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N° 820
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.
PROPOSITION DE LOI
pour une pêche française prospère et durable,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Jimmy PAHUN, Mme Sandrine LE FEUR, M. Damien GIRARD, M. Jean-Michel BRARD, M. Erwan BALANANT, Mme Eléonore CAROIT, M. Michel CASTELLANI, M. Dominique POTIER, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Jean-Yves BONY, M. Marcellin NADEAU, M. Moerani FRÉBAULT, Mme Marie-Ange ROUSSELOT, Mme Louise MOREL, Mme Claudia ROUAUX, M. Benoît BITEAU, M. Christophe BLANCHET, M. Nicolas BONNET, Mme Colette CAPDEVIELLE, Mme Danièle CARTERON, M. Lionel CAUSSE, M. Paul-André COLOMBANI, M. Mickaël COSSON, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT, M. Olivier FALORNI, M. Jean-Marie FIÉVET, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, M. Sacha HOULIÉ, M. Cyrille ISAAC-SIBILLE, Mme Sandrine JOSSO, M. Daniel LABARONNE, M. Fabien LAINÉ, M. Philippe LATOMBE, M. Pascal LECAMP, M. Gérard LESEUL, Mme Delphine LINGEMANN, M. Éric MARTINEAU, M. Jean-Paul MATTEI, M. Laurent MAZAURY, Mme Sophie METTE, M. Christophe NAEGELEN, M. Karl OLIVE, M. Hubert OTT, Mme Julie OZENNE, M. Didier PADEY, M. Frédéric PETIT, Mme Maud PETIT, M. Christophe PLASSARD, Mme Josy POUEYTO, M. Pierre PRIBETICH, M. Richard RAMOS, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Mikaele SEO, M. Olivier SERVA, M. Vincent THIÉBAUT, M. Nicolas THIERRY, M. Philippe VIGIER, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. Philippe BOLO, M. Bruno FUCHS, Mme Mélanie THOMIN,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans Pêcheurs d’Islande, Pierre Loti raconte le pays de Paimpol, au temps des grandes campagnes de pêche à la morue, « ce pays marin, qui paraissait être sans arbres, tapissé d’ajoncs ras et semé de pierres ». Il y dépeint la vie de ces communautés littorales dont l’esprit et les traditions se sont forgés au contact permanent de la mer. L’écrivain et officier de marine illustre ainsi magnifiquement l’importance de la pêche pour l’identité et la vitalité de nos littoraux.
Avant de pratiquer la grande pêche en Islande, dès le milieu du XIXe siècle, les pêcheurs bretons l’avaient pratiquée pendant des siècles au large de Terre‑Neuve. La morue y était alors présente en abondance. Après la seconde guerre mondiale, elle fait l’objet d’une pêche intensive jusqu’à l’effondrement quasi complet de la ressource et la fermeture de la principale zone de pêche en 1992. La mauvaise gestion de la ressource halieutique aura donc eu raison tant de la bonne santé des écosystèmes marins que des communautés littorales qui en dépendaient fortement. Cet épisode malheureux nous rappelle, s’il en était besoin, que l’avenir de la pêche et des pêcheurs est étroitement lié à celui de l’océan.
Ce rappel doit amener la pêche française à opérer sa révolution, au bénéfice des pêcheurs, des territoires littoraux et des écosystèmes marins. Car si la politique commune de la pêche a produit des effets significatifs, en France et en Europe, en organisant la gestion de la ressource, force est de constater que l’organisation et le fonctionnement de la pêche française ne sont plus adaptés aux défis de notre époque, à savoir le renouvellement des générations de marins et la transition écologique. Deux impératifs pour préserver notre souveraineté alimentaire et favoriser la création de richesses et d’emplois locaux.
Depuis plusieurs années, les crises se succèdent et s’accentuent : le Brexit a laissé des traces et le prix du gazole ne cesse d’augmenter, tandis que la consommation des produits de la mer continue de diminuer, comme le nombre de navires en activité et que le pays reste très largement dépendant des importations. Les pêcheurs ont le sentiment de subir ces aléas économiques et les exigences nouvelles liées à la protection de la biodiversité et à la lutte contre le changement climatique. Il importe donc de travailler au rétablissement de la confiance avec cette grande partie de la profession qui s’estime insuffisamment écoutée et considérée, afin d’amorcer une transition sociale et écologique juste. Cela implique, en premier lieu, de réformer en profondeur la gouvernance de la filière pêche.
La gouvernance de la pêche française est critiquée pour sa complexité, son manque de transparence et de représentativité. Ces éléments ressortaient déjà de la consultation menée auprès des professionnels par Mme Annaïck Le Meur, députée du Finistère, dans le cadre d’une mission d’information, en 2019 ([1]).
Une réforme de la gouvernance est donc attendue. Il convient, en particulier, d’assurer une juste représentation des entreprises de pêche artisanale, notamment de la petite pêche côtière, au sein du comité national des pêches et des comités régionaux et départementaux des pêches. La flotte française compte, en effet, une majorité de petits navires : 80 % de moins de 12 mètres, 15 % entre 12 et 24 mètres, 4 % entre 24 et 40 mètres, et moins de 1 % de plus de 40 mètres ([2]).
De même, la composition des conseils de ces comités ne reflète pas la place des femmes au sein de la filière pêche, en amont et en aval. Le conseil du comité national des pêches compte, aujourd’hui, moins de 10 % de femmes, alors qu’elles représentent un tiers des effectifs de la filière ([3]). Sans vouloir y établir la parité - moins de 2 % des pêcheurs embarqués étant des femmes – il est légitime de tendre vers une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes de la pêche.
Par ailleurs, des limites devraient être posées à l’exercice simultané de mandats au sein des comités pêches, afin d’intéresser davantage de professionnels à l’organisation de leur secteur et favoriser le renouvellement des générations.
Ces évolutions redonneront de la vitalité démocratique à une filière pêche marquée par une faible participation aux élections professionnelles. En 2022, lors des dernières élections des comités des pêches, la participation globale stagnait à près de 20 %, avec de grandes disparités selon les régions (9 % en Pays de la Loire, 13 % en Bretagne, 36 % en Provence Alpes Côte d’Azur, par exemple) ([4]).
L’organisation d’un dialogue permanent, ouvert et transparent entre les pêcheurs, les associations environnementales et les scientifiques est un autre enjeu que la gouvernance actuelle ne traite qu’insuffisamment. Tant du côté des pêcheurs que des associations environnementales, des voix s’élèvent pour regretter l’absence de dialogue entre des mondes qui parfois ne se comprennent plus ni ne se parlent ([5]). Ce manque est facteur de frustrations et de tensions, comme sur la problématique des captures accidentelles de cétacés dans le Golfe de Gascogne : le recours au juge administratif signe l’échec collectif de la concertation ; il nous empêche de penser les enjeux dans leur globalité et nous conduit à prendre trop vite des mesures incomplètes
Des instances de concertation doivent donc être mis en place, afin de réduire les fractures et restaurer la confiance, avec l’objectif de concilier efficacement les enjeux de pêche et de préservation de la biodiversité marine ([6]). Il est, pour cela, proposé d’expérimenter une forme nouvelle de gouvernance, à l’échelle d’un territoire ou d’une pêcherie. Cette expérimentation, d’une durée de cinq ans, doit, non seulement, être ouverte à la profession dans sa grande diversité, mais également à l’ensemble des usagers de la mer et du littoral, afin d’organiser une gestion intégrée et concertée de la pêche. Dans le cadre du Grenelle de la Mer, il avait été décidé d’expérimenter une telle « approche écosystémique et concertée des pêches à travers la mise en place d’unités d’exploitation et de gestion concertées (UEGC) », sans que cela soit finalement suivi d’effet ([7]). La Catalogne offre, également, un exemple dont il convient de s’inspirer ([8]).
La répartition des quotas fait aussi l’objet de critiques, tant par les professionnels eux‑mêmes que les associations environnementales. L’Autorité de la concurrence a également pu juger ce système facteur d’inégalité intergénérationnelle et de risques concurrentiels ([9]).
Les critères pour l’attribution des autorisations de pêche sont au nombre de trois : l’antériorité des producteurs, les orientations du marché et les équilibres économiques (art. L. 921‑2 du code rural et de la pêche maritime). Le règlement de la Politique commune de la pêche stipule en outre que les États tiennent compte de critères sociaux et environnementaux dans le partage des quotas.
Alors que se pose avec acuité la question du renouvellement des générations de pêcheurs, la prévalence du critère d’antériorité est un frein à la création de nouvelles entreprises de pêche artisanale. En effet, les prix de vente des navires auxquels sont attachés d’importants droits de pêche les rendent inaccessibles aux jeunes pêcheurs ([10]). De même, les délais pour l’obtention de licence de pêche peuvent être assez longs pour les jeunes professionnels qui débutent. En outre, le critère d’antériorité nuit à la petite pêche côtière dans la répartition des quotas du fait d’une faible adhésion aux organisations de producteurs entre 2000 et 2003, période de référence pour le partage des sous‑quotas ([11]).
Une réforme des critères d’attribution de quotas devrait ainsi permettre de favoriser les « opérateurs qui pêchent de la manière la moins dommageable pour l’environnement et [qui] apportent le plus d’avantages à la société » comme souhaité à l’alinéa 33 du règlement européen relatif à la politique de la pêche et rendu possible par son article 17 ([12]).
Le chalutage est une technique très consommatrice de carburant. On estime qu’il faut entre 1 et 2 litres de gazole pour pêcher 1 kilogramme de poissons. À l’inverse, les arts dormants (filet, ligne, casier) sont beaucoup moins consommateurs de carburant. Cette dépendance aux énergies fossiles fragilise la pêche en la soumettant, à court‑terme, aux aléas de la conjoncture internationale. À long‑terme, c’est la question même de son avenir qui peut être posée, alors que le prix du gazole continuera inexorablement d’augmenter.
Face aux envolées conjoncturelles du prix du gazole, l’État soutient la trésorerie des armements par l’octroi d’une aide « à la pompe », aujourd’hui de 20 centimes par litre de carburant dans la limite de 335 000 euros par entreprise et par an. Indispensable à court et moyen‑termes, cette solution seule n’est pas viable à plus long‑terme. La prolongation de ce dispositif, et son accentuation, se heurtent à l’exigence de maîtrise de la dépense publique et aux règles européennes en matière d’aides d’État. La pêche française a donc besoin de réformes profondes, structurelles pour prospérer et retrouver de la sérénité.
L’efficacité énergétique des navires de pêche fait l’objet d’importants travaux, souvent soutenus par la puissance publique. Ils portent, par exemple, sur la forme de la coque ou les systèmes de propulsion. La décarbonation de la flotte serait notamment réalisée par le déploiement de l’hydrogène vert ([13]). Or, si ces pistes méritent d’être poursuivies, les incertitudes inhérentes aux processus de recherche et développement doivent nous encourager à envisager d’autres solutions, moins coûteuses et immédiatement disponibles. Il s’agirait alors d’organiser la transition des flottes vers des techniques et des engins de pêche moins consommateurs de carburant par l’élaboration d’une stratégie nationale.
Compte tenu des contraintes économiques, les chalutiers sont déjà en régression et subissent de plein fouet les plans de sortie de flotte, autrement appelés « plans de casse des navires ». Si rien n’est fait cette évolution ira en s’accélérant en raison des contraintes économiques, mais aussi des impératifs de la décarbonation et des enjeux de restauration de la biodiversité. Mal anticipée, une telle évolution déstabiliserait toute la filière et mettrait à mal notre souveraineté alimentaire. A contrario, organiser la transition redonnerait aux pêcheurs la maîtrise de leur avenir. Cela leur permettrait d’anticiper collectivement les transitions pour ne plus les subir, pour transformer plutôt que casser, et pour progressivement construire des alternatives au chalut, notamment pour la pêche hauturière.
Par ailleurs, cette mesure contribuerait à l’avènement d’une pêche durable. En moyenne, les fonds marins de l’Hexagone voient passer les chalutiers plusieurs fois par an. Certaines zones sont travaillées plusieurs dizaines de fois par an, comme le Golfe de Gascogne pour la pêche à la langoustine. Or, les impacts du chalut de fond sur le milieu marin sont bien documentés. L’Ifremer a notamment réalisé une matrice mettant en rapport les types d’engins de pêche et les pressions sur le milieu ([14]). Il ressort de ce tableau que les chaluts de fond à panneaux et à perche génèrent le plus grand nombre de pressions sur les fonds marins. L’abrasion plus ou moins profonde, le remaniement des sédiments et leur mise en suspension peuvent causer d’importants dommages aux habitats - notamment aux herbiers et aux récifs coralliens – et aux peuplements benthiques - vers marins, mollusques, crustacés, échinodermes - qui sont à la base des chaînes trophiques et qui constituent une source essentielle de la productivité de l’océan.
À l’échelle européenne, 79 % des fonds marins côtiers sont considérés comme physiquement perturbés, principalement par le chalutage de fond ([15]).
A ces pressions, s’ajoute la libération du dioxyde de carbone présent dans les sédiments marins ([16]). La moitié du gaz à effet de serre ainsi libéré se dissoudrait dans l’eau sous forme gazeuse et contribuerait à l’acidification de l’océan et donc à la dégradation des habitats, l’autre moitié rejoindrait l’atmosphère en quelques années et contribuerait donc directement au changement climatique.
Le bilan socio‑économique des flottilles de pêche varie en fonction de la taille des navires et de leurs techniques de pêche ([17]). D’une manière générale, plus les navires sont grands, moins ils sont créateurs de richesses et d’emplois. Les navires côtiers, qu’ils utilisent la drague, le filet, la ligne ou le chalut, ont de meilleures performances socio‑économiques. Comme rappelé plus haut, la flotte française compte une majorité de petits navires. Aux Antilles, la pêche est exclusivement artisanale. En Guyane, la taille des navires ne dépasse pas 24 mètres. À la Réunion, leur taille moyenne est de 8,5 mètres ([18]).
Les navires de plus de 25 mètres sont rares à travailler à moins de 12 milles nautiques des côtes mais les pêcheurs côtiers en observent de plus en plus venir en‑deçà de cette limite pour pêcher. Par exemple, en Manche, l’activité de chalutiers pélagiques de plus de 80 mètres ([19]) à l’intérieur des eaux territoriales n’est pas sans inquiéter les pêcheurs côtiers ([20]).
Les navires de grandes tailles sont aussi les plus consommateurs de carburant et donc les plus exposés à la progression croissante du prix du gazole. Pour cette raison, certaines organisations de pêche ont fait le choix de stopper l’acquisition de navires de plus de 25 mètres ([21]).
Il convient donc de conforter ce modèle de pêche que l’on peut appeler artisanale, riche en emplois, facteur de développement économique des territoires littoraux, en lui réservant l’accès aux eaux territoriales françaises, c’est‑à‑dire la bande côtière de 12 milles nautiques ([22]). Cette mesure, pour être efficace, devra s’appliquer à l’ensemble des navires, qu’ils soient sous pavillon français ou étranger.
Elle répondrait à la demande des comités régionaux des pêches de Normandie et des Hauts‑de‑France d’interdire les eaux territoriales aux senneurs de plus de 25 mètres ([23]). La senne démersale, aussi appelée « senne écossaise » ou « senne danoise », consiste à placer un filet à l’extrémité de deux câbles, pouvant couvrir des surfaces allant jusqu’à 3 kilomètres carrés. Cette technique, pratiquée par des navires pouvant mesurer jusqu’à 150 mètres, a de forts impacts sur les écosystèmes (faible sélectivité, captures de juvéniles, abrasion des fonds marins) et concurrence directement la pêche artisanale.
Les écosystèmes côtiers, y compris ceux des zones plus profondes, doivent faire l’objet d’une attention toute particulière. Ils sont fragiles en même temps qu’ils sont indispensables au renouvellement des ressources halieutiques et la fourniture de nombreux autres services écosystémiques dont nos sociétés dépendent. Certaines techniques de pêche y sont donc proscrites. C’est le cas du chalut à moins de 3 milles du rivage (article D. 922‑16 du code rural et de la pêche maritime). Cette précaution souffre, cependant, de nombreuses dérogations, y compris dans des espaces protégés au titre du code de l’environnement. Des dérogations décidées contre l’avis des scientifiques, notamment ceux de l’Ifremer ([24]). Des dérogations parfois très anciennes qui n’ont jamais fait l’objet de réévaluation, à l’image de celle de 1956 autorisant le chalutage autour des îles de Houat et d’Hoedic, pourtant classées depuis 2007 en zone Natura 2000.
Il apparaît donc opportun de conforter l’interdiction de principe en excluant la possibilité d’y déroger dans les espaces protégés.
La pêche française profitera aussi du développement des aires marines protégées (AMP). Leurs bénéfices ne sont pas uniquement écologiques mais aussi socio‑économiques ([25]). Plus le niveau de protection est élevé, plus ceux‑ci sont importants ([26]). A titre d’exemple, par effet de débordement, les poissons capturés aux abords d’une AMP intégralement protégée sont plus grands, plus nombreux et plus divers.
La France s’est fixée comme objectifs de couvrir 30 % de ses eaux par des AMP dont un tiers sous protection forte. L’UICN et la communauté scientifique parlent de protection « intégrale » ([27]) et la Commission européenne de protection « stricte »[28], c’est‑à‑dire, de zones dédiées à la restauration et la protection de la biodiversité selon une approche écosystémique, où le prélèvement des ressources naturelles et minérales est interdit.
La France a cependant fait le choix de ne pas retenir ces critères internationaux pour ne pas exclure par nature les activités humaines dont la pêche[29] alors que la protection intégrale ne doit pas être perçue en opposition à la pêche, mais au contraire, comme un outil de gestion spatiale pour soutenir les activités de pêche sur le long‑terme. Le décret du 12 avril 2022 précise donc qu’une AMP sous protection forte est « une zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques sont absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en œuvre d’une protection foncière ou d’une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées. » Ainsi rédigée, la définition d’une AMP forte française correspond au niveau le plus faible exigé pour justifier de l’appellation d’AMP selon les critères internationaux.
Aujourd’hui, 565 AMP couvrent 33 % de la zone économique exclusive française ([30]) mais seuls 1,6 % sont en protection intégrale ou haute[31]. Ainsi, 60 % de la Méditerranée française est déclarée en AMP pour 0,1 % en protection intégrale ou haute. De même, en Mer du Nord‑Manche‑Atlantique, 40 % de la ZEE est sous AMP pour 0,01 % en protection intégrale ou haute. Par ailleurs, la répartition des AMP peut demeurer inégale selon les zones de profondeur, accordant une priorité aux écosystèmes de surface (0‑30 mètres de profondeur), souvent au détriment des zones plus profondes (au‑delà de 30 mètres), alors même que les efforts de pêche y sont particulièrement importants ([32]).
L’objectif quantitatif de 10 % de protection forte ne doit pas nous faire préférer une définition qui ne respecterait pas les standards internationaux formalisés par la communauté scientifique internationale et les membres de l’UICN, dont la France fait partie. Seule une approche qualitative garantira une réelle protection des écosystèmes marins les plus fragiles.
Ces aires protégées fortes sont à construire pas à pas, dans le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes et, en premier lieu, les pêcheurs.
Les exemples de la Réserve naturelle de Cerbère‑Banyuls, du Parc national de Port‑Cros et Porquerolles et du Parc naturel de la mer de Corail en Nouvelle Calédonie démontrent que, dans ces conditions, de tels projets peuvent réussir – y compris en Hexagone – et surtout qu’ils sont efficaces ([33]). Ces laboratoires, dans lesquels les pêcheurs sont force de propositions, doivent maintenant inspirer d’autres territoires.
En outre, il convient de consolider l’enseignement maritime public en France en lui donnant une base juridique d’ordre législatif et plus seulement réglementaire, comme c’est déjà le cas pour l’enseignement agricole. Cela permet de le soumettre de manière explicite aux principes généraux de l’éducation nationale (développement personnel des élèves, insertion professionnelle, laïcité, liberté de conscience, lutte contre le harcèlement, etc.) en le reconnaissant comme une composante du service public de l’éducation.
Consolider juridiquement l’enseignement maritime permet d’assurer la pérennité de ses établissements et d’en améliorer la visibilité et l’attractivité. Un impératif au regard du défi que constitue le renouvellement des générations de marins. Un défi similaire à celui auquel l’agriculture fait face : les pêcheurs peuvent prétendre à la retraite dès 55 ans et un tiers d’entre eux sont, aujourd’hui, âgés de 45 à 55 ans. La pyramide des âges est donc déséquilibrée, d’autant plus que le secteur peine à fidéliser ses salariés. Un effort particulier est nécessaire s’agissant de la pêche côtière qui regroupe la majorité des emplois du secteur ([34]).
À l’instar de ce que prévoit l’article 3 du projet de loi dit d’orientation agricole pour l’enseignement agricole public, cette reconnaissance législative permet d’acter le rôle majeur joué par le réseau de l’enseignement maritime public en faveur du renouvellement des générations de marins actifs, comme en matière de transition écologique ([35]).
Conforter la pêche française c’est aussi agir contre les pratiques commerciales déloyales qui trompent le consommateur et favorisent l’importation de produits de moindre qualité. L’exemple de la coquille Saint‑Jacques est, à ce titre, parfaitement éclairant. En effet, depuis 1996, les pétoncles peuvent être commercialisées sous l’appellation « Saint‑Jacques » dès lors qu’elles sont transformées, soit en noix surgelée soit en plat cuisiné, et à la condition que soit précisé sur l’emballage le nom scientifique de l’espèce en question ([36]). Cette dernière mention devant permettre au consommateur de distinguer la vraie Saint‑Jacques (pecten maximus) de la pétoncle (pecten novaezelandis, Argopecten irradians, Placopecten magellicanus, etc.).
Malgré les efforts de sensibilisation du grand public entrepris sur ce sujet tant par les pouvoirs publics ([37]) que par la filière pêche, et la création de labels rouges valorisant la Saint‑Jacques de Normandie, force est de constater que la réglementation de 1996 ne garantit pas au consommateur une information claire et transparente. La confusion est d’autant plus grande lorsque des mentions telles que « à la normande » ou « fabriqué en Bretagne » sont ajoutées sur les emballages des plats transformés.
Il apparaît donc nécessaire de protéger les pêcheurs de vraies coquilles Saint‑Jacques d’une forme de concurrence déloyale, car les pétoncles commercialisées sous le nom « Saint‑Jacques » sont vendues à des prix bien inférieurs à ceux de la pecten maximus.
De même, il apparaît souhaitable de rendre obligatoire l’information du consommateur sur l’origine des produits de la mer servis dans la restauration, comme cela est déjà prévu pour les viandes. La loi pour l’économie bleue, du 20 juin 2016, n’en fait qu’une possibilité. Cela répondrait aux aspirations des consommateurs attentifs à la provenance des produits et soucieux de soutenir les filières locales pour des considérations écologiques et économiques. Les pêcheurs et les consommateurs bénéficieraient aussi d’une meilleure information sur les produits de la mer transformés car il existe un lien avéré entre certaines de leurs propriétés et leur origine.
De la même manière, il apparaît nécessaire de clarifier les dénominations commerciales des espèces d’élasmobranches pour permettre au consommateur de distinguer, au sein d’une même famille, les espèces dont l’état des stocks est préoccupant. En effet, selon WWF France, la difficulté d’identifier les espèces de raies et requins pouvait auparavant justifier les dénominations génériques telles que « saumonette » et « raie ». Cependant, de nombreuses démarches ont été mises en place par les structures professionnelles, les criées et les administrations depuis plusieurs années pour améliorer l’identification de ces espèces. Il est donc regrettable que les espèces de raies et requins puissent être commercialisées sous des dénominations génériques. Ces dernières participent au maintien d’une certaine confusion auprès des grossistes et consommateurs et conduisent au mélange d’espèces aux statuts biologiques et aux origines variées.
Il convient aussi de préserver les pêcheurs de la concurrence déloyale de produits importés issus de systèmes de production ne respectant pas les normes sanitaires et environnementales imposées par la réglementation européenne. Certaines formes d’aquaculture ont notamment de graves impacts sur les écosystèmes littoraux (rejets chimiques, échappement d’espèces, transmission de pathogènes et de parasites).
C’est notamment le cas de l’élevage de crevettes qui contribue à la déforestation des mangroves. Ces écosystèmes sont uniques et fragiles, ils jouent aussi un rôle important dans la captation du carbone. Ces 20 dernières années, 35 % des mangroves ont disparu, en partie, donc, à cause du développement de l’aquaculture ([38]). Ce phénomène est particulièrement prononcé en Asie (Birmanie, Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande, Vietnam, etc.) où se développe intensivement l’élevage de crevettes ([39]). En 2023, la France importait pour 761 millions d’euros de crevettes tropicales (+16 % par rapport à 2022). Pourtant, cette problématique est absente de la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée car celle‑ci ne prend pas en compte les produits issus de la pêche et de l’aquaculture. Il conviendrait de mettre en œuvre une Stratégie nationale de lutte contre l’importation de matières premières et de produits issus de l’aquaculture dont la production a contribué, directement ou indirectement, à la dégradation d’écosystèmes marins ou littoraux en dehors du territoire national.
Les crises traversées par le secteur de la pêche et de l’aquaculture ont renforcé le souhait des professionnels de donner une meilleure visibilité à leurs métiers et de les valoriser auprès des consommateurs ([40]).
Sur le modèle de l’agritourisme, la diversification du métier de pêcheur et d’aquaculteur par le développement d’activités liées au tourisme permettrait d’y apporter une réponse.
Le pescatourisme, notamment, consiste à embarquer des passagers à bord des navires de pêche afin de leur faire découvrir la pratique de ces métiers. La vente directe et l’ittitourisme comprennent des prestations basées sur la découverte et la dégustation des produits de la mer. Ces activités créent un lien véritable entre les professionnels de la mer et les consommateurs, tout en soutenant leurs revenus.
Il est donc proposé d’inclure ces activités dans la définition de la pêche et de l’aquaculture à l’article L. 911‑1 du code rural et de la pêche maritime ([41]), et de lever un frein à l’embarcation de passagers sur les navires de pêche.
La présente proposition de loi, construite avec des pêcheurs, des scientifiques et des associations environnementales, entend donc renouveler en profondeur la politique française des pêches, dans le respect de la politique commune des pêches. Par cohérence, ses objectifs, listés dans le code rural et de la pêche maritime, doivent être complétés afin d’expliciter l’ensemble des enjeux rencontrés par les filières (concurrence déloyale, équilibre des relations commerciales, renouvellement des générations, santé publique, transition énergétique, etc.), et réaffirmer la volonté de la puissance publique de les accompagner dans leur traitement. Le texte retranscrit donc dans le domaine de la pêche l’ambition portée dans le projet de loi d’orientation agricole.
Ainsi,
– l’article 1er vise à définir la politique de la pêche et des cultures marines au regard des enjeux économiques, sociaux et environnementaux de ces filières ;
– l’article 2 permet l’expérimentation d’une nouvelle forme de gouvernance de la pêche afin d’organiser, à l’échelle d’un territoire, une gestion intégrée et concertée de la pêche ;
– l’article 3 renforce la représentativité des organes de gouvernance de la pêche française ;
– l’article 4 garantit des conditions d’accès aux organisations de producteurs, des mesures de gestion des quotas objectives, transparentes et non discriminatoires et la juste représentation de la diversité des métiers au sein des conseils d’administration des organisateurs de producteurs ; et ajoute les critères de contribution à l’économie locale et de transition vers une pêche durable aux critères économiques et d’antériorité pour l’attribution des autorisations de pêche
– l’article 5 prévoit l’élaboration d’une stratégie nationale de transition des flottilles de pêche au chalut de fond vers des techniques moins dépendantes des fluctuations du prix des énergies fossiles ;
– l’article 6 interdit l’usage de navires de pêche supérieurs à 25 mètres à moins de 12 milles nautiques des côtes à compter du 1er janvier 2025 ; et renforce l’interdiction en vigueur de l’usage du chalut à moins de 3 milles des côtes pour une meilleure protection des écosystèmes sensibles ;
– l’article 7 aligne la définition française d’aire marine sous protection forte avec les normes mondiales de l’UICN et la définition de la protection stricte de la Commission européenne ;
– l’article 8 renforce l’information du consommateur en réservant la dénomination « saint‑jacques » à la seule espèce dont le nom est pecten maximus ; clarifie les dénominations commerciales des espèces de élasmobranches pour permettre au consommateur de distinguer, au sein d’une même famille, les espèces dont l’état des stocks est préoccupant ; rend obligatoire la mention de l’origine des produits de la mer proposés en restauration ainsi que la mention de l’origine pour les produits de la mer transformés ;
– l’article 9 établit une stratégie visant à mettre fin aux importations de produits issus de l’aquaculture contribuant à la dégradation des écosystèmes marins et littoraux ;
– l’article 10 élève la base juridique de l’enseignement maritime public au niveau législatif pour clarifier les principes auxquels il est soumis et consolider son réseau d’établissements ;
– l’article 11 ajoute à la définition de la pêche et de l’aquaculture l’exercice d’activités de diversification telles que le pescatourisme, la vente directe et l’ittitourisme ; et lève un frein à la diversification des activités et des revenus des pêcheurs ;
– l’article 12 permet d’octroyer la médaille d’honneur des marins aux marins disparus ou péris en mer sans condition de navigation ou de distinction ;
– l’article 13 gage la présente proposition de loi.
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proposition de loi
Titre Ier
Définir la politique des pêches et des cultures marines au regard des enjeux économiques, sociaux et environnementaux des filières
Article 1er
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 2 est ainsi rédigé :
« Art. 2. – La politique des pêches maritimes, de l’aquaculture marine et des activités halio‑alimentaires a pour objectifs, en conformité avec les principes et les règles de la politique commune des pêches et dans le respect des engagements internationaux :
« 1° De soutenir le revenu, de développer l’emploi et d’améliorer la qualité de vie des professionnels de ces filières ; de préserver des modèles d’entreprises artisanales ; de diversifier leurs activités ; de développer l’enseignement et la formation maritime telle que définie à l’article L. 916 du code de l’éducation ; d’assurer le renouvellement des générations de professionnels et l’accès des femmes aux métiers de la pêche ; de rechercher l’équilibre des relations commerciales, notamment par un meilleur partage de la valeur ajoutée ; et de préserver ces filières de la concurrence déloyale de produits importés issus de filières ne respectant pas les normes imposées par la réglementation européenne, y compris lors de la conclusion d’accords de libre‑échange ;
« 2° D’accompagner la transition écologique des filières des pêches maritimes et des cultures marines, pour permettre une exploitation et une valorisation durables du patrimoine collectif que constituent les ressources halieutiques, dans le cadre d’une approche écosystémique, reposant sur la science, pour réduire au minimum les incidences négatives sur le milieu marin, en particulier sur les habitats et les espèces sensibles, les juvéniles et les fonds marins, afin d’en garantir le bon état écologique et d’en préserver le rôle dans la régulation du climat ;
« 3° De contribuer à l’organisation collective des professionnels ; de garantir la représentativité des instances professionnelles et de s’assurer que leurs décisions, notamment celles relatives à l’attribution des quotas, reposent sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires ; de favoriser le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes à cette politique ;
« 4° De concourir à la souveraineté alimentaire de la France par le développement des filières de production et de transformation, et leur valeur ajoutée, en alliant performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire, afin qu’elles soient capables de relever le double défi de la compétitivité et de la transition écologique, dans un contexte de compétition internationale ;
« 5° D’encourager l’ancrage territorial de ces filières, y compris par la promotion de circuits courts, la modernisation et le développement durable d’activités diversifiées participant à la vie économique, sociale et culturelle des régions littorales ;
« 6° De contribuer à la sécurité alimentaire de la population en favorisant l’accès à une alimentation suffisante, sûre, saine, durable, diversifiée et nutritive, et de concourir à la lutte contre la précarité alimentaire telle que définie à l’article L. 266‑1 du code de l’action sociale et des familles ;
« 7° De promouvoir l’information des consommateurs quant aux lieux et aux modes de production et de transformation des produits de la mer, aux lieux et méthodes de pêche, ainsi qu’à l’état de la ressource ;
« 8° De favoriser le développement de la recherche et de l’innovation dans ces filières ;
« 9° De rééquilibrer les termes des échanges entre pays dans un cadre européen et de coopération internationale permettant un développement durable et équitable, en luttant contre la faim et en soutenant l’autonomie alimentaire dans le monde, et en contribuant à une pêche durable en haute mer et dans les eaux sous juridiction étrangère ;
« 10° De lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée ;
« 11° De favoriser l’acquisition pendant l’enfance et l’adolescence d’une culture générale de l’alimentation, de la pêche et des cultures marines en soulignant les enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique des choix alimentaires. »
2° L’article L. 911‑2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 911‑1. – Les objectifs de la politique des pêches maritimes, de l’aquaculture et des activités halio‑alimentaires sont définis à l’article L. 2 du présent code. »
2° Au deuxième alinéa du III de l’article L. 1, les mots : « de la biodiversité » sont remplacés par les mots : « des écosystèmes terrestres et marins ».
Titre II
Réformer la gouvernance de la pêche pour plus de dialogue, de représentativité et de transparence
Article 2
I. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans, il peut être dérogé aux dispositions du chapitre II du titre Ier du livre IX du code rural et de la pêche maritime relatives à l’organisation professionnelle des pêches maritimes et des élevages marins afin d’organiser, à l’échelle d’un territoire, une gestion intégrée et concertée de la pêche, dans le cadre d’une approche écosystémique, reposant sur la science et associant les pêcheurs dans toute la diversité de leurs pratiques, les scientifiques, les associations environnementales ainsi que l’ensemble des acteurs concernés.
II. – Les conditions de mise en œuvre de l’alinéa précédent sont définies par voie réglementaire. Elles précisent notamment les conditions d’évaluation des expérimentations en vue d’une éventuelle généralisation.
III. – Au cours de la cinquième année de l’expérimentation, le ministre chargé de la mer présente au Parlement un rapport d’évaluation des expérimentations menées au titre du présent article.
Article 3
La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 912‑1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « peuvent constituer » sont remplacés par le mot : « constituent » ;
b) Les mots : « antennes locales » sont remplacés par les mots » comités locaux » ;
c) Le mot : « auxquelles » est remplacé par le mot : « auxquels » ;
d) À la fin, les mots : « relevant de leurs missions de proximité » sont supprimés.
2° Après le II bis de l’article L. 912‑4, il est inséré un II ter ainsi rédigé :
« II ter. – La composition du comité national, des comités régionaux et des comités départementaux ou infra‑départementaux, ainsi que de leurs conseils, garantit la juste représentation des métiers et des modes de pêche. »
3° Après l’avant‑dernier alinéa de l’article L. 912‑5, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« Les mandats de président du comité national, de président de comité régional, de président de comité départemental ou interdépartemental sont incompatibles. Un décret en Conseil d’État précise les fonctions ou activités incompatibles avec les mandats de président du comité national, de président de comité régional, de président de comité départemental ou interdépartemental.
« La composition des conseils du comité national, des comités régionaux, départementaux et interdépartementaux tend vers une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. »
Article 4
Le livre IX du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au début de l’article L. 912‑12‑1, sont inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« La répartition des quotas de captures et les quotas d’effort de pêche fixée par le ministre chargé de la pêche maritime répond à des critères objectifs, transparents et non discriminatoires.
« Les règles de fonctionnement interne des organisations de producteurs garantissent que les décisions relatives à l’admission de nouveaux membres, à la révocation de membres et à la répartition de quotas de captures et d’efforts de pêche répondent à des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. »
2° L’article L. 912‑14 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La composition de leur conseil d’administration garantit la juste représentation des métiers et des modes de pêche. Elle tend vers une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. »
3° L’article L. 921‑2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq » ;
b) Après le quatrième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« – les nécessités de la transition vers une pêche durable ;
« – la contribution à l’économie locale, notamment en matière d’emploi. »
Titre III
Concilier les activités de pêche et la protection des écosystèmes marins pour en tirer les bénéfices socioéconomiques et environnementaux
Article 5
Après l’article L. 911‑4 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 911‑5 ainsi rédigé :
« Art. L. 911‑5 – I. – La stratégie nationale de transition des flottilles de pêche au chalut de fond, fixée par décret, définit la marche à suivre, à moyen et long termes, pour réduire la dépendance de la filière de la pêche française à l’augmentation du prix des énergies fossiles.
« II. – Le décret fixant la stratégie identifie les mesures permettant la transition des navires de pêche au chalut de fond vers d’autres pratiques de pêche, y compris par l’expérimentation et l’incitation. Elle fixe notamment les mesures relatives à l’attribution des permis de mise en exploitation des navires de pêche professionnelle et à la répartition des quotas qui contribuent à l’atteinte de ces objectifs. Elle prévoit les mesures d’accompagnement économique et social garantissant une transition juste.
« Chaque année, le Gouvernement établit un rapport, remis au Parlement, qui rend compte de la mise en œuvre de la stratégie.
« La stratégie est révisée tous les six ans.
« III. – L’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs en prennent en compte la stratégie dans leurs documents de planification et de programmation maritimes.
« IV. – Un décret en Conseil d’État précise le contenu de la stratégie et les modalités de son élaboration, de son adoption et de ses modifications et révisions. »
Article 6
Le titre II du livre IX du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 921‑8 est ainsi rétabli :
« Art. L. 921‑8. – À compter du 1er janvier 2026, l’usage des navires de pêche d’une longueur hors tout supérieure ou égale à vingt‑cinq mètres est interdit à moins de douze milles nautiques de la laisse de basse mer des côtes. »
2° La section 2 du chapitre II est complétée par un article L. 922‑2‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 922‑2‑1 – L’usage des filets remorqués est interdit à moins de trois milles de la laisse de basse mer des côtes. Un décret en Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à cette interdiction en dehors des aires marines protégées mentionnées à l’article L. 334‑1 du code de l’environnement, »
Article 7
Le dernier alinéa du I de l’article L. 110‑4 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au début, sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « La protection forte se caractérise notamment par l’absence de prélèvement des ressources naturelles et minérales. Les zones sous protection forte sont entièrement et légalement protégées, désignées pour conserver ou restaurer l’intégrité des zones naturelles riches en biodiversité, avec leur structure écologique sous‑jacente et les processus environnementaux naturels qui les soutiennent. » ;
2° À la fin, les mots : « de la protection forte mentionnée au premier alinéa » sont supprimés.
Titre IV
Valoriser les produits de la mer locaux et durables
Article 8
I. – Après l’article L. 641‑19‑1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 641‑19‑2 ainsi rédigé :
« Art. L. 641‑19‑2. – Les coquillages de la famille des pectinidés autres que l’espèce dont le nom scientifique est "pecten maximus” ne peuvent pas être commercialisés sous la dénomination "saint‑jacques”. »
II. – La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de la consommation est ainsi modifiée :
1° Est ajouté un article L. 412‑12‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 412‑12‑1. – Les dénominations commerciales des élasmobranches contribuent à garantir au consommateur une information claire et complète sur l’origine des produits. Elles lui permettent de distinguer, au sein d’une même famille, les espèces dont l’état des stocks est préoccupant. »
2° À la première phrase de l’article L. 412‑6, les mots : « peuvent préciser » sont remplacés par le mot : « précisent » ;
3° L’article L. 412‑4 est ainsi modifié :
a) Après le quatrième alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives à l’indication de l’origine des denrées alimentaires, les informations mentionnées au 1 de l’article 35 du règlement (UE) n° 1379/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l’aquaculture sont rendues obligatoires pour les produits de la mer utilisés en tant qu’ingrédient dans les produits transformés. » ;
b) Au cinquième alinéa, les mots : « et quatrième » sont remplacés par les mots : « , quatrième et cinquième ».
Article 9
Le titre Ier du livre Ier du code de l’environnement est complété par un article L. 110‑8 ainsi rédigé :
« Art. L. 110‑8. – En vue de mettre fin à l’importation de matières premières et de produits issus de l’aquaculture dont la production a contribué, directement ou indirectement, à la dégradation d’écosystèmes marins ou littoraux, y compris les mangroves, en dehors du territoire national, l’État élabore et met en œuvre une stratégie nationale, actualisée au moins tous les cinq ans. »
Titre V
Former et diversifier pour le renouvellement des générations, le revenu des professionnels et les transitions dans la pêche
Article 10
I. – Le chapitre II du titre IV du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 341‑2 ainsi rédigé :
« Art. L. 341‑2 – L’enseignement et la formation professionnelle maritimes sont organisés conformément aux dispositions des articles L. 916 et L. 917 du code rural et de la pêche maritime. »
II. – Le titre Ier du livre IX du code rural et de la pêche maritime est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Enseignement et la formation professionnelle publics maritimes
« Art. L. 916. – L’enseignement et la formation professionnelle publics maritimes sont une composante du service public de l’éducation. Ils relèvent du ministre chargé de la mer.
« Ils sont dispensés dans le respect des principes généraux de l’éducation prévus au livre Ier du code de l’éducation.
« Ils ont pour objet de former le personnel qualifié, autre que le personnel du service de santé, nécessaire à l’armement des navires de commerce, de pêche ou de plaisance ainsi que le personnel des entreprises de cultures marines.
« Ils répondent aux enjeux de développement des filières maritimes alliant performance économique, sociale, environnementale et sanitaire, de souveraineté alimentaire et stratégique, de renouvellement des générations de marins et de transition écologique. Ils contribuent également à sensibiliser la population dans ces domaines et à faire découvrir aux enfants la mer et ses métiers.
« Les établissements dispensant cet enseignement et cette formation professionnelle remplissent les missions suivantes :
« 1° Ils assurent une formation technologique et professionnelle initiale et continue ;
« 2° Ils participent à l’animation et au développement des territoires littoraux et des façades maritimes ;
« 3° Ils contribuent à l’insertion scolaire, sociale et professionnelle des jeunes et à l’insertion sociale et professionnelle des adultes ;
« 4° Ils contribuent aux activités de développement, d’expérimentation et d’innovation maritimes ;
« 5° Ils participent à des actions de coopération internationale, notamment en favorisant les échanges et l’accueil d’élèves, apprentis, étudiants, stagiaires et enseignants ;
« 6° Ils mettent en œuvre toute action visant à répondre durablement aux besoins en emplois nécessaires pour assurer la souveraineté alimentaire et l’autonomie stratégique, et assurent le développement des connaissances et compétences en matière de transition écologique.
« Les régions sont associées à la mise en œuvre de l’ensemble de ces missions.
« Art. L. 917. – La formation maritime est dispensée dans les établissements de formation professionnelle maritime qui comprennent :
« 1° L’École nationale supérieure maritime ;
« 2° Les lycées professionnels maritimes ;
« 3° Les établissements mentionnés à l’article L. 5547‑3 du code des transports.
« Des établissements d’enseignement autres que les établissements ou organismes précités peuvent également concourir à la formation maritime selon des modalités fixées par arrêté des ministres chargés de la mer et de l’éducation et, le cas échéant, du ministre chargé de l’agriculture. »
Article 11
I. – Après le 2° de l’article L. 911‑1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° L’exercice d’activités de diversification situées dans le prolongement direct de l’acte de production primaire défini au 1° et au 2°. » ;
II. – L’article L. 5235‑1 du code des transports est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « occasionnellement et » sont supprimés ;
2° Au second alinéa, le mot : « occasionnellement » est supprimé.
Article 12
La médaille d’honneur des marins instituée par la loi du 14 décembre 1901 peut être décernée, par le ministre en charge de la mer, sans condition de navigation ou de distinction aux marins disparus ou péris en mer.
Article 13
La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
([1]) Annaïg Le Meur, députée, Rapport d’information de la commission des affaires économiques sur la pêche, Assemblée nationale, octobre 2019.
([2]) FranceAgriMer, Chiffres clés des filières pêche et aquaculture en France en 2023, octobre 2023.
([3]) FranceAgriMer, Place des femmes dans les secteurs pêche et aquaculture en France, Les études de FranceAgriMer, août 2017.
([4]) Bernard Jégou, « Les résultats détaillés des élections des comités des pêches », Le Marin, mai 2022.
([5]) Union française des pêcheurs artisans, newsletter n°1, mars 2024.
([6]) J.-L. Joseph et G. Romiti,« Quelle pêche durable en mer face au changement climatique », CESE, avis, mars 2021.
([7]) Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, Livre bleu des engagements du Grenelle de la Mer, juillet 2009.
([8]) Planète Mer, “Les pêcheurs varois à la rencontre de leurs homologues catalans”, mars 2019.
([9]) Autorité de la concurrence, Avis 15-A-19 du 16 décembre 2015 relatif aux effets sur la concurrence du mécanisme de répartition des quotas de pêche en France, décembre 2015.
([10]) Manon Plouchart, Etude sur le parcours d’installation d’un.e jeune pêcheur.se, Association Pleine Mer, septembre 2021.
([11]) Annaïg Le Meur, op.cit.
([12]) Règlement UE n° 1380/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la politique commune de la pêche, décembre 2013.
([13]) Région Bretagne, Appel à manifestation d’intérêt, Déploiement de l’hydrogène au sein de la flotte de pêche, 2022.
([14]) Ifremer, Synthèse des liens potentiels existant entre les activités de pêche et les pressions physiques en milieu marin, avril 2019.
([15]) Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur la mise en oeuvre de la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin », juin 2020.
([16]) Atwood Trisha B., Romanou Anastasia, DeVries Tim, et autres, « Atmospheric CO2 emissions and ocean acidification from bottom-trawling », Frontiers in Marine Science, Vol. 10, 2024.
([17]) Quemper Florian, Levrel Harold, Le Bras Quentin, Mouillard Romain, Gascuel Didier, « Evaluation des performances environnementales, économiques et sociales des flottilles de pêche françaises opérant dans l’Atlantique Nord-Est », Les publications du Pôle halieutique, mer et littoral de L’Institut Agro, n° 55, 2024.
([18]) Annaïg Le Meur, op. cit.
([19]) Association Sea Shepherd France, Sea Shepherd France expose la présence de plusieurs chalutiers géants en Manche, communiqué de presse, décembre 2023.
([20]) Association Bloom, Bulldozées, Une analyse inédite de la pêche au chalut dans les aires marines “protégées” européennes, rapport, mars 2024.
([21]) Rédaction, « Interview, Bruno Margollé : “On ne peut plus se lancer dans des 25 mètres” », Le Marin, janvier 2022.
([22]) Annaïg Le Meur, op. cit..
([23]) Rédaction, « L’accord sur la senne danoise en Manche-est dans une impasse », Le Marin, février 2023.
([24]) Ifremer, Avis scientifique sur le projet d’arrêté relatif à la pêche du maquereau dans les eaux territoriales des Côtes d’Armor, octobre 2019.
([25]) Costello MJ., « Evidence of economic benefits from marine protected areas », Scientia Marina, Vol. 88, mars 2024.
([26]) Sève, C., Belharet, M., Melià, P., Franco, A., Calò, A., et Claudet, J. Fisheries Outcomes of marine protected area networks: levels of protection, connectivity, and time matter, Conservation Letters, octobre 2023.
([27]) UICN Comité français, Les zones de protection forte en mer, Etats des lieux et recommandations, septembre 2021.
([28]) Commission européenne, Stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030, Communication au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, mai 2020.
([29]) Annick Berger, « Aires marines protégées : la France est-elle vraiment dans les clous ? », TF1 INFO, octobre 2022.
([30]) Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, « Le patrimoine marin et les aires marines protégées françaises », février 2023.
([31]) J. Claudet et autres, « Critical gaps in the protection of the second largest exclusive economic zone in the world », Marine Policy, Vol. n°124, février 2021.
([32]) J. Jacquemont et al., « 3D ocean assessments reveal that fisheries reach deep but marine protection remains shallow. » Nat Commun 15, 2024.
([33]) Plan Bleu, Rapport final, Evaluation des coûts et bénéfices induits par des mesures de protection dans deux aires marines protégées françaises, décembre 2023.
([34]) Gouvernement, Etude d’impact du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière et le renouvellement des générations en agriculture, mars 2024
([35]) J.-L. Joseph et G. Romiti, op. cit.
([36]) Edouard Le Jeune, sénateur, « Réglementation relative à la coquille Saint-Jacques », Question écrite n°19712, 10e législature, décembre 1996
([37]) DGCCRF, Ministère de l’économie et des finances, « Coquilles Saint-Jacques : Conseils pour acheter sans se tromper », Fiches pratiques, novembre 2021
([38]) Iddri et Sciences Po PSIA, « Getting the shrimp’s share. Mangrove deforestation and shrimp consumption, assessment and alternatives », janvier 2019.
([39]) L. Goldberg et autres, « Global decline in human-driven mangrove loss », Global Change Biology, juin 2020.
([40]) P. Garo, D. Stevens et P. Vermeulen, « La diversification de l’activité des pêcheurs et aquaculteurs par le tourisme », février 2017.
([41]) S. Panonacle et S. Auconie, Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Rapport d’information sur la mise en application de la loi n°2016-816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue, décembre 2017.