N° 277

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2017.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2018 (n° 235)

 

TOME VI

 

 

DÉFENSE

 

préparation et emploi des FORCES :

AIR

PAR M. Jean-Jacques FERRARA

Député

——

 

 

 Voir le numéro : 273 (annexe 14)


 

 

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

Première partie : Le budget « Air », un devoir de vigilance

I. Aujourd’hui : une situation budgétaire en demi-teinte

A. Lexécution du budget 2017, un exercice plutôt tendu

1. Les conséquences pour l’armée de l’air du décret d’avance du 20 juillet 2017

2. La fin de gestion de lannée 2017 : un déblocage de crédits indispensable

B. Le projet de budget pour 2018, un enjeu capital pour l’armée de l’air

1. Présentation générale des crédits du programme 178 dévolus à larmée de lair

2. Présentation par titre et par opération stratégique

a. Les dépenses de fonctionnement

b. Les dépenses d’investissement

II. Demain : redonner à l’armée de l’air les moyens de conduire ses missions

A. Conforter les capacités

1. La disponibilité des matériels

2. Le renouvellement des capacités

B. Recruter, fidéliser : l’enjeu des ressources humaines

1. Accroître les effectifs

2. Conserver les talents

Deuxième partie :  Les conséquences du niveau d’engagement sur laviation de chasse

I. Un niveau d’engagement d’une intensité permanente

A. L’obsolescence de la LPM

1. Le cadre fixé par le Livre blanc et la LPM

2. Des contrats opérationnels durablement dépassés

B. Le poids des activités OPEX et soutex

1. Lintensité de lengagement de la chasse en OPEX

2. Le soutien à lexport, une mission opérationnelle à part entière

II. Une aviation de chasse sous contrainte

A. Des capacités insuffisantes qui s’épuisent rapidement

1. Les avions de combat

2. Les équipements missionnels

B. Les conséquences sur les aviateurs

1. Lentraînement

2. La formation

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Audition du général ANDRé LANATA, chef détat-major de larmée de lair

II. EXAMEN des crÉdits

annexe :  Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis


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   Introduction

« Le niveau dengagement [de larmée de lair] est maintenu depuis 2014 bien au-dessus du niveau de la situation opérationnelle de référence. Il est comparable, en intensité, à lengagement permanent de léchelon national durgence. Ce niveau élevé dengagement entraîne un besoin de régénération technique et des pertes de compétences dans les savoir-faire non utilisés dans les opérations actuelles. La remontée des capacités sur lensemble du spectre des missions de larmée de lair ne sera réalisée quavec un retour aux hypothèses de la situation opérationnelle de référence et un niveau de ressource suffisant pour permettre un retour à une activité nominale. Au stade actuel, les perspectives ne laissent pas présager dune baisse du niveau dengagement. En conséquence, le déficit organique va continuer à se creuser. »

À la lecture du projet annuel de performance de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2018, on ne peut qu’être inquiet quant à la situation de notre armée de l’air. Celle-ci constitue un élément essentiel de notre modèle d’armée, et d’Orly à Rakka, comme le souligne régulièrement le chef d’état-major de l’armée de l’air, le général d’armée aérienne André Lanata, les aviateurs sont engagés pour la protection des Français et des valeurs de la Nation. Bien entendu, l’ensemble des armées est concerné par un niveau d’engagement inédit par sa durée et son intensité, et a été lourdement frappé par les baisses de moyens mises en œuvre ces dernières années. À ce titre, l’actualisation de la dernière loi de programmation militaire, décidée dans l’urgence en 2015, témoigne tant de l’inconséquence initiale de la précédente majorité que de son attitude à l’égard de nos soldats : le bricolage.

Le présent avis budgétaire est consacré aux crédits alloués à l’armée de l’air par le projet de loi de finances pour 2018. Centré sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces », il ne peut néanmoins faire l’économie d’une évocation plus large des financements et actions prévus par la mission « Défense » dans son entier, qui regroupe également les crédits des programmes 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », 212 « Soutien de la politique de la défense » et 146 « Équipement des forces ».

Votre rapporteur pour avis a pu rencontrer de nombreux aviateurs lors de ses déplacements sur des bases aériennes. Il a à chaque fois été marqué par leur plein engagement au service de la Nation et de sa protection, leur professionnalisme, leurs compétences et leur simplicité au regard des missions qu’ils conduisent, souvent dans des conditions difficiles. Il s’est ainsi rendu au mois de septembre sur la base aérienne projetée au Levant, déployée dans le nord de la Jordanie, à la rencontre des personnels qui mettent en œuvre les Rafale frappant en Irak et en Syrie dans le cadre de l’opération Inherent Resolve de la coalition internationale contre Daesh, constituant ainsi le volet aérien de l’opération française Chammal. Au cours du mois d’octobre 2017, votre rapporteur pour avis s’est aussi rendu sur les bases aériennes 942 de Lyon‑Mont‑Verdun, qui accueille le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), sur la base aérienne 120 de Cazaux, principalement dédiée à la formation et l’entraînement des pilotes de chasse, où il a également rencontré le général à la tête du commandement des forces aériennes (CFA), installé sur la base aérienne 106 de Bordeaux-Mérignac. Il s’est aussi déplacé sur les bases aériennes 133 de Nancy-Ochey et 118 de Mont-de-Marsan, et a pris part à un déplacement d’une délégation de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier.

À l’heure d’ouvrir cet avis, votre rapporteur pour avis ne peut que constater que nous sommes sans nul doute allés trop loin dans les réductions des moyens de l’armée de l’air. Au-delà des équipements et matériels, si la chute des effectifs a été brutale pour toutes les armées, l’armée de l’air a supporté près de 50 % des déflations. Tous les métiers sont touchés, et les aviateurs subissent une pression qui pose question quant à la capacité future de l’armée de l’air d’assurer toutes ses missions, de fidéliser les personnels et de parvenir à attirer les plus jeunes. Les femmes et les hommes de l’armée de l’air constituent pourtant sa ressource première, il convient de ne jamais l’oublier.

Réparer le présent constitue donc aujourd’hui une impérieuse nécessité. Nombre d’aviateurs sont épuisés parce qu’ils ne disposent simplement pas toujours des moyens de faire leur métier et de conduire ses missions, sur le territoire national comme en opérations extérieures. L’armée de l’air française manque d’aviateurs, mais elle manque aussi de ravitailleurs, d’avions de chasse, de moyens de renseignement, d’avions de transport tactique, d’équipements missionnels – pods ou munitions notamment. Au-delà, il est essentiel de construire dès à présent l’armée de l’air de demain. La revue stratégique, publiée récemment, dresse de hautes ambitions pour l’arme aérienne, et à l’approche de l’élaboration de la prochaine loi de programmation militaire, il faut s’assurer de redonner dès maintenant à l’armée de l’air les moyens de conduire ses missions. C’est à ces thématiques qu’est consacrée la première partie du présent avis.

Sa seconde partie porte sur l’analyse des conséquences du niveau d’engagement sur l’aviation de chasse. Incarnation de l’armée de l’air, l’aviation de chasse connaît une situation extrêmement tendue. Le potentiel opérationnel des avions s’épuise considérablement et rapidement en opérations, les équipements missionnels font souvent défaut, les pilotes en activité disposent de peu de temps pour s’entraîner, et entretenir les capacités de niches, tandis que la formation des futurs pilotes est allongée et amputée en même temps. La situation est préoccupante, d’autant que lorsque la chasse est touchée, on peut légitimement s’interroger sur l’état de l’ensemble de l’armée de l’air. Votre rapporteur pour avis s’efforcera d’ailleurs de souligner l’impact du niveau d’engagement actuel sur les autres spécialités aériennes.

Le 22 septembre dernier a été commémoré aux Invalides la mémoire des As de la Première Guerre mondiale. Aux côtés de Charles Nungesser, René Fonck et tant d’autres, la figure de Georges Guynemer, dont le centenaire de la disparition vient d’être célébré, inspire toujours les aviateurs. Aujourd’hui encore, « faire face » est l’une de leurs devises. Tâchons d’honorer la mémoire de ces chevaliers du ciel en donnant à leurs successeurs les moyens de perpétuer leur héritage.  

 

 


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   Première partie :
Le budget « Air », un devoir de vigilance

I.   Aujourd’hui : une situation budgétaire en demi-teinte

A.   L’exécution du budget 2017, un exercice plutôt tendu

1.   Les conséquences pour l’armée de l’air du décret d’avance du 20 juillet 2017

À la suite de l’audit des finances publiques conduit par la Cour des comptes en juin 2017, le Gouvernement a décidé de faire supporter au ministère des Armées le surcoût des opérations extérieures et intérieures. Tel est notamment l’objet du décret d’avance n° 2017-1182 du 20 juillet 2017, qui prévoit également un certain nombre de mesures d’économies et de réallocations de crédits. Ainsi, ce décret a d’une part ouvert des crédits sur le programme 178 à hauteur de 643,2 millions d’euros, hors titre 2, pour couvrir une partie de ces surcoûts nets, et d’autre part prévu une contribution de 850 millions d’euros du ministère des Armées, prélevés sur le programme 146 « Équipement des forces », au programme de réduction du déficit public souhaité par le Gouvernement.

Si, de manière objective, votre rapporteur pour avis reconnaît que les conséquences de ces annulations sont d’ampleur réduite pour l’armée de l’air, il lui paraît néanmoins important de souligner quelques points.

D’abord, il n’est pas anodin que le Gouvernement ait fait le choix d’imputer au ministère des Armées le surcoût des opérations extérieures et intérieures, allant en cela à l’encontre de la volonté du législateur. En effet, la loi de programmation militaire prévoit, en son article 4, que « la dotation annuelle au titre des opérations extérieures est fixée à 450 millions d’euros », et que les « surcoûts net (…) non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatées sur le périmètre des opérations extérieures font l’objet d’un financement interministériel ». Par l’insertion de cet article dans la LPM, le législateur a entendu consacrer la solidarité interministérielle qui doit être de mise s’agissant de l’action des armées au service de la Nation et de la protection des Français. Au cours des débats parlementaires, certaines voix au sein du groupe parlementaire de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) avaient mis en garde le ministre de la Défense de l’époque, M. Jean-Yves Le Drian, contre les risques de voir un futur Gouvernement amputer les crédits inscrits au programme 146 pour financer les surcoûts éventuels des OPEX. Force est de constater que ces craintes étaient justifiées. Votre rapporteur pour avis s’interroge d’ailleurs sur la légalité d’une disposition de nature réglementaire aussi clairement contraire tant aux dispositions législatives en vigueur qu’à la volonté du législateur… Au-delà, comme l’a souligné le général d’armée François Lecointre, chef d’état-major des armées, lors de son audition par la commission de la Défense nationale et des forces armées, il est question de « l’armée de la Nation et non [de] l’armée du ministère des Armées ». Lorsqu’elles sont engagées en opérations extérieures, sur la volonté du chef de l’État et avec l’autorisation du Parlement au-delà de quatre mois, les armées combattent au service de la France et des Français. L’ampleur de cet engagement opérationnel est souvent difficilement prévisible, et les coûts associés complexes à estimer.

Dès lors, il est aux yeux de votre rapporteur pour avis évident que la solidarité interministérielle doit jouer et que le ministère des Armées ne peut seul supporter la charge de ce financement. C’est pourtant la voie que semble vouloir suivre le Gouvernement. Ainsi, dès cette année, l’ensemble des provisions inscrites à ce titre en PLF passe ainsi de 450 millions d’euros à 650 millions d’euros, soit une hausse de 44 %. La contribution du ministère des Armées au financement des OPEX devrait progressivement augmenter au cours des années à venir, jusqu’à dépasser un milliard d’euros. Dans ces conditions, peut-on encore estimer qu’il existe bel et bien une solidarité interministérielle en la matière ? Ce changement de paradigme est difficilement compréhensible. Si votre rapporteur pour avis comprend qu’un rééquilibrage soit nécessaire, la contribution du ministère des Armées au financement du surcoût des OPEX ne devrait pas être supérieure à 50 % du montant total. Il se montrera ainsi des plus attentifs afin qu’un tel principe soit inscrit au sein de la prochaine LPM.

Ensuite, si le Gouvernement a annoncé que l’annulation de 850 millions d’euros de crédits d’équipement n’aurait pas d’effet sur les soldats engagés sur le terrain ou leur matériel, force est de constater qu’elle emporte néanmoins un certain nombre de conséquences. Certes, plus de 50 % de cette somme
– 430 millions d’euros – sera économisée sur des contributions à des organismes internationaux comme l’OCCAr ou prend la forme d’un retard de paiement sur certains programmes dont la mise en œuvre est plus lente que prévue. Néanmoins, ces contributions devront bien être assurées à l’avenir – il ne s’agit là que d’un report de charge que l’on semble vouloir faire passer pour anodin. Surtout, le solde de cette somme – 420 millions d’euros – concerne des programmes d’armement ayant un impact direct sur les armées. Bien entendu, aucun programme n’est pour l’heure annulé, certains étant simplement décalés de quelques mois. Pour l’armée de l’air, cela concerne essentiellement :

– un décalage de six mois des commandes de kits de rénovation des Mirage 2000D, qui ne devrait pas emporter de conséquences sur le calendrier de livraison. Toutefois, en réduisant ainsi la marge prévue entre l’élaboration des kits et leur pose sur les aéronefs, on prend le risque d’un décalage de l’ensemble du programme en cas de retard de fabrication ;

– le décalage de la commande d’un hélicoptère Caracal, destiné à remplacer l’un des deux tombés en opération. Votre rapporteur pour avis souligne à ce sujet l’importance de commander cet appareil au cours du premier semestre 2018. Il est d’une importance vitale pour la conduite des opérations des forces spéciales, notamment au Sahel ;

– le décalage d’équipements capacitaires, essentiellement le radar de reconnaissance, pour les avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR), ce qui n’est pas sans poser quelques questions.

– le report de la commande de la charge utile ROEM sur le drone MALE ;

– s’agissant du standard F4 du Rafale, malgré une légère interrogation initiale, le programme devrait bien être lancé en fin d’année 2018. Il en va de l’avenir de notre aviation de combat. En effet, ce standard permettra de maintenir la capacité du Rafale à entrer en premier sur des théâtres d’opération face à des menaces de nouvelle génération, en assurant sa survivabilité, sa connectivité et son interopérabilité. Le standard F4 devra ainsi intégrer des évolutions du système de guerre électronique SPECTRA – extension de bandes, localisation multiplateformes, leurrage éjecté actif –, du senseur radar et du senseur optronique, ainsi que des capacités de navigation souveraines. La connectivité du Rafale sera un facteur déterminant pour son intégration dans les réseaux aéroterrestres de combat, la mise en réseau des systèmes de guerre électronique et l’interopérabilité avec l’OTAN et les aéronefs de cinquième génération alliés, comme le F35 américain. Celui-ci est ainsi davantage perçu aujourd’hui comme un objet connecté que comme un avion de combat.

Votre rapporteur pour avis tient par ailleurs à souligner que si l’armée de l’air est relativement épargnée par les conséquences de ce décret d’avance, c’est avant tout car elle n’était pas la plus concernée par les programmes déjà lancés…

2.   La fin de gestion de l’année 2017 : un déblocage de crédits indispensable

Certes, l’année 2017 a permis à l’armée de l’air de conforter ses capacités, avec notamment la livraison de trois A400 M dotés des capacités tactiques nouvelles – autoprotection, atterrissage sur terrains sommaires, aérolargage – ou encore d’un premier C-130J acheté à l’entreprise américaine Lockheed Martin.

Toutefois, au-delà de l’événement qu’a constitué l’annonce de l’annulation de 850 millions d’euros de crédits sur le programme 146, l’exécution budgétaire des crédits de la mission « Défense » a comme chaque année été marquée par de nombreux gels et dégels qui ne concourent pas à la lisibilité des crédits alloués aux armées. Votre rapporteur pour avis se propose ainsi de rappeler ces différents mouvements, qui n’ont pas permis de clarifier la situation et laissent encore planer des doutes quant à la fin de gestion de l’année 2017.

En entrée de gestion, 1,78 milliard d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 1,65 milliard d’euros en crédits de paiement (CP) ont été gelés sur la mission « Défense » au titre de la réserve de précaution. Le 2 février 2017, la réserve de précaution des programmes 178 et 212 a été levée de 7,5 millions d’euros en AE et en CP – cinq millions d’euros sur le programme 178 et 2,5 millions d’euros sur le programme 212 – afin d’assurer le financement de la montée en puissance de la Garde nationale. Par ailleurs, la réserve de précaution de la mission « Défense » a par la suite été augmentée en deux temps. D’abord en mars 2017, avec un premier blocage de crédits de 233,9 millions d’euros en AE et de 719 millions d’euros en CP, supporté pour l’essentiel par le programme 146, correspondant au montant des crédits reportés de la gestion 2016 sur 2017, gelés par la direction du budget dès leur obtention. Ensuite en avril 2017, un gel décidé dans le cadre du plan gouvernemental relatif aux mesures de redressement pour 2017 et au programme de stabilité, d’un montant de 350 millions en AE et en CP. En somme, à la veille de l’élection présidentielle de 2017, le gel de crédits atteignait 2,36 milliards d’euros en AE et 2,70 milliards d’euros en CP.

Au cours de l’été, la ministre des Armées, il faut le souligner, a obtenu le dégel de 1,65 milliard d’euros en AE et 1,15 milliard en CP de crédits bloqués de la mission « Défense ». Ce dégel de crédits, qui n’intervenait d’ordinaire qu’en fin d’année, a permis d’offrir une plus grande visibilité aux programmes de la mission « Défense » dans la gestion en fin de gestion de leur trésorerie. Toutefois, 700 millions d’euros en AE et CP de crédits demeurent gelés sur le programme 146, ce qui n’est pas négligeable dans la mesure où, entre-temps, 850 millions d’euros de crédits d’équipements ont été annulés.

Lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, le général André Lanata a par ailleurs indiqué combien la fin de gestion de l’année 2017 revêtait des enjeux considérables, évoquant notamment la couverture des surcoûts OPEX restants et le déblocage des crédits encore gelés. À ses yeux, l’absence de dégel « pèserait lourdement sur l’équipement des forces », « la réussite de l’exercice 2018 dépend[ant] des conditions de sortie de 2017 ». Votre rapporteur pour avis se montrera donc des plus attentifs, d’autant que le projet de budget pour 2018 est capital pour amorcer le rééquipement de l’armée de l’air.

B.   Le projet de budget pour 2018, un enjeu capital pour l’armée de l’air

De manière générale, force est de constater que le projet de loi de finances pour 2018 acte, s’agissant des crédits alloués aux armées, une remontée en puissance inédite ces dernières années. Toutefois, votre rapporteur pour avis tient à souligner que cette augmentation de crédits, à hauteur de 1,8 milliard d’euros, n’est que la traduction des engagements pris ces dernières années, conformément à la trajectoire de la loi de programmation militaire actualisée, et celle des décisions du conseil de défense du 6 avril 2016 et de l’été 2016 relatives à la condition du personnel, complétée par les quelques annonces de la majorité actuelle. Il convient par ailleurs d’amputer de cette hausse l’augmentation de la contribution au financement du surcoût des OPEX. Il n’y a ainsi pas lieu d’être en émoi face à cette augmentation soudaine : elle est en trompe-l’œil.

Néanmoins, la bonne exécution des dispositions prévues pour l’année 2018 est capitale pour l’armée de l’air. Ainsi, s’agissant des livraisons, les forces aériennes devraient recevoir au cours de l’année le premier des douze appareils A330 MRTT Phénix (multi role tanker transport), essentiel pour le ravitaillement en vol, trois Rafale B rétrocédés suite au prélèvement de trois appareils livrés à l’Égypte en 2016, deux A400M, un second C-130J Super Hercules, un premier avion léger de surveillance et de reconnaissance, les huit premiers avions PC21, destinés à la base aérienne de Cognac pour la formation des jeunes pilotes dans le cadre du programme FOMEDEC, ainsi que les soixante‑neuf premiers missiles air/air METEOR.

Dans le même temps, plusieurs commandes d’importance devront être passées au cours de l’année 2018. Il s’agit d’abord de la commande de 55 kits de rénovation des Mirage 2000D et du lancement du standard F4 du Rafale, dont il a déjà été question. De plus, trois A330 MRTT supplémentaires seront commandés, le programme CUGE (charge universelle de guerre électronique) sera lancé en vue du remplacement des C-160 Transall Gabriel à l’horizon 2023, de même que le remplacement du MICA (missile d’interception, de combat et d’autodéfense).

1.   Présentation générale des crédits du programme 178 dévolus à l’armée de l’air

Au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces », les crédits alloués à l’armée de l’air sont inscrits à l’action 4 « Préparation des forces aériennes ». Ces crédits doivent permettent aux forces aériennes de conduire les missions qui leur sont assignées par la loi de programmation militaire :

– la protection aérienne du territoire national et des populations grâce à leurs moyens de détection, d’identification et d’intervention dans son espace aérien et dans ses approches, sous la responsabilité du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes ;

– la dissuasion nucléaire au travers de la mise en œuvre de la composante aéroportée, sous la responsabilité du commandement des forces aériennes stratégiques ;

– l’intervention visant à protéger nos ressortissants, à défendre les intérêts de la France, à honorer nos alliances et à respecter nos engagements internationaux.

 

 

Crédits de laction 4 « Préparation des forces aériennes » du programme 178 pour 2018 par sous-action

(en millions d’euros)

S/Action

Rubrique

AE PLF

2018

CP PLF
2018

SA 04-02

Commandement et activités centralisées des forces aériennes

7,6

7,4

SA 04-03

Activités des forces aériennes

269,4

268,3

SA 04-04

Activités des forces aériennes stratégiques

153,5

151,1

SA 04-05

Ressources humaines des forces aériennes

81,6

80,8

SA 04-06

Entretien et équipements des forces aériennes

2 087,2

1 615,7

SA 04-09

Service industriel aéronautique (SIAé) (1)

0

0

 TOTAL

2 599,3

2 123,3

(1) Cette sous-action, pour laquelle le reste à payer a été soldé en 2016, n’est plus utilisée.

Source : ministère des Armées.

Votre rapporteur pour avis note une baisse du niveau des AE inscrites en PLF 2018, à hauteur de 358 millions d’euros. Celle-ci s’explique assez naturellement par le niveau de consommation d’AE des années passées, résultat de la hausse de la dotation en AE allouée à l’entretien programmé des matériels (EPM) prévue lors de l’actualisation de la loi de programmation militaire, dont les crédits de paiements associés n’étaient programmés qu’à partir de 2018. Au-delà cette baisse est également accentuée par le haut niveau des engagements sur contrats pluriannuels des années antérieures.

S’agissant des CP, l’évolution à la hausse s’explique par la dotation relative à l’EPM des matériels conventionnels et de la dissuasion. Elle reflète également la reprise des acquisitions de nouveaux matériels : drones, A400M, C‑130J, ALSR, MRTT, notamment.

2.   Présentation par titre et par opération stratégique

L’analyse de l’évolution des crédits par titre et par opération stratégique permet de suivre de manière plus fine l’intensité de l’effort budgétaire de l’État à destination de l’armée de l’air.

Évolution des crédits de l’action 4,
par titre, entre le PLF 2017 et le PLF 2018

(en millions d’euros courants)

 

AE PLF 2017

AE PLF 2018

%

CP PLF 2017

CP PLF 2018

%

Titre 3

2 911,1

2 540,5

-13 %

1 930,0

2 064,0

+7 %

Titre 5

46,2

58,8

+27 %

46,4

59,3

+28 %

Total

2 957,3

2 599,3

-12 %

1 976,4

2 123,3

+7 %

Source : ministère des Armées.

a.   Les dépenses de fonctionnement

Les ressources de l’opération stratégique (OS) « activités opérationnelles » (AOP) s’élèvent à 363 millions d’euros en AE et à 361,4 millions d’euros en CP, soit une augmentation de près de 6 % par rapport à l’an dernier. L’évolution à la hausse des crédits d’AOP porte principalement les chantiers prioritaires de modernisation et de remontée de l’activité de l’armée de l’air, notamment au travers l’acte II du plan stratégique « Unis pour faire face », qui se traduit par la modernisation des capacités de combat, l’introduction d’une nouvelle capacité socle – la sécurité protection –, et la valorisation du personnel ainsi que le développement de partenariats. Cette évolution conforte également la formation des personnels dans le cadre du projet FOMEDEC ([1]), la coopération aux entraînements interalliés et l’engagement des personnels et des matériels sur le territoire national et en opérations extérieures. Cette OS porte également les dotations budgétaires destinés aux carburants opérationnels dont les volumes sont revus à la hausse pour soutenir la remontée de l’activité et de la préparation opérationnelle. Elle permet également le recours à la location d’heures de vol d’hélicoptères civils pour pallier la très faible disponibilité de la flotte Caracal.

Les ressources de l’opération stratégique « fonctionnement et activités spécifiques » (FAS) demeurent stables par rapport à l’an passé, à 25,2 millions d’euros en AE et 24,7 millions d’euros en CP.

Les ressources de l’opération stratégique « entretien programmé des équipements » (EPM) sont en baisse de 13 % en AE, pour un montant total de 2 141,2 millions d’euros en AE, et en hausse de 12 % en CP, à 1 613 millions d’euros. L’augmentation de la dotation en CP est conforme à la LPM et aux décisions prises dans le cadre de son actualisation – 43 millions d’euros en 2018, 214 millions d’euros sur la période 2016-2019 pour l’armée de l’air – au titre des flottes anciennes fortement sollicitées. Elle permet de prendre en compte l’évolution du contexte de sécurité et de défense et le niveau élevé d’engagement qui en découle pour les armées.

Enfin, les ressources de l’opération stratégique « équipements d’accompagnement et de cohérence » (EAC) connaissent une forte baisse, de 88 % en AE, à 11,1 millions d’euros, et de 44 % en CP, à 64,9 millions d’euros, qui s’explique par l’importance exceptionnelle des crédits inscrits en 2017, afin de financer la remontée des stocks de munitions, notamment l’AASM ([2]), pour un montant de 108 millions d’euros d’AE prévues sur un rythme pluriannuel et 89 millions d’euros de CP. L’enjeu est d’atteindre les niveaux requis pour pouvoir maintenir les opérations dans la durée.

b.   Les dépenses d’investissement

Au titre du PLF 2018, les crédits d’investissement représentent 58,8 millions d’euros d’AE et 59,3 millions d’euros de CP, répartis en deux opérations stratégiques.

La première, « entretien programmé des matériels », représente 5,7 millions d’euros en AE et 5,6 millions d’euros en CP, en augmentation de 5,7 et 4,6 millions d’euros respectivement. Cette hausse des ressources allouées s’explique par les démantèlements d’aéronefs réalisés sur le site de Châteaudun, qui n’avaient pu être réalisés depuis 2016 en l’absence de notification du marché. C’est d’ailleurs ce qui explique qu’aucune ressource n’était prévue en loi de finances initiale pour 2017 en AE.

La seconde, « équipements d’accompagnement et de cohérence », représente 53,1 millions d’euros en AE et 53,7 millions d’euros en CP, soit des augmentations respectives de 15 % et de 18 %. Celles-ci ont notamment vocation à financer les acquisitions de matériels terrestres non spécifiques – camions de transport routier, camions moyens tout chemin, citerne épandeuse, camions benne – comme des systèmes d’information et de communication ou des équipements dédiés au soutien et à l’évolution des systèmes d’information logistiques (SIL).

II.   Demain : redonner à l’armée de l’air les moyens de conduire ses missions

Alors que le Parlement devra examiner le projet de loi de programmation militaire 2019-2025 au cours de l’année 2018, votre rapporteur pour avis a souhaité conduire une analyse de quelques enjeux pour l’avenir des forces aériennes. Bien entendu, la revue stratégique, remise au président de la République il y a quelques semaines, permet d’identifier quelques axes d’action qui contribueront à l’élaboration de la prochaine LPM et nourriront les débats parlementaires.

La précédente loi de programmation militaire a été élaborée a minima, et a affaibli les capacités opérationnelles des armées en privilégiant la préservation d’un modèle d’armée complet, mais réduit à l’essentiel, et la sauvegarde de la base industrielle et technologique de défense. Les manquements du passé commencent néanmoins à engendrer une décorrélation entre les ambitions nationales et les capacités de nos armées à les mettre en œuvre. La question de la prochaine LPM est bien celle de la cohérence entre le niveau d’ambition d’un pays comme la France et les moyens alloués aux armées. Seule la garantie de notre autonomie stratégique et militaire, incomplète aujourd’hui sur certains théâtres, permettra de conserver la place de la France sur la scène internationale, et d’agir de manière indépendante pour la défense de ses intérêts. C’est à l’aune de cette ambition qu’il faut envisager la prochaine loi de programmation militaire. S’agissant de l’armée de l’air, il convient donc tant de réparer le présent que de concevoir l’avenir, en lui donnant les moyens de conduire ses missions et en bâtissant dès maintenant l’armée de l’air de demain.

A.   Conforter les capacités

1.   La disponibilité des matériels

Pour accroître la disponibilité des matériels, il convient avant tout d’améliorer la régénération de nos équipements, c’est-à-dire le maintien en condition opérationnelle. La disponibilité des aéronefs peut se mesurer par le taux de disponibilité technique, ratio entre le nombre d’aéronefs disponibles constaté et le nombre d’aéronefs du parc de référence DT ([3]).

Taux de disponibilité technique (DT)

Famille d’aéronef

Type

d’aéronefs

 

 

Taux de disponibilité DT

Dates d’entrée en service

2012

2013

2014

2015

2016

1er sem. 2017

Prévision 2018*

Le plus ancien

le plus récent

Avions de chasse

Rafale

44,4 %

45,6 %

47,7 %

51,8 %

52,1 %

55,9 %

oct-99

juin-17

M 2000 B

40,2 %

40,9 %

41,7 %

37,2 %

43,3 %

33,6 %

nov-83

jan-95

M 2000 C RDI

38,1 %

27,3 %

46,3 %

43,9 %

39,4 %

47,3 %

juin-91

juil-95

M 2000‑5F

39,4 %

39,6 %

37,5 %

35,9 %

44,3 %

43,4 %

juil-87

juil-90

M 2000 D

34,6 %

33,4 %

38,7 %

32,8 %

36 %

35,2 %

mars-93

févr-02

M 2000 N

41 %

38,8 %

42,1 %

41 %

41,3 %

31,7 %

mai-86

juin-93

Mirage F1 B

34 %

41,2 %

52,7 %

Retiré du service

Mirage F1 CR

31%

40,8%

35%

Retiré du service

Mirage F1 CT

38 %

Retiré du service

TOTAL

38,2 %

38 %

42,4 %

41,9 %

44,2 %

44,5 %

 

 

 

Avions Ecole

Alphajet

38,8 %

37,8 %

40,8 %

41 %

38,5 %

37,8 %

déc-78

oct-85

Xingu

41,1 %

externalisé

mai-82

sept-97

TOTAL

39,8 %

37,8 %

40,8 %

41 %

38,5 %

37,8 %

 

 

 

Avions de transport stratégique

A 340

91,2 %

89,5 %

89,1 %

94,7 %

91,5 %

97,5 %

déc-06

avr-07

A 310

65 %

73,7 %

58 %

60,3 %

46,3 %

71,5 %

oct-93

janv-01

TOTAL

75,5 %

80 %

70,5 %

74,1 %

64,4 %

81,9 %

 

 

 

Avions

de transport

de personnel

TBM 700

55,9 %

53,2 %

62,2 %

55,2 %

54,1 %

58,3 %

mai-92

avr-99

DHC6

40,5 %

28,6 %

29,6 %

45,3 %

50,7 %

65 %

oct-78

avr-81

TOTAL

52,1 %

47 %

53,9 %

52,7 %

53,2 %

60 %

 

 

 

Avions à usage

gouvernemental

Falcon 900

61,7 %

91,1 %

80,8 %

96 %

79,6 %

41,1 %

nov-87

mars-90

Falcon 50

92 %

Avions transférés à la Marine

Falcon 7X

87,8 %

88,7 %

89,5 %

93,5 %

93,8 %

95,6 %

juil-09

avril-10

Falcon 2000

95,5 %

92,1 %

91,8 %

91,4 %

97,2 %

90,9 %

nov-11

juin-12

A 330

87 %

92,3 %

74,6 %

73,1 %

83,7 %

76,5 %

oct-10

oct-10

TOTAL

84 %

90,9 %

85,5 %

90,7 %

89,3 %

75,9 %

 

 

 

Avions de support opérationnel

E3F

54,7 %

51,2 %

46,7 %

44 %

41,9 %

43,9 %

mai-91

févr-92

KC135 - C135-FR

54 %

43,1 %

39,1 %

41,9 %

43,5 %

46,1 %

jan-64

avril-98

SIDM/Harfang

48 %

59 %

60,9 %

63,1 %

36,7 %

66,5 %

Retiré du service

nov-08

oct-10

REAPER

-

-

83 %

86,8 %

71,4 %

55,2 %

déc-13

jan-17

TOTAL

50%

47,5%

46,7%

50,6%

45,5%

50,6%

 

 

 

Avions de

transport tactique

C 130

40,8 %

35,1 %

28,9 %

26,3 %

22,6 %

21 %

déc-87

avril-97

C 160 AG-NG

46,5 %

43,2 %

40 %

42,4 %

41,6 %

44,6 %

déc-70

nov-84

C 160 G

48,6 %

42,7 %

36,9 %

40,2 %

46,3 %

33,6 %

janv-89

juin-89

CN 235 Casa

52,9 %

53,4 %

55,5 %

52,3 %

50,8 %

49,9 %

fév-91

mai-13

A400M

-

-

33,1 %

37,3 %

18,4 %

31,2 %

août-13

jan-17

TOTAL

47,3 %

45,2 %

43,1 %

42,4 %

38,7 %

39,8 %

 

 

 

Hélicoptères de

 manœuvre ou moyens

Puma

41,6 %

38,3 %

42,3 %

41,7 %

33,5 %

30,7 %

jan-75

nov-82

Super-Puma

48,1 %

34,6 %

41,9 %

66,7 %

63,1 %

52,1 %

déc-87

mai-93

Cougar

38,9 %

35,8 %

32 %

Transféré à l’Armée de Terre

Caracal

47,9 %

42,6 %

48,3 %

48,3 %

29,4 %

24,7 %

fév-05

fév-13

EC 225

Appareils appartenant à la Marine jusqu’en juin 2016

33,6 %

36,6 %

avr-10

juil-10

TOTAL

43,7 %

38,4 %

42,4 %

46,7 %

35,7 %

31,1 %

 

 

 

Hélicoptères légers

Fennec

45,2 %

48,8 %

46,3 %

39,9 %

47,0 %

42,9 %

févr-88

mars-94

TOTAL ARMEE DE L’AIR

43 %

41,4 %

43,9 %

43,3 %

42,9 %

42,9 %

Source : ministère des Armées.

De multiples actions ont été entreprises en interne ces dernières années pour soutenir l’activité aérienne dans un contexte de niveau d’engagement très élevé. Lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées en juillet dernier, le général André Lanata évoquait ainsi la mise en place des plateaux État-industrie, la réorganisation de la SIMMAD, l’adaptation des plans de maintenance des Mirage 2000 et des C‑130, l’acquisition de pièces de rechange supplémentaires pour les Rafale, le transfert de certaines activités de maintenance vers l’industrie pour absorber la surcharge résultant des opérations, l’augmentation des cadences de visites au service industriel de l’aéronautique (SIAé) ou encore l’amélioration des flux logistiques avec les théâtres d’opérations. De ce point de vue, il convient de souligner que la disponibilité globale des aéronefs de l’armée de l’air est stable depuis 2014 malgré un niveau d’activité en opération extérieure très soutenu – 20 % de l’activité globale en 2016, dont 28 % pour la chasse et 31 % pour le transport.

Ces actions ont donc eu des effets très positifs, mais ils ont principalement touché la disponibilité des matériels en OPEX, qui constituent évidemment une priorité. Il n’en va toutefois pas de même s’agissant de la disponibilité globale, et la différence de taux de disponibilité entre les OPEX et la métropole est à ce titre particulièrement éclairante.

Taux de disponibilité OPEX

Famille d’aéronefs

Type

d’aéronefs

2012

2013

2014

2015

2016

1er sem 2017

Nbre moyen

Taux de disponibilité

Nbre moyen

Taux de disponibilité

Nbre moyen

Taux de disponibilité

Nbre moyen

Taux de disponibilité

Nbre moyen

Taux de disponibilité

Nbre moyen

Taux de disponibilité

Avions de chasse

Rafale

-

-

5,1

87,1%

2,7

89,6%

3,5

90,6%

4,5

87,4%

5,4

94%

Mirage 2000C

-

-

-

-

1,5

96,8%

1,7

87%

0,4

93,7%

2

98,1%

Mirage 2000D

2,2

91%

3,6

94,1%

3,1

92,7%

7

92,7%

5,5

93,5%

4,6

94,7%

Mirage 2000-5

-

-

-

-

1,4

91,8%

-

-

1,4

94,3%

0,1

100%

Mirage 2000N

-

-

-

-

-

-

1,3

95,1%

1

91%

0,9

99,1%

Mirage F1 CR

1,8

90%

1,7

89,9%

-

-

Retiré du service

Mirage F1 CT

1

89%

Retiré du service

TOTAL

5

90,2%

10,4

90%

9,7

92,2%

13,5

91,7%

12,8

91,3%

13

95,3%

Avions de transport tactique

C130

0,1

84%

0,9

58,6%

1

76,6%

0,5

43,1%

1,5

28,4%

0,8

61,4%

C160

2,8

72%

2,9

65%

2

76,1%

2,2

73,6%

2

77,9%

2

75,3%

CN 235 Casa

0,5

81%

1,3

91%

2,1

87,8%

2,7

89,2%

1,5

82,5%

3,1

84,2%

TOTAL

3,4

73,7%

4,1

70,5%

5,1

80,6%

5,4

75,3%

5

64,4%

5,9

78,1%

Hélicoptères de manœuvre ou moyens

Puma

-

-

0,7

80,8%

1,5

82,6%

1,2

66%

-

-

-

-

Caracal

0,8

81%

0,1

89,4%

1,5

81,3%

1,4

72%

2

69,4%

-

-

TOTAL

0,8

81%

0,8

81,9%

3

81,9%

2,6

69,4%

2

69,4%

-

-

Hélicoptères légers

Fennec

0,8

79%

0,9

83,8%

2,6

85,5%

1,2

88,4%

0,8

84,2%

-

-

Source : ministère des Armées.

Taux de disponibilité sur le territoire national

Famille d’aéronefs

Type d’aéronefs

2012

2013

2014

2015

2016

1er sem. 2017

Avions de chasse

Rafale

44,4%

42%

46%

50%

50,4%

53,7%

Mirage 2000 B

40,2%

40,9%

41,7%

37,2%

43,3%

33,6%

Mirage 2000 C RDI

38,1%

27,3%

42%

38%

38,1%

39,7%

Mirage 2000‑5F

39,4%

39,6%

35%

35,9%

41,8%

43,2%

Mirage 2000 D

32,8%

30,2%

36%

26%

31,4%

31,2%

Mirage 2000 N

44,3%

38,8%

42,1%

35%

39,5%

32,7%

Mirage F1 B

34,2%

41,2%

52,7%

Retiré du service

Mirage F1CR

26,4%

36%

35%

Retiré du service

Mirage F1 CT

21,4%

Retiré du service

TOTAL

37,8%

35,8%

40,6%

38,5%

41,7%

42,2%

Avions de transport stratégique

A 310

65%

73,7%

58%

60,3%

46,3%

71,5%

A 340

91,2%

89,5%

89,1%

94,7%

91,5%

97,5%

TOTAL

75,5%

80%

70,5%

74,1%

64,4%

81,9%

Avions de support opérationnel

KC 135 - C135-FR

52,7%

43,1%

39,1%

41,9%

43,5%

46,1%

E3F

54,7%

46,8%

46,7%

44%

41,9%

43,9%

TOTAL

51,9%

43,8%

40,7%

42,4%

43,1%

45,6%

Avions de transport tactique

C130

40,8%

32,3%

24%

25%

21,9%

18,6%

C160 AG-NG

44%

40%

37%

40%

38,1%

41,1%

C160 G

48,6%

42,7%

36,9%

11%

46,3%

33,6%

CN 235 Casa

52%

51,2%

52%

48%

48,9%

45,4%

A400M

-

-

33,1%

37,3%

18,4%

31,2%

TOTAL

45,8%

42,7%

39,5%

39%

36,8%

36,5%

Hélicoptères

Puma

41,6%

36,6%

39%

40%

33,5%

30,7%

Super Puma

48,1%

34,6%

41,9%

66,7%

63,1%

52,1%

Cougar

38,9%

35,8%

23,6%

Transféré Armée de Terre

Caracal

42%

41,8%

43%

42%

19,4%

24,7%

EC 225

Appareils à la Marine jusqu’en juin 2016

33,6%

36,6%

Fennec

44%

47,9%

40%

38%

46,2%

42,9%

TOTAL

42,5%

42,5%

40,9%

40,9%

40,2%

37,2%

TOTAL ARMÉE DE L’AIR (hors drones Harfang, avions école et avions de transport de

personnels)

41,7%

38,7%

40,8%

39,6%

40,9%

40,9%

Source : ministère des Armées.

La faible disponibilité de certains matériels pose de réelles difficultés en ce qu’elle limite les capacités d’intervention des forces aériennes, obère les possibilités d’entraînement des forces et affaiblit ainsi la préparation opérationnelle. Si le MCO aéronautique fait couler beaucoup d’encre, les raisons tant de son coût ([4])que des retards constatés sont connues : âge du parc, manque de pièces de rechange, hétérogénéité des flottes, coût de soutien plus élevé des équipements récents, insuffisance des ressources humaines, multiplicité des exploitants et industriels sollicités, notamment.

Par ailleurs, les opérations de maintenance sont complexes, y compris pour un avion comme le Rafale, dont le cycle de maintenance est pourtant plus souple que pour les autres avions, en raison de l’absence de « grandes visites ». Cette complexité concerne tant le niveau de soutien opérationnel (NSO) que le niveau de soutien industriel (NSI). Votre rapporteur pour avis a pu échanger avec les personnels des escadrons de soutien technique aéronautique (ESTA) des bases de Saint-Dizier, Nancy-Ochey et Mont-de-Marsan. Sur la base aérienne de Mont‑de-Marsan, une opération de maintenance est conduite toutes les trois minutes pour entretenir le parc de 47 Rafale. Par ailleurs, compte tenu du manque de pièces, des indisponibilités et des pannes qui surviennent, les mécaniciens sont contraints d’enchaîner les opérations de pose et de dépose d’équipements, afin de garantir la meilleure disponibilité des appareils devant être engagés en opération. Ainsi, par exemple, le moteur d’un Rafale sera prélevé pour être installé sur un autre avion, qui recevra également une pièce empruntée à un autre appareil. Ces multiples opérations, outre qu’elles pèsent sur l’activité des mécaniciens, sont à l’origine également des casses de matériels trop souvent manipulés.

illustration de la maintenance du rafale
sur la base aérienne de mont-de-marsan

G:\Budget\Budget 2018\Air  (PNG- JJ Ferrara)\Avis\Schéma ESTA.png

Source : établi par le rapporteur pour avis à partir des informations obtenues en auditions et lors des déplacements.

De manière globale, la situation est particulièrement tendue sur certaines flottes, notamment celle de Mirage 2000D, en raison d’un engorgement du NSI, mais aussi la flotte hélicoptères, les actions engagées récemment sur les Caracal et les Puma ne devant porter leurs fruits qu’à moyen terme. Quant aux ravitailleurs, leur disponibilité reste fragile en raison de leur vétusté. Rappelons ainsi que la moyenne d’âge des ravitailleurs en activité est de 53 ans. Dans ce contexte, l’arrivée du premier MRTT Phénix en 2018 est, selon les mots du général Lanata, « attendue comme le messie ».

Le MCO aéronautique fait l’objet de nombreux commentaires. Votre rapporteur pour avis attend dans ce contexte de connaître les conclusions de la mission confiée à ce sujet par la ministre des Armées à M. Christian Chabbert, ancien directeur central du SIAé.

Bien entendu, la disponibilité concerne également les équipements, notamment ceux dits missionnels, sur lesquels votre rapporteur pour avis reviendra dans sa partie thématique. À titre d’exemple, le directeur central du SIAé, l’ingénieur général hors classe Jean Rebel, a ainsi indiqué à votre rapporteur pour avis lors de son audition que le taux de réparation du radôme des Mirage 2000D avait quasiment doublé en raison des casses survenues en OPEX.

2.   Le renouvellement des capacités

La bonne tenue des programmes d’armement est essentielle pour garantir un renouvellement des capacités de l’armée de l’air. Votre rapporteur pour avis ne se livrera pas ici à une analyse exhaustive de l’ensemble des programmes d’armement en cours ou susceptibles d’être initiés, mais concentrera son propos sur ce qui lui apparaît comme des priorités, bien identifiées par ailleurs : aviation de chasse, ravitailleurs, drones, renseignement, transport tactique ([5]).

Concernant en premier lieu l’aviation de chasse, votre rapporteur pour avis tient d’abord à souligner que le standard F3R devrait être livré au cours des deux années à venir. Ce standard, dont les travaux ont été lancés en 2013, permettra notamment de nouveaux emports comme le missile METEOR et le pod de désignation laser de nouvelle génération (PDL NG). Au-delà, le lancement des travaux sur le standard F4 au cours de l’année 2018 est d’une importance vitale pour l’avenir de l’aviation de chasse. Dans l’attente de sa mise en œuvre, les nouvelles fonctionnalités – armement rénové, viseur de casque, communications satellitaires notamment – pourraient être développées plus tôt de manière séquencée selon une démarche incrémentale. Il convient néanmoins de s’assurer de la cohérence des calendriers de mises en service du standard F4 et d’autres programmes, comme par exemple l’élaboration du missile antiaérien MICA NG conçu par MBDA, dont M. Antoine Bouvier, président-directeur général de MBDA, a confirmé à votre rapporteur pour avis l’arrivée en 2022-2023. Dans le même temps, si la transition entre des avions spécialisés – Mirage 2000C, Mirage 2000N, Mirage 2000D – et un seul avion polyvalent devait initialement être courte en raison d’une translation complète vers une flotte uniquement composée de Rafale, les flottes de Mirage 2000 ont vu leur durée de vie prolongée, jusqu’à la fin des années 2020 s’agissant du Mirage 2000D. Il convient ainsi de rappeler que la LPM 2014-2019 prévoyait un ralentissement de la montée en puissance du Rafale – plus de quatre ans sans aucune livraison – et que le 5e escadron de chasse Rafale en métropole, conventionnel, ne sera pas mis en service avant 2022, alors que son ouverture était initialement prévue en 2014.

Dans ce contexte, il est regrettable que le programme de rénovation d’une partie de la flotte de Mirage 2000D ne soit que partiel. En effet, lancé à la fin de l’année 2015, le programme de rénovation mi-vie du Mirage 2000D, qui porte sur 55 appareils, comprend la modernisation de l’avionique, l’adjonction d’un canon air-sol, ainsi que le remplacement des missiles d’autoprotection Magic, d’ancienne génération, par des missiles MICA. En revanche, il n’est prévu aucune amélioration significative des capacités air-air, ce qui ne permettra pas au Mirage 2000D de tenir la posture permanente de sûreté alors que le Mirage 2000C va être retiré du service, tandis que le système de guerre électronique ne sera pas amélioré. Comme l’a indiqué M. Éric Trappier, président-directeur général de Dassault aviation lors de son audition, s’agissant du Mirage 2000D, on se contente de « traiter l’obsolescence ». Il en ressort un constat amer, la flotte de Mirage 2000D risquant d’être déclassée sur la scène internationale. Surtout, le Mirage 2000D pourrait être totalement démuni en cas d’apparition de nouveaux conflits, supposant d’être à la pointe technologique pour l’entrée en premier ou le combat air-air.

Au-delà, la prochaine loi de programmation militaire verra aussi le lancement des travaux sur le futur avion de combat, dont les caractéristiques devront rapidement être déterminées afin de renouveler la composante aérienne de la dissuasion nucléaire à l’horizon 2035. En effet, le futur porteur de l’arme nucléaire pourrait être le futur avion de combat. Compte tenu du format de l’armée de l’air, il est vraisemblable que ce porteur soit en effet à nouveau un chasseur‑bombardier. La conception de ce nouvel avion de combat structurera en effet le format de l’armée de l’air, et continuera de tirer vers le haut l’armée de l’air en raison des spécificités de la mission nucléaire, qui impose de disposer de la meilleure technologie possible.

Alors que le coût de développement du Rafale était de 47 milliards d’euros, il paraît difficile, au regard de l’état des finances publiques nationales, d’envisager que la France puisse seule concevoir ce futur avion de combat. Si le chef de l’État semble favorable à la construction d’un avion de combat franco‑allemand, d’autres coopérations sont possibles, par exemple avec le Royaume‑Uni. Dans tous les cas, votre rapporteur pour avis met en garde contre le lancement à la va-vite de programmes d’armement en coopération. Compte tenu des enjeux, il convient de s’assurer de la fiabilité à long terme d’éventuels partenaires, et de leur détermination à conduire de tels programmes jusqu’à leur terme. Il conviendra dans tous les cas d’être prêt pour agir face aux futurs systèmes de défense – dispositifs sol-air améliorés, radars de dernière génération, électronique embarquée de très haute qualité.

En deuxième lieu, le renouvellement de la flotte de ravitailleurs en vol est une impérieuse nécessité. Comme le rappelait le général André Lanata devant notre commission, les C-135 encore en activité ont été commandés par le général de Gaulle et livrés entre 1963 et 1965. Si le premier A330 MRTT Phénix sera livré l’an prochain aux forces aériennes, il est plus que temps d’une part d’accélérer la cadence de livraison – ce qui est impossible pour les trois premiers appareils selon l’industriel – et d’autre part d’augmenter la cible des commandes, en l’élevant à 18 appareils contre 12 actuellement. Cette double évolution est amplement justifiée. D’abord, la vétusté des appareils pose de vraies questions s’agissant de la fiabilité des appareils, dont la disponibilité n’est pas satisfaisante et qui sont susceptibles de connaître de sérieuses avaries mettant en péril la conduite de missions aussi essentielles que la projection de puissance ou la dissuasion nucléaire. En l’espèce, il en va donc de la crédibilité de notre dissuasion. Ensuite, notre engagement en OPEX témoigne de l’importance de disposer de ravitailleurs, dont le nombre constitue aujourd’hui le facteur limitant notre contribution à la coalition, ainsi que notre indépendance stratégique. Nos engagements ne pourraient être assumés sans l’appui des ravitailleurs alliés. Enfin, le nombre initial de MRTT est clairement insuffisant au regard des missions qui leur seront confiées. En effet, les douze MRTT ont vocation à remplacer non seulement les composantes actuelles de ravitaillement en vol (C-135 FR et KC-135 R), mais aussi celles de transport stratégique de personnel et de fret, c’est-à-dire la flotte Airbus de l’armée de l’air, soit 19 avions ! Il y a là une perte de sept avions, qui rend l’augmentation de la cible encore plus importante.

En troisième lieu, les moyens de renseignement et les drones. S’agissant tout d’abord de l’AWACS, il convient de noter que les avions modernisés livrés ces dernières années donnent entière satisfaction à l’armée de l’air qui les déploie régulièrement dans le cadre de l’opération Chammal. La rénovation de l’avionique du porteur a été lancée en juillet 2017 afin de traiter les obsolescences touchant les équipements du cockpit et de rendre ces derniers compatibles avec la réglementation relative à la circulation aérienne. La livraison des quatre avions rénovés aura lieu entre 2022 et 2024. Concernant les drones, si la France a engagé une montée en puissance de son parc, et disposera à l’avenir de drones armés, le compte n’y est pas aujourd’hui. Les drones constituent pourtant, aux côtés des chasseurs-bombardiers et des ravitailleurs, le troisième élément le plus employé en opérations.

Enfin, en quatrième lieu, votre rapporteur pour avis souhaite évoquer la question du transport tactique, dont la situation s’est nettement améliorée ces derniers mois. À ce jour, l’armée de l’air française compte onze A400M. Les trois derniers appareils, livrés dans le courant de l’année 2017, sont comme déjà indiqués dotés de capacités tactiques nouvelles : autoprotection, atterrissage sur terrains sommaires, aérolargage. Il y a encore du travail sur l’A400M, notamment pour poursuivre l’amélioration de ses capacités tactiques. Il faudra pouvoir compter sur des capacités fiables de transport tactique à l’avenir, gage de notre autonomie de projection. Dans ce contexte, la livraison du premier C-130J devrait améliorer la situation.

B.   Recruter, fidéliser : l’enjeu des ressources humaines

1.   Accroître les effectifs

Les ressources humaines constituent un enjeu vital pour l’armée de l’air, tant aujourd’hui, car la situation est extrêmement tendue, qu’à l’avenir pour construire l’armée de l’air de demain. Au cours des dix dernières années, 18 400 postes d’aviateurs ont été supprimés, tandis que dix-sept bases aériennes ont été fermées, dont celles de Dijon, Reims, Cambrai, Metz, Toulouse, Colmar, Strasbourg ou Toul. L’effort a été particulièrement marqué au cours de la dernière législature, puisque les effectifs militaires d’aviateurs ont diminué de 7 294 ETPE sur le périmètre du plafond ministériel des emplois autorisés (PMEA).

Évolution des effectifs de l’armée de l’air sur la période 2012-2018

Schéma d’emplois en ETPE (T2+HT2)

hors transferts

2012

2013

2014

2015

2016*

2017*

2018**

Total 2012-18

OFF

-117

-145

-180

-120

-61

86

171

-366

SOFF

-1 116

-737

-991

-383

-272

66

-162

-3 595

MDRE

-921

-957

-879

-262

-235

105

7

-3 142

VOL

-110

-50

-60

-10

67

-24

-4

-191

TOTAL

-2 264

-1 889

-2 110

-775

-501

233

12

-7 294

* Depuis 2016, le SIAé n’est plus intégré dans le schéma d’emplois ministériel.

** Schéma d’emploi 2018 prévisionnel.

Source : ministère des Armées.

Outre la réorganisation territoriale mentionnée ci-dessus, cet abaissement de format a conduit l’armée de l’air à modifier en profondeur son organisation en réduisant le nombre de commandements et les effectifs de certaines capacités socles comme la protection-défense des bases et de l’ensemble des unités de l’armée de l’air.

Aujourd’hui, les ressources humaines constituent la principale lacune de l’armée de l’air. En effet, votre rapporteur pour avis ne peut que constater une divergence entre les ambitions capacitaires et la déflation des effectifs lors de la construction des deux dernières LPM, du fait d’un niveau d’engagement supérieur à celui qui était envisagé en programmation, d’une augmentation des besoins en ressources humaines en raison de la livraison de nouveaux équipements, d’une résurgence brutale des menaces sur le territoire national, qui renforce les besoins de protection alors que le déficit en fusiliers-commandos est considérable. De plus il est nécessaire de créer de nouveaux postes afin de mieux interagir avec les soutiens. Enfin, des décalages de programmes majeurs impactant le plan de transformation de l’armée de l’air, notamment FOMEDEC, le soutien aux exportations (Soutex), pour lequel il manque près de 250 aviateurs, et la montée en puissance de l’escadron franco-allemand de C-130J à Évreux, pour laquelle il manque 40 aviateurs, imposent aussi d’accroître les recrutements.

 

 

évolution des besoins de recrutement et de formation
pour l’armée de l’air

Source : établi par le rapporteur pour avis à partir des informations obtenues en auditions et lors des déplacements.

Aujourd’hui, il est donc essentiel d’accroître les recrutements. Ceci est d’autant plus essentiel que le nombre de recrutements a fortement chuté au cours des dernières années : ainsi, l’armée de l’air recrutait près de 4 000 aviateurs par an en 2008, contre 1 200 en 2014.

Or, votre rapporteur pour avis n’a pas été rassuré par les déclarations du chef d’état-major des armées, le général d’armée François Lecointre, lors de son audition par la commission de la Défense de votre assemblée. Celui-ci a ainsi souligné que si « le cadrage à plus 1 500 équivalents temps plein de la loi de programmation des finances publiques marque un début de prise en compte de [la] situation (…) l’effort prévu (…) est pourtant aujourd’hui inférieur aux besoins exprimés par la ministre des Armées et il va contraindre, en l’état, [l’]effort de régénération ». 1 500 postes supplémentaires en cinq ans, alors même que de nouvelles compétences devront être maîtrisées par l’ensemble des armées, notamment en matière de cyberdéfense et, plus spécifiquement pour l’armée de l’air, d’armement des drones – pour armer un drone Reaper, il faut mobiliser vingt aviateurs –, ce n’est évidemment pas suffisant. En la matière, le Gouvernement semble vouloir faire porter l’effort lors de la prochaine législature, ce qui n’est pas rassurant à cinq ans des prochaines élections.

L’accroissement des effectifs est pourtant d’autant plus essentiel qu’il constitue un élément fondamental de l’amélioration de la condition militaire. À titre d’exemple, le déficit de fusiliers-commandos impose des rythmes de travail insensés, qui suscitent de graves difficultés de fidélisation : 70 % des fusiliers commandos militaires du rang ne renouvellent pas leur premier contrat et quittent l’institution. En conséquence, les tours de garde doivent être assurés par des personnels de toutes spécialités, qui s’épuisent ainsi à effectuer un métier qui n’est pas le leur pour assurer la sécurité et la protection des emprises, ce qui pénalise en bout de chaîne la conduite des autres missions de l’armée de l’air puisque ce personnel prélevé sur les unités fait ensuite défaut dans les ateliers de réparation des avions, dans les tours de contrôle, dans les centres de commandement. Il est plus qu’urgent de rompre ce cercle vicieux. De plus, comment employer pleinement nos capacités en l’absence d’aviateurs pour les mettre en œuvre ? Selon le directeur des ressources humaines de l’armée de l’air, le général de corps aérien Rony Lobjoit, il manquera près de cent pilotes de Rafale dans cinq ans, soit un cinquième des besoins.

Dans ces conditions, il faut craindre que les mesures en faveur de l’amélioration de la condition opérationnelle, certes importantes, ne suffiront pas à fidéliser les personnels ni à attirer les jeunes qui formeront l’armée de l’air de demain.

2.   Conserver les talents

Au cours de ses auditions et déplacements, votre rapporteur pour avis a pu prendre la mesure des risques qui pèsent sur l’épaisseur organique de l’armée de l’air, notamment en raison de l’accélération possible des départs au cours des années à venir. Comme il l’a déjà été indiqué, la pression exercée sur les aviateurs ces dernières années, du fait de la conjugaison des réductions d’effectifs et de l’accroissement de l’intensité opérationnelle, a pu conduire certains d’entre eux à s’interroger sur l’opportunité de poursuivre l’aventure militaire. Aujourd’hui, l’armée de l’air s’apprête par ailleurs à affronter la concurrence croissante des acteurs industriels. Deux phénomènes ont été portés à la connaissance de votre rapporteur pour avis.

Premièrement, le secteur de l’aviation civile se porte bien. Or, tant les pilotes que les mécaniciens des armées constituent une main-d’œuvre qualifiée et fiable que nombre d’industriels souhaiteraient pouvoir recruter. Lors de son audition, le général Rony Lobjoit a ainsi indiqué qu’une compagnie comme Air France recruterait 200 pilotes par an pendant cinq ans, et que 15 % de cet effectif pourrait être constitué de pilotes actuellement engagés au sein des forces aériennes.

Deuxièmement, la hausse des exportations, et la mise en place d’activités de soutien à l’export qui l’accompagne, offrent par ailleurs de nombreuses opportunités professionnelles pour les pilotes et mécaniciens.

Dans ce contexte, il est primordial de prêter la plus grande attention à la condition militaire par la mise en place de mesures, notamment de nature indemnitaire, contribuant à la fidélisation des personnels. À ce titre, votre rapporteur pour avis constate que le PLF 2018 contient plusieurs dispositions en ce sens, qui traduisent les décisions prises par le passé. De plus, l’annonce par la ministre des Armées, Mme Florence Parly, d’un nouveau « plan familles » va dans le bon sens. Il conviendra d’être vigilant quant à sa mise en œuvre, tout comme il conviendra de l’être à l’avenir quant à la conduite de la réforme des retraites des militaires, le régime actuel constituant un attrait pour nombre de personnels engagés.

Mesures catégorielles à destination des personnels de l’armée de l’air

L’enveloppe des mesures catégorielles à destination de l’ensemble des personnels de l’armée de l’air, s’établit à 26,3 millions d’euros, dont 3,1 millions d’euros au titre des mesures indemnitaires. Sont notamment inscrites en PLF 2018 les mesures indemnitaires suivantes :

– la revalorisation de l’indemnité pour connaissances spéciales en langues étrangères afin de fidéliser les intercepteurs linguistes qualifiés à l’issue de leur formation, et dont les montants n’avaient pas été revalorisés depuis 1995 ;

– l’augmentation du contingent de la nouvelle bonification indiciaire « SUP » ;

– le cumul IRE-ISSE (indemnité de résidence à l’étranger et indemnité de sujétions spéciales à l'étranger) afin de permettre aux militaires affectés à l’étranger et envoyés en OPEX en dehors de leur pays d’affectation de percevoir l’ISSE en sus des indemnités liées à l’affectation à l’étranger ;

– les mesures NPRM des officiers généraux ;

– l’augmentation du contingent de la prime de haute technicité.

Par ailleurs, le plan catégoriel 2018 intègre également les effets EAP de mesures indemnitaires mises en œuvre à compter du 1er avril 2017 suite aux annonces du président de la République au CSFM le 25 novembre 2016, pour un montant de 2,42 millions d’euros en 2018 pour l’armée de l’air :

– l’extension du paiement de l’indemnité pour sujétion spéciale d’alerte opérationnelle (AOPER) au personnel assurant la permanence du maintien en condition opérationnelle des systèmes d’information et de communication (SIC). Cette mesure vise à mieux indemniser la suractivité induite par le contexte opérationnel ;

– l’ouverture de l’indemnité spéciale de sécurité aérienne (ISSA) aux équipages de drones MALE (moyenne altitude longue endurance) de l’armée de l’air. Cette indemnité a pour objectif de pallier le manque d’attractivité actuel induit par le sur-engagement en OPEX et d’anticiper les contraintes liées à la réalisation prochaine de missions depuis la métropole. Elle permet de reconnaître les qualifications détenues, valoriser les responsabilités et compenser les sujétions du personnel mettant en œuvre ces aéronefs. Cette mesure s’adresse à tous les membres d’équipage de drones, à l’exclusion des officiers navigants ;

– la revalorisation de l’ISSA pour les contrôleurs aériens assumant une responsabilité directe dans le contrôle des aéronefs (de 17 % à 20 % de la solde de base brute - taux 2 et de 20 % à 25 % - taux 1) ;

– La revalorisation de l’indemnité de mise en œuvre et de maintenance des aéronefs (IMOMA) et son ouverture aux officiers, permet de reconnaître l’engagement et le savoir-faire des mécaniciens aéronautiques au bon niveau et de pouvoir capter et fidéliser des compétences indispensables à la réalisation de leurs missions. La mesure vise à revaloriser le taux 1 de 75 euros à 100 euros par mois et à créer un taux 2 à 200 euros par mois au profit des militaires assumant des responsabilités d’approbation pour remise en service (APRS) ;

– l’augmentation du contingent de la prime de haute technicité (PHT) vise à améliorer la compétitivité face au monde civil en valorisant les compétences dans les métiers émergents ou sous tension (RENS, SIC, CYBER) tout en évitant un effet d’éviction sur d’autres métiers déjà sous tension (MCO, FIN, INFRA…).

En 2018, les personnels de l’armée de l’air bénéficieront de la poursuite du plan d’amélioration de la condition du personnel (PACP), ainsi que du nouveau « plan familles ».

En effet, le président de la République a demandé que des mesures concrètes soient prises, dès l’automne 2017, afin de renforcer l’aide aux familles du personnel des armées, dont le « haut niveau d’engagement » est quotidien, au service de tous. Pour le PLF 2018, dans le cadre de ce nouveau « plan Familles », l’action sociale bénéficie d’un abondement de 5 millions d’euros. Ces crédits seront consacrés essentiellement à :

– l’accroissement de la capacité de garde d’enfants, d’une part en augmentant sensiblement les réservations de berceaux auprès de prestataires externes (crèches municipales, associatives ou privées), et d’autre part en développant les offres de garde en horaires atypiques (réseau des assistantes maternelles notamment) ;

– l’optimisation des vecteurs de communication sur les dispositifs mis en place au profit des ressortissants et de leurs familles (numérisation et digitalisation) ;

– l’abondement des aides à la mobilité et au logement.

Source : ministère des Armées.

 

 


—  1  —

 

   Deuxième partie :
Les conséquences du niveau d’engagement sur l’aviation de chasse

Votre rapporteur pour avis a souhaité consacrer la seconde partie de son rapport à l’étude des conséquences du niveau d’engagement sur l’aviation de chasse. Avant toute chose, il convient de préciser le cadre dans lequel s’inscrit cette analyse. En effet, si chacun sait que les contrats opérationnels sont largement dépassés et que l’on parle souvent de « sur-engagement », il convient de souligner que cette notion de sur-engagement ne vaut qu’au regard du cadre fixé par la loi de programmation militaire. Une fois encore, c’est bien la question de l’ambition politique fixée par le chef de l’État et le Parlement qui est en jeu. Certes, l’armée de l’air est engagée au-delà des prévisions initiales. Toutefois, le nombre d’avions de combat déployés en opérations extérieures, une vingtaine, est ainsi cinq fois inférieur au nombre d’avions déployés par la France durant la Guerre du Golfe. Aussi, le niveau de notre engagement demeure relativement modeste dans l’absolu, mais c’est bien au regard des ressources disponibles qu’il pose des difficultés. De plus, si le format de l’armée de l’air permet d’absorber une élévation de l’intensité opérationnelle, c’est bien l’inscription dans le temps de cette intensité, couplée à la conduite des autres missions confiées aux forces aériennes, qui érode l’épaisseur organique de l’armée de l’air dans son ensemble. Si votre rapporteur pour avis a souhaité focaliser son attention sur l’aviation de chasse, c’est parce qu’elle est symptomatique de la situation globale des forces aériennes, et qu’elle est de surcroît symbolique car, quand des difficultés surviennent sur l’aviation de chasse, c’est toute l’armée de l’air qui est concernée. La plupart des constats de votre rapporteur pour avis s’appliquent d’ailleurs à l’ensemble des spécialités de l’armée de l’air. Aujourd’hui, l’intensité de l’engagement opérationnel contraint la préparation opérationnelle, par l’épuisement accéléré des matériels et des aviateurs.

I.   Un niveau d’engagement d’une intensité permanente

A.   L’obsolescence de la LPM

1.   Le cadre fixé par le Livre blanc et la LPM

Conformément aux préconisations du Livre blanc de 2013, la loi de programmation militaire 2014-2019, actualisée en 2015, le format de l’armée de l’air repose, pour la conduite des missions qui lui sont assignées, sur 185 avions de chasse ([6]), une cinquantaine d’avions de transport tactique, sept avions de détection et de surveillance aérienne – air et marine –, douze avions ravitailleurs multi rôles, douze drones de surveillance de théâtre, des avions léger légers de surveillance et de reconnaissance et huit systèmes sol-air de moyenne portée.

L’actualisation de la LPM a permis de compléter ces dispositions initiales autour de trois axes – protection, capacités, régénération – dont étaient notamment issus l’acquisition complémentaire d’avions C-130J, la commande avancée des trois derniers MRTT, l’acquisition d’une charge ROEM pour compléter la capacité des drones Reaper et la commande de 25 pods de désignation laser Talios supplémentaires.

S’agissant des capacités de projection, deux niveaux d’engagement de la chasse étaient fixés selon le cadre d’intervention. Dans l’hypothèse d’un engagement majeur, était ainsi prévue la mobilisation de 45 avions de combat en intervention, pendant une durée maximale de six mois. À l’inverse, dans le cadre d’une intervention longue, le dispositif repose sur le déploiement de douze avions de chasse. En complément, pouvaient être déployés deux avions ravitailleurs, six avions de transport tactique, trois hélicoptères de manœuvre (plot RESCO ([7])), deux hélicoptères légers, un système de drones MALE, composé de trois vecteurs, une base aérienne projetée (BAP) et un état-major de composante aérienne d’une force interarmées (JFAC-HQ) de niveau 1, permettant d’assurer le commandement et le contrôle d’une activité comprise entre 50 et 100 sorties par jour.

Par ailleurs, dans le cadre de l’échelon national d’urgence (ENU), le dispositif d’alerte Rapace prévoit des moyens pour une intervention intense et ponctuelle, de trois à six mois, ou comme premier élément de la montée en puissance de l’intervention majeure qui mobiliserait l’ensemble des forces sur douze mois, impliquant un arrêt de l’entraînement ou l’allégement des autres théâtres.

2.   Des contrats opérationnels durablement dépassés

Depuis le début de l’opération Chammal en septembre 2014 et son intensification à compter de novembre 2015 au lendemain de la commission des attentats du 13 novembre qui ont frappé la capitale, le niveau d’engagement en OPEX est très supérieur aux hypothèses de référence.

Ainsi, à l’instar des années précédentes, le contrat opérationnel de gestion de crise a été largement dépassé en 2016 pour la plupart des capacités : + 75 % pour l’aviation de chasse avec une vingtaine d’avions engagés au lieu de douze, + 100 % pour les systèmes de drones MALE en raison de leur intense utilisation au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane, + 200 % pour les BAP avec le déploiement des bases de Jordanie, de N’Djamena et de Niamey. De plus, ce sur-engagement intervient alors que la chasse continue à assurer ses autres missions, de manière permanente comme la PPS ou la dissuasion – il convient à ce titre de noter que les forces conventionnelles participent aussi aux missions de dissuasion, la réalisation d’un raid nucléaire mettant également en œuvre des avions dédiés à la PPS ([8]) –, ou plus ponctuellement comme les missions de police du ciel conduites dans le ciel des pays baltes dans le cadre des mesures de réassurance de l’OTAN.

Au total, près de 35 vecteurs sont engagés en moyenne, soit 25 % de plus que les prévisions issues du dernier Livre blanc, tandis que le nombre d’heures de vol et de munitions délivrées est bien supérieur aux hypothèses retenues dans le LPM.

En conséquence, le dispositif d’alerte Rapace, contribution de l’armée de l’air à l’ENU pour faire face à une nouvelle crise, ne peut être complètement tenu. De nombreux moyens sont en effet déjà utilisés pour les opérations actuelles – avions de transport tactique, modules de base aérienne projetable, moyens de commandement et de contrôle, équipements de mission pour les avions de chasse. De la même manière, les délais d’intervention ne sont pas tous respectés du fait du redéploiement nécessaire des moyens.

Concernant plus spécifiquement la chasse, le modèle de gestion de crise a été élaboré dans l’hypothèse d’un engagement de faible intensité soit, au-delà des douze chasseurs, environ 7 000 heures de vol sur deux opérations extérieures, pour environ cent tirs par an. À titre d’exemple, le nombre de tirs s’élève plutôt à cent par mois en moyenne ces deux dernières années.

B.   Le poids des activités OPEX et soutex

1.   L’intensité de l’engagement de la chasse en OPEX

Si l’activité de la flotte chasse a diminué de 23 % entre 2010 et 2016, la part OPEX est passée de 16 % à 28 % de l’activité totale sur la même période : 5 000 heures en 2012, 10 000 heures en 2013, 6 500 heures en 2014, 12 000 heures en 2015, et 13 700 heures en 2016. Pour 2017, la part de l’activité OPEX devrait rester importante et stable, à hauteur de 28 à 30 %.

Titre : Évolution en volume d'HdV des OPEX - flotte chasse

Source : ministère des Armées.

Ce constat s’applique également aux autres flottes, et notamment à l’aviation de transport tactique, dont le nombre d’heures de vol a diminué de 22 % sur la même période, alors que la part OPEX est passée de 24 % à 31 %.

Activité totale effectuée entre 2012 et 2016, et pourcentage de cette activité consacré aux opérations extérieures (OPEX) par flotte

Activité

2012

2013

2014

2015

2016

Activité réellement effectuée (HdV)

183 305

176 679

171 408

171 069

168 409

Source : ministère des Armées.

 

Activité 2012 réalisée en OPEX (%)

Activité 2013 réalisée en OPEX ( %)

Activité 2014 réalisée en OPEX (%)

Activité 2015 réalisée en OPEX (%)

Activité 2016 réalisée en OPEX (%)

Chasse

16 %

26 %

15 %

28 %

28 %

Transport

25 %

44 %

32 %

31 %

31 %

Hélicoptères

17 %

16 %

16 %

10 %

10 %

Drones

20 %

100 %

96 %

98 %

94 %

Soutien Ops

 

 

63 %

68 %

60 %

Source : ministère des Armées.

Comme l’indique le tableau ci-dessus, l’année 2012 a donc constitué une pause pour la chasse entre les opérations Harmattan, conduite en 2011, et Serval, menée en 2013, de même que l’année 2014. La chasse n’a alors opéré que 15 % de son activité en OPEX. Ce taux a néanmoins doublé depuis lors et plus d’un quart de l’activité chasse est effectué en OPEX depuis trois ans. Pour la flotte de Mirage 2000D, ce taux a même atteint 38 % en 2016 en raison du fort engagement de la flotte sur l’opération Chammal depuis la base aérienne projetée au Levant. Par ailleurs, au cours de la période 2017-2018, l’activité de l’aviation de chasse devrait augmenter et rester portée par les opérations.

Votre rapporteur pour avis a pu mesurer l’ampleur de l’engagement de l’aviation de chasse lors de son déplacement sur la base aérienne projetée du Levant en septembre 2017. Au cours des 36 heures passées sur place, six équipages ont effectué des missions d’appui aérien dans le cadre de la lutte contre Daech, d’une durée moyenne de cinq à six heures, au cours desquelles sont effectués deux à trois ravitaillements en vol. À l’époque de sa visite, six Rafale air étaient déployés, mettant ainsi en œuvre 13 équipages, 68 mécaniciens et huit personnels de renseignement. Depuis, deux Rafale sont rentrés en métropole, tandis que quatre Rafale marine ont rejoint la BAP. Entre le déploiement de cette dernière et le mois de septembre 2017, 17 8000 heures de vol ont été effectuées, pour 1 800 missions et 1 500 munitions tirées. S’agissant de la flotte Rafale, qui a succédé aux Mirage 2000D il y a un an, cela représente 7 500 heures de vol, 780 missions et 650 munitions tirées. En creux, il est aisé de reconstituer l’intensité de l’engagement de la flotte Mirage 2000D en 2015 et 2016. L’activité de la BAP au Levant, conduite par sept appareils en moyenne, correspond à celle de 28 appareils. L’essentiel des missions conduites depuis la BAP sont de l’appui aérien (CAS), qui permet de soutenir les troupes déployées au sol. Certaines missions de bombardement (Air interdiction) sont également menées, parfois sans ravitaillement en vol.

La BAP constitue donc un « pion tactique de projection de puissance » selon l’expression de l’ancien commandant de la base aérienne projetée au Levant, rencontré lors du déplacement de votre rapporteur pour avis sur la base aérienne de Saint-Dizier, permettant de rejoindre n’importe quel point de la zone d’intervention en moins d’une heure. Plus de 2 100 objectifs ont été détruits depuis cette base. C’est bien la qualité de la préparation opérationnelle qui permet d’atteindre ces niveaux de résultats, ce qui impose qu’elle soit réalisée dans des conditions optimales, ce que le niveau d’engagement actuel ne permet plus en raison des ressources de l’armée de l’air.

2.   Le soutien à l’export, une mission opérationnelle à part entière

Le soutien à l’export prend aujourd’hui une telle importance qu’il constitue presque une mission opérationnelle à part entière. Bien entendu, votre rapporteur pour avis se réjouit de voir l’un des fleurons de l’industrie française de défense rencontrer de tels succès auprès de nos partenaires étrangers. Toutefois, alors que l’aviation de chasse est fortement engagée en opérations extérieures, il convient de souligner le poids des prestations de soutien aux exportations à honorer, qui prennent essentiellement la forme de formations assurées par l’armée de l’air. À titre d’exemple, le nombre d’heures de Soutex consacrées à ces activités de formation au profit des pilotes égyptiens, qataris et indiens est estimé à près de 7 000 heures, soit l’activité d’un escadron Rafale durant deux ans. Comme le soulignait le général André Lanata devant notre commission, « en termes d’activité aérienne, cela représente l’équivalent d’un théâtre d’opération supplémentaire – avec, en 2018, un volume d’heures de vol équivalent à celui réalisé par l’aviation de chasse dans le cadre de l’opération Barkhane ».

Votre rapporteur pour avis ne peut dès lors que s’étonner que la programmation militaire n’ait pas prévu les ressources nécessaires à l’accompagnement des marchés à l’exportation, sur la réussite desquels était pourtant financée une partie des dépenses inscrites. Il y a là un manque de cohérence que l’on ne peut que regretter. Les activités de soutien à l’export mobilisent en effet l’ensemble des ressources de l’armée de l’air : avions, équipements, équipages et mécaniciens.

De manière concrète, le Soutex a des effets directs sur l’activité Rafale. Comme l’indique le graphique ci-dessous, près d’un quart de l’activité lui sera consacré en 2018. À titre d’exemple, si la base aérienne de Mont-de-Marsan n’accueille pour l’heure que huit pilotes qataris, treize pilotes de plus la rejoindront dans le courant de l’année 2018, cinq en janvier, quatre en avril et quatre à l’été. Cette montée en puissance du Soutex s’accompagne néanmoins de points positifs, puisque la base aérienne 118 sera dotée l’an prochain d’un simulateur Rafale amélioré qui bénéficiera à l’ensemble des personnels qui y sont déployés, et pas uniquement aux pilotes étrangers qui y sont formés.

Projection de l’activité RAFALE 2018
du Commandement des forces aériennes (CFA)

PU = potentiel utilisateur

Source : établi par le rapporteur pour avis à partir des informations obtenues en auditions et lors des déplacements.

 

II.   Une aviation de chasse sous contrainte

A.   Des capacités insuffisantes qui s’épuisent rapidement

Compte tenu de leur niveau d’engagement au cours des dernières années, les avions de combat usent très rapidement leur potentiel opérationnel. En effet, les théâtres actuels sont particulièrement abrasifs, les zones de déploiement sont vastes et les distances à parcourir sont inhabituelles. Ainsi, au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane, les distances à quadriller sont à l’échelle d’un continent : chaque mission au Sahel équivaut à un vol Paris-Moscou aller-retour.

Au seul titre des spécificités physiques des théâtres, le taux d’usure des matériels est actuellement supérieur à celui constaté au cours des engagements précédents. Soumis à ces contraintes, les matériels vieillissent plus vite et sont en nombre insuffisant. Leur maintien en condition opérationnelle en métropole est affecté par le rythme des opérations.

Participation de la chasse aux OPEX

Moyens

Opérations extérieures

chasse

Pamir / Afghanistan

M2000D

Rafale

Épervier / Tchad

F1 CT-CR

M2000D

Hérodote / Libye

Rafale

Barkhane / Tchad

M2000D

M2000N

Rafale

Barkhane / Niger

M2000C

M2000D

Ambre / Ukraine

M2000D Rafale

Chammal / EAU-Jordanie

M2000D

M2000N

Rafale

Baltic Air policing / Pologne – Pays baltes

Rafale

M2000-5

Source : ministère des Armées.

1.   Les avions de combat

L’usure des avions de combat est beaucoup plus rapide en OPEX. Ainsi, au Levant, un avion de chasse consomme quatre fois le potentiel du même avion réalisant son activité aérienne en métropole. En effet, au plus fort de l’engagement, le volume annuel d’heures passées en vol d’un avion de chasse pouvait atteindre 1 000 heures en tout, alors qu’il est censé voler en moyenne 250 heures par an. Au Sahel, les distances sont telles que les avions volent beaucoup simplement pour rejoindre la zone d’intervention, comme c’est le cas des Rafale basés à Al-Dhafra qui frappent en Irak ou en Syrie. Certes, un avion ne s’use pas autant en transit que lorsqu’il est effectivement engagé, mais cette consommation d’heures de vol dans des environnements parfois difficiles ne contribue pas à la longévité des aéronefs.

L’utilisation intensive dans la durée des matériels en opérations extérieures a des conséquences mesurables immédiatement et d’autres qui ne sont perceptibles que de façon différée sur la fin de vie des matériels. À court et moyen termes, on constate ainsi un accroissement du besoin de régénération des matériels (en quantité et en durée d’immobilisation), pouvant dépasser la capacité d’absorption du soutien, notamment industriel. De plus, le nombre de matériels opérationnels disponibles dans les unités se réduit. À titre d’exemple, la 30e escadre de chasse, installée sur la base aérienne 118 de Saint-Dizier, compte 47 Rafale. Sur ce total : 15 appareils se trouvent en maintenance ou sont stockés, dix sont employés dans le cadre de l’opération Chammal, depuis la BAP du Levant ou depuis la base aérienne 104 d’Al-Dhafra aux Émirats arabes unis, quatre arment deux des quatre plots de permanence opérationnelle pour assurer la posture permanente de sûreté aérienne, trois sont en alerte opérationnelles, cinq sont réservés à l’escadron de formation des équipages qataris, et trois à l’expérimentation. Il reste donc sept Rafale pour les activités de régénération organique…  

Au cours des auditions, plusieurs acteurs industriels ont ainsi indiqué à votre rapporteur pour avis avoir constaté une recrudescence des besoins en maintenance au cours des trois dernières années. Par ailleurs, à l’occasion de son déplacement sur la base aérienne de Nancy-Ochey, il s’est vu confirmer que le niveau de soutien industriel (NSI) était complètement engorgé. En effet, alors que la trajectoire de vol des Mirage 2000D était de 1 000 heures par an contre 250 heures prévues lorsqu’ils étaient déployés sur la BAP du Levant, nombre d’avions ont épuisé leur potentiel opérationnel et sont stockés dans l’attente de leur reconstitution, l’atelier industriel de l’aéronautique de Clermont-Ferrand, sous la responsabilité du SIAé, étant submergé par le nombre d’avions à régénérer. Alors même que les contrats de maintenance ont été passés il y a plusieurs années, il est nécessaire d’adapter les capacités d’absorption du NSI.

La réduction du nombre de matériels opérationnels dans les unités est également problématique, le taux d’emploi des avions de chasse en OPEX posant un certain nombre d’interrogations quant à la conduite des autres missions de l’armée de l’air. Si, bien évidemment, il n’est pas question de mettre en péril la mission de dissuasion nucléaire, qui constituera toujours une priorité, la réalisation des autres missions impose de jongler entre les différents équipements et matériels.

En effet, la priorité donnée à la disponibilité en OPEX, de l’ordre de 90 % pour les aéronefs de l’armée de l’air, se traduit par la réalisation d’opérations de maintenance préventive réalisées par les unités en amont du départ en OPEX des aéronefs, pouvant aller jusqu’au prélèvement de pièces critiques sur des aéronefs en métropole. Une grande partie de l’activité des mécaniciens consiste ainsi à prélever des matériels sur un appareil pour en équiper un autre, comme votre rapporteur pour avis l’a exposé plus en détail en première partie du présent avis.

Enfin, cette disponibilité insuffisante contraint fortement le maintien en condition opérationnelle des équipages, comme votre rapporteur pour avis l’exposera plus en détail plus loin.

2.   Les équipements missionnels

Votre rapporteur pour avis ne pourra pas ici mener une étude exhaustive des enjeux concernant les équipements dits missionnels, c’est-à-dire qui sont ajoutés à l’avion de chasse afin de le rendre pleinement opérationnel. Ces derniers constituent, selon l’expression du général de corps aérien Bernard Schuler, commandant des forces aériennes stratégiques, le socle et la pointe de diamant de la chasse. Or, nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins en la matière, certains points supposant une attention particulière.

Premièrement, les pods, dont le nombre avait été jugé délirant dans un avis précédent tant il était faible. Ce constat est dressé depuis une vingtaine d’années, les pods constituant déjà un enjeu de premier ordre au moment de l’engagement des forces aériennes françaises au Kosovo à la fin des années quatre-vingt-dix. Au-delà de la quantité, c’est bien la qualité des pods qui fait défaut. Ces équipements sont indispensables aux missions de bombardement de précision : ils permettent l’identification des cibles, l’illumination laser et l’extraction de coordonnées.

S’agissant de la qualité des pods, si les Damoclès donnent actuellement satisfaction en opération, en ce qu’ils permettent aux aviateurs d’effectuer des frappes air-sol de manière sereine, ce n’est pas le cas des pods d’ancienne génération, le PDL CTS et l’Atlis, emportés sur Mirage 2000D, dont les performances limitées ne sont plus adaptées aux exigences requises par nos alliés. Certains aviateurs ont ainsi confié à votre rapporteur pour avis que nos alliés étaient « abasourdis » face à la qualité de l’image fournie par ces pods. Dans ces conditions, assurer la mission est héroïque, d’autant que le nombre de drones français est trop faible pour compenser la mauvaise qualité des images obtenues grâce aux pods. Bien entendu, les premières livraisons de pods Talios au cours de l’année 2018 constitueront un véritable saut technologique, mais ils ne pourront pas être emportés sous Mirage 2000D. Une nouvelle fois, il existe un risque de déclassement de cet avion, dont 55 exemplaires rénovés continueront d’effectuer les missions de l’armée de l’air jusqu’en 2030.

Par ailleurs, la disponibilité des pods n’est vraiment pas satisfaisante. Elle atteint en effet un taux de 54 % pour le premier semestre 2017, ce qui est comparable aux années précédentes mais insuffisant pour couvrir les besoins actuels de l’armée de l’air : opérations extérieures en cours, d’un niveau très supérieur à celui du scenario de gestion de crise de référence, et préparation opérationnelle des équipages. L’indisponibilité des pods est évidemment aggravée par leur emploi en OPEX. En effet, le rythme des opérations conduit à une utilisation intensive et à des pannes supplémentaires liées à la forte sollicitation du groupe de climatisation ou à des incidents lourds, comme des collisions avec des volatiles ou des orages de grêle. Ainsi, M. Philippe Duhamel, vice-président de la division Defense Mission Systems du groupe Thales, a confirmé à votre rapporteur pour avis lors de son audition que si Thales constatait, via les contrats de maintenance, une sensible augmentation des besoins de maintenance et de régénération, c’était bien sur les pods que cet accroissement était le plus perceptible. Or, les pods constituent des équipements complexes, dont la réparation est très délicate et prend beaucoup de temps. L’entraînement des forces en métropole s’en trouve bien entendu pénalisé. Ainsi, à titre d’exemple, alors qu’il faudrait à la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan trois pods Damoclès minimum pour équiper les avions de l’escadre sur la moitié des sorties nécessaires à la formation et à l’entraînement en matière d’armement guidé laser, un seul pod est disponible.

Par ailleurs, une amélioration de la disponibilité des pods au niveau jugé atteignable par l’industriel, soit 75 %, ne permettrait de toute façon pas d’équiper l’ensemble des aéronefs déployés en opérations sans grever fortement la préparation opérationnelle des équipages. L’armée de l’air dispose, en théorie, de cinquante pods de désignation laser – 23 disponibles à l’heure de l’élaboration du présent rapport – pour équiper près de 130 avions actuellement disponibles. Cette situation est aberrante.

Nombre de pods au sein des forces aériennes françaises

Catégorie

Désignation

Porteur

Parc

Pod de désignation laser

DAMOCLES

RAFALE

M2000D

21 dont deux en prêt (Égypte et développement auprès de la société Dassault)

PDL CTS

M2000D

20

ATLIS

M2000D

9

Pod de reconnaissance

RECO NG

RAFALE

12

Pod ELINT ([9]) (écoute)

ASTAC

M2000D

4

Source : ministère des Armées.

Si la disponibilité des pods de reconnaissance – RECO NG et ASTAC – est meilleure, à hauteur de 58 %, elle est également insuffisante pour couvrir le besoin.

De manière générale, il est indispensable d’être en mesure de régénérer plus vite les équipements afin de préserver la capacité à durer. Pour cela, il est nécessaire de disposer de ressources financières suffisantes et d’un niveau de soutien industriel capable d’absorber la charge de travail supplémentaire. Ce pic de matériels en régénération dû à la suractivité entraîne une pénurie dans les unités et une baisse de la disponibilité des aéronefs. Cela est particulièrement le cas des pods laser ou de reconnaissance, achetés en nombre trop limité, dont l’absence pénalise fortement l’entraînement organique.

Deuxièmement, les munitions, le panel d’armement emporté dans le cadre de l’opération Chammal est très large ([10]), ce qui complique par ailleurs les flux logistiques et le travail des armuriers. De plus, la consommation soutenue de munitions depuis le déclenchement de l’opération a engendré une tension sur les stocks. Elle a conduit l’armée de l’air à lancer, suite à l’octroi de financements complémentaires, des commandes importantes de kits de guidage AASM auprès de Safran et Paveway auprès de Raytheon, de corps de bombe d’origine majoritairement américaine mais aussi française et de fusées d’amorçage. Les livraisons sont en cours et permettront un rehaussement progressif des stocks et la poursuite des frappes. Ainsi, s’agissant de la production de l’AASM, pour laquelle Safran a dû en urgence faire remonter en puissance sa chaîne de production, le rythme de fabrication, qui était descendu à dix par mois, serait aujourd’hui de 35 par mois, devrait atteindre 70 par mois à la fin de l’année et dépasser la centaine mensuelle à l’horizon 2019 selon M. Petitcollin, président de-directeur général de l’entreprise.

Toutefois, aujourd’hui, on constate un déficit de bombes de 500 kg et d’une tonne. Le panel d’armement est ainsi jugé insuffisant pour répondre à toutes les situations. Il serait ainsi particulièrement pertinent de pouvoir régler et graduer les effets des munitions en vol avant une frappe. Au-delà, l’évolution possible du conflit, en raison de la convergence sur une même zone de forces poursuivant le même intérêt global – la lutte contre Daech – mais possédant chacun leurs propres intérêts, pourrait accroître les tensions dans la troisième dimension et nécessiter ainsi une rapide remontée en puissance des armements air-air.

Par ailleurs, il est incompréhensible que n’ait pas encore été décidée l’intégration de l’AASM sous Mirage 2000D et de la GBU 49, bombe de 250 kg guidée laser ou GPS, sous Rafale. Une telle harmonisation permettrait sans nul doute de rationaliser la filière munition, au service de l’efficacité des opérations. Sur cette question, il est temps d’inciter les industriels à rendre faisable une telle opération. À l’avenir, il convient plus largement de « nettoyer le paysage » en matière de munitions selon les mots d’un haut gradé de l’armée de l’air rencontré par votre rapporteur pour avis.

Troisièmement, l’optronique secteur frontal (OSF), essentielle pour permettre à un pilote d’identifier un ennemi, ou un allié, et ainsi conduire sa mission en toute efficacité.

D’autres équipements font cruellement défaut : les Rover qui permettent la transmission des images, les équipements Mids qui permettent d’équiper les avions du standard de liaison de données tactiques L16 ou encore les systèmes de détecteurs de départ missile.

B.   Les conséquences sur les aviateurs

D’une manière générale, le déficit d’activité, partiellement compensé par l’expérience acquise en opérations ([11]), érode le niveau opérationnel des unités et allonge les délais nécessaires à l’acquisition des compétences, notamment par les jeunes équipages pour lesquels la progression est freinée par une fréquence des vols insuffisante et un nombre de cadres présents trop faible, engendrant des difficultés d’apprentissage et un allongement des temps de formation. Ainsi, s’agissant de l’aviation de chasse, cet allongement est de 30 % en moyenne.

Au-delà de la qualité de la préparation opérationnelle se pose bien entendu la question de l’épuisement des personnels du fait de l’intensité de l’engagement opérationnel. Avant toute chose, votre rapporteur pour avis tient à souligner combien il lui a été indiqué que les aviateurs étaient heureux lorsqu’ils étaient déployés. Disposant enfin des pleins moyens de remplir leur mission, les OPEX étant prioritaires s’agissant du MCO, des flux logistiques et plus généralement des ressources mises à leur disposition, les aviateurs sont par ailleurs « à leur place » en opération selon les mots de l’un d’entre eux, déployés pour la protection des Français, de la France et de ses valeurs. Toutefois, le nombre de jours d’absence tend à s’accroître et, pour certaines spécialités, il n’y a quasiment pas eu de pause depuis près de 20 ans. Les escadrons de Mirage 2000D de la base aérienne de Nancy sont ainsi engagés en OPEX depuis les opérations conduites en Bosnie en 1992 et 1995. Depuis, ils ont en effet participé aux opérations au Kosovo, en Afghanistan, en République démocratique du Congo, en Libye, au Tchad, au Mali et au Sahel plus largement, en Irak et en Syrie. Si plusieurs générations de pilotes se sont succédé aux commandes des avions, certains navigateurs ont participé à un nombre considérable d’opérations. Nombre d’entre eux ont quitté l’institution militaire, sans avoir toujours été remplacés, ce qui a accru la pression sur les personnels disponibles et expérimentés. Aujourd’hui, sur la base aérienne 133 de Nancy, il manque près de vingt navigateurs pour armer l’ensemble des avions, soit un escadron. Une nouvelle fois, il est là question d’épaisseur organique. En matière de ressources humaines, l’heure du sursaut est arrivée.

1.   L’entraînement

Le niveau d’engagement élevé permet aux pilotes déployés en opérations de maintenir les savoir-faire de gestion de crise, mais tend à fragiliser les autres savoir-faire, notamment les plus complexes : entrée en premier, actions dans la profondeur, supériorité aérienne. Cela concerne également les autres spécialités aériennes, par exemple les compétences en matière de recherche et sauvetage au combat ou l’atterrissage sur terrains sommaires. En effet, les opérations, au cours desquelles sont principalement mises en œuvre des actions d’appui aérien, sollicitent essentiellement des compétences dites de bas du spectre, mises en œuvre de manière répétitive. Demain, si l’on ne sait pas entrer en premier sur un théâtre, c’est, selon le général Bernard Schuler, « la fin des capacités opérationnelles ». L’entretien des capacités du haut du spectre est d’autant plus essentiel dans un contexte de prolifération des avions de combat de quatrième génération et d’accroissement des menaces.

Dès lors, le dispositif des BAP est essentiel car en rapprochant les équipages des zones d’intervention, on réduit la durée du transit, et ainsi le nombre d’heures de vol consommées en opération, ce qui permet de préserver la préparation opérationnelle en métropole lors du retour des pilotes de mission. En effet, la difficulté principale pour l’armée de l’air réside dans le fait que la consommation d’heures de vol en OPEX est forte, alors même que le nombre d’heures de vol consacrées à l’entraînement organique est en deçà des normes requises, qui prévoient 180 heures par an. Alors que les ressources ne permettent de programmer en 2017 que 164 heures de vol par an par pilote, près de 100 heures sont réalisées en OPEX pendant une période de deux mois, ce qui affecte en métropole la régularité de l’entraînement et le maintien des compétences des pilotes, dont l’activité est dégradée en quantité et en qualité, alors qu’elle devrait être davantage lissée et régulière.

Activité annuelle des pilotes de chasse

 

Heures de vol annuelles

% OPEX

Réalisé 2013

157

26 %

Réalisé 2014

153

15 %

Réalisé 2015

154

25 %

Réalisé 2016

163

28 %

Prévision 2017 (actualisée)

164

28 %

Prévision 2018

170

 

Recommandation OTAN

180

 

Objectif LPM

180

 

Source : ministère des Armées.

Pour combler partiellement ce déficit, l’armée de l’air a mis en place le principe de préparation différenciée, au travers d’une politique de labellisation qui attribue à chaque unité la responsabilité d’une compétence particulière ainsi que sa mise en œuvre experte et la formation d’opportunité des équipages. Le suivi individualisé des capacités permet de maintenir l’expertise dans un contexte contraint d’entraînement opérationnel. Le niveau constaté des équipages français dans les exercices internationaux les plus complexes comme Maple Flag ou TEI ([12]) témoigne de la pertinence de cette approche.

Toutefois, force est de constater que des déséquilibres importants apparaissent dans la préparation des forces, y compris pour les savoir-faire nécessaires aux opérations en cours : frappes de précision, ravitaillement en vol, notamment. Dans ces conditions, la fraction du personnel sollicitée pour les OPEX est principalement la plus expérimentée. La faible présence en unité des experts qualifiés limite de facto la formation des plus jeunes, obère la transmission des savoir-faire et pèse sur la capacité à durer.

Activité d’un chef de patrouille (en moyenne)

Activité d’un sous-chef de patrouille (en moyenne)

Activité d’un pilote opérationnel (en moyenne)

Source : établi par le rapporteur à partir des informations obtenues en audition et lors des déplacements.

 

2.   La formation

S’agissant de la formation, le taux d’absence particulièrement élevé désorganise la reconstitution du potentiel. Les jeunes mettent plus de temps à acquérir leur qualification pour partir en OPEX. Les relèves sont donc limitées et la charge sur le personnel apte à la projection s’accroît. Au sein des unités navigantes, chaque équipage est formé selon un socle commun afin de maîtriser l’ensemble des missions à un niveau de base, et ne développe d’expertise que pour une seule des missions. Si ce principe permet de sauvegarder des expertises, il ne permet pas de disposer d’un vivier de spécialistes suffisant pour répondre pleinement aux exigences opérationnelles. Une formation complète et diversifiée est d’autant plus importante que le Rafale est un avion polyvalent ; or, pour utiliser pleinement cette polyvalence, il faut que les équipages soient polyvalents.

Si la progression des jeunes équipages est freinée par une fréquence des vols insuffisante, c’est bien l’ensemble de la formation qui est allongée, parfois dans des proportions assez inquiétantes, comme l’illustre le schéma ci-dessous.

 

 

illustration de l’allongement des temps de formation
dans l’armée de l’air

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Source : établi par le rapporteur pour avis à partir des informations obtenues en auditions et lors des déplacements.

Dans ce contexte, le respect du format de l’aviation de chasse et des contrats opérationnels impose la mise en œuvre rapide du projet FOMEDEC (formation modernisée et entraînement différencié des équipages de chasse). Ce programme d’armement s’inscrit dans la refonte du cursus de formation des équipages de chasse. Le projet FOMEDEC était initialement nommé « Cognac 2016 », en référence à l’année à laquelle il devait être mis en service. La livraison des huis appareils PC 21 l’an prochain permettra de lancer réellement les choses, et à terme de réduire de quatre mois la formation des pilotes en fusionnant les premières phases d’instruction dès 2019, puis de sept à huit mois à compter de 2020 en déployant plus rapidement en escadre les jeunes pilotes.

 


—  1  —

 

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   Audition du général ANDRé LANATA,
chef détat-major de l’armée de l’air

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air, sur le projet de loi de finances pour 2018 (n° 235), au cours de sa réunion du mercredi 18 octobre 2017.

M. le président Jean-Jacques Bridey. Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir aujourd’hui le général André Lanata, chef d’état-major de l’armée de l’air. Avant de vous laisser la parole, Mon général, je souhaitais vous remercier au nom de l’ensemble de la commission pour l’organisation de la journée que nous avons passée à vos côtés sur la base aérienne de Saint-Dizier. Elle était des plus intéressantes.

Général André Lanata, chef détat-major de larmée de lair. Monsieur le président, merci de ces propos introductifs. Soyez assuré que l’armée de l’air se tient à votre disposition pour vous faire comprendre, ainsi qu’à tous les députés de votre commission, ce qui constitue les principes de fonctionnement de notre armée, ou plutôt de votre armée, car elle appartient avant tout aux Français et aux Françaises que vous représentez. À cet égard, nous nous devons de vous accueillir sur le terrain, de telles visites étant seules à même de permettre la compréhension de nos missions et le quotidien des aviateurs.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, c’est toujours un réel plaisir que celui de me retrouver à nouveau devant vous ce matin pour vous parler de ce qui me tient à cœur : la vocation qui m’anime, puisqu’il s’agit davantage d’une affaire de cœur que d’un métier, et celle des milliers d’hommes et de femmes qui derrière moi au sein de l’armée de l’air servent la France.

C’est un moment privilégié, pour un chef d’état-major de l’armée de l’air, de venir témoigner devant la représentation nationale de l’engagement et du sens du devoir exceptionnel des aviateurs, comme des enjeux auxquels ils font face tous les jours « d’Orly à Raqqa » pour reprendre une formule que j’ai employée récemment afin d’illustrer de façon lapidaire et probablement réductrice, la diversité des missions dans lesquelles ils sont engagés aujourd’hui pour la protection des Français.

Vous savez toute l’importance que j’accorde à ces échanges et à la relation de confiance entre les armées et votre commission, à l’heure où nos forces sont pleinement engagées, sur tous les fronts et dans la durée. Car je sais aussi l’appui apporté par votre commission pour faire face à ces enjeux que nous rencontrons et je tiens à vous en remercier.

Les aviateurs que j’ai l’honneur de commander et au service desquels je me trouve – et pas l’inverse, j’insiste – et que vous rencontrez lors de vos déplacements, comme récemment sur la base aérienne de Saint-Dizier où, comme cela vient d’être rappelé, j’ai accompagné une délégation de votre commission, ou en opérations extérieures, en ont conscience aussi. Ils connaissent toute l’importance de vos travaux et suivent vos débats.

Lors de notre précédente rencontre au mois de juillet, je vous avais décrit l’ensemble des missions que les aviateurs mènent, souvent en première ligne et parfois au péril de leur vie sur le territoire national ou à l’extérieur de nos frontières, en réalité partout sur la planète. J’avais saisi cette occasion pour vous présenter les principes qu’impose l’exploitation militaire du milieu aéronautique et spatial.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour évoquer le projet de loi de finances pour 2018 et ses conséquences pour l’armée de l’air. Avant de vous les présenter en détail, j’évoquerai très rapidement la revue stratégique dont les travaux viennent de s’achever, puisque nous étions vendredi dernier avec le président de la République pour lui remettre le résultat des réflexions du comité auquel j’ai participé. Ces orientations me permettront, de vous livrer les enjeux qui en résultent et que j’identifie pour le volet air de la future loi de programmation militaire. Il me paraît toutefois important de commencer par revenir sur certaines évolutions récentes et notables concernant nos opérations.

Car les opérations, comme je le dis souvent, constituent le seul véritable exercice de vérité pour nos armées : vérité sur la qualité de nos équipements, vérité sur la valeur de nos soldats et vérité sur la qualité de leur entraînement.

Au mois de juillet, je vous avais décrit l’ensemble des missions confiées à l’armée de l’air. Au premier plan de nos missions permanentes, figurent la dissuasion et la posture permanente de sûreté aérienne. Vous avez eu, lors de votre déplacement sur la base aérienne de Saint-Dizier, un éclairage sur l’exigence de ces missions fondamentales pour la protection de notre pays, menées sans discontinuité par les forces aériennes depuis plus de cinquante ans. J’inclus ici la mission de protection de nos propres installations, que nous avons considérablement renforcée depuis les attentats terroristes de 2015.

S’y ajoutent notre contribution aux opérations sur le territoire national en appui des forces de sécurité intérieure – Vigipirate et Sentinelle – ainsi que notre participation aux missions de service public (recherche et sauvetage, lutte contre les incendies de forêt, mission de surveillance du sol au profit d’autres ministères, etc.) et les missions de réassurance réalisées dans le cadre de l’OTAN, principalement des missions de police du ciel, de surveillance et de reconnaissance sur la façade Est de l’Europe. Je n’oublie bien entendu pas les missions régulières de reconnaissance de l’espace libyen ni, enfin, nos engagements au Sahel et au Levant, qui constituent notre première ligne de défense dans la lutte contre le terrorisme. C’est en cela aussi que notre action contribue directement à la protection des Français. « Notre sécurité, elle se joue au Proche et Moyen-Orient et en Afrique aujourdhui, pleinement », comme le soulignait dimanche soir dernier le président de la République devant les Français.

Toutes ces missions ont toujours cours au même niveau d’intensité et d’engagement qu’en juillet, lorsque je me suis présenté devant votre commission. Que s’est-il passé depuis ? J’évoquerai principalement les évolutions de notre engagement au Levant et notre intervention aux Antilles suite au passage dévastateur du cyclone IRMA début septembre.

Tout d’abord au Levant. La campagne aérienne contre Daech se poursuit, inlassablement. Et les résultats sont là : après la chute de Mossoul, Raqqa vient de tomber, ce qui constitue un symbole important. Daech continue de perdre le terrain qu’il avait conquis et finira par le perdre définitivement. C’est inéluctable. La question qui se pose désormais est celle des formes vers lesquelles ce conflit pourrait glisser.

À cet égard je constate une évolution notable de la physionomie de cet engagement. L’imbrication des forces au sol est de plus en plus marquée, au fur et à mesure que l’étau se resserre sur Daech en Syrie. Il en est de même dans les airs. Les avions de la coalition évoluent désormais quotidiennement dans un mouchoir de poche à proximité des Soukhoï russes et des Mig syriens, tout cela au cœur des systèmes de défense sol-air des forces armées russes et syriennes. Ceci illustre la complexité de la situation dont je ne vais pas ici décrire tous les ressorts. Cela nous conduirait probablement trop loin. Je me limiterai à tirer plusieurs constatations dans le domaine qui est le mien.

Première constatation, les forces aériennes produisent des effets militaires décisifs contre Daech dans cette campagne. Deuxième constatation, il en résulte mécaniquement que les espaces aériens dans lesquels nous opérons sont de plus en plus contestés : moyens de défense sol-air et chasseurs de dernière génération sont au cœur de l’engagement des forces de part et d’autre.

Voilà des années que les responsables des armées de l’air le disent ; il s’agit désormais d’une réalité avec laquelle nous allons devoir compter sur nos théâtres d’opérations. Plusieurs incidents récents, qui auraient pu avoir des conséquences graves et changer la physionomie de cette crise, l’illustrent.

Dernière constatation, l’enjeu du contrôle du terrain est donc lié en réalité à celui du contrôle de l’espace aérien face à des rivaux disposant de capacités symétriques aux nôtres. Il s’agit, sur le plan militaire, d’une tout autre affaire. J’ouvre une parenthèse : dans un conflit de type symétrique, soit vous disposez des instruments de suprématie aérienne et vous avez une chance de l’emporter, soit vous ne les avez pas et vous êtes certain de perdre ! Ceci est démontré historiquement.

Cela impose à nos aviateurs de rester au meilleur niveau, tant en termes d’équipements que de préparation opérationnelle, pour maîtriser des situations potentiellement conflictuelles et continuer de faire peser notre volonté par la voie des airs, sans tomber dans les pièges que ce type de situation pourrait engendrer du fait de la contraction des espaces de manœuvre que je vous ai décrite.

Il est difficile à ce stade de prédire avec certitude l’évolution de cette campagne dans les mois à venir. Après Raqqa, les opérations vont se poursuivre pour éliminer Daech dans la basse vallée de l’Euphrate. La phase de stabilisation qui devrait suivre la chute du califat, sera certainement longue et exigeante en termes de moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR) et d’appui aérien, bien que probablement moins cinétique que ce que nous avons vécu jusqu’à maintenant. C’est du moins l’expérience que nous avons faite sur les théâtres d’opérations précédents en Afghanistan comme au Mali. Il s’agit d’une phase essentielle aux opérations militaires car elle conditionne souvent la reprise du processus politique et diplomatique. Il ne faut donc en sous-estimer ni l’importance, ni la complexité.

Dans ce contexte, je voudrais souligner l’emplacement idéal de notre base aérienne projetée (BAP) en Jordanie qui nous permet de nous adapter à toute évolution de la situation dans la région.

Avec à peine 400 aviateurs, notre base en Jordanie est économique et idéalement placée, ce qui limite le recours à une ressource indispensable et précieuse parce que rare : le ravitaillement en vol. Elle avait en outre permis une réponse politique puissante et instantanée dont nos concitoyens avaient besoin, avec les frappes de rétorsion conduites sur Raqqa dans la nuit qui a suivi les attentats du 13 novembre 2015. Les liens que nous tissons avec la Jordanie contribuent à notre diplomatie de défense dans la région. Enfin, cette BAP nous permet de durer dans un conflit de longue haleine et dispose de larges capacités d’accueil, le porte-avions venant renforcer et soulager périodiquement notre force aérienne à terre. En ce moment nous y accueillons d’ailleurs, pour une période de deux mois, les Rafale de la marine nationale qui opèrent depuis la terre compte tenu de la période d’entretien du porte-avions Charles de Gaulle. Cela nous permet en outre de renforcer les synergies entre l’armée de l’air et l’aéronavale.

J’en viens aux Antilles. Les armées, et l’armée de l’air en particulier, se sont mobilisées pour porter secours et assister les populations en détresse, d’abord à partir de nos implantations outremer en Guyane et en Martinique, mais aussi grâce aux rotations de nos avions de transport depuis la métropole.

Ces opérations impliquent, à l’heure où je vous parle, encore une cinquantaine d’aviateurs. Depuis plus de six semaines, près de 7 000 personnes et 700 tonnes de fret ont été transportées. Jusqu’à 150 aviateurs ont été présents sur le terrain aux côtés de nos camarades de l’armée de terre et de la marine nationale, de la gendarmerie et de la sécurité civile. Nos avions de transport – A340, A400M, CASA – et nos hélicoptères Puma ont réalisé un véritable pont aérien soit depuis la métropole, soit depuis nos emprises en Guyane, Martinique et Guadeloupe, pour acheminer eau potable, vivres, matériel médical, et soulager les populations les plus démunies.

Cette nouvelle opération m’amène à deux constats.

Premièrement, l’importance de nos forces de souveraineté comme échelon de réaction immédiat. Nous sommes sans doute allés trop loin dans leur réduction lors des deux lois de programmation militaire (LPM) précédentes.

Deuxièmement, les théâtres lointains sont accessibles quasi immédiatement depuis la métropole grâce aux moyens modernes de transport aérien stratégique. L’A400M, capable de rallier les Antilles depuis sa base d’Orléans en moins de 10 heures de vol sans escale, a montré toute sa plus-value dans ce type de mission, malgré les défauts de jeunesse de cet appareil qui affectent encore trop souvent la disponibilité de cette flotte et par conséquent nos capacités de projection. Nous pourrons y revenir à l’occasion des questions, si vous le souhaitez. Dans les travaux de la LPM qui viennent de débuter, il faudra donc trouver les bons équilibres entre les forces de souveraineté et les capacités d’intervention immédiate dont nous disposons en métropole.

Par rapport à la situation que je vous avais décrite en juillet dernier, voilà brièvement les évolutions notables que je souhaitais évoquer avec vous concernant les engagements de l’armée de l’air. Durée, intensité, dispersion, diversité, durcissement restent les mots-clefs, soulignés par la revue stratégique d’ailleurs, qui caractérisent nos opérations. Rien ne me permet de penser que ces caractéristiques devraient évoluer à court ou moyen terme.

La réalité de nos engagements se situe bien au-delà de ce que prévoit le modèle issu de la LPM en vigueur : vingt avions de combat projetés au lieu de douze, trois BAP au lieu d’une, quatre théâtres d’opérations au lieu d’un.

Ce niveau d’engagement, somme toute « mesuré » pour un pays comme la France – après tout 20 avions de combat ne constituent pas un volume de force exceptionnel – conduit notre dispositif aux limites de ses possibilités. Il faut comprendre que pour une période limitée dans le temps nous saurions absorber cette surintensité. C’est une situation que nous avons connue à plusieurs reprises, il est vrai avec un format qui était toutefois plus conséquent : pendant la campagne du Kosovo, ou celle de Libye par exemple. À chaque fois ces engagements ne duraient pas plus de six mois. De fait, nous avions pu faire face à l’intensité avant de régénérer les hommes et les équipements.

Les crises que nous vivons aujourd’hui se distinguent des précédentes : outre qu’elles se multiplient, elles sont plus intenses et, surtout, elles durent. Ainsi le nombre d’avions déployés n’est pas représentatif de l’intensité de nos engagements, ni du format à mobiliser pour conduire nos opérations. Je vous donne une illustration. En 2016, à partir de notre seule base déployée en Jordanie, nous avons réalisé environ 7 500 heures de vol d’avions de chasse. Alors que nous n’y avions en moyenne que sept avions déployés, cela représente l’activité annuelle de 85 pilotes aptes aux missions de guerre (en prenant pour hypothèse que chacun de ces pilotes réalise la moitié de son allocation annuelle en opérations, ce que je considère comme tout à fait excessif pour entretenir l’ensemble de leur savoir-faire). 85 pilotes c’est un tiers des capacités actuelles de l’armée de l’air consommé à partir de notre seule base en Jordanie !

C’est ainsi que les déséquilibres organiques s’accumulent et le risque d’effondrement devient réel. C’est bien là que réside l’enjeu des travaux de programmation qui débutent : « restaurer la soutenabilité de nos engagements, investir résolument dans lavenir pour que nos armées puissent faire face aux menaces de demain » pour reprendre les mots de notre ministre devant votre commission il y a quelques jours. Il s’agit d’abord d’une question d’ambition, laquelle a été soulevée dans le cadre des travaux de la revue stratégique.

Comme je l’indiquais en préambule, la revue stratégique qui vient d’être remise au président de la République offre une analyse éclairée de la situation internationale et des menaces, ainsi que des aptitudes à mobiliser pour y faire face. Je ne reviendrai pas sur la dégradation du contexte sécuritaire, ni sur la nécessité qui en résulte de disposer d’un modèle d’armée complet, capable d’agir dans la durée, sur tout le spectre des opérations militaires. Les opérations que je viens de décrire suffisent à démontrer ce que la revue stratégique confirme à son tour.

Nous disposons toutefois, je le souligne, d’une autonomie relative compte tenu de certaines fragilités, notamment dans les domaines du ravitaillement en vol et de la surveillance qui nous contraignent à recourir aux capacités alliées pour conduire nos opérations. Je vous propose plutôt de concentrer mon propos sur les points saillants concernant mon domaine, celui des forces aériennes.

Premièrement, la réaffirmation de l’importance de la maîtrise de l’air et de la capacité à conserver la supériorité aérienne. Je vous l’avais dit en juillet, il s’agit d’un prérequis à toute opération militaire, qu’elle se déroule sur terre, en mer ou dans les airs. L’évolution des conditions d’engagement de nos aéronefs en Syrie illustre ce contexte décrit par la revue stratégique d’espaces aériens devenant de plus en plus contestés, en particulier par la mise en œuvre de stratégies de déni d’accès, y compris sur des théâtres régionaux en raison de la dissémination de ces capacités. La revue stratégique constate également que cette contestation croissante s’étend désormais au domaine spatial, où nous devons préserver également notre liberté d’action. Elle est essentielle, et pas seulement pour les opérations militaires.

Deuxièmement, l’importance de la persistance des actions aériennes. C’est un point que j’estime extrêmement important car il n’est pas naturel pour le milieu aérien en raison de la contrainte d’autonomie que rencontrent les avions. Nos opérations démontrent cette tendance lourde de notre développement, illustrée par exemple par le besoin de permanence de la surveillance au Sahel ou des besoins d’appui aérien au Levant pour contraindre Daech. Cette persistance de nos actions est obtenue par un équilibre entre le recours à des capacités spécifiques (systématisation du ravitaillement en vol, drone de longue endurance) et un nombre d’équipements suffisant.

Troisièmement, la capacité à durer, que je distingue de la persistance des actions aériennes parce qu’elle caractérise surtout la résilience de l’outil militaire, y compris la capacité à régénérer le capital humain et matériel. Je ne développe pas pour en avoir suffisamment parlé.

Quatrièmement, la revue stratégique insiste sur la capacité d’entrée en premier, intrinsèquement liée aux capacités d’actions dans la profondeur de l’aviation de combat.

Je terminerai par l’agilité du système de combat aérien et la question des moyens consacrés à chaque fonction stratégique : dissuasion, protection, intervention. Nous avons fait le choix d’équipements haut du spectre et polyvalents permettant une bascule d’effort rapide. Le même Rafale passe de la posture de dissuasion à la défense aérienne de notre espace aérien ou à une mission de reconnaissance en Libye. Un A400M livre du fret humanitaire aux Antilles un jour et un hélicoptère à Madama au Sahel le lendemain. Ce choix a permis une mutualisation des moyens consacrés à chaque mission et une réduction considérable de nos formats ces dernières années. Aujourd’hui, le nombre total d’équipements, donc le format de notre dispositif, redevient un facteur clef quand le nombre des engagements simultanés ne cesse d’augmenter, tout comme les espaces et les étendues terrestres ou maritimes à surveiller. Nos avions n’ont pas le don d’ubiquité.

L’ensemble de ces aptitudes et considérations constituera des données d’entrée pour la LPM. Parmi les orientations fortes figurant dans la revue stratégique apparaît également l’ambition européenne. Parce que le milieu aérien est naturellement ouvert et partagé, les forces aériennes occidentales ont développé et déjà atteint un niveau de coopération et d’interopérabilité élevé. Cette aptitude à conduire des opérations en commun, à chaque fois que nos autorités politiques l’ont demandé, a été démontrée plusieurs reprises comme lors de la campagne libyenne ou des opérations conduites aujourd’hui au Levant. Je crois pouvoir dire que les armées de l’air européennes sont capables d’opérer ensemble.

Par ailleurs, les initiatives prises à l’échelle européenne afin de mutualiser nos capacités sont nombreuses. Je pense aux accords de défense aérienne que nous avons avec chacun de nos pays limitrophes ou au partage de la situation aérienne et à la mise en œuvre de moyens de commandement et de contrôle des opérations aériennes communs grâce au système de commandement et de contrôle aériens (ACCS) développé à travers l’OTAN. Dans le domaine de la défense aérienne, nous n’avons pas besoin de nous envoyer un ordre d’opérations pour coordonner nos actions lorsqu’un bombardier russe pénètre dans nos approches aériennes. Je pense encore à notre coopération dans le domaine spatial à partir du centre satellitaire de l’UE à Torrejon. Je pense aussi bien sûr à la mise en commun d’une partie de nos flottes de transport aérien au sein du commandement du transport aérien militaire européen basé à Eindhoven. Je pense également aux nombreuses coopérations en cours avec l’armée de l’air allemande : escadron mixte de C-130J à Évreux, formations communes des équipages et mécaniciens A400M, travaux sur le futur de l’aviation de combat, coopération sur le futur drone européen.

La Royal Air Force (RAF) est également un partenaire clef, de longue date en Europe. Nous combattons côte à côte sur les théâtres d’opérations, nous contribuons à la mise en œuvre d’une force d’intervention dans le cadre de la force expéditionnaire commune (CJEF), déclarée opérationnelle en 2016. Nous poursuivons des études dans le domaine des missiles et des drones de combat. Quelles que soient les évolutions politiques au Royaume-Uni, la RAF restera, selon moi, un partenaire clef pour l’armée de l’air et pour la défense de l’Europe.

Tout ceci pour vous dire qu’au niveau des armées de l’air du continent, l’Europe avance. Aussi, il me semble que la défense de l’Europe dépend autant d’une volonté politique commune et des moyens qui lui seront consacrés collectivement.

Pour terminer sur le volet de nos actions conduites à l’international, je dois vous parler de la question du soutien à l’export, que la revue stratégique évoque également. En termes de soutien aux exportations, notamment du Rafale, l’armée de l’air joue un rôle de premier plan. Elle contribue à la promotion des équipements réalisés par notre industrie de défense. Sans l’expérience opérationnelle et les savoir-faire mis en œuvre par l’armée de l’air il n’y aurait pas d’export du Rafale. Elle accompagne ensuite ces marchés par des actions de formation des mécaniciens et des pilotes principalement, en clair des heures de vol de formation. Cela finit par représenter une charge considérable dont les moyens n’ont pas été prévus en programmation militaire. Pour l’année 2018, l’activité chasse réalisée dans ce cadre représentera tout de même près de 10 % de notre activité, l’équivalent de l’activité chasse de l’opération Barkhane. Il s’agit d’une mission à part entière, qui consomme une part très importante de notre activité. Cette mission est pourtant indispensable pour notre pays et le soutien à notre industrie. C’est pourquoi l’armée de l’air doit disposer des moyens nécessaires pour la réussir pleinement sans accroître les déséquilibres organiques dont j’ai déjà parlé. Il s’agit en effet d’heures de vol dont nos pilotes auraient besoin. J’estime que cette mission a été insuffisamment prise en compte dans la LPM en vigueur, notamment en termes de ressources humaines. Cela constituera donc un point de vigilance de ma part dans les travaux de la prochaine LPM.

Ce sujet me permet d’enchaîner sur ce chantier de la LPM dont les travaux débutent au sein du ministère. Je souhaiterais vous présenter les principaux enjeux que j’identifie pour l’armée de l’air et mes priorités.

Il faut commencer par rappeler quelle est la base sur laquelle nous allons bâtir cette nouvelle LPM. Faute de cette analyse nous risquons de prendre des décisions erronées. Face à une forte contrainte budgétaire, la LPM en cours avait fait le choix de préserver un modèle d’armée complet ainsi que notre base industrielle et technologique, au prix d’une série de compromis affectant nos capacités : réductions temporaires de capacités, contraintes sur l’entretien programmé des équipements, report de modernisations, vieillissement de nos équipements ou de l’infrastructure, diminution des stocks de rechanges ou de munitions, notamment.

Un plan de transformation ambitieux et volontariste qui se poursuit encore aujourd’hui a permis à l’armée de l’air de faire face à cette situation, tout en inscrivant ces évolutions majeures dans le cadre d’un projet d’avenir qui a donné un cap et un objectif à tous les hommes et les femmes de l’armée de l’air.

En un mot, nous avons mis des forces en marche, ces forces chères à Saint-Exupéry. Nous avons pris nos responsabilités et continué à avancer avec dynamisme et enthousiasme. Nos succès en opérations ont démontré la pertinence de cette démarche dont je vous avais décrit les grandes lignes en juillet dernier. C’est à ce cadre aux équilibres fragiles que s’est appliquée la pression croissante des opérations à laquelle sont venues s’ajouter les missions de soutien aux marchés export du Rafale, conduisant aujourd’hui à des déséquilibres organiques préoccupants.

Ainsi j’estime que le dispositif de l’armée de l’air souffre davantage d’un retard d’investissement que d’un phénomène d’usure qui en est la conséquence. La pression exercée par le contexte d’engagement opérationnel est venue ensuite en révéler les lacunes.

Voici de façon très schématique, le contexte dans lequel il nous revient de bâtir cette nouvelle LPM. Celle-ci s’inscrit dans une perspective très positive depuis l’annonce par le président de la République d’un accroissement sensible de notre effort de défense consistant à rejoindre d’ici 2025 l’objectif des 2 % du PIB. Cette perspective suscite une forte attente de la part des hommes et des femmes de l’armée de l’air, après des années de restructuration et de déflations d’effectifs. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et du cadre redéfini par la revue stratégique, j’identifie trois enjeux majeurs pour l’armée de l’air dans la prochaine LPM. Premièrement, ce que j’appelle – et je vais faire plaisir au président Bridey – « réparer le présent ». Il s’agit de redonner de la cohérence et de l’épaisseur au modèle existant pour soutenir dans la durée les engagements actuels sans dégradation organique, en comblant les lacunes. Autrement dit, il s’agit de chercher à tirer le meilleur parti du dispositif existant en faisant effort sur les stocks de rechanges ou de munitions, sur l’entretien programmé pour améliorer la disponibilité, sur les ressources humaines, sur les équipements de mission de nos avions dont l’insuffisance limite de façon excessive nos capacités opérationnelles. Ceci permettra, incidemment, et j’y suis très attaché, d’améliorer les conditions de travail de nos hommes et femmes, une part importante des difficultés de fidélisation que nous rencontrons y étant liée selon moi.

Deuxièmement, il faut poursuivre la modernisation de nos flottes. Les opérations que nous conduisons réclament cette adaptation continue tout comme l’évolution des standards d’engagement dans le milieu aérospatial. J’inclus ici bien sûr, le renouvellement de la composante nucléaire aéroportée qui structure celle de notre aviation de chasse.

Troisièmement, à terme, il conviendra de porter progressivement notre format de forces au niveau réclamé par les nouvelles ambitions opérationnelles, qui résultent des niveaux d’engagement constatés depuis plusieurs années. À travers ces trois enjeux, j’identifie trois priorités, que je vous avais déjà exposées en juillet dernier : l’aviation de combat, le ravitaillement en vol, les ressources humaines.

La question du futur de notre aviation de combat est un sujet central, stratégique pour notre défense et plus largement notre pays, car elle constitue à la fois un marqueur de puissance et un enjeu de sécurité. Il s’agit d’un sujet complexe où s’entrelacent de multiples dimensions : politique, stratégique, internationale, technologique, industrielle, capacitaire et budgétaire. Face à cette complexité, il me paraît utile de poser les principales orientations telles que je les vois. À court terme, il s’agit premièrement de renforcer la cohérence, la « densité » opérationnelle du dispositif existant, cela rejoint ce que je viens de vous dire au sujet de la priorité « réparer le présent ». J’estime en outre nécessaire de stabiliser le format de l’aviation de chasse de l’armée de l’air à 215 appareils, pour faire face au niveau d’engagement que nous constatons depuis des années.

Deuxièmement, il faut poursuivre nos efforts de modernisation. Le lancement d’un standard F4 du Rafale est en effet essentiel pour faire face à l’évolution des menaces et maintenir ce chasseur au meilleur niveau sur la scène internationale à l’horizon 2025. Aujourd’hui, le Rafale fait la preuve de sa maturité sur tous les théâtres d’opérations. Il n’a rien à envier à ses concurrents. Demandez aux équipages et aux mécaniciens qui le mettent en œuvre. Il est important de continuer à le moderniser, car l’environnement dans lequel il opère ne cesse d’évoluer. Ainsi nous continuerons à disposer d’un appareil supérieur. J’en suis convaincu.

À moyen terme, c’est-à-dire à partir de 2030, il s’agira de remplacer les Mirage 2000D arrivant en fin de vie par des appareils compatibles avec le futur missile nucléaire de la composante nucléaire aéroportée. J’ouvre une parenthèse pour rappeler l’importance du renouvellement des deux composantes de la dissuasion, décidé par le président de la République. Parfaitement complémentaires l’une de l’autre, toutes deux concourent à l’ensemble des missions de la dissuasion. Je me permets d’insister sur les atouts de la composante aéroportée : crédible et précise, son caractère démonstratif permet le dialogue dissuasif. Son renouvellement constituera donc un jalon incontournable pour notre aviation de combat.

À plus long terme, c’est-à-dire celui du retrait de service des premiers Rafale, il s’agira de construire le système de combat aérien futur qui pourrait être réalisé dans le cadre d’une coopération européenne.

Compte tenu des durées de développement de ce type de programme, des choix importants et engageants sur l’avenir de l’aviation de combat nous attendent à l’horizon 2020‑2022. Les études préparatoires doivent être lancées pour nous permettre d’éclairer ces décisions.

Vous connaissez ma vigilance au sujet du ravitaillement en vol. J’estime que l’âge excessif de la flotte C-135 – plus de 50 ans – expose nos capacités à un risque trop important. L’usage systématique et intensif du ravitaillement en vol dans toutes nos opérations en intervention, mais aussi pour la protection et la dissuasion, rend la sécurisation de cette capacité incontournable. C’est pourquoi je recommande vivement une accélération du calendrier des livraisons des MRTT, nos C-135 étant prévus d’être maintenus en service jusqu’en 2025 en l’état des hypothèses de programmation. Ils auront alors 60 ans ! Par ailleurs, une augmentation de la cible de MRTT avion de ravitaillement et de transport stratégique polyvalent, sera indispensable pour couvrir l’ensemble des besoins de la composante nucléaire aéroportée, de l’aviation de combat et du transport stratégique. Une révision de la cible finale des MRTT à hauteur de 18 appareils me paraît nécessaire au vu des engagements constatés.

Concernant les ressources humaines, je vous avais expliqué en juillet dernier les difficultés auxquelles nous faisons face. J’estime en effet notre modèle en danger. Il s’agit de ma principale préoccupation et de la priorité de mes priorités. Cette situation résulte d’un effort de déflation d’effectifs trop important demandé à l’armée de l’air ces dernières années. Après les mesures prises dans l’actualisation de la LPM et lors du Conseil de défense d’avril 2016, l’armée de l’air, à elle seule, supporte plus de 50 % des réductions d’effectifs du ministère sur la LPM en vigueur. Cette situation est génératrice de tensions sur les rythmes de travail qui induisent à leur tour des problèmes de fidélisation et d’attractivité dans de nombreuses spécialités, comme chez les fusiliers commandos. 70 % des militaires du rang fusilier commando ne vont pas au terme de leur premier contrat. Chez les spécialistes des systèmes d’information, nous n’arrivons à recruter que 60 % du personnel requis.

Les domaines du renseignement, des mécaniciens aéronautiques, des contrôleurs aériens, des spécialistes des infrastructures de nos bases projetées et de l’armement des centres de commandement font l’objet de difficultés comparables, d’autant qu’il s’agit souvent de spécialités de haut niveau soumises à une forte concurrence du secteur privé.

Le rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) du 6 octobre 2017 confirme ces difficultés ainsi que les problèmes de fidélisation que nous rencontrons. Il est urgent de casser ce cercle vicieux.

La réponse doit être globale et nécessite une attention toute particulière aux conditions de vie et de travail de nos soldats, ainsi qu’à leurs familles. À ce propos, je salue la démarche conduite par notre ministre dans le cadre du « plan familles ». Elle me paraît essentielle.

Mon principal point d’attention concerne l’insuffisance des effectifs. Mon état-major étudie actuellement tous les leviers possibles pour dégager des marges de manœuvre et tenter de résoudre cette très difficile problématique. La poursuite de notre transformation, conduite dans le cadre du plan Unis pour faire face, va incontestablement nous y aider. Je pense notamment aux chantiers de simplification que j’ai lancés. Ils doivent permettre d’alléger la charge que font peser sur nos hommes et femmes de nombreux processus qui ont un peu eu tendance à se « sédimenter ». J’estime toutefois que les marges restantes sont désormais réduites compte tenu des très nombreuses restructurations et optimisations déjà conduites ces dernières années : 17 bases aériennes fermées depuis 2008, et la suppression de la moitié des commandements et directions. Je n’exclus par conséquent aucune voie pour résoudre mes problèmes.

Voilà donc les points essentiels dont je souhaitais vous faire part pour cette nouvelle LPM. Mes priorités s’inscrivent parfaitement dans la volonté de remontée en puissance du président de la République permise par l’ambition budgétaire des 2 % du PIB qui l’accompagne. Vous l’avez compris, cette ambition répondra à mon besoin de responsable militaire de mettre un terme aux lacunes que je constate et qui conduisent au processus implacable d’usure des hommes. Il s’agit tout simplement d’une question de cohérence entre les ambitions et les moyens, et c’est bien cette cohérence que j’aspire à rétablir en priorité.

C’est dans ce cadre opérationnel, capacitaire et budgétaire que s’inscrit le projet de loi de finances pour l’année 2018. Ce budget est en augmentation sensible par rapport à 2017. Il s’agit d’un budget à la hauteur des engagements pris ces dernières années et qui traduit les décisions prises dans la LPM actualisée et celles du conseil de défense du 6 avril 2016, augmenté des mesures relatives à la condition du personnel prises à l’été 2016 et d’un effort pour la protection de nos forces. Plus important encore, le PLF 2018 inscrit la défense sur la trajectoire des 2 % du PIB.

Je m’apprête maintenant à vous en décrire les principales dispositions concernant l’armée de l’air. Que ce soit en raison des livraisons attendues pour certaines depuis très longtemps ou des commandes vitales à réaliser en 2018, je voudrais vous convaincre que ce projet de budget est capital, et je pèse mes mots, pour l’armée de l’air car il concerne toutes nos capacités centrales : ravitaillement en vol, avec l’arrivée du tout premier MRTT et la commande des trois derniers prévus au titre de la cible des 12 de la LPM en vigueur – j’ai déjà rappelé toute l’importance de cette capacité – ; concernant l’aviation de chasse, commande des kits de rénovation de 55 Mirage 2000D sans lesquels nos avions ne disposeront plus de capacité d’autoprotection et devront faire face à des obsolescences rédhibitoires dès 2022, rétrocession des trois Rafale prélevés et livrés finalement à l’Égypte en 2016 et lancement du standard F4 du Rafale dont je viens de vous présenter l’importance ; dans le domaine du transport aérien dont vous connaissez les fragilités, livraison de deux A400M supplémentaires et du deuxième C-130J complétant le premier qui devrait nous être livré d’ici la fin 2017. J’observerai avec attention la montée en puissance de cette nouvelle flotte dans l’armée de l’air, compte tenu des difficultés rencontrées par l’A400M ; s’agissant du renseignement aéroporté, livraison du premier avion léger de surveillance et de reconnaissance que nous sommes aujourd’hui contraints de louer à des sociétés privées pour soutenir nos opérations, lancement du programme de recueil de renseignement électro‑magnétique CUGE, central pour les capacités de guerre électronique de toutes les armées, et qui a vocation à remplacer les Transall Gabriel qui devront être retirés du service en 2023 compte tenu de leur âge, c’est‑à‑dire demain ; concernant le renforcement de nos capacités de protection du territoire national, réception de nouveaux radars de dernière génération – dans ce domaine je suis toujours autant préoccupé par les difficultés rencontrées par le programme ACCS conduit avec l’OTAN ; dans le domaine de la formation, réception sur la base aérienne de Cognac des huit premiers PC 21, indispensables autant pour moderniser la formation de nos pilotes de chasse que pour initier la profonde manœuvre de restructurations qui verra d’ici 2021 l’arrêt de l’activité Alpha Jet et la fermeture de la plateforme aéronautique de la base aérienne de Tours ; concernant enfin les munitions, livraison du tout nouveau missile air/air METEOR qui apportera une amélioration déterminante à la capacité d’interception du Rafale, lancement du programme « successeur MICA » sans lequel nos avions ne disposeront plus de missiles d’autoprotection à partir de 2024 – ; en ce qui concerne les munitions air/sol, l’effort se poursuit après les alertes concernant le niveau de nos stocks de bombes compte tenu de la consommation constatée au Levant, je considère la situation sous contrôle pour les bombes de 250 kg. Je continuerai toutefois à demander l’intégration de l’AASM sous M2000D et de la GBU49 sous Rafale pour faciliter nos opérations. Je trouve en effet cette ségrégation des stocks par type d’avion contraire au bon sens élémentaire, et je pèse mes mots. Je pense également nécessaire de nous préoccuper de l’acquisition de bombes de 500 et 1000 kg, dotées de capacité tout temps.

Après cette énumération probablement un peu fastidieuse, MRTT, Rafale, Mirage 2000D, ALSR, CUGE, A400M, C130J, PC21, munitions, vous comprenez probablement mieux pourquoi j’ai absolument besoin d’une exécution stricte de ce budget 2018.

Sur le plan de la préparation opérationnelle, la remontée vers les normes d’activité se poursuivra en 2018. Pour cette année, nous prévoyons respectivement 170 heures de vol par pilote de chasse, 194 pour les équipages d’hélicoptère et 280 pour les équipages de transport, soit 5 % d’activité en plus pour la chasse et 10 % pour le transport par rapport à 2017. Cette progression s’ajoute à celles constatées les années précédentes. Elle me paraît remarquable si l’on considère la pression, non anticipée en programmation, qu’exercent nos opérations sur le système du maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique. L’activité chasse en opérations a presque triplé en cinq ans. Elle est le fruit des efforts de modernisation du MCO aéronautique conduits en interne depuis plusieurs mois ainsi que celui du coup de pouce accordé aux crédits d’entretien programmé du matériel (EPM) lors de l’actualisation de la LPM. Cette activité reste néanmoins en deçà des normes d’entraînement reconnues par l’OTAN. Elle cache par ailleurs des déséquilibres préoccupants.

D’une part une grande partie de cette activité est réalisée en OPEX, plus de 50 % pour de nombreux équipages Rafale. D’autre part, s’ajoute la charge de soutien à l’export dont j’ai déjà parlé. Tout cela limite la part d’activité consacrée à l’entraînement et à la formation des plus jeunes, qui accusent d’importants retards de progression. Je constate en effet un allongement des formations de nos équipages de l’ordre de 30 %, ce qui illustre l’érosion organique dont je vous parlais.

Tout cela impacte également la qualité de cet entraînement. Je manque cruellement d’équipements de missions comme les nacelles de désignation laser, majoritairement déployées en opérations. La situation est tout aussi préoccupante dans le transport aérien. La disponibilité de nos flottes et les engagements opérationnels ne permettent plus de maintenir les compétences des équipages. Aussi, seule une poignée d’entre eux maîtrise encore certains savoir-faire de haut niveau tels que l’atterrissage sur terrain sommaire, la livraison par air ou la conduite d’une opération aéroportée.

Ce point sur l’activité m’amène à évoquer avec vous les perspectives du MCO aéronautique. Tout d’abord, je fais deux constats : la situation de certaines flottes est objectivement mauvaise ; ce n’est toutefois pas le cas de toutes les flottes (exemple de l’aviation de chasse). Je constate également qu’à un niveau macroscopique, le MCO aéronautique réalise une performance supérieure à celle prévue par la LPM, malgré la pression opérationnelle et la charge de soutien à l’export que les choix de programmation n’avaient pas anticipé. Je viens de vous en fournir plusieurs illustrations.

Compte tenu des enjeux considérables, budgétaires et opérationnels, portés par le maintien en condition opérationnelle des équipements aéronautiques je voudrais vous faire part de quelques convictions. Première conviction, le pilotage du MCO par le facteur opérationnel est celui qui a permis la remontée d’activité. C’est pourquoi je pense nécessaire d’être prudent concernant toute approche fonctionnelle qui éloignerait la finalité opérationnelle du pilotage du MCO.

Deuxième conviction, la performance du MCO dépend aussi – et peut-être surtout – des choix de programmation : l’âge des parcs, le manque de pièces de rechange, l’absence d’appareils en volant de gestion, l’insuffisance des ressources humaines et des crédits d’entretien programmés, les immobilisations pour chantier de retrofit pèsent sur la disponibilité des flottes. Un exemple parmi d’autres : la charge de maintenance de nos vieux C-135 a doublé ces dix dernières années, passant de 20 heures à 40 heures de maintenance par heure de vol réalisée, générant une pression considérable sur le personnel de maintenance. Nous arrivons en limite de ce que nous pouvons faire.

Troisième conviction, les équipements récents ont un coût de soutien plus élevé, parce que leurs performances sont supérieures. Il ne faut pas aujourd’hui regretter la conséquence de nos choix. Par ailleurs, nous n’avons probablement pas suffisamment accordé d’attention à ce facteur dans la conception de nos programmes d’armement. Il s’agit là d’un axe de progrès mais dont les effets ne se feront sentir qu’à long terme.

Quatrième conviction, les opérations pèsent sur la performance du MCO : usure accélérée compte tenu de la sévérité des conditions d’emploi (C-130, hélicoptères, CASA), consommation de potentiel accélérée, attrition au combat (Caracal), dispersion des ressources logistiques et de maintenance (quatre BAP).

Cinquième conviction, si nous avons certainement des progrès à faire en interne du ministère, certains industriels sont défaillants dans leur performance.

Sixième conviction, il n’y a pas un sujet MCO aéronautique, il y a autant de sujets qu’il y a de flottes. La situation de la flotte A400M n’a rien de comparable à celle du Tigre ou de l’ATL2.

Septième conviction, les temps du MCO sont longs : les effets de l’effort sur l’EPM dans l’actualisation de la LPM en 2015 ne se feront sentir qu’à partir de 2018 : cinq ans pour engranger les effets de la modification du plan de maintenance du Tigre, deux ans entre la commande et la livraison d’un réacteur ou d’un radar Rafale. Ainsi il faut donner de la sérénité à ce système et se mettre en situation de mesurer les effets des réformes entreprises depuis plusieurs mois.

Je peux vous garantir que tous les acteurs sont mobilisés pour améliorer la performance globale du MCO aéronautique, et en particulier la disponibilité des flottes en situation critique.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire plusieurs axes d’amélioration sont d’ores et déjà identifiés : amélioration de la gouvernance haute consistant à renforcer le rôle de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère la Défense (SIMMAD), meilleure approche du soutien d’une flotte sur la totalité de son cycle de vie, effort de simplification en matière de navigabilité, développement de systèmes d’information performants et surtout commun à tous les acteurs – ce n’est pas le cas aujourd’hui –, politique contractuelle visant à réduire le nombre de contrats et inciter à une meilleure performance industrielle, élaboration de plans spécifiques pour les flottes critiques.

Mais au-delà de tous ces axes, je reste convaincu que les choix de la LPM seront primordiaux pour définir le niveau d’EPM et les ressources humaines garantissant les équilibres. Les conclusions du rapport d’audit demandé par la ministre contribueront enfin à nous aider à renforcer et à accélérer ce processus d’amélioration.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, au terme de cette présentation de ses enjeux, j’estime que le projet de loi de finances 2018, dont l’exécution parfaite est essentielle pour l’armée de l’air pour les raisons que j’ai indiquées, manifeste une ambition politique claire, celle de l’amorce d’une remontée en puissance, à condition toutefois de bien mettre à disposition du ministère toutes les ressources prévues d’ici la fin d’année 2017. Nous savons tous que la réussite de l’exercice 2018 dépend des conditions de sortie de 2017 dont la fin de gestion est toujours et encore porteuse d’enjeux considérables. Je pense notamment à la couverture de la fin des surcoûts OPEX restants et au déblocage de crédits encore gelés, dont l’absence pèserait lourdement sur l’équipement de nos forces.

Quant à l’impact des annulations de crédits à hauteur de 850 millions d’euros, et je pense anticiper vos questions, je l’estime modéré pour l’armée de l’air. En effet, aux côtés des mesures financières prises par le ministère afin de limiter l’impact physique immédiat de cette annulation, des mesures de report de plusieurs opérations d’équipement ont été prises. Pour l’armée de l’air, il s’agit principalement du décalage d’environ six mois de la commande des kits de rénovation des Mirage 2000D, sans conséquence sur les livraisons finales, du décalage de compléments capacitaires pour les avions légers de surveillance, du report de la commande d’un hélicoptère Caracal, du report de la commande de la charge utile ROEM sur drone MALE en raison du retard pris par cette opération.

Voilà pourquoi je considère que l’impact des annulations de crédits est limité pour l’armée de l’air, à condition de commander le Caracal au premier semestre 2018. En effet, sur une flotte Caracal réduite de 18 machines, réparties entre l’armée de l’air et l’armée de terre, deux ont été détruites en opérations. Une seule d’entre elles sera réparée au cours d’un chantier qui durera au minimum deux ans, l’autre doit être remplacée. Or ces machines constituent une composante essentielle de nos forces spéciales en particulier pour les opérations conduites au Sahel. C’est la raison pour laquelle le décalage de cette commande ne peut excéder quelques mois.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais saluer le courage des hommes et des femmes de l’armée de l’air. Le courage de ce pilote qui délivre de l’armement de précision sur les positions de Daech en Syrie, ce même pilote qui décide, quelques jours plus tard, de ne pas ouvrir le feu en Irak parce qu’il juge que les conditions ne sont pas réunies. Décision difficile à prendre dans le feu de l’action et alors que des vies sont en jeu – je sais de quoi je parle. Le courage de ce jeune réserviste, en patrouille à l’aéroport d’Orly, qui neutralise un terroriste qui s’attaque à son équipier et tente de lui prendre son arme. Je l’ai décoré le 22 septembre dernier dans la cour d’honneur des Invalides. C’est aussi le courage de cette convoyeuse de l’air qui fait face au rapatriement dans l’urgence de familles traumatisées, qui ont tout perdu suite au passage du cyclone Irma sur l’île de Saint-Martin. C’est encore le courage de ces pompiers de l’air qui interviennent à la demande du préfet, en renfort des équipes civiles pour circonscrire un incendie qui menace le sud de la ville d’Istres et qui permettra de sauver des flammes tout un quartier.

Alors que j’ai surtout parlé d’équipements, de commandes et de livraisons, de taux et normes d’activité, de crédits d’EPM, d’annulation ou de reports de crédit, et autre barbarismes technocratiques, je souhaiterais que nous conservions à l’esprit qu’au bout de tout ceci il y a des hommes et des femmes qui risquent leur vie et combattent pour la protection des Français.

J’ai en particulier une pensée pour cet aviateur grièvement blessé aux côtés de ses frères d’armes le week-end dernier, suite au crash d’un avion de transport en Côte d’Ivoire, alors qu’il était engagé dans nos opérations au Sahel. Il faut être convaincu que nos succès en opérations, mais également que les efforts considérables d’adaptation conduits par l’armée de l’air en ordre et avec responsabilité ces dernières années reposent sur leurs épaules, sur leur sens de l’engagement et surtout sur la gratuité de cet engagement. La satisfaction de servir leur suffit. Il ne faut pas que cela devienne un prétexte pour ne pas compenser ce qu’ils nous donnent.

Ces succès reposent également sur leurs familles qui endurent les restructurations, les longues absences, les départs avec un préavis de quelques heures à l’autre bout du monde, le doute, les blessures et parfois les disparitions dramatiques. Nos familles doivent être solides. Elles font intrinsèquement partie de notre force au combat.

Ces succès reposent  aussi sur notre force morale et les valeurs que nous portons et que nous transmettons aux jeunes qui rejoignent notre institution ou ceux qui nous approchent et en direction desquels j’ai pris de nombreuses initiatives pour transmettre ce que nous estimons être une richesse.

C’est pour l’ensemble de ces raisons aussi que je suis tant préoccupé par les difficultés rencontrées au quotidien et qui conduisent un trop grand nombre de nos hommes et femmes à préférer quitter l’armée de l’air. J’estime que nous perdrions l’essentiel et c’est irrattrapable. Il y a urgence.

Ces hommes et ces femmes font la fierté de notre pays et méritent la reconnaissance de la Nation entière. Ils sont ma source principale d’attention, de fierté et de préoccupation. Je tenais à terminer mon propos en leur rendant un hommage appuyé.

Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez compter sur leur professionnalisme, leur générosité, leur engagement et leur sens du devoir au service de nos compatriotes, au service de la France. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. le président. Merci Mon général pour ce propos liminaire et en particulier, pour les dernières pages consacrées à vos femmes et à vos hommes, à leur courage, à leur engagement. Au nom des membres de la commission et en mon nom personnel, je tiens à dire que nous sommes conscients de la réalité de l’engagement de tous nos soldats et que nous serons particulièrement attentifs dans nos propositions à l’amélioration des conditions de travail, ainsi qu’à leurs familles, afin qu’ils puissent s’épanouir dans l’exercice de leurs missions. Mes chers collègues, nous avons déjà dix-huit questions ! Je pense que nous nous en tiendrons là ! Je demande à nouveau à ce que vous vous en teniez à une minute de prise de parole afin de laisser un maximum de temps pour la réponse. Notre rapporteur pour avis sur les crédits de l’armée de l’air est exempté de cette règle mais il va toutefois faire au plus court, n’est-ce pas ?

M. Jean-Jacques Ferrara. Mon général, je tiens à vous remercier pour la clarté de vos propos et votre franchise. Nous avons déjà eu maintes fois l’occasion d’échanger dans le cadre de mon avis sur les crédits de l’armée de l’air. Pouvez-vous toutefois approfondir votre propos sur les enjeux d’avenir, sur les conséquences liées à l’intensité et à la durée de notre engagement, ainsi que sur l’impérieuse nécessité de « réparer le présent » ? À propos de l’aviation de chasse, à laquelle je consacre la partie thématique de mon avis, quelles sont, selon vous, les difficultés les plus criantes et les besoins les plus urgents ? En particulier, concernant le format de cette aviation de chasse, vous jugez nécessaire de stabiliser le format à 215 appareils pour l’armée de l’air. Cela suppose-t-il de commander de nouveaux Rafale pour remplacer les avions retirés du service ? Vous avez évoqué ensuite les besoins de renouvellement des équipements dits « missionnels », comme les pods (nacelles équipées de capteurs d’images), ainsi que les besoins de formation et d’entraînement des pilotes. Quel est le degré d’urgence de ces besoins ? Du fait de l’importante contribution de l’armée de l’air aux déflations d’effectifs, comment parvenez-vous à remplir vos missions avec un nombre de fusiliers-commandos – chargés d’assurer la sécurité des installations – et de mécaniciens réduit ? Enfin, pour conclure, puisqu’il m’a été accordé de me rendre sur plusieurs bases en métropole et à l’étranger, je m’associe pleinement aux propos que vous avez tenus à l’adresse de l’ensemble des aviateurs pour leur engagement et leur professionnalisme. Sans être moi‑même militaire ou aviateur, j’ai été touché de ce que vous avez dit de l’ensemble des personnels et je voudrais vous interroger de manière très générale sur leur moral.

Mme Marianne Dubois. L’armée de l’air a été précurseure en accueillant dès 2013 des cadets de la défense sur la base aérienne 105 d’Évreux, dans le cadre du plan « Égalité des chances » qui associe le ministère des Armées et celui de l’Éducation nationale. En 2015, avec mon collègue Joaquim Pueyo, nous avons pu mesurer le succès de ce dispositif en allant à la rencontre de ces jeunes « cadets », ainsi que des cadres militaires et de l’éducation nationale. Il y avait déjà beaucoup plus de demandes que de places disponibles. Dans le contexte actuel de réflexion sur un service national universel, j’aurais aimé avoir votre avis sur ce dispositif. Peut-il être aisément élargi ? Peut-il trouver sa place dans un service national nouvelle version ?

M. Bastien Lachaud. La presse s’est fait l’écho d’une affaire relative à la sous‑traitance de vols de transport stratégique cette semaine, mettant en évidence notre situation de dépendance, dépendance que vous avez d’ailleurs évoquée en parlant du programme A400M. Pouvez-vous nous apporter des éléments précis, d’autant plus nécessaires que ces vols sous-traités représentent près de 15 % du budget des opérations extérieures ? Le budget 2018 et la LPM nous permettront-ils de retrouver une autonomie en la matière ? Question subsidiaire : quel est l’impact de l’annulation de crédits à hauteur de 850 millions d’euros décidée en juillet sur l’armée de l’air et est-ce que le budget 2018 remédie aux éventuelles lacunes ?

M. Stéphane Demilly. Je prolonge la question posée par mon collègue Lachaud. En mars dernier, un rapport d’information de notre collègue François Cornut-Gentille a souligné la trop grande dépendance de l’armée française en matière de transport stratégique. Notre armée a en effet recours à la location de gros-porteurs – des Antonov 124 – sur le marché privé, trop souvent à un prix galopant : 67 000 euros l’heure de vol, ce qui a attiré l’attention du parquet financier. Il faut naturellement laisser la justice faire son travail mais je souhaite vous interroger sur la stratégie de la France pour réduire la dépendance de notre pays à l’égard d’entreprises étrangères comme ICS ou de certaines agences de l’OTAN. Quel est votre sentiment sur cette fragilité ? Quelles sont vos demandes pour, là encore, « réparer le présent » ?

Général André Lanata. Monsieur Ferrara, je vous remercie de l’attention que vous portez à l’aviation de chasse. Comme vous le savez nous continuons à en réduire le format actuellement en tentant de préserver les équilibres organiques essentiels entre les heures de vol consacrées aux missions opérationnelles qui nous sont demandées, à l’entraînement des équipages et au soutien à l’export. Je rappelle que les Mirage 2000N seront retirés du service l’an prochain, les Mirage 2000C en 2021, les Mirage 2000-5 en 2025 et les Mirage 2000D vers 2030.

Lorsque la pression opérationnelle dépasse les équilibres prévus dans la LPM et s’installe dans la durée, malgré les très nombreuses mesures prises en interne pour en atténuer les conséquences, l’entraînement et la formation se dégradent, ce qui finit par impacter nos capacités opérationnelles. Si l’entraînement est insuffisant, le nombre d’équipages formés, capables de conduire les missions opérationnelles, diminue progressivement. J’estime en perdre environ quatre à cinq chaque année actuellement, l’équivalent d’un escadron de chasse en quatre à cinq ans. Il en résulte que les déséquilibres s’aggravent. Nous sommes ainsi entrés dans un cercle vicieux dont il ne sera possible de sortir qu’en produisant un volume d’heures de vol suffisant pour réaliser à la fois les missions opérationnelles, le soutien à l’export et garantir le niveau d’entraînement. Voilà pourquoi je pense qu’il ne faut pas réduire davantage le format dont nous disposons aujourd’hui. Dans le précédent Livre blanc le format de l’aviation de chasse avait été arrêté à 225 avions de chasse, dont une quarantaine réservée à la marine et 185 pour l’armée de l’air. Cet objectif devait être atteint après le retrait de service des Mirage 2000N et des Mirage 2000C donc à l’horizon 2021. Je demande de porter ce format de 185 appareils réservés à l’armée de l’air à 215 avions de chasse.

Pour atteindre cet objectif et préserver ces équilibres organiques cruciaux, nous devons travailler sur plusieurs axes. J’en propose deux. En premier lieu, pour atténuer l’impact budgétaire tout en stabilisant le format, il est sans doute possible, dans l’immédiat, de prolonger un peu plus les flottes les plus anciennes tout en modernisant quelques Mirage 2000D en complément des 55 déjà prévus. L’autre levier sur lequel je souhaite m’appuyer, repose sur le principe de « réparation du présent » que j’évoquais plus tôt. En raison des multiples économies réalisées sur l’entretien du matériel, sur les équipements de mission des appareils, sur le nombre de mécaniciens, sur les pièces de rechange, j’estime que nous n’exploitons pas les possibilités de notre flotte à 100 %. Par exemple lorsque certains équipements de mission manquent comme les nacelles de désignation laser, les antennes radar des Rafale, les systèmes optroniques, il n’est pas possible d’entraîner les équipages dans tout le spectre des missions.

Je rappelle également que la réduction du format à 185 appareils, rendue possible par une large mutualisation des contrats opérationnels, devait s’accompagner du passage à une flotte polyvalente où chaque avion était capable de réaliser toutes les missions indifféremment. Pas de mutualisation des contrats sans polyvalence ! Le passage progressif au Rafale qui est un avion totalement polyvalent et une modernisation ambitieuse du Mirage 2000D, devaient nous permettre d’y parvenir. Nous n’en sommes malheureusement pas là aujourd’hui et pour de nombreuses années. La flotte de chasse de l’armée de l’air est composée pour plus de la moitié de Mirage 2000 dans différentes versions. La modernisation du Mirage 2000D a été réalisée a minima ce que je regrette. De fait nous ne disposerons pas de capacité air-air sur cet avion par exemple. Les autres Mirage 2000 ont des capacités air-sol très limitées. Donc avant d’atteindre le format polyvalent « type Rafale » qu’imposent la contraction des formats et la mutualisation des contrats opérationnels, commençons par exploiter au mieux les potentialités de la flotte actuelle !

Je serai très attentif à ce que le phénomène de retard de formation que nous connaissons actuellement ne nous fasse pas perdre de savoir-faire. Ce serait inacceptable car ce sont ces savoir-faire qui font la différence sur les théâtres d’opérations ou pour exporter le Rafale. Le volet « ressources humaines » est à cet égard, très important. Du fait de la tension sur les effectifs de mécaniciens, un certain nombre d’avions est immobilisé en attente de réparation. Lorsque nous avions élaboré nos plans de déflation, nous avions fait des hypothèses sur le nombre de mécaniciens nécessaires à la maintenance de nos aéronefs. Ces hypothèses se sont révélées trop ambitieuses, par exemple pour le C135 ou l’A400M. Pour le Rafale, nous avions prévu sept mécaniciens par avion alors qu’en réalité, il en faut 12. Face à l’ensemble de ces tensions, je rencontre des difficultés de fidélisation du personnel. Ce phénomène est aussi lié aux forts besoins de recrutement de l’industrie aéronautique, qui est en mesure de proposer des conditions de rémunération bien supérieures. Voilà pourquoi ma priorité, consiste d’abord à « réparer le présent » : il faut retrouver de la cohérence opérationnelle, limiter les déséquilibres organiques dont je parle. Ces dispositions et en particulier le rétablissement de la cohérence auront en outre un impact extrêmement favorable sur le moral du personnel.

Le moral des aviateurs est toujours tiré par nos opérations, qui donnent du sens à notre action. Il s’agit là d’un facteur très important pour la motivation du personnel. En opération nos hommes et nos femmes disposent en outre des ressources nécessaires pour conduire leur mission sans les soucis des « bases à l’arrière ». En revanche, sur nos bases en métropole, les difficultés sont davantage présentes, en lien avec la situation que je viens d’évoquer auxquelles s’ajoutent les difficultés rencontrées par les soutiens ou l’état de nos infrastructures. Le moral est donc beaucoup plus mitigé en métropole, nos problèmes de fidélisation sont révélateurs à cet égard. Il y a une vraie dualité aujourd’hui entre la situation en opération et la situation sur nos bases métropoles.

Madame Dubois, s’agissant des cadets de la défense sur la base aérienne d’Évreux, je voudrais vous dire toute l’importance que j’attache aux actions conduites en faveur de la jeunesse. Les armées transmettent ce qu’elles estiment être une richesse, alors que le besoin s’en fait sentir dans la Nation. Ce sont les mêmes valeurs que nous transmettons en interne aux jeunes en formation qui nous ont rejoints. Mais j’ai aussi demandé à mes bases aériennes de trouver les moyens de rayonner dans leur environnement parce que je perçois cette attente de la part de la jeunesse. Nous avons ainsi pris plusieurs initiatives : le brevet d’initiation aéronautique, l’augmentation du nombre de classes à l’école de Saintes, la montée en puissance des jeunes dans la réserve, le tutorat mis en place à Salon-de-Provence où de jeunes officiers s’en vont donner des cours de soutien à des jeunes en difficulté. Cela se révèle profitable tant à ces élèves qu’à mes jeunes officiers qui vont ainsi se former à la transmission et à l’encadrement. J’ai également demandé à ce que l’on réfléchisse au développement de l’apprentissage dans nos ateliers de maintenance aéronautique grâce à des partenariats avec les collectivités territoriales, les acteurs économiques locaux, dans une logique de bassin d’emploi tournée vers le milieu aéronautique. Toutes ces initiatives sont pragmatiques, proches du terrain et me semblent devoir et pouvoir être multipliées. Cela procède me semble‑t-il, de la même intention, du même objectif que celui poursuivi avec le service national universel (SNU).

Je note que le regard des jeunes change véritablement quand vous les considérez et que vous leur portez de l’attention. Il s’agit là d’une chose que nous savons bien faire dans les armées car notre efficacité repose sur la cohésion et sur la confiance réciproque entre le chef et ses subordonnés, des valeurs qui sont indispensables lorsqu’il faut aller au combat. Pour s’occuper des jeunes il faut aussi du personnel dévoué. Pour conduire les initiatives que je vous ai décrites des hommes et des femmes dans l’armée de l’air, en dehors de leurs heures de travail, passent leurs week-ends à s’occuper des jeunes. Évidemment il y a aussi des gens dévoués ailleurs que dans les armées pour assurer ce qui me semble être un devoir national, si nous nous accordons sur ce besoin de renforcer la cohésion nationale par des actions en faveur de la jeunesse. Au niveau de l’armée de l’air nous pourrions faire davantage, naturellement, mais il ne faut pas que cela affecte nos capacités opérationnelles. Telle doit être la limite à mon sens.

En matière de transport aérien, je distingue de façon schématique le transport stratégique qui est principalement logistique, du transport tactique. Le transport tactique, est celui qui permet de mener des opérations de guerre sur les théâtres d’opérations. Il nécessite des savoir-faire de haut-niveau : opération aéroportée, atterrissage sur terrain sommaire, pénétration à basse altitude, etc. À supposer que ce soit politiquement et éthiquement acceptable, il n’y a pas, dans ce domaine, d’offre du secteur privé. Des moyens militaires, les nôtres, ou éventuellement ceux de nos alliés, sont donc indispensables. Pour le transport stratégique/logistique, en revanche, il existe une offre privée et comme nos capacités sont insuffisantes, il est pertinent d’y avoir recours. Il faut alors trouver le bon modèle qui préserve un niveau d’autonomie suffisant. Nous avons besoin, par exemple, de cette autonomie lors du déclenchement d’une opération – rappelons que le marché ne répond pas forcément immédiatement à la demande parce que nous ne sommes pas les seuls, en général à chercher ce type de capacités lorsqu’un conflit se déclenche, les lacunes en matière de transport aérien étant assez largement répandues au niveau européen.

Aujourd’hui nous sommes objectivement dans une situation de dépendance et contraints d’avoir recours à ces moyens extérieurs. Cette situation est la conséquence de nos choix antérieurs. Je rappelle en outre que nous ne disposons pas aujourd’hui d’un appareil capable de transporter des équipements hors gabarits, ou plusieurs blindés ou hélicoptères simultanément par exemple, ce qui est indispensable lorsqu’une crise se déclenche. Nous renforçons toutefois actuellement nos capacités avec l’A400M. Malgré la faible disponibilité de cette flotte et l’insuffisance de ses capacités tactiques, autant de choses que je regrette, l’A400M démontre ses performances remarquables comme nous l’avons constaté lors de la crise Irma. L’arrivée prochaine des avions multi-rôle MRTT (ravitaillement et transport) y contribuera également. Pour résumer, il faudra donc trouver dans la LPM, les bons équilibres entre les capacités dont nous disposons en propre et les capacités que nous serons toutefois toujours contraints d’aller chercher dans le secteur privé. Il me semble qu’il serait, en effet, déraisonnable sur le plan économique de vouloir couvrir tous les scénarios de déclenchement des crises avec nos propres moyens, sauf à se doter d’une flotte pléthorique qui ne serait employée qu’une part très limitée du temps. Ceci étant précisé, nous sommes certainement allés trop loin en retardant à l’excès le renouvellement de nos flottes. Nous avons une fragilité historique à combler. C’est en cours avec les programmes A400M et MRTT.

Le recours au marché civil a évidemment un coût, mais c’est aussi celui des investissements que nous avons choisi de ne pas faire. Je ne m’exprimerai pas sur l’enquête en cours relative aux éventuelles irrégularités dans la passation de ces marchés, l’organisme en charge de ces sujets n’étant pas sous ma responsabilité.

Aussi, je recommande de réaliser une étude économique pour répondre à deux questions. D’abord, quel niveau d’autonomie souhaitons-nous pour la France dans ce domaine ? Ensuite, quel est l’état du marché civil : l’offre est-elle pérenne et nous garantit‑elle, en toutes circonstances, l’accès à des capacités de transport stratégique à un coût satisfaisant ?

Monsieur Lachaud m’a interrogé sur les annulations de crédits à hauteur de 850 millions d’euros. Je vous ai déjà dit que j’estimais les conséquences modérées à court terme. Il faudra, le moment venu, reconstituer la trésorerie prélevée ici ou là. Ce travail est en cours dans le cadre des travaux de la LPM. Sur les mesures physiques qui concernent directement l’armée de l’air, j’ai parlé du décalage de la commande d’équipements de rénovation du Mirage 2000D, d’un complément de capacité sur l’avion léger de surveillance et de reconnaissance, de la charge utile renseignement d’origine électromagnétique et de la commande d’un hélicoptère Caracal. Objectivement, tout cela est gérable. Il y aura de légers décalages pour les premières livraisons des Mirage 2000D rénovés sans conséquence sur les livraisons finales. Nous sommes en cours de négociation avec l’industriel. Sur le programme d’avion de surveillance léger de reconnaissance, c’est un capteur qui arrivera plus tard. Cette mesure ne nous empêchera pas de commencer à exploiter nos ALSR. Sur la charge utile ROEM, le retard pris côté américain ne nous aurait pas permis de conclure en 2018. En revanche, un décalage de six mois est acceptable sur l’hélicoptère Caracal, mais pas au-delà. Il faut absolument le commander en 2018, car cette flotte est indispensable pour nos opérations spéciales et sa situation est préoccupante compte tenu de l’attrition dont elle a été l’objet au combat. Il me paraît indispensable, a minima, de remplacer les machines détruites en opération.

M. Laurent Furst. Je souhaitais compléter la question sur les très gros porteurs en posant une question de profane : est-ce que les Beluga d’Airbus pourraient être utilisés par l’armée de l’air sachant qu’il y aura sans doute encore beaucoup d’OPEX à l’avenir, ce qui suppose une armée de projection. Par ailleurs, je voudrais évoquer l’autonomie technologique de l’armée de l’air. Un certain nombre de pays achètent des avions et des systèmes d’armes auprès des États-Unis et qui sont certainement « bridés » pour un certain nombre de territoires. L’armée française va devoir réfléchir quant au renouvellement de ses équipements. Cette question de l’autonomie technologique est-elle une préoccupation que vous prenez en compte ?

M. Christophe Lejeune. Mon général, vous avez évoqué les ressources humaines. Le 11 septembre 1917, il y a plus d’un siècle, disparaissait notre héros national Georges Guynemer, « as » de l’aviation, lors d’un combat aérien. Celui-ci disait que « lorsqu’on n’a pas tout donné, on n’a rien donné ». Il y a quelques jours, le major général de l’armée de l’air, le général Olivier Taprest, s’est rendu sur la base de Luxeuil-les-Bains pour lui rendre hommage, ainsi qu’aux deux autres héros qui partagent sa stèle : René Fonck et Roland Garros. La patrouille de France était présente avec son magnifique show aérien. J’évoque ces deux exemples car je pense qu’ils reflètent parfaitement vos missions : la guerre quand il faut la faire, et le rêve que vous pouvez apporter. Ma question est la suivante : alors que l’armée de l’air doit recruter, pensez-vous que ces deux axes, le prix du sang versé et le rêve, sont encore porteurs en 2017, et faire ainsi que la devise que vous a laissée Georges Guynemer, « faire face », vous permettent de fidéliser vos personnels en donnant du sens à leur travail ?

M. André Chassaigne. Je souhaite revenir sur certains éléments de vos réponses Mon général. Vous avez évoqué de façon assez approfondie la tension sur les ressources humaines. Ce problème vous amène-t-il à augmenter le poids du privé dans la maintenance des aéronefs ? Spécifiquement, est-ce que les ateliers industriels de l’aéronautique (AIA) suffisent pour assurer l’entretien ? Vous avez également utilisé à plusieurs reprises la notion de « modèle économique » en ce qui concerne la location du matériel. Dans votre esprit, cela signifie-t-il qu’il faudrait développer les sociétés de projet, avec des sociétés privées qui seraient propriétaires de matériels qu’elles loueraient ensuite aux armées, ce qui poserait à mon sens un problème grave d’indépendance de celles-ci ? Je terminerai avec une demande de renseignement. Pouvez-vous nous donner davantage de précisions sur le « chemin de croix » de l’A400M avant l’arrivée du « Messie » MRTT ? Pouvez-vous confirmer que l’appareil ne serait utilisable qu’à hauteur de 30 % des prescriptions du cahier des charges, qu’il s’agit d’un bel outil logistique volant à Mach 0,9, mais qu’il y aurait, par exemple, des problèmes de largage d’unités complètes de parachutistes par les portes latérales à cause des hélices et des flux d’air ? Est-il vrai que le vol qui était prévu à 50 mètres du sol pour échapper à la surveillance radar ne pourrait s’effectuer qu’à 150 mètres en réalité ?

M. le président. Cette intervention fait plus d’une minute mon cher collègue…

M. André Chassaigne. La durée est proportionnelle à ma personne physique… (Sourires)

M. Joaquim Pueyo. Mon général, j’ai bien entendu votre message concernant les ressources humaines. Vous avez rappelé que l’attractivité et la fidélisation constituaient un enjeu considérable pour nos armées. On pourrait y ajouter la formation, qui doit être très pointue dans vos métiers. Je souhaiterais savoir si vos postes budgétaires sont tous pourvus. Par ailleurs, au-delà des pilotes auxquels on pense spontanément, l’armée de l’air compte plusieurs métiers : mécaniciens, maîtres-chiens, informaticiens, contrôleurs… Certains métiers sont-ils plus attractifs que d’autres et quelles sont vos propositions pour l’avenir pour maintenir voire augmenter les effectifs, les fidéliser, et faire que l’armée de l’air soit attractive ? On rencontre souvent, dans les forums, des personnels de l’armée de l’air qui s’adressent aux jeunes. Est-ce suffisant ou faut-il renforcer cette action ?

Général André Lanata. Sur la question relative aux gros porteurs Beluga, il en existe cinq actuellement. Ils sont tous utilisés par Airbus Transport International pour un usage très spécifique : le transport de sections d’appareils d’Airbus pour leur assemblage final à Toulouse et Hambourg, voire des satellites ou des éléments de fusée. La charge offerte d’un tel appareil est d’environ 50 tonnes, ce qui n’a rien d’exceptionnel par rapport à d’autres gros porteurs de type An 124 ou An 225 par exemple. Je ne peux pas vous répondre plus précisément à ce stade, mais nous vous apporterons des éléments complémentaires si vous le souhaitez.

S’agissant de l’autonomie technologique de la France, je comprends que la question en filigrane est celle des conséquences opérationnelles qui en découlent. Il s’agit d’un choix compliqué dont nous avons débattu dans le cadre de la revue stratégique qui consacre tout un développement à la question de notre autonomie technologique, alors que nous voyons bien les difficultés que nous avons à entretenir l’ensemble de notre base industrielle et technologique de défense (BITD), ce qui nous amène à devoir accepter des compromis entre nos capacités opérationnelles et les choix d’investissement que nous faisons. Nous avons tous en tête des exemples concrets qui illustrent les conséquences de ces choix : objectivement j’estime qu’ils pèsent aujourd’hui de façon excessive sur nos capacités opérationnelles. Il revient par ailleurs à la DGA de répondre aux questions ayant trait à la situation de notre BITD.

Je me limiterai, pour ma part, à parler des conséquences opérationnelles d’une dépendance technologique. Je pense qu’il existe des secteurs dans lesquels nous pouvons nous permettre un certain niveau de dépendance mais que, pour d’autres, cela n’est pas possible. Il faut donc faire ce travail fin, consistant à bien cibler les secteurs où nous devons allouer nos ressources budgétaires. Or, parfois, la ligne de partage des eaux ne se situe pas sur un équipement complet. Il peut s’agir d’une partie spécifique plus sensible d’un élément de système d’arme, sur lequel il n’est pas question d’accepter de dépendre de façon excessive d’un partenaire étranger. Comme vous le savez nous avons fait le choix, dans l’urgence, d’acquérir un certain nombre d’équipements militaires à l’étranger. Je pense notamment aux drones Reaper que nous avons achetés aux États-Unis. Naturellement, cela a des conséquences opérationnelles : nous ne pouvons pas exploiter de façon totalement libre cette flotte. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons lancé un programme de drone européen pour rétablir notre autonomie dans ce domaine. Pour résumer : oui, l’autonomie technologique est un sujet, qui est abordé dans la revue stratégique. Il faudra pour chaque technologie, presque ligne à ligne, définir celles que nous voulons absolument conserver en propre – je pense notamment aux technologies liées à la dissuasion qui, dans le domaine aéronautique, structurent la quasi-totalité des domaines technologiques clés dont nous avons besoin –, et celles pour lesquelles nous acceptons de dépendre de certains partenaires.

Sur le sujet de la fidélisation de nos aviateurs et de l’attractivité de l’armée de l’air, les deux questions me paraissant liées. Vous évoquez un sujet de préoccupation centrale, quasiment existentielle même, tant la préservation de notre qualité humaine constitue selon moi la clef de nos capacités au combat et du maintien des savoir-faire inestimables détenus par l’armée de l’air. Aujourd’hui, le contexte sécuritaire mais aussi les valeurs portées par notre institution créent une dynamique favorable aux armées. En théorie nous ne devrions donc pas rencontrer de problèmes d’attractivité. Pourtant il en existe. Cela est dû, selon moi, d’une part, à la concurrence du secteur privé qui, dans le domaine de l’aéronautique et des technologies que nous mettons en œuvre, est assez dynamique et manque de personnel qualifié. Je ne peux pas lutter en matière de rémunérations et cela vaut autant pour recruter que pour conserver un personnel hautement qualifié.

Cela est dû, d’autre part et surtout, aux tensions internes à notre dispositif. Sur ces deux axes vous voyez que les sujets attractivité et fidélisation se rejoignent.

Il me semble que les difficultés que nous rencontrons en interne sont liées à deux facteurs : l’insuffisance de nos effectifs et les problèmes de condition du personnel. J’ai parlé dans mon intervention de l’insuffisance des effectifs de l’armée de l’air. Je ne reviens pas en détail sur cette question. Il s’agit d’un point central pour moi. Il est évident que ces lacunes génèrent des tensions internes aggravées par l’absentéisme lié aux opérations. Lorsque vous devez armer en permanence quatre bases aériennes projetées au lieu d’une prévue, on comprend aisément que cela a un impact sur les rythmes de travail du personnel resté en métropole, puisque nous ne pouvons pas arrêter l’activité de nos bases métropolitaines qui continuent à assurer les missions de protection ou de dissuasion par exemple. De même que lorsque l’on fait le choix de supprimer 30 % des effectifs de fusiliers commandos qui assurent la protection de nos bases et que le contexte sécuritaire change brutalement sur le territoire national, cela a des conséquences sur les rythmes de travail du personnel… puis sur la fidélisation : comme je l’ai dit 70 % des militaires du rang fusiliers commandos ne dépassent pas le terme de leur premier contrat.

S’agissant de la condition du personnel, je me félicite de la prise de conscience au sein du ministère et des travaux lancés pour traiter ce sujet en particulier à travers le plan famille décidé par notre ministre. Il s’agit bien sûr de questions de rémunération. Le dernier rapport du HCECM le souligne : les militaires décrochent. Il faut aussi au minimum une équité de traitement avec le reste de la fonction publique et une juste compensation des sujétions attachées au statut militaire. Je trouve incompréhensible et même, pour tout vous dire, inadmissible que les mesures prises en faveur de la fonction publique ne soient pas transposées immédiatement aux militaires. Il faut parfois plusieurs années pour y parvenir. Franchement, nos soldats ne comprennent pas un tel traitement.

La perception du moral et les difficultés de fidélisation qui en résultent, relèvent en réalité d’un ensemble de facteurs : la rémunération dont j’ai parlé mais aussi les conditions de vie et de travail sur les bases aériennes, l’organisation et la qualité des soutiens, la qualité des infrastructures, la disponibilité des équipements de mission ou des pièces de rechanges, qui conduisent parfois nos mécaniciens à devoir « cannibaliser » certains appareils pour en faire fonctionner d’autres, augmentant ainsi d’autant la charge de travail, etc. Vous savez ce qui compte pour un militaire est avant tout la cohérence d’ensemble de son outil de combat. C’est pour cela que l’axe « réparer le présent » est très important à mon sens. Bien sûr, le rêve est toujours présent et les métiers aéronautiques restent attractifs. Le problème est qu’une fois entré dans l’institution, la réalité est parfois en décalage avec le rêve…

M. le président. Pas que dans l’armée de l’air ! (Sourires)

Général André Lanata. Nos opérations tirent le personnel par le haut et constituent un facteur extrêmement positif dans tous ces équilibres. Les opérations donnent un sens à l’engagement de nos soldats.

M. Chassaigne, sur la question du privé, je rappellerai que nous y avons déjà recours pour un certain nombre de contrats. Je partage votre point de vue lorsque vous affirmez qu’on ne peut pas tout externaliser : le domaine de l’action armée est un domaine régalien par essence. Pour autant, objectivement, il existe des activités que nous pouvons confier au privé si nous estimons – et c’est essentiel – qu’elles n’affectent pas l’engagement de la force armée. C’est le cas des capacités d’entraînement. C’est ce que nous faisons avec la modernisation de la formation des pilotes de chasse dans le cadre du programme FOMEDEC. Il n’y a pas là un enjeu opérationnel direct. Le seul enjeu est celui de la qualité des personnels qui vont sortir de ce nouveau mode de formation, et c’est la raison pour laquelle nous avons exigé que la formation des jeunes pilotes reste assurée par des instructeurs militaires. Au-delà de cette question de l’engagement de la force armée, le second critère est le suivant : est-ce que le secteur civil est plus performant car adossé à un tissu économique qui le permet ? Il faut alors regarder au cas par cas et faire une analyse économique très précise avant d’opérer un choix qui est généralement irréversible. Nous prenons en effet le risque de nous retrouver face à un acteur privé moins performant et en situation de monopole, qui pourrait faire une offre très séduisante dans un premier temps, mais beaucoup moins intéressante par la suite, sans possibilité de retour en arrière car nous aurions perdu les compétences entre temps.

Concernant l’A400M, il y a deux sujets. Celui des fonctionnalités tactiques, que vous avez évoqué – le largage des parachutistes ou de charges, l’autoprotection –, sujets déjà anciens sur lesquels l’industriel est en retard. Nous le savons et nous avons bâti une feuille de route avec lui. Ce processus a donné lieu aux livraisons du batch Hexagone fin 2016, dans le cadre duquel l’A400M a bénéficié d’améliorations de ses fonctions tactiques, afin de disposer d’un premier standard opérationnel qui permet de l’utiliser en Afrique – l’avion s’est récemment posé à Madama pour livrer un hélicoptère. Six avions disposent de ces capacités. Nous progressons, mais il y a encore du travail et c’est un point d’attention en discussion entre l’armée de l’air, la DGA, l’industriel et même les pays clients de l’400M. Car je rappelle qu’il s’agit d’un programme international, ce qui suppose de se mettre d’accord ensemble sur la hiérarchisation des améliorations opérationnelles attendues.

Le deuxième sujet, plus critique en ce moment à mon sens, est celui de la disponibilité, affectée, d’une part, par les nombreux faits techniques que nous rencontrons, les « défauts de jeunesse » de l’avion, sachant que l’armée de l’air française a réceptionné les premières unités. Et d’autre part, les immobilisations d’avions en chantier de retrofit sur les chaînes de l’industriel, nécessaires au rattrapage des fonctionnalités opérationnelles dont j’ai parlé. J’ai demandé à l’industriel de mettre en place un plan d’action pour rétablir d’urgence une disponibilité acceptable de cette flotte. Ceci étant précisé, je reste convaincu qu’une fois ces difficultés résolues, l’A400M sera un excellent appareil.

Je termine sur les ressources humaines. Dans toutes les armées il existe des postes budgétaires qui ne sont pas pourvus car, même si nous disposions d’une ressource suffisante, la bijection parfaite entre les postes à pourvoir et la ressource humaine disponible n’est pas possible : il y a toujours des personnels malades, des problèmes d’adéquation de compétence ou de mobilité. Ces réglages demeureront. Ils relèvent du travail classique de gestion du personnel confié à la direction des ressources humaines de l’armée de l’air qui s’emploie en permanence à minimiser le nombre de postes non pourvus pour ces raisons. Mon point d’attention porte surtout sur la description du volume d’effectifs global nécessaire pour honorer toutes nos missions, comme je viens de le dire, afin de pouvoir disposer des capacités opérationnelles requises. J’ajouterai que le modèle de l’armée de l’air est un peu spécifique. À la différence d’unités des autres armées, nos bases aériennes métropolitaines doivent continuer à fonctionner quand nous sommes déployés en opérations. Au risque de me répéter, nos quatre bases aériennes projetées sont armées par du personnel prélevé sur toutes les bases aériennes de métropole. De fait, la difficulté consiste à disposer d’un modèle suffisamment « épais » pour être capable d’armer « l’avant » sans créer des tensions insupportables à « l’arrière ». Aujourd’hui j’estime notre modèle d’effectifs inadapté.

M. Yannick Favennec Becot. Pour des raisons économiques et tactiques, les drones sont de plus en plus autonomes. Ces systèmes télé-opérés sont moins coûteux et impliquent moins de personnels. La France ayant décidé de s’engager vers l’armement de certains drones, se pose la question de l’autonomisation du tir offensif. Pouvez-vous nous indiquer si notre pays envisage de s’équiper en drones capables de tirer sans intervention humaine ? De manière plus générale concernant les drones armés, quels garde-fous prévoyez-vous face, notamment, à des défaillances techniques ou des risques de détournement par des pirates ? Enfin, en septembre, après le passage de l’ouragan Irma aux Antilles, nous avons dû faire appel au privé et à nos alliés pour la mise en place d’un pont aérien. Pourtant, la situation aux Antilles n’est pas exceptionnelle en termes de volumes de population concernée. Par ailleurs, le risque cyclonique risque de s’accroître dans les années à venir. Pensez-vous avoir les moyens, dans le cadre du projet de budget 2018, pour mener à bien ce type de missions si, malheureusement, une telle crise devait se reproduire ?

M. Louis Aliot. Une question sur la sécurité des bases aériennes. Quelle est la part qui revient à la sécurité privée et celle qui revient à la sécurité militaire, alors qu’un certain nombre d’incidents se sont produits, sur lesquels je ne reviens pas. Sur les bases stratégiques, qui assure la sécurité et disposez-vous d’un droit de regard sur le recrutement des sociétés de sécurité privée prestataires de services ?

M. Jean-Pierre Cubertafon. En me référant à votre dernière intervention devant notre commission, estimez-vous aujourd’hui qu’en matière budgétaire le principal effort à conduire est vers le comblement des effectifs, notamment dans des spécialités rares après les saignées imposées par la RGPP ? Par ailleurs, pensez-vous que la France doive envisager d’acquérir pour son armée de l’air des avions américains F-35 afin qu’elle soit plus intéropérable dans des opérations multinationales en attendant le successeur du Rafale ?

M. le président. Nous n’attendons pas de réponse à cette dernière question ! (Sourires)

M. Charles de la Verpillière. En complément de la question posée par M. Yannick Favennec Becot, je voudrais revenir sur l’armement des drones. Je crois que vous n’avez évoqué cette affaire qu’à propos de l’annulation de crédits de la loi de finances 2017. Y a-t-il, dans le projet de loi finances pour 2018, des crédits alloués à l’armement des drones ?

M. Jean-Michel Jacques. Mon général, concernant nos moyens de surveillance, vous avez souligné que nous devons avoir recours à nos alliés sur certains théâtres d’opération. Parmi les nouvelles menaces, nous savons que des incursions indésirables peuvent avoir lieu le long de nos côtes méditerranéennes par voie aérienne à basse altitude – je pense plus particulièrement aux incursions de groupes terroristes ou de narcotrafiquants qui sont parfois toutes deux liées. Notre dispositif de surveillance aérienne est-il suffisant ou doit‑il faire l’objet de mesures de modernisation ?

Général André Lanata. Je comprends que l’armement des drones fasse l’objet de plusieurs questions : je vais tenter de regrouper les réponses. En premier lieu, il s’agit de tirer profit de la permanence des drones de surveillance de très longue endurance, les seuls dont nous soyons équipés. Cette permanence permet de saisir des fenêtres d’opportunité dans certaines circonstances, face à un ennemi fugace qui se retranche dans des espaces extrêmement vastes, comme le désert sahélien. Je précise au passage que c’est bien la permanence de la surveillance qui apporte la véritable plus‑value. Je vous renvoie à ce que j’ai dit dans mon intervention liminaire s’agissant de cette aptitude centrale pour le développement des actions aériennes : leur persistance. Raison pour laquelle d’ailleurs il n’y a personne à bord car les vols sont très longs. Il nous est donc apparu nécessaire, lors de la détection d’un ennemi, d’être en mesure de saisir ces fenêtres d’opportunité afin de pouvoir appliquer les effets militaires requis au moment voulu. D’où la décision de notre ministre d’armer ces drones, ce dont je me félicite. L’armée de l’air était en effet, favorable à l’armement des drones de surveillance depuis de nombreuses années. Ce choix soulève deux questions : celle des solutions techniques et celle des garde-fous éthiques et politiques.

Les solutions techniques tout d’abord. Je pense que, dans la mesure où nous tirons parti de la permanence des drones, il ne faut pas affecter de façon excessive leur autonomie en les armant, ce qui se produira mécaniquement car les appareils seront plus chargés. Plus les armements seront lourds, plus nous réduirons l’autonomie, plus nous fermerons les fenêtres d’opportunité que nous cherchons à ouvrir. Il faut donc trouver des munitions légères, ce qui répond par ailleurs aux types de cibles que nous cherchons à traiter, en général des objectifs faiblement durcis pour viser des groupes de terroristes très mobiles dans le désert par exemple. Évidemment, nous devons demander l’autorisation aux autorités américaines d’armer ces machines puisque nous les avons commandées aux États-Unis. Quant aux garde‑fous politiques, je suis contre l’autonomisation de l’ouverture du feu, quand bien même cela deviendrait possible à l’avenir. Aujourd’hui, nous prenons de nombreuses dispositions pour conserver l’intelligence et le choix de « l’homme dans la boucle », c’est-à-dire tout simplement le respect des choix d’engagement décidés par nos autorités politiques. Ce contrôle politique s’exerce dans nos opérations à travers des règles d’engagement qui sont définies et que nos combattants appliquent à la lettre, y compris les opérateurs de drones. S’il n’y a personne à bord d’un drone, il existe tout de même un équipage capable de décider. En outre, j’ai demandé que ces opérateurs soient situés sur le théâtre d’opération et non en métropole, car nous disposons déjà de la possibilité de conduire nos missions à distance du théâtre d’opérations. Je suis en effet opposé à l’idée d’un militaire qui ouvrirait le feu à 16 heures et qui à 18 h 30 ferait faire leurs devoirs à ses enfants. Cela soulève des questions éthiques et psychologiques pour nos combattants. Nous mettrons donc en place un cadre très précis à l’emploi des drones armés.

Je me permets d’apporter une précision au sujet des ressources humaines nécessaires à la mise en œuvre de nos drones. Il faut, en réalité, non pas moins, mais plus de personnel pour opérer les drones que les avions pilotés. Au sol, des équipages se relaient dans les cabines de contrôle pour garantir la permanence. Un équipage comprend quatre personnes : un pilote, un opérateur systèmes, un officier de renseignements et un interprétateur photos, qui sont en permanence devant les écrans. Pour garantir cette permanence il faut plusieurs équipages qui se relaient sans arrêt. Selon mon homologue de l’US Air Force qui a une longue expérience dans ce domaine, seize équipages sont nécessaires au final, pour maintenir en permanence une orbite de drone, compte tenu de la régénération opérationnelle et du besoin de suivi des missions. Il ne faut pas non plus oublier la maintenance que les mécaniciens doivent assurer et qui est équivalente à celle d’un avion classique.

Votre question sur la sécurité de nos bases aériennes porte sur deux points : les choix que nous avons faits face aux déflations d’effectifs et le recours aux sociétés de sécurité. Comme vous le savez, nous avons procédé à des déflations très importantes des fusiliers commandos dans le cadre de la RGPP et avons fait le choix avant 2015 de recourir à des sociétés de sécurité sur les sites les moins sensibles. Sur les bases à vocation nucléaire ou les bases disposant d’une plateforme aéronautique, nous avons conservé les fusiliers commandos qui constituent, avec la gendarmerie de l’air, l’échelon principal des forces de protection de l’armée de l’air. Depuis 2015 face à l’augmentation des menaces, nous avons renforcé les effectifs consacrés à la protection de ces bases et, en priorité, ceux des fusiliers commandos. Sur les autres sites, comme les écoles, les entrepôts, certaines bases radars, nous avons pris la décision d’armer une partie du personnel, tout en nous appuyant sur des renforts de la gendarmerie ou de la base aérienne la plus proche. Nous avons par ailleurs pris de très nombreuses autres dispositions, par exemple en durcissant nos infrastructures de protection ou en renforçant les moyens de surveillance, etc. Depuis 2015, nous avons donc considérablement renforcé notre dispositif de protection.

Concernant la fiabilité des personnels de ces sociétés, nous avons pris les mesures nécessaires, en étroite liaison avec la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD). Le renforcement de la sécurité de nos bases nous mobilise fortement en raison des tensions sur les ressources humaines que j’ai évoquées. À ce titre, les fusiliers commandos sont l’objet d’une grande attention de ma part. Devant l’insuffisance des effectifs et malgré toutes ces mesures, nous avons été contraints d’accroître le volume de personnel consacré à la protection en usant d’autres voies. Nous avons, d’une part, fait appel au personnel militaire non spécialiste de la protection que nous avons remis à niveau de ses fonctions de sécurité : des contrôleurs aériens, des mécaniciens avion, etc. Il est évident toutefois que ces prélèvements ont accru les tensions sur une ressource humaine qualifiée et rare qui lorsqu’elle est utilisée à des fins de protection fait défaut dans sa fonction d’origine. Nous avons enfin augmenté de 30 % les effectifs de la réserve opérationnelle en portant l’accent en priorité sur les jeunes et sur la fonction protection, comme l’illustre l’exemple de ce jeune réserviste de l’armée de l’air lors de l’attaque terroriste d’Orly.

J’en viens au futur de l’aviation de combat. Comme vous le savez, nous avons engagé une réflexion sur le système de combat aérien futur. Plutôt que de commencer par réfléchir en partant d’un avion, d’une plateforme, il me paraît nécessaire de réfléchir selon une logique de système. Nous vivons, en effet, dans un monde connecté et nous tirons notre efficacité de la massification des échanges d’informations et de la rapidité avec laquelle nous traitons les données : nous devons donc commencer par nous demander comment nous voulons voir fonctionner l’ensemble de ce réseau constitué par le système de combat aérien dans sa globalité : quelle est son architecture, comment sont optimisés les échanges entre les différents éléments du système de combat : les avions de chasse, de ravitaillement en vol ou de transport, les armements, les capteurs de toute sorte, les relais de communication : satellites, drones… ; où et comment améliorer la rapidité de traitement des données recueillies, comment mieux faire collaborer les différentes plateformes (au sens avion/drones/capteurs moyens des autres armées) entre eux, quels sont les protocoles d’échange, quelle est la résilience de ce réseau, etc. Bref je souhaiterais que nous pensions d’abord le système plutôt que les plateformes, pour les connecter ensuite entre elles. En effet, le défi que nous rencontrons à propos de la construction de nos futures plateformes aériennes est à la fois technologique et budgétaire. Je pense qu’organiser la connectivité d’ensemble du système a posteriori est plus coûteux. Par ailleurs nous voyons bien que nous nous heurtons à la complexité de l’intégration de fonctions de plus en plus nombreuses à bord de nos appareils, ce qui a également des conséquences budgétaires. Je ne dis pas que ce sera facile, mais je pense qu’il faudrait tenter de libérer la réflexion de ces contraintes d’intégration en pensant d’abord l’architecture globale du système en étant capable, le cas échéant, de réallouer les ressources fonctionnelles dans l’ensemble du système de combat. Il faut changer d’approche et commencer par réfléchir à la façon dont s’organise l’architecture du système voulu, ce qui permettra incidemment d’évaluer et de comparer les performances de plusieurs architectures système.

L’armement des drones n’est pas inclus à ce stade dans le PLF 2018, puisque la décision a été prise très récemment. Les deux prochains systèmes de drones MALE seront livrés en 2019. Nous espérons disposer d’une première capacité sur ces Reaper à cette échéance.

Nous avons recours à nos alliés pour la surveillance. Cela constitue une lacune capacitaire de longue date de nos armées. Je salue la décision du précédent ministre d’acheter sur étagère des systèmes américains qui font aujourd’hui la démonstration de leur efficacité au Sahel. Sur le théâtre du Levant, nous dépendons très largement des capacités de nos alliés dans le domaine de la surveillance. C’est pourquoi le choix a été fait de développer un programme de drones européens pour nous libérer de ces contraintes à moyen terme.

Notre dispositif de surveillance aérienne constitue également une préoccupation permanente. Le PLF 2018 contient ainsi des dispositions visant à renforcer nos capacités de détection radar, en particulier pour abaisser nos planchers de détection en basse altitude. Ce n’est pas le seul secteur sur lequel nous portons nos efforts ; une réflexion a été engagée sur les moyens permettant la détection des mini-drones ainsi que leur neutralisation. Les premiers systèmes sont opérationnels et ont été employés lors d’événements récents Je souligne enfin, au sujet de la détection à basse altitude, que nous disposons aussi des avions de détection et de contrôle aéroportés AWACS qui sont capables, avec un seul avion, d’avoir une détection parfaite vers le bas et une couverture de la totalité du sud de la France, puisque c’est l’exemple que vous avez choisi.

M. le président. Le temps va nous faire défaut. Aussi, je vous propose d’entendre les dernières questions, auxquelles vous répondrez par écrit.

Mme Anne-France Brunet. Vous avez abordé le sujet de notre ambition européenne. Je suis attentive à notre coopération avec l’Allemagne et j’ai noté une augmentation du budget 2017-2018 qui y est consacré. Pensez-vous que les différences culturelles en matière d’utilisation des crédits pourraient constituer un frein à une éventuelle mutualisation des forces à l’échelle européenne ? Vous nous avez indiqué que l’Allemagne pourrait être un partenaire toutefois sous réserve de parvenir à une architecture industrielle équilibrée permettant la mise en œuvre de coopérations. Quelles seraient vos préconisations en la matière, notamment quant aux écueils à éviter ?

M. Loïc Kervran. Je souhaite vous interroger sur un article du colonel Goya, qui vous est peut-être familier, dans lequel il procède à un comparatif de la productivité opérationnelle des forces françaises, russes et américaines au Levant au regard du nombre d’aéronefs, du personnel engagé, du coût journalier et du nombre de sorties. Il en ressort une productivité russe bien supérieure à celle des forces françaises ou américaines. J’aimerais savoir si vous estimez cette analyse pertinente et quelles sont les raisons principales de cette différence.

Général André Lanata. Vous me faites plaisir ! Je vais pouvoir répondre publiquement à un point que je conteste, et je souhaiterais d’ailleurs que les experts se bornent à parler de ce qu’ils connaissent.

M. Thibault Bazin. Les enjeux de ressources humaines ont souvent été évoqués en lien avec la remontée en puissance de nos armées. Je souhaite évoquer les bases aériennes qui ont connu une réduction drastique, ne serait-ce que dans mon département avec la fermeture de Toul-Rosières, Toul-Thouvenot et encore Nancy-Essey récemment. Il demeure Nancy‑Ochey et ses escadrons de chasse. Les bases aériennes existantes seront-elles confortées, notamment cette dernière, ou une réflexion sur la réorganisation des bases est-elle toujours en cours ?

Mme Séverine Gipson. Plusieurs bases aériennes ont été réorganisées récemment suite à des fermetures d’escadrons. Pouvez-vous me préciser quels efforts sont faits pour les bâtiments et les infrastructures d’accueil de ces bases qui vont abriter de nouveaux personnels et de nouvelles technologies ?

Mme Natalia Pouzyreff. Je tiens tout d’abord à vous adresser un grand merci pour la visite organisée à Saint-Dizier, ce qui m’amène à vous poser une rafale de questions courtes et concrètes. Estimez-vous que les capacités de vision nocturne du Rafale doivent être améliorées à court ou moyen terme, notamment en ce qui concerne le capteur optronique secteur frontal (OSF) et la nacelle de désignation laser Damoclès ? L’augmentation du nombre de simulateurs permettrait-elle une meilleure articulation entraînement-opérations en palliant les nombreuses contraintes pesant actuellement sur l’entraînement ? Quelles sont vos recommandations quant à la reconstitution du stock de munitions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 et de la future loi de programmation militaire ? Vous nous avez indiqué que plusieurs équipes de quatre personnes sont nécessaires pour servir un drone dont de nouveaux exemplaires vont être acquis prochainement. Comment est définie la formation de ces équipes ? La formation d’un pilote de drone est-elle identique à celle d’un pilote d’aéronef ? Si c’est le cas, est-il possible d’envisager une formation alternative permettant de réduire les délais afin de disposer plus rapidement de personnels opérationnels ?

 


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ANNEXE

Réponses écrites complémentaires

Mme Anne-France Brunet. Vous avez abordé le sujet de notre ambition européenne. Je suis attentive à notre coopération avec l’Allemagne et j’ai noté une augmentation du budget 2017-2018 qui y est consacré. Pensez-vous que les différences culturelles en matière d’utilisation des crédits pourraient constituer un frein à une éventuelle mutualisation des forces à l’échelle européenne ? Vous nous avez indiqué que l’Allemagne pourrait être un partenaire toutefois sous réserve de parvenir à une architecture industrielle équilibrée permettant la mise en œuvre de coopérations. Quelles seraient vos préconisations en la matière, notamment quant aux écueils à éviter ?

Réponse. L’Allemagne, comme je l’ai souligné dans mon propos liminaire, est un partenaire majeur. Notre relation est structurée par de nombreuses coopérations et initiatives : équipements en commun (A400M), formation commune (équipages et mécaniciens A400), future unité de C130J à Evreux, projet de drone européen et d’avion de combat futur.

Sur le sujet spécifique des différences culturelles en matière d’utilisation des crédits, je vous encourage à poser cette question à la DGA, mieux placée que moi pour y répondre. Je ne pense pas qu’elles soient un frein à notre coopération, du moment qu’il existe une volonté politique commune et forte à coopérer davantage. L’enjeu, comme vous le soulignez dans votre question, est davantage lié selon moi à notre capacité à trouver les bons équilibres industriels pour nos projets futurs, plus qu’une question purement budgétaire. En la matière, l’expérience montre que la définition d’un besoin commun est un préalable essentiel dans un programme d’armement mené en coopération, avant de définir avec précision les responsabilités en termes de maîtrise d’ouvrage.

M. Loïc Kervran. Je souhaite vous interroger sur un article du colonel Goya, qui vous est peut-être familier, dans lequel il procède à un comparatif de la productivité opérationnelle des forces françaises, russes et américaines au Levant au regard du nombre d’aéronefs, du personnel engagé, du coût journalier et du nombre de sorties. Il en ressort une productivité russe bien supérieure à celle des forces françaises ou américaines. J’aimerais savoir si vous estimez cette analyse pertinente et quelles sont les raisons principales de cette différence.

Réponse. Je ne sais pas très bien ce que le terme de « productivité » signifie lorsque l’on parle de conflit armé provoquant de très nombreuses victimes sur le terrain.

J’estime par ailleurs qu’il faut être extrêmement prudent dans ce type de comparaison. Les Syriens et leurs alliés Russes poursuivent des objectifs politiques très différents des nôtres. Leur action se limite à la Syrie quand la coalition a dû reconquérir une partie importante de l’Irak. Par ailleurs, ils mettent en œuvre des modes d’action très différents. Je note par exemple que nous employons 100 % de munitions de précision ce qui n’est pas le cas des Russes et des Syriens. Et je m’en tiendrai là sur le jugement que je pourrais porter à l’égard de leurs actions et a fortiori du coût de leurs actions.

En ce qui concerne en revanche notre propre campagne, j’observe que la campagne aérienne menée par la coalition en Irak et en Syrie, en appui des forces locales au sol, porte ses fruits. Nous avons libéré Mossoul. Nous venons de reprendre Raqqa, dans un contexte somme toute très différent compte tenu de la multitude des protagonistes sur le terrain.

Aujourd’hui, Daech est sur le point de perdre définitivement le territoire qu’il s’était approprié.... et ceci en dépit des réserves émises par les mêmes experts au début des opérations, qui ne croyaient pas à la réussite de cette campagne aérienne sans l’implication de division terrestre occidentale.

M. Thibault Bazin. Les enjeux de ressources humaines ont souvent été évoqués en lien avec la remontée en puissance de nos armées. Je souhaite évoquer les bases aériennes qui ont connu une réduction drastique, ne serait-ce que dans mon département avec la fermeture de Toul-Rosières, Toul-Thouvenot et encore Nancy-Essey récemment. Il demeure Nancy‑Ochey et ses escadrons de chasse. Les bases aériennes existantes seront-elles confortées, notamment cette dernière, ou une réflexion sur la réorganisation des bases est-elle toujours en cours ?

Réponse. Concernant la question relative aux implantations de l’armée de l’air, un plan de transformation ambitieux a permis de conduire la fermeture de 17 bases aériennes ces 10 dernières années, pour mettre en œuvre les décisions de deux LPM consécutives de fortes déflations. Cet ensemble de mesures s’achèvera avec la fermeture de la plateforme aéronautique de Tours en 2021.

Pour le reste, il est trop tôt pour se prononcer compte tenu de l’avancement des travaux de la LPM.

Je vous ai par ailleurs décrit l’insuffisance des ressources humaines dans laquelle se trouve l’armée de l’air. J’ai demandé à mon état-major de chercher des réponses à cette difficile question. Je vous l’ai dit, je n’exclus aucune piste : externalisation, recours à la sous-traitance, et en ultime recours, restructurations. Et seulement si j’y suis contraint, parce que j’en connais le coût, notamment humain, je pourrais être amené à en proposer.

Mme Séverine Gipson. Plusieurs bases aériennes ont été réorganisées récemment suite à des fermetures d’escadrons. Pouvez-vous me préciser quels efforts sont faits pour les bâtiments et les infrastructures d’accueil de ces bases qui vont abriter de nouveaux personnels et de nouvelles technologies ?

Réponse. J’en viens à la question sur les efforts d’infrastructure sur nos bases aériennes. C’est un vrai sujet, tant nous avons accumulé un retard d’investissement ces dernières années. Le PLF 2018 réalise un effort conséquent : augmentation +28 % (327 M€) pour les armées. Un effort indispensable et à poursuivre tout au long de la prochaine LPM.

Pour l’armée de l’air, l’enjeu est, d’une part, de permettre l’accueil et les mises en service des nouveaux systèmes d’armes que nous allons accueillir ou que nous avons commencé à accueillir : principalement liés aux programmes MRTT à Istres, A400M à Orléans, Rafale à Mont de Marsan, C130J et avions légers de surveillance à Évreux, Drones MALE et PC21 à Cognac pour ne citer que les principaux.

Mme Natalia Pouzyreff. Je tiens tout d’abord à vous adresser un grand merci pour la visite organisée à Saint-Dizier, ce qui m’amène à vous poser une rafale de questions courtes et concrètes. Estimez-vous que les capacités de vision nocturne du Rafale doivent être améliorées à court ou moyen terme, notamment en ce qui concerne le capteur optronique secteur frontal (OSF) et la nacelle de désignation laser Damoclès ? L’augmentation du nombre de simulateurs permettrait-elle une meilleure articulation entraînement-opérations en palliant les nombreuses contraintes pesant actuellement sur l’entraînement ? Quelles sont vos recommandations quant à la reconstitution du stock de munitions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 et de la future loi de programmation militaire ? Vous nous avez indiqué que plusieurs équipes de quatre personnes sont nécessaires pour servir un drone dont de nouveaux exemplaires vont être acquis prochainement. Comment est définie la formation de ces équipes ? La formation d’un pilote de drone est-elle identique à celle d’un pilote d’aéronef ? Si c’est le cas, est-il possible d’envisager une formation alternative permettant de réduire les délais afin de disposer plus rapidement de personnels opérationnels ?

Réponse. Mme la députée, vous m’avez posé la question des capacités de nuit du Rafale, du recours à la simulation dans l’armée de l’air, ainsi que de nos stocks de munitions et de la formation de nos équipages de drone.

Concernant les capacités à opérer de nuit du Rafale, votre interrogation porte davantage sur les équipements optroniques, si je comprends bien le sens de votre question. Essentiellement les pods de désignations laser et l’OSF (optronique secteur frontal). Tous deux sont des équipements de mission dont nous manquons cruellement. Ce sont des équipements de surveillance et de reconnaissance utilisés dans les missions de combats aériens, ou de bombardement et d’appui feu. Ils font partie du système d’armes du Rafale.

Compte tenu de notre niveau d’engagement, ces équipements de mission (qui ne se limitent pas aux deux exemples que vous avez mentionnés) sont principalement utilisés en OPEX. Le dimensionnement du parc et la disponibilité de ces équipements, soumis à rude épreuve, non seulement limitent nos capacités opérationnelles mais aussi ne permettent plus d’entraîner correctement nos équipages à leur utilisation. Il s’agit là d’un vrai problème de cohérence, comme je l’ai mentionné. Cela constitue un de mes objectifs sur la LPM à venir pour « réparer le présent ».

Au niveau qualitatif, nous attendons avec impatience la livraison des premiers pods de désignation laser l’année prochaine : je parle des pods Talios. Disposant de capteurs optiques en bande visible et infrarouge de dernière génération, ils permettront d’accroître significativement les capacités de détection, de reconnaissance et d’identification, de jour comme de nuit, de nos avions de combat.

Sur le sujet de la simulation, l’armée de l’air a opéré ce tournant depuis maintenant une quinzaine d’années. D’une part, les technologies du numérique ont permis d’augmenter la représentativité des simulateurs. D’autre part, nous avons fait le choix d’équipements haut du spectre, polyvalents.

Le système d’armes du Rafale par exemple, est plus complet que celui des appareils de la génération précédente. Il permet au cours du même vol de réaliser toutes les missions confiées à l’aviation de chasse : combat aérien, appui et bombardement, reconnaissance, dissuasion. Aussi, le recours à la simulation a permis de contenir l’augmentation des besoins d’entraînement. C’est pourquoi elle est indispensable, pour permettre aux équipages d’exploiter pleinement la polyvalence de leur appareil. C’est bien là tout l’enjeu de leur formation d’ailleurs. Car il ne sert à rien d’avoir des matériels polyvalents si nos équipages ne le sont pas.

D’une manière générale, tout ce qui nous semble pouvoir être réalisé au simulateur se fait au simulateur. L’activité réalisée en vol restant indispensable : rien ne peut en effet remplacer l’entraînement au combat aérien, particulièrement éprouvant pour les organismes, la mauvaise météo, le vol en montagne et dans le désert, la manipulation d’armement réel, la conduite de dispositifs complexes, le stress du vol et des missions de guerre auxquels il s’agit de préparer nos équipages, notamment les plus jeunes. En un mot : l’expérience aérienne acquise, est le gage de l’efficacité opérationnelle mais aussi de la sécurité des vols.

Il s’agit donc de trouver le bon équilibre, le bon ratio, entre l’activité réalisée en vol et l’activité réalisée au simulateur. Sur Rafale, par exemple, nous estimons ainsi nécessaire de faire réaliser à chaque pilote une activité sur simulateur correspondant à 33 % de l’activité réalisée en vol. Il s’agit de notre objectif.

Pour autant, nos capacités de formation et de simulation sont actuellement saturées avec : la poursuite de la montée en puissance des flottes récentes (Rafale, A400M, Reaper) y compris au profit de l’aéronavale, les retards de formation accumulés et la formation des équipages étrangers dans le cadre du soutien à l’export du Rafale. C’est pourquoi, dans l’attente des prochaines livraisons de simulateurs (simulateur Rafale à Mont de Marsan, 2e simulateur A400M à Orléans, simulateur Reaper à Cognac), je ne suis pas en mesure aujourd’hui d’augmenter l’activité réalisée au simulateur, pour satisfaire l’ensemble de mes besoins.

J’en viens au sujet des stocks de munitions. Comme je vous l’ai dit, j’estime que la situation est sous contrôle pour les bombes de 250 kg, fortement utilisées au Levant. La remontée vers des stocks rehaussés se poursuit, à l’horizon 2021-22, suite aux différentes décisions prises dans l’actualisation de la LPM, puis au cours du conseil de défense d’avril 2016. L’expérience et l’intensité de la campagne aérienne au Levant avait démontré la nécessité de relever le niveau de ces stocks afin d’éviter d’être confronté trop rapidement à des risques de rupture ou à l’incapacité de pouvoir conduire une opération supplémentaire.

Ainsi pour éviter tout risque de rupture, 1860 kits AASM, 1500 GBU49, et 4400 corps de bombes ont été commandés à ce jour.

Il reste en revanche à faire effort sur :

– l’acquisition de bombes de plus gros tonnage, tout temps, qui font actuellement défaut dans nos opérations ;

– le rehaussement des stocks de missile air‑air, trop limités à mon sens ;

– poursuivre la réflexion menée sur l’armement des C130 pour les forces spéciales ;

– poursuivre les études d’intégration d’armement sur nos Reaper.

Ce qui me permet d’enchaîner sur le sujet de la formation de nos équipages de drone. Un équipage est aujourd’hui composé de quatre personnes : un pilote, un opérateur systèmes, un officier renseignement, et un interprétateur image.

La montée en puissance de l’escadron Reaper se poursuit à Cognac. Deux systèmes complets ont été livrés, les deux suivants sont attendus pour 2019. Un peu plus d’un système (cinq appareils sur six) est en permanence déployé à Niamey dans le cadre de l’opération Barkhane.

Quatre systèmes de drones, soit 12 Reaper, nous permettront d’armer un voire deux théâtres d’opérations extérieures, tout en étant capable d’opérer sur le territoire national, dans le cadre de dispositifs particuliers de protection mis en place pour renforcer notre sûreté aérienne ou au profit d’autres ministères, et en assurant également l’entraînement de nos équipages.

Contrairement aux idées reçues, cette capacité nécessite une ressource humaine importante. Actuellement, nos équipages sont engagés six mois par an en opérations extérieures. Mon homologue américain qui dispose dans ce domaine d’une expérience supérieure à la nôtre, estime que 16 équipages sont nécessaires pour tenir dans la durée (365 jours/an-H24) une « orbite permanente » en intégrant dans ce calcul les temps de repos et d’entraînement.

Cette question illustre les difficultés RH que nous rencontrons. Une manœuvre RH dimensionnante devra donc être conduite dans les trois années à venir. Le retrait de service du drone Harfang en janvier prochain y contribuera, avec la bascule du personnel sur Reaper.

L’objectif est de disposer de 36 équipages opérationnels à l’horizon 2021. Cet objectif est conditionné à l’acquisition d’un outil de formation autonome (je pense notamment aux simulateurs).

Concernant plus spécifiquement le recours à des pilotes d’avion pour la mise en œuvre des drones, plusieurs études sont en cours. Nous regardons parallèlement les choix effectués par nos alliés.

À ce stade de la réflexion, nous estimons nécessaire de conserver des pilotes brevetés pour opérer ces appareils. C’est en effet indispensable pour permettre à nos drones de s’insérer dans les mêmes espaces aériens que les avions habités. Drones et avions sont soumis aux mêmes réglementations, leurs équipages aussi.

Pour accélérer la montée en puissance de l’escadron de drone Reaper, tout en accumulant de l’expérience sur ce vecteur et en l’absence de capacités autonomes de formation, nous avons initialement eu recours à des pilotes qualifiés, provenant d’unités navigantes.

En complément d’un flux de pilotes confirmés, dont l’expérience sera particulièrement utile pour la mise en œuvre de drones armés, nous travaillons actuellement à la mise en place d’une filière dédiée avec des pilotes ab initio. La durée de leur formation en vol n’est pas encore arrêtée. La phase initiale de leur formation sera à mon sens commune à tous les pilotes militaires, avant une formation spécifique sur drone.

 

 

 


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II.   EXAMEN des crÉdits

Après laudition de Mme Florence Parly, ministre des Armées, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 2 novembre 2017 à 21 heures ([13])), la commission de la Défense examine, pour avis, les crédits de la mission « Défense » pour 2018.

Article 29 : État B – Mission « Défense »

La commission examine, en discussion commune, les amendements DN23 de M. Alexis Corbière et DN24 de M. Bastien Lachaud.

M. Alexis Corbière. Ces deux amendements visent à supprimer la contribution de la France au budget de l’OTAN, pour 143,27 millions d’euros en autorisations d’engagement et 142,07 millions d’euros en crédits de paiement. En effet, la participation de la France à cette organisation nous semble contraire à l’exigence d’indépendance stratégique. De plus, l’OTAN a profondément changé de nature, passant d’une alliance défensive à une alliance que l’on pourrait qualifier de préventive ; c’est en effet à titre préventif que les Américains ont envahi l’Irak, avec les désastreux résultats que l’on connaît. Les élargissements successifs de l’OTAN sont en outre la marque de la volonté américaine de constituer un bloc unitaire, instrument sur lequel ils s’appuient dans leur rapport de force avec le reste du monde, notamment la Russie. C’est là une stratégie belliciste à laquelle nous ne souscrivons pas. L’amendement DN23 propose donc d’employer les crédits destinés à l’OTAN au financement d’un programme d’armement essentiel pour notre pays, le programme SCORPION.

M. Bastien Lachaud. L’amendement DN24 vise à accélérer le programme A400M, crucial pour notre autonomie stratégique mais aujourd’hui affecté par des retards pénalisants. À cette fin, il propose d’abonder les crédits de ce programme en y affectant les sommes prévues pour la contribution de la France à l’OTAN. Ces sommes qui seront mieux employées ainsi, pour toutes les raisons dites par notre collègue Alexis Corbière.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. La participation de la France à l’OTAN constitue un élément essentiel de notre stratégie, encore rappelé par la revue stratégique. Aussi, avis défavorable pour ces deux amendements.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements DN23 et DN24.

MM. Claude de Ganay et Jean-Jacques Ferrara, rapporteurs pour avis, s’abstenant, et conformément à l’avis de Mme Frédérique Lardet et de MM. Thomas Gassilloud, Jacques Marilossian et Jean-Charles Larsonneur, rapporteurs pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption les crédits de la mission « Défense ».

Après l’article 49 – Mission « Défense »

M. le président Jean-Jacques Bridey. Je suis saisi de dix amendements portant articles additionnels après l’article 49.

La commission examine l’amendement DN13 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Mes chers collègues, je vais aller vite – je pense que cette fois, vous en serez tous d’accord. (Sourires) Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport d’information sur l’impact budgétaire des surcoûts OPEX, considérant les hésitations et le peu d’éléments transmis par l’Exécutif. Il est essentiel que le Parlement ait une information précise. Nous réaffirmons notre volonté que le financement des surcoûts soit assuré par la solidarité interministérielle. Le rapport devra aussi évaluer les conditions dans lesquelles nous engageons nos forces sur les théâtres extérieurs et le coût des OPEX décidées hors mandat de l’ONU.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Je souhaite rappeler à mon collègue que la Cour des comptes a publié, il y a tout juste un an, un rapport de 159 pages sur le coût des OPEX de 2012 à 2015, auquel on peut se référer avec profit. Notre excellent collègue François Cornut-Gentille a aussi publié récemment un rapport sur le coût du transport stratégique en OPEX. Et dans mon avis budgétaire, je propose un commentaire sur l’évolution des surcoûts OPEX en 2017 ainsi que sur leur traitement budgétaire en 2017 et 2018. L’information est donc régulière et complète sur ces sujets. Les parlementaires qui le souhaitent peuvent s’en saisir. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Pour ma part, je considère que ces demandes de rapports au Gouvernement amenuisent le travail de notre commission. Nous pouvons parfaitement nous saisir de sujets aussi essentiels dans le cadre de missions d’information ou du travail que nous allons fournir lors de l’élaboration de la prochaine loi de programmation militaire.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN13. Elle examine ensuite l’amendement DN14 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Je ne partage pas l’avis du président Bridey sur l’intérêt des rapports au Parlement : je considère au contraire qu’ils peuvent fournir à notre commission une base de travail utile et précise pour l’examen à venir du prochain projet de loi de programmation militaire.

Dans cet esprit, cet amendement vise à demander un rapport sur le coût et les conséquences économiques de la construction d’un nouveau porte-avions. Compte tenu de la date de fin de vie prévisible du Charles de Gaulle et des délais de développement et de construction d’un tel bâtiment, une décision concernant le lancement d’un nouveau programme de porte-avions doit être prise dans les deux ans. La prochaine loi de programmation militaire devra donc trancher la question, ce que nous ne pourrons faire de façon avisée que sur la base d’informations précises.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. S’agissant de la marine nationale, notre collègue Jacques Marilossian apportera aux auteurs de l’amendement un complément de réponse, et j’émets pour ma part un avis défavorable à cet amendement pour un motif simple. En effet, je ne vois pas tellement l’utilité d’un énième rapport sur un second porte-avions ‒ il y en a déjà eu beaucoup ‒, et surtout pas s’il est remis à l’automne 2018, comme le propose l’amendement, car nous aurons déjà débattu de cela, études d’impact à l’appui, lors de la discussion de la prochaine loi de programmation militaire quelques mois plus tôt. Je suis d’ailleurs certain que les auteurs de l’amendement apporteront toute leur contribution à cette discussion. Aussi, avis défavorable.

M. Jacques Marilossian, rapporteur pour avis. Vous nous dites, M. Lachaud, que « la nécessité d’un nouveau porte-avions est ainsi partagée par beaucoup. » Vous avez raison. Je partage aussi votre constat sur l’indisponibilité périodique du porte-avions. Vous vous inquiétez même de « la permanence à la mer », ce qui est très bien ! Pour compléter votre information, je précise que l’arrêt technique majeur du porte-avions représente plus de quatre millions d’heures de travail et qu’il se traduit par une indisponibilité de près de deux ans. Par ailleurs, je souligne que la notion stratégique de permanence impose non pas un porte-avions mais deux, au moins. C’est la configuration que nous avons connue autrefois avec le Foch et le Clemenceau.

Je ne peux que vous recommander la lecture du rapport pour avis de cette année sur les forces navales. Une partie thématique est consacrée à la place du porte-avions dans la stratégie militaire française. Vous y trouverez toutes les réponses nécessaires sur l’intérêt opérationnel du porte-avions, mais également sur des aspects techniques, industriels et financiers, dans la mesure du possible. Pour résumer, le coût final d’un nouveau bâtiment sera fonction de multiples facteurs : la nature de la propulsion, la nature du système de catapultage, le format de la chasse embarquée, ou encore l’embarquement probable de drones.

Pour ce qui est d’un éventuel rapport d’information dans 12 mois, je rejoins notre collègue Larsonneur sur l’inutilité d’un tel rapport. Tout d’abord, la revue stratégique stipule clairement en son point 303 que « le maintien de la supériorité aéromaritime implique de préparer le renouvellement du groupe aéronaval » ; cela est donc acté. En outre et en conséquence, la question du porte‑avions sera traitée dès la prochaine LPM. Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN14. Elle en vient à l’amendement DN15 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Cet amendement tend à demander un rapport au Parlement sur les retards pris dans l’exécution du programme SCORPION, dont le financement a été négligé au profit de la régénération de matériels obsolètes, et sur les conséquences économiques de ces retards.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. S’agissant d’un programme concernant l’armée de terre, notre collègue Thomas Gassilloud pourra certainement compléter ma réponse, d’autant qu’il a consacré la partie thématique de son rapport pour avis à ce programme.

Je suis pour ma part défavorable à cet amendement pour plusieurs motifs. D’abord, pour la même raison de calendrier que s’agissant des amendements précédents : un rapport sur SCORPION remis à l’automne 2018 arriverait en quelque sorte « après la bataille », la discussion du projet de loi de programmation militaire étant prévue pour le printemps 2018. Surtout, je ne pense pas que l’on puisse parler de retards du programme SCOPRION. En effet, les commandes et les livraisons sont effectuées en suivant scrupuleusement le calendrier du programme. Ce calendrier a été reporté, en 2013, par la précédente loi de programmation militaire : c’était un choix de programmation, d’ailleurs assumé dans un contexte financier très compliqué à l’époque, mais on ne peut pas parler de véritable dérapage du programme. Avis défavorable.

M. Thomas Gassilloud, rapporteur pour avis. Je me réjouis de voir que les parties thématiques de nos rapports pour avis seront lues avec intérêt, qu’il s’agisse de SCORPION ou des porte-avions ! Je confirme ce que dit notre collègue Jean-Charles Larsonneur : on ne peut pas dire que le programme SCORPION soit, à proprement parler, en retard. Au contraire, comme l’a indiqué la ministre, l’armée de terre recevra en 2018 la livraison des trois têtes de série de Griffon et commandera les vingt véhicules suivants, de façon strictement conforme au calendrier de ce programme. C’est le calendrier lui-même qui a été révisé en 2013. La cause en est simple : il s’agissait de boucler l’équation financière de la programmation militaire de 2013 compte tenu des contraintes budgétaires du moment.

Conformément à l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN15. Elle examine ensuite l’amendement DN16 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Sur le programme BATSIMAR, il ne pourra pas nous être répondu qu’il n’est pas en retard. La ministre des Armées a encore confirmé que les premiers bâtiments seront livrés en 2024. Lors de son audition, le chef d’état-major de la marine avait bien précisé qu’il en avait besoin dès 2021. Il y a donc bien un retard. Notre espace maritime est le deuxième au monde et il est de notre devoir d’en assurer la protection. Il convient donc d’établir un rapport pour mesurer les conséquences de ce retard tant sur la régénération des bâtiments – ce que la ministre a elle-même évoqué – que sur les solutions à y apporter.

Je précise par ailleurs que le délai de 12 mois pour la remise du rapport est un délai maximum. Si nous devions adopter cet amendement, j’imagine que les services du ministère des Armées feront preuve de suffisamment de sagacité pour nous le remettre avant nos débats sur la LPM.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Je ne reviens donc pas sur les doutes que l’on peut avoir quant au calendrier proposé par l’amendement pour la remise d’un tel rapport. Je tiens d’ailleurs à dire aux auteurs de l’amendement que je partage leur constat quant à l’importance du programme BATSIMAR. Ce programme, relativement peu coûteux, est crucial pour l’affirmation de notre souveraineté outre-mer.

En revanche, je ne saurais laisser dire que rien n’est fait en la matière : le présent projet de loi de finances permet la commande en 2018 de deux bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers, d’un bâtiment multi-missions qui aura Fort‑de-France pour port d’ancrage, ainsi que d’un patrouilleur léger guyanais. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. Jacques Marilossian, rapporteur pour avis. Là encore, je partage une partie du constat. Nous sommes tous d’accord sur les réductions temporaires de capacité qui affaiblissent notre présence, notamment outre-mer. Mais là encore, l’utilité d’un tel rapport m’apparaît toute relative puisque ce sujet sera traité par la nouvelle loi de programmation. BATSIMAR doit constituer l’une des priorités de la future LPM, je crois que ce constat est partagé.

Je précise que le calendrier de mise en œuvre de BATSIMAR pourrait être accéléré en mettant en œuvre un principe de différenciation entre navires ultramarins et navires métropolitains. Un modèle unique serait sans doute préférable, avec notamment des gains d’acquisition et de MCO liés à « l’effet de série ». Mais la différenciation, en permettant « d’échanger de la sophistication pour du calendrier », se traduira par une arrivée plus rapide des navires dans les territoires où les besoins sont les plus urgents, à savoir outre-mer.

Je ne reviens pas sur les rappels très pertinents de notre collègue Larsonneur concernant les commandes et livraisons prévues : il a tout dit ! Avis défavorable.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN16. Elle en vient à l’amendement DN17 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Cet amendement vise à obtenir un rapport sur le coût de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire, dont l’entretien est jugé superflu par certains experts dès lors que notre doctrine d’emploi de l’arme nucléaire est strictement défensive. Il nous faudrait donc disposer d’estimations précises du coût du maintien de cette composante, ainsi que de celui de son démantèlement dans les meilleures conditions de sécurité.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour plusieurs raisons. Je ne reviens pas sur les doutes que l’on peut avoir sur le calendrier proposé pour la remise de ce rapport au regard de celui de la prochaine loi de programmation militaire.

Sur le fond, je crois que le débat sur le maintien ou non d’une composante aéroportée de notre dissuasion est derrière nous, et qu’il y a de solides raisons pour cela. En effet, le seul intérêt de sa suppression, dans l’esprit de ceux qui la soutenaient, résidait dans la recherche d’économies. Mais les moyens de la dissuasion sont largement duaux, et les contraintes budgétaires ne sont plus les mêmes. Il n’y a donc pas tant de crédits que cela à économiser. En outre, il y a à mes yeux une grande complémentarité entre les deux composantes : l’une est invisible, l’autre se veut le plus visible possible et joue ainsi dans une sorte de dialogue de dissuasion. Enfin, comme le montre la revue stratégique, les incertitudes stratégiques et les mutations technologiques rapides appellent la prudence. À cet égard, posséder deux composantes, c’est s’assurer de conserver notre capacité de dissuasion pour le cas où la crédibilité d’une composante serait remise en cause.

Conformément à l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN17. Elle en vient à l’amendement DN18 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement vise à établir un rapport sur l’impact budgétaire qu’implique le recours à des prestataires privés en matière de sécurité des emprises militaires. Considérant le rapport de MM. Christian Ménard et Jean-Claude Viollet de février 2012, qui appelait sans équivoque à soutenir l’activité des sociétés militaires privées, il nous paraît nécessaire d’effectuer un bilan de cette décision, cinq ans après. Et ce, particulièrement en matière de sécurité des emprises militaires et des navires de commerce. En effet, le président du syndicat national des entreprises de sécurité se réjouit que toutes les casernes, à l’instar de l’école militaire, soient gardées par des sociétés de sécurité privées. De plus, d’après le ministère des Armées, 30 % des navires de commerce embarquent des équipes armées faute d’une protection étatique suffisante. Notre question porte sur le coût réel de ces décisions. Ne serait-il pas moins onéreux de simplement augmenter le budget de la défense pour permettre l’embauche du personnel manquant ?

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Comme je l’ai déjà dit, nous avons tout à fait le loisir de nous saisir de ces questions, comme en témoigne le travail précité de nos anciens collègues Ménard et Viollet, en utilisant les moyens de contrôle à notre disposition – missions d’information, commissions d’enquête, questions orales ou écrites. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN18. Elle en vient à l’amendement DN19 de M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Cet amendement demande un rapport sur l’impact de l’annulation de 850 millions d’euros de crédits de paiement en juillet dernier.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Bien entendu, personne ici ne se réjouit de l’annulation de 850 millions d’euros de crédits. Mais le ministère des Armées a travaillé de façon à en minimiser l’impact sur les programmes d’armement et donc sur les industries concernées. Comme l’a rappelé la ministre, ces annulations ont pu être compensées en partie par une réduction des versements de la France à des agences internationales d’armement, notamment pour 30 millions d’euros à l’OCCAr, et pour 200 millions d’euros à l’agence de l’OTAN. C’est d’ailleurs, dans ce dernier cas, un choix que les auteurs de l’amendement ne verront peut-être pas d’un mauvais œil.

En revanche, je ne vois pas précisément à quel mouvement de crédit font référence les auteurs de l’amendement quand ils parlent d’un gel de 750 millions d’euros en juillet dernier. Au contraire, le même jour que l’annulation de 850 millions d’euros a été décidée une levée partielle de la réserve à hauteur de 656,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 278,9 millions d’euros en crédits de paiement. 

Conformément à l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN19. Elle examine ensuite l’amendement DN20 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Cet amendement vise à demander l’élaboration d’un rapport sur les origines financières éventuelles du retard accumulé dans la réalisation du programme de construction de l’A400M. La question du transport aérien, et notamment du transport stratégique, est essentielle pour nos armées. Elle représente un coût élevé, à hauteur de 14 % des coûts des OPEX. Il convient à ce titre de noter que les capacités patrimoniales de l’armée de l’air française ne permettent d’assurer, en période de déploiement comme nous l’avons connu en 2013, que 7,4 % seulement de nos besoins et que notre flotte est pour partie composée d’avions dont l’âge, supérieur à 50 ans, est classifié. Cette situation nous place dans une position de dépendance par rapport à d’autres puissances étrangères ou des structures privées. En conséquence, le rapport dont nous demandons l’élaboration propose d’étudier les causes et les effets des retards du programme A400M pour éviter qu’une telle situation ne survienne de nouveau.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. S’agissant d’un programme de l’armée de l’air, notre collègue Jean-Jacques Ferrara voudra peut‑être compléter ma réponse. Pour ma part, j’émets un avis défavorable à cet amendement.

Certes, avec l’A400M, nous avons eu bien des difficultés, c’est vrai... Ils tiennent en partie à la nouveauté de l’appareil, à la gestion multinationale de ce programme, avec les exigences industrielles qui s’y attachent, et peut-être aussi à l’industriel. Les choses sont complexes, et je crois que le plus important, avec ce programme, c’est désormais d’aller de l’avant. Donc avis défavorable.

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis. À mon tour j’émettrai un avis défavorable, et ce pour au moins deux raisons. D’abord, sur le fond, l’A400M a connu un retard considérable, nul ne le conteste, qui a posé un certain nombre de difficultés opérationnelles et généré des surcoûts incontestables. Toutefois, s’il reste du travail pour améliorer ses capacités tactiques, notamment, l’A400M donne satisfaction. Nous avons d’ailleurs pu le voir récemment, malheureusement, dans le cadre des opérations conduites à la suite du passage du cyclone Irma.

Aujourd’hui, la priorité ne me semble pas devoir être de regarder vers le passé mais plutôt de construire l’avenir de l’armée de l’air, afin de lui permettre de conduire les missions que nous, autorités politiques, lui confions.

D’autre part, un tel travail de contrôle et d’évaluation des politiques publiques constitue selon moi, comme l’a rappelé le président de notre commission d’ailleurs, l’une des missions du Parlement. Je ne comprends pas pourquoi vous voulez confier au Gouvernement une telle évaluation.

Suivant l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN20. Elle en vient à l’amendement DN21 de M. Bastien Lachaud.

M. Alexis Corbière. Monsieur le président, il s’agit du dernier amendement que je défendrai ce soir et je vous remercie tous, mes chers collègues, pour votre patience et pour la qualité de vos réponses. Je termine avec un amendement vraiment consensuel ! (Sourires) Il vise à l’établissement d’un rapport sur les surcoûts induits par les retards et les malfaçons dans le développement des grands projets informatiques et l’opportunité de l’internalisation de la compétence. Vous savez l’échec grave qui a conduit à l’abandon du logiciel de traitement de la solde Louvois. Cet échec remet en question le dogme du recours à des prestataires privés pour le développement des grands projets informatiques tant les pertes ont été importantes pour le ministère. Éclairé par un tel rapport, le Parlement serait alors fondé à défendre, lors de l’élaboration de la prochaine loi de programmation militaire, des propositions ambitieuses à même de doter la défense d’un service informatique qui satisfasse les besoins dans des conditions de sécurité optimales. Je vous remercie.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Pour ne pas décevoir notre collègue Alexis Corbière, je vais donner un avis circonstancié en trois minutes ! Cet amendement propose que le Gouvernement remette un rapport au Parlement dans les trois mois sur l’opportunité de « réinternaliser » la production de logiciels de gestion nécessaires au fonctionnement du ministère des Armées, compte tenu des retards, des surcoûts et des difficultés constatées par le passé. Tout le monde a naturellement en tête le scandale lié au logiciel de traitement de la solde, Louvois. La question est pertinente. Mais là encore : pourquoi demander au Gouvernement de produire un rapport d’information alors que le Parlement dispose de ses propres moyens de contrôle ? Je rappelle également le travail de nos collègues Geneviève Gosselin-Fleury et Damien Meslot qui avaient effectué, l’an dernier, une communication sur la mise en œuvre du projet Source Solde, le successeur de Louvois. Enfin – c’est d’ailleurs une information que le président confirmera peut‑être en temps voulu – la commission de la défense nationale et des forces armées est sur le point de constituer une mission d’information sur le thème du numérique dans les armées, dans le cadre de laquelle la question sera certainement posée. Je suis donc défavorable, et croyez bien que je le regrette, cher collègue, à cet amendement.

Conformément à l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement DN21. Elle examine ensuite l’amendement DN22 de M. Alexis Corbière.

M. Bastien Lachaud. L’équipement léger du soldat est de moins en moins fabriqué en France et particulièrement sujet aux annulations de crédits d’équipement. Pourtant, ce sont des matériels essentiels pour la protection de nos personnels. Cet amendement vise donc à évaluer la possibilité de recréer une filière industrielle nationale dans ce secteur.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Avis défavorable. En effet, ce que les auteurs appellent « l’équipement léger du soldat » peut recouvrir de très nombreux équipements : gilet pare-balles, casque, fusil, pistolet, jumelles de vision nocturne, treillis etc. Tous équipements pour lesquels des fournisseurs nombreux et variés existent, et il est difficilement imaginable de les intégrer à une industrie publique comme le disent les auteurs de l’amendement. La nationalisation de ces entreprises n’est pas à l’ordre du jour ; à l’inverse, la consolidation industrielle européenne l’est.

Si les auteurs de l’amendement visent spécifiquement le choix du HK 416F pour le remplacement du FAMAS, je ne peux que leur rappeler que son canon est fait d’acier français, et je crois qu’en l’espèce, le canon représente environ 30 % de la valeur de l’arme.

M. Thomas Gassilloud, rapporteur pour avis. Même avis que notre collègue Jean‑Charles Larsonneur. Constituer une industrie publique pour tout l’équipement léger du soldat ne me semble pas être la bonne réponse aux défis d’aujourd’hui. Pour moi, l’enjeu, c’est au contraire d’intégrer de façon plus rapide et plus souple l’innovation technologique, et l’on ne peut pas tout miser sur une industrie publique de monopole pour stimuler l’innovation et maîtriser les coûts. Rappelons qu’un fusil d’assaut HK416F coûte un peu moins que six chargeurs de FAMAS. C’est en dégageant des marges de manœuvre financières sur ce type d’équipement que l’on peut financer mieux l’innovation. À mes yeux, c’est là une stratégie plus efficace pour les armées.

Mme Sereine Mauborgne. Notre collègue Thomas Gassilloud m’ayant associée à l’ensemble de ses travaux, je peux attester que le chef d’état-major de l’armée de terre fait de l’équipement individuel du soldat une priorité de son action en vue de la prochaine loi de programmation militaire, et nous partageons ses vues en la matière. Il tient d’ailleurs non seulement à améliorer la qualité de l’équipement léger des personnels, mais aussi à faire en sorte que cet équipement soit autant que possible individuel. En effet, aujourd’hui, qu’il s’agisse de fusils d’assaut, de jumelles de vision nocturne, de gilets pare-balles ou de kits FELIN, l’armée de terre dispose de moins d’équipements qu’elle n’a de soldats ; ces matériels sont mutualisés. L’objectif est d’en doter chaque soldat.

Conformément à l’avis défavorable des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement DN22.

 

 

 

 

 


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   annexe :

Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

 

  THALES  M. Philippe Duhamel, directeur général adjoint « systèmes de mission de défense », Mme Isabelle Caputo, directrice des relations parlementaires et politiques, et M. le général (2S) Jean-Robert Morizot, conseiller défense ;*

  Dassault Aviation – M.  Éric Trappier, président de Dassault Aviation et du GIFAS, et M. Bruno Giorgianni, directeur des affaires publiques et directeur du cabinet ;*

  M. le général de corps aérien Bernard Schuler, commandant les forces aériennes stratégiques (FAS), et M. le lieutenant-colonel Nicolas André, assistant militaire et chef de cabinet du général ;

  AIRBUS  M. Philippe Bottrie, directeur des affaires publiques France, M. Philippe Coq, secrétaire permanent des affaires publiques, M. le général de corps aérien (2S) Guy Girier, conseiller défense du président, et Mme Annick Perrimond-du Breuil, directeur des relations avec le Parlement ;*

  Délégation générale pour l’armement (DGA) – M. Christophe Fournier, directeur des plans des programmes et du budget, et Mme l’ingénieure générale de l’armement Eveline Spina, sous-directrice des plans et des programmes ;

  Centre national détudes spatiales (CNES) – M. Jean-Yves Le Gall, président, M. Pierre Tréfouret, directeur du cabinet du président, et M. le général (2S) Henry de Roquefeuil, conseiller militaire ;

  ONERA  M. Bruno Sainjon, président, et M. Jacques Lafaye, conseiller du président ;

  M. le général de corps aérien Rony Lobjoit, directeur des ressources humaines de l’armée de l’Air, et M. le lieutenant-colonel Marc D’Oria, assistant militaire ;

  M. le général d’armée aérienne André Lanata, chef-d’état-major de l’armée de l’air et M. le colonel Nicolas Lyautey, assistant militaire ;

  SAFRAN  M. Philippe Petitcolin, directeur général, et M. le général (2S) William Kurtz, conseiller défense ;*

  MBDA – M. Antoine Bouvier, président-directeur général, M. Pierre Muller, directeur du business development de MBDA France, et Mme Patricia Chollet, chargée des relations avec le Parlement ;*

  Service industriel de l’aéronautique (SIAé) – M. l’ingénieur général hors classe de l’armement Jean Marc Rebert, directeur central, M. l’ingénieur en chef Pascal Marchandin, chargé de mission « transformation », et M. le commissaire en chef des armées Sylvain Blothiaux, chef de cabinet du directeur central ;

  Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère la Défense (SIMMAD) – M. le général de corps aérien Philippe Roos, directeur, M. le capitaine de vaisseau Sébastien Fabre, chef de la division Stratégie-Modernisation du MCO aéronautique-réglementation , et M. le lieutenant-colonel Grégoire Servent, assistant militaire.

* Ces représentants d’intérêts avaient procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

Déplacements

        Base aérienne projetée au Levant ;

        Base aérienne 113 de Saint-Dizier ;

        Base aérienne 942 de Lyon-Mont-Verdun – rencontre avec le général de division aérienne Jean-Christophe Zimmermann, commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) ;

        Base aérienne 120 de Cazaux – rencontre avec le général de corps aérien Jean-Rondel, commandant des forces aériennes (CFA) ;

        Base aérienne 133 de Nancy-Ochey ;

        Base aérienne 118 de Mont-de-Marsan. 

 

 

 


([1]) Formation Modernisée et Entrainement Différencié des Équipages de Chasse.

([2]) Armement Air-Sol Modulaire.

([3]) Le parc de référence DT englobe les aéronefs en exploitation et ceux en maintenance opérationnelle ou industrielle. Ce périmètre matérialise celui dont disposent les armées et la structure intégrée de maintenance des moyens aéronautiques de la défense (SIMMAD) pour tenir les objectifs de disponibilité.

([4]) Le coût du MCO est constitué de quatre éléments : dépenses d’EPM (66%), rémunérations et charges sociales du personnel affecté à la maintenance (34%), faibles dépenses de fonctionnement, dépenses de soutien initial financées par le programme 146.

([5]) Les équipements missionnels font l’objet d’une analyse en seconde partie du rapport.

([6]) Le Livre blanc fixe à l’année 2025 l’atteinte du format de l’aviation de chasse à 185 avions de combat. Par ailleurs, la cible totale est de 225 avions de combat, en tenant compte des 40 Rafale prévus pour équiper l’aéronautique navale.

([7]) Recherche Et Sauvetage au Combat.

([8]) À l’inverse, lorsqu’ils n’assurent pas la posture nucléaire, les équipages de la mission de dissuasion nucléaire arment les quatre plots de la PPS répartis sur le territoire national : Saint-Dizier, Lorient, Mont-de-Marsan et Orange.

([9]) ELectronic INTelligence : Renseignement d’Origine Électro-Magnétique (ROEM).

([10]) GBU  49  (guidée  GPS  ou  laser  250  kg),  GBU  12  (guidé  laser  250  kg),  GBU  16  (guidée  laser  500  kg), GBU 24 (guidée laser une tonne), AASM (guidage GPS, GPS + laser ou GPS + IR, 250 kg) et SCALP (missile de croisière).

([11]) Le retour d’expérience a permis en particulier de progresser dans les domaines de l’interopérabilité, de la validation et de l’évolution des doctrines, des entraînements, des processus et des équipements. De même, les opérations permettent l’aguerrissement du personnel, et donc l’augmentation de son efficacité au combat, ainsi que l’amélioration de la transmission des savoir-faire pour le personnel ayant atteint une qualification opérationnelle.

([12])  Trilatéral Exercice Initiative : exercice États-Unis/Royaume-Uni/France mettant en jeu uniquement des avions de dernière génération (F22/Eurofighter/Rafale.

([13]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/commissions_elargies/cr/