N° 277

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2017.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2018 (n° 235)

 

TOME VIII

 

 

SÉCURITÉS

 

GENDARMERIE NATIONALE

PAR Mme Aude BONOVANDORME

Députée

——

 

 

 Voir le numéro : 273 (annexe 39)


 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

le budget 2018 : traduction de lune des grandes priorités du gouvernement et de la majorité

I. des ressources en augmentation pour assurer la sécurité des français et du territoire national

A. les crédits prévus en 2018 pour la gendarmerie

1. Le montant des crédits et leur évolution

2. La répartition des crédits par titre

B. Les grandes orientations du programme « Gendarmerie nationale »

1. Sur le périmètre « ressources humaines »

2. Sur le périmètre « hors ressources humaines »

C. La mise en réserve initiale pour 2018 : une réduction substantielle de la part des crédits gelés, des conséquences similaires ?

II. quelques points dattention pour l’avenir

A. Les femmes et les hommes de la gendarmerie

1. La part des effectifs « gendarmerie » dans le plan de renforcement des forces de sécurité : pour un rééquilibrage tenant compte de la réalité opérationnelle et des tendances démographiques

2. La directive « temps de travail » : garder le sens des réalités

3. Les transformations de postes : préserver la « militarité » des corps de soutien

4. La garde nationale : lindispensable réserve

5. Poursuivre le renforcement de certaines composantes : les PSIG-Sabre et la gendarmerie mobile

6. Veiller au maintien du temps de formation des personnels, dans un contexte de haut niveau dengagement

7. La carte territoriale : ne pas créer des « déserts de sécurité »

B. Les questions financières

1. Une « dette loyers » à acquitter le plus rapidement possible, mais sans préjudice pour la gendarmerie

2. Les mutualisations : oui au pragmatisme, non au dogmatisme

C. les matériels : renouveler certains parcs

1. Le parc roulant

2. La flotte dhélicoptères

D. Les outre-mer : tendances lourdes et sujets d’actualité

1. Les effectifs de la gendarmerie outre-mer

2. La situation sécuritaire dans les outre-mer : un niveau de délinquance structurellement élevé, des réalités locales hétérogènes

3. Les points dattention dans le domaine des capacités

4. La préparation des opérations référendaires en Nouvelle-Calédonie

5. La gestion de la crise Irma et Maria : la démonstration de la solidité et de lefficacité du modèle de la gendarmerie nationale

partie thématique : la gendarmerie, acteur de la sécurité économique

I. présentation générale

A. Le concept de sécurité économique : définition et prise en compte dans l’organisation de laction publique

1. Définition de la notion

2. Lorganisation des pouvoirs publics en matière de sécurité économique

B. Typologie des atteintes à la sécurité économique en zone gendarmerie

1. Une gamme variée datteintes potentielles, renouvelée par la problématique « cyber »

a. Quelques statistiques, par nature incomplètes

b. Point particulier sur les atteintes cyber

2. Les entreprises et secteurs particulièrement vulnérables

II. laction de la gendarmerie en matière de sécurité économique

A. acquérir et maintenir les compétences des personnels en matière de sécurité économique

1. Le centre national de formation au renseignement opérationnel

2. Les formations délivrées par des partenaires extérieurs

B. les trois principaux volets daction de la gendarmerie

1. La recherche et lexploitation du renseignement dintérêt économique

2. La prévention des atteintes à la sécurité économique

3. La sensibilisation des acteurs économiques

C. le rôle des entités spécialisées du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale

1. Un pouvoir d’enquête au niveau national

2. Les actions de prévention et de sensibilisation

3. La coordination avec les autres services de l’État

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. audition du général richard lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale

II. EXAMEN des crÉdits

annexe  Liste des personnes auditionnées et rencontrées par la rapporteure pour avis


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   introduction

Avec près de 8,7 milliards d’euros de crédits de paiement, le budget alloué à la gendarmerie nationale pour 2018 traduit l’une des priorités du Gouvernement et de la majorité : assurer la protection de la France et des Français. Les ressources prévues sont conformes au niveau d’engagement de la gendarmerie et lui donnent des marges de manœuvre pour investir dans un certain nombre de domaines essentiels à l’accomplissement de ses missions : renouvellement des moyens mobiles, poursuite des opérations de réhabilitation du parc immobilier, ou encore équipement du « gendarme 2.0 » avec le dispositif NEOGEND.

Toutefois des points de vigilance demeurent. Certaines difficultés ne sont pas nouvelles, elles ne sont pas subitement apparues, mais résultent des choix et des non-choix effectués par le passé. D’autres sujets consistent davantage en des points d’attention pour l’avenir. Seuls certains de ces sujets et de ces difficultés seront rappelés ici.

Un plan de renforcement des forces de sécurité intérieure, décidé par le président de la République, sera mis en œuvre durant le quinquennat et prévoit la création de 10 000 emplois nouveaux au sein des forces de police et de gendarmerie sur cette période. La rapporteure pour avis salue ces augmentations d’effectifs, bienvenues et nécessaires compte tenu du contexte sécuritaire global et du niveau d’emploi des forces. Elle estime cependant qu’au regard du poids relatif de chacune des forces – qui sont engagées avec la même intensité – et des évolutions démographiques en zone gendarmerie, un rééquilibrage du partage des postes devra sans doute être envisagé après 2018. En effet, à ce stade, il est prévu d’affecter 75 % des nouveaux postes à la police et 25 % seulement à la gendarmerie nationale.

Il conviendra par ailleurs de revenir à une application plus réaliste de la directive dite « temps de travail », afin que celle-ci ne perturbe ni l’organisation, ni les capacités opérationnelles de la gendarmerie. À cet égard, la rapporteure pour avis se réjouit de la réponse claire apportée par le président de la République à l’occasion de son discours aux forces de sécurité intérieure le 18 octobre 2017. Des négociations vont avoir lieu avec nos partenaires européens, et il s’agira in fine de concilier la nécessaire efficacité opérationnelle avec les droits qui doivent légitimement être reconnus aux personnels.

La montée en puissance de la réserve dans le cadre de la garde nationale devra également être accompagnée des ressources nécessaires. La réserve, qui constitue un formidable instrument d’engagement et de valorisation, notamment des jeunes Français, est en effet devenue une composante indispensable pour la réalisation des missions de la gendarmerie.

Enfin la « dette loyers », contractée en 2016, devra progressivement être apurée. Ce dossier a constitué un sujet particulièrement suivi par la rapporteure pour avis au cours de ses travaux, et celle-ci ne peut que se satisfaire des assurances qui en ont résulté. Ainsi M. Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, a-t-il confirmé en commission élargie la mise en œuvre d’un plan pluriannuel d’apurement qui permettra d’assainir une situation n’étant pas du fait de la gendarmerie, mais résultant d’arbitrages rendus par le Gouvernement précédent.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La rapporteure pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2017, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 71 réponses sur 81 lui étaient parvenues, soit un taux de 87,6 %.


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   le budget 2018 : traduction de l’une des grandes priorités du gouvernement et de la majorité

I.   des ressources en augmentation pour assurer la sécurité des français et du territoire national

A.   les crédits prévus en 2018 pour la gendarmerie

1.   Le montant des crédits et leur évolution

● Dans le cadre du PLF 2018, environ 9,04 milliards deuros dautorisations dengagement (AE) et 8,79 milliards deuros de crédits de paiement (CP) sont inscrits au titre du programme 152 « Gendarmerie nationale ». Les premières augmenteraient ainsi de + 1,26 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2017, et les seconds de + 0,72 %.

Ces montants comprennent :

– 8,91 milliards deuros en AE et 8,66 milliards deuros en CP de crédits budgétaires, soit respectivement + 1,1 % et + 0,6 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2017 ;

– et 131 millions deuros au titre des fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP) ([1]) attendus. Le montant des ADP devrait atteindre 102 millions d’euros au titre du remboursement des dépenses de personnel (titre 2) pour les effectifs mis à disposition de divers organismes ([2]). Hors titre 2, 29 millions d’euros de FDC et ADP devraient venir alimenter le budget de la gendarmerie, au titre notamment de la rémunération de prestations fournies (service d’ordre par exemple).

Le tableau suivant retrace l’ensemble de ces ressources – crédits budgétaires et fonds de concours et attributions de produits.

Évolution des crÉdits du programme gendarmerie nationale 2017-2018
fonds de concours et attributions de produits compris

(en millions deuros)

 

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Programme / action

Ouvertes en LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2018/2017

Ouverts en LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2018/2017

152 Gendarmerie nationale

8 931,65

9 044,48

+ 1,26%

8 725,83

8 788,82

+ 0,72%

01 Ordre et sécurité publics

3 347,41

3 380,37

+ 0,98%

3 347,41

3 380,37

+ 0,98%

02 Sécurité routière

744,80

737,31

- 1,01 %

744,80

737,31

- 1,01 %

03 Missions de police judiciaire et concours à la justice

2 023,81

2 038,92

+ 0,75%

2 023,81

2 038,92

+ 0,75%

04 Commandement, ressources humaines et logistique

2 680,55

2 754,15

+ 2,75%

2 474,72

2 498,49

+ 0,96%

05 Exercice des missions militaires

135,10

133,73

- 1,02 %

135,10

133,73

- 1,02 %

Source : projet annuel de performances 2018 « Sécurités » ; calculs de la rapporteure pour avis.

La neutralisation des fonds de concours et attributions de produits attendus en 2018 – dont le montant n’est, à ce stade, qu’une évaluation – ne modifie pas fondamentalement les grands équilibres du budget prévu, ainsi qu’en témoigne le tableau suivant.

Évolution des crÉdits du programme gendarmerie nationale 2017-2018

Hors fonds de concours et attributions de produits

(en millions d’euros)

 

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Programme / action

Ouvertes en LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2018/2017

Ouverts en LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2018/2017

152 Gendarmerie nationale

8 814,59

8 913,39

+ 1,1 %

8 608,77

8 657,74

+ 0,6 %

01 Ordre et sécurité publics

3 347,40

3 380,37

+ 1,0 %

3 347,40

3 380,37

+ 1,0 %

02 Sécurité routière

744,78

737,31

- 1,0 %

744,78

737,31

- 1,0 %

03 Missions de police judiciaire et concours à la justice

2 023,81

2 038,92

+ 0,7 %

2 023,81

2 038,92

+ 0,7 %

04 Commandement, ressources humaines et logistique

2 563,49

2 623,07

+ 2,3 %

2 357,66

2 367,41

+ 0,4 %

05 Exercice des missions militaires

135,10

133,72

- 1,0 %

135,10

133,72

- 1,0 %

Source : projet annuel de performances 2018 « Sécurités » ; calculs de la rapporteure pour avis.

2.   La répartition des crédits par titre

Les crédits prévus pour la gendarmerie pour 2018 par nature de dépenses – de personnel, de fonctionnement, d’investissement et d’intervention – se répartissent ainsi :

répartition des crédits du programme 152 hors fonds de concours
et attributions de produits

(en millions d’euros)

 

AE

CP

Part dans le programme

AE

CP

Programme 152 – Total tous titres

8 913,4

8 657,7

100 %

100 %

Dépenses de personnel – titre 2

7 306,5

7 306,5

82 %

84,4 %

Dépenses de fonctionnement – titre 3

1 419,9

1 139,6

15,9 %

13,2 %

Dépenses d’investissement – titre 5

177,0

205,3

2 %

2,4 %

Dépenses d’intervention – titre 6

10,0

6,3

0,1 %

0,1 %

Source : projet annuel de performance 2018 « Sécurités » – calculs de la rapporteure pour avis.

● Les dépenses de personnel

Classiquement, les dépenses de personnel constituent le poste budgétaire le plus important de la gendarmerie avec 82 % des AE et plus de 84 % des CP.

Les crédits prévus – 7,3 milliards d’euros environ – permettront :

– de rémunérer les personnels (soldes, indemnités) : 3,57 milliards d’euros environ ;

– d’acquitter les cotisations et contributions sociales : 3,72 milliards d’euros environ, dont 3,34 milliards d’euros environ versés au compte d’affectation spéciale « Pensions » ;

– de verser diverses prestations sociales et allocations aux personnels : 20 millions d’euros.

Il est à noter que le PLF 2018 prévoit une enveloppe de 61,7 millions d’euros au titre des mesures catégorielles statutaires et indemnitaires au profit des personnels. Il s’agit, à titre principal, de la mise en œuvre :

– du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » dit PPCR (30,14 millions d’euros) ;

– et du protocole du 11 avril 2016 pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la gendarmerie nationale (29,64 millions d’euros).

Toutefois, le Gouvernement a récemment annoncé que la poursuite du PPCR serait repoussée à l’année 2019.

● Les dépenses de fonctionnement

Les crédits de fonctionnement sont ventilés en sept agrégats présentés ci‑après par ordre décroissant d’importance budgétaire.

Les dépenses liées à l’immobilier représentent environ 60 % des dépenses de fonctionnement de la gendarmerie. Les crédits prévus atteindront 819,5 millions d’euros en AE et 657,5 millions d’euros en CP. Classiquement, la majeure partie sera consacrée au paiement des loyers (près de 620 millions d’euros en AE et 520 millions d’euros en CP).

Les autres dépenses ont trait notamment à la gestion du parc immobilier (entretien du casernement, nettoyage) et au paiement des contrats « énergie et fluides » (gaz et électricité).

Les crédits consacrés au « fonctionnement courant lié à lagent » s’élèveront à 228 millions d’euros environ en AE et 227 millions d’euros en CP. Ces crédits financeront notamment :

– le fonctionnement courant : fournitures de bureau, consommables, téléphonie, etc. ;

– la formation : avec l’accueil, en 2018, de plus de 30 000 stagiaires dans les 22 écoles et centres de formation de la gendarmerie nationale ;

– les frais de déplacement : en augmentation en raison du haut niveau d’engagement de la gendarmerie.

Les crédits déquipement sont prévus à hauteur de 199 millions d’euros en AE et 81 millions d’euros en CP. Ils permettront de couvrir les dépenses liées à l’acquisition d’armes, de munitions, de moyens de protection et d’intervention, à l’habillement, ou encore à l’achat et l’entretien certains matériels (kits de dépistage des stupéfiants, kits de la police technique et scientifique – prélèvements buccaux, biologiques, etc.).

Les crédits relatifs aux systèmes dinformation et de communication atteindront 75,5 millions d’euros en AE et 77,3 millions d’euros en CP. Ils permettront de financer l’acquisition ainsi que les coûts de fonctionnement et de maintenance des équipements concernés.

Les crédits liés aux moyens mobiles financent les dépenses liées à l’emploi de l’ensemble des véhicules en dotation dans la gendarmerie. S’élevant à 72 millions d’euros en AE comme en CP ils permettront notamment de couvrir les dépenses d’entretien et de réparation des véhicules, ainsi que les dépenses de carburant.

Les ressources consacrées aux moyens lourds de projection et dintervention atteindront 25 millions d’euros en AE et 24 millions d’euros en CP. Consacrés au parc d’hélicoptères de la gendarmerie, ils permettront d’en assurer le maintien en condition opérationnelle et le fonctionnement via les dépenses de carburant.

Enfin, 0,4 million d’euros de subventions seront attribués à diverses associations et institutions, par exemple le Centre national sur le droit des femmes et des familles ou encore le Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégique.

● Les dépenses dinvestissement

Les dépenses d’investissement s’élèveront à 177 millions d’euros en AE et 205,3 millions d’euros en CP. Les investissements en matière immobilière et dans le domaine des moyens mobiles représentent la quasi-totalité des ressources prévues à ce titre (cf. infra).

● Les dépenses dintervention

Les 10 millions d’euros en AE et 6,3 millions d’euros en CP permettront d’accorder des subventions d’investissement aux collectivités territoriales finançant des opérations immobilières de construction de casernements pour la gendarmerie.

B.   Les grandes orientations du programme « Gendarmerie nationale »

Au-delà d’une vision budgétaire présentant les crédits par titre, une présentation plus opérationnelle des ressources allouées à la gendarmerie fait apparaître les grandes orientations suivantes.

1.   Sur le périmètre « ressources humaines »

Le président de la République a décidé la mise en œuvre d’un plan de renforcement des forces de sécurité intérieure à hauteur de 10 000 emplois sur la période 2018-2022.

Leffort consenti au profit de la gendarmerie sur cette période sélève à 2 500 emplois, dont 500 au titre de lannée 2018. Compte tenu des suppressions et des réaffectations de postes prévues par ailleurs, la gendarmerie enregistrera un solde net positif de 459 équivalents temps plein (ETP) ([3]) en 2018.

Le plafond des emplois autorisés pour 2018 s’élèvera quant à lui à 100 812 équivalents temps plein travaillé (ETPT) ([4]), dont environ 6 400 officiers, 77 600 sous-officiers et 11 900 volontaires.

2.   Sur le périmètre « hors ressources humaines »

Au-delà des ressources nécessaires à l’exercice des missions et au fonctionnement quotidien de la gendarmerie et qui n’appellent pas de commentaires particuliers, les principales mesures prévues par le PLF 2018 sont les suivantes.

● Les moyens mobiles

Les 70 millions d’euros d’AE et les 60 millions d’euros de CP prévus permettront à la gendarmerie de commander 3 000 véhicules. Ce seuil correspond au besoin minimal annuel pour assurer le renouvellement du parc compte tenu des critères de réforme en vigueur ([5]). Une partie de ces ressources sera également consacrée à l’acquisition de véhicules lourds, afin d’amorcer le renouvellement des véhicules de maintien de l’ordre, et de moyens nautiques.

● Le parc immobilier

Les efforts consentis sous la précédente législature ([6]) seront poursuivis :

– 100 millions deuros d’AE permettront de financer des opérations de réhabilitation durgence ;

– cinq millions deuros d’AE et CP seront mobilisés au titre de la sécurisation des casernes.

● Les systèmes dinformation et de communication

La principale mesure dans ce domaine a trait au déploiement sur lensemble du territoire, au 1er janvier 2018, du dispositif NEOGEND. Ce programme, d’un coût total de 65,5 millions d’euros sur la période 2015-2019, bénéficiera de 13,2 millions d’euros de CP en 2018.

Pour rappel, NEOGEND vise à équiper les gendarmes d’outils numériques mobiles (smartphones et tablettes) contenant toute la documentation, les bases de données professionnelles, les bases métier, etc. nécessaires à la conduite de leurs missions. Véritable « bureau portable », NEOGEND accroît la mobilité du gendarme et sa présence sur le terrain, tout en améliorant l’efficacité de son action. L’accès direct, en tout lieu, aux bases et applications spécifiques permet par exemple de diviser par quatre le temps de contrôle des personnes concernées par une telle mesure.

 Les missions de la gendarmerie mobile

Le PLF 2018 prévoit d’augmenter la dotation de fonctionnement allouée aux forces mobiles, portant celle-ci à 68 millions d’euros. Cette revalorisation doit permettre d’ajuster la ressource au haut niveau d’engagement opérationnel de la gendarmerie mobile, particulièrement sollicitée en matière de lutte contre le terrorisme, contre l’immigration irrégulière et, naturellement, dans le domaine de la sécurité publique.

C.   La mise en réserve initiale pour 2018 : une réduction substantielle de la part des crédits gelés, des conséquences similaires ?

Mécanisme de gestion prévu par l’article 51 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([7]) et touchant l’ensemble des programmes du budget général dotés de crédits limitatifs, la mise en réserve constitue l’une des mesures permettant d’assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement.

Au cours des trois derniers exercices, le taux de mise en réserve avait atteint le niveau particulièrement élevé de 8 % hors titre 2 – et 0,5 % pour les crédits ouverts sur le titre 2. Dans le cadre du PLF 2018, le Gouvernement maintient le taux du gel à 0,5 % des crédits de titre 2, mais a choisi dabaisser le niveau de la mise en réserve hors titre 2 à 3 %, ce qui constitue en soi un réel motif de satisfaction. La réduction du périmètre du gel hors titre 2 constitue a priori un point positif pour la gendarmerie. Avec une part plus importante de crédits disponibles dès le début de la gestion, elle aurait davantage de visibilité pour mener ses programmes d’investissement.

Pour 2018, le gel des crédits devrait ainsi atteindre :

– 36,53 millions d’euros sur le titre 2 en AE comme en CP ;

– 48,21 millions d’euros en AE et 40,54 millions d’euros en CP sur le hors titre 2.

Toutefois, il convient de rappeler que la masse de crédits effectivement pilotable est très réduite, compte tenu du haut niveau de dépenses « contraintes » : rémunérations, dépenses de fonctionnement liées à l’exercice des missions (véhicules, carburant, systèmes d’information et de communication, paiement des loyers, etc.).

Par ailleurs, des questions se posent quant à la mise en œuvre effective de ce gel, même significativement réduit. En matière de mise en réserve, il semble que la gendarmerie nait le choix quentre des mauvaises solutions compte tenu de la physionomie de son budget.

En 2016, afin d’assurer le financement des plans liés à la lutte antiterroriste, un arbitrage du Premier ministre avait autorisé la gendarmerie à faire porter les 8 % de mise en réserve sur les loyers, qui constituent pourtant une dépense obligatoire. En 2017, afin de sauvegarder ses maigres possibilités d’investissement, la gendarmerie avait pu reconduire la même opération, mais de manière partielle, le gel ayant été réparti sur l’ensemble des unités budgétaires à proportion de leur importance, et non sur les seuls loyers.

Pour 2018, le taux de mise en réserve est certes singulièrement moins élevé, mais la gendarmerie ne pourra plus le faire porter sur les loyers, même partiellement et même si une telle décision ne s’était pas avérée pertinente en termes de bonne gestion (cf. infra). Le gel touchera donc à nouveau, comme avant 2016, les crédits prévus pour réaliser les investissements en matière immobilière et renouveler les parcs de véhicules. Les années antérieures, la gendarmerie avait pu faire porter le taux de 8 % sur une assiette relativement large ; en 2018 elle devra faire porter le gel de 3 % sur une assiette substantiellement réduite dès lors que le montant des loyers en est retiré.

Pour rappel, le montant du gel des crédits hors titre 2 représenterait près du tiers des AE (27,2 %) et près d’un cinquième des CP (19,7 %) prévus pour les dépenses d’investissement en 2018.

Au regard de la situation sécuritaire et du niveau d’engagement de l’ensemble des forces de sécurité publique, la rapporteure pour avis plaide pour que la réserve soit rapidement levée dès le début de lexercice 2018 afin de donner toutes les marges de manœuvre nécessaires aux administrations concernées, notamment la gendarmerie et la police nationales.

II.   quelques points d’attention pour l’avenir

Les développements qui suivent ne prétendent naturellement pas à l’exhaustivité. Ils visent à mettre en lumière un certain nombre de sujets, voire de difficultés, dont certains sont anciens et récurrents.

A.   Les femmes et les hommes de la gendarmerie

1.   La part des effectifs « gendarmerie » dans le plan de renforcement des forces de sécurité : pour un rééquilibrage tenant compte de la réalité opérationnelle et des tendances démographiques

L’année 2018 constitue la première année de mise en œuvre du plan présidentiel de renforcement des forces de sécurité intérieure. Prévu sur la période 2018-2022, il vise à créer 10 000 emplois nouveaux au sein des forces de police et de gendarmerie, selon la répartition suivante : 7 500 postes dans la police et 2 500 dans la gendarmerie.

Au titre de l’exercice 2018, la gendarmerie bénéficiera de 500 créations de postes ([8]). Selon les informations recueillies par la rapporteure pour avis, le cadencement des créations d’emplois dans le cadre de la répartition prévue se matérialisera par un effort plus important au cours des trois premières années du plan avec 500 postes en 2018, 625 postes en 2019 et 2020, et 375 en 2021 et 2022.

La rapporteure pour avis salue ces augmentations deffectifs, bienvenues et nécessaires au regard du contexte sécuritaire global et du niveau d’emploi des forces. Toutefois, elle estime quil conviendra sans doute denvisager au-delà de 2018 un rééquilibrage de leffort en direction de la gendarmerie.

En effet, la répartition actuelle revient à faire bénéficier la police nationale de 75 % des créations de postes, et la gendarmerie nationale de 25 % de ceux-ci. La rapporteure pour avis tient à rappeler que, si l’on retient comme critère de pondération le nombre de personnels dans chacune des deux forces, les effectifs de police représentent environ 60 % des forces de sécurité intérieure et ceux de la gendarmerie 40 % ([9]). C’est d’ailleurs peu ou prou la clé de répartition qui avait prévalu lors de la mise en œuvre des précédents plans d’augmentation d’effectifs.

Par ailleurs, les deux forces de sécurité intérieure connaissent un niveau dengagement comparable, quoique de nature parfois différente compte tenu de leurs zones de compétence et de leurs missions spécifiques respectives. La gendarmerie contrôle et assure la sécurité sur près de 95 % du territoire national auprès de 50 % de la population française. Elle est en outre particulièrement présente et mobilisée outre-mer et en dehors des frontières nationales. De fait, il paraîtrait logique de répartir les postes de manière équitable en fonction du poids que chaque force représente dans les effectifs totaux de la sécurité intérieure.

La rapporteure pour avis tient également à rappeler la réalité de la démographie et de son évolution prévisible – et donc, par conséquent, celle de la délinquance – dans les zones rurales et périurbaines qui relèvent de la compétence de la gendarmerie nationale. D’après les informations qui lui ont été fournies, la progression de la population en zone gendarmerie est deux fois plus élevée quen zone police. Entre 2012 et 2017, plus d’un million de personnes supplémentaires se sont installées en zone gendarmerie, dont 71 % en métropole, et la même augmentation est anticipée au cours des cinq années à venir. Là encore, la répartition des effectifs prévue par le plan de renforcement des forces de sécurité intérieure devrait sans doute prendre en compte cette réalité.

Enfin, la rapporteure pour avis souhaite insister sur un point essentiel à l’avenir. Les conséquences budgétaires de la création d’un poste de gendarme ne se limitent pas à l’augmentation des crédits de titre 2. Il convient d’y ajouter le « coût de sac à dos », soit toutes les dépenses relatives à l’équipement du gendarme supplémentaire, à la « quote-part » qu’il représente en matière de dépenses liées à l’immobilier, à la mobilité (véhicules), etc. D’après les informations recueillies par la rapporteure pour avis, ce coût s’élèverait à environ 119 millions deuros sur les cinq ans de mise en œuvre du plan et n’a pas été intégré lors de la construction budgétaire. Pour les budgets ultérieurs, il conviendra de prendre en compte ce coût supplémentaire et de revaloriser à due concurrence les crédits du programme.

2.   La directive « temps de travail » : garder le sens des réalités

Le précédent rapporteur pour avis du programme 152 « Gendarmerie nationale » au sein de la commission de la Défense nationale et des forces armées avait déjà fait état des difficultés posées à la gendarmerie nationale – entre autres – par l’application de la directive 2003/88/CE relative au temps de travail ([10]).

La rapporteure pour avis partage en tous points l’analyse qui avait été effectuée par son prédécesseur ([11]). Elle rappelle que certaines dispositions de la directive, et notamment l’obligation d’accorder un repos physiologique quotidien de 11 heures toutes les 24 heures ont dégradé la disponibilité opérationnelle des unités de la gendarmerie.

Comme l’a souligné le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale ([12]), l’application de la directive s’est traduite, au cours du premier semestre 2017, par une diminution moyenne de lactivité de la gendarmerie départementale en métropole de 5,5 %. Lactivité opérationnelle de la gendarmerie mobile a quant à elle baissé de 12 %. Et ce sans compter les difficultés en termes d’organisation du travail pour des effectifs et des unités déjà très sollicités.

Causant une « perte » estimée à environ 6 000 ETPT sur les activités opérationnelles, la directive pourrait donc aboutir à neutraliser les efforts réalisés en termes deffectifs sous la législature précédente et poursuivis dans le PLF 2018, alors que le niveau dengagement des forces est particulièrement élevé et est appelé à le rester.

Naturellement, la France n’est pas le seul pays européen concerné par les implications de cette directive sur l’emploi des forces de sécurité publique et des forces armées. L’ensemble de ses partenaires est confronté à la même réalité, même si leurs forces respectives ne sont pas nécessairement engagées à la même hauteur que les forces françaises. La rapporteure pour avis plaide donc pour une action concertée auprès de la Commission européenne ([13]) afin de revenir à une interprétation plus réaliste et raisonnable de la directive. Inenvisageables en elles-mêmes pour ce qui concerne les militaires en raison des contraintes attachées à leur statut, certaines dispositions le sont d’autant plus dans un contexte où les risques et les menaces sécuritaires – notamment terroristes – demeurent particulièrement forts. La rapporteure pour avis se réjouit donc de la réponse claire apportée par le président de la République à loccasion de son discours aux forces de sécurité intérieure le 18 octobre 2017, lorsqu’il a affirmé que « [sa] détermination est complète pour qu’aussi bien la gendarmerie que les militaires de manière plus générale ne soient pas concernés » par la directive.

Il est vrai toutefois qu’il pourrait s’avérer socialement malaisé de revenir sur des dispositions favorables aux personnels. Par ailleurs, la négociation au niveau européen pourrait s’avérer complexe. De fait, et si l’engagement et la présence sur le territoire de la gendarmerie devaient être maintenus à leurs niveaux actuels, il conviendrait de renforcer les effectifs à due concurrence des « pertes » causées par l’application pleine, entière et définitive de la directive.

En tout état de cause et même si cela peut sembler évident, il n’est manifestement pas inutile de le rappeler : le ministère de lIntérieur est le ministère des crises, de lurgence et de la réactivité. L’organisation de l’activité de ses personnels doit refléter cette réalité et ne saurait être calquée sur les dispositions légitimement applicables aux salariés et agents publics « classiques ».

3.   Les transformations de postes : préserver la « militarité » des corps de soutien

Sur la durée du quinquennat, la gendarmerie va procéder à 1 500 « transformations de postes » d’officiers et de sous-officiers, notamment en postes de civils, selon un cadencement de 300 postes par an.

Les deux premières années, 600 postes seront ainsi transférés du champ « militaire » au champ « civil ». Il s’agit des dernières annuités d’un plan de transformation antérieur qui prendra fin en 2019.

Pour les années ultérieures, si la « civilianisation » peut effectivement s’envisager pour certaines fonctions, la rapporteure pour avis estime que cette « transformation de postes » ne doit pas exclusivement seffectuer au profit de personnels civils. Dans les corps de soutien notamment, la présence de personnels à statut militaire est essentielle pour garantir la solidité, la résilience, et la réactivité du modèle, ainsi que la gestion de la crise Irma et Maria aux Antilles l’a démontré.

La rapporteure pour avis appelle donc à la vigilance et, surtout, au pragmatisme dans la mise en œuvre de ce processus au-delà des deux premières annuités, les critères devant primer étant, bien entendu, l’intérêt opérationnel et l’efficacité.

4.   La garde nationale : l’indispensable réserve

La gendarmerie compte actuellement 29 104 réservistes au titre de la réserve opérationnelle ([14]), soit environ 30 000 réservistes au total en y ajoutant les 1 300 femmes et hommes de la réserve citoyenne. Les réservistes sont totalement intégrés dans les unités opérationnelles et ont vocation à assumer l’ensemble des missions dévolues aux gendarmes de carrière, à l’exception notable des opérations de maintien de l’ordre. Deux compagnies de réservistes ont ainsi été déployées aux Antilles dans le cadre des opérations menées à la suite du passage des ouragans Irma et Maria.

À cet égard la transformation, en 2016, de la délégation aux réserves en véritable commandement des réserves est révélatrice de l’apport de celles-ci à l’action de la gendarmerie dans son ensemble. Elle symbolise également la reconnaissance légitime de l’engagement et de la valeur de celles et ceux qui ont choisi de contribuer à la sécurité de leur pays et de leurs concitoyens. En moyenne, sur une année, entre 2 500 et 3 000 réservistes sont engagés chaque jour, avec des pics saisonniers constatés à certaines périodes comme en été par exemple ([15]). Chaque réserviste effectue en moyenne 31 jours de réserve par an.

Comme l’ensemble des réserves des forces de sécurité publique et des forces armées, la réserve de la gendarmerie est dorénavant intégrée à la garde nationale. Créée par décret en octobre 2016 ([16]), celle-ci doit progressivement monter en puissance, l’objectif étant d’augmenter d’un tiers environ le nombre de volontaires pour atteindre 85 000 réservistes à la fin de l’année 2018, dont 40 000 pour la gendarmerie nationale.

En 2018, la dotation atteindra 98,7 millions deuros pour couvrir les dépenses de personnel, ce qui représentera 33 200 réservistes à la fin de l’année. De fait, la cible des 40 000 réservistes ne sera pas atteinte, et un tel renforcement de la réserve devra nécessairement saccompagner dun abondement budgétaire à due concurrence des besoins dans les années à venir.

5.   Poursuivre le renforcement de certaines composantes : les PSIG-Sabre et la gendarmerie mobile

● Dans le cadre de la lutte anti-terroriste, certains pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) ont vu leurs capacités accrues : les PSIG‑Sabre. Ils bénéficient d’un équipement et d’une formation renforcés avec notamment : les nouveaux fusils HK G36, des éléments de protection balistique (casques et boucliers) et de nouveaux véhicules type Sharan.

Le PLF 2018 prévoit la création de 50 nouveaux PSIG-Sabre, portant leur nombre à 150 sur la période 2016-2018, ainsi qu’il était prévu.

Toutefois, compte tenu du niveau de menace et du niveau d’engagement des forces, il est probable que le plan Sabre doive être poursuivi, lidéal étant que la totalité des 400 PSIG opère cette montée en puissance à terme.

● Concernant les forces mobiles, des mesures avaient été prises en 2016, qui avaient constitué un réel progrès après les coupes claires opérées lors de la révision générale des politiques publiques. Celle-ci s’était en effet soldée, pour la gendarmerie, par la dissolution de 15 escadrons de gendarmerie mobile (EGM) entre 2007 et 2012. La création en 2016, pour la première fois depuis 1998, d’un nouvel EGM – l’escadron 20/1 de Rosny-sous-Bois – ainsi que le renforcement de 22 EGM avec la constitution en leur sein d’un cinquième peloton, avaient constitué des mesures fortes rompant avec la politique menée précédemment.

La rapporteure pour avis souhaite souligner la faiblesse des marges de manœuvre pour ce qui concerne l’emploi des forces mobiles compte tenu de leur niveau d’engagement ces dernières années, notamment outre-mer, niveau qui n’est pas amené à diminuer. Comme le rappelait le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, les EGM sont mobilisés en moyenne 230 jours par an. La rapporteure pour avis se réjouit de la revalorisation de la dotation de fonctionnement allouée aux forces mobiles dans le cadre du PLF 2018. Au‑delà de cet exercice, elle estime que des actions de renforcement similaires à celles opérées en 2016 – constitution de nouveaux EGM, renforcement des escadrons existants – pourraient être envisagées.

6.   Veiller au maintien du temps de formation des personnels, dans un contexte de haut niveau d’engagement

Selon les propres termes du général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, la gendarmerie est en situation de « saturation missionnelle » ([17]) qui a notamment conduit à une diminution du temps de formation des personnels, ceux-ci étant trop fortement engagés. Tel est le cas pour les forces mobiles : alors que leurs membres devraient bénéficier de 35 jours de formation par an, ce niveau est tombé à 21 jours et il est probable qu’il diminue encore compte tenu de l’ampleur de l’engagement opérationnel. Une telle situation touche d’ailleurs toutes les forces armées, le temps de préparation opérationnelle ayant fortement diminué compte tenu de la suractivité.

Une attention particulière devra donc être portée dans ce domaine à lavenir, afin de maintenir un haut niveau de capacité opérationnelle aux personnels engagés.

7.   La carte territoriale : ne pas créer des « déserts de sécurité »

La gendarmerie compte actuellement environ 3 100 brigades territoriales, quelque 600 brigades ayant été dissoutes au cours des 10 dernières années. La rapporteure pour avis tient à saluer les excellentes initiatives menées par la gendarmerie pour faire perdurer ou renforcer la fonction « contact », productrice de proximité et de sécurité au profit de nos concitoyens. Elles témoignent de la réactivité et de la capacité d’adaptation de l’Institution.

Dans ce contexte de diminution du nombre des implantations territoriales, les efforts d’adaptation et de modernisation menés par la gendarmerie
– NEOGEND, brigades territoriales de contact – BTC, « brigade numérique » – prennent tout leur sens et devront sans doute être poursuivis et complétés. Afin de ne pas créer de « déserts de sécurité », il convient de mener la réorganisation territoriale avec discernement.

B.   Les questions financières

1.   Une « dette loyers » à acquitter le plus rapidement possible, mais sans préjudice pour la gendarmerie

La « dette loyers », soit le montant des loyers que la gendarmerie nationale doit à ses bailleurs – les collectivités territoriales notamment – est apparue en 2016 lorsque, pour assurer le financement d’investissements indispensables (plan de lutte antiterroriste notamment), un arbitrage du Premier ministre a autorisé la gendarmerie à appliquer l’intégralité du gel initial des crédits hors titre 2 sur l’enveloppe consacrée au paiement des loyers, lequel constitue pourtant théoriquement une dépense obligatoire. La dette initiale avait alors atteint 118,1 millions d’euros en AE et 105,5 millions d’euros en CP.

Sont ensuite successivement intervenus :

– un dégel à hauteur de 56,7 millions d’euros en AE et 55 millions d’euros en CP ;

– en fin de gestion 2016 : des annulations de crédits et des gels 2016 reportés sur 2017. La « dette loyers » s’élevait alors à 61,4 millions d’euros en AE et 50,5 millions d’euros en CP fin 2016 ;

– début 2017 : une application, partielle cette fois, de la mise en réserve initiale sur l’enveloppe « loyers » 2017, pour un montant de 73 millions d’euros en AE et de 58,9 millions d’euros en CP ;

– un « surgel loyers » de 7,6 millions d’euros en AE et de 9,8 millions d’euros en CP ;

– un dégel de 17,7 millions d’euros en AE et de 17 millions d’euros en CP puis un redéploiement interne de crédits à hauteur de 13 millions d’euros en AE comme en CP qui ont permis de réduire quelque peu la dette.

Au bout du compte, si l’on peut dire, la gendarmerie fait actuellement face à une « dette loyers » de 111,3 millions deuros en AE et 89,2 millions deuros en CP. Celle-ci doit naturellement être honorée, et le plus rapidement possible. Mais la régularisation de cette situation ne doit pas seffectuer au détriment de la gendarmerie en lui demandant dacquitter ses dettes « sous plafond », sans revaloriser ses ressources à due concurrence. En effet, cette dette représente près de 63 % des AE et plus de 43 % de ses CP inscrits à son budget d’investissement, le seul qui soit réellement pilotable.

La rapporteure pour avis tient à rappeler que lexistence dune telle dette nest pas le fait dune mauvaise gestion interne de la part de la gendarmerie, elle résulte de la mise en œuvre de décisions et de contraintes externes. La rapporteure pour avis plaide donc pour un échelonnement progressif des paiements, le cas échéant sur plusieurs exercices, avec revalorisation du budget de la gendarmerie à hauteur des montants concernés. À cet égard, la rapporteure pour avis se réjouit de la réponse apportée en commission élargie par M. Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur. Celui-ci a en effet indiqué que l’apurement de la « dette loyers » ferait l’objet d’un plan pluriannuel financé à hauteur de 13 millions d’euros l’an prochain.

2.   Les mutualisations : oui au pragmatisme, non au dogmatisme

La gendarmerie, comme lensemble des composantes du ministère de lIntérieur, a mené dimportants efforts de mutualisation ces dernières années ([18]). Une telle démarche peut être positive, mais elle ne doit pas se faire au détriment des capacités opérationnelles et de la solidité du modèle.

Une mutualisation « idéale » est celle qui apporte un meilleur niveau de service, plus rapidement, de manière plus économique et, naturellement, sans fragiliser les organisations qui la mettent en œuvre. À tout le moins, l’atteinte de l’un de ces trois objectifs doit être assurée, sachant que la simple réalisation d’économies de court terme au détriment du modèle – notamment en termes opérationnels – ne saurait être considérée comme un succès à cet égard.

 Or il apparaît que les demandes de mutualisation souffrent parfois d’un manque de méthode, qu’elles ne sont pas concrètement analysées de manière systématique, ni précisément documentées. Il conviendrait donc, à l’avenir, d’élaborer une « méthodologie de la mutualisation » partagée par les services demandeurs comme par les services chargés de la mettre en œuvre, au regard de critères et d’objectifs précis. Lexpérimentation et son corollaire, le « droit au retour en arrière » devraient par ailleurs être favorisés, afin de tester les effets du processus envisagé avant de l’appliquer de manière générale à l’ensemble d’un domaine.

C.   les matériels : renouveler certains parcs

1.   Le parc roulant

● Au 1er août 2017, la gendarmerie nationale disposait de 31 513 véhicules, répartis en deux catégories :

– le parc opérationnel, dédié aux missions de sécurité publique, de sécurité routière, de police judiciaire et de maintien de l’ordre ;

– le parc non opérationnel comprenant les moyens d’instruction et de transport de personnel ou de matériel.

Cela a été rappelé, les crédits prévus par le PLF 2018 permettront d’acquérir le nombre nécessaire de véhicules neufs. Ils permettront également d’acquérir des véhicules lourds nécessaires aux opérations de maintien de l’ordre (deux millions d’euros prévus en AE) ainsi que des moyens nautiques.

Dans le détail, les priorités en matière de renouvellement du parc automobile devraient concerner les équipements suivants :

– 1 700 véhicules sérigraphiés ;

– 300 véhicules banalisés ;

– 260 motocyclettes routières ;

– 100 véhicules discrets ;

– 120 véhicules de commandement ;

– 30 véhicules cynophiles ;

– 15 véhicules de commandement « haute autorité » ;

– 10 véhicules de transports de détenus ;

– quatre autocars ;

– et 60 véhicules utilitaires et poids lourds de transport de matériels et de dépannage.

Évolution du parc roulant de la gendarmerie 2012-2017 (a)

 

Véhicules légers

Motos

Transports en commun

Blindés

Poids lourds

Véhicules spéciaux

Total

2012

24 356

3 615

266

158

643

2 348

31 386

2013

23 984

3 466

266

158

647

2 276

30 797

2014

23 323

3 468

266

166

619

2 313

30 155

2015

23 755

3 373

267

167

623

2 356

30 541

2016

23 797

3 372

185

182

590

2 211

30 337

2017

23 770

3 576

112

187

636

3 223

31 513

Source : ministère de lIntérieur – réponse au questionnaire de la rapporteure pour avis.

(a) Véhicules loués compris.

● Le parc blindé

La gendarmerie nationale dispose de 84 véhicules blindés à roues (VBRG), parmi eux :

– 32 sont stationnés au groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) de Versailles-Satory, dont cinq en réserve tactique et deux en position « musée » ;

– 11 sont positionnés au centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier ;

– trois sont stationnés en Corse ;

– 34 sont stationnés en outre-mer ;

– et quatre (deux VBRG lame et deux VBRG treuil) ont été projetés en Nouvelle-Calédonie, en mars 2017, pour renforcer la protection des militaires engagés sur place.

Ces matériels sont entrés en service en 1974 et ont donc un âge moyen de 43 ans. Aussi le maintien de la capacité blindée repose-t-il sur le prolongement de la durée de vie des véhicules existants par l’emploi des pièces détachées des VBRG réformés (cannibalisation). Au-delà de ce problème d’ancienneté, le niveau de violence, notamment outre-mer où ils sont régulièrement déployés, plaide pour un renouvellement de la capacité blindée, pour un investissement estimé à 40 millions d’euros.

Outre les VBRG, la gendarmerie nationale dispose de 20 véhicules de l’avant blindés (VAB), obtenus auprès de l’armée de terre ([19]). Ils permettent le transport de troupes afin de remplir les missions en opérations extérieures. 14 unités, construites en 1988, bénéficient d’une surprotection de blindage et ont notamment été engagées en Afghanistan.

En mars 2017, huit VAB équipés de surblindage ont été projetés de métropole en Nouvelle-Calédonie en complément des quatre VBRG déjà présents sur place.

Enfin, la gendarmerie compte un engin du génie d’aménagement (EGAME), acquis en 2013. Il s’agit d’un véhicule protégé, polyvalent et puissant apte au travail en milieu difficile (eau, sable, boue, températures extrêmes, etc.), conçu pour réaliser des travaux de terrassement et de déblaiement. Il peut notamment être utilisé dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre pour dégager rapidement des obstacles et de libérer des axes de circulation ([20]).

2.   La flotte d’hélicoptères

Les flottes d’EC 145 et d’EC 135 (respectivement 14 et 15 unités) sont récentes, avec des âges respectifs moyens de 12 ans et six ans. Adaptés aux besoins de la gendarmerie – en matière de sécurité publique générale et d’intervention en milieu spécialisé et hostile (zones de montagne et outre-mer) –, le format de ces flottes doit être sanctuarisé.

La flotte d’Écureuil, bien que modernisée, présente un âge moyen de 32 ans. Les opérations de soutien et de revalorisation de leur potentiel permettent de maintenir le parc jusqu’à l’horizon 2025-2028. Les réflexions quant à leur renouvellement devront donc être amorcées.

D.   Les outre-mer : tendances lourdes et sujets d’actualité

La rapporteure pour avis a choisi de consacrer des développements détaillés aux outre-mer compte tenu, d’une part, des spécificités que ces territoires présentent en matière de sécurité et d’ordre publics et, d’autre part, de l’actualité de ces dernières semaines – avec la crise Irma et Maria aux Antilles – et dans les mois à venir – avec notamment les opérations référendaires en Nouvelle‑Calédonie.

1.   Les effectifs de la gendarmerie outre-mer

La gendarmerie outre-mer comprend 3 827 personnels, soit :

– 3 307 gendarmes départementaux ;

– 342 gendarmes du corps de soutien technique et administratif ;

– et 178 fonctionnaires civils.

Ces effectifs bénéficient d’un renfort permanent de 21 escadrons de gendarmerie mobile (EGM) ([21]) représentant 1 617 gendarmes supplémentaires, ainsi que 66 personnels des forces aériennes de gendarmerie. Par ailleurs, la réserve opérationnelle de la gendarmerie outre-mer compte 1 252 réservistes. Le nombre d’EGM a été ponctuellement porté à 23, avec le déploiement de deux EGM supplémentaire à Saint-Martin suite au passage des cyclones Irma et Maria.

La gendarmerie nationale est la force principale en matière de maintien de l’ordre et de sécurité publique outre-mer. En effet, sa zone de compétence couvre 98 % des territoires concernés et 68 % de la population, dont relèvent environ 50 % des faits de délinquance. Dans certains territoires éloignés et parfois très difficiles d’accès, la gendarmerie nationale y assure souvent la seule présence visible et permanente de l’État.

2.   La situation sécuritaire dans les outre-mer : un niveau de délinquance structurellement élevé, des réalités locales hétérogènes

● Sur les neuf premiers mois de l’année 2017, on constate une légère diminution de la délinquance globale dans les territoires sous la responsabilité de la gendarmerie (-1,4 %). Toutefois, les taux de criminalité ultramarins demeurent très largement supérieurs à ceux constatés par la gendarmerie en métropole, particulièrement s’agissant des atteintes les plus graves :

– les violences physiques crapuleuses y sont plus nombreuses, avec un facteur multiplicateur de 3,6 pour l’ensemble des outre-mer, qui atteint 11,1 en Guyane, et 5,5  à Mayotte ;

– les vols à main armée (VAMA) sont 6,7 fois plus élevés outre-mer : le facteur multiplicateur est de 23 en Guyane, de 12,7 Guadeloupe, et de 11,7 à Mayotte ;

– les viols y sont globalement deux fois plus fréquents : 3,3 fois plus en Guyane et 2,8 fois plus à Mayotte.

Pour autant, au-delà de ces niveaux de délinquance globaux, les différents territoires ultramarins présentent des situations contrastées au plan sécuritaire.

● À Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna, les niveaux de délinquance sont faibles, avec respectivement 112 et 127 faits de délinquance en 2016. Le premier territoire ne bénéficie d’ailleurs plus de renforts de gendarmes mobiles depuis 2016, et le second ne compte que onze gendarmes mobiles.

Au-delà de ces territoires spécifiques compte tenu de leur faible densité de population, deux autres territoires présentent une évolution encourageante et ne nécessitent donc pas, à ce jour, d’attention particulière.

En Polynésie française la délinquance acquisitive, principalement non violente, reste maîtrisée ([22]) et le phénomène, particulièrement prégnant outre-mer, des violences intrafamiliales est désormais mieux pris en compte. Les troubles à l’ordre public y sont contenus et seul un EGM y est présent.

En Martinique la délinquance, notamment violente, connaît une baisse significative depuis 2013 ([23]). Si l’île est en proie à quelques conflits sociaux, la délinquance y est maîtrisée et, là aussi, seul un EGM y est déployé.

● En revanche, cinq territoires présentent des profils sécuritaires qui nécessitent une attention renforcée.

La Nouvelle-Calédonie compte cinq EGM et un groupement tactique de la gendarmerie (GTG). Les forces de gendarmerie y sont régulièrement soumises à des caillassages ou des tirs d’armes à feu ([24]), lesquels ciblent également d’autres services de l’État ou la population locale. Les armes à feu constituent un sujet particulièrement préoccupant dans ce territoire où des dizaines de milliers d’armes de chasse sont détenues et circulent, souvent illégalement.

Le niveau de délinquance globale était resté constant en 2016. Toutefois, on constate au premier semestre 2017 une hausse des violences physiques non crapuleuses (+11,5 %) et des atteintes aux biens (+12,9 %).

En Guyane, la délinquance violente constitue la principale préoccupation dans le département le plus criminogène d’outre-mer s’agissant des vols avec violences ou avec armes et des homicides. Ainsi, entre 2014 et 2016, on a constaté une augmentation importante des VAMA (de 269 à 378 faits) et un nombre d’homicides quasiment multiplié par deux (de 16 à 31 faits).

Naturellement, l’orpaillage illégal engendre lui-même de la criminalité (meurtres, prostitution, etc.) ainsi qu’un phénomène d’immigration clandestine.

La pression démographique sur le territoire se trouve renforcée par l’immigration clandestine sur la bande côtière (Kourou et île de Cayenne) dans le secteur de Saint-Laurent-du-Maroni. Au total, sept EGM sont déployés en Guyane, ainsi qu’un GTG.

Lopération Harpie de lutte contre lorpaillage illégal en Guyane

Lancée en 2008 et pérennisée en 2010, l’opération Harpie vise à lutter contre l’orpaillage illégal en Guyane. À la fin du premier semestre 2017, on dénombrait 429 chantiers illégaux actifs (contre 293 au 1er janvier de la même année). D’après les informations transmises à la rapporteure pour avis, le volume dor illégalement extrait depuis le 1er janvier 2017 représenterait un montant supérieur à 45 millions deuros.

Au-delà de l’aspect purement économique et de souveraineté, l’orpaillage illégal est une activité qui produit elle-même une criminalité « annexe » : homicides, prostitution y compris des mineures, violences, voire actes de barbarie. Enfin, sur le plan environnemental, il s’agit d’une activité particulièrement destructrice : déforestation et pollution au mercure notamment.

Si les patrouilles sont principalement conduites par les forces de gendarmerie et les forces armées en Guyane, Harpie est fondamentalement une opération interministérielle à laquelle participent la plupart des administrations de l’État sur ce territoire (police aux frontières, douanes, justice, Office national des forêts, etc.). La lutte contre les orpailleurs (garimpeiros) est rendue particulièrement compliquée du fait de l’étendue des frontières que la France partage avec le Brésil (720 kilomètres) – d’où proviennent 97 % des garimpeiros – et le Suriname (540 kilomètres).

Au premier semestre 2017, les principaux éléments du bilan de l’opération Harpie sont les suivants :

– 641 patrouilles en forêt représentant 1 610 jours de mission ;

– plus de 7,3 millions d’euros d’avoirs criminels saisis ;

– 560 chantiers aurifères clandestins détruits.

Le département de Mayotte est confronté à une forte immigration irrégulière, principalement en provenance des Comores ([25]). Les troubles à l’ordre public sont souvent liés à des tensions intercommunautaires, ainsi qu’en témoignent les actions de « décasage » ([26]) d’immigrés clandestins par la population mahoraise. En outre, le nombre des vols avec violences s’est significativement accru au cours des trois dernières années. Le territoire a bénéficié d’un renforcement du déploiement de gendarmes mobiles à compter de la fin de l’année 2015, deux EGM étant actuellement déployés.

La Guadeloupe reste sujette à une délinquance violente (VAMA et homicides), qui est notamment alimentée par les nombreux trafics de stupéfiants. Les vols avec violence y sont toutefois en diminution depuis 2016. Deux EGM y sont présents en permanence, renforcés par un demi-EGM.

La partie française de lîle de Saint-Martin est plus particulièrement touchée par des VAMA ou des trafics. La délinquance y suit une évolution favorable. Un EGM est déployé sur l’île, qui a été renforcé dans le cadre des opérations suite au passage des ouragans Irma et Maria avec le déploiement de quatre EGM supplémentaires (deux en provenance de métropole, et deux en provenance de Guadeloupe et de Guyane).

Sur l’île de La Réunion, qui concentre la moitié de la population ultramarine, la délinquance est en augmentation constante depuis 2012 (+ 31 % entre 2012 et 2016 ; +10,6 % entre 2015 et 2016), avec notamment une hausse de des vols avec violences en 2016. Le territoire bénéficie de la présence d’un escadron et demi de gendarmerie mobile.

Il convient de noter que, du fait des niveaux de délinquance et de violence, la gendarmerie a à déplorer outre-mer un nombre de blessés structurellement plus élevé quen métropole. Alors qu’en moyenne le taux de blessés par an s’élève à 5 % en métropole, ce taux est trois fois plus élevé outre-mer et s’établit à 16 %, avec environ 200 gendarmes blessés. À Mayotte, 25 % des personnels déployés sont blessés chaque année.

3.   Les points d’attention dans le domaine des capacités

Les niveaux de délinquance et de violence outre-mer et leur évolution ont conduit à une mobilisation des pouvoirs publics qui s’est traduite, ces dernières années, par la mise en place de trois plans :

– le plan de mobilisation renforcé contre la délinquance dans les Antilles françaises (2013) ;

– le plan « Mayotte, sécurité pour tous » – 25 mesures pour l’avenir (2016) ;

– le plan de sécurité outre-mer (2016).

Dans ce contexte, un renforcement de 450 ETP a été décidé, à budget constant, et qui s’est traduit par l’engagement de deux EGM supplémentaires ([27]) et par l’affectation de gendarmes prélevés en métropole.

La très forte croissance démographique constatée ces dernières années, résultant de la natalité de certains territoires mais également de larrivée de populations issues de limmigration illégale, plaide pour une adaptation du dispositif de sécurité publique, lévolution des effectifs chargés de cette mission devant être corrélée à la réalité démographique. Il sagit tout autant dun enjeu de sécurité publique que de souveraineté.

Un renforcement significatif des effectifs de gendarmerie doit donc être envisagé, celui-ci pouvant d’ailleurs partiellement être couvert par le plan présidentiel de renforcement des forces de sécurité, a fortiori si un rééquilibrage entre police et gendarmerie était effectué. À cet égard, la rapporteure se réjouit de l’annonce du président de la République de déployer 90 gendarmes supplémentaires en Guyane en 2018.

Au-delà des personnels, il conviendra d’allouer les ressources nécessaires pour que ceux-ci puissent conduire leurs missions, notamment dans le domaine de l’immobilier – certains casernements qui, il convient de le rappeler, hébergent aussi les familles des gendarmes, présentent des faiblesses importantes – et des véhicules.

Il convient d’ailleurs de souligner, dans ce dernier domaine, que les véhicules déployés outre-mer souffrent dune usure prématurée en raison des conditions d’emploi beaucoup plus abrasives qu’en métropole et d’un taux d’emploi élevé. Les deux critères cumulatifs de réforme ont d’ailleurs été modifiés en conséquence et ont été abaissés à sept ans et 150 000 kilomètres (contre huit ans et 200 000 kilomètres en métropole), le service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI) et la Cour des comptes proposant par ailleurs de ne retenir que le critère de l’âge. Il s’agit donc d’un point d’attention à l’avenir, de même que le renouvellement des véhicules blindés à roues de la gendarmerie, dont 38 sont déployés outre-mer et dont l’âge moyen est de 43 ans.

4.   La préparation des opérations référendaires en Nouvelle-Calédonie

L’année 2018 verra l’organisation du référendum d’auto-détermination en Nouvelle-Calédonie. Dans ce contexte, il s’agira d’assurer la bonne tenue et la sécurité des opérations référendaires alors qu’une exacerbation des tensions, des éruptions de violence ou des actes de déstabilisation pourraient survenir. De fait, des mesures de renforcement des capacités en matière de sécurité et d’ordre publics sont et vont être mises en œuvre, dans trois domaines.

Tout d’abord, un effort prioritaire a été consenti en termes d’effectifs, avec le déploiement de 30 gendarmes supplémentaires ([28]) dès le premier trimestre 2017, portant les effectifs permanents à 484 militaires. Par ailleurs, les effectifs de gendarmerie mobile ont été portés de 299 à 372 militaires, permettant de former un groupement tactique de cinq EGM. Des renforts de gendarmerie mobile continueront d’être déployés à l’approche des opérations de vote.

Les moyens matériels ont également été renforcés. Dix VBRG doivent être renforcés avec des plaques de surblindage afin de protéger les personnels contre les tirs d’armes de gros calibre. En outre, quatre autres VBRG ainsi que huit VAB ont été déployés en juin 2017, ces capacités pouvant de nouveau être renforcées en cas de nécessité opérationnelle. Le nombre de véhicules blindés de la gamme civile sera porté de 23 à 29 unités. Enfin, cinq rames de véhicules Serval ([29]) seront déployées sur le territoire.

D’autres investissements ont été ou seront réalisés, qui permettront de renforcer la protection des personnels ou leurs moyens techniques (dispositifs de géolocalisation, terminaux radio, déploiement d’un micro-drone, dispositifs de vidéo-protection, gilets pare-balles renforcés).

Enfin, la direction générale de la gendarmerie nationale a apporté son soutien au commandement de la gendarmerie outre-mer avec l’envoi d’équipes de planificateurs, assistant ce dernier pour définir les évolutions du dispositif de sécurité au regard des enjeux de l’événement.

5.   La gestion de la crise Irma et Maria : la démonstration de la solidité et de l’efficacité du modèle de la gendarmerie nationale

La rapporteure pour avis tient d’abord à rappeler que la gestion d’un phénomène climatique extrême tel qu’un ouragan n’est pas une science exacte. La certitude du passage de l’œil de l’ouragan Irma sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy n’était acquise que peu de jours auparavant. L’acheminement de capacités sur place n’étant pas envisageable sauf à risquer la perte de moyens précieux pour la suite des opérations (hélicoptères notamment), la gendarmerie a fait le choix de pré-positionner 100 gendarmes en Guadeloupe afin de pouvoir les déployer très rapidement après le passage de l’ouragan (EGM, peloton de réservistes, plongeurs, techniciens d’investigation, etc.). Ces personnels ont été acheminés par avion de transport Casa et par un navire affrété, la manœuvre n’ayant duré que quelques heures au total.

La première mission des forces déployées sur place a consisté non pas en des actions de sécurité publique et de protection, mais en une action de reconnaissance et d’évaluation menée conjointement avec la sécurité civile et les secours. Des individus ont profité de la situation chaotique pour s’attaquer à des magasins et s’adonner à des vols, sachant toutefois qu’il n’était pas aisé pour les forces de sécurité de faire spontanément la distinction entre des pillards et des personnes qui s’efforçaient de récupérer leurs propres biens. Toutefois, la gendarmerie a rapidement mis en place des dispositifs visant à couper les axes vers les commerces et des check-points, tandis qu’elle rétablissait, dès le lendemain de la catastrophe, un réseau radio certes dégradé mais opérationnel.

La gendarmerie s’est par ailleurs efforcée de rassurer une population en proie à une grande peur et rendue d’autant plus perméable aux rumeurs par l’effet de sidération produit par la catastrophe. Les forces de gendarmerie ont donc très vite fait savoir qu’aucune exaction grave, aucune atteinte aux personnes n’avait été constatée à Saint-Martin (aucun fait n’a été recensé ni par la gendarmerie, ni par les services médicaux).

Les forces de gendarmerie sont passées de 197 à 279 personnels à J+2 après la catastrophe, à 598 personnels à J+5, et à 680 personnels appuyés par 800 militaires à J+6. Cette capacité de montée en puissance rapide, clairement favorisée par la réactivité des forces attachée au statut militaire des personnels – y compris pour les corps de soutien – a permis détouffer rapidement tout trouble à lordre public. Il convient de noter l’apport significatif de la réserve au dispositif, avec l’envoi de deux compagnies de 73 réservistes qui ont pris toute leur part aux actions menées, dans un contexte opérationnel très difficile.

Au-delà de cette réactivité, la gendarmerie a également fait preuve de sa capacité dadaptation. En divisant Saint-Martin en six secteurs missionnels autonomes, le commandement présent sur place s’est écarté du dispositif classiquement mis en œuvre pour favoriser la décentralisation et l’autonomie d’action des forces.

En recréant le contact avec les populations, la gendarmerie a permis de restaurer le calme et la confiance, y compris lorsque la situation est devenue plus tendue comme lors des évacuations aériennes. De fait, aucune violence n’a été commise contre les gendarmes, et aucun d’entre eux n’a été blessé.

Il est naturellement encore trop tôt pour dresser un bilan complet de la gestion de la crise, mais il apparaît clairement que le « système gendarmerie » a fait preuve de sa solidité, de sa résilience et de son efficacité et que, de fait, la gendarmerie a constitué le premier point dappui de lÉtat après la catastrophe, sur lequel la population et l’ensemble des acteurs se sont appuyés pour repartir.

Au-delà de la reconnaissance légitime que méritent l’ensemble des services qui ont participé à cette gestion de crise il conviendra, pour ce qui concerne la gendarmerie – objet du présent avis –, de prendre en compte les surcoûts engendrés par les opérations et qui sont estimés à 12,5 millions d’euros environ (9,5 millions d’euros hors titre 2 et 2,9 millions en titre 2).


—  1  —

   partie thématique :
la gendarmerie, acteur de la sécurité économique

I.   présentation générale

A.   Le concept de sécurité économique : définition et prise en compte dans l’organisation de l’action publique

1.   Définition de la notion

Dans sa publication intitulée « Intelligence économique, références et notions clés », la délégation interministérielle à l’intelligence économique (D2IE) ([30]), évoque le concept de sécurité économique. Si elle n’en fournit pas de définition précise, elle indique que celle-ci vise trois objectifs :

– identifier et analyser les risques et menaces ;

– protéger ;

– diffuser une culture de sécurité du patrimoine dans l’entité concernée.

Assurer la sécurité économique d’une entité – qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’une administration consiste donc à identifier et évaluer les risques et les menaces qui pèsent sur son activité afin de mettre en place des mesures de protection adaptées pour les prévenir et les contrer.

La notion n’est pas nouvelle, le premier rapport consacré à ce sujet ayant été réalisé par le Commissariat général au Plan en 1994 ([31]). Depuis, de nombreuses réflexions et études ont contribué à la mise en place d’une réelle politique publique d’intelligence économique, à l’image du rapport remis par le député Bernard Carayon, parlementaire en mission, en 2003 ([32]).

2.   L’organisation des pouvoirs publics en matière de sécurité économique

● Même si le code de la défense reconnaît une responsabilité particulière au ministre chargé de l’économie dans ce domaine ([33]), la conduite de la politique publique en matière de sécurité économique est par nature interministérielle, chaque administration participant, dans le cadre de ses attributions et compétences respectives, à la préservation de la sécurité économique. Il convient d’ailleurs de noter que, par décret du 29 janvier 2016, un commissaire à l’information stratégique et à la sécurité économiques (CISSE) et un service à compétence nationale dénommé « service de l’information stratégique et de la sécurité économiques » (SISSE) ont été créés ([34]). Aux termes de l’article 2 du décret précité, le CISSE « élabore et propose, en lien avec le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale et les autres ministères concernés, la politique publique en matière de protection et de promotion des intérêts économiques, industriels et scientifiques de la Nation. »

● Pour ce qui concerne les seuls services du ministère de l’Intérieur, dont relève la gendarmerie, l’organisation et la répartition des compétences en matière de sécurité économique sont les suivantes :

– la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) dispose d’une compétence générale. À ce titre, elle dispose d’un droit d’évocation qui lui permet de se déclarer compétente pour toute entreprise indépendamment de sa taille, de son secteur d’activité ou de son lieu d’implantation. La DGSI est particulièrement compétente pour le suivi des secteurs et entreprises sensibles (secteurs stratégiques, grandes entreprises, pôles de compétitivité, etc.) ;

– pour toutes les entreprises non suivies spécifiquement par la DGSI, le service central du renseignement territorial (SCRT) et la gendarmerie sont compétents.

Ces deux niveaux disposent de compétences complémentaires : la protection et la contre-ingérence relèvent de la DGSI, tandis que la sécurité générale des personnes et des biens dans le cadre de l’entreprise sont du ressort du SCRT et de la gendarmerie.

● Pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, son organisation en la matière fait apparaître des compétences tant au niveau central qu’au niveau territorial (régions, départements, brigades).

À léchelon central, la conduite des missions et des actions relevant de la sécurité économique est confiée à la sous-direction de lanticipation opérationnelle (SDAO), qui représente par ailleurs la DGGN au sein du groupe de travail interministériel piloté par le SISSE.

Dans ce cadre, la SDAO :

– participe aux réunions des correspondants en intelligence économique du ministère de l’Intérieur ;

– et diffuse des documents pédagogiques destinés à préciser ou faciliter l’exercice de la mission de sécurité économique et de protection des entreprises.

Au sein de la SDAO, la section sécurité économique et protection des entreprises (SECOPE) du centre d’analyse et d’exploitation (CAE) a statut de référent national « intelligence économique ». Le SECOPE propose les évolutions doctrinales nécessaires en matière d’intelligence et de sécurité économiques pour la gendarmerie, coordonne et assure le suivi de l’activité du réseau des référents « intelligence économique » (référents IE) et apporte son concours à l’organisation de la formation au niveau central.

Afin d’assurer la diffusion de bonnes pratiques, la SECOPE produit et diffuse des fiches guides à destination des unités territoriales, dont celles-ci peuvent s’inspirer dans le cadre de leur mission (fiches de vulnérabilité des entreprises, guides méthodologiques, mise à jour des documents de référence, etc.).

Au niveau régional, les commandants de région sont les interlocuteurs privilégiés des préfets de région, responsables du co-pilotage de la politique publique d’intelligence économique territoriale avec les présidents des conseils régionaux.

Chaque commandant de région désigne au sein de son état-major un officier référent IE, qui a vocation à agir tant dans le domaine de la prévention (sensibilisation) que de l’anticipation (renseignement).

Au niveau départemental, le commandant de groupement de gendarmerie départementale désigne également un officier référent IE chargé d’animer la remontée du renseignement d’intérêt économique au sein du groupement et de définir les axes particuliers de surveillance. Il est assisté dans sa tâche par les analystes renseignement formés en intelligence économique et présents au sein des cellules renseignement. Le référent IE a également pour mission d’exploiter les renseignements et d’effectuer des actions de prévention auprès des acteurs économiques.

Enfin, au niveau territorial, la gendarmerie s’appuie sur un réseau de 190 référents IE, qui ne sont toutefois pas les seuls militaires de la gendarmerie à participer aux missions de sécurité économique, tout gendarme étant susceptible d’y contribuer dans le cadre de sa mission de proximité et de contact.

B.   Typologie des atteintes à la sécurité économique en zone gendarmerie

Les atteintes à la sécurité économique ne sont évidemment pas un phénomène récent. Dans un monde de plus en plus ouvert et connecté, notamment dans un contexte de numérisation croissante des activités et des relations, celui-ci a toutefois tendance à prendre de l’ampleur quant au nombre et quant aux conséquences de telles atteintes.

1.   Une gamme variée d’atteintes potentielles, renouvelée par la problématique « cyber »

a.   Quelques statistiques, par nature incomplètes

Il convient tout d’abord de rappeler la diversité des atteintes potentielles à la sécurité économique. Par ailleurs de telles atteintes se combinent souvent entre elles pour démultiplier les effets de l’action entreprise. Enfin, elles présentent rarement un caractère direct, spontanément identifiable et empruntent souvent des cheminements complexes qui ne constituent pas toujours, en tant que tels, un acte illégal.

Sur la période 2014-2016, en moyenne annuelle, la gendarmerie a comptabilisé 445 atteintes à la sécurité économique dans sa zone de compétence. Il est nécessaire de relativiser l’apparente modicité de cette statistique. En la matière, les données sont par nature incomplètes, toutes les entreprises ne signalant pas avoir fait l’objet d’une atteinte – et a fortiori, ne déposant pas plainte –, craignant le « risque réputationnel » attaché à un tel aveu.

Qualitativement, on constate que sur la période considérée, les atteintes financières ont plus que doublé. Un tel constat est lié à l’augmentation des escroqueries de type « faux président » ou « faux virement international » (qui seront présentées plus en détail ci-après). Comme on peut l’imaginer, l’outil numérique et informatique est un vecteur puissant et en croissance exponentielle d’atteinte à la sécurité économique (par l’intermédiaire des réseaux informatiques notamment).

typologie des atteintes à la sécurité économique
en zone gendarmerie 2014-2016

 

2014

2015

2016

Atteintes à la réputation

32

10

5

Atteintes aux savoir-faire

8

17

6

Atteintes financières

62

99

114

Désorganisation/fragilisation

57

36

30

Atteintes sur site/intrusions consenties

58

50

36

Atteintes cyber

222

218

201

Risques humains

68

11

0

TOTAL

507

441

392

Source : direction générale de la gendarmerie nationale – réponse au questionnaire de la rapporteure pour avis.

b.   Point particulier sur les atteintes cyber

Les atteintes relevant de la sphère cyber méritent des développements plus précis compte tenu de leur nombre et de leurs effets. Certaines ont été présentées à la rapporteure pour avis lors de son déplacement au Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale, dont elle tient à saluer la compétence des personnels.

Les entreprises sont principalement touchées par les phénomènes suivants.

● Les infections de type ransomware – contraction de ransom (rançon) et de software (logiciel).

Elles se matérialisent par l’action d’un virus informatique qui chiffre l’ensemble des données de l’entreprise et réclame le versement d’une rançon, généralement en monnaie virtuelle bitcoin, en échange de la clé de déchiffrement. Face à une telle atteinte et si elle ne dispose pas d’une sauvegarde non infectée et récente, stockée séparément, des données nécessaires à son activité, l’entreprise victime peut être conduite à interrompre totalement celle-ci pour une durée variant de quelques heures à plusieurs jours.

Au-delà des pertes en termes d’activité, les pertes d’information (fichiers clients, comptabilité, etc.) peuvent être particulièrement lourdes. Il est intéressant de noter que de telles atteintes ne sont généralement pas ciblées : se produisant par vagues au spectre très large, elles ne cherchent pas à affecter spécifiquement une entreprise.

Ce phénomène connaît une croissance exponentielle. D’après une étude du centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) de la gendarmerie ([35]), le nombre de plaintes des entreprises auprès des unités de police et de gendarmerie est passé de moins de 10 en 2014 à plus de 500 en 2016, représentant un préjudice cumulé de plusieurs centaines de milliers d’euros.

WannaCry et NotPetya : deux exemples récents de cyberattaques massives non ciblées

 ● Lancée en mai 2017, la cyberattaque utilisant le ransomware WannaCry a conduit à l’infection de plus de 300 000 ordinateurs dans 150 pays. De grandes administrations et de grandes entreprises ont été touchées, à l’image du National Heatlh Service britannique, du constructeur automobile français Renault, de la compagnie américaine de transport international FedEx ou encore de l’entreprise de télécommunications espagnole Telefónica.

 ● Ayant massivement affecté l’économie ukrainienne mais aussi la centrale de Tchernobyl, le logiciel NotPetya a également touché, par ricochet, des entreprises disposant de filiales dans ce pays ou y entretenant des liens commerciaux. Ainsi du groupe danois de transport maritime Maersk, du groupe industriel Saint-Gobain ou encore du groupe de communication et de publicité britannique WPP.

● Les cyber-extorsions liées aux vols de données par intrusion informatique

Si elles restent à ce stade relativement rares, leurs effets peuvent être spectaculaires. Après s’être introduit frauduleusement dans le système d’information de l’entreprise, l’attaquant y copie des données sensibles (fichiers clients, brevets, projets stratégiques, etc.) et réclame ensuite une rançon pour ne pas les diffuser ou les revendre à un tiers. La rançon réclamée peut s’élever à plusieurs centaines de milliers d’euros (souvent en monnaie virtuelle bitcoin).

● Les attaques informatiques contre les sites marchands

Il s’agit d’attaques de type « DDOS » (déni de service distribué) ou de type « défacement » (vandalisation de la page d’accueil du site). Elles ont pour effet de rendre inaccessible le site et d’empêcher toute commande en ligne par des clients. Le préjudice est lié à la durée pendant laquelle le site reste inaccessible et au montant moyen cumulé des commandes par minute ou par heure. Ces attaques peuvent être ciblées et menées après demande de rançon. Elles peuvent également être indiscriminées et n’avoir aucun objectif économique, le préjudice n’étant alors qu’un effet collatéral non recherché par l’attaquant, qui agit alors par simple défi technique ou par idéologie.

● Les infections de type « RAM scrapper »

Ces attaques peuvent être de très grande ampleur, a fortiori parce qu’elles demeurent généralement non détectées et restent actives pendant de longs mois. L’attaquant s’introduit discrètement dans le système d’information du commerçant et installe à distance un virus sur l’ensemble des terminaux de paiement électronique par carte bancaire (ou les caisses enregistreuses) de chacun des établissements du commerçant. Tant que dure la période d’infection, le virus copie à la volée les données de cartes bancaires des clients physiques du commerçant et les transmet à l’attaquant. Ce sont dès lors des centaines, des milliers voire des millions de numéros de cartes bancaires piratés qui peuvent être revendus et utilisés frauduleusement dans le monde entier.

● Les escroqueries par faux ordres dachat

Également connues sous l’expression « arnaque au président », elles consistent à usurper l’identité et les identifiants numériques d’un responsable d’une véritable entreprise acheteuse. L’usurpateur peut alors commander par voie électronique de grandes quantités de biens matériels à des fournisseurs variés, les fournisseurs les moins méfiants livrant les biens sans attendre un paiement qui n’est jamais effectué. Les biens sont ensuite revendus.

● Les escroqueries au préjudice des commerçants de détail en ligne

Classiquement, l’escroc utilise de numéros de cartes bancaires piratés (« carding ») pour acheter des biens physiques ou des services (billets d’avions, places de spectacle, etc.). Si les particuliers titulaires des numéros de cartes bancaires parviennent généralement à se faire rembourser par leur banque, le commerçant n’est jamais payé.

● Les atteintes à la propriété intellectuelle sur Internet

Généralement, elles prennent la forme d’une vente en ligne de biens manufacturés contrefaits ou de la diffusion – à titre payant ou à titre gratuit accompagné de revenus publicitaires – d’œuvres de l’esprit (musique, films, etc.). Dans ce type d’escroquerie, le chiffre d’affaires par délinquant peut s’élever à plusieurs centaines de milliers voire plusieurs millions d’euros pour quelques mois d’activité.

● Les vols de véhicules sans effractionmouse jacking »)

Chaque année, des centaines de véhicules sont volés sans effraction. Les voleurs obtiennent le code de reprogrammation de clé du véhicule auprès d’un tiers, soit par complicité interne au sein du constructeur, soit par piratage informatique d’un serveur du constructeur, soit par le biais d’un garagiste indélicat. Munis de ce code, ils utilisent des clés vierges (elles-mêmes volées ou achetées lors de reventes de stocks), qu’ils reprogramment individuellement pour chaque véhicule visé. Lorsque le véhicule volé est retrouvé, les contrats d’assurance excluent généralement le remboursement de la victime du fait de l’absence d’effraction.

● Les atteintes à la « e-réputation »

Elles consistent généralement en la diffusion volontaire de fausses nouvelles sur Internet et les réseaux sociaux, visant soit à entacher l’image de l’entreprise auprès de ses clients, soit à manipuler son cours de Bourse. Elles peuvent être organisées par des groupes de pression politique, par des concurrents peu scrupuleux, par des clients mécontents, etc. En novembre 2016, l’entreprise Vinci a été victime d’une telle atteinte : un faux communiqué de presse annonçant le licenciement du directeur financier de lentreprise suite à la découverte dimportantes erreurs décriture comptable avait fait chuter le cours de laction de lentreprise de 18 %, entraînant la suspension temporaire de sa cotation.

2.   Les entreprises et secteurs particulièrement vulnérables

● Selon les statistiques publiées par l’INSEE, la France comptait en 2016 environ 3,56 millions d’entreprises de tailles diverses :

– 243 grandes entreprises, comptant plus de 5 000 salariés (30 % des salariés) ;

– 5 226 entreprises de taille intermédiaire (ETI), comptant entre 250 et 4 999 salariés (23 % des salariés) ;

– 138 082 petites et moyennes entreprises (PME), comptant entre 10 et 249 salariés (28 % des salariés) ;

– 3 146 182 micro-entreprises (MIC), comptant moins de 10 salariés (19 % des salariés).

D’après les informations transmises à la rapporteure pour avis, et compte tenu de la démographie des entreprises – avec de nombreuses disparitions et créations chaque année – ce sont principalement les trois premiers niveaux d’entreprises (hors MIC), soit environ 143 000 sociétés, qui sont les plus susceptibles d’être la cible d’atteinte à leur sécurité économique.

Pour ce qui concerne la seule gendarmerie et compte tenu du partage des compétences avec la DGSI précédemment évoqué, on constate que plus de 70 % des entreprises les plus vulnérables comptent moins de 100 salariés, qu’un tiers compte moins de dix salariés. Par ailleurs, plus de 60 % des entreprises suivies par les référents IE de la gendarmerie sont des entreprises de moins de 50 salariés.

● L’analyse des secteurs touchés par les atteintes à la sécurité économique fait apparaître que si aucun n’est totalement épargné, certains sont plus particulièrement sujets à de telles attaques. Ainsi, le secteur du commerce représente-il près d’un cinquième des atteintes (19 %). Au-delà du commerce, pour lequel les atteintes ne représentent pas nécessairement une menace pour le tissu économique stratégique, d’autres secteurs doivent faire l’objet d’une attention particulière, notamment : l’industrie, l’industrie agroalimentaire et le secteur de la construction.

typologies des secteurs touchés par les atteintes
à la sécurité économique

 

2014

2015

2016

Agriculture/pêche

5 %

3 %

7 %

Agroalimentaire

6 %

6 %

7 %

Biens d’équipement

12 %

10 %

12 %

Biens intermédiaires

11 %

8 %

10 %

Biens de consommation

11 %

19 %

11 %

Automobile

7 %

10 %

7 %

Énergie

3 %

1 %

1 %

Commerce

18 %

17 %

19 %

Construction

10 %

7 %

6 %

Transport

3 %

2 %

3 %

Finances

0 %

1 %

2 %

Immobilier

0 %

0 %

0 %

Service aux entreprises

6 %

5 %

5 %

Service aux particuliers

3 %

2 %

3 %

Social

2 %

1 %

1 %

Administration

3 %

8 %

6 %

Source : direction générale de la gendarmerie nationale – réponse au questionnaire de la rapporteure pour avis.

Il est par ailleurs nécessaire de rappeler que, s’ils ne relèvent pas nécessairement de la compétence de la gendarmerie en matière de sécurité économique, de nombreux opérateurs d’importance vitale et autres sites sensibles (classés SEVESO par exemple) sont implantés en zone gendarmerie.

II.   l’action de la gendarmerie en matière de sécurité économique

A.   acquérir et maintenir les compétences des personnels en matière de sécurité économique

Différentes formations sont ouvertes aux gendarmes en matière de sécurité économique, qui sont assurées par la gendarmerie elle-même, ou par des organismes avec lesquelles celle-ci a noué des partenariats.

1.   Le centre national de formation au renseignement opérationnel

Au sein de la gendarmerie et depuis 2006, c’est le centre national de formation au renseignement opérationnel qui organise les stages à destination des référents IE.

Ces stages, d’un volume horaire de 40 heures, sont réalisés chaque année et sont uniquement ouverts aux personnels titulaires d’une formation d’analyste renseignement. Ils ont permis de former 250 gendarmes depuis leur mise en place.

2.   Les formations délivrées par des partenaires extérieurs

● L’institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ)

Le département « intelligence et sécurité économiques » de l’INHESJ ([36]) délivre deux types de formations :

– un cycle expert référent IE d’un volume horaire de 65 heures. Cette formation est destinée aux officiers référents IE, entre 20 et 25 personnels en bénéficiant chaque année ;

– une session nationale spécialisée « Protection des entreprises et Intelligence économique » d’une durée de neuf mois, sanctionnée par l’obtention d’un diplôme d’expert en intelligence économique et protection des entreprises. Elle est généralement suivie par trois ou quatre officiers.

● L’école européenne d’intelligence économique (EEIE)

En 2012, un partenariat est conclu entre la gendarmerie et l’EEIE, école spécialisée dans la formation au métier de consultant en intelligence économique.

Chaque année, trois ou quatre officiers supérieurs de la gendarmerie suivent cette formation en alternance sanctionnée par un Master de consultant en intelligence économique.

● L’association des départements de France (ADF)

En 2016, l’ADF et l’institut de formation des élus territoriaux (IFET) décident de créer un cycle diplômant intitulé « intelligence économique, stratégie de développement des territoires et sûreté des entreprises ».

La formation est dispensée annuellement sur une durée totale de neuf mois. Une convention de partenariat a été signée avec la gendarmerie, les prochaines formations devant accueillir deux ou trois officiers de gendarmerie.

B.   les trois principaux volets d’action de la gendarmerie

1.   La recherche et l’exploitation du renseignement d’intérêt économique

La gendarmerie bénéficie en la matière d’un avantage certain compte tenu de l’ampleur et de l’efficacité de son maillage territorial qui couvre 95 % du territoire national. Elle agit en capteur de signaux faibles, ce qui est particulièrement utile dans le contexte d’un monde économique de plus en plus ouvert et concurrentiel.

La remontée du renseignement d’intérêt économique s’appuie sur quatre volets :

– l’établissement préalable d’un réseau avec les acteurs économiques locaux, les entreprises devant pouvoir identifier un interlocuteur unique ;

– la détection de tout phénomène pouvant s’apparenter à une volonté ultérieure de nuire aux intérêts de l’entreprise (signaux faibles), cette analyse étant fonction du degré de sensibilité de celle-ci ou du secteur considéré ;

– l’exploitation et l’alimentation de la base de données sécurité publique (BDSP) de la gendarmerie, qui permet un partage transversal de l’information et de l’analyse ;

– l’obligation hiérarchiser l’effort sécuritaire en faveur des entreprises sensibles, en concourant notamment à la politique nationale en matière d’investissements directs étrangers par exemple.

Le renseignement est recueilli quotidiennement par les personnels de la gendarmerie dans le cadre normal du service à l’occasion de leurs contacts privilégiés avec les chefs d’entreprise, ou dans le cadre d’une sollicitation par les acteurs économiques.

2.   La prévention des atteintes à la sécurité économique

Pour mener à bien ses actions dans ce domaine, la gendarmerie réalise des diagnostics de vulnérabilité au profit des entreprises qui la sollicitent.

Elle s’appuie pour ce faire sur le diagnostic d’intelligence économique et de sécurité pour les entreprises (logiciel DIESE) ([37]).

3.   La sensibilisation des acteurs économiques

Au sein de chaque département, la gendarmerie organise ou participe à des conférences de sensibilisation au profit des acteurs économiques, notamment les entreprises. Les chambres consulaires (CCI) constituent à ce titre des partenaires privilégiés.

Indépendamment de ces conférences, les actions de sensibilisation peuvent s’effectuer par l’intermédiaire de la diffusion de plaquettes d’information ou de messages d’alerte.

L’infographie suivante présente un exemple de message d’alerte relatif au ransomware Locky, cyberattaque d’ampleur mondiale réalisée en 2016 et 2017 et largement médiatisée. Ce message a été émis par la région de gendarmerie Auvergne-Rhône-Alpes et est disponible en libre téléchargement sur un espace numérique entreprise.

exemple de message d’alerte : le ransomware Locky

 

Source : http://www.ene.fr/informer/ressources-documentaires1/fiches-alertes-gendarmerie.html

 

 

Des atteintes aux conséquences parfois dévastatrices : le cas de la société BRM mobilier

Le cas de cette entreprise d’une quarantaine de salariés illustre la fragilité du tissu des PME en matière de sécurité économique ainsi que la nécessité pour la gendarmerie de poursuivre ses actions de prévention et de sensibilisation.

 Rappel des faits

Entre le 21 juillet et le 14 août 2015, la société BRM mobilier est victime d’une escroquerie « au faux président ». Son service administratif et financier est contacté par des individus se faisant passer pour le dirigeant de la société et des membres d’un cabinet d’avocats d’affaires. Prétextant des opérations confidentielles et urgentes (rachat d’une usine en Chine), les escrocs réussissent à faire transférer 1,6 million d’euros vers des comptes à Hong-Kong.

Les faits ne sont découverts que le 1er septembre par l’entreprise. Une lettre plainte est adressée au parquet de Niort qui saisit la brigade de recherches de Bressuire le 9 septembre. La section de recherches de Poitiers est saisie par le parquet et, le 10 septembre, le dossier est transmis à la juridiction inter-régionale spécialisée de Rennes qui confirme la saisine de la gendarmerie.

● Problématique

Plus d’un mois s’est écoulé entre la date de commission des faits et la saisine. Ce délai a empêché de bloquer l’argent par l’intermédiaire de la cellule de renseignement financier française (CRF–Tracfin). Il convient de souligner que la coopération avec la Chine est difficile puisque la CRF chinoise ne dispose pas du pouvoir de geler des fonds.

● Conséquences de l’escroquerie pour l’entreprise

Le 27 janvier 2016, le tribunal de commerce de Niort prononce la liquidation judiciaire de la société, entraînant de facto sa cessation définitive d’activité. 42 salariés perdent leur emploi.

● Conséquences sur la doctrine en gendarmerie

Le nombre croissant de sociétés françaises victimes de cette fraude et les conséquences induites en matière d’emploi ont conduit la DGGN à faire évoluer la doctrine relative au traitement judiciaire de ce type d’affaire. Pour chaque fait porté à la connaissance de la gendarmerie, une unité de recherches doit être saisie des investigations. La section de recherches compétente est toujours avisée sans délai, ainsi que le bureau des affaires criminelles de la DGGN et le service central du renseignement criminel aux fins de rapprochements.

C.   le rôle des entités spécialisées du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale

Le service central du renseignement criminel (SCRC) et le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) mènent des actions de lutte contre les cyber-atteintes à la sécurité économique. Ils agissent notamment dans les domaines suivants : investigation, prévention, élaboration de partenariats et coordination avec d’autres services de l’État.

1.   Un pouvoir d’enquête au niveau national

Disposant tous de la qualification d’officier de police judiciaire à compétence nationale, les gendarmes relevant de ces deux entités conduisent des enquêtes judiciaires :

– sur plainte des entreprises victimes d’attaques, des ayants droit en matière de propriété intellectuelle, etc. ;

– d’initiative, avec des enquêtes proactives suite à des actions de veille en sources ouvertes sur Internet et les réseaux sociaux ;

– après recoupement et rapprochement, l’analyse des plaintes déposées auprès des unités territoriales de gendarmerie permettant d’identifier un phénomène d’ampleur nationale.

Par ailleurs, le SCRC et le C3N assurent la direction fonctionnelle d’un projet de plate-forme électronique de recueil des coordonnées bancaires et de leurs conditions d’emploi par les victimes d’achats frauduleux en ligne (PERCEVAL). Accessible aux usagers ce portail Internet devrait être opérationnel d’ici la fin de l’année 2017. PERCEVAL recueillera en ligne les signalements d’usages frauduleux de cartes bancaires par leurs titulaires, la centralisation du recueil permettant d’améliorer les recoupements à l’échelle nationale en vue d’une meilleure réponse répressive, et d’optimiser le processus de remboursement du titulaire par sa banque.

2.   Les actions de prévention et de sensibilisation

Ces deux services mènent par ailleurs régulièrement des actions de sensibilisation :

– intervention annuelle dans le cadre d’un stand de prévention aux universités d’été du mouvement des entreprises de France (MEDEF) ;

– participation à des colloques organisés par des CCI ou des organismes régionaux ;

– interventions à la demande d’associations professionnelles ([38]) ;

– interventions au sein des grandes entreprises pour réaliser des actions de sensibilisation auprès des collaborateurs ou à l’attention du comité exécutif ;

– organisation de nombreuses réunions de travail bilatérales avec des acteurs économiques (secteur bancaire et de l’audit financier, constructeurs automobiles, domotique, grande distribution, etc.).

Au total, en moyenne, le SCRC et C3N participent à une quarantaine de manifestations chaque année.

3.   La coordination avec les autres services de l’État

Outre les relations avec d’autres services et directions du ministère de l’Intérieur (DGPN, DGSI), le SCRC et le C3N entretiennent des contacts réguliers avec d’autres administrations concernées : direction générale des douanes et droits indirect (DGDDI, cyberdouane), direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF, centre de surveillance du commerce électronique) et agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI).

Des échanges existent également avec TRACFIN sur le dossier bitcoin, et Par ailleurs, le SCRC et le C3N participent, sous la présidence du gouverneur de la Banque de France, aux travaux de l’observatoire de la sécurité des moyens de paiement.

De tels contacts et échanges peuvent portent tant sur un dossier opérationnel spécifique que sur un dossier plus générique et stratégique (élaboration et diffusion de notes d’analyse et de tendance du renseignement criminel cyber par exemple).

Au-delà des seuls services de l’État, des contacts ont aussi été initiés avec l’association des maires de France (AMF).

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   audition du général richard lizurey,
directeur général de la gendarmerie nationale

M. le président Jean-Jacques Bridey. Je suis heureux d’accueillir le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale.

Mon général, comme vous le savez, même si la gendarmerie est rattachée, de manière opérationnelle et budgétaire, au ministère de l’Intérieur, les gendarmes sont placés sous statut militaire, ce à quoi notre commission reste très attachée. Aussi désignons-nous de manière systématique un rapporteur pour avis sur les crédits de la gendarmerie au sein de la mission « Sécurités » – en l’occurrence, une rapporteure, Mme Aude Bono-Vandorme, qui interviendra dès la fin de votre propos liminaire. Vous pourrez ensuite répondre aux questions des députés. J’imagine que nombre d’entre elles porteront sur l’accroissement de la menace terroriste et la montée en puissance de la Garde nationale.

Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis ravi d’être cet après-midi devant votre commission. Je me propose d’esquisser pour vous le sens de l’évolution de la gendarmerie et le sens de notre action. Je vous donnerai quelques éclairages sur le contexte et sur notre volonté de nous adapter à une menace aujourd’hui prégnante, celle du terrorisme, mais aussi à toutes les autres menaces, comme celle des phénomènes migratoires et de la délinquance au quotidien. Les questions que vous me poserez me donneront l’occasion de revenir sur tel ou tel point que vous souhaiteriez voir approfondi.

La gendarmerie nationale poursuit son mouvement d’adaptation et de modernisation dans trois grandes directions : d’abord la sécurité des personnes, qui est une mission fondamentale ; ensuite la sécurité des biens, qui est classiquement associée à celle des personnes ; enfin, la sécurité numérique, sur laquelle je m’appesantirai un peu. Ce nouveau territoire que constitue le numérique fait aujourd’hui l’objet d’autant d’espoirs dans son utilisation, que de craintes en raison de ses vulnérabilités. C’est un territoire que nous devons également protéger. En effet, l’ensemble des citoyens peut-être menacé dans l’utilisation du numérique et des nouvelles technologies.

La sécurité des personnes est une mission historique, mais depuis 2015, un cycle nouveau s’est enclenché. C’est celui du terrorisme quotidien qui s’est d’abord manifesté par des actes majeurs, organisés – Bataclan, Charlie Hebdo – et qui s’inscrit maintenant dans le quotidien, avec des moyens extrêmement rudimentaires : avec un couteau, on peut perpétrer un acte terroriste, ou du moins qualifié comme tel. J’observe qu’il y a quelques années, certaines personnes qui auraient simplement été hospitalisées, sont aujourd’hui considérées comme des terroristes, parce qu’elles prononcent la formule « Allah Akbar ».

Cela ne pouvait que nous interpeller et nous conduire à faire évoluer notre organisation et nos modes d’action.

Entre 2015 et 2017, nous avons été conduits à transformer nos capacités.

Nous les avons d’abord renforcées grâce à différents plans – plan de lutte contre le terrorisme et plan pour la sécurité publique.

Nous avons bénéficié d’une dotation budgétaire supplémentaire d’environ 317 millions d’euros sur trois ans, qui nous a permis d’équiper nos personnels, à la fois en termes de protection individuelle, mais aussi en termes offensifs. Par exemple, chaque brigade a été dotée de packs balistiques, qui permettent à chaque patrouille, sur le terrain, de répondre, ou du moins de se défendre face à une action terroriste. C’est important. Il y a quelques années, le terrorisme se résumait à des prises d’otages, avec l’intervention d’unités centrales, groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), unité « Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion » (RAID) ou brigade de recherche et d’intervention (BRI). Mais aujourd’hui, ce sont les gendarmes et les policiers de terrain, les patrouilles, qui sont confrontés à cette menace et doivent être en mesure de réagir et de se défendre.

Nous avons été conduits à revoir nos modes d’action.

Le schéma national d’intervention a permis à l’ensemble de nos unités, au niveau du ministère de l’Intérieur, de s’organiser. Le RAID du côté de la police nationale, la BRI du côté de la Préfecture de police de Paris, et le GIGN du côté de la gendarmerie, s’inscrivent aujourd’hui dans une perspective nouvelle qui est celle de la proximité. Il y a quelques années, on était sur des zones de compétences, chacun intervenant dans la sienne. La cinétique très rapide des crises terroristes nous a conduits à réfléchir à cette organisation et à mettre en avant d’abord le principe de proximité. C’est l’unité la plus proche, quelle que soit sa zone de compétences, qui intervient sur un acte terroriste. Ce qui n’a l’air de rien a toutefois nécessité de grandes discussions. Cela montre la capacité d’adaptation de l’outil dont dispose l’État, face à cette menace nouvelle.

La menace terroriste ne doit pas nous faire oublier la prégnance de la délinquance habituelle qui, aujourd’hui, s’organise également au niveau international. Il y a quelques années, le cambriolage était plutôt un phénomène local. Aujourd’hui, il existe un cambriolage organisé, qui est le fait d’une délinquance de masse, avec des organisations criminelles structurées et des donneurs d’ordres souvent installés à l’étranger – plutôt en Europe de l’Est. Ceux‑ci ont décliné sur notre territoire une organisation quasi-militaire, avec des responsables nationaux, régionaux, locaux, puis des hommes de troupe qui sont généralement des mineurs de dix à treize ans – judiciairement, un mineur est beaucoup plus à l’abri qu’un majeur. Ces mineurs sont formés et ont un objectif à atteindre – des dizaines, voire des centaines d’euros à « récupérer » par jour. Tout cela alimente une chaîne criminelle. Nous avons déjà mis à jour un certain nombre d’organisations structurées. Cela signifie qu’aujourd’hui, un cambriolage ne peut plus être traité de manière complètement autonome.

Cela nous impose de mettre en place de structures d’analyse. C’est ainsi que le service central de renseignement criminel (SCRC), installé à Pontoise, analyse la totalité des procédures qui sont effectuées, pour en tirer des éléments de rapprochement, mettre à jour tel ou tel phénomène, et confondre telle ou telle organisation criminelle.

La délinquance de masse prospère, et aujourd’hui, la majorité des atteintes aux biens sont de son fait.

Nous devons le prendre en compte dans le cadre de notre présence sur le terrain. La délinquance de masse s’exprime effectivement sur l’ensemble du territoire national, et il faut être présent. Notre maillage territorial – aujourd’hui 3 100 brigades territoriales – doit répondre à ce besoin de prévention, d’intervention et de proximité.

Cette présence sur le terrain a tout de même diminué de près de 600 brigades depuis une dizaine d’années. Nous avons créé ici ou là des déserts de sécurité. Il est important pour nous de revenir sur le territoire pour assurer notre mission, qui est celle de la sécurité des personnes et des biens.

C’est le rôle de la fonction « contact ». Depuis le 1er février de cette année, nous avons mis en place des « brigades de contact ». Il s’agit de brigades de gendarmerie traditionnelles, à effectifs de quatre, cinq ou six gendarmes, qui auraient pu être dissoutes – au vu des indicateurs d’activité, voire de la directive européenne « Temps de travail », sur laquelle je reviendrai.

Plutôt que de supprimer ces brigades, nous avons décidé de les laisser actives et de revoir leur contrat opérationnel. Ce dernier exclut désormais toute autre activité que celle du contact. L’objectif de chaque gendarme est d’être dehors, d’aller au contact des personnes, des élus, de la population, de manière justement à recréer ce lien de proximité, et de restaurer notre capacité de prévention et de renseignement. Quand on discute avec les gens, on en tire du renseignement, qui permet ensuite de remonter et d’alimenter une logique de renseignement criminel.

Le retour d’expérience sur ces brigades – une trentaine depuis le 1er février – est extrêmement positif. C’est le point de vue de nos élus, que j’ai interrogés parce ce sont d’abord eux, et non mes services, qui vont évaluer ces brigades. Mais c’est aussi le point de vue des gendarmes de ces brigades, qui sont extrêmement satisfaits parce qu’ils retrouvent leur métier. L’ADN de notre métier, c’est la proximité. Pour eux, cette fonction contact est extrêmement valorisante.

Aujourd’hui l’idée est de poursuivre ce mouvement, peut-être en multipliant les brigades de contact, mais surtout en introduisant la « fonction contact » dans l’ensemble des unités existantes. Cela implique d’y former les personnels, dans le cadre de la formation initiale des élèves gendarmes et des officiers. Voilà pourquoi nous introduisons un « module contact » de quatre‑vingt‑dix heures, pour leur apprendre ce que c’est, ce que l’on attend d’eux, ce qu’il faut faire en arrivant dans une circonscription, quelles sont les personnes à voir et comment on continue à les traiter.

Ensuite, je leur fixerai un contrat opérationnel. Avec les nouveaux outils de type NéoGend, sur lesquels je reviendrai tout à l’heure, nous doterons chaque gendarme d’un smartphone ou d’une tablette, qui leur permettra, d’une certaine manière, d’emporter leur bureau avec eux. À ce smartphone est également associé un numéro de téléphone. Je souhaite qu’à la fin de 2018, chaque élu, chaque élu local et chaque parlementaire, ait un point de contact, c’est-à-dire un gendarme référent.

Chaque élu de notre territoire national aura un gendarme référent qui va les alimenter en renseignements et qui va interagir. Il sera à votre disposition pour répondre sur tel ou tel incident, sur tel ou tel renseignement. Je crois que, fondamentalement, cette relation entre la gendarmerie et les élus est indispensable.

Je vais également demander à chaque commandant de compagnie – au niveau de chaque sous-préfecture d’arrondissement – de convier une fois par semestre l’ensemble des élus, plutôt les maires – mais les parlementaires seront également conviés – pour une réunion de travail – pas un cocktail, ni une inspection annoncée, ni une réception pour fêter Sainte-Geneviève. Au cours d’une demi-journée, la gendarmerie rendra compte devant les élus de son activité durant le semestre écoulé, répondra et échangera avec les élus sur ce qui a marché, ou n’a pas marché, et pourquoi. Nous ne sommes pas là pour nous, mais pour vous et pour la population. C’est un état d’esprit que je souhaite développer au plus près du terrain, c’est-à-dire dans chaque brigade territoriale. C’est l’élément essentiel de la sécurité des personnes et des biens.

Dans le cadre de la sécurité des biens, il convient de prendre en compte l’importante mobilité des personnes et des biens qui circulent sur notre territoire.

Le développement du réseau routier contribue bien évidemment à la multiplication des échanges. On voit circuler des frets de très grande valeur, notamment vers la fin de l’année. Mais il en est d’autres qui empruntent la voie ferrée.

Voici quelques semaines, quatre lance-roquettes antichars (LRAC) d’un convoi qui partait du Sud de la France à destination de Brienne-le-Château ont été dérobés. Il nous paraît essentiel de pouvoir suivre ces convois sensibles, que ce soit en raison de l’importance financière du fret, ou en raison du risque de nuisance.

Nous sommes en lien avec l’état-major des armées, précisément pour travailler sur la géolocalisation de tous les convois de transports d’armes qui ne sont pas escortés, mais qu’il faut pouvoir géolocaliser.

Nous nous sommes également rapprochés d’un certain nombre d’opérateurs, comme la fédération nationale des transporteurs routiers, pour qu’ils mettent à notre disposition les éléments dont ils disposent. En effet, ils ont déjà géolocalisé un certain nombre de matériels, de frets – cigarettes ; tablettes, notamment en fin d’année ; chargements extrêmement onéreux.

Ce qui est important pour nous, c’est de pouvoir recevoir immédiatement l’alerte en cas de difficulté. Aujourd’hui, cette alerte est très diverse, et répartie sur l’ensemble du territoire. Mon objectif est de créer un centre opérationnel de suivi de la sécurité des mobilités, pour récupérer la totalité des incidents, et pour qu’en face de chaque incident, je puisse mettre la patrouille, le gendarme le plus proche. Ce sera possible dans la mesure où les tablettes et les smartphones permettront de géolocaliser les tablettes ou les gendarmes sur l’ensemble du territoire national. À la fin de l’année 2018, j’aurai donc la capacité, grâce à ce centre de sécurité des mobilités, de mettre en adéquation, l’événement, le besoin et le moyen qui est celui de l’intervention du service public de sécurité.

Ce n’est pas au niveau national, mais au niveau local que l’on va faire de la conduite. On pourra ainsi donner l’alerte et activer l’unité la plus proche. En termes de sécurité des biens, cela me paraît essentiel. Les outils existent, nous allons essayer de les agréger et de les coordonner pour améliorer la sécurité sur l’ensemble du territoire.

Tout cela passe évidemment par un décloisonnement des différentes organisations. J’évoquais les transporteurs routiers et les armées. Mais il y a d’autres opérateurs avec lesquels nous travaillons. Par exemple, la SNCF met en place avec nous des partenariats. Elle finance également un certain nombre de nos réservistes qui assurent la sécurité dans les trains, en liaison avec la sûreté ferroviaire. Nous allons continuer à travailler avec l’ensemble des opérateurs pour être présents sur ce domaine des mobilités, qu’elles soient ferrées, routières ou fluviales.

Nous avons aussi le souci de nous inscrire dans la perspective internationale européenne. En matière d’atteinte aux biens, il existe l’office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) qui est un organisme police‑gendarmerie, et dont la vocation est de travailler sur tout ce qui concerne la criminalité et la délinquance organisée au niveau international, et sur la délinquance itinérante. L’OCLDI a été désigné par les instances européennes comme leader, dans les trois prochaines années, d’un programme européen de lutte contre les atteintes aux biens. Nous sommes donc leaders de ce programme, au titre de la France, précisément pour tenter d’organiser avec les autres pays européens la réponse globale en matière d’atteinte aux biens.

Nous sommes également leaders dans un autre domaine, celui de la criminalité environnementale, avec l’office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). Celui-ci est chargé, notamment, de diriger et d’animer un travail européen dans le domaine de criminalité environnementale.

La protection des biens est donc diverse. Elle s’applique à un territoire, mais nécessite une vision internationale, dans laquelle nous nous inscrivons évidemment.

Cette lutte contre les atteintes aux biens nécessite également de disposer d’un appui technologique. C’est la transition numérique, que j’évoquais déjà, avec NéoGend. Nous nous y sommes engagés depuis quelques années. Nous avons mis en place, en interne, des dispositifs de dématérialisation, des dispositifs de reporting numérique, avec la base départementale de sécurité publique. Aujourd’hui, chaque gendarme intervient quand il est activé, et fait immédiatement un compte rendu sur son terminal informatique ; ce compte rendu est intégré dans une base, qui est visible par l’ensemble de la chaîne hiérarchique, y compris au niveau central. Ainsi, lorsqu’un gendarme part en intervention, on sait qui l’a activé, quand il arrive, qui il voit, et on n’est pas obligé de l’appeler pour savoir ce qui se passe. On l’a exactement « en visu » à partir du niveau central. Et chaque niveau territorial, chaque niveau de responsabilité, sait exactement où sont ses troupes, puisqu’elles sont aujourd’hui quasiment toutes géolocalisées.

Nous allons parachever cette transition numérique sur le plan opérationnel, en dotant chaque gendarme, soit d’un smartphone, soit d’une tablette – je vous en ai apporté une pour vous montrer ce qu’il y a dedans.

Que trouve-t-on dans ce smartphone et dans cette tablette ? D’abord, la capacité d’accéder aux fichiers. On peut scanner la bande MRZ de toutes les pièces d’identité – carte d’identité, passeport, ce qui permet à l’appareil de reconnaître immédiatement votre pièce d’identité. Il interroge immédiatement tous les fichiers autorisés – le gendarme concerné disposant d’une accréditation – et donne le renseignement en moins de cinq secondes. Ainsi, en moins de cinq secondes, le gendarme a contrôlé la totalité des fichiers pour une personne donnée. Auparavant, il fallait compter dix minutes ou un quart d’heure, avec des risques d’erreurs de frappe, etc. Maintenant, on obtient tout, directement. Si le contrôle débouche sur une procédure, la machine garde en mémoire l’identité, et remplit immédiatement le procès-verbal, s’agissant de la partie initiale concernant l’identité de la personne. Cela accroît de façon très importante nos capacités d’optimisation, notre efficience sur le terrain, dans le cadre du travail de contrôle assuré au quotidien par les gendarmes.

Ce qui est vrai pour les pièces d’identité est vrai également pour les cartes grises. Toutes les pièces d’identité qui ont des bandes MRZ sont évidemment enregistrées, et on peut les contrôler extrêmement rapidement.

Cette tablette permet aussi d’accéder à toute la documentation. D’une certaine façon, le gendarme se déplace avec son bureau. Il a accès à l’ensemble de sa documentation professionnelle : que faire dans telle circonstance, dans tel ou tel cas, quel procès-verbal employer ? Il dispose d’un logiciel de rédaction de procédure. Ce n’est pas très pratique de taper sur une tablette – même si on commence à trouver des tablettes avec clavier – mais sur le terrain, on peut commencer sa procédure. D’autre part, ce que l’on intègre dans la machine ou dans la procédure sur le terrain est conservé gardé en mémoire, et quand on revient à la brigade, il n’est pas nécessaire de le retaper. Ce n’était pas le cas avant. On avait un carnet de déclarations, on notait sur le terrain, et on reprenait les notes à la brigade. Tout cela, c’est du temps gagné. C’est de l’efficience opérationnelle.

Enfin, il y a évidemment là toute la messagerie tactique, à savoir les ordres que l’on donne, et les messages que l’on reçoit.

Cette tablette est donnée, ou plutôt prêtée à titre individuel. 65 000 tablettes ou smartphones seront donc distribués d’ici à la fin de l’année. Les gendarmes disposeront ainsi d’un outil à leur disposition qui – puisque nous avons lancé une expérimentation depuis maintenant deux ans – donne aujourd’hui totalement satisfaction.

L’ensemble des gendarmes est déjà formé pour l’utilisation de cette tablette ou de ce smartphone, qui n’a pas encore donné la totalité de ses capacités puisque nous lui avons intégré récemment le procès-verbal électronique. Ce dernier remplace tous les PDA (Personal digital assistant) que nous payait l’agence nationale de traitement des avis d’infractions (ANTAI).

Avant le gendarme se déplaçait avec son téléphone, avec un PDA de l’ANTAI, avec un lecteur de chronotachygraphe, etc. etc. Aujourd’hui, il dispose d’un seul matériel, auquel nous intégrons la totalité des fonctionnalités

Par ailleurs, nous sommes en train de travailler sur d’autres segments opérationnels, de manière à faire gagner du temps dans l’exécution de la mission. Le temps gagné peut alors être réinvesti dans le contact avec la population, puisque c’est cela la priorité absolue.

La transition numérique, c’est NéoGend. Mais c’est également le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN), avec un certain nombre d’innovations et d’avancées technologiques. Je pense à l’ADN rapide, qui résulte de l’invention de l’un de nos capitaines qui a fait sa thèse sur ce sujet. Nous nous engageons aujourd’hui dans une logique de dépôt de brevets, dans une logique de protection de notre innovation, de manière à valoriser le service public et à récupérer des moyens budgétaires pour alimenter notre fonctionnement quotidien.

Cette transition numérique s’inscrit dans une perspective de long terme. J’ai mis en place récemment le conseil scientifique de la gendarmerie nationale, qui est précisément chargé de nous inspirer, de nous orienter et de nous guider pour nous permettre d’évoluer dans les différents domaines, parce que je crois que nous n’en sommes qu’au début de l’histoire.

Pour assurer la sécurité des personnes, des biens et des données numériques, il nous faut aussi travailler la logique des effectifs. Le matériel fonctionne, mais il faut également que nos personnels soient formés.

Au-delà de l’aspect quantitatif, qui est en évolution positive, nous avons le souci de former les personnels dans le domaine du numérique et de la modernisation. Aujourd’hui, nous avons réparti sur l’ensemble du territoire à peu près 2 000 enquêteurs « nouvelles technologies ». Sans être de grands spécialistes, ce sont des gens capables, dans le cadre d’une enquête judiciaire, d’accéder à des données cryptées, d’analyser un disque dur et de faire un certain nombre d’opérations.

Mon objectif est de former, par brigade territoriale, au moins un gendarme capable de répondre à tout citoyen victime d’une cyber-escroquerie ou d’un vol de données numériques. Pour cela, il faut doubler notre capacité de formation, afin de recruter davantage de personnels de culture scientifique. Il me paraît important de faire évoluer l’accessibilité du service public puisqu’aujourd’hui, tout le monde peut être victime de ce genre de délits.

Nous devons être en mesure de répondre, d’accueillir le plaignant, de l’orienter, de le conseiller, et surtout d’intégrer les données de manière suffisamment pertinente pour procéder ensuite à une enquête. Il convient de renvoyer toutes ces données à un organisme central, le centre de lutte contre la cybercriminalité numérique (C3N) – toujours à Pontoise – qui a vocation à les mettre en cohérence, à saisir un parquet, avant de mener une enquête. Les faits isolés sont extrêmement difficiles à résoudre. Mais lorsque l’on agrège les données sur le plan national, on a généralement davantage de chance de résoudre une affaire.

L’important, pour moi, ce sont les effectifs. Il faut leur donner le sens de l’action, du travail, mais aussi de travailler sur le discernement

L’outil numérique que j’évoquais tout à l’heure, NéoGend, nous a conduits à nous interroger sur la manière dont sont formés nos personnels. Jusqu’à présent, on les formait en leur faisant apprendre, par cœur, le code pénal, le code de procédure pénale, etc. Or ce n’est pas à vous que je vais apprendre que le code pénal change sinon tous les jours, du moins assez régulièrement. Aujourd’hui, il y a très peu de gens qui le connaissent sur le bout des doigts, mais nous disposons d’outils qui permettent d’accéder directement à la totalité de Légifrance. Il est donc inutile d’apprendre par cœur. Notre modèle de formation doit être revu. Il ne peut plus être un modèle de capitalisation de connaissances, mais un modèle de réflexion, de discernement et d’intelligence des situations.

C’est un virage important qui, associé aux nouvelles technologies, permettra d’aller plus loin, d’avoir une gendarmerie qui avance et qui, globalement, s’adaptera à la situation locale. Je souhaite rendre aux gendarmes, à la brigade, aux commandants de compagnie, le pouvoir qui est le leur – ce n’est pas de Paris qu’on a les meilleures idées ; les meilleures idées sont sur le terrain. Et il faut leur laisser les clés de la maison.

Voilà pourquoi je leur laisse les clés de la maison. C’est à eux de s’adapter. Mais pour cela, il faut leur donner les moyens d’être bien formés. La formation, qui est un élément important, est en pleine évolution.

J’ai souhaité, dans le cadre du budget 2018, faire un effort très important en faveur de la formation de l’ensemble de mes personnels – officiers, sous‑officiers ou gendarmes adjoints volontaires. Ils doivent bénéficier d’une formation de meilleure qualité, mais surtout bénéficier de temps pour la suivre. Et c’est là que je rencontre un petit problème avec les forces mobiles, qui sont très engagées. Théoriquement, dans le cadre de la loi de programmation militaire précédente, 35 jours de formation par an ont été prévus, mais aujourd’hui, nous en sommes à 21 jours maximum, et la durée de cette formation ne cesse de diminuer. La saturation missionnelle constatée sur l’ensemble du spectre risque de nous conduire à faire l’impasse sur l’essentiel. Pour moi en effet, la formation est essentielle parce qu’elle permet d’améliorer les services publics.

Je voudrais maintenant intervenir sur une autre contrainte, la directive européenne sur le temps de travail. Celle-ci nous explique qu’il faut se reposer, principe qui me paraît de bon sens, en tant que citoyen. Mais où est le bon sens quand on traduit ce principe en équations, en normes qui se trouvent en décalage par rapport aux besoins fondamentaux, par rapport à l’urgence et au contexte national ou international ?

Cette directive, qui contient un certain nombre d’items, est équilibrée. Il y est question de 24 jours de vacances par an, de 24 heures de repos par semaine, et de 11 heures de repos physiologique journalier par tranche de 24 heures. On s’aperçoit que l’on est largement au-dessus des 24 jours de vacances par an
– quasiment au double – et des 24 heures de repos par semaine – nous sommes au double. Mais cela ne nous dispense pas de respecter le dernier des items, à savoir les 11 heures de repos physiologique. Cela nous met en décalage par rapport aux obligations du service et à la nécessité de lutter contre la délinquance.

Le problème, dans cette directive, c’est qu’elle nous impose de respecter scrupuleusement tous les items, au lieu de se contenter de fixer un cap général, et de laisser libre cours à l’intelligence locale, c’est-à-dire à l’intelligence nationale. Je pense que chaque pays est suffisamment mature pour trouver la juste mesure.

En vue de l’application de cette directive, nous avons diffusé une instruction provisoire depuis le 1er septembre 2016. Et de fait, la mise en place de ces 11 heures de repos physiologiques journaliers nous crée d’énormes difficultés. Le fait de comptabiliser les heures est d’ailleurs tout à fait antinomique avec le statut militaire qui suppose, par construction, une disponibilité totale, en tout temps et en tous lieux. Mais nous y travaillons et nous espérons pouvoir progresser. Évidemment, cela suppose une discussion avec la Commission européenne. Nous y participons, sous la houlette du ministère des Armées, puisque c’est lui qui est le leader dans cette discussion. Il semble toutefois essentiel que nous puissions obtenir, soit une dérogation générale, ou du moins une dérogation telle que notre capacité opérationnelle sur le terrain ne soit pas remise en cause.

Cette directive sur le temps de travail est pour moi une préoccupation : depuis la mise en place de l’instruction provisoire au 1er septembre, l’activité opérationnelle de la gendarmerie départementale est en baisse de 5,5 %, l’activité de nuit en baisse de 3 % ; et l’activité de la gendarmerie mobile en baisse de 12 %. Ces chiffres ne sont pas neutres : une baisse de 5,5 % de l’activité opérationnelle de la gendarmerie départementale représente tout de même l’équivalent de 4 000 équivalents temps plein !

Heureusement, nous pouvons compter sur des renforts supplémentaires. Je pense notamment à nos réservistes : 30 000 réservistes, opérationnels et citoyens, qui assurent aujourd’hui en moyenne une trentaine de jours par an, et effectuent la totalité des missions dévolues à des gendarmes, hormis celle du maintien de l’ordre.

Il y a dix jours, j’ai envoyé une compagnie de réserve territoriale à Saint‑Martin. À la suite du cyclone Irma, nous avions lancé un appel à volontaires sur l’ensemble du territoire national. 700 se sont manifestés, pour une période de trois mois, malgré les conditions difficiles. J’ai envoyé une première compagnie, de 73 réservistes, il y a dix jours. Une deuxième compagnie suivra d’ici la fin du mois.

Les premiers retours sur le travail de cette compagnie sont exceptionnels. Cela montre bien l’engagement et la motivation de ces réservistes, jeunes et moins jeunes. Leur tranche d’âge, notamment pour ceux qui sont partis à Saint-Martin, va de trente et un à cinquante-huit ans. Pour moitié, ce sont des personnes qui ont une activité professionnelle. Cela prouve qu’il y a dans notre pays une vraie volonté de contribuer au service public, qu’il nous appartient de capitaliser et d’engager au service de l’ensemble de nos concitoyens. On avait d’ailleurs engagé 16 réservistes opérationnels de Guadeloupe, qui ont été projetés sur Saint-Martin dans les quarante-huit heures suivant le cyclone Irma.

Nous allons continuer à travailler pour consolider cette réserve. Le budget qui m’est alloué ne me permet pas d’augmenter le nombre des réservistes. Donc, j’en resterai à 30 000. La cible initialement affichée était de 40 000. On la garde en mémoire, mais à ce stade, nous sommes sur un horizon de réalisation un peu différé.

Outre l’engagement des réserves, nous avons tiré d’autres enseignements du cyclone Irma.

Le premier enseignement porte sur la capacité d’un outil intégré de projeter ses personnels et sur la capacité du statut militaire de s’adapter aux différentes situations. C’est tout l’intérêt du statut militaire, à la fois pour les forces elles-mêmes, la gendarmerie mobile et la gendarmerie départementale, mais aussi pour le soutien opérationnel. En effet, j’ai pu projeter immédiatement des militaires de corps de soutien pour aller faire, qui du soutien automobile, qui du soutien logistique, qui de la projection. J’ai pu projeter des personnels militaires sur l’ensemble du spectre du soutien opérationnel.

C’est important, d’autant que notre positionnement au sein du ministère de l’Intérieur conduit parfois certains à s’interroger sur l’utilité de ce statut militaire pour un certain nombre de personnels administratifs. À ce propos, je précise que j’ai aujourd’hui sous mes ordres 5 000 personnels administratifs, dits militaires de corps de soutien, et 5 000 personnels civils, soit 10 000 personnels dans la sphère « soutien opérationnel ». J’ajoute que les personnels administratifs militaires ne sont pas habilités police judiciaire, qu’ils n’ont pas de vocation à faire des missions de police judiciaire. Ce sont simplement des missions de soutien opérationnel sur le terrain.

Je pense que le cyclone Irma a démontré avec force l’intérêt de ce statut militaire. Nous devons conserver cette capacité de mobilisation d’un soutien opérationnel à base de militaires, qui ne vient pas en concurrence mais simplement en complémentarité avec celle des personnels civils. Dans le cadre de la résilience et de notre travail sur la continuité des organes gouvernementaux et du fonctionnement de l’État, cette capacité me paraît essentielle, voire indispensable. Si nous l’abandonnons, à un moment donné, nous n’aurons plus la capacité de faire face. Je souhaitais appeler l’attention de votre commission à ce sujet.

Puisque j’évoquais Saint-Martin, je souhaiterais terminer sur les outre‑mer, qui sont pour nous un sujet de préoccupation. En effet, le niveau de violence y est en augmentation, avec des situations extrêmement tendues.

Je pense particulièrement à Mayotte. Tous les jours, j’entends parler de caillassages de gendarmes et de véhicules, d’agressions, ou d’opérations de « décasage » du fait de tensions intracommunautaires. La situation à Mayotte constitue une bombe sociale, qui explosera on ne sait pas quand. Mais cela arrivera. Cela a failli arriver en début d’année, pour un problème de manque d’eau. Pendant quinze jours, il y a eu des coupures d’eau deux jours sur trois, alors qu’il faisait très chaud. On a même dû évacuer des gendarmes et des familles. Ce manque d’eau a canalisé les tensions. Elles sont toujours là, et il est certain qu’à Mayotte, un jour ou l’autre, nous serons confrontés à des difficultés. Pour moi, c’est le territoire le plus préoccupant.

La Guyane est, selon moi, le deuxième territoire le plus préoccupant. Certes, la lutte contre l’orpaillage est un souci. Mais je parle d’abord des zones très peuplées, comme Saint-Laurent-du-Maroni, Cayenne et Kourou La situation est assez difficile à Kourou, avec le centre spatial et ses cadres qui ont un niveau de correct, et tout autour, des gens socialement très défavorisés qui ne cherchent qu’une chose : aller chercher l’argent là où il est. Le niveau de violence augmente en Guyane, et je ne vois pas très bien comment les choses peuvent s’arranger, sauf à y envoyer des troupes. Aujourd’hui, j’ai sept escadrons de gendarmes mobiles sur place, en renfort. La Guyane est, de fait, l’endroit du territoire national où il y a le plus d’escadrons en renfort. Je précise que j’ai 109 escadrons au total, et que 25 sont déplacés en permanence en outre-mer.

Pour ce qui est de la situation aux Antilles, elle est toujours marquée par un niveau de violence assez élevé, mais on constate une relative amélioration. La délinquance s’est un peu stabilisée, ce qui s’explique aussi par l’évolution sociologique de la population antillaise, marquée notamment par un certain vieillissement. Ainsi, les ingrédients historiques d’une violence endémique ont tendance à diminuer.

Le dernier territoire méritant une vigilance particulière est la Nouvelle-Calédonie, où le nombre d’agressions repart à la hausse. Depuis le mois d’octobre 2016, vingt gendarmes ont été blessés par balle – ce qui fait de cette île l’endroit du territoire national où l’on compte le plus de blessés par balle –, ayant fait l’objet de tirs directs, avec des projectiles transperçant les blindages des véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG), ce qui est très préoccupant. On retrouve en fait tous les ingrédients d’une situation que l’on a connue il y a quelques années, et il est certain que le référendum qui doit avoir lieu à la fin du deuxième semestre 2018 ne va faire qu’exacerber les tensions, ce qui doit nous conduire à faire preuve d’une vigilance accrue et à renforcer nos troupes sur place. J’ai actuellement cinq escadrons en Nouvelle-Calédonie, et j’ai projeté les moyens permettant d’équiper rapidement jusqu’à neuf escadrons en cas de nécessité.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure pour avis des crédits de la gendarmerie nationale. Général, je vous remercie pour votre intervention extrêmement intéressante et je salue, au nom de tous les membres de notre commission, l’action des gendarmes dans sa globalité.

La gendarmerie va procéder à 1 500 transformations de postes d’officiers et de sous-officiers sur la durée du quinquennat. Cette transformation ne doit pas se faire dans le seul sens du civil : dans les corps de soutien notamment, nous avons besoin de militaires, comme l’a démontré la crise résultant du passage de l’ouragan Irma. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce sujet ?

Ces dernières années, la gendarmerie a fait de gros efforts de mutualisation. Si cette démarche peut être positive, elle ne doit pas se faire au détriment des capacités opérationnelles et de la solidité du modèle : quel bilan en tirez-vous, et envisagez-vous sa poursuite, le cas échéant dans quels domaines ?

En outre-mer, des renforts venus de métropole seront nécessaires, alors même que la situation sécuritaire reste très tendue dans l’hexagone également. Comment vous y préparez‑vous ? Enfin, pour ce qui est des outre-mer en général, disposez-vous de l’ensemble des matériels nécessaires – je pense notamment aux blindés ? Un montant de deux millions d’euros a été prévu pour l’acquisition de véhicules lourds en 2018 : les outre-mer vont-ils en bénéficier ?

Général Richard Lizurey. L’objectif global de 1 500 transformations de postes correspond à un objectif annuel de 300 transformations. Dans la feuille de route qui m’a été assignée, j’ai reçu pour mission de transformer 300 postes d’officiers et de sous-officiers en 300 postes civils, mais j’ai appelé l’attention du ministre sur l’importance de garder une capacité militaire, et proposé que la transformation débouche plutôt sur 150 postes civils et 150 postes militaires, et que la même répartition s’applique à la totalité des 1 500 postes. Cela répond à l’idée de retirer des personnels du service dit actif pour en faire des personnels administratifs, mais j’insiste sur le fait que les administratifs militaires constituent un élément très important.

Je souligne au passage que, contrairement à ce que l’on pourrait croire
– j’ai fait procéder à des études précises sur le sujet, que je tiens à votre disposition, ainsi qu’à celle du ministre –, l’administratif militaire est moins cher que le civil. Aucune donnée objective ne nous permet de justifier que 300 transformations de postes d’officiers et de sous-officiers en postes civils vont permettre d’économiser des millions d’euros. En réalité, si l’on transforme l’intégralité de ces postes en postes civils, on perd de l’argent, c’est pourquoi je souhaite une répartition par moitié – je précise que les calculs auxquels il a été procédé ont été faits en utilisant les abaques de Bercy.

Nous avons beaucoup mutualisé depuis 2009, notamment en créant des directions communes : la direction de la coopération internationale (DCI), mais aussi le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure (STSISI), qui nous a permis de développer à la fois NéoGend et NéoPol, son équivalent pour la police. La mutualisation concerne aussi tous les achats, effectués par un service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI), qui passe tous les marchés en commun. Nous avons également des mutualisations et des unités de coordination dans le domaine de la sécurité routière, des forces mobiles et des forces d’intervention.

Il nous reste encore quelques pistes à explorer en matière de mutualisation, qui nous ont été désignées par le ministère : il s’agit notamment de la formation commune des motocyclistes, des chiens et des montagnards. Il est cependant à noter qu’en la matière, la logique de mutualisation se heurte parfois à des impératifs budgétaires. En effet, les chiens de la gendarmerie sont actuellement formés à Gramat, dans le Lot, et ceux de la police à Cannes‑Écluse, en Seine‑et‑Marne ; de même, les motards de la gendarmerie sont formés à Fontainebleau, en Seine-et-Marne, et ceux de la police à Sens, dans l’Yonne, ainsi qu’à Chevilly-Larue, dans le Val-de-Marne. Si l’on souhaite mutualiser, c’est‑à‑dire réunir physiquement ces personnels, il va falloir construire des infrastructures, donc dépenser de l’argent : d’un point de vue budgétaire, il convient d’y réfléchir à deux fois avant de procéder à une telle opération. Si je suis pour la mutualisation, je souhaite donc qu’il soit procédé à celle-ci avec méthode, en commençant par effectuer une étude d’impact, puis en faisant en sorte d’objectiver les évolutions. L’étude d’impact est souvent l’étape qui fait défaut, et je souhaite qu’à l’avenir, nous puissions objectiver la procédure afin que la mutualisation se traduise par un bilan vraiment positif.

Pour ce qui est des blindés, la gendarmerie dispose aujourd’hui de 83 véhicules blindés, dont 38 sont déployés outre-mer. Nous avons projeté des véhicules blindés supplémentaires – en l’occurrence une dizaine de véhicules de l’avant blindés (VAB) récupérés d’Afghanistan – en Nouvelle-Calédonie, où se trouve désormais stationnée la totalité de la composante blindée, ainsi qu’une capacité de mobilité, c’est-à-dire des véhicules de transport de troupes pouvant équiper jusqu’à neuf escadrons. De cette manière, nous serons prêts à l’action dès le 1er janvier prochain, et j’ai engagé le centre de planification et de gestion de crise de la direction générale (CPGC), qui a procédé à une évaluation initiale avant de planifier cette opération, ce qui nous a conduits à faire en sorte d’être en mesure d’intervenir rapidement, en ayant mobilisé sur place à l’avance les moyens nécessaires. Malheureusement, je ne dispose pas de suffisamment de moyens pour sectoriser partout comme je l’ai fait en Nouvelle-Calédonie : c’est ce qui explique qu’il ait fallu projeter en urgence du matériel et des hommes à Saint-Martin après le passage d’Irma.

Mme Marianne Dubois. À la suite des événements survenus en 2015, la gendarmerie a bénéficié de ressources supplémentaires pour valoriser sa capacité contre‑terroriste. Cependant, la mise en réserve à hauteur de 8 % d’une partie de votre budget initial pour 2017 ne vous a-t-elle pas imposé de revoir vos prétentions à la baisse ? La ressource finalement mise à disposition a-t-elle été à la hauteur des enjeux, et certains ajustements ont-ils fragilisé d’autres pans de votre fonctionnement ou certains de vos investissements ?

Mme Séverine Gipson. Général, je tiens tout d’abord à exprimer ici mon admiration pour la gendarmerie, corps d’élite qui, dans les moments difficiles que nous traversons, apporte la preuve de ses grandes capacités. Avec ce projet de loi de finances pour 2018, les moyens de la gendarmerie sont en augmentation, mais comment pourraient-ils ne pas l’être compte tenu de la période particulière que nous traversons ? Je tiens à saluer les orientations prises par le Gouvernement à ce sujet.

Chaque année, des efforts importants sont réalisés en termes d’immobilier et de logement. J’ai le bonheur d’avoir dans ma circonscription d’Évreux, dans l’Eure, le groupement de gendarmerie départementale, doté de logements confortables, très fonctionnels et modernes. Malheureusement, ce n’est pas le cas partout, et nous nous devons de poursuivre l’effort.

Pour ce qui est des véhicules, j’ai eu l’honneur d’échanger récemment avec le commandant Cédric Collard qui, évoquant l’état du parc automobile de la gendarmerie, me disait que les véhicules affichaient en moyenne 150 000 kilomètres au compteur, et que leurs équipements électroniques finissaient, de toute façon, par lâcher bien avant d’atteindre ce kilométrage. De ce point de vue, il me semble que nous ne sommes pas en adéquation avec les risques avérés : quelle est votre appréciation sur ce point ?

La même obsolescence est-elle constatée pour les hélicoptères ? Quel est le format des moyens en hélicoptères de la gendarmerie, de quels types d’engins est-elle dotée et quel âge ont-ils ? Enfin, avez-vous été récemment fournis en appareils neufs ?

M. Bastien Lachaud. Les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG) sont en cours de déploiement sur certains sites de la direction des applications militaires (DAM) du commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), ce qui soulève plusieurs questions.

Selon vous, quelles sont les missions que les formations locales de sécurité chargées de la sécurité de ces sites ne sont plus aujourd’hui en mesure d’accomplir, et qui doivent être confiées à des gendarmes ? Avez-vous la garantie que les gendarmes positionnés sur ces sites ne seront pas conduits, en cas d’urgence, à intervenir ailleurs, ce qui pourrait mettre en péril la sécurité de ces sites ? Connaissez-vous le détail du calendrier du déploiement des gendarmes sur les différents sites ?

Enfin, pour ce qui est du déploiement opéré sur le site du Valduc, en Côte‑d’Or, il semble que les gendarmes concernés soient logés dans des bâtiments de type Algeco. Nous confirmez-vous ce point ?

M. Jean-Pierre Cubertafon. Pouvez-vous nous indiquer comment vous allez procéder pour renforcer l’attachement des personnels aux métiers et répondre aux attentes des citoyens et des institutions ?

Par ailleurs, vous avez évoqué les brigades territoriales de proximité. Il y a encore quelques semaines, j’étais maire de la commune de Lanouaille, en Dordogne, où une brigade territoriale de proximité a été positionnée à titre expérimental – il y en a deux en Dordogne, et trente sur l’ensemble du territoire. Je voulais vous dire que, de mon point de vue, la gendarmerie de proximité est un succès total : la population et les élus sont enchantés de cette nouvelle formule qui leur permet à nouveau de voir les gendarmes. Cette expérimentation sera-t-elle poursuivie, comme nous l’espérons tous ?

Général Richard Lizurey. Depuis 2015, nous avons bénéficié d’une capacité d’achat de matériel supplémentaire de 317 millions d’euros. Cette somme nous a servi à acheter beaucoup de matériels de protection et d’équipement des personnels, ainsi que des véhicules.

Pour ce qui est de la mise en réserve que vous avez évoquée, c’est un peu la quadrature du cercle. Lorsque je viens devant vous comme je le fais aujourd’hui, au moment de la présentation du projet de loi de finances, j’ai toujours l’impression que le budget alloué à la gendarmerie est correct, ou du moins que nous pourrons nous y adapter au prix de quelques efforts. Malheureusement, à peine le budget a-t-il été voté que l’on m’annonce que nous ne disposerons pas de la totalité des sommes qui nous avaient été promises, une partie de celles‑ci devant être mises en réserve. Pour 2018, les 3 % à mettre en réserve sont générés par la totalité de la réserve hors titre 2, ce qui représente 1,3 milliard d’euros, dont 700 millions d’euros de dépenses obligatoires, liées notamment aux loyers. Les loyers produisant une mise en réserve que je ne peux pas faire porter sur le loyer, je suis obligé de la faire porter sur le hors titre 2 manœuvrable, ce qui est à l’origine d’une double peine – le hors titre 2 manœuvrable supportant en tout 7 % de mise en réserve, susceptible d’être annulée à n’importe quel moment, comme on l’a encore vu l’année dernière.

Tous les ans, c’est une décision difficile à prendre que de mettre en place une mise en réserve sur des programmes d’achat qui ne pourront peut-être pas être réalisés dans l’année. Je me félicite que la mise en réserve pour 2018 ne soit que de 3 % alors qu’elle était de 8 % l’année dernière, mais il y aura encore des choix difficiles à faire impliquant de flécher des matériels que l’on achètera que l’année prochaine. Ces choix reviennent au directeur général et au responsable de programme, qui décident généralement de faire porter la mise en réserve sur des programmes au long cours, notamment sur l’immobilier, qui a toujours été une variable d’ajustement – ce qui explique la présence de certains points noirs immobiliers, à Nanterre, à Melun ou à Satory, par exemple : il ne faut pas y voir l’effet du hasard, mais celui du choix, répété à plusieurs reprises, de faire porter les mises en réserve sur l’immobilier, du fait que cette décision n’a pas de conséquences immédiatement visibles.

Pour le projet de budget 2018, j’ai la volonté de sanctuariser les achats de véhicules, en prévoyant l’achat de 3 000 véhicules dans l’année. Cet achat est en effet indispensable pour permettre le renouvellement à long terme d’un parc global de 31 000 véhicules, comprenant 3 000 véhicules ayant déjà atteint les deux seuils de réforme – ils ont plus de huit ans et ont effectué plus de 200 000 kilomètres. Pour ce qui est du parc dans sa totalité, il compte en moyenne entre 130 000 et 140 000 kilomètres. Ce parc est en cours de rajeunissement – une opération qui a tendance à s’accélérer, puisque nous allons acheter 3 000 véhicules pour la deuxième année consécutive, alors que nous n’en étions qu’à 1 000 unités il y a cinq ans. Nous avons aujourd’hui un stock de véhicules anciens relativement important mais en maintenant l’achat de 3 000 véhicules pendant plusieurs années consécutives, nous devrions réussir à rajeunir le parc automobile.

Pour ce qui est des hélicoptères, nous en possédons actuellement cinquante-cinq et nous en aurons prochainement un de plus, commandé afin de remplacer celui que nous avons perdu lors de l’accident survenu à Tarbes l’année dernière. Parmi ces cinquante-cinq appareils, on compte quinze EC145, quinze EC135, le reste étant composé d’Écureuil rétrofités. Cette flotte nous suffit pour exécuter nos missions, étant précisé que les EC145 et EC135 sont les appareils les plus modernes : pour cette raison, la sécurité civile est uniquement équipée d’appareils EC145, permettant de transporter jusqu’à sept personnels équipés et d’intervenir en haute montagne de manière très efficace.

La flotte d’hélicoptères est opérationnelle et affiche un taux de disponibilité supérieur à 90 %, ce qui est assez exceptionnel. Nous sommes soutenus par la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD), qui nous permet d’entretenir nos hélicoptères.

J’en viens à l’immobilier, qui constitue un souci pour moi. Un plan d’urgence immobilier doté de 70 millions d’euros par an est en cours depuis trois ans, et verra son montant porté à 100 millions d’euros – plus cinq millions d’euros pour la sécurisation des bâtiments – dès l’année prochaine. Bon an mal an, je pouvais jusqu’à présent faire procéder à la réfection d’un nombre de logements compris entre 4 000 et 5 000, et le passage à 100 millions d’euros va me permettre de porter ce nombre à 5 900 dès l’année prochaine, en plus d’une quarantaine d’opérations plus lourdes de maintenance et d’entretien du parc immobilier.

Pour ce qui est des pelotons spécialisés de protection basés sur le site du Valduc, les Algeco qu’ils occupent ne sont que des locaux de service : les personnels sont actuellement logés ailleurs, près de Dijon, ce qui nécessite un trajet de trente à quarante minutes, mais nous avons le projet de faire construire une caserne à proximité du Valduc.

Je précise que le déploiement dans les sites de la DAM correspond à une demande, formulée pour répondre à la menace du haut du spectre. Cela n’exclut pas les forces locales de sécurité, qui continuent à effectuer une partie du travail, consistant à assurer la sécurité au quotidien. Ce qui est important, c’est de pouvoir disposer, comme sur les sites des centrales nucléaires d’EDF, d’une capacité d’intervention sur le haut du spectre, c’est-à-dire de type antiterroriste, correspondant aux attributions des pelotons spécialisés – dont le rôle n’est pas d’assurer la sécurité au quotidien. Pour répondre exactement à la question qui m’a été posée à ce sujet, je dois dire que nous ne sommes pas encore tout à fait en phase en termes de déploiement et de calendrier. Cela dit, nous y travaillons, étant précisé que nous n’avons pas vocation à remplacer la totalité des forces locales de sécurité dans l’ensemble de leurs missions : notre rôle consiste simplement à assurer une complémentarité à leur action sur le haut du spectre. Nous vous communiquerons le calendrier définitif dès qu’il aura été finalisé, à l’issue des discussions en cours.

Je remercie ceux d’entre vous qui m’ont fait part d’un retour d’expérience positif sur la fonction de contact. Ma priorité stratégique réside dans l’implémentation dans toutes les unités, toutes les brigades, de cette fonction, dont les brigades « contact » ne sont que l’un des modes : au sein des brigades les plus importantes, il sera possible de créer des groupes « contact ». En tout état de cause, je souhaite que la culture de la proximité et de l’humain revienne dans notre maison. Durant des années, nous nous sommes beaucoup trop concentrés sur l’intervention, négligeant un peu la dimension affective à laquelle nos concitoyens sont très attachés, et sur laquelle nous devons maintenant travailler. Pour cela, nous devons former nos personnels et surtout leur donner le temps de se consacrer à cette mission, ce qui passe par l’élimination de certaines tâches secondaires et par la simplification de certaines procédures pénales – nous avons identifié des pistes dans ce domaine, qui nous permettront de dégager du temps pour nos personnels.

M. Yannick Favennec Becot. Je voudrais moi aussi témoigner de l’expérience menée dans ma circonscription du nord de la Mayenne, au sein de la brigade de gendarmerie de Martigné-sur-Mayenne. Depuis le mois de mars dernier, cette brigade est devenue une brigade territoriale de contact – la seule du Grand ouest –, dont l’une des raisons d’être est de « remettre du bleu » dans nos campagnes. Les gendarmes vont à la rencontre des entreprises locales et des commerçants, auxquels ils donnent des conseils en matière de sécurité. Ils échangent également avec les élus afin de connaître leurs préoccupations, et patrouillent dans les villages, aidant à régler les conflits de voisinage.

Les populations rurales sont très attachées au maillage territorial de la gendarmerie et, de ce point de vue, les brigades territoriales de contact, mises en place en février dernier dans vingt-quatre départements pour une période de six mois, constituent une réponse adaptée aux besoins du monde rural. Pourriez-vous nous faire connaître le bilan de cette expérimentation, et quels seront les moyens alloués au dispositif lorsque sa généralisation sera acquise ?

Mme Françoise Dumas. L’année dernière, lors de votre audition devant la commission de la Défense, vous nous aviez indiqué vouloir développer des unités de contact de la gendarmerie ayant vocation à afficher la présence de l’État et évitant ainsi que ne se constituent des « déserts de sécurité ». C’est en partie chose faite, et je peux moi aussi témoigner, ma circonscription du Gard comprenant une brigade de proximité, du fait que les populations, les élus et les personnels eux-mêmes sont extrêmement satisfaits de cette expérience. Cela montre, si besoin en était, que la mission de la gendarmerie est bien celle de la proximité, et sa présence est particulièrement bienvenue dans un département comme le Gard, marqué par un taux de criminalité élevé. Les personnels sont extrêmement disponibles et toujours disposés à travailler avec les élus locaux
– j’ai affaire pour ma part à des colonels particulièrement brillants et à l’écoute –, et je vous adresse pour cela mes plus vifs remerciements.

Pour ce qui est des tablettes et des smartphones dont vos personnels sont maintenant équipés, je m’interroge sur leur utilisation en milieu rural, dans des zones qui sont loin d’être toutes couvertes par les réseaux internet et de téléphonie mobile. Comment pensez-vous remédier à cette difficulté ?

Par ailleurs, les zones urbaines et périurbaines étant parfois difficiles à distinguer les unes des autres, envisagez-vous de partager avec vos collègues de la police les renseignements recueillis sur le terrain, et des avancées ont-elles déjà été effectuées dans ce domaine ?

Enfin, des formations conjointes entre la police et la gendarmerie sont‑elles mises en place, ou ont-elles vocation à l’être prochainement ?

M. Laurent Furst. J’aimerais d’abord savoir si les OPEX peuvent concerner la gendarmerie.

La mutualisation a-t-elle permis de réaliser des économies, le cas échéant n’aurait-on pas dû y penser avant, et peut-on aller beaucoup plus loin dans ce domaine ?

Il me semble que vous avez dit, ou laissé entendre, que la gendarmerie doit faire face à une vague de cambriolages perpétrés par des personnes venues d’autres pays d’Europe, ce qui vous donne beaucoup de travail. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce point ?

Enfin, si je calcule bien, en rachetant 3 000 véhicules par an, il vous faudra plus de dix ans pour renouveler intégralement un parc composé de 31 000 unités. Or, un véhicule étant vétuste à partir de huit ans d’âge, l’effort envisagé ne paraît pas suffisant : qu’en pensez-vous ?

M. le président. Nous sommes passés de 1 000 véhicules achetés chaque année à 3 000, cher collègue !

M. Laurent Furst. C’est très bien, mais est-ce suffisant ?

M. Louis Aliot. En 2014, six officiers de gendarmerie ont été nommés à la tête de services départementaux de renseignement territorial dans plusieurs départements, dont un dans l’Aude. Suite à la plainte d’un syndicat de policiers, le tribunal administratif a cassé ces nominations, et je crois savoir que vous avez diligenté une enquête à ce sujet. Dans la période que nous traversons, marquée par la menace du terrorisme, les rapports entre la police et la gendarmerie ne souffrent-ils pas de quelques malentendus ?

Par ailleurs, après la fermeture en 2009 de quatre écoles d’élèves gendarmes, on s’est aperçu que l’on manquait d’écoles, ce qui a nécessité d’envoyer des classes d’élèves gendarmes se former en Espagne, auprès de la Guardia civil. Ce dispositif de formation des gendarmes français à l’étranger est-il amené à se prolonger ?

Général Richard Lizurey. Les brigades de contact étant une réussite, nous ne sommes pas opposés à continuer dans cette voie, étant toutefois précisé que la décision en reviendra aux commandants de groupement, car je considère que l’intelligence est locale. Ce n’est pas moi qui, de Paris, vais décréter qu’il faut créer ou supprimer une brigade à tel ou tel emplacement, mais les commandants de groupement qui doivent se concerter avec leurs commandants de compagnie et les élus concernés, avant de me dire quels sont, selon eux, les besoins réels sur le terrain et l’organisation qui leur paraît la plus adaptée à ces besoins – un groupe « contact » dans une grosse brigade, une fonction « contact », etc. Je souhaite mettre l’intelligence au pouvoir, décentraliser et déconcentrer la totalité de la décision dans ce domaine : de ce point de vue, les commandants de groupement et les commandants de compagnie, qui connaissent parfaitement le terrain, sont les mieux placés pour me dire ce qu’il faut faire.

Mon objectif est de faire en sorte que le temps de relation entre le gendarme d’une part, les élus et la population d’autre part, soit le plus long possible. Dans l’idéal, je voudrais que ce soit 100 %, et si je sais que cet objectif ne peut être atteint, j’aimerais que l’on s’en approche autant que possible, selon des modalités qu’il revient aux commandants de groupement et aux commandants de compagnie de définir : cela peut passer par la multiplication des brigades de contact, mais aussi en recourant à d’autres modes d’organisation. Les moyens qui seront alloués, notamment dans le cadre de l’évolution des effectifs – nous aurons 459 équivalents temps plein supplémentaires l’année prochaine – pourront être en partie affectés à la fonction « contact », en fonction des propositions qui me seront faites par les échelons locaux.

Les zones d’ombre en télécommunication constituent une réelle difficulté, que nous avons en partie contournée en faisant de nos véhicules, disposant de moyens radio performants, des relais pour les matériels portables, notamment les tablettes, dont sont équipés nos personnels. Il subsiste des zones posant problème, dans lesquelles nous sommes parfois obligés de recourir – en accord avec Orange, qui est notre opérateur habituel – à un deuxième opérateur afin de disposer d’une couverture nationale complète.

Le partage des données avec la police est déjà une réalité. Aujourd’hui, toutes les applications et les matériels informatiques sont nativement partagés par la gendarmerie et la police, qui recourent toutes deux au service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure. Bien entendu, le fait que nos applications respectives soient conçues par le même service, et quasiment identiques, les rend parfaitement interopérables.

Nous opérons effectivement dans les zones rurales et périurbaines, tandis que la police est présente en zone urbaine. Dans les franges entre ces différentes zones, nous avons mis au point un dispositif opérationnel permettant des renforts croisés : les policiers peuvent venir renforcer les gendarmes et vice versa, et les deux services peuvent communiquer par radio sans aucun problème, l’interopérabilité des trois dispositifs rattachés au ministère de l’Intérieur – RUBIS pour la gendarmerie, ACROPOL pour la police, ANTARES pour la sécurité civile – étant totale. Nous réfléchissons actuellement au réseau radio du futur, qui sera lui aussi nativement partagé – les trois réseaux que je viens de citer ayant vocation à devenir un réseau unique à l’horizon 2025-2030.

La gendarmerie fait évidemment partie des unités déployées en OPEX. Nous étions en Afghanistan aux côtés de nos camarades des armées et nous y avons vécu des moments forts de fraternité d’armes. Cette opération a montré aux gendarmes qu’ils n’avaient pas perdu leur militarité et aux autres armées que les gendarmes pouvaient prendre part à des opérations militaires. Aujourd’hui, notre participation se fait plutôt dans le cadre de la prévôté, puisque nous ne sommes pas engagés sur les opérations majeures. Cependant, des gendarmes sont déployés sur l’ensemble du spectre, qu’il s’agisse des organisations internationales – les Nations unies et les organisations européennes –, ou de la police civile et militaire. Par ailleurs, le GIGN est engagé en Irak depuis près de dix-huit ans dans le cadre de la protection de la représentation française ; nous sommes également prêts à nous installer en Libye, dans le cas où rouvrirait une ambassade. En tout, j’ai actuellement environ 600 personnels à l’étranger. Si ces hommes ne prennent pas part aux opérations extérieures proprement dites, où l’intervention de la composante gendarmerie n’est pas nécessaire, un escadron est cependant prêt à être projeté à n’importe quel moment en accompagnement des forces, dans le cadre du contrat opérationnel. Je puise d’ailleurs dans un groupement des opérations extérieures des officiers et sous-officiers formés en langue anglaise et pourvus de toutes les certifications OTAN, ce qui me permet de les projeter très rapidement sur n’importe quel théâtre d’opérations.

Les mutualisations permettent-elles des économies ? À cette question, je répondrai que cela dépend : c’est possible uniquement quand les mutualisations sont faites intelligemment. Malheureusement, ce n’est pas le cas de toutes les mutualisations, certaines ayant été faites sans étude préalable ni méthode, mais j’espère que cela ne se reproduira pas à l’avenir.

L’office central de lutte contre la délinquance itinérante a effectivement constaté que des organisations criminelles provenant d’Europe de l’Est sont responsables de certains phénomènes de délinquance en France, qu’il s’agisse des cambriolages de masse, des vols d’engins de chantier – dont l’impact économique est énorme, car ces engins valent très cher – ou encore du vol de matériel d’ophtalmologie. Il s’agit de pratiques très organisées, avec un donneur d’ordre fréquemment basé dans un pays d’Europe de l’Est. Depuis l’an dernier, nous devons également faire face à une organisation chilienne, qui s’est associée aux réseaux d’Europe de l’Est pour faire prospérer ses activités.

Comme l’a relevé à juste titre M. le président, l’effort consistant à acheter 3 000 véhicules par an n’est peut-être pas suffisant, mais il faut se souvenir qu’il y a quatre ans, nous achetions largement moins de 1 000 véhicules ! En maintenant le cap des 3 000 achats par an sur une longue période, nous devrions réussir à reconstituer un parc automobile opérationnel. Nous sommes très intéressés par les véhicules électriques, qui posent cependant le problème de l’autonomie, sur lequel nous devons encore travailler. La Garde républicaine a d’ores et déjà conclu un partenariat avec Renault, qui nous prête gracieusement des véhicules électriques que nous utilisons à Paris – si d’autres constructeurs sont disposés à en faire de même, nous accepterons bien volontiers de leur prêter notre image en contrepartie !

Le service central du renseignement territorial se décline effectivement au niveau de chaque département sous la forme de services départementaux, dont six sont dirigés par des gendarmes. Celui de Narbonne pose problème de longue date en raison de difficultés relationnelles : l’officier de gendarmerie placé à sa tête n’a jamais été accepté. Le syndicat des cadres de sécurité intérieure a déposé un recours administratif contre la désignation d’officiers de gendarmerie à la tête d’unités composées de policiers, et obtenu gain de cause au motif que le poste occupé par l’officier n’avait pas été publié à la bourse interministérielle de l’emploi public. Nous avons donc repris la procédure avec le directeur général de la police national et dorénavant, lorsque nous mettons en place des officiers de gendarmerie à des postes fléchés « police-gendarmerie », nous passons par le circuit normal d’appel à candidatures. En l’espèce, nous avons renommé les mêmes officiers aux mêmes postes, et je veux voir les choses du bon côté en me disant que cette affaire nous aura au moins permis de progresser en matière d’efficacité commune.

Pour ce qui est de la formation, nous avons effectivement fermé des écoles en 2009. Dans le même temps, nous avons acquis la base aérienne de Dijon, où nous allons installer deux compagnies supplémentaires l’année prochaine, afin de répondre à nos besoins en termes de formation. Je précise que la formation d’élèves gendarmes en Espagne ne répond pas à une exigence capacitaire, mais à une logique européenne. Il existe une force de gendarmerie européenne, qui permet à l’ensemble de nos forces de police à statut militaire européennes d’intervenir à l’étranger. Nous sommes ainsi intervenus en Afghanistan, ainsi que dans certaines régions africaines, sous le mandat « Force de gendarmerie européenne » (FGE), et nous nous sommes aperçus que le meilleur moyen pour nous d’être efficaces dans ce domaine était d’être interopérables et de nous connaître mutuellement. Pour cela, il y a deux options : soit on procède à des échanges réguliers, par exemple sous la forme de stages, soit on envoie de jeunes gendarmes se former à l’étranger. C’est ce qui a été fait en début de mois, avec l’arrivée d’une compagnie d’élèves gendarmes à Valdemoro, près de Madrid. Je me suis rendu sur place dimanche, où j’ai pu constater que la greffe prenait bien.

Les personnels de la Guardia civil et les gendarmes français, qui partagent le même statut militaire et les mêmes missions, et sont soumis quasiment à la même organisation, ont 900 heures de formation en commun, comprenant à la fois une formation professionnelle et une formation militaire. Pour ma part, je pense que les 120 élèves gendarmes concernés sortiront de cette formation avec une culture partagée, qui sera d’une efficacité beaucoup plus grande que celle des stages croisés répartis sur la durée de la carrière. Ils seront affectés principalement à la région du Grand Sud-Ouest, où nous sommes fréquemment amenés à interagir avec nos camarades espagnols. La coopération avec l’Espagne me paraît extrêmement importante, à la fois en matière de lutte contre le terrorisme – où l’Espagne a une longue expérience, issue des années de lutte contre l’ETA – et contre le trafic de stupéfiants, où l’Espagne constitue un point de passage pour la drogue provenant du continent africain. Dans ces deux domaines, nous avons un grand besoin d’interopérabilité et de culture partagée, qui justifie pleinement la présence d’une compagnie d’élèves gendarmes en Espagne, dans une logique d’intégration et de partage de la compétence professionnelle s’inscrivant dans le cadre de la force de gendarmerie européenne.

M. Thibault Bazin. Dans l’affaire dramatique de la disparition de la petite Maëlys, survenue fin août, la gendarmerie a mobilisé des moyens impressionnants – équipes cynophiles, cellule de lecture automatique des plaques d’immatriculation, spéléologues, brigade nautique, drones de la gendarmerie des transports aériens permettant de dresser une carte en 3D du secteur –, qui n’ont malheureusement pas permis de retrouver l’enfant. A posteriori, estimez-vous que certains outils vous ont fait défaut, et quel regard portez-vous sur la manière dont les recherches ont été menées ?

Ma deuxième question a trait à la gendarmerie de l’armement, qui joue un rôle essentiel sur treize sites sensibles, notamment ceux de la direction générale de l’armement (DGA). Comment appréhendez-vous les menaces représentées par des drones civils transformés en armes ?

M. Christophe Lejeune. Député de la deuxième circonscription de la Haute-Saône, je souhaite vous poser une question liée à la spécificité de mon territoire, dont la commune principale compte moins de 10 000 habitants. Puisque vous avez dit que les meilleures idées venaient du terrain, et que vous laissiez bien volontiers les clés de la maison aux acteurs locaux, vous serez sans doute intéressé par cette initiative prise par des réservistes sous la responsabilité du colonel chef de groupement du département. Ces réservistes, dirigés par un commandant ayant récemment pris sa retraite et un jeune lieutenant qui vient d’obtenir son diplôme d’expert-comptable, se sont inspirés d’une approche marketing en écoutant la base, c’est-à-dire les habitants de ce territoire assez isolé, à qui ils ont demandé ce qu’ils souhaitaient. Selon les résultats de l’enquête effectuée, 85 % des personnes interrogées étaient intéressées par un contact dit présentiel avec la gendarmerie, en dehors de toute nécessité de porter plainte ; par ailleurs, 65 % des sondés ont déclaré être intéressés par un lien SMS avec la gendarmerie. Les sondeurs ont été agréablement surpris par l’accueil favorable qui leur a été réservé, ainsi que par la curiosité manifestée par les personnes interrogées au sujet de la création d’un réseau SMS.

C’est un projet porté uniquement par des réservistes. La brigade a créé une force de liaison et d’action qui offre une proximité différente selon les besoins. Entité non permanente constituée d’une quinzaine de réservistes volontaires issus majoritairement du territoire, la force a pour vocation de renouer des liens distendus avec les usagers de la zone. Orientée vers l’information du public, la facilitation de démarches administratives, la résolution de problèmes et la constatation des petites infractions, la force n’a pas vocation à recevoir des appels d’urgence ni à conduire des enquêtes complètes. C’est une approche dite « omnicanal ».

Ils ont constitué, sur proposition des habitants, des liens SMS qui fonctionnent très bien. Il y avait ce dimanche un comice agricole ; ils étaient présents et les habitants allaient vers eux pour leur communiquer leurs numéros de portable. C’est un lien direct peu coûteux pour vos services. Entendez-vous aller plus loin dans le lien par réseaux SMS ? Je vous invite en tout cas à venir les rencontrer car ce qu’ils font est extraordinaire.

Mme Frédérique Lardet. Le 1er janvier 2017, les circonscriptions une et deux de la Haute-Savoie ont vu la naissance de la nouvelle commune d’Annecy résultant de la fusion de six communes, dont deux se trouvaient en zone de police et quatre en zone de gendarmerie. Le décret du 6 mai 2017 relatif à la répartition des forces de sécurité de l’État dans les communes nouvelles prévoit que, par exception, le ministère de l’Intérieur peut, dans les communes placées sous le régime de la police d’État, confier à la gendarmerie nationale, par arrêté, après avis du conseil municipal, l’exécution des missions de sécurité et de paix publique à la gendarmerie nationale sur une partie du territoire de ces communes. La nouvelle commune d’Annecy entre dans le champ d’application de ce décret mais aucun avis n’a été formulé par le conseil municipal à ce jour, ce qui suscite de nombreuses inquiétudes, notamment quant au devenir des trois brigades des anciennes communes de Seynod, Annecy‑le-Vieux et Meythet. L’absence d’avis du conseil municipal sous-entend-elle la fermeture prochaine de ces brigades ?

Mme Laurence Trastour-Isnart. Où en est la mise aux normes des infrastructures immobilières et la réfection des logements ? Je crois par ailleurs savoir, d’après le retour que j’ai dans les territoires, que la gendarmerie a des retards dans le paiement de ses loyers aux propriétaires bailleurs. Le budget 2018 permettra-t-il d’équilibrer ce chapitre, voire d’apurer les retards accumulés ?

Général Richard Lizurey. Dans l’affaire Maëlys, la mobilisation est exceptionnelle : nous avions le devoir de faire le maximum. Je ne pense pas qu’il y avait besoin de moyens supplémentaires. Ce ne sont pas les moyens qui nous ont fait défaut mais la preuve irréfutable d’une culpabilité. C’est plus une logique judiciaire qu’une logique de moyens. Je ne vois d’ailleurs pas ce que l’on aurait pu faire de plus. Les éléments recueillis, que vous avez pu voir dans la presse, n’apportent pas à ce stade la preuve irréfutable d’une culpabilité.

Les drones civils transformés en armes sont une menace que nous voyons sur les théâtres d’OPEX. Nous avons mis en place au sein du ministère de l’Intérieur un comité de pilotage « drones », que la gendarmerie anime. Nous avons également créé un dispositif de brouillage, dont le service des technologies et des systèmes d’information a la charge. À l’occasion de la journée du patrimoine, nous avons d’ailleurs neutralisé un drone civil au‑dessus d’un palais national. Il faudra multiplier cette capacité de brouillage directionnel. Nous sommes depuis peu chargés par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) de mettre en place un réseau interministériel sur les drones coopératifs : nous allons créer un système d’immatriculation des drones de plus de 800 grammes vendus sur le territoire national, qui sera dirigé par la gendarmerie. Il est important de continuer à travailler de manière unie, c’est-à-dire en interministériel et notamment avec les armées ainsi qu’avec la DGA, qui possède une avance technologique en la matière.

Je partage votre analyse s’agissant du réseau SMS car cela correspond exactement à l’idée que je me fais du contact, qui doit avoir lieu sur la totalité des spectres. Je félicite les réservistes qui se sont engagés dans cette opération, je les inviterai à poursuivre et leur apporterai tout le soutien nécessaire. Ils se sont adaptés aux besoins locaux. Nous avons par ailleurs, avec Facebook et Twitter, des outils d’information de la population. Chaque groupement a aujourd’hui sa page Facebook et certains animent un fil Twitter. Nous nous inscrivons dans la logique des réseaux sociaux, et le SMS est une expression de ce contact.

Pour répondre sans détour à la question concernant la commune d’Annecy, oui, nous allons partir de la commune, car c’est la loi. Nous sommes dans l’illégalité depuis le 1er janvier 2017 puisque les dispositions combinées du code de la sécurité intérieure et du code général des collectivités territoriales conduisent à ce que, dans les communes nouvelles, dès lors qu’au moins une commune ancienne appartenait à une zone de police nationale la totalité de la commune devient de compétence police nationale. Puisque, dans le cas de cette commune nouvelle, personne ne demande à être rattaché à la gendarmerie, le ministre de l’Intérieur n’a aucune raison de prendre un arrêté. L’absence de délibération du conseil municipal est évidemment bloquante pour moi et j’ai d’ailleurs demandé au commandant de groupement, le colonel Labrunye, d’engager un dialogue de gestion individuel avec les gendarmes des trois brigades concernées, car nous allons les dissoudre. Nous avons assez demandé de délibérations et suscité de dialogues ; au 1er janvier 2018 je vais être obligé d’appliquer la loi – ce qui est le minimum pour un gendarme – et de partir de cette nouvelle commune où je ne suis plus compétent. Cette incompétence ne manquerait d’ailleurs pas de susciter des nullités de procédure si je persistais.

L’immobilier est la variable d’ajustement classique. Environ 60 % de notre parc, toutefois, est locatif et cette partie locative est généralement bien entretenue. C’est la partie domaniale qui pose problème car c’est là que s’appliquent les mises en réserve et l’ajustement. Nous avons des retards de loyer pour la simple raison que j’ai une dette de 92 millions d’euros, résultat de l’année 2016-2017 et de l’annulation de cette année. Nous essaierons de rembourser cette dette au plus vite mais ce sera difficilement gérable sur une année budgétaire.

M. Loïc Kervran. Je souhaite tout d’abord rendre hommage aux gendarmes blessés ces dernières semaines dans le Cher, au cours de différents événements. Je suis persuadé que la culture de proximité que vous avez évoquée est aussi de la responsabilité des élus, et nous ne manquerons pas de prendre contact avec les gendarmes et leurs commandements quand ce type d’événements se produit.

Ma question porte sur l’impact de la directive européenne relative au temps de travail. Vous avez évoqué la diminution de la capacité opérationnelle entraînée par son application. Ces nouvelles contraintes ont-elles reçu une traduction budgétaire, en termes d’effectifs ? Vous avez avancé le chiffre considérable de 4 000 ETP pour seulement une partie du problème.

M. Patrice Verchère. Depuis les attentats de 2015, la gendarmerie a développé, notamment dans le cadre d’un plan de lutte contre le terrorisme, le renseignement territorial afin de détecter les signaux faibles de radicalisation. Des gendarmes sont donc chargés de la lutte contre la radicalisation en captant un maximum de renseignements et en traitant des signalements sur la plateforme téléphonique. Ce sont soixante-quinze structures qui devaient être installées entre 2015 et 2017, généralement au niveau des compagnies. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Allons-nous développer encore ces structures ? Quels problèmes rencontrez-vous, notamment en termes de formation ? Dans certains endroits, comme le département du Rhône, ce sont deux gendarmes pour tout un département : est-ce suffisant ?

Par ailleurs, des véhicules saisis ont-ils été affectés en 2017 à la gendarmerie nationale, pour permettre à celle-ci d’atteindre à terme le nombre idéal ?

M. Didier Le Gac. Pouvez-vous nous communiquer le taux de fidélisation de vos personnels ? Nous en avons encore parlé récemment avec Florence Parly, ainsi qu’avec le chef d’état-major des armées. Nous avons pu évoquer, par exemple, la situation des bateaux anglais qui restent à quai car il n’y a plus personne pour les armer. Élu local depuis une quinzaine d’années, j’ai le sentiment de voir un turnover important parmi les gendarmes ; beaucoup de jeunes gendarmes quittent la gendarmerie, souvent d’ailleurs pour la police municipale où il y a moins de contraintes. Avec le chef d’état-major, nous avons également évoqué le plan famille des armées : avez-vous la même chose à la gendarmerie ? Comment faites-vous pour fidéliser les gendarmes ?

M. Charles de la Verpillière. Je souhaite poser quatre questions. Tout d’abord, vous avez parlé de « saturation missionnelle » mais vous n’y êtes pas revenu. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

Pour dégager plus de temps aux officiers de police judiciaire (OPJ) pour le contact et l’action sur le terrain, quelles sont vos propositions en matière d’allégement et de simplification des procédures judiciaires, ainsi que dans les relations avec les parquets ?

Quelles leçons tirez-vous du déploiement des pelotons spéciaux de protection de la gendarmerie pour les centrales nucléaires ?

Enfin, une loi récente pénalise les clients de prostituées : vos troupes ont‑elles dressé beaucoup de procès-verbaux à cet égard ? Si je vous pose la question, c’est que je connais la réponse.

M. Jean-Christophe Lagarde. Si l’État français fonctionnait comme la gendarmerie, nous serions le premier pays au monde.

Au cas où vous ne souhaitez plus perdre de gendarmes en direction des polices municipales, je suggère que vous diligentiez des enquêtes sur le nombre de maires qui payent au-delà de ce qu’ils ont droit les policiers municipaux ex‑gendarmes.

J’exprimerai deux souhaits. Pour avoir été longtemps maire d’une ville qui accueille une caserne de gendarmerie mobile, je souhaite que vous laissiez, en zone urbaine, le plus possible ouverte, en fonction de Vigipirate, la gendarmerie sur le civil. Ce que vous avez comme clubs sportifs et foyers, même si cela peut être économiquement contraignant, c’est aussi ce qui fait que la gendarmerie est bien intégrée dans la ville.

Je pense, ensuite, qu’il faut conduire un travail sur ce qui se produit en cas de séparation de couple dans la gendarmerie. J’ai très souvent reçu des femmes qui se retrouvent sans logement. Des instructions devraient être données aux commandements pour qu’il y ait des discussions avec les villes, car ces situations dramatiques ne sont pas acceptables de la part de votre institution.

M. Pierre Cordier. Membre de la commission des Affaires étrangères, je suis très heureux d’être parmi vous ce soir.

Les informations, Mon général, passent bien, et c’est rassurant, entre vous et vos commandants de groupement : j’étais hier avec le commandant de groupement des Ardennes, qui a pu développer ce que vous avez évoqué au sujet de l’informatique et des référents. J’ai retrouvé dans votre bouche ce que j’ai entendu hier.

La proximité, les référents, les contacts avec les élus locaux, ce n’est pas quelque chose de nouveau. J’ai été maire d’une commune rurale pendant une petite vingtaine d’années. Il y a dix ans, ont déjà été mis en place des référents locaux, des hommes de chez vous qui étaient les interlocuteurs privilégiés des élus sur leur secteur. Si cela revient, tant mieux car c’était tombé un peu en désuétude.

Dans la discussion du projet de loi de lutte contre le terrorisme, on a retiré aux maires la possibilité d’être informé d’un certain nombre de choses, sur des sujets certes délicats, mais que des maires ne soient pas informés de ce qui se passe sur le territoire de leur commune me semble problématique.

Enfin, les collectivités territoriales, notamment les conseils départementaux, ont beaucoup investi en direction des gendarmeries locales. Vous avez évoqué votre dette de 92 millions d’euros. Les finances des conseils départementaux ne sont pas non plus dans un état bien réjouissant. Comment voyez-vous les choses, sur les court, moyen et long termes, concernant le remboursement des loyers aux conseils départementaux ?

Général Richard Lizurey. La directive sur le temps de travail réduit en effet notre capacité opérationnelle. Il n’y a pas de réponse budgétaire. Nous avons obtenu 2 327 promesses de postes d’ici à la fin du quinquennat mais ce n’est pas directement lié à la directive.

Ce sont soixante-treize antennes de renseignement territorial qui sont mises en place. Ces gendarmes – à Lunel, par exemple, ils sont quatre – ne sont pas pour l’ensemble du département : ils sont intégrés dans le service départemental de renseignement territorial dont ils dépendent fonctionnellement. Ce sont des postes avancés du service départemental de renseignement territorial, qui se trouve au chef-lieu. Ces postes sont soit dans les territoires soit en zone aéroportuaire. Nous travaillons avec la police nationale et le service central de renseignement territorial en vue d’augmenter le nombre de ces antennes, dont le retour d’expérience est très positif. La formation dispensée à ces personnels est une formation classique en matière de renseignement ; nous nous sommes associés aux services de la police nationale mais aussi à la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) pour l’assurer. Nous allons chercher la compétence là où elle est. Une partie de nos gendarmes participe à une partie du cursus de l’Académie du renseignement.

Ce sont aujourd’hui 729 véhicules saisis qui sont utilisés par mes personnels. C’est une piste intéressante et d’ailleurs assez morale, s’agissant d’argent volé. Nous allons essayer d’augmenter ce nombre mais ce n’est pas toujours simple.

La fidélisation a été évoquée dans un rapport récent du Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM). Même si un certain nombre de gendarmes partent avant la limite d’âge, nos sous-officiers restent beaucoup plus longtemps que nos camarades des armées. En ce qui concerne les 12 000 gendarmes adjoints volontaires, il s’agit de contrats de six ans ; ils partent souvent entre trois et quatre ans, et une grande partie est d’ailleurs absorbée par le corps des sous-officiers, après concours. Une partie d’entre eux part, c’est vrai, vers la police municipale mais je pense qu’il est bon d’avoir une filière sécurité qui irrigue les polices municipales, car cela contribue à une logique de partenariat partagé.

Nous sommes bien sûr intégrés à la réflexion sur le plan famille des armées, même si nous n’avons pas nécessairement les mêmes sujets. Nos contraintes en termes de mobilité, par exemple, sont moindres.

J’ai évoqué rapidement la saturation missionnelle. Elle a un impact sur la formation. Les escadrons sont déplacés en moyenne 230 jours par an, nous n’avons donc aucune marge de manœuvre en matière d’escadrons ou de forces mobiles. Cette saturation missionnelle est vraie aussi pour la gendarmerie départementale, certes dans des proportions différentes selon qu’il s’agit de zones rurales ou périurbaines.

Un travail d’allégement des procédures judiciaires a été engagé par la garde des Sceaux en liaison avec l’ensemble des parquets locaux et le ministre de l’Intérieur. Nous avons formulé des propositions : par exemple, que la compétence OPJ soit une compétence nationale, que les agents de police judiciaire (APJ) puissent avoir des compétences supérieures, qui n’engagent pas la coercition, que la procédure soit simplifiée par la révision des différents cadres d’enquête… J’ai avec moi le procès-verbal relatif à une enquête de flagrance sur des dégradations. Comme vous pouvez le voir, il y a sept signatures par page, sur cinq pages. Il me semble que, sans mettre en cause les droits de la défense, des pistes de simplification de bon sens peuvent être envisagées.

Les PSPG datent d’une vingtaine d’années. Dans un premier temps, on avait réparti les personnels chargés de la sécurité des centrales nucléaires dans les brigades alentour, puis, il y a une dizaine d’années, nous avons convenu avec EDF qu’il fallait que les gens soient à l’intérieur, de manière à disposer d’une capacité de riposte immédiate tout en pouvant compter sur un renfort rapide. Un PSPG, c’est cinquante personnes qui sont chargées de la partie contre-terrorisme. Quand Greenpeace nous dit qu’ils vont venir, nous ne leur tirons évidemment pas dessus. Ils passent les barrières et déploient leurs banderoles, mais c’est un jeu de dupes. Médiatiquement, cela devient : « Les centrales nucléaires ne sont pas protégées », sauf que si on tire un jour sur un militant de Greenpeace, on nous dira : « Pourquoi avez-vous tiré ? Ce n’était pas un terroriste. » Nos personnels des PSPG sont formés dans le haut du spectre. Ils entrent dans les unités d’intervention spécialisée au même niveau que les antennes GIGN.

La pénalisation des clients de prostituées n’est pas, très sincèrement, ma priorité. La loi s’applique mais je préfère que l’on s’occupe de délinquance au quotidien et de lutte contre le cambriolage. C’est un point de vue personnel qui n’engage que moi mais je l’assume. Il m’appartient de faire des choix opérationnels en fonction des moyens dont je dispose.

Nous avons des infrastructures sportives ouvertes au civil. La piscine de Satory mobilise huit ETP pour son entretien, quelques centaines de milliers d’euros de fonctionnement, pour une utilisation de 15 % par le service. Ai-je vocation à financer des activités extérieures non liées au service ? La réponse – là aussi c’est un choix – est non et c’est pourquoi j’ai prévenu, depuis deux ans déjà, le maire concerné que j’allais fermer la piscine, en lui proposant de reprendre l’activité à sa charge. Le budget ne permet pas d’accommodements, j’ai besoin de me concentrer sur l’essentiel, de donner à mes gendarmes les moyens de travailler.

Je suis en revanche très sensible à ce que vous avez dit concernant les couples. On ne peut pas, dans le cas d’une séparation, maintenir l’épouse dans un logement concédé mais nous allons étudier votre suggestion.

Les gendarmes référents ont déjà existé mais, à l’époque, ils n’avaient pas un téléphone chacun. Aujourd’hui, chaque gendarme a un téléphone de service et je peux lui demander de donner ce numéro à un élu.

En ce qui concerne le projet de loi de lutte contre le terrorisme, je ne vois pas bien à quelle disposition vous faites référence.

M. Pierre Cordier. Il y a eu un débat dans l’hémicycle sur la question de savoir s’il fallait ou non transmettre aux maires des informations relatives aux affaires de terrorisme, et il a été décidé que les maires ne seraient pas destinataires de ces informations.

Général Richard Lizurey. Il y a des enquêtes sensibles dans le haut du spectre du terrorisme dont nous ne sommes nous-mêmes pas au courant, et nous découvrons une intervention de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) le jour même. Je ne suis pas sûr qu’il soit souhaitable d’informer tout le monde de tout. Cela dépend des cas d’espèce, il peut y avoir des cas où il est opportun de prévenir le maire.

S’agissant de l’immobilier, j’en profite pour remercier l’ensemble des collectivités locales qui nous aident pour le logement des gendarmes. Nous ne pourrions fonctionner sans cette aide. Nous essayons de maintenir le volume global des loyers ; nous devons être autour de 500 millions d’euros de loyers par an. Dans le cadre des constructions, l’objectif, quand on s’engage dans une construction sous le régime du décret de 1993, est que la collectivité soit à l’équilibre au bout de treize ou quatorze ans de loyer. Cela suppose qu’elle ait les moyens de financer la construction et les premières années de fonctionnement.

M. le président. Merci, Mon général.

 

 

 


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II.   EXAMEN des crÉdits

Après laudition de M. Gérard Collomb, ministre de lIntérieur, lors de la commission élargie (voir le compte rendu de la réunion du 26 octobre 2017 à 21 heures ([39])), la commission de la Défense nationale et des forces armées examine, pour avis, les crédits de la mission « Sécurités » : « Gendarmerie nationale » pour 2018.

*

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à ladoption des crédits du programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurités ».

 

 

 


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   annexe

Liste des personnes auditionnées et rencontrées
par la rapporteure pour avis

(Par ordre chronologique)

 Auditions à Paris

            Mme le général de brigade Anne Fougerat, commandant des réserves de la gendarmerie nationale.

            M. le général de brigade Jean-Marc Descoux, commandant de la gendarmerie de la Guadeloupe et coordonnateur des opérations des forces de sécurité à Saint Martin et Saint Barthélémy (par visio-conférence).

            M. le général de corps darmée François Gieré, directeur des opérations et de l’emploi de la gendarmerie nationale et M. le colonel Carlos Mendes, chargé de mission auprès du directeur des opérations et de l’emploi.

            M. le général de corps darmée Hervé Renaud, directeur des personnels militaires de la gendarmerie nationale et M. le colonel Charles Bourillon, adjoint au sous-directeur de la politique des ressources humaines.

            M. Guillaume Poupard, directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des services d’information (ANSSI), M. Christian Daviot, chargé de la stratégie et M. le colonel Cyril Cuvillier, sous-directeur adjoint relations extérieures et coordination.

            M. le général d’armée Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, M. le colonel Laurent Bernard, chef du bureau de la synthèse budgétaire, et M. le lieutenant-colonel Sébastien Thomas, chef adjoint du bureau de la synthèse budgétaire.

            M. le général de division Lambert Lucas, commandant de la gendarmerie outre-mer.

            M. le général de brigade Jean-Marc Cesari, sous-directeur de l’anticipation opérationnelle, et M. le Lieutenant-colonel Christophe Torrisi, chef de la section intelligence économique territoriale.

            M. le général de corps d’armée Laurent Tavel, directeur du soutien et des finances et M. Laurent Bernard, chef du bureau de la synthèse budgétaire.

 Déplacement dans l’Aisne

            Rencontres avec l’ensemble des acteurs de la sécurité publique au niveau local.

 Déplacement auprès du groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN)

            M. le général d’armée Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, M. le colonel Laurent Phelip, commandant du GIGN et les militaires du GIGN.

 Déplacement auprès du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN)

            PJGN – M. le général François Daoust, commandant du PJGN, M. le colonel Philippe Causse, commandant en second du PJGN, M. le colonel Bruno Vanden-Berghe, commandant adjoint du PJGN et M. le chef d’escadron Patrick Chilliard, chef du bureau « enseignement documentation relations extérieures ».

            Service central de renseignement criminel (SCRT) – M. le colonel Jérôme Servettaz, chef du SCRT, M. le colonel Nicolas Duvinage, chef du centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) et M. le colonel Laurent Collorig, chef de la division du renseignement, M. le capitaine Daniel Camara.

            Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) – M. le colonel Patrick Touron, directeur de l’IRCGN, M. le colonel Didier Jam, directeur adjoint de l’IRCGN, M. le colonel Charles Agostini, médecin – chef du département médecine légale et odontologie, M. le lieutenantcolonel Georges Pierrini, chef de la division « criminalistique biologie et génétique », M. le chef d’escadron Sylvain Hubac, chef du service central d’analyse génétique gendarmerie/individus, M. le chef d’escadron Emmanuel Gaudry, chef de l’Unité nationale d’investigation et d’identification, M. le chef d’escadron Stéphane Milet, chef du département « véhicules », M. le chef d’escadron Frédéric Rubens, chef du département « informatique‑électronique », M. le chef d’escadron Guillaume Cognon, chef du département « environnement-incendies-explosifs », M. le capitaine Cédric Sautier, chef du département « balistique » et M. l’adjudant-chef Nicolas Haraczaj, unité d’expertise des produits de marquage codé.


([1]) Les fonds de concours et attributions de produits sont deux techniques dérogatoires au principe d’universalité budgétaire puisqu’elles permettent, par exception, l’affectation directe de recettes à des dépenses. Leur régime est fixé à l’article 17 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Les fonds de concours regroupent, d’une part, les fonds à caractère non fiscal versés par des personnes morales ou physiques pour concourir à des dépenses d’intérêt public et, d’autre part, les produits de legs et donations à l’État. Ces sommes doivent faire l’objet d’une utilisation conforme à l’intention de la partie versante. Les attributions de produits peuvent retracer les recettes tirées de la rémunération de prestations régulièrement fournies par un service de l’État.

([2]) EDF, Banque de France, SNCF par exemple.

([3]) Le décompte en ETP rapporte les effectifs physiques à la quotité de temps de travail. Un agent à temps complet représente un ETP. Un agent à temps partiel à 80 % représente 0,8 ETP.

([4]) L’ETPT est une unité de décompte des emplois selon la formule suivante : effectif physique x quotité de temps de travail x période d’activité dans l’année. Un agent à temps plein présent toute l’année correspond à un ETPT. Un agent à temps partiel 80 % présent toute l’année correspond à 0,8 ETPT. Le même agent présent la moitié de l’année (CDD de six mois par exemple) correspond à 0,4 ETPT (0,8x6/12).

([5]) Huit ans et 200 000 km.

([6]) Plan immobilier triennal 2015-2017 de 210 millions d’euros (70 millions d’euros par an).

([7]) bis de l’article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([8]) Donnée « brute ». En tenant compte des suppressions et des réaffectations de postes prévues par ailleurs, la gendarmerie enregistrera un solde net de + 459 équivalents temps plein.

([9]) D’après les données figurant dans le projet annuel de performances de la mission « Sécurités », sur un plafond d’emplois global de 251 520 ETPT, la police nationale compte 150 708 ETPT (59,92 %) et la gendarmerie nationale 100 812 ETPT (40,08 %).

([10]) Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil  du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail.

([11]) Voir notamment Assemblée nationale, rapport n° 4130 de M. Daniel Boisserie, avis fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2017 (n° 4061).

([12]) Audition du général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, mardi 10 octobre 2017, compte rendu  7.

([13]) En attendant de trouver un compromis acceptable, la Commission pourrait s’abstenir de saisir la Cour de justice de l’Union européenne pour manquement (en l’espèce, pour non transposition de la directive), cette saisine n’étant d’ailleurs qu’une possibilité en vertu du paragraphe 2 de l’article 258 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

([14]) Statistique au 30 août 2017.

([15]) Avec d’importants mouvements de population vers les lieux de vacances, souvent situés en zone gendarmerie, ou encore l’organisation de grands événements récurrents à sécuriser, à l’image du Tour de France.

([16]) Décret n° 2016-1364 du 13 octobre 2016 relatif à la garde nationale.

([17]Op. cit.

([18]) Avec, par exemple, la création du service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure – SAELSI, commun aux forces de gendarmerie, de police et de sécurité civile –, du service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure – ST(SI)² –, ou encore la mise en place des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur – SGAMI.

([19]) Dont 12 unités à titre gracieux.

([20]) L’EGAME a par exemple été employé à Notre-Dame-des-Landes.

([21]) Sur les 109 EGM disponibles.

([22]) Avec une diminution de 3,56 % des atteintes aux biens en 2016.

([23]) Avec une diminution de 43,7 % des vols avec violence entre 2013 et 2016, et de 7 % sur le premier semestre 2017.

([24]) 20 gendarmes ont été blessés depuis octobre 2016.

([25]) On estime que 40 % de la population de Mayotte est d’origine comorienne.

([26]) Destruction de l’habitat, souvent précaire, où résident les clandestins.

([27]) Soit un EGM en Nouvelle-Calédonie et un demi-EGM en Guadeloupe et en Guyane.

([28]) En brigades territoriales, au sein du PSIG de Nouméa, à la brigade de prévention de la délinquance juvénile de Nouméa et au centre opérationnel du commandement de la gendarmerie outre-mer.

([29]) Camions de gamme militaire à capacité tout-terrain.

([30]) Délégation interministérielle à l’intelligence économique, « Intelligence économique, références et notions clés », juin 2015.

([31]) Commissariat général au Plan, M. Henri de Martre, « Intelligence économique et stratégie des entreprises », 1994.

([32]) M. Bernard Carayon, « Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale ».

([33]) Article 1142-3 du code de la défense : « Le ministre chargé de léconomie est responsable de la préparation et de lexécution de la politique de sécurité économique. Il prend les mesures de sa compétence garantissant la continuité de lactivité économique en cas de crise majeure et assure la protection des intérêts économiques de la Nation. »

([34]) Décret n° 2016-66 du 29 janvier 2016 instituant un commissaire à l’information stratégique et à la sécurité économiques et portant création d’un service à compétence nationale dénommé « service de l’information stratégique et de la sécurité économiques ».

([35]) Le C3N est rattaché au service central de renseignement criminel (SCRC) du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN).

([36]) Établissement public administratif rattaché aux services du Premier ministre.

([37]) DIESE est un logiciel de diagnostic de sécurité dune entreprise qui analyse toutes sortes de risques. Il permet dévaluer lexposition aux risques de lentreprise et les mesures de protection susceptibles dêtre prises face à ces risques. DIESE est un outil gratuit et disponible en téléchargement (http://www.entreprises.gouv.fr/information-strategique-sisse/outils).

([38]) Conseil national des professions automobiles ou groupe de travail des responsables anti-fraude des compagnies aériennes européennes par exemple.

([39]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/commissions_elargies/cr/