédagogique l’utilisation que les opérateurs de l’audiovisuel public font des ressources publiques, de sorte que les quelque 40 centimes d’euros que versent chaque jour les redevables de la CAP peuvent apparaître comme assez négligeables au regard de la plus-value apportée par l’audiovisuel public. Ce vidéoclip est consultable sur Youtube au lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=RfLAYyowgsg.

([3]) Union syndicale de la production audiovisuelle (USPA), conférence de presse, La Rochelle, 15 septembre 2017.

([4])  Voir le compte-rendu de la réunion de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale du mercredi 4 octobre 2017, consultable au lien suivant : http://www.assemblee-nationale.fr/15/cr-cedu/17-18/c1718002.asp

([5]) Projet annuel de performances (PAP) « Médias, livre et industries culturelles », annexé au PLF pour 2018, p. 9.

([6]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016.

([7]) Seuls reculent d’environ 2 millions d’euros les montants de l’aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale et de l’exonération de charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse.

([8])  Voir, entre autres exemples, les rapports d’information :

– n° 709 (session extraordinaire 2014-2015) fait, au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et de la commission des finances du Sénat, sur le financement de l’audiovisuel public, par les sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, septembre 2015 ;

– n° 3098 (XIVe législature) fait, au nom de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, par les députés Éric Woerth et Jean-Marie Beffara. septembre 2015.

([9]) Voir le compte-rendu intégral des débats de la deuxième séance du vendredi 21 octobre 2016, au lien suivant : http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2016-2017/20170022.asp#P877248

([10]) À cet égard, il ressort des auditions menées par les rapporteures que, s’ils sont nécessaires, les COM et les cahiers des charges des sociétés de l’audiovisuel public sont aujourd’hui des instruments hétérogènes et « vieillis », dont l’articulation n’est pas optimale. Comme l’a fait remarquer le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), M. Olivier Schrameck, les COM ne correspondent pas nécessairement ni aux mandats des président-e-s des sociétés de l’audiovisuel public ni aux échéances politiques. Sans doute serait-il souhaitable d’aligner les COM sur ces mandats et échéances, tout en ménageant bien sûr la possibilité d’un réexamen afin d’éviter qu’un gouvernement n’enferme dans un corset les relations d’un autre gouvernement avec les opérateurs de l’audiovisuel public. De la même façon, il faudrait réfléchir à une évolution des cahiers des charges, qui pourraient comprendre deux parties : l’une « fixe » qui permettrait de vérifier la mise en œuvre de certains principes au-delà de considérations conjoncturelles, et l’autre, « variable », qui permettrait une vérification annuelle et poussée de la gestion financière et humaine des opérateurs de l’audiovisuel public.

([11])  Cour des comptes, France Télévisions : mieux gérer l’entreprise, accélérer les réformes, octobre 2016.

([12]) Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

([13])  COM de France Télévisions 2016-2020, p. 21.

([14])  Cour des comptes, France Télévisions : mieux gérer l’entreprise, accélérer les réformes, octobre 2016.

([15])  D’après les informations fournies par le ministère de la Culture en réponse au questionnaire budgétaire qui lui a été adressé, le coût additionnel lié au lancement de Franceinfo (soit 13,5 millions d’euros, dont 11,1 millions d’euros pour France Télévisions, 2,4 millions d’euros pour Radio France et 0,2 million d’euros pour l’INA) a été moindre que prévu en 2016, avec une économie de l’ordre de 1 à 1,5 million d’euros. Pour l’année 2017, un léger dépassement est prévu dans les budgets de France Télévisions (16,1 millions d’euros contre 15,8 millions d’euros prévus) et de Radio France (4,2 millions d’euros contre 3,5 millions d’euros prévus initialement).

([16])  Rapport n° 709 précité, proposition n° 12.

([17])  En 2012, 3,5 millions d’euros étaient consacrés au numérique au titre des dépenses de fonctionnement, 1,2 million d’euros au titre des dépenses d’investissement et 1,8 million d’euros en termes de masse salariale. En 2017, ces dépenses sont respectivement de 7,2 millions d’euros (pour le fonctionnement), 4 millions d’euros (pour l’investissement) et 4,4 millions d’euros pour la masse salariale.

([18])  Cour des comptes, La contribution à l’audiovisuel public (2007-2016) : régime, collecte et usage, juillet 2017, p. 11. D’après ce rapport, « une requalification de la CAP en prélèvement obligatoire aurait plusieurs conséquences. En premier lieu, elle augmenterait la part des prélèvements obligatoires ramenés au produit intérieur brut (PIB) de 0,2 %. […Ensuite,] les sociétés de l’audiovisuel public pourront être qualifiées d’administrations publiques (APU) et d’organismes d’administration centrale (ODAC) », ce qui ne serait pas sans incidence sur leur capacité à s’endetter, d’après les sénateurs André Gattolin et Jean‑Pierre Leleux (rapport n° 709 précité, p. 82), ni sur leur statut au regard de la taxe sur les salaires.

([19])  Cour des comptes, rapport précité sur la contribution à l’audiovisuel public, p. 42.

([20]) On distingue trois catégories de personnes dégrevées ou exonérées de la CAP :

– 1° les personnes exonérées de la taxe d’habitation, à savoir : les personnes reconnues indigentes par la commission communale des impôts directs, les titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ou de l’allocation supplémentaire d’invalidité (AAH) ; les personnes de plus de 60 ans ainsi que les veufs ou veuves (sous condition de ressources) ; les personnes atteintes d’une invalidité ou d’une infirmité ; les personnes occupant dans les départements d’outre-mer un immeuble dont la valeur n’excède pas 40 % de la valeur locative moyenne des locaux d’habitation de la commune ; les ambassadeurs et autres agents diplomatiques de nationalité étrangère, sous condition de réciprocité ;

– 2° les bénéficiaires du régime dit des « droits acquis » mis en place lors de l’adossement de la CAP à la TH pour maintenir le bénéfice de l’exonération aux personnes qui étaient exonérées de la redevance en 2004 et qui, compte tenu des dispositifs d’exonération applicables en taxe d’habitation, ne l’auraient pas été de la CAP (cela concerne essentiellement les personnes âgées de condition modeste et les personnes de condition modeste invalides ou infirmes) ;

– 3° les personnes dont le revenu fiscal de référence est nul, tels que les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ne percevant aucun autre revenu.

([21])  Cour des comptes, rapport précité, p. 24.

([22]) D’après les représentants de l’UER entendus par les rapporteures, alors qu’en France, les entreprises de l’audiovisuel public bénéficiaient en 2015 de 4 milliards d’euros de ressources (soit 0,2 % du PIB et 65 euros par habitant en moyenne), les entreprises de l’audiovisuel public allemand bénéficiaient à la même date de 9,5 milliards d’euros (soit 0,3 % du PIB et 115 euros par habitant en moyenne) et les entreprises de l’audiovisuel public britannique bénéficiaient, toujours à la même date, de 8 milliards d’euros (soit 0,3 % du PIB et 124 euros par habitant en moyenne). Lors de son audition, la présidente de France Médias Monde (FMM), Mme Marie-Christine Saragosse, a indiqué que le budget annuel de son entreprise avoisinait 260 millions d’euros (dont 10 millions d’euros de ressources propres), pour la diffusion de programmes en 15 langues, là où le budget de BBC World avoisine 330 millions d’euros, pour une diffusion de programmes en 29 langues (et bientôt en 39 langues).

([23]) Bulletin officiel des finances publiques (BOFIP) du 26 février 2014 (n° BOI-PAT-CAP-10-20140226).

([24]) La réforme de la redevance audiovisuelle : panorama des systèmes de redevance audiovisuelle en Europe à l’ère numérique, rapport commandé par les opérateurs de l’audiovisuel public français en février 2015, p. 4.

([25]) En 2015, sur les quelque 21 228 personnes qui avaient indiqué ne pas avoir de téléviseur et qui avaient fait l’objet d’un recoupement avec le fichier des vendeurs de télévision, 38 % des redevables ont finalement admis détenir un tel appareil. De la même façon, en 2016, sur 43 000 personnes qui avaient indiqué ne pas avoir de télévision tout en étant inscrites auprès d’un distributeur de télévision payante, 11 000 ont reconnu détenir un téléviseur au 1er janvier 2015. La même année, 20 % des contribuables contrôlés au cours des quelque 147 023 enquêtes de terrain menées par les agents des services fiscaux ont reconnu détenir un téléviseur, contrairement à ce qu’ils avaient déclaré, et 22 % des contrôles sur place réalisés auprès des professionnels ont abouti à un résultat positif, d’après les réponses apportées par le ministère de la Culture au questionnaire budgétaire qui lui a été adressé.

([26]) Cour des comptes, rapport précité sur le CAP, p. 18.

([27]) Ibidem, p. 16.

([28])  La réforme de la redevance audiovisuelle : panorama des systèmes de redevance audiovisuelle en Europe à l’ère numérique, op. cit., p. 4.

([29]) Amendement n° II117 additionnel après l’article 82 du projet de loi de finances pour 2009 présenté par M. MartinLalande, rapporteur spécial au nom de la commission des Finances de l’Assemblée nationale.

([30])  Rapport analysant les avantages et les inconvénients du maintien des dispositions prévues par l’instruction codificatrice n° 0502A8 de la Direction générale de la comptabilité publique du 6 juillet 2005 en application de l’article 197 de la loi n° 20081425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, septembre 2009.

([31])  La réforme de la redevance audiovisuelle : panorama des systèmes de redevance audiovisuelle en Europe à l’ère numérique, op. cit., p. 16.

([32])  S. Dumoulin, « Le marché français des téléviseurs s’écroule », Les Échos, 12 septembre 2017.

([33]) Conseil supérieur de l’audiovisuel, L’équipement audiovisuel des foyers au 4e trimestre 2016 (TV) et pour l’année 2016 (radio), 2017, p. 5.

([34]) Cour des comptes, rapport précité sur la CAP, p. 16.

([35])  La réforme de la redevance audiovisuelle : panorama des systèmes de redevance audiovisuelle en Europe à l’ère numérique, op. cit., p. 37.

([36])  Ibidem, pp. 36-37.

([37])  D’après l’édition 2016 du baromètre du numérique de l’ARCEP, l’équipement des jeunes générations en terminaux mobiles connectés s’est accéléré ces dernières années au point que l’an dernier, 85 % des 12‑17 ans et 95 % des 18-24 ans possédaient un smartphone. D’après l’édition 2017 de l’enquête « Junior’Connect » de l’institut de sondage IPSOS, 35 % des 7-19 ans ont leur propre tablette.

([38])  Réponse du ministère de la Culture au questionnaire budgétaire qui lui a été adressé.

([39])  CNC, L’économie de la télévision de rattrapage en 2015, mars 2016.

([40]) La réforme de la redevance audiovisuelle : panorama des systèmes de redevance audiovisuelle en Europe à l’ère numérique, op. cit., p. 27.

([41])  Deloitte, Digital democracy survey, 2015.

([42])  Ibidem, p. 37.

([43])  Cour des comptes, rapport précité sur la CAP, p. 54.

([44])  Idem.

([45])  La réforme de la redevance audiovisuelle : panorama des systèmes de redevance audiovisuelle en Europe à l’ère numérique, op. cit., pp. 6-7.

([46])  D’après ce qui a été indiqué aux rapporteures, la part d’audience des opérateurs de l’audiovisuel public britannique et danois avoisinerait 70 %.

([47])  Cour des comptes, rapport précité sur la CAP, pp. 21-22.

([48])  La réforme de la redevance audiovisuelle : panorama des systèmes de redevance audiovisuelle en Europe à l’ère numérique, op. cit., p. 7.

([49])  Rapport précité, p. 59. Le groupe de travail sur l’avenir de France Télévisions coordonné par M. Marc Schwartz avait également émis le vœu de voir « l’élargissement de l’assiette de la redevance […] mis en chantier dès maintenant » (France Télévisions 2020 : le chemin de l’ambition, février 2015, pp. 111 et s.).

([50]) La réforme de la redevance audiovisuelle : panorama des systèmes de redevance audiovisuelle en Europe à l’ère numérique, op. cit., p. 63.

Une note de la direction générale des finances publiques en date du 24 juillet 2015 estime quant à elle la population de nouveaux assujettis potentiels à 930 000 foyers payants, en tenant compte non seulement des dégrèvements (qui concernent 13 % des foyers), mais également du fait que 15 % des foyers dépourvus de téléviseur ne possèdent pas non plus de tablette ou d’ordinateur. La note estime le surplus de recettes à environ 127 millions d’euros. En outre, un gain de 35 millions d’euros est attendu du contentieux pour cause de non-détention. Dans une note de mars 2015, le ministère de la Culture parvient à une estimation de recettes additionnelles de 104 millions d’euros en 2016 et 121 millions d’euros en 2017 – le produit additionnel de cette modification ayant tendance à augmenter, au rythme du recul de l’équipement des foyers en téléviseurs traditionnels, ce qui réduit d’autant le surplus de recettes collectées.

([51]) Cour des comptes, rapport précité sur la CAP, p. 59.

([52]) Les personnes travaillant à leur domicile ne paient pas de redevance supplémentaire, celle-ci étant calculée en fonction du nombre de véhicules utilisés pour l’activité professionnelle (5,99 euros par automobile). Les propriétaires d’hôtels et chambres d’hôtes n’ont pas à payer pour une première chambre ou appartement, la redevance s’élevant à 5,99 euros par mois pour les chambres ou appartements supplémentaires (et pouvant augmenter en fonction du nombre d’employés, du type d’établissement et du nombre de véhicules d’entreprises). Enfin les organisations et services publics tels que les écoles, les universités, les maisons de retraite, les foyers et les associations ne paient la redevance qu’en fonction du nombre d’employés (5,99 euros de 0 à 8 et 17,98 euros de 9 à 19).

([53])  Cour des comptes, rapport précité, p. 60.

([54]) Idem. 

([55])  La réforme de la redevance audiovisuelle : panorama des systèmes de redevance audiovisuelle en Europe à l’ère numérique, op. cit., p. 71.

([56])  Ibidem, p. 10.

([57])  Cour des comptes, rapport précité, p. 53.

([58]) Idem.

([59])  Cour des comptes, rapport précité sur la CAP, p. 64.

([60])  Dans son rapport précité, la Cour des comptes prévient que « le cas des nouveaux contribuables potentiels de moins de 25 ans (environ 115 000 à ce jour) mérite sans aucun doute une attention particulière, compte tenu du faible niveau de revenu de ces jeunes, qui ne relèvent pas des foyers fiscaux de leurs parents (78 % ont un revenu inférieur à 17 750 euros). Aujourd’hui, les foyers fiscaux payant la CAP et dont le chef de famille a moins de 25 ans représentent 570 000 foyers et 78 millions d’euros de recettes » (p. 63). Dans cette optique, les auteurs de l’étude remise aux sociétés de l’audiovisuel public en 2015 préconisaient l’instauration d’un demi-tarif pour les redevables de 15 à 24 ans (op. cit., p. 65).

([61])  Cour des comptes, rapport précité sur la CAP, p. 60.

([62]) Ibidem, p. 62.

([63]) La réforme de la redevance audiovisuelle : panorama des systèmes de redevance audiovisuelle en Europe à l’ère numérique, op. cit., p. 40.

([64]) Ibidem, p. 50.

([65])  Ibidem, p. 77.

([66])  Cf. compte rendu de la commission élargie :

http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/commissions_elargies/