N° 278

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2017

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 235)
de finances pour 2018

TOME IV

 JUSTICE

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE ET PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

PAR M. Bruno QUESTEL

Député

——

 

 Voir le numéro : 273-III-29


 

 

 

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2017 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, 42 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur pour avis. La totalité des réponses lui est parvenue le 18 octobre 2017.

Le questionnaire budgétaire ayant été transmis au Gouvernement postérieurement au 10 juillet 2017, date prévue par l’article 49 précité, votre rapporteur pour avis remercie les services du ministère de la Justice de leur collaboration.

 

 

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

___

Pages

PREMIÈRE PARTIE : une revalorisation des moyens au service d’une plus grande efficacitÉ

I. l’administration pÉnitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse : deux prioritÉs de ce premier budget du quinquennat

A. un budget pÉnitentiaire en augmentation de 2,2 % par rapport au prÉcÉdent

1. La relative stabilité des crédits hors masse salariale

2. Une hausse de 4,1 % des dépenses de personnel

B. les crédits de LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE en progression de 3,4 % par rapport à 2017

1. Des crédits hors masse salariale en augmentation de près de 2 %

2. Une hausse de 4,4 % des dépenses de personnel

C. L’acte I d’une programmation pluriannuelle ambitieuse

II. d’importants financements en faveur de l’amÉlioration des conditions d’exÉcution des peines et des prises en charge

A. La sÉcurisation et l’Équipement des parcs immobiliers

1. Le parc immobilier pénitentiaire

2. Le parc immobilier de la protection judiciaire de la jeunesse

B. L’individualisation des peines et des prises en charge

1. Le renforcement des services pénitentiaires d’insertion et de probation

2. Le soutien au milieu ouvert de la protection judiciaire de la jeunesse

C. Le dÉfi de la transformation numÉrique de l’administration pÉnitentiaire

SECONDE PARTIE : la place de la justice des mineurs dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation

I. un spectre large et composite de mineurs concernÉs

A. Un ensemble hÉtÉrogÈge de mineurs radicalisÉs ou en danger de radicalisation violente

1. Les mineurs radicalisés ou en danger de radicalisation violente : un public composite, difficile à appréhender

2. Le cas particulier et résiduel des mineurs de retour avec leurs parents de théâtres d’opérations de groupements terroristes

B. Un nombre croissant de mineurs impliquÉs dans des infractions terroristes

II. une prise en charge civile et pÉnale inspirÉe du droit commun mais davantage individualisÉe et renforcÉe

A. une approche gÉnÉrale fondÉe sur une prise en charge individualisÉe et renforcÉe, largement inspirÉe du droit commun

1. Une prise en charge pluridisciplinaire, individualisée et renforcée

2. Un effort particulier en matière de prévention et de sensibilisation à la laïcité et à la citoyenneté

3. Une approche comparable aux initiatives prises par d’autres pays européens

B. Des dispositifs spÉcifiques aux mineurs de retour de zone ou poursuivis pÉnalement

1. Le cas particulier des mineurs de retour avec leurs parents de théâtres d’opérations de groupements terroristes

2. L’adaptation des outils de la justice des mineurs à la problématique des terroristes mineurs

III. un engagement budgÉtaire rÉel À complÉter par un meilleur accompagnement des personnels

A. d’importants financements dÉjÀ mobilisÉs au travers des plans de lutte contre le terrorisme et la radicalisation

1. La création de 400 emplois

2. Le financement des actions de prévention de la radicalisation et de formation des personnels

B. mieux accompagner les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse

1. Préserver le caractère non spécialisé et éducatif de la prise en charge

2. Mieux connaître le public des mineurs concernés

3. Accompagner davantage les personnels

Examen en commission

FICHE N° 1 : CHIFFRES CLÉS DE L’administration pénitentiaire

FICHE N° 2 : CHIFFRES CLÉS DE de la protection judiciaire de la jeunesse

fiche  3 : Le durcissement de la politique pÉnale  À l’Égard des mineurs terroristes

personnes entendues

DÉplacement effectuÉ


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   introduction

Mesdames, Messieurs,

« Un État qui protège », c’est en particulier une justice forte et respectée. Pour concrétiser cet engagement de campagne du Président de la République et de la majorité parlementaire, le premier budget de la XVe législature fait un effort significatif en faveur de la mission « Justice » dont les crédits progresseront, à périmètre constant, de 3,8 % en 2018.

Cet effort budgétaire concerne les crédits des services pénitentiaires (programme n° 107) et de la protection judiciaire de la jeunesse (programme n° 182), auxquels l’autorité judiciaire confie les personnes placées sous main de justice et les mineurs délinquants ou en danger ([1]). Pour parvenir à « améliorer l’efficacité des peines », l’une des priorités de la garde des Sceaux pour les quatre années à venir, il importe de donner à ces services les moyens de garantir l’exécution des sanctions pénales et des mesures éducatives. Telle est l’ambition du projet de loi de finances pour 2018, qui fait bénéficier les services pénitentiaires d’un budget, à périmètre constant, en augmentation de 2,2 % par rapport à 2017 et de la création de plus de 730 emplois. Les services de la protection judiciaire de la jeunesse, pour leur part, voient leurs crédits progresser de 3,4 % par rapport à l’année dernière et leurs effectifs renforcés par 40 nouveaux emplois d’éducateurs (Première partie).

Ces évolutions, indispensables à la restauration de la crédibilité et de l’efficacité de la justice, devraient se poursuivre dans les années à venir avec la sanctuarisation annoncée de ses moyens dans une loi de programmation pour les années 2018 à 2022. Elles sont d’autant plus indispensables que l’administration pénitentiaire est aujourd’hui confrontée au vieillissement et à la sous-capacité de son parc immobilier – avec un taux d’occupation de 116 % au 1er octobre 2017 – ainsi qu’à une crise inédite de recrutement des personnels, dont les conditions de travail et les perspectives de carrière ne rendent pas le métier suffisamment attractif. La protection judiciaire de la jeunesse a elle-aussi été fragilisée, notamment par l’application indiscriminée de la révision générale des politiques publiques entre 2007 et 2012.

Le renforcement des capacités de ces deux administrations revêt une importance toute particulière dans le contexte de menace terroriste auquel notre pays est confronté et que les défaites de Daech en Syrie et en Irak rendent plus endogène et protéiforme.

Cette menace est forte au sein des établissements pénitentiaires comme en témoigne la tentative d’assassinat terroriste de deux surveillants à la maison d’arrêt d’Osny en septembre 2016 ou l’attentat déjoué, il y a quelques jours, au sein du centre pénitentiaire de Fresnes. M. François Molins, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, a d’ailleurs indiqué à votre rapporteur, lors de son audition, que la menace terroriste en milieu pénitentiaire constituait à ses yeux un sujet de préoccupation majeure.

Alors que Daech a fait de l’endoctrinement et de l’embrigadement des mineurs une priorité, cette menace émane également des mineurs qui sont impliqués, en nombre croissant, dans la commission et la préparation d’actes de terrorisme ou de ceux qui se radicalisent violemment. Le temps de l’adolescence constitue un moment propice au basculement de jeunes fragilisés sur le plan personnel et très réceptifs aux contenus diffusés sur les réseaux sociaux.

La question de la prise en charge des détenus djihadistes et radicalisés, déjà largement étudiée par le passé, fait l’objet d’une expérimentation par le ministère de la justice avec l’installation des quartiers d’évaluation de la radicalisation. Aussi votre rapporteur pour avis a-t-il préféré se consacrer cette année à la situation des mineurs terroristes, radicalisés ou de retour d’un théâtre d’opérations de groupements terroristes.

Force est de constater les difficultés à connaître le nombre et le profil des mineurs concernés et, par voie de conséquence, à proposer des prises en charge parfaitement adaptées à leurs problématiques. Aux 93 mineurs poursuivis dans le cadre d’une infraction terroriste et 59 enfants de retour en France après avoir séjourné en zone irako‑syrienne avec leurs parents, il faut ajouter le nombre – inconnu à ce jour – de jeunes en danger de radicalisation violente susceptibles d’être concernés par les dispositifs de protection de l’enfance parmi les 1 130 mineurs suivis par les cellules départementales de prévention de la radicalisation. Pour radicalisés qu’ils soient, ces mineurs n’en demeurent pas moins, pour la plupart d’entre eux, des adolescents, justifiant de leur appliquer les outils de droit commun de la prise en charge civile et pénale des jeunes délinquants ou en danger, sous réserve d’en renforcer le caractère individualisé et d’accompagner les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse appelés à les suivre (Seconde partie).

 


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE : une revalorisation des moyens
au service d’une plus grande efficacitÉ

Les crédits de la mission « Justice » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018 sont, à périmètre constant, en augmentation de 3,8 % par rapport à la loi de finances pour 2017. Cette augmentation, qui témoigne de la sanctuarisation des moyens donnés à la justice dans un contexte général de redressement des comptes publics, se traduit aussi bien dans les crédits du programme n° 107 de l’administration pénitentiaire que dans ceux du programme n° 182 de la protection judiciaire de la jeunesse (I).

Premier acte d’une progression financière appelée à s’amplifier dans les prochaines années dans le cadre de la prochaine loi de programmation pour la justice pour les années 2018 à 2022, cet effort budgétaire se concrétise par d’importants moyens dégagés en faveur de l’amélioration des conditions d’exécution des peines et de l’individualisation des prises en charge (II).

I.   l’administration pÉnitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse : deux prioritÉs de ce premier budget du quinquennat

Alors que d’importants efforts sont demandés à certains ministères en vue de contribuer à l’assainissement des comptes publics en 2018, le ministère de la justice voit ses crédits préservés et même augmentés. C’est particulièrement le cas de l’administration pénitentiaire (A) et de la protection judiciaire de la jeunesse (B) dont les moyens budgétaires et humains seront renforcés l’année prochaine pour qu’elles soient à mêmes de remplir leurs missions.

A.   un budget pÉnitentiaire en augmentation de 2,2 % par rapport au prÉcÉdent

1.   La relative stabilité des crédits hors masse salariale

Les services de l’administration pénitentiaire bénéficieront, l’année prochaine, d’un budget en augmentation de 2,2 % par rapport à celui de 2017, soit une hausse de 79,8 millions d’euros, à périmètre constant.

En autorisations dengagement

 

Crédits votés en loi de finances pour 2017

Crédits demandés pour 2018

Évolution 2017-2018

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

3 626

2 325

- 36 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

1 789

763

- 57 %

Soutien et formation (Action 04)

348

400

+ 15 %

Total

5 763

3 488

- 39 %

(En millions d’euros)

En crédits de paiement

 

Crédits votés en loi de finances pour 2017

Crédits demandés pour 2018

Évolution 2017-2018

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

2 145

2 163

+ 22 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

1 130

1 051

- 7,0 %

Soutien et formation (Action 04)

339

344

+ 1,5 %

Total

3 614

3 558

- 1,5 %

(En millions d’euros)

Source : projet annuel de performance du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2018, pp. 104-105.

L’évolution des moyens consacrés à l’administration pénitentiaire entre 2017 et 2018 laisse apparaître une baisse significative des autorisations d’engagement (AE) et une légère décrue des crédits de paiement (CP). Ces variations s’expliquent :

–  d’une part, par le montant très élevé des AE votées en loi de finances pour 2017, qui correspondait au lancement du programme de construction de 15 000 places de prison annoncé par le précédent garde des Sceaux, M. Jean‑Jacques Urvoas, aux fins de parvenir à un objectif de 80 % d’encellulement individuel ([2]) ;

–  d’autre part, par une importante mesure de périmètre qui affectera l’année prochaine le montant des CP avec le transfert à la sécurité sociale des dépenses de santé des détenus, minorant ces crédits de 135,9 millions d’euros.

En dehors de cette mesure de périmètre, les crédits de l’administration pénitentiaire s’élèveront, hors dépenses de personnel, à 1,248 milliard d’euros en CP, soit une légère baisse de 1,3 % par rapport à l’année dernière. Cette évolution s’explique par la réduction conjoncturelle des paiements d’opérations immobilières après la livraison de trois établissements importants à Draguignan, Papeari et Aix-en-Provence.

2.   Une hausse de 4,1 % des dépenses de personnel

Les dépenses de personnel, d’un montant de 2,446 milliards deuros en AE et CP, sont en hausse de 4,1 % par rapport à l’année dernière. Ces crédits permettent la création de 732 emplois, soit plus des deux tiers des 1 000 emplois qui seront créés au ministère de la justice en 2018. Ces 732 nouveaux emplois répondent à quatre objectifs principaux ([3]) :

–  l’ouverture de nouveaux établissements comme le centre pénitentiaire d’Aix-en-Provence, les maisons d’arrêt de Draguignan et Paris-la-Santé et les premiers quartiers de préparation à la sortie ainsi que le remplacement des départs définitifs (470 emplois) ;

–  le renforcement des services pénitentiaires d’insertion et de probation dans le but de réduire le nombre de personnes suivies par chaque conseiller d’insertion et de probation (150 emplois) ;

–  la création d’extractions judiciaires de proximité (dites « extractions vicinales ») pour les établissements disposant d’un accès rapide aux tribunaux en vue de décharger de cette tâche les pôles de rattachement d’extractions judiciaires et de rapprocher les équipes devant réaliser ces missions des établissements dans lesquels les personnes détenues à prendre en charge sont affectées (50 emplois) ;

–  le renforcement humain du renseignement pénitentiaire (35 emplois).

 

Catégories d’emplois

Programme 107 :

Administration

pénitentiaire

Magistrats

Catégorie A :

Personnels

d’encadrement

Catégorie B :

Greffe,

insertion et

éducation

Catégorie B :

Administratifs

et techniques

Catégorie C : personnels de

surveillance

Catégorie C : administratifs

et techniques

Nombre d’ETPT (**)

2017

Action 01 : garde et

contrôle des PPSMJ (*)

0

2 512

538

200

25 020

546

28 817

Action 02 : accueil et

accompagnement des

PPSMJ

0

2 708

727

496

2 492

1 227

7 650

Action 04 : soutien et

formation

15

426

303

557

966

1 493

3 759

Total programme

15

5 646

1 568

1 253

28 480

3 266

40 226

(*) Personnes placées sous main de justice

(**) Équivalents temps plein travaillé

Source : réponse du ministère de la justice au questionnaire budgétaire.

Ces crédits financeront par ailleurs diverses mesures catégorielles ([4]) ainsi que des réformes statutaires concernant le corps de commandement des personnels de surveillance, la filière des personnels d’insertion et de probation et la filière technique. Votre rapporteur souligne l’importance de cette politique d’amélioration catégorielle, appelée à se poursuivre dans les prochaines années, pour faire face à la crise de recrutement de personnels à laquelle l’administration pénitentiaire est confrontée, en raison d’un défaut d’attractivité du métier de surveillant et d’un manque de fidélisation de l’ensemble des personnels, confrontés à des conditions de travail particulièrement dégradées.

B.   les crédits de LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE en progression de 3,4 % par rapport à 2017

1.   Des crédits hors masse salariale en augmentation de près de 2 %

Les crédits consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse augmenteront en 2018 de 3,8 % en AE et 3,4 % en CP par rapport à ceux de 2017, pour s’établir respectivement à 875 millions d’euros et 857 millions d’euros.

En autorisations d’engagement

 

Crédits votés en loi de finances pour 2017

Crédits demandés pour 2018

Évolution 2017-2018

Mise en œuvre des décisions judiciaires
(Action 01)

710

734

+ 3,4 %

Accueil (Action 03)

98

100

+ 2,0 %

Formation (Action 04)

35

41

+ 17,1 %

Total

843

875

+ 3,8 %

En crédits de paiement

 

Crédits votés en loi de finances pour 2017

Crédits demandés pour 2018

Évolution 2017-2018

Mise en œuvre des décisions judiciaires
(Action 01)

701

724

+ 3,3 %

Accueil (Action 03)

95

98

+ 3,2 %

Formation (Action 04)

33

35

+ 6,1 %

Total

829

857

+ 3,4 %

(En millions d’euros)

Source : projet annuel de performance du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » annexé au projet de loi de finances pour 2018, pp. 148-149.

Hors dépenses de personnel, ces crédits s’élèveront à 353 millions d’euros en AE et 335 millions d’euros en CP, soit, pour ces derniers, une augmentation de 1,95 % par rapport à la loi de finances pour 2017 :

–  les crédits de l’action n° 01 « Mise en œuvre des décisions judiciaires » sont en hausse de 1,6 % et permettent de maintenir l’activité des établissements et services à un niveau supérieur à celui des années précédentes ;

–  les crédits de l’action n° 03 « Soutien » augmentent de 3,1 % pour faire face à la hausse des dépenses en matière de sécurité et de maintenance ;

–  les crédits de l’action n° 04 « Formation » croissent de plus de 11 % en raison des besoins de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse.

Ces hausses s’inscrivent dans la continuité des précédents budgets de la protection judiciaire de la jeunesse, alors que ce programme avait connu, comme l’ont rappelé les syndicats entendus par votre rapporteur, une baisse significative entre 2007 et 2011 sous l’effet de la révision générale des politiques publiques.

Évolution des crÉdits de paiement entre 2012 et 2017

(En millions d’euros)

Évolution des plafonds d’autorisation d’emplois entre 2012 et 2017

(En équivalents temps plein travaillé)

Source : ministère de la justice.

2.   Une hausse de 4,4 % des dépenses de personnel

Pour l’année 2018, les crédits consacrés au personnel de la protection judiciaire de la jeunesse s’élèveront à 522 millions d’euros, en augmentation de plus de 22 millions d’euros par rapport à ceux votés en loi de finances pour 2017. Cette augmentation vise, pour l’essentiel, à financer :

–  la création de 40 emplois d’éducateurs destinés au renforcement des moyens du milieu ouvert ;

–  diverses mesures catégorielles, en particulier l’adhésion des corps d’éducateurs et de chefs de service éducatif aux dispositions statutaires communes des corps de catégorie A de la fonction publique d’État à caractère socio-éducatif.

Catégorie d’emplois

Plafond autorisé
pour 2017

Plafond demandé
pour 2018

Évolution 2017-2018

Magistrats

6

6

0 %

Personnels

d’encadrement

2 994

2 990

- 0,1 %

Catégorie B :

greffe,

insertion et

éducation

4 620

4 643

+ 0,5 %

Catégorie B :

administratifs

et techniques

361

358

- 0,8 %

Catégorie C : administratifs

et techniques

1 111

1 111

0 %

Total

9 092

9 108

+ 0,2 %

Source : réponse du ministère de la justice au questionnaire budgétaire.

C.   L’acte I d’une programmation pluriannuelle ambitieuse

La garde des Sceaux a annoncé la présentation, au printemps de l’année prochaine, d’une loi de programmation pour la justice pour les années 2018 à 2022. L’examen de ce texte par le Parlement devrait être l’occasion de définir les objectifs et de sanctuariser les moyens de la justice pour rattraper son retard, créer des conditions de détention et d’application des peines dignes d’un pays moderne et assurer une meilleure prévention de la récidive, en particulier à l’égard des jeunes délinquants.

De manière générale, les crédits de la mission « Justice » devraient augmenter de 4,2 % en 2019 et de 5 % en 2020 ([5]).

Évolution des crÉdits de paiement de la mission « Justice »
pour les années 2018 à 2020
(à périmètre constant, hors compte d’affectation spéciale pensions)

(En millions d’euros)

Source : ministère de la justice.

Votre rapporteur souhaite que ces augmentations se traduisent par un renforcement significatif des moyens de l’administration pénitentiaire, qui demeure confrontée, malgré les efforts entrepris ces dernières années, à d’importantes difficultés, notamment en matière de capacité immobilière et de recrutement de personnels, et de ceux de la protection judiciaire de la jeunesse, dont l’action est indispensable pour la prévention de la délinquance des mineurs. L’objectif doit être de concrétiser l’objectif pluriannuel de création de 15 000 places de prison et d’améliorer la politique de suivi, par les personnels d’insertion et de probation, des personnes placées sous main de justice.


—  1  —

II.   d’importants financements en faveur de l’amÉlioration des conditions d’exÉcution des peines et des prises en charge

La capacité de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse à remplir les missions que le législateur leur a assignées – pour l’une, l’exécution des décisions pénales, l’insertion ou la réinsertion et la prévention de la récidive ; pour l’autre, la prise en charge des mineurs et l’aide à l’autorité judiciaire en matière civile et pénale – dépendent des conditions de détention et de suivi des personnes qui leur sont confiées.

C’est la raison pour laquelle votre rapporteur, conscient des difficultés auxquelles sont confrontées ces deux administrations, se félicite que le projet de loi de finances pour 2018 consacre des crédits substantiels et spécifiques à la sécurisation et à la modernisation de leur parc immobilier (A), au renforcement des personnels qui contribuent à l’individualisation des peines et des prises en charge (B) ainsi qu’à la diffusion du numérique (C).

A.   La sÉcurisation et l’Équipement des parcs immobiliers

1.   Le parc immobilier pénitentiaire

Votre rapporteur salue, en premier lieu, les priorités budgétaires définies au sein de l’action n° 01 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » ([6]) du programme de l’administration pénitentiaire.

Au titre des priorités des dépenses de fonctionnement figure le renforcement de la sécurisation des établissements (21,3 millions d’euros en CP), qui constitue l’un des sujets de préoccupation majeurs évoqués par les syndicats de l’administration pénitentiaire lors de leur audition, à travers notamment :

–  l’installation d’un système efficace et évolutif de brouillage des communications illicites (14,7 millions d’euros) ;

–  la rénovation des systèmes de vidéosurveillance (5,6 millions d’euros) ;

–  la sécurisation périmétrique des établissements (1 million d’euros).

Sur le plan des investissements, les principales nouvelles dépenses serviront à financer la poursuite des programmes de construction pour un total de 254 millions d’euros en AE et 64,6 millions d’euros en CP, comme première réponse – partielle mais indispensable – à la surpopulation carcérale et à la nécessité de parvenir à l’objectif de l’encellulement individuel :

–  le programme de construction triennal 2013-2015 dit « programme 63 500 », avec notamment la réhabilitation de Fleury-Mérogis ;

–  le « programme 3 200 » annoncé en 2014, avec notamment la construction des établissements de Koné, Faa’a, Caen, Baumettes 3, Lutterbach, ou Lille-Loos ;

–  et le programme d’encellulement individuel annoncé en 2016 (création de 15 000 places de prison et réhabilitation de 8 structures existantes – quartiers pour courtes peines, quartiers pour peines aménagées et quartiers nouveau concept ([7]) – pour un total de 773 places), par le lancement d’une première vague de construction de cinq maisons d’arrêt et de six quartiers de préparation à la sortie ainsi que l’acquisition du foncier et la réalisation des premières études préalables à la construction des autres établissements.

Au terme de la réalisation des programmes en cours et à venir, notre pays sera ainsi doté de 84 000 places de prison, contre 60 500 aujourd’hui.

D’autres crédits d’investissement permettront la réalisation d’opérations de maintenance et de gros entretien pour faire face à la dégradation préoccupante de nombreuses structures (82,8 millions d’euros en AE et 80,7 millions d’euros en CP), la construction et l’aménagement de 21 pôles régionaux d’extractions judiciaires, qui continuent d’être imparfaitement réalisées en raison d’une sous‑dotation de l’administration pénitentiaire lors du transfert de cette compétence (9 millions d’euros en AE et 5,8 millions d’euros en CP) ainsi que la réhabilitation de certains quartiers destinés à devenir des quartiers de préparation à la sortie (5,4 millions d’euros en CP).

2.   Le parc immobilier de la protection judiciaire de la jeunesse

Également mis à rude épreuve au cours des dernières années, le parc immobilier de la protection judiciaire de la jeunesse, qui constitue la base des outils éducatifs proposés par ses agents, fera l’objet d’une attention budgétaire particulière en 2018, à la faveur notamment de la programmation :

–  d’un entretien préventif des bâtiments face aux dégradations et détériorations (6 millions d’euros en CP) ;

–  de nouveaux projets de rénovation et de réhabilitation des bâtiments éducatifs, en particulier des établissements de placement, en vue de garantir des conditions satisfaisantes d’accueil des mineurs et de travail pour les professionnels, en particulier pour les unités éducatives de Valence, d’Evreux, de Niort ou de Béthune (14,3 millions d’euros en AE).

Les difficultés liées à la rénovation de ce parc immobilier tiennent principalement à la dispersion des structures existantes, souvent constituées d’anciennes maisons d’habitation, qui se justifie par la nécessité pédagogique de disposer de structures à taille humaine sur l’ensemble du territoire.

B.   L’individualisation des peines et des prises en charge

1.   Le renforcement des services pénitentiaires d’insertion et de probation

La création de 150 emplois au sein des SPIP s’inscrit en cohérence avec le plan ambitieux de création d’emplois annoncé par le Gouvernement sur la période 2018-2022 en vue d’améliorer la prise en charge des personnes placées sous main de justice par la réduction du nombre de personnes suivies par chaque conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP).

Au 1er avril 2017, près de 247 000 personnes placées sous main de justice étaient prises en charge par environ 3 399 conseillers d’insertion et de probation ([8]), soit un ratio de 73 personnes suivies par agent. Ce ratio, en baisse depuis 2016, reste toutefois supérieur à la moyenne européenne. Il compromet la qualité de la prise en charge dont doit bénéficier chaque détenu et affaiblit l’intensité du suivi en milieu ouvert, ce qui a un impact négatif sur la prévention de la récidive.

La poursuite des recrutements de CPIP, qui s’inscrit dans la continuité des 1 000 emplois supplémentaires créés dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, constitue, pour votre rapporteur, un enjeu essentiel pour l’efficacité de la lutte contre la récidive et en faveur de la réinsertion des personnes condamnées. Elle présente également un intérêt majeur pour faire de la contrainte pénale une peine alternative crédible à l’emprisonnement.

2.   Le soutien au milieu ouvert de la protection judiciaire de la jeunesse

Depuis 2014, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a fait du renforcement du milieu ouvert l’une de ses priorités budgétaires. Socle de l’intervention éducative et garant de la continuité et de la cohérence des parcours des mineurs pris en charge dans le cadre pénal, le milieu ouvert doit permettre une mise en œuvre rapide et de qualité de la mesure prononcée par le magistrat.

Cette exigence de rapidité, essentielle pour la compréhension de la décision par le mineur et la non-réitération d’une infraction, a d’ailleurs été inscrite dans la loi ([9]).

Les effectifs du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse affectés aux services de milieu ouvert avaient augmenté de 195 équivalents temps plein travaillé entre 2013 et 2016 et bénéficié de 20 nouveaux emplois au cours de l’année 2016.

Le projet de loi de finances pour 2018 poursuit l’effort entrepris depuis 2013 en faveur du milieu ouvert par la création de 40 emplois d’éducateurs, qui favoriseront un renforcement de leur temps de présence et le développement de la justice restaurative au profit d’une meilleure responsabilisation des jeunes.

C.   Le dÉfi de la transformation numÉrique de l’administration pÉnitentiaire

D’importants crédits relevant de l’action n° 04 « Soutien et formation » du programme de l’administration pénitentiaire permettront de traduire au sein de l’administration pénitentiaire la transformation numérique du ministère de la justice prévue entre 2018 et 2022, notamment :

–  l’amélioration du logiciel GENESIS ([10]) (3 millions d’euros en CP) ;

–  le développement du numérique en détention (3 millions d’euros en AE et 1,7 million d’euros en CP), en faveur de la dématérialisation de la réservation des parloirs par les familles, de la « cantine » et des comptes des détenus ;

–  et la montée en puissance du renseignement pénitentiaire, en particulier sur un plan technique (7,3 millions d’euros en AE et 7,4 millions d’euros en CP) par l’achat de matériel et la construction du système d’information.

 


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   SECONDE PARTIE : la place de la justice des mineurs dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation

L’enfance et l’adolescence, moments de fragilités et de transitions, exposent les mineurs à certains risques en raison des ruptures et bouleversements qu’elles occasionnent dans leur vie.

Dans le contexte de menace terroriste auquel notre pays demeure particulièrement exposé et face à l’évolution du conflit armé en Syrie et en Irak, des comportements et des discours prônant le recours à l’action violente peuvent recevoir un accueil favorable chez de jeunes individus en quête d’une place dans la société ou à la recherche d’exaltation. Des recruteurs peuvent également profiter d’un contexte social et familial fragilisé, d’une situation d’échec scolaire ou de l’état psychique d’un adolescent pour l’amener à adhérer à une idéologie extrême ou à passer à l’action violente.

La diffusion du discours radical est facilitée par internet, réseau sur lequel circulent des vidéos manipulatoires destinées à transmettre aux jeunes une grille de lecture du monde paranoïaque et à les convaincre de quitter la société, source de persécutions.

Difficiles à appréhender en raison de leur diversité de profil, de parcours et d’implication dans une action radicale ou violente (I), les mineurs radicalisés, en danger de radicalisation violente ou impliqués dans la préparation ou la commission d’actes terroristes font l’objet d’une prise en charge – civile ou pénale selon les cas – largement inspirée du droit commun de la protection judiciaire de la jeunesse mais davantage individualisée et renforcée (II). Cette prise en charge a été rendue possible par la mobilisation, très tôt, d’importants moyens budgétaires en faveur de la formation des personnels et du financement de dispositifs innovants, que votre rapporteur appelle à prolonger et compléter par un soutien et un accompagnement accrus des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse (III).

I.   un spectre large et composite de mineurs concernÉs

Si le nombre de mineurs poursuivis par la justice pour leur implication dans la préparation ou la commission d’actes de terrorisme est connu et croissant (B), celui des adolescents présentant des signes de radicalisation sans tentative de passage à l’acte est moins facile à quantifier et à qualifier (A).

A.   Un ensemble hÉtÉrogÈge de mineurs radicalisÉs ou en danger de radicalisation violente

1.   Les mineurs radicalisés ou en danger de radicalisation violente : un public composite, difficile à appréhender

Le nombre de mineurs radicalisés ou en voie de radicalisation, qui ne font pas l’objet de poursuites pénales au titre d’une infraction à caractère terroriste, est par nature difficile à évaluer. Sur les 2 620 personnes suivies et prises en charge dans le cadre des cellules départementales de prévention de la radicalisation, 40 % environ, soit 1 130, seraient des mineurs mais ce chiffre recouvre des situations diverses. Dans l’attente de la mise en œuvre du logiciel Astrée ([11]), seules les situations des mineurs mis en examen dans le cadre d’une affaire terroriste sont précisément recensées par le ministère de la justice ([12]). À défaut d’en connaître le nombre, votre rapporteur a mis à profit les auditions qu’il a conduites sur le sujet pour mieux appréhender le spectre des mineurs concernés susceptibles d’être l’objet de mesures de protection au titre de la sauvegarde de l’enfance délinquante ou en danger.

Pour la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, la radicalisation violente est un « concept employé pour caractériser des mouvements politiques et sociaux remettant en cause un ordre démocratique par des voies non pacifiques et violentes » et « ne saurait être réduite au seul terrorisme » ([13]). Elle caractérise, selon les termes de M. Farhad Khosrokhavar, « un processus par lequel un individu ou un groupe adopte une forme violente d’action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux qui conteste l’ordre établi sur le plan politique, social ou culturel » ([14]).

Le public des mineurs qui sont concernés par ce phénomène, autres que ceux poursuivis pénalement, est plus composite que celui habituellement pris en charge par les services de la protection judiciaire de la jeunesse. Des jeunes d’origines diverses sont concernés, appartenant à des classes sociales ou à des confessions différentes et vivant dans des territoires urbains comme ruraux. Il est toutefois possible d’en souligner quelques caractéristiques principales :

  la moitié des mineurs suivis en matière civile sont des jeunes filles et ont tendance à manifester un prosélytisme plus important que les jeunes garçons ;

  la plupart des mineurs concernés sont des jeunes fragilisés sur le plan social et familial (sentiment de venir de nulle part, méconnaissance de l’histoire familiale, absence de perspective sociale…) ;

  un nombre significatif de ces mineurs est bien inséré, notamment sur le plan scolaire ;

  tous les mineurs ont en commun la recherche d’une valorisation narcissique, d’une quête de sens et d’appartenance à un groupe.

2.   Le cas particulier et résiduel des mineurs de retour avec leurs parents de théâtres d’opérations de groupements terroristes

Mieux quantifiable est le nombre d’enfants qui reviennent en France en même temps que leurs parents partis combattre ou vivre en Syrie et en Irak.

Ce nombre, aujourd’hui relativement réduit, pourrait augmenter dans les mois à venir. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse estime en effet que « la perspective annoncée du retour de zones de conflits de parents, d’enfants et d’adolescents, dont le nombre est estimé à 400 mineurs, va amplifier le nombre de ces suivis » ([15]).

Au mois de septembre 2017, 59 mineurs ayant séjourné en zone irakosyrienne après y avoir été emmenés par leurs parents étaient rentrés en France. Parmi eux, 55 ([16]) seraient aujourd’hui concernés par le dispositif de prise en charge des mineurs de retour de la zone irako-syrienne en application de divers textes réglementaires des 23 et 24 mars 2017 ([17]) :

–  28 mineurs étaient concernés par une décision prononcée au titre de la protection de l’enfance et dont la mesure était confiée à la protection judiciaire de la jeunesse ([18]), qui intéressent au premier chef votre rapporteur ;

–  7 mineurs faisaient l’objet d’une évaluation par la direction générale de la sécurité intérieure pour identifier leur lieu de résidence ;

–  12 mineurs, concernant 7 fratries, avaient vu leurs adresses récemment identifiées et étaient en cours de signalement aux parquets mineurs territorialement compétents aux fins d’une éventuelle saisine en assistance éducative s’ils n’étaient pas déjà suivis ;

–  4 avaient bénéficié d’un suivi en assistance éducative postérieur à leur retour qui, depuis lors, a été clôturé faute de danger.

Les 28 enfants suivis au titre de l’aide sociale à l’enfance sont âgés de moins de 3 ans pour 10 d’entre eux, de 4 à 8 ans pour 12 d’entre eux et de 9 à 16 ans pour les 6 restants.

Ces enfants appartiennent à 16 familles et 7 fratries. Sur ces 16 dossiers, 15 mesures judiciaires d’investigation éducative (MJIE) ont été prononcées, à l’issue desquelles :

–  11 placements à l’aide sociale à l’enfance ont été décidés : 5 en famille d’accueil, 2 en foyer de l’enfance, un en pouponnière et 3 dans d’autres structures ;

–  s’agissant des 5 autres affaires, un mineur a été confié à ses grands‑parents, 3 sont restés auprès de leur mère et une mineure a été confiée au père resté en France.

Dans ces 16 affaires, 8 mères ont été incarcérées à leur arrivée en France, 4 ont fait l’objet d’un contrôle judiciaire et 4 n’ont fait l’objet d’aucune poursuite. 5 pères ont été incarcérés à leur retour, 7 ont été déclarés décédés sur zone et un n’était pas concerné par un départ sur zone ([19]).

B.   Un nombre croissant de mineurs impliquÉs dans des infractions terroristes

Des chiffres qu’il a pu recueillir auprès de la Chancellerie et du parquet de Paris, seul compétent pour la poursuite des infractions terroristes, votre rapporteur constate une augmentation significative des mineurs poursuivis dans des affaires de terrorisme depuis 2014.

93 mineurs avaient fait l’objet, à ce jour, d’une procédure judiciaire ouverte par la section antiterroriste du parquet de Paris, parmi lesquels :

–  63 étaient mis en examen dans le cadre d’informations judiciaires : 21 étaient en détention provisoire, 27 sous contrôle judiciaire et 15 sous le coup d’un mandat d’arrêt – il s’agit, dans ce dernier cas, de mineurs présents sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes ;

–  14 étaient en attente de jugement : 8 par le tribunal pour enfants, 4 par la cour d’assises des mineurs et 2 par la cour d’appel ([20]) ;

–  18 avaient été jugés depuis septembre 2015, dont 15 condamnés définitivement (voir l’encadré ci-après).

Deux-tiers de ces mineurs sont des jeunes hommes, un tiers des jeunes filles. Pour la plupart, ces mineurs sont originaires de cinq régions identifiées comme les principaux foyers de radicalisation : l’Île-de-France, la région Provence-Alpes-Côte-D’azur, les Hauts-de-France, la région Occitanie et le Grand Est.

Peines prononcées à l’encontre des mineurs
définitivement condamnés pour terrorisme

1. Peines prononcées par la cour d’assises des mineurs de Paris

La cour d’assises des mineurs de Paris a condamné à dix ans de réclusion ciminelle un mineur parti combattre sur zone irako-syrienne (la peine du mineur, toujours sur zone au moment de son procès, a été assortie du maintien du mandat d’arrêt).

2. Peines prononcées par le tribunal pour enfants de Paris

–  sept ans d’emprisonnement ferme et mesure de suivi socio-judiciaire pendant 5 ans, avec injonction de soins, à l’encontre d’un mineur reconnu coupable de tentative d’assassinat en raison de l’appartenance vraie ou supposée à une religion en relation avec une entreprise terroriste et participation à une entreprise individuelle terroriste ;

–  des peines s’échelonant d’un an d’emprisonnement avec sursis à cinq ans d’emprisonnement ferme à l’encontre de mineurs reconnus coupables, à titre principal, d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste : 5 ans d’emprisonnement ferme contre un mineur se trouvant sur zone lors de son jugement (assortis du maintien du mandat d’arrêt), 2 mineurs condamnés à de l’emprisonnement avec sursis, 9 à des condamnations mixtes et un à de l’emprisonnement ferme.

Source : réponses de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse au questionnaire budgétaire.

Ces mineurs font majoritairement l’objet de poursuites ou ont été condamnés du chef de participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme. Ils sont généralement mis en cause à deux titres :

–  leur participation à un projet d’action violente sur le territoire national ;

–  leur implication dans une filière djihadiste, soit comme velléitaire au djihad armé en zone irako-syrienne ou comme aide logistique, soit parce qu’ils sont de retour de cette zone de conflit où ils ont intégré un groupement terroriste.

Parmi les mineurs poursuivis pour association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste, 5 avaient séjourné en Syrie mais tous sont devenus majeurs depuis leur mise en examen ou leur condamnation et, pour cette raison, plus aucun n’est à ce jour suivi par les services de la protection judiciaire de la jeunesse.

II.   une prise en charge civile et pÉnale inspirÉe du droit commun mais davantage individualisÉe et renforcÉe

La prise en charge de ces mineurs s’articule autour de deux axes. Le premier, civil, porte sur les mineurs en voie de radicalisation ou de retour de la zone irako‑syrienne, qui sont suivis au titre de la protection de l’enfance en danger. Le second, pénal, concerne les mineurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire relative à une infraction terroriste. Cette prise en charge repose toutefois sur une approche générale commune, fondée sur les dispositifs et savoir-faire existants sous réserve d’un renforcement de l’individualisation des mesures proposées (A). Des procédures de suivi et certains dispositifs spécifiques sont néanmoins prioritairement destinés aux mineurs de retour de la zone irako-syrienne ou impliqués dans des procédures judiciaires en lien avec la préparation ou la commission d’un acte terroriste (B).

A.   une approche gÉnÉrale fondÉe sur une prise en charge individualisÉe et renforcÉe, largement inspirÉe du droit commun

1.   Une prise en charge pluridisciplinaire, individualisée et renforcée

La protection judiciaire de la jeunesse, attachée au caractère individuel et pluridisciplinaire de la prise en charge, a fait le choix de ne pas regrouper les mineurs concernés au sein de mêmes lieux de placement. Elle considère, d’une part, que l’entre soi comporte un risque de prosélytisme et d’enfermement, et, d’autre part, que la relation au groupe de pairs peut être un levier pour réinsérer ces jeunes, permettant de ne pas réduire l’adolescent à la problématique de la radicalisation, qui constitue souvent la face émergée d’un problème ou d’une rupture s’ancrant dans le parcours de vie personnelle ou familiale du jeune. Plutôt que de spécialiser ses établissements, la protection judiciaire de la jeunesse a privilégié la multiplication des outils disponibles, le développement d’un maillage territorial solide et de partenariats spécifiques ainsi que le renforcement de la fréquence des entretiens individuels et des activités socio-éducatives proposées.

Au préalable de toute prise en charge, la priorité est donnée à une évaluation approfondie de la situation du mineur et de son système familial. Mesure déjà utilisée dans le droit commun pour parvenir à une connaissance fine de la personnalité du mineur ainsi que des moyens appropriés à sa rééducation, la MJIE ([21]) constitue le socle de la prise en charge civile – mais aussi pénale – des mineurs radicalisés. Son caractère global et pluridisciplinaire permet d’examiner, pour chaque mineur, les causes et les conséquences de la radicalisation et de déterminer les axes d’intervention des agents de la protection judiciaire de la jeunesse.

La suite de la prise en charge est fondée sur les principes d’individualisation et de renforcement, en privilégiant des « modalités de prise en charge innovantes telles que les séjours de rupture ou de remobilisation ou encore des activités particulièrement adaptées aux besoins d’un public d’adolescents en rupture, au sein de l’ensemble des établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse » ([22]).

2.   Un effort particulier en matière de prévention et de sensibilisation à la laïcité et à la citoyenneté

Le caractère individualisé et renforcé de cette prise en charge passe par un accompagnement accru des professionnels et la coordination de leurs interventions sur l’ensemble du territoire.

Une mission nationale de veille et d’information a ainsi été mise en place le 1er avril 2015. Elle assure la coordination des personnels concourant à la prévention des risques de radicalisation, conduit une politique de promotion de la citoyenneté et de réaffirmation des valeurs de la République, analyse les informations remontées du terrain et, sur cette base, participe aux instances nationales de concertation et de coopération qui, sous la direction du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, concourent à la prévention et à lutte contre la radicalisation.

Un réseau de 70 référents « Laïcité et citoyenneté » a été créé, compétents pour décliner au niveau de chaque direction interrégionale et territoriale les missions de la cellule nationale ([23]) : ces référents sont chargés d’aider les professionnels à comprendre les mécanismes à l’œuvre dans les processus de radicalisation, d’alerter les services de la préfecture en cas de situation de radicalisation et de permettre la construction d’actions partenariales autour de la laïcité et de la citoyenneté avec certaines associations (voir l’encadré ci‑après).

Dans ce cadre, la protection judiciaire de la jeunesse développe des actions de prévention systématiques au sein de ses établissements et services afin de sensibiliser les jeunes aux valeurs de la République, à la citoyenneté, à l’esprit critique et aux dangers véhiculés par les outils numériques. Il peut s’agir de débats autour des manifestations de l’intolérance et de la discrimination ou des valeurs de la démocratie, d’actions de sensibilisation à l’extrémisme violent et à l’emprise mentale ou d’activités autour du numérique, du rôle d’internet et des réseaux sociaux.

Exemple d’associations sollicitées par les référents « Laïcité et citoyenneté »

–  associations qui mobilisent des personnes de la société civile pouvant faire part de leur expérience auprès de jeunes (association Imad, pour la jeunesse et la paix, fondée par la mère d’une victime de Mohammed Merah ; associations des anciens détenus Yazid Kherfi et Mourad Benchellali ; etc.) ;

–  associations promouvant des actions de citoyenneté et les valeurs de la République (Croix-Rouge ; Ligue de l’enseignement ; Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme ; Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples ; association Boulevard des Potes à Bordeaux ; etc.) ;

–  associations qui interviennent sur les questions de radicalisation (centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam ; Unismed ; La Sauvegarde ; association Entr’autres à Nice ; etc.) ;

–  associations intervenant dans le domaine de l’inter-religieux (Coexister ; Shalom, paix, salam ; etc.) ;

–  musées et lieux de mémoire (Institut du monde arabe ; musée de la résistance de Chasseneuil-sur-Bonnieure ; musée d’art et d’histoire du judaïsme ; mémorial de Verdun ; etc.)

Source : réponses de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse au questionnaire budgétaire.

3.   Une approche comparable aux initiatives prises par d’autres pays européens

Certains de nos voisins européens, également confrontés au retour sur leur sol de mineurs ayant vécu ou étant partis combattre sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes, ont pris des initiatives relativement proches de celles de la France, notamment au Royaume-Uni, en Espagne ou au Danemark.

Au Royaume-Uni, les institutions en contact régulier avec des mineurs sont incitées à repérer les signes de vulnérabilité susceptibles de les exposer à un risque de radicalisation violente ; en particulier, les écoles sont tenues de réaliser des actions de prévention et de détection de la radicalisation. Lorsqu’un jeune est reconnu « à risque », le Channel police practitioner examine si le programme de prise en charge (programme Channel) est adapté ; si tel n’est pas le cas, il dirige le mineur vers d’autres services. Si le programme est adapté, le mineur sera soumis à un ensemble de dispositions de soutien sur mesure en fonction de son niveau de vulnérabilité (mesures de soutien et d’assistance, développement d’une contre-idéologie, etc.). La participation au programme de prise en charge repose sur le volontariat des jeunes et exige le consentement du parent.

En Espagne, un plan stratégique national de lutte contre la radicalisation violente a vu le jour en janvier 2015, associant de nombreux acteurs nationaux (ministères, associations, fondations, représentants religieux) et locaux, et qui se traduit, au sein de chaque commune, par la création de groupes locaux de lutte contre la radicalisation violente destinés à favoriser la coordination des forces de sécurité ainsi que la détection et la prise en charge des cas de radicalisation. Le ministère de l’intérieur espagnol a également développé des outils permettant de détecter les signaux faibles de radicalisation, notamment une campagne sous la forme d’un tableau inspiré du site français « stop-djihadisme.gouv.fr ».

Au Danemark, le programme d’Aarhus pour la déradicalisation et la réinsertion privilégie la réinsertion plutôt que le placement en détention des jeunes de retour de la zone irako-syrienne. Ces mineurs se voient proposer une série d’entretiens avec des conseillers et psychologues ainsi qu’une aide à la formation et à l’emploi. Cet accompagnement est réalisé dans des centres ouverts, uniquement sur la base du volontariat, et peut être complété par des programmes humanitaires.

B.   Des dispositifs spÉcifiques aux mineurs de retour de zone ou poursuivis pÉnalement

1.   Le cas particulier des mineurs de retour avec leurs parents de théâtres d’opérations de groupements terroristes

S’agissant des mineurs de retour de zone irako-syrienne qui ne sont pas impliqués dans une procédure pénale, le parquet de Paris, informé de ces retours au moment où il poursuit leurs parents, est chargé de signaler ces situations aux parquets locaux dans la perspective d’une prise en charge locale par le biais de l’assistance éducative.

En pratique, c’est généralement le parquet du tribunal de grande instance de Bobigny qui est informé de ces situations dans la mesure où les personnes de retour d’Irak ou de Syrie atterrissent à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, qui relève du ressort de ce tribunal. Le parquet de Bobigny délivre alors une ordonnance de placement provisoire, saisit l’agence régionale de santé aux fins d’ordonner une évaluation psychologique et médicale du mineur avant de se dessaisir au profit du parquet territorialement compétent compte tenu du lieu de résidence du mineur. Le placement est appelé à perdurer jusqu’au moment où le mineur pourra être pris en charge de manière pérenne par un tiers fiable.

En toute hypothèse, la protection judiciaire de la jeunesse est généralement attributaire de la mesure d’assistance éducative en milieu ouvert ordonnée sur ces mineurs. Cette situation est permise par l’expérimentation, autorisée par la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, d’une double prise en charge des mineurs en danger par l’aide sociale à l’enfance et la protection judiciaire de la jeunesse. Elle est toutefois dérogatoire du droit commun applicable à la prise en charge civile des mineurs en danger. En effet, l’intervention dans le secteur civil de la protection judiciaire de la jeunesse, dont les missions ont été recentrées sur la prise en charge des mineurs délinquants, reste en principe circonscrite à la mise en œuvre des MJIE prononcées par le juge, l’aide à la décision judiciaire relevant de la compétence exclusive de l’État, ainsi que, dans des cas très résiduels, justifiés par la nécessité d’assurer une continuité éducative à l’issue d’une prise en charge dans un cadre pénal.

La MJIE revêt une importance toute particulière pour ces mineurs dans la mesure où elle permet d’évaluer si la famille restante et élargie peut constituer un levier ou, au contraire, un risque pour ces enfants. Dans le cas des 28 mineurs suivis au titre de la protection de l’enfance pour ce motif, la quasi-totalité des parents est incarcérée, seuls 4 mères et un père ne faisant l’objet d’aucune poursuite. Il importe donc de vérifier si les membres de la famille élargie (grands-parents, tantes et oncles, etc.) entretenaient, avant le départ sur zone, des liens suffisamment intenses avec l’enfant et s’ils sont susceptibles d’en proposer de nouveaux, sécures et pérennes, de nature à garantir l’éducation et le relèvement moral du mineur. C’est la raison pour laquelle une double MJIE est mise en œuvre, non seulement à Bobigny mais aussi dans le département d’origine du mineur, où peut se trouver le reste de la famille.

2.   L’adaptation des outils de la justice des mineurs à la problématique des terroristes mineurs

Le législateur a durci, ces dernières années, les dispositions administratives et pénales en matière d’infractions terroristes, ce qui a eu un impact sur l’organisation de la prise en charge pénale des mineurs concernés par la protection judiciaire de la jeunesse. Les lois des 3 juin ([24]) et 21 juillet 2016 ([25]) ont ainsi renforcé les dispositions relatives au suivi administratif et judiciaire ainsi qu’à la procédure pénale applicables aux auteurs d’infractions terroristes, y compris ceux mineurs.

Certains des outils à la disposition de la justice des mineurs ont été adaptés ou créés afin de répondre à la problématique spécifique de ces mineurs.

Une MJIE spécifique aux mineurs mis en cause pour terrorisme a été créée dès le courant de l’année 2016. Sous le pilotage de la direction interrégionale Île-de-France / outre-mer, cette MJIE spécifique est mise en œuvre par le service de milieu ouvert de Paris‑centre, quel que soit le lieu de résidence du mineur. Elle est fondée sur la mutualisation des compétences, la différenciation des espaces et des interlocuteurs en vue de mieux comprendre le fonctionnement du système familial, son incidence sur la radicalisation du mineur ainsi que les leviers possibles qu’offre la famille à la désistance. Dans l’urgence, en cas de déferrement, l’unité éducative auprès du tribunal (UEAT) réalise un recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE) en binôme éducateur et psychologue. Pour Mme Camille Hennetier, vice-procureure, cheffe de la section antiterroriste (C1) du parquet de Paris, « le résultat est en l’état satisfaisant » et « permet un enrichissement des rapports, de par la multiplicité des intervenants (éducateurs PJJ, psychologue, service éducatif du lieu de détention), et par une approche plus approfondie des conditions de vie sociale, économique, culturelle et environnementale du mineur et de sa famille ».

Les mineurs poursuivis dans le cadre d’affaires terroristes qui sont détenus font l’objet d’un accompagnement éducatif soutenu sous la forme d’une « prise en charge dite "renforcée" » ([26]), au travers d’une présence accrue des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse auprès des mineurs, permettant une plus grande fréquence d’entretiens individuels et d’activités socio-éducatives ainsi qu’une évaluation plus fine de la capacité du mineur à vivre en collectivité.

En cas de placement du mineur sous contrôle judiciaire, un protocole spécifique ([27]) prévoit une réactivité particulière des services éducatifs, un suivi effectif et régulier du mineur, un contrôle précis du respect de ses obligations et une information optimale du magistrat mandant. Sur les 27 mineurs terroristes sous contrôle judiciaire, une quinzaine est placée soit en centres éducatifs fermés, soit en unités éducatives d’hébergement collectif, soit en établissements de placement éducatif et d’insertion, soit en appartement via le dispositif d’accueil spécialisé et individualisé (voir l’encadré ci-après).

Certains jeunes peuvent également relever du dispositif expérimental de remobilisation, d’engagement citoyen et solidaire (DRECS) proposé par l’association La Sauvegarde qui, au sein de la structure d’accueil pour les jeunes en grande difficulté qu’elle gère, réserve une ou deux places pour les mineurs faisant l’objet d’une procédure judiciaire liée au terrorisme (séjours de remobilisation, chantiers solidaires, travail sur l’estime de soi…). À ce jour, 11 mineurs ont été pris en charge dans ce dispositif, avec des résultats prometteurs.

Depuis l’automne 2016, 15 places dédiées ont été mobilisées dans les centres éducatifs fermés et en unités éducatives d’hébergement collectif au niveau national, dont 5 en Île-de-France pour les mineurs déférés et mis en examen du chef d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Les mesures de placement en centres éducatifs fermés ou renforcés, possibles en droit, demeurent toutefois rares en raison, d’une part, des risques liés à la mise en contact de mineurs radicalisés avec d’autres mineurs qui ne le sont pas et, d’autre part, du nombre insuffisant de places pour les filles, qui constituent pourtant une part non négligeable du total des mineurs impliqués.

Le dispositif d’accueil spécialisé et individualisé (DASI)

Fruit de la coopération née en décembre 2016 des associations Concorde et Thelemythe, le DASI est une structure d’accueil individualisée de 5 places, sous la forme d’un hébergement en appartement individuel en région parisienne ou à proximité de la région parisienne, destinée à une prise en charge éducative individualisée, renforcée et thérapeutique dans le cadre d’une mesure de placement décidée par le juge d’instruction au titre d’un contrôle judiciaire.

La présence continue d’une équipe pluridisciplinaire d’éducateurs spécialisés, sportifs et scolaires, permet, pour une durée de six mois renouvelables, d’encadrer chaque mineur accueilli en permanence et de mettre en œuvre des activités collectives et citoyennes.

3 mineurs mis en examen pour association de malfaiteurs en vue de commettre des actes de terrorisme ont déjà bénéficié de ce dispositif expérimental, avec des résultats jugés « très satisfaisants » par le parquet de Paris.

III.   un engagement budgÉtaire rÉel À complÉter par un meilleur accompagnement des personnels

Votre rapporteur, conscient que d’importants moyens financiers ont déjà été mobilisés pour garantir une prise en charge adaptée de ces mineurs (A), appelle à poursuivre l’effort entrepris en vue d’un meilleur accompagnement des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse (B).

A.   d’importants financements dÉjÀ mobilisÉs au travers des plans de lutte contre le terrorisme et la radicalisation

1.   La création de 400 emplois

Les plans de lutte contre le terrorisme de 2015 et 2016 (PLAT 1 et 2) et le plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART) de 2017 ont permis la création, au cours des trois dernières années, de 400 emplois, pour un montant de 13,8 millions d’euros ([28]) :

–  11 emplois au sein de la mission nationale de veille et d’information ;

–  70 référents « Laïcité et citoyenneté » sur l’ensemble du territoire ;

–  113 emplois de psychologues ;

–  203 emplois d’éducateurs ;

–  3 postes de formateurs.

2.   Le financement des actions de prévention de la radicalisation et de formation des personnels

La création de ces emplois s’est accompagnée d’un effort financier soutenu, porté par les PLAT 1 et 2 ainsi que le PART, en faveur des actions de prévention de la radicalisation et de formation des personnels dans la prise en charge des mineurs radicalisés, représentant 10,5 millions d’euros en AE et CP pour l’année 2015, 5,4 millions d’euros en AE et CP pour l’année 2016 et 18,38 millions d’euros en AE et 11,98 millions d’euros en CP pour l’année 2017 (voir l’encadré ci-après). À ce jour, plus de 6 870 professionnels et partenaires institutionnels de la protection judiciaire de la jeunesse ont été formés à la question de la radicalisation violente.

CrÉdits consacrÉs à la lutte contre la radicalisation violente par la protection judiciaire de la jeunesse en 2016 et 2017 (hors titre 2)

 

AE

(en millions d’euros)

CP

(en millions d’euros)

2016

Formation des agents du secteur public

0,7

0,7

Actions de promotion de la laïcité et de la citoyenneté

0,8

0,8

Moyens de fonctionnement liés aux créations d’emplois de référents « Laïcité et citoyenneté » et de psychologues

0,7

0,7

Actions de « déradicalisation »

1,6

1,6

Accompagnement des équipes dans les centres éducatifs fermés ou renforcés, les établissements ou quartiers pour mineurs et les unités éducatives d’hébergement diversifié

0,4

0,4

Actions éducatives dans les unités éducatives d’hébergement collectif

0,8

0,8

Sécurisation des locaux de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse à Roubaix

0,4

0,4

2017

Développement des activités de « déradicalisation », formation des personnels et déploiement des stages « citoyenneté et laïcité »

7,08

7,08

Rénovation et maintenance lourde de certains sites dégradés, couverture des dépenses supplémentaires de fonctionnement liées aux recrutements

11,30

4,9

Source : réponses de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse au questionnaire budgétaire.

B.   mieux accompagner les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse

1.   Préserver le caractère non spécialisé et éducatif de la prise en charge

De l’avis unanime des personnes auditionnées par votre rapporteur, le choix fait par la protection judiciaire de la jeunesse d’utiliser les outils de prise en charge offerts par le droit commun, de ne pas regrouper les mineurs concernés et de renforcer l’individualisation du suivi dont ils font l’objet est adapté à la problématique de ces mineurs. Radicalisés et d’origines socio-culturelles très hétérogènes, ces mineurs n’en demeurent pas moins des adolescents et ont généralement connu, dans leur parcours, une rupture ou un traumatisme.

Votre rapporteur observe, au surplus, que la non spécialisation de la prise en charge permet d’éviter l’isolement professionnel des agents appelés à intervenir auprès de ces jeunes et la stigmatisation de ces derniers. Sur le plan budgétaire, cette non spécialisation a permis à la protection judiciaire de la jeunesse de voir l’ensemble de ses moyens financiers et humains renforcés par les crédits des plans d’action de lutte contre le terrorisme et la radicalisation au cours des trois dernières années.

Dans la mesure où ces jeunes présentent, la plupart du temps, des problématiques liées à l’adolescence au même titre que les autres mineurs suivis par la protection judiciaire de la jeunesse, votre rapporteur estime nécessaire de préserver le caractère éducatif de la prise en charge dont ils font l’objet. À cet égard, il appelle l’attention des pouvoirs publics sur la nécessaire articulation de cette prise en charge avec d’éventuelles mesures de surveillance décidées par l’autorité administrative. Il peut ainsi arriver que le travail éducatif et moral entrepris par la protection judiciaire de la jeunesse en lien avec la famille du mineur soit compromis par le placement de celui-ci en centre éducatif fermé sous assignation à résidence, assortie d’une interdiction d’entrer en contact avec les membres de la famille. Si ce type d’interdiction peut naturellement se justifier en présence d’un contexte familial propice à une radicalisation violente, l’impératif de maintien des liens familiaux, condition fondamentale de la réinsertion du jeune, exige d’en limiter le prononcé aux cas strictement nécessaires, en coordination avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse.

2.   Mieux connaître le public des mineurs concernés

Les auditions conduites par votre rapporteur sur le sujet ont fait apparaître la relative méconnaissance des mineurs concernés par des problèmes de radicalisation violente, même si la connaissance de leur nombre devrait progresser dans les mois prochains. En effet, aux chiffres disponibles sur les mineurs mis en examen pour une infraction terroriste et ceux de retour de la zone irako-syrienne, devrait s’ajouter une première estimation du nombre de mineurs identifiés comme radicalisés ou en voie de radicalisation et ne faisant pas l’objet de poursuites pénales, grâce à la mise en œuvre du logiciel Astrée.

Au-delà de ces aspects quantitatifs, votre rapporteur encourage les pouvoirs publics à approfondir leur connaissance des profils et parcours de ces mineurs, en soutenant la conduite de recherches universitaires, sociologiques et médicales, sur un échantillon représentatif d’individus.

3.   Accompagner davantage les personnels

Votre rapporteur salue l’effort considérable déployé par le Gouvernement au cours des trois précédentes années pour aboutir à la formation de plus de 6 870 professionnels et partenaires institutionnels de la protection judiciaire de la jeunesse à la problématique de la radicalisation violente.

Ce module de formation de trois jours ne saurait toutefois suffire, à lui seul, à répondre aux interrogations légitimes de ces professionnels face à la singularité de la prise en charge de ces mineurs. Votre rapporteur encourage donc la mise en place de groupes de parole au sein desquels les professionnels concernés pourraient échanger sur leurs pratiques, leurs craintes et leurs questionnements, en vue, notamment, de mieux distinguer les comportements de radicalisation identitaire ou religieuse violente et préoccupante et ceux relevant davantage d’une provocation en réaction au sentiment d’abandon de la République ou à une rupture personnelle ou de l’exercice normal d’une pratique religieuse. Ils permettraient aussi d’assister les éducateurs dans la définition du contenu du travail éducatif à opérer avec le mineur.

Dans cette perspective, des enseignements pourraient être tirés, d’ici la fin de l’année 2018, de deux projets actuellement menés par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse avec l’Observatoire international de la justice juvénile :

–  le projet « prévention de la radicalisation des mineurs en détention et promotion des alternatives à la détention », auquel sont associés l’Allemagne, la Roumanie, les Pays-Bas, l’Espagne et la Belgique, qui vise à échanger sur les pratiques européennes concernant la lutte contre la radicalisation des mineurs en détention et à former le personnel judiciaire sur les réponses à apporter à cette problématique ;

–  le projet « renforcement des systèmes de justice pour mineurs dans le contexte antiterroriste : renforcement des capacités et apprentissage par les pairs entre les parties prenantes », auquel participent la Belgique, l’Allemagne, la Roumanie, la Croatie, la Hongrie, l’Autriche, la Lettonie, les Pays-Bas et l’Espagne, qui répertorie les alternatives mises en place pour des jeunes suspectés en raison de leur activité en lien avec des réseaux terroristes.

Cette coopération européenne pourrait permettre d’aboutir à la rédaction de manuels de prise en charge à destination des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse et de la justice des mineurs face à la radicalisation violente, allant au-delà d’une simple formation aux questions religieuses.

Un meilleur accompagnement des professionnels de terrain impliquerait également un effort d’harmonisation du rôle des référents « Laïcité et citoyenneté », les syndicats de la protection judiciaire de la jeunesse ayant constaté des disparités, parfois importantes, sur le territoire.

Enfin, votre rapporteur estime nécessaire d’améliorer le partage des informations entre, d’une part, les juges des enfants chargés du suivi des mineurs et, d’autre part, les juges des juridictions pénales chargés de procédures impliquant un ou plusieurs de leurs parents.


—  1  —

Examen en commission

À l’issue de l’audition, en commission élargie, de Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice (voir le compte rendu de la commission élargie du 25 octobre 2017 à 21 heures ([29])), la commission des Lois examine, pour avis, les crédits pour 2018 de la mission « Justice » (Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis « Justice et accès au droit » ; M. Bruno Questel, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse »).

Conformément aux conclusions de Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis « Justice et accès au droit », et de M. Bruno Questel, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse », la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » pour 2018.

Après l’article 57

La Commission examine l’amendement n° II-54 du Gouvernement.

Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis « Justice et accès au droit ». Cet amendement du Gouvernement a pour objet de modifier les modalités de financement de l’autorité de régulation de la profession de commissaires aux comptes, le haut conseil au commissariat aux comptes, afin de les simplifier et de doter cette instance d’un budget à la hauteur des nouvelles missions qui lui ont été confiées par le règlement européen du 16 avril 2014 et par l’ordonnance du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes. Ce dernier devrait ainsi passer de 11 millions d’euros actuellement à 18 millions d’euros.

Il convient en effet tout d’abord de simplifier les modalités de financement du haut conseil car l’actuel système des droits et contributions est complexe à gérer et à contrôler. En outre, il ne fait pas peser équitablement la charge du financement sur l’ensemble des commissaires aux comptes.

Il convient ensuite de renforcer les moyens humains et financiers du haut conseil pour lui permettre de faire face à ses nouvelles missions, à savoir l’inscription des commissaires aux comptes sur la liste nationale, le contrôle périodique de l’ensemble des cabinets qui certifient les comptes des entités d’intérêt public, la définition des orientations en matière de formation continue et le respect des obligations dans ce domaine, la conduite d’enquêtes et le prononcé de sanctions en cas de manquements à la réglementation du commissariat aux comptes et l’élaboration des normes professionnelles.

Aussi, le présent amendement prévoit de supprimer un système complexe reposant, d’une part, sur les droits et contributions qui sont dus par chaque commissaire aux comptes inscrit, à raison du nombre et du type de rapports de certification établis et, d’autre part, sur la cotisation due par la compagnie nationale des commissaires aux comptes, assise sur le chiffre d’affaires des commissaires aux comptes à l’égard de certaines catégories de clients. En remplacement, il prévoit d’instaurer une cotisation assise sur l’ensemble des honoraires facturés par les commissaires aux comptes aux personnes dont ils certifient les comptes et une cotisation moindre assise sur les seuls honoraires facturés aux entités d’intérêt public.

Ces nouvelles modalités de financement ont donc pour objectif d’assurer une répartition équitable de la charge de financement sur les différents types de cabinets de commissaires aux comptes.

J’émets un avis favorable à cet amendement.

La Commission accepte l’amendement n° II-54.

Elle examine ensuite l’amendement n° II-CL27 de Mme Danièle Obono.

M. Ugo Bernalicis. Que des syndicats aussi importants pour la vie démocratique que le Syndicat de la magistrature dénoncent la situation humaine et financière particulièrement dégradée de la justice, parlant même de paupérisation de la justice, doit nous faire réagir.

Selon les dernières statistiques du Conseil de l’Europe, la France est le mauvais élève européen en matière de budget et d’effectifs de la justice. Avec environ 0,2 % du PIB consacré à la justice contre 0,33% en moyenne en Europe, la France se situe à la trente-septième place sur quarante-cinq. Notre pays a également deux fois moins de juges par habitant que la moyenne européenne : 10,7 juges professionnels pour 100 000 habitants contre 20,92 à l’échelle de l’Europe.

Ceci nous interpelle et doit aussi vous interpeler. Notre justice est manifestement sous-dotée. Elle est devenue une justice « low cost », dont l’image la plus choquante est celle que nous renvoient ces tribunaux dégradés et insalubres. La République a abandonné ces territoires et les citoyens justiciables qui s’y trouvent.

Dans ce cadre, notre amendement propose de commander un rapport destiné à faire un bilan de la situation actuelle de la justice et des moyens qui doivent être alloués à ce troisième pouvoir reconnu par la Constitution.

Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis « Justice et accès au droit ». Je pense que les échanges que nous avons eus avec la garde des Sceaux montrent que nous sommes tous conscients des difficultés rencontrées au quotidien par les juridictions.

Je tiens à rappeler l’engagement pris par la ministre en faveur d’une remise à niveau des moyens des juridictions dans le cadre du projet de loi de programmation qui nous sera présenté au premier semestre 2018 ainsi que les cinq « chantiers » qui ont été lancés et qui devraient nous permettre d’engager une réforme profonde de la justice dans notre pays.

Sur la méthode, j’observe que le Parlement dispose de nombreux moyens pour assurer sa bonne information, notamment au travers des missions d’information qu’il peut créer, telle que la mission consacrée, au printemps 2017, au redressement de la justice et présidée par M. Philippe Bas au Sénat, ainsi que des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place dont bénéficient le président, le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux des commissions des finances.

Je souligne également qu’il est fait référence dans cet amendement à un groupe de travail chargé de l’élaboration du rapport qui serait composé notamment de syndicats, parmi lesquels un seul syndicat de magistrats – le Syndicat de la magistrature –, qui représente 20 % des magistrats syndiqués, alors que l’Union syndicale des magistrats (USM) en représente 70 %.

J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. Ugo Bernalicis. Il existe effectivement déjà beaucoup de rapports qui pointent l’indigence de notre administration en termes de justice. Il faudrait maintenant des mesures concrètes pour y remédier. Certes, l’USM représente une part plus importante des voix aux élections professionnelles chez les magistrats mais alors qu’elle était opposée au texte renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, vous ne l’avez pas écoutée.

La Commission rejette l’amendement n° II-CL27.

Elle en vient à l’amendement n° II-CL29 de Mme Danièle Obono.

M. Ugo Bernalicis. Peut-être que cet amendement vous sierra davantage, Madame la rapporteure, puisqu’il propose un rapport visant à régler le problème du manque de moyens de la justice, afin de permettre une remise à niveau par rapport à nos voisins européens. Ce rapport se veut plus opérationnel. Il reprend des propositions que nous avions formulées lors de l’élection présidentielle dans notre programme « L’avenir en commun » et dans notre livret thématique sur la justice, car, même si nous n’avons pas gagné cette élection – nous pouvons tous le regretter –, il est évident qu’il reste dans notre besace quelques bonnes propositions que vous pourriez reprendre à votre compte – j’en suis sûr – pour l’intérêt général et le bien de la justice.

Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis « Justice et accès au droit ». J’émets un avis défavorable à cet amendement, même si je salue l’effort pour demander un rapport avec davantage de préconisations. Je tiens à rappeler une nouvelle fois que le Parlement dispose déjà de tous les moyens pour formuler les préconisations qu’il juge utiles au redressement de la situation de la justice.

La Commission rejette l’amendement n° II-CL29.

Elle aborde l’amendement n° II-CL33 de Mme Danièle Obono.

M. Ugo Bernalicis. Faute d’être au Gouvernement, nous proposons des rapports, mais si nous y étions, nous consacrerions bien évidemment davantage de moyens à la justice.

Cet amendement a pour objet de demander un rapport sur le non-recours à la justice et à des mécanismes pour faire valoir leurs droits par les justiciables pauvres et mal informés. Ce droit à la justice est fondamental, toutefois sa mise en œuvre rencontre un certain nombre de freins. Le manque d’information, de moyens et d’accès au service public de la justice conduit à ce que de nombreux citoyens et citoyennes ne font pas valoir leurs droits. C’est inacceptable. Faire valoir ces revendications doit occuper une place naturelle dans un État de droit. Cette perspective d’un monde d’égalité et de liberté fondé sur le droit et son effectivité doivent être un enjeu fondamental pour les années à venir.

Pour autant, cette réalité objective est difficile à saisir. Une étude sérieuse doit permettre de l’évaluer afin de pouvoir mener une ambitieuse politique d’accès à la justice qui s’articulerait notamment autour d’un indispensable renforcement des mécanismes d’information via les maisons de la justice et du droit et un accès soutenu et simplifié à des conseils juridiques et à un avocat.

J’entends bien l’effort qui va être fait – et il est nécessaire – sur la question du numérique et de la dématérialisation, mais cela ne suffit pas.

Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis « Justice et accès au droit ». Je ne peux que me réjouir de l’intérêt de mes collègues sur ce sujet de l’accès au droit qui est l’axe principal des auditions que j’ai menées ces dernières semaines dans le cadre de l’élaboration de mon rapport pour avis. Je ne peux également que regretter que, malgré leur intérêt pour l’accès au droit des plus démunis, les signataires de cet amendement n’aient pu être présents à ces différentes auditions.

Je tiens à rappeler que l’accès au droit passe par une présence physique suffisamment dense sur le territoire national via les maisons du droit et de la justice et les points d’accès au droit. J’ai d’ailleurs fait part à la garde des Sceaux de mon inquiétude quant au financement de ces centres d’accès au droit et au nombre – insuffisant – de greffiers affectés dans les maisons du droit et de la justice.

Pour ces raisons, je donne un avis défavorable à cet amendement.

M. Ugo Bernalicis. Je pense que l’on pourrait s’épargner ce genre d’arguments. J’ai assisté à quelques-unes des auditions conduites dans le cadre des avis budgétaires – certes, pas sur la justice – et, à part moi et le rapporteur ou la rapporteure pour avis, il n’y avait personne d’autre, notamment de votre majorité. Mais c’est normal, car il est extrêmement compliqué voire, certains jours, impossible d’être présent à chacune de ces auditions compte tenu du caractère très chargé de nos agendas. Il faudra peut-être à l’avenir songer à les retranscrire ou à les filmer, ce qui nous permettra d’avoir, collectivement, un travail plus efficace.

Mme Yaël Braun-Pivet, présidente. Je pense que nous devons tous avoir collectivement une réflexion sur l’organisation de notre travail parlementaire, qui s’avère très difficile et vire parfois à l’exercice d’équilibriste.

La Commission rejette l’amendement n° II-CL33.

Elle aborde l’amendement n° II-CL28 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Le 20 janvier 2011, le 23 février 2012, le 27 avril 2013, le 21 mai 2015 et d’autres encore : trop nombreuses sont les décisions rendues par la Cour européenne des droits de l’homme condamnant la France pour traitements inhumains et dégradants dans ses prisons. Nous avons déjà abordé ce sujet lors de l’audition de la garde des Sceaux et le constat est unanime sur la surpopulation chronique des établissements pénitentiaires, qui touche principalement les maisons d’arrêt où la densité carcérale s’établit en moyenne entre 130 % et 140 %. Le constat est aussi alarmant quant au manque d’effectifs du personnel pénitentiaire. L’insuffisance des recrutements a causé une explosion du nombre d’heures supplémentaires : plus de 4,3 millions d’heures chaque année.

Nous estimons donc qu’un bilan de la situation est nécessaire : le rapport d’information que nous proposons permettrait de faire le point sur les investissements requis pour rendre conforme à nos valeurs le fonctionnement du service public pénitentiaire. L’Assemblée nationale doit s’emparer de ce débat dès aujourd’hui afin d’établir un état des lieux et de réévaluer les propositions budgétaires notoirement insuffisantes qui sont faites par le Gouvernement.

M. Bruno Questel, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse ». C’est un sujet important et je crois avoir été suffisamment clair dans mon intervention liminaire pour en souligner la prise en compte par le Gouvernement et cette majorité. Le Parlement dispose déjà, à droit constant, de pouvoirs d’investigation et d’un droit d’information, au travers notamment de ses rapporteurs budgétaires et des commissions d’enquête qu’il peut créer.

Sur la composition du groupe de travail chargé de rédiger le rapport, un « tri syndical » semble une nouvelle fois avoir été opéré par les auteurs de l’amendement pour les représentants de magistrats mais aussi pour les syndicats d’avocats. Vous me trouverez facétieux mais je m’attendais même à ce que vous nous donniez la liste nominative des personnes que vous auriez souhaité voir siéger dans ce groupe de travail… Mon avis est donc défavorable.

La Commission rejette l’amendement n° II-CL28.

Elle examine ensuite l’amendement n° II-CL30 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Libre à vous, chers collègues, d’élargir la composition des groupes de travail que nous vous proposons puisque nous sommes d’accord sur la nécessité d’un plan d’urgence pour les moyens du service public pénitentiaire. Le manque d’effectifs est grave et patent, l’insuffisance des recrutements est notoire. Nous développerons, dans les débats à venir, des propositions pour y remédier. Dans l’immédiat, nous demandons, par cet amendement, que soient examinés le coût et les économies budgétaires susceptibles de résulter de la mise en œuvre d’un plan d’urgence pour les prisons.

M. Bruno Questel, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse ». La loi de programmation pour la justice répondra à l’ensemble des questions posées par nos collègues. Je suis donc défavorable à cet amendement.

La Commission rejette l’amendement n° II-CL30.

Elle en vient à l’amendement n° II-CL31 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Cet amendement demande un rapport sur les situations de maltraitances, de traitements inhumains et dégradants et de mauvais traitements touchant les détenus et l’ensemble des personnels pénitentiaires mais rendant aussi compte des conditions sanitaires déplorables observées dans certaines prisons. J’ai moi-même fait cette constatation lors d’une visite du centre pénitentiaire de Fresnes où il est ressorti de discussions avec des détenus une situation sanitaire préoccupante et des tensions très fortes avec le personnel. La violence pénitentiaire s’est banalisée, touchant aussi bien les détenus que les surveillants. À ce climat de violence s’ajoutent des conditions sanitaires dégradées. Je le rappelais à l’instant : la France a été condamnée par la CEDH à de multiples reprises pour l’état de ses prisons. L’objectif du rapport que nous proposons sera d’évaluer le coût pour les finances publiques d’une mise aux normes intégrale permettant la prévention de telles atteintes à la dignité humaine.

M. Bruno Questel, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse ». Même avis que pour les amendements précédents. Sur cette question précise, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté exerce une mission vigilante et ne manque pas d’alerter les pouvoirs publics sur les situations préoccupantes qu’elle est amenée à constater ou qui lui sont signalées par un détenu.

La Commission rejette l’amendement n° II-CL31.

Elle se saisit ensuite de l’amendement n° II-CL32 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Il s’agit, par cet amendement, de demander un rapport sur les surcoûts induits par le recours aux partenariats public-privé (PPP). La garde des Sceaux nous a indiqué tout à l’heure que le ministère de la Justice n’y aurait plus recours à l’avenir mais il serait utile de disposer de chiffres sur le nombre de PPP en cours et les coûts qu’ils représentent. Cette évaluation serait aussi l’occasion d’étudier la possibilité juridique de dénoncer certains des PPP en cours, lesquels représenteraient, d’après un rapport de la Cour des comptes, un surcoût de 30 % par rapport aux autres modes de gestion. Compte tenu de l’état de nos finances publiques, peut-être pourrions-nous nous épargner ces dépenses somptuaires.

Nous proposons que ce rapport soit rédigé par un groupe de travail comportant des représentants de syndicats et d’associations. Il y a sans doute des imperfections sur le champ des personnes visées mais nous voulons faire observer que ces rapports ne devraient pas être l’apanage de missions d’inspection dépendantes d’une autorité hiérarchique ou relevant d’une seule administration. Nous souhaitons que le Gouvernement ouvre le champ de ses investigations lorsqu’il est amené à produire de tels rapports.

M. Bruno Questel, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse ». Je ne surprendrai personne en réitérant un avis défavorable sur cet amendement. La ministre a été claire s’agissant de l’avenir : l’administration pénitentiaire est convaincue que ce mode de construction et de gestion est inadapté aux problématiques pénitentiaires, c’est pourquoi elle n’y aura plus recours.

Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis « Justice et accès au droit ». Même avis.

M. Ugo Bernalicis. Les PPP sont des mauvais outils, bien au-delà du seul domaine pénitentiaire.

Mme Laetitia Avia, rapporteure pour avis « Justice et accès au droit ». Pour ce qui concerne la justice judiciaire, la garde des Sceaux s’est déclarée disposée à fournir tous les éléments d’information demandés par cet amendement. Pour le reste, je renouvelle mes observations sur la composition des groupes de travail, qui ne correspondent pas à la méthode de que cette majorité souhaite promouvoir.

La Commission rejette l’amendement n° II-CL32.

Elle aborde ensuite l’amendement n° II-CL34 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Le présent amendement demande un rapport sur le recrutement et la fidélisation des personnels de l’administration pénitentiaire ainsi que du corps de commandement. Aucun rapport sur ce sujet n’a été publié à notre connaissance. Arrêts maladie en cascade, cas de burn out, démissions, suicides… les maux touchant les métiers pénitentiaires sont multiples et depuis trop longtemps l’État a ignoré ces problèmes, devenant ainsi en partie responsable des violences qu’ils génèrent. La mission essentielle de réinsertion qu’accomplissent les surveillants pénitentiaires, qui sont au contact quotidien des personnes condamnées, a été oubliée. Pour changer le rapport de force qui existe en détention, il faut renouveler cette approche et conduire une véritable réflexion sur les métiers de surveillance et d’encadrement. Il n’est plus possible de laisser des surveillants tout juste sortis de l’école gérer des mouvements de plus de 130 détenus. Car ce sont des agents publics que nous mettons ainsi en danger.

M. Bruno Questel, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse ». La garde des Sceaux a évoqué devant nous l’ouverture d’un sixième chantier, interne au ministère de la Justice, sur la gestion des ressources humaines, afin de prendre à bras le corps ce sujet, sur lequel j’ai moi-même eu des mots suffisamment forts lors de mon intervention liminaire pour qu’on ne puisse pas mettre en doute notre volonté d’avancer.

La Commission rejette l’amendement n° II-CL34.

Elle examine l’amendement n° II-CL35 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Cette nouvelle demande de rapport – je précise qu’il s’agit de rapports demandés au Gouvernement, qui ne seraient donc pas à notre charge et ne nous priveraient pas de notre capacité à conduire des missions d’information sur d’autres sujets – concerne la charge de travail des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) et l’impact sur les finances publiques des nécessités de recrutement de nouveaux conseillers. Les augmentations d’effectifs annoncées par le Gouvernement nous semblent insuffisantes. Les services pénitentiaires d’insertion et de probation remplissent des missions s’articulant autour de trois axes : l’insertion des personnes condamnées, l’aide à la décision judiciaire dans un souci d’individualisation des peines ainsi que le suivi et le contrôle des obligations imposées par les magistrats. La continuité du suivi entre la détention et le milieu ouvert est l’un des enjeux de la lutte contre la récidive et doit être au cœur de la politique de sécurité menée par le Gouvernement. Or la réalisation de cette mission est compromise par la charge de travail démentielle des CPIP : il n’est pas rare que certains d’entre eux soient amenés à suivre plus de 140 personnes. Cet état de fait conduit à ce que nombre d’agents se détournent de ce métier pourtant essentiel à la réhabilitation, humaine et sociale, des personnes condamnées.

M. Bruno Questel, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse ». Pour les mêmes raisons que celles précédemment développées, j’y suis défavorable. J’ajoute que les rapporteurs budgétaires disposent déjà d’éléments précis sur la charge de travail des CPIP qui reste plus élevée que la moyenne européenne. Toutefois, au 1er avril 2017, 75 personnes – et non 140 – étaient suivies par chaque agent et ce chiffre est en baisse de 7 personnes depuis 2016 grâce au recrutement, sous le précédent quinquennat, de 1 100 CPIP pour accompagner la réforme pénale. Le Gouvernement a par ailleurs lancé un plan ambitieux de création d’emplois pour les années 2018 à 2022 en vue de réduire le nombre de personnes suivies par chaque CPIP, avec déjà 150 emplois supplémentaires prévus en 2018.

La Commission rejette l’amendement n° II-CL35.

Elle étudie l’amendement n° II-CL36 de Mme Danièle Obono.

M. Ugo Bernalicis. Cet amendement vise à demander au Gouvernement la remise d’un rapport sur le coût anticipé pour les finances publiques du nécessaire développement des mesures alternatives à la détention provisoire et notamment de la mesure d’assignation à résidence sous surveillance électronique.

Depuis plusieurs années, le recours à la détention provisoire, qui doit demeurer en principe exceptionnelle, n’a cessé de croître, devenant l’une des causes de la surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt. Le recours croissant à la détention provisoire nous paraît constituer une atteinte grave au principe de la présomption d’innocence et le symptôme d’une certaine crispation de la société sur la question sécuritaire. Pourtant, des dispositifs intermédiaires existent, conciliant le principe de la présomption d’innocence et l’exigence de sécurité, comme l’ARSE qui reste toutefois sous-utilisée. Il s’agirait donc, par ce rapport, d’apprécier les freins qui existent au prononcé d’alternatives à la détention provisoire.

M. Bruno Questel, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse ». Avis défavorable. La garde des Sceaux a évoqué tout à l’heure la nécessité de développer les peines autonomes par rapport à l’emprisonnement, ce qui sera l’occasion d’approfondir la question que vous évoquez.

Mme Caroline Abadie. Il existe une commission de suivi de la détention provisoire, au sein de laquelle je siège, qui présente, tous les trois ans, des données statistiques et des analyses relatives à l’évolution de la détention provisoire. Je ne manquerai pas, cher collègue, de vous adresser son rapport.

La Commission rejette l’amendement n° II-CL36.

Elle en vient à l’amendement n° II-CL37 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la gestion budgétaire de chaque mesure d’aménagement de peine et d’alternative à l’incarcération.

La garde des Sceaux prétend mener une politique de développement des aménagements de peine et des alternatives à l’incarcération en faisant état d’une augmentation du budget de la mission « Justice ». Or ce budget est en baisse s’agissant des crédits consacrés aux aménagements de peine. Par ailleurs, il nous semble que le Parlement ne contrôle pas suffisamment les moyens dédiés à cette politique. Il faut sortir, de notre point de vue, d’un discours d’apparat, qui a le mérite de nous donner bonne conscience mais ne suffit pas à assurer l’effectivité de la politique de développement des aménagements de peine.

M. Bruno Questel, rapporteur pour avis « Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse ». Au risque de décevoir les espoirs de Mme Obono, j’émets, une nouvelle fois, un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement n° II-CL37.


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FICHE N° 1 : CHIFFRES CLÉS DE L’administration pénitentiaire

Au 1er janvier 2017

Nombre total d’établissements

185

 dont maisons d’arrêt

82

 dont centres de détention

26

 dont centres pénitentiaires

54

 dont centres de semi-liberté

11

 dont établissements pour mineurs

6

 dont maisons centrales

6

Capacité opérationnelle des établissements

58 681

Taux d’occupation

117 %

 en maisons d’arrêt (ou quartiers)

140 %

 en centres de détention (ou quartiers)

90 %

 en maisons centrales (ou quartiers)

72 %

 en centres pour peine aménagée (ou quartiers)

70 %

 en centres de semi-liberté (ou quartiers)

66 %

 en établissements pour mineurs (ou quartiers)

67 %

 au centre national d’évaluation de Fresnes

69 %

Nombre de matelas au sol

1 638

Nombre d’écroués détenus

68 432

 dont prévenus

19 498

 dont condamnés en semi-liberté

1 659

 dont condamnés en placement extérieur hébergés

319

 dont condamnés hors semi-liberté et placement extérieur hébergé

46 956

Nombre d’écroués non détenus

10 364

 dont condamnés en placement sous surveillance électronique

9 801

 dont condamnés en placement extérieur non hébergés

563

Nombre d’écroués en aménagement de peine

11 913

 dont condamnés en semi-liberté

1 553

 dont condamnés en placement sous surveillance électronique (aménagement de peine)

9 505

 dont condamnés en placement extérieur

855

Part des aménagés sur l’ensemble des personnes écrouées

20,1 %

Nombre de personnes suivies par les services pénitentiaires d’insertion et de probation en milieu ouvert

164 146

Nombre de sursis avec mise à l’épreuve

124 441

Nombre de libérations conditionnelles

5 779

Nombre de travaux d’intérêt général (TIG) et sursis TIG

39 073

Nombre de suivis socio-judiciaires

6 088

Nombre de contraintes pénales

1 861

Nombre de travaux non rémunérés

1 720

Nombre de contrôles judiciaires

3 482

Nombre d’agents de l’administration pénitentiaire

39 414

 dont personnels de surveillance

27 849

 dont personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation

5 095

FICHE N° 2 : CHIFFRES CLÉS DE de la protection
judiciaire de la jeunesse

Au 1er juillet 2017

Nombre d’établissements et services du secteur public

216

 dont établissements de placement

80

     dont établissements de placement éducatif

33

          (dont centres éducatifs renforcés)

(4)

     dont établissements de placement éducatif et d’insertion

30

     dont centres éducatifs fermés

17

 dont services de milieu ouvert, d’insertion et d’investigation

129

     dont services territoriaux éducatifs de milieu ouvert

92

     dont services territoriaux éducatifs de milieu ouvert et d’insertion

24

     dont services territoriaux éducatifs d’insertion

12

     dont services éducatifs auprès des tribunaux

1

 dont services éducatifs au sein d’établissements pour mineurs

6

 dont service éducatif au centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis

1

Nombre d’établissements et services du secteur associatif habilité

1 022

 financés exclusivement par l’État

245

 dont établissements et services de placement

711

     dont centres éducatifs fermés

35

     dont centres éducatifs renforcés

48

     dont centres de placement immédiat

2

     dont foyers et autres lieux de placements

226

     dont maisons d’enfants à caractère social

149

     dont lieux de vie

96

     dont centres d’hébergement diversifié

52

     dont centres de placement familial et socio-éducatif

41

     dont centres scolaires et professionnels

59

     dont foyers de jeunes travailleurs

3

 dont services de milieu ouvert, d’investigation et d’insertion

311

     dont services d’investigation

86

     dont services de réparation pénale

39

     dont services d’action éducative en milieu ouvert

176

     dont services d’insertion

10

Nombre de mesures prises en charge (derniers chiffres disponibles : 2016)

212 423

 par le secteur public

175 771

 par le secteur associatif habilité

36 652

Nombre de mineurs écroués

769

 dont détenus

758

 dont prévenus

574

 dont condamnés (y compris mineurs écroués non détenus)

195

Nombre de sanctions éducatives

2 745

 dont aides ou réparations

545

 dont stages de formation civique

1 816

 dont autres sanctions

384

Nombre d’agents de la protection judiciaire de la jeunesse

9 003


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fiche n° 3 : Le durcissement de la politique pÉnale
À l’Égard des mineurs terroristes

Parmi les textes récemment adoptés en matière de lutte contre le terrorisme, deux lois ont tout particulièrement durci les dispositions applicables aux mineurs préparant ou commettant des actes terroristes :

–  la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale ;

–  et la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.

–  rétablissement de l’autorisation parentale de sortie du territoire (article 371-6 du code civil) ;

–  instauration d’une interdiction administrative de sortie du territoire à l’égard de tout Français « lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il projette (…) des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes ou des déplacements à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français » (article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure) ;

–  création d’un contrôle administratif des retours sur le territoire national (articles L. 225-1 et suivants du même code).

Ces mesures s’inscrivent en complément de l’opposition parentale à la sortie du territoire et de l’interdiction judiciaire de sortie du territoire (articles 373‑2-6 et 375-7 du code civil) décidée soit par le juge aux affaires familiales lorsqu’il statue sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, soit par le juge des enfants lorsqu’il prononce des mesures d’assistance éducative.

–  augmentation de la durée totale de la détention provisoire applicable aux mineurs âgés de 16 à 18 ans à 2 ans pour l’instruction du délit d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et à 3 ans pour l’instruction des crimes terroristes d’atteintes volontaires à la vie, à l’intégrité des personnes, d’enlèvements et de séquestration, de détournements de moyens de transports, de direction d’une association de malfaiteurs et d’association de malfaiteurs aggravée (article 726-24-4 du code de procédure pénale) ;

–  exclusion du bénéfice des dispositions relatives à la suspension et au fractionnement des peines privatives de liberté (article 720-1 du même code), au placement à l’extérieur et à la semi-liberté (article 723-1 du même code) ainsi qu’aux crédits de réduction de peine « automatiques » (article 721-1-1 du même code) ;

–  restriction des conditions d’octroi de la libération conditionnelle, avec, notamment, la possibilité pour le tribunal de l’application des peines de s’opposer à la libération lorsqu’elle « est susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public » (article 730-2-1 du même code) ;

–  création d’une nouvelle obligation particulière au sursis avec mise à l’épreuve et au contrôle judiciaire, consistant à « respecter les conditions d’une prise en charge sanitaire, sociale, éducative ou psychologique, destinée à permettre sa réinsertion et l’acquisition des valeurs de la citoyenneté », cette prise en charge pouvant, « le cas échéant, intervenir au sein d’un établissement d’accueil adapté dans lequel le condamné est tenu de résider » (articles 132-45 et 138 du même code) ;

–  extension de l’application des dispositions relatives au suivi socio-judiciaire aux personnes coupables d’actes de terrorisme (article 421-8 du code pénal).

 


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personnes entendues

MINISTÈRES ET ADMINISTRATIONS

    M. Stéphane Bredin, directeur

    M. Pierre Azzopardi, sous-directeur du pilotage et du soutien des services

    M. Pascal Spenlé, sous-directeur de la sécurité pénitentiaire

    Mme Sabrina Spitz, cheffe du bureau de la synthèse

    Mme Madeleine Mathieu, directrice

    M. Franck Chaulet, sous-directeur du pilotage et de l’optimisation des moyens

    Mme Delphine Bergère-Ducote, responsable de la mission nationale de veille et d’information

    Mme Muriel Domenach, secrétaire générale

    Mme Léonor Sauvage, chargée de mission au secrétariat général

AUTORITÉS ADMINISTRATIVES INDÉPENDANTES

    M. André Ferragne, secrétaire général du Contrôleur général des lieux de privation de liberté

REPRÉSENTANTS DU PERSONNEL

    CFDT – INTERCO : Mmes Rose-Marie Pellegrino, chargée de mission fédérale, Lucie Deroeux, Angélique Vanderzwaen et M. Frédéric Izydorczyk, membres

    CFTC – JUSTICE : M. Sègla Blaise Gangbazo, secrétaire général, et Mme Maridza Maurin, conseillère technique

    SNP – FO DIRECTION : M. Ivan Gombert, secrétaire national

    UFAP – UNSA : MM. David Calogine, secrétaire général adjoint, et Laurent Scassellati, secrétaire national

    CGT – PJJ : M. Thierry Tame, secrétaire général adjoint et Mme Aurélie Posadzki, coordinatrice des commissions administratives paritaires

    SNPES-PJJ/FSU : Mme Nathalie Caron, secrétaire nationale, et M. Vito Fortunato, secrétaire national

    SNPPJJ – UNSA : Mme Béatrice Briout, secrétaire générale

REPRÉSENTANTS ASSOCIATIFS ET CULTUELS

    Mme Christina Rinaldis, membre de l’association, vice-présidente du tribunal pour enfants de Bobigny

    Mme Sophie Bouttier, déléguée régionale, vice-présidente du tribunal pour enfants de Marseille

    M. Paul Marconot, président national

    Mme Laurence Fayet, déléguée générale

    M. Moulay El Hassan El Alaoui Talibi, aumônier national musulman des prisons

    M. Alexis Saurin, président

    M. Bernard Lecogne, trésorier

    M. Jérôme Voiturier, directeur général

    M. Jean-Pierre Rosenczveig, président de la commission « Enfances, familles, jeunesses »

JURIDICTIONS

    M. François Molins, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris

    Mme Camille Hennetier, vice-procureure, cheffe de la section antiterroriste du parquet de Paris

    Mme Pascale Bruston, première vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris, chargée des fonctions de juge des enfants, présidente du tribunal pour enfants de Paris

    M. Thierry Baranger, premier vice-président du tribunal de grande instance de Bobigny, chargé des fonctions de juge des enfants, président du tribunal pour enfants de Bobigny

 


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DÉplacement effectuÉ

MAISON D’ARRÊT D’OSNY-PONTOISE

(QUARTIER D’ÉVALUATION DE LA RADICALISATION)

20 septembre 2017, en commun avec le déplacement effectué par la présidente de la commission des Lois et le rapporteur du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

 

      M. Stéphane Bredin, directeur de l’administration pénitentiaire

      M. Pierre Maitrot, sous-directeur de la sécurité pénitentiaire à la direction de l’administration pénitentiaire

      Mme Géraldine Blin, chargée de mission « radicalisation » à la direction de l’administration pénitentiaire

      M. Ludovic Friat, adjoint à la cheffe du bureau du renseignement pénitentiaire

      M. Renaud Seveyras, directeur interrégional adjoint, directeur des politiques pénitentiaires, à la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris

      M. Yves Feuillerat, directeur de la maison d’arrêt d’Osny-Pontoise

      Mme Delphine Sene, adjointe au directeur de la maison d’arrêt d’Osny-Pontoise

      Mme Stéphanie Baldassi, directrice des services pénitentiaires d’insertion et de probation

      Représentants des organisations syndicales


([1]) Les autres programmes de la mission « Justice » – le programme qui concourt à l’organisation et au fonctionnement des juridictions, les deux programmes transversaux portant sur l’accès au droit et à la justice et les fonctions d’état-major, législatives et de support ainsi que le programme dédié au Conseil supérieur de la magistrature – font l’objet d’un avis budgétaire distinct (voir l’avis n° 278, tome VIII, fait par Mme Laetitia Avia au nom de la commission des Lois sur le projet de loi de finances pour 2018).

([2]) Dans la loi de finances pour 2017, 1,158 milliard d’euros était annoncé en AE sur un total de 1,789 milliard d’euros affecté à l’accueil et à l’accompagnement des personnes placées sous main de justice.

([3]) Pour le reste, il s’agit de tirer les conséquences de la bascule partielle en gestion publique des prestations de services à la personne de la maison centrale d’Arles jusqu’alors assurées par un marché de gestion déléguée (reprise de 18 emplois du personnel des prestataires) et d’intégrer dans le ministère de la justice des personnels auparavant rémunérés sur le budget de fonctionnement de Wallis-et-Futuna (9 emplois).

([4]) Telles que la réforme statutaire des directeurs des services pénitentiaires, la revalorisation de la prime de sujétions spéciales de certains corps et du régime indemnitaire de la filière des personnels d’insertion et de probation.

([5]) Projet annuel de performance de la mission « Justice » annexé au projet de loi de finances pour 2018, p. 8.

([6]) Garde des personnes détenues, contrôle des personnes placées sous main de justice, aménagements de peines, alternatives à l’incarcération, gestion du parc immobilier, sécurité intérieure et extérieure de la détention.

([7]) Structures combinant des places de semi-liberté ainsi que des places de courtes peines et pour peines aménagées.

([8]) 3 163 conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et 236 assistants de service social.

([9]) Introduit par la loi de programmation relative à l’exécution des peines du 27 mars 2012, l’article 12-3 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante dispose qu’à l’issue du prononcé par un magistrat du siège d’une décision ordonnant une mesure ou une sanction éducative (mesures judiciaires d’investigation éducative prises dans le cadre pénal, mesures et sanctions éducatives, mesures et peines restrictives de liberté), le mineur et sa famille se voient remettre une convocation à comparaître devant le service de la protection judiciaire de la jeunesse dans un délai maximal de cinq jours.

([10]) Gestion nationale des personnes écrouées pour le suivi individualisé et la sécurité : consultable par le personnel de l’administration pénitentiaire mais aussi par le juge d’application de peines, il a pour finalité la mise à exécution des décisions prises par les autorités judiciaires, la gestion de vie en détention et la réinsertion des personnes.

([11]) Traitement automatisé de données à caractère personnel relatif à l’assistance au suivi du traitement de la radicalisation en services éducatifs.

([12]) Voir infra, B du présent I.

([13]) Note du 10 février 2017 relative à la prise en charge éducative des mineurs radicalisés ou en danger de radicalisation violente.

([14]) F. Khosrokhavar, Radicalisation, Paris, éditions de la maison des sciences de l’homme, coll. « Interventions », 2014.

([15]) Note du 10 février 2017 précitée.

([16]) Les 4 autres mineurs ne seraient plus concernés par ce dispositif, soit, pour deux d’entre eux, parce qu’ils auraient, depuis leur retour, quitté le territoire pour s’installer à l’étranger, soit, pour deux autres, parce qu’ils seraient devenus majeurs.

([17]) Instruction du Premier ministre du 23 mars 2017 (n° 5923/SG) relative à la prise en charge des mineurs à leur retour de zone irako-syrienne et circulaire du 24 mars 2017 relative aux dispositions en assistance éducative de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 et au suivi des mineurs de retour de zone irako-syrienne (NOR : JUSF1709228C).

([18]) Ce chiffre exclut donc les mineurs de retour de la zone irako-syrienne pour lesquels une mesure a été confiée exclusivement aux départements au titre de l’aide sociale à l’enfance ainsi que ceux pour lesquels aucune mesure n’a été prononcée.

([19]) Un père, dont les enfants sont issus d’une union avec 4 mères différentes, est commun à 4 dossiers.

([20]) Pour rappel, le tribunal pour enfants est compétent pour juger les mineurs poursuivis, dans les cas les plus graves, en matière correctionnelle ainsi qu’à l’égard des mineurs poursuivis en matière criminelle jusqu’à l’âge de 15 ans. La cour d’assises des mineurs n’est compétente qu’à l’égard des mineurs poursuivis en matière criminelle âgés de 16 ans ou plus.

([21]) La mesure judiciaire d’investigation éducative est ordonnée principalement durant la phase d’information (procédure d’assistance éducative) ou durant la phase d’instruction (cadre pénal) en vue de recueillir des éléments sur la personnalité du mineur, sur sa situation familiale et sociale et d’analyser les difficultés qu’il rencontre.

([22]) Note du 10 février 2017 précitée.

([23]) 1 référent à l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse, 9 référents en directions interrégionales et 60 référents dans les 54 directions territoriales.

([24]) Loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

([25]) Loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste.

([26]) Circulaire du 24 mai 2013 relative au régime de détention des mineurs (NOR : JUSK1340024C).

([27]) Un protocole spécifique de mise en œuvre des contrôles judiciaires prononcés contre des personnes mises en examen pour des faits de terrorisme a été signé le 28 décembre 2015 entre la direction de l’administration pénitentiaire, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, la direction des affaires criminelles et des grâces, la cour d’appel de Paris et le tribunal de grande instance de Paris.

([28]) Hors compte d’affectation spéciale Pensions.

([29]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/commissions_elargies/cr/