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N° 273

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2017

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2018
(n° 235),

 

TOME II

examen de la premiÈre partie
du projet de loi de finances

conditions gÉnÉrales de l’Équilibre financier

 

Par M. Joël GIRAUD

Rapporteur général,

Député

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SOMMAIRE

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 Pages

EXAMEN des articles

Article liminaire Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble  des administrations publiques de l’année 2018, prévisions d’exécution 2017  et exécution 2016

Après l’article liminaire

PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER dispositions relatives aux ressources

I.  IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

A.  Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er Autorisation de percevoir les impôts existants

Après l’article 1er

Avant l’article 2

Article 2 Indexation du barème de l’impôt sur le revenu

Après l’article 2

Article additionnel après l’article 2 Élargissement de la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons  aux fondations d’entreprise aux mandataires sociaux, sociétaires, adhérents et actionnaires

Après l’article 2

Article 3 Dégrèvement de la taxe d’habitation sur la résidence principale

Article 4 Aménagement de l’assiette du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux services de presse en ligne

Article 5 Exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et d’impôt sur les sociétés (IS) : services à la personne (SAP)

Article 6 Extension de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux psychothérapeutes et psychologues

Après l’article 6

Article additionnel après l’article 6 Baisse du seuil de logements sociaux pour l’application de la TVA réduite à l’acquisition de logements intermédiaires

Après l’article 6

Article 7 Calcul du taux effectif d’imposition et modalités de répartition  du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

Article 8 Prorogation et aménagement du crédit d’impôt  pour la transition énergétique (CITE)

Article additionnel après l’article 8 Prolongation du taux réduit de TVA pour les autotests de détection de l’infection par les virus de l’immunodéficience humaine

Article 9 Trajectoire de la composante carbone pour la période 2018-2022 et conséquences en matière de tarifs des taxes intérieures  de consommation

Après l’article 9

Article additionnel après l’article 9 Exclusion de l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) du carburant ED 95

Après l’article 9

Article additionnel après l’article 9 Inclusion dans l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) du gazole B 10

Après l’article 9

Article 10 Rehaussement des plafonds des régimes d’imposition des micro-entreprises

Après l’article 10

Article additionnel après l’article 10  Extension de l’exonération d’impôts commerciaux applicable  dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) à la première  transmission familiale d’une entreprise

Après l’article 10

Article additionnel après l’article 10 Assouplissement des conditions d’utilisation de la déduction pour aléas

Après l’article 10

Article additionnel après l’article 10 Maintien temporaire du dispositif applicable dans les zones de revitalisation rurale pour les communes sorties du classement

Article 11 Mise en œuvre du prélèvement forfaitaire unique

Article additionnel après l’article 11 Application du prélèvement forfaitaire unique aux plus-values professionnelles de long terme imposées à l’impôt sur le revenu

Après l’article 11

Article additionnel après l’article 11 Relèvement de l’exonération des plus-values immobilières  applicable aux expatriés

Article additionnel après l’article 11 Augmentation du taux de la taxe forfaitaire sur les cessions  de métaux précieux

Article 12 Création de l’impôt sur la fortune immobilière et suppression de l’ISF

Après l’article 12

Article additionnel après l’article 12 Mise en place d’une taxe additionnelle sur l’immatriculation des véhicules  de tourisme puissants

Article additionnel après l’article 12 Relèvement du barème de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules d’occasion

Article additionnel après l’article 12 Relèvement du barème du droit annuel de francisation et de navigation et du droit de passeport

Après l’article 12

Article 13 Suppression de la contribution de 3 % sur les revenus distribués

Article 14 Suppression de l’encadrement de la déductibilité des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation

Après l’article 14

Article 15 Modification de l’assiette de la taxe sur les transactions financières

Après l’article 15

II.  RESSOURCES AFFECTÉES

A.  Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Avant l’article 16

Article 16 Fixation pour 2018 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des allocations compensatrices d’exonérations d’impôts directs locaux (IDL)

Après l’article 16

Article 17 Compensation des transferts de compétences aux régions et aux départements par attribution d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

Article 18 Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales

B.  Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 19 Mesures relatives à l’ajustement des ressources affectées à des organismes chargés de missions de service public

Article additionnel après l’article 19 Modification des ressources affectées au Conservatoire du littoral

Après l’article 19

C.  Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 20 Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes  et comptes spéciaux existants

Article 21 Relèvement du plafond de la première section du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Article 22 Modification du financement des trains d’équilibre du territoire via le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transports conventionnés  de voyageurs

Article 23 Fixation des recettes et élargissement des dépenses du compte  d’affectation spéciale Transition énergétique

Article 24 Modification du barème du malus automobile (compte d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres)

Article 25 Reconduction et actualisation du dispositif de garantie des ressources de l’audiovisuel public  (compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public)

D.  Autres dispositions

Article 26 Relations financières entre l’État et la sécurité sociale

Article 27 Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne

TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 28 Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois

 


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   EXAMEN des articles

Au cours de sa seconde séance du mardi 10 octobre 2017, de ses trois séances du mercredi 11 octobre 2017 et le jeudi 12 octobre 2017, la commission des finances a examiné la première partie du projet de loi de finances pour 2018 (n° 235).

M. le président Éric Woerth. Je vous informe que 660 amendements ont été déposés, contre 480 à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2017 – 103 avaient été déclarés irrecevables. Le nombre d’amendements déposés est donc plus élevé cette année et j’ai été conduit à en déclarer irrecevables une centaine.

Vous pourrez déposer à nouveau certains de ces amendements pour l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances, voire en séance ; en effet, le fait que des amendements soient irrecevables en première partie ne signifie pas qu’ils le sont également en seconde partie. C’est le cas notamment de tous les amendements portant sur des impositions de toute nature qui ne sont pas affectées à l’État, mais à la sécurité sociale ou aux collectivités territoriales. C’est aussi le cas, plus généralement, des amendements qui n’ont pas d’incidence sur l’équilibre budgétaire de l’État en 2018. Vous pourrez donc les redéposer en vue de l’examen, le mois prochain, des articles non rattachés de la seconde partie.

Certains amendements n’avaient aucun rapport avec les lois de finances, dont le domaine est strictement protégé par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Vous ne pourrez donc pas les redéposer en seconde partie ; mais les amendements portant sur les recettes ou les dépenses de la sécurité sociale pourront être redéposés dès la semaine prochaine en vue de l’examen en commission des affaires sociales du projet de loi de financement de la sécurité sociale. D’autres amendements, en revanche, étrangers au champ des lois de finances comme à celui des lois de financement de la sécurité sociale, devront attendre l’examen de futurs projets ou propositions de loi, à l’occasion duquel leur dépôt sera tout à fait recevable.

J’ai également dû déclarer irrecevables des amendements qui n’étaient pas gagés mais qui, s’ils l’avaient été correctement, auraient trouvé leur place en première partie du projet de loi de finances. Vous pourrez donc les redéposer, assortis du bon gage, en vue de la séance publique la semaine prochaine.

Enfin, quelques amendements se sont heurtés à la jurisprudence habituelle, qui n’est pas propre aux lois de finances, de l’article 40 de la Constitution qui ne permet pas d’augmenter une charge publique. Ceux-là ne sont donc recevables dans aucun texte.

En conclusion, l’essentiel des amendements que j’ai dû déclarer irrecevables pour cette première partie pourront donc bénéficier, ensuite, à un titre ou à un autre, d’une « seconde chance ».

La commission en vient à l’examen des articles.

*

*     *

Article liminaire
Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble
des administrations publiques de l’année 2018, prévisions d’exécution 2017
et exécution 2016

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article mentionne sous forme de tableau les prévisions de soldes de l’ensemble des administrations publiques pour 2018 et 2017 ainsi que les données d’exécution pour 2016. Pour 2018, le déficit public est prévu à 2,6 % du produit intérieur brut (PIB).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Le présent article porte sur les finances publiques toutes administrations publiques confondues, et non sur le seul budget de l’État. Il offre ainsi une vision consolidée de l’ensemble des finances publiques : administrations publiques centrales, administrations publiques locales et administrations de sécurité sociale.

Aux termes de l’article 7 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([1]), l’article liminaire du projet de loi de finances présente « un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre ».

Le présent article fixe ainsi, pour 2018, un objectif :

– de déficit public de 2,6 % du produit intérieur brut (PIB) (I) ;

– et de déficit structurel de 2,1 % du PIB (II).

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les années 2016 à 2018

(en % du PIB)

Soldes

Exécution

2016

Prévision

d’exécution

2017

Prévision

2018

Solde structurel (1)

– 2,5

– 2,2

– 2,1

Solde conjoncturel (2)

– 0,8

– 0,6

– 0,4

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 3,4

 2,9

 2,6

Source : article liminaire du présent projet de loi de finances.

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) doit rendre un avis sur « la cohérence de l’article liminaire du projet de loi de finances de l’année au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques » par application de l’article 14 de la loi organique précitée (III).

I.   Un objectif de dÉficit public À 2,6 % du PIB

Le déficit public mesure la différence entre la totalité des dépenses publiques et la totalité des recettes publiques, mesurées en comptabilité nationale.

A.   Une baisse constante du dÉficit depuis 2009

Le point le plus bas de solde effectif a été atteint en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, avec un déficit record de 7,2 % du PIB. En 2017, il sera ramené à 2,9 % du PIB selon la prévision actualisée du présent projet de loi de finances. Le déficit public aura été réduit de 4,3 points de PIB en huit ans.

Une nouvelle réduction du déficit public de 0,3 point de PIB est prévue pour 2018. Celui-ci sera ainsi ramené à 2,6 % du PIB, soit le niveau de déficit public le plus bas depuis 2007.

DÉficit public depuis 2007

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

En

% du PIB

2,5

3,2

7,2

6,8

5,1

4,8

4,0

3,9

3,6

3,4

2,9

2,6

En

milliards d’euros

49,5

63,5

138,9

135,8

105,0

100,4

85,4

84,4

78,7

75,9

nd

nd

Source : Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) jusqu’en 2016, présent projet de loi de finances pour les années 2017 et 2018.

B.   Un objectif conforme À la nouvelle programmation des finances publiques

La cible de déficit public pour 2018 est supérieure à celle prévue par les programmations de finances publiques qui avaient été élaborées sous la précédente législature.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ([2]) (LPFP 2014-2019) prévoyait en effet un déficit public de 1,7 % du PIB pour 2018. Le programme de stabilité transmis au mois d’avril à la Commission européenne s’engageait quant à lui sur un objectif de déficit public de 2,3 % du PIB pour 2018.

La prévision de déficit public est donc supérieure de 0,3 point à celle transmise à la Commission européenne en avril et de 0,9 point à celle de la loi de programmation des finances publiques en vigueur.

Mais le Gouvernement a proposé une nouvelle trajectoire de réduction du déficit public dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Conformément à cette trajectoire, la cible de déficit public pour 2018 est de 2,6 % du PIB, soit une baisse de 0,3 point de PIB par rapport à 2017.

trajectoire de rÉduction du solde public

(en % du PIB)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde public

– 2,9

– 2,6

– 3,0

– 1,5

– 0,9

– 0,2

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

La programmation pluriannuelle des finances publiques

Deux types de documents juridiques fixent un cadre pluriannuel pour les finances publiques et déterminent une trajectoire de réduction des déficits public et structurel.

En droit interne, les lois de programmation des finances publiques sont prévues par l’article 34 de la Constituions et « s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». À ce titre, elles déterminent les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels. Leur contenu est précisé par la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

En droit européen, les programmes de stabilité ont été institués par le pacte de stabilité et de croissance du 7 juillet 1997 comme outil de la surveillance multilatérale des politiques économiques. Ils sont transmis chaque année au mois d’avril à la Commission européenne.

II.   Un objectif de dÉficit structurel À 2,1 % du PIB

Pour 2017, le déficit structurel serait de 2,2 % selon les nouvelles modalités de calcul retenues par le Gouvernement. Puis il serait ramené à 2,1 % en 2018, ce qui représente un ajustement structurel de 0,1 point.

La composante structurelle du déficit représenterait donc environ 80 % du déficit global.

A.   Notion de dÉficit structurel

1.   Une composante du déficit public suivie au titre des engagements européens de la France

Le déficit structurel est le déficit corrigé des effets du cycle économique. Il s’agit du déficit qui serait observé si le PIB était égal à son potentiel. Inversement, le déficit conjoncturel est le déficit lié à la conjoncture.

Autrement dit, le déficit comprend deux composantes : l’une liée à la conjoncture et l’autre indépendante de la conjoncture. La réduction de la composante structurelle est prioritaire dès lors que la composante conjoncturelle est censée se résorber d’elle-même en période d’amélioration de la conjoncture.

C’est la raison pour laquelle l’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de déficit structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le solde structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB, et à un point de PIB pour les autres États membres.

Cette règle est mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC) ([3]). Ce volet préventif prévoit que les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement structurel minimal en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque l’État membre possède une dette publique supérieure à 60 % du PIB).

2.   Des modalités de calcul complexe

Le calcul de la composante conjoncturelle et structurelle du déficit fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production.

L’écart de production est égal à la différence entre le PIB effectif – qui est mesuré en comptabilité nationale – et le PIB potentiel.

Le PIB potentiel est une notion non observable en finances publiques ni en comptabilité nationale. Il s’agit d’une notion macroéconomique sujette à diverses mesures et interprétations. Il peut être défini « comme le niveau maximum de production que peut atteindre une économie sans qu’apparaissent de tensions sur les facteurs de production qui se traduisent par des poussées inflationnistes » ([4]).

Les hypothèses d’écart de production permettent de calculer précisément la composante conjoncturelle et la composante structurelle du déficit selon des modalités complexes définies dans l’annexe 2 du rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Une méthode simplifiée de calcul − appelée « règle du pouce » − consiste à considérer qu’en pratique, le solde conjoncturel est proche de la moitié de l’écart de production. Ceci s’explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture représentent, dans notre pays, près de la moitié du PIB et que l’élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance du PIB est, en moyenne, de l’ordre de 1.

Le déficit structurel est ensuite calculé comme la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel corrigé des mesures ponctuelles et temporaires.

Concrètement, plus l’écart de production est creusé, plus la composante conjoncturelle du déficit est importante. Un écart de production négatif surestimé conduit à surestimer la composante conjoncturelle du déficit et à sous-estimer sa composante structurelle.

L’écart de production évolue chaque année à hauteur de la différence entre la croissance effective et l’hypothèse de croissance potentielle définie, au même titre que le PIB potentiel, comme la croissance maximale au-delà de laquelle apparaissent des tensions inflationnistes.

Par voie de conséquence, une surestimation de la croissance potentielle aboutit à creuser l’écart de production et à minorer le déficit structurel, et donc à minorer l’effort à accomplir pour respecter la règle d’équilibre des comptes du TSCG.

B.   Les nouvelles hypothÈses de calcul du Gouvernement

Le Gouvernement a modifié les hypothèses de calcul du solde structurel.

HypothÈses d’Écart de production, de croissance effective
et de croissance potentielle

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Croissance en volume du PIB

1,1

1,7

1,7

1,7

1,7

1,7

1,8

Croissance potentielle

1,2

1,25

1,25

1,25

1,25

1,30

1,35

Écart de production en % du PIB

– 1,5

– 1,1

– 0,7

– 0,2

+ 0,2

+ 0,6

+ 1,1

Source : rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

1.   Le choix d’une diminution de 0,2 point de l’estimation de la croissance potentielle et d’une division par deux de l’écart de production

Au cours de la précédente législature, les hypothèses de croissance potentielle et d’écart de production se sont progressivement éloignées de celles de la plupart des organismes internationaux, dont la Commission européenne. Il en a résulté une sous-estimation du déficit structurel qui a été dénoncée à plusieurs reprises par le HCFP.

Dans son dernier avis rendu au cours de la précédente législature, en date du 12 avril 2017 ([5]), le HCFP avait exposé de façon détaillée et pédagogique les raisons pour lesquelles les hypothèses d’écart de production et de croissance potentielle du précédent Gouvernement étaient « peu vraisemblables ». Il estimait « indispensable que la prochaine loi de programmation corrige ces estimations et fixe sur des bases réalistes les hypothèses d’écart de production et de croissance potentielle ».

Le HCFP avait en outre rappelé, à l’occasion de son avis rendu sur le projet de loi de règlement pour 2016, que le déficit structurel était « très vraisemblablement sous-estimé » ([6]), compte tenu du caractère peu vraisemblable des hypothèses de calcul retenues.

Le Rapporteur général souligne que le Gouvernement a tenu compte de l’avis du HCFP. Les hypothèses d’écart de production et de croissance potentielle ont été revues et sont désormais cohérentes avec celles des principales organisations internationales.

a.   La révision de l’hypothèse de croissance potentielle

Le Gouvernement a abaissé l’estimation de la croissance potentielle d’environ 0,2 point en moyenne sur la période 2016-2020.

Comparaison de la nouvelle hypothÈse de croissance potentielle
avec la prÉcÉdente

(en % d’évolution annuelle, sauf précision contraire)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

Hypothèse du programme de stabilité d’avril 2017

1,5

1,5

1,4

1,3

1,4

Hypothèse du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

1,2

1,25

1,25

1,25

1,25

Écart entre l’ancienne et la nouvelle hypothèse

– 0,3

– 0,25

– 0,15

– 0,05

– 0,15

Source : rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

L’hypothèse de croissance potentielle de 1,25 % sur la période 2017-2018 se situe à un niveau très proche de celle de la Commission européenne et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui l’estiment l’une et l’autre à 1,2 %.

Hypothèses de croissance potentielle pour la France

(en points de PIB)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Gouvernement

1,25

1,25

1,25

1,25

1,25

1,30

1,35

Commission européenne

1,1

1,2

1,2

1,2

1,1

1,1

1,1

Fonds monétaire international

1,0

1,1

1,2

1,3

1,4

1,5

1,5

OCDE

1,3

1,2

1,2

Source : Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-3 du 24 septembre 2017 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

b.   La révision de l’écart de production pour 2016

Le Gouvernement a également nettement diminué l’hypothèse d’écart de production pour 2016. Alors que celle-ci était de – 3,1 % dans le programme de stabilité transmis en avril à la Commission européenne, elle a été plus que divisée par deux à – 1,5 % dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([7]).

L’écart de production est ainsi nettement moins creusé qu’estimé initialement par le précédent Gouvernement. Cette révision conduit à présenter un niveau de déficit structurel plus important pour 2016 soit 2,5 % du PIB au lieu de 1,6 % dans la dernière loi de règlement ([8]).

Cette nouvelle hypothèse d’écart de production est proche de celle de la Commission européenne (– 1,3 %).

2.   L’avis du Haut Conseil des finances publiques

Le HCFP a rendu deux avis portant respectivement sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ([9]) et le présent projet de loi de finances ([10]).

Le HCFP a logiquement relevé dans ses avis que les nouvelles hypothèses du Gouvernement vont « dans le sens des observations formulées à plusieurs reprises ». Il juge ainsi l’hypothèse de croissance potentielle « plus réaliste ».

De même, il a souligné que le présent article liminaire était cohérent avec les orientations pluriannuelles du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, ce qui est « assuré par construction, les deux projets ayant été construits et présentés simultanément ».

En revanche, il a observé que l’ajustement structurel prévu se limitait à 0,1 point en 2018 ce qui n’est pas conforme à la règle européenne d’ajustement structurel minimal de 0,5 point prévue par le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance.

Ajustement structurel 2018

(en points de PIB)

Déficit structurel 2017 (A)

2,2

Déficit structurel 2018 (B)

2,1

Ajustement structurel (C=A – B)

0,1

Source : présent projet de loi de finances.

 

*

*     *

La commission examine l’amendement I-CF411 de Mme Valérie Rabault.

M. Joël Giraud, Rapporteur général. Avis défavorable : nous avons déjà débattu du dispositif proposé au cours de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF510 de M. Charles de Courson, I-CF194 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF287 de M. Gilles Carrez.

M. Charles de Courson. Comme je l’ai exposé lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, nous souhaitons augmenter l’effort structurel à 0,5 % du PIB et pas seulement à 0,1 %.

Mme Marie-Christine Dalloz. La prévision en exécution pour 2017 du déficit structurel est de 2,2 % du PIB et, pour 2018, de 2,1 % du PIB. La différence n’est donc, on vient de le rappeler, que de 0,1 point. Nous pourrions admettre ce chiffre en situation difficile, en cas de crise, mais nous devons d’autant plus nous conformer aux obligations du TSCG, que nous nous trouvons au contraire dans un contexte économique favorable. C’est pourquoi je propose que nous nous fixions comme objectif non pas un déficit structurel de 2,1 % du PIB mais de 1,7 %.

Quant à l’amendement I-CF287, c’est un amendement de repli.

M. le Rapporteur général. Ici encore, nous venons d’avoir cette discussion à l’occasion de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques. Vos arguments et mes réponses étant identiques, j’émets un avis défavorable sur les trois amendements.

Mme Marie-Christine Dalloz. Peut-on au moins savoir, monsieur le Rapporteur général, si le Gouvernement a l’intention d’en discuter avec la Commission européenne ? En effet, on s’affranchit d’une règle et à nos propositions on répond : « circulez, il n’y a rien à voir ».

M. le Rapporteur général. Le Gouvernement a l’obligation de transmettre son projet de budget à la Commission, qui l’examine et formule des remarques. Le Gouvernement défendra sa position conformément aux stipulations du TSCG.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je suis d’accord sur le fond avec Mme Dalloz mais on a vu la Commission se montrer beaucoup moins royaliste qu’elle, si je puis dire, M. Moscovici déclarant devant nous qu’après tout, une diminution de 0,1 point n’était pas si mal. Reste que cela me paraît quelque peu bizarre au regard du traité et me rend perplexe ; aussi je m’abstiendrai.

La commission rejette successivement les amendements I-CF510, I-CF194 et ICF287.

Puis elle adopte l’article liminaire sans modification.

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*     *

Après l’article liminaire

La commission examine l’amendement I-CF589 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ce modeste amendement concerne le rôle du HCFP et fait suite à l’extraordinaire dérive des finances publiques en 2017. Le HCFP rappelle que la loi ne le charge pas de se prononcer sur le fait de savoir si les dotations budgétaires sont correctement fixées. Nous proposons donc d’élargir le champ de l’avis qu’il donne et qui ne porte que sur les hypothèses macro-économiques et un peu sur l’évaluation des recettes – mais pas sur les dépenses.

M. le Rapporteur général. Cet amendement me semble contraire à la loi organique du 17 décembre 2012, qui fixe les compétences du Haut Conseil. En outre, il ne me paraît pas compatible avec la nature et le rôle de ce dernier qui donne des avis en amont des textes, lesquels avis portent essentiellement sur les hypothèses retenues en matière de prévisions économiques ou de croissance potentielle.

Autrement dit, soit on parle de sous-budgétisations qui existent déjà et qui ont été dénoncées par la Cour des comptes et, dans ce cas, l’avis du HCFP n’apporterait rien ; soit on parle de nouvelles sous-budgétisations, auquel cas le HCFP intervient trop en amont de la procédure pour pouvoir les identifier et les dénoncer.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.

M. Saïd Ahamada. Je tiens à rassurer notre collègue de Courson sur le fait que la majorité est d’accord avec lui : il faut sécuriser les prévisions budgétaires. Reste que, comme l’a rappelé le Rapporteur général, si nous voulons modifier les attributions du HCFP, il convient de modifier la loi organique qui les fixe. J’ai rencontré il y a deux jours le Premier président de la Cour des comptes dans le cadre de l’élaboration d’un texte par la majorité qui vous le présentera probablement dans quelques mois et qui devrait permettre l’extension des missions du HCFP.

M. Charles de Courson. Si je ne suis pas sûr du bien-fondé de l’argument très formel du Rapporteur général selon lequel il convient de changer la loi organique de 2012, je suis en revanche certain que sur le fond il se trompe complètement. Comme M. Ahamada vient de le souligner, il faut absolument élargir le champ de compétences du HCFP afin de sécuriser, j’y insiste, la présentation du projet de loi de finances. Si votre idée est de présenter une proposition de loi organique à cette fin, alors vous aurez le soutien des députés du groupe Les Constructifs qui, au reste, seraient fort aises que vous les y associiez.

M. Jean-Noël Barrot. Le groupe de travail sur les moyens de contrôle et d’évaluation, mis en place par le président de notre Assemblée, réfléchit à la possibilité de doter les parlementaires de meilleurs outils leur permettant de juger des textes de loi et en particulier des projets de loi de finances en amont. Il conviendra peut-être, à cette fin, de faire sauter certains verrous juridiques d’ordre constitutionnel.

M. Charles de Courson. Je retire l’amendement et le représenterai en séance publique pour que le Gouvernement appuie cette idée de proposition de loi organique.

M. Daniel Labaronne. Je rappelle qu’une mission budgétaire dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur spécial, est relative au conseil et au contrôle de l’État, en particulier au programme du HCFP. C’est peut-être dans le cadre du débat sur les crédits de cette mission que les questions soulevées ici pourront être discutées.

L’amendement est retiré.

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—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE
L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER
dispositions relatives aux ressources

I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

A. – Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er
Autorisation de percevoir les impôts existants

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État.

Il prévoit également que, sous réserve de dispositions contraires, les dispositions fiscales qu’il contient s’appliquent au 1er janvier 2018.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Le présent article autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État (I).

Il précise également les modalités d’entrée en vigueur des dispositions fiscales de la loi de finances (II).

Ressources de l’État pour 2018

(en milliards d’euros)

Recettes fiscales nettes du budget général

288,8

Recettes non fiscales du budget général

13,2

Recettes totales nettes du budget général

302,0

Ressources des budgets annexes

2,4

Ressources des comptes d’affectation spéciale

78,0

Ressources des comptes de concours financiers

128,2

Source : présent projet de loi de finances.

I.   L’AUTORISATION DE PERCEVOIR LES RESSOURCES PUBLIQUES

Aux termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement ». Découlant du principe ainsi posé en 1789, l’article 1er du projet de loi de finances renouvelle l’autorisation annuelle de percevoir les impôts, élément essentiel de la tradition démocratique en vertu de laquelle l’impôt n’est légitime que parce qu’il est librement consenti par la Nation. Il revient donc au Parlement d’exprimer ce consentement qui, par nature, doit être renouvelé régulièrement.

Compétence exclusive et obligatoire de la loi de finances de l’année, l’autorisation prévue par le I du présent article voit son champ précisé par le 1° du paragraphe I de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([11]), qui dispose que « la loi de finances de l’année autorise, pour l’année, la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État ».

L’autorisation n’est accordée que pour l’année, conformément au principe constitutionnel d’annualité repris à l’article 1er de la LOLF.

Elle vise non seulement les recettes fiscales mais également l’ensemble des autres ressources perçues en vue de financer le service public – revenus industriels et commerciaux, rémunération de services rendus, fonds de concours, remboursement de prêts et d’avances, produits de cessions…

Elle couvre les impositions de toutes natures affectées aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers – publics ou privés – habilités à les percevoir. D’application générale, le principe d’annualité de l’impôt vise à protéger, par cette autorisation, l’ensemble des contribuables, quel que soit l’organisme bénéficiaire de l’imposition.

Pour que le consentement soit libre, encore faut-il qu’il soit éclairé. Les ressources perçues par l’État  recettes fiscales, recettes non fiscales et fonds de concours  ainsi que les dépenses fiscales relatives aux impositions dont le produit est perçu par l’État sont détaillées respectivement dans le premier et le second tome de l’annexe au projet de loi de finances relative à l’évaluation des voies et moyens.

La liste des impositions affectées aux autres organismes publics et la présentation des prélèvements obligatoires par sous-secteurs d’administration publique sont fournies respectivement par le premier tome de cette annexe et par le rapport sur les prélèvements obligatoires, intégré dans le Rapport économique, social et financier depuis la modification de l’article 50 de la LOLF opéré par l’article 25 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ([12]).

II.   LA DATE D’APPLICATION DES DISPOSITIONS FISCALES CONTENUES DANS LE présent PROJET DE LOI DE FINANCES

Le II du présent article prévoit, dans les termes habituels, les conditions d’entrée en vigueur des dispositions fiscales qui ne comportent pas de date d’application particulière.

La règle générale reste l’application des dispositions fiscales à compter du 1er janvier, en l’espèce le 1er janvier 2018.

Deux exceptions traditionnelles sont prévues : pour l’impôt sur le revenu, la loi de finances s’applique à l’impôt dû au titre de 2017 et des années suivantes ; l’impôt sur les sociétés est dû sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2017 – une mention particulière est nécessaire, en raison à la fois des différences de date de clôture de l’exercice d’une entreprise à l’autre et du mode de recouvrement par acomptes et soldes de cet impôt direct.

À noter que, s’agissant de l’impôt sur le revenu, les règles d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions sont appelées à évoluer en 2019 avec l’instauration du prélèvement à la source ([13]). En effet, la retenue à la source mettra fin au décalage d’une année entre la perception de l’impôt et la perception du revenu. Il s’ensuit que les lois de finances qui s’appliqueront à compter des années 2019 et suivantes devraient prévoir qu’elles s’appliquent à l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année objet de la loi de finances, et non plus de l’année précédente.

*

*     *

La commission examine l’amendement I-CF347 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Chaque année nous débattons du montant des niches fiscales, donc des dépenses fiscales. J’appelle votre attention sur le fait qu’en 2016 ces dernières avoisinaient 88 milliards d’euros alors qu’avec le budget pour 2018, on va tutoyer les 100 milliards d’euros !

Il n’a pas dû échapper à la sagacité du Rapporteur général que l’article 17 du projet de loi de programmation des finances publiques permet de comparer le montant des recettes fiscales et la somme des dépenses fiscales. Or vous savez très bien, monsieur le Rapporteur général, qu’un certain nombre de niches sont mal ou ne sont pas évaluées, qu’on en crée toujours de nouvelles. Puisqu’on nous demande régulièrement de faire des propositions de diminution des dépenses, en voilà une. Et je vous réserve un florilège pour l’examen en séance.

M. le Rapporteur général. Vous indiquez un objectif, mon cher collègue ; or, nous avons adopté, avec le projet de loi de programmation des finances publiques, un instrument de pilotage des dépenses fiscales qui prévoit leur plafonnement à 28 % d’un agrégat composé des recettes et des dépenses fiscales. Pour ce seul motif, je donne un avis défavorable.

De surcroît, vous soulignez vous-même que près de 100 milliards d’euros de dépenses sont prévus pour l’année 2018 ; aussi ne peut-on pas les plafonner à 89,8 milliards d’euros... Cela dit, rassurez-vous : en 2019, grâce à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), nous atteindrons les objectifs que vous nous proposez.

M. Julien Aubert. Si la Cour des comptes est traditionnellement défavorable aux niches fiscales, j’estime pour ma part que l’incitation fiscale est un outil politique. L’idée d’un impôt pour tout le monde au même taux revient à refuser l’idée d’une stratégie de différenciation servant un objectif politique louable. Je comprends que l’on ne souhaite pas un budget en forme de gruyère, mais je ne suis pas d’accord avec l’idée selon laquelle on ne chercherait pas à mesurer la qualité des dépenses fiscales, leur efficacité, quitte ensuite, bien sûr, à en évaluer le calibrage voire l’utilité ; je ne suis pas d’accord pour affirmer par principe que la dépense fiscale est mauvaise puisque, je le répète, elle est aussi un moyen de faire de la politique en avantageant telle ou telle catégorie, tel ou tel domaine, qu’il s’agisse d’écologie, de la famille...

M. Charles de Courson. Autrefois, la loi de programmation des finances publiques prévoyait un plafond en valeur pour les dépenses fiscales. Dans l’article 17 du projet de loi de programmation des finances publiques que nous avons examiné cet après-midi, le plafonnement des dépenses fiscales est exprimé en pourcentage des recettes fiscales, ce qui signifie que nous acceptons donc la possibilité d’augmenter ces dépenses au fur et à mesure de l’augmentation des recettes, autrement dit que nous renonçons définitivement à réduire les dépenses fiscales. C’est pourquoi les députés de notre groupe souhaitent qu’on en revienne à l’ancien dispositif prévoyant un plafonnement exprimé par un montant.

Le Rapporteur général nous expliquera en outre pourquoi il est prévu que les dépenses fiscales augmentent de presque 10 milliards d’euros. Nous ne pouvons pas continuer ainsi : comment voulez-vous tenir les dépenses de l’État si vous acceptez que les dépenses fiscales augmentent de 10 % ?

M. le Rapporteur général. Le détail figurera dans le rapport.

M. Jean-Louis Bourlanges. C’est un peu court !

Mme Amélie de Montchalin. Je répondrai à M. Aubert que c’est à cause du type de raisonnement dont il vient de nous faire part que nous avons rejeté, lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, les arguments selon lesquels l’effort d’ajustement structurel devait être de 0,5 % du PIB : fixer un chiffre en amont sans qu’on lui donne un contenu n’a pas de sens. Nous devons avoir les yeux rivés sur nos objectifs de politique publique, savoir quels sont les outils grâce auxquels nous voulons les atteindre, déterminer les moyens que nous nous donnons et définir une trajectoire en fonction d’un contenu, je le répète, et non d’un montant. Le plafond de 28 % prévu par l’article 17 du projet de loi de programmation des finances publiques est en fait un rapport qui permet de mesurer l’impact des dépenses fiscales sur la part des recettes fiscales. Ce sont bien, j’y insiste, les politiques publiques que nous devons avoir présentes à l’esprit et ce sont bien des ratios qu’il nous faut utiliser plutôt que des montants faisant office de totems.

M. Philippe Vigier. Certes, mais comme l’a très bien dit Julien Aubert, les dépenses fiscales sont un outil politique.

J’en reviens à la dérive de plus de 9 milliards d’euros de dépenses fiscales alors que vous vous vantez depuis plusieurs jours d’une maîtrise parfaite des dépenses publiques. On peut comprendre un glissement de telle ou telle dépense pour peu qu’elle corresponde à une politique publique parfaitement justifiée. Et j’ai souhaité, par le biais de cet amendement, éveiller la conscience de tout le monde car je n’ai pas lu dans la presse ou entendu dans la bouche de personnes très averties, qu’on prévoyait cette dérive de 9 milliards d’euros – une somme considérable.

Mme Amélie de Montchalin. Elle est constituée pour une grande part par la hausse du taux du CICE.

M. Philippe Vigier. J’insiste sur la nécessité d’une évaluation qui permette un débat contradictoire, donc à la dépense publique d’être pertinente.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je n’ai pas de religion en matière de dépenses fiscales ; les niches fiscales sont un instrument comme un autre et je ne partage pas le caractère un peu dogmatique des avis de la Cour des comptes sur ce point. En revanche, monsieur le Rapporteur général, elles constituent une dépense supplémentaire qui présente l’avantage de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires. C’est donc très sympathique politiquement mais il faut savoir pourquoi – et M. de Courson pose ici la vraie question – les dépenses fiscales augmenteront de 10 milliards d’euros.

M. Charles de Courson. Eh oui !

M. le Rapporteur général. J’ai été bref car je me suis déjà exprimé sur le sujet. Je précise donc à nouveau que, pour l’essentiel – environ 60 % du total –, les 9 milliards d’euros en question sont imputables à la montée en puissance du CICE et à celle du crédit d’impôt en faveur des emplois à domicile. Pour le reste, je le répète, vous trouverez le détail dans le rapport.

Mme Amélie de Montchalin. Il faut également compter avec le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), pour un montant de presque 1,6 milliard d’euros. C’est pourquoi nous proposons également une réforme de ce crédit d’impôt. Il faut admettre que la dérive incriminée est due à la montée en puissance des niches fiscales historiques.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er sans modification.

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*     *

Après l’article 1er

La commission examine l’amendement I-CF371 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il importe que tous nos concitoyens comprennent bien les textes. C’est pourquoi je propose, par le biais du présent amendement, de rappeler que la règle fiscale doit être simple et intelligible par le contribuable. J’entends qu’on ajoute qu’en toutes circonstances cette règle doit être interprétée, appliquée et jugée dans un sens favorable au contribuable – lequel est censé ne pas ignorer la loi.

M. le Rapporteur général. En ce qui concerne la première phrase de la disposition que vous proposez, vous conviendrez qu’il s’agit davantage d’un vœu que d’une règle normative. C’est ce qu’on appelle du droit mou. En outre, votre amendement est probablement contraire à la LOLF, qui prévoit un contenu très précis pour les lois de finances.

Pour ce qui est de la seconde phrase, qui porte sur l’interprétation des règles, je rappelle que les juridictions interprètent déjà les règles fiscales dans un sens favorable au contribuable en vertu du principe constitutionnel de légalité des impôts. Par ailleurs, le livre des procédures fiscales offre de nombreuses garanties au contribuable, notamment contre les changements de doctrine mais aussi à toutes les étapes de la procédure de contrôle.

Si je suis donc défavorable à votre amendement, je partage néanmoins avec vous l’opinion selon laquelle il nous appartient, en tant que législateurs, de veiller à édicter des règles simples et intelligibles.

M. Julien Aubert. Je suis heureux de vous entendre rappeler, monsieur le Rapporteur général, que la loi n’a pas pour objet de formuler des vœux pieux car il m’est arrivé de voir passer des textes – dont un récemment – qui comportaient une cinquantaine de pages de droit mou. Ce que la majorité présente est qualité et devient défaut quand c’est l’opposition qui le propose...

Ensuite, concernant la règle fiscale, Mme Louwagie soulève un problème très important. En effet – mettons les pieds dans le plat –, les services de Bercy n’hésitent pas, lorsqu’ils veulent raboter une prévision de dépense budgétaire, à présenter des explications particulièrement inintelligibles pour le contribuable et prévoient de façon très cynique une dépense budgétaire à proportion du nombre de gens qui auront compris ce à quoi ils ont droit – ce qui est une forme assez détestable de réaliser des économies budgétaires. Puisque personne ne le dit, je vais le dire : si sur ces sujets compliqués nous avons nous-mêmes tendance, parfois, à « ramer », il faut s’imaginer ce qu’il en est pour le citoyen qui a autre chose à faire que de suivre les réunions nocturnes de la commission des finances.

L’amendement répond à une très mauvaise pratique qui dure depuis de nombreuses années.

M. Charles de Courson. On ne peut pas écrire, comme le prévoit l’amendement, que la règle fiscale « doit être interprétée, appliquée et jugée ». C’est là donner des ordres au juge du droit fiscal. Quant à l’inintelligibilité de la loi, il existe une jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel a annulé, ce qui nous a fait beaucoup rire, quelques usines à gaz auxquelles nous-mêmes ne comprenions d’ailleurs rien – cela fait toujours plaisir à un Gouvernement de se faire censurer pour inintelligibilité, c’est-à-dire pour crétinisme avancé...

L’idée de notre collègue Louwagie est très sympathique mais on ne peut pas voter son amendement.

Mme Amélie de Montchalin. Dans le cadre de la réforme du code du travail, une initiative a été lancée par le secrétaire d’État chargé du numérique visant à rendre ledit code accessible grâce à des applications, de façon à mettre Légifrance à jour. On pourrait très bien proposer en séance publique, en accord avec le Gouvernement, le même dispositif pour le code général des impôts.

M. Jean-Paul Mattei. Il me semble que des progrès ont été réalisés, depuis quelques années et, même si le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), désormais consultable en ligne, est difficilement lisible, il s’agit d’un document de vulgarisation utile. Reste que j’ai l’impression que ce qui nous est proposé est effectivement un vœu pieux : rendre la règle fiscale intelligible va être compliqué. Des outils existent néanmoins : grâce à certains moteurs de recherche, on parvient à comprendre certaines règles.

M. le Rapporteur général. Je rappellerai à M. Aubert que, lorsque la doctrine administrative va au-delà du texte, des recours sont possibles.

M. Julien Aubert. C’est plutôt l’inverse, c’est quand la doctrine reste en deçà.

Mme Bénédicte Peyrol. Je ne comprends pas bien l’objet du présent débat. L’intelligibilité de la loi est un objectif à valeur constitutionnelle et il concerne tous les textes. Pourquoi donc, j’y insiste, vouloir l’ajouter ici ? Avançons puisque le principe existe et nous protège déjà.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le Rapporteur général, les contribuables ne sont pas aussi protégés que vous ne le soutenez. Quant à Mme Peyrol, je lui ferai observer que lorsque certains articles de loi comptent vingt et une pages, ils ne sont pas forcément lisibles pour le contribuable et il me paraît donc nécessaire de rappeler le principe d’intelligibilité.

M. Patrick Hetzel. Très bien !

La commission rejette l’amendement.

*

*     *

B.– Mesures fiscales

Avant l’article 2

La commission examine l’amendement I-CF160 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Cet amendement vise à instituer un impôt universel. Chacun sait en effet que le nombre de contribuables diminue au fil du temps. Sur 37 millions de foyers, aujourd’hui, seuls 16 millions s’acquittent de l’impôt sur le revenu. Aussi la fracture grandit‑elle entre ceux qui paient cet impôt et ceux qui ne le paient pas – même si j’ai bien conscience que l’immense majorité de ces derniers vit dans des conditions des plus modestes. Or la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que chacun doit participer aux dépenses communes en raison de ses facultés. La participation même symbolique à l’impôt sur le revenu marque l’appartenance à la société.

On objectera qu’une telle mesure coûterait cher mais, à l’heure du numérique, prélever un euro symbolique d’impôt à ceux qui bénéficient d’allocations sociales ne devrait pas poser de vraie difficulté technique. J’y insiste : c’est l’impôt qui scelle le pacte républicain et rend chacun responsable.

M. le Rapporteur général. Je comprends bien l’esprit de l’amendement mais certains mécanismes en vigueur rendraient le dispositif proposé inopérant. En effet, en deçà de 9 710 euros de revenus par part, le taux d’imposition est nul. Vous proposez, monsieur Vigier, que la part des revenus compris entre zéro et 9 710 euros soit imposée à 1 %, à savoir, au maximum, 97 euros. Or ce montant serait annulé par le mécanisme de la décote qui efface l’imposition jusqu’à 700 euros pour un célibataire et 1 130 euros pour un couple. L’amendement augmenterait par conséquent de 97 euros par part l’impôt des personnes imposées, mais pas celui des personnes non imposées.

Ensuite, ceux qui ne paient pas l’impôt sur le revenu paient tout de même des impôts, qu’il s’agisse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), de la contribution sociale généralisée (CSG) de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), des droits sur les tabacs, de la taxe d’habitation... Encore une fois, je comprends le sens de votre démarche  héritier de Joseph Caillaux, je sais la valeur de l’impôt sur le revenu –, mais considérer, comme vous le faites, que seul cet impôt permet au citoyen de contribuer aux charges publiques n’est pas tout à fait exact.

Avis défavorable.

M. Éric Coquerel. Je partage avec Philippe Vigier l’idée d’un impôt universel. Néanmoins, mon cher collègue, vous n’entendez pas rendre l’impôt réellement progressif. Je suis donc sûr qu’au nom du principe que vous défendez, vous allez voter l’amendement suivant, qui vise à faire en sorte que tout le monde paie l’impôt sur le revenu mais un impôt qui soit, j’y insiste, réellement progressif.

M. Julien Aubert. Je suis toujours étonné que, cent dix ans après M. Caillaux, nous en soyons encore à nous demander si l’impôt doit ou non être progressif. Pour moi, il l’est. Reste qu’au-delà des objections techniques exposées avec une belle éloquence par le Rapporteur général, subsiste l’idée. S’abriter derrière les mécanismes de décote permet d’esquiver le véritable débat qui est de savoir si la majorité souhaite un impôt sur le revenu universel. Comme notre collègue Vigier, je considère que le fait que seul un contribuable sur deux paie l’impôt sur le revenu est un vrai problème. Or, il s’agit de faire de chaque citoyen un contributeur des charges communes – fût-ce de façon symbolique.

Ne serait-il pas possible que, d’ici à la séance, la majorité propose un meilleur système ? Nous parviendrions ainsi à un vrai consensus à l’issue d’une véritable « co‑construction budgétaire ».

M. Jean-Louis Bourlanges. On n’a jamais su si Caillaux était pour ou contre l’impôt sur le revenu puisqu’il a dit l’avoir soutenu pour l’enfoncer... En revanche, ce que je trouve extraordinaire dans l’exposé sommaire, c’est qu’on invoque la Déclaration de 1789 alors que l’impôt sur le revenu n’existait pas. C’est pour le moins paradoxal. Un ensemble de contributions permet à tout le monde de contribuer aux charges communes, point final.

M. Philippe Vigier. « Point final », malgré l’éloquence qu’on connaît à Jean-Louis Bourlanges, l’expression est peut-être un peu courte. J’ai bien entendu l’excellente argumentation du Rapporteur général, mais ce n’est pas à lui que je vais apprendre qu’à Bercy, on sait inventer toutes les décotes nécessaires pour aboutir à la somme voulue. Ne cherchez pas à nous faire croire le contraire.

Ensuite, il semble que l’instauration d’un impôt à la source se profile. Serait-il compliqué de demander simplement un euro par mois ou par an à des contribuables ? Je ne le pense pas.

Enfin, la CSG, à la différence de l’impôt sur le revenu, finance les dépenses sociales. N’en déplaise à Jean-Louis Bourlanges, payer l’impôt sur le revenu marque l’appartenance à une communauté, et je renvoie notre collègue à la Déclaration de 1789, dont je lui infligerai la lecture de l’article 13 en séance publique. Il constatera alors que nous ne pourrons que faire un pas l’un vers l’autre.

La commission rejette l’amendement.

*

*     *

Article 2
Indexation du barème de l’impôt sur le revenu

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article indexe le montant des tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu, ainsi que les seuils et plafonds intervenant dans le calcul de cet impôt, à hauteur de l’inflation prévue pour l’année 2017, soit 1 %.

Le coût de la mesure est évalué à 1,1 milliard d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

À l’exception d’une interruption pour l’imposition des revenus de 2011 et de 2012, les lois de finances initiales procèdent chaque année à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur le taux d’inflation prévisionnel, pour maintenir la pression fiscale à un niveau constant.

I.   L’état du droit : l’indexation annuelle du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, reprise depuis la loi de finances pour 2014

Traditionnellement, la loi de finances de l’année revalorise les seuils des différentes tranches du barème de l’impôt sur le revenu (IR) à hauteur du taux d’inflation des prix hors tabac. Cette indexation du barème s’est appliquée sans interruption depuis 1969. Auparavant, des périodes parfois relativement longues se sont écoulées sans que le barème ne soit indexé. À partir de 1969, l’indexation s’est appliquée de façon continue, mais différenciée selon les tranches du barème. Ce n’est qu’à compter de 1981 que le principe d’une indexation indifférenciée à l’ensemble des tranches s’est imposé. Depuis cette date, il a constitué une mesure consensuelle de modération de la pression fiscale prise chaque année en loi de finances initiale.

Néanmoins, la dernière loi de finances rectificative pour 2011 ([14]) a procédé au gel des différents seuils du barème pour l’imposition des revenus de 2011 et des années suivantes ; il s’agissait d’accroître les recettes fiscales, compte tenu de l’état dégradé des finances publiques – la mesure de gel se traduisant par des recettes supplémentaires d’impôt sur le revenu de l’ordre de 1,6 milliard d’euros en 2012. La loi de finances pour 2013 n’est pas revenue sur le gel ainsi réalisé pour l’imposition des revenus de 2012, du fait du contexte budgétaire difficile.

En revanche, la loi de finances pour 2014 ([15]) a renoué avec la pratique traditionnelle d’indexation, et a revalorisé de 0,8 % les seuils du barème applicables à l’imposition des revenus de 2013.

Les lois de finances pour 2015 ([16]), pour 2016 ([17]) et pour 2017 ([18]) ont fait de même, en procédant à une revalorisation de respectivement 0,5 %, 0,1 % et 0,1 % des seuils applicables à l’imposition des revenus de 2014, de 2015 et de 2016.

Évolution du taux d’inflation et de l’indexation du barème de l’IR depuis 2011

Année N

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Indexation du barème réalisée en PLF de l’année N

1,5 %

0 %

(gel du barème)

0 %

(gel du barème)

0,8 %

0,5 %

0,1 %

0,1 %

Coût de la mesure en année N (pertes de recettes d’IR)

1,1 milliard d’euros

0

0

700 millions d’euros

485 millions d’euros

100 millions d’euros

100 millions d’euros

Taux d’inflation constaté en année N – 1

1,5 %

2,1 %

2 %

0,9 %

0,5 %

0 %

0,2 %

Source : commission des finances.

L’inflation constatée peut s’avérer légèrement différente du taux d’indexation du barème, ce qui résulte du fait que ce taux est établi sur la base des prévisions arrêtées à l’été de l’année N, lors de l’élaboration du projet de loi de finances pour l’année N + 1. En tout état de cause, au cours des dernières années, l’écart entre le taux d’indexation et le taux d’inflation constaté in fine n’a jamais dépassé 0,1 point.

II.   Le droit proposé : l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, à hauteur de 1 %

A.   L’indexation des limites des tranches du barème

● Le a du procède à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, en revalorisant chacune des limites des tranches de l’impôt sur le revenu de 1 % : ce taux correspond à l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix hors tabac en 2017 par rapport à 2016, qui figure dans le Rapport économique, social et financier annexé au présent projet loi de finances.

Au titre de l’imposition des revenus perçus en 2017, l’impôt sera calculé selon le barème suivant :

Barème applicable pour l’imposition des revenus de 2017

Fraction du revenu imposable par part

Taux

Inférieure à 9 807 euros

0 %

Supérieure à 9 807 euros et inférieure ou égale à 27 086 euros

14 %

Supérieure à 27 086 euros et inférieure ou égale 72 617 euros

30 %

Supérieure à 72 617 euros et inférieure ou égale à 153 783 euros

41 %

Supérieure à 153 783 euros

45 %

Cette disposition permet ainsi de maintenir la pression fiscale – c’est-à-dire la proportion de l’impôt dû par rapport au revenu – à un niveau constant. A contrario, si le barème n’était pas indexé, l’impôt dû par les ménages dont les revenus ont augmenté au même rythme que l’inflation s’accroîtrait : du fait de la progressivité du barème, une part plus importante de leurs revenus serait soumise au taux marginal le plus élevé auquel ils sont assujettis, et leur taux marginal pourrait lui-même augmenter. Le poids de l’impôt acquitté par rapport aux revenus du ménage augmenterait en conséquence d’une année sur l’autre.

● L’indexation du barème est devenue au cours du temps une référence pour l’évolution conjointe d’autres types de montants, conditionnant selon les cas une exonération ou une minoration d’imposition, ou encore le plafonnement d’un avantage en impôt. Ces montants sont ainsi réputés être indexés chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

 

Les dispositifs indexés comme la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu dans le domaine de l’impôt sur le revenu

– le plafond de la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels du revenu brut (3° de l’article 83 du code général des impôts – CGI), plafonnée à 12 183 euros au titre de l’imposition des revenus de 2016, ainsi que son montant minimum, fixé à 426 euros dans le cas général et à 938 euros pour les chômeurs de longue durée

– le plafond de l’abattement de 10 % applicable aux pensions et retraites (a du 5 de l’article 158 du CGI), fixé à 3 715 euros au titre de l’imposition des revenus de 2016, ainsi que son montant minimum, fixé à 379 euros

– le montant de l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur de certaines personnes âgées de plus de soixante-cinq ans ou invalides (article 157 bis du CGI), fixé au titre de l’imposition des revenus de 2016 à 2 352 euros si le revenu du contribuable n’excède pas 14 750 euros ou 1 176 euros si ce revenu est compris entre 14 750 euros et 23 760 euros

– le plafond de versement retenu pour la réduction d’impôt accordée au titre de certains dons faits par les particuliers et ouvrant droit à une réduction d’impôt à un taux de 75 % (1° ter de l’article 200 du CGI) fixé à 530 euros au titre de l’imposition des revenus de 2016

– le plafond de la déductibilité du revenu global de la somme représentative des avantages en nature consentis aux personnes âgées de plus de 75 ans vivant sous le toit du contribuable (2° ter du II de l’article 156 du CGI), fixé à 3 411 euros au titre de l’imposition des revenus de 2016

– le montant des revenus nets non agricoles au-delà duquel les déficits agricoles ne sont pas imputables sur le revenu global imposable (1° du I de l’article 156 du CGI), fixé à 107 826 euros au titre de l’imposition des revenus de 2016

– la limite des tranches de la retenue à la source sur les traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française servis à des personnes qui ne sont pas domiciliées en France (article 182 A du CGI)

– l’évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d’après certains éléments du train de vie (1 de l’article 168 du CGI), fixée à 45 452 euros pour l’imposition des revenus de 2016

– la limite d’exonération du complément de rémunération résultant de la contribution de l’employeur à l’acquisition par le salarié de titres restaurant (19° de l’article 81 du CGI) fixée à 5,38 euros par titre pour 2016

– le seuil d’exigibilité des acomptes provisionnels pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu (1 de l’article 1664 du CGI), fixé à 347 euros pour l’imposition des revenus de 2016

– l’éligibilité au régime de l’autoentrepreneur (2° du I de l’article 151-0 du CGI)

– la limite d’application du régime de franchise en base de TVA (article 293 B), du régime micro-BNC (article 102 ter), du régime micro-BIC (article 50-0), du régime micro-BA (article 64 bis), du régime réel simplifié (articles 302 septies A et 302 septies A bis), l’indexation étant réalisée sur une base triennale, et non annuelle

Les dispositifs indexés comme la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu dans le domaine de la fiscalité locale

– le plafonnement de la taxe d’habitation, ainsi que les dégrèvements d’office et abattements communs à cette taxe et à la taxe foncière au profit des contribuables qui ne dépassent pas un certain niveau de revenu fiscal de référence (RFR) mentionné à l’article 1417 du CGI. Ce niveau de revenu gouverne également de nombreuses autres exonérations, dégrèvements et abattements.

Les dispositifs indexés relatifs à d’autres impositions (liste non exhaustive)

– les limites des tranches du barème de la taxe sur les salaires (2 bis de l’article 231 du CGI)

– l’exigibilité de la taxe sur les salaires pour les associations (article 1679 A du CGI)

S’agissant de l’impôt sur le revenu, il convient de citer, parmi les principaux dispositifs indexés, l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, applicable en fonction de seuils de revenus donnés, eux aussi indexés, ou encore le plafond de l’abattement de 10 % applicable aux pensions et retraites et celui de la déduction forfaitaire de 10 % au titre des frais professionnels.

Au titre de la fiscalité locale, les articles 1417 et 1414 A du CGI définissent, pour le premier, des plafonds de revenus et, pour le second, des montants d’abattements, utilisés par différents régimes d’exonérations ou d’abattements en matière de taxe d’habitation (TH) et de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Or, ces montants sont eux aussi indexés comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Cette revalorisation emporte également des conséquences en termes de recettes de contribution à l’audiovisuel public (CAP), puisque les contribuables peuvent bénéficier d’un dégrèvement total de la CAP selon des conditions symétriques à celles retenues pour les exonérations de TH.

En revanche, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 ([19]), ces plafonds de revenus définis au I de l’article 1417 du CGI ne servent plus de référence pour les mécanismes d’exonération de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Ces seuils sont désormais fixés par le 1° du III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale.

La revalorisation des tranches du barème à hauteur de l’inflation s’accompagne corrélativement de celle de différents montants utilisés pour le calcul de l’impôt, notamment les plafonds définis pour l’avantage retiré du quotient familial et le montant de la décote.

B.   L’indexation des plafonds applicables au quotient familial

● Le quotient familial vise à corriger la progressivité du barème de l’impôt en fonction des charges de famille du foyer fiscal. À une part pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs, ou deux parts pour les contribuables mariés ou liés par un pacte civil de solidarité, s’ajoute un nombre de demi-parts additionnelles qui varie selon le nombre des enfants à la charge du contribuable. À revenu égal, le quotient familial allège la charge fiscale des familles par rapport à celle des redevables taxés sur un nombre de parts inférieur, en permettant d’imposer les revenus ainsi fractionnés dans des tranches plus basses.

Par ailleurs, s’ajoutent d’autres demi-parts supplémentaires accordées au titre de situations particulières, notamment la demi-part attribuée aux contribuables vivant seuls et ayant élevé seuls pendant au moins cinq ans un ou plusieurs enfants, la demi-part attribuée aux personnes invalides, ou encore la demi-part attribuée aux anciens combattants de plus de soixante-quatorze ans et à leurs veuves ou veufs.

Depuis la loi de finances pour 1982 ([20]), l’avantage fiscal qui résulte de l’application du quotient familial est plafonné de sorte que, pour les contribuables soumis au plafonnement, cet avantage tend à diminuer, en valeur relative par rapport à l’impôt dû, à mesure qu’augmente le revenu.

● Le b du procède à l’indexation des plafonds de l’avantage retiré de l’application des différentes parts et demi-parts, y compris celles attribuées au titre de situations particulières.

Indexation de plafonds associÉs au calcul de l’impÔt
sur le revenu

(en euros)

Objet de la limite ou du seuil

Pour l’imposition des revenus de 2016

Pour l’imposition des revenus de 2017

Plafond de l’avantage retiré de chaque demi-part de droit commun de quotient familial

1 512

1 527

Plafond de l’avantage retiré de la part entière de quotient familial accordée au titre du premier enfant à charge des personnes vivant seules en application du II de l’article 194 du code général des impôts (CGI)

3 566

3 602

Plafond de l’avantage retiré de la demi-part accordée aux personnes célibataires, divorcées ou veuves sans personne à charge ayant élevé seules pendant au moins cinq ans un ou plusieurs enfants en application des a, b et e du 1 de l’article 195 du CGI

903

912

Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la demi-part supplémentaire accordée à raison de la qualité d’ancien combattant ou de la situation d’invalidité d’un des membres du foyer fiscal en application des c, d, d bis et f du 1 et des 2 à 6 de l’article 195 du CGI

1 508

1 523

Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la part supplémentaire accordée aux contribuables veufs ayant au moins un enfant à charge en application du I de l’article 194

1 684

1 701

Par ailleurs, le rattachement au foyer fiscal d’un enfant majeur marié, pacsé ou chargé de famille, de moins de vingt et un ans ou de moins de vingt-cinq ans s’il poursuit ses études, ouvre droit, non à une majoration du quotient familial, mais à un abattement sur le revenu imposable, en application de l’article 196 B. Le montant de cet abattement, fixé à 5 738 euros pour l’imposition des revenus de 2016, est porté à 5 795 euros pour l’imposition des revenus de 2017 () ([21]).

● L’indexation du plafond de la demi-part de droit commun du quotient familial conduit à ce que le mécanisme du plafonnement s’applique à compter d’un revenu imposable de 64 679 euros, pour un couple avec deux enfants.

Plafonnement des effets du quotient familial en 2017 et 2018

(en euros)

Nombre de parts

Couple marié  Niveau de revenu imposable
à partir duquel le plafonnement s’applique

Revenus 2016 – LFI 2017

Revenus 2017 – PLF 2018

2,5 (un enfant)

58 841 euros

Soit des revenus salariaux de 5 448 euros/mois

59 426 euros

Soit des revenus salariaux de 5 502 euros/mois

3 (deux enfants)

64 044 euros

Soit des revenus salariaux de 5 930 euros/mois

64 679 euros

Soit des revenus salariaux de 5 989 euros/mois

4 (trois enfants)

74 447 euros

Soit des revenus salariaux de 6 893 euros/mois

75 185 euros

Soit des revenus salariaux de 6 961 euros/mois

5 (quatre enfants)

84 849 euros

Soit des revenus salariaux de 7 856 euros/mois

85 692 euros

Soit des revenus salariaux de 7 934 euros/mois

Note de lecture : par hypothèse, pour le calcul des revenus mensuels, on considère que les contribuables ne perçoivent, comme source de revenus, que des salaires. Leur revenu imposable est égal au montant des salaires déclarés, minorés de la déduction forfaitaire de 10 % au titre des frais professionnels.

Source : commission des finances.

C.   L’indexation de la décote

● Introduit en 1982, le mécanisme de la décote vise à décaler et lisser l’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu. Jusqu’à l’imposition des revenus de 2013, la décote consistait à réduire le montant de l’impôt résultant de l’application du barème progressif de la différence entre 508 euros et la moitié de son montant. Ce mécanisme a ensuite été profondément réformé par l’article 2 de la loi de finances pour 2015, puis par l’article 2 de la loi de finances pour 2016, pour le « conjugaliser », en fixant un montant plus élevé pour les couples que pour les célibataires, et pour en accroître les effets.

Aux termes du a du 4 de l’article 197 du CGI, la décote consiste désormais à réduire l’impôt issu de l’application du barème progressif de la différence entre 1 165 euros et les trois quarts de son montant pour les célibataires, divorcés ou veufs, ou de la différence entre 1 920 euros et les trois quarts de son montant pour les contribuables soumis à imposition commune.

● Le c du du présent article procède à l’indexation de la décote, en portant son montant :

– de 1 165 euros à 1 177 euros, pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs ;

– de 1 920 euros à 1 939 euros, pour les contribuables soumis à imposition commune.

De ce fait, au titre de l’impôt sur le revenu acquitté en 2018, la décote trouverait à s’appliquer tant que l’impôt issu du barème serait inférieur à 1 569 euros (contre 1 553 euros en 2017), pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs, et à 2 585 euros (contre 2 560 euros en 2017) pour les contribuables soumis à imposition commune.

Par ailleurs, la décote viendrait annuler l’imposition, telle qu’elle résulte du barème progressif, lorsque celle-ci serait inférieure à 707 euros, pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs, et à 1 142 euros pour les contribuables soumis à imposition commune.

Évolution du champ de la dÉcote depuis 2014

(en euros)

Année d’imposition

2014

2015

2016 et 2017

2018

Pour un célibataire

Pour un couple

Pour un célibataire

Pour un couple

Pour un célibataire

Pour un couple

Plafond de la décote

508

1 135

1 870

1 165

1 920

1 177

1 939

Montant maximal d’impôt sur le revenu issu du barème susceptible d’être effacé par la décote

339

568

935

666

1 097

672

1 108

Montant maximal d’impôt sur le revenu issu du barème pouvant être effacé par la décote compte tenu du seuil de mise en recouvrement (égal à 61 euros)

379

598

965

701

1 132

707

1 142

Plafond d’impôt sur le revenu issu du barème à partir duquel la décote ne joue plus

1 016

1 135

1 870

1 553

2 560

1 569

2 585

Source : commission des finances.

D.   L’indexation des plafonds de RFR conditionnant le bénéfice de la réduction d’impôt introduite en loi de finances pour 2017

 L’article 2 de la loi de finances pour 2017 a introduit un mécanisme d’allégement de l’impôt, prévu par le b du 4 de l’article 197 du CGI, et destiné aux foyers fiscaux dont le revenu fiscal de référence (RFR) est inférieur à 20 500 euros pour les contribuables seuls et à 41 000 euros pour les couples – ces plafonds étant le cas échéant majorés de 3 700 euros par demi-part supplémentaire de quotient familial. L’avantage fiscal est égal à 20 % de l’imposition due jusqu’à un plafond de RFR de 18 500 euros pour les contribuables seuls et de 37 000 euros pour les couples, ces montants étant là encore majorés en fonction du nombre de demi-parts. Puis ce taux décroît dans le cadre d’un mécanisme de lissage, pour devenir nul lorsque le RFR du foyer fiscal atteint les plafonds conditionnant l’éligibilité du dispositif, permettant ainsi une sortie en sifflet du dispositif.

Aux termes du dernier alinéa du b du 4 de l’article 197, les plafonds de revenus conditionnant le bénéfice de l’allégement de l’imposition sont révisés chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. De ce fait, le présent article ne modifie pas les plafonds de revenus précités, qui sont indexés de façon indirecte en application du a du .

Les seuils de RFR, et donc les seuils de revenus déclarés, évolueraient donc comme suit pour l’impôt sur le revenu acquitté en 2018 :

Niveau des revenus perçus par les foyers fiscaux concernÉs
par la rÉforme, selon leur composition, en 2017 et en 2018

Configuration
du foyer fiscal

IR 2017
(sur les revenus de 2016)

IR 2018
(sur les revenus de 2017)

Plafond de revenus déterminant l’éligibilité à la réduction de l’impôt au taux de 20 %

Point de sortie du bénéfice de la réduction d’impôt

Plafond de revenus déterminant l’éligibilité à la réduction de l’impôt au taux de 20 %

Point de sortie du bénéfice de la réduction d’impôt

Célibataire

(1 part)

RFR de 18 500 euros

Soit des revenus salariaux de 1 713 euros/mois

RFR de 20 500 euros

Soit des revenus salariaux de 1 898 euros/mois

RFR de 18 685 euros

Soit des revenus salariaux de 1 730 euros/mois

RFR de 20 705 euros

Soit des revenus salariaux de 1 917 euros/mois

Célibataire avec demi-part (invalide, ancien combattant…)

(1,5 part)

RFR de 22 200 euros

Soit des revenus salariaux de 2 055 euros/mois

RFR de 24 200 euros

Soit des revenus salariaux de 2 241 euros/mois

RFR de 22 422 euros

Soit des revenus salariaux de 2 076 euros/mois

RFR de 24 442 euros

Soit des revenus salariaux de 2 263 euros/mois

Parent isolé

(1 part et deux demi-parts)

RFR de 25 900 euros

Soit des revenus salariaux de 2 398 euros/mois

RFR de 27 900 euros

Soit des revenus salariaux de 2 583 euros/mois

RFR de 26 159 euros

Soit des revenus salariaux de 2 422 euros/mois

RFR de 28 179 euros

Soit des revenus salariaux de 2 609 euros/mois

Couple

(2 parts)

RFR de 37 000 euros

Soit des revenus salariaux de 3 426 euros/mois

RFR de 41 000 euros

Soit des revenus salariaux de 3 796 euros/mois

RFR de 37 370 euros

Soit des revenus salariaux de 3 460 euros/mois

RFR de 41 410 euros

Soit des revenus salariaux de 3 834 euros/mois

Couple avec un enfant

(2,5 parts)

RFR de 40 700 euros

Soit des revenus salariaux de 3 768 euros/mois

RFR de 44 700 euros

Soit des revenus salariaux de 4 139 euros/mois

RFR de 41 107 euros

Soit des revenus salariaux de 3 806 euros/mois

RFR de 45 147 euros

Soit des revenus salariaux de 4 180 euros/mois

Couple avec deux enfants

(3 parts)

RFR 44 400 euros

Soit des revenus salariaux de 4 111 euros/mois

RFR de 48 400 euros

Soit des revenus salariaux de 4 481 euros/mois

RFR 44 844 euros

Soit des revenus salariaux de 4 152 euros/mois

RFR de 48 884 euros

Soit des revenus salariaux de 4 526 euros/mois

Couple avec trois enfants

(4 parts)

RFR de 51 800 euros

Soit des revenus salariaux de 4 796 euros/mois

RFR de 55 800 euros

Soit des revenus salariaux de 5 167 euros/mois

RFR de 52 318 euros

Soit des revenus salariaux de 4 844 euros/mois

RFR de 56 358 euros

Soit des revenus salariaux de 5 218 euros/mois

Source : commission des finances.

● Sous les effets conjugués de la décote et de la réduction d’impôt prévue par le b du 4 de l’article 197, le point d’entrée dans l’impôt sur le revenu, soit le niveau de revenu imposable à partir duquel un contribuable acquitte de l’impôt sur le revenu, évoluerait comme suit entre 2017 et 2018 :

ÉVOLUTION du point d’entrÉe dans l’imposition entre 2017 et 2016

(en euros)

Nombre de parts

IR 2017

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR) et de la réduction d’impôt

IR 2018

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR) et de la réduction d’impôt

1 part

16 411

(14 770)

Soit 1 368 euros/mois

16 571

(14 914)

Soit 1 381 euros/mois

1,5 part

21 806

(19 625)

Soit 1 817 euros/mois

22 020

(19 818)

Soit 1 835 euros/mois

2 parts

30 629

(27 566)

Soit 2 552 euros/mois

30 929

(27 836)

Soit 2 577 euros/mois

2,5 parts

36 023

(32 421)

Soit 3 002 euros/mois

36 377

(32 739)

Soit 3 031 euros/mois

3 parts

41 418

(37 276)

Soit 3 451 euros/mois

41 824

(37 642)

Soit 3 485 euros/mois

4 parts

52 207

(46 986)

Soit 4 351 euros/mois

52 721

(47 449)

Soit 4 393 euros/mois

Source : commission des finances.

III.   L’impact de la mesure

Le coût budgétaire de la mesure est chiffré à 1,1 milliard d’euros pour l’année 2017, au titre des pertes de recettes d’impôt sur le revenu pour l’État.

En revanche, les pertes de recettes pour les collectivités territoriales au titre de l’indexation du barème sur l’inflation ne font l’objet d’aucun chiffrage par l’évaluation préalable du présent article. En effet, la revalorisation des plafonds de RFR mentionnés aux articles 1414 A et 1417 du CGI, qui déterminent les conditions d’exonération et d’abattement au titre de la TH et de la taxe foncière, se traduit par des moindres recettes pour les collectivités territoriales dès lors que certains des régimes dérogatoires applicables ne font pas l’objet de compensation par l’État.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF496 de Mme Muriel Ressiguier et I-CF282 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Éric Coquerel. Le débat ouvert par M. Vigier ne peut pas être clos par l’antériorité de la Déclaration des droits de l’homme par rapport à la guerre de 1914-1918, au cours de laquelle a été inventé l’impôt sur le revenu. En effet, il doit être l’impôt du consentement républicain. Or, cela fait des années qu’il pèse très peu dans la fiscalité, au détriment de la TVA, qui est totalement injuste puisque non proportionnelle.

Pour notre part, nous considérons que l’impôt sur le revenu doit être remis au cœur de la fiscalité et nous proposons que tous les Français paient l’impôt mais en fonction de leurs moyens. Il s’agit de faire en sorte que les classes moyennes pâtissent moins de l’impôt qu’aujourd’hui et que les très grandes fortunes de ce pays participent davantage à l’effort, contrairement à ce que propose la majorité. Les cinq tranches actuelles n’allant pas dans ce sens, nous proposons d’en retenir quatorze.

Cet amendement va donc dans le sens de celui de M. Vigier, mais nous poussons le raisonnement jusqu’au bout.

M. Jean-Paul Dufrègne. Avec notre amendement I-CF282, il s’agit de revoir la progressivité de l’impôt. S’il ne devait exister qu’un impôt, ce serait l’impôt sur le revenu car c’est l’impôt le plus juste. On ne peut pas prétendre que la moitié des Français ne paient pas l’impôt. J’en veux pour preuve que tout le monde paie la TVA et qu’elle pèse beaucoup plus sur les petits que sur les gros revenus. Prenez l’exemple de deux personnes qui mangent chacune une baguette par jour : si l’une gagne deux fois plus que l’autre, la TVA est, en fin de compte, la même mais la baguette aura coûté bien moins cher à celui qui gagne deux fois plus.

Je suis donc favorable à une redéfinition de l’impôt sur le revenu en fixant un certain nombre de tranches qui permettent une meilleure progressivité de l’impôt. Certes, nous ne proposons pas tout à fait le même dispositif que M. Coquerel, mais c’est le même esprit qui prévaut.

Il s’agit seulement de revenir à un temps pas si lointain où l’impôt avait une plus forte progressivité et où les tranches supérieures étaient plus importantes qu’actuellement.

On est toujours en train d’essayer de baisser les impôts de ceux qui en paient le plus, quitte à assujettir ceux qui n’en paient pas. Vous avez critiqué la baisse de 5 euros du montant de l’aide personnalisée au logement (APL). Le même raisonnement vaut lorsque l’on taxe de 1 % un revenu de 10 000 euros puisque, mine de rien, cela représente 100 euros.

M. le président Éric Woerth. Je vous rappelle qu’il faut ajouter à cela la CSG.

M. le Rapporteur général. L’un des amendements est plus modéré que l’autre, si je puis dire.

Les réformes qui ont été menées depuis plusieurs années ont renforcé la progressivité globale de l’impôt sur le revenu grâce à la création d’une tranche à 45 % et au plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros.

Il faut savoir que 70 % du produit de l’impôt sur le revenu est acquitté par les 10 % de foyers les plus aisés, soit une progressivité assez convenable. De plus, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, ou « surtaxe Fillon », s’applique d’ores et déjà aux foyers fiscaux les plus aisés, au taux de 3 % ou 4 % selon le niveau de revenu fiscal de référence (RFR). Le taux marginal de 45 % est donc majoré d’autant. Il faut peut-être aussi prendre en considération la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le taux marginal maximal d’imposition. Si vous instaurez une tranche à 90 %, que vous rajoutez la « surtaxe Fillon » et les prélèvements sociaux à 15,5 %, vous dépassez largement les 100 %, ce qui pose problème. Dès lors que l’on dépasse le taux de 66 %, on encourt la censure du Conseil constitutionnel, au motif que l’imposition aurait un caractère confiscatoire.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable à ces deux amendements.

M. Jean-Paul Mattei. Dans ce débat, on occulte la flat tax, ce prélèvement à la source qui est proposé par l’article 11 du présent projet de loi de finances. Une catégorie de revenus ne sera pas concernée par le barème de l’impôt sur le revenu en raison d’un taux forfaitaire de taxation à 12,8 %.

M. le président Éric Woerth. Parce que c’est un autre type de revenu.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle en vient à l’amendement I-CF684 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement vise à diminuer de 10 % l’impôt sur le revenu. Cet impôt a connu une très forte progression pendant le quinquennat de François Hollande. Selon l’excellent rapport de Valérie Rabault sur le projet de loi de finances pour 2017, les prélèvements obligatoires ont augmenté de 43,9 milliards d’euros pour les ménages. Les classes moyennes et moyennes supérieures ont été largement touchées. Nous proposons donc une autre conception de la redistribution du pouvoir d’achat en baissant l’impôt là où il est le plus élevé et où il a le plus augmenté ces dernières années. Il est assez juste de diminuer l’impôt de ceux qui le paient et de ceux qui l’ont beaucoup payé.

Monsieur le Rapporteur général, j’imagine que vous êtes d’accord avec moi...

M. le Rapporteur général. On passe d’un extrême à l’autre en termes de fiscalité !

Votre amendement est très favorable aux foyers fiscaux relevant des plus hautes tranches du barème, c’est-à-dire les 470 000 foyers fiscaux qui se situent dans les tranches à 41 % et à 45 %. Son coût est loin d’être modeste, puisqu’il est de 7 milliards d’euros, avec une répartition du gain très concentrée sur le dernier décile, voire le dernier centile.

Le projet de loi de finances fixe comme priorité de redonner 3 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux ménages grâce à l’allégement de la taxe d’habitation, et ce sont les classes moyennes qui sont ciblées. Il n’est pas souhaitable de substituer à ces dispositifs la mesure que vous proposez. Aussi, monsieur le président, je suis au regret de devoir émettre un avis défavorable à votre amendement.

Mme Amélie de Montchalin. Je veux simplement faire remarquer aux auteurs de cet amendement que ce sont les mêmes qui nous ont expliqué qu’il fallait un ajustement structurel de 0,5 % dès 2018. Si l’on baisse autant les dépenses et les impôts, comment fera-t-on pour boucler le budget et quel sera le niveau du déficit ?

M. le président Éric Woerth. Certaines mesures nous paraissant assez injustes, c’est à une redistribution que nous entendons procéder. N’oublions pas en outre que les dépenses diminuent fort peu dans ce budget.

Mme Valérie Rabault. Je vous remercie, monsieur le Rapporteur général, de nous avoir donné un argument que nous pourrons utiliser contre le prélèvement forfaitaire unique. Vous dites qu’il s’agit d’un gain très avantageux pour le dernier décile, voire le dernier centile : nous reprendrons mot à mot vos propos.

M. Julien Aubert. Monsieur le Rapporteur général, vos arguments montrent que le dernier décile paie 75 ou 80 % du produit de l’impôt. « Je rends au public ce qu’il m’a prêté » disait La Bruyère dans Les Caractères. En l’occurrence, nous proposons de rétrocéder à ceux qui paient beaucoup d’impôts une partie de ce que l’État leur a prélevé. Vous pouvez avoir peur de faire d’Emmanuel Macron le président des riches, mais il est assez contradictoire de toucher à l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et d’expliquer qu’une baisse de l’impôt sur le revenu sur le dernier décile revient à faire une politique en faveur des plus aisés.

Madame de Montchalin, l’économie ce n’est pas seulement de la comptabilité. Quand on baisse les impôts de 10 %, on peut aussi espérer un choc keynésien sur la demande...

M. Laurent Saint-Martin. On en parlera !

M. Julien Aubert. ... qui va donc nourrir l’activité économique et augmenter la croissance potentielle. Tout ceci repose sur des hypothèses qui ne sont, ni moins vraies, ni moins fausses que celles que vous avancez dans votre budget. Tout est affaire de choix politique. Mais, de grâce, ne nous retranchons pas derrière des anathèmes. Au contraire, cela permet aux Républicains de montrer qu’ils sont favorables à une politique qui vise à augmenter le pouvoir d’achat des Français.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement ICF19 de M. Marc Le Fur, l’amendement I-CF512 de M. Charles de Courson ainsi que les amendements ICF214 et ICF215 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Marc Le Fur. Dans notre organisation fiscale, l’impôt sur le revenu tient compte des revenus et des charges. La prise en compte des charges, en particulier des charges familiales, se fait par le truchement du quotient familial. Si l’on peut concevoir l’existence d’un plafonnement, celui-ci est devenu plus pénalisant pour 800 000 foyers depuis la loi de finances de 2013. C’est pourquoi je vous propose de revenir au plafonnement antérieur, donc de moins pénaliser les classes moyennes.

M. Charles de Courson. Mon amendement est plus modéré que celui de M. Le Fur.

Vous vous souvenez que l’ancienne majorité avait réduit le plafonnement en deux temps, de 2 500 euros à 2 000 euros, puis de 2 000 euros à 1 500 euros environ. Nous proposons d’éliminer la seconde tranche de la baisse, c’est-à-dire de remonter le plafond de la demi-part du quotient familial de 1 527 à 2 000 euros.

M. Jean-Louis Bourlanges. Le quotient familial est le grand mal-aimé des débats budgétaires. Tout le monde est contre : l’administration parce qu’elle y voit de l’argent, la gauche, parce qu’elle considère que ce sont les riches qui en bénéficient, et la droite hédoniste parce qu’elle estime que les familles, c’est ringard. Du coup, c’est un dispositif profondément injuste, puisque l’on considère que le revenu d’un couple sans enfant est le même que celui d’un couple avec quatre enfants. Tout le monde s’y est mis : d’abord Nicolas Sarkozy, puis François Hollande, ce qui a abouti à trois plafonnements. Le Président Macron a déclaré clairement qu’il était favorable à la suppression de ce plafonnement. Et, comme c’est un homme responsable, il a ajouté que cette mesure serait prise si les finances publiques le permettaient.

Notre proposition est plus modérée puisqu’il s’agit de commencer par remettre en cause en deux temps – cette année et l’an prochain – le plafonnement décidé par François Hollande, puis celui de Nicolas Sarkozy. Tout en tenant compte des difficultés des finances publiques, il faut cesser de dire que le quotient familial est un cadeau fiscal puisque c’est l’inverse. L’absence de quotient familial est un prélèvement abusif et contraire au principe de progressivité de l’impôt qui doit tenir compte du nombre de redevables qui vivent du revenu concerné.

M. le Rapporteur général. Le coût total du quotient familial, qui permet une redistribution horizontale au profit des familles, est de l’ordre de 12 milliards d’euros.

Je vous rappelle que le projet de loi de finances prévoit déjà un allégement de la fiscalité de 3 milliards d’euros au titre de la taxe d’habitation, allégement qui concerne les classes moyennes.

L’amendement de M. Le Fur prévoit 1,7 milliard d’euros ciblés sur les 20 %, et surtout les 10 % des familles les plus aisées. Celui de M. de Courson est effectivement plus modéré puisqu’il prévoit seulement 1,1 milliards d’euros. Enfin, celui de M. Bourlanges représente un coût de 200 millions en 2018, pour aboutir progressivement à 1,7 milliard d’ici à 2021, avec le même effet puisqu’il est ciblé sur les 20 % et surtout les 10 % les plus aisés.

Pour toutes ces raisons, et sans me permettre de porter un jugement sur la politique familiale, j’émets un avis défavorable à ces amendements.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je vous signale que l’Allemagne voudrait renforcer sa politique familiale parce que le coût de la baisse de la natalité est bien supérieur à 12 milliards d’euros. En France, la politique familiale était pertinente. Or, comme vient de le rappeler notre excellent collègue Jean-Louis Bourlanges, ces dernières années on s’est acharné à casser ce dispositif. Résultat : le taux de natalité est aujourd’hui en deçà de 2 et nous connaîtrons dans quelques années les mêmes problèmes que l’Allemagne.

Mme Amélie de Montchalin. Le Gouvernement et la majorité ont pleinement conscience qu’il est important de revoir intégralement les dispositifs de la politique familiale, car il y a un empilement de mesures qui ont parfois perdu leur objectif. Les caisses d’allocations familiales versent actuellement vingt-trois prestations en direction des familles. Au mois de janvier prochain, débutera une mission la commission des affaires sociales sur la politique familiale à laquelle nous serons associés. J’espère qu’il y aura un discours à la fois fiscal et de politique sociale. L’objectif est d’arrêter de toucher les paramètres et de revoir les politiques en profondeur. Sinon, on traite le problème en surface. La politique familiale en France représente près de 50 milliards de dépenses. Cela nécessite un débat plus long que l’examen d’un paramètre ce soir.

M. le président Éric Woerth. Ce n’est pas qu’un paramètre !

Mme Amélie de Montchalin. C’est un paramètre parmi d’autres !

M. le président Éric Woerth. Le quotient familial est une grande politique fiscale. Certes, il peut y avoir, ici ou là, des redondances, mais le quotient familial est un élément indispensable de l’impôt sur le revenu.

M. Jean-Louis Bourlanges. L’observation extrêmement savante de notre collègue me rappelle ce que m’avait dit un ancien Président de la République : pour casser un problème qui se pose, il suffit de se demander si c’est bien le moment.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ou bien on crée une commission.

M. Patrick Hetzel. Je suis un peu étonné par les arguments développés par la majorité. En réalité, on voit bien qu’elle a construit une approche budgétaire très pointilliste et qu’elle manque d’arguments sur certains sujets. Elle botte en touche sur la politique familiale en nous expliquant que cette question mérite une étude plus approfondie. Pourtant, nous sommes ici en commission des finances, et nous savons ce que nous faisons. Si nous défendons de tels amendements, c’est que nous considérons qu’un débat sur la politique familiale mérite mieux que d’être renvoyé à une mission. En fait, vous procrastinez parce que vous ne souhaitez pas traiter la question. En réalité, cette majorité n’a aucune politique familiale !

M. Éric Alauzet. Bien sûr, il faut revoir la politique familiale, mais qu’on le veuille ou non, cette question ne peut pas être dissociée de celle du pouvoir d’achat.

Vous parlez des classes moyennes, mais leur situation est différente selon qu’elles gagnent 1 500 ou 5 000 euros par mois. La classe moyenne qui serait concernée par ces amendements est la même que celle qui va bénéficier d’une exonération de la taxe d’habitation – lorsque l’on gagne 4 000 ou 5 000 euros et que l’on a un ou deux enfants à charge, on bénéficie d’une exonération de la taxe d’habitation – et la même que celle qui va bénéficier du prélèvement forfaitaire unique.

Il me semble étrange qu’un enfant puisse « valoir » 500 euros, 1 000 euros ou 3 000 euros. Celui qui souhaite une politique nataliste devrait défendre l’idée d’un versement uniforme pour chaque enfant, sinon c’est un prétexte.

M. le président Éric Woerth. C’est ce qui se passe avec les allocations familiales.

M. Julien Aubert. Je suis frappé de voir qu’il y a une méconnaissance profonde de la manière dont la politique nataliste a été conçue en 1945. À l’époque, un intense débat a eu lieu pour savoir si ces éléments de politique familiale constituaient ou non un revenu. Comme l’a fort bien expliqué Jean-Louis Bourlanges, si les allocations familiales n’ont pas été fiscalisées, c’est parce qu’on a considéré à l’époque qu’il s’agissait d’un dédommagement. Prétendre que des éléments de la politique familiale sont en réalité une forme de subventionnement à l’enfant est à mon avis un contresens par rapport à l’objectif originel de la politique familiale.

On a parfois des difficultés à caractériser la politique de ce Gouvernement. Or, on voit bien que ce n’est pas une politique de droite parce qu’une politique de droite c’est une politique d’appui à la famille, à la natalité. Comme l’a dit Mme Dalloz, la natalité est en baisse en France ce qui est, qu’on le veuille ou non, la conséquence de la destruction, durant le quinquennat précédent, de tous les instruments de la politique nataliste. Si vous ne revenez pas sur ces dispositions, c’est que vous en êtes les dignes héritiers.

Mme Amélie de Montchalin. Cette majorité n’a aucunement l’intention de détricoter quoi que ce soit dans la politique familiale, mais de la renforcer. Et je vous rappelle que nous investissons dès 2018 dans l’aide à la garde d’enfants pour les familles monoparentales.

M. Julien Aubert. Ce n’est pas la même chose.

Mme Amélie de Montchalin. Je vous l’accorde.

Nous voulons remettre à plat des dispositifs extrêmement nombreux dont les objectifs sont différents et qui ont dérivé dans le temps. Le quotient familial et les allocations familiales ont une vertu d’universalité et de soutien aux familles les plus modestes. Nous allons poursuivre notre réflexion sur le fond, au sein de la commission des affaires sociales.

Je le répète, il n’est nullement question de remettre en cause le soutien à la famille, comme vous pouvez le constater à travers les mesures que nous prenons en direction du pouvoir d’achat puisque nous prenons en compte le nombre de parts, donc le nombre d’enfants. C’est le cas de la taxe d’habitation et de l’aide en direction des familles monoparentales. Dire que ce budget est contraire à la famille est aberrant.

M. Saïd Ahamada. Il est assez réducteur de penser que la politique familiale française n’est affaire que de gros sous et, par conséquent, qu’elle doit être examinée dans le cadre du projet de loi de finances. Cela mérite mieux, car l’État n’est pas le seul acteur de la politique familiale : les collectivités territoriales y contribuent également. Comme l’a dit cet après-midi Mme Schiappa à propos de l’égalité entre les femmes et les hommes, il faut changer les esprits.

M. Aubert a rappelé qu’un intense débat avait eu lieu lors de l’élaboration de cette politique familiale française. Il me semble que le projet de loi de finances n’est pas le bon outil pour ce type de discussion.

J’en ai un peu assez des procès d’intention qui sont faits. M. Macron est peut-être le seul Président de la République qui fait exactement ce qu’il a dit pendant sa campagne électorale. On pourrait faire la litanie des promesses que vous avez faites mais que vous n’avez pas honorées. Respectez donc un peu les engagements que nous prenons !

M. le président Éric Woerth. Ayons du respect commun mais aussi un peu de mémoire !

M. Marc Le Fur. Il y a une confusion totale dans l’esprit de certains de nos collègues.

La politique familiale n’est pas un chapitre d’une politique sociale, c’est une politique autonome. Le but d’une politique familiale est de faire en sorte qu’à revenu égal une famille ne soit pas exagérément défavorisée par rapport à des célibataires ou des couples sans enfant. À revenu égal, un cadre supérieur avec enfants doit pouvoir conserver un niveau comparable à celui d’un cadre supérieur sans charge de famille. Ce qui vaut pour un cadre supérieur vaut pour un cadre moyen, etc.

La France s’est singularisée en matière de natalité, comme l’a dit Mme Dalloz, et elle a toujours poursuivi cette politique, quelles que soient les sensibilités. Or celle-ci se dégrade depuis plusieurs années et elle risque de s’aggraver encore dans les mois à venir à cause du prélèvement à la source qui est la fin de la familialisation de l’impôt.

M. Jean-Louis Bourlanges. Absolument !

Mme Amélie de Montchalin. Pas du tout !

M. Marc Le Fur. Si !

Je vois également apparaître la fin des allocations familiales pour toutes les familles, pour se recentrer sur un certain type de familles.

Le quotient familial réduit à quelque chose de rabougri, la fin des allocations familiales pour tous et le prélèvement à la source : tout cela marque la fin d’une politique familiale constante depuis soixante-dix ans.

Mme Valérie Rabault. Le dernier rapport de la Cour des comptes sur l’exécution de la loi de financement de la sécurité sociale est fabuleux puisqu’il répond à vos questions. À la page 508, tout est cumulé : les allocations familiales, le quotient familial, etc. La population a été divisée en dix, par niveau de revenu, et l’on voit exactement ce que chacun touche par enfant. À l’examen de ce graphique, on ne peut pas dire que la politique familiale de notre pays aurait été supprimée, ou en tout cas qu’elle aurait été largement amputée.

À la page 457, c’est une comparaison entre différents pays qui est effectuée. Sont additionnés les prestations monétaires, les prestations en nature et les avantages fiscaux. Lorsque l’on rapporte toutes ces dépenses au PIB, on voit que notre pays reste largement en tête du peloton. Prétendre qu’il y aurait eu, sous le quinquennat précédent, une remise en cause de la politique familiale me paraît largement faux et démesuré.

Enfin, je me permets de dire à M. Ahamada, qui nous explique que les engagements du Président de la République sont tenus, que la suppression des emplois aidés ne figurait pas dans le programme d’Emmanuel Macron...

M. Stanislas Guerini. Je remercie Mme Rabault pour son excellente intervention qui montre la nécessité d’aborder cette question dans son ensemble. Il ne s’agit pas pour nous d’éluder ce sujet en disant qu’il sera traité dans le cadre d’une mission de la commission des affaires sociales.

Monsieur le président, vous nous demandez de faire preuve d’un peu de mémoire : je signale donc à M. Aubert que la politique familiale ne date pas de 1945 mais des années trente.

M. Julien Aubert. C’est vrai.

M. Jean-Louis Bourlanges. Il est évident, comme l’ont rappelé Mme Dalloz et M. Le Fur, que le quotient familial a un effet important sur la natalité. Ce dispositif nous a permis d’être toujours très bons en matière de natalité. Or, on constate actuellement une baisse préoccupante de la natalité.

Nous nous fourvoyons en confondant le quotient familial avec les allocations familiales ou d’autres choses. Les allocations familiales sont un instrument de politique familiale, tandis que le quotient familial est une application légitime, rigoureuse de la progressivité de l’impôt sur le revenu. C’est une mesure qui n’est ni sociale, ni familiale – même si elle a des incidences familiales importantes –, mais fiscale.

En France, l’impôt est progressif et l’on taxe les revenus des personnes en fonction du nombre des gens qui vivent de ce revenu. Le nier revient à créer une injustice. C’est comme si vous considériez qu’un Luxembourgeois est plus pauvre qu’un Chinois parce que le PIB du Luxembourg est moins élevé que celui de la Chine. Seulement, on divise le PIB de la Chine par 1,5 milliard de personnes et celui du Luxembourg par 300 000...

Un revenu sur lequel vivent quatre enfants et deux adultes n’a rien à voir avec un revenu sur lequel vivent deux personnes. Nous demandons une mesure d’équité fiscale, de justice fiscale. Si, comme l’a dit Mme de Montchalin, on doit réfléchir en commission des affaires sociales aux aspects de la politique familiale, aujourd’hui nous votons le budget de la France.

M. Patrick Hetzel. Puisque vous prétendez, madame de Montchalin, que le Gouvernement a une politique familiale, je vous suggère de consulter le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous vous apercevrez qu’il s’apprête à diminuer la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) dès 2018. Encore une fois, le discours de la majorité ne se traduit pas dans les faits. Si, comme vous le dites, il faut mener une réflexion globale sur la question, convenez que la baisse de la PAJE ne devrait intervenir qu’après cette réflexion. Au moins éviterions-nous ainsi que les familles ne soient pénalisées dès 2018. Allez jusqu’au bout de votre logique !

M. Julien Aubert. Je tiens tout d’abord à préciser que le quotient familial date bien de 1945. Ensuite, je m’étonne que l’on nous invite à une réflexion globale sur le sujet alors que nous sortons d’une campagne électorale qui permet généralement de définir les axes de la politique que l’on va mener une fois élu. Le Président de la République n’aurait-il pas pris le temps, au cours des neuf derniers mois, de réfléchir à la politique familiale ? Cela me paraît d’autant plus inquiétant que vous n’appliquez pas le même principe de prudence à tous les sujets. S’agissant de la décentralisation et de l’autonomie des collectivités territoriales, par exemple, vous n’avez pas pris un an pour réfléchir à la manière dont vous alliez réorganiser le millefeuille...

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine l’amendement I-CF505 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Éric Coquerel. Cet amendement a pour objet de plafonner à 2 590 euros par part la réduction d’impôt résultant de l’application du quotient conjugal aux couples mariés ou pacsés. En 2011, la direction générale du Trésor estimait que l’instauration d’un tel plafond, qu’il faudrait évidemment actualiser, produirait une recette de 1,35 milliard d’euros. Je précise que cette mesure ne concernerait que 4 % des couples mariés ou pacsés – les plus riches –, soit 500 000 ménages, dont les trois quarts se situent dans le dixième décile de niveau de vie et seraient donc largement en mesure de supporter ce plafonnement.

M. le Rapporteur général. La prise en compte des capacités contributives et des charges de famille au sein du foyer fiscal est structurante pour notre fiscalité. L’amendement soulève la question des modalités d’imposition au sein du couple. De fait, le quotient conjugal augmente le taux marginal d’imposition du conjoint ayant les ressources les plus faibles – il s’agit, hélas ! souvent de la femme – et peut donc décourager ce dernier de reprendre une activité.

Les pertes associées au plafonnement du quotient conjugal que propose M. Coquerel concerneraient, pour l’essentiel, les deux derniers déciles de la population. La perte moyenne sur le dernier décile – qui représente 83 % des pertes – a été évaluée, en 2011, à 3 200 euros par an. Les enjeux d’un tel dispositif sont sans aucun doute intéressants, mais celui-ci aurait sur les différentes catégories de foyers des effets massifs qu’il faut bien analyser au préalable. Par exemple, le plafonnement concernerait davantage les couples sans enfant – 67 % du total –, mais il affecterait aussi fortement les couples avec trois enfants ou plus, dont les pertes moyennes seraient nettement plus élevées que pour les couples sans enfant ou avec un ou deux enfants. Je comprends bien le sens de l’amendement, mais il ne me semble pas raisonnable de s’engager dans la voie d’une telle réforme sans avoir préalablement étudié ses effets sur les différents foyers. Avis défavorable, donc.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 sans modification.

*

*     *

Après l’article 2

La commission est saisie de l’amendement I-CF486 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Éric Coquerel. Par cet amendement, nous proposons d’instaurer une imposition universelle inspirée de la taxation différentielle appliquée aux États-Unis d’Amérique, dont chacun sait qu’ils mènent une politique très à gauche... Cette taxation consisterait tout simplement à faire payer à ceux de nos compatriotes qui se sont expatriés la différence entre l’impôt qu’ils acquittent à l’étranger et celui qu’ils acquitteraient s’ils étaient résidents sur le sol français.

Cet impôt attaché à la nationalité, outre qu’il rapporterait de l’argent, aurait un caractère vertueux puisqu’il permettrait de distinguer ceux qui s’installent à l’étranger dans un souci d’optimisation fiscale de ceux qui partent pour travailler. J’ajoute que les États-Unis n’hésitent pas à solliciter les services d’Interpol pour poursuivre ceux de leurs ressortissants qui cherchent à échapper à cette taxation différentielle. Je suis certain, mes chers collègues, que vous serez nombreux à voter cet amendement.

M. le Rapporteur général. Ce dispositif d’impôt sur la citoyenneté, qui s’inspire en effet du système fiscal américain, constituerait une réforme de grande ampleur dans la mesure où il modifierait l’un des principaux principes de notre droit fiscal, à savoir la domiciliation fiscale. Il serait donc indispensable de mener un travail de fond préalablement à une telle réforme et, sans doute, d’y apporter des aménagements, car le modèle américain qu’invoque M. Coquerel prévoit des déductions ou des abattements pour l’imposition des expatriés. En tout état de cause, il serait possible d’échapper à un tel impôt sur la citoyenneté en renonçant à la nationalité française. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement I-CF694 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement concerne l’économie collaborative
– je pense notamment à la location d’appartements via des plateformes internet – et il est lié à un autre amendement que nous examinerons ultérieurement, qui a pour objet d’avancer d’un an l’entrée en vigueur de l’obligation pour ces plateformes de déclarer les revenus qu’elles génèrent perçus par leurs usagers. Force est en effet de constater que ceux-ci sont rarement déclarés et qu’ils échappent donc à l’impôt sur le revenu.

Il convient cependant de distinguer les particuliers de ceux qui utilisent ces plateformes pour jouer le rôle d’hôtelier sans subir les contraintes diverses auxquelles ces derniers sont soumis. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d’instaurer un abattement forfaitaire de 3 000 euros – le débat a déjà eu lieu au Sénat, notamment – sur les revenus des particuliers issus de leurs activités sur ces plateformes, dès lors, encore une fois, que celles-ci seraient soumises à l’obligation de déclarer ces revenus.

M. le Rapporteur général. Cet amendement, qui s’inscrit dans la continuité d’une mission d’information sénatoriale, prévoit d’imposer les bénéfices tirés de l’économie collaborative via des plateformes en ligne telles que Le Bon Coin ou encore Airbnb. Il vise également à créer une franchise de 3 000 euros, afin d’exonérer de l’impôt sur le revenu les contribuables dont les revenus sont inférieurs à ce montant. Un tel abattement ne va pas de soi car il suppose que l’on assume de ne pas imposer l’ensemble du revenu et il risque de donner lieu à des abus importants, qui pourraient prendre la forme de montages organisés pour rester sous ce plafond.

En outre, il créerait une importante distorsion de concurrence et une rupture d’égalité entre les professionnels et les personnes exerçant ce type d’activités de façon épisodique. À titre d’exemple, alors qu’un antiquaire ou un brocanteur professionnel paie l’impôt sur le revenu sur l’ensemble de son bénéfice, une personne qui vend ses biens en ligne en serait exonérée jusqu’à 3 000 euros. Au demeurant, la rupture d’égalité réside aussi dans les moyens utilisés puisque ne seront pas exonérées les personnes recourant à l’économie collaborative par des moyens physiques, tels que des brocantes ou des petites annonces affichées en ville ou par voie de presse.

Cette différence de traitement selon les modalités de l’activité, en ligne ou non, ne semble pas justifiée par un motif d’intérêt général et encourt donc la censure du Conseil constitutionnel. Enfin, l’amendement, qui n’est pas chiffré, risquerait de coûter cher.

Avis défavorable, avec mes regrets, monsieur le président.

M. le président Éric Woerth. Ce qui coûte cher, c’est surtout le non-recouvrement de l’impôt sur le revenu.

Mme Émilie Cariou. Le recoupement automatique est une bonne chose, car toute une série de plateformes, de surcroît localisées à l’étranger, réalisent d’importants chiffres d’affaires et les revenus tirés de ces activités échappent entièrement à l’impôt. Toutefois, il me semble que le régime du « micro–BIC » (bénéfice industriel et commercial) répond parfaitement à l’objectif de fiscalisation de ces tout petits revenus, qui peuvent provenir de la location meublée ou de toute autre activité commerciale réalisée occasionnellement. En tout état de cause, je crois, comme le Rapporteur général, que le dispositif proposé créerait une rupture d’égalité. Enfin, évitons de miter davantage l’assiette de l’impôt sur le revenu.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit de s’adapter à ce type d’économie ; peu de décisions sont prises dans ce domaine. Au reste, je ne suis pas certain que le régime du « micro–BIC » réponde à l’objectif.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement me paraît intéressant car, si des mécanismes ont été créés pour s’adapter à l’économie collaborative, les personnes qui s’inscrivent sur les plateformes peuvent en tirer des revenus relativement importants en en faisant, sinon leur activité principale, du moins une activité secondaire récurrente. Or, de plus en plus de personnes qui vendent ainsi divers biens d’occasion n’ont pas le réflexe de s’inscrire sur cette plateforme, de sorte qu’une partie importante des revenus tirés de ces activités échappe à l’impôt sur le revenu. Il faut donc apporter une solution à ce problème, faute de quoi nous entretiendrons une véritable inégalité sur le terrain.

M. Charles de Courson. L’amendement soulève un véritable problème. Ces revenus relèvent d’une économie plus ou moins souterraine. Certes, il est inutile de se fatiguer pour récupérer quelques centaines d’euros, mais lorsque les sommes en jeu dépassent 2 000 ou 3 000 euros, cela commence à être significatif – le SMIC, je le rappelle, est de 1 100 euros nets par mois. En proposant de soumettre les plateformes à l’obligation de déclarer une fois par an les revenus qu’elles génèrent, l’amendement apporte une innovation intéressante. Il me semble que c’est la voie à suivre, plutôt que de créer un dispositif propre à l’économie collaborative.

M. le Rapporteur général. L’obligation de déclaration qu’évoque M. de Courson a été votée l’an dernier mais le dispositif présente des difficultés.

M. le président Éric Woerth. En réalité, il ne doit entrer en vigueur qu’au 1er janvier 2019. C’est pourquoi je vous proposerai un autre amendement visant à avancer cette date au 1er janvier 2018.

Je comprends que l’instauration d’un abattement puisse poser problème par rapport à l’économie « en dur », mais il nous faut tarir cette source d’évasion fiscale supplémentaire. Au demeurant, l’économie collaborative, notamment les échanges entre particuliers, recouvre une utilisation très différente des biens. Il me semble donc que cet abattement serait une bonne chose.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je ne comprends pas très bien en quoi un abattement fiscal de 3 000 euros serait une incitation à la vertu. C’est comme si – permettez-moi cette comparaison un peu oiseuse – on encourageait la fidélité conjugale en autorisant un adultère une fois par mois...

M. le président Éric Woerth. Notre impôt sur le revenu est truffé de tant d’abattements que vous avez droit à bien plus d’un adultère par mois !

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement a une vertu pédagogique. Non seulement les personnes qui tirent un revenu de ce type d’activités doivent accepter de payer l’impôt, mais il faut lutter contre la concurrence déloyale dont pâtissent notamment les hôtels. Parce qu’il faut que cela change, je souhaiterais que nous adoptions l’amendement.

M. Xavier Roseren. L’obligation de déclaration, dont nous devons en effet avancer la date d’entrée en vigueur, présente un autre avantage : elle permettra de contrôler la perception de la taxe de séjour, qui est souvent oubliée.

M. le président Éric Woerth. Je présenterai un autre amendement à ce sujet.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai entendu que cet amendement contribuerait à miter un peu plus l’assiette de l’impôt sur le revenu. La question n’est pas là : actuellement, aucun impôt n’est perçu sur les revenus tirés de ces activités. La mesure proposée par le président nous permettrait de disposer d’une recette supplémentaire en fiscalisant une activité qui est de plus en plus pratiquée, notamment par les jeunes générations.

Par ailleurs, le fait d’avancer d’un an l’entrée en vigueur de l’obligation de déclaration permettrait de tester ses effets durant l’année 2018.

Le dispositif tel qu’il est proposé me semble en lui-même pertinent. En revanche, on peut discuter du niveau de l’abattement. C’est uniquement sur ce point que devrait porter le débat car, pour le reste, nous devrions pouvoir nous retrouver sur le principe.

M. le président Éric Woerth. Le Sénat a proposé de fixer ce seuil à 5 000 euros.

M. Julien Aubert. J’ai bien entendu l’argument de notre collègue Bourlanges, mais je crois que cette mesure devrait plutôt être comparée à ce qui existe en matière de téléchargement illégal. Là aussi, en effet, le citoyen se sait un peu à la marge de la légalité. Il s’agit donc d’établir un cadre qui détermine la frontière entre la légalité et l’illégalité et de favoriser une forme de traçabilité. Car, le jour où le phénomène se sera généralisé, il sera très compliqué de décider d’imposer ce type de revenus. Mieux vaut donc le faire à un moment où il est encore facile de dénombrer les individus concernés. On sait, en outre, que des secteurs comme celui de l’hôtellerie souffrent beaucoup, au point que certains hôtels font appel aux plateformes collaboratives parce que c’est plus rentable.

Quant au seuil de 3 000 euros, j’entends qu’il puisse paraître trop élevé, mais le dispositif doit être suffisamment incitatif pour que celui qui se sait dans l’illégalité se décide à déclarer ses revenus. Si ceux-ci dépassent légèrement le seuil, il devra s’acquitter d’un impôt, mais au moins dormira-t-il mieux la nuit. En tout cas, je crois que la méthode est la bonne.

Mme Émilie Cariou. Les propriétaires n’ont pas attendu les plateformes collaboratives pour se lancer dans la location meublée. Dès lors, pourquoi n’exonérerait-on d’impôt en deçà de 3 000 euros que ceux qui recourent à ces plateformes ? Encore une fois, le régime du « micro–BIC » ou du micro‑BIC meublé est parfaitement adapté. Créer un nouveau régime spécifique introduira forcément une rupture d’égalité, si bien que l’on finira par résoudre le problème en exonérant tous les « micro–BIC » de moins de 3 000 euros. Je comprends la volonté d’appréhender ces revenus le plus rapidement possible, mais certains d’entre eux sont déjà déclarés. Tout le monde n’échappe pas à l’impôt.

M. le président Éric Woerth. Bien sûr !

Mme Émilie Cariou. Je crois que cette mesure créerait davantage de difficultés qu’elle n’en résoudrait.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle que la loi n’impose pas les mêmes règles aux jeux en ligne et aux jeux « en dur ».

M. Éric Coquerel. Je comprends bien l’objet de cet amendement, mais l’économie collaborative n’est pas forcément marchande ; elle recouvre également le troc, par exemple. Or, cet amendement présuppose qu’il s’agit d’une activité commerciale. Que celle-ci offre un complément de revenus dans le cadre d’une activité marginale, pourquoi pas ? Mais, en ce moment, elle favorise, dans la plupart des villes, une concurrence déloyale vis-à-vis des professionnels offrant des services analogues. Nous sommes donc opposés à cet amendement qui suppose de facto que l’économie collaborative est de nature commerciale.

M. le président Éric Woerth. Nous parlons bien d’une activité économique, et non de troc. C’est tout de même de cela qu’il s’agit aujourd’hui.

Mme Émilie Cariou. Je tiens simplement à préciser que la location meublée, à la différence de la location nue, est par nature commerciale ; c’est pourquoi elle relève du BIC.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement I-CF122 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement vise à supprimer la fiscalisation de la majoration de 10 % des pensions pour les parents de trois enfants ou plus, adoptée dans le cadre de l’article 5 de la loi de finances pour 2014. En effet, la suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille, qui existait jusqu’en 2013, est lourde de conséquences pour les 3,8 millions de foyers concernés.

M. le Rapporteur général. Il ne me semble pas souhaitable de revenir sur cette mesure de fiscalisation. Tout d’abord, sa suppression représenterait un coût de 1,4 milliard d’euros. Ensuite, les majorations de pension pour les personnes qui ont eu plus de trois enfants sont proportionnelles aux pensions. Elles ont donc un caractère anti-redistributif, fortement accentué par l’exonération fiscale, qui profitait d’autant plus aux contribuables qu’ils avaient des revenus élevés. Le dernier décile bénéficiait ainsi de 40 % de l’avantage fiscal total. Par ailleurs, la majoration de pension est le seul des droits familiaux de retraite qui bénéficie davantage aux hommes qu’aux femmes.

J’ajoute que le 1,4 milliard d’euros de gain issus de la réforme contribue à financer la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV), pour contribuer au redressement de ses comptes. En outre, l’augmentation d’imposition qui en a découlé pour les ménages aux revenus modestes et moyens a été pour partie compensée par les différentes mesures d’allégement de l’impôt intervenues depuis 2014. Enfin, les effets de la disposition en matière d’imposition locale – exonérations de taxe d’habitation et de taxe foncière – ont également été pris en compte par la loi de finances pour 2016, dans le cadre de la fameuse « clause de grand-père ». Avis défavorable.

M. Charles de Courson. La majoration de 10 % évoquée par M. Hetzel dans l’exposé sommaire de son amendement ne concerne que les salariés du privé relevant donc du régime général. De fait, cette majoration peut atteindre 25 % pour les fonctionnaires, voire 40 % pour les personnes relevant de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC). De plus, elle peut faire l’objet d’une réversion de 100 %. C’est ainsi que la majoration pour enfants pouvait représenter jusqu’à 40 % de la retraite de certaines veuves, de sorte que la suppression de la défiscalisation de cette majoration a eu pour conséquence de porter brutalement la part imposable de leur revenu de 60 % à 100 %. De surcroît, cette mesure a eu des conséquences en matière d’exonérations de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle. Elle a donc été, pour ces personnes, une véritable catastrophe.

Certes, notre Rapporteur général, qui appartenait à la majorité de l’époque – même s’il n’était pas toujours dans la ligne, notamment lorsqu’il s’agissait de la fiscalité de la montagne –, a voté cette mesure, mais elle pose un véritable problème social. L’amendement de M. Hetzel pourrait être amélioré, mais que l’on revienne au moins sur cette erreur sociale pour les veuves aux revenus faibles. Je rappelle en effet que les trois quarts des 800 000 personnes concernées étaient des veuves.

M. Julien Aubert. Je comprends que notre Rapporteur général se sente lié par une forme de solidarité à l’ancienne majorité, mais une nouvelle majorité a l’avantage de pouvoir revenir sur les erreurs qui ont été commises dans le passé.

Tout d’abord, on ne peut pas retoquer des amendements uniquement en raison de leur coût, à moins de remettre en cause le principe même de la discussion budgétaire. Ensuite, force est de constater que le contexte a changé depuis l’adoption de cette mesure, puisque la politique budgétaire de la nouvelle majorité va affecter le pouvoir d’achat des retraités. Il ne serait donc pas illogique que, prenant en compte cette évolution, elle décide de revenir sur cette erreur criante.

Je comprends que le sujet soit complexe, mais nous pourrions y réfléchir d’ici à la discussion en séance publique et envoyer un signal à toute une partie de nos concitoyens qui, en matière budgétaire, ont le sentiment d’être les dindons de la farce.

M. Éric Alauzet. Comptez-vous également revenir sur l’erreur manifeste qu’a été la suppression de la demi-part des veuves, qui a également provoqué un désastre ?

M. Julien Aubert. Oui !

M. Éric Alauzet. Quitte à aggraver le déficit ?

M. Julien Aubert. Pas du tout !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement I-CF123 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. La loi de finances rectificative pour 2014 a notamment supprimé le 3° de l’article 81 du code général des impôts, qui tendait à exonérer d’impôt sur le revenu le salaire différé de l’héritier de l’exploitant agricole. Or, cette mesure pénalise les héritiers qui ont exercé une activité au sein de l’exploitation en qualité d’aides familiaux. Je sais que la majorité s’intéresse surtout au milieu urbain et néglige la ruralité, mais, à l’heure où le monde agricole est en souffrance, nous pourrions envoyer un signal aux exploitants agricoles en adoptant cet amendement.

M. le Rapporteur général. L’exonération n’est plus véritablement justifiée car il existe désormais un dispositif de taxation de droit commun adapté pour les revenus différés. Il s’agit du dispositif de quotient, qui n’existait pas à la date de création de cette niche et qui permet d’atténuer la progressivité de l’impôt sur le revenu. Entre-temps, le monde a changé... Défavorable.

M. Patrick Hetzel. M. le Rapporteur général sait pertinemment que le dispositif auquel il fait référence a atténué les effets de la suppression de cette exonération ; il n’a pas rétabli cette exonération. Or, je souhaite que l’on revienne aux dispositions antérieures à 2014.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement I-CF124 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. L’opération Sentinelle qui vise à faire face à la menace terroriste et à protéger les points sensibles du territoire en complétant le dispositif Vigipirate, mobilise actuellement près de 10 000 soldats dans notre pays. Or, elle fait peser sur nos soldats des contraintes majeures – permissions diminuées, voire supprimées, vacances reportées, événements familiaux annulés – et pourrait, à terme, user les personnels, dont les conjoints supportent d’autant plus difficilement la situation que les modalités indemnitaires de compensation font l’objet de très vives critiques.

Nous proposons donc, par cet amendement, d’aligner le régime des primes versées dans le cadre de l’opération Sentinelle sur celui qui est en vigueur pour les opérations extérieures. En l’adoptant, nous témoignerions de notre soutien à nos armées et nous prendrions une mesure d’équité sociale puisque tous les militaires relèveraient du même régime.

M. le Rapporteur général. Cet amendement est satisfait. En effet, la loi de finances initiale pour 2017 comportait une disposition qui exonère d’impôt sur le revenu les indemnités versées aux militaires au titre des opérations intérieures, donc de l’opération Sentinelle. Cette disposition concerne d’ailleurs tous les militaires, et non les seuls militaires du rang, comme le prévoit votre amendement. Je vous suggère donc de retirer votre amendement, mon cher collègue.

M. Charles de Courson. Je m’étais opposé à cette disposition lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017. On a toujours de bonnes raisons pour exonérer untel ou untel, mais si l’on commence à le faire, où s’arrête-t-on ? C’est le meilleur moyen de miter totalement l’assiette de l’impôt sur le revenu. Je me souviens d’avoir pris l’exemple des pompiers : pourquoi ne bénéficieraient-ils pas des mêmes dispositions, alors qu’ils participent aussi aux opérations en cours ? On n’en sortirait pas !

Mme Valérie Rabault. Je remercie le Rapporteur général d’avoir rappelé que la disposition proposée par M. Hetzel a été adoptée l’année dernière, et qu’elle s’applique aujourd’hui.

Monsieur de Courson, nous avions voulu homogénéiser la situation des militaires qui, parfois au sein d’un même régiment, partent, pour certains, en opérations extérieures (OPEX), et, pour d’autres, dans le cadre de l’opération Sentinelle. Nous avons aligné la défiscalisation des primes versées à ces derniers sur le régime existant pour les OPEX.

Je comprends que vous regrettiez que la recette de l’impôt diminue, mais peut-être serait-il logique dans ce cas de ne pas voter la suppression de l’ISF.

M. Marc Le Fur. Nous avons en effet déjà adopté, l’an dernier, la disposition défendue par M. Hetzel en votant l’un de mes amendements au projet de loi de finances pour 2017. La plupart des soldats engagés dans l’opération Sentinelle sont familiers des OPEX, pour lesquelles ils bénéficient d’un avantage fiscal. Nous voulions que l’opération Sentinelle soit formellement assimilée aux OPEX, en particulier en termes d’indemnités – le ministre de la défense de l’époque y tenait également. En toute logique, il fallait aussi qu’elle leur soit assimilée sur le plan fiscal.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune les amendements I-CF131 de M. Arnaud Viala, I-CF2 de M. Marc Le Fur, I-CF125 de M. Patrick Hetzel, I-184 de Mme Marie-Christine Dalloz, et I-245 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement I-CF131 vise à mettre en œuvre la défiscalisation des heures supplémentaires, véritable mesure de pouvoir d’achat adossée au travail qu’elle valorise. Ce dispositif est positif tant pour les salariés, en termes de pouvoir d’achat, que pour les employeurs, pour lesquels il se traduit par une baisse du coût du travail. Il procure aussi aux entreprises une plus grande flexibilité, aujourd’hui indispensable pour une adaptation au contexte économique évolutif.

M. Marc Le Fur. J’avais cru comprendre que le candidat Emmanuel Macron avait pris des engagements en matière d’imposition des heures supplémentaires ; j’espère qu’ils seront respectés.

Avant 2013, les avantages en question bénéficiaient au monde ouvrier, catégorie que l’on oublie trop souvent dans notre pays – je pense en particulier à ceux qui travaillent à la chaîne ou dans les transports. La disparition du dispositif a causé à ces contribuables un préjudice considérable, correspondant souvent à la perte d’un treizième mois de salaire. Il est temps que les heures supplémentaires ne soient plus sujettes à l’impôt ou qu’elles ne soient plus imposées dans les mêmes proportions.

M. Patrick Hetzel. La situation est paradoxale : nous voyons s’appliquer des mesures que le Président de la République n’avait pas annoncées lors de sa campagne
– Mme Valérie Rabault parlait tout à l’heure des suppressions de contrats aidés –, alors que des mesures annoncées sont absentes du budget. La défiscalisation des heures supplémentaires fait partie de cette dernière catégorie alors qu’il s’agit d’une mesure simple qui donne à la fois du pouvoir d’achat à nos concitoyens et davantage de souplesse à nos entreprises. En ce jour de grève des fonctionnaires, je souligne qu’ils ont eux aussi – je pense aux enseignants, en particulier ceux du second degré – été fortement touchés par la suppression de la défiscalisation que nous proposons enfin de rétablir.

Cette disposition incitative doit contribuer à l’augmentation du pouvoir d’achat des Français.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le mercredi 27 septembre dernier, les trois membres du Gouvernement venus présenter devant notre commission le projet de loi de finances pour 2018 étaient particulièrement fiers de nous distribuer le « Livret du pouvoir d’achat ». En la matière, s’il y a bien une mesure concrète d’application immédiate, c’est celle que nous proposons.

Dès le début de la précédente législature, la nouvelle Assemblée, dominée par les socialistes, a supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires. Cela a constitué un véritable marqueur du mandat de François Hollande, et les 9 millions de salariés et d’ouvriers qui en bénéficiaient ont tous eu le sentiment de subir une véritable injustice.

Le Président Macron ne cesse de parler d’augmentation de pouvoir d’achat et de revalorisation du travail. La mesure que nous proposons correspond parfaitement à ces deux objectifs.

Mme Véronique Louwagie. Le dispositif que nous voulons rétablir a très bien fonctionné entre 2007 et 2012. Il donnait à la fois satisfaction aux entreprises et aux salariés. Il contribuait, d’une part, à augmenter la compétitivité des entreprises, qui ne payaient plus l’intégralité des cotisations sociales patronales sur les heures supplémentaires, tout en leur donnant de la souplesse. Il bénéficiait, d’autre part, à 9 millions de Français en leur assurant un gain moyen annuel de 500 euros, ce qui constitue une véritable amélioration de leur pouvoir d’achat.

Nous avons affaire à une promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron. Le sujet a été évoqué, de la même manière que l’option d’individualisation de l’impôt sur le revenu que vous ne proposez pas aujourd’hui alors qu’une telle mesure aurait constitué un progrès en termes de politique familiale.

M. le Rapporteur général. Je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements dans lesquels je ne vois rien qui corresponde à un engagement du Président de la République. J’ai bien entendu parler du rétablissement d’exonérations sociales – aucune date n’a été précisée en la matière –, mais certainement pas d’exonérations fiscales et encore moins d’exonérations à la fois fiscales et sociales.

Faut-il à nouveau rappeler les mesures favorables au pouvoir d’achat inscrites dans ce budget ? Le dégrèvement de la taxe d’habitation restituera aux Français 3 milliards d’euros en 2018, et 10 milliards en 2020. La baisse de cotisations sociales salariales de 1,45 point bénéficiera aux salariés. Quant au projet de loi de financement de la sécurité sociale, il comporte de nombreuses mesures qui vont dans le même sens.

M. Jean-Pierre Vigier. La question des heures supplémentaires est un serpent de mer du précédent quinquennat. En 2016, François Hollande et ses ministres ont publiquement reconnu avoir fait une erreur en supprimant ce dispositif en début de législature.

Nul ne peut contester que son rétablissement rendrait du pouvoir d’achat aux Français. Pour ma part, fidèle à l’engagement d’Emmanuel Macron, je souhaitais déposer un amendement visant à une exonération des charges sociales salariales et patronales, mais il a été déclaré irrecevable. Quoi qu’il en soit, je ne vois rien de tout cela dans le budget qui nous est proposé.

Nous voulons seulement aider la majorité, qui a oublié un engagement formel de campagne. Elle ne peut pas nous dire que la suppression du premier tiers de la taxe d’habitation, qui rapporte 250 euros par an aux Français, constitue l’alpha et l’oméga en termes de pouvoir d’achat, et passer à côté du double, soit des 400 à 500 euros que les heures supplémentaires rapportent aux salariés.

Le travail ne se coupe pas en rondelles. On peut demander à des salariés de faire quelques heures supplémentaires lorsque cela correspond aux besoins de l’entreprise.

Mme Cendra Motin. En tant qu’ancienne responsable paie, je veux bien vous faire un cours sur les cotisations et l’assiette d’imposition pour vous montrer l’effet de la défiscalisation des heures supplémentaires. Les salariés ne s’y sont pas trompés : lorsque la mesure a été supprimée, nombre d’entre eux ont refusé de faire des heures supplémentaires au motif qu’elles leur coûteraient trop cher en impôts. Nous sommes tous d’accord !

Cependant, comme vous l’avez indiqué, monsieur Vigier, nous ne nous sommes pas engagés durant la campagne à défiscaliser les heures supplémentaires, mais à donner du pouvoir d’achat aux salariés en supprimant des cotisations salariales, et à rendre des marges de manœuvre aux employeurs en allégeant des cotisations patronales.

Si je comprends bien, on nous reproche aussi de ne pas mettre en œuvre l’intégralité de notre programme dès la première année. Vous n’aurez donc pas manqué de remarquer que nous n’avons pas encore fait la grande réforme des retraites que nous mènerons pourtant – elle sera bien effective avant la fin de notre quinquennat. Nous n’avons pas davantage créé la banque de données numériques que nous avons promise, car cela demande un peu de temps. Nous vous remercions d’être aussi attentifs à l’application de notre programme, mais ne vous inquiétez pas ! Vous verrez que lorsque nous dresserons un bilan d’ici à cinq ans, tous nos engagements de campagne auront été tenus.

M. Éric Coquerel. Ces amendements ont deux défauts : ils baissent les recettes de l’État et ils favorisent le recours aux heures supplémentaires.

Il y a bien un problème de pouvoir d’achat dans notre pays, mais il ne se résoudra pas en baissant ou en supprimant les cotisations sociales, qui constituent un salaire socialisé et non un coût, mais en augmentant les salaires, en commençant par le SMIC et les revenus qui en dépendent, comme les pensions de retraite. Il faut entrer dans un cercle vertueux et s’intéresser au coût du capital, extrêmement élevé en France, plutôt qu’au coût du travail. Évidemment, cela inverserait la logique du projet de loi de finances pour 2018 : c’est ce que nous allons essayer de faire.

Vouloir mieux payer des salariés en faisant en sorte qu’ils travaillent plus, c’est à la fois une remise en question du cadre hebdomadaire de la durée du travail, mais aussi une insulte à ceux qui ne peuvent pas trouver de travail dans un pays où le chômage est si élevé.

La question n’est pas de donner plus de travail à ceux qui en ont déjà pour qu’ils gagnent plus. Pour cela, il faut augmenter les salaires. L’enjeu est de répartir le temps de travail et les richesses, ce qui est tout l’inverse de ce que proposent les amendements.

M. Michel Lauzzana. Le Rapporteur général l’a clairement indiqué : la défiscalisation des heures supplémentaires n’a jamais été une promesse de campagne.

M. Julien Aubert. Il est vrai qu’Emmanuel Macron a promis l’exonération sociale sur les heures supplémentaires et pas leur défiscalisation, mais, lors des questions au Gouvernement, le 12 juillet dernier, quelqu’un d’autre disait : « Vous avez raison, c’est cette majorité qui mettra en place la défiscalisation des heures supplémentaires, celle que le candidat François Fillon a refusé d’inscrire dans son programme présidentiel. » C’était M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics.

Vous comprenez l’ambiguïté qui découle de tout cela. Nous nous sommes dit que le Président de la République avait nommé un ministre de droite pour faire une politique de droite. Grande est notre déception de réaliser que nous avions mal compris ce que nous a dit Gérald Darmanin lui-même. En novembre 2013, dans l’hémicycle, déjà, il affirmait pourtant : « La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires au lendemain de l’élection de François Hollande est ressentie comme une trahison et une tache indélébile sur la feuille de paie des ouvriers et des salariés français. »

Il est bien dommage que M. Darmanin ne soit pas là. Nous aurions pu nous intéresser aux différences entre le programme qu’il défend et celui de M. Macron. Cela aurait animé la soirée, mais, surtout, nous aurions peut-être pu comprendre quelle politique vous entendez mener.

Cela dit, qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. Notre démarche vise à redonner du pouvoir d’achat au travailleur en considérant qu’il faut récompenser des comportements. Si vous êtes d’accord avec elle, nous vous invitons à vous ranger aux arguments de M. Gérald Darmanin qui aurait, j’en suis certain, approuvé ces amendements, s’il avait été présent.

M. Daniel Labaronne. Le programme d’Emmanuel Macron ne comportait rien en matière de défiscalisation des heures supplémentaires parce qu’il considérait que, dès lors que tous les salariés ne paient pas d’impôt sur le revenu, une telle mesure aurait été injuste. Il n’y avait par ailleurs aucune raison pour que les retraités et les indépendants paient pour cette disposition.

M. Éric Alauzet. Ce qui importe à nos concitoyens qui sont au travail, c’est ce qui va se passer, l’année prochaine, dans la vraie vie.

Pour un salarié qui gagne le SMIC ou un peu plus et qui paierait aujourd’hui 700 euros par an de taxe d’habitation, notre politique se traduira, l’année prochaine, par un gain de trois fois 20 euros tous les mois : 20 euros au titre de la baisse du montant de sa taxe d’habitation, 20 euros au titre des baisses de cotisations sociales, et 20 euros au titre de la prime pour l’activité. À la fin de la législature, son gain s’élèvera à 130 euros par mois, soit environ un treizième mois sur l’ensemble de l’année. Et pour le secteur public, il n’y a pas rien, contrairement à ce qui est dit : il faut faire le même calcul sans prendre en compte les cotisations sociales. Autrement dit, pour le public, le gain s’élèvera à 40 euros mensuels, l’année prochaine, et, à 110 euros par mois au lieu de 130, à la fin du mandat. La différence entre privé et public n’est donc pas si grande.

Mme Véronique Louwagie. Si vous voulez que nous parlions de ce qui va se passer pour les Français l’année prochaine, allons-y !

Ceux qui roulent au diesel paieront plus de 7 centimes supplémentaires, soit une hausse supérieure à 10 % de leur carburant, et ceux qui roulent à l’essence paieront 3 centimes supplémentaires. Au total, près de 2 milliards d’euros seront ponctionnés dans la poche des ménages et des entreprises.

Certaines familles verront leur PAJE réduite, et d’autres en seront même privées.

Dans certaines zones du territoire, nos concitoyens ne pourront plus prétendre au prêt à taux zéro (PTZ) pour accéder à la propriété. Je ne suis pas sûre que la majorité aime les propriétaires ! Quant au CITE, qui permet aux propriétaires de rénover leur habitation, il doit être supprimé – j’espère que le Gouvernement aura la sagesse de revenir sur les dates prévues, dont celle du 27 septembre dernier.

Je rappelle enfin que les personnes en situation de handicap, par exemple, ne bénéficieront pas de votre réforme de la taxe d’habitation puisqu’elles sont déjà exonérées, ce qui les empêchera de profiter de l’augmentation de pouvoir d’achat que vous évoquiez.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette ensuite les amendements identiques I-CF30 de M. Marc Le Fur et I-CF126 de M. Patrick Hetzel.

Puis elle est saisie de l’amendement I-CF286 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Nous avions déjà débattu d’un dispositif similaire lors de la précédente législature.

Les agents généraux d’assurance peuvent opter de façon dérogatoire pour le régime fiscal des salariés, plutôt que pour le régime traditionnel des bénéfices non commerciaux (BNC). Dans ce cas, ils sont privés de la déduction des contrats « Madelin » qui n’est possible que pour les travailleurs bénéficiant du régime fiscal des non-salariés. Cet amendement vise à rétablir l’égalité en la matière entre ces professionnels libéraux, quelle que soit la catégorie d’imposition dont ils relèvent.

M. le Rapporteur général. Défavorable. M. Charles de Courson avait effectivement déposé, puis retiré, un amendement semblable lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017. Le Conseil d’État a une position constante à ce sujet. Les agents généraux d’assurance, dont le revenu relève en principe des BNC peuvent opter pour que leur revenu soit déterminé selon les règles applicables aux salariés. L’option ne les prive en aucun cas du bénéfice des contrats « Madelin » : seule la déduction des primes est concernée. En outre, il s’agit d’une option volontaire.

Si nous votions l’amendement il n’y aurait plus d’« option », ce serait fromage et dessert ! Les agents généraux d’assurance bénéficieraient de l’abattement de 10 % des frais professionnels au titre du régime des salariés – 1 ter de l’article 93 du code général des impôts –, et de la déduction des primes « Madelin » au titre des BNC – article 154 bis du code général des impôts –, ce qui induirait une différence de traitement avec les autres titulaires de BNC. Il y a une contradiction entre les articles 93 et 154 bis du code général des impôts.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement I-CF34 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Les dons en faveur des organismes qui procurent une aide alimentaire à nos compatriotes les plus défavorisés, comme les Restos du cœur, bénéficient d’un dispositif fiscal incitatif. Les dons en nature des producteurs laitiers peuvent entrer dans le champ de ce dispositif, ce qui a permis de collecter 2 millions de litres de lait. Je souhaite que la mesure soit étendue à l’ensemble des productions agricoles afin de répondre aux demandes venant à la fois des agriculteurs et des associations.

M. le Rapporteur général. L’intention et l’objectif de l’amendement sont louables, mais la mise en œuvre risque de poser quelques difficultés.

Il ne fait l’objet d’aucun chiffrage et son coût pourrait être élevé si l’on songe que le mécénat de l’article 200 du code général des impôts coûte environ 1,4 milliard d’euros et que la réduction d’impôt pour les dons aux organismes distribuant de la nourriture est de 75 %.

Il conduirait aussi à ce que le même don, d’une part, permette obtenir une réduction d’impôt au titre du mécénat, d’autre part, ne soit pas retenu dans l’assiette imposable ; cela constituerait un double avantage fiscal pour la même opération, ce qui n’est guère admissible.

Vous ne chiffrez pas le coût du passage à 1 000 euros du plafond des dons faits aux organismes non lucratifs distribuant de la nourriture. Ce coût serait d’autant plus élevé que ces dons ne sont pas pris en compte dans le plafond général de 20 % du revenu imposable.

M. Marc Le Fur. Ces dons existent déjà pour le lait. Mon amendement ne vise qu’à étendre le dispositif.

M. le Rapporteur général. Votre amendement modifie l’article 157 du code général des impôts, qui est relatif à l’assiette de l’impôt sur le revenu. C’est pour cela que votre système ne tourne pas.

M. Charles de Courson. Nous avons déjà discuté de la question de l’application de la déduction « Coluche » aux dons en nature, et nous l’avons autorisée. La valorisation du don en nature nous posait un problème : nous avions décidé de considérer le prix de revient et non le prix de vente sur le marché. Je croyais que le problème était résolu.

M. Marc Le Fur. Le producteur qui fait un don en nature doit pouvoir déduire 75 % du prix de revient.

M. le Rapporteur général. Il faut distinguer l’article 200 du code général des impôts qui concerne le mécénat des particuliers, l’article 238 bis, qui concerne celui des entreprises – à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés –, et l’article 157 qui permet de préciser l’assiette de l’impôt sur le revenu en listant les ressources qui « n’entrent pas en compte pour la détermination du revenu net global ». Si vous visez l’ensemble de ces dispositions, vous créez un double avantage.

M. Marc Le Fur. Je ne comprends pas où est le double avantage.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement I-CF248 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Depuis la loi de 2010 sur les retraites, les salariés peuvent effectuer des versements individuels facultatifs si le contrat souscrit l’autorise. Les sommes versées entrent dans l’enveloppe fiscale de l’épargne retraite individuelle.

Cette faculté n’a pas été étendue aux contrats « Madelin », qui ne sont pas un produit d’épargne individuel mais relèvent des garanties collectives. Par souci d’égalité de traitement, l’amendement vise à autoriser les versements individuels sur ce contrat.

M. le Rapporteur général. Notre commission a déjà examiné un dispositif semblable durant la précédente législature. Il s’inspire d’une proposition du Cercle des Épargnants, reprise dans une proposition de loi de M. Yves Censi.

Madame Louwagie, l’exposé sommaire de votre amendement indique qu’il vise à « rendre possible les versements individuels facultatifs pour les contrats "Madelin" ». Je tiens à votre disposition l’extrait du BOFiP qui indique que ces versements sont déjà possibles. Sous réserve de l’appréciation du Gouvernement, votre amendement est donc satisfait sur ce point.

Par ailleurs, il rend déductibles du revenu global les versements individuels réalisés sur un contrat « Madelin » sans supprimer la déductibilité qui existe déjà des revenus BIC/BNC. Autrement dit, en l’adoptant, nous demanderions l’application de deux dispositifs différents dont le cumul risquerait de poser des problèmes de coordination technique.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement I-CF157 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Depuis la loi de finances pour 2016, le régime fiscal des anciens combattants accorde une demi-part supplémentaire au titre de l’impôt sur le revenu à partir de 74 ans. Cet amendement propose d’abaisser l’âge d’accès à cette demi-part à 72 ans.

Il me semble intéressant de signaler qu’un amendement identique avait été déposé, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017, par notre Rapporteur général. Par cohérence avec son travail de l’année dernière, je suppose que son avis sera favorable...

M. le Rapporteur général. Monsieur Hetzel, cet amendement n’était pas du Rapporteur général, mais de Joël Giraud, ce qui n’a rien à voir car vous savez que la dualité des fonctions crée des débuts de schizophrénie, c’est médicalement prouvé !

La dépense fiscale associée à la demi-part dont bénéficient les anciens combattants, et le cas échéant leur veuve, a crû fortement au cours des dernières années, passant de 180 millions d’euros en 2008 à 550 millions en 2016 – c’est plus du double. C’est notamment dû aux effets générationnels pour les anciens combattants d’Algérie : plus de 900 000 ménages en sont bénéficiaires en 2016, contre 800 000 en 2015.

L’amendement que nous avions adopté en loi de finances pour 2016, après en avoir déposé un certain nombre, a ramené l’âge à partir duquel est attribuée la demi-part de quotient familial « anciens combattants » de 75 à 74 ans, pour un coût de 44 millions d’euros. Un effort substantiel a donc déjà été réalisé à partir de 2016.

La mesure que vous proposez aurait probablement un coût de l’ordre d’une centaine de millions d’euros.

Je comprends que l’on souhaite baisser tous les ans d’une année la limite d’âge ouvrant droit au bénéfice de la demi-part, mais si nous continuons, nous risquons d’aller trop loin. Lorsque nous avons décidé de cette mesure en loi de finances pour 2016, cet âge n’avait pas été modifié depuis 1982. Nous avons enfin fait un pas pour réduire l’âge d’un an, souffrez que l’on ne fasse pas un second pas cette année.

M. Patrick Hetzel. Évidemment, cet amendement concerne les appelés du contingent pendant la période de l’Algérie. C’est un signal, et vous aviez vous-même déclaré qu’il fallait l’envoyer avant qu’il ne soit trop tard, car les anciens combattants vont vieillir. Cette mesure aurait du sens, et je vois que vous avez désormais moins d’ardeur à la défendre que l’année dernière.

M. le Rapporteur général. Nous avions abouti à un compromis, je m’y suis tenu.

M. Charles de Courson. Le problème est moins d’abaisser l’âge de 74 à 73 ou 72 ans que de régler le problème des veuves. C’est une bizarrerie de notre système fiscal : les veuves d’anciens combattants ont droit à la demi-part si le de cujus en a bénéficié ; s’il est mort avant 74 ans, elles n’en bénéficient pas. C’est totalement incompréhensible, injuste, et je doute de la constitutionnalité d’un tel dispositif.

Monsieur le Rapporteur général, puisque vous vous étiez beaucoup intéressé à ces questions, pourriez-vous considérer d’un œil favorable le problème des veuves qui ne bénéficient pas de la demi-part parce que leur époux est décédé avant 74 ans ?

M. le Rapporteur général. Cette mesure particulière n’est pas concernée par l’amendement dont nous venons de parler ; je la considérerai d’un œil plus sympathique, sans vous garantir le résultat.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de deux amendements pouvant faire l’objet d’une discussion commune, I-CF686 de M. Éric Woerth et I-CF192 de M. Jean-Noël Barrot.

M. le président Éric Woerth. Mon amendement propose de renforcer la réduction d’impôt sur le revenu accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital des PME (« IR-PME »). Aujourd’hui, le financement de l’économie pose un certain nombre de problèmes, même si les choses se sont améliorées au fur et à mesure des années pour certains secteurs économiques. Il manque un fléchage vers les sujets économiques, nous le verrons tout au long de cette discussion, notamment sur l’assurance-vie.

Notre proposition est inspirée d’un schéma anglais, et elle a été évoquée lors de la campagne présidentielle. Nous souhaitons relever le taux actuel du dispositif « Madelin » de 18 à 30 %, et doubler les montants concernés, à 100 000 euros pour une personne seule et 200 000 euros pour un couple.

C’est un dispositif puissant pour l’économie qui se substituerait à l’ISF-PME. Je sais que, lorsque l’on supprime un impôt, on supprime aussi la niche qui va avec. Cette niche étant cependant une source non négligeable de financement de l’économie, il apparaît nécessaire de porter un regard bienveillant sur cet amendement.

M. le Rapporteur général. Je pourrais regarder cet amendement d’un œil bienveillant s’il était déposé sur la seconde partie du projet de loi de finances. Si nous l’adoptions en première partie, il s’appliquerait en 2018 au titre des versements déjà opérés en 2017. Notre commission considère en général qu’en élargissant de manière rétroactive des niches fiscales, on crée un effet d’aubaine sans atteindre de but politique.

Il serait donc préférable de redéposer cet amendement en seconde partie. À ce stade, avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. J’entends votre argument.

M. Charles de Courson. Nous avions déposé un amendement proche, mais pour une raison qui m’échappe, il a été déclaré irrecevable.

Sur le fond, la suppression de l’ISF-PME pose la question de l’amélioration du dispositif « Madelin », qui est beaucoup moins avantageux. On pouvait soit bénéficier du « Madelin », soit de l’ISF-PME. L’ISF-PME permettait une réduction d’impôt de 50 % des sommes souscrites, alors qu’elle est de 18 % dans le dispositif « Madelin ». Le « Madelin » est plafonné à 10 000 euros, alors que l’ISF-PME était hors plafond.

J’ai cru comprendre que le Gouvernement était favorable à une amélioration du dispositif « Madelin », s’il faut en discuter en seconde partie, faisons-le. Un taux de 30 % paraît raisonnable, et il faudrait sortir du plafonnement à 10 000 euros.

Mme Amélie de Montchalin. La majorité déposera lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances un amendement qui portera sur les sommes investies en 2018, et qui affectera donc le solde de l’État en 2019, avec un taux autour de 30 % et un plafond fixé à 18 000 euros, qui correspond à celui dont bénéficient les sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (SOFICA).

Notre objectif est qu’en 2018, une mesure permette aux Français qui le souhaitent d’investir dans les PME, avant de mener une réflexion plus générale sur toute la tuyauterie à établir entre l’épargne des Français et les PME qui demandent des financements en fonds propres, en réfléchissant aux produits à inventer, aux nouvelles formations à donner aux conseillers bancaires, aux conseillers de gestion de patrimoine et à tous les intermédiaires financiers. Nous pourrons poursuivre ce travail lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances, puis tout au long de l’année prochaine.

M. le président Éric Woerth. Monsieur de Courson, votre amendement a été déclaré irrecevable car il ne prévoyait pas de gage. Même à vous, cela peut arriver...

M. Jean-Noël Barrot. Nous considérons également qu’il faut que l’épargne puisse abonder le capital des PME, notamment aux moments-clefs de leur vie : la création, le développement et le développement à l’export. Nous pensons que la réforme de la fiscalité de l’épargne va permettre à terme d’orienter l’épargne vers les PME, mais pour une période transitoire, que nous avons fait courir jusqu’en 2020, le dispositif « Madelin » doit être renforcé.

Nous proposons donc d’en relever le taux de 18 % à 22 %, et de porter le plafond de 10 000 à 18 000 euros jusqu’en 2020, afin d’accompagner la réforme de l’épargne.

M. le Rapporteur général. À nouveau, j’estime que cet amendement doit être déposé en seconde partie. Nous avons entendu Mme de Montchalin : il est important de prévoir un dispositif de tuilage dans lequel l’IR-PME prendra le relais de l’ISF-PME. Je vous invite à retirer ces amendements pour que nous en rediscutions en seconde partie.

Les amendements I-CF686 et I-CF192 sont retirés.

La commission est ensuite saisie de l’amendement I-CF687 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Je retire aussi cet amendement, qui portait sur le plafond de 18 000 euros.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement I-CF350 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Cet amendement a pour objet d’élargir le crédit d’impôt sur les services à la personne. Nous sommes tous en guerre contre le chômage, nous savons que les emplois dans ce secteur ne sont pas délocalisables, et ils sont au cœur de la solidarité entre les générations : ils touchent les aînés et les enfants en bas âge. Ils permettent naturellement de lutter plus efficacement contre le fléau du chômage.

Je rappelle que cette nouvelle majorité a institué le crédit d’impôt qui avait été décidé par François Hollande, afin que ceux qui ne paient pas d’impôts reçoivent un chèque. Je propose pour ma part que ceux qui paient des impôts contribuent à développer plus encore les services à la personne. Sous le quinquennat précédent, les plafonds ont été abaissés, ce qui s’est révélé une arme de destruction massive de tous ces emplois à la personne. En relevant ce plafond de 12 000 à 15 000 euros, comme il est proposé dans cet amendement, nous ferions passer un signal très fort aux familles, et à un public pour lequel il est très difficile de trouver un emploi de 35 heures hebdomadaires, mais qui se procure ainsi un complément de salaire. Ce complément de salaire étant fortement défiscalisé pour les familles qui en bénéficient, c’est un dispositif efficace et puissant.

M. le Rapporteur général. Merci, monsieur Vigier, de proposer l’amélioration d’une niche fiscale ! Il ne me semble pas avoir entendu la même chose précédemment, mais je suis ravi de voir que les niches fiscales sont intéressantes.

Augmenter les montants actuels des plafonds de dépenses en première partie du projet de loi de finances constitue un simple effet d’aubaine, mais n’aura aucun effet incitatif. Les personnes qui auront engagé des dépenses au titre de l’emploi de salariés en 2017 au-delà du plafond prévu, et qui ne pensaient pas pouvoir bénéficier du crédit d’impôt pour la totalité des dépenses, pourront en bénéficier, voilà tout.

De plus, le montant actuel des plafonds est assez élevé : 12 000 euros de dépenses éligibles représentent entre 20 et 25 heures de travail par semaine, voire une trentaine d’heures dans les cas où le plafond est égal à 15 000 euros. Ce n’est pas négligeable.

D’importants efforts ont aussi été faits au cours des dernières années en faveur de l’emploi à domicile. La généralisation du crédit d’impôt au titre des salariés à domicile, pour 1,1 milliard d’euros, aura des effets importants en 2018 puisqu’elle fait partie des 9 milliards de hausse des dépenses fiscales. L’augmentation de la déduction de cotisations patronales, fixée désormais à 2 euros par heure, a été décidée en loi de finances rectificative pour 2015 et est entrée en vigueur à compter du 1er décembre 2015.

Ces mesures ont eu des effets sur le secteur des services à la personne, puisque les indicateurs – masse salariale nette, nombre d’heures déclarées – sont au vert. Outre l’effet d’aubaine, il existe déjà des mesures très incitatives. Avis défavorable.

M. Philippe Vigier. Monsieur le Rapporteur général, il y a des niches fiscales vertueuses et d’autres qui le sont moins. Toutes les études d’impact réalisées ces dernières années ont montré que cette niche était fondée parce qu’elle permettait vraiment des créations d’emplois.

Vous dites que 12 000 euros, c’est beaucoup, mais je préfère que quelqu’un soit gardé à domicile, ce qui représente une somme importante, plutôt qu’on le place en maison de retraite médicalisée où le coût est deux fois plus important, et vous savez que la solidarité nationale est appelée en soutien.

En revanche, j’ai bien senti que si la première partie de la loi de finances n’est pas le bon cadre, la seconde partie conviendrait mieux.

M. le Rapporteur général. Techniquement, cela ferait disparaître l’effet d’aubaine. Mais il demeure que le dispositif existant est déjà assez favorable.

M. Philippe Vigier. S’agissant de la pertinence de la mesure, du fait que l’employabilité de milliers de personnes pourrait être concernée par cet outil, il est plus efficace en termes d’emplois que d’autres niches fiscales qui n’ont aucune incidence positive dans ce domaine.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de deux amendements, I-CF461 de M. Éric Coquerel et I-CF185 de Mme Marie-Christine Dalloz, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit à nouveau de l’emploi à domicile, qui concerne des personnes qui ont besoin de travailler. Ce sont des emplois très précaires que nous avons transformés en emplois plus durables.

Sur ce sujet, d’énormes erreurs ont été commises par le passé. Elles ont été en partie rectifiées mais, pour autant, il existe une distorsion de traitement entre les personnes qui emploient des salariés à domicile et qui ne sont pas imposables, et celles qui sont redevables au titre de l’impôt sur le revenu. Les redevables de l’impôt sur le revenu bénéficient d’une déduction fiscale immédiate, tandis que le crédit d’impôt versé aux personnes non imposables est versé bien plus tard. Elles doivent donc avancer de l’argent, ce qui est paradoxal.

Cet amendement modifie le montant du plafond prévu par l’article 199 sexdecies du code général des impôts. Aujourd’hui, les droits sont ouverts à partir de 12 000 euros de dépenses au titre d’un salarié à domicile ; je propose d’abaisser ce plafond à 10 000 euros. J’ai entendu le Rapporteur général, qui estime que 12 000 euros constituent déjà une somme importante, qui représente 25 heures par semaine. Mais les personnes âgées, ou celles qui ont d’importants problèmes de dépendance, ont besoin de plus de 25 heures par semaine. Et nous ne sommes pas dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), pour laquelle les contribuables des départements financent le solde entre la compensation de l’État et le coût réel.

Si nous voulons vraiment promouvoir le maintien à domicile des personnes âgées, je pense que ce dispositif pourrait être très pertinent.

M. Éric Coquerel. L’amendement I-CF461 est défendu.

M. le Rapporteur général. S’agissant de l’amendement présenté par Mme Dalloz, l’article 82 de la loi de finances initiale pour 2017 a d’ores et déjà universalisé le bénéfice du crédit d’impôt au titre de l’emploi de salariés à domicile. À compter de l’imposition des revenus de 2017, l’avantage fiscal à ce titre sera un crédit d’impôt pour tous les contribuables, alors qu’auparavant, c’était une réduction d’impôt pour les foyers inactifs ou monoactifs, et un crédit d’impôt pour les foyers actifs ou biactifs.

Il me semble donc que votre amendement est satisfait, et au-delà, puisque sont aussi devenus éligibles au crédit d’impôt les couples dont un seul des membres exerce une activité professionnelle.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je retire l’amendement.

L’amendement I-CF185 est retiré.

M. le Rapporteur général. Quant à l’amendement présenté par M. Coquerel, il limite le plafond des dépenses éligibles au crédit d’impôt à 1 200 euros, ce qui correspond à un crédit d’impôt de 600 euros. Cela représente des dépenses de 100 euros par mois, soit 8 à 9 heures, ce qui est très peu.

Ce crédit d’impôt est un élément important pour le maintien à domicile des personnes âgées, et ce ne sont pas forcément les classes aisées qui recourent beaucoup aux services à la personne. Les personnes en situation de handicap qui ne relèvent pas de l’APA ont besoin d’un important nombre d’heures à domicile. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF461.

Elle est saisie de l’amendement I-CF588 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. C’est un petit amendement qui tend à rendre mobilisable le crédit d’impôt sur les services à la personne auprès d’un établissement financier, de façon à éviter que les bénéficiaires n’aient à avancer les sommes, parfois jusqu’à dix-huit mois.

C’est un dispositif intéressant, notamment pour les foyers les plus modestes, pour lesquels l’avance de ces fonds est une charge importante. Il accentuerait la lutte contre le travail non déclaré, simplifierait des procédures fiscales et renforcerait la lutte contre la fraude.

Le Rapporteur général risque de me répondre qu’il s’agit d’une innovation, mais ce n’est pas du tout le cas : d’autres crédits d’impôts sont mobilisables.

M. le Rapporteur général. Eh bien non, je ne vais pas considérer que c’est une innovation et qu’il faut de ce fait la rejeter. Mais votre amendement repose sur un mécanisme complexe, faisant intervenir des intermédiaires, ce qui pose la question des coûts afférents au dispositif de préfinancement : comment ces intermédiaires seront-ils rémunérés ? Par les contribuables, par une diminution du crédit d’impôt perçu in fine ? Par l’État ?

Effectivement, il existe des mécanismes de préfinancement pour le crédit d’impôt recherche et le CICE, mais ce sont des entreprises qui sont concernées, pour des montants de crédit importants. Un tel dispositif est-il vraiment pertinent pour des petites créances, avec un très grand nombre de contribuables concernés ? Je crains qu’au-delà de l’innovation, ce soit une usine à gaz.

Pour les publics fragiles qui bénéficient d’aides – APA, prestation compensatoire du handicap –, le calcul du crédit d’impôt est complexe, puisqu’il dépend des aides versées par ailleurs. Le mécanisme que vous proposez ne pourrait pas leur être appliqué – en tout cas, pas dès le départ.

Je ne sais pas si le dispositif, censé soutenir la trésorerie des ménages modestes, n’inclut pas dans son champ les publics les plus fragiles. Avis défavorable : s’il y a un mécanisme à trouver, je ne pense pas que celui que propose l’amendement soit le meilleur en la matière, même s’il est innovant.

M. Charles de Courson. Je ne l’ai pas inventé, cette idée m’a notamment été soumise par le syndicat des entreprises de services à la personne, à qui plusieurs réseaux bancaires ont déclaré qu’ils seraient d’accord pour le faire.

Pour la rémunération, s’il y a un taux d’intérêt, il sera à la charge de celui qui le mobilise, comme c’est le cas pour le CICE. Il faut encadrer ce taux, mais ce n’est pas au pouvoir législatif de le faire, c’est du domaine réglementaire.

Cette mesure permettrait de faciliter l’accès à ce système pour les gens les plus modestes. Les personnes aisées n’en ont pas besoin, elles sont capables de faire l’avance des fonds.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement I-CF460 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Cet amendement a pour objet d’abroger la niche « Pinel », car nous estimons que cette incitation promeut exagérément le « tous propriétaires » et le « tous bailleurs privés ». C’est un investissement à perte, car il offre surtout des avantages fiscaux aux plus riches.

Ce dispositif a coûté plus de 240 millions d’euros en 2016 contre 85 millions en 2015 : l’augmentation est exponentielle.

Tant qu’à aider le logement, mieux vaudrait mettre cet argent dans la construction de logements sociaux. Nous vous proposons donc d’abroger ce dispositif.

M. le Rapporteur général. Il est prévu de proroger la réduction d’impôt « Pinel » pour quatre ans. Elle a pour objectif de favoriser le logement locatif intermédiaire, ce qui ne semble pas aberrant, et d’inciter à construire des logements. Elle est donc complémentaire du logement social ; je ne vois pas de contradiction.

Dans certaines villes et certaines zones, il y a des besoins particuliers en logements. Les personnes ne relevant pas du locatif social sont bien obligées de se loger. Le contribuable s’engage à louer son bien pendant six, neuf ou douze ans, et le bénéfice de la réduction d’impôt est conditionné au fait de louer à des locataires dont les revenus sont inférieurs à certains seuils, il s’agit vraiment de locatif intermédiaire, ce qui me semble important dans beaucoup de villes et de secteurs tendus. La réduction d’impôt est également réservée aux logements neufs qui ont des performances énergétiques élevées.

C’est donc une approche complémentaire de celle du logement social et les publics ne sont pas les mêmes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement I-CF203 de M. Jean-Noël Barrot.

Mme Sarah El Haïry. Dans le cadre de la suppression de l’ISF et son remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), nous proposons d’augmenter les possibilités de déduction des dons aux organismes ciblés par l’IR-dons, en relevant la limite du revenu imposable de 20 à 25 % pour l’ensemble des dons ainsi qu’en portant à 670 euros le montant maximal des versements retenus pour les dons.

Aujourd’hui, le monde associatif a besoin d’être soutenu, et jusqu’à maintenant, 82 % des contribuables soumis à l’ISF faisaient des dons. Pour compenser la réduction du nombre de contribuables qu’entraînera le remplacement de l’ISF par l’IFI, nous proposons cet amendement assez simple qui permet de continuer à soutenir le monde associatif.

M. le Rapporteur général. Il y a encore un problème de première partie ou de seconde partie du projet de loi de finances. Si cet amendement était adopté en première partie, serait ainsi créé un pur effet d’aubaine pour les gens qui ont déjà versé des dons en 2017, sans les pousser à en faire plus. Ce genre de cadeau fiscal n’est pas souhaitable. Sans préjuger de la bienveillance éventuelle avec laquelle je le considérerais, il faudrait redéposer l’amendement en seconde partie.

Mme Sarah El Haïry. Nous le redéposerons donc en seconde partie, avec toute votre bienveillance !

L’amendement est retiré.

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*     *

Article additionnel après l’article 2
Élargissement de la réduction d’impôt sur le revenu au titre des dons
aux fondations d’entreprise aux mandataires sociaux, sociétaires,
adhérents et actionnaires

La commission est saisie de l’amendement I-CF204 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Il s’agit presque d’un amendement rédactionnel. Il prévoit la mise en cohérence des dispositions juridiques et fiscales. Aujourd’hui, la capacité de collecte des fondations d’entreprise est limitée car, si les mandataires sociaux, les sociétaires, les adhérents, les actionnaires et les salariés peuvent participer et abonder, seuls les salariés peuvent bénéficier d’un avantage fiscal.

Nous souhaitons permettre à tout le monde de participer, afin que les fondations d’entreprise, qui soutiennent le tissu associatif dans nos territoires, puissent continuer leur action.

M. le Rapporteur général. J’ai les yeux de Chimène pour cet amendement, qui apporte une coordination utile au dispositif de la réduction d’impôt. Il n’y a pas de raison de traiter de façon différente, à l’égard de l’avantage fiscal, les salariés d’une part, et les adhérents, actionnaires et sociétaires d’autre part. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF204 (amendement n° I-575).

*

*     *

Après l’article 2

Elle en vient à l’amendement I-CF487 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Il est défendu.

M. le Rapporteur général. L’effet de cet amendement est de rendre dégressif le taux de la réduction d’impôt pour le financement des campagnes électorales, qui serait réduit en fonction du montant du don, pour être ramené à 20 % pour les dons atteignant le plafond de 4 600 euros. Le taux serait en revanche porté à 75 % pour les dons inférieurs à 100 euros.

Le montant du don versé n’est pas nécessairement représentatif du niveau de ressources du foyer qui l’effectue : moduler le taux de l’avantage fiscal en fonction du montant du don me semble quelque peu contestable.

Le taux de la réduction d’impôt n’est pas défini par votre amendement, qui ne fixe que le taux minimum – 20 % – et le taux maximum – 75 % – et renvoie à un décret en Conseil d’État les modalités de la dégressivité de ce taux. Il y a un risque réel d’incompétence négative.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement I-CF695 de M. le président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement vise, comme je l’ai déjà évoqué, à avancer au 1er janvier 2018 l’entrée en vigueur de la mesure de transparence prévue dans la loi de finances rectificative pour 2016 qui impose aux propriétaires et utilisateurs de plateformes en ligne une obligation de déclaration automatique sécurisée de leurs revenus afin de permettre l’établissement de l’impôt sur le revenu. Les opérateurs de plateformes ont eu tout le temps nécessaire pour s’organiser en conséquence.

M. le Rapporteur général. La situation est kafkaïenne : nous venons de constater que ce dispositif ne fonctionne pas ; avancer son entrée en vigueur d’un an me semble donc présenter un problème, d’autant plus que se pose une question technique envisagée dès la création du mécanisme – c’est d’ailleurs la question principale – concernant l’identification des utilisateurs de ces plateformes, lesquelles ne sont pas obligées de vérifier l’identité du bénéficiaire des revenus, contrairement aux banques et aux employeurs, qui transmettent automatiquement les informations à l’administration fiscale. Si seul un pseudonyme est transmis à l’administration fiscale, il ne sera pas facile d’identifier les bénéficiaires des revenus. C’est précisément pour permettre la résolution de ce problème persistant que l’entrée en vigueur du dispositif a été fixée en 2019 ; l’avancer d’un an ne permettra pas d’y remédier davantage. Il me semble préférable de conserver la date prévue et de s’employer à régler ces problèmes déjà évoqués. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. Ce n’est pas très courageux, alors même que nous prônons l’échange automatique de données entre les pays.

M. le Rapporteur général. Le dispositif ne fonctionne pas.

M. le président Éric Woerth. Voilà deux ans que les opérateurs peuvent s’y préparer ; le moment est venu de leur mettre l’épée dans les reins. Il y va de la transparence. L’argument du pseudonyme et d’autres ont déjà été échangés en 2016, mais il est temps de passer à l’acte. Dans le monde numérique, on n’obtient pas de résultat sans forcer la porte.

Mme Émilie Cariou. L’échange automatique des données se fait entre États et autorités publiques constituées que l’on peut facilement mobiliser. En l’occurrence, il s’agit plutôt de problématiques de territorialité du droit : les plateformes concernées sont souvent situées à l’étranger et il est difficile de leur imposer des conditions. En outre, il existe un statut de l’hébergeur en droit européen et un accord dit Safe Harbor visant les plateformes américaines. En clair, il faut d’abord régler une multitude de problèmes juridiques avant que la mesure ne puisse concrètement entrer en vigueur. C’est un mécanisme beaucoup plus complexe que l’échange automatique de données entre États ou entre autorités de contrôle. J’aspire comme vous, monsieur le président, à une application aussi rapide que possible de ce dispositif, mais je crains que nous ne nous heurtions à de grandes difficultés pratiques.

M. le président Éric Woerth. Je ne suis pas du tout d’accord avec cette approche ; je crois au contraire que nous devons prendre une mesure beaucoup plus forte.

M. Charles de Courson. Je suis favorable à l’amendement de M. Woerth. Ma collègue Lise Magnier le dirait aussi bien que moi : les bases comportent une identification des utilisateurs, le pseudonyme ne suffisant pas. Il est donc parfaitement possible d’appliquer sans peine le dispositif.

M. le Rapporteur général. Il n’existe pas d’obligation légale d’identification.

M. Charles de Courson. Et si nous la créions ?

M. le Rapporteur général. Ce n’est pas l’objet de l’amendement. C’est précisément l’un des problèmes techniques qu’il présente : les choses seraient différentes si l’identification faisait l’objet d’une obligation légale. De même, l’amendement ne vise pas à abroger le II de l’article 24 de la loi de finances rectificative pour 2016, qui prévoit l’entrée en vigueur de la mesure en 2019. Il y aurait donc deux normes contradictoires. Si nous voulons vraiment que ce dispositif fonctionne, même dès le 1er janvier 2018, il faut résoudre les problèmes qui persistent encore.

M. Charles de Courson. Je ne comprends pas votre argumentation, monsieur le Rapporteur général. Si vous dites vrai, alors il faut de toute façon modifier la loi, que la mesure entre en vigueur en 2018 ou en 2019. Pourquoi ne sous-amendez-vous pas l’amendement du président afin de le compléter et de le rendre encore plus efficace ? C’est dans l’intérêt de tous. S’agissant de lutte contre la fraude, nous devrions tous être d’accord.

M. Jean-Paul Mattei. Les paiements se font par des virements bancaires qui sont traçables et permettent de retrouver les noms, même si des pseudonymes sont utilisés. Où est donc le problème ? L’argent ne circule tout de même pas dans des enveloppes !

M. le président Éric Woerth. Je rappelle qu’une loi a été votée. Depuis deux ans, l’administration a donc la possibilité de travailler avec les hébergeurs ou du moins avec les plateformes pour s’y préparer.

M. le Rapporteur général. Encore une fois, il n’existe aucune obligation de vérification d’identité. On peut certes la créer, mais il faudrait alors proposer un dispositif adapté permettant d’établir le lien voulu.

M. Xavier Roseren. Nous devons en effet aller dans cette direction. Cela étant, nous ne pouvons pas, à quelques mois du 1er janvier 2018, demander aux plateformes de se mettre en conformité avec la loi sur le plan technique. Forçons-nous à faire en sorte en 2018 que le dispositif soit opérationnel en 2019 mais, techniquement, on ne peut demander aux plateformes de s’y adapter avant.

M. le président Éric Woerth. Tout cela manque tout de même de volontarisme.

Mme Amélie de Montchalin. Le Gouvernement a rendu aujourd’hui un rapport sur le prélèvement à la source qui montre que le volontarisme n’est pas toujours de bon conseil. Les tests qui ont été effectués ont révélé qu’il fallait procéder à de nombreuses adaptations techniques pour que le prélèvement à la source soit opérationnel. Comme l’a dit M. Roseren, nous pouvons prendre des engagements collectifs pour que la mesure fonctionne au 1er janvier 2019, mais le volontarisme pour le volontarisme ne produit pas forcément de bons résultats.

M. le président Éric Woerth. Cela vaut pour bien d’autres sujets...

Mme Émilie Cariou. Je maintiens qu’il reste à régler plusieurs problèmes d’ordre communautaire concernant la responsabilité des hébergeurs ; ne mettons pas la charrue avant les bœufs.

La commission rejette l’amendement I-CF695.

*

*     *

Article 3
Dégrèvement de la taxe d’habitation sur la résidence principale

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article instaure un dégrèvement total de la taxe d’habitation (TH) au titre de l’habitation principale pour 80 % des foyers, à compter de 2020. La mise en place de la mesure s’échelonne sur trois années, avec un dégrèvement égal à 30 % en 2018, à 65 % en 2019 et à 100 % en 2020.

Le dégrèvement est calculé sur la base des valeurs locatives de l’année, mais en retenant les taux et abattements appliqués pour l’établissement de la TH de 2017.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 75 de la loi de finances pour 2016 a instauré un dispositif de sortie en sifflet des exonérations de TH et de taxe foncière, avec le maintien de l’exonération pendant deux années, le paiement du tiers de l’imposition en année N + 3 et des deux tiers en année N + 4. Il a également instauré une clause de maintien des droits acquis pour les personnes qui auraient perdu le bénéfice d’exonérations de fiscalité locale du fait de mesures fiscales ayant rehaussé leur revenu fiscal de référence à compter de 2014.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement de M. Éric Alauzet (REM), qui vise à faire figurer sur les factures émises par les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes le montant de dégrèvement de taxe d’habitation dont ils bénéficient au titre du présent article.

La commission a également adopté un amendement de M. Jean-Paul Dufrègne (GDR), qui prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur les effets, sur la taxe d’habitation, d’une révision des valeurs locatives des locaux d’habitation.

I.   L’État du droit

A.   les redevables et l’assiette la taxe d’habitation

La taxe d’habitation (TH) est due par l’occupant, au 1er janvier de l’année d’imposition, d’un immeuble affecté à l’habitation, comme résidence principale ou secondaire, quelle que soit sa qualité : propriétaire ou locataire.

1.   Les redevables de la taxe d’habitation

a.   L’occupant en titre

Le foyer fiscal au sens de la TH comprend l’occupant en titre et les personnes qui occupent le même logement. Les locaux faisant l’objet d’une occupation indivise ne peuvent donner lieu qu’à une seule imposition à la TH ; une division de cote entre chacun des occupants est exclue. La TH doit donc être établie au nom de l’occupant en titre, seul redevable légal de cette taxe, à l’exclusion des personnes avec lesquelles il partage son logement.

Sur demande des contribuables, le service peut établir la taxe au nom des deux conjoints pour le logement qu’ils occupent en commun. L’administration fiscale peut alors demander le paiement de l’impôt à l’un ou à l’autre des redevables. Les modalités de répartition du paiement de la TH entre les redevables, ou entre redevables et autres occupants du local, relèvent de la sphère privée et ne sont pas connues de l’administration fiscale.

Ainsi, un foyer fiscal au sens de la TH peut comprendre plusieurs foyers fiscaux au sens de l’impôt sur le revenu : c’est le cas par exemple de concubins ou de colocataires.

Par ailleurs, l’âge est sans conséquence sur la définition du redevable : un enfant même mineur est personnellement imposable, lorsque ayant cessé de demeurer avec ses parents, il dispose personnellement d’une habitation distincte.

b.   Les exonérations générales

Le II de l’article 1408 du CGI exonère les établissements publics scientifiques, d’enseignement et d’assistance, ainsi que le Centre national (CNFPT) et les centres de gestion de la fonction publique territoriale, les ambassadeurs et agents diplomatiques de nationalité étrangère dans la commune de leur résidence officielle et pour cette résidence seulement, dans la mesure où les pays qu’ils représentent concèdent des avantages analogues aux ambassadeurs et agents diplomatiques français.

2.   Les locaux soumis à la taxe d’habitation

a.   Immeubles affectés à l’habitation (article 1407 du CGI)

Sont soumises à la TH les habitations et leurs dépendances, telles que garages, jardins d’agrément, parcs et terrains de jeux. Le local doit être pourvu d’un ameublement suffisant pour en permettre l’habitation.

Sont également soumis à la TH les locaux meublés conformément à leur destination et occupés à titre privatif par les sociétés, associations et organismes privés et qui ne sont pas retenus pour l’établissement de la cotisation foncière des entreprises (CFE), ainsi que les locaux meublés sans caractère industriel ou commercial occupés par les organismes de l’État, des départements et des communes, ainsi que par les établissements publics.

b.   Immeubles non imposables à la taxe d’habitation

Conformément à l’article 1407 du CGI, ne sont pas imposables à la taxe :

– les locaux passibles de la cotisation foncière des entreprises lorsqu’ils ne font pas partie de l’habitation personnelle des contribuables ;

– les bâtiments servant aux exploitations rurales ;

– les locaux destinés au logement des élèves dans les écoles et pensionnats ;

– les bureaux des fonctionnaires publics ;

– les locaux affectés au logement des étudiants dans les résidences universitaires lorsque la gestion de ces locaux est assurée par un centre régional des œuvres universitaires et scolaires.

c.   Certaines exonérations sont facultatives

Dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), les communes peuvent délibérer pour exonérer de TH les locaux classés meublés de tourisme et les chambres d’hôtes.

d.   Le cas des logements vacants

● Dans les « zones tendues » : taxe annuelle sur les logements vacants (et majoration possible de la TH sur les résidences secondaires

L’article 232 du CGI définit des zones géographiques, dites « tendues ». il s’agit des communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d’emménagements annuels dans le parc locatif social.

Dans ces zones, il est institué une taxe annuelle sur les logements vacants (TLV) depuis plus d’un an. L’assiette de la taxe est constituée par la valeur locative du logement. Son taux est fixé à 12,5 % la première année d’imposition et à 25 % à compter de la deuxième.

Les communes peuvent également, par une délibération, majorer d’un pourcentage compris entre 5 % et 60 % la part leur revenant de la cotisation de TH due au titre des résidences secondaires.

● Hors zones tendues

Dans les autres zones, les communes peuvent assujettir à la TH, pour la part communale et celle revenant aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sans fiscalité propre, les logements vacants (THLV) depuis plus de deux années. Les EPCI à fiscalité propre, lorsqu’ils ont adopté un programme local de l’habitat, peuvent délibérer dans le même sens, mais la THLV intercommunale ne pourra être applicable que sur le territoire des communes qui n’auront pas déjà institué une THLV.

3.   L’assiette de la taxe d’habitation

a.   Les valeurs locatives brutes

L’assiette de la TH est définie par l’article 1409 du CGI. Il s’agit de la valeur locative des habitations et de leurs dépendances.

La TH est assise sur la valeur locative cadastrale (c’est-à-dire le niveau de loyer annuel potentiel que la propriété concernée produirait si elle était louée), calculée à partir des conditions du marché locatif au 1er janvier 1970.

Cette valeur locative ne fait plus l’objet de réévaluation depuis 1980, mais seulement d’une revalorisation forfaitaire annuelle, votée en loi de finances. Indexée sur l’inflation, prévisionnelle ou constatée, cette revalorisation est inférieure à l’évolution des loyers, situation est particulièrement favorable aux logements anciens de centre-ville.

Fixée à l’origine en fonction des loyers pratiqués au 1er janvier 1970, cette valeur locative a été actualisée en 1980 (coefficient départemental de 1,85 à Paris), puis revalorisée forfaitairement chaque année par un coefficient national. Cette revalorisation a été fixée à 1,01 pour 2016. La valeur locative est donc indépendante du loyer réel, qu’il soit libre ou réglementé, et du revenu de l’occupant.

Les valeurs locatives varient très fortement selon les régions, pour des raisons qui peuvent tenir au caractère désuet des valeurs cadastrales, comme aux caractéristiques des logements, leur taille par exemple. En euros par habitant, il est minimal dans les communes de 200 à 500 habitants en outre-mer, et maximal dans les plus grandes villes d’Île-de-France.

Les valeurs locatives par habitant de la taxe d’habitation
des communes en 2015

(en euros / habitant)

Taille des communes en nombre d’habitants en 2015

Moins de 200 hab.

De 200 à 500 hab.

De 500

à 2 000

hab.

De 2 000 à 3 500 hab.

De 3 500 à

5 000 hab.

De 5 000 à 10 000 hab.

De 10 000 à 20 000 hab.

De 20 000 à 50 000 hab.

De 50 000 à 100 000 hab.

100 000 hab. et plus

Ensemble

Auvergne-Rhône-Alpes

1 487

1 445

1 569

1 702

1 816

1 836

1 740

1 776

1 787

1 951

1 739

Bourgogne-Franche-Comté

1 230

1 233

1 369

1 491

1 472

1 536

1 563

1 686

1 553

1 842

1 467

Bretagne

995

1 010

1 199

1 449

1 615

1 694

1 764

1 675

1 930

1 626

1 539

Centre-Val de Loire

1 175

1 134

1 171

1 248

1 247

1 482

1 572

1 612

1 748

1 758

1 384

Corse

1 631

1 657

2 181

2 188

1 710

1 580

3 489

1 339

1 614

– 

1 817

Grand-Est

946

1 049

1 231

1 317

1 386

1 425

1 466

1 509

1 365

1 600

1 353

Hauts-de-France

957

952

1 036

1 127

1 232

1 060

1 110

1 184

1 074

1 313

1 106

Normandie

1 016

957

1 038

1 399

1 727

1 386

1 409

1 534

1 430

1 701

1 300

Nouvelle-Aquitaine

1 279

1 220

1 297

1 489

1 827

1 799

2 094

1 886

1 856

2 093

1 634

Occitanie

1 398

1 324

1 415

1 535

1 777

1 799

1 894

1 834

1 751

1 775

1 658

Pays de la Loire

983

921

1 028

1 172

1 427

1 449

2 143

1 646

1 734

1 706

1 442

Provence-Alpes-Côte d’Azur

1 781

2 231

2 485

2 270

2 296

2 181

2 189

2 097

2 527

1 789

2 110

Métropole hors Île-de-France

1 194

1 174

1 298

1 453

1 636

1 630

1 705

1 696

1 759

1 764

1 545

Île-de-France

1 749

1 741

1 856

1 849

1 959

2 066

2 172

2 159

2 350

3 594

2 486

Métropole

1 199

1 187

1 319

1 474

1 658

1 677

1 791

1 880

2 027

2 268

1 720

Outre-mer

275

63

817

736

1 054

875

1 123

1 210

1 196

1 753

1 203

France entière

1 198

1 187

1 318

1 472

1 652

1 650

1 756

1 840

1 950

2 255

1 704

Source : direction générale des collectivités locales (DGCL).

b.   Leur revalorisation forfaitaire régulière, à défaut de révision

Selon l’article 1518 bis du CGI, les valeurs locatives foncières sont majorées, dans l’intervalle de deux révisions générales ou actualisations intermédiaires prévues par l’article 1518 du même code, par application de coefficients forfaitaires fixés par la loi de finances en tenant compte des variations des loyers.

Depuis 2010, un coefficient identique a toujours été prévu pour les propriétés non bâties, les immeubles industriels évalués selon la méthode comptable et pour l’ensemble des autres propriétés bâties. Le coefficient de revalorisation forfaitaire des valeurs locatives a été le plus souvent identique, ces dernières années, à l’inflation prévisionnelle, nettement supérieure à l’inflation constatée. Depuis 2005, l’écart cumulé s’élève à 2,8 points.

Au titre de 2017, le coefficient est fixé à 1,004. À compter de 2018, dans l’intervalle de deux actualisations prévues à l’article 1518, les valeurs locatives foncières, à l’exception des valeurs locatives des locaux professionnels concernées par la révision entrée en vigueur au 1er janvier 2017, sont majorées par application d’un coefficient égal au taux d’inflation constaté en glissement annuel en novembre de l’année N – 1.

c.   L’expérimentation sur la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation

L’article 74 de la loi de finances rectificative pour 2013 ([22]) a prévu une expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation et des locaux servant à l’exercice d’une activité salariée à domicile et la remise par le Gouvernement, d’un rapport au Parlement sur cette expérimentation, au plus tard le 30 septembre 2015.

Le Gouvernement a transmis au Parlement, en février 2017, un rapport présentant ses résultats dans cinq départements représentatifs (Charente, Nord, Orne, Paris et Val-de-Marne). Le législateur déterminera, au vu de ces résultats, les modalités et le calendrier de la révision.

Trois hypothèses simulées par la direction générale des finances publiques (DGFiP) : avec ou sans rebasage des taux, avec ou sans neutralisation de l’effet d’aubaine pour les locaux industriels non révisés, avec ou sans prise en compte de la spécificité du logement social. Toutefois, les simulations publiées début 2017 ne portent que sur la taxe foncière.

d.   Les abattements obligatoires et facultatifs

La valeur locative brute peut être réduite, conformément à l’article 1411 du CGI, par :

– un abattement obligatoire pour charges de famille ; il est fixé, pour les personnes à charge à titre exclusif ou principal à 10 % de la valeur locative moyenne des habitations de la commune pour chacune des deux premières personnes à charge et à 15 % pour chacune des suivantes. Ces taux peuvent être majorés d’un ou plusieurs points sans excéder 10 points par le conseil municipal ;

– trois abattements facultatifs : un abattement général à la base, un abattement en faveur des personnes à revenus modestes et un abattement en faveur des personnes handicapées ou invalides.

Les deux premiers de ces abattements doivent être égaux à un certain pourcentage, ce pourcentage pouvant varier de un pour cent à plusieurs pour cent sans excéder 15 % de la valeur locative moyenne des habitations de la commune. Le troisième doit être exprimé en nombre entier entre 10 et 20 points de la valeur locative moyenne.

Les abattements communaux s’appliquent pour la part intercommunale de la TH, sauf délibération contraire de l’EPCI.

Les abattements, cumulés avec les exonérations, ont pour effet de réduire les valeurs locatives brutes d’environ 23 %.

DÉCOMPOSITION DES BASES COMMUNALES DE LA TAXE D’HABITATION

(en millions d’euros)

Éléments des bases

2012

2016

Évolution 2012/2016

Valeur locative des locaux d’habitation

105 917

116 403

9,9 %

Abattement pour charges de famille

7 008

7 551

7,7 %

Abattements facultatifs

8 528

8 731

2,4 %

Exonérations

8 465

10 952

29,4 %

Base nette

81 916

89 169

8,9 %

Base nette/VL brute

77,3 %

76,6 %

Source : DGCL.

B.   Les dispositifs actuels d’exonération de taxe d’habitation, orientés vers les ménages aux revenus modestes et vers les personnes âgées

1.   Les bénéficiaires d’exonération de taxe d’habitation de droit commun

L’article 1414 du CGI prévoit un dispositif d’exonération de la TH pour des personnes titulaires de certaines allocations, ainsi que pour des personnes aux revenus modestes, et remplissant certaines conditions, notamment d’âge.

● Aux termes de l’article 1414, sont ainsi exonérés de TH pour leur habitation principale :

– les titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) qui a remplacé l’ancien « minimum vieillesse ». Le plafond de ressources pour bénéficier de l’ASPA est fixé à 803 euros par mois pour une personne seule et à 1 247 euros par mois pour un couple ;

– les titulaires de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI). L’ASI bénéficie aux personnes atteintes d’une invalidité générale réduisant d’au moins deux tiers leur capacité de travail ou de gain, jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge légal de départ à la retraite. Le plafond de ressources pour bénéficier de l’ASI est fixé à 704,8 euros par mois pour une personne seule et à 1 234,5 euros par mois pour un couple ;

– les contribuables âgés de plus de soixante ans et les veuves et veufs, quel que soit leur âge, sous condition de ressources et à condition de ne pas être redevables de l’ISF ; ils sont également exonérés s’ils occupent l’habitation avec leurs enfants majeurs inscrits comme demandeurs d’emploi et dont les revenus sont inférieurs au montant des abattements prévus par le I de l’article 1414 A ;

– les contribuables atteints d’une infirmité ou d’une invalidité les empêchant de subvenir par leur travail aux nécessités de l’existence, sous condition de ressources ;

– les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), sous condition de ressources.

● Pour ces trois dernières catégories de redevables, les conditions de ressources sont définies au I de l’article 1417, qui fixe des plafonds de RFR par part, tenant ainsi compte de la composition du foyer. Sont exonérés les contribuables dont le RFR de l’année précédente est inférieur aux montants suivants :

PLAFOND DE RFR conditionnant L’EXONÉRATION DE TAXE D’HABITATION,
EN 2017, EN MÉTROPOLE, pour les plus de soixante ans, les veufs et veuves, les titulaires de l’AAH et les personnes invalides

(en euros)

Nombre de part(s)

1

1,5

2

2,5

½ part supplémentaire

RFR

10 708

13 567

16 426

19 285

2 859

Niveau de pension de retraite mensuel correspondant (pour les personnes retraitées de moins de soixante-cinq ans)

991

1 256

1 521

1 786

Niveau de pension de retraite correspondant (pour les personnes retraitées de plus de soixante-cinq ans)

1 210

1 365

1 739

2 003

Note de lecture :

Par hypothèse, les redevables ne perçoivent, comme source de revenus, que des pensions de retraite. Leur RFR est égal au montant des pensions déclarées, minoré de l’abattement de 10 % sur les pensions.

Les personnes de plus de soixante-cinq ans de condition modeste bénéficient d’un abattement spécifique de 2 352 euros ou de 1 176 euros sur leur revenu imposable, et ce selon leur niveau de revenu (article 157 bis du CGI). Cet abattement minore leur RFR et augmente donc les plafonds de pensions en-dessous desquels ils bénéficient d’exonérations ou d’allégements.

Source : commission des finances.


Ces montants de RFR sont indexés chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. En 2018, leur taux d’indexation devrait être de 1 %, en application de l’article 2 du présent projet de loi de finances.

Dans tous les cas, le bénéfice de l’exonération est subordonné à la condition que les redevables concernés habitent :

– soit seuls, soit avec leur conjoint ;

– soit avec des personnes qui sont à leur charge au sens de l’impôt sur le revenu ;

– ou avec d’autres personnes qui sont titulaires de l’ASPA ou de l’ASI ou dont les revenus de l’année précédente n’excèdent pas les plafonds de RFR présentés supra.

En application de l’article 1414 B, ces exonérations sont également applicables pour les anciens domiciles dont les redevables conservent la jouissance alors qu’ils résident durablement en maison de retraite ou en établissement de soins de longue durée – sous réserve que ces domiciles ne soient pas affectés au logement de tiers.

● Aux termes du 2° de l’article 1605 bis, les personnes exonérées de TH en application de l’article 1414 sont également exonérées de contribution à l’audiovisuel public (CAP) – laquelle s’élève, en 2017, à 138 euros, et est due par toute personne détenant un téléviseur ou un dispositif assimilé au 1er janvier de l’année.

2.   Les bénéficiaires d’exonération relevant de la clause de maintien des droits acquis

● En application du I bis de l’article 1417, issu de l’article 75 de la loi de finances pour 2016 ([23]), pour certains contribuables de plus de soixante ans ou veufs et veuves, les plafonds de RFR conditionnant l’exonération de TH sont plus élevés, dans le cadre d’une clause de maintien des droits acquis : il s’agissait de maintenir les exonérations de fiscalité locale et de CAP dont bénéficiaient des contribuables avant 2014, c’est-à-dire avant la fiscalisation des majorations de pensions pour charges de famille, intervenue en 2014, et la suppression de la demi-part dite « vieux parents », également effective en 2014 bien qu’adoptée en loi de finances pour 2009. En effet, ces deux mesures ont conduit à majorer le RFR par part de contribuables, sans que leurs revenus n’aient nécessairement augmenté, et pouvaient ainsi faire perdre le bénéfice des exonérations de TH et de CAP – ainsi que de taxe foncière –, pour un grand nombre de contribuables, pour l’essentiel des personnes retraitées ([24]).

De ce fait, les redevables de plus de soixante ans, ou veufs ou veuves, qui relèvent de cette clause de maintien des droits acquis, ou « clause de grand-père », se voient appliquer des plafonds rehaussés de RFR pour bénéficier de l’exonération de TH, ainsi que de l’exonération de CAP associée, le plafond majoré pour une part correspondant au niveau d’une part et demie du montant de droit commun tel que défini par le I de l’article 1417 :

PLAFOND DE RFR conditionnant L’EXONÉRATION DE TAXE D’HABITATION,
EN 2017, EN MÉTROPOLE, pour les bénéficiaires de la clause de maintien
des droits acquis

(en euros)

Nombre de part(s)

1

1,5

2

2,5

½ part supplémentaire

RFR

13 567

16 426

19 285

22 144

2 859

Niveau de pension de retraite mensuel correspondant (pour les personnes retraitées de moins de soixante-cinq ans)

1 256

1 521

1 786

2 050

Niveau de pension de retraite correspondant (pour les personnes retraitées de plus de soixante-cinq ans)

1 365

1 739

2 003

2 200

Source : commission des finances.

Outre le respect de ces plafonds de revenus rehaussés, ces redevables doivent bien évidemment continuer à remplir les conditions prévues pour bénéficier de l’exonération, notamment ne pas être redevables de l’ISF au titre de l’année précédant celle de l’imposition à la TH ; dans le cas contraire, ce mécanisme de maintien des droits acquis ne trouve plus à s’appliquer.

3.   Un dispositif de sortie en sifflet de l’exonération de taxe d’habitation, instauré en 2015

Parallèlement à l’instauration de cette « clause de grand-père », l’article 75 de la loi de finances pour 2016 a introduit un mécanisme de sortie en sifflet des exonérations de TH – mais aussi de taxe foncière.

Ce dispositif, prévu par le I bis de l’article 1414 pour la TH ([25]), permet de lisser les effets de la sortie des exonérations de fiscalité locale, puisque les redevables ne remplissant plus les conditions de l’exonération prévues par le I de l’article 1414 continuent d’en bénéficier pendant deux années, en N + 1 et N + 2, puis s’acquittent d’un tiers de leur TH en N + 3, des deux tiers en N + 4 et de la totalité de l’imposition en N + 5. En revanche, ils sont redevables de l’intégralité de la CAP dès qu’ils perdent le bénéfice de l’exonération de TH, à partir de N + 3. Par ailleurs, le bénéfice de ce dispositif implique que les personnes concernées continuent de satisfaire aux conditions d’occupation de l’habitation.

Ce mécanisme de lissage s’applique depuis l’année 2015. Il convient de noter que le mécanisme du maintien des droits acquis ne s’applique que depuis l’année 2017, puisque les redevables concernés par cette clause ont bénéficié pendant les deux premières années, en 2015 et 2016, du dispositif de lissage de droit commun prévu par le I bis de l’article 1414.

4.   Près de 4 millions de foyers exonérés de taxe d’habitation

● Le tableau ci-après présente le nombre de bénéficiaires d’une exonération de TH, en application des dispositions de l’article 1414 du CGI ou bien des dispositions de l’article 75 de la loi de finances pour 2016.

RÉPARTITION DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES D’EXONÉRATION DE TH
SELON DIFFÉRENTES CATÉGORIES D’ÉLIGIBLES – 2010– 2017

 

Nombre de bénéficiaires d’exonérations de TH en faveur des personnes âgées, handicapées ou disposant de revenus modestes

2012

2013

2014

2015

2016

Personnes titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées

(art. 1414-I-1° du CGI)

47 432

43 399

38 584

35 060

31 705

Personnes atteintes d’une invalidité ou infirmité

(art. 1414-I-3° du CGI)

128 053

122 955

115 135

110 222

105 719

Personnes titulaires de l’allocation aux adultes handicapés

(art. 1414-I-1°bis du CGI)

436 810

459 785

483 334

498 157

519 187

Personnes de plus de soixante ans

(art. 1414-I-2° du CGI)

2 645 410

2 611 638

2 256 372

2 247 202

2 290 661

Personnes veuves

(art. 1414-I-2° du CGI)

110 416

106 854

102 864

99 006

94 724

Personnes bénéficiaires de l’article 28 de la LFR-I de 2014

– 

– 

661 541

– 

– 

Personnes bénéficiaires de l’article 75 de la LFI pour 2016

– 

– 

– 

800 000

893 298

Total

3 368 121

3 344 631

3 657 830

3 789 647

3 935 294

Source : DGFiP.

Au total, en 2016, près de 4 millions de foyers ont été exonérés de TH. Sur ce total, plus 893 000 ont été exonérés au titre de l’article 75 de la loi de finances pour 2016, dont 360 000 au titre de la « clause de maintien des droits acquis » et 533 000 au titre du mécanisme de lissage.

Sur les plus de 3 millions de foyers exonérés hors dispositif de l’article 75, près de 2,3 millions sont des personnes de plus de soixante ans, environ 520 000 sont des titulaires de l’AAH et 95 000 sont des personnes veuves, tous ces redevables ayant des ressources inférieures aux seuils de RFR prévus par le I de l’article 1417.

● À cet égard, environ 90 % des foyers exonérés de TH en 2015 ([26]) disposaient d’un revenu fiscal de référence en 2014 inférieur à 15 169 euros, ainsi que permet de le constater le tableau ci-après :

Ventilation par décile de RFR des FOYERS
EXONÉRÉS DE TH 2015

Ventilation par décile de RFR des redevables TH exonérés au titre de l’article 1414-I du CGI et pour lesquels le foyer fiscal TH en résidence principale correspond au foyer fiscal IR

Nombre de redevables (en millions)

Revenu nul

0,35

Entre 1 et 2 399

0,21

Entre 2 400 et 5 081

0,28

Entre 5 082 et 6 638

0,28

Entre 6 639 et 7 860

0,28

Entre 7 861 et 8 968

0,28

Entre 8 969 et 9 966

0,28

Entre 9 967 et 11 606

0,28

Entre 11 607 et 15 169

0,28

Supérieur à 15 170

0,28

TOTAL

2,81

Source : rapport du Gouvernement sur l’évaluation de l’impact, pour les bénéficiaires de prestations et minima sociaux, de revenus de remplacement et de revenus d’activité modestes, des conditions d’exonération et de dégrèvement applicables en matière de taxe d’habitation.

C.   le plafonnement en fonction du revenu

Selon l’évaluation préalable du présent article, 8,7 millions de foyers bénéficient d’un plafonnement de leur cotisation de taxe d’habitation. Parmi eux, 1,2 million de foyers voient leur cotisation de TH réduite à zéro du fait de ce mécanisme.

1.   Un plafonnement de cotisation en fonction du revenu vise à réduire la cotisation de TH de certains contribuables non exonérés

a.   Les plafonds de RFR pour le bénéfice du plafonnement

Les contribuables autres que ceux mentionnés à l’article 1414, dont le montant des revenus de l’année précédente n’excède pas la limite prévue au II de l’article 1417, sont dégrevés d’office de la TH afférente à leur habitation principale pour la fraction de leur cotisation qui excède 3,44 % de leur revenu au sens du IV de l’article 1417 diminué d’un abattement, dont le montant est indiqué dans le tableau ci-dessous. Ces dispositions sont prévues par l’article 1414 A du CGI.

Les contribuables dont le RFR excède les limites prévues pour le bénéfice de l’exonération voient leur cotisation de TH plafonnée en fonction de leur revenu, dans les limites suivantes :

PLAFOND DE REVENUS POUR LE PLAFONNEMENT DE TAXE D’HABITATION,
EN 2017, EN MÉTROPOLE

(en euros)

Nombre de part(s)

1

1,5

2

2,5

3

½ part supplémentaire

RFR

25 180

31 063

35 694

40 325

44 956

+ 4 631

Abattement à imputer sur le RFR

5 456

7 034

8 612

10 190

11 768

+ 2 790

Plafond de cotisation = (RFR– abattement) × 3,44 %

678,5

826,6

931,6

1 036,6

1 141,7

+ 63,3

Lecture : pour un RFR de 25 180 euros pour une part, la cotisation est au maximum de 648,5 euros.

À titre d’exemple, un montant de 25 180 euros de RFR pour une part correspond à 2 331,50 euros de salaire mensuel.

Ces montants évoluent comme la première tranche du barème de l’IR. Le présent projet de loi de finances prévoit une revalorisation de 1 % (prévision d’inflation 2017).

Pour le bénéfice du plafonnement, seul le niveau de RFR importe, en l’absence de toute condition d’âge, contrairement aux conditions posées pour le bénéfice de l’exonération.

Ce plafonnement prend la forme d’un dégrèvement dont le montant est égal à la cotisation de TH diminuée de la valeur du plafond.

b.   La prise en compte des revenus des différents membres du foyer TH

Lorsque la TH est établie au nom de plusieurs personnes appartenant à des foyers fiscaux distincts, le revenu s’entend de la somme des revenus de chacun des foyers fiscaux de ces personnes.

Lorsque ces personnes cohabitent avec des personnes qui ne font pas partie de leur foyer fiscal et pour lesquelles la résidence constitue leur habitation principale, le revenu s’entend de la somme des revenus de chacun des foyers fiscaux des personnes au nom desquelles l’imposition est établie ainsi que des revenus de chacun des foyers fiscaux des cohabitants dont les revenus excèdent la limite prévue.

L’abattement est déterminé en tenant compte de la somme des parts retenues pour l’établissement de l’impôt sur le revenu de chacun des foyers fiscaux dont le revenu est retenu pour le calcul du dégrèvement.

2.   Le plafonnement du plafonnement répond à une logique d’équilibre entre l’État et les collectivités

Conformément au III de l’article 1414 A du CGI, ce dégrèvement est réduit d’un montant dépendant du produit de la base nette imposable par la différence entre le taux de TH de la commune en année N et celui constaté en 2000, multiplié par un coefficient de 1,034, afin de tenir compte du transfert des frais de gestion perçus par l’État au profit des collectivités du bloc communal depuis 2011. Ce mécanisme vise à ne pas faire supporter à l’État, qui prend en charge le dégrèvement, l’effet de la politique de taux de la commune ou de l’EPCI. De ce fait, plus le taux voté par la collectivité est élevé, moins le dégrèvement dont bénéficie le contribuable est important.

Un mécanisme similaire est prévu pour la prise en compte de l’évolution des abattements facultatifs depuis 2003. Ainsi, lorsqu’une commune ou un EPCI au profit desquels l’imposition est établie ont supprimé un ou plusieurs des abattements prévus au II de l’article 1411 et en vigueur en 2003 ou en ont réduit un ou plusieurs taux par rapport à ceux en vigueur en 2003, le montant du dégrèvement est réduit d’un montant égal à la différence positive entre, d’une part, le montant du dégrèvement et, d’autre part, le montant de celui calculé dans les mêmes conditions en tenant compte de la cotisation déterminée en faisant application des taux d’abattement en vigueur en 2003.

3.   Le plafonnement du plafonnement du plafonnement

Un dernier mécanisme vise à atténuer les effets des mécanismes de gel des taux et de gel des abattements pour les personnes aux revenus modestes, conformément au 3 du III de l’article 1414 A du CGI.

Lorsque la cotisation de TH du contribuable résulte exclusivement de l’application du plafonnement du plafonnement, le dégrèvement, après application de ces dispositions, est majoré d’un montant égal à la fraction de cette cotisation excédant le rapport entre le montant de ses revenus pris en compte pour le calcul du dégrèvement et celui de l’abattement.

Exemple : Soit une personne seule, vivant en métropole, qui dispose d’un RFR de 4 000 euros et dont le montant de la cotisation de taxe d’habitation avant application du dégrèvement est de 200 euros. Le montant de l’abattement sur le RFR est de 5 456 euros.

On a :

dégrèvement théorique = cotisation brute – 3,44 % × (RFR – abattement)

= 200 – 3,44 % × (4 000 – 5 456)

= 200 euros.

Supposons qu’après application des mécanismes de gel des taux et de gel des abattements, le montant du dégrèvement n’est plus que de 150 euros. Le montant de la cotisation de taxe d’habitation s’élève donc provisoirement à 50 euros.

Le dispositif prévu au 3 du III de l’article 1414 A du CGI permet dans ce cas d’atténuer les effets des mécanismes de gel des taux et de gel des abattements en appliquant au montant du dégrèvement résultant de ces mécanismes une majoration égale à la fraction de la cotisation provisoire excédant le rapport entre le montant du RFR et celui de l’abattement.

Majoration = cotisation provisoire × (1 – RFR/abattement %)

= 50 × (1 – 4 000 / 5 456) %

= 50 × 26,7 %

= 13 euros,

d’où un dégrèvement effectif de : 150 + 13 = 163 euros et une cotisation de taxe d’habitation finale de : 200 – 163 = 37 euros.

Source : BOFIP.

D.   Autres dégrèvements

Sont également dégrevés d’office les gestionnaires de foyers de jeunes travailleurs, de travailleurs migrants et de résidences sociales ; les organismes non lucratifs pour les logements loués à titre temporaire dans le cadre de la mise en œuvre du droit au logement (DALO) ; les personnes relogées en raison de la démolition de leur logement dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain.

II.   Le contexte Économique et budgÉtaire

A.   LA TH dans les recettes des collectivités

1.   Les cotisations payées par les redevables et la part prise par l’État

Perçue au profit du seul secteur communal (communes et EPCI) depuis 2011, la TH représente plus du tiers des recettes fiscales du bloc communal.

Les montants ci-dessous comprennent ceux relatifs à la THLV et à la majoration facultative de la TH sur les résidences secondaires.

ÉVOLUTION DU PRODUIT DE TAXE D’HABITATION

(en millions d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017 (p)

Évolution 2012-2016

Produit

Communes

13 424

13 846

13 922

14 714

15 113

+ 12,6 %

EPCI

6 025

6 361

6 589

6 961

6 749

+ 12 %

Bloc communal

19 547

20 310

20 615

21 778

21 862

+ 11,8 %

Dont dégrèvements, pris en charge par l’État

3 377

3 495

3 487

3 780

3 969 (p)

3 732

+ 17,5 %

Plus compensations d’exonérations, versées par l’État

1 281

1 259

1 276

1 454

1 170 (p)

1 711

8,7 %

Total des recettes

20 828

21 569

21 891

23 232

23 032

+ 10,6 %

Part prise en charge par l’État

22,4 %

22,0 %

21,8 %

22,5 %

22,31 %

0,4 %

Source : DGCL.

Ainsi, les recettes totales TH pour les collectivités se sont élevées en 2016 à 23 milliards d’euros. Ce total comprend des compensations d’exonérations, à hauteur de 1,17 milliard d’euros, versées par l’État aux collectivités. Il comprend également des dégrèvements, pour près de 4 milliards d’euros. Ce montant correspond à la part du produit de TH pour laquelle l’État se substitue au contribuable local.

La part totale prise en charge par l’État dans les recettes de TH est donc de l’ordre de 22 %.

Les dégrèvements sont compris dans les produits votés par les collectivités, ce qui n’est pas le cas des compensations d’exonérations. Deux autres différences distinguant les compensations d’exonérations des dégrèvements doivent être mentionnées :

– dans la loi de finances de l’année, le montant des compensations d’exonérations de fiscalité directe locale est retracé en prélèvement sur recettes de l’État, en première partie (article 18 du présent projet de loi de finances), tandis que les dégrèvements constituent des dépenses, et les crédits correspondants sont prévus en seconde partie (mission Remboursements et dégrèvements) ;

– les compensations sont versées aux collectivités en année N + 1, tandis que le dégrèvement l’est en année N.

2.   La distinction de l’effet base et de l’effet taux

Entre 2014 et 2015, le produit de TH a augmenté en moyenne de 5,46 %. Entre 2015 et 2016, hors métropole du Grand Paris (MGP), le produit de la TH progresse de 0,2 %. Cette progression résulte d’un effet base négatif, compensé par une hausse des taux, celle-ci étant plus marquée pour les EPCI que pour les communes.

ÉVOLUTION DU PRODUIT DE TAXE D’HABITATION ENTRE 2015 ET 2016*

(en %)

Catégorie de collectivité

Communes

EPCI

Ensemble du secteur communal

Membres d’un EPCI à FA

Membres d’un EPCI à FPU

Ensemble

À FA

À FPU

Ensemble

Évolution du produit

– 0,2

– 0,2

– 0,2

1,2

1

1

0,2

Effet base

– 0,8

– 0,5

– 0,5

–1,4

– 0,6

– 0,6

– 0,6

Effet taux

0,6

0,3

0,4

2,6

1,5

1,6

0,8

* Hors métropole du Grand Paris.

FA : fiscalité additionnelle.

FPU : fiscalité professionnelle unique.

Source : DGCL.

Le produit par habitant augmente globalement avec la taille de la commune, et cette hausse résulte du niveau croissant des bases comme des taux.

TAXE D’HABITATION EN 2016, par strate de population communale

(en euros par habitant)

Nombre d’habitants

Moins de 200

Moins de 200

De 500 à 2 000

D e 2 000 à 3 500

De 3 500 à 5 000

De 5 000 à 10 000

De 10 000 à 20 000

De 20 000 à 50 000

De 50 000 à 100 000

100 000 et plus

Ensemble

Produit moyen par habitant

198

198

233

274

319

325

352

377

378

416

325

Base d’imposition moyenne par habitant

1 004

989

1 101

1 228

1 363

1 335

1 391

1 395

1 472

1 601

1 331

Taux d’imposition moyen en %

19,74

20,04

21,19

22,35

23,39

24,29

25,28

26,97

25,55

25,75

24,35

Source : DGCL.

L’évolution de la base résulte d’une évolution spontanée et d’une revalorisation forfaitaire annuelle selon un coefficient prévu par la loi de finances.

ÉVOLUTION DES BASES NETTES COMMUNALES DE TAXE D’HABITATION

Bases nettes
(en millions d’euros)

2012

2013

2014

2015

2016

81 916

84 783

85 846

89 625

91 839

Évolution N/N  1 (en %)

totale

3,9

3,5

1,2

4,4

2,5

forfaitaire

1,8

1,8

0,9

0,9

1

naturelle

2,1

1,7

0,3

3,5

1,5

Source : DGCL.

B.   Du point de vue des ménages

● Au sein de l’évaluation préalable, figure un tableau présentant la TH acquittée par décile de RFR par part, s’agissant des seules résidences principales, et portant sur 97 % de ces résidences principales ; les simulations ont été réalisées sur les 28,2 millions de résidences principales pour lesquelles les revenus du foyer TH ont pu être reconstitués, sachant que le nombre total de foyers TH est estimé à 29,2 millions ([27]).

Ce tableau permet d’appréhender la répartition de la TH acquittée en fonction du niveau de revenu des redevables. Il a été établi sur la base des données relatives aux émissions de TH de 2016 ; ces données ont été mises à jour des taux votés par les collectivités au titre de la TH 2017 et des valeurs locatives actualisées.

RÉPARTITION De la TH acquittée par les foyers par décile de RFR par part

Déciles
de RFR par part sur l’ensemble de la population

Nombre de résidences principales*
(en millions)

TH acquittée

Borne inférieure

Borne supérieure

Total

Avec TH >0

Avec TH nulle

Avec TH exonérée

Avec TH plafonnée

Total

Moyenne

0

4 182

2,8

0,8

1,0

1,1

1,6

76 M€

27 €

4 182

7 450

2,8

1,7

0,1

1,1

1,5

433 M€

154 €

7 450

9 796

2,8

2,0

0,0

0,8

1,2

890 M€

316 €

9 796

11 826

2,8

2,4

0,0

0,4

1,1

1 254 M€

445 €

11 826

13 878

2,8

2,7

0,0

0,1

1,0

1 607 M€

570 €

13 878

16 047

2,8

2,7

0,0

0,1

0,9

1 763 M€

626 €

16 047

18 691

2,8

2,7

0,0

0,1

0,7

1 986 M€

705 €

18 691

22 449

2,8

2,7

0,0

0,1

0,5

2 248 M€

798 €

22 449

29 640

2,8

2,8

0,0

0,0

0,2

2 656 M€

943 €

29 640

 

2,8

2,8

0,0

0,0

0,0

3 510 M€

1 246 €

Total

28,2

23,2

1,2

3,8

8,7

16 422 M€

583 

* 97 % de la population totale.

Source : évaluation préalable.

● Le dernier décile de RFR par part acquitte ainsi un peu plus de 20 % du produit de la TH versée au titre des résidences principales, après application du mécanisme du plafonnement et des exonérations. Le neuvième décile en acquitte 16 %, tandis que les cinq premiers déciles en acquittent environ 26 %.

Source : données de l’évaluation préalable et commission des finances.

● Le tableau précité permet de constater qu’environ 1,2 million de foyers ont une cotisation de TH nulle pour leur résidence principale, tout en n’étant pas exonérés : ce sont des foyers dont la TH est ramenée à 0 sous les effets, le cas échéant conjugués, des dispositifs de plafonnement et d’abattements.

Somme toute, ce sont environ 5 millions de foyers dont la cotisation de TH au titre de leur résidence principale est nulle, soit 18 % des foyers TH redevables au titre de leur résidence principale. Le graphique ci-après permet de constater que les personnes bénéficiant d’une exonération sont logiquement concentrées sur les deux premiers déciles de RFR par part – ces deux déciles regroupant près des deux tiers du total des foyers exonérés.

Ventilation par décile de RFR par part des foyers dont la TH est nulle
et des foyers acquittant de la TH pour leur résidence principale

(en millions de foyers)

Source : données de l’évaluation préalable et commission des finances.

Par ailleurs, sur les 8,7 millions de foyers bénéficiant du mécanisme de plafonnement, 7,5 millions voient leur TH minorée grâce à ce dispositif ([28]). Ils représentent près d’un tiers des 23,2 millions de foyers qui s’acquittent effectivement d’une cotisation de TH.

Il convient de relever que les chiffres figurant dans ce tableau diffèrent légèrement des données présentées supra, notamment sur le nombre de personnes exonérées sur le fondement des articles 1414 et 1414 B, qui est estimé à 3,935 millions en 2016, ainsi que sur le nombre de foyers bénéficiant du mécanisme de plafonnement prévu par l’article 1414 A, évalué à 9,08 millions. Cela est dû à la méthodologie retenue, qui nécessite d’apparier les foyers TH avec les RFR et les parts correspondants, et qui ne permet de ne disposer de données que sur 97 % des résidences principales.

In fine, sur les 28,2 millions de foyers TH au titre des résidences principales, environ 18 % n’acquittent pas de cotisation et 26 % bénéficient d’un plafonnement de leur cotisation, variable selon le montant de leurs revenus et selon l’évolution des taux et abattements de leur commune au cours des dernières années. Au total, 44 % des foyers bénéficient d’un allégement de leur TH s’agissant de leur résidence principale.

● Le graphique ci-après permet d’observer la répartition par décile de RFR par part des foyers exonérés « de droit », des foyers dont la cotisation est annulée, des foyers dont la cotisation est minorée et des foyers qui s’acquittent de leur cotisation dans sa totalité ([29]) :

Répartition par décile de RFR par part des foyers bénéficiant
d’une exonération ou d’un allÉgement de taxe d’habitation
pour leur résidence principale

(en millions)

Source : données de l’évaluation préalable et commission des finances.

● En se fondant sur les données de l’évaluation préalable, il apparaît que la TH moyenne, au titre des résidences principales, est de 583 euros – cette moyenne étant calculée en rapportant au produit de la TH le nombre de foyers redevables, donc en prenant en compte les foyers dont la cotisation de TH est nulle, soit qu’ils sont exonérés, soit que le plafonnement efface leur cotisation.

En ne retenant que les foyers dont la cotisation n’est pas nulle, le montant moyen de cotisation est logiquement plus élevé, et atteint 705 euros.

Le graphique ci-après présente le montant moyen de TH acquitté par décile de RFR par part : les foyers dont la cotisation de TH est nulle ne sont pas comptabilisés, tandis que les montants présentés prennent en compte le dégrèvement résultant du plafonnement. Le graphique permet de constater l’élévation de la cotisation de TH acquittée avec le niveau de RFR, qui résulte des effets du mécanisme de plafonnement, mais aussi du lien existant entre le revenu d’un ménage et la valeur locative de son logement.

Cotisation moyenne pour les foyers effectivement redevables de la TH par décile de RFR par part

Source : données de l’évaluation préalable et commission des finances.

● Le gain moyen retiré des dispositifs d’exonération de TH s’élève quant à lui à 639 euros, selon les chiffres figurant dans l’évaluation préalable. Il convient de préciser que ce montant correspond au montant théorique de cotisation de TH que les redevables auraient dû acquitter, sans prise en compte du mécanisme de plafonnement (qui est fonction du niveau de RFR du foyer). Selon les données transmises au Rapporteur général, lorsque l’on retient la TH que les redevables auraient effectivement dû verser après application du plafonnement, le gain moyen est évalué à 282 euros en 2016 ; le gain médian est quant à lui de 206 euros.

Selon les données transmises au Rapporteur général, le gain moyen retiré du mécanisme du plafonnement s’établit à 330 euros par foyer TH, tandis que le gain médian est de 260 euros. Pour les 1,16 million de foyers dont la TH est « effacée » par le mécanisme du plafonnement, le gain moyen est un peu plus élevé, en s’établissant à 351 euros.

III.   le dispositif proposé

A.   Un dégrèvement total de la taxe d’habitation à compter de 2020 pour 80 % des ménages

Le IV de la section III du chapitre premier du titre Ier de la deuxième partie du livre Ier du CGI, portant sur les exonérations et dégrèvements d’office de TH, est complété par un article 1414 C ([30]) ( du I), lequel définit les modalités d’un nouveau dégrèvement de TH, qui doit être total à partir de 2020.

1.   Le champ des ménages bénéficiaires

● Aux termes du I de l’article 1414 C rétabli par le présent article, bénéficieraient de ce nouveau dégrèvement de TH pour leur habitation principale les contribuables remplissant les deux conditions suivantes :

– ils ne sont pas exonérés de TH en application des dispositions existantes, à savoir le I de l’article 1414 (soit les personnes titulaires de l’ASPA et de l’ASI, ainsi que les personnes de plus de soixante ans, les veufs et veuves, les titulaires de l’AAH et les personnes invalides dont le RFR est inférieur à certains seuils), le 1° du I bis de ce même article 1414 (soit les personnes exonérées pendant deux années dans le cadre de la sortie en sifflet des exonérations précitées), ou en application du IV de l’article 1414 (soit les personnes de plus de soixante ans ou veufs et veuves dont le RFR est inférieur à certains seuils et vivant avec leurs enfants au chômage) ;

– leur RFR de l’année précédente est inférieur à certains plafonds, définis par les 1° et 2° du II bis de l’article 1417 (eux-mêmes introduits par les b et c du du I, alinéas 38 à 41).

Seraient ainsi éligibles au dégrèvement les redevables de TH dont le RFR est inférieur à 27 000 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 8 000 euros pour les deux demi-parts suivantes, et de 6 000 euros pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième – ces plafonds étant définis par le 1° du II bis de l’article 1417.

Seraient éligibles à ce même dégrèvement, mais seulement en partie et de façon dégressive en fonction de leur RFR (Cf. infra), les redevables de TH dont le RFR est supérieur aux montants précités, mais inférieur à 28 000 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 8 500 euros pour les deux demi-parts suivantes, et de 6 000 euros pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la troisième – ces plafonds étant définis par le 2° du II bis de l’article 1417. Ces seuils et plafonds définissent le champ du mécanisme de lissage de la sortie du dégrèvement.

Seuils de RFR et de revenus conditionnant l’éligibilité à la mesure
en fonction de la configuration du foyer

Seuils

Personne seule

(1 part)

Couple ou famille monoparentale avec un enfant

(2 parts)

Couple avec un enfant

(2,5 parts)

Couple avec deux enfants

(3 parts)

Couple avec trois enfants

(4 parts)

Niveaux de RFR conditionnant le bénéfice du dégrèvement dans sa totalité

27 000 euros

43 000 euros

49 000 euros

55 000 euros

67 000 euros

Niveau de salaire mensuel correspondant

2 500 euros

3 980 euros

4 540 euros

5 090 euros

6 200 euros

Point de sortie du mécanisme de lissage, au-delà duquel le dégrèvement s’annule

28 000 euros

45 000 euros

51 000 euros

57 000 euros

69 000 euros

Niveau de salaire mensuel correspondant

2 592 euros

4 166 euros

4 722 euros

5 277 euros

3 389 euros

Source : commission des finances.

Compte tenu des seuils de RFR retenus, se trouveraient dans le champ de la mesure environ 80 % des ménages, soit plus de 22 millions de foyers de TH.

● Pour déterminer l’éligibilité du foyer au dégrèvement, les revenus s’apprécient dans les conditions prévues au IV de l’article 1391 B ter ([31]). Sont ainsi pris en compte, pour déterminer le RFR du foyer TH :

– les revenus du foyer fiscal du contribuable au nom duquel la taxe est établie ;

– lorsque la taxe foncière est établie au nom de plusieurs personnes appartenant à des foyers fiscaux distincts : la somme des revenus de chacun des foyers fiscaux de ces personnes ;

– lorsque les personnes susmentionnées cohabitent avec des personnes qui ne font pas partie de leur foyer fiscal, de la somme des revenus de chacun des foyers fiscaux des personnes au nom desquelles l’imposition est établie ainsi que des revenus de chacun des foyers fiscaux des cohabitants.

Les modalités d’appréciation des revenus du foyer TH, par renvoi à l’article 1391 B ter, sont identiques à celles actuellement en vigueur pour le mécanisme du plafonnement prévu par l’article 1414 A, ce qui s’avère logique, puisque le nouveau dégrèvement a vocation à se substituer à l’actuel plafonnement (Cf. infra).

Le a du du I (alinéa 4) complète l’article 1413 bis en prévoyant que le dégrèvement ainsi instauré ne s’applique pas aux contribuables passibles de l’ISF au titre de l’année précédant celle de l’imposition à la TH. Il étend ainsi au nouveau dégrèvement les dispositions existantes pour les exonérations prévues par le 2° du I et le I bis de l’article 1414 ainsi que pour le mécanisme de plafonnement prévu par l’article 1414 A.

Selon la même logique, le a du du I (alinéa 17) étend au nouveau dégrèvement les dispositions applicables pour les exonérations et le plafonnement actuels, en permettant aux personnes hébergées durablement en maison de retraite ou dans un établissement de soins de longue durée de bénéficier de l’article 1414 C – sous réserve que leur domicile ne soit pas affecté au logement de tiers.

2.   L’articulation avec l’exonération et le plafonnement existants

● Le présent article ne modifie pas l’architecture des dispositifs d’exonération prévus par les articles 1414, 1414 B et 1417, qui continuent à s’appliquer aux contribuables éligibles.

Il vient ajouter un nouveau dégrèvement, qui aboutit pour les bénéficiaires à effacer la TH due, même si juridiquement il ne s’agit pas d’une exonération. Le dégrèvement est uniquement fondé sur le niveau de RFR, et non sur des conditions d’âge (personnes de plus de soixante ans) ou de situation personnelle (veufs et veuves, personnes invalides, personnes titulaires de certaines allocations). De ce fait, le dispositif proposé introduit davantage d’équité dans les dispositifs d’allégement et d’exonération de TH, alors même qu’aujourd’hui, une personne de trente ans dont le RFR est de 10 000 euros (soit un salaire mensuel de l’ordre de 925 euros/mois) doit acquitter une TH après plafonnement d’au moins 156 euros ([32]), alors qu’une personne de plus de 60 ans dont le RFR est identique est exonérée de TH.

De même, le présent article n’apporte pas de modification au dispositif de « sortie en sifflet » des exonérations de TH prévu par le I bis de l’article 1414
– lequel dispositif prévoit le maintien du bénéfice de l’exonération pendant deux années, puis le paiement du tiers de la cotisation en année N + 3 et des deux tiers en année N + 4. Néanmoins, on peut penser que ce mécanisme perdra à terme une grande part de sa pertinence compte tenu de l’instauration du présent dégrèvement – les personnes perdant le bénéfice des exonérations étant susceptibles, sans doute dans la très grande majorité des cas, de se trouver dans le champ du nouveau dégrèvement.

● En revanche, le mécanisme de plafonnement prévu par l’article 1414 A est supprimé à compter de 2020, donc dès que le nouveau dégrèvement est total ( du I, alinéa 15, b du du I, alinéa 35, et du III, alinéa 55([33]).

En effet, le nouveau dégrèvement, en annulant la totalité de la TH due, est nécessairement plus favorable que le dispositif actuel de plafonnement prévu par l’article 1414 A.

Par ailleurs, le champ du nouveau dégrèvement est plus large que celui du plafonnement, compte tenu des seuils de RFR retenus, du moins en métropole
– les seuils applicables dans les départements ultramarins sont en revanche un peu plus élevés, notamment pour les personnes seules, que ceux retenus par le nouveau dégrèvement, lequel ne prévoit pas de seuils majorés en outre-mer.

Il sera également plus favorable aux contribuables pour l’année de référence du taux de TH prise en compte pour le calcul du dégrèvement : 2017 et non plus 2000.

● L’abrogation de l’article 1414 A relatif au plafonnement de la TH à compter de 2020 emporte différentes dispositions de coordination, elles aussi applicables à partir de 2020 ( du III, alinéa 55).

Le b du du I (alinéa 5) supprime la référence à l’article 1414 A dans l’article 1413 bis relatif à l’exclusion du bénéfice des exonérations et du plafonnement de la TH pour les personnes passibles de l’ISF.

Le du I (alinéas 6 à 14) tire également les conséquences de l’abrogation de l’article 1414 A. En effet, dans sa rédaction actuelle, le IV de l’article 1414 renvoie aux montants des abattements définis par le I de l’article 1414 A pour définir les plafonds de ressources des enfants majeurs demandeurs d’emploi habitant avec leurs parents exonérés de TH.

Les alinéas 6 à 14 suppriment la référence à l’article 1414 A au sein de l’article 1414, et intègrent dans la rédaction de cet article 1414 les montants figurant aujourd’hui au I de l’article 1414 A – ces montants ayant vocation à être revalorisés d’ici l’entrée en vigueur de ces dispositions, en 2020, sous l’effet de leur indexation sur le barème de l’impôt sur le revenu.

Le b du du I (alinéa 18) supprime la référence à l’article 1414 A dans l’article 1414 B relatif au bénéfice des exonérations et du plafonnement de la TH pour les personnes hébergées de façon durable dans une maison de retraite ou dans un établissement de soins de longue durée.

Le a du du I (alinéa 37) supprime la référence à l’article 1414 A dans le II de l’article 1417, lequel II fixe les plafonds de RFR par part conditionnant le bénéfice du mécanisme de plafonnement. Il lui substitue une référence à l’article 1391 B ter, lequel prévoit un plafonnement de taxe foncière sous les mêmes conditions de ressources que le mécanisme de plafonnement de la TH.

3.   Les modalités du dégrèvement

a.   Un dégrèvement calculé sur la base des taux et abattements applicables pour la taxe d’habitation due en 2017

● Aux termes du 2° du I de l’article 1414 C (alinéa 21), à compter de l’année 2020 (b du 7°, alinéa 34), le montant du dégrèvement dont bénéficient les contribuables éligibles serait égal à la cotisation de TH de l’année, qui serait définie en retenant :

– le taux global d’imposition – soit le taux communal majoré le cas échéant du taux des EPCI avec et sans fiscalité propre auxquels la commune appartient – appliqué pour les impositions dues au titre de l’année 2017 ; ce taux comprendrait celui des taxes spéciales d’équipement (TSE) additionnelles à la TH ainsi que, le cas échéant, celui de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations ;

– les taux des abattements appliqués pour les impositions dues au titre de l’année 2017 ou, lorsqu’ils sont fixés en valeur absolue, le montant de ces abattements appliqués en 2017.

Deux taxes additionnelles : TSE et GEMAPI

La taxe spéciale d’équipement (TSE) est perçue au profit d’établissements publics fonciers locaux (EPCL) en addition aux deux taxes foncières, à la TH et à la cotisation foncière des entreprises (CFE). Il s’agit d’un impôt de répartition.

Ces établissements publics, mentionnés aux articles L. 324-1 et suivants du code de l’urbanisme, sont des établissements publics locaux à caractère industriel et commercial, compétents pour réaliser, pour leur compte ou pour le compte de leurs membres ou de toute personne publique, toute acquisition foncière ou immobilière, en vue de la constitution de réserves foncières ou de la réalisation d’actions ou d’opérations d’aménagement.

Aux termes de l’article 1607 bis du CGI, le produit de cette taxe est arrêté chaque année par l’EPFL dans la limite d’un plafond fixé à 20 euros par habitant situé dans son périmètre. Le produit de la TSE est réparti, dans les conditions définies à l’article 1636 B octies du CGI, entre toutes les personnes physiques ou morales assujetties aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, à la TH et à la CFE dans les communes comprises dans la zone de compétence de l’établissement public.

La base de la taxe est déterminée dans les mêmes conditions que pour la part communale ou, à défaut de part communale, dans les mêmes conditions que la part intercommunale de la taxe principale à laquelle la taxe additionnelle s’ajoute.

Les redevables au nom desquels une cotisation de TH est établie au titre de logements à loyer modéré sont exonérés de la TSE.

En matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI), la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) (1) a substitué, à la redevance pour service rendu qui préexistait, une taxe facultative, instituée sur délibération des communes ou EPCI exerçant la compétence GEMAPI. Aux termes de l’article 1530 bis du CGI, Le produit de cette taxe est arrêté avant le 1er octobre de chaque année pour application l’année suivante par l’organe délibérant de la commune ou, le cas échéant, de l’établissement public de coopération intercommunale, dans la limite d’un plafond fixé à 40 euros par habitant, la population prise en compte étant la même que pour la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Sous réserve du respect de ce plafond, le produit voté de la taxe est au plus égal au montant annuel prévisionnel des charges de fonctionnement et d’investissement résultant de l’exercice de la compétence GEMAPI. Le produit de la taxe est réparti entre toutes les personnes assujetties aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, à la TH et à la CFE, proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes a procurées l’année précédente. Comme pour la TSE, la base de la taxe est déterminée dans les mêmes conditions que pour la part communale ou, à défaut de part communale, dans les mêmes conditions que la part intercommunale de la taxe principale à laquelle la taxe additionnelle s’ajoute.

Les redevables au nom desquels une cotisation de TH est établie au titre de logements à loyer modéré sont exonérés de la taxe GEMAPI.

(1) Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

De ce fait, à compter de 2020, le calcul du montant du dégrèvement pour l’année N serait effectué sur la base des valeurs locatives cadastrales des habitations concernées pour cette année N, mais en retenant les abattements ([34]) et le taux global d’imposition appliqués pour l’établissement de la TH de 2017. Le dégrèvement concernerait par ailleurs les taxes spéciales d’équipement, ainsi que la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations.

● Il en résulte que, si l’évolution des valeurs locatives est prise en compte au fil des années pour le calcul du dégrèvement, les taux et abattement appliqués pour le calcul de la TH restent ceux de 2017. De ce fait, si le taux global d’imposition augmente entre 2017 et 2020, et au-delà de 2020, ou que le taux ou le montant des abattements diminuent sur la même période, le montant du dégrèvement prévu par l’article 1414 C serait inférieur à la cotisation de TH que devrait acquitter le redevable. En l’état du dispositif, c’est à lui qu’il reviendrait de verser la différence entre la cotisation de TH et le montant du dégrèvement. En pratique, la mesure n’aboutirait pas à exonérer totalement les contribuables bénéficiaires de la mesure en 2020 si les collectivités où ils vivent augmentaient leurs taux ou réduisaient leurs abattements après l’année 2017.

En revanche, si le taux global d’imposition de l’année N s’avère inférieur à celui applicable en 2017, du fait d’une politique de baisse de taux de la collectivité concernée, par exemple, c’est le taux d’imposition de l’année N qui serait retenu pour calculer le montant du dégrèvement. Il en serait de même si le taux ou le montant des abattements applicables l’année N s’avérait supérieur à celui applicable en 2017 (alinéa 22). Ce dispositif vise à éviter que le montant du dégrèvement, fondé sur les taux et abattements de 2017, ne soit supérieur au montant de la cotisation de TH à acquitter en année N.

Toutefois, dans le cas où une collectivité augmenterait le taux global d’imposition entre 2017 et 2020 tout en rehaussant le taux ou le montant des abattements applicables, le taux d’imposition retenu pour le calcul du dégrèvement applicable en 2020 serait le taux de l’année 2017 – donc le taux moins élevé – tandis que les abattements retenus seraient ceux de l’année 2020
– soit les abattements les plus élevés –, ce qui aboutirait à minorer le dégrèvement.

● Dérogation en cas de modification de périmètre d’une commune ou d’un EPCI

Par dérogation, le taux global d’imposition est majoré, selon l’alinéa 29 du présent article, des augmentations de taux postérieures à 2017, en cas de création de commune nouvelle, de fusion d’EPCI à fiscalité propre, ou de rattachement d’une commune à un tel EPCI. En effet, de telles évolutions de périmètre des communes ou EPCI impliquent des procédures de lissage, harmonisation et convergence des taux, qui peuvent, dans certains cas, conduire à une hausse de taux.

Toutefois, la dérogation est limitée à la part de la hausse de taux résultant de ces procédures de convergence. La part de la hausse de taux après 2017, décidée pour d’autres motifs, n’est pas prise en compte dans le taux global d’imposition retenu pour le calcul du dégrèvement.

● À la différence des dispositifs existants d’exonération, le dégrèvement total de TH prévu en 2020 n’est pas associé à un dégrèvement de CAP : les foyers concernés par le nouveau dégrèvement de TH ne bénéficieront pas d’un dégrèvement de CAP en 2020.

À cet égard, l’article 1605 bis du CGI, qui prévoit le dégrèvement de la CAP pour les personnes exonérées de TH en application de l’article 1414 et de l’article 1414 B, n’est modifié par le présent article qu’au titre de coordinations : le a du du I (alinéa 43) tire les conséquences de la suppression du mécanisme de plafonnement, en remplaçant une référence à l’article 1414 A par une référence à l’article 1414 C pour l’exonération de CAP pour les foyers dont le RFR est nul. Le b du du I (alinéa 44) vient quant à lui supprimer une disposition obsolète.

b.   Un mécanisme de lissage, destiné à éviter les effets de seuil

Les contribuables dont le RFR excède les plafonds prévus par le 2° du II bis de l’article 1417 (soit 27 000 euros pour un célibataire et 43 000 euros pour un couple, comme vu supra), mais est inférieur aux plafonds prévus par le 1° du II bis de cet article 1417 (soit 28 000 euros pour un célibataire et 45 000 euros pour un couple), bénéficient du dégrèvement, mais pas dans sa totalité : le dégrèvement est dégressif au fur et à mesure que le RFR des foyers s’élève, pour devenir nul lorsqu’il atteint les plafonds du 1° du II bis.

Il s’agit d’éviter les effets de seuils qui résulteraient d’un dégrèvement applicable seulement en deçà d’un plafond de RFR donné. En l’absence d’un mécanisme de lissage, un foyer dont le RFR serait proche du plafond conditionnant l’éligibilité en année N et qui verrait son RFR augmenter de quelques centaines d’euros en année N + 1, au-delà de la seule inflation, perdrait totalement le bénéfice du dégrèvement en année N + 1, et devrait acquitter la totalité de la TH.

Ce dispositif de sortie en sifflet, prévu par le 3° du I de l’article 1414 C (alinéas 23 à 25), consiste à multiplier le montant du dégrèvement théorique du foyer par un coefficient, lequel est égal à la différence entre le point de sortie du dispositif de lissage et le montant du RFR du foyer, rapportée à la différence entre le point de sortie du dispositif de lissage et le point de sortie du dégrèvement total – soit en pratique 1 000 euros pour un célibataire et 2 000 pour un couple :

Dégrèvement effectif

 

Par hypothèse, pour les exemples suivants, le dégrèvement de TH en 2020 est total.

Exemple 1 : un contribuable célibataire dispose en année N – 1 d’un RFR égal à 27 600 euros ; sa TH au titre de l’année N est égale à 500 euros. Il ne peut bénéficier en année N d’un dégrèvement total de TH, mais d’un dégrèvement partiel, égal à :

500 euros × = 500 euros × = 500 euros × 0,4 = 200 euros.

Le contribuable bénéficiera d’un dégrèvement de 200 euros, qui ramènera sa TH à 300 euros.

Exemple 2 (1) : Un couple avec deux enfants dispose en année N – 2 d’un RFR égal à 54 800 euros, puis, en année N – 1, d’un RFR égal à 55 500 euros ; sa TH au titre de l’année N – 1 et N est égale à 900 euros.

Le foyer bénéficiera d’un dégrèvement total, donc n’acquittera pas de TH, en année  N – 1. Il bénéficiera en année N d’un dégrèvement égal à 675 euros, qui ramènera sa TH à 225 euros.

900 euros × = 900 euros × = 900 euros × 0,75 = 675 euros.

(1) Pour cet exemple, par hypothèse, le taux d’inflation, donc le taux d’indexation des plafonds de RFR, est égal à 0 %.

4.   Les frais de gestion perçus par l’État

Le 10° du I du présent article (alinéas 45 à 48) tire également les conséquences de la suppression de l’article 1414 A et de l’instauration du nouveau dégrèvement s’agissant des frais de gestion.

Aux termes de l’article 1641 du CGI, l’État perçoit un prélèvement pour frais de dégrèvement des non-valeurs, un prélèvement spécifique en contrepartie du dégrèvement pour plafonnement en fonction du revenu et des frais d’assiette et de recouvrement.

● En contrepartie des frais de dégrèvement et non-valeurs qu’il prend à sa charge, l’État perçoit une somme égale à :

– 2 % des cotisations de TH perçues au profit des communes et EPCI à fiscalité propre, due pour les résidences secondaires.

– 3,6 % des cotisations perçues au profit des établissements publics bénéficiaires de TSE.

● En contrepartie des dégrèvements pour plafonnement en fonction du revenu, l’État perçoit :

– un prélèvement assis sur les valeurs locatives servant de base à la TH diminuées des abattements votés par la commune. Les redevables exonérés ou dont la cotisation est plafonnée en fonction de leur revenu en sont toutefois exonérés pour leur habitation principale.

Le taux de ce prélèvement dépend de la valeur locative. Pour les locaux d’habitation non affectés à l’habitation principale dont la valeur locative est supérieure à 7 622 euros, le taux est de 1,7 %. Pour ceux dont la valeur locative inférieure ou égale à 7 622 euros et supérieure à 4 573 euros, le taux est de 1,2 %. Pour les autres locaux dont la valeur locative est supérieure à 4 573 euros, le taux est de 0,2 %.

Enfin, l’État opère un prélèvement égal à 1,5 % en sus du montant de la TH due pour les résidences secondaires.

● Pour les frais d’assiette et de recouvrement, l’État perçoit :

– 1 % du montant de la TH due pour les résidences principales et secondaires ;

– 5,4 % du montant de la TSE.

Le 10 ° du I prévoit ainsi qu’en 2018 et 2019, l’État percevra, en contrepartie des dégrèvements prévus dans le cadre du plafonnement (article 1414 A), ce prélèvement assis sur les valeurs locatives dans les mêmes conditions, à une exception près : seront exonérés de ce prélèvement les redevables se trouvant dans le champ des exonérations et du plafonnement, comme dans le droit actuel, mais aussi les redevables bénéficiant du nouveau dégrèvement introduit par l’article 1414 C.

En 2020, l’État ne percevra plus de prélèvement au titre des dégrèvements résultant du plafonnement de la TH en application de l’article 1414 A, qui sera abrogé, mais un prélèvement au titre des nouveaux dégrèvements résultant de l’application de l’article 1414 C.

Il en résulte que l’État ne percevra pas de prélèvement à titre de compensation du nouveau dégrèvement en 2018 et en 2019, tandis que les bénéficiaires de ce dernier, au nombre d’environ 17 millions de foyers, n’acquitteront pas ce prélèvement au titre de la compensation du plafonnement prévu par l’article 1414 A en 2018 et 2019. À titre indicatif, le montant des frais de gestion perçus par l’État en 2010 au titre de la TH sur les résidences principales et secondaires s’élève à près de 286 millions d’euros.

5.   Le délai de reprise de l’administration fiscale

Le II du présent article (alinéas 49 à 52) prévoit les mesures de coordination nécessaire avec l’article L. 173 du livre des procédures fiscales relatif au droit de reprise de l’administration des impôts. Aux termes de cet article L. 173, pour la TH et ses taxes additionnelles, le droit de reprise s’exerce jusqu’à la fin de l’année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due. Toutefois, lorsque les revenus ou le nombre de personnes à charge ou encore le quotient familial à raison desquels le contribuable a bénéficié d’une exonération, d’un dégrèvement ou d’un abattement, en application des articles 1391,1391 B, 1391 B bis, 1391 B ter, 1414, 1414 A, 1414 B et des 1 et 3 du II de l’article 1411 du CGI, font ultérieurement l’objet d’une rectification, l’imposition correspondant au montant de l’exonération, du dégrèvement ou de l’abattement accordés à tort est établie et mise en recouvrement dans le délai de trois ans fixé en matière d’impôt sur le revenu au premier alinéa de l’article L. 169.

Le 1° du II (alinéa 50) supprime une mention de la taxe professionnelle devenue obsolète.

Le 2° du II prévoit que, à compter des impositions établies au titre de 2018, l’imposition correspondant au montant du nouveau dégrèvement, accordé à tort, est établie et mise en recouvrement dans le délai de trois ans fixé en matière d’impôt sur le revenu.

Le 3° du II supprime la référence au plafonnement en fonction du revenu prévu par l’article 1414 A du CGI à compter des impositions établies au titre de 2020.

B.   la mise en Œuvre par étapes de la mesure, avec un dégrèvement de 30 % en 2018 et de 65 % en 2019

L’objectif de la présente mesure est d’exonérer environ 80 % des ménages de TH au titre de leur habitation principale. Néanmoins, compte tenu du coût de la mesure, de l’ordre de 10 milliards d’euros, il a été décidé d’échelonner son entrée en vigueur sur trois années, entre 2018 et 2020.

L’ensemble des foyers se trouvant dans le champ du dispositif en bénéficieront dès la première année, en 2018 ; en revanche, le dégrèvement dont ils bénéficieront sera partiel, à hauteur de 30 % en 2018 et de 65 % en 2019, pour parvenir à 100 % en 2020.

● La rédaction proposée de l’article 1414 C pour l’année 2018 ( du I et du III, soit les alinéas 21 et 53) prévoit que le montant du dégrèvement serait égal à 30 % de la cotisation de TH de 2018, calculée sur la base du taux global d’imposition et des taux ou montants d’abattement applicables en 2017.

La rédaction proposée pour l’année 2019 ( du I, a du du I et du III, soit les alinéas 21, 32 et 54) prévoit que le montant du dégrèvement serait égal à 65 % de la cotisation de TH de 2019, calculée sur la base du taux global d’imposition et des taux ou montants d’abattement applicables en 2017.

● Les modalités de calcul du dégrèvement sont celles décrites supra pour le dégrèvement total de TH à partir de 2020, s’agissant des taux d’imposition et des taux ou montants d’abattements pris en compte, avec toutefois une différence importante : le mécanisme du plafonnement de la TH prévu par l’article 1414 A sera encore en vigueur, et s’appliquera aussi bien pour le calcul de la TH due en 2018 et en 2019 avant dégrèvement, que pour le calcul du dégrèvement pour les années 2018 et 2019.

Le choix de maintenir le mécanisme du plafonnement permet notamment d’éviter que certains foyers n’acquittent en 2018 une cotisation de TH après dégrèvement plus élevée que celle qu’ils auraient dû acquitter après plafonnement, sans la réforme. En effet, pour certains foyers, le plafonnement permet de réduire la TH acquittée d’un montant supérieur à 30 % – soit le montant du dégrèvement en 2018.

Exemple : un célibataire dont le RFR est égal à 18 000 euros en 2016 est redevable d’une TH de 700 euros en 2017, qui est ramenée après plafonnement à 430 euros.

En 2018, il bénéficiera d’un dégrèvement de TH égal à 30 % de la TH de 2017 (après plafonnement), soit 129 euros. Ce dégrèvement viendra s’appliquer à la TH de 2018 après plafonnement, qui par hypothèse reste stable, à 430 euros (1). La TH due par le contribuable en 2018 sera ramenée à 301 euros.

En suivant le même raisonnement, et en posant comme hypothèse que la TH et le RFR du contribuable restent stables, la TH due en 2019 sera ramenée à 150 euros. Elle sera égale à 0 en 2020.

(1)  Si le plafonnement avait été supprimé dès 2018, le contribuable aurait dû acquitter une TH de 490 euros (après dégrèvement de 30 % de 700 euros), soit un montant supérieur à celui de la TH après plafonnement, à 430 euros.

IV.   L’IMPACT BUDGÉTAIRE et Économique attendu

A.   Le gain pour les ménages

1.   Plus de 17 millions de bénéficiaires du nouveau dégrèvement

Selon les données fournies par l’évaluation préalable, 17,2 millions de foyers devraient bénéficier du dégrèvement partiel, puis total, à compter de 2018, soit 61 % des foyers TH. Ces 17,2 millions de foyers viendraient s’ajouter aux 5 millions de foyers dont la TH est nulle, soit parce qu’ils sont exonérés, soit parce que leur TH est effacée par les abattements et plafonnements dont ils bénéficient.

Au total, ce sont plus de 22 millions de foyers qui n’acquitteraient plus de TH à l’horizon 2020 ([35]).

Sur la base des chiffres de l’évaluation préalable, qui se fondent sur 97 % des foyers TH au titre de la résidence principale, et sans prise en compte de l’évolution des différentes populations entre 2017 et 2020, il est possible de schématiser à grands traits les étapes de la réforme :

Évolution de la répartition des foyers TH entre foyers exonérés, plafonnés et dégrevés entre 2017 et 2020

Type de foyers

Avant réforme, en 2017

En 2018 et 2019

Après réforme, en 2020

Nombre de foyers exonérés de droit

3,8 millions

3,8 millions

3,8 millions

Nombre de foyers dont la cotisation est annulée par le plafonnement

1,2 million

1,2 million

Nombre de foyers dont la cotisation est minorée par le plafonnement

7,5 millions

17,2 millions

Nombre de foyers dont la cotisation est minorée par le nouveau dégrèvement

Nombre de foyers dont la cotisation est annulée par le nouveau dégrèvement

18,4 millions

Nombre de foyers s’acquittant de la totalité de leur TH

15,7 millions

6 millions

6 millions

Total

28,2 millions

28,2 millions

28,2 millions

Source : évaluation préalable et commission des finances

Sur les 17,2 millions de foyers bénéficiaires de la mesure, environ 7,5 millions se trouvaient dans le champ du plafonnement de leur TH. De l’ordre de 9,7 millions devraient bénéficier du dégrèvement partiel, puis total, de leur TH alors qu’auparavant, ils n’étaient pas éligibles au plafonnement du fait de leur niveau de RFR, et payaient leur cotisation TH dans sa totalité (après abattements). Cela résulte du fait que le champ du nouveau dégrèvement est nettement plus important que celui de l’actuel plafonnement.

Alors qu’en 2017, 15,7 millions de foyers s’acquittent de leur cotisation de TH en totalité, ils ne seront plus que 6 millions en 2020.

2.   Un gain moyen de l’ordre de 600 euros en 2020

● Selon les informations transmises au Rapporteur général, le gain moyen retiré par les foyers bénéficiaires de la mesure en 2018, 2019 puis à compter de 2020 serait le suivant :

Évolution du gain moyen retiré de la réforme entre 2018 et 2020

Année

2018

2019

2020

Part du dégrèvement par rapport à la cotisation de TH

30 %

65 %

100 %

Gain moyen

166 euros

360 euros

554 euros

Source : direction de la législation fiscale.

● Le gain retiré de la mesure par les ménages bénéficiaires croît avec le montant de TH qu’ils acquittent, lequel montant dépend quant à lui de trois paramètres :

– la politique de taux et d’abattements des collectivités territoriales dont les ménages relèvent ;

– la valeur locative de leur logement – qui est elle-même, même de façon variable, une fonction croissante du niveau de revenus du ménage ;

– le bénéfice qu’ils retirent des mécanismes actuels d’exonération et de dégrèvement, lui-même lié à leur niveau de RFR.

Ainsi, comme l’illustre le tableau ci-après, les personnes dans le champ du mécanisme de plafonnement bénéficient d’autant plus de la mesure que leur RFR est élevé – puisque le montant de leur TH après plafonnement est lui-même mécaniquement plus élevé :

 

Hypothèse : TH = 500 euros

Pas d’augmentation de taux et d’abattement entre 2017 et 2020

Célibataire au RFR égal à 12 000 euros

Célibataire au RFR égal à 18 000 euros

Montant de TH en 2017 après plafonnement (sans plafonnement du plafonnement)

225 euros

430 euros

Gain en 2018

TH acquittée

67,5 euros

157,5 euros

129 euros

301 euros

Gain en 2019

TH acquittée

146 euros

79 euros

279,5

150,5 euros

Gain en 2020

TH acquittée

225 euros

0

430 euros

0

Source : commission des finances.

Les personnes retirant le gain maximal de la mesure sont celles qui ne se trouvaient pas dans le champ du mécanisme de plafonnement, mais qui bénéficient du nouveau dégrèvement, compte tenu des plafonds de RFR plus élevés qui ont été retenus dans le cadre de ce dernier :

Hypothèse : TH = 700 euros

Pas d’augmentation de taux et d’abattement entre 2017 et 2020

Célibataire au RFR égal à 20 000 euros

Célibataire au RFR égal à 26 000 euros

Montant de TH en 2017 après plafonnement (sans plafonnement du plafonnement)

500 euros

700 euros

Gain en 2018

TH acquittée

150 euros

350 euros

210 euros

490 euros

Gain en 2019

TH acquittée

325 euros

175 euros

455 euros

245 euros

Gain en 2020

TH acquittée

500 euros

0

700 euros

0

Source : commission des finances.

3.   Les bénéficiaires de la mesure relevant majoritairement des troisième à septième déciles

● Comme permet de le constater le graphique ci-après, réalisé sur la base des données transmises au Rapporteur général, près des trois quarts des gagnants à la présente mesure relèvent des troisième à septième déciles de RFR par part. Les foyers relevant du dernier décile ne devraient en revanche pas bénéficier de la réforme.

Le nombre de foyers gagnants à la réforme est moins élevé dans les quatre premiers déciles que dans les cinquième à septième déciles puisque parmi ces quatre premiers déciles, une plus grande partie de foyers bénéficie des mécanismes d’exonération et d’annulation de la TH par le plafonnement.

ventilation des foyers bénéficiant de la mesure par décile de RFR par part

Source : données de la direction de la législation fiscale et commission des finances.

● Le graphique ci-après présente la répartition des foyers de TH par décile à l’horizon 2020, avec pour chaque décile le nombre de foyers exonérés de droit, le nombre de foyers dont la TH sera annulée par le dégrèvement et le nombre de foyers qui devraient acquitter la TH. Il convient de noter que les foyers dont la TH sera annulée par le dégrèvement incluent les foyers dont la TH est aujourd’hui effacée par le mécanisme de plafonnement (puisque le dégrèvement viendra se substituer au plafonnement en 2020).

Répartition par décile de RFR par part du nombre de foyers exonérés,
de foyers bénéficiant du dégrèvement et de foyers acquittant la TH
à l’horizon 2020

Source : données de la direction de la législation fiscale et commission des finances.

Le graphique permet de constater que les 6 millions de foyers qui devraient acquitter la TH à l’horizon 2020 relèvent pour l’essentiel des trois derniers déciles. Selon les informations transmises au Rapporteur général, le montant total de TH acquittée par ces foyers en 2020 représenterait 6,6 milliards d’euros.

● Le graphique ci-après présente le gain moyen retiré de la mesure selon les déciles de RFR par part. Le gain moyen s’avère moins élevé dans les premiers déciles que dans les sixième à neuvième déciles, tout d’abord parce que les premiers déciles bénéficient aujourd’hui davantage du mécanisme de plafonnement, qui vient minorer leur TH, que les déciles plus élevés ; par ailleurs, un lien, même variable, peut être établi entre le niveau de revenus d’un foyer et la valeur locative de son logement, donc le montant de sa TH.

Répartition par décile de RFR par part du gain moyen retiré de la mesure
à l’horizon 2020, en euros

Source : données de la direction de la législation fiscale et commission des finances.

B.   L’impact pour les collectivités et l’État

1.   La perspective de la Conférence nationale des territoires

Visant à concilier l’autonomie fiscale des collectivités et le pouvoir d’achat des ménages, la rédaction du présent article n’est pas pénalisante pour les finances des collectivités, puisque qu’elle met, pour 2018, 2019, 2020 et les années suivantes, l’impact de l’évolution des taux et des abattements à la charge des contribuables. Ainsi, les collectivités ne subissent aucune perte de recettes du fait du dégrèvement.

Le Gouvernement indique toutefois dans l’exposé des motifs, sa volonté de limiter la hausse des taux et les réductions d’abattement décidées ultérieurement par les collectivités, afin de garantir aux contribuables entrant dans le champ du présent article, que leur cotisation de TH sera effectivement réduite à zéro. Un tel mécanisme sera discuté dans le cadre de la Conférence nationale des territoires.

Le tableau ci-dessous présente l’évolution du taux moyen de TH des communes et des EPCI depuis 2001. Sur les trois dernières années, de 2013 à 2015, le taux a augmenté de 0,31 point de pourcentage.

Évolution du taux moyen des communes et de leurs groupements depuis 2001

Source : DGCL, commission des finances.

Par ailleurs, le taux de TH fait aujourd’hui l’objet d’un double mécanisme d’encadrement, prévu par l’article 1636 B septies du CGI qui n’est pas modifié par le présent article.

● Le plafonnement des taux

Le taux de TH adopté par les communes ne peut pas dépasser :

– 2,5 fois le taux moyen de chaque taxe constaté l’année précédente dans l’ensemble des communes du département (60,95 % en 2016) ;

– soit, s’il est plus élevé, 2,5 fois le taux moyen constaté l’année précédente dans l’ensemble des communes au niveau national.

 Les règles de liaison des taux : variation proportionnelle ou différenciée

– La variation proportionnelle consiste à faire varier dans une même proportion le taux des quatre ou, pour les communes membres d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique (FPU), des trois impôts fonciers.

– En cas de variation différenciée : les communes sont libres d’augmenter ou de diminuer leurs taux de TH et de TFPB. Mais ces décisions ont une incidence sur la fixation des taux de CFE et de TFPNB.

L’évaluation préalable du présent article mentionne une option, écartée, qui aurait consisté à geler, dès la période transitoire, le pouvoir de taux et d’abattement des collectivités. Dans ce cas, les règles de taux de CFE et de TFNB auraient été aménagées, en alignant l’évolution de ces taux sur celle des taux de TFPB, au lieu du taux de TH. C’est l’un des aménagements qui pourraient être étudiés pour 2020 et les années suivantes.

2.   Un coût net de dix milliards d’euros pour l’État

Pour l’État, le coût net de la mesure est de 10 milliards d’euros en 2020. La part prise par l’État dans les recettes de TH du bloc communal s’élèvera à près de 15,7 milliards d’euros, après prise en compte des montants consacrés aujourd’hui au dégrèvement pour plafonnement en fonction du revenus, qui seront redistribués aux ménages bénéficiaires du nouveau dégrèvement, ainsi que des compensations d’exonérations, de l’ordre de 1,7 milliard d’euros.

C.   L’articulation de la réforme avec celle portant sur la CSG et les cotisations salariales

1.   La hausse de CSG de 1,7 point prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, contrepartie d’une baisse de cotisations salariales

● L’article 7 du projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2018 prévoit une hausse de 1,7 point du taux de la CSG pour toutes les catégories de revenus, à savoir les revenus d’activité, les revenus de remplacement, les revenus du patrimoine et les produits de placement, ainsi que les produits des jeux, et ce à compter du 1er janvier 2018.

S’agissant des revenus de remplacement, la hausse de 1,7 point devrait être réservée aux seuls revenus soumis au taux de 6,6 %, à savoir :

– les pensions de retraite et d’invalidité – les autres revenus de remplacement, tels que les allocations chômage et les indemnités journalières de sécurité sociale, étant exclus du champ de la hausse de CSG ;

– les pensions relevant du taux plein de CSG, perçus par des personnes dont le RFR de l’année N – 2 excèdent les seuils définis par le 2° du III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, soit un RFR de 14 375 euros pour une personne seule et de 22 051 euros pour un couple.

Le tableau ci-après présente les niveaux de RFR et les niveaux de revenus correspondants à compter desquels les personnes retraitées seraient dans le champ de la hausse du taux de la CSG :

 

Seuils

Célibataire
(une part)

Célibataire avec demi-part (invalidité, « vieux parents)

(1,5 part)

Couples

(2 parts)

Couple avec demi-part (invalidité, ancien combattant)

Seuils de RFR à compter desquels les retraités sont dans le champ de la hausse de CSG

14 375 euros

18 213 euros

22 051 euros

25 889 euros

Niveau de pension mensuelle correspondante pour les moins de soixante-cinq ans

1 331 euros/mois

1 686 euros/mois

2 042 euros/mois

2 397 euros/mois

Niveau de pension mensuelle correspondante pour les plus de soixante-cinq ans

1 439 euros/mois

1 795 euros/mois

2 200 euros/mois

2 397 euros/mois

Source : commission des finances

● Les taux de CSG applicables aux différentes catégories de revenus devraient évoluer comme suit :

Évolution du taux de CSG pour les différentes catégories de revenu en application de la réforme

(en %)

Catégories de revenus

Droit existant

Droit proposé

CSG déductible

CSG non déductible

Total

CSG déductible

CSG non déductible

Total

Revenus d’activité

5,1

2,4

7,5

6,8

2,4

9,2

Revenus de remplacement

 

 

 

 

 

 

Pensions de retraite et d’invalidité

4,2

2,4

6,6

5,9

2,4

8,3

Autres revenus de remplacement : allocations chômage, indemnités journalières de sécurité sociale…

3,8

2,4

6,2

3,8

2,4

6,2

Revenus de remplacement-taux réduit

3,8

0

3,8

3,8

0

3,8

Revenus de remplacement-taux nul

0

0

0

0

0

0

Revenus du capital

5,1

3,1

8,2

6,8

3,1

9,9

Source : commission des finances.

● La hausse de 1,7 point de CSG a vocation à compenser une baisse de cotisations salariales, à hauteur de 3,15 points, par la suppression du paiement de la cotisation maladie (0,75 %) et de la cotisation chômage (2,4 %), soit une hausse du salaire net de 1,45 point ([36]). L’objectif de la mesure est de donner du pouvoir d’achat aux travailleurs.

Des mesures d’adaptation sont requises pour plusieurs catégories d’actifs, notamment parce qu’ils n’acquittent pas de cotisations chômage : des mesures de compensation spécifiques sont prévues pour les travailleurs indépendants, ainsi que pour les fonctionnaires et des salariés du secteur parapublic.

● Toutefois, pour deux catégories de personnes, la hausse de CSG ne sera pas compensée par des baisses de cotisations :

 les titulaires de pensions de retraite et d’invalidité soumis au taux plein de 6,6 % ;

 les titulaires de revenus du capital, notamment les titulaires de revenus fonciers et de plus-values immobilières. S’agissant des autres revenus du capital, il convient de prendre en compte les effets de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %, prévu par l’article 11 du présent projet de loi de finances, qui interfèrent avec ceux de la hausse de CSG.

Les principaux « perdants » à la hausse de CSG couplée à la baisse des cotisations salariales sont ainsi les retraités relevant du taux plein de CSG, dont le nombre est estimé à environ 8 millions. Selon les données figurant dans l’évaluation préalable de l’article 38, la hausse de CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité devrait occasionner une hausse des recettes de 4,5 milliards d’euros en 2018 ([37]).

2.   La réforme de la taxe d’habitation doit permettre de compenser les effets de la hausse de CSG pour la majorité des retraités concernés, pour partie ou en totalité

● Si la hausse de CSG et la présente mesure d’allégement puis d’exonération de TH ne sont nullement corrélées, il apparaît que la majorité des retraités qui seraient concernés par une hausse de 1,7 point de CSG pourraient parallèlement bénéficier du dégrèvement de TH, lequel viendrait compenser, en partie ou en totalité, la hausse du prélèvement.

Tel est en effet le cas des retraités dont le RFR excéderait les seuils conditionnant le taux plein de CSG, soit 14 375 euros pour un célibataire et 22 051 euros pour un couple, mais serait inférieur aux seuils prévus pour l’éligibilité au nouveau dégrèvement, soit 27 000 euros pour un célibataire et 43 000 euros pour un couple ([38]).

Il convient néanmoins de rappeler que les niveaux de RFR pris en compte pour appliquer le taux plein de CSG sont ceux de l’année N – 2, tandis que les niveaux de RFR retenus pour déterminer l’éligibilité au nouveau dégrèvement (comme d’ailleurs aux exonérations et au plafonnement actuels) sont ceux de l’année N – 1, ce qui doit être pris en compte, notamment en cas de variation de revenus d’une année sur l’autre.

Sous cette réserve, les tableaux ci-après présentent les différents seuils de RFR conditionnant le bénéfice des taux nul et réduit de CSG, ainsi que d’exonération et de plafonnement de la TH, pour un célibataire et un couple de plus de soixante-cinq ans. Ils permettent d’apprécier l’articulation entre les deux réformes, et d’identifier :

– les plafonds de revenus en-deçà desquels les retraités sont gagnants nets (pas de hausse de CSG et allégement puis exonération de TH) ;

– les seuils et plafonds de revenus pour lesquels la baisse de TH compense totalement ou pour partie la hausse de CSG ;

– les seuils de revenus au-delà desquels les retraités sont perdants nets (hausse de CSG et pas d’allégement de TH).

Seuils de revenus conditionnant les mécanismes d’exonération et d’allÉgement de la CSG et de la TH pour une personne retraitée seule de plus de soixante-cinq ans

Seuils

Situation actuelle

Situation après réforme en 2020

Seuils de RFR

Seuils de revenus mensuels (pensions de retraite déclarées)

TH acquittée

Taux de CSG

TH acquittée

Taux de CSG

RFR ≤ 10 708 euros

Pension ≤ 1 209 euros

0

0 %

0

0 %

10 708 euros < RFR ≤ 10 996 euros

1 209 euros < Pension ≤ 1 236 euros

TH plafonnée

 

0 %

0

0 %

10 996 euros < RFR ≤ 14 375 euros

1 236 euros < Pension ≤ 1 440 euros

TH plafonnée

3,8 %

0

3,8 %

14 375 euros < RFR ≤ 25 180 euros

1 440 euros < Pension ≤ 2 331 euros

TH plafonnée

6,6 %

0

8,3 %

25 180 euros < RFR ≤ 27 000 euros

2 331 euros < Pension ≤ 2 500 euros

TH intégrale

6,6 %

0

8,3 %

RFR > 27 000 euros

Pension > 2 500 euros

TH intégrale

6,6 %

TH intégrale

8,3 %

Seuils de revenus conditionnant les mécanismes d’exonération et d’allÉgement de la CSG et de la TH pour un couple de personnes retraitées de plus de soixante-cinq ans

Seuils

Situation actuelle

Situation après réforme en 2020

Seuils de RFR

Seuils de revenus mensuels (pensions de retraite déclarées)

TH acquittée

Taux de CSG

TH acquittée

Taux de CSG

RFR ≤ 16 426 euros

Pensions ≤ 1 738 euros

0

0 %

0

0 %

16 426 euros < RFR ≤ 16 868 euros

1 738 euros < Pensions ≤ 1 779 euros

TH plafonnée

0 %

0

0 %

16 868 euros < RFR ≤ 22 051 euros

1 779 euros < Pensions ≤ 2 200 euros

TH plafonnée

3,8 %

0

3,8 %

22 051 euros < RFR ≤ 35 694 euros

2 200 euros < Pensions ≤ 3 305 euros

TH plafonnée

6,6 %

0

8,3 %

35 694 euros < RFR ≤ 43 000 euros

3 305 euros < Pensions ≤ 3981 euros

TH intégrale

6,6 %

0

8,3 %

RFR > 43 000 euros

Pensions > 3 981 euros

TH intégrale

6,6 %

TH intégrale

8,3 %

Source : commission des finances.

Selon les cas, et notamment les niveaux de RFR des ménages et le montant de TH acquitté, le montant supplémentaire de CSG acquittée pourrait être réduit voire annulé. Le nombre de personnes compensées partiellement ou totalement en 2018 aurait vocation à augmenter en 2019 et en 2020, sous l’effet de la hausse du taux de dégrèvement.

● Selon les données transmises au Rapporteur général, sur 7 millions de retraités concernés par la hausse de CSG, 4,5 millions seraient compensés intégralement ou partiellement par la mesure portant sur la TH, selon le calendrier suivant :

– en 2018 : 600 000 retraités seraient compensés intégralement, et 3,9 millions compensés partiellement ;

– en 2019 : 2,4 millions seraient compensés intégralement, et 2 millions compensés partiellement ;

– en 2020 : 3,8 millions seraient compensés intégralement, et 700 000 compensés partiellement.

2,5 millions de retraités n’auraient pas de compensation à la hausse de 1,7 point de CSG.

Exemple : un retraité de moins de soixante-cinq ans perçoit une retraite nette de 1 800 euros par mois, soit un RFR de 20 120 euros. La hausse de 1,7 point de CSG se traduirait par un prélèvement supplémentaire de 33 euros par mois, soit 396 euros sur l’année.

Ce retraité est éligible au nouveau dégrèvement. Compte tenu de son RFR, sa TH est plafonnée à 504 euros en 2017 (1).

Son gain serait de 151 euros en 2018, de 327,5 euros en 2019 et de 504 euros en 2020.

La hausse de CSG serait ainsi partiellement compensée en 2018 et en 2019, puis totalement et au-delà à compter de 2020.

(1) Ce montant devrait être supérieur dans la généralité des cas, compte tenu de l’application du plafonnement du plafonnement.

*

*     *

La commission examine les amendements de suppression identiques ICF106 de Mme Véronique Louwagie, I-CF132 de M. Arnaud Viala et I-CF464 de M. Éric Coquerel.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement CF106 vise à supprimer le dégrèvement de la taxe d’habitation proposé dans l’article 3. Ce dégrèvement, qui doit toucher 80 % des Français, va priver d’une ressource dynamique les collectivités territoriales, notamment les communes, qui réalisent un certain nombre d’infrastructures  crèches ou écoles –, financent et soutiennent des associations.

Ces collectivités ont déjà été fragilisées par les annonces faites cet été, notamment le gel des crédits d’aide au développement des territoires ruraux. La confiance a été rompue, puisque l’État leur demande désormais un effort de 13 milliards d’euros, alors qu’à l’origine il n’avait été question que de 10 milliards.

On nous explique que la taxe d’habitation est injuste ; mais, si elle est injuste, pourquoi la supprimer pour 80 % des Français seulement, et faire supporter cette injustice aux 20 % restants ? Cela ne fait que renforcer son caractère inéquitable et inégalitaire.

Il s’agit, nous dit-on également, de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Mais on ne fait que déplacer la ponction : au lieu de prendre dans la poche du contribuable local, on ira prendre dans la poche du contribuable national.

M. Jean-Pierre Vigier. Il faut absolument maintenir cette taxe, car la supprimer, c’est ôter du budget des collectivités locales une recette dynamique qui leur permet de financer leurs dépenses d’investissement et de fonctionnement. Plus grave encore, c’est priver les élus de leur autonomie financière. L’État compensera, mais jusqu’à quand ?

M. Joël Giraud, Rapporteur général. La recette de la taxe d’habitation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) est de 23 milliards d’euros, et je vous rappelle qu’il existe déjà un système de dégrèvement, puisque 22 % de cette recette sont déjà pris en charge par l’État au titre des compensations et des dégrèvements. On confond souvent compensation et dégrèvement. Qu’il soit répété ici qu’il s’agit d’un dégrèvement.

Dès lors que l’État se substitue au contribuable, on ne peut considérer qu’il y a une perte de recettes pour les collectivités. Cet argument est donc totalement faux.

En ce qui concerne l’autonomie financière des collectivités territoriales, nous respectons le ratio constitutionnel, qui fixe à 60,8 % la part des ressources propres du bloc communal.

Notre réforme entend simplement mettre un terme à un système parfaitement inéquitable dans la mesure où, d’une commune à l’autre, les contribuables se retrouvent dans des situations radicalement différentes et peuvent voir leur pouvoir d’achat amputé selon l’endroit où ils ont posé leurs valises... Notre objectif est de rétablir de l’équité entre ces contribuables, et aucun des arguments qui nous sont opposés n’est recevable. Avis défavorable.

M. Jean-René Cazeneuve. Personne ne peut soutenir que la taxe d’habitation n’est pas injuste, et doublement injuste. Elle est injuste parce qu’elle ne tient pas compte des revenus, elle est injuste parce qu’elle pèse plus ou moins lourd selon les territoires, plutôt plus lourd d’ailleurs dans les territoires qui sont les moins riches. Le fait de ne la maintenir que pour 20 % des Français va dans le sens de la justice, puisqu’il s’agit des revenus les plus élevés.

On ne peut pas dire non plus que cette réforme prive les communes d’une ressource dynamique, puisque, d’une part, elles sont dégrevées d’un euro pour un euro et que, d’autre part, elles conservent la faculté de modifier les taux : autrement dit, cette ressource reste dynamique.

M. Julien Aubert. La justice fiscale est-elle réservée uniquement aux plus pauvres ? C’est la question qui est posée ce matin. J’entends dire que la taxe d’habitation est un impôt stupide, injuste, et qu’on va le concentrer sur les 20 % les plus riches pour le rendre plus juste... Cela ne marche pas car le calcul de l’imposition des personnes à hauts revenus va rester le même, ce qui signifie que, pour un même revenu, un même train de vie, la taxe acquittée variera considérablement selon l’endroit où on habite. À tranche de revenu égale, l’injustice demeure donc, et je ne vois pas pourquoi elle ne devrait toucher que les plus riches.

Je milite, moi, pour que la justice s’applique à tous les Français : ou bien on supprime la taxe d’habitation pour tous les Français, ou bien on la garde pour tout le monde.

M. Éric Alauzet. Je suis perplexe sur ce qui motive ces amendements de suppression : est-ce un problème de compréhension ou un soupçon de mauvaise foi ? Je doute que cela puisse être la première hypothèse : nos collègues ont très bien compris que les collectivités locales ne seraient pas privées de leurs recettes. Il faudra le dire et le redire, puisque l’objectif de l’opposition est de dénigrer cette mesure, précisément parce qu’elle est extrêmement populaire. Et pour cause : ce sont 10 milliards d’euros de pouvoir d’achat qui sont réinjectés dans l’économie, à l’intention de la classe moyenne – sachant que les plus aisés continueront de payer et que les plus pauvres sont déjà exonérés, les bénéficiaires se situent entre le quatrième et le huitième décile. Ce n’est que justice, car c’est bien la classe moyenne qui a le plus souffert des hausses d’impôt sous le précédent quinquennat. Vous allez donc faire feu de tout bois pour abîmer cette disposition ; vous n’y parviendrez pas.

D’autre part, le mécanisme de dégrèvement garantit aux collectivités locales le maintien de leur niveau de recettes, de même que l’évolution de l’assiette, sous l’effet du dynamisme démographique, ainsi que le mouvement des taux et la révision annuelle des bases en loi de finances, qui permet de lutter contre l’érosion monétaire.

Enfin, on sait tous que la taxe d’habitation est extrêmement injuste. Cela fait plus de trente ans qu’on essaie de la réformer. On aurait pu le faire en période de croissance ; mais dans une période de stagnation, c’est impossible.

M. le président Éric Woerth. La suppression d’un impôt, monsieur Alauzet, est par nature toujours populaire...

M. François Pupponi. J’ai du mal à comprendre la position de nos collègues de La République en Marche. Si un impôt est injuste, il faut le réformer. Toute la fiscalité locale est injuste, toutes les dotations aux collectivités locales sont injustes. On aurait pu imaginer qu’avec un peu de courage... Nous n’avons nous-mêmes pas eu ce courage, je le dis en forme d’autocritique, et j’espère que vous serez capable d’en faire autant. Il faut donc réformer. Un rapport sur la question a été produit par notre collègue Christine Pires Beaune ; on sait ce qu’il faut faire, et cela n’a pas été fait.

Le problème, c’est qu’aujourd’hui vous maintenez un impôt injuste pour 20 % des contribuables – et non 20 % des Français, j’y insiste. À Sarcelles par exemple, seuls 40 % des contribuables payent la taxe d’habitation. 60 % ne la paient pas. Avec votre réforme, il n’y aura plus que 10 % des contribuables – et ils sont loin d’être des gens fortunés – qui paieront l’impôt dans la commune. C’est incompréhensible pour le contribuable.

Vous parlez d’augmentation du pouvoir d’achat, mais elle ne concernera pas les plus pauvres puisqu’ils étaient déjà exonérés de la taxe d’habitation. En revanche, ils vont devoir subir toutes les augmentations que vous prévoyez et la baisse des aides personnalisées au logement (APL)... Ils seront donc perdants.

Quant à l’effet de la mesure sur les communes, il est faux de dire qu’il sera nul. Il n’y avait qu’un seul moyen de l’évaluer : il fallait que le Gouvernement respecte la loi. La loi prévoyait en effet que le Gouvernement remette, avant le 30 septembre, un rapport sur les conséquences pour les collectivités locales des exonérations, dégrèvements et abattements sur les impôts locaux : nous l’attendons toujours... On sait parfaitement par ailleurs que, chaque fois que des mesures de ce type ont été prises, c’est toujours en fin de compte les collectivités locales qui ont payé l’addition : c’est notoire ! Je vous demanderai donc, monsieur le Rapporteur général, d’intervenir auprès du ministre pour qu’il respecte la loi et nous remette ce rapport.

M. le Rapporteur général. C’est déjà fait, monsieur Pupponi.

M. Jean-Louis Bricout. Il y a en effet une forme d’injustice et d’iniquité dans la taxe d’habitation, dont le but est de procurer des recettes aux collectivités territoriales. D’un territoire à l’autre, le poids de cette taxe varie, et je ne partage pas l’idée selon laquelle plus un territoire est riche plus la taxe d’habitation y est légère. Dans les territoires ruraux, où les services publics sont plus rares, le taux d’imposition est souvent faible et les exonérations assez nombreuses. De même dans les petites villes. Dans ces zones, l’impact de la réforme en termes de pouvoir d’achat sera donc assez limité.

François Pupponi a raison de dire que, pour les collectivités, elle va affaiblir le dynamisme des recettes car, même si les communes conservent la liberté d’augmenter les taux, selon la richesse des habitants l’effet en volume sur les recettes pourra beaucoup varier. Il n’y a pas le même nombre d’exonérés dans le 16e arrondissement de la capitale que dans certains secteurs défavorisés...

M. Jean-Paul Dufrègne. Vous avez beau avoir tenté de rassurer les collectivités sur la question de la compensation, votre mesure n’en reste pas moins injuste car elle n’aura aucune incidence sur le pouvoir d’achat des contribuables les plus modestes, qui n’acquittaient pas la taxe d’habitation.

Par ailleurs, cette mesure ne règle rien des problèmes de fond, et notamment de la question des bases qu’il est indispensable de revoir. Car il se peut très bien que des contribuables, aujourd’hui exonérés, redeviennent, suite à un changement de situation, contribuables et fassent partie des 20 % qui la paieront, et sur des bases tout aussi injustes qu’aujourd’hui. Sans oublier que certains territoires ont entrepris la revalorisation des bases, et d’autres non.

Mme Amélie de Montchalin. Prenons un peu de hauteur sur cette mesure, qui est une mesure phare de notre engagement en faveur du pouvoir d’achat des classes moyennes. Précisons d’abord qu’il ne s’agit pas de faire payer 20 % des Français pour 80 % des contribuables, mais bien de permettre à l’État de redonner du pouvoir d’achat à 80 % de Français des classes moyennes et populaires : tous les contribuables ayant un revenu net mensuel inférieur à 2 500 euros seront gagnants.

Ensuite, personne n’a jamais dit que l’on s’interdirait de regarder après 2020 ou d’ici là ce qui pourrait être fait pour les 20 % de contribuables qui restent pour l’instant assujettis à la taxe.

Il ne faut pas mélanger le sujet des contribuables et celui des collectivités locales. En ce qui concerne ces dernières, le véritable problème est que deux communes voisines et très similaires, par exemple Palaiseau et Massy dans ma circonscription, peuvent appliquer pour l’une un taux de 20 % et pour l’autre un taux de 14 %, alors que rien ne justifie cet écart.

Le second enjeu pour les collectivités est celui du dégrèvement. Nous déposerons un amendement pour faire en sorte que son versement soit correctement contrôlé.

Rappelons enfin que la taxe d’habitation représente plus du tiers des demandes de remises fiscales gracieuses en France. En 2013, sur 1,3 million de demandes de remises gracieuses, 460 000 concernaient ainsi la taxe d’habitation. S’il y a bien un signe que cet impôt est injuste et ne fonctionne pas, c’est celui-là. Cette mesure est donc bienvenue, tout particulièrement pour les 10 millions de familles qui, en trois ans, vont gagner entre 600 et 1 200 euros de pouvoir d’achat, selon les villes dans lesquelles elles résident.

M. Christophe Jerretie. Je rappelle en premier lieu que nous mettons ici en œuvre, avec cette exonération de la taxe d’habitation, une de nos promesses de campagne. On nous reprochait hier de ne pas aller assez loin dans le respect de nos engagements ; celui-ci en tout cas sera tenu.

Ensuite, j’entends parler d’injustice, mais l’injustice, qu’elle touche les collectivités ou les contribuables, caractérise l’ensemble de notre fiscalité. Il n’y a donc pas lieu d’en débattre mais de la corriger. Cela ne se fera pas en intervenant uniquement sur la taxe d’habitation mais en révisant l’ensemble des contributions et des taxes qui financent les dépenses publiques.

En ce qui concerne les collectivités territoriales, la Conférence nationale des territoires que nous avons mise en place a vocation à remettre à plat tous les éléments de la fiscalité locale. Nous sommes tous suffisamment intelligents pour que nos discussions aboutissent à un résultat qui garantisse l’avenir de nos collectivités territoriales.

M. Gilles Carrez. Chacun sait que la taxe d’habitation pose problème du fait de la non-révision des valeurs locatives, qui datent de 1970, ce qui engendre une mauvaise répartition entre les contribuables. Comme l’a dit Julien Aubert, dès lors que 20 % des contribuables continueront d’y être assujettis, nous aurons un concentré d’injustice qui me paraît poser problème au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de rupture d’égalité : à partir du moment où l’on explique qu’un impôt est injuste, il n’y a aucune raison de le conserver pour 20 % des contribuables. Où en est-on, monsieur le Rapporteur général, dans la révision des valeurs locatives ? Le Gouvernement a-t-il l’intention de s’en tenir à l’échéancier qui avait été élaboré ? Des simulations ont déjà été effectuées sur cinq départements, mais j’ai l’impression que l’actuel Gouvernement a totalement oublié ce chantier.

En ce qui concerne la différence entre les taux appliqués d’une commune à l’autre, cette différence s’explique pour trois quarts par les inégalités de richesse économique et le niveau de taxe professionnelle que celle-ci génère, et pour un quart par le niveau de la dépense municipale par habitant, sachant que le facteur le plus déterminant reste la production de richesse : plus elle est élevée – dans des villes comme Neuilly-sur-Seine ou Paris, par exemple – moins le contribuable particulier est sollicité.

Je voudrais, cela étant, attirer votre attention sur un autre facteur d’injustice : les inégalités géographiques. Petit à petit, on prend en compte comme critère absolu, si ce n’est exclusif, le revenu fiscal de référence (RFR) pour le calcul de l’exonération. Or si un couple avec un RFR de 43 000 euros qui vit à Besançon appartient clairement à la classe moyenne aisée, un couple habitant à Paris ou en petite couronne avec 43 000 euros de RFR, mais environ 15 000 euros de loyer annuel, fait quant à lui partie des classes « moyennes moyennes » ! On va donc en arriver à cette situation parfaitement intenable dans laquelle certains contribuables continueront de payer la taxe d’habitation du fait de leur RFR, tout en devant assumer, dans les zones urbaines denses, un loyer très élevé qui grèvera leur pouvoir d’achat, tandis que d’autres contribuables, qui vivent beaucoup mieux, bénéficieront d’une exonération totale.

L’idée de continuer à imposer 20 % des contribuables est donc tout simplement indéfendable à terme, d’autant plus intenable qu’elle va poser des problèmes de taux, sur lesquels nous avons besoin d’une clarification – c’est l’objet d’un amendement que nous allons examiner dans quelques instants. En effet, la lecture du dernier paragraphe de l’exposé des motifs de l’article 3 a de quoi, en la matière, nous donner des sueurs froides.

M. Laurent Saint-Martin. Je tiens à redire, à l’attention de M. Aubert et de M. Carrez, qu’il n’y aura aucune concentration de l’impôt sur les 20 % de contribuables les plus aisés. Les mots ont un sens.

M. Gilles Carrez. Je n’ai pas parlé de concentration de l’impôt mais de concentration de l’injustice.

M. Laurent Saint-Martin. Vous dites, monsieur Carrez, que c’est intenable à terme, mais nous n’avons jamais dit que nous n’étions pas ouverts à la discussion et qu’une exonération totale n’était pas envisageable dans les années à venir. Nous en sommes aujourd’hui à l’examen du projet de loi de finances pour 2018, qui marque une première étape avec l’exonération de 80 % des contribuables. Vous savez d’ailleurs bien mieux que nous, vous qui voulez réduire le déficit structurel, qu’une exonération totale aurait un coût pour le budget.

Je m’étonne enfin de voir M. Pupponi et son collègue du groupe GDR s’employer aussi ardemment à combattre la suppression d’un impôt qu’ils qualifient eux-mêmes d’injuste. Je sais que La République en Marche a sans doute un peu bouleversé les codes, mais soit vous vous trompez de combat en choisissant la cause des collectivités contre celle du peuple, soit vous avez perdu tous vos repères en matière de justice sociale.

Mme Christine Pires Beaune. Avec cet article, c’est effectivement une promesse d’Emmanuel Macron qui se concrétise pour 80 % des contribuables. Dès lors qu’il répond à une promesse, je ne conteste donc pas l’article 3 ; personne ne peut s’opposer à l’idée de rendre du pouvoir d’achat aux Français.

Mais le faire par la suppression de la taxe d’habitation comme vous le faites est à mon sens une erreur. C’est une erreur, d’abord parce que cette taxe finance les services publics locaux et va donc nécessiter des compensations : c’est le fameux dégrèvement annoncé.

Ensuite, si la taxe d’habitation est cet impôt injuste que tout le monde dénonce, c’est en raison des valeurs locatives cadastrales. Or, ces valeurs sont encore utilisées pour le calcul de la taxe foncière ; il faudrait donc que vous alliez au bout de votre raisonnement. En effet, la révision des valeurs locatives a été engagée ; elle en est même à un stade avancé puisqu’une expérimentation a été menée dans cinq départements. Sa mise en œuvre vous donnerait l’occasion d’aller au bout, car elle permettrait un certain lissage de l’impôt pour ceux qui pourraient y perdre.

Quant au gain de pouvoir d’achat pour les Français, il sera très inégal, on l’a dit, puisque selon le lieu où vous habitez, vous ne payez pas le même montant de taxe d’habitation. Ainsi, si cette disposition devrait restituer en moyenne 900 euros de pouvoir d’achat aux habitants du Var, en Ariège le gain sera inférieur de moitié.

Le fait d’exonérer 80 % des ménages ne garantira donc pas un traitement équitable de ces ménages, à plus forte raison pour ce qui concerne les personnes de condition modeste, qui n’acquittent pas de taxe d’habitation aujourd’hui et ne bénéficieront donc pas de cette mesure ; c’est également le cas des résidents en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Et que dire enfin de la perte d’autonomie financière des collectivités territoriales, principe désormais de valeur constitutionnelle ? Tandis que Neuilly-sur-Seine conservera une autonomie très forte, Sarcelles n’en aura plus aucune.

Il me semble donc que la taxe d’habitation devra être totalement supprimée à l’horizon 2020, car votre demi-mesure est insoutenable en termes de cohésion sociale : pour les élus locaux, il est difficilement gérable en effet que seuls quelques administrés soient assujettis à cette taxe.

J’en termine par quelques questions qui restent sans réponse à ce jour.

J’ai cru comprendre que le dégrèvement se ferait sur la base du taux de 2017. Qu’en sera-t-il en cas d’augmentation des taux – dans l’hypothèse où les élus conserveraient le pouvoir de les faire évoluer ? Si les contribuables doivent continuer de s’acquitter de la différence entre le taux de 2017 et les taux des années suivantes, cela signifie que la taxe d’habitation ne sera supprimée pour personne, à moins que vous ne décidiez de limiter les marges de manœuvre des élus locaux en matière de taux – ce que laisse peut-être entendre, de manière sibylline, le dernier paragraphe de l’exposé des motifs de l’article 3.

Qu’en est-il de la revalorisation des bases ? Cette revalorisation sera-t-elle prise en compte dans le dégrèvement ?

Qu’en est-il enfin du coefficient de revalorisation voté tous les ans par le Parlement ? Le Gouvernement entend fixer lui-même désormais ce coefficient ou le Parlement va-t-il conserver ses prérogatives en la matière ?

M. le président Éric Woerth. Ce sont des questions que le Rapporteur général peut sans doute éclaircir : si le dégrèvement est calculé sur la base de 2017, il me semble que les contribuables paieront la différence lorsque les élus locaux opteront pour des taux dynamiques.

M. le Rapporteur général. Sur la révision des valeurs locatives, un travail est effectivement en cours. Il est achevé pour les locaux professionnels – locaux industriels non inclus. Pour le reste, une expérimentation a été menée dans cinq départements. La Conférence nationale des territoires ne manquera pas de se saisir de la question, mais je ne vois pas pourquoi une révision en cours s’arrêterait brutalement. Cela étant, ce processus prend un certain temps : il avait été mis en marche, si j’ose dire, depuis les années 1970...

En ce qui concerne la revalorisation annuelle des bases locatives, elle sera prise en compte pour le calcul du dégrèvement, de manière automatique.

Une autre question importante se pose, celle du nombre de gens censés être exonérés. À l’heure actuelle, quatre millions de foyers se trouvent en dessous du seuil du RFR conditionnant l’exonération, mais ne peuvent y prétendre faute d’avoir atteint l’âge de 60 ans – car c’est à 60 ans que cette exonération s’applique. Or tous ces gens bénéficieront bel et bien de la mesure de dégrèvement.

Pour ce qui est de la question constitutionnelle, on ne peut dire que le dispositif pèse sur 20 % des contribuables ; on peut aussi y voir un système redistributif et considérer qu’il agit en équité. Je comprends qu’au moins un article du projet de loi de finances sera déféré devant le Conseil constitutionnel ; nous verrons ce que le Conseil jugera, mais il existe d’autres impôts dans ce pays qui ont eux aussi un fort effet redistributif.

On peut parler d’une situation paradoxale pour la taxe d’habitation, car si son taux moyen est de 24 %, il varie entre 0 % et 44 % en métropole... L’écart-type ne pourrait être plus important. La situation deviendra de fait plus équitable, dans la mesure où la redistributivité du système sera comparable à celle d’autres impôts où la progressivité porte sur les derniers déciles. Je ne vois pas de matière à critique sur le principe. Quant à savoir ce que décidera le Conseil constitutionnel, c’est une autre histoire.

Pour ce qui est du coefficient de révision, madame Pires Beaune, nous avions adopté l’an dernier un amendement sur le projet de loi de finances pour 2017, amendement de la rapporteure générale d’alors, Mme Valérie Rabault. De ce fait, les bases d’imposition sont revalorisées de 0,4 % en 2017, et seront revalorisées de manière automatique, à partir de 2018, sur la base de l’inflation constatée. C’est le système en vigueur, et il fonctionne très correctement.

M. le président Éric Woerth. Il ne faut pas oublier la dynamique des taux, puisque le dégrèvement reste bloqué sur les taux de 2017. Si les taux augmentent, des contribuables exonérés pourront être amenés à payer de nouveau la taxe d’habitation.

M. le Rapporteur général. C’est clair : dans la mesure où le système n’est pas bridé, dès qu’une collectivité augmentera ses taux, il y aura, au profit de la collectivité, une émission de la taxe d’habitation, qui ne sera pas totalement annulée par le dégrèvement, et le contribuable recevra effectivement une feuille de taxe d’habitation. À un bémol près : le minimum de perception écarte les recouvrements inférieurs à 12 euros, ce qui peut avoir un effet assez important dans le cas d’une faible augmentation de taux.

M. Philippe Vigier. Hier, nous avons entendu la majorité répéter le message : on ne peut pas tout faire quand on arrive, il faut du temps, il faut un rapport parlementaire, on verra si l’on peut prendre telle mesure un peu plus tard, etc. Mais aujourd’hui, pour la taxe d’habitation, c’est maintenant ! En voilà une transformation en profondeur...

J’entends Éric Alauzet défendre le pouvoir d’achat avec une énergie que je ne lui ai pas connue sous le pouvoir précédent – je me souviens très bien des débats budgétaires de 2012-2013. Mais il y avait d’autres moyens, cher collègue, pour soutenir le pouvoir d’achat : plutôt que de choisir l’option CSG immédiate, on pouvait instaurer une TVA compétitivité– qui affecte beaucoup moins le pouvoir d’achat, toutes les études le prouvent – ou encore défiscaliser les heures supplémentaires : c’était aussi une promesse électorale d’Emmanuel Macron et son incidence est connue. Vous pouviez aller sur ce chemin-là.

Je ne comprends pas votre raisonnement. Vous nous avez répété durant toute la soirée d’hier que vous vouliez connaître l’impact de toutes les mesures proposées et leurs conséquences en aval, mais dans le cas de la taxe d’habitation, vous ne voulez pas aller au bout du chemin ! Tout le monde sait que cet impôt est injuste. N’en déplaise à l’un des orateurs précédents, les maires représentent tout autant le peuple que les députés. Personne n’a la propriété du peuple, qui est partagé par tous les parlementaires de la République. Vous parlez de réparer la France ? Eh bien, faites-le. Mais réparer une injustice, ce n’est pas la sanctuariser.

Dernier point, à mes yeux essentiel : le problème des collectivités territoriales, de leur autonomie fiscale et des compensations. Au cours des dernières années, nous avons adopté des lois qui ont transféré des compétences majeures aux départements et aux régions. Qui peut soutenir ici que les collectivités n’ont pas été pénalisées ? Personne. Il n’y a jamais de véritable compensation de la part de l’État, parce que la dynamique n’existe pas.

Je ne conteste pas le soutien au pouvoir d’achat, mais la mise en forme et la mise de cette mesure. Il y avait d’autres moyens de rendre à nos concitoyens du pouvoir d’achat. Mais vous ne voulez pas les explorer alors que vous voulez nous imposer une méthode contraire pour d’autres dispositions. Il y a une incohérence dans votre raisonnement.

M. Charles de Courson. Peut-on enfin réfléchir au fond des choses ?

M. Philippe Vigier. Enfin !

M. Charles de Courson. Quels sont les motifs de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % de nos concitoyens ? On nous dit que c’est un impôt injuste. Mais entre nous, si vous connaissez un impôt juste, venez me voir... tous les impôts sont plus ou moins injustes. La représentante de La République en Marche lui reproche en premier lieu de ne pas tenir compte du revenu. C’est totalement méconnaître la taxe d’habitation, puisque 20 % des redevables en sont exonérés – en moyenne nationale. Mais combien à Sarcelles, monsieur Pupponi ?

M. François Pupponi. 60 %...

M. Charles de Courson. Et il en est de même dans de nombreuses communes. Inversement, à Neuilly-sur-Seine, ils ne sont que 5 % ou 6 %. On tient donc doublement compte du revenu dans la taxe d’habitation : pour l’exonération, mais également pour le plafonnement, qui lui aussi concerne 20 % des foyers en moyenne nationale. Et bien davantage à Sarcelles.

On lui reproche aussi d’aboutir à des montants différents d’une commune à l’autre. Cela va de soi, puisque le taux est fonction du choix de la commune. Or les écarts de taux sont bien sûr fonction de l’assiette existante, mais surtout des autres impôts existants. Et comme l’a excellemment expliqué Gilles Carrez, l’énorme écart au niveau du potentiel fiscal ne provient pas de la taxe d’habitation, mais de la contribution foncière des entreprises (CFE) et, autrefois, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), car il y a maintenant un taux unique pour cette dernière. Autrement dit, l’injustice ne tient pas à la taxe d’habitation, mais à la fiscalité des entreprises.

On dénonce enfin ses bases obsolètes. Effectivement, elles le sont. Moi qui suis probablement un des plus anciens dans cette salle, je me souviens avoir participé en 1992, alors que je n’étais pas encore député, à des travaux sur la révision des bases de la taxe d’habitation. Elles étaient déjà mises en machine. Mais, sitôt l’alternance, le nouveau gouvernement de gauche a renoncé à la réforme.

L’injustice de la taxe d’habitation peut parfaitement se résoudre par la réforme des bases. Là-dessus, nous attendons le rapport – que nous n’aurons bien entendu qu’après notre vote, comme toujours ! Depuis 1992, on sait parfaitement ce que donnera une révision calée sur la valeur de marché.

Maintenant, avez-vous mesuré les effets collatéraux de cette réforme ?

M. le président Éric Woerth. Non...

M. Charles de Courson. Si la taxe d’habitation est injuste, nous devons alors supprimer aussi la taxe sur le foncier bâti : son assiette est exactement la même et ce sont aussi les ménages qui la paient, directement ou indirectement.

M. Gilles Carrez. Exactement !

M. Charles de Courson. Par ailleurs, avez-vous réfléchi à la dérégulation du système ? Car il y avait des liaisons inter-taux entre taxe d’habitation et taxes sur les entreprises, pour protéger ces dernières. Si seulement 5 % des ménages continuent de payer la taxe d’habitation, ce sera une dérégulation complète. Et si des communes d’extrême-gauche disent qu’il n’y a qu’à faire payer les entreprises ?

Enfin, que se passe-t-il si des abattements facultatifs supplémentaires sont votés ? La commune sera-t-elle compensée en tenant compte de ces nouveaux abattements ?

M. le président Éric Woerth. Non.

M. Charles de Courson. Il peut y en avoir, je le rappelle, de trois sortes différentes. Le vrai problème, c’est qu’il faut réformer. Ce n’est pas en supprimant qu’on réforme. Il faut réfléchir et trouver une position.

M. Éric Coquerel. À entendre notre collègue de La République en Marche de Corrèze, la taxe d’habitation serait un impôt injuste et il faut donc la supprimer. On peut s’entendre là-dessus. Mais, en le supprimant ainsi, ne va-t-on pas créer encore plus d’injustices ? J’ose espérer que le groupe de La République en Marche va nous écouter, en tout cas dans l’hémicycle...

Cela a été démontré par tout le monde : l’injustice est d’abord territoriale. Or nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’aggraver les inégalités territoriales. N’allez pas croire que la question du consentement national ne peut se poser que dans des pays où le concept d’État‑nation est moins ancien que chez nous, comme l’Espagne ou l’Italie. Gare à tout ce qui peut produire ce genre de situation.

Se pose ensuite la question de l’inégalité sociale, dans la mesure où, on l’a dit, 20 % de nos concitoyens, les plus démunis, ne seront pas concernés par la suppression de la taxe d’habitation.

On touche enfin à la question du financement des collectivités. Cela représente 10 milliards d’euros, soit un tiers des ressources, dont on nous explique que cela sera compensé. Mais des compensations de ce genre, je doute qu’elles soient forcément pérennes... Quand j’entends M. Darmanin nous dire hier que les 13 milliards n’étaient pas une baisse de dotation mais une « moindre dépense supplémentaire », cela ne me rassure pas pour autant de voir ainsi s’accumuler les zones de risque pour les collectivités.

Un de nos collègues du groupe de La République en Marche nous a expliqué qu’il fallait peut-être revoir en partie ce sujet l’année prochaine ; je les invite quant à moi à le revoir globalement : il faut une refonte complète de toute la fiscalité locale. Quand nous vous avons demandé la suppression du « verrou de Bercy », vous nous avez répondu qu’il fallait créer une mission ; nous vous invitons à faire la même chose. Créons une mission d’information, remettez à 2019 cette réforme de la taxe d’habitation, réfléchissons ensemble à une véritable refonte de la fiscalité locale. Nous aurons ainsi fait œuvre utile.

M. le président Éric Woerth. En général, tous les impôts sont considérés comme injustes – j’ai quelque expérience dans ce domaine : l’impôt sur les sociétés est injuste, parce qu’il y a des petites et des grandes entreprises, l’impôt sur le revenu est injuste parce qu’hyper-concentré. Mais, à chaque fois qu’un impôt injuste est remplacé, il est en général remplacé par un impôt encore plus injuste... Je l’ai noté au moment de la suppression de la taxe professionnelle.

M. Gilles Carrez. Mais M. Coquerel ajoute un autre raisonnement : il trouve que la baisse d’un impôt est injuste pour celui qui ne le paie pas, parce qu’il n’en profite pas... Du coup, la baisse de taxe d’habitation est injuste pour les 20 % qui en sont exonérés ! Je mets en garde notre commission contre des raisonnements paradoxaux de ce genre, notamment en matière d’impôt sur le revenu.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je ne suis, je vous l’avoue, pas très à l’aise avec cette mesure. Mais, appartenant à la majorité qui a été élue sur cette mesure, je dois l’accepter ou démissionner de mon mandat, option que j’exclus...

Deux choses me gênent cependant dans les arguments de nos collègues du groupe de La République en Marche.

En premier lieu, l’idée que si l’on touche 80 % des redevables, cela ne concerne pas les 20 % restants. Il en va exactement de même pour l’impôt immobilier. En fiscalité, le principe « toutes choses étant égales par ailleurs » n’existe pas : quand vous faites bouger un impôt, cela affecte forcément l’impôt voisin. Le rapport à la redistribution entre l’élu local, la population et les 20 % les plus riches se trouvera totalement modifié. C’est peut-être légitime, mais on ne peut pas dire que cela sera comme avant.

Du coup, et c’est la seconde chose qui me gêne, nos collègues de La République en Marche laissent ensuite entendre qu’ils ne seraient pas hostiles, dans leur for intérieur, à l’idée de revoir tout cela à un moment ou un autre... Mais peu importent nos sentiments profonds : le fait est que ce système, que je vais voter, pose un problème général de fiscalité locale. Chacun sait que tout cela se terminera par la suppression totale de la taxe d’habitation. Plutôt que de dire qu’on le fera peut-être un jour, il faudrait s’engager sur un parcours précis, et dans un avenir proche, sur ce que devient la fiscalité locale. Force est d’admettre qu’on en a fichu l’essentiel en l’air au cours des dernières années : les quatre vieilles sont maintenant plus que « subclaquantes » ! Il faut nous y pencher d’une manière ou d’une autre, monsieur le président, dans le cadre d’un groupe de travail ou de toute autre forme de réflexion précise sur l’avenir de notre fiscalité locale, en y intégrant la suppression totale de la taxe d’habitation.

M. le Rapporteur général. C’est exactement la mission confiée à Alain Richard dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, qui associera bien évidemment à cette étude prospective les commissions des finances des deux assemblées. Le Président de la République lui-même a envisagé une trajectoire proche de celle que vous décrivez ; il faudra faire en sorte que nous existions au sein de cette mission, mais elle est d’ores et déjà engagée.

M. Marc Le Fur. Il faut distinguer trois catégories de contribuables dans cette affaire : les 20 % qui sont totalement exonérés – ou les 40 % qui sont exonérés totalement ou partiellement – et pour lesquels on aurait pu songer à d’autres mesures si l’on voulait soutenir leur pouvoir d’achat ; les 60 % qui bénéficieront de la suppression ; les 20 % qui resteront seuls à payer la taxe d’habitation et trouveront certainement la situation très injuste.

Or cette injustice va s’accroître, car ces 20 % au niveau national recouvrent d’énormes disparités, et peuvent représenter très peu de gens dans certaines communes. À tel point que dans certaines petites communes, où il y a tout à la fois peu de gens et d’un niveau de revenus modeste, le vote d’un nouveau taux de taxe d’habitation risque de tourner à la mesure intuitu personae dans la mesure où il ne concernera que deux, trois ou quatre familles. Qui plus est, certaines collectivités qui auront demain des besoins financiers considérables ne seront-elles pas d’autant plus tentées d’alourdir ce qui reste de taxe d’habitation que très peu de gens seront concernés ?

Mais un autre élément pourrait encore l’aggraver : le lien entre les différents taux d’impôts locaux. Dans ce panier, la taxe d’habitation, qui concernait proportionnellement beaucoup de gens, avait pour effet de modérer les augmentations fiscales, puisque les élus locaux pouvaient craindre qu’une hausse excessive de l’ensemble des impôts locaux ne mécontente un grand nombre d’électeurs. Désormais, cet élément modérateur dans le panier va disparaître ; du coup, on n’hésitera plus à augmenter les autres impôts locaux, en particulier, la taxe sur le foncier bâti et à plus forte raison sur le foncier non bâti. Ajoutez à cela la réforme de l’ISF : tout cela va aboutir à pénaliser les contribuables à l’impôt foncier, donc les propriétaires modestes.

M. Stanislas Guerini. En vous écoutant, chers collègues, je me prends presque à regretter que vous n’ayez pas profité d’être collectivement aux affaires depuis trente ans pour mettre en œuvre tout ce que vous proposez... Les propos du Rapporteur général répondent aux objections de MM. Vigier et Aubert : la dynamique de la taxe d’habitation sera bel et bien préservée dans la mesure où un élu local, s’il décide de l’augmenter, pourra le faire, et l’augmentation ne portera pas que sur les 20 % qui la paient encore, mais sur l’assiette entière de la taxe d’habitation. L’impôt ne se concentrera pas sur les 20 % : le taux, si l’élu en décide ainsi, augmentera pour tout le monde, à ceci près que cela se verra un petit peu plus.

M. Benoit Simian. Monsieur Vigier, sachez que le groupe La République en Marche compte aussi des maires dans ses rangs. J’en ai fait partie et j’ai même siégé à la commission des finances de l’Association des maires de France. L’idée d’une révision des valeurs locatives remonte aux années 1970 ; on n’a jamais réussi...

Madame Pires Beaune, vous avez raison : il faudra effectivement envisager une réforme globale de la fiscalité locale, car cela concerne aussi la taxe sur le foncier bâti et sur le foncier non bâti. Et pour ce qui est de l’autonomie fiscale, il faut arrêter de véhiculer de fausses informations. Les collectivités locales pourront continuer de faire évoluer leur taux.

Cessons de faire peur aux élus locaux et, en cascade, aux citoyens. Les élections sénatoriales sont terminées. Il ne s’agit aujourd’hui que d’une mesure de pouvoir d’achat.

Mme Valérie Rabault. Je n’ai pas bien compris, monsieur le Rapporteur général, votre allusion à l’amendement que j’avais fait voter l’an dernier et qui prévoit une revalorisation des bases de la taxe d’habitation sur la base de l’inflation constatée, afin d’éviter qu’elles ne dérapent de manière exponentielle. Est-il question de modifier cette disposition ?

M. le Rapporteur général. Pas du tout, je n’ai fait que rappeler la façon dont elle avait été adoptée. C’est la règle de calcul en vigueur, désormais gravée dans le marbre : plus 0,4 % en 2017, revalorisation indexée sur l’inflation constatée.

Mme Marie-Christine Dalloz. Premièrement, une recette fiscale, il est bon de le répéter, c’est le produit d’une base et d’un taux. En annihilant pour 80 % des contribuables cette perspective de recettes pour les communes, c’est la dynamique de cette recette qui est réduite à néant. S’il n’y a plus de moyens d’actionner le taux, comment retrouver une revalorisation de base ?

Deuxièmement, vous dites que c’est une mesure phare pour les classes moyennes en matière de pouvoir d’achat. On peut comprendre que vous ayez fait ce choix ; ce qu’on vous reproche, c’est de n’avoir pas choisi le bon levier. Des territoires entiers vont être pénalisés, tandis que les 20 % de contribuables qui continueront de payer ne bénéficieront pas de la mesure de pouvoir d’achat.

Troisièmement, on avait toujours fait le lien entre les taux des différentes taxes prélevées par les communes ; vous le cassez complètement.

Enfin, en vous concentrant sur un impôt que vous jugez injuste, vous avez fait le choix de concentrer l’injustice.

M. le Rapporteur général. Les dégrèvements qui existaient jusqu’alors ne modifiaient pas la règle fondamentale du lien entre les taux ; les dégrèvements complémentaires ne la modifient pas davantage. Simplement, le contribuable national se substitue au contribuable local. C’est déjà le cas à l’heure actuelle, ce le sera un peu plus demain.

M. Jean-Paul Mattei. Cet article 3 se trouve dans le fil de la campagne électorale des présidentielle et des législatives. Dégrever 80 % des contribuables à la taxe d’habitation est une bonne mesure ; on aura un signe clair.

Le débat sur la fiscalité locale est un vieux débat. Ce qui m’a fait le plus souffrir ces dernières années, c’est la suppression de la taxe professionnelle, qui a coupé le lien entre les entreprises et le terrain.

Cette disposition est une bonne mesure, visible, efficace, réaliste ; il nous faut être logique avec nos engagements.

M. Michel Lauzzana. Nous avons ici typiquement devant nous l’exemple d’un mal très français. Sous prétexte que la suppression de la taxe d’habitation ne serait pas l’alpha et l’oméga, il faudrait s’interdire de faire ensemble ce pas en avant. Depuis que je suis élu, depuis 2001, j’entends répéter que cette taxe est injuste et qu’il faut la réformer. Nous faisons un pas en avant ; nous n’avons jamais dit que nous allions résoudre tous les problèmes avec cette mesure-là. La démarche de La République en Marche, c’est une démarche d’évaluation, de mise en perspective et d’amélioration au fil de la législature. Faisons ce pas ensemble. Nous ne nous en tiendrons pas là, il ne s’agit pas d’un solde de tout compte ; il faut continuer à progresser, mais, visiblement, pour les gens qui bénéficieront de ce dégrèvement, il y aura une nette amélioration. Nous ne sommes pas tenus d’en rester là.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF516 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Est-il tenable de laisser seulement 20 % de nos concitoyens supporter le paiement de la taxe d’habitation ? Encore s’agit-il seulement d’une moyenne nationale. À Neuilly-sur-Seine, 60 % des habitants la paieront, mais ailleurs, ce pourra aussi bien être seulement 5 % ou 10 %. Le ministre Bruno Le Maire nous a dit lui-même que c’est intenable. Je partage son diagnostic. Chez les centristes, nous avons toujours été réformistes. Il y avait une solution : achever la réforme de la taxe d’habitation, en en faisant un impôt sur le revenu, ce qu’elle est déjà partiellement, pour 40 % des Français, qui ne paient rien jusqu’à un seuil de référence, puis 3,4 % au-delà. Il aurait suffi de remonter et de prévoir des tranches. Mais pouvait-on alors laisser la liberté de taux aux collectivités territoriales ? Mon amendement n’a d’autre but que d’inviter à réfléchir. On ne tiendra pas avec seulement 20 % de redevables effectifs en moyenne. Il faut aller au bout de la réforme.

M. le Rapporteur général. Si je lis bien cet amendement, vous proposez une suppression complète de la taxe d’habitation, avec pour gage la TVA et les droits sur les tabacs.

Il y a d’abord un problème de fond : votre amendement aboutit à geler totalement la situation en 2017, et donc à pérenniser les problèmes liés aux valeurs locatives par exemple. Je crois même qu’il amplifie ces décalages à l’avenir, compte tenu du dynamisme de la recette de la TVA.

La hausse de TVA proposée est très supérieure aux besoins : 37 milliards d’euros au total, alors que 3,5 points de plus sur le seul taux normal suffiraient à gager la suppression de la taxe d’habitation, de 23 milliards. Compte tenu de la hausse proposée, le gage sur les tabacs n’est pas nécessaire, à moins que vous ne vouliez tripler, à tout le moins, le prix du paquet de cigarettes... Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. C’est une affaire de gages alors...

M. Charles de Courson. Monsieur le Rapporteur général, vous n’avez répondu que sur le gage. Je répète qu’il n’est pas tenable de laisser seulement 20 % de nos concitoyens supporter le paiement de la taxe d’habitation. Je partage sur ce point, comme beaucoup d’autres ici, l’avis de M. Le Maire, mais qu’en pense notre Rapporteur général ?

La commission rejette l’amendement.

La commission examine ensuite l’amendement I-CF513 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le texte tel qu’il est proposé laisse aux communes la liberté des taux. Si l’on passe d’un taux de 10 % à un taux de 11 %, dans une commune où, si l’on se situe dans la moyenne nationale, 80 % des citoyens ne paieront plus la taxe d’habitation, cette commune ne percevra que 20 %, 30 % ou 40 % de la recette correspondant à cette hausse. Puisque le Gouvernement a choisi de maintenir la liberté de taux, on va voir réapparaître des taux de 0,5 % ou 1 %. Là encore, mon amendement a pour but d’inviter à la réflexion.

M. le Rapporteur général. Votre amendement tend à encadrer la politique fiscale des collectivités territoriales, ce qui ne me paraît pas utile ; il aurait en outre des conséquences importantes sur les taux liés. Je vous rappelle les règles de liaison des taux : la variation proportionnelle consiste à faire varier dans une même proportion le taux des quatre ou, pour les communes membres d’un EPCI à fiscalité professionnelle unique, des trois impôts fonciers ; en cas de variation différenciée, les communes sont libres d’augmenter ou de diminuer leurs taux de taxe d’habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties. Mais ces décisions ont une incidence sur la fixation des taux de CFE et de taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Avis défavorable.

M. Marc Le Fur. M. de Courson a bien posé le problème, et j’y reviendrai avec mon amendement I-CF323. Comment préserver la liberté des taux quand, dans certaines communes, les contribuables seront très peu nombreux ? Le taux de 20 % est national : il y aura parfois 2 % ou 3 % de ménages qui paieront la taxe d’habitation. Cela encourage l’irresponsabilité fiscale !

M. François Pupponi. Il y a, je crois, un malentendu. J’ai compris qu’en cas d’augmentation des taux par la collectivité, tous les contribuables seront concernés : certains paieront la totalité de l’augmentation, d’autres qui ne payaient plus paieront la différence.

M. le Rapporteur général. J’ai précisé tout à l’heure que beaucoup de contribuables seront redevables de moins de 12 euros, qui est le seuil minimal de perception : dans ce cas, la taxe est prise en charge par l’État.

L’amendement est retiré.

La commission examine alors l’amendement I-CF514 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit encore d’un amendement de réflexion, qui vise à instaurer un système de bonus-malus concernant le dégrèvement de la taxe d’habitation, en laissant la liberté de fixer le taux de cette dernière aux collectivités locales mais en prévoyant une évolution du montant du dégrèvement de l’État en fonction de la différence avec le taux adopté en 2017.

Monsieur le Rapporteur général, quelle sera l’incidence des baisses de taux de taxe d’habitation ou des abattements facultatifs nouveaux sur le dégrèvement ? Que fera l’État ?

M. le Rapporteur général. Vous proposez une modulation du dégrèvement de taxe d’habitation en fonction de l’évolution des taux entre 2017 et 2018. Votre amendement créerait de nouvelles injustices en ce qu’il récompenserait les communes qui baisseraient leur taux, par exemple celles dont les valeurs locatives sont élevées, ou qui comptent peu de contribuables exonérés ou dégrevés, le bonus étant finalement payé par le contribuable national...

Techniquement, si la commune décide de baisser les taux, le dégrèvement sera calculé sur le nouveau taux ; sinon le nouveau dégrèvement serait supérieur à la perte. Le dégrèvement sera donc réajusté en fonction de la baisse des taux.

Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit de l’amendement I-CF290 de M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez. Cet amendement porte à nouveau sur la liberté des taux. Le Rapporteur général nous a rassurés : la liberté des taux n’est pas limitée, nous dit-il. Mais je lis cette phrase à la fin de l’exposé des motifs : « Un mécanisme de limitation des hausses de taux décidées ultérieurement par les collectivités […], de manière à garantir un dégrèvement complet, en 2020, pour les foyers concernés, sera discuté dans le cadre de la Conférence nationale des territoires. » Permettez-moi de rappeler comment le système fonctionne.

Les gouvernements successifs ont choisi, en matière de taxe d’habitation, la technique du dégrèvement. Celui-ci peut être total, ce qui concerne les redevables qui ont des revenus très faibles et qui ont plus de 60 ans, ou qui sont au revenu de solidarité active, soit environ 20 % des contribuables : dans ce cas, quand la commune vote une augmentation de taux, le dégrèvement est majoré et le coût supplémentaire entièrement à la charge de l’État. Il existe aussi, pour 20 % supplémentaires des contribuables, un dégrèvement partiel. On arrive donc bien, je le souligne au passage, à quelque 40 % de contribuables pour qui la taxe d’habitation est liée aux revenus. Dans le cas d’un dégrèvement partiel, la taxe est plafonnée à 3,44 % du RFR du contribuable concerné ; le reste est pris en charge par l’État, avec ce bémol que cette prise en charge se fait sur la base des taux de 2000. Si le taux a augmenté depuis, le contribuable paiera la différence, en plus des 3,44 % déjà mentionnés.

L’État a donc toujours choisi de ménager la liberté de taux, contraint d’ailleurs par la réforme constitutionnelle de 2003 et la loi organique de 2004, qui disposent que les collectivités locales jouissent de l’autonomie financière.

Or, dans le cas qui nous occupe, les contribuables qui auront été totalement dégrevés pourront à nouveau, quand les taux augmenteront, payer la taxe d’habitation. M. le Rapporteur général nous dit que l’on ne paie rien en dessous de 12 euros ; certes, mais après quelques années de hausse de taux, ils se retrouveront au-dessus et paieront à nouveau.

De plus, les collectivités territoriales sont concrètement incitées à augmenter fortement la taxe d’habitation, puisque cela ne coûtera rien électoralement tout en permettant de toucher le jackpot sur la taxe d’habitation, mais aussi sur la CFE ! Jean-Louis Bourlanges l’a dit : ces modifications bouleversent totalement le système. On ne peut se satisfaire des réponses du ministre sur le court terme ; il faut examiner le fonctionnement réel, bien connu des maires.

Monsieur le Rapporteur général, allez-vous vous battre pour maintenir la liberté de taux ? Que pensez-vous de la phrase de l’exposé des motifs que j’ai lue ?

M. le Rapporteur général. Monsieur Carrez, cette phrase est suivie d’une autre, la dernière : « Dans ce cadre sera également mise à l’étude une refonte plus globale de la fiscalité locale. »

M. Gilles Carrez. Parole, parole !

M. le Rapporteur général. Avis défavorable à l’amendement.

Nous aurons une discussion et tous les points de vue pourront s’exprimer. Vous savez que j’ai longtemps été élu local, et que je suis très attaché à l’équité – mais les conceptions de l’équité peuvent différer.

Les chiffres que vous avez cités sur le plafonnement sont exacts. Quant aux exonérations, elles sont compensées au taux de 1991. La réforme proposée à l’article 3 prend pour référence les taux de 2017 : cela me semble une très bonne chose.

M. Gilles Carrez. C’est vrai, c’est un progrès pour le contribuable.

M. François Pupponi. Dégrèvements et exonérations seront donc tous recalculés.

M. Gilles Carrez. Les dégrèvements, pas les exonérations.

M. le Rapporteur général. En effet. Le nouveau calcul concerne le champ de la réforme.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF533 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement n’est sans doute pas parfaitement abouti et le sujet mérite encore réflexion.

Il me paraît néanmoins important de soulever le cas des personnes en EHPAD, qui ne paient donc pas la taxe d’habitation, mais dont les revenus sont suffisants pour qu’elles acquittent la CSG. Les cas de figure sont nombreux, et il faudra les envisager successivement : M. Darmanin a évoqué le problème hier lors de la séance de questions au Gouvernement, précisant au passage que 60 % des personnes en EHPAD ne paient pas la CSG.

Cet amendement porte sur le cas, qui pourrait aussi bien concerner par exemple des personnes en situation de handicap hébergées dans des établissements, où ni la personne ni l’établissement ne paient aujourd’hui la taxe d’habitation. Cela pourrait concerner environ 15 % des personnes hébergées en EHPAD. Je propose de leur octroyer un crédit d’impôt du montant équivalent à la taxe d’habitation qu’ils auraient payée.

M. le Rapporteur général. Je m’en tiens pour ma part à ce qu’a dit M. le ministre hier devant la représentation nationale : cette situation particulière, maintenant bien identifiée, sera réglée par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. En attendant, avis défavorable.

M. Julien Aubert. Je ne voudrais pas me poser pas en arbitre des désaccords qui se font jour au sein de la majorité. Mais cet exemple illustre combien il est difficile d’arriver avec des idées simples au pays de la fiscalité compliquée... Ce qui paraissait imparable sur le papier va devenir une usine à gaz ! Si vous vouliez vraiment réduire les injustices, il aurait mieux valu se pencher sur l’architecture du système tout entier. À vouloir vous rattraper aux branches pour toute une série de catégories de contribuables, votre système ne gagnera pas en lisibilité.

M. Éric Alauzet. Quelle que soit la loi votée, il y a toujours des effets de bord. Le problème que je soulève ici est tout à fait circonscrit. Toutefois, monsieur le Rapporteur général, je précise que le cas évoqué hier par le ministre est un peu différent : c’est celui dans lequel les établissements paient la taxe d’habitation ; il faudra alors organiser un mécanisme pour que l’exonération soit répercutée sur les résidents. Nous allons poursuivre le travail de réflexion.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit ensuite de l’amendement I-CF56 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je voudrais pour ma part soulever la question des effets de cette réforme sur l’impôt payé par les familles. Ce nouveau dégrèvement concernera le foyer dont les ressources n’excèdent pas 27 000 euros de revenu fiscal de référence (RFR) pour une part, majorées de 8 000 euros pour les deux demi-parts suivantes, soit 43 000 euros pour un couple, puis de 6 000 euros par demi-part supplémentaire. Autrement dit, un enfant supplémentaire, c’est seulement 6 000 euros et non 8 000. La logique de la demi-part serait d’appliquer une majoration de la moitié de 27 000 euros ! Sans aller jusque-là, je propose d’élever la majoration à 8 000 euros, afin de ne pas défavoriser les familles qui ont des enfants à charge.

Ce serait d’autant plus logique que l’arrivée d’un enfant oblige souvent à déménager : le nombre d’enfants est en lien direct avec la taille du logement, donc avec la taxe d’habitation.

Une majoration de 6 000 euros seulement est anti-familiale.

M. le Rapporteur général. Ce serait faire injure à Marc Le Fur de ne pas reconnaître la cohérence des dispositifs qu’il propose avec sa vision de la politique familiale...

Toutefois, j’émettrai un avis défavorable. Dans les différents dispositifs fiscaux et sociaux – exonération ou allégement de taxe foncière et de taxe d’habitation, exonération ou taux réduit de CSG – les demi-parts au-delà de la première part représentent généralement un peu moins d’un quart du montant de la première part. Cela vise à prendre en considération les charges des personnes vivant sous le même toit, mais aussi les économies d’échelle qui en découlent.

Dans le cadre du plafonnement de la taxe d’habitation, le ratio de la demi-part supplémentaire par rapport à la première part est même moins élevé : 18 % – 4 631 euros rapportés à 25 180 euros – contre 22 % dans le dispositif proposé.

Les seuils proposés selon les différentes compositions familiales me semblent suffisamment élevés ; ils permettent de faire bénéficier de la mesure d’allégement de taxe d’habitation environ 80 % des foyers. Aller plus loin ne me semble pas opportun.

M. Marc Le Fur. Vous ne prenez pas en considération le fait qu’un enfant supplémentaire oblige à déménager. Un logement plus grand, c’est une taxe d’habitation plus importante.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je suis gêné par la réponse de notre Rapporteur général à M. Le Fur, dont l’argumentation me paraît absolument valide. Monsieur le Rapporteur général, vous parlez d’opportunité : mais on ne peut juger d’une telle mesure en opportunité ! Je voterai l’amendement de M. Le Fur.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF60 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Cet amendement porte sur un point qui n’a pas encore été abordé. Que se passe-t-il pour ceux qui sont juste à la limite, et qui, gagnant un tout petit peu plus, doivent payer la taxe d’habitation qu’ils ne payaient plus ?

Le Gouvernement prévoit de conserver la pente actuelle de 1 000 euros. Or certaines exonérations seront supérieures à ce montant : on verra des gens perdre ainsi un avantage fiscal supérieur à l’augmentation de leurs revenus... Cette somme supplémentaire se retrouvera imposée à plus de 100 % !

M. Gilles Carrez. C’est confiscatoire.

M. Marc Le Fur. Absolument. Je vous propose donc de porter le seuil mettant fin à la progressivité du dégrèvement à 33 000 euros. Évidemment, le nombre de bénéficiaires sera un peu plus grand ; mais, sinon, vous verrez défiler dans vos permanences tous ceux qui considèrent qu’ils payent 130 % ou 140 % d’impôt sur une augmentation de revenus de 1 000 euros.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Votre amendement accroîtrait fortement le champ du mécanisme de lissage – plus pour les célibataires que pour les couples d’ailleurs. Au lieu de s’appliquer entre 27 000 et 28 000 euros, le lissage s’appliquerait pour un célibataire entre 27 000 et 33 000 euros ; pour les couples, au lieu de s’appliquer entre 43 000 et 45 000 euros, il s’appliquerait entre 43 000 et 50 000 euros.

Ce faisant, l’amendement accroît sensiblement le champ de l’allégement de taxe d’habitation : pour un célibataire, le dégrèvement serait égal à 66 % du dégrèvement plein pour un RFR de 29 000 euros et de 33 % pour un RFR de 31 000 euros. Au motif d’atténuer davantage les effets de seuils, vous étendez notablement le nombre de bénéficiaires du dégrèvement. Encore une fois, les seuils retenus permettent de couvrir environ 80 % des ménages et il ne me semble pas nécessaire d’aller au-delà.

Les effets de seuils sont par ailleurs limités dans le cadre du mécanisme de lissage proposé : lorsque le RFR d’un couple augmente de 500 euros, le montant de son dégrèvement est diminué d’un quart.

M. Gilles Carrez. La question que soulève Marc Le Fur est cruciale : dans tous les cas de figure, il faut regarder si l’imposition peut excéder 100 % en cas de suppression du dégrèvement de taxe d’habitation. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2013, qui a jugé que l’impôt ne peut être confiscatoire ; et il avait en l’occurrence censuré un cumul d’impôts qui portaient un taux d’imposition à 75 %. Or, dans le cas présent, la suppression de l’avantage fiscal pourrait représenter plus de 100 % de l’augmentation de revenu. Cela ne tiendra pas devant le Conseil. Vous rendrez service au Gouvernement, monsieur le Rapporteur général, en lui signalant ce point. Sinon, votre réforme ne pourra pas fonctionner.

M. le Rapporteur général. Je vais faire vérifier avant le passage du texte en séance publique qu’il n’y a pas d’angle mort.

M. Patrick Hetzel. Le lissage proposé est insuffisant : il y a bien un problème d’inconstitutionnalité. Certaines impositions seront confiscatoires. Je suis très étonné que les services de Bercy n’aient pas été alertés sur ce risque.

M. Éric Alauzet. Ce risque est à mon sens minimal ; s’il existe, c’est pour ceux qui passeraient ultérieurement d’une catégorie à l’autre. Peut-être faut-il revoir légèrement le lissage. Une pente de 1 500-2 000 euros devrait permettre de gommer à peu près toutes les situations.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit là d’un problème d’évaluation préalable ; or j’appelle votre attention, chers collègues, sur le fait que nous n’avons pas reçu, contrairement aux années précédentes, l’évaluation préalable des articles du projet de loi de finances sous forme papier : ces 357 pages n’existent qu’en format numérique, et nous ne disposerons sans doute de la version imprimée qu’à l’issue des débats ! Je le regrette.

M. le Rapporteur général. Je vais faire vérifier cette question et la note qui sera rédigée vous sera communiquée à tous.

L’amendement est retiré.

Puis la commission se saisit de l’amendement I-CF323 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Encore une fois, comment pourra-t-on conserver la liberté de taux quand il y aura très peu de contribuables ?

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF386 de M. Olivier Dussopt et ICF439 de M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Nous avons connu ces dernières années des transferts de frais de gestion de la part de l’État aux collectivités territoriales : c’est une façon de financer ces dernières, qui connaissent de graves difficultés financières. Ces amendements, déposés par deux groupes différents, proposent de réaffecter aux communes et à leurs groupements les frais de gestion de certaines impositions et taxes – taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, taxe d’habitation, CFE... Ce serait un signe fort envoyé par le Gouvernement.

La dématérialisation a considérablement fait évoluer les méthodes de travail de l’État ; les coûts réels sont désormais beaucoup moins élevés, et ces baisses pourraient être répercutées vers les collectivités territoriales, notamment les communes, qui sont vraiment à sec. Ce serait un geste.

M. le Rapporteur général. Le montant total de ces frais de gestion est de 2,4 milliards d’euros. Or le coût total de la gestion de ces impôts par l’État est supérieur : la Cour des comptes l’évalue à 2,9 milliards d’euros. J’ajoute que l’État reverse 875 millions d’euros aux régions, dont les frais de gestion de la taxe d’habitation, et 675 millions aux départements. Supprimer ces frais reviendrait à supprimer une recette pour l’État mais aussi pour les collectivités.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF530 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Une incrédulité, de plus ou moins bonne foi, s’est manifestée sur la compensation du dégrèvement et sur son évolution au fil des ans. Mon amendement tend donc à préciser que la revalorisation se fera, tous les ans, sur la base du coefficient d’augmentation des valeurs locatives cadastrales, celles-ci étant, depuis l’an dernier, grâce à un amendement déposé par Mme Valérie Rabault, revalorisées chaque année en fonction de l’inflation. Ce serait une première : les compensations n’évoluaient jusqu’ici jamais avec l’inflation. Cette précision serait de nature à restaurer la confiance entre l’État et les collectivités locales.

M. le Rapporteur général. Cet amendement est satisfait par l’article 3. Ni le Gouvernement ni le Rapporteur général n’entendent remettre en cause ce dispositif.

M. Éric Alauzet. Il n’était pas inutile de le redire.

L’amendement est retiré.

L’amendement I-CF531 est également retiré.

La commission se saisit alors de l’amendement I-CF276 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Il s’agit toujours des personnes hébergées dans des EHPAD ou d’autres établissements. L’amendement I-CF276 porte sur le cas où les personnes ne paient pas la TH, mais où l’établissement la paie. Le ministre s’est prononcé hier et le Gouvernement entend déposer un amendement afin que le dégrèvement soit répercuté sur le résident.

M. le Rapporteur général. La mesure est salutaire. Je me permets néanmoins de vous proposer de rectifier l’amendement en supprimant les mots « sur demande du redevable ». Ainsi, la mention du dégrèvement figurera systématiquement sur la facture ; ce sera plus transparent.

M. Éric Alauzet. J’approuve cette rectification. C’est encore mieux ainsi...

La Commission adopte l’amendement I-CF276 (amendement n° I-576) ainsi rectifié.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF412 de Mme Valérie Rabault et I-CF558 de Mme Amélie de Montchalin, ainsi que l’amendement ICF515 de M. Charles de Courson.

Mme Valérie Rabault. Toutes nos discussions depuis ce matin montrent que nous avons besoin d’évaluations. Mon amendement vise à ce que, pour la loi de finances de l’an prochain, le Gouvernement remette au Parlement avant le 15 octobre un rapport qui dresse le bilan de toutes ces questions, notamment à l’issue de la première année de mise en œuvre de la quasi-suppression de la taxe d’habitation.

M. Charles de Courson. Il conviendrait aussi de savoir quelles sont les idées de substitution par une autre source fiscale qui permette de préserver l’autonomie financière des collectivités territoriales. Car en réalité on supprime à terme la taxe d’habitation. On nous dit qu’une conférence va y réfléchir ; il aurait mieux valu se poser la question dès le départ. Tel est l’esprit de mon amendement.

Mme Amélie de Montchalin. Mon amendement procède de la même idée : le but est de créer la confiance en montrant que les engagements que nous prenons seront tenus.

M. le Rapporteur général. Ces trois amendements sont rigoureusement les mêmes dans l’esprit mais différents en ce qui concerne la périodicité. Je propose à leurs auteurs de se mettre d’accord sur une version commune d’ici à la séance pour m’éviter d’avoir à prononcer un jugement de Salomon.

M. Gilles Carrez. Tout le monde est d’accord sur le fait qu’un rapport est indispensable. La question est de savoir si ce rapport se fera chaque année, à savoir dès 2018 en prévision de la discussion de la loi de finances pour 2019, ou si l’on attend 2019 en vue de la loi de finances pour 2020. En tout état de cause, on ne peut pas attendre le 31 décembre 2019 ; c’est soit le 30 septembre 2019, soit chaque année à partir du 30 septembre 2018.

M. Jean-Louis Bourlanges. L’amendement I-CF515 de M. de Courson apporte une précision importante sur la notion de substitution, car il s’agit bien de savoir ce que va devenir notre système de fiscalité locale. Nous sommes dans une situation de déséquilibre structurel et il faut veiller à formuler des propositions globales en matière de substitution. Je suis d’accord pour un amendement de synthèse, mais je souhaite qu’il comporte le mot « substitution » de M. de Courson.

Mme Amélie de Montchalin. Nous sommes évidemment d’accord pour un amendement de synthèse. Le but est de procéder à une évaluation et non de faire de la politique politicienne.

M. Charles de Courson. Je suis tout à fait favorable à l’idée de trouver un terrain d’accord.

Mme Valérie Rabault. J’y suis favorable aussi, mais je maintiens qu’il faudrait un rapport par an, et non un rapport one shot.

Les amendements sont retirés.

La commission examine ensuite l’amendement I-CF273 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Cet amendement pose les bases d’une révision des valeurs locatives des locaux d’habitation. Nous souhaitons qu’avant le projet de loi de finances pour 2020, le Gouvernement remette au Parlement un rapport portant sur les effets d’une telle révision.

M. le Rapporteur général. C’est une demande très intéressante. Le Gouvernement a transmis au Parlement en février 2017 un rapport présentant les résultats des expérimentations conduites dans cinq départements mais les simulations publiées ne portent que sur la taxe foncière. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF273 (amendement n° I-577).

Elle adopte ensuite l’article 3 modifié.

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*     *

Article 4
Aménagement de l’assiette du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux services de presse en ligne

Résumé du dispositif et effets principaux

Il est proposé, par cet article, de clarifier les règles de ventilation de l’assiette du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux services de presse en ligne inclus dans une offre composite donnant accès à un réseau de communications électroniques, c’est-à-dire une offre associant pour un prix forfaitaire la vente de plusieurs services ou produits relevant de taux de TVA différents.

En fixant l’assiette à raison du coût réel d’acquisition des services de presse, cet article permet, d’une part, de sécuriser l’état du droit en fixant une règle objective de ventilation de l’assiette, d’autre part, d’assurer de bonnes conditions de concurrence entre les différents opérateurs de communications électroniques, tout en préservant le soutien au développement et au pluralisme de la presse que représente l’application d’un taux réduit.

Il permet de sécuriser les recettes fiscales de l’État en matière de TVA.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 27 février 2014 harmonisant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne a étendu le taux de 2,1 % applicable à la presse imprimée aux services de presse en ligne à compter du 1er février 2014.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

L’article a été adopté sans modifications par la commission des finances.

I.   L’État du droit

Depuis le 1er février 2014, les services de presse en ligne sont soumis à un taux réduit de TVA, en dépit du fait que la réglementation européenne n’autorise pas à ce jour les États membres à mettre en place un tel taux pour les services électroniques.

Dans l’attente d’une modification de la directive relative au système commun de TVA ([39]), les acteurs économiques ayant recours au taux réduit doivent respecter les règles communes en matière de détermination de l’assiette de la TVA, en particulier celles applicables aux offres composites, c’est-à-dire aux offres associant pour un prix forfaitaire la vente de plusieurs services ou produits relevant de taux de TVA différents.

A.   La presse en ligne bénéficie d’un taux de TVA réduit contraire à la directive européenne relative au systÈme commun de TVA

La TVA est un impôt indirect sur la consommation qui s’applique aux livraisons de biens et aux prestations de services situées en France. Elle est collectée par les entreprises qui doivent la reverser à l’État selon un rythme mensuel ou trimestriel. L’assujettissement à la taxe est déterminé par la nature des opérations effectuées ou des produits concernés.

Elle est calculée en appliquant à la valeur hors taxe (HT) du bien ou de la prestation de service, un taux proportionnel de TVA : soit le taux normal fixé à 20 % pour l’ensemble des opérations ne bénéficiant pas d’un taux intermédiaire ou réduit ; soit un taux intermédiaire à 10 % ou un taux réduit à 5,5 % pour certaines catégories de biens ou prestations de services nominativement listées par le CGI.

Il existe enfin un taux dit « super-réduit » qui s’établit à 2,1 %, justifié pour des raisons d’intérêt social particulières, et réservé notamment à la vente de médicaments remboursables par la sécurité sociale, à la vente d’animaux vivants de boucherie et de charcuterie à des personnes non assujetties, ou encore à la vente de publications imprimées de presse reconnues comme telles par la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP).

La loi du 27 février 2014 harmonisant les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne ([40]) a étendu aux services de presse en ligne le bénéfice du taux super-réduit de TVA jusqu’ici réservé aux publications de presse imprimée. Une telle disposition est, en l’état, contraire au droit de l’Union européenne qui pourrait être amené à évoluer prochainement dans le cadre de l’examen d’une proposition de directive du Conseil de l’Union européenne.

1.   Les services de presse en ligne bénéficient d’un taux de TVA super-réduit depuis le 1er février 2014

Aux termes de l’article 298 septies du CGI, la presse imprimée bénéficie d’un taux super-réduit de 2,1 % en France métropolitaine et de 1,05 % en Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion. Le taux réduit s’applique aux publications qui remplissent certaines conditions prévues aux articles 72 et 73 de l’annexe III du CGI et pour lesquelles les éditeurs ont obtenu un certificat d’inscription sur les registres de la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). Les journaux et écrits périodiques concernés doivent présenter un lien direct avec l’actualité et répondre à un ensemble de critères parmi lesquels un critère d’intérêt général quant à la diffusion de la pensée. Les publications périodiques non reconnues comme publications de presse sont à l’inverse imposables selon les règles de droit commun au taux de 20 %.

La loi du 27 février 2014 a modifié l’article 298 septies du CGI, qui dispose désormais que sont également soumises au taux super-réduit les ventes, les commissions et les courtages portant sur les services de presse en ligne reconnus comme tels en application de l’article 1er de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse ([41]). Ce dernier définit un service de presse en ligne comme « tout service de communication au public en ligne édité à titre professionnel par une personne physique ou morale qui a la maîtrise éditoriale de son contenu, consistant en la production et la mise à disposition du public d’un contenu original, d’intérêt général, renouvelé régulièrement, composé d’informations présentant un lien avec l’actualité et ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique, qui ne constitue pas un outil de promotion ou un accessoire d’une activité industrielle ou commerciale ».

Pour bénéficier du taux super-réduit de TVA, les services de presse en ligne doivent être reconnus par la CPPAP qui procède à leur inscription sur la liste des services de presse en ligne en application du décret du 29 octobre 2009 ([42]) qui précise les critères exigés pour répondre à la qualité de service de presse en ligne :

– obéir à certaines règles d’identification (nom et adresse des personnes morales ou physiques éditrices) et disposer d’un directeur de la publication ;

– être édité à titre professionnel, ce qui conduit à exclure les blogs édités à titre personnel et les sites ayant pour objet de fournir des informations sur la vie interne d’une association ou d’un groupement, ainsi que les sites édités à titre bénévole ;

– offrir, à titre principal, un contenu utilisant essentiellement le mode écrit, faisant l’objet d’un renouvellement régulier, attesté par la datation des articles ;

– mettre à disposition du public un contenu original, composé d’informations présentant un lien avec l’actualité et ayant fait l’objet, au sein du service de presse en ligne, d’un traitement à caractère journalistique ;

– présenter un caractère d’intérêt général quant à la diffusion de la pensée, notamment en matière d’instruction, d’éducation, d’information et de récréation du public ;

– respecter la dignité humaine et la décence, et ne pas présenter la violence sous un jour favorable ;

– ne pas être l’instrument de publicité ou de communication d’entreprises commerciales, industrielles, bancaires, d’assurances et ne pas avoir pour objet principal la diffusion de messages publicitaires ou d’annonces ;

– garantir une maîtrise éditoriale de son contenu ;

– permettre à toute personne la possibilité de signaler la présence de contenus illicites.

La CPPAP précise également le support pouvant être utilisé : la qualité de service de presse en ligne est reconnue pour les ensembles cohérents et identifiables pouvant prendre la forme d’un site internet disposant d’une adresse URL, d’une application mobile sur tablette ou portable, ou d’une lettre électronique adressée par courrier électronique à une liste d’abonné. Au 31 décembre 2016, 949 services de presse en ligne étaient inscrits sur les registres de la CPPAP.

Le taux réduit de 2,1 % s’applique non seulement aux prestations de service en ligne (exemple d’un abonnement donnant accès à une version premium d’un site d’information en ligne), mais également, à la suite d’une décision de l’administration fiscale, aux ventes à l’unité ou par abonnement des versions numérisées d’une publication de presse imprimée. Il s’agit d’éviter la situation dans laquelle la presse imprimée bénéficierait du taux de TVA super-réduit, au même titre qu’un service de presse en ligne, mais pas une version numérisée du même journal imprimée.

2.   Le taux réduit à la presse en ligne, dans l’attente d’une modification de la directive, reste contraire au système commun de TVA

L’extension du taux super-réduit aux services de presse en ligne est fragile d’un point de vue juridique car contraire au droit de l’Union européenne, notamment à la directive relative au système commun de TVA.

En application de l’article 98 de la directive, l’annexe III liste de manière limitative les biens et les services éligibles à un taux réduit ou intermédiaire de TVA. Elle permet aux États membres de soumettre notamment à l’un de ces deux taux : la fourniture de livres et produits assimilés tels que les journaux et périodiques, la réception de services de radiodiffusion et de télévision, ou encore les prestations de services fournies par les écrivains, compositeurs et interprètes. Le paragraphe 2 de l’article 98 de la même directive dispose toutefois que les taux réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique, notamment ceux visés à l’annexe II, en particulier : « la fourniture d’images, de textes et d’informations » ou encore « la fourniture de textes, de musique ou de films ». Les services de presse en ligne ne sont donc pas juridiquement éligibles au taux réduit de 5,5 % ou au taux intermédiaire de 10 % en l’état actuel de la directive. Ces derniers bénéficient pour autant depuis 2014 d’un taux dit super-réduit de 2,1 % en France métropolitaine.

L’application des taux super-réduit est encadrée par l’article 110 de la directive qui impose aux États membres une clause dite « de gel » : « les États membres qui, au 1er janvier 1991, […] appliquaient des taux réduits inférieurs au minimum fixé à l’article 99 [soit 5 %] peuvent continuer à les appliquer » sans pour autant y rendre éligibles de nouvelles opérations. La presse imprimée bénéficie de cette clause, en vertu de laquelle elle se voit appliquer le taux super-réduit de 2,1 %. Néanmoins, la mise en place en 2014 d’un taux super-réduit pour la presse en ligne est postérieure à 1991 et enfreint les dispositions relatives à la clause de gel en matière des taux super-réduits. Par conséquent, la France a fait l’objet d’une mise en demeure par la Commission européenne le 10 juillet 2014 pour l’application du taux super-réduit de TVA à la presse en ligne. Les autorités françaises y ont répondu le 12 septembre 2014 et n’ont pas reçu de nouvelle demande de la Commission.

La réglementation européenne pourrait, en effet, être amenée à évoluer dans les prochains mois puisqu’une proposition de directive du Conseil de l’Union européenne modifiant la directive 2006/112/CE en ce qui concerne les taux de TVA appliqués aux livres, journaux et périodiques a été présentée à la Commission en décembre 2016. Elle vise notamment à permettre aux États membres de mettre en place des taux réduits de TVA pour les services électroniques de vente de livres ou de publications de presse. Toutefois, la procédure a été aujourd’hui bloquée par les autorités tchèques, lors du Conseil pour les affaires économiques et financières du 16 juin 2017, sans que les causes du blocage soient clairement identifiées par le secrétariat général des affaires européennes.

Dans l’attente d’une telle évolution ou d’une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne, il revient aux autorités françaises de s’assurer que la mise en œuvre du taux réduit respecte les règles applicables en matière d’assiette de la TVA, notamment dans le cadre des offres composites. Ces règles prévoient une ventilation de la base d’imposition selon un double critère de réalisme économique et de simplicité de mise en œuvre pour les redevables.

B.   La répartition de l’assiette de la TVA au sein des offres composites doit respecter un principe de réalisme Économique et de simplicité

Le législateur a précisé les modalités de répartition des taux lorsque les services sont intégrés dans le cadre d’une offre composite qui associe pour un prix forfaitaire la vente de plusieurs services ou produits relevant de taux de TVA différents. L’appréciation du caractère simple et économiquement réaliste d’une telle répartition a déjà fait l’objet de nombreux débats notamment dans le cadre de développement des offres composites dites « triple play ».

1.   La méthode de répartition de l’assiette applicable à la TVA entre différents taux doit être simple et économiquement réaliste

L’assiette applicable à la TVA est définie par l’article 266 du CGI, qui dispose que « la base d’imposition est constituée, pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l’acheteur ». L’article 267 du même code précise que « ne sont pas à comprendre dans la base d’imposition les escomptes de caisse, remises, rabais, ristournes et autres réductions de prix consenties directement aux clients ». La base imposable de la TVA est ainsi constituée du prix hors taxes, net de toutes réductions.

La TVA est ensuite calculée en appliquant à la base imposable ainsi déterminée un taux proportionnel de TVA, qui dépend du type d’opération réalisée. L’article 268 bis du CGI dispose que, lorsqu’une personne effectue concurremment des opérations se rapportant à plusieurs taux de TVA différents, le montant de TVA collectée doit être déterminé en appliquant à chacun des groupes d’opérations le taux de TVA correspondant. Aussi, lorsqu’une offre commerciale est composée de plusieurs prestations distinctes susceptibles d’être soumises à des taux de TVA différents, le redevable doit ventiler les recettes correspondant à chaque taux. La doctrine fiscale précise que cette ventilation doit s’effectuer de manière simple et économiquement réaliste, sous la propre responsabilité du redevable et sous réserve du droit de contrôle de l’administration fiscale et, en cas de contestation, du juge administratif ([43]). À défaut d’une telle ventilation, le prix doit être soumis dans sa totalité au taux le plus élevé.

Aussi, lorsque, pour un prix global et forfaitaire, une offre composite associe à la vente d’un service de presse en ligne éligible au taux super-réduit de 2,1 %, la commercialisation d’un service d’accès à un réseau de communication électronique, les recettes doivent être réparties de manière simple et économiquement réaliste par catégories d’opérations, de telle sorte que chacune d’entre elles soit soumise au taux qui lui est propre : 2,1 % pour un service de presse en ligne ; 20 % pour une offre « triple play » incluant internet, téléphonie et télévision, ou pour un forfait de téléphonie mobile.

La répartition de la TVA dans le cadre d’une offre composite :
le cas pratique d’une formule dans un établissement de restauration

Les établissements de restauration bénéficient d’un taux réduit de 10 % sur les produits vendus pour une consommation immédiate. Toutefois, les boissons alcoolisées à consommer sur place restent soumises au taux normal de 20 %.

Lorsque la vente est composée d’éléments ayant des taux de TVA différents mais faisant l’objet d’une facturation séparée (choix de divers produits à la carte), le restaurateur applique le taux de TVA adéquat à chaque élément de la carte commandé.

Toutefois, lorsque la vente est composée de plusieurs éléments ayant des taux de TVA différents mais faisant l’objet d’une facturation globale et forfaitaire, le restaurateur doit répartir les recettes correspondant à chaque taux selon une méthode qu’il établit de manière simple et économiquement réaliste. Dans le cas d’une formule tout compris avec une entrée, un plat et un verre de vin par exemple, le restaurateur peut décider de ventiler le prix du menu en proportion du prix de revient de chaque élément. Il établit d’abord le rapport entre le prix hors taxe (HT) à la carte des produits relevant des différents taux et le prix total qui aurait été facturé à la carte, puis il applique le résultat au prix HT du menu pour déterminer la fraction du prix HT du menu relevant du taux réduit et celle relevant du taux normal.

À défaut d’une telle ventilation, la totalité de la facture doit être soumise au taux de TVA le plus élevé, à savoir 20 % dans le cas présent.

2.   La ventilation de l’assiette de TVA dans le cadre des offres composites « triple play » comprenant des services de télévision

La méthode de ventilation retenue devient rapidement source de complexité dans le cadre des offres composites proposant des prestations immatérielles donnant accès à des réseaux de télécommunication pour lesquels il est plus difficile d’évaluer la valeur de marché ou le coût effectif des différentes prestations fournies. Une telle difficulté a notamment donné lieu, par le passé, à des procédures contentieuses tant au point de vue européen que national, ayant conduit le législateur à apporter les précisions nécessaires concernant le taux réduit applicable aux services de télévision au sein des offres dites « triple play », c’est-à-dire une offre d’accès pour un prix forfaitaire à un service internet, téléphonie fixe et télévision.

En 2004, le groupe de télécommunication Free lançait la première offre dite « triple play », incluant dans une même offre, à prix forfaitaire de 29,99 euros, l’accès à internet, la téléphonie fixe et des services de télévision. Rapidement rejoints par les autres fournisseurs d’accès à internet, ces derniers ont, conformément à l’article 268 bis du CGI, répartis la base imposable à la TVA selon les activités soumises à cette date au taux réduit (services de télévision) et celles soumises au taux normal (internet et téléphonie). Ils se sont par la suite adressés à l’administration fiscale, afin d’obtenir de celle-ci un rescrit qui a validé la répartition du taux réduit sur près de la moitié des recettes.

La Commission européenne, rapidement saisie de plaintes de la part d’opérateurs étrangers préoccupés des risques de distorsion sur le marché européen des télécommunications, a estimé qu’en appliquant le taux réduit sur la moitié de la facture des offres « triple play », les opérateurs français disposaient d’un avantage considérable sur leurs concurrents étrangers. Elle a donc adressé une mise en demeure à la France le 18 mars 2010, lui reprochant de contourner l’interdiction d’appliquer le taux réduit de TVA aux services fournis par voie électronique et estimant que la proportion bénéficiant du taux réduit au sein des offres « triple play » n’était pas réaliste par rapport à la valeur économique respective des différentes prestations. Elle notait, par ailleurs, qu’un nombre très significatif d’abonnés avaient souscrits une offre composite incluant les services de télévision alors même que ces derniers n’avaient pas demandé à leurs fournisseurs d’accès le décodeur nécessaire.

Pour répondre aux exigences de l’Union européenne, le législateur a imposé une règle de répartition spécifique pour les offres composites comprenant des services de télévision. L’article 26 de la loi de finances pour 2011 ([44]) a modifié l’article 279 du CGI qui dispose désormais que les abonnements à des services de télévision souscrits par les usagers bénéficient d’un taux de TVA de 10 %. Toutefois, le taux de 20 % est applicable à l’ensemble de la base imposable lorsque la distribution de services de télévision est comprise dans une offre unique qui comporte pour un prix forfaitaire l’accès à un réseau de communications électroniques, à l’instar des offres dites « triple play » groupant accès à internet, téléphonie et services de télévision.

Dans une autre affaire opposant la société Numericable à l’État, la cour administrative d’appel (CAA) de Versailles, le 20 juillet 2017, a condamné le fournisseur d’accès au sujet de l’application entre 2007 et 2009 du taux réduit de TVA aux services de télévision souscrits par les usagers dans le cadre d’une offre composite d’accès à un réseau de télécommunication. La cour rappelle que, « dans le cas où un opérateur offre pour un prix forfaitaire des prestations de services distinctes et indépendantes relevant de taux de TVA différents, l’application du régime d’imposition (…) implique que ce forfait soit décomposé de manière à ce que soit déterminée la part respective pouvant raisonnablement être réputée correspondre aux différentes prestations composant le prix global ; qu’à cette fin, l’opérateur doit être en mesure de justifier d’éléments permettant d’effectuer la ventilation requise avec une précision suffisante en recourant à toute méthode telle que la valeur de marché ou le coût effectif des différentes prestations fournies » ([45]).

La société Numericable avait en effet décidé d’offrir à ses abonnés un service internet et téléphonie en plus de son activité traditionnelle de fournisseur de services de télévision. Or, au lieu de précéder à une répartition économique réaliste entre les différentes prestations, elle appliquait le taux de TVA réduit réservé aux services de télévision sur la quasi-intégralité de l’offre forfaitaire proposé à ses clients, sans tenir compte de la valeur de marché ou du coût effectif des prestations de téléphonie ou d’accès à internet. Par conséquent, la cour estime que la société Numericable « n’apporte aucun élément permettant de définir avec une exactitude suffisante le coût effectif de chacune des prestations fournies », et que « à défaut de toute autre méthode permettant de ventiler avec une précision suffisante la part respective des prestations après remise composant le prix global de l’offre de la société NC NUMERICABLE, c’est à bon droit que l’administration (…) a procédé à la ventilation de cette remise au prorata du montant de chaque prestation facturée ».

La loi de finances pour 2011 a permis d’apporter davantage de sécurité juridique aux acteurs économiques, en leur proposant une règle claire et simple : le taux de 20 % est applicable à l’ensemble de la base imposable lorsque la distribution de services de télévision est comprise dans une offre « triple play ».

C.   La généralisation des services de presse en ligne dans les offres composites de télécommunication se traduit par une extension excessive du taux réduit de TVA

Dans le cadre de l’enrichissement de leurs offres d’accès à internet et de téléphonie, qui relèvent du taux normal de la TVA, certains opérateurs de communication électronique proposent, depuis juin 2016, à l’ensemble de leurs clients, un abonnement donnant accès à des services de presse en ligne qui, lorsqu’ils sont vendus isolément, relèvent du taux réduit de TVA de 2,1 %.

En incluant un service de presse en ligne dans leur forfait téléphonique ou dans leurs offres « triple play », certains opérateurs de télécommunication ont appliqué, conformément à l’article 268 bis du CGI, le taux super-réduit de TVA sur une partie de la facture de chaque abonné. La souscription à ces nouveaux services de presse se fait de manière automatique pour la plupart des clients, le coût pour ces derniers étant neutre, puisque le prix facturé pour le service est compensé par plusieurs remises successives à la fois sur le service presse lui-même mais également sur les forfaits de téléphonie ou d’accès à internet. Les opérateurs concernés procèdent ainsi à une ventilation de la base imposable entre le service presse (2,1 %) et le service internet ou téléphonie (20 %).

Exemples d’application du taux réduit à la presse en ligne
par les opérateurs téléphoniques

(en euros par mois)

Facture

Opérateur A

Opérateur B

Sans service presse en ligne

Avec service presse en ligne

Sans service presse en ligne

Avec service presse en ligne

Forfait téléphonie

16,66

16,66

28,31

28,31

Remise

– 9,26

– 9,16

TVA 20 %

3,33

1,48

5,66

3,83

Forfait presse

24,49

19,58

Remise

– 13,60

– 8,81

TVA 2,1 %

0,23

0,23

Total hors taxe

16,66

18,28

28,31

29,92

Total TVA

3,33

1,71

5,66

4,06

Total toute taxe comprise

19,99

19,99

33,97

33,97

Part soumis à TVA 2,1 %

59,6 %

36 %

Gain TVA

1,62

1,60

Source : commission des finances, sur la base d’un échantillon de factures.

Le dispositif, dans les deux exemples ci-dessus, permet à l’opérateur un gain sur la TVA d’environ 1,60 euro par forfait téléphonique. Le même mécanisme est utilisé pour les offres « triple play », multipliant d’autant les gains puisqu’un même ménage peut avoir souscrit une offre « triple play » et plusieurs forfaits de téléphonie mobile.

Si la méthode utilisée semble conforme à l’article 268 bis du CGI dans la mesure où les différents services font l’objet d’une ventilation en fonction des taux éligibles, l’application du taux de TVA réduit sur une partie significative des offres composites conduit à s’interroger sur l’opportunité d’un tel dispositif fiscal initialement supposé soutenir uniquement le secteur de la presse. Si la répartition de la base imposable de la TVA se fait bien sous la seule responsabilité du redevable, plusieurs répartitions auraient pu être considérées comme économiquement réalistes :

– la solution, retenue par les opérateurs, qui consiste à appliquer le taux réduit sur l’ensemble de l’abonnement forfaitaire facturé par le fournisseur d’accès au client pour le service de presse, minoré des remises éventuelles : elle conduit, dans les deux exemples ci-dessus, à un taux de ventilation du taux réduit de 60 % du prix HT pour l’opérateur A et de 36 % du prix HT pour l’opérateur B, soit dans les deux cas un gain fiscal d’environ 1,60 euro par abonné ;

 la solution, proposée par le présent article et plus conforme à l’esprit du taux réduit de TVA pour les services de presse en ligne, qui consiste à appliquer le taux réduit uniquement aux sommes effectivement payées par le fournisseur d’accès pour l’acquisition des prestations fournies par les éditeurs de presse : il s’agit, au sein de l’abonnement, d’appliquer le taux réduit uniquement aux sommes versées aux éditeurs de presse pour l’accès par l’usager à un service de presse ou une publication de presse numérisée.

Dans le premier cas, le taux réduit de TVA bénéficie davantage aux opérateurs de télécommunication et est réparti sans lien avec le niveau de consommation réel des services de presse ; dans le second cas, elle bénéficie en premier lieu aux éditeurs de presse et tient compte de la consommation effective de chaque usager, ce qui semble davantage conforme aux intentions du législateur en matière de soutien économique à la presse et, sans préjuger de la position de l’administration fiscale, économiquement plus réaliste.

II.   Le contexte Économique et budgétaire

Le développement des services de presse en ligne, souvent de manière automatique pour l’ensemble des clients de certains opérateurs, conduit à une augmentation significative du recours au taux réduit et, en conséquence, de la dépense fiscale associée. Le caractère particulièrement concurrentiel du secteur des télécommunications et l’importance des montants budgétaires concernés rendent nécessaire une réponse rapide du législateur afin de recentrer le dispositif vers sa vocation première, à savoir le soutien au développement et au pluralisme de la presse.

A.   Le taux réduit de TVA a été conçu comme un outil de soutien et de développement de la presse

Avec l’érosion progressive de la presse imprimée, en France comme à l’étranger, le secteur de la presse traverse une crise préoccupante : érosion et vieillissement du lectorat, déclin de la diffusion papier, effondrement des recettes publicitaires et des ventes à l’unité, diminution de la rentabilité, etc. Pour faire face à ces bouleversements dans les habitudes de consommation de l’information, les éditeurs de presse tentent de diversifier et de renouveler leurs offres à travers le développement d’une offre de services de presse en ligne, pour laquelle il n’existe pas à ce jour de modèle économique unique et stabilisé garantissant une rentabilité suffisante. Les éditeurs de presse peinent encore à trouver un équilibre entre gratuité et services payants, abonnements premium et ventes à l’unité, ressources publicitaires ou basées uniquement sur les lecteurs, etc.

Dans ce contexte, l’application du taux de TVA super-réduit constitue pour le législateur « une mesure indispensable pour améliorer la rentabilité des offres de presse en ligne et permettre aux acteurs de la presse de dégager les marges de manœuvre nécessaires à la réalisation de ces investissements », ainsi que « pour accompagner la transition numérique de la presse et favoriser l’émergence d’un modèle économique viable » ([46]).

Elle doit permettre de soutenir un secteur dont l’activité présente un caractère d’intérêt général indéniable qu’il s’agisse de la diffusion d’une culture pluraliste ou d’instruction, d’éducation et d’information. Il n’est inversement pas dans l’intention du législateur d’apporter par ce biais un soutien fiscal, de manière directe ou indirecte, au développement du secteur des communications électroniques.

B.   Le secteur des fournisseurs d’accès À un réseau de communication électronique est un secteur fortement concurrentiel

Un opérateur de communication électronique fournit un service donnant l’accès à un réseau de communications électroniques qui s’entend, de manière large, comme toutes installations de transport ou de diffusion ainsi que, le cas échéant, les autres moyens assurant l’acheminement de communications électroniques, notamment ceux de commutation et de routage.

Le secteur se caractérise par une forte concentration entre les quatre acteurs que sont Orange, Free, SFR et Bouygues Telecom. Dans un contexte de très fort degré de concurrence, le marché subit une baisse notable du chiffre d’affaires, ce dernier étant passé de 40,5 milliards d’euros en 2010 à 32,2 milliards d’euros en 2016 ([47]). Le secteur, qui employait 142 000 personnes en 2004, emploie en 2016 moins de 115 000 personnes. Cette baisse du chiffre d’affaires ne résulte pas d’une diminution de l’activité mais du résultat d’une guerre des prix entre les différents opérateurs : le prix des forfaits mobiles, fixé à une base 100 pour l’année 2010, atteint en 2016 la valeur de 51, soit une division par deux du prix moyen d’un forfait mobile en seulement quelques années. Pour autant, sur la même période, le nombre de forfaits mobiles est passé de 43,8 millions à 59,5 millions d’abonnés, le nombre d’abonnement internet haut et très haut débit de 21,3 millions à 26,9 millions d’abonnés, tandis que les investissements réalisés sur le réseau ont atteint un record de 7,8 milliards d’euros en 2015, en hausse de 10 % en un an. Le marché se situe dès lors dans une dynamique de forte croissance, qui ne se répercute pas sur les chiffres d’affaires et les revenus des opérateurs, en raison d’une guerre des prix tirant les recettes de ces derniers vers le bas.

Dans ce contexte très concurrentiel de guerre des prix, l’utilisation d’un taux de TVA réduit sur une partie substantielle des forfaits mobiles ou des abonnements « triple play » apporte un avantage financier considérable aux opérateurs ayant recours à un abonnement à un service de presse en ligne pour ventiler une partie de leur chiffre d’affaires sur un taux super-réduit. En l’état actuel, seuls deux opérateurs  à savoir SFR et Bouygues Telecom  ont recours à un service de presse en ligne et au taux super-réduit qui en découle. Toutefois, leurs principaux concurrents  à savoir Free et Orange  auraient indiqué par voie de presse leurs intentions de développer une offre similaire.

Dans ce contexte très concurrentiel, il peut être légitimement posé la question de savoir si le déploiement généralisé des services de presse en ligne par certains fournisseurs d’accès relève davantage d’une stratégie d’optimisation fiscale que d’une politique de développement d’une nouvelle offre commerciale. En l’espèce, le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPILL), qui fédère une partie de la presse en ligne, dénonce un « hold-up fiscal » dont « la fonction essentielle est de réduire l’impôt », quels que soient les besoins ou l’intérêt de leurs clients en matière de services de presse en ligne ([48]).

C.   Le manque à gagner pour l’État pourrait être significatif en l’absence d’une clarification rapide de la loi

Le coût budgétaire de cette pratique n’a pas été chiffré par le présent projet de loi de finances. Des éléments diffusés par la presse évoquent des montants pouvant s’élever jusqu’à 1,2 milliard d’euros.

Si ces montants n’ont pas pu faire l’objet d’une vérification par le Rapporteur général, l’ordre de grandeur annoncé serait sans commune mesure par rapport au manque à gagner pour les finances publiques du taux de 2,1 % applicable aux publications de presse évalué pour 2017 à seulement 165 millions d’euros.

III.   Le dispositif proposé

Le contrôle de l’administration et du juge s’effectuant selon « une temporalité qui n’est pas adaptée à ce secteur particulièrement concurrentiel » (exposé des motifs de l’article) et d’autres opérateurs ayant indiqué leur volonté de fournir prochainement des services de presse en ligne, par le présent article, le Gouvernement souhaite mettre un terme à la brèche fiscale actuelle.

Pour mettre un terme à l’utilisation excessive par certains opérateurs de télécommunication du taux de TVA super-réduit, il est proposé de remédier à la situation actuelle dans laquelle les fournisseurs d’accès peuvent répartir la base imposable de la TVA en fonction d’une méthode qui leur est propre. S’il reviendra à l’administration fiscale, sous le contrôle du juge administratif, de s’assurer que la répartition effectuée entre 2016 et 2017 respecte le principe d’une répartition simple et économique réaliste, il revient au législateur de préciser juridiquement le dispositif, afin d’en limiter dès aujourd’hui la portée et l’ampleur, sans préjuger de l’issue d’une éventuelle décision administrative ou judiciaire dont la temporalité n’est pas adaptée à ce secteur particulièrement concurrentiel.

L’intervention du législateur répond aussi à la nécessité de sécuriser juridiquement les fournisseurs d’accès souhaitant développer à l’avenir une offre similaire en offrant un cadre simple pour la ventilation du taux de TVA réduit applicable aux recettes des services de presse en ligne. Il permet ainsi de préserver des règles de saines concurrences qui ne se fassent pas au détriment de la dépense fiscale de l’État et du soutien au secteur de la presse en ligne.

Dans ce cadre, il est proposé d’établir une règle de ventilation de la TVA pour les abonnements à un service de presse en ligne inclus dans un forfait mobile ou une offre « triple play », en fixant l’assiette du taux super-réduit de TVA applicable à raison du coût réel d’acquisition des services de presse en ligne ou d’une version numérisée d’une publication de presse auprès des éditeurs de presse.

Le 2° du I précise les règles de répartition de l’assiette en matière de TVA : lorsque les prestations de presse en ligne sont comprises dans une offre qui comporte, pour un prix forfaitaire, l’accès à un réseau de communications électroniques, le taux réduit de TVA de 2,1 % n’est applicable qu’à la seule part de l’abonnement égale aux sommes payées par le fournisseur de service, par usager, pour l’acquisition des prestations. Il s’agit de ne prendre en compte dans l’assiette de la TVA pour le taux réduit uniquement la part de l’abonnement correspondant aux sommes facturées au fournisseur d’accès par les éditeurs de presse lorsqu’un abonné décide, par le biais d’une l’application mobile ou du site internet, d’accéder à une publication numérique de presse en ligne.

Sur la base des informations dont dispose le Rapporteur général, le niveau des sommes payées par les fournisseurs de service, par usager, pour l’acquisition des prestations, s’élèverait autour d’un euro voire 2 euros par abonnés. Elle conduirait à exclure de l’assiette du taux réduit une part substantielle de l’abonnement au service de presse, qui, sans lien avec le niveau de consommation des prestations de presse, serait désormais soumis au taux de TVA normal de 20 %. Il est toutefois probable que les fournisseurs d’accès adoptent en conséquence leurs méthodes de facturation et de ventilation en substituant à l’abonnement forfaitaire une facturation par consommation effective.

Le 2° du I précise également qu’aux sommes payées pour l’acquisition des prestations de services de presse en ligne doivent être soustraits les frais de mise à disposition du public acquittés par les éditeurs de presse au fournisseur de service. Il s’agit d’éviter un contournement de la disposition proposée par l’augmentation des marges arrière : en effet, pour pouvoir diffuser leurs publications, les éditeurs de presse doivent payer au fournisseur d’accès des frais de mise à disposition. En l’absence d’une telle disposition, les fournisseurs d’accès pourraient décider d’augmenter abusivement leurs marges arrière et d’augmenter en même temps les sommes versés aux éditeurs de presse pour l’acquisition de la presse en ligne.

Enfin, le 1° du I de l’article proposé modifie l’article 298 septies du CGI et apporte une précision au champ d’application de la TVA réduite à la presse, déjà mise en œuvre dans les faits par la doctrine fiscale : il précise que le taux réduit s’applique non seulement aux services de presse en ligne, mais également aux versions numérisées d’une publication de presse. La disposition vise ainsi la lecture, sur un support électronique, d’une version numérisée d’une publication de presse initialement imprimée. La disposition permet d’éviter de soumettre au taux normal les versions numérisées de presse imprimée, alors que ces dernières et les services de presse en ligne sont soumis au taux de 2,1 %.

Ainsi, le Gouvernement entend préciser et limiter l’application du taux de TVA réduit aux seules sommes effectivement versées par les fournisseurs d’accès aux éditeurs de presse. Elle permet de sécuriser juridiquement les fournisseurs d’accès dans leurs activités économiques concurrentielles tout en préservant le niveau d’une dépense fiscale justifiée par le soutien d’intérêt général de la presse qu’elle constitue. En effet, une autre solution aurait pu consister à appliquer le taux de 20 % à l’ensemble de la base imposable lorsque la distribution de services de service de presse en ligne est comprise dans une offre composite d’accès à un réseau de télécommunication (solution retenue en 2010 pour les services de télévision inclus dans une offre « triple play »). Elle aurait toutefois conduit à la réduction du champ d’application d’un dispositif de soutien à la presse que le législateur ne souhaite pas remettre en cause.

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*     *

La commission adopte l’article 4 sans modification.

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Article 5
Exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et d’impôt sur les sociétés (IS) : services à la personne (SAP)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à tirer les conséquences fiscales des modifications apportées par la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV) aux modalités de reconnaissance des associations prestataires intervenant dans le secteur des services à la personne (SAP).

Les associations de SAP prestataires, désormais tenues de détenir l’autorisation prévue à l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles, pourront ainsi continuer à bénéficier des mêmes exonérations d’impôt sur les sociétés (IS) et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) que celles dont elles bénéficiaient jusqu’alors en tant qu’associations agréées au titre de l’article L. 7232-1 du code du travail.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi ASV a modifié le régime juridique des services d’aide et d’accompagnement à domicile intervenant en tant que prestataires auprès des personnes âgées et handicapées, modifiant le régime d’autorisation applicable aux activités de SAP prestataires.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

L’article a été adopté sans modifications par la commission des finances.

I.   L’État du droit

Le secteur des services à la personne (SAP) assure une palette de vingt-six activités très large, allant de la garde d’enfants aux petits travaux de jardinage en passant par l’accompagnement au quotidien d’une personne handicapée ou âgée. Le secteur emploie pas moins de 1,5 million de salariés et possède un important potentiel de développement lié au maintien d’une natalité dynamique et au vieillissement de la population.

Le développement des SAP a été encouragé ces dernières années, notamment par le renforcement de dispositions sociales et fiscales favorables, par un soutien financier important au secteur de l’aide à domicile aux personnes fragiles, ainsi que par l’adoption de la loi d’adaptation de la société au vieillissement (ASV) en décembre 2015 ([49]). Celle-ci a simplifié le régime juridique des OSP intervenant comme prestataires de services afin d’assurer une meilleure structuration de l’offre de SAP en réponse aux besoins des différents publics fragiles.

A.   LES diffÉrents rÉgimes d’exercice Des organismes de SAP

Les SAP sont constitués de prestations s’adressant aux particuliers à leur domicile, et désignent au titre de l’article L. 7231–1 du code du travail : les activités de garde d’enfants, d’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile, ainsi que les services à domicile de tâches ménagères ou familiales de la vie quotidienne. Le secteur se répartit quasiment à égalité entre, d’une part, les activités tournées vers les publics dits « fragiles », telles que l’assistance aux personnes âgées, aux personnes en situation de handicap et la garde d’enfants de moins de trois ans, et d’autre part, les activités dites « de la vie quotidienne », telles que l’entretien de la maison, le petit bricolage, le petit jardinage, les cours à domicile, le soutien scolaire, ou encore l’assistance informatique.

Ils sont exercés soit par une entreprise (sous la forme d’une société ou d’une entreprise individuelle), soit par une association ou encore un organisme public. La DGE évalue au 1er février 2017 à 36 195 le nombre d’organismes de services à la personne (OSP), dont 6 099 associations, 28 772 entreprises et 1 324 organismes publics.

La filière des SAP se structure autour de plusieurs modalités d’intervention qui sont définies par l’article L. 7232–6 du code du travail, notamment :

– le mode prestataire, dans lequel l’OSP fournit et facture des prestations de services aux personnes à leur domicile : les intervenants qui réalisent le SAP sont salariés de l’OSP et interviennent sous la responsabilité de ce dernier ;

– le mode mandataire, dans lequel l’OSP procède au placement de travailleurs auprès de personnes physiques employeurs et peut, pour le compte de ces dernières, accomplir des formalités administratives et des déclarations sociales et fiscales liées à l’emploi de ces travailleurs ;

– la mise à disposition, par laquelle l’intervenant, salarié de l’OSP, est mis à disposition du client qui exerce, par délégation, certaines responsabilités de l’employeur relatives aux conditions de travail.

Pour pouvoir exercer leurs activités, les OSP peuvent être soumis, dans le cadre du régime commun de la déclaration, soit au régime de l’agrément, soit à celui de l’autorisation. Or, depuis l’entrée en vigueur de la loi ASV, les OSP intervenant en mode prestataire auprès de certains publics fragiles, relèvent désormais du régime de l’autorisation par le département et non plus de celui de l’agrément par les services de l’État.

1.   Le régime de l’agrément des SAP

L’article L. 7232–1 du code du travail dispose que « toute personne morale ou entreprise individuelle qui exerce les activités de service à la personne [mentionnées ci-dessous] est soumise à agrément délivré par l’autorité compétente suivant des critères de qualité ». L’agrément concerne en principe toutes les structures de SAP, à partir du moment où elles exercent les activités suivantes :

– la garde d’enfants au-dessous d’une limite d’âge fixée par arrêté conjoint du ministre de l’emploi et du ministre chargé de la famille ;

– les activités d’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile, à l’exception des activités dont la liste est définie par décret et qui ne mettent pas en cause la sécurité des personnes.

Le décret du 6 juin 2016 ([50]), codifié à l’article D. 7231-1 du code du travail, précise que les activités soumises à l’agrément sont :

– la garde à domicile ou l’accompagnement dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, transport, actes de la vie courante) des enfants de moins de trois ans, indépendamment du mode de réalisation de la prestation (prestataire, mandataire ou mise à disposition) ;

– l’assistance dans les actes quotidiens de la vie ou l’aide à l’insertion sociale des personnes âgées et des personnes handicapées ou des personnes atteintes de pathologies chroniques qui ont besoin de telles prestations à domicile, en mode mandataire ou par mise à disposition uniquement ;

– les prestations de conduite du véhicule personnel des personnes âgées, des personnes handicapées ou des personnes atteintes de pathologies chroniques du domicile au travail, sur le lieu de vacances ou pour des démarches administratives, en mode mandataire ou par mise à disposition uniquement ;

– l’accompagnement des personnes âgées, des personnes handicapées ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, aide à la mobilité et au transport, actes de la vie courante), en mode mandataire ou par mise à disposition uniquement.

Pour assurer la qualité des prestations fournies aux différents publics qualifiés de fragiles, l’agrément impose aux OSP de respecter plusieurs critères qualificatifs notamment une obligation de disposer des moyens humains, matériels et financiers permettant de satisfaire l’objet pour lequel l’agrément est sollicité, mais aussi de disposer d’une charte de qualité qui répond aux exigences de l’agrément et à laquelle l’OSP doit adhérer.

2.   Le régime de l’autorisation des SAP

Afin de permettre aux départements, chefs de file des politiques d’action sociale, de mieux structurer une offre de services de qualité sur leur territoire, l’article 46 de la loi ASV a modifié le régime juridique des SAP réalisés par des OSP en mode prestataire intervenant auprès des personnes âgées, des personnes handicapées, des personnes souffrant d’une pathologie chronique et des familles fragiles, en faisant prévaloir pour ces OSP le régime de l’autorisation sur celui de l’agrément.

Les OSP concernés sont le plus souvent constitués sous la forme de services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), qui désignent des organismes privés ou publics qui interviennent pour des actions liées aux actes essentiels de la vie, au soutien à domicile, à la préservation ou la restauration de l’autonomie dans l’exercice des activités de la vie quotidienne auprès des personnes âgées ou handicapées ou souffrant d’une pathologie chronique ainsi que des familles fragilisées. Ils interviennent en tant qu’OSP prestataire et emploient des aides ménagères et des auxiliaires de vie qui interviennent chez les publics fragiles concernés. L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH), toutes les deux versées par le département, peuvent contribuer à financer le coût de l’intervention d’un SAAD respectivement pour les personnes âgées en perte d’autonomie et pour celles en situation de handicap.

Pour intervenir auprès des populations considérées comme fragiles, les SAAD devaient, jusqu’au 31 décembre 2015, demander soit l’agrément délivré par les services de l’État, soit l’autorisation départementale. En effet, avant la mise en place de la réforme de la loi ASV, l’ensemble des OSP intervenant en tant que prestataires auprès des personnes fragiles étaient de droit soumis au régime unique de l’agrément délivré par les services déconcentrés de l’État. Par exception, les SAAD pouvait décider, par option, de se soumettre au régime de l’autorisation : l’article L. 313-1-2 du code de l’action sociale et des familles (CASF) disposait que « la création, la transformation et l’extension de SAAD sont soumises, à la demande de l’organisme gestionnaire : soit à l’autorisation prévue [par le CASF] ; soit à l’agrément prévu à l’article L. 7232–1 du code du travail ». L’existence de ce droit d’option était justifiée par l’importance des activités menées par les SAAD dans la politique sociale des départements vers les personnes âgées ou handicapées.

Le double régime d’agrément et d’autorisation, avec droit d’option, était fortement critiqué en raison de la complexité et des difficultés qu’il posait tant pour les départements que pour les services de l’État : le fait que certains SAAD fassent le choix de l’agrément, et d’autres celui de l’autorisation, rendait difficile pour le département une gestion unifiée de sa politique de soutien aux SAP vers les publics les plus fragiles. À compter du 1er janvier 2016, la loi ASV a mis fin à ce double régime au profit de celui de l’autorisation, tout en assurant le maintien des exigences et des garanties de qualité par la mise en place d’un cahier des charges national pour les OSP autorisés ([51]). Une telle mesure est d’autant plus pertinente qu’une majorité des SAAD est amenée à signer des contrats d’objectifs et de moyens avec le département ainsi qu’à respecter des tarifs fixés par ce dernier, à un niveau souvent identique à celui de l’APA ou de la PCH, deux prestations elles-mêmes versées par le département.

L’autorisation, prévue à l’article L. 313-1 du CASF, est délivrée par les conseils départementaux et concerne désormais toutes les structures de SAP, à partir du moment où elles exercent les activités mentionnées à l’article D. 312-6-2 du même code, créé par le décret du 6 juin 2016, à savoir :

– l’assistance dans les actes quotidiens de la vie ou l’aide à l’insertion sociale aux personnes âgées ou handicapées ou atteintes de pathologies chroniques qui ont besoin de telles prestations à leur domicile, uniquement en mode prestataire ;

– l’aide personnelle à domicile aux familles fragilisées, uniquement en mode prestataire ;

– la prestation de conduite du véhicule personnel des personnes âgées ou handicapées ou atteintes de pathologies chroniques du domicile au travail, sur le lieu de vacances ou pour des démarches administratives, uniquement en mode prestataire ;

– l’accompagnement des personnes âgées ou handicapées ou atteintes de pathologies chroniques, dans leurs déplacements en dehors de leur domicile (promenades, aide à la mobilité et au transport, actes de la vie courante), uniquement en mode prestataire.

Ainsi, tous les OSP intervenant en mode prestataire auprès des publics fragiles relèvent du régime de l’autorisation délivrée par le président du conseil départemental. À ce titre, tous les SAAD sont désormais soumis au régime de l’autorisation. Seules les OSP intervenant comme prestataires auprès des enfants de moins de trois ans restent soumises au régime de l’agrément préfectoral.

3.   Le régime de la déclaration des SAP

La déclaration reste une procédure facultative juridiquement mais qui s’impose dans les faits pour pouvoir bénéficier de certains avantages sociaux et fiscaux (crédit d’impôt sur le revenu des dépenses engagées pour les particuliers, exonérations de cotisations sociales, taux réduits de TVA). La déclaration auprès des services de l’État, prévue à l’article L. 7232-1-1 du code du travail, concerne à titre facultatif tous les OSP et toutes les activités de SAP, y compris celles nécessitant au préalable un agrément ou une autorisation pour pouvoir être exercées.

L’article D. 7231–1 du code du travail précise ainsi que les activités de SAP soumises à titre facultatif à la déclaration sont, outre celles soumises à agrément et à autorisation, les activités d’entretien de la maison et de travaux ménagers, les petits travaux de jardinage, les travaux de petit bricolage, la garde d’enfants à domicile au-dessus de trois ans, le soutien scolaire à domicile, les soins d’esthétique à domicile, la livraison de repas ou de courses à domicile, la collecte et la livraison à domicile de linge repassé, l’assistance informatique à domicile, l’assistance administrative à domicile, etc.

B.   LE rÉgime fiscal des associations de SAP en matiÈre de taxe sur la valeur ajoutÉe et d’impÔt sur les sociÉtÉs

Le CGI détermine au profit de certains OSP un régime dérogatoire d’impôt sur les sociétés (IS) et d’exonération de TVA. Au sein de ce régime, il convient toutefois de distinguer celui particulier des associations de SAP, partie intégrante des OSP, qui bénéficient d’un régime encore plus particulier.

1.   L’assujettissement des OSP aux impôts commerciaux tels que l’impôt sur les sociétés

D’une façon générale et en vertu l’article 206 du CGI, les impôts commerciaux s’appliquent à l’ensemble des personnes morales de droit privé ou de droit public se livrant à des opérations à caractère lucratif. Ils sont ainsi susceptibles de concerner toutes les OSP effectuant, à titre lucratif, une activité de SAP. En théorie, le champ d’application des impôts commerciaux est donc indépendant de la nature juridique de l’OSP en cause.

Aussi, les OSP constitués sous la forme d’une société sont soumis aux règles de droit commun en matière IS. Ils peuvent également être soumis à celles en matière d’imposition des revenus commerciaux pour les entrepreneurs individuels, dont les bénéfices sont imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) pour les activités commerciales, artisanales ou industrielles.

De même, les associations de SAP, qui sont une catégorie parmi les OSP, dont l’activité est exercée dans des conditions comparables à celles des entreprises, doivent en principe être soumises aux impôts commerciaux.

Toutefois, un dispositif dérogatoire vise spécifiquement les associations de SAP agréées en application de l’article L. 7232–1 du code du travail. Le 5 bis de l’article 206 du CGI dispose que les associations de SAP ne sont assujetties à l’IS que sur certains de leurs revenus patrimoniaux – c’est-à-dire les revenus issus de la location d’immeubles, de l’exploitation de propriétés agricoles ou forestières, et certains revenus de capitaux mobiliers. Le taux applicable sur ces revenus patrimoniaux n’est pas celui de droit commun, mais le taux réduit prévu à l’article 219 bis du CGI qui dispose que « le taux de l’IS est fixé à 24 % en ce qui concerne les revenus (…) perçus par les établissements publics, associations et collectivités sans but lucratif ».

2.   L’assujettissement des OSP à la taxe sur la valeur ajoutée

Les prestations de service réalisées par les OSP sont, en application du droit commun, soumises à la TVA qui est calculée en appliquant au prix hors taxe de la prestation de service un taux proportionnel dont la valeur est fixée par le CGI.

Toutefois, les OSP déclarées bénéficient de deux taux réduits de TVA, afin de faciliter le développement du secteur et d’encourager la création d’entreprises et d’emplois. En effet, les OSP déclarées au titre de l’article L. 7232-1-1 du code du travail bénéficient :

– soit d’un taux réduit de TVA à 5,5 % pour les prestations de SAP exclusivement liées aux gestes essentiels de la vie quotidienne des personnes handicapées ou âgées dépendantes (D de l’article 278-0 bis du CGI) ;

– soit d’un taux réduit de TVA à 10 % pour les prestations de SAP nécessaires à la vie courante pour tout public (i de l’article 279 du CGI).

Certaines activités de SAP effectuées par des OSP déclarées restent soumises au taux normal de TVA à 20 %, telles que les petits travaux de jardinage, les cours à domicile, le gardiennage, l’entretien de la maison ou encore l’assistance informatique à domicile. De même, les OSP non déclarées sont soumises au taux normal de TVA pour l’ensemble des prestations de SAP qu’ils effectuent.

Néanmoins, les associations de SAP agréées au titre de l’article L. 7231-1 du code du travail et dont la gestion est désintéressée (1° ter du 7 de l’article 261 du CGI) sont exonérées de la TVA pour l’ensemble de leurs opérations. Le caractère désintéressé de la gestion de l’association s’établit au regard de trois critères cumulatifs :

– les dirigeants agissent à titre bénévole et ne possèdent aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l’exploitation ;

– les dirigeants ne bénéficient d’aucune contrepartie en termes de revenus, de services ou de jouissance d’un bien ;

– les membres de l’association ne peuvent pas se partager le patrimoine de celle-ci.

De telles dispositions sont conformes au droit de l’Union européenne, et notamment à la directive relative au système commun de TVA ([52]). L’annexe III de l’article 98 de cette directive autorise les États membres à mettre en place des taux réduits pour les prestations de services d’organismes reconnus comme ayant un caractère social par les États membres et engagés dans des œuvres d’aide et de sécurité sociales.

De manière analogue, les articles 132 et 133 de la directive autorisent les États membres à exonérer totalement les prestations de services étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales ou à la protection de l’enfance réalisées par des organismes de droit public ou par d’autres organismes dont la gestion est désintéressée.

II.   Le Contexte économique et budgétaire

Les activités de SAP répondent à des besoins spécifiques vers des publics fragiles ou des besoins de la vie quotidienne. Le soutien public à ce secteur est motivé à la fois par une volonté de développement économique et de l’emploi, qui tend à rendre le prix des services à la vie quotidienne comparable au coût du travail non déclaré, mais également par un objectif de justice sociale qui vise à assurer des services d’aide aux publics fragiles, quel que soit leur niveau de revenu.

Les activités de SAP représentent près de 1 % du PIB et 5 % de la population active, pour un total de 1,4 million de salariés. Le principal employeur du secteur est le particulier employeur (environ 57 % des heures rémunérées), suivi des associations et organismes publics (28 %) puis des entreprises et des micro-entrepreneurs (15 %) ([53]).

Le soutien public se compose de plusieurs types de mesures qui interviennent à la fois sur l’offre de SAP (exonérations de cotisations sociales, exonération et taux réduits de TVA), mais aussi sur la demande (crédit d’impôt sur le revenu des dépenses engagées pour les particuliers et aides directes versées par les départements). Elles permettent toutes de soutenir ce secteur et de favoriser l’universalité du dispositif en réduisant le reste à charge payé par les bénéficiaires des SAP.

La direction générale du Trésor (DGT) estime que « le montant des dépenses fiscales et des niches sociales en faveur de ce secteur a été évalué à environ 6,4 milliards d’euros en 2014 » et qu’en intégrant « les aides directes versées notamment par les conseils départementaux ainsi que les mesures générales de réduction du coût du travail, le coût brut de l’action publique en matière de services à la personne s’élèverait in fine à un peu moins de 11,5 milliards d’euros » ([54]). En 2017, l’exonération de TVA des services rendus aux personnes physiques par les associations agréées représente une dépense fiscale de l’ordre de 572 millions d’euros, tandis que le non-assujettissement à l’IS des associations agréées de SAP et la taxation au taux réduit des revenus de leur patrimoine foncier, agricole et mobilier représentent une dépense fiscale de l’ordre de 40 millions d’euros ([55]).

Cette estimation souligne le caractère déterminant du soutien public dans un secteur où la valeur ajoutée, telle que calculée par la DGT, est de 18,4 milliards d’euros. La DGT souligne également que les recettes fiscales et sociales brutes générées par le secteur des SAP sont en retour estimées à 8,7 milliards d’euros, dont 900 millions d’euros environ au titre de la TVA. Elle estime enfin que « le taux d’intervention publique est en moyenne de 62 % [et] présente des différences importantes selon les profils socio-fiscaux : de 40 % pour certains services à la vie quotidienne à 80 % pour les services d’aide aux publics fragiles et à plus de 90 % pour les services à destination des personnes handicapées ».

III.   Le dispositif proposÉ et les enjeux juridiques

Depuis le 31 décembre 2015, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi ASV, les OSP intervenant en mode prestataire auprès des publics fragiles sont désormais tenus de détenir l’autorisation prévue à l’article L. 313-1 du CASF et non l’agrément prévu à l’article L. 7231-1 du code du travail. Seules les OSP intervenant comme prestataires auprès des enfants de moins de trois ans restent soumises au régime de l’agrément préfectoral.

Dès lors, les associations de SAP qui étaient autrefois soumises au régime de l’agrément doivent désormais se soumettre à celui de l’autorisation si elles souhaitent intervenir en tant que prestataire vers ces publics fragiles. Or, en l’état du droit, les bénéfices des exonérations fiscales de TVA et d’IS pour les associations de SAP sont uniquement réservés à celles agréées en vertu de l’article L. 7231-1 du code du travail.

Afin de tenir compte des modifications de la loi ASV, le présent article prévoit que l’exonération de TVA prévue par l’article 261 du CGI ( de l’article proposé) et celle d’IS prévue par l’article 206 du même code ( de l’article proposé) s’appliquent également aux associations autorisées au titre de l’article L. 313-1 du CASF. Il permet ainsi d’éviter que des associations de SAP qui obtiennent une telle autorisation ne perdent le bénéfice des exonérations qui leur étaient jusqu’à présent applicables en tant qu’associations agréées.

À l’inverse, la loi ASV ne pose pas de difficultés d’application concernant l’application des taux réduits de TVA pour les OSP déclarées, car elle ne modifie pas les conditions d’application de ce régime.

IV.   L’impact Économique et budgétaire attendu

L’incidence économique et budgétaire de la mesure est minime voire nulle puisque le présent article vise principalement à éviter que les associations de SAP autorisées ne perdent le bénéfice d’exonérations fiscales qui leur étaient jusqu’à présent applicables en tant qu’associations agréées.

La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail estime que le nombre d’associations agissant comme prestataires de SAP s’élevait en 2015 à 4 480 organismes sur un total de 26 270 OSP prestataires, ce qui représente environ 21 % des OSP. Les heures rémunérées en prestataire par ces associations représentaient en 2015 près de 208 millions d’heures, en diminution de – 1,9 % par rapport à 2014, sur un total de 371 millions d’heures pour l’ensemble des OSP prestataires. Au cours de la même année, le nombre d’heures facturées en prestataire a augmenté de + 7,4 % pour les entreprises de SAP et diminué de – 4 % pour les organismes publics. Les heures rémunérées en mode prestataire sont pour 62 % des heures d’aide aux personnes âgées et/ou handicapées, 34 % des heures d’aides de la vie quotidienne et 5 % de la garde d’enfants. Les organismes prestataires emploient plus de 415 000 intervenants (+ 0,3 %) en 2015 ([56]).

Il est toutefois difficile d’identifier au sein des associations de SAP celles potentiellement touchées par le changement des régimes juridiques de l’autorisation et de l’agrément, et donc l’impact économique pour le secteur et l’impact budgétaire pour l’État en l’absence de mise en cohérence rapide de la législation.

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La commission examine l’amendement I-CF196 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 5 fait suite à la loi sur l’adaptation au vieillissement de la société. Chaque année, depuis dix ans, on modifie le champ de l’exonération de la TVA et de l’IS, on retire des catégories avant de les réintégrer... Je comprends bien l’objet de cet article, mais je souhaiterais une évaluation de son coût fiscal et des publics concernés : personnes âgées, personnes handicapées, garde d’enfant à domicile... C’est une mesure très simple et sans polémique.

M. le Rapporteur général. L’impact de la mesure est relativement simple : il s’agit de prendre en compte les évolutions législatives introduites par la loi d’adaptation de la société au vieillissement et d’en tirer les conséquences sur les régimes d’exonération d’IS et de TVA dont bénéficient les associations agissant comme prestataires de services à la personne. Quant au coût de la mesure, il est nul puisqu’il s’agit d’éviter que les associations de services à la personne, autrefois agréées par l’État et demain autorisées par le département, ne perdent le bénéfice de ces exonérations réservées en l’état actuel du droit aux associations agréées. Le tome II de mon rapport détaille avec précision toutes les conséquences de l’article : vous pourrez vous y reporter.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce dispositif va concerner en premier lieu les structures de garde d’enfants à domicile que la majorité précédente avait exclues un temps du champ. S’il y a de nouveau exonération, cela emporte un coût pour l’État.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je partage le souci de Mme Dalloz mais, avec les exonérations, nous en restons à une approche extrêmement partielle car l’instrument fondamental en matière sociale est la répartition des taux. Un rapport sur la grande aiguille ne dit rien de la petite aiguille : nous n’aurons pas l’heure.

M. le Rapporteur général. L’évaluation est dans mon rapport. Je propose d’examiner si certains éléments y manquent, auquel cas nous chercherons les réponses que demande Mme Dalloz.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 5 sans modification.

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Article 6
Extension de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA)
applicable aux psychothérapeutes et psychologues

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article tire les conséquences de l’évolution de la réglementation de l’usage professionnel des titres de psychologues et de psychothérapeutes au regard de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice libéral des professions médicales et paramédicales.

Il met fin à une distorsion de concurrence contraire au principe de neutralité fiscale de la TVA entre les praticiens titulaires du diplôme requis pour être recruté comme psychologue dans la fonction publique hospitalière, exonérés à ce titre de TVA, et les praticiens non titulaires d’un tel diplôme mais autorisés à faire usage légalement du titre de psychologue ou psychothérapeute, redevables de la TVA.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 44 de la loi du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social a encadré les conditions d’exercice à titre professionnel des psychologues.

La loi de finances rectificative pour 1993 a étendu l’exonération de TVA applicable aux soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales aux soins prodigués par les psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes titulaires d’un des diplômes requis pour être recruté, à la date de sa délivrance, comme psychologue dans la fonction publique hospitalière.

L’article 56 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a encadré les conditions d’exercice à titre professionnel des psychothérapeutes.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

L’article a été adopté sans modifications par la commission des finances.

I.   L’État du droit

Les activités relevant du secteur de la santé entrent dans le champ d’application de la TVA, dès lors que les opérations correspondantes sont effectuées à titre onéreux par des personnes agissant à titre indépendant.

Cependant, dans ce secteur, certaines activités bénéficient d’une mesure d’exonération, parmi lesquelles les soins médicaux et paramédicaux dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales. Par exemple, le régime d’exonération s’applique aux soins dispensés par un praticien exerçant en leur nom personnel et à titre libéral au sein d’un établissement de santé.

À l’inverse, ne sont pas considérés comme des assujettis à la TVA les médecins ou membres des professions paramédicales qui se trouvent dans un état de subordination vis-à-vis de la personne publique ou privée qui les emploie dans un établissement de santé. De même, la situation des hôpitaux publics ne relève pas du présent article, car ces derniers sont en principe placés hors du champ d’application de la TVA.

A.   Les psychologues et psychothÉrapeutes titulaires d’un des diplÔmeS requis pour Être recrutÉs dans la fonction publique hospitaliÈre sont exonÉrÉs de la TVA

Le c de l’article 132 de la directive relative au système commun de TVA ([57]) autorise les États membres à exonérer « dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels » : « les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’État membre concerné ». Il est ainsi conféré à ce dernier un libre pouvoir d’appréciation quant à la détermination des professions médicales et paramédicales exonérées, dans la limite du principe général de neutralité fiscale et de non-distorsion de concurrence de la TVA selon lequel des opérations identiques ne peuvent faire l’objet d’un traitement différencié.

La directive précise également que l’exonération ne doit s’appliquer qu’aux « prestations de soins dispensées aux personnes », c’est-à-dire aux actes qui concourent à l’établissement d’un diagnostic médical ou à la mise en œuvre d’un traitement d’une ou de plusieurs maladies. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé que seules les prestations dispensées aux personnes dans une finalité thérapeutique sont susceptibles de bénéficier de l’exonération de TVA. De telles prestations sont entendues comme celles menées dans le but de prévenir, de diagnostiquer, de soigner et de guérir des maladies ou anomalies de santé.

Le 1° du 4 de l’article 261 du CGI transpose en droit français le c de l’article 132 de la directive : il définit les professions exonérées comme les professions médicales et paramédicales réglementées par une disposition législative. En conséquence, au titre des soins qu’ils dispensent à des personnes, peuvent bénéficier de l’exonération les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures-podologues, les infirmiers, les orthoptistes, les orthophonistes, les diététiciens ou encore les psychomotriciens ([58]).

En revanche, dès lors qu’ils ne font pas partie d’une profession médicale ou paramédicale réglementée, ne peuvent pas bénéficier de l’exonération : les acupuncteurs, les étiopathes, les iridologues, les sophrologues, les thanatologues, les naturopathes, ou encore les podologues ([59]).

Le 1° du 4 de l’article 261 du CGI prévoit toutefois des exceptions à la condition d’appartenance à une profession médicale ou paramédicale réglementée. Peuvent également bénéficier de l’exonération de TVA, pour les soins qu’ils dispensent à des personnes, alors même que leurs professions ne sont pas réglementées :

– les praticiens autorisés à faire usage légalement du titre d’ostéopathe ou de chiropracteur ;

– les psychologues, les psychanalystes et les psychothérapeutes non médecins mais titulaires d’un des diplômes requis par la réglementation, à la date de sa délivrance, pour être recrutés comme psychologues dans la fonction publique hospitalière.

B.   Les Évolutions de la rÉglementation sur l’usage des titres de psychologues et psychothÉrapeutes fragilisent le critÈre du diplÔme requis pour Être recrutÉs dans la fonction publique hospitaliÈre

La loi de finances rectificatives pour 1993 ([60]) a étendu l’exonération de TVA aux psychologues, psychanalystes et les psychothérapeutes non médecins mais titulaires d’un des diplômes requis par la réglementation pour être recrutés dans la fonction publique hospitalière. Or, les conditions d’usage légal du titre de psychothérapeute et de psychologue ont profondément évolué depuis cette date, fragilisant et rendant moins pertinent le critère retenu.

1.   Un encadrement de l’usage légal du titre de psychothérapeute…

Lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif à la politique de santé publique, un amendement parlementaire adopté à l’unanimité souhaitait « sécuriser la pratique des psychothérapies [qui] peuvent aujourd’hui être conduites en France sans le moindre contrôle sur ceux qui se déclarent capables de les conduire [et qui donnent lieu à] des dérives sectaires qui constituent autant de dangers » ([61]). L’amendement inscrivait dans la loi une définition de la psychothérapie comme « des traitements médico-psychologiques de souffrances mentales » et précisait que « comme toutes thérapeutiques, leur prescription et leur mise en œuvre ne peuvent relever que de professionnels qualifiés en psychiatrie, de psychologues cliniciens et de médecins ayant suivi les formations requises ».

En raison de l’opposition des associations de psychanalystes, la disposition est progressivement limitée au cours de la navette parlementaire aux seuls psychothérapeutes. À l’issue du vote de la loi relative à la politique de santé publique ([62]), l’article 52 dispose que « l’usage du titre de psychothérapeute est réservé aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes. (…) L’inscription est enregistrée sur une liste dressée par le directeur général de l’agence régionale de santé de leur résidence professionnelle ». L’article 91 de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite loi HPST) ([63]) est venu préciser par la suite qu’un décret définit « les conditions de formation théorique et pratique en psychopathologie clinique que doivent remplir les professionnels souhaitant s’inscrire au registre national des psychothérapeutes » ainsi que « les conditions dans lesquelles les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations peuvent bénéficier d’une dispense totale ou partielle pour la formation en psychopathologie clinique ».

Près de six ans après l’adoption de la loi relative à la politique de santé publique, le décret du 20 mai 2010 relatif à l’usage du titre de psychothérapeute ([64]) est venu préciser les modalités d’application de l’article 52 dans sa rédaction issue de la loi HPST. Ce dernier réserve l’usage du titre de psychothérapeute aux professionnels inscrits au registre national des psychothérapeutes. Il précise que l’inscription est enregistrée sur une liste départementale tenue par l’agence régionale de santé (ARS) sur le répertoire national d’identification des professionnels de santé (répertoire ADELI). Il prévoit enfin les conditions dans lesquelles le directeur général de l’ARS peut suspendre ou procéder à la radiation des psychothérapeutes inscrits au registre.

L’inscription sur la liste départementale est subordonnée à la validation d’une formation en psychopathologie clinique de 400 heures minimum en processus psychiques, en pathologies psychiatriques, en théories de psychopathologie et en psychothérapie, ainsi qu’un stage pratique d’une durée minimale de cinq mois dans un établissement public ou privé autorisé ou agréé par les pouvoirs publics. Le décret limite l’accès à la formation en psychopathologie clinique aux seuls titulaires d’un diplôme de niveau doctorat donnant droit d’exercer la médecine en France ou d’un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse. Les établissements autorisés à délivrer la formation prévue sont agréés pour quatre ans par les ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur après avis d’une commission régionale d’agrément.

Sont toutefois dispensés de tout ou partie de la formation et du stage les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, les psychologues autorisés à faire usage du titre de psychologue, et les psychanalystes régulièrement inscrits dans l’annuaire de leurs associations professionnelles. La dispense peut être totale ou partielle, le décret précisant pour chaque profession concernée le nombre d’heures minimal de formation ou de mois de stage en psychopathologie clinique exigé pour les candidats au titre de psychothérapeute :

– aucune formation théorique ou pratique complémentaire pour les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine psychiatre ;

– une formation théorique de 200 heures en psychopathologie et psychothérapie, ainsi qu’un stage de deux mois pour les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine non psychiatre ;

– aucune formation théorique ou pratique complémentaire pour les titulaires du titre de psychologue qui ont accompli, dans le cadre de leur formation, un stage professionnel d’une durée minimale de 500 heures et respectant l’arrêté du 19 mai 2006 ([65]) ;

– un stage de deux moins pour les titulaires du titre de psychologue qui n’ont pas accompli, dans le cadre de leur formation, un stage professionnel d’une durée minimale de 500 heures et respectant l’arrêté du 19 mai 2006 ;

– une formation théorique de 200 heures en pathologies psychiatriques, en théories de psychopathologie et en psychothérapie, ainsi qu’un stage de deux mois pour les psychanalystes régulièrement enregistrés dans leurs annuaires.

2.   … et de l’usage légal du titre de psychologue …

Les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue peuvent demander directement leur inscription sur le registre national des psychothérapeutes, sous réserve de respecter des conditions de formation pratique minimale en psychopathologie clinique.

L’usage du titre de psychologue est régi par l’article 44 de la loi du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social ([66]) et par les décrets du 22 mars 1990 ([67]) et du 14 novembre 2003([68]). L’article 44 de la loi précitée dispose que « l’usage professionnel du titre de psychologue, accompagné ou non d’un qualificatif, est réservé aux titulaires d’un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie préparant à la vie professionnelle et figurant sur une liste fixée par » le décret du 22 mars 1990 précité. Il dispose également que les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue sont tenues de s’enregistrer auprès d’une ARS, qui procède à leur inscription sur le répertoire national d’identification des professionnels de santé (répertoire ADELI).

Le décret du 22 mars 1990 précise la liste des personnes pouvant faire l’usage professionnel du titre de psychologue, à savoir les titulaires :

– de la licence et de la maîtrise en psychologie qui justifient, en outre, de l’obtention soit d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en psychologie, soit d’un diplôme d’études approfondies en psychologie comportant un stage professionnel dont les modalités sont fixées par l’arrêté du 19 mai 2006 ;

– de la licence en psychologie et d’un master mention psychologie comportant un stage professionnel similaire ;

– de la licence mention psychologie et d’un master mention psychologie comportant un stage professionnel similaire ;

– du diplôme d’État de psychologie scolaire ;

– du diplôme de psychologue du travail délivré par le Conservatoire national des arts et métiers ;

– du diplôme d’État de conseiller d’orientation-psychologue ;

– du diplôme de psychologue délivré par l’école des psychologues praticiens de l’Institut catholique de Paris ;

– de diplômes étrangers reconnus équivalents aux diplômes mentionnés.

3.   … qui rend moins pertinent et fragilise le critère de la détention d’un diplôme pour l’exonération de TVA.

L’exonération de TVA bénéficie actuellement aux psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes titulaires d’un des diplômes requis par la réglementation, à la date de sa délivrance, pour être recrutés comme psychologues dans la fonction publique hospitalière. Le décret du 31 janvier 1991 ([69]) fixe la liste des diplômes permettant de faire acte de candidature au concours de psychologues de la fonction publique hospitalière, à savoir les personnes titulaires :

– de la licence et de la maîtrise en psychologie qui justifient, en outre, de l’obtention soit d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en psychologie, soit d’un diplôme d’études approfondies en psychologie comportant un stage professionnel dont les modalités sont fixées par l’arrêté du 19 mai 2006 ;

– de la licence en psychologie et d’un master mention psychologie comportant un stage professionnel similaire ;

– de diplôme de psychologie délivré par l’école des psychologues praticiens de l’Institut catholique de Paris ;

– de diplômes étrangers reconnus équivalents aux diplômes mentionnés ;

– de qualifications reconnues équivalentes aux diplômes mentionnés.

L’exonération est donc limitée à une partie des personnes pouvant faire l’usage professionnel du titre de psychologue. Ne sont pas concernées par l’exonération, les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue mais titulaires :

– de la licence mention psychologie et d’un master mention psychologie comportant un stage professionnel ;

– du diplôme d’État de psychologie scolaire ;

– du diplôme de psychologue du travail délivré par le Conservatoire national des arts et métiers ;

– du diplôme d’État de conseiller d’orientation – psychologue.

De même, une partie des personnes autorisées à faire usage du titre de psychothérapeute, ne peuvent pas prétendre à l’exonération. Il s’agit notamment :

– des personnes ayant effectué la formation requise mais titulaire d’un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychanalyse ;

– des personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue, dispensées de tout ou partie de la formation requise à ce titre, mais titulaire de l’un des diplômes ou certifications mentionnés ci-dessus ;

– des psychanalystes régulièrement inscrits dans l’annuaire de leurs associations professionnelles respectives, et dispensées à ce titre de tout ou partie de la formation requise.

L’exonération de TVA exclut donc, dans sa rédaction actuelle, une partie des personnes autorisées à faire usage légal du titre de psychologue ainsi que du titre de psychothérapeute. En effet, la liste des diplômes et certifications reconnus pour exercer le titre de psychologue est plus large que celle pour être recruté comme psychologues de la fonction publique hospitalière. De même, les psychothérapeutes ne bénéficiant pas des diplômes requis sont exclus de l’exonération.

Or, la Cour de justice de l’Union européenne a rappelé, dans une décision préjudicielle concernant l’application d’un taux de TVA réduit aux psychothérapeutes exerçant au Pays-Bas, que « les exigences d’une application correcte et simple des exonérations [prévues à l’article 132 de la directive TVA] ne saurait permettre aux États membres de porter atteinte ni aux objectifs poursuivis par la directive ni aux principes de droit communautaire, en particulier le principe d’égalité de traitement, lequel est reflété, en matière de TVA, par le principe de neutralité fiscale ». En effet, ce principe s’oppose à ce que « des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA ». La Cour précise à ce titre que « l’exclusion d’une profession (…) de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l’exonération de la TVA prévue (…) n’est contraire au principe de neutralité fiscale que s’il peut être démontré que les personnes exerçant cette profession ou activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles aptes à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de cette même réglementation nationale, de l’exonération » ([70]).

Dans ce cadre, le Conseil d’État a jugé, conformément à la décision préjudicielle de la CJUE, que compte tenu de l’évolution de la réglementation nationale applicable aux prestations de soins en litige, qu’il était contraire « au principe de neutralité fiscale de regarder les personnes exerçant l’activité de psychothérapeute sans être titulaires de l’un des diplômes désignés au 1° du 4 de l’article 261 du CGI comme insusceptibles de disposer, de ce seul fait, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celui des prestations fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l’exonération » ([71]).

Les dispositions législatives actuelles concernant les personnes éligibles à l’exonération semblent, dès lors, contraires au principe de neutralité de la TVA, puisque les distorsions de concurrence entre les praticiens titulaires d’un des diplômes requis, à la date de sa délivrance, pour être recruté comme psychologue dans la fonction publique hospitalière, et les praticiens non titulaires d’un tel diplôme mais autorisés à faire usage du titre de psychothérapeute et de psychologue, ne semblent plus justifiées par une différence de qualité de prestation. En effet, l’ensemble des psychologues et psychothérapeutes sont désormais soumis à des conditions de formations et/ou de qualifications afin d’être autorisés par les ARS à faire légalement usage de leurs titres professionnels. Or, l’ensemble des conditions à l’inscription en tant que professionnel de santé sur le registre ADELI des psychologues et psychothérapeutes ont notamment vocation à garantir un niveau de qualité des prestations identiques pour chacune de ces professions.

La position de l’administration fiscale a d’ailleurs déjà évolué puisque, de manière additionnelle à la condition du diplôme, elle considère désormais que « l’exonération est également applicable aux praticiens, qui, après examen de leur situation individuelle par l’autorité administrative compétente, se sont vus reconnaître les qualifications professionnelles requises pour faire légalement usage des titres de psychothérapeute et psychologue » ([72]).

II.   Le dispositif proposÉ et les enjeux juridiques

Au regard de l’évolution de la réglementation sur l’usage des titres de psychologues et de psychothérapeutes, le critère de la détention de certains diplômes pour bénéficier de l’exonération de TVA apparaît fragile juridiquement puisqu’elle induit une distorsion de concurrence entre les différents professionnels concernés, contraire au principe de neutralité fiscal inhérent à la directive européenne relative au système commun de TVA. En effet, l’exclusion d’une profession du bénéfice de l’exonération de TVA est considérée comme contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA s’il peut être démontré que les personnes exerçant cette profession disposent de qualifications professionnelles aptes à assurer un niveau de qualité équivalent à celui fourni par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l’exonération.

Le présent article modifie le 1° du 4 de l’article 261 du CGI afin d’étendre l’exonération de TVA actuelle aux soins pratiquées par les praticiens, non titulaires du diplôme requis à la date de sa délivrance pour être recrutés comme psychologue dans la fonction publique hospitalière, mais autorisés à faire usage légalement du titre de psychologue et de psychothérapeute. Il met ainsi fin aux critères de détention de l’un des diplômes requis pour être recruté au sein de la fonction public hospitalière, et dispose désormais que peuvent bénéficier de l’exonération les praticiens autorisés à faire usage légalement du titre de psychologues et de psychothérapeutes.

Il est concrètement proposé d’étendre l’application de la TVA :

– aux psychothérapeutes ayant validé la formation requise en psychopathologie et étant titulaire d’un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychanalyse ;

– aux psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations respectives, ayant validé la formation minimale requise en psychopathologie et inscrit à ce titre sur le registre des psychothérapeutes ;

– aux psychologues titulaires de l’une des qualifications permettant de faire un usage professionnel de la psychologie mais ne permettant pas de faire acte de candidature au concours de psychologue de la fonction publique hospitalière, à savoir notamment les psychologues titulaires de la licence mention psychologie et d’un master mention psychologie, du diplôme d’État de psychologie scolaire, du diplôme de psychologue du travail délivré par le Conservatoire national des arts et métiers ou du diplôme d’État de conseiller d’orientation – psychologue ;

Il met ainsi fin aux distorsions de concurrence en matière d’exonération de TVA entre, d’une part, les praticiens titulaires du diplôme requis pour être recruté comme psychologue dans la fonction publique hospitalière et, d’autre part, les praticiens autorisés à faire légalement usage des titres de psychothérapeute et psychologue mais non titulaires d’un tel diplôme. Il permet ainsi de mettre en conformité le droit actuel avec la jurisprudence du Conseil d’État qui s’appuie elle-même sur le principe de neutralité fiscale de la TVA inhérent à la directive européenne relative au système commun de TVA.

En revanche, la différence de traitement entre, d’une part, les psychanalystes détenteurs de l’un des diplômes requis pour être recruté dans la fonction publique hospitalière et, d’autre part, les psychanalystes non détenteurs d’un tel diplôme, semble toujours justifiée au motif qu’il n’existe pas à ce jour un encadrement des qualifications professionnelles minimales pour exercer ce titre. Aussi, à défaut d’une réglementation de l’usage du titre ou de la profession de psychanalystes, le critère actuel est conservé, à savoir la détention de l’un des diplômes pour être recruté comme psychologue dans la fonction publique hospitalière.

III.   L’impact budgétaire attendu

La liquidation de la TVA s’effectuant sur la base d’un rythme mensuel voire trimestriel lorsque le redevable dépasse un seuil de TVA collectée, le coût de la mesure est évalué à 14 millions d’euros en 2018 et à 15 millions d’euros à partir de 2019. Le nombre de psychologues et psychothérapeutes imposables à la TVA et qui bénéficieraient de la mesure s’élèverait à 1 917 praticiens.

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La commission adopte l’article 6 sans modification.

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Après l’article 6

La commission examine en discussion commune les amendements identiques ICF113 de Mme Véronique Louwagie et I-CF279 de M. Patrick Hetzel ainsi que l’amendement I-CF649 de M. Charles de Courson.

Mme Véronique Louwagie. Lorsqu’une entreprise achète un véhicule, les règles de TVA applicables dépendent de la nature du véhicule. La loi fiscale opérant une distinction entre les véhicules pour le transport des personnes et les autres : pour les premiers, l’entreprise ne peut déduire aucune TVA, à l’exception des véhicules destinés à des activités économiques, tels qu’auto-écoles, véhicules d’entreprises de location, taxis. En revanche, il n’existe pas de dispositions particulières pour les sociétés offrant des stages de pilotage sur circuits, les centres d’enseignement de la conduite responsable et les centres d’éco-conduite. Je propose de corriger l’application de la doctrine pour permettre à ces entreprises de déduire la TVA au même titre que les exceptions existant déjà.

M. Patrick Hetzel. La question présente une acuité particulière en zone frontalière. Dans l’Est de la France, la concurrence se fait avec des entreprises allemandes soumises à une fiscalité différente. Cette disposition permettrait un rééquilibrage de la concurrence et le maintien des emplois en France.

M. Charles de Courson. Il s’agit en effet de mettre fin à une distorsion de concurrence dans les zones frontalières, pour éviter que les gens n’aillent en Allemagne, en Belgique ou au Luxembourg.

M. le Rapporteur général. Les activités en question consistent principalement à initier à la conduite de véhicules sportifs haut de gamme, sur des circuits automobiles pour de la conduite de vitesse. La jurisprudence des tribunaux administratifs a retiré la qualification d’enseignement à ce type d’activités, qui ne peuvent être assimilées à une activité dédiée exclusivement à l’enseignement de la conduite : si tel était le cas, elles devraient avoir pour objet « d’assurer la formation, sur un plan théorique et pratique, des personnes qui souhaitent apprendre la conduite des véhicules aptes à emprunter les voies de circulations terrestres ». Ces amendements visent en fait à contourner la jurisprudence. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Il ne s’agit pas seulement de conduite de loisir. Ces circuits sont des espaces d’expérimentation, d’alternative à la pratique sur route, avec une politique de prévention et de sécurité routière. Il y a de la conduite de loisir et de la conduite sportive mais pas uniquement ; les aspects de prévention prennent une part de plus en plus importante.

M. le président Éric Woerth. Il y a clairement, dans ce domaine, un traitement inéquitable entre les sociétés par l’administration fiscale.

M. Nicolas Forissier. J’ai un circuit dans ma ville, et une école de pilotage. Cette école fait un travail de formation qui a énormément de conséquences en matière de sécurité routière. Certes, des gens viennent y suivre des stages de formation sur des Formule 3 000 et veulent rouler vite, mais ils apprennent en même temps la maîtrise du freinage et la sécurité. Je suis très surpris par votre argument. La distorsion de concurrence est bien réelle.

M. Charles de Courson. L’argument du Rapporteur général ne concerne qu’une partie du champ, à savoir les circuits automobiles pour grosses cylindrées. S’il conteste la pertinence des amendements pour cette partie du champ, il n’a qu’à les rectifier en la retirant et en ne gardant que les centres de formation. L’encadrement diplômé pour des brevets pour l’exercice de la profession d’enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière ou des brevets professionnels de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport, ce n’est pas pour de la conduite rapide...

Mme Amélie de Montchalin. Un de nos objectifs dans ce projet de loi de finances est d’éviter de couvrir le sujet de la TVA de manière catégorielle. S’il y a un problème de concurrence, les services peuvent le pointer. Je comprends que certains collègues ont des circuits dans leurs circonscriptions, mais veillons à travailler dans l’intérêt général, sans passer trop de temps sur des catégories socioprofessionnelles spécifiques.

M. Patrick Hetzel. L’intérêt général, chère collègue, nous le représentons tous, vous n’en avez pas le monopole. Les emplois partent en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg : est-ce cela que vous voulez ? Ce ne sont pas des mesures catégorielles : nous préférons seulement que les emplois restent en France.

M. Philippe Vigier. L’article 5 sur les services à la personne ne serait-il pas catégoriel ? L’article 6 sur les psychothérapeutes ne serait-il pas catégoriel ? Ces véhicules utilisés sur les circuits participent d’un enjeu national, celui de la prévention routière et la lutte contre l’accidentologie. La France est un des deux pays d’Europe ayant la plus grande attractivité en matière de circuits automobiles : les Suisses louent nos circuits.

M. le Rapporteur général. Ayant un circuit dans ma circonscription, je connais le problème ; en outre je suis frontalier. Reste que l’activité majeure de ces circuits, aux termes de la jurisprudence des différents tribunaux administratifs qui se sont prononcés, est une activité de loisir sportif. Ces centres introduisent tous de l’éco-conduite, un éco-machin, un éco-truc : c’est ce qu’on appelle du « greenwashing ». Mais de là à créer un régime de TVA particulier pour chaque activité dans sa circonscription...

M. le président Éric Woerth. Ce n’est pas seulement une question de circonscription. Nous avons toujours ce type de débats s’agissant de la TVA. Il s’agit de s’assurer qu’il n’y a pas de la part de l’administration fiscale une différence de doctrine entre les uns et les autres. C’est cela, l’intérêt général. À chaque fois que le législateur n’est pas clair, l’administration fiscale s’engouffre dans la brèche.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF466 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Tout à l’heure, monsieur le président, vous avez expliqué que l’impôt était injuste par nature. Nous considérons quant à nous que l’impôt peut être juste, quand il est progressif. Or, s’il est bien un impôt injuste, c’est la TVA, qui touche tous les ménages de manière non proportionnelle et non progressive. C’est pourquoi nous proposons de revenir au taux de 19,6 % au lieu du taux actuel de 20 %. Comme beaucoup d’entre vous donnent souvent le modèle allemand en exemple, cela permettrait de nous rapprocher de l’Allemagne, où il est de 19 %.

M. le Rapporteur général. Que la TVA ne soit pas un impôt redistributif, c’est une réalité, puisque c’est une taxe sur la consommation. Cela dit, la mesure proposée représenterait une perte fiscale d’environ 3 milliards d’euros et le respect des prévisions d’équilibre budgétaire ne le permet pas en l’état actuel des finances publiques. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

La commission en vient à l’amendement I-CF465 de Mme Muriel Ressiguier.

M. le Rapporteur général. Nous présenterons des amendements sur les biens de luxe visés par cet amendement, qui répondront, je pense, au légitime souci de nos collègues. Je partage l’idée que certains biens de luxe non productifs ne doivent pas échapper à toute forme de fiscalité.

La commission rejette cet amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF463 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Éric Coquerel. Il s’agit de ramener de 5,5 % à 5 % le taux de TVA applicable aux produits de première nécessité, notamment les produits alimentaires et d’hygiène, mais aussi les produits agricoles, de pêche, de pisciculture et d’aviculture n’ayant subi aucune transformation. Ce sont des secteurs importants pour l’économie et écologiquement utiles. La baisse de ce taux aura aussi pour effet de relancer la consommation populaire.

Je précise que le coût de l’amendement I-CF466 était d’un peu plus de 3 milliards d’euros, soit l’équivalent de la baisse de l’ISF que vous vous apprêtez à réaliser.

M. le Rapporteur général. Le coût de celui-ci frôle les 10 milliards d’euros, ce qui est un peu délicat... Sur le plan juridique, il est préférable de réserver le taux réduit de 5 % aux biens et prestations de première nécessité au sens strict. Enfin, il est contradictoire que vous proposiez d’appliquer le taux de 5 % sur le caviar, alors que ce dernier est aujourd’hui taxé au taux de 20 % Mais je ne pense pas que vous l’ayez fait exprès.

M. le président Éric Woerth. Qui sait ?

M. Julien Aubert. Je n’étais pas favorable à l’amendement précédent, qui s’attaquait à ce qui fait de l’emploi en France. Un reportage sur les bateaux a été diffusé ce matin : Beneteau crée 500 emplois en contrat à durée indéterminée. On peut vouloir taxer les symboles mais il ne faut pas oublier que la France rayonne par ses industries du luxe, Vuitton et d’autres. En revanche, je pense que le présent amendement donnerait du pouvoir d’achat aux plus modestes.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF238 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit de diminuer le taux de TVA pour le bois de chauffage de 10 % à 5,5 %, considérant que c’est une énergie intéressante et à faible coût. Cela réduirait la facture pour un certain nombre de foyers modestes et ferait entrer ce commerce dans le droit commun de la filière.

M. le Rapporteur général. Certains amendements auront un jour le record des marronniers. Et celui-ci est visiblement du bois de marronnier... Comptabilité faite, c’est le quatre-vingt-cinquième dépôt de cet amendement. Au centième dépôt, je vous offrirai un stère de bois !

Avec un taux de 10 %, le bois de chauffage reste avantagé par rapport aux autres énergies, soumises à un taux de 20 % ainsi qu’à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Nous continuerons de consommer du marronnier : j’émets un avis défavorable à la destruction de cette espèce !

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF609 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Vous vous rappelez tous du rapport de Véronique Louwagie et Razzy Hammadi rendu le 22 juin 2016, dans lequel ils avaient conclu qu’il existait une anomalie fiscale dans le traitement de la margarine par rapport au beurre : celui-ci est taxé à 5,5 % tandis que la margarine l’est à 20 %, alors même que le beurre contient des acides saturés et la margarine des acides non saturés. L’idée est d’égaliser les taux pour favoriser la substitution de la margarine au beurre dans un but de santé publique.

M. le Rapporteur général. Je rappelle que le taux réduit sur le beurre avait été justifié, et approuvé par le Conseil constitutionnel, au motif qu’il s’agissait de favoriser la filière du lait. Je suis certain que cette baisse de taux ne serait pas répercutée par les fabricants et la grande distribution. Cela coûterait de l’argent à l’État sans grand bénéfice pour le consommateur. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques I-CF150 de Mme Valérie Lacroute et I-CF535 de M. Benoit Simian ainsi que l’amendement I-CF302 de M. Fabien Roussel.

Mme Valérie Lacroute. Le taux de TVA appliqué aux transports publics de voyageurs du quotidien, urbains et régionaux, transport scolaire et transport spécialisé pour les personnes en situation de handicap est supérieur à celui des produits de première nécessité. Nous proposons de le ramener au niveau de ce dernier, soit 5,5 %.

M. Benoit Simian. Comme celui de ma collègue, mon amendement I-CF535 vise à appliquer aux transports publics de voyageurs du quotidien un taux de TVA de 5,5 %. Je rappelle que cela est déjà le cas en Allemagne, au Portugal, en Suède et en Norvège ; au Royaume-Uni, ces activités sont exonérées. La Commission européenne n’y voit pas d’inconvénient et les pertes de recettes seraient aisément compensées par des solutions externes, comme une taxe sur le chiffre d’affaires des autoroutes concédées ou sur les cartes grises. Cela concourrait en tout cas à favoriser l’usage des transports du quotidien et, partant, la transition énergétique.

M. Fabien Roussel. Cet amendement tend à appliquer le taux réduit de TVA de 5,5 % aux transports en commun. Il ne s’agit pas d’une mesure catégorielle puisqu’elle concerne le transport des usagers du bus, du métro et des trains, du TER aux trains intercités.

Cette mesure a déjà été discutée sous le Gouvernement précédent ; elle vise à baisser le coût des transports en commun pour les usagers, et à développer les transports en commun, ce qui est singulièrement pertinent au regard des enjeux du défi climatique.

M. le Rapporteur général. Même si, sur le fond, je comprends les préoccupations ayant présidé au dépôt de ces amendements, je rappelle que leur coût s’élèverait à un demi‑milliard pour les seuls transports publics urbains, et ne manquerait pas non plus de représenter un coût non négligeable pour l’ensemble des transports.

Sur le plan juridique, j’insiste sur le fait que la rédaction des deux premiers amendements est trop imprécise, car la notion de « transports du quotidien » ne renvoie pas à une norme précise.

Enfin, je rappelle que la tenue des Assises de la mobilité doit apporter des éléments de solutions globales aux questions de desserte, de mobilité et de fiscalité ; en vous inscrivant dans ce grand débat lancé par la ministre des transports et le Gouvernement, vous pourriez défendre vos idées. Pour l’heure, votre proposition me semble coûteuse et prématurée ; c’est pourquoi mon avis est défavorable.

M. Benoit Simian. Monsieur le Rapporteur général, le manque à gagner est estimé à 270 millions d’euros ; vous mentionnez 500 millions, mais ce chiffre prend en compte le transport aérien et les TGV, qui ne seraient pas concernés par cette mesure.

Au demeurant, je vous concède que cet amendement est de réflexion, et que ce débat trouvera toute sa place dans les Assises de la mobilité.

M. Jean-Pierre Vigier. Je soutiendrai cet amendement car, à travers cette baisse de la TVA, je vois la manifestation d’une certaine solidarité envers les territoires ruraux. Les transports scolaires notamment sont coûteux, et certaines familles ne peuvent pas les prendre en charge.

M. Patrick Mignola. J’entends l’argument juridique du Rapporteur général ; il se trouve qu’une réponse pourrait résider dans le recours aux abonnements. S’agissant d’abonnements pour les transports scolaires ou les personnes en situation de handicap, cas dans lesquels une prestation est achetée, il est possible de définir ce qui relève des transports du quotidien. Dans ce cas, la fragilité juridique est levée, et l’enjeu financier étant moins important que celui que vous évoquez, nous pourrions soutenir ces amendements.

M. le Rapporteur général. À travers les propos de notre collègue, je croyais deviner une âme de conseiller régional...

M. Patrick Mignola. Une âme d’AOT !

M. le Rapporteur général. Les autorités organisatrices de transports ont donc une âme ! Plus sérieusement, la problématique que vous soulevez doit être examinée dans le cadre des Assises de la mobilité, ainsi que la question de ces « migrants alternants » – c’était le terme anciennement employé par la SNCF – qui sont aussi des abonnés.

La commission rejette successivement les amendements

Elle examine ensuite l’amendement I-CF127 de M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement concerne les parcs zoologiques. En 2012 et en 2014, des décisions fiscales avaient relevé le taux de TVA applicable à ces établissements à 10 %.

Cela pourrait sembler anecdotique, mais il s’agit d’un secteur d’activité difficilement rentable ; or, ces zoos remplissent une mission de service public, tant pour leur finalité éducative que pour le maintien de la biodiversité. Du fait de ces taux de TVA, ces structures éprouvent les plus grandes difficultés à investir ainsi qu’à maintenir leur personnel.

À ceux qui douteraient de l’utilité de ces parcs zoologiques, je rappellerai que l’un des plus emblématiques d’entre eux, le zoo de Vincennes, a dès le départ été rattaché au Muséum d’histoire naturelle, car il a été considéré que l’activité pédagogique de maintien de la biodiversité était essentielle et relevait d’une mission d’utilité publique.

C’est pourquoi je propose le retour d’un taux de TVA de 5,5 % pour les parcs zoologiques.

M. le Rapporteur général. Il ne me paraît pas souhaitable de décliner chaque établissement : après les circuits automobiles, les manèges forains, les jardins botaniques, les parcs à thème, etc. Je rappelle que le taux de TVA de 5,5 % ne vise que les produits de première nécessité ; mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF298 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Fabien Roussel. L’amendement propose de continuer dans la voie ouverte par la loi de finances rectificative pour 2016, qui a appliqué le taux de TVA réduit de 5,5 % aux autotests de dépistage du virus du sida. Un rapport avait d’ailleurs été commandé au Gouvernement afin d’évaluer le coût de cette disposition ; ce document devrait être rendu public dans les prochains jours. Mon amendement propose de poursuivre cette expérimentation, ce qui se justifie d’autant plus qu’un certain relâchement a été constaté dans la pratique du dépistage du VIH en France.

M. le Rapporteur général. Je partage d’autant plus votre point de vue que cette mesure a sans doute déjà été adoptée au travers de l’article 61 de la loi de finances pour 2016... Je vous invite donc à retirer votre amendement, car il serait satisfait.

Mme Valérie Rabault. Comme nous avions rencontré quelques difficultés pour faire adopter cette mesure, nous l’avions dans un premier temps mise en place à titre expérimental ; mais peut-être le Rapporteur général pourrait-il me confirmer qu’elle a été pérennisée ?

M. le Rapporteur général. Je le crois.

L’amendement est retiré.

La commission étudie l’amendement I-CF299 de M. Fabien Roussel.

M. Jean-Paul Dufrègne. Le présent amendement propose d’appliquer le taux de TVA à 5,5 % aux produits issus de l’agriculture biologique certifiée, afin de les rendre plus accessibles et d’accompagner le développement de cette filière qui est importante pour les territoires. Afin d’évaluer les conséquences sur les prix et sur la filière de la présente mesure fiscale, il est proposé que le Gouvernement transmette au Parlement un rapport d’évaluation avant l’examen du projet de loi de finances pour 2019.

M. le Rapporteur général. L’essentiel des produits issus de l’agriculture biologique est constitué de produits destinés à l’alimentation humaine, soumis au taux réduit de 5,5 %, à l’exception des boissons alcoolisées, ce qui exclut le vin bio, certains chocolats et le caviar, qui se voient appliquer le taux normal. Les produits agricoles, de la pisciculture et de l’aviculture, qui ne sont pas destinés à l’alimentation humaine, bénéficient du taux intermédiaire de 10 %. L’esprit de votre amendement me paraît satisfait, car il ne me semble pas que vous souhaitiez étendre ce taux de TVA à des produits exclus de cette liste des produits destinés à l’alimentation humaine.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit de l’amendement I-CF301 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Je pensais que le taux de TVA applicable aux produits sous label AOC était de 7 %, mais puisque l’on m’indique qu’il est déjà de 5,5 %, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement I-CF429 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il existe une anomalie dans le code général des impôts puisque tous les logements sociaux ou privés situés dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont taxés à 5,5 %, sauf le logement intermédiaire, taxé à 10 %.

Or nous avons besoin de logements intermédiaires dans ces quartiers puisque nous souhaitons réduire le nombre des logements sociaux. Mon amendement propose donc d’appliquer le même taux à l’ensemble des logements situés dans les QPV afin d’y favoriser la mixité sociale.

M. le Rapporteur général. Cet amendement a déjà été présenté à plusieurs reprises – je n’ai pas fait le décompte comme pour le bois de chauffage – mais plusieurs problèmes avaient été soulevés à son sujet, qui demeurent.

En premier lieu, votre proposition m’apparaît trop complexe, et compliquerait davantage le paysage juridique dans le domaine de la fiscalité du logement, ce qui n’est vraiment pas souhaitable ; la logique actuelle est que le logement social bénéficie d’un taux réduit à 5,5 % et le logement intermédiaire un taux intermédiaire à 10 %.

Par ailleurs, la Cour des comptes a récemment critiqué la complexité des taux de TVA en matière de logement ainsi que l’instabilité législative permanente dans ce domaine, au rythme d’une modification par an. En outre, la cohérence des incitations actuelles serait diminuée, car la mesure galvauderait l’intérêt de la TVA à 5,5 % du logement social si cette nouvelle catégorie de logement intermédiaire ouvre droit aux mêmes avantages fiscaux. En tout état de cause, cela ne favoriserait pas le logement social.

Sur le plan européen enfin, plus on augmente la dépense fiscale dans le domaine du logement intermédiaire, plus on risque de fragiliser la compatibilité avec la « directive TVA » de l’application d’un taux réduit aux livraisons de logement dans ce domaine.

Pour ces raisons, je me range dans la continuité des avis défavorables que cet amendement reçoit depuis des années.

M. François Pupponi. Effectivement, depuis deux années nous essayons d’expliquer la chose suivante : nous sommes contre le ghetto social et partisans de la mixité sociale. Si l’on veut lutter contre le ghetto et pour la mixité, il faut permettre la construction de logements intermédiaires ou privés dans les quartiers comportant beaucoup de logements sociaux. Sur ce point, il me semble que l’assentiment est général.

Toutefois, cette règle n’est pas appliquée à la TVA ; les logements sociaux dont nous ne voulons plus dans nos quartiers bénéficient d’un taux de 5,5 %, les logements privés sont soumis au même taux, et les logements intermédiaires dont nous voulons sont taxés à 10 % ! Au lieu d’encourager l’implantation des logements dont nous avons besoin, nous conservons une mesure contre-incitative.

Je propose de soumettre tous ces logements au même taux de 5,5 % afin que les logements intermédiaires deviennent enfin attractifs. Je pourrais aller plus loin à l’occasion de la séance publique et proposer de soumettre les logements sociaux à un taux de 10 % dans ces quartiers, car nous n’en voulons plus là où il y en a déjà beaucoup.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le Rapporteur général, votre majorité propose de ponctionner 1,4 milliard d’euros sur les bailleurs sociaux : accepteriez-vous que, pour la séance publique, nous proposions d’harmoniser les taux de TVA réduits – particulièrement dans les QPV – applicables au logement social, au logement intermédiaire et au logement privé ?

Pour les finances publiques, cette mesure se traduirait par des plus et des moins, ce qui, en termes d’équilibre budgétaire, serait pratiquement neutre, et apporterait une réelle cohérence dans les territoires. Car, dans les QPV, il n’est pas concevable de voir un maillage mêlant le logement social astreint à un taux de 5,5 % de TVA, le logement intermédiaire à 10 %, et le logement privé à 5,5 %.

M. le Rapporteur général. Dès lors qu’un dispositif m’est proposé, je l’examinerai : je ne peux pas me prononcer sur quelque chose qui n’existe pas. Soumettez-le-moi assez tôt avant la séance publique, car des problèmes de cohérence seront à examiner.

M. François Pupponi. Je souhaiterais que le Rapporteur général m’explique s’il lui semble cohérent que tous les logements se trouvant dans des QPV soient soumis à un taux de TVA de 5,5 %, sauf le logement intermédiaire soumis à un taux de 10 % ? Quelle est la logique du raisonnement ?

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF428 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Nous essayons de créer dans ces QPV un nouveau type de logement, qui se situerait entre les logements financés par un prêt locatif social (PLS) et le logement intermédiaire, afin de permettre aux classes moyennes de pouvoir accéder à des logements en location dans ces quartiers.

Pour favoriser la mixité sociale, il faut des logements attractifs, situés au-dessus du PLS, mais en dessous du logement intermédiaire, et nous proposons d’en soumettre la livraison à un taux de TVA de 5,5 %.

Nous pouvons tous parler de mixité sociale, vouloir que les classes moyennes reviennent dans ces quartiers, mais si nous n’adoptons pas de textes d’incitation fiscale pour y arriver, nous faisons des promesses que nous ne pouvons pas tenir.

M. le Rapporteur général. Je considère que les arguments que j’ai développés tout à l’heure répondent aussi à cet amendement. Préparez en amont de la séance un texte de rédaction globale, et je l’examinerai afin de déterminer si ce plan comporte une réelle cohérence. Pour l’instant, mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 6
Baisse du seuil de logements sociaux pour l’application de la TVA réduite à l’acquisition de logements intermédiaires

La commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF427, I-CF425 et I-CF426 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, on oblige les gens à construire 25 % de logements sociaux lorsque l’on construit du logement intermédiaire. Or il y a déjà trop de logements sociaux dans ces quartiers. Nous proposons donc d’exonérer un certain nombre de constructions de ces 25 % de logements sociaux, là où il y a au moins 40 % de logements sociaux. Il faut arrêter de construire du logement social dans les quartiers où la ghettoïsation est déjà une réalité. Cela me semble relever du bon sens.

Mon amendement I-CF425 propose de limiter le nombre de constructions logements sociaux dans les villes en QPV comptant déjà plus de 40 % de logements sociaux.

M. le Rapporteur général. L’article 13 de la loi de finances initiale pour 2016, à l’initiative de M. Pupponi, a déjà introduit le seuil de 50 %. Je veux bien qu’on essaie chaque année d’abaisser le seuil, mais on finira par atteindre un plancher...

Dans ce domaine, nous avons besoin d’une certaine stabilité, on ne peut pas changer les règles tous les ans en diminuant un seuil ; je ne crois pas que ce soit très stabilisant pour les acteurs économiques. Je donne donc un avis défavorable à ces amendements, qu’il s’agisse du seuil initialement proposé ou d’un seuil de repli.

Mme Sylvia Pinel. Monsieur le Rapporteur général, l’instabilité fiscale, c’est plutôt de ce que vous faites en modifiant les règles applicables aux bailleurs sociaux, au prêt à taux zéro ou à l’investissement locatif... L’objet de ces amendements est d’atteindre les objectifs de mixité sociale en visant à mieux répartir l’offre entre le logement social et le logement intermédiaire. La question n’est pas celle de la modification des règles fiscales, mais celle de la baisse du taux de TVA applicable au logement intermédiaire, afin d’attirer des ménages modestes dans ces quartiers et d’y réunir un panel représentatif de notre population.

L’argument que vous nous opposez ne tient pas et le comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté voulait précisément casser ces ghettos ; avec cette disposition, nous pouvons le faire.

Mme Amélie de Montchalin. Notre majorité a à cœur de réformer en profondeur notre système de logement. Nous aurons tout loisir d’examiner en profondeur notre système de logement social et de mixité sociale. Les débats portant sur les divers dispositifs existants seraient plus utiles dans le cadre de la réforme globale de la politique du logement. C’est une réforme complexe, qui prendra du temps, mais il me paraît un peu décalé de ne vouloir agir que sur les seuls paramètres de la TVA.

M. François Pupponi. C’est pourtant un membre de votre groupe qui a évoqué la ghettoïsation et l’apartheid : c’est une réalité dans ces quartiers. À ce jour, cette majorité n’a pas parlé une seule fois des QPV. Nous vous proposons quelque chose qui va dans le bon sens : faire en sorte de favoriser la construction de logements intermédiaires là où il n’y en a pas. On peut attendre la grande réforme de demain, mais si vous voulez que ça marche, nous pouvons le faire, et tout de suite. C’est comme pour la taxe d’habitation : commençons, et nous verrons si nous pouvons faire mieux.

Monsieur le Rapporteur général, vous invoquez la stabilité, mais dans ce domaine la stabilité, c’est celle de la ghettoïsation. Il ne faut surtout pas de stabilité, mais faire évoluer les choses : stabiliser, c’est maintenir la ghettoïsation sociale de ces quartiers. Je ne saurais l’accepter.

M. Saïd Ahamada. Au sein de cette majorité, nous sommes tous persuadés qu’il faut lutter contre la ghettoïsation de certains territoires. J’appelle néanmoins l’attention sur le fait que, malheureusement, la mixité ne se décrète pas. Les outils proposés sont intéressants, mais il existe aujourd’hui des territoires où vous pourrez implanter ce que vous voudrez comme logements intermédiaires sans parvenir pour autant à instaurer de la mixité sociale.

Nous examinerons ce que vous nous proposerez en ce sens, mais nous devons rester cohérents dans le domaine de la politique de logement que nous souhaitons pour ce pays, et considérer la question dans sa globalité. La modulation de la TVA est un outil, ou peut l’être, mais à condition de demeurer cohérent avec les autres actions conduites en parallèle.

Mme Valérie Rabault. On ne peut pas, comme l’a fait Mme de Montchalin, appeler de ses vœux une réforme globale, et imposer 1,4 milliard d’euros d’économies tout de suite. On peut vouloir réfléchir à la stratégie du logement, et des économies peuvent être envisagées ; mais vous, vous faites les économies d’abord et la stratégie ensuite ; vous m’accorderez qu’il y a là quelque contradiction.

Vous affirmez par ailleurs que la mixité ne se décrète pas. C’est peut-être le cas, mais si nous sommes tous élus ici, c’est pour faire bouger les lignes. Si effectivement nous regardons les trains passer en attendant que la mixité se fasse, elle ne se produira jamais.

Je perçois une contradiction dans vos propos, mes chers collègues : si vous voulez un plan global, il ne fallait pas annoncer 1,4 milliard d’euros d’économies tout de suite.

M. le président Éric Woerth. Comme toujours, le débat enfle et chacun veut parler. Je ne suis pas sûr qu’à l’occasion de l’examen d’amendements, importants il est vrai, portant sur la TVA, il soit opportun de commencer un débat sur le logement.

M. Jean-Louis Bourlanges. La question n’est peut-être pas le logement, mais celle de la pertinence de débattre d’un amendement portant sur le logement dans le cadre qui est le nôtre aujourd’hui. M. Pupponi a raison, monsieur le Rapporteur général, de considérer que la stabilité n’est pas satisfaisante, car la situation telle qu’elle se présente est universellement reconnue comme insatisfaisante pour les raisons qu’il a signalées.

Nous n’avons donc là aucune hésitation, et j’ai percé à jour la technique de Mme de Montchalin, que je comprends très bien, qui consiste à dire que tout sera mieux demain quand on fera une vraie réforme ailleurs. J’ignore si ce sera mieux demain, mais on m’avait appris un faux proverbe chinois : « Au front l’occasion est chevelue, mais elle est chauve à l’arrière. » Autrement dit, il faut la saisir tout de suite par les cheveux, et ce que nous ne ferons pas aujourd’hui sera un an de perdu !

Je veux bien que plus tard nous lancions une grande réforme du logement, mais nous avons là un pouvoir, un système bien documenté, l’argumentaire de M. Pupponi qui convainc la plupart des commissaires présents : allons-y !

M. Patrick Mignola. Pour compléter le propos de notre collègue Bourlanges, j’indiquerais que nous soutenons tous le dispositif du parcours résidentiel, mais que les gouvernements successifs ont échoué à le mettre en œuvre – pour des raisons de produit, de stratégie, de taxation du foncier, et également de taxation de TVA.

S’agissant d’un débat budgétaire, car ce n’est pas ici que nous allons procéder à la refonte de la politique du logement, l’argument de la stabilité ne me paraît pas recevable, comme vient de le montrer Jean-Louis Bourlanges. Sans compter tous les arguments que pourraient soulever les collectivités locales, car, dans le cadre de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « SRU », et de tous les plans locaux de l’habitat votés dans les intercommunalités, la barre des 35 % est d’ores et déjà un fait. En adoptant un taux de TVA adapté à ces 35 %, nous ne ferions que suivre ce qui a déjà été appliqué dans les stratégies des collectivités territoriales.

M. Éric Coquerel. Nous voterons cet amendement. Je concède qu’à travers lui on ne traite pas globalement la question du logement. Mais la baisse annoncée de 1,8 milliard d’euros et l’annonce des concessions faites aux villes qui ne respectent pas les dispositions de la loi « SRU » nous conduisent à évoquer le sujet.

Je tiens à préciser, même si telle n’était pas l’intention des auteurs de ces amendements, qu’à nos yeux, le logement social n’est pas synonyme de ghetto : il existe diverses formes de logements sociaux. D’autant que la présidente de la région d’Île-de-France a récemment décidé de pénaliser les villes qui construisent trop de logements sociaux, au prétexte que cela crée des ghettos.

Mme Stella Dupont. Pour ma part, je considère aussi que la TVA constitue un levier d’action, mais ne saurait être le seul. Nous avons besoin d’une vision d’ensemble ; et il nous revient d’activer les évolutions propices à la concrétisation de cette mixité. Enfin, mon cher collègue, vous dites avoir présenté cet amendement l’an dernier ; pourquoi n’a-t-il pas été adopté ?

M. Gilles Le Gendre. Une réponse rapide à notre collègue Valérie Rabault qui répondait à Amélie de Montchalin.

Je ne peux pas laisser dire que nous nous contentons de réaliser des économies budgétaires en remettant aux calendes grecques la politique du logement. Il se trouve que la baisse des APL a été décidée bien avant que nous accédions au pouvoir ; et nous sommes bien payés pour savoir ce qu’il nous en a coûté de tenir la promesse sur laquelle vous vous étiez engagés.

Quant à la politique du logement, nous la menons effectivement de front en intégrant la baisse des APL dans le budget puisque, comme vous le savez, nous sommes en train de la compenser par une baisse des loyers que nous négocions avec le secteur HLM.

Mme Valérie Rabault. Je ne peux pas laisser M. Le Gendre présenter les faits de la sorte. La baisse de l’APL a été engagée sur des conditions de patrimoine, notamment lorsque les parents des intéressés acquittaient l’ISF. Ce que vous faites, c’est retirer 5 euros par mois à tout le monde : nous ne parlons pas de la même chose ! Cela n’était absolument pas dans les cartons ; nous n’avons jamais eu cette idée saugrenue ! Ou alors, mettez-nous la preuve sous le nez !

Pour répondre à une question plus intelligente, j’indique que la mesure proposée par M. Pupponi n’a pas été votée l’an dernier parce que nous en avions adopté une autre, relativement coûteuse, qui portait sur la fiscalité du logement intermédiaire. La TVA n’était pas concernée, mais nous avons actionné d’autres éléments fiscaux ; nous n’avons pas fait fromage et dessert, mais le dispositif souffrait d’un manque de cohérence. Cet amendement propose de régler ce problème. Au demeurant, nous entendons parfaitement la préoccupation du Rapporteur général de ne pas dégrader le déficit public.

C’est pourquoi, avec François Pupponi et le groupe Nouvelle Gauche, je proposerai un nouvel amendement qui permettra de résoudre la question sans nuire aux comptes publics.

M. le Rapporteur général. J’examinerai la proposition d’amendement de Valérie Rabault. J’indique à Mme Stella Dupont que les deux amendements déposés en 2017 n’ont pas été adoptés parce qu’ayant fait l’objet d’un avis défavorable du Gouvernement.

La commission adopte l’amendement I-CF427 (amendement n° I-578).

En conséquence, les amendements I-CF425 et I-CF426 tombent.

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Après l’article 6

La commission examine en discussion commune les amendements identiques ICF113 de Mme Véronique Louwagie et I-CF279 de M. Patrick Hetzel ainsi que l’amendement I-CF649 de M. Charles de Courson.

La commission aborde l’amendement I-CF217 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Selon la Cour des comptes, le système de TVA interentreprises entraîne une fraude fiscale de 10 milliards d’euros par an. Par ailleurs, la collecte de la TVA par les entreprises leur coûte 1,5 million de journées de travail non productives par mois. Or, dans cette affaire, les entreprises jouent simplement un rôle de banquier. Il ne s’agit bien évidemment pas de supprimer la TVA, mais Bercy ayant réfléchi depuis très longtemps à cette question, le législateur a instauré en 2014 un mécanisme dit d’autoliquidation, notamment pour les sous-traitants du secteur du bâtiment, afin de lutter contre la fraude ; la taxe est désormais acquittée par les donneurs d’ordres, qui la répercutent sur le consommateur final. Je rappelle par ailleurs l’existence d’un système interentreprises au niveau européen : dans ce cadre, les entreprises vendent hors taxe, comme pour l’export.

Nous proposons de simplifier le système en vigueur en évitant le transfert, d’une entreprise à l’autre, de la TVA collectée pour le compte de l’État. Le circuit serait simplifié : entre entreprises, la facturation se ferait hors taxe. La taxe ne serait prélevée que sur la consommation finale, qu’il s’agisse d’une baguette de pain, d’une bouteille d’eau ou d’un bâtiment. Je précise que cet amendement est conforme au droit européen.

M. le Rapporteur général. Cet amendement est intéressant : il vise à transformer la TVA en taxe sur la consommation finale, suivant le système en vigueur aux États-Unis. Ce serait là une petite révolution dans la méthode de collecte de la TVA, à laquelle je ne puis souscrire dans l’immédiat.

D’abord, certaines entreprises s’acquittent de la TVA pour l’ensemble des biens et services, qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d’opérations imposables. Ensuite, la charge administrative occasionnée par la TVA pour les entreprises françaises est l’une des plus faibles aux niveaux mondial et européen. Il faut 31 heures de temps de traitement en moyenne aux entreprises pour se conformer aux règles de TVA en France, contre 43 heures en Allemagne et 56 heures en moyenne dans l’Union européenne ; je passe sur le Brésil, où le temps devient une notion difficile : 1 189 heures !

Ce temps diminue tendanciellement depuis 2008 puisque les logiciels de gestion et de comptabilité permettent un traitement automatique des opérations. De plus, l’encadrement européen de la TVA est extrêmement strict : votre amendement est incompatible avec les principes généraux d’exigibilité et de déduction prévus par la directive TVA. Enfin, la TVA dans sa forme actuelle est une des rares créations françaises que nous soyons parvenus à exporter dans 162 pays depuis 1954. Vous me direz qu’il n’y a pas de record à l’export en la matière...

Comme le débat est intéressant et qu’il mérite plus qu’un simple amendement, je vous invite à la retirer pour le retravailler, sans pour autant nous retrouver dans un système qui transformerait totalement la TVA. Nous pourrions ainsi débattre en séance publique d’un amendement un peu plus stabilisé, au regard du droit européen notamment.

M. Mohamed Laqhila. Je retire mon amendement.

L’amendement I-CF217 est retiré.

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Article 7
Calcul du taux effectif d’imposition et modalités de répartition
du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réforme les modalités de détermination du taux effectif de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) en tirant les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel du 19 mai 2017. Il modifie également les modalités selon lesquelles le produit national de CVAE est réparti entre les collectivités territoriales attributaires.

Le dispositif proposé devrait entraîner, au regard du droit actuel, la réalisation d’un gain annuel pérenne de 340 millions d’euros pour l’État.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016 a prévu que, à compter de 2018, le produit de la CVAE due par les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré serait réparti entre les collectivités territoriales selon la même clé de répartition applicable aux entreprises mutli-établissements

Par une décision du 19 mai 2017, le Conseil constitutionnel a censuré les modalités de calcul du taux effectif de la CVAE due par les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré (qui prévoyaient une consolidation du chiffre d’affaires de l’ensemble des sociétés membres du groupe).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement du Rapporteur général qui substitue à l’abrogation des nouvelles modalités de répartition aux collectivités territoriales du produit de CVAE un report de celles-ci d’un an, en 2019.

I.   L’État du droit

A.   la cvae due par les entreprises

1.   L’assiette et la liquidation de la CVAE

Prévue aux articles 1586 ter et suivants du CGI, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est due par les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 152 500 euros.

L’assiette de la CVAE est constituée de la valeur ajoutée produite par l’entreprise redevable. Définie à l’article 1586 sexies du même code, elle correspond schématiquement à la différence entre :

– d’une part, le chiffre d’affaires, majoré de certains postes, tels que les subventions d’exploitation et la variation positive des stocks ;

– d’autre part, les achats et certaines autres charges.

La valeur ajoutée au sens de la CVAE s’écarte par certains aspects de la valeur ajoutée comptable et de celle définie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), afin d’appréhender le plus exactement possible la richesse produite par les entreprises ([73]).

Cette valeur ajoutée est plafonnée à un certain pourcentage du chiffre d’affaires ([74]) :

– 80 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 7,6 millions d’euros ;

– 85 % pour les autres.

La CVAE est acquittée par les entreprises au moyen de deux acomptes correspondant chacun à 50 % de la CVAE assise sur la valeur ajoutée mentionnée dans la dernière déclaration de résultat. Le paiement de ces deux acomptes intervient au plus tard, respectivement, le 15 juin et le 15 septembre. Le solde est liquidé l’année suivante.

2.   Les taux de CVAE et le dégrèvement barémique

En application du 2 du II de l’article 1586 ter, la CVAE correspond à la valeur ajoutée précédemment définie, multipliée par un taux de 1,5 %.

Ce taux, toutefois, correspond à ce qui est appelé le « taux théorique ». Il sert à calculer le produit de CVAE qui sera réparti aux collectivités territoriales par l’État, qui assure la collecte de l’impôt (Cf. infra, B).

En effet, les sommes acquittées par les entreprises au titre de la CVAE sont calculées par application d’un taux dit « effectif », prévu à l’article 1586 quater du CGI et fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise. Le taux effectif fait l’objet d’un barème progressif, reproduit ci-après.

Barème du taux effectif de CVAE

Chiffre d’affaires (CA)
(en euros)

Taux de CVAE
(en %)

CA < 500 000

0

500 000 ≤ CA ≤ 3 000 000

[0,5 × (CA – 500 000)] / 2 500 000

3 000 000 < CA ≤ 10 000 000

0,5 + [[0,9 × (CA – 3 000 000)] / 7 000 000]

10 000 000 < CA ≤ 50 000 000

1,4 + [[0,1 × (CA – 10 000 000)] / 40 000 000]

50 000 000 < CA

1,5

Les redevables dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500 000 euros sont exonérés de CVAE, le taux effectif étant nul. À l’inverse, ceux dont le chiffre d’affaires excède 50 millions d’euros se voient appliquer le taux normal de 1,5 %. Entre ces deux montants, le taux varie selon les modalités présentées dans le tableau.

Illustration du taux effectif de CVAE

Une société A réalise un chiffre d’affaires de 2,5 millions d’euros. Son taux effectif de CVAE sera de 0,4 % ([0,5 × (2,5 – 0,5)] / 2,5 = 0,4).

Une société B réalise un chiffre d’affaires de 7,5 millions d’euros. Son taux effectif de CVAE sera de 1,08 % (0,5 + [[0,9 × (7,5– 3)] / 7] = 1,08).

Une société C réalise un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros. Son taux effectif de CVAE sera de 1,46 % (1,4 + [[0,1 × (35 – 10)] / 40] = 1,46).

Les recettes effectives de CVAE sont donc inférieures au produit correspondant à l’application du taux théorique de 1,5 %, en raison du dégrèvement barémique prévu. La différence entre le produit de CVAE au taux de 1,5 %, réparti entre les collectivités, et les sommes versées par les redevables, est prise en charge par l’État.

3.   La censure des modalités de détermination du taux effectif de CVAE pour les groupes fiscalement intégrés

Jusqu’en 2017, des règles particulières présidaient au calcul du taux effectif de la CVAE due par les groupes fiscalement intégrés. Ces règles ont été censurées par le Conseil constitutionnel le 19 mai 2017.

a.   La consolidation du chiffre d’affaires au niveau du groupe pour les sociétés relevant de l’intégration fiscale

En vertu du I bis de l’article 1586 quater du CGI, le chiffre d’affaires retenu pour calculer le taux effectif de la CVAE due par chaque société membre d’un groupe fiscalement intégré correspondait à la somme des chiffres d’affaires réalisés par l’ensemble des sociétés membres du groupe (sauf si le montant issu de cette consolidation était inférieur à 7,63 millions d’euros).

L’intégration fiscale

Prévue aux articles 223 A et suivants du CGI, l’intégration fiscale est une modalité de calcul de l’impôt sur les sociétés (IS) pour laquelle peuvent opter, sous conditions, les groupes de sociétés soumis à cet impôt.

Elle consiste à rendre la société mère du groupe fiscalement intégré seule redevable de l’IS dû par l’ensemble du groupe. Une consolidation des résultats est faite au niveau du groupe, permettant une compensation des pertes et profits, et les opérations intragroupes font l’objet de neutralisations pour éviter les doubles impositions.

L’IS acquitté par la société mère peut ensuite être « refacturé » aux filiales, à travers une convention de répartition qui tient compte des résultats de chaque entreprise. Il est toutefois admis que la société mère puisse décider de ne pas répartir cet IS et de supporter effectivement l’intégralité de la charge fiscale du groupe.

Pour constituer un groupe fiscalement intégré, les conditions suivantes doivent être remplies :

– toutes les sociétés membres doivent être soumises à l’IS ;

– la société mère doit détenir, directement ou indirectement, au moins 95 % du capital des sociétés membres ;

– la société mère ne doit pas elle-même être détenue à au moins 95 % par une société soumise à l’IS.

Exemple d’un groupe fiscalement intégré

N.B. : pour l’application du pourcentage de détention indirecte, une détention à 95 % ou plus est assimilée à une détention à 100 % (article 46 quater–0 ZF de l’annexe III du CGI).

Afin de garantir la conformité du droit français au droit de l’Union européenne, deux autres types de groupes fiscalement intégrés existent :

– les groupes horizontaux, constitués de sociétés sœurs, l’une d’elles s’érigeant, pour l’intégration fiscale, en société tête de groupe. Les sociétés sœurs doivent être détenues à au moins 95 % par une société établie dans un État membre de l’Union européenne (« entité mère non résidente ») ;

– les groupes « Papillon » (1), qui permettent l’intégration au groupe fiscalement intégré des sous-filiales françaises détenues à 95 % par la société mère à travers une filiale européenne.

Exemple de groupe horizontal

Exemple de groupe « Papillon »

 

En 2016, 120 000 sociétés étaient concernées par ce régime (2).

(1)    Du nom de la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne ayant conduit à cette possibilité (CJUE, 27 novembre 2008, Société Papillon, n° 418/07).

(2)    Le nombre indiqué dans l’annexe au présent projet de loi de finances Évaluations des voies et moyens, tome II, Dépenses fiscales, à savoir 12 000, est une coquille (ainsi que l’a confirmé l’administration fiscale).

La motivation des modalités particulières de calcul du taux effectif de CVAE pour les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré résidait dans la lutte contre des comportements d’optimisation fiscale.

D’un point de vue économique, les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré constituent dans leur ensemble une seule entité, eu égard aux conditions de détention du capital. Dès lors, il est loisible à la société mère de « filialiser » les sociétés membres du groupe en structurant artificiellement ce dernier en petites entités réalisant chacune un chiffre d’affaires inférieur aux plafonds du barème. Ce faisant, le groupe minore la CVAE due en bénéficiant de taux effectifs réduits.

La consolidation du chiffre d’affaires au niveau du groupe permet de tenir en échec de telles pratiques.

Illustration de l’impact de la consolidation du chiffre d’affaires

Un groupe fiscalement intégré est constitué des trois sociétés suivantes :

– la société A, qui réalise un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros ;

– la société B, qui réalise un chiffre d’affaires de 55 millions d’euros ;

– la société C, qui réalise un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros.

La consolidation du chiffre d’affaires au niveau du groupe conduit à retenir, pour le calcul du taux effectif de CVAE de chacune de ces sociétés, un montant de 185 millions d’euros. Compte tenu du barème, chaque société se verra appliquer un taux de 1,5 %. Ce taux aurait au demeurant été celui applicable même en l’absence de consolidation, compte tenu des chiffres d’affaires respectifs, supérieurs à 50 millions d’euros.

En l’absence de consolidation, le taux effectif supporté par chaque société n’aurait dépendu que de son propre chiffre d’affaires. Compte tenu du niveau de détention, la société A, tête de groupe, aurait pu décider de scinder la société C en quatre entités, C, D, E et F, pour avoir le groupe suivant :

– la société A réalise un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros ;

– la société B réalise un chiffre d’affaires de 55 millions d’euros ;

– la société C réalise un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros ;

– la société D réalise un chiffre d’affaires de 17 millions d’euros ;

– la société E réalise un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros ;

– la société F réalise un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros ;

Les chiffres d’affaires des sociétés issus de l’éclatement de la société C (C, D, E et F) sont chacun inférieurs à 50 millions d’euros. Le taux effectif de chacune de ces sociétés sera donc inférieur à 1,5 % :

– pour la société C, le taux sera de 1,46 % ;

– pour la société D, le taux sera de 1,42 % ;

– pour la société E, le taux sera de 0,89 % ;

– pour la société F, le taux sera de 0,3 %.

Ainsi, en l’absence de consolidation, la restructuration de la société C aurait conduit à réduire les taux effectifs et donc la CVAE due.

b.   L’inconstitutionnalité du critère de l’intégration fiscale et la censure de la consolidation

Par une décision du 19 mai 2017 ([75]), le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) transmise par le Conseil d’État, a déclaré contraires à la Constitution, pour rupture d’égalité devant la loi, les modalités de calcul du taux effectif de la CVAE due par les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré consistant à consolider le chiffre d’affaires au niveau du groupe.

Tout en relevant que le législateur, à travers cette consolidation, avait poursuivi un objectif d’intérêt général tenant à la lutte contre des comportements d’optimisation fiscale, le Conseil constitutionnel a estimé que le critère de l’intégration fiscale ne pouvait utilement être retenu.

L’intégration fiscale est en effet un dispositif propre à l’impôt sur les sociétés (IS) ; elle est dénuée de tout lien avec la CVAE. S’appuyer sur elle pour calculer le taux effectif de CVAE conduit donc à introduire une différence de traitement entre :

– d’une part, les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré ;

– et, d’autre part, celles qui, tout en satisfaisant aux conditions de détention du capital prévues dans l’intégration fiscale, ne constituent pas un tel groupe.

Les secondes, en effet, sont placées au regard de la CVAE dans la même situation que les premières et peuvent tout aussi facilement que celles-ci procéder à des restructurations artificielles ; pourtant, elles n’étaient pas soumises à la consolidation ([76]).

La différence de traitement ainsi constituée méconnaissant le principe constitutionnel d’égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel a censuré la consolidation. Cette déclaration de non-conformité à la Constitution a pris effet à la date de publication de la décision au Journal officiel, soit le 20 mai 2017 ; elle est, par ailleurs, applicable aux affaires en cours et non encore jugées définitivement à cette date.

B.   Les modalités de rÉpartition du produit de CVAE

1.   Les règles de répartition en vigueur en 2017

a.   Détermination de la CVAE reversée aux collectivités

La CVAE bénéficie à l’ensemble des échelons territoriaux, à hauteur de 26,5 % pour le bloc communal (communes et établissements publics de coopération intercommunale –  EPCI), 23,5 % pour les départements et 50 % pour les régions. Cette nouvelle répartition s’est appliquée à compter de 2016 pour la CVAE due par les entreprises et à compter de 2017 pour la CVAE reversée par l’État aux régions et aux départements. Elle découle de l’article 89 de la loi de finances rectificative pour 2015 ([77]).

répartition du produit de CVAE

Collectivités territoriales

Répartition antérieure

Répartition actuelle

Régions

25,0 %

50,0 %

Départements

48,5 %

23,5 %

Bloc communal

26,5 %

26,5 %

Au sein du bloc communal, le produit est affecté à l’EPCI si celui-ci est à fiscalité professionnelle unique (FPU). Pour les entreprises implantées sur le territoire d’une commune membre d’un EPCI à fiscalité additionnelle, il est réparti entre communes et EPCI selon une clé de répartition intercommunale prévue à l’article 1609 quinquies BA du CGI, dépendant des taux de CFE retenu pour les impositions établies au titre de 2010. Les EPCI et leurs communes membres peuvent toutefois prévoir une clé de répartition alternative.

Dans le ressort géographique de la métropole de Lyon, celle-ci est substituée au département pour la répartition du produit de CVAE.

Dans le ressort de la métropole du Grand Paris, la CVAE est perçue au profit de la métropole et de la région Île-de-France.

Le calcul du montant de CVAE reversé chaque année par l’État aux collectivités est prévu par les articles 344 duodecies, 344 terdecies et 344 quaterdecies de l’annexe 3 du CGI.

La CVAE acquittée au cours d’une année N et versée aux collectivités en N + 1 comprend :

– deux acomptes payés en juin et septembre de l’année N servant à payer la CVAE due au titre de N et calculés sur la base de la valeur ajoutée
N – 1 ;

– le solde de la CVAE due au titre de N – 1 acquitté en mai de l’année N et calculé sur la base de la valeur ajoutée N – 1.

Ces produits sont majorés :

– des montants des impositions et paiements tardifs acquittés en N au titre des échéances de CVAE de l’année ou des années précédentes ;

– le cas échéant, du montant du dégrèvement barémique lié à la CVAE due au titre de l’année N – 1.

Ils sont minorés :

– des frais de gestion perçus initialement au profit de l’État en application de l’article 1647 du CGI, dont une fraction est désormais perçue au profit des régions ;

– des restitutions d’excédents accordées en année N.

Ainsi, en année N + 1, les collectivités se voient reverser un montant de CVAE dû au titre de l’année N, le solde de la CVAE due au titre de N – 1 et le dégrèvement barémique lié à la CVAE due au titre de la même année N – 1 : il y a un décalage de deux ans entre la valeur ajoutée N – 1 et le dégrèvement barémique associé à cette valeur ajoutée, versé en N + 1. Le versement de la CVAE se fait selon un principe de caisse : tout ce qui est encaissé une année N, quel que soit le millésime, est reversé en N + 1.

Le montant de CVAE nette encaissée au cours d’une année civile donnée, plutôt qu’au titre d’un millésime de valeur ajoutée, est reversé par douzièmes, mensuellement, aux collectivités. Ce système permet de connaître, dès le début d’une année, les montants définitifs à reverser. Toutefois, il ne peut que contribuer à ce que le produit de CVAE soit perçu comme particulièrement volatile.

b.   Répartition du produit entre les collectivités

Les règles de répartition du produit de CVAE entre les collectivités sont fixées au III de l’article 1586 octies du CGI. La valeur ajoutée, qui constitue l’assiette de la cotisation, est territorialisée, c’est-à-dire imposée dans la commune où le contribuable qui la produit dispose de locaux ou emploie des salariés exerçant leur activité plus de trois mois.

Deux cas doivent être distingués :

– pour les entreprises mono– établissement, toute la valeur ajoutée revient au territoire d’implantation de l’entreprise ;

– pour les entreprises multi-établissements, la valeur ajoutée est imposée dans chacune de ces communes et répartie entre elles au prorata, pour le tiers, des valeurs locatives, et, pour les deux tiers, de l’effectif qui y est employé. En effet, dans ce cas, il est impossible de déterminer la valeur ajoutée produite par chacun des établissements, dans la mesure où cet agrégat économique ne s’apprécie qu’au niveau de la comptabilité de l’entreprise.

Données utilisées pour cette territorialisation

– les effectifs (portés sur la déclaration n° 1330–CVAE–SD) et la valeur ajoutée déclarés en année N, donc constatés au titre de N – 1 ;

– les valeurs locatives foncières des immobilisations imposées à la CFE, au 1er janvier de l’année N ;

– les exonérations applicables à la CVAE due au titre de l’année N, par collectivité.

À défaut de déclaration n° 1330–CVAE–SD des effectifs pour l’année en cours ou l’année précédente, la valeur ajoutée est répartie au prorata des seules bases foncières.

c.   Les territoires industriels

Pour les établissements où la valeur locative des immobilisations industrielles représente plus de 20 % de la valeur locative des immobilisations imposables à la CFE, l’effectif employé et les valeurs locatives sont majorés d’un coefficient 5, conformément au III de l’article 1586 octies du CGI.

Initialement fixé à 2 à compter de 2011, ce coefficient a été porté à 5 par la loi de finances pour 2014 ([78]). La suppression de la taxe professionnelle visait notamment à réduire la pression fiscale pesant sur les entreprises les plus exposées à la concurrence internationale, dont l’industrie. Les pertes de recettes, pour les collectivités accueillant des entreprises industrielles, ont été compensées à l’euro près par des dotations, mais le montant de celles-ci a été figé. Ainsi, le coefficient de 5 vise à maintenir une incitation, dynamique, pour les collectivités, à soutenir l’activité industrielle.

Par ailleurs, les installations de production d’électricité font l’objet d’une règle particulière : lorsqu’un contribuable dispose, dans plus de dix communes, d’établissements comprenant des installations de production d’électricité d’origine nucléaire, thermique à flamme, hydraulique, éolienne, ou photovoltaïque, sa valeur ajoutée est répartie entre les communes où sont situés ces établissements et les autres communes où ce contribuable est établi en fonction de la part de sa valeur ajoutée provenant directement de l’exploitation de ces installations, telle qu’elle ressort des documents comptables. La valeur ajoutée afférente à ces établissements est répartie entre eux en fonction de la puissance électrique installée.

d.   La péréquation

Pour assurer la neutralité de la suppression de la taxe professionnelle, l’article 78 de la loi de finances pour 2010 ([79]) a instauré des mécanismes de compensation :

– entre l’État et les collectivités territoriales d’une part, par le biais de la dotation de compensation de la réforme de taxe professionnelle (DCRTP) ;

– entre les collectivités territoriales elles-mêmes d’autre part, par le biais du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), qui prévoit de prélever les collectivités gagnantes à la réforme pour compenser l’impact pour celles qui y perdaient.

La DCRTP des régions et des départements fait l’objet d’une minoration forfaitaire depuis la loi de finances pour 2017 ([80]). L’article 16 du présent projet de loi de finances propose d’étendre cette minoration à la DCRTP du bloc communal en 2018. La DCRTP dans son ensemble ferait alors partie des « variables d’ajustement », dont la minoration contribue à ce que les concours financiers de l’État aux collectivités respectent un plafond fixé dans le cadre de la programmation pluriannuelle des finances publiques.

Deux dispositifs de péréquation des ressources de CVAE ont été instaurés par l’article 78 de la loi de finances pour 2010 précitée, l’un pour les départements, l’autre pour les régions.

Les crédits du fonds national de péréquation de la CVAE des départements s’élèvent à 89 millions d’euros en 2017 et ceux du fonds national de péréquation des ressources des régions et de la collectivité territoriale de Corse (CVAE, imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux – IFER –, DCRTP, FNGIR) à 92 millions d’euros.

2.   Les règles de répartition prévues à compter de 2018

L’article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016 ([81]) a modifié les règles de répartition présentées ci-dessus. Cet article résulte d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale à l’initiative du Rapporteur général et de Mme Christine Pires Beaune, avec l’avis favorable de la commission et l’avis défavorable du Gouvernement. Le Sénat avait reporté son entrée en vigueur à la répartition de 2018.

L’article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016 précitée vise à consolider la CVAE acquittée par les groupes et à la répartir selon les mêmes modalités que celle acquittée par les entreprises multi-établissements. Seraient concernés les groupes au sens de l’article 223 A du CGI, par parallélisme avec les modalités de calcul du dégrèvement barémique sur la CVAE et avec les modalités de calcul de l’impôt sur les sociétés.

La CVAE acquittée par ces groupes serait répartie en fonction des valeurs locatives et des effectifs, ce qui permettrait de neutraliser les transferts intra-groupes, tout en bénéficiant aux territoires accueillant les unités de production, dans la mesure où la valeur ajoutée produite par salarié est en moyenne supérieure dans les sièges sociaux.

La clé de répartition prévue par l’article 1586 octies du CGI a permis de prendre en compte le cas des entreprises multi-établissements, mais pas celui des entreprises appartenant à un même groupe. Ainsi, deux entreprises mono-établissement appartenant à un même groupe sont imposées sur leur valeur ajoutée respective, dans leur commune d’implantation.

Or, des transferts importants de valeur ajoutée peuvent avoir lieu entre les filiales d’un même groupe. Dès lors, la CVAE acquittée par une entreprise membre d’un groupe est susceptible d’être assise sur une assiette ne reflétant pas fidèlement son activité économique réelle sur le territoire. Tel est notamment le cas de la société mère, qui peut centraliser certaines fonctions et les facturer à ses différentes filiales. Ce risque se révèle d’autant plus fort que les évolutions du tissu productif attestent d’une part croissante des groupes de sociétés dans la création de richesse.

Cette crainte a, de plus, été alimentée par le constat que la région d’Île-de-France, qui accueille une grande partie des sièges sociaux nationaux, concentrait une part prépondérante du produit de CVAE, supérieure même à sa contribution à la valeur ajoutée nationale, c’est-à-dire au PIB.

II.   Le contexte Économique et budgÉtaire

A.   la part de la CVAE dans les recettes des collectivitÉs

1.   La part de la CVAE dans les recettes des collectivités en 2016

Le produit de CVAE réparti aux collectivités territoriales s’est accru de près de 2 milliards d’euros entre 2011 et 2015, ainsi que l’illustre le tableau ci-après.

Évolution du produit national de CVAE (2011-2015

(en milliards d’euros)

Collectivités

2011

2012

2013

2014

2015

Produit national

14,7

15,2

16,3

15,9

16,6

CVAE Régions

3,7

3,8

4,1

4,0

4,2

CVAE Départements

7,2

7,4

7,9

7,7

7,8

CVAE bloc communal

3,9

4,0

4,3

4,2

4,7

NB : la somme des arrondis peut différer de l’arrondi de la somme.

Source : ministère de l’économie et des finances.

En 2016, la CVAE a représenté 19 % de l’ensemble des recettes fiscales des collectivités, mais 86 % de celles des régions, 37 % de celles des départements, et 7 % de celles du bloc communal.

Part de la CVAE dans les recettes des collectivités en 2016

(en millions d’euros)

Échelon territorial

Bloc communal

Départements

Régions

Ensemble

Montant de CVAE

4 466

8 178

4 216

16 861

Part des recettes fiscales

7 %

37 %

86 %

19 %

Part des recettes totales

3,7 %

11,9 %

15,8 %

7,8 %

Source : DGCL.

En 2015, les EPCI ont bénéficié de 78 % du produit du secteur communal, Paris percevant alors, avant la constitution de la métropole du Grand Paris, plus de la moitié du produit communal.

Ces moyennes masquent des situations très disparates, comme l’illustre la carte ci-après : y figure la répartition de la CVAE du secteur communal (pour chaque EPCI et ses communes membres), par habitant, en 2015.

CVAE du secteur communal par habitant en 2015
France hors Mayotte

2.   Les simulations disponibles sur l’impact de l’article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016

a.   Limites méthodologiques

Les premières données communiquées par le Gouvernement au cours de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2016 ont été approfondies et complétées dans le cadre d’un rapport du Gouvernement transmis au Parlement au printemps 2017. Celui-ci n’a pas été publié, mais le rapport d’information de nos collègues sénateurs Charles Guené et Claude Raynal ([82]), en reprend de nombreux chiffrages ainsi que certaines analyses.

Les simulations indiquées ci-après, issues du rapport du Gouvernement, portent sur les reversements de 2016 en tenant compte des nouveaux poids de répartition de la CVAE entre régions et départements, applicables au 1er janvier 2017, sur la base des groupes existants en 2014. Dans son rapport, le Gouvernement souligne deux facteurs pouvant fortement influencer les résultats présentés, et non mesurables dans ces simulations :

– l’impact de la révision des valeurs locatives foncières, à compter de 2017, qui pourrait avoir une incidence sur les effets relatifs de la surpondération actuelle des valeurs locatives des locaux industriels, qui ne sont pas dans le champ de la révision. C’est précisément ce biais que vise à corriger le présent article ;

– le caractère non stable des groupes intégrés fiscalement.

b.   Impact global

La clé de répartition actuelle de la CVAE en fonction de la valeur locative foncière et des effectifs ne joue que pour les entreprises multi-établissements. Si l’article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016 précitée entrait en vigueur, l’application aux entreprises mono-établissement de la modalité de répartition « groupe », jusque-là limitée aux entreprises multi-établissements, entraînerait la redistribution d’environ 300 millions d’euros (sur 1 428 millions d’euros) de CVAE répartie sur le territoire d’implantation d’entreprises mono-établissement, sur le territoire d’entreprises multi-établissements.

Pour les entreprises industrielles, la CVAE répartie en 2016 passerait de 5,596 à 6,204 milliards d’euros, soit des transferts à hauteur de 600 millions d’euros. Selon le Gouvernement, il n’est pas possible de s’« assurer que cette CVAE est transférée sur des territoires industriels, dès lors que l’appréciation du caractère industriel de l’entreprise peut être uniquement dû à un seul de ses établissements ».

c.   Résultats par échelons territoriaux

Les tableaux ci-dessous permettent de comparer la répartition de CVAE reversée en 2016 avec la simulation de répartition selon l’article 51 précité.

Au total, quatre régions seraient perdantes (l’Île-de-France, la Martinique, la Guadeloupe et la Corse), et 13 gagnantes.

La région Île-de-France subirait la perte la plus importante, à hauteur de 174,6 millions d’euros, soit 6,4 % de ses recettes de CVAE. La région Centre-Val de Loire verrait à l’inverse sa ressource augmenter de 7,9 %.

Résultats des simulations par région

(en millions d’euros)

Régions

CVAE simulée reversée en 2016

CVAE simulée en mode groupe

Écart

(en millions d’euros)

(en %)

Île-de-France

2 744,9

2 570,3

– 174,6

– 6,4 %

Martinique

26,8

25,2

– 1,7

– 6,3 %

Guadeloupe

25

24

– 1

– 4,1 %

Corse

27,6

27,2

– 0,4

– 1,4 %

Provence-Alpes-Côte d’Azur

542,8

548,8

6

1,1 %

Guyane

11,7

11,8

0,1

1,2 %

Bourgogne-Franche-Comté

282,2

285,8

3,6

1,3 %

Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente

572,3

581,2

8,9

1,5 %

Languedoci-Midi-Pyrénées

568,4

577,3

8,9

1,6 %

Bretagne

319,7

324,9

5,2

1,6 %

La Réunion

53,8

54,9

1

1,9 %

Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine

597,8

618,2

20,4

3,4 %

Auvergne-Rhône-Alpes

1 013,3

1 049,5

36,3

3,6 %

Pays de la Loire

415,9

431,1

15,2

3,7 %

Les-Hauts-de-France

591,7

622,1

30,4

5,1 %

Normandie

358,2

377,1

18,9

5,3 %

Centre-Val de Loire

289,4

312,2

22,8

7,9 %

Source : DGFiP.

S’agissant des départements, le total des gains et des pertes s’élèverait, en valeur absolue, à 174 millions d’euros, soit 4,5 % de la CVAE qu’ils perçoivent. 16 départements verraient leurs recettes de CVAE diminuer, tandis que 84 d’entre eux verraient leurs recettes augmenter. Dans les deux cas, l’évolution serait en moyenne inférieure à 5 %.

impact de l’application de l’article 51 de la de la loi de finances rectificative pour 2016 pour les départements

Source : données DGFiP, carte commission des finances.

Les départements de la région Île-de-France seraient nettement perdants avec cette nouvelle répartition, en particulier les Hauts-de-Seine (– 36,5 millions d’euros, soit – 11,5 %) et Paris (– 33,6 millions d’euros, soit – 7,5 %).

C’est également le cas, dans des proportions proches, mais pour des sommes moindres, du Territoire de Belfort (– 0,8 million d’euros, soit – 9,8 %), de la Martinique (– 0,8 million d’euros, soit – 6,4 %), de la Guadeloupe
(– 0,5 million d’euros, soit – 4,1 %), de la Haute-Corse (– 0,2 million d’euros, soit – 3,7 %) ou du Vaucluse (– 0,8 million d’euros soit – 3,1 %).

Les variations extrêmes en pourcentage concernent les Hauts-de-Seine
(– 11,5 %) et la Manche (+ 15,3 %).

Pour le bloc communal, le total des gains et des pertes enregistrés par les communes et EPCI s’élèverait, en valeur absolue, à 274 millions d’euros, soit 6,5 % de la CVAE qui leur est attribuée.

Effets de la réforme pour les EPCI

Critère

Gagnants

Perdants

moins de 5 %

de 5 % à 10 %

de 10 % à 15 %

de 15 % à 20 %

plus de 20 %

moins de 5 %

de 5 % à 10 %

de 10 % à 15 %

de 15 % à 20 %

plus de 20 %

Nombre

648

221

117

62

178

585

144

51

25

36

Moyenne
(en milliers d’euros)

39,5

117,8

124,2

119,8

282,8

– 29,6

– 713,6

– 82,6

– 85,7

– 105,5

Médiane
(en milliers d’euros)

4

27,8

28,8

30

94,1

– 2,3

– 14,3

– 28,9

– 30,2

– 34,1

Source : DGFiP.

B.   l’impact de la censure constitutionnelle sur le produit de CVAE

La censure de la consolidation du chiffre d’affaires des sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré est de nature à diminuer les acomptes de CVAE acquittés par les entreprises en 2017, de l’ordre de 300 millions d’euros (d’après les éléments fournis par l’évaluation préalable du présent article).

Sans modification législative, l’État supportera donc une charge supplémentaire de 300 millions d’euros par an – toutes choses égales par ailleurs.

Si la diminution de la CVAE due par les entreprises est, dans l’absolu, neutre pour les collectivités territoriales en raison de la prise en charge par l’État du dégrèvement barémique, le décalage de deux ans entre le paiement des acomptes qui lui sont liés et son versement peut entraîner une perte de recettes pour les collectivités, uniquement en 2018 :

– les collectivités territoriales percevront les acomptes de CVAE acquittés en 2017, moins élevés qu’avant, du fait de la censure ;

– elles percevront le dégrèvement barémique 2016, lui aussi moins élevé que celui de 2017 dans la mesure où il est calculé sur des acomptes plus élevés.

Dès 2019, en revanche, les collectivités récupèrent par le dégrèvement barémique la part de recettes perdues par des acomptes moindres (à droit constant. Ainsi qu’il sera vu, le dispositif proposé a notamment pour effet de surcompenser la perte ponctuelle de recettes par l’octroi aux collectivités d’un gain net en 2019).

III.   Le dispositif proposé

Le présent article apporte à la CVAE deux séries de modifications, l’une sur le calcul du taux effectif, l’autre sur la répartition du produit entre collectivités territoriales.

A.   La mise en conformité à la Constitution des modalités
de calcul du taux effectif de CVAE

Le  du I du présent article s’inscrit dans le cadre de la décision du Conseil constitutionnel du 19 mai 2017 précitée, dont il tire les conséquences en procédant à une réécriture du I bis de l’article 1586 quater du CGI qui avait été censuré pour l’essentiel de son contenu.

● La mise en conformité à la Constitution opérée repose sur un traitement identique des sociétés qui, au regard de la CVAE, se trouvent dans la même situation et pourraient, compte tenu des liens capitalistiques existant entre elles, se livrer à des opérations d’optimisation telles que celles précédemment décrites, indépendamment de leur régime d’imposition des bénéfices ou de celui des sociétés qui les détiennent.

L’identité de traitement consiste en une extension de la consolidation du chiffre d’affaires, qui sera désormais applicable à toutes les entreprises membres d’un groupe qui satisfont aux conditions de détention de capital prévues pour l’intégration fiscale, c’est-à-dire une détention d’au moins 95 % du capital.

Sont indifférents :

– le fait que ces entreprises soient membres d’un groupe fiscalement intégré ou non (parce qu’elles ne le souhaitent pas, ou parce qu’elles ne le peuvent pas – telles les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu) ;

– le fait que ces entreprises soient détenues par une société étrangère, peu important également le régime d’imposition et la composition du capital de celle-ci (le chiffre d’affaires de la société étrangère n’est pas pris en compte pour le calcul du taux effectif de CVAE des sociétés françaises).

● Le présent article conserve la clause de sauvegarde applicable lorsque la somme des chiffres d’affaires des sociétés est inférieure à 7,63 millions d’euros, hypothèse dans laquelle le chiffre d’affaires retenu pour chaque société est le sien, non celui du groupe.

Cependant, compte tenu de la rédaction du second alinéa du I bis, qui prévoyait cette clause et qui n’a pas été censuré, une nouvelle écriture était nécessaire afin de ne plus faire référence à l’intégration fiscale : c’est ce à quoi s’emploie le dispositif proposé.

● La solution proposée par le Gouvernement est similaire, dans son architecture, à celle retenue dans la loi de finances rectificative pour 2016 s’agissant du champ de l’exonération de la contribution de 3 % sur les revenus distribués ([83]).

● Compte tenu de l’absence de précision particulière sur l’entrée en vigueur de ce dispositif, ce dernier sera applicable dès l’entrée en vigueur de la loi de finances résultant de l’adoption du présent projet de loi de finances.

B.   les modifications des modalités de Répartition du produit de cvae

1.   Le maintien des règles applicables en 2017 et l’abrogation de l’article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016

Le II du présent article (alinéa 11) vise à abroger l’article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016 précitée et ainsi à maintenir les règles actuelles de répartition de la valeur ajoutée des entreprises membres d’un groupe fiscalement intégré.

2.   Les arguments du Gouvernement

Le Gouvernement a relevé plusieurs difficultés induites par la réforme, outre l’ampleur des transferts de recettes déjà présentés :

– l’assiette de la CVAE limiterait par elle-même les schémas d’optimisation : les dividendes distribués entre filiales et société mère, de même que les loyers afférents à des périodes de plus de six mois, ne peuvent entraîner une variation artificielle de la valeur ajoutée au sens de la CVAE au sein du groupe ;

– le taux effectif supporté par les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré est le même, puisque le chiffre d’affaires est consolidé au niveau du groupe ;

– la réforme accroît le manque de lisibilité : la variation du produit de CVAE perçu par chaque collectivité, déjà difficile à anticiper, dépendra en outre des décisions prises par la société tête de groupe au sujet du périmètre du groupe (or 22 % des groupes fiscalement intégrés changent de périmètre chaque année). Cela pourrait concerner près de 57 % de la CVAE répartie ;

– la charge administrative des entreprises mono-établissement sera alourdie : dispensées jusque-là de déclarer leurs effectifs, elles devront désormais le faire.

3.   Les observations du Rapporteur général

Selon le Gouvernement, la nécessité d’approfondir les simulations et l’ampleur potentielle de l’impact budgétaire pour certaines collectivités plaident pour une abrogation de l’article 51 précité.

Selon le Rapporteur général, elles plaident tout autant en faveur d’une réforme du dispositif actuel. Afin de maintenir une incitation à un travail approfondi, un report d’un an de l’entrée en vigueur des règles prévues par l’article 51 peut être envisagé, plutôt que son abrogation pure et simple.

En tout état de cause, le Rapporteur général propose de maintenir le III de l’article 51 précité, qui prévoit que chaque année, le Gouvernement remet au Parlement avant le 30 septembre un rapport ayant pour objet l’analyse de la variation tant du produit de CVAE que de sa répartition entre régions et départements.

4.   Le coefficient pour les établissements industriels

Pour favoriser les territoires accueillant des établissements industriels, les effectifs et les valeurs locatives des établissements pour lesquelles les immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) excèdent 20 % de la valeur locative totale sont surpondérés à hauteur d’un coefficient de 5. Or, la révision des valeurs locatives des locaux professionnels prévue par la loi de finances rectificative pour 2010 ([84]) et qui est entrée en vigueur au 1er janvier 2017, a pour effet de réaligner les valeurs locatives des locaux professionnels sur les valeurs de marché. Les valeurs locatives sont assises sur des valeurs calculées à partir des loyers réellement constatés, qui seront ensuite mis à jour par l’administration fiscale à partir des nouvelles déclarations déposées par les redevables des impôts locaux.

Toutefois, la révision ne concerne pas les locaux industriels, dont les valeurs locatives demeurent inchangées. Dès lors, afin de maintenir le poids des établissements industriels dans la clé de répartition de la CVAE, le B du I du présent article (alinéas 5 à 10) propose d’augmenter le coefficient de pondération des valeurs locatives de ces établissements en portant ce coefficient de 5 à 21.

a.   Les locaux industriels dans la clé de répartition de la CVAE

Il s’agit des établissements pour lesquels les valeurs locatives des immobilisations industrielles évaluées dans les conditions prévues aux articles 1499 et 1501 du CGI représentent plus de 20 % de la valeur locative des immobilisations imposables à la CFE, obtenue avant application éventuelle de l’abattement de 30 % prévu par l’article 1467 du CGI.

Il n’existe pas de définition légale des établissements industriels soumis à la méthode d’évaluation comptable prévue à l’article 1499 du CGI pour la détermination de la valeur locative des immobilisations passibles de la TFPB. Cette notion est précisée par la doctrine administrative.

Définition et consistance des établissements industriels
selon le Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP)

Pour établir la distinction entre les locaux commerciaux visés à l’article 1498 du CGI et les établissements industriels, la doctrine administrative caractérise les établissements industriels par la mise en œuvre d’un outillage important.

Ainsi, les établissements industriels visés à l’article 1499 du CGI doivent s’entendre :

– des usines et ateliers où s’effectue, à l’aide d’un outillage relativement important, la transformation des matières premières ainsi que la fabrication ou la réparation des objets ;

– des établissements n’ayant pas ce caractère mais où sont réalisées :

• soit des opérations d’extraction (carrière de pierres, par exemple) ;

• soit des opérations de manipulation ou des prestations de services (marchand en gros utilisant notamment des engins de levage de grande puissance tels que grues, ponts roulants et monte-charge ou des installations de stockage de grande capacité telles que réservoirs et silos ; blanchisserie automatique ; teinturerie ; entreprise de conditionnement, etc.) et dans lesquels le rôle de l’outillage et de la force motrice est prépondérant.

La question de savoir si un établissement est muni d’un outillage suffisant pour lui conférer le caractère industriel ne peut être résolue que d’après les circonstances de fait. En particulier, la présence d’un matériel informatique ne confère pas, à elle seule, à l’établissement un caractère industriel.

En outre, l’exonération de cotisation foncière des entreprises ne fait pas perdre à un établissement son caractère industriel (exemple : entreprises de presse, concessionnaires de mines, sociétés coopératives ouvrières de production, etc.).

La qualification d’établissement industriel est indépendante de la nature des opérations qui y sont réalisées.

Ainsi, revêtent un caractère industriel au sens de l’article 1499 du CGI, les établissements dont l’activité nécessite d’importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels, outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d’une autre activité, est prépondérant.

L’article 1501 du CGI prévoit que des modalités particulières d’évaluation peuvent être fixées par décret en Conseil d’État pour des catégories de locaux, établissements ou installations de caractère industriel ou commercial, acquis ou créés avant 1974, lorsqu’il existe dans différentes communes des biens de cette nature présentant des caractéristiques analogues.

Ces locaux sont évalués selon la méthode dite du barème, ou par comparaison.

Selon la DGFiP, en 2016, 75 % des locaux industriels sont évalués selon la méthode comptable, et 19 % par comparaison, mais cette proportion est très variable selon les départements.

DÉNOMBREMENT DES LOCAUX INDUSTRIELS SELON LA MÉTHODE D’ÉVALUATION
DES VALEURS LOCATIVES

Part de locaux industriels évalués par méthode comptable

Part de locaux évalués d’après le bail

Part de locaux évalués par comparaison

Part de locaux évalués par voie d’appréciation directe

Part de locaux évalués spécifiquement (transformateurs électriques et appareil à gaz)

Nombre total de locaux

75 %

1,8 %

19 %

4,2 %

0 %

146 145

Source : DGFiP.

b.   Le champ de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels

La révision s’applique aux valeurs locatives des propriétés bâties affectées à une activité professionnelle. La très grande majorité des locaux industriels actuellement évalués selon une méthode comptable, fondée sur le prix de revient des terrains et constructions, ne sont toutefois pas concernés par cette réforme.

Les valeurs locatives n’entrent pas dans l’assiette de la CVAE, mais elles sont prises en compte dans sa territorialisation, quand une entreprise dispose de plusieurs établissements situés dans des communes différentes. Il est prévu que les valeurs locatives révisées soient intégrées pour la CVAE reversée par l’État aux collectivités en 2018. Cet impact n’a pas pu être précisément évalué.

Globalement, au niveau national, la révision conduit à multiplier par 5,6 en moyenne la valeur locative brute moyenne des locaux professionnels par rapport à son niveau actuel, qui date de la méthode d’évaluation retenue en 1970, tous locaux confondus. Elle recouvre des situations très différentes, selon les départements et les différentes catégories de locaux et d’activités économiques.

Cet impact sur les bases est fortement atténué par deux dispositifs, le coefficient de neutralisation et le « planchonnement », qui visent à ce que la réforme s’effectue à charge fiscale constante pour les contribuables. Ils ne concernent donc que le calcul des cotisations de taxe d’habitation, TFPB et CFE.

Rien de tel n’a été prévu pour la clé de répartition du produit de CVAE. C’est ce à quoi le présent article vise à remédier.

Le coefficient précité de 5,6 en moyenne résulte des simulations réalisées par la DGFiP, pour les locaux soumis à la CFE (1,6 million d’établissements étudiés). Il varie de 3,1 en Martinique à 8,1 en Corse-du-Sud, selon les indications fournies par la DGFiP. Il ne peut être retenu en l’état pour la CVAE pour deux raisons.

Le périmètre des locaux retenu pour la détermination du coefficient de 21 est un sous-ensemble des locaux imposables à la CFE. Il a été déterminé sur le seul périmètre des locaux rattachés à des entreprises multi-établissements comportant au moins un établissement industriel et qui participent à la répartition de la CVAE.

Ce coefficient de 21 a été déterminé à partir de simulations fondées sur les valeurs locatives révisées retenues pour l’imposition à la taxe foncière et à la CFE au titre de 2017, c’est-à-dire après l’importante campagne de fiabilisation opérée par les services de la DGFIP, et sur la totalité des locaux.

Sur le champ des entreprises multi-établissements comportant au moins un établissement industriel, pour les seuls locaux entrant dans le champ de la révision, le coefficient multiplicateur entre valeurs locatives 1970 revalorisées 2017 et valeurs locatives révisées ressort à 4,6. Dès lors, les valeurs locatives des locaux industriels n’étant pas révisées, leur poids dans la répartition de la CVAE s’en trouve amoindri, c’est la raison pour laquelle il est proposé d’augmenter le coefficient actuel de surpondération de 5.

Ce coefficient est porté à 21 et non pas à 5 × 4,6 = 23. En effet, au sein des entreprises multi-établissements comportant au moins un établissement industriel, certains locaux sont hors du champ de la révision des valeurs locatives et ne sont par ailleurs pas des locaux industriels (le coefficient de surpondération de 5 ne s’applique donc pas) : il s’agit notamment des locaux évalués par barème. Dès lors, pour maintenir le poids des établissements industriels, le coefficient est mathématiquement inférieur à 23.

La modification du coefficient de surpondération a pour objectif de maintenir le poids des valeurs locatives des locaux industriels des entreprises multi-établissements comportant au moins un établissement industriel par rapport à la valeur locative totale de ces multi-établissements. Ce poids est déterminé par le ratio suivant :

total des valeurs locatives industrielles des locaux des entreprises multi-établissements comportant au moins un établissement industriel

total des valeurs locatives industrielles des locaux des entreprises multi-établissements comportant au moins un établissement industriel + total des valeurs locatives révisées des locaux de ces multi-établissements + total des valeurs locatives non révisées et non industrielles de ces multi-établissements

IV.   L’impact budgétaire et économique

A.   Un gain annuel pérenne de 340 millions d’euros pour l’État

D’après son évaluation préalable, le présent article devrait conduire à la réalisation d’un gain annuel pérenne de 340 millions pour l’État.

Ce gain résulte de la mesure de consolidation du chiffre d’affaires pour calculer le taux effectif de CVAE. Les modifications apportées aux règles de répartition du produit de CVAE entre collectivités, quant à elles, devraient être neutres au niveau national. Le tableau suivant fait état de la chronique budgétaire de la mesure.

impact des modalités de calcul du taux effectif de cvae

(en millions d’euros)

Bénéficiaire

2018

2019

2020

2021

2022

État

+ 340

0

+ 340

+ 340

+ 340

Collectivités territoriales

0

+ 340

0

0

0

TOTAL

+ 340

+ 340

+ 340

+ 340

+ 340

Source : évaluation préalable.

1.   Un gain de 340 millions d’euros pour l’État dû à un moindre dégrèvement barémique

Le gain de 340 millions d’euros correspond à une économie réalisée au titre du dégrèvement barémique, qui diminue du fait de la hausse des sommes versées par les entreprises.

Ce gain se répartit comme suit :

– 300 millions de recettes supplémentaires au titre de la CVAE due par les entreprises membres d’un groupe fiscalement intégré, par rapport à l’état du droit résultant de la décision du Conseil constitutionnel (il s’agit donc d’un gain relatif correspondant au rétablissement du droit antérieur à la censure) ;

– 40 millions de recettes supplémentaires au titre de la CVAE due par les entreprises nouvellement incluses dans le champ de la consolidation (il s’agit là d’un gain net, y compris par rapport au droit antérieur à la censure).

2.   La particularité de l’impact budgétaire en 2019

Si l’État enregistrera un gain pérenne, en 2019, ce seront les collectivités territoriales qui gagneront 340 millions d’euros. Cette rupture de la chronique s’explique par le décalage du versement du dégrèvement barémique par rapport à celui des acomptes. Ainsi qu’il a été vu, en année N + 1, l’État verse aux collectivités les acomptes acquittés par les entreprises en N au titre de la CVAE due en N, le solde de la CVAE due au titre de l’année N – 1 et le dégrèvement barémique de la CVAE due au titre de l’année N – 1.

En conséquence, la variation du montant des acomptes versés une année donnée ne conduit à un ajustement via le dégrèvement barémique que deux ans plus tard. S’agissant de l’impact du dispositif proposé en 2019, la justification est la suivante :

– pour l’État, une neutralisation du gain dû aux surplus d’acomptes encaissés en 2019 par une augmentation égale des acomptes distribués cette même année aux collectivités (qui correspondent aux acomptes payés en 2018 à l’État) ;

– pour les collectivités, un gain net dû à l’augmentation des acomptes 2018 distribués en 2019 et à la perception du dégrèvement barémique 2017, plus élevé en raison d’un montant d’acomptes moindre cette année-là.

À compter de 2020, en revanche, le dégrèvement barémique comme les acomptes correspondraient au droit issu du présent article, entraînant ainsi une économie pour l’État qui s’avère neutre pour les collectivités territoriales.

Les deux tableaux ci-après illustrent l’impact consolidé du dispositif proposé, pour l’État et les collectivités territoriales. Ces tableaux ayant pour unique objectif de montrer l’évolution de l’impact, ils reposent sur des chiffres ronds et supposent une valeur ajoutée et un chiffre d’affaires constants d’un exercice à l’autre, dans un souci de lisibilité. Aussi, en dehors du montant du gain annuel de 340 millions d’euros réalisé à compter de 2018, les chiffres présentés ne correspondent pas réellement aux flux de CVAE sur la période considérée ([85]).

impact consolidé pour l’État du dispositif proposé

(en millions d’euros)

 

Postes

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Droit existant

Acomptes N (A)

+ 12 000

+ 12 000

+ 11 700

+ 11 700

+ 11 700

+ 11 700

+ 11 700

Dégrèvement barémique N (1) (B)

4 000

4 000

4 300

4 300

4 300

4 300

4 300

Acomptes N – 1 (C)

– 12 000

– 12 000

– 12 000

– 11 700

– 11 700

– 11 700

– 11 700

Dégrèvement barémique N – 2 (D)

– 4 000

– 4 000

– 4 000

– 4 000

– 4 300

– 4 300

– 4 300

Solde (E) (A+C+D)

 4 000

 4 000

 4 300

 4 000

 4 300

 4 300

 4 300

Droit proposé

Acomptes N (A’)

+ 12 000

+ 12 000

+ 11 700

+ 12 040

+ 12 040

+ 12 040

+ 12 040

Dégrèvement barémique N (1) (B’)

4 000

4 000

4 300

3 960

3 960

3 960

3 960

Acomptes N – 1 (C’)

– 12 000

– 12 000

– 12 000

– 11 700

– 12 040

– 12 040

– 12 040

Dégrèvement barémique N – 2 (D’)

– 4 000

– 4 000

– 4 000

– 4 000

– 4 300

– 3 960

– 3 960

Solde (E’) (A’+B’+C’)

 4 000

 4 000

 4 300

 3 660

 4 300

 3 960

 3 960

Différence droit proposé / droit existant (E’–E)

0

0

0

+ 340

0

+ 340

+ 340

(1) La ligne « Dégrèvement barémique N » correspond à la différence entre le produit de CVAE, supposé constant, et la CVAE acquittée en N. Il est versé en N + 2 aux collectivités territoriales.

Source : commission des finances.

impact consolidé pour les collectivités territoriales
du dispositif proposé

(en millions d’euros)

 

Postes

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Droit existant

Acomptes N –1

+ 12 000

+ 12 000

+ 12 000

+ 11 700

+ 11 700

+ 11 700

+ 11 700

Dégrèvement barémique N – 2

+ 4 000

+ 4 000

+ 4 000

+ 4 000

+ 4 300

+ 4 300

+ 4 300

Total (A)

+ 16 000

+ 16 000

+ 16 000

+ 15 700

+ 16 000

+ 16 000

+ 16 000

Droit proposé

Acomptes N –1

+ 12 000

+ 12 000

+ 12 000

+ 11 700

+ 12 040

+ 12 040

+ 12 040

Dégrèvement barémique N – 2

+ 4 000

+ 4 000

+ 4 000

+ 4 000

+ 4 300

+ 3 960

+ 3 960

Total (A’)

+ 16 000

+ 16 000

+ 16 000

+ 15 700

+ 16 340

+ 16 000

+ 16 000

Différence droit proposé / droit existant (A’–A)

0

0

0

0

+ 340

0

0

(1) La ligne « Dégrèvement barémique N » correspond à la différence entre le produit de CVAE, supposé constant, et la CVAE acquittée en N. Il est versé en N + 2 aux collectivités territoriales.

Source : commission des finances.

B.   La pertinence de l’extension de la consolidation du chiffre d’affaires pour le calcul du taux effectif de CVAE

Pour tirer les conséquences de la censure décidée par le Conseil constitutionnel le 19 mai 2017, le Gouvernement a choisi d’étendre la consolidation du chiffre d’affaires, qui prévalait pour les sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré avant cette décision, à toutes les sociétés satisfaisant à la condition de détention d’au moins 95 % du capital, placées dans la même situation que les premières au regard de la CVAE.

Une autre possibilité aurait consisté à ne pas rétablir la consolidation – ni, a fortiori, à étendre cette dernière – pour laisser le droit en l’état.

Une telle solution aurait maintenu l’allégement de la charge de CVAE résultant de la censure, là où celle retenue par le Gouvernement, par rapport au droit issu de la censure, accroît cette charge.

Cependant, le choix gouvernemental semble être le seul réellement satisfaisant.

En premier lieu, le maintien du droit résultant de la censure, et donc la disparition totale de la consolidation, aurait conduit à faire peser sur le budget de l’État une charge accrue du fait de l’augmentation mécanique du dégrèvement barémique qu’il assume. Le choix gouvernemental préserve donc les finances publiques et permet même à celles-ci d’être améliorées.

En deuxième lieu, le principe de la consolidation n’a été, en lui-même, ni contesté ni critiqué par le Conseil constitutionnel, au contraire. Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a en effet reconnu que l’objectif poursuivi par le législateur à travers la consolidation, à savoir la lutte contre l’optimisation fiscale, était d’intérêt général. C’est simplement le critère de l’intégration fiscale auquel était adossée la consolidation, et non cette dernière, qui a conduit à la censure.

Enfin, en troisième lieu, le dispositif proposé permet de compenser la perte de recettes 2018 des collectivités, qui résulte de l’application de la censure constitutionnelle, mais aussi d’octroyer à celles-ci un gain net de 40 millions d’euros en 2019 par rapport à la situation qui aurait découlé d’une absence de censure.

Dès lors, la consolidation proposée est non seulement pertinente, mais également nécessaire.

*

*     *

 

*

*     *

La commission étudie l’amendement I-CF295 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans une décision de mai 2017, le Conseil constitutionnel a indiqué que les modalités de calcul du taux effectif de la CVAE n’étaient pas conformes à la Constitution. En conséquence, nous aurions dû retenir pour ce calcul la notion d’agrégation. Or vous proposez au contraire que les entreprises rattachées à une même entité, sans être dans le même groupe, soient considérées comme étant dans le périmètre de l’entreprise mère. Voilà une mesure assez originale, mais qui risque encore une fois d’être inconstitutionnelle. Je propose donc la suppression pure et simple de l’article 7.

M. le Rapporteur général. La suppression de l’article 7 aurait pour effet de priver l’État de 340 millions d’euros de recettes.

Mme Marie-Christine Dalloz. Auparavant, c’était 300 millions...

M. le Rapporteur général. La consolidation du chiffre d’affaires des sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré ou qui remplissent les conditions pour en constituer un me paraît parfaitement justifiée : il s’agit de se prémunir contre des schémas d’optimisation fiscale reposant sur une restructuration artificielle de groupes en petites entités, via la filialisation. Le Conseil constitutionnel a rendu une décision en mai dernier, qui a conduit au dispositif proposé à l’article 7. Il avait d’ailleurs reconnu que l’objectif poursuivi par le législateur au travers de la consolidation, alors limitée aux seuls groupes fiscalement intégrés, était d’intérêt général. J’émets donc un avis défavorable à votre amendement.

Mme Christine Pires Beaune. Il ne faut surtout pas supprimer cet article, qui a un triple objet.

Tout d’abord, il tire les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel de mai dernier.

Il porte ensuite les coefficients de surpondération qui sont appliqués aux établissements industriels de 5 à 21, au motif que la revalorisation des valeurs locatives des locaux professionnels change la donne. Seule question que je me pose : pourquoi 21 ?

Enfin, nous avons toujours milité pour que la CVAE soit appréhendée dans une logique de groupe, justement pour neutraliser les mouvements de filialisation et donc les prix de transfert. Ce principe de consolidation, après des années de bataille et avec votre perspicacité, monsieur le Rapporteur général, a été voté en loi de finances rectificative pour 2016. Il faut donc conserver cette disposition, mais en la reportant à 2019, ce qui nous permettra, dans le cadre d’un groupe de travail dont le principe vous agrée, monsieur le Rapporteur général, de vérifier comment se répartit effectivement la valeur ajoutée. Bien que nous ayons réclamé à plusieurs reprises au Gouvernement des monographies de nos territoires, nous n’avons jamais rien obtenu. Au vu de ces monographies et des conclusions de ce groupe de travail, nous pourrons effectivement légiférer en connaissance de cause.

M. Gilles Carrez. Je ferai plusieurs observations.

S’agissant du I de l’article 7, lié à la décision du Conseil constitutionnel, il faut savoir que s’applique au montant de la CVAE un dégrèvement barémique et que le taux de cette cotisation se situe entre 0 et 1,5 % maximum, en fonction du chiffre d’affaires de la société concernée. Les groupes peuvent donc être tentés de s’éclater en plusieurs filiales réalisant un petit chiffre d’affaires pour bénéficier au maximum du dégrèvement barémique de CVAE. C’est la raison pour laquelle, en ce qui concerne les groupes fiscalement intégrés, nous avons décidé dès le début, quand nous avons réformé la taxe professionnelle, de nous référer, pour calculer le dégrèvement barémique, au chiffre d’affaires consolidé : autrement dit, quelle que soit la taille de la filiale d’un groupe, le taux applicable est de 1,5 %. Cela étant, le Conseil constitutionnel a jugé qu’on ne pouvait s’appuyer sur la notion de groupe fiscalement intégré sans créer une rupture d’égalité.

Nous avons abordé le sujet au premier semestre dans le cadre d’un groupe de travail qui comprenait notamment Christine Pires Beaune et j’avais cru comprendre que le Gouvernement s’acheminait plutôt vers une solution consistant à tout déconsolider. Or, voilà que nous découvrons qu’au contraire, le projet de loi de finances prévoit une consolidation maximale. Cela veut-il dire, monsieur le Rapporteur général, qu’en lieu et place d’une perte de recettes de 300 millions d’euros, l’État va en gagner 340 millions ? Reste à savoir combien coûterait un contentieux... Cela étant, cette première disposition me paraissant protectrice des finances publiques, j’y serai plutôt favorable.

Le II de l’article 7 concerne, comme Christine Pires Beaune l’a souligné, la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, sachant que la valeur locative des locaux industriels, depuis toujours, est calculée non pas selon le système des valeurs cadastrales mais en fonction des bilans. De ce fait, la valeur des locaux industriels, n’étant pas révisée, ces locaux voient leur part minorée et les communes ayant des locaux industriels sont défavorisées dans la répartition de la CVAE. C’est le raisonnement « Société générale » : il faut que l’employé de l’antenne de Saint-Amand-Montrond rapporte autant de CVAE à Saint-Amand-Montrond que le trader à Puteaux... Nous avions donc décidé à l’époque de tout répartir selon des critères physiques en favorisant les établissements industriels ; mais le coefficient de surpondération des établissements, qui est aujourd’hui de 5, n’est pas suffisant. C’est pourquoi le projet de loi de finances le porte à 21. J’imagine, monsieur le Rapporteur général, que ce chiffre ne sort pas de je ne sais quel chapeau : avez-vous les simulations ayant permis d’en arriver à ce choix ?

Enfin, j’en viens au III de l’article 7. L’amendement de notre collègue Christine Pires Beaune, que nous avons adopté en 2016, conduit à des résultats qu’il convient de méditer. Si on l’appliquait aujourd’hui, la région d’Île-de-France perdrait 175 millions d’euros. Quant à la métropole du Grand Paris, elle perdrait 88 millions. Sa marge de manœuvre actuelle étant de 30 millions, la métropole disparaîtrait – ce qui ne serait d’ailleurs pas plus mal car cela simplifierait le paysage. Enfin, Paris et les autres départements de la région perdraient 100 millions d’euros. Ce sont des transferts absolument colossaux. Nous avons reçu le 10 mai du Gouvernement un rapport, que doit avoir Christine Pires Beaune, totalement opposé à cette mesure en raison de ces transferts colossaux qui, de surcroît, ne correspondent pas à l’évolution de la CVAE par région. Et ce n’est pas l’Île-de-France qui l’a captée : depuis que la CVAE existe, la valeur ajoutée de l’Île-de-France a connu une progression conforme à la moyenne nationale. Le rapport que nous a communiqué le Gouvernement est à cet égard tout à fait défavorable.

L’amendement du Rapporteur général reportera la mesure à 2019, mais le problème restera entier. Si vous souhaitez mettre en faillite certaines entités, il suffit de maintenir le dispositif Pires Beaune.

M. le Rapporteur général. Je disais tout à l’heure que la mesure rapporterait 340 millions d’euros à l’État – mais pas seulement : en 2019, elle rapportera 340 millions d’euros aux collectivités territoriales.

S’agissant du calcul permettant d’arriver au coefficient de 21, l’article 7 vise à neutraliser exactement l’impact de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels qui, je le rappelle, ne concerne pas les locaux industriels. Je fournirais dans mon rapport le détail de ce calcul que j’ai réclamé à la direction générale des finances publiques.

Plus généralement, je demeure défavorable à l’amendement de Mme Dalloz. Nous devons arriver à faire la vérité sur ces procédés de fausse filialisation au sein de groupes intégrés, et qui ne sont rien d’autre que de l’optimisation fiscale.

Mme Marie-Christine Dalloz. On ne peut pas dire, monsieur le Rapporteur général, que cela va rapporter de l’argent aux collectivités territoriales et, en même temps, parler d’optimisation fiscale. Nous ne sommes pas en maternelle ! La CVAE est certes perçue par les départements et les régions, mais ce dispositif est fait pour éviter l’optimisation fiscale qui fait perdre de l’argent à l’État. Si j’ai déposé cet amendement, c’est bien parce qu’il y a un écart de recettes fiscales considérable entre le dispositif initial et ce que vous proposez.

M. Gilles Carrez. Il faut effectivement reconnaître que cet article représente une charge supplémentaire de 340 millions d’euros pour les entreprises, ce qui n’est pas rien. Cela dit, j’y suis plutôt favorable.

La commission rejette l’amendement I-CF295.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF569 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Cet amendement vise à reporter d’un an l’application du dispositif issu de l’article 51 de la loi de finances rectificative pour 2016.

Je rappelle que nous nous sommes retrouvés à devoir voter cet article sans avoir en main toutes les données nécessaires. Nous réclamons donc certaines d’entre elles auprès du Gouvernement. Le dispositif adopté l’année dernière semblant ne pas tourner convenablement, il nous faut le réviser de façon à obtenir un résultat probant. L’idée est que la valeur ajoutée soit taxée là où elle est produite. Dans ce pays, on a quand même une propension à considérer qu’il y a une captation de la valeur ajoutée par les sièges, qui détourne complètement de l’objectif initial la notion même de valeur ajoutée.

Certains ont crié au combat de la province contre Paris, ce qui n’est pas tout à fait exact : même si beaucoup de sièges sociaux se trouvent en région parisienne, il en est aussi dans des villes de province qui procèdent de la même façon et y rapatrient tous les éléments constitutifs du calcul de la valeur ajoutée.

Je comprends qu’on puisse considérer que mon amendement ne tournait pas. Il aurait bien tourné si nous avions eu les éléments nécessaires, mais il se trouve qu’on ne nous les a pas donnés. Notre dispositif a un peu affolé les uns et les autres car il va retirer des recettes à plusieurs villes, dont certaines de l’agglomération parisienne. Mais il a aussi permis de mettre en exergue la situation de territoires bénéficiant d’avantages fiscaux indus parce qu’y sont fictivement implantés, osons le dire, des sièges sociaux. Notre système d’imposition apparaît de temps en temps complètement vicié quand il aboutit à créer des paradis fiscaux internes à notre pays !

Si je vous propose de reporter d’un an l’application de l’article 51, c’est pour nous laisser six mois pour mener une mission sur le sujet et ainsi clarifier le dispositif de la CVAE. Nous conserverons ainsi la partie de l’article relative à l’obligation de production du rapport sur la répartition de la valeur ajoutée. Je ne voudrais pas que l’on supprime ce que nous avons réussi à obtenir...

M. Gilles Carrez. Si je reprends la parole sur cet amendement, c’est que le sujet représente des enjeux financiers considérables et qu’il est au cœur de toutes les discussions engagées, notamment à l’initiative du Président de la République lui-même, sur l’organisation institutionnelle de la région d’Île-de-France.

Je suivrai volontiers le Rapporteur général, à condition que l’on tienne compte de l’évolution de la valeur ajoutée des régions depuis qu’a été créée la CVAE. Si l’on constate – comme le fait le Gouvernement dans un rapport récent qu’a entre les mains Mme Pires Beaune – que depuis la création de la CVAE, la valeur ajoutée n’a pas augmenté en Île‑de‑France plus vite que la moyenne, cela voudra dire qu’il n’y a pas de problème. C’est si l’on constate le contraire qu’il faudra s’interroger.

La question que nous nous sommes posée avec Christine Pires Beaune est la suivante : prenez le siège social d’un très grand groupe situé à La Défense, autour duquel on fait venir des filiales – l’une gérant les brevets, une autre, la trésorerie, une autre encore, le personnel. Dès lors que ces filiales rapportent, de façon indépendante et non consolidée, de la valeur ajoutée, cette dernière, au lieu d’être redistribuée sur l’ensemble du territoire national où l’entreprise a des établissements, sur la base des effectifs et des locaux, sera totalement captée par le territoire dans lequel le siège social est implanté. Nous avons eu beau réclamer au Gouvernement un échantillon afin de vérifier la validité de notre raisonnement, nous ne l’avons pas eu. Or, c’est un point que n’éclaircit pas le rapport qui nous a été remis par l’exécutif. Nous avons tenu plusieurs réunions de travail en février-mars dernier et nous nous sommes heurtés à un mur. Il faut donc que nous reprenions cette affaire, de la façon la plus équitable et la plus objective possible.

M. le Rapporteur général. Je vous confirme, monsieur Carrez, que les éléments objectifs que vous souhaitez obtenir concernant l’évolution de la valeur ajoutée font partie de ceux que nous avons demandés au Gouvernement. On ne peut effectivement pas dissocier la réflexion sur la répartition de la CVAE d’une analyse de son évolution.

Mme Christine Pires Beaune. Je voterai évidemment cet amendement de bon sens. Je précise que l’étude du Gouvernement – qui en rejoignait une autre, réalisée auparavant par l’Inspection générale de l’administration – comporte une erreur d’analyse. Lorsque dans tout son rapport, le Gouvernement soutient et démontre une thèse que vient contrarier la carte figurant à la fin dudit rapport, c’est qu’il y a un problème. Et celui-ci est simple : le Gouvernement a pris l’exemple de la Franche-Comté, affirmant que ce n’était pas une région industrielle. À ceci près qu’on a comparé la valeur ajoutée de la région en valeur absolue à la valeur ajoutée nationale... Avec pareil raisonnement, on aboutit évidemment à une contre‑vérité. C’est pourquoi nous avons réclamé des monographies. Il n’est pas question ici de péréquation, monsieur Carrez, mais simplement de justice sociale : la valeur ajoutée est‑elle bien redistribuée en fonction de la valeur ajoutée produite sur tous nos territoires ? Les critères de répartition de la valeur ajoutée sont connus : il s’agit de la surface et du nombre de salariés. Si l’on constate que la valeur ajoutée d’un groupe est redistribuée différemment de la manière dont elle est produite sur le territoire, il y a un problème.

Mme Émilie Bonnivard. Je vous prie de m’excuser : un contretemps m’a empêchée de défendre mon amendement I-CF57. Je remercie donc le Rapporteur général d’avoir identifié le problème. Il importe que ce qui a été obtenu de haute lutte au terme de cinq années de débats puisse être mis en application : une répartition plus juste de la CVAE, une territorialisation de la fiscalité économique. Nos collectivités locales portent en effet des charges propres au développement économique, telles que l’aménagement des zones d’activité. Cette mesure, inscrite en loi de finances rectificative pour 2016, était juste : elle visait à une meilleure répartition, tenant compte de la situation géographique, de l’activité économique et des dépenses de nos collectivités. J’espère que nous pourrons, tous ensemble, au-delà de nos différences de sensibilité, rétablir ce dispositif.

M. Charles de Courson. On peut toujours repousser les réformes. L’un des inconvénients de l’amendement Giraud, qui décale d’un an l’application de la mesure, est que cela va encore coûter 300 millions d’euros supplémentaires puisque les entreprises vont réclamer l’application de la décision du Conseil constitutionnel.

M. le Rapporteur général. Ce n’est plus le sujet dont nous débattons.

M. Charles de Courson. Le Conseil constitutionnel ayant annulé une partie du dispositif de l’article 51 de la loi de finances rectificative, certaines entreprises vont demander à être remboursées du trop-perçu.

M. le Rapporteur général. L’amendement dont nous débattons vise l’alinéa 11 et a pour objet de repousser la date de répartition du produit de la CVAE. Nous ne parlons donc pas de la même chose.

M. Charles de Courson. Il est aberrant de retenir la somme des chiffres d’affaires au sein d’un groupe non consolidé.

M. Gilles Carrez. Votre remarque renvoie à l’amendement de Mme Dalloz.

M. Charles de Courson. Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement a retenu un coefficient de 21 qui me paraît peu cohérent avec l’étude d’impact. On court à la catastrophe dans cette affaire...

M. le président Éric Woerth. Encore une fois, vos remarques ne portent pas sur l’amendement de M. Giraud. Nous avons déjà discuté de ces questions.

Mme Amélie de Montchalin. Notre majorité constate que le débat reste ouvert et que le système actuel n’est pas opérant en l’état. C’est pourquoi, si nous ne souhaitons pas repousser le sujet aux calendes grecques, nous soutenons pleinement l’idée de demander au Gouvernement la publication d’un rapport dans les six mois pour trouver une solution applicable. Nous voterons l’amendement de M. Giraud.

Mme Christine Pires Beaune. Je précise que ce n’est pas un rapport du Gouvernement que nous demandons, mais une mission parlementaire, ce qui est fort différent. Et je tiens à rassurer M. Carrez : si l’on devait changer quoi que ce soit, nous prévoirions évidemment un lissage dans le temps de cette modification.

La commission adopte l’amendement I-CF569 (amendement n° I-580).

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

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Article 8
Prorogation et aménagement du crédit d’impôt
pour la transition énergétique (CITE)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article comporte deux mesures :

– il proroge le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) d’une année ; sont éligibles à l’avantage fiscal les dépenses payées jusqu’au 31 décembre 2018, au lieu du 31 décembre 2017 ;

– il modifie le champ des équipements éligibles au crédit d’impôt : il exclut les chaudières à haute performance énergétique utilisant le fioul comme source d’énergie, à compter du 27 septembre 2017, et il fait de même pour les fenêtres, volets isolants et portes d’entrée donnant sur l’extérieur, à compter du 28 mars 2018, après avoir ramené, pour ces dernières dépenses, le taux du crédit d’impôt de 30 % à 15 % pour la période comprise entre le 27 septembre 2017 et le 27 mars 2018.

Le présent article se traduirait par de moindres pertes de recettes d’impôt sur le revenu en 2018, à hauteur de 115 millions d’euros, et par une dépense fiscale de 875 millions d’euros en 2019.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2015 a porté le taux du crédit d’impôt à 30 % pour tous les équipements éligibles, en supprimant la condition de réaliser un « bouquet » de travaux pour bénéficier de l’avantage fiscal ; ces modifications sont entrées en vigueur dès le 1er septembre 2014.

La loi de finances pour 2016, puis celle pour 2017, ont prorogé le crédit d’impôt chacune pour une année.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement de M. Barrot (MODEM) décalant au 1er janvier 2018 la fin de l’éligibilité des chaudières à fioul au CITE ainsi que la baisse du taux de 30 % à 15 % pour les fenêtres, portes et volets isolants ; il décale également de trois mois, au 30 juin 2018, la sortie de ces derniers équipements du champ du CITE.

La commission a également adopté deux amendements identiques de Mmes Louwagie et Dalloz (LR), qui étendent le champ du CITE au coût de la pose des pompes à chaleur géothermiques.


I.   L’état du droit

A.   Un crédit d’impôt qui a fait l’objet de réformes successives au cours des dernières années

1.   Le principe du crédit d’impôt

La loi de finances pour 2015 ([86]) a procédé à la modification du nom de cet avantage fiscal, qui, auparavant intitulé « crédit d’impôt en faveur du développement durable » (CIDD), est devenu le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE). Si ce dispositif, prévu par l’article 200 quater du CGI, a connu de multiples évolutions depuis sa création par la loi de finances pour 2000 ([87]), son principe n’a pas été modifié : les contribuables, propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit de leur habitation principale peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l’amélioration de la qualité environnementale et pour la rénovation énergétique de leur logement. Chaque ménage, imposable ou non, peut bénéficier du crédit d’impôt. Si le montant du crédit d’impôt est supérieur à celui de l’impôt dû, l’excédent lui est restitué.

Les dépenses éligibles à l’avantage fiscal, qui ont elles aussi évolué au cours du temps, comprennent notamment l’acquisition de chaudières à haute performance énergétique, de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées et des parois opaques, de volets isolants et de portes d’entrée donnant sur l’extérieur, d’appareils de chauffage fonctionnant au bois ou à d’autres biomasses, d’équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable, ou encore de pompes à chaleur et d’appareils de régulation de chauffage.

Le montant de l’ensemble des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt ne peut excéder un plafond pluriannuel : pour un même logement occupé par le contribuable, le montant des dépenses prises en compte ne peut excéder, au titre d’une période de cinq années consécutives comprise entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2017, la somme de 8 000 euros pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 16 000 euros pour un couple marié ou lié par un pacte civil de solidarité, soumis à une imposition commune. Cette somme est majorée de 400 euros par personne à charge.

Enfin, le CITE est soumis au plafonnement global des avantages fiscaux prévu par l’article 200-0 A du CGI, fixé à 10 000 euros.

2.   Les multiples aménagements apportés au dispositif au cours des dernières années

Le dispositif en vigueur résulte de nombreux aménagements réalisés au cours des années précédentes.

● À compter de la loi de finances pour 2011 ([88]), les modifications apportées au dispositif ont visé pour l’essentiel à renforcer la maîtrise de la dépense fiscale, alors que celle-ci avait fortement crû depuis 2005. Les lois de finances pour 2011 et pour 2012 ([89]) sont ainsi venues réduire les taux du crédit d’impôt et supprimer certaines dépenses éligibles à l’avantage fiscal.

S’inscrivant dans cet objectif de rationalisation de la dépense fiscale, la loi de finances pour 2014 ([90]) a procédé à une réforme d’ampleur : elle a notamment subordonné le bénéfice de l’avantage fiscal à la réalisation d’un « bouquet » de travaux, sauf pour les contribuables dont le RFR était inférieur à certains plafonds ([91]), tout en harmonisant et simplifiant les taux applicables aux différents équipements, et en excluant les propriétaires bailleurs du bénéfice de l’avantage fiscal.

● Puis la loi de finances pour 2015 est venue rompre avec les mesures précédentes en faveur de la réduction de la dépense fiscale, en réformant à nouveau le CIDD, devenu le CITE, afin de le rendre plus attractif et d’inciter davantage les ménages à investir dans la rénovation énergétique de leur logement.

De nouveaux équipements sont devenus éligibles au crédit d’impôt ([92]), tandis que la condition de réaliser un « bouquet » de travaux pour obtenir l’avantage fiscal – pour les contribuables dont les ressources sont supérieures à certains seuils – a été supprimée. Le taux du crédit d’impôt a été porté à 30 % pour l’ensemble des dépenses, au lieu, auparavant, de 15 % ou 25 % selon les cas.

Ces différentes modifications sont entrées en vigueur dès le 1er septembre 2014, afin qu’elles produisent leurs effets le plus rapidement possible.

● Alors que l’avantage fiscal devait s’appliquer pour les dépenses payées jusqu’au 31 décembre 2015, la loi de finances pour 2016 ([93]) a prorogé le dispositif d’une année, jusqu’au 31 décembre 2016, tout en apportant quelques aménagements de portée mineure.

Les dépenses relatives à l’installation de chaudières à condensation et d’équipements de production d’électricité fonctionnant à partir de l’énergie éolienne ont été exclues du bénéfice du crédit d’impôt, tandis que les chaudières à haute performance énergétique sont devenues éligibles.

L’éligibilité des dépenses au crédit d’impôt a été étendue aux travaux réalisés par une entreprise donneuse d’ordre qui recourt à un sous-traitant, pour l’installation ou la pose des équipements qu’elle facture, ou pour la fourniture et l’installation ou la pose de ces mêmes équipements.

Le montant du crédit d’impôt applicable aux équipements mixtes, qui combinent des équipements de chauffage ou de fourniture d’eau chaude sanitaire utilisant l’énergie solaire thermique et des panneaux photovoltaïques (qui sont exclus de l’avantage fiscal) a été aménagé. Les dépenses sont désormais retenues dans une double limite : une limite de surface de capteurs solaires à prendre en compte fixée par arrêté et l’application à la surface ainsi déterminée d’un plafond de dépenses par mètre carré de capteurs solaires. Il s’agissait de mettre fin aux abus constatés ces deux dernières années consistant à intégrer des panneaux photovoltaïques dans un équipement bénéficiant de l’avantage fiscal afin de contourner l’exclusion affectant ces derniers.

Enfin, le bénéfice du CITE a été conditionné à la réalisation par l’entreprise d’une visite préalable à l’établissement du devis afférent aux travaux (cette obligation ne concernant toutefois que les travaux dont l’éligibilité au CITE est subordonnée au respect par l’entreprise de critères de qualification).

● Enfin, la loi de finances pour 2017 ([94]) est venue proroger d’une année supplémentaire le bénéfice du crédit d’impôt, soit jusqu’au 31 décembre 2017, tout en étendant la possibilité de cumuler cet avantage avec l’éco-prêt à taux zéro à tous les contribuables, quelles que soient leurs ressources, de façon rétroactive, à compter du 1er mars 2016.

Fondement

Aménagements

Assiette

Taux

Articles 36 et 105
de la loi de finances pour 2011

– suppression du crédit d’impôt pour les dépenses de parement des matériaux d’isolation thermique des parois opaques

– diminution de moitié du taux applicable aux panneaux solaires, de 50 % à 25 %

– diminution uniforme des taux de 10 % au titre du « rabot »

Articles 81 et 83
de la loi de finances pour 2012

– suppression du crédit d’impôt pour le changement de fenêtres d’une maison individuelle hors bouquet de travaux

– introduction de plafonds d’assiette pour les équipements solaires

– non -reconduction de l’éligibilité des logements neufs au-delà de 2013

– introduction des chaudières à micro-cogénération gaz

– diminution uniforme des taux de 15 % au titre du « rabot »

– bonification du taux en cas de « bouquet » de travaux

– diminution du taux pour l’installation de panneaux photovoltaïques

– Prorogation de trois années du crédit d’impôt, jusqu’au 31 décembre 2015

Article 74

de la loi de finances pour 2014

– suppression du crédit d’impôt pour les équipements de récupération et de traitement des eaux pluviales et pour les panneaux photovoltaïques

– exclusion des propriétaires bailleurs du bénéfice du crédit d’impôt

– nécessité de réaliser un « bouquet » de travaux pour bénéficier du CIDD, sauf pour les ménages au revenu fiscal de référence inférieur à un certain seuil ;

– harmonisation des taux, avec la fixation d’un taux de 15 % pour les dépenses en action seule et de 25 % pour celles en « bouquet »

Article 3

de la loi de finances pour 2015

– extension de l’assiette à de nouveaux équipements, notamment les appareils permettant d’individualiser les frais de chauffage ou d’eau chaude sanitaire et les systèmes de charge pour véhicule électrique

– suppression de la condition de réaliser un « bouquet » de travaux pour bénéficier du CITE – y compris pour le changement de fenêtres dans une maison individuelle

– fixation d’un taux unique de 30 %, pour tous les équipements

Article 106

de la loi de finances pour 2016

– prorogation d’une année du crédit d’impôt, jusqu’au 31 décembre 2016

– obligation de faire effectuer par l’entreprise une visite préalable à la réalisation des travaux (cette obligation ne concernant toutefois que les travaux dont l’éligibilité au CITE est subordonnée au respect par l’entreprise de critères de qualification)

Article 23

de la loi de finances pour 2017

– prorogation d’une année du crédit d’impôt, jusqu’au 31 décembre 2017

– possibilité de cumuler cet avantage avec l’éco-prêt à taux zéro pour tous les contribuables

B.   Une évolution contrastée de la dépense fiscale

● La dépense fiscale afférente au CITE a connu de fortes fluctuations dans le temps, sous l’effet des différentes réformes intervenues, telles que présentées supra.

Source : Évaluations des voies et moyens, tome II, annexe aux projets de loi de finances.

La dépense fiscale a enregistré une hausse continue jusqu’en 2009, année qui a constitué un point haut, à près de 2,8 milliards d’euros, puis elle a été fortement réduite, sous l’effet des mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009 puis les lois de finances pour 2011 et 2012, pour être ramenée à un peu plus de 600 millions d’euros en 2014.

En revanche, la réforme réalisée en loi de finances pour 2014 n’a trouvé à s’appliquer qu’au titre des huit premiers mois de l’année 2014, puisque la loi de finances pour 2015 est revenue sur certaines de ses dispositions (nécessité de réaliser des « bouquets » de travaux et modification des taux, notamment) dès le 1er septembre 2014. De ce fait, la dépense fiscale est repartie à la hausse en 2015, pour atteindre 875 millions d’euros – l’impact des dispositions de la loi de finances pour 2015 sur la dépense fiscale en 2015 ayant été évaluée à + 230 millions d’euros par l’évaluation préalable.

Par ailleurs, si cette même évaluation préalable avait chiffré la dépense fiscale pour l’année 2016 à environ 1,4 milliard d’euros, au titre des dépenses exposées en 2015, elle s’est avérée in fine sensiblement plus élevée, en atteignant près de 1,7 milliard d’euros – soit un « dérapage » de l’ordre de 300 millions d’euros. Le montant de la dépense fiscale devrait être équivalent en 2017, soit 1 675 millions d’euros.

● Le nombre de bénéficiaires de l’avantage fiscal a connu des fluctuations similaires, avec une nette diminution, néanmoins moins forte que celle de la dépense fiscale, entre 2010 et 2015. Cela s’est traduit par une forte baisse du gain moyen retiré par les foyers bénéficiaires, puisque ce gain est passé de 1 683 euros en 2010 à 792 euros en 2013. Ce chiffre a néanmoins augmenté à nouveau à partir de 2015, sous l’effet notamment de la hausse du taux du crédit d’impôt, pour atteindre 1 429 euros en 2016.

Évolution du nombre de foyers fiscaux bénéficiaires du CITE depuis 2007

(en millions)

Source : Évaluations des voies et moyens, tome II, annexe aux projets de loi de finances.

Évolution du gain moyen au titre du CITE par foyer fiscal depuis 2007

(en euros)

II.   Le contexte Économique et budgÉtaire

● Le secteur du bâtiment est, avec ceux des transports et l’énergie, l’un des plus concernés par la problématique de la transition énergétique et, plus particulièrement, par la question des économies d’énergie. En effet, les bâtiments représentent 44 % de la consommation finale d’énergie dans notre pays, que le législateur s’est fixé pour objectif, dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ([95]), d’abaisser de 20 % d’ici 2030.

Par ailleurs, les travaux d’entretien et d’amélioration des logements représentaient un chiffre d’affaires de l’ordre de 44 milliards d’euros en 2016, selon les derniers chiffres rendus publics par la Fédération française du bâtiment ([96]). Ce chiffre peut être mis en regard avec les données, portant spécifiquement sur les travaux de rénovation énergétique, figurant dans l’étude OPEN publiée au mois de mai 2016 par l’ADEME ([97]) : plus de 3,5 millions de logements ont fait l’objet d’une rénovation énergétique en 2014, ce qui correspond à un chiffre d’affaires de plus de 35 milliards d’euros.

● La rénovation énergétique de leur logement représente pour les ménages un investissement coûteux (en moyenne près de 10 000 euros par logement selon l’étude OPEN précitée), qui n’est rentable qu’à long terme. Il apparaît donc nécessaire d’inciter à de tels travaux de rénovation énergétique, par des outils fiscaux et budgétaires.

À cet égard, outre le CITE, d’autres dispositifs fiscaux concourent à favoriser les opérations améliorant la performance énergétique des logements : depuis la loi de finances pour 2014 ([98]), un taux réduit de TVA de 5,5 % est applicable aux travaux d’amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de deux ans, et ce pour un coût de 1,18 milliard d’euros en 2016. Créé en 2009 ([99]), l’éco-prêt à taux zéro, ou éco-PTZ, permet également aux ménages de financer de tels travaux, pour une dépense fiscale afférente de 75 millions d’euros en 2016 ([100]). S’y ajoutent également des aides spécifiques, comme celles versées aux ménages par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) sous condition de ressources, ainsi que le dispositif des certificats d’économies d’énergie.

Ces différentes aides, fiscales comme budgétaires, ont permis en 2014, selon l’étude OPEN, d’abaisser en moyenne de 17 % le montant de la facture restant à la charge des ménages réalisant des travaux de rénovation énergétique.

III.   Le droit proposé : la prorogation du crédit d’impôt d’une année et la modification des équipements éligibles

A.   La prorogation d’une année du CITE

● Le a du et le du A du I visent à proroger d’une année le bénéfice du CITE : seraient éligibles au crédit d’impôt les dépenses payées au titre de l’acquisition des équipements mentionnés au 1 de l’article 200 quater du CGI jusqu’au 31 décembre 2018, au lieu du 31 décembre 2017. Cette mesure s’inscrit dans le prolongement des deux précédentes prorogations, intervenues en lois de finances pour 2016 et pour 2017.

● Dans le cadre de la campagne présidentielle, le Président de la République s’est engagé à transformer le CITE en « prime immédiatement perceptible au moment des travaux, et non l’année suivante » ; de fait, les foyers fiscaux bénéficient par construction de l’avantage fiscal en août de l’année suivant celle de la réalisation des travaux, et doivent faire l’avance des fonds. L’objectif affiché est de lever la contrainte de liquidité et d’accompagner le plus efficacement possible la politique de rénovation des logements. Cet engagement a été confirmé lors de la présentation des premières mesures du Plan Climat, le 19 septembre dernier, par le ministre de la transition écologique et solidaire, dans le cadre du « Paquet solidarité climatique ».

Néanmoins, la mise en place d’un dispositif de primes, fondé sur des subventions budgétaires, en lieu et place du crédit d’impôt, ne peut être réalisée avant le 31 décembre 2017, et devrait intervenir en 2019 : aux termes de l’évaluation préalable, pour l’année 2018, « à défaut de dispositif public alternatif […], la prorogation du CITE s’impose comme une nécessité pour permettre de poursuivre la rénovation du parc de logements, de soutenir la montée en puissance des professionnels sur les travaux de rénovation énergétique et de réduire la facture énergétique des ménages ».

B.   L’exclusion des chaudières au fioul et des fenêtres, volets isolants et porte d’entrée du champ du CITE

1.   L’exclusion des chaudières à fioul, dès le 27 septembre 2017

Le b du du A du I du présent article vient exclure des dépenses éligibles au crédit d’impôt les chaudières à haute performance énergétique utilisant le fioul comme source d’énergie. Cette disposition s’inscrit dans le prolongement du Plan Climat présenté par le ministre de la transition écologique et solidaire, qui fixe pour objectif la fin des énergies fossiles, alors même que le fioul est l’énergie la plus carbonée.

Selon les données figurant dans l’évaluation préalable, les chaudières au fioul représentent de l’ordre de 10 % du total des chaudières à haute performance énergétique.

Aux termes du A du II, cette mesure s’applique aux dépenses payées à compter du 27 septembre 2017, soit le jour de la présentation en Conseil des ministres du présent projet de loi de finances. Le choix de cette date d’entrée en vigueur vise à éviter que les contribuables ne se précipitent en fin d’année, d’ici le 31 décembre 2017, pour acquérir les équipements concernés avant qu’ils ne deviennent inéligibles à l’avantage fiscal. Il s’agit de ce que l’on appelle communément la « petite rétroactivité fiscale », qui ne soulève pas de difficulté juridique, et qui a déjà été mise en œuvre par le passé pour le CIDD (par exemple pour la diminution du taux du crédit d’impôt pour les équipements photovoltaïques prévu par la loi de finances pour 2011, et applicable dès le 29 septembre 2010).

Néanmoins, le A du II prévoit des dispositions transitoires, afin de ne pas pénaliser les contribuables qui se seraient engagés dans l’acquisition d’une chaudière à fioul mais n’auraient pas finalisé leur achat avant le 27 septembre 2017 : dès lors que les contribuables pourraient justifier de l’acceptation d’un devis et du versement d’un acompte avant le 27 septembre 2017, et que les dépenses correspondantes seraient payées avant le 31 décembre 2018, ils pourraient conserver le bénéfice de l’avantage fiscal.

2.   L’exclusion des fenêtres, volets isolants et portes du champ du CITE à compter du 28 mars 2018, après une diminution du taux entre le 27 septembre 2017 et le 27 mars 2018

● Le présent article vient exclure les dépenses au titre de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées, des volets isolants et des portes donnant sur l’extérieur du champ de l’avantage fiscal, en deux étapes.

Dans un premier temps, le taux du crédit d’impôt applicable à ces équipements serait divisé par deux, passant de 30 % à 15 %, pour les dépenses payées entre le 27 septembre 2017 et le 27 mars 2018 ( du A du I).

Dans un second temps, à compter du 28 mars 2018, ces équipements ne seraient plus éligibles au CITE (a du du A du I).

L’exclusion du CITE de ces équipements est effectuée de façon progressive, sur une durée de six mois, et ce, selon l’évaluation préalable, « afin de laisser l’ensemble des acteurs s’adapter au nouvel environnement fiscal ». En effet, les dépenses relatives aux fenêtres, volets isolants et portes d’entrée représentent un volume d’activité considérable, et plus de la moitié des dépenses éligibles au CITE. Les graphiques ci-après retracent l’évolution du montant des dépenses éligibles pour les principaux équipements dans le champ du CITE, ainsi que leur part respective dans la dépense fiscale totale. Ils sont réalisés sur la base des informations statistiques figurant sur le site de la DGFiP, dans le cadre des déclarations nationales de revenus des dernières années d’imposition.

Évolution des dépenses exposées au titre des équipements éligibles au CITE entre 2013 et 2016

(en millions d’euros)

Source : statistiques de la DGFiP et commission des finances.

Évolution de la part respective des équipements éligibles au CITE au sein de la dépense totale entre 2013 et 2016

Source : statistiques de la DGFiP et commission des finances.

Ces graphiques permettent de constater le montant considérable des dépenses au titre des fenêtres, volets isolants et portes d’entrée donnant sur l’extérieur exposées au cours de l’année 2015, de l’ordre de 3,4 milliards d’euros, soit plus de la moitié (53 %) des dépenses totales éligibles au CITE, ainsi que son augmentation continue depuis 2012 – année pour laquelle les dépenses à ce titre atteignaient 1,2 milliard d’euros.

Ce sont environ 520 000 foyers fiscaux qui ont bénéficié en 2016 du CITE au titre de travaux sur leurs fenêtres réalisés en 2015, et près de 320 000 foyers fiscaux en 2015.

● Cette mesure d’exclusion des dépenses au titre des fenêtres, volets isolants et portes d’entrée s’appuie sur les conclusions du rapport de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable sur les aides à la rénovation énergétique des logements privés, réalisé sur le fondement de l’article 23 de la loi de finances pour 2017. Ce rapport souligne que les dépenses d’isolation thermique des parois vitrées, des volets isolants et des portes donnant sur l’extérieur sont d’une moindre efficience que d’autres composantes du CITE : il relève que le montant moyen de crédit d’impôt nécessaire pour permettre une économie d’un mégawattheure en réalisant l’isolation des parois vitrées est de 1 350 euros, alors qu’il n’est que de 100 euros pour l’isolation de la toiture.

Par ailleurs, le rapport met en avant le fait que cette catégorie de dépenses emporte des effets d’aubaine, alors que l’attrait des contribuables pour ces équipements résulte autant de préoccupations de confort (isolation phonique, par exemple) et de sécurité (portes blindées) que de préoccupations environnementales.

Il s’agit donc, aux termes de l’évaluation préalable, de « recentrer le crédit d’impôt vers les matériaux, équipements et appareils présentant le meilleur rapport coût-bénéfice environnemental ».

● De même que pour les chaudières au fioul, le II du présent article prévoit des dispositions transitoires : dès lors les contribuables pourraient justifier d’un devis et du versement d’un acompte avant le 27 septembre 2017, dans un cas (A du II) ou avant le 27 mars 2018, dans l’autre (B du II), ils pourraient bénéficier du taux du crédit d’impôt à 30 %, pour le premier cas, ou du maintien de l’avantage fiscal, au taux de 15 % cette fois, pour le second, et ce à la condition que les dépenses soient payées avant le 31 décembre 2018.

3.   Le maintien du taux réduit de TVA pour ces catégories d’équipements

L’article 278-0 bis A du CGI, instauré par la loi de finances pour 2014, dispose que la TVA est perçue au taux réduit de 5,5 % pour les travaux d’amélioration de la qualité énergétique des logements achevés depuis plus de deux ans, le champ de ces travaux étant défini par référence à celui du CITE : sont éligibles au taux de 5,5 % les travaux portant sur la pose, l’installation et l’entretien des équipements éligibles au CITE (tels que mentionnés au 1 de l’article 200 quater du CGI).

Comme évoqué supra, la dépense fiscale afférente à ce taux réduit de TVA est loin d’être anecdotique, puisqu’elle s’établissait à près de 1,18 milliard d’euros en 2016.

Sans disposition spécifique, le présent article conduirait mécaniquement à exclure du bénéfice du taux réduit les travaux de pose, d’installation et d’entretien des chaudières à fioul et des fenêtres, volets isolants et portes d’entrée. Néanmoins, le B du I dispose que le champ des travaux éligibles au taux réduit de TVA serait défini par référence aux équipements mentionnés au 1 de l’article 200 quater du CGI dans sa rédaction antérieure au présent projet de loi de finances, donc en conservant les équipements exclus du champ du CITE par le présent article.

IV.   L’impact budgétaire attendu

● L’exclusion des chaudières à fioul du champ du CITE et la diminution du taux applicable aux fenêtres, volets isolants et portes dès le 27 septembre 2017 ont des incidences budgétaires en 2018, en se traduisant par un gain – soit des moindres pertes de recettes d’impôt sur le revenu – de 115 millions d’euros.

En effet, le gain de l’application d’un taux de CITE divisé par deux sur les fenêtres, portes et volets roulants est estimé à 450 millions d’année en année pleine, soit 112,5 millions d’euros sur les trois derniers mois de l’année 2017. Quant aux chaudières à fioul, le gain résultant de leur exclusion du CITE est estimé à 13 millions d’euros en année pleine, donc 3,25 millions d’euros entre octobre et décembre 2017. Au total, le gain devrait atteindre 115 millions d’euros pour l’année 2018.

En se fondant sur les prévisions de dépense fiscale pour 2017, estimées à 1 675 millions d’euros, la dépense fiscale au titre du CITE peut être évaluée à 1 560 millions d’euros en 2018 (soit 1 675 millions minorés des 115 millions d’euros de gain).

● Au titre de l’année 2019, se cumuleront les effets de l’application du taux réduit de 15 %, jusqu’au 27 mars 2018, pour les fenêtres, volets isolants et portes, puis de leur exclusion du CITE, à compter du 28 mars, ainsi que ceux de l’exclusion des chaudières à fioul.

In fine, la dépense fiscale totale pour l’année 2019 est estimée à 875 millions d’euros, soit les 1 675 millions d’euros correspondant à la reconduction de la dépense fiscale de 2017, dont seraient défalqués 112,5 millions au titre du taux réduit à 15 % sur les fenêtres, volets isolants et portes, pendant les trois premiers mois de 2018, 675 millions résultant de l’exclusion de ces équipements du CITE pour les neuf derniers mois de 2018, ainsi que 13 millions au titre de l’exclusion des chaudières à fioul en année pleine.

Il convient de noter qu’au titre de l’année 2019, se cumuleront le coût du CITE, à hauteur de 875 millions d’euros, et celui du nouveau dispositif de primes, dont les contours sont à ce stade inconnus.

Évolution de la dépense fiscale au titre du CITE jusqu’en 2019

(en millions d’euros)

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La commission examine l’amendement I-CF107 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement vise à revenir sur l’article 8. Chacun conviendra qu’il existe un réel besoin de travaux dans les logements, que les questions de rénovation thermique concernent un grand nombre de ménages et que ces aménagements connaissent des failles. Le crédit d’impôt pour la transition énergétique sert utilement à favoriser les travaux nécessaires à la réalisation d’économies d’énergie. La rétroactivité prévue dans cet article est regrettable : il est inacceptable de changer les règles à partir du 27 septembre 2017 car certaines personnes ont envisagé de faire des travaux en fin d’année et s’en trouvent gênées. C’est pourquoi mon amendement vise à revenir sur cette date et à maintenir le dispositif actuel en conservant les taux de crédit d’impôt en l’état.

M. le Rapporteur général. Plusieurs amendements ont été déposés sur cette mesure. Certains, comme celui que vient de présenter Mme Louwagie, visent à proroger le CITE tel quel jusqu’au 31 décembre 2018. D’autres, ceux de MM. Molac et Cinieri, visent à maintenir l’éligibilité des fenêtres jusqu’au 31 décembre 2018 tout en ramenant le taux du crédit à 15 %. Celui de M. Guy Bricout prévoit de conditionner le bénéfice du CITE pour les fenêtres à la validation d’un thermicien, celui de Mme Rabault au respect des critères énergétiques et celui de M. Hetzel à la réalisation d’autres travaux en parallèle. La commission des affaires économiques et celle du développement durable ont déjà adopté deux amendements très proches qui visent à reporter au 1er janvier 2018 la sortie des chaudières à fioul du CITE et la baisse du taux de 30 % à 15 % pour les fenêtres, sachant que ce nouveau taux s’appliquerait pendant les trois premiers mois de 2018. Les amendements de MM. Guy Bricout et Marc Le Fur poursuivent le même objectif. Enfin, l’amendement I-CF209 déposé par M. Barrot tend à prévoir une sortie en sifflet progressive en reportant, comme les amendements des deux commissions saisies pour avis, la sortie des chaudières à fioul du CITE au 1er janvier 2018 ; la baisse du taux pour les fenêtres serait également décalée au 1er janvier 2018 et le taux de 15 % pour les fenêtres s’appliquerait jusqu’au 30 juin 2018, donc pendant six mois.

Cet amendement permet une sortie progressive des fenêtres, portes et volets du bénéfice du CITE pour un coût d’environ 230 à 250 millions d’euros, sur la base des données de l’évaluation préalable. Nous pourrions nous rassembler autour de cet amendement de M. Barrot, qui me semble le plus conforme à l’ensemble des dispositifs proposés en permettant une sortie progressive intelligente.

M. Gilles Carrez. Le CITE a une longue histoire. Il s’appelait autrefois crédit d’impôt développement durable (CIDD) et figure toujours à l’article 200 quater du code général des impôts. En 2007, il représentait 900 millions d’euros. M. Borloo est alors venu ici même expliquer qu’il fallait le développer. Nous avons donc demandé des évaluations, en vain. Deux ans plus tard, le CIDD coûtait 3,2 milliards d’euros. Le dérapage fut tel qu’il fallut refroidir brutalement la mesure en 2010, notamment sur le photovoltaïque, dans les pires conditions. Depuis, le CIDD a été rebaptisé CITE. En 2015, Mme Royal a souhaité à son tour lui donner plus d’ampleur – il coûtait alors 900 millions. Elle nous a expliqué, étude d’impact à l’appui, que son coût augmenterait de l’ordre de 200 à 300 millions mais, de mémoire, il coûte désormais 1,6 milliard, soit un dérapage considérable.

J’appelle donc l’attention de nos collègues sur l’enjeu budgétaire. S’il s’agit en effet d’une dépense fiscale, elle est en tout point semblable à une dépense budgétaire, car il existe une porosité totale entre les crédits budgétaires et ce type de dépense fiscale. La différence, cependant, tient au fait qu’un crédit budgétaire est limitatif : une fois le plafond atteint, il n’est plus possible de dépenser. S’agissant d’un crédit d’impôt, en revanche, il suffit de remplir les conditions pour en bénéficier. Ces dépenses ne sont donc absolument pas maîtrisées. Si nos collègues de la majorité veulent éviter un dérapage trop important des comptes, je les invite, instruit par l’expérience, à prendre garde au fait que l’enjeu du CITE se chiffre en milliards.

M. Philippe Vigier. Mon amendement I-CF351 est assez proche de l’amendement I‑CF209 de M. Barrot puisqu’il prévoit une sortie en sifflet du dispositif pour les fenêtres en ramenant le taux à 20 %, et non 15 %, et en repoussant la suppression de l’éligibilité au 28 juin 2018, et non au 28 mars 2018, ce qui permettrait un meilleur amortissement. Je souscris cependant aux propos de M. Carrez : un système en sifflet évite une rupture de charge totale et nous permettra d’appréhender précisément l’impact de la mesure.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous sommes face à deux problèmes. Le premier a trait à la date butoir, ce couperet qui tombe en septembre 2017 : il est assez inédit qu’un dispositif prenne fin lors de la parution d’une loi de finances, aucune anticipation n’étant possible, ce qui est regrettable.

Deuxième difficulté : il eût mieux valu préserver le dispositif dans son ensemble. En effet, on ne peut pas afficher, comme le faisait M. Darmanin tout à l’heure dans l’hémicycle, des dispositions qui sont en lien avec les données environnementales et promouvoir l’Agenda 21, la COP21 et d’autres programmes du même ordre tout en restreignant autant une telle mesure. Sans doute aurait-il mieux valu introduire un plafonnement, qui aurait eu du sens car la dépense aurait été maîtrisée. Aujourd’hui, nous allons couper dans cette dépense en antinomie totale avec le message qu’entend faire passer le Gouvernement.

M. Jean-Noël Barrot. Nous nous réjouissons que le CITE soit prorogé mais aussi recentré, car il nous semble important de consentir cet effort en faveur de l’efficience de la dépense publique. Cependant, dès lors que des projets ont été engagés sur la base de dispositifs existants, il est quelque peu abrupt de les en priver, d’où la sortie en sifflet que nous proposons par l’amendement I-CF209. Nous défendrons également un autre amendement, le I-CF211, qui vise à aménager la sortie du dispositif pour les équipements en bois afin d’envoyer un signal à la filière bois.

M. Paul Molac. La rétroactivité pose un premier problème : certains artisans m’ont ainsi fait savoir que leurs chaudières ne seraient plus éligibles alors qu’ils avaient engagé des projets – sans forcément les avoir signés, car ce n’est pas comme cela que les choses fonctionnent – et se trouvaient donc face à des difficultés. S’agissant des fenêtres, d’autre part, la technique employée s’apparente à celle du stop and go : le CITE concerne les portes et les fenêtres – une fermeture hermétique est très importante, en effet – et certains industriels investissent, en particulier des petites et moyennes entreprises (PME) situées en milieu rural ; or, voilà qu’il leur est annoncé qu’elles devront se débrouiller sans crédit d’impôt. J’ai bien entendu qu’un lissage serait assuré jusqu’en décembre 2018 et je m’en réjouis, vu l’importance du sujet. À titre personnel, j’aurais préféré que le taux demeure fixé à 15 % au moins jusqu’en décembre 2018 – c’est l’objet de mon amendement I-CF579.

Mme Christine Pires Beaune. Le problème que pose cet article tient à la rétroactivité de la mesure. Si l’on veut contenir la dépense fiscale – car c’est bien de cela qu’il s’agit, même si cette dépense fiscale est utile puisqu’elle s’accompagne d’économies en termes de fonctionnement –, peut-être pourrait-on également envisager une mise sous condition de ressources du dispositif. Certains foyers, en effet, ne peuvent pas faire ces travaux sans aide, tandis que d’autres les feront quoi qu’il arrive. Ne devrait-on pas réfléchir à la mise sous condition de ce crédit d’impôt, qui est très utile pour une partie de la population pour laquelle les coûts de chauffage sont exorbitants ?

Mme Bénédicte Peyrol. Je ne crois pas, madame Dalloz, qu’il y ait une antinomie entre cette mesure et la politique du Gouvernement. Au contraire, nous recentrons ce CITE aujourd’hui considéré pour partie comme une dépense fiscale qui n’est pas si bénéfique. Cela va dans le sens de notre ambition : une politique pro-environnementale et efficace.

M. Bertrand Pancher. Je vous remercie, monsieur le président, d’accueillir temporairement un membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire dans votre commission dans le cadre de nos réflexions sur la transition énergétique dans le domaine du logement. Je ne suis pas spécialiste du budget mais je suis engagé sur les questions de rénovation thermique et de logement depuis un certain nombre d’années. La réussite des politiques énergétiques des pays qui nous entourent repose sur la stabilité totale des dispositifs incitatifs et sur l’existence d’un interlocuteur unique qui en a la charge. En France, au contraire, nous avons un problème : sur le plan national, d’abord, l’État ne veut rien céder et tout faire, et les collectivités en rajoutent. Surtout, le dispositif change quasiment tous les ans, au point qu’il est incompréhensible. Avec la moitié de moyens, chers collègues qui voulez faire des économies, nous parviendrions à de meilleurs résultats à condition que la règle demeure la même dans le temps. Par pitié : si vous adoptez un nouveau dispositif, n’y touchez plus et souvenez-vous de mes remarques lors des prochains budgets, car je suis convaincu que nous continuerons de revenir sur des dispositifs au motif qu’ils sont excessifs ou insuffisants. Je soutiens l’idée selon laquelle il faut réduire l’ampleur du dispositif mais de grâce, cessons d’y toucher sans cesse !

M. Guy Bricout. Comme mon voisin, j’appartiens à la commission du développement durable et je tiens à faire état du fort engouement que suscite ce dispositif qui, en 2015, a concerné plus d’un million de foyers et représenté plus de 6,5 milliards d’euros de travaux et 73 000 emplois. Les travaux sur les fenêtres concernent 34 % des logements et occasionnent une dépense moyenne de 5 200 euros. La suppression du CITE créerait un problème majeur pour les professionnels du bâtiment. Peut-être faudrait-il instaurer un contrôle renforcé, par exemple par un thermicien agréé qui confirmerait ou non la pertinence des travaux ; c’est l’objet de l’amendement I-CF35.

Mme Valérie Rabault. Il est vrai que le ministère des finances a tendance à changer les règles chaque année. En l’occurrence, les chaudières sont soumises à une nouvelle règle. Autrement dit, les artisans se conforment aux exigences fixées par Bercy mais, l’année suivante, doivent recommencer. C’est à croire que Bercy cherche à gagner quelques mois de moindre utilisation du crédit d’impôt...

Je souhaite donc à mon tour qu’une fois les règles convenues, elles ne soient plus modifiées et que le projet de loi de finances ne comporte pas de mesure consistant à supprimer les chaudières à fioul ou autres du champ de la mesure.

M. le président Éric Woerth. Je ne peux qu’être d’accord avec vous : on ne saurait changer les règles en permanence, surtout en matière économique.

M. Michel Lauzzana. Le but de cette disposition consiste tout de même à réorienter certains financements afin de favoriser l’efficacité. En matière énergétique, ce n’est pas l’isolation des fenêtres et des portes qui est la plus efficace, mais l’isolation des combles ou l’installation de chaudières plus performantes. Il est donc nécessaire de bien cibler ces aides. Si elles le sont, elles peuvent être maintenues sur la durée. Il ne s’agit pas de changer sans cesse de règle mais d’optimiser notre dépense fiscale.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Permettez-moi, en qualité de rapporteure pour avis, de compléter nos échanges et les propos de mes collègues de la commission du développement durable. Lundi dernier, nous avons eu une longue discussion sur ce recentrage du CITE – et non pas sa suppression brutale, comme on vient de le prétendre. Il s’agit d’un recentrage du dispositif auquel se substituera à terme une nouvelle mesure de prime qui sera plus lisible et plus efficace, et qui répondra à la question de la complexité soulevée à l’instant. De ce fait, la réforme du CITE nous semble tout à fait justifiée et s’impose notamment en raison des éléments d’évaluation que nous avons examinés en commission du développement durable et qui sont issus du rapport de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable, qui souligne clairement, données à l’appui, le manque d’efficience énergétique du changement des fenêtres.

L’amendement I-CF701, adopté par la commission du développement durable, vise à améliorer le dispositif de transition prévu en 2018 pour la dernière année du CITE. Il nous semble que le choix de la date du 27 septembre 2017 pour modifier les règles applicables à certaines dépenses, s’il est juridiquement fondé et lié à la présentation du projet de loi de finances en Conseil des ministres, n’est pas des plus lisibles. Il est donc proposé que la suppression des chaudières à haute performance énergétique à fioul du champ d’application du CITE et que la baisse du taux du crédit d’impôt à 15 % pour l’acquisition de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées soient appliquées aux dépenses engagées à compter du 1er janvier 2018. Ces deux modifications de date me semblent être de bon sens.

Mme Émilie Cariou. Permettez-moi de rassurer M. Pancher, qui nous fait le plaisir de participer à notre réunion : nous sommes là pour élaborer la loi de finances et non pour déstabiliser quoi que ce soit. Il s’agit de recentrer un dispositif pour le rendre plus efficace tout en le maîtrisant. Il me semble que nous partons sur de bonnes bases. Chacun ici a le souci de la fiscalité écologique.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Il faut absolument mettre fin à la rétroactivité partielle de la mesure concernant le CITE, prévue pour le 27 septembre. Nous proposons donc, par l’amendement I-CF681, de reporter l’application des restrictions d’éligibilité de la réduction de taux au 1er janvier 2018.

Soulignons aussi qu’aujourd’hui, les travaux de chaudière à haute performance énergétique sont presque systématiques : les chaudières n’appartenant pas à cette catégorie ne se vendent plus. Enfin, le coût du crédit d’impôt pour les volets et les fenêtres revient à 1 350 euros par mégawatt contre 300 euros pour les autres mesures.

La commission rejette l’amendement I-CF107.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement I-CF701 de la commission du développement durable, l’amendement I-CF579 de M. Paul Molac, l’amendement I-CF35 de M. Guy Bricout, l’amendement I-CF509 de Mme Valérie Rabault, l’amendement I-CF209 de M. Jean-Noël Barrot, l’amendement I-CF242 de Mme Marie-Christine Dalloz, l’amendement I-CF361 de M. Jean-Paul Dufrègne, l’amendement I-CF10 de M. Marc Le Fur, les amendements identiques I-CF211 de M. Jean-Noël Barrot et I-CF586 de Mme Amélie de Montchalin, les amendements identiques I-CF681 de la commission des affaires économiques, I-CF36 de M. Guy Bricout et I-CF294 de M. Marc Le Fur et l’amendement I-CF351 de M. Philippe Vigier.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement de l’amendement I-CF701.

M. Paul Molac. Concernant les portes et fenêtres, toutes les études ne convergent pas ; on peut donc émettre des doutes sur cette mesure. D’autre part, je propose de proroger la baisse du taux du CITE jusqu’en décembre 2018.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF579, puis l’amendement I-CF35.

Mme Valérie Rabault. L’amendement I-CF509 vise à ramener de 30 % à 15 % le taux du CITE pour les fenêtres, portes et volets en évitant la rétroactivité et à reporter le délai d’entrée en vigueur de la mesure.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis favorable du Rapporteur général, elle adopte l’amendement ICF209 (amendement n° I-581).

En conséquence, les amendements I-CF242, I-CF361, I-CF10, I-CF211,
I-CF586, I-CF681, I-CF36, I-CF294 et I-CF351 tombent.

 Mme Marie-Christine Dalloz. Puisque c’est ainsi, nous pourrions nous porter cosignataires de l’amendement de M. Barrot, quasiment identique à l’amendement I-CF242 que j’ai défendu.

M. le Rapporteur général. Dans ce cas, ce sera un amendement œcuménique de la commission des finances.

M. le président Éric Woerth. Autour de M. Barrot.

M. Marc Le Fur. J’avais déposé l’amendement I-CF10 parce que sont prévues de nombreuses mesures très pénalisantes – sur le prêt à taux zéro ou la réduction du dispositif Pinel, par exemple – pour l’ensemble du monde du logement et du bâtiment, une filière économique très conséquente qui rassemble environ la moitié des emplois du secteur industriel. S’y ajoute une mesure redoutable sur les économies d’énergie, alors que les investissements consentis étaient importants et positifs. C’est pourquoi je proposais la suppression de l’alinéa 7 de l’article.

M. Jean-Noël Barrot. Je précise que l’amendement I-CF211 visait à accorder une exception concernant les fenêtres en bois, qui bénéficieraient d’un taux de 20 % au lieu de 15 % jusqu’au 27 mars 2017 et d’un maintien dans le CITE à un taux de 10 % après cette date.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. Dans la mesure où l’amendement I‑CF209 de M. Barrot qui vient d’être adopté va au-delà de la demande formulée par la commission des affaires économiques, notre amendement I-CF681 est satisfait.

M. Philippe Vigier. Mon amendement I-CF351 était identique à celui de M. Barrot, qui a été adopté, à une exception près : le taux prévu était de 15 %, et non de 20 %. L’amendement est donc de facto tombé.

La commission est saisie de l’amendement I-CF23 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Cet amendement porte sur les chaudières au fioul, qui ont été exclues, même lorsqu’elles sont très performantes, du dispositif d’incitation fiscale ; je souhaite les y réintroduire. En effet, sur une bonne partie du territoire qui n’est pas reliée au gaz de ville, restent comme modes de chauffage le bois, éventuellement, ou l’électricité – qui peut être très coûteuse. Il me semble donc qu’il faut maintenir une aide en faveur des chaudières de haute performance énergétique même lorsqu’elles utilisent du fioul.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable.

M. Marc Le Fur. Pourquoi ?

M. le Rapporteur général. L’article vise à exclure du champ du CITE les équipements qui fonctionnent avec des énergies très carbonées. Inciter les contribuables à recourir à des chaudières au fioul, fussent-elles à haute performance énergétique, ne me semble donc guère opportun. En outre, il ne faut pas surestimer l’ampleur de l’impact de la mesure : 10 % des chaudières à haute performance énergétique qui sont éligibles au CITE sont au fioul. Autrement dit, l’effet sur les acquisitions de chaudières ne sera pas massif.

M. Marc Le Fur. Je persiste à croire que sur toute une partie du territoire, la solution du gaz naturel est indisponible. Il faut donc pouvoir disposer du fioul. Nous nous enfermons dans une religion anti-fioul – comme l’illustrent également les tarifs – alors que c’est une énergie utile pour bon nombre de nos concitoyens.

Mme Amélie de Montchalin. Sur tout le territoire, il est possible d’installer des pompes à chaleur, des chaudières au bois ou encore à granulats. Il existe donc de nombreuses autres options. L’idée est d’instaurer une incitation fiscale au remplacement des chaudières. Les propriétaires d’une chaudière au fioul pourront continuer à l’utiliser sans difficulté.

M. Marc Le Fur. Peut-être, mais ils ne pourront pas la remplacer !

Mme Amélie de Montchalin. Dans ce cas, ils pourront la remplacer par une chaudière fonctionnant avec l’une des sources alternatives d’énergie qui, nous le savons, sont meilleures pour notre environnement.

La commission rejette l’amendement I-CF23.

Puis elle examine l’amendement I-CF39 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement vise à rendre opérationnel le CITE au raccordement à un réseau de chaleur. On parle généralement de frais de raccordement pour évoquer, quel que soit le mode de raccordement, les coûts de raccordement à un réseau de chaleur. Dans sa rédaction actuelle, l’article 200 quater du code général des impôts empêche l’application complète du CITE puisqu’il n’évoque que les dépenses d’acquisition d’équipements et de raccordement. Il convient donc d’évoquer les frais de raccordement de manière globale, et de ne plus faire de distinction entre la facturation directe des équipements et la facturation de frais de raccordement.

Enfin, cet amendement vise à remédier à une omission dans l’article qui, en l’état, ne fait pas référence aux énergies de récupération, dont il faut tenir compte. Aussi, il vise à préciser que les réseaux alimentés majoritairement par des énergies renouvelables ou de récupération donnent bien droit au crédit d’impôt.

M. le Rapporteur général. Je précise que les équipements de raccordement aux réseaux de chaleur ou de froid, les équipements privatifs, le poste de livraison et les matériels nécessaires à l’équilibrage de la mesure sont bien éligibles au CITE. Tout ce qui reste correspond à la pose de ces équipements ainsi qu’à des dépenses annexes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement I-CF39.

La commission examine les amendements identiques I-CF239 de Mme Véronique Louwagie et I-CF354 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie. Je propose d’élargir l’assiette du CITE à tous les dispositifs qui concernent la chaleur géothermique puisque tout ce qui touche à l’installation même de la pompe à chaleur, en particulier les travaux souterrains, n’est pas pris en compte. Des mécanismes doivent en effet être mis en place pour renouveler les chaudières au fioul. Or, par rapport à 2008 le nombre d’installations de pompes à chaleur géothermiques a été divisé par cinq – nous devons donc soutenir ce marché.

Mme Marie-Christine Dalloz. On sait que l’installation d’une pompe à chaleur géothermique, qu’on utilise la technique du serpentin ou celle du forage
– comme en montagne, le plus souvent –, nécessite des investissements bien plus coûteux que l’achat de la chaudière elle-même.

M. le Rapporteur général. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte les amendements identiques I-CF239 et I-CF354 (amendement n° I-582).

Puis elle examine l’amendement I-CF492 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. La partie du CITE consacrée au changement des fenêtres est la plus utilisée par les Français puisqu’elle représente, en 2016, 800 millions d’euros sur 1,7 milliard d’euros pour la totalité de ce crédit d’impôt. Nous proposons non seulement de maintenir le dispositif mais de le renforcer pour les quatre déciles inférieurs au sens de l’INSEE en le portant à 50 %, de façon à améliorer et la performance énergétique et la justice sociale.

M. le Rapporteur général. Le mécanisme du crédit d’impôt n’est pas défavorable aux ménages modestes puisque même s’ils ne sont pas imposés, ils bénéficient de l’avantage fiscal, à la différence de la réduction d’impôt. Donc avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 8 modifié.

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Article additionnel après l’article 8
Prolongation du taux réduit de TVA pour les autotests de détection de l’infection par les virus de l’immunodéficience humaine

La commission examine l’amendement I-CF714 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Je vous dois des excuses : lorsque MM. Dufrègne et Roussel ont présenté un amendement relatif au taux de TVA réduit pour les autotests du VIH, je vous ai indiqué par erreur que nous avions déjà adopté un dispositif pérenne alors qu’il s’agissait d’un dispositif expérimental.

Le présent amendement, dont je suis cosignataire avec, précisément, nos collègues Dufrègne et Roussel, reprend celui qu’ils avaient défendu, visant à pérenniser le dispositif.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous remercions le Rapporteur général qui nous a écoutés.

La commission adopte l’amendement I-CF714 (amendement n° I-579).

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Article 9
Trajectoire de la composante carbone pour la période 2018-2022
et conséquences en matière de tarifs des taxes intérieures
de consommation

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article contient deux mesures distinctes :

– il fixe une trajectoire de la composante carbone pour la période 2018-2022, en retenant un objectif plus ambitieux que celui fixé par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV). Pour offrir plus de visibilité aux opérateurs, la valeur de la composante carbone des tarifs des taxes intérieures de consommation (TIC) est fixée à 44,60 euros par tonne de dioxyde de carbone en 2018, 55 euros en 2019, 65,40 euros en 2020, 75,80 euros en 2021 et 86,20 euros en 2022 ;

– il intègre, dans les nouveaux tarifs de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), une convergence du tarif du gazole vers les tarifs des essences en quatre années, soit à l’horizon 2021. Cette mesure conduit à une hausse de la part fixe de la TICPE applicable au gazole routier de 2,6 euros par hectolitre par an pendant quatre ans, hausse qui s’ajoute à celle de la part carbone programmée pour la période 2018-2022.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2015 a prévu une hausse complémentaire à la contribution climat énergie de 2 centimes par litre du tarif de TICPE sur le gazole et une hausse de 4 centimes par litre du plancher de remboursement pour les entreprises de transport routier sur le gazole.

La LTECV a fixé une trajectoire de la composante carbone de 39 euros par tonne de CO2 en 2018, 47,5 euros en 2019, 56 euros en 2020 et 100 euros en 2030.

La loi de finances rectificative pour 2015 a fixé les tarifs des TIC pour 2017 sur la base de 30,5 euros par tonne de CO2 tout en augmentant d’un centime par litre la TICPE sur le gazole et en diminuant de 2 centimes par litre la TICPE sur l’essence SP 95-E 10.

La loi de finances rectificative pour 2016 a mis en place une hausse d’un centime par litre sur le gazole et une baisse d’un centime par litre pour l’ensemble des essences.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission des finances a adopté un amendement visant à soumettre progressivement à la part carbone de la TICPE le gaz de pétrole liquéfié (GPL) utilisé comme combustible pour des usages non résidentiels et non agricoles. La taxation normale serait atteinte progresivement, ce qui permettra d’éviter un choc économique trop soudain pour les entreprises utilisant cette source d’énergie.

I.   L’État du droit

Les taxes intérieures de consommation (TIC) sont des droits d’accises sur les produits énergétiques qui consistent à appliquer un tarif aux quantités de produits énergétiques mises à la consommation. La première d’entre elles par son montant, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), constitue aussi l’imposition principale des carburants tels que le gazole ou les essences.

A.   La tarification DES TAXES INTÉRIEURES DE CONSOMMATION applicable aux produits Énergétiques

Il existe quatre taxes intérieures de consommation : la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN), la taxe intérieure sur la consommation de charbon (TICC) et, enfin, la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE). Elles incluent dans leurs tarifications, à l’exception de la TICFE, une composante fixe et une composante carbone dénommée « contribution climat-énergie » (CCE) ou plus communément « taxe carbone ».

1.   Les taxes intérieures de consommation sont des droits d’accise sur la consommation des produits énergétiques

Les taxes intérieures de consommation sont des droits d’accise, c’est-à-dire des impôts indirects perçus sur la consommation d’un produit – dans le cas présent d’un produit énergétique – qui portent sur la quantité consommée et non sur la valeur du produit.

La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) s’applique aux quantités de produits pétroliers ou assimilés lorsqu’ils sont destinés à être utilisés comme carburants pour moteur ou combustibles de chauffage. Le recouvrement de la taxe est confié à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), qui l’effectue auprès des compagnies pétrolières et des distributeurs. Elle est exigible dès la mise à la consommation des produits, conformément à la directive relative au régime général d’accise ([101]), et couvre tant les importations que la fabrication de produits pétroliers. Pour les produits déjà mis à la consommation dans un autre État membre de l’Union européenne, la taxe est exigible lors de leur réception en France. Le barème de la taxe est fixé aux tableaux B et C du 1 de l’article 265 du code des douanes, qui détaillent le niveau du tarif appliqué pour chaque produit pétrolier concerné.

Le gaz naturel à usage combustible n’est pas soumis à la TICPE mais à la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN). La taxe est due soit par le fournisseur de gaz naturel à l’état gazeux ou liquide sur les livraisons qu’il effectue auprès de consommateurs finals en France, soit par le consommateur final lorsque celui-ci a lui-même importé ou produit le gaz naturel qu’il utilise. Elle est recouvrée par l’administration des douanes et due par l’entreprise qui fournit ou qui importe de l’énergie, à charge pour elle de répercuter la taxe dans ses prix auprès du consommateur.

L’article 266 quinquies du code des douanes prévoit plusieurs cas d’exonération de la TICGN. Cette dernière n’est pas due lorsque le gaz naturel est utilisé comme carburant ou bien pour la production d’électricité. En effet, dans le premier cas, le redevable doit s’acquitter de la TICPE, dans le cas second cas, il doit s’acquitter de la TICFE. Enfin, depuis la loi de finances pour 2017 ([102]), le biogaz est exonéré de TICGN, que ce dernier soit mélangé ou non au gaz naturel d’origine fossile.

La taxe intérieure sur la consommation de charbon (TICC), dite « taxe charbon », s’applique à différentes formes de charbons, telles que les houilles, les lignites et les cokes. L’article 266 quinquies B du même code précise que la taxe est due uniquement par le fournisseur de ces produits à usage combustible, lors de leur livraison au consommateur final. Cette taxe est recouvrée par l’administration des douanes. Plusieurs exonérations sont accordées pour le charbon utilisé autrement que comme combustible ou utilisé pour la production d’électricité.

Enfin, la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), dénommée depuis le 1er janvier 2016 ([103]), « contribution au service public de l’électricité » (CSPE), s’applique à la consommation d’électricité, fournie ou consommée quelle que soit la puissance souscrite. Le fait générateur de la taxe intervient lors de la livraison de l’électricité par un fournisseur à un utilisateur final. L’article 266 quinquies C du code des douanes dispose que les fournisseurs et les producteurs d’électricité produisant pour leurs propres besoins sont redevables de la taxe, à charge pour eux de la répercuter sur la facture adressée à leurs clients qui utilisent de l’électricité.

Le code des douanes prévoit de nombreux cas d’exonérations, d’exemptions et de taux réduits de TICFE, en fonction de certaines utilisations de l’électricité. Celle-ci est exemptée ou exonérée de TICFE lorsqu’elle est utilisée par une entreprise pour laquelle la valeur de l’électricité consommée représente plus de la moitié du coût d’un produit. De même, les personnes qui exploitent des installations industrielles électro-intensives ou les personnes qui exercent une activité de transport de personnes et de marchandises par moyens de transport électriques bénéficient d’un taux réduit.

principaux tarifs de taxes intérieures de consommation

(en euros)

TIC

Produit

Unité

Tarifs 2017

TICPE

Supercarburant (SP 95-E 5 et SP 98)

hl

65,07

TICPE

Supercarburant (SP 95-E 10)

hl

63,07

TICPE

Gazole (diesel)

hl

53,07

TICPE

Gazole non routier (GNR)

hl

15,09

TICPE

Propane et butane (GPL) carburants

100 kg

16,50

TICPE

Gaz naturel carburant (GNV)

100 m3

5,80

TICGN

Gaz naturel combustible (GNC)

MWh

5,88

TICC

Charbon combustible

MWh

9,99

TICFE

Électricité

MWh

22,50

Source : code des douanes.

2.   La tarification des taxes intérieures de consommation comprend
une composante carbone intitulée « contribution climat énergie »

Les tarifs de la TICPE, de la TICGN et de la TICC incluent une composante fixe et, depuis la loi de finances pour 2014 ([104]), une composante carbone dite « contribution climat-énergie » (CCE) ou « taxe carbone ». La consommation d’électricité ne produisant pas en tant que telle des émissions de dioxyde de carbone, la TICFE n’est composée que d’une composante fixe qui est établie depuis le 1er janvier 2016 à 22,5 euros par mégawattheure.

La composante carbone, qui ne prend la forme ni d’une taxe séparée, ni d’une composante identifiée de manière distincte pour le tarif de TIC applicable à chaque produit, est destinée à favoriser la lutte contre le réchauffement climatique en limitant les émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Elle est calculée, pour chaque produit, en fonction du contenu carbone standardisé émis lors de l’utilisation d’un produit énergétique et de la valeur de la tonne de carbone.

Cette valeur augmente chaque année depuis la création de la composante carbone : fixée à 7 euros en 2014, elle est passée à 14,5 euros en 2015 et à 22 euros en 2016. La hausse de la composante carbone en 2014 a toutefois été neutre pour les consommateurs et pour les finances publiques, puisqu’elle a été compensée par une diminution équivalente de la part fixe des différents tarifs de la taxe.

Pour la période 2016-2030, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) ([105]) a fixé une trajectoire de la composante carbone de 56 euros en 2020 et de 100 euros en 2030. La loi de finances rectificative pour 2015 ([106]) a fixé la valeur de la tonne de CO2 à 30,5 euros. Il était ensuite envisagé, pour parvenir à ces objectifs de manière progressive, de fixer la valeur de la tonne de carbone à 39 euros par tonne de CO2 en 2018 et à 47,5 euros en 2019.

trajectoire carbone pour la période 2014-2022 résultant de la LTECV

(en euros par tonne de dioxyde de carbone)

Année

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Nouvelle trajectoire

7

14,5

22

30,5

39

47,5

56

Hausse de la CCE

+ 7

+ 7,5

+ 7,5

+ 8,5

+ 8,5

+ 8,5

+ 8,5

Source : loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

La hausse annuelle de la composante carbone devait s’établir à + 8,5 euros la tonne par an sur la même période, ce qui devait se traduire par une hausse annuelle de la TICPE d’environ 2 centimes par litre d’essence et 2,3 centimes par litre de gazole.

B.   LEs Écarts de tarification de TICPE sur les carburants entre le gazole et les essences

La TICPE constitue l’imposition principale des carburants tels que le gazole ou les essences. Elle est toutefois plus favorable au gazole routier qu’à l’essence, puisque le tarif applicable en 2017 au gazole est de 53,07 centimes d’euro par litre tandis que celui applicable à l’essence SP 95 est de 65,07 centimes d’euro par litre.

1.   Une fiscalité applicable aux carburants plus favorable au gazole qu’aux essences

La fiscalité applicable aux carburants lors de leur mise à la consommation est composée principalement de la TICPE et de la TVA. La TICPE est le seul droit d’accise à être appliqué à la consommation de carburants. Il existe plusieurs tarifs applicables à différents types de carburant et pour différents types d’usage.

TARIFS DE TICPE DES PRINCIPAUX CARBURANTS

(en euros par hectolitre)

Désignation du produit

Indice

d’identification

2014

2015

2016

2017

Supercarburant sans plomb (SP 95-E 5 et SP 98)

11

60,69

62,41

64,12

65,07

Supercarburant sans plomb (SP 95-E 10)

11 ter

60,69

62,41

62,12

63,07

Gazole non routier (GNR)

20

8,86

10,84

12,83

15,09

Gazole routier

22

42,84

46,82

49,81

53,07

Gaz naturel pour véhicules (GNV)

36

1,49

3,09

3,99

5,80

Super-éthanol E 85

55

12,40

12,62

7,96

9,41

Carburant ED 95

56

4,40

Source : article 265 du code des douanes.

La consommation sur le marché intérieur de carburant constitue également un fait générateur de la TVA au taux normal de 20 %. L’assiette retenue pour le calcul de la taxe inclut les droits d’accise : une hausse du tarif de TICPE a ainsi mécaniquement un impact sur le montant de la TVA collectée.

DÉcomposition du prix d’un litre de carburant

(en euros par litre)

Carburants

SP 95

Gazole

Matière première

0,39

0,37

Marge brute de transport et de distribution

0,10

0,10

Prix de vente hors taxe (HT)

0,49

0,47

TICPE

0,65

0,53

TVA

0,23

0,20

Prix de vente toutes taxes comprises (TTC)

1,36

1,20

  dont part des taxes

64,4 %

60,8 %

Source : Comité professionnel du pétrole, Bulletin mensuel, n° 668, août 2017 (publié le 19 septembre 2017).

La part des taxes sur le prix de vente toutes taxes comprises (TTC) représente près de 64 % du prix de vente d’un litre d’essence SP 95-E 5 et 61 % du prix de vente d’un litre de diesel. Alors que les prix hors taxes entre les deux carburants sont quasiment similaires, la différence de traitement fiscal conduit à un décalage de 16 centimes d’euro sur les prix TTC en faveur du diesel.

En matière de droits d’accise sur les carburants, les comparaisons européennes montrent que la France se situe à plus de 8,5 centimes d’euro par litre au-dessus de la moyenne pour le gazole et à presque 10 centimes d’euro par litre au-dessus de la moyenne pour l’essence SP 95. Dans les deux cas, les droits d’accise applicables aux carburants en France sont très au-delà des minimums européens imposés (33 centimes d’euro par litre pour le gazole et 36 centimes d’euro par litre pour l’essence sans plomb) et de la moyenne européenne.

Droits d’accise sur le gazole dans l’Union européenne

(en centimes d’euro par litre)

Source : Commission européenne, Comparaison sur les droits d’accise des produits énergétiques et de l’électricité, situation au 1er janvier 2017 (lien).

 

DROITS D’ACCISE SUR l’essence SP 95 DANS L’UNION EUROPEENNE

(en centimes d’euro par litre)

Source : Commission européenne, Comparaison sur les droits d’accise des produits énergétiques et de l’électricité, situation au 1er janvier 2017 (lien).

Les différents types de carburants

Les essences (hydrocarbures légers répartis autour de l’heptane) :

Le supercarburant SP 95-E 5 et SP 98 (indice d’identification 11) est un carburant sans plomb pouvant incorporer du bioéthanol à hauteur de 5 % en volume.

Le supercarburant 95 ARS (indice 11 bis) est un carburant dans lequel le plomb a été substitué par un additif potassium ARS.

Le supercarburant SP 95-E 10 (indice 11 ter) est un carburant sans plomb pouvant incorporer du bioéthanol à hauteur de 10 % en volume.

Le super-éthanol E 85 (indice 55) est un carburant sans plomb composé entre 65 % et 85 % de bioéthanol et de seulement 15 % à 35 % d’essence. Il ne peut être utilisé que par les véhicules « Flex Fuel » ou « véhicules à carburant modulable ».

Les gazoles (hydrocarbures plus lourds répartis autour du cétane) :

Le gazole non routier (GNR) sans ou avec EMAG (indice 20) alimente les engins mobiles non routiers, notamment dans les secteurs agricoles, forestiers, fluviaux ou travaux publics.

Le gazole routier sans (B0) ou avec EMAG (B7/B8) (indice 22) alimente les engins mobiles routiers. Il peut être composé de biocarburants (EMAG ou esters méthyliques d’acides gras) à hauteur de 7 % ou 8 % (B7 ou B8) ou sans biocarburants (B0).

Le gazole B 30 ou diester 30 % (indice 22) est composé à 30 % de biodiesel diester. Il est compatible avec la plupart du parc automobile diesel existant.

Le carburant ED 95 (indice 56) est un gazole composé à plus de 90 % d’éthanol et pouvant être utilisé par des véhicules lourds à motorisation diesel.

Les gaz pour véhicules :

Le gaz naturel comprimé (GNC) (indice 36) est un gaz naturel pour véhicules (GNV) principalement constitué de méthane comprimé à l’état gazeux et stocké sous pression entre 200 et 250 bars.

Le gaz naturel liquéfié (GNL) (indice 36) est un GNV principalement constitué de méthane condensé à l’état liquide et maintenu à une température inférieure à
– 162 degrés celcius.

Les gaz de pétrole liquéfié pour carburant (GPL-c) (indices 30 ter, 31 ter et 34) est un gaz à l’état liquide issu du raffinage du pétrole ou du retraitement du gaz naturel principalement composés de propane ou de butane.

2.   Une convergence progressive des tarifs de TICPE applicables aux carburants

Les différences de prix entre le gazole et les essences proviennent principalement des différences de tarification de la TICPE. La loi de finances pour 1999 ([107]) a posé, pour la première fois, le principe de « la réduction de l’écart de taxation entre le gazole et le supercarburant sans plombs (…) sur une durée de sept ans ». En 2006, l’écart de taxation entre les deux carburants était toujours de 17,85 centimes par litre.

L’écart observé s’est toutefois progressivement réduit depuis 2014 du fait, d’une part, de la convergence mécanique induite par la hausse de la composante carbone – un litre de diesel émettant davantage de dioxyde de carbone qu’un litre d’essence – et, d’autre part, de mesures spécifiques de convergence adoptées en loi de finances chaque année. L’écart est aujourd’hui de 12 centimes par litre entre le SP 95-E 5 et le gazole, et de 10 centimes par litre entre le SP 95-E 10 et le gazole. L’essence SP 95 reste soumise à un tarif de TICPE plus élevé de 22 % par rapport au gazole en 2017.

ÉCARTs DE TICPE entre le gazole et les essences

 (en euros par hectolitre)

Désignation du produit

Indices d’identification

2014

2015

2016

2017

Écart entre le supercarburant SP 95-E 5 / SP 98 et le gazole routier

11 – 22

17,85

15,59

14,31

12

Écart entre le supercarburant SP 95-E 10
et le gazole routier

11 ter  22

17,85

15,59

12,31

10

Source : article 265 du code des douanes.

Afin de compenser le manque à gagner lié à la suppression de l’écotaxe poids lourds, la loi de finances pour 2015 ([108]) a entamé un processus de rapprochement par la mise en place d’une première hausse spécifique de 2 centimes par litre du tarif de TICPE sur le gazole et une hausse de 4 centimes par litre du plancher de remboursement de la TICPE sur le gazole pour les entreprises de transport routier de marchandises. En effet, ces derniers peuvent bénéficier, sur demande de leur part, d’un remboursement partiel de TICPE sur la base de leurs consommations totales de gazole. Le remboursement est calculé soit en appliquant, au total du volume de gazole utilisé comme carburant, un taux moyen de remboursement pondéré par région, soit en appliquant, au volume de gazole utilisé, la différence entre le taux plancher de 43,19 euros et le tarif applicable dans la région d’achat (article 265 septies du code des douanes).

Par la suite, plusieurs mesures sont venues modifier la part fixe des tarifs de TICPE applicable aux carburants, en particulier dans la perspective de réduire les écarts de tarifs entre les essences et le gazole :

– la loi de finances pour 2015 a mis en place une hausse d’un centime par litre sur le gazole et une baisse de 2 centimes par litre sur l’essence SP 95-E 10 ;

– la loi de finances rectificative pour 2016 ([109]) a mis en place une hausse d’un centime par litre sur le gazole et une baisse d’un centime par litre pour l’ensemble des essences ;

– la loi de finances pour 2016 ([110]) a diminué le tarif de TICPE appliqué sur l’essence d’un centime par litre et augmenté le tarif appliqué sur le gazole d’un centime par litre.

II.   Le contexte Économique et budgÉtaire

La hausse progressive de la composante carbone depuis 2014 a conduit à une augmentation du prix de l’énergie pour l’ensemble des ménages et des acteurs économiques à l’exception de certaines activités particulièrement exposées. Aussi, si le tarif de la TICPE applicable au gazole est progressivement passé de 46,82 euros par hectolitre en 2015 à 53,07 euros en 2017 pour la plupart des acteurs économiques, il est resté stable à 43,19 euros par hectolitre sur la même période pour les activités de transport routier de marchandises.

A.   Une hausse de la fiscalité des produits énergétiques dont certains secteurs économiques sont préservés

La hausse des tarifs de la TICPE induit une hausse du coût de l’énergie dont de nombreux secteurs économiques sont préservés, en raison de la grande sensibilité des prix de l’énergie sur la rentabilité économique de leurs activités. L’article 265 bis du code des douanes dispose que l’ensemble des produits énergétiques sont admis en exonération de TICPE lorsqu’ils sont destinés à être utilisés comme carburant ou combustible :

– pour les aéronefs utilisés dans le cadre d’opérations de transport de personnes, de transport de marchandises, ainsi que pour la réalisation de prestations de services à titre onéreux ;

– pour les navires de pêche et les navires utilisés dans le cadre d’opérations de transport de personnes, de transport de marchandises, ainsi que pour la réalisation de prestations de services à titre onéreux ;

– pour le transport de marchandises sur les voies navigables intérieures.

L’article 265 nonies du même code protège les industries grandes consommatrices d’énergie pour leurs consommations de produits énergétiques à usage combustible :

– les installations grandes consommatrices d’énergie incluses dans le système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (EU-ETS) bénéficient des tarifs des TIC en vigueur au 31 décembre 2013, majorés pour la seule TICGN de 0,33 euro par mégawattheure ;

 les installations grandes consommatrices d’énergie exposées à un risque important de fuite de carbone bénéficient des tarifs des TIC en vigueur au 31 décembre 2014, majorés pour la seule TICGN de 0,33 euro par mégawattheure.

De plus, le II de l’article 32 de la loi de finances pour 2014 ([111]) fait bénéficier les professionnels agricoles d’un remboursement partiel des TIC perçues sur les carburants utilisés pour les besoins de leurs activités agricoles. Le montant du remboursement est calculé en appliquant aux volumes consommés le résultat de la différence entre le tarif applicable à ces mêmes produits et 3,86 euros par hectolitre pour le gazole non routier, 0,185 euro par centaine de kilogrammes pour le fioul lourd et 0,119 euro par millier de kilowattheures pour le gaz naturel. En conséquence, pour les consommations de 2017, le montant du remboursement est fixé comme suit :

– 11,23 euros par hectolitre de gazole non routier (TICPE) ;

– 9,36 euros par centaine de kilogrammes de fioul lourd (TICPE) ;

– 5,76 euros par millier de kilowattheures de gaz naturel (TICGN).

Le secteur de l’agriculture bénéficie également, au même titre que d’autres secteurs, d’un taux réduit de TICPE sur le gazole, si ce dernier est utilisé comme gazole non routier (GNR). Il s’agit de gazole destiné non pas à être utilisé comme carburant dans des véhicules routiers, mais à des usages spécifiques listés par l’arrêté du 10 novembre 2011 ([112]) et notamment les autorails et les locomotives, les tracteurs de type agricole ou forestier destinés à l’emploi dans une exploitation agricole ou forestière, les véhicules et engins mobiles destinés à une utilisation hors voie publique sous réserve qu’ils soient utilisés à des fins industrielles ou commerciales, etc.

Enfin, certaines activités économiques bénéficient d’un remboursement de la TICPE acquitté sur les carburants :

– les exploitants de taxis bénéficient d’un remboursement d’une fraction de la TICPE applicable au gazole et aux supercarburants en appliquant au volume des carburants acquis la différence entre le taux de la TICPE applicable et 30,20 euros par hectolitre pour le gazole ou 35,90 euros par hectolitre pour les supercarburants (article 265 sexies du code des douanes) ;

 le transport routier de marchandises bénéficie d’un remboursement d’une fraction de la TICPE applicable au gazole calculé en appliquant au volume de gazole utilisé comme carburant, soit la différence entre le taux de la TICPE applicable et 43,19 euros par hectolitre, soit un taux moyen de remboursement calculé par pondération des différents taux régionaux (article 265 septies du code des douanes) ;

– le transport public routier en commun de voyageurs bénéficie d’un remboursement d’une fraction de la TICPE applicable au gazole en appliquant au volume de gazole utilisé comme carburant, soit la différence entre le taux de la TICPE applicable et 39,19 euros par hectolitre, soit un taux moyen de remboursement calculé par pondération des différents taux régionaux (article 265 octies du code général des douanes).

L’ensemble des mécanismes de remboursement ci-dessus conduisent à préserver certains secteurs de la hausse des prix des carburants, en particulier de la hausse du prix du gazole très utilisé par les taxis et les secteurs du transport de marchandises et de voyageurs. En effet, en l’absence de revalorisation du plancher de remboursement, ces professions ne sont pas concernées par la hausse progressive de la TICPE applicable au gazole et payent un prix à la pompe toujours inférieur à celui des particuliers.

La différence entre le prix payé par les particuliers et celui par les secteurs bénéficiant d’un remboursement tend à s’accroître progressivement en fonction de la hausse progressive de la valeur de la tonne de carbone et des tarifs de TICPE associés :

– les exploitants de taxis bénéficiaient d’une différence de TICPE de 13 centimes d’euro en 2014 contre 23 centimes d’euro en 2017 ;

– le transport routier de marchandises bénéficiait d’une différence de TICPE de 4 centimes d’euro en 2014 contre 10 centimes d’euro en 2017 ;

– le transport public routier en commun de voyageurs bénéficiait d’une différence de TICPE de 4 centimes d’euro en 2014 contre 14 centimes d’euro en 2017.

Évolution du prix TTC du gazole incluant le remboursement pour différents secteurs d’activité

(en euro par litre)

Source : service de l’observation et des statistiques du ministère de la transition écologique et solidaire et commission des finances.

De manière mécanique, les montants des dépenses fiscales de la TICPE augmentent chaque année, principalement en raison de la hausse de l’écart entre le tarif de TICPE normalement applicable et le plancher de remboursement ou l’absence de tarification (exonération). Par exemple, pour les trois secteurs concernés par un mécanisme de remboursement sur le gazole routier utilisé comme carburant (taxis, transport de marchandises et de voyageurs), le montant total de la dépense fiscale est passé de 419 millions d’euros en 2014 à 928 millions d’euros en 2017, soit une hausse de près de 121,5 % depuis la mise en place de la CCE.

Au total, l’ensemble de la dépense fiscale liée à la TICPE s’élevait en 2017 à près de 7,59 milliards d’euros, contre 5,61 milliards d’euros en 2014, soit une hausse de près de 35,3 % sur la période. La Cour des comptes souligne que, si certaines niches fiscales sont justifiées par un motif d’intérêt général ou de préservation d’un secteur économique, d’autres « révèle des contradictions entre les différentes interventions publiques » : notamment, « les soutiens à certaines activités vont à l’encontre de la protection de l’environnement, en encourageant de fait les émissions de CO2 par la baisse du coût des transports routier et aérien, particulièrement sous l’effet de la moindre taxation du carburant. Le traitement fiscal préférentiel du gazole à usage routier, même si sa suppression progressive semble enclenchée, reste injustifié dans son principe au regard de son impact négatif sur le développement durable » ([113]).

Principales DÉpenses fiscales associÉes À la TICPE

(en millions d’euros)

Dépense fiscale

2014

2015

2016

2017

Exonération des carburants utilisés par certains bateaux

227

340

377

434

Exonération des carburants utilisés par certains aéronefs

2 490

2 730

2 835

3 015

Taux réduit pour le gazole non routier sous condition d’emploi

1 733

1 783

1 785

1 835

Taux réduits pour les installations intensives en énergie

13

180

368

530

Remboursement des carburants utilisés par les taxis

23

23

29

35

Remboursement du gazole pour les transports de marchandises

357

375

425

758

Remboursement du gazole pour les transports de voyageurs

39

51

84

135

Remboursement des carburants utilisés par les agriculteurs

116

103

153

197

Total des dépenses fiscales sur la TICPE

5 613

6 233

6 809

7 594

Note : le total des dépenses fiscales sur la TICPE ne prend pas en compte, en l’espèce, l’exonération de TICPE sur les carburants en outre-mer, où est en vigueur une taxe spéciale de consommation sur les carburants dont le taux est fixé par les conseils régionaux.

Source : Évaluations des voies et moyens, tome II.

L’ensemble de ces avantages fiscaux, couplés à un tarif de TICPE plus faible pour le gazole que pour l’essence, explique en partie la forte dépendance du parc automobile français vis-à-vis du gazole.

B.   Une situation fiscale longtemps favorable à la forte dielisation du parc automobile français

L’écart important de fiscalisation du gazole par rapport aux essences a fortement contribué à la diésélisation de la consommation de carburants routiers en France : en 2016, la part de la consommation de gazole représentait 82,5 % de la consommation totale de carburants routiers en France, soit 34,8 millions de tonnes de gazole en 2016. Ce niveau de consommation du gazole est relativement stable par rapport à 2015.

Livraisons de carburans routiers

(en 10 000 tonnes)

Carburants routiers

Janvier-décembre

2015

Janvier-décembre 2016

Janvier-août 2017

Supercarburant sans plomb 95-E 10

2 378,4

2 616,4

1 913,3

Supercarburant sans plomb 95

3 260,2

3 119,5

1 974,9

Supercarburant sans plomb 98

1 505,2

1 634,6

1 161,8

Total supercarburants

7 143,8

7 370,6

5 049,9

Gazole

34 569,1

34 771,5

22 724,6

Total carburants routiers

41 713

42 142,1

27 774,5

 dont part du gazole

82,9 %

82,5 %

81,8 %

Source : Comité professionnel du pétrole, Bulletin mensuel, n° 668, août 2017.

L’utilisation importante du gazole s’explique par une très forte diésélisation du parc automobile routier français : alors que les voitures particulières circulant au gazole ne représentaient en 1990 que 15 % du parc automobile total, leur part est passée à 69,6 % en 2016, soit 22,5 millions de voitures particulières. Toutefois, l’année 2017 marque le début d’un infléchissement dans la part du gazole au sein du parc automobile, ce dernier passant à 69,1 % en 2017, après quatre années de hausse consécutive.

PArc des voitures particulières au 1er janvier

(en milliers de voitures)

Source d’énergie

2013

2014

2015

2016

2017

Supercarburants

10 699

10 163

9 641

9 391

9 388

Hybride essences-électricité

74

105

137

177

226

Gazole

21 858

22 356

22 516

22 494

22 179

Hybride gazole-électricité

11

25

34

53

59

Essence GPL

208

184

170

162

154

Électricité

10

18

27

43

63

Autres

6

6

6

5

5

Total

32 865

32 857

32 530

32 325

32 074

 dont gazole

66,5 %

68 %

69,2 %

69,6 %

69,1 %

Source : service de l’observation et des statistiques du ministère de la transition écologique et solidaire.

L’engouement français en faveur du diesel reposait initialement sur « l’idée que la consommation de carburant des véhicules diesel est très nettement inférieure au kilomètre parcouru à celle des véhicules circulant à l’essence » et que les émissions de dioxyde de carbone sont plus faibles au cours de la durée de vie du véhicule. La Cour des comptes souligne toutefois que « cet argument n’est plus guère recevable » au regard des progrès accomplis dans la conception des moteurs à essence, et que sur le plan environnemental, « les émissions de CO2 produites par un véhicule diesel sont du même ordre que celles des automobiles à essence ». Elle rappelle « qu’en favorisant la diésélisation du parc, responsable pour une très large part des dépassements des normes européennes pour plusieurs polluants, le différentiel de taux en faveur du gazole va à l’encontre des objectifs » de lutte contre les émissions de polluants atmosphériques. Elle conclut à la nécessité de réformer la politique fiscale de l’énergie qui répond « davantage au souci de préserver certains secteurs d’activité qu’à des objectifs environnementaux » ([114]).

Une telle réforme est d’autant plus souhaitable que les émissions des véhicules automobiles utilisant le gazole comme carburant posent, en particulier en milieu urbain, un problème sanitaire : les particules émises par les moteurs diesel, qui étaient déjà classées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1988 comme « cancérogènes probables », sont depuis 2012 classés par cette organisation comme « cancérogènes certains ». En juillet 2015, la commission d’enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution de l’air soulignait que « les fumées diesel sont responsables de l’apparition et de l’aggravation de nombreuses maladies, telles que les cancers du poumon ou encore de la vessie, des maladies cardiovasculaires, des maladies respiratoires, de nombreuses allergies, de l’apparition d’irritation oculaires et d’inflammations des muqueuses, d’accroissement des problèmes de fertilité, de risques de malformations congénitales et de mortalité infantile, de l’affaiblissement du système immunitaire et d’augmentation du taux des hospitalisations, et enfin, selon des études récentes, de la maladie de Parkinson, de la maladie d’Alzheimer ou de l’obésité ». Elle évaluait le coût de la pollution de l’air en France « entre 68 et 97 milliards d’euros par an », comprenant un coût sanitaire évalué au minimum à 4,3 milliards d’euros par an ([115]).

III.   Le dispositif proposÉ et les enjeux juridiques

Le présent article contient deux mesures distinctes : d’une part, une hausse progressive de la composante carbone pour la période 2018-2022, d’autre part, la poursuite à un rythme plus soutenu de la convergence du tarif de TICPE sur le gazole vers celui des essences.

A.   Une hausse progressive de la composante carbone pour atteindre 86,2 euros par tonne de CO2 en 2022

Le présent article propose de fixer une trajectoire de la composante carbone pour la période 2018-2022, en retenant un objectif plus ambitieux que celui fixé par la LTECV. Dans le but d’offrir plus de visibilité aux opérateurs, la valeur de la composante carbone des tarifs des TIC est fixée à 44,60 euros par tonne de CO2 en 2018, 55 euros en 2019, 65,40 euros en 2020, 75,80 euros en 2021 et 86,20 euros en 2022.

trajectoire de la composante carbone pour la période 2014-2022

(en euros par tonne de dioxyde de carbone)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Nouvelle trajectoire

7

14,5

22

30,5

44,6

55,0

65,4

75,8

86,2

Hausse de la CCE (1)

+ 7

+ 7,5

+ 7,5

+ 8,5

+ 14,1

+ 10,4

+ 10,4

+ 10,4

+ 10,4

(1) Contribution climat énergie.

Source : présent projet de loi de finances.

La hausse de la composante carbone est particulièrement importante pour 2018 (+ 14,1 euros par tonne de CO2) par rapport aux années suivantes (+ 10,4 euros par tonne de CO2) ou précédentes (+ 7,6 euros par tonne de CO2 en moyenne). Elle conduit corrélativement sur la période à une hausse des tarifs des TIC, à l’exception de la TICFE pour laquelle la consommation d’électricité n’émet pas de dioxyde de carbone.

La répartition de la hausse de la composante carbone s’effectue sur l’ensemble du quinquennat afin de donner de la visibilité aux acteurs économiques dans la poursuite de leurs activités et la programmation de leurs investissements.

Le  du I de l’article modifie le tableau B annexé au 1 de l’article 265 du code des douanes, fixe le barème pour la période 2018-2022 de la TICPE, ce dernier s’achevant en l’état du droit à l’année 2017. Il met en œuvre la hausse de la composante carbone en modifiant, pour chaque année et chaque produit énergétique, le tarif de la taxe en fonction de la valeur croissante donnée à la tonne de carbone et du contenu standardisé en carbone du produit.

Le  et  du I effectuent respectivement des modifications similaires pour le barème de la TICGN et de la TICC.

Le  du I fixe quant à lui la valeur de la CSPE pour les prochaines années à 22,5 euros par mégawattheure.

Enfin, le II du présent article précise qu’il s’applique aux opérations dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2018.

principaux tarifs de taxes intérieures de consommation

(en euros)

TIC

Produit

Unité

Tarifs

2017

2018

2022

TICPE

Supercarburant (SP 95-E 5 et SP 98)

hl

65,05

68,28

77,80

TICPE

Supercarburant (SP 95-E 10)

hl

63,07

66,29

75,80

TICPE

Gazole (diesel)

hl

53,07

59,40

78,23

TICPE

Gazole non routier (GNR)

hl

15,09

18,82

29,85

TICPE

Propane et butane (GPL) carburants

100 kg

16,50

20,71

33,13

TICPE

Gaz naturel carburant (GNV)

100 m3

5,80

8,80

17,66

TICGN

Gaz naturel combustible (GNL / GNC)

MWh

5,88

8,45

16,02

TICC

Charbon combustible

MWh

9,99

14,62

28,25

TICFE

Électricité

MWh

22,50

Source : présent projet de loi de finances.

Il convient toutefois de souligner que les tarifs proposés par l’article pour la période 2018-2022 prennent également en compte une hausse spécifique de la part fixe du tarif de TICPE applicable au gazole.

B.   Une convergence progressive des tarifs de TICPE entre le gazole et les essences

Le présent article intègre, dans les nouveaux tarifs de TICPE, une convergence du tarif du gazole vers les tarifs des essences en quatre années, soit à l’horizon 2021. Elle conduit à une hausse de la part fixe de la TICPE applicable au gazole routier de 2,6 euros par hectolitre (soit 2,6 centimes par litre) par an pendant quatre ans, hausse qui s’ajoute à celle de la part carbone programmée pour la période 2018-2022.

Tarifs de TICPE sur le gazole et sur l’essence

(en euros par hectolitre)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

SP 95-E 5 et SP 98

60,69

62,41

64,12

65,07

68,29

70,67

73,05

75,43

77,80

Gazole routier

42,84

46,82

49,81

53,07

59,4

64,76

70,12

75,47

78,23

Source : présent projet de loi de finances.

La convergence fiscale entre l’essence et le gazole sera atteinte à l’horizon 2021, date à laquelle le tarif de TICPE pour le gazole sera de 75,47 centimes par litre contre 75,43 centimes par litre pour le supercarburant SP 95.

En 2018, les taxes sur les carburants routiers auront ainsi augmenté par rapport à l’année 2017 de :

– 3,22 centimes de TICPE et 0,64 centime de TVA par litre d’essence SP 95, soit un total de 3,86 centimes par litre (soit une hausse des taxes de 4,4 %) ;

– 6,33 centimes de TICPE (dont 2,6 centimes de composante fixe) et 1,27 centime de TVA par litre de gazole, soit un total de 7,60 centimes par litre (soit une hausse des taxes de 10,4 %).

En conséquence, compte tenu du prix moyen actuel des carburants vendus « à la pompe » au 15 septembre 2017 (1,20 euro par litre pour le gazole et 1,36 euro pour le SP 95), la hausse totale de taxation devrait faire mécaniquement augmenter, l’an prochain, le prix du gazole de 6,3 % et celui de l’essence SP 95 de 2,8 %.

Il convient toutefois de rappeler que l’évolution réelle du prix du gazole et de l’essence dépendra du contexte économique international, et tout particulièrement du prix du baril de pétrole brut sur les marchés internationaux. En cela, la baisse du prix de vente du brut observée depuis janvier 2017 (de l’ordre de 5 centimes par litre de carburant) pourrait, si elle se poursuivait, atténuer en partie les effets haussiers induits par le rattrapage de fiscalité du gazole.

À l’horizon 2022, les taxes sur les carburants routiers auront ainsi augmenté par rapport à l’année 2017 de :

– 12,73 centimes de TICPE et 2,55 centimes de TVA par litre d’essence SP 95, soit un total de 15,28 centimes par litre (soit une hausse des taxes de 17 %) ;

– 25,16 centimes de TICPE (dont 10,4 centimes de composante fixe) et 5,03 centimes de TVA par litre de gazole, soit un total de 30,19 centimes par litre (soit une hausse des taxes de 41 %).

Convergence des tarifs de TICPE entre le gazole et les essences

(en euros par hectolitre)

Source : présent projet de loi de finances.

La convergence à la hausse du gazole vers les essences est dès lors particulièrement forte pour le gazole puisqu’elle doit, d’une part, combler le déficit historique de fiscalité entre les deux carburants, d’autre part, subir, en même temps que les essences, la hausse de la contrition climat énergie.

Évolution des Tarifs de TICPE sur le gazole et sur les supercarburants

(en euros par hectolitre)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

SP 95-E 5 et SP 98

+ 1,72

+ 1,71

+ 0,95

+ 3,22

+ 2,38

+ 2,38

+ 2,38

+ 2,37

 dont part fixe

 1

Gazole routier

+ 3,98

+ 2,99

+ 3,26

+ 6,33

+ 5,36

+ 5,36

+ 5,35

+ 2,76

 dont part fixe

+ 2

+ 1

+ 1

+ 2,6

+ 2,6

+ 2,6

+ 2,6

Source : présent projet de loi de finances.

La répartition de la hausse du tarif de TICPE sur le gazole pour la période 2018-2021 permet de lisser l’effort demandé aux entreprises et aux ménages, tout en les incitant à faire évoluer leurs choix vers des véhicules plus propres. Elle doit toutefois être accompagnée par un renforcement de la prime de conversion dans le cadre du dispositif du bonus-malus automobile ([116]).

IV.   L’impact Économique et budgétaire attendu

Les TIC constituent la quatrième ressource du budget général.

La hausse de la composante carbone et le rattrapage de la fiscalité du diesel sur celle des essences conduiront en 2022 à un rendement net pour l’État de 14,2 milliards d’euros.

Cette hausse de la fiscalité touche principalement les ménages mais également les acteurs économiques non protégés par des mécanismes de remboursement ou d’exonération. Elle doit conduire, à moyen et long terme, à des modifications de comportements plus favorables à la lutte contre les émissions de dioxyde de carbone.

A.   Une hausse dynamique des recettes budgétaires

La hausse de la composante carbone de 30,5 euros par tonne de CO2 à 44,6 euros par tonne de CO2, additionnée à la hausse de 2,6 centimes de la TICPE applicable au gazole, doit rapporter à l’État près de 3,7 milliards d’euros en 2018.

Incidences budgÉtaires pour la période 2018-2022

(en milliards d’euros)

Années

2018

2019

2020

2021

2022

Rendement net

3,7

6,5

9,4

12,2

14,2

 dont lié à la trajectoire carbone

2,7

4,8

6,8

8,8

10,8

 dont lié à la hausse du gazole

0,9

1,8

2,6

3,4

3,4

Source : présent projet de loi de finances.

Au total, le rendement de la TICPE s’élève à 34 milliards d’euros en 2018 au lieu de 30 milliards d’euros en 2017.

RÉpartition de la TICPE

(en millions d’euros)

Années

2016

2017

2018

État

15 878

10 421

13 341

AFITF

766

735

1 076

CAS Transition Énergétique

6 875

7 166

Régions

5 414

5 823

5 690

Départements

6 281

6 432

6 538

Total

28 339

30 286

33 811

AFITF : Agence de financement des infrastructures de transport de France.

CAS : compte d’affectation spéciale.

Source : Évaluations des voies et moyens, tome II, présent projet de loi de finances.

Les recettes de la taxe en 2018 sont réparties entre l’État pour 13 milliards d’euros, les collectivités locales pour 12 milliards d’euros, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour un milliard d’euros et, enfin, le compte d’affectation spéciale Transition énergétique pour 7 milliards d’euros ([117]), afin de financer le soutien aux énergies renouvelables ainsi que l’apurement de la dette de l’État envers Électricité de France (EDF) issue du déficit de compensation des charges du service public de l’énergie.

Enfin, la hausse des recettes fiscales en provenance des TIC est limitée par l’augmentation mécanique de nombreuses dépenses fiscales relatives aux TIC du fait de l’existence de planchers de remboursement pour certains secteurs économiques. Par exemple, la différence entre la TICPE acquittée sur un litre de carburant par les particuliers et celle acquittée par les secteurs bénéficiant d’un mécanisme de remboursement tend à s’accroître progressivement en fonction de la hausse progressive des tarifs de TICPE :

– les exploitants de taxis bénéficiaient d’une différence de TICPE de 13 centimes d’euro en 2014 contre 23 centimes d’euro en 2017, et bénéficieront d’une différence de 48 centimes d’euro en 2022 ;

– le transport routier de marchandises bénéficiait d’une différence de TICPE de 4 centimes d’euro en 2014 contre 10 centimes d’euro en 2017, et bénéficiera d’une différence de 35 centimes d’euro en 2022 ;

– le transport public routier en commun de voyageurs bénéficiait d’une différence de TICPE de 4 centimes d’euro en 2014 contre 14 centimes d’euro en 2017, et bénéficiera d’une différence de 39 centimes d’euro en 2022.

Aussi, les principales dépenses fiscales associées aux TIC s’élèveront en 2018 :

– à 42 millions d’euros en 2018 au lieu de 35 millions d’euros en 2017 concernant le taux réduit de TICPE pour les carburants utilisés par les taxis ;

– à 515 millions d’euros en 2018 au lieu de 350 millions d’euros en 2017 concernant le taux réduit de TIC au profit des installations intensives en énergie et soumises au régime des quotas d’émission de gaz à effet de serre ;

– à 220 millions d’euros en 2018 au lieu de 180 millions d’euros en 2017 concernant le taux réduit de TIC au profit des installations intensives en énergie et exerçant une activité considérée comme exposée à un risque important de fuite carbone ;

– à 1 137 millions d’euros en 2018 au lieu de 758 millions d’euros en 2017 concernant le remboursement d’une fraction de TICPE sur le gazole utilisé par certains véhicules routiers de marchandises ;

– à 182 millions d’euros en 2018 au lieu de 135 millions d’euros en 2017 concernant le remboursement d’une fraction de TICPE sur le gazole utilisé par les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs ;

– à 247 millions d’euros en 2018 au lieu de 197 millions d’euros en 2017 concernant le remboursement partiel en faveur des agriculteurs de la TICPE.

Au total, l’ensemble des dépenses fiscales liées à la TICPE s’élèvent en 2018, à 8,39 milliards d’euros contre 7,59 milliards d’euros en 2017, soit une hausse de 10,5 %.

B.   Une hausse du prix de l’Énergie pour les ménages qui doit s’apprécier au regard des mécanismes de soutien

L’impact pour les ménages de la hausse de la composante carbone est plus important pour les ménages ayant les revenus les moins élevés du fait d’une consommation en énergie généralement contrainte et d’une faible capacité d’investissement soit dans la rénovation énergétique de leur logement, soit dans un véhicule routier plus sobre en carburant. Avec comme hypothèse une valeur de la tonne de carbone fixée à 73 euros par tonne de CO2, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime que « l’impact selon les déciles de ménages varie d’un facteur 4 entre le premier (1,8 % du revenu) et le dernier décile (0,4 % du revenu) ». Il indique que « la localisation des ménages est une autre source d’inégalité face à la taxe carbone en raison de l’usage plus important de l’automobile en milieu rural ou dans les communes de moins de 20 000 habitants » ([118]).

L’impact de la hausse de la taxe carbone pour les ménages dépend également sensiblement du type de combustible retenu pour le chauffage. En effet, le dispositif tel que proposé par le présent article favorise les ménages se chauffant à l’électricité – puisque le tarif de TICFE est stable pour les cinq prochaines années – tandis qu’elle pénalise les ménages se chauffant au gaz ou au fioul – en raison de la hausse de la contribution climat énergie. En effet, le tarif de TICPE applicable au fioul domestique passera de 11,89 centimes par litre en 2017 à 15,62 centimes par litre en 2018 (+ 31 %) et à 26,65 centimes par litre en 2022 (+ 124 %). De même, le tarif de TICGN applicable au gaz naturel passera de 5,88 euros par mégawattheure en 2017 à 8,45 euros en 2018 (+ 44 %) et 16,02 en 2019 (+ 172 %). Aussi, la hausse de la composante carbone, couplée à un maintien à son niveau 2016 de la TICFE, conduit à un renforcement de la compétitivité de l’électricité comme énergie de chauffage à l’horizon 2022. Un tel choix de politique publique aura nécessairement des conséquences sur les comportements des ménages : il trouve une justification dans la faible part des énergies carbonées dans la production d’électricité en France, permettant ainsi de réduire les émissions de CO2.

La convergence à la hausse de la TICPE applicable au gazole touchera particulièrement les ménages utilisant un véhicule diesel – les ménages représentant les deux tiers de la consommation de ce carburant. Par ailleurs, l’INSEE estime que la proportion de ménages disposant d’un véhicule automobile ou plus s’élevait en 2012 à 83,3 %. La part du diesel dans le parc automobile des particuliers s’élevait, à la même date, à un peu plus de 61 %. Il en résulte que la proportion de ménages concernés par la hausse du gazole peut être estimée à environ 51 %, c’est-à-dire à plus d’un ménage sur deux. Toutefois, la proportion des ménages possédant un véhicule diesel varie fortement en fonction du décile de revenu disponible : la moyenne pour les trois derniers déciles était de 61 % en 2012 alors qu’elle s’établissait à 38 % pour les trois premiers déciles.

Proportions de Ménages motorisés au diesel
selon les déciles de revenu disponible en 2012

(en %)

D1

D2

D3

D4

D5

D6

D7

D8

D9

D10

31

38

44

50

52

58

60

62

61

59

Note : Pour le premier décile de revenu, c’est-à-dire les individus dont le revenu moyen se situe au-dessous de 8 280 euros, 31 % des ménages possèdent un ou plusieurs véhicules fonctionnant au carburant diesel.

Source : service de l’observation et des statistiques du ministère de la transition écologique et solidaire.

Une étude publiée au mois de juin 2009 par le Commissariat général au développement durable, spécifiquement consacrée aux dépenses de carburant automobile des ménages, confirme que « les dépenses moyennes de carburant automobile varient du simple au double selon le quintile de niveau de vie » ([119]). Cette étude estimait, en outre, à un peu plus de 1 200 euros par an et par ménage les dépenses moyennes de carburant (gazole et essence confondus) des 20 % des ménages ayant le niveau de vie le plus élevé, et à un peu moins de 600 euros par an pour les 20 % des ménages ayant le niveau de vie le plus bas. L’étude soulignait également l’importance de la relation entre les dépenses de carburant automobile et la zone de résidence, puisqu’elles s’élèvent à 1 300 euros par ménage en zone périurbaine contre un peu moins de 800 euros pour les villes-centres de pôle urbain. Elle concluait qu’en l’absence d’adaptation des comportements, les ménages les plus affectés par une hausse des prix des carburants automobiles à proportion de leur budget sont principalement les ménages résidant en milieu périurbain ou rural (soit environ 40 % de la population) ainsi que les ménages de niveau de vie intermédiaire (deuxième et surtout troisième quintile). Les ménages les plus aisés et les ménages résidant dans l’agglomération parisienne seraient les moins touchés par une hausse sur les carburants automobiles, à proportion de leur budget.

Sachant que les véhicules fonctionnant au gazole roulaient en moyenne 18 555 kilomètres par an en 2015 et ceux roulant à l’essence 12 133 kilomètres par an ([120]), l’impact sur le budget des ménages de la hausse du prix des carburants peut être calculé en prenant plusieurs exemples types :

– le cas d’un ménage A qui utiliserait une voiture diesel relativement sobre consommant en moyenne 4,5 litres de gazole pour 100 kilomètres parcourus pour effectuer en moyenne 18 500 kilomètres par an (soit plus de 50 kilomètres par jour), soit 833 litres de diesel par an : un tel ménage s’acquitte en 2017 de 443 euros de droits d’accise et devra s’acquitter de 495 euros de TICPE en 2018 ;

– le cas d’un ménage B qui utiliserait une voiture essence relativement sobre consommant en moyenne 5,5 litres de gazole pour 100 kilomètres parcourus pour effectuer en moyenne 12 000 kilomètres par an (soit plus de 30 kilomètres par jour), soit 660 litres d’essence SP 95 par an : un tel ménage s’acquitte en 2017 de 429 euros de droits d’accise et devra s’acquitter de 451 euros de TICPE en 2018.

Impact de la hausse de TICPE sur les carburants pour deux ménages-types

 

 

Ménage A

Ménage B

Kilométrage parcouru dans l’année (en kilomètres)

18 500

12 000

Consommation moyenne du véhicule (en litres pour 100 kilomètres)

4,5

5,5

Volume de carburants consommé dans l’année (en litres)

833

660

Budget annuel de carburant en 2017 (en euros)

1 016

907

TICPE acquittées en 2017 (en euros)

443,4

429,46

TICPE acquittées en 2018 (en euros)

494,51

450,71

 augmentation par rapport à 2017

+ 51,11

+ 21,25

TICPE acquittées en 2022 (en euros)

651,26

513,48

 augmentation en euros par rapport à 2017

+ 207,86

+ 84,02

* Sur la base d’un prix TTC au 15 septembre 2017.

Source : commission des finances.

Pour permettre aux ménages de faire face à la hausse des prix de l’énergie, une partie des recettes dégagées doit venir soutenir des mécanismes de compensation pour permettre à ces derniers de modifier leurs comportements et de réaliser des investissements dans des logements ou véhicules plus économes en énergie. Il existe aujourd’hui de nombreux dispositifs de soutien financier à la rénovation des logements :

– le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) qui permet de déduire 30 % des dépenses éligibles pour certains travaux d’amélioration de la performance énergétique ([121]) ;

– l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) qui est un prêt à taux d’intérêt nul et accessible sans conditions de ressources pour financer un ensemble cohérent de travaux d’amélioration de la performance énergétique ;

– la TVA au taux réduit de 5,5 % pour les travaux d’amélioration de la performance énergétique ainsi que pour les travaux induits et indissociablement liés ;

– le programme « Habiter Mieux » de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) qui permet, sous certaines conditions, de bénéficier d’une aide et d’un accompagnement pour rénover un logement en vue de diminuer de façon significative les déperditions d’énergie.

Enfin, l’État soutient financièrement l’achat de véhicules peu polluants ainsi que la conversion d’une voiture diesel en voiture essence par le biais du dispositif du bonus-malus ([122]).

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*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF688 du président Éric Woerth, I-CF156 de Mme Véronique Louwagie et I-CF383 de Mme Lise Magnier.

M. le président Éric Woerth. Je propose d’en revenir à la trajectoire de la hausse du prix du carbone prévue par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, cela sans abandonner l’objectif consistant à porter le prix du carbone à 100 euros par tonne en 2030.

Le présent amendement vise ensuite à opérer un rapprochement mutuel du tarif de l’essence et de celui du gazole de 1 centime par litre et par an. Voilà qui permettrait à la fois de respecter le principe de la convergence entre le gazole et l’essence et d’absorber sur un temps plus long une hausse de prix, que je considère comme difficile à accepter, de 30 centimes en fin de quinquennat, soit 12 ou 15 euros par plein.

M. le Rapporteur général. Votre amendement est cohérent, monsieur le président, mais il propose de revenir à l’ancien système. Souffrez donc que j’émette un avis défavorable et que nous en restions à la trajectoire prévue.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement reprend la convergence prévue par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Il s’agit de garder la même trajectoire concernant la contribution climat énergie (CCE), ce qui a pour effet de ne pas induire une augmentation relativement importante comme celle proposée par le texte, de 7,6 centimes par litre pour le gazole et de 3,9 centimes par litre pour l’essence en 2018.

Mme Lise Magnier. Mon amendement vise à mettre en cohérence la trajectoire carbone et son périmètre d’application avec l’objectif de sortie des énergies fossiles, tout en préservant une neutralité budgétaire en 2018 par rapport au projet de loi de finances.

Le principe retenu est d’asseoir la part carbone des taxes intérieures de consommation (TIC) sur le seul contenu en carbone fossile des produits énergétiques assujettis, afin d’exclure les produits et énergies issues de la biomasse de la composante carbone des taxes intérieures de consommation sur les énergies.

À cette fin, l’amendement réduit l’assiette de la part carbone de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) au seul carbone fossile que ces derniers contiennent, en en excluant le contenu forfaitaire en carbone renouvelable de chaque produit énergétique soumis à la TICPE.

L’objectif est évidemment de favoriser les biocarburants en faisant en sorte qu’ils ne suivent pas la même tendance à la hausse que les carburants fossiles.

M. le président Éric Woerth. Je propose aux cosignataires des trois amendements en discussion de s’exprimer afin que nous puissions, comme nous l’avons fait tout à l’heure à propos du CITE, examiner plus rapidement les amendements suivants.

M. Charles de Courson. L’amendement I-CF383 est, si je puis dire, auto-gagé par une légère majoration de la valeur du carbone par rapport à ce que propose le Gouvernement puisque vous pouvez constater qu’en 2022, en fin de période, nous prévoyons d’atteindre le chiffre de 88,70 euros par tonne au lieu des 86,20 euros prévus par le texte. Cet équilibre est censé asseoir la cohérence de notre politique énergétique. Nous n’allons en effet tout de même pas augmenter la CCE sur des énergies renouvelables.

M. Fabien Roussel. L’objectif est l’aligner le prix du gazole sur celui de l’essence et nous vous proposons de faire l’inverse : aligner l’essence sur le prix du gazole, ce qui permettra de développer les voitures à essence et profitera aux porte-monnaie des milieux populaires.

M. le président Éric Woerth. C’est assez l’esprit de l’amendement que j’ai présenté et qui a obtenu un avis presque favorable du rapporteur, amendement qui consiste à faire un effort dans les deux sens.

Mme Bénédicte Peyrol. Il convient de replacer le dispositif en question dans la perspective plus large de l’ambition gouvernementale de réaliser cette fameuse transition écologique. Il s’agit ici d’augmenter la part carbone des TIC et de procéder au rattrapage entre le prix du gazole et celui de l’essence par le biais d’une hausse du prix du premier. Il ne faut pas oublier toutes les contreparties que le Gouvernement a évoquées pas plus tard que cet après-midi dans l’hémicycle : primes à la conversion des véhicules ou assises nationales de la mobilité. N’oublions pas non plus que le ministre de la transition écologique et solidaire a fixé comme objectif la neutralité carbone en 2050, d’où l’accélération de la mise en place de la taxe carbone.

M. le Rapporteur général. Bénédicte Peyrol vient de parfaitement résumer la raison pour laquelle ces trois amendements n’auront pas mes faveurs. J’ajoute que l’adoption de l’amendement de Mme Magnier conduirait à accroître encore davantage la charge fiscale applicable pour les ménages conduisant un véhicule diesel et ceux se chauffant au fioul.

M. Charles de Courson. Vous n’avez pas bien compris cet amendement, monsieur le Rapporteur général, puisque vous raisonnez comme s’il y avait 100 % de pétrole dans les produits concernés ; or ce n’est pas le cas puisque six produits en comprennent entre 5 % et 95 %. Il est complètement aberrant de taxer des énergies renouvelables par le biais de la CCE. Il faut être cohérent et nous, nous sommes des gens responsables. Si vous voulez que l’amendement soit équilibré, il faut bien augmenter légèrement la CCE mais sur la partie carbonée.

M. le Rapporteur général. L’amendement dont vous êtes cosignataire prévoit une hausse de la taxation de certains carburants et une baisse pour d’autres ; j’entendais par ma précédente intervention le distinguer des autres, plus mortifères à mes yeux, si j’ose dire.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle que le Gouvernement propose, pour 2022, une augmentation de l’essence de 15 centimes par litre et du gazole de 30 centimes par litre, alors que je vous propose une augmentation, respectivement, de 3 centimes et de 16 centimes. Suivre la trajectoire initialement prévue, comme je le souhaite, permet d’aboutir à des chiffres plus raisonnables et respectueux d’un certain nombre de contingences financières dont doit tenir compte l’État.

Mme Véronique Louwagie. J’entends les remarques de plusieurs de nos collègues qui prônent la convergence des prix du gazole et de l’essence. Seulement, on n’est pas obligé d’augmenter les prix à la fois de l’un et de l’autre : on peut très bien définir un point de convergence permettant une bien moindre augmentation – ce que proposent précisément les trois amendements.

La commission rejette successivement les trois amendements.

Puis elle en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements I-CF25 de M. Marc Le Fur ainsi que I-CF77 et I-CF78 de M. Julien Dive.

M. Marc Le Fur. L’amendement I-CF25 vise à sortir de la logique du rapprochement des prix de l’essence et du gazole.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF77 est défendu et l’amendement de repli I-CF78 également, qui propose une convergence plus en douceur.

M. le Rapporteur général. Tous les amendements qui mettront en place des tarifs spécifiques pour un produit recevront un avis défavorable de ma part au motif qu’ils sont constitutifs d’une rupture d’égalité avec les autres produits énergétiques. Or, cette rupture d’égalité induit une différence de traitement qui n’a pas de rapport avec l’objet de la présente taxe, qui consiste à tenir compte du contenu en dioxyde de carbone d’un produit pétrolier.

Mme Marie-Christine Dalloz. En matière de rupture d’égalité, l’utilisation du gazole comme carburant dans les territoires ruraux n’a rien à voir avec son utilisation en agglomération, où l’on peut prendre des transports en commun propres. Or, dans nos territoires, deux tiers des véhicules fonctionnent au gazole.

M. Marc Le Fur. Nos collègues doivent bien prendre conscience de ce que nous sommes en train de faire et qui aura de très graves conséquences sur le pouvoir d’achat de nos compatriotes : le Gouvernement propose une augmentation de 30 centimes par litre du gazole d’ici à la fin de la législature. Or on a affaire à des gens qui parcourent chaque jour 30 kilomètres pour aller au travail et 30 kilomètres pour en revenir et qui n’ont pas la possibilité de prendre un transport en commun. On va nous expliquer que les ventes se répartissent à égalité entre les véhicules à essence et ceux au gazole, sauf que ce qui compte, ce ne sont pas les ventes mais le stock : aujourd’hui, plus de 80 % des véhicules – 90 % dans certains départements – roulent au gazole. Si l’on considère cette fois non plus le stock de véhicules mais la distance réalisée, on atteint la proportion de 92 ou 93 % de kilomètres parcourus par ce type de véhicules. Vous êtes donc en train de pénaliser ces automobilistes.

Que va-t-il se passer pendant les cinq ans à venir si le dispositif que vous proposez est adopté ? On peut se caramboler avec une augmentation du prix du pétrole qui n’est pas prévue par le texte. Je déposerai donc des amendements pour que, dans l’hypothèse d’une telle hausse, on ne se trouve pas dans la situation que nous avons connue il y a quelques années quand le signal n’avait plus lieu d’être donné par la fiscalité puisqu’il était donné par l’augmentation du prix du pétrole. J’invite vraiment nos collègues à la responsabilité : arrêtons de taper sur les gens qui prennent leur voiture pour aller au travail.

Mme Amélie de Montchalin. On peut entendre les considérations de M. Le Fur ; d’ailleurs, le Gouvernement propose une prime à la conversion automobile, grande innovation concernant des véhicules d’occasion postérieurs à 2006, afin de diminuer la pollution. Il s’agit d’opter pour des véhicules qui consomment moins et polluent moins, et pour cela d’aider à hauteur de 2 000 euros les ménages les plus modestes qui changent leur véhicule. Cette mesure devrait vous satisfaire, monsieur Le Fur, puisque certaines familles n’ont en effet pas le choix : nous devons les aider à consommer moins afin que leurs dépenses en essence ou en gazole diminuent.

M. le président Éric Woerth. Corriger la trajectoire comme je le souhaite, monsieur le Rapporteur général, ne crée pas une rupture d’égalité. La rupture d’égalité est déjà dans la différenciation que vous faites entre le gazole et l’essence, ce qui d’ailleurs n’est pas nouveau, mais aussi, plus généralement, dans la trajectoire que vous proposez. Je n’entends pas aller contre le principe mais je veux rendre moins insupportable l’augmentation du gazole de 30 centimes par litre.

M. le Rapporteur général. Je rappelle que la logique du texte consiste à adapter les tarifs en fonction du contenu en dioxyde de carbone des produits pétroliers. Or, si nous prévoyons des différences de traitement qui ne sont pas en rapport avec ce niveau de dioxyde de carbone, on se trouvera dans une impasse juridique. Amélie de Montchalin a rappelé que nous avons prévu plusieurs dispositifs destinés à favoriser le pouvoir d’achat des Français. Je pense à l’intégration des véhicules essence les plus anciens dans le périmètre de la prime à la conversion et à l’ouverture de la prime pour tous sans conditions de ressources, avec un doublement de la prime pour les ménages non imposables. Ne nous éloignons pas de notre objectif, cessons de toujours repousser les décisions au lendemain – et c’est un conducteur de diesel qui vous le dit...

M. le président Éric Woerth. Je ferai tout de même observer que la trajectoire en question est toute récente.

M. François Pupponi. On aborde ici un point crucial. Il y a certes les Français des zones rurales un peu isolées mais aussi les habitants de banlieue et, parmi eux, ceux qui n’ont pas les moyens de s’acheter un véhicule. Je vous invite à vous rendre à 20 kilomètres d’ici, où les gens achètent deux ou trois carcasses à la casse et bricolent sur le parking du quartier pour essayer de reconstituer un véhicule comme ils peuvent et avec lequel ils iront travailler le lendemain. Et, j’y insiste, cela se passe à 20 kilomètres de Paris.

La plupart du temps, il n’y a pas de transports en commun pour sortir de ces quartiers : il n’y a toujours pas de tramway pour sortir de Clichy ou de Montfermeil, à 25 kilomètres de Paris. Je suis moi‑même à 8 kilomètres de Roissy et il n’y a pas de transports en commun pour y aller. Nous espérions que la ligne 17 du Grand Paris arrive en 2024 mais le Gouvernement songe à la supprimer.

Il y a des réalités sociales qu’il faut prendre en compte. Il faut inventer des systèmes pour que ces populations aient des voitures moins polluantes. Or, vous pouvez bien donner une prime à quelqu’un, s’il n’a pas les moyens d’acheter une nouvelle voiture, il continuera à bricoler.

Trouvons donc un système pour que les populations les plus fragiles, qui sont parfois celles qui polluent le plus parce qu’elles n’ont pas les moyens de s’acheter des véhicules propres et qui sont obligées de bricoler des véhicules anciens et polluants, sortent de cette situation – mais cela est coûteux.

M. Jean-Louis Bricout. Je rejoins François Pupponi, qui vient d’évoquer les banlieues. Je m’attarderai pour ma part sur la ruralité, à laquelle on a l’impression que vous en voulez. Les emplois aidés ? Les territoires en décrochage trinquent. La taxe d’habitation ? On voit bien qu’on n’injecte pas le même pouvoir d’achat dans ces territoires. Les dispositions sur le logement ? La ruralité trinque encore.

Quand nous passons par la pompe à essence, combien de personnes voyons-nous prendre du carburant pour seulement 10 ou 20 euros ? C’est très révélateur de la difficulté qu’elles ont à faire leur plein. La fiscalité que vous voulez instaurer, de plus, est vicieuse parce que payée par petits morceaux, si bien que les gens s’en rendent moins compte. En tout cas je vous le dis, les gens, dans nos territoires, n’en peuvent plus de ces politiques très dures. Ce budget manque d’humanité.

M. le président Éric Woerth. Pour une Peugeot 307 diesel, voiture bien commune, la taxation prévue par le Gouvernement représentera quasiment 5 euros par plein l’année prochaine et, si son détenteur garde cette voiture jusqu’en 2022 et si l’on suit la trajectoire envisagée, on en sera alors à 18 euros par plein, ce qui n’est pas négligeable.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous avons bien conscience des difficultés dans les milieux les plus ruraux. Je suis moi-même élue dans la troisième circonscription de l’Allier et je sais bien qu’à certains endroits, il n’y a pas de transports en commun. Mais, précisément, nous voulons montrer la direction à prendre, nous voulons que les constructeurs, nous voulons que chacun se mobilise pour que le covoiturage se développe et pour que les transports en commun se développent. Si la fiscalité que nous entendons mettre en place est lourde, pensons à demain : quand il va falloir créer des zones humides artificielles ou augmenter les dépenses de santé, tout cela nécessitera un alourdissement de la fiscalité ou l’aggravation du déficit. Il faut donc penser à l’avenir.

M. le président Éric Woerth. J’entends bien que vous vouliez montrer la direction à prendre, madame, mais il faut tenir compte des gens...

M. Marc Le Fur. Eh oui !

M. le président Éric Woerth. ... c’était le sens des interventions précédentes.

M. Marc Le Fur. Mme de Montchalin nous explique très justement que certaines aides de l’État visent à renouveler le parc automobile. Cela a d’ailleurs été le moyen pour que les constructeurs de voitures ne disent rien. Il n’empêche qu’il y a un reste à charge considérable. Des gens ont acheté leur véhicule il y a deux, trois, quatre ou cinq ans et ils ne vont pas le renouveler immédiatement.

Dans ma circonscription, il y a deux abattoirs de 3 000 salariés chacun. Allez voir aux pompes à essence : les gens discutent du prix du diesel. À partir du 20 du mois, ils paient tout par chèque afin de retarder le moment où leur compte sera débité. Eh bien, ça, c’est la vraie vie des gens, et vous allez la compliquer. La pente que vous évoquez est théorique et eux vont subir immédiatement la hausse de la fiscalité que vous souhaitez instaurer.

M. Éric Alauzet. Il faut traiter chacun en fonction de sa situation. Il est assez nouveau qu’on puisse acheter un véhicule d’occasion de 4 000 euros en bénéficiant de 2 000 euros d’aide. On a par le passé donné des primes de 1 000 euros pour des véhicules de 6 000 ou 7 000 euros – afin, surtout, de relancer le marché automobile. La présente mesure, elle, s’adresse vraiment aux personnes modestes, qui peuvent changer leur véhicule de quinze ans d’âge pour un véhicule vieux de quatre ou cinq ans pour un coût total de 2 000 euros – c’est assez exceptionnel.

Ensuite, de qui parle-t-on ? Principalement de celui qui se déplace au quotidien, à savoir le salarié plutôt que le retraité. Le salarié est parfois plus intelligent que ce qu’on croit. Bien sûr que dans la ruralité, il n’y a pas de transports collectifs, mais on voit fleurir autour des villes et des agglomérations des parkings spontanés qui montrent que nos concitoyens ont bien compris ce qui se passait : ils s’organisent, en tout cas ceux qui le peuvent, pour faire du covoiturage et là, pour le coup, l’économie va bien au-delà du surcoût du gazole.

Troisièmement, chacun devrait se regarder dans la glace car cette affaire du diesel, voilà tout de même vingt ans qu’on en parle. Alors que ceux qui n’ont pas bronché, qui n’ont pas levé le petit doigt, qui ont même défendu corps et âme le diesel, prennent leurs responsabilités sur les difficultés que les ménages vont rencontrer.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et la vôtre, de responsabilité !

M. Éric Alauzet. Dernier point, ces salariés sont aussi ceux qui vont bénéficier de la baisse de la taxe d’habitation, de la baisse des cotisations sociales et profiter de la prime pour l’activité.

Mme Marie-Christine Dalloz. Allez-vous baisser la CSG dans votre élan ?

M. Matthieu Orphelin. La prime à la conversion est vraiment une nouveauté, qui permettra aux ménages les moins aisés de bénéficier de 2 000 euros. Elle permettra de financer jusqu’à 50 % de l’achat d’un véhicule d’occasion récent. J’ajouterai que puisque les voitures consomment moins, la hausse de la TICPE s’en trouvera plus que compensée.

M. Saïd Ahamada. J’entends bien les observations de nos collègues sur le fait que dans le monde rural et dans les quartiers difficiles, la hausse de la fiscalité va avoir un coût. Ce que nous savons également, c’est que le coût global de la pollution, pour la société, se compte en vies humaines – le renoncement aux soins concerne un Français sur quatre – et ceux qui subissent la pollution sont d’abord les plus pauvres. Plutôt que de laisser ces derniers s’intoxiquer avec le diesel parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’en passer, nous devons faire en sorte qu’ils aient précisément les moyens d’acheter des véhicules propres et c’est exactement ce que nous faisons avec les mesures sur le pouvoir d’achat et en tâchant de stimuler la création de richesses.

M. Stanislas Guerini. Vous avez raison, monsieur le président, de rappeler qu’au‑delà de la direction que nous aurions à prendre, il y a des gens. Vous avez raison, mes chers collègues, de rappeler qu’il y a la vraie vie des gens. Mais la vraie vie, c’est aussi les 40 000 morts par an en raison de la pollution de l’air – aussi, je dirai qu’il ne s’agit pas seulement de prendre en compte la vraie vie des gens, mais la vraie mort des gens.

M. Philippe Vigier. On ne peut ignorer, plusieurs de nos collègues l’ont mentionné, qu’il n’y a pas partout des transports en commun. Et certes, monsieur Alauzet, le covoiturage existe, mais, quelquefois, il faut parcourir 30 ou 40 kilomètres pour trouver une structure adaptée, et encore faut-il que ceux qui s’y réunissent puissent partir à la bonne heure pour arriver à temps au travail.

Ensuite, allez-y, installez des bornes électriques ! Nous l’avons fait dans notre département. Aide de l’État : zéro.

Par ailleurs, je suis curieux de connaître la consommation du fameux véhicule d’occasion que vous avez évoqué, monsieur Alauzet, car 4 000 euros au bout de cinq ans... Je suis prêt à en débattre avec vous mais Besançon n’est pas la France, mon cher collègue.

Enfin, créons donc des transports en commun ; mais j’appelle l’attention de nos collègues sur les contrats de plan État-régions : tous les chantiers qui n’ont pas démarré ne le pourront plus, ce qui signifie que, jusqu’en 2022, il n’y aura pas de nouvelles infrastructures ferroviaires, pas de nouveaux transports en commun collectifs ou de transports en site propre dans les agglomérations parce qu’il n’y aura plus de financement de l’État.

M. Fabien Roussel. Vous proposez une prime d’un côté et vous augmentez dans le même temps le gazole. Ceux qui utilisent ce carburant ne le font pas pour le plaisir de polluer ; il est utilisé à la campagne, mais aussi par les ouvriers, par des gens qui ont un petit salaire. Et c’est encore eux qui vont être pénalisés ! Il faut en tenir compte et c’est pourquoi, si vous voulez que nous utilisions davantage des véhicules propres ou des véhicules à essence, il faut baisser le prix de l’essence et ne pas toucher au gazole. Il faut par ailleurs investir dans les véhicules électriques, et dans les véhicules à hydrogène.

Ce matin, quand nous avons évoqué la TVA sur les transports en commun, nos propositions ont été balayées d’un revers de la main. Or si vous voulez que l’on n’utilise plus les véhicules personnels, il faut investir dans les transports en commun.

Je dirai un dernier mot sur les porte-conteneurs. Puisqu’ils polluent plus que tous les véhicules du monde, c’est donc eux qu’il faut taxer : quand on délocalise en Chine, non seulement on tue l’emploi mais on pollue le monde. Pendant ce temps nous nous battons ici sur la question de savoir dans quelles proportions augmenter les taxes sur le gazole et sur l’essence, et nous allons encore faire du mal à ceux qui ont le pouvoir d’achat le plus faible.

M. Éric Coquerel. La question du climat est pour nous d’intérêt général et le fait de pouvoir continuer de respirer fondamental. Mais cet article est insupportable dès lors que seuls les particuliers seraient pénalisés, cela d’autant qu’il s’inscrit dans une politique globale dure, puisqu’elle revient à rogner des deux côtés le pouvoir d’achat de la plupart des Français : qu’il s’agisse des salaires ou de la dépense publique et de l’imposition. Il serait plus supportable de taxer tous les grands consommateurs de gazole : nos entreprises, qui sont exonérées. D’après le Réseau action climat, les niches fiscales concernant les énergies fossiles représentent 7 milliards d’euros par an. Il n’est pas normal, par ailleurs, que le kérosène ne soit pas taxé. Donc, j’y insiste, il n’est pas admissible que seuls les particuliers paient notre dette à l’égard du climat et de l’environnement.

M. Vincent Ledoux. S’il faut lutter contre les effets négatifs de la pollution sur la santé publique et améliorer l’environnement, pour autant il ne faut pas oublier quelle est la réalité dans nos régions. C’est pourquoi le président de la région des Hauts-de-France a lancé un dispositif qui prévoit l’octroi d’une voiture pour 2 euros par jour, assurance comprise, à un chômeur ayant obtenu une promesse d’embauche car, bien souvent, il n’a pas les moyens d’acquérir un véhicule et est contraint de décliner cette offre. Je suis sûr que chacun connaît autour de soi quelqu’un qui a des difficultés à retrouver un emploi à cause de problèmes de mobilité.

J’entends bien l’impératif, mais il faut accompagner la transition énergétique de manière beaucoup plus rationnelle.

La commission rejette successivement les amendements I-CF25, I-CF77 et I-CF78.

Elle étudie ensuite l’amendement I-CF24 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. L’augmentation de la fiscalité va également porter sur le fioul domestique, autrement dit sur le chauffage de nos compatriotes, qui représente un coût d’autant plus important qu’ils sont modestes. Ils vont vite s’apercevoir que les professionnels – transports, usines – sont épargnés par l’augmentation du prix du gazole, alors qu’ils vont subir de plein fouet la hausse du prix du fioul. Et ce sera pour eux la double peine puisque nous venons de voter la suppression de l’avantage fiscal qui leur permettait d’investir dans une chaudière au fioul plus performante.

Il convient donc de faire une exception, quitte à la réserver aux catégories les plus modestes.

M. le Rapporteur général. Vous dites que l’augmentation de la fiscalité sur le fioul domestique représente un coût pour les ménages les plus modestes, et je suis sensible à cet argument. Mais le projet de loi prévoit précisément la généralisation du chèque énergie, qui permettra d’aider 4 millions de ménages aux revenus modestes à payer leur facture d’énergie et à remplacer leur vieille chaudière au fioul par une chaudière utilisant des énergies renouvelables.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme Christine Pires Beaune. Il est indiqué, dans le dossier de presse du Gouvernement du 19 septembre, que la calibration actuelle du chèque énergie ne fait que des perdants jusqu’à 14 000 euros de revenus puisque ce chèque énergie sera d’un montant de 227 euros, alors que les tarifs sociaux actuels permettent d’atteindre 316 euros.

M. Marc Le Fur. Il se trouve que le chèque énergie a été testé dans mon département. Seuls les gens très modestes, ceux qui sont au chômage et en fin de droits, y ont droit, pas l’ouvrier payé au SMIC.

M. le Rapporteur général. Je le répète, ce sont bien les 4 millions de ménages les plus pauvres qui peuvent bénéficier du chèque énergie.

M. François Pupponi. Confirmez-vous que l’aide accordée aux 4 millions de ménages les plus pauvres sera moins élevée ?

M. le Rapporteur général. J’avoue que je ne vois pas où est la baisse.

Mme Christine Pires Beaune. Je répète qu’il est indiqué, dans le dossier de presse du Gouvernement du 19 septembre 2017 que, pour un couple avec deux enfants ayant un revenu fiscal de référence de 14 000 euros, le chèque énergie serait de 227 euros en 2018, à comparer aux tarifs sociaux actuels qui permettent, pour ce même couple, d’atteindre 316 euros.

M. le Rapporteur général. Le chèque énergie est utilisable pour tous les types d’énergie, tandis que les tarifs sociaux ne concernaient que l’électricité et le gaz. Le périmètre n’est donc pas du tout le même.

Comme le nombre de bénéficiaires sera plus élevé pour un même volume, il y aura effectivement des baisses dans certains cas. Cela dépend de la consommation.

Mme Perrine Goulet. Les tarifs de l’énergie dépendent de la consommation, puisqu’il s’agit d’un abattement sur la consommation. Ce n’est donc ni une augmentation, ni une diminution par rapport aux tarifs sociaux qui existent aujourd’hui.

Comme l’a dit le Rapporteur général, jusqu’à présent seules les personnes qui sont à EDF ou à Engie pouvaient bénéficier des tarifs de solidarité. L’avantage du chèque énergie, c’est que les ménages qui se chauffent au fioul pourront aussi y avoir droit.

M. le président Éric Woerth. Je pense que l’exemple pris par le Gouvernement concernait une consommation donnée pour une famille donnée.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, elle rejette successivement l’amendement I-CF26 de M. Marc Le Fur, les amendements ICF85 et I-CF84 de M. Julien Dive ainsi que l’amendement I-CF331 de M. Fabien Roussel.

Elle étudie, en discussion commune, les amendements I-CF86 et I-CF87 de M. Julien Dive ainsi que l’amendement I-CF626 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. La directive communautaire 2009/28/CE prévoit d’atteindre 10 % d’utilisation d’énergie renouvelable dans le secteur des transports. Mon amendement vise à appliquer au B 10 une TICPE diminuée de 2 centimes par rapport à celle appliquée au gazole classique, de façon à favoriser le basculement vers le B 10 des transporteurs routiers, qui roulent actuellement à 99 % au diesel.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable aux trois amendements.

Le gazole couramment vendu contient jusqu’à 7,7 % de biocarburants, dont 7 % d’huiles végétales et 0,7 % d’huiles animales. Si ces proportions ne sont pas atteintes par les distributeurs de carburants, ceux-ci sont redevables d’une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sanction à due concurrence.

Le biodiesel émet tout autant de particules fines et d’oxyde d’azote que le diesel classique, puisque les véhicules particuliers qui roulent au diesel étaient responsables, en 2015, de 88 % des émissions de microparticules (PM10), contre 11 % pour les voitures essence, et de 96 % des émissions d’oxyde d’azote.

Enfin, le coût est potentiellement important, puisqu’une hausse de 1 centime sur le gazole représenterait près de 400 millions d’euros de recettes fiscales. Baisser de 2 centimes le tarif du B 10 représenterait environ 120 millions d’euros de pertes de recettes dès 2018, dans le cas où le B 10 ne représenterait que 15 % du gazole vendu.

M. Charles de Courson. Je ne comprends pas l’argumentaire.

Si le B 10 représentait 100 % et non plus 15 % du gazole vendu, cela correspondrait grosso modo à une réduction de 8 % des émissions de particules. Cette petite incitation vise à faire basculer plus vite qu’actuellement vers le B 10. Je rappelle qu’aujourd’hui, nous n’avons aucune solution de substitution pour le transport de marchandises – avec 200 000 kilomètres par an, le diesel reste économiquement plus intéressant.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements I-CF90 et I-CF88 de M. Julien Dive.

Mme Marie-Christine Dalloz. La transition énergétique ne doit pas être que punitive. Aussi est-il proposé dans l’amendement I-CF90 une incitation forte pour les véhicules roulant au gaz de pétrole liquéfié (GPL). L’amendement I-CF88 est un amendement de repli.

M. le Rapporteur général. L’adoption d’une telle mesure créerait une rupture d’égalité. En l’occurrence, il s’agit de taxer le contenu en CO2 d’un produit pétrolier.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle étudie ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF644 et I-CF645 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le présent amendement vise à soumettre progressivement à la part carbone de la TICPE le GPL utilisé comme combustible pour des usages non résidentiels.

M. le Rapporteur général. Contrairement aux amendements précédents, vous mettez fin à une rupture d’égalité, ce qui est intéressant. Votre proposition est pertinente sur le plan écologique et son impact financier est positif, puisqu’elle rapporterait environ 30 millions d’euros en 2018. Je vous remercie donc pour cet « amendement de recettes » I-CF644, sur lequel j’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF644 (amendement n° I-583).

En conséquence, l’amendement I-CF645 tombe.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF89, I-CF91, I-CF92 et I-CF93 de M. Julien Dive.

Elle étudie, en discussion commune, les amendements identiques I-CF72 de M. Martial Saddier et I-CF94 de M. Julien Dive ainsi que l’amendement ICF95 de M. Julien Dive.

Mme Émilie Bonnivard. Les transporteurs routiers ont fait le choix du gaz naturel carburant dans les vallées alpines pour contribuer à l’émergence d’une mobilité propre qui préserve la qualité de l’air, sujet important dans nos territoires. Il serait incohérent qu’ils soient financièrement désavantagés par rapport à leurs concurrents qui conservent le gazole.

L’amendement vise donc à geler le taux de TICPE associée au gaz naturel pour véhicules (GNV) et au biométhane carburant (bioGNV) pour éviter de rendre ce carburant moins compétitif que le diesel au 1er septembre 2018.

Parallèlement au maintien de l’avantage fiscal dont disposent les transporteurs routiers de marchandises et de voyageurs roulant au gazole, l’accélération de la trajectoire carbone aura pour conséquence, au 1er janvier 2018, de rendre ce carburant plus compétitif que le GNV et le bioGNV pour le secteur des poids lourds de plus de 7,5 tonnes, solution pourtant encouragée car identifiée comme meilleure alternative propre au diesel pour ce secteur.

L’amendement fige la valeur de taxation du GNV à hauteur du taux fixé pour 2017. L’objectif est bien de signaler le risque et d’inviter les pouvoirs publics à prendre les mesures adéquates pour rétablir la logique de compétitivité du GNV et du bioGNV face au diesel et donc l’avenir d’une filière alternative et propre.

M. le président Éric Woerth. Il me semble que c’est une bonne idée.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable aux trois amendements. Le GNV bénéficie déjà d’un taux inférieur à ce qu’il devrait être, puisqu’il s’établit à 5,80 euros, au lieu de 6,50 euros pour 100 mètres cubes en 2017, cet écart étant maintenu pour la période 2018-2022. Le coût pour les finances publiques de ce taux dérogatoire est évalué à 156 millions d’euros environ pour 2018. Il ne me semble donc pas nécessaire de renforcer davantage le différentiel de tarif.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission examine les amendements identiques I-CF267 de Mme MarieChristine Dalloz, I-CF291 de M. Éric Alauzet et I-CF643 de M. Charles de Courson.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le biométhane est une énergie renouvelable issue de l’économie circulaire s’inscrivant dans un cycle court de carbone qui se substitue progressivement au gaz d’origine fossile. Alors que l’affichage du Gouvernement est important en la matière, il semblerait paradoxal de ne pas favoriser le bioGNV qui est une énergie propre.

M. Éric Alauzet. Effectivement, le bioGNV est une énergie renouvelable incorporée progressivement dans le GNV. Il émet quatre fois moins de gaz à effet de serre. Les repères que donnent les distributeurs montrent une incorporation de 15 % de bioGNV dans le GNV. Il est donc assez facile de pondérer la part de bioGNV par rapport au GNV et, du coup, de caler le taux de TICPE au taux respectif de chacune des deux énergies.

M. Charles de Courson. Actuellement, le GNV est effectivement composé de 85 % de gaz dit naturel et de 15 % de bioGNV – celui-ci étant produit à partir d’ordures, de déchets agricoles, etc. Nous considérons qu’il est incohérent que le bioGNV soit traité comme le GNV issu du gaz dit naturel. Cet amendement, dont le coût est de 14 millions d’euros, vise donc à arrêter de taxer les énergies renouvelables et à se concentrer sur la fiscalité des énergies non renouvelables. Monsieur le Rapporteur général, 14 millions, cela ne doit pas vous impressionner !

M. le président Éric Woerth. Il faut renouveler les flottes de camions si l’on veut qu’ils roulent au bioGNV.

M. le Rapporteur général. Je ne reviendrai pas sur le fait que le GNV bénéficie déjà d’un taux inférieur à ce qu’il devrait être. J’ajouterai que la méthanisation de gaz naturel fait déjà l’objet d’un soutien financier assez important de la part de l’État. En effet, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) finance depuis maintenant dix ans les projets de méthanisation au travers d’un fonds déchets et d’un fonds chaleur. Le biométhane injecté sur le réseau bénéficie également de tarifs d’achat garantis. Enfin, des appels d’offres pour les installations de cogénération ont été lancés en 2016.

Outre le fait qu’il est parfois difficile de distinguer le bioGNV du GNV injectés dans les réseaux, il convient pour le moment d’en rester à la situation actuelle.

M. Jean-Louis Bricout. Les transporteurs qui s’engagent dans le bioGNV sont confrontés à la difficulté de trouver des pompes d’alimentation, celles-ci coûtant très cher.

M. le président Éric Woerth. Je crois que Total a prévu d’investir dans une centaine de pompes.

M. Jean-Louis Bricout. L’ADEME accorde-t-elle des aides pour investir dans les stations de distribution ?

M. le Rapporteur général. Je ne le sais pas. Je vous donnerai une réponse ultérieurement.

La commission rejette ces amendements.

Puis, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, elle rejette successivement les amendements I-CF96 et I-CF97 de M. Julien Dive.

Elle étudie ensuite l’amendement I-CF628 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il convient dès à présent de prévoir la fiscalité de ce nouveau carburant qu’est le B 100, puisqu’un arrêté autorisant ce dernier a été notifié à la Commission européenne le 7 juillet dernier, et qu’il devrait ainsi être adopté très rapidement en France – la réponse devait arriver le 9 ou le 10 octobre.

Je propose donc d’introduire le B 100 dans la nomenclature de l’article 265 du code des douanes en créant un nouvel indice 57, et de lui appliquer un taux de TICPE limité à sa seule composante correspondant à la CCE, sur le même modèle de ce qui a été fait pour l’ED 95.

M. le Rapporteur général. Monsieur de Courson, vous abordez une question fort intéressante, puisqu’il s’agit de soumettre à un tarif réduit de TICPE le B 100, biocarburant fabriqué intégralement à partir d’huiles usagées et utilisé à titre expérimental par quelques flottes captives de poids lourds.

Toutefois, votre amendement pose un problème : il convient de fixer directement le tarif de TICPE applicable dans votre amendement, ce qui n’est pas le cas, plutôt que de faire référence à la composante carbone qui en découlerait.

Je vous propose donc de retirer votre amendement et je vous invite à présenter une nouvelle rédaction en séance publique, de façon que les tarifs de TICPE soient directement fixés.

M. Charles de Courson. Monsieur le Rapporteur général, cette ouverture vous honore. C’est avec plaisir que retire mon amendement pour le rédiger conformément à vos souhaits.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement I-CF490 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Cet amendement vise à mettre fin à l’absence de taxation du kérosène aérien à usage commercial et donc à supprimer son remboursement selon le principe du pollueur-payeur pour que ce secteur contribue aussi à la transition énergétique.

M. le Rapporteur général. Je rappelle que les négociations en cours devraient permettre que le transport aérien soit soumis au principe d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne. C’est intéressant car, comme vous le savez, un avion ne fait pas nécessairement le plein sur un territoire national plutôt que sur un autre, ce qui crée une distorsion de concurrence. Il convient donc de privilégier le système de quotas d’émission soit mis en place.

L’adoption de votre amendement aurait un impact direct en 2018 sur la profession, puisqu’il représenterait un choc fiscal de 3 milliards d’euros.

M. Jean-Baptiste Djebbari. Cet amendement est une fausse bonne idée. D’abord, il conduirait à taxer tout le territoire national, y compris les outre-mer qu’il conviendrait de subventionner immédiatement. Ensuite, cela reviendrait à taxer essentiellement les compagnies françaises, ce qui ne résoudrait pas leurs problèmes de compétitivité. Enfin, il manque son but puisqu’il n’incite pas à un report modal. On dit dans ce cas que la demande est inélastique au prix.

Cela étant, il s’agit là d’un vrai sujet, qui devra être débattu dans le cadre des Assises du transport aérien, qui auront lieu au cours du premier trimestre de 2018.

Par ailleurs, il faudra bien s’intéresser un jour à la politique de distribution du biofuel qui représente aujourd’hui en France 0 %, contre 5 % aux Pays-Bas.

M. Charles de Courson. L’ancien rapporteur spécial des transports aériens qui sommeille toujours en moi, puisque j’ai exercé cette fonction pendant dix ans, tient à souligner que ce sujet est un marronnier. En l’occurrence, cet amendement pose un problème en droit international puisque l’accord de Chicago prévoit une disposition qui n’est pas compatible. Si une mesure doit être prise, elle doit intervenir au minimum dans un cadre européen. C’est donc un mauvais amendement, même s’il est plein de bonnes intentions. Mon groupe votera contre.

M. Matthieu Orphelin. Effectivement, cela fait plusieurs années que ce sujet revient sur la table. Toutefois, nous pouvons le traiter de façon différente et faire preuve d’intelligence collective. Une contribution forfaitaire kérosène sur les vols intérieurs où il existe une alternative ferroviaire pourrait être une première étape, sachant que la compagnie nationale et les compagnies low cost pourraient être concernées. Il faut poursuivre notre réflexion en la matière car il est anachronique de payer une contribution lorsque l’on prend le train pour aller au Croisic, tandis qu’il n’y a pas de taxe sur le kérosène sur les petits vols intérieurs. On peut sans doute trouver une solution dans le cadre des prochaines assises.

M. Éric Alauzet. Il va falloir sortir de l’ornière dans laquelle nous sommes, mais pas uniquement sur ce sujet. Je pense au transport routier, aux chalutiers, etc. Des exonérations ont été décidées pour ne pas fragiliser des filières extrêmement sensibles.

L’idéal serait de leur demander de contribuer et de le leur redonner d’une autre manière, c’est-à-dire que la mesure serait neutre pour le professionnel pour ne pas le fragiliser. Il est indispensable de donner, y compris à l’ensemble des acteurs économiques, le signal de la sortie de l’énergie fossile, sinon on n’y arrivera jamais. Je n’ai pas la solution, et je sais que ce n’est pas facile, ni techniquement ni juridiquement. Mais si l’on s’en donne la peine, on peut trouver une solution.

M. le Rapporteur général. Quelle que soit la solution retenue, elle devra être européenne et non franco-française. Essayons donc plutôt de peser sur les travaux de l’Union européenne.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement I-CF491 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Vous dites qu’il faut attendre que l’Europe veuille bien accepter ce genre de choses. En résumé, c’est courage attendons ! Il est paradoxal de demander des efforts aux particuliers et pas aux compagnies aériennes, alors que les avions sont parmi les plus polluants.

Notre amendement vise à remettre en question l’exonération des entreprises électro‑intensives de la taxe carbone au prétexte qu’elles seraient soumises à la concurrence internationale. On se réfère au fait qu’elles paient la bourse du carbone au niveau européen qui est en fait un vrai marché du droit à polluer. Ces entreprises représentent 1 140 des sites majeurs en termes de pétrole, électricité, acier et ciment qui ont juste la particularité de participer à hauteur de 50 % des émissions de gaz à effet de serre.

J’espère que l’un de nos amendements finira par être adopté, sinon il sera très difficile d’expliquer que pour les particuliers, il est urgent d’agir, tandis que pour les autres, il est urgent d’attendre.

M. le Rapporteur général. Vous soulevez un vrai problème puisque le système d’échange de quotas d’émission qui est applicable au secteur concerné ne fonctionne pas.

Plutôt que d’adopter un tel amendement, mieux vaudrait faire en sorte qu’il fonctionne. Je vois mal comment on peut sortir d’un tel système avec des solutions franco-françaises. Vous risquez d’introduire une distorsion de concurrence avec les industries étrangères, ce qui n’est pas sain pour l’économie.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement I-CF98 de M. Julien Dive.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement vise à limiter l’augmentation des prix du gaz naturel destiné à être utilisé comme combustible.

M. le Rapporteur général. Il s’agit de diminuer le taux de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel, et de taxer différemment le contenu en CO2 de produits pétroliers. Or cette logique nous pose problème.

Je rappelle de nouveau que la généralisation du chèque énergie va aider 4 millions de ménages à acquitter leurs factures d’énergie. Sans oublier le « coup de pouce économies d’énergie », qui concernera 25 000 ménages chaque année, et qui représente 60 millions d’euros.

Je donnerai donc un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF458 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Cet amendement propose de supprimer une niche fiscale dont bénéficient les transporteurs routiers. La logique est toujours la même : ne pas faire peser la majorité du coût de la transition écologique sur les ménages.

M. le Rapporteur général. Outre les distorsions de concurrence avec les entreprises européennes qui, pour la plupart, traversent la France sans forcément faire le plein et sans s’acquitter de la TICPE, cet amendement provoquerait pour la profession un choc fiscal d’environ 1,14 milliard d’euros en 2018, et ce sans période transitoire. Le moment ne me paraît pas bien choisi.

Mme Muriel Ressiguier. On peut s’attaquer à l’évasion fiscale !

M. le Rapporteur général. Certes, mais votre amendement, en tant que tel, ne le permet pas. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine ensuite l’amendement I-CF559 de Mme Amélie de Montchalin, qui fait l’objet du sous-amendement I-CF718 de M. Charles de Courson.

Mme Amélie de Montchalin. Cet amendement vise à rétablir une certaine égalité entre les transporteurs routiers. Bénédicte Peyrol expliquera les aspects techniques de cet amendement. L’idée est de favoriser la transition vers le gaz d’un certain nombre de transporteurs routiers en prévoyant une incitation fiscale similaire, ou en tout cas comparable dans leur esprit.

Mme Bénédicte Peyrol. Cet amendement s’inscrit dans la même philosophie que ceux de mes collègues de Courson et Bonnivard concernant le GNV et le bioGNV : atténuer son déficit de compétitivité par rapport au diesel, pour qu’il soit reconnu comme un carburant professionnel.

Comme vous le savez, les transporteurs routiers sont aujourd’hui remboursés pour partie de leur TICPE quand ils prennent du diesel, mais pas pour le GNV. Donc, il n’y a pas d’incitation à aller vers ces nouveaux véhicules – le dispositif de suramortissement que vous avez voté l’an dernier prenant fin cette année.

M. Charles de Courson. Nous sommes favorables à l’amendement de Mme de Montchalin. Simplement, nous souhaiterions, par ce sous-amendement, le compléter et étendre le dispositif au biocarburant ED 95.

M. le Rapporteur général. L’amendement I-CF559, qui propose d’étendre le remboursement existant pour le gazole au GNV, dans le secteur routier de marchandises, me semble très intéressant. Malheureusement, son adoption se heurte à un obstacle d’ordre européen. En effet, le remboursement du gazole pour le transport routier est prévu spécifiquement par la directive européenne sur les droits d’accise. Le gaz naturel pour véhicules n’est donc pas concerné. Pour ce carburant, elle impose un principe d’uniformité du taux applicable pour les professionnels sur l’ensemble du territoire national.

Cela étant, cet amendement est intéressant. Je vous propose donc de le retirer, pour nous laisser le temps de le retravailler d’ici à la séance. Nous verrons alors s’il est possible de le rendre « eurocompatible ».

Mme Amélie de Montchalin. Je le retire.

M. le président Éric Woerth. Il y aurait une autre solution que le dégrèvement. Elle consisterait à ne pas appliquer de TICPE au gaz naturel pour véhicule, en échappant aux griffes de la directive. Il faudrait vérifier, mais je reconnais que cet amendement est intéressant et mériterait d’être retravaillé.

M. Jean-Baptiste Djebbari. Je vois deux inconvénients à introduire le GNV comme carburant professionnel : on se heurtera au droit européen et on créera une nouvelle niche fiscale. Nous sommes d’accord pour retravailler l’amendement d’ici à la séance. Mais à mon sens, le dispositif le plus efficace serait de plafonner la TICPE pour l’ensemble des carburants évoqués, y compris le GNV.

L’amendement I-CF559 est retiré. En conséquence, le sous-amendement I-CF718 n’a plus d’objet.

La commission est saisie de l’amendement I-CF281 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je retire cet amendement, qui a le même objet que le précédent.

L’amendement est retiré.

La commission est alors saisie de l’amendement I-CF562 de Mme Amélie de Montchalin, qui fait l’objet du sous-amendement I-CF717 de M. Charles de Courson.

Mme Amélie de Montchalin. Mon amendement a le même objet pour le transport public routier en commun de voyageurs (bus et autocars). Je le retire.

L’amendement est retiré.

En conséquence, l’amendement I-CF717 n’a plus d’objet.

La commission est saisie de l’amendement I-CF283 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je retire également cet amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques I-CF673 de la commission des affaires économiques et I-CF702 de la commission du développement durable.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. Il s’agit d’expliciter la trajectoire carbone au sein de la loi de transition énergétique pour une croissance verte, en remplaçant les valeurs prévues par la loi de finances rectificative pour 2015 par des valeurs actualisées.

L’amendement propose également d’augmenter l’objectif de coût de la tonne de carbone à l’horizon 2030, à raison d’une hausse d’un peu plus de 10 euros par an, soit 170 euros par tonne.

M. le Rapporteur général. Ces amendements sont intéressants, dans la mesure où ils proposent d’expliciter la trajectoire carbone au sein de la loi de transition énergétique pour une croissance verte, afin de remplacer les valeurs prévues par celles qui sont retenues dans le cadre du projet de loi de finances.

Mais ils prévoient également de rehausser de 100 à 170 euros l’objectif cible de 2030. Ce nouvel objectif, qui est tout de même très ambitieux, ne me semble pas complètement en adéquation avec les objectifs actuels. Je crois qu’il convient, pour le moment, de rester sur la cible prévue par le projet de loi de finances, qui est de 86,20 euros par tonne de carbone en 2022.

Je vous invite donc à retirer ces amendements et à les retravailler pour la séance, de manière à les mettre en conformité avec la trajectoire du projet de loi de finances.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte alors l’article 9 modifié.

*

*     *

Après l’article 9

La commission est saisie de l’amendement I-CF638 de M. Charles de Courson.

M. le Rapporteur général. Le débat vient d’avoir lieu. Avis défavorable, pour les raisons déjà exposées.

La commission rejette l’amendement.

Elle est alors saisie de l’amendement I-CF629 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’exonérer les opérateurs devant s’acquitter de la taxe intérieure de consommation de la part de la contribution climat-énergie perçue sur le CO2 provenant des biocarburants.

M. le Rapporteur général. Cet amendement est similaire à un autre, déposé un peu plus haut, sur lequel j’avais émis un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine les amendements identiques I-CF394 de Mme Lise Magnier et ICF402 de Mme Véronique Louwagie.

M. Charles de Courson. L’objectif reste toujours le même : étendre le remboursement de TICPE à d’autres carburants.

Mme Véronique Louwagie. Les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs peuvent bénéficier d’un remboursement partiel de la TICPE sur le seul gazole. Mais il n’existe pas de dispositif analogue pour les carburants alternatifs utilisés dans les véhicules à faible émission promus dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Or, si l’on veut faire la promotion des énergies renouvelables, il faut que les transporteurs trouvent un intérêt à les utiliser.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

La commission rejette les amendements.

La commission est ensuite saisie de l’amendement I-CF631 de M. Charles de Courson.

M. le Rapporteur général. Même objectif que les amendements précédents. Même avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques I-CF70 de M. Martial Saddier, I-CF102 de Mme Valérie Lacroute et I-CF703 de la commission du développement durable.

Mme Valérie Lacroute. Il s’agit là encore de permettre aux professionnels qui ont fait le choix du GNV de bénéficier de la récupération de TICPE prévue pour le gazole.

M. le Rapporteur général. Les arguments sont les mêmes. Même avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle est alors saisie des amendements identiques I-CF395 de Mme Lise Magnier et I-CF404 de Mme Véronique Louwagie ainsi que l’amendement I-CF630 de M. Charles de Courson, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

M. le Rapporteur général. Pour les mêmes raisons que précédemment, je donne un avis défavorable à ces trois amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission est saisie de trois amendements identiques, I-CF71 de M. Martial Saddier, I-CF101 de Mme Valérie Lacroute et I-CF704 de la commission du développement durable.

M. le Rapporteur général. Même avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment

La commission rejette les amendements.

Elle examine alors l’amendement I-CF227 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement vise à soutenir le secteur agricole, en lui ouvrant les mêmes facilités que celles qui existent déjà pour les installations industrielles. En effet, à usage égal, les installations industrielles bénéficient d’un taux réduit de 2 euros par mégawattheure de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), alors que les installations agricoles doivent s’acquitter d’un taux de 22,50 euros, soit près de cinquante fois plus.

À l’heure où le secteur agricole connaît d’importantes difficultés, en participant pourtant pleinement à la transition énergétique, cet amendement enverrait un signal positif, et pourrait s’intégrer dans le cadre de la réflexion nationale sur le secteur agricole, qui a été lancée sous l’impulsion du Président de la République.

M. le Rapporteur général. Je ne comprends pas l’objectif de cet amendement. Si les exploitations agricoles exploitent une installation industrielle électro-intensive, elles sont déjà éligibles au taux réduit de TICFE – entre 2 et 7,50 euros par mégawattheure – au regard du tarif commun, qui est à 22,50 euros. Je ne vois donc pas la nécessité de créer une sous‑catégorie spécifique au milieu agricole.

M. Jean-Paul Mattei. Il s’agit de faire bénéficier du dispositif de l’article 266 quinquies C du code des douanes les installations électro-intensives des coopératives et exploitations agricoles, qui en sont jusqu’à présent exclues.

M. le Rapporteur général. Encore une fois, si les exploitations agricoles exploitent une installation électro-intensive, elles bénéficient déjà d’un taux réduit de TICFE.

M. le président Éric Woerth. Je vous propose de clarifier les choses d’ici à la séance publique et de retirer votre amendement en attendant.

L’amendement I-CF227 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF607 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement est un peu technique. La loi de finances rectificative pour 2015 a réformé la contribution au service public de l’électricité (CSPE) : nous l’avons fusionnée avec la TICFE, et nous avons élargi l’assiette de la contribution à toute l’électricité consommée  sauf dans les cas de l’électricité autoproduite et totalement autoconsommée chez les petits producteurs de moins de 240 gigawattheure par an  y compris celle produite dans le cadre de cogénérations à haut rendement.

Une réduction de la nouvelle CSPE-TICFE sur l’électricité autoproduite dans le cadre des cogénérations à haut rendement par des industries électro-intensives au sens de l’article 266 quinquies C du code des douanes éviterait les effets indésirables de cette réforme de la CSPE, tout en optimisant le système électrique français.

La directive du 27 octobre 2003 permet la disposition que nous vous proposons. Plusieurs pays européens l’ont d’ailleurs mise en place pour soutenir les installations de cogénération  la Belgique, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou l’Italie par exemple, ce qui pose un problème de compétitivité pour nos industries électro-intensives.

Cette mesure favoriserait les économies de réseau, contribuerait à la sécurité de l’approvisionnement, consoliderait les cogénérations à haut rendement, outil central de la politique d’efficacité énergétique, et économiserait un peu plus de 10 % d’énergie primaire par rapport à une production séparée de gaz et d’électricité.

Cet amendement vise à renforcer la compétitivité de notre industrie électro-intensive.

M. le Rapporteur général. En matière de compétitivité, je rappelle ce que je viens de dire à M. Mattei. Les exploitations en question bénéficient de taux de TICFE très réduits  de 2 à 7,50 euros au lieu de 22,50 euros, ce qui n’est pas négligeable.

Par ailleurs, je m’interroge sur ce que recouvre juridiquement cette notion de « cogénération à haut rendement », et j’ai du mal à identifier les industriels qui seraient concernés.

Enfin, la directive européenne encadre fermement les possibilités de mettre en place des dérogations à la TICFE. Dans le cas présent, l’exonération est justifiée par le caractère environnemental de l’électricité produite. Or cela créerait un précédent fâcheux. En effet, on pourrait exonérer de TICFE toutes les méthodes de production d’électricité renouvelable. Je ne crois pas que ce soit l’objectif de votre amendement.

Pour ces raisons, je donnerai un avis défavorable.

M. Charles de Courson. Monsieur le Rapporteur général, cet amendement propose simplement de remettre les industries électro-intensives françaises en situation de compétitivité par rapport à leurs concurrents allemands, belges et britanniques. Si nous ne le faisons pas, il se produira ce que l’on a constaté dans d’autres domaines : on fermera les unités en France et les biens seront produits à l’étranger ; on devra les importer.

M. le Rapporteur général. J’ai déjà répondu. Et si le taux dérogatoire de TICFE n’est pas déjà un beau geste, je veux bien être le Pape ! Mais je ne le suis pas.

La commission rejette l’amendement I-CF607.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF561 de Mme Amélie de Montchalin et l’amendement I-CF707 de la commission du développement durable.

Mme Amélie de Montchalin. L’amendement I-CF561 porte sur les fluides hydrofluorocarbures (HFC) qui sont utilisés dans les climatiseurs, les réfrigérants et les réfrigérateurs.

Cet amendement est né d’un accord qui a été signé à Kigali en octobre 2016 et qui, dans la suite des accords sur le climat, enjoint aux 197 parties du Protocole de Montréal de faire disparaître progressivement ces gaz.

Il faut savoir qu’en Europe, on a pris l’engagement de réduire l’usage des HFC de 10 % d’ici à 2019, et de les supprimer progressivement à horizon 2050. Dans cette optique, nous souhaitons créer une taxe sur les HFC, qui serait prélevée auprès des producteurs et importateurs de ces fluides.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement I-CF707 est très important. Il vient compléter la trajectoire carbone pour ces gaz HFC qui, je vous le rappelle, ont un pouvoir de réchauffement climatique 14 000 fois plus important que le CO2.

Ce n’est pas une approche punitive, puisque la taxe que nous souhaitons créer serait accompagnée d’un mécanisme de suramortissement destiné à aider les entreprises à investir dans d’autres machines utilisant d’autres fluides frigorigènes, moins impactants pour le climat, et d’ores et déjà disponibles  comme l’ammoniaque et le CO2. C’est un dispositif de type bonus-malus, incitatif, dont l’objet est d’accélérer cette transition vers des fluides moins émetteurs de gaz à effet de serre.

En outre, cet amendement ne concerne que les installations fixes. Cela nous permet de ne pas prendre en considération les camions frigorifiques, qui sont soumis à la concurrence internationale. Dans un second temps, il nous faudra trouver des dispositifs qui leur soient plus adaptés.

M. le Rapporteur général. Cet amendement est extrêmement intéressant. Il propose de créer une TGAP sur les fluides hydrofluorocarburés, prélevée auprès des producteurs et des importateurs, et également, en compensation, de mettre en place un mécanisme de suramortissement pour inciter les entreprises à investir dans les machines ad hoc.

Malheureusement, je m’inquiète de l’impact qu’il pourrait avoir sur la filière, surtout si on devait l’appliquer rapidement. Je crains qu’on ne la déstabilise. Je vous suggère donc, pour lui donner le temps de s’adapter, de repousser d’un an l’entrée en vigueur de l’amendement – soit au 1er janvier 2019. Vous pourriez le retirer et le redéposer en seconde partie. Je donnerai cette fois-ci un avis favorable, dans le respect du plan climat et de la filière, qui pourra ainsi s’adapter.

M. Jean-Baptiste Djebbari. Nous sommes effectivement favorables à une nouvelle rédaction. Mais je voudrais soulever un autre problème, que nous aurons à résoudre. Il existe bien un règlement européen sur le sujet, qui est d’ailleurs un peu timide. La taxation se superposerait à ce règlement européen. Voilà pourquoi, d’ici à la second partie du projet de loi de finances, nous devrons réfléchir sur l’intrication de ces deux dispositifs.

Mme Véronique Louwagie. L’application d’une telle disposition représenterait un vrai risque pour l’industrie française – dont 40 % de la production est exportée. Je crains qu’une taxe supplémentaire ne fasse faire fuir la production hors de France. Et comme il existe par ailleurs des quotas européens de mise sur le marché des HFC, cela ne changera rien en Europe. Ce n’est donc pas une très bonne idée.

J’ai un autre argument à faire valoir contre cet amendement. Aujourd’hui, les industriels pourraient se précipiter vers d’autres dispositions. Mais il faut savoir que le fluide est très important pour l’efficacité énergétique des machines. En matière de froid et de climatisation, 90 % de l’impact en effet de serre des équipements provient directement de la consommation énergétique de la machine ou de la production. Avec des fluides moins performants, l’impact en effet de serre pourrait atteindre 100 % ! Il est donc risqué de ne pas laisser à la filière le temps de réagir. Et selon moi, un an ne suffira pas.

M. Matthieu Orphelin. Je réagis sur la demande de report d’un an formulée par le Rapporteur général : d’accord s’il s’agit de permettre aux industriels d’anticiper. Mais il ne faudrait pas qu’au bout d’un an, la question soit encore remise à plus tard. S’agissant de l’environnement et de la transformation de notre modèle économique, on a déjà trop longtemps attendu, et on en paie les conséquences.

M. Jean-Baptiste Djebbari. S’agissant du règlement européen, un système de quotas a effectivement été mis en place, mais le prix est tellement bas qu’il ne régule en rien la quantité de gaz.

Par ailleurs, j’appelle votre attention sur les exemptions qui existent aujourd’hui, notamment dans le secteur médical ; par exemple, pour la Ventoline qui contient de tels gaz, il n’existe pas encore de produits de substitution. Lorsque nous rediscuterons de la mesure, il faudra donc être attentif à ce point.

Les amendements I-CF561 et I-CF707 sont retirés.

La commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF560 de Mme Amélie de Montchalin et I-CF706 de la commission du développement durable.

M. Matthieu Orphelin. Monsieur le président, je présenterai ces deux amendements ensemble.

Changeons de sujet et parlons d’économie circulaire et de déchets. Au cours de la mandature précédente, vous avez voté à l’unanimité, dans la loi de transition énergétique, la division par deux des quantités de déchets mis en décharge en France en 2025. Mais on n’est pas du tout sur le bon rythme pour y parvenir. La raison en est simple : aujourd’hui, en France, cela coûte beaucoup plus cher de recycler que de mettre en décharge.

Encore une fois, il ne s’agit pas de faire de la fiscalité punitive. Il est prévu de baisser la TVA sur les actions de prévention, donc de réduction des déchets, et sur les actions en faveur du tri et de la revalorisation des déchets – activités permettant de réduire les quantités de déchets résiduels – et, dans le même temps, d’augmenter de façon un peu plus importante que prévu la TGAP sur les décharges et incinérations.

Je précise que les collectivités, qui bénéficieront de la baisse de la TVA, seront gagnantes dès la première année et qu’elles le resteront sur toute la période si elles mettent en œuvre des actions pour accélérer la prévention des déchets et le tri à la source. C’est donc un système de bonus-malus.

M. le Rapporteur général. J’émettrai un avis défavorable, pour deux raisons.

Premièrement, la trajectoire actuelle a été fixée par la loi de finances pour 2017, qui a augmenté les tarifs applicables. Or il faut éviter de modifier tous les ans cette trajectoire, qui était déjà qualifiée à l’époque d’ambitieuse, et qui était combattue par beaucoup. Mieux vaudrait pérenniser l’évolution des tarifs actuellement prévus pour donner de la visibilité aux acteurs économiques, qui se sont déjà engagés dans un effort d’investissement.

Deuxièmement, les conséquences pour le secteur ne seraient pas négligeables. La nouvelle trajectoire prévoit déjà l’application de taux élevés, qu’il n’est sans doute pas opportun de relever de nouveau dès aujourd’hui. La baisse de TVA que vous proposez en contrepartie ne touche que les collectivités publiques, et pas du tout les entreprises. On ne serait donc pas sur un système de compensation.

M. Éric Alauzet. Je crois qu’il faut regarder les choses globalement. La TGAP intervient en aval, sur la décharge et l’incinération en fin de circuit, pour tout ce dont on n’a pas fait un meilleur usage. La TVA réduite porte sur tout ce qui est trié avant d’être valorisé. Et si l’on rajoute une taxe en amont, on aura vraiment bouclé l’approche en termes d’économie circulaire.

Malheureusement, de nombreux déchets ne trouvent pas de filière de recyclage, et terminent en incinération ou en décharge, même avec une TGAP. D’où l’intérêt d’instituer une TGAP en amont, sur les déchets qui ne bénéficient pas de recyclage. Je n’ai pas eu le temps de déposer un amendement en ce sens, mais je crois que l’on pourra en discuter en séance publique. Cela permettrait d’avoir un dispositif extrêmement cohérent, allant du berceau à la fin de vie du produit.

Mme Christine Pires Beaune. Je voterai également contre ces amendements.

Il y a deux semaines, le Gouvernement a présenté une feuille de route sur l’économie circulaire, dans le cadre d’une large concertation. Aujourd’hui, on nous propose d’augmenter unilatéralement la TGAP sur le service public. Je ne trouve pas cela très cohérent, et je préférerais que l’on attende les résultats de la mission.

Par ailleurs, le coût pour les collectivités ne serait pas négligeable, puisqu’on l’estime aux alentours de 300 millions d’ici à 2025. Quant à la mesure de compensation de la TVA, elle est estimée à 60 millions.

Enfin, ce que vient de dire M. Alauzet est parfaitement exact. La moitié des déchets mise en stockage aujourd’hui n’a pas de filière de recyclage. Elle est composée de milliers de produits de grande consommation : jouets, matériel de cuisine, ustensiles, matériel de bricolage, etc. Taxer les collectivités qui éliminent ces produits en fin de vie, mais pas ceux qui les mettent sur le marché, me semble profondément injuste et inefficace.

Enfin, dernière raison, donnée par le Rapporteur général : on vient tout juste d’adopter une trajectoire ! Bref, il me semble urgent d’attendre.

M. Éric Coquerel. Je partage une partie des remarques de ma collègue. Certes, il y a une trajectoire et celle-ci ne peut être rectifiée. Le fait est néanmoins qu’aujourd’hui, il revient plus cher de recycler une tonne de déchets que de les incinérer. Voilà un problème sur lequel il faudra bien agir, faute de quoi nous n’aboutirons à rien.

J’ajoute que les incinérateurs sont ceux qui font parvenir les publicités aux communes sur les questions de recyclage. Autrement dit, ceux qui ont intérêt à incinérer, parce que ça leur rapporte de l’argent, sont ceux-là même qui produisent ces publicités. Il y a là un cercle qui n’est pas vertueux.

La trajectoire n’est absolument pas suffisante vu la gravité de la situation.

M. Matthieu Orphelin. En votant contre cet amendement, on s’assure que rien ne change et que l’on ne va pas au rythme. Une étude récente de l’ADEME montre que si l’on veut vraiment diminuer les mises en décharge, il faut avoir une TGAP incitative. Or tel n’est pas le cas. Nous proposions un dispositif cohérent, avec bonus et malus, certes sans doute à compléter avec la taxe amont. Voter contre, c’est voter le statu quo et empêcher le progrès sur ces questions-là.

L’amendement I-CF560 est retiré.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF706.

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF393 de Mme Véronique Louwagie et I-CF632 de M. Charles de Courson.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit de corriger un point qui n’avait pas été forcément envisagé, puisque l’objectif de la TGAP était d’inciter à l’incorporation de biocarburants vertueux. On a constaté un détournement de la TGAP dans la filière essence, car des biocarburants dérivés de l’huile de palme ont pris une place importante dans les biocarburants incorporés dans l’essence. Il s’agit de corriger cela, en se recentrant sur les biocarburants produits à partir de céréales et d’autres plantes riches en amidon ou sucrières, en vue d’atteindre l’objectif de 7 % dans l’essence.

M. Charles de Courson. L’on parle d’un détournement de la TGAP, mais certains biocarburants dérivés de l’huile de palme ont simplement pris une place importante dans les biocarburants incorporés dans l’essence, de l’ordre de 1 % sur les 7 %, c’est-à-dire qu’environ 14 % à 15 % de la partie oxygénée vient de l’huile de palme, en profitant d’un effet d’aubaine et sans contrôle possible de sa présence effective dans les essences.

L’objectif de cet amendement est de clarifier que les biocarburants mentionnés à l’article 266 quindecies C du code des douanes sont les seuls pouvant entrer dans le champ d’application de la TGAP, notamment les biocarburants produits à partir de céréales et d’autres plantes riches en amidon ou sucrières, pour atteindre l’objectif de 7 % dans l’essence.

Il s’agit d’une TGAP de dissuasion, qui n’est payée que si vous n’atteignez pas les taux d’incorporation. C’est de la fiscalité intelligente. Mais il y a eu des débats, les choses ne sont pas très claires et certains se sont précipités dans cette brèche. Or, l’huile de palme vient d’Indonésie et de Malaisie, où elle a contribué à la déforestation du territoire.

M. le Rapporteur général. L’idée principale est d’éviter l’utilisation d’huile végétale hydrotraitée (HVO) pour la réalisation de biocarburants, utilisé en substitution à l’éthanol dans la filière essence.

Cela pose toutefois un certain nombre de problèmes, et d’abord des distorsions injustifiées entre biocarburants : si ces huiles étaient dans l’assiette de la diminution du taux, cela induirait un désavantage injustifié par rapport aux autres filières de biocarburants, sans tenir compte des produits utilisés ou des conditions de fabrication, et notamment pour les huiles oléagineuses répondant au critère de durabilité.

En outre, il y aurait une distorsion entre filières : votre amendement vise la filière essence ; or, à ma connaissance, les huiles oléagineuses ou acides sont également utilisées pour fabriquer du biogazole : pourquoi l’interdire pour la filière essence et pas pour la filière gazole ?

Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Il faut en effet appliquer les mêmes règles pour le biodiesel, sinon il sera impossible de défendre cette fiscalité dérogatoire.

M. le Rapporteur général. On résoudrait du moins la distorsion entre filières, mais, compte tenu des produits utilisés dans le biogazole, il n’y aurait plus, à terme, de biogazole.

M. Charles de Courson. Sur le biodiesel, l’huile de palme représente, de mémoire, 10 % à 15 %. Mais, sur le fond, le Rapporteur général a raison : il y a le même problème sur la seconde filière. Il peut toutefois déposer un amendement pour coordonner les différentes dispositions.

M. le Rapporteur général. J’en reste à mon avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, elle rejette successivement l’amendement I-CF633 de M. Charles de Courson ainsi que et les amendements identiques ICF391 de Mme Lise Magnier et I-CF397 de Mme Véronique Louwagie.

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Article additionnel après l’article 9
Exclusion de l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) du carburant ED 95

La commission examine ensuite les amendements identiques I-CF392 de Mme Lise Magnier et I-CF399 de Mme Véronique Louwagie, qui font l’objet d’un sous-amendement I-CF715 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’objectif de ces amendements est d’exclure de l’assiette de la TGAP le carburant ED 95 au motif qu’il ne contient aucun carburant fossile, étant composé à 95 % de bioéthanol et de 5 % d’un additif dilué dans de l’eau. Il est totalement cohérent d’exclure de la taxation un produit qui est entièrement à base d’énergies renouvelables.

M. le Rapporteur général. Ces amendements identiques proposent d’exclure de l’assiette de la TGAP « carburant » le carburant ED 95, composé de 90 % d’alcool éthylique d’origine agricole, tout en le gardant éligible à la minoration de TGAP.

En l’état actuel du droit, les opérateurs mettant à la consommation uniquement de l’ED 95 doivent s’acquitter de la TGAP « carburant » alors même qu’il s’agit d’un biocarburant d’avenir utilisé par les poids lourds comme substitut au gazole. La situation est d’autant plus absurde qu’elle n’incite pas ces derniers à développer leurs activités de productions vers de l’éthanol de seconde génération.

Je suis donc favorable à ces amendements identiques de bon sens.

M. Charles de Courson. Le sous-amendement apporte une précision : dans leur rédaction initiale, les amendements ne concernaient que la TGAP de base.

M. le Rapporteur général. C’est cohérent avec le reste. Avis favorable aux amendements ainsi sous-amendés.

La commission adopte le sous-amendement I-CF715, puis adopte les amendements identiques I-CF392 et I-CF399 (amendement n° I-584) ainsi sousamendés.

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Après l’article 9

L’amendement I-CF634 de M. Charles de Courson est retiré. En conséquence, le sousamendement I-CF719 n’a plus d’objet.

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Article additionnel après l’article 9
Inclusion dans l’assiette de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) du gazole B 10

La commission examine ensuite l’amendement I-CF625 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’une mesure de bonne rédaction du code des douanes.

M. le Rapporteur général. Je suis favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement I-CF625 (amendement n° I-585).

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Après l’article 9

La commission examine ensuite l’amendement I-CF627 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit aussi d’un amendement de bonne rédaction.

M. le Rapporteur général. Dans la mesure où votre amendement I-CF648 instituant un tarif de TICPE spécifique pour le B 100 n’a pas été adopté, je suis contraint d’émettre un avis défavorable au présent amendement.

L’amendement est retiré.

Puis la commission examine les amendements identiques I-CF73 de M. Martial Saddier, I-CF100 de Mme Valérie Lacroute et I-CF532 de M. Éric Alauzet.

Mme Valérie Lacroute. L’amendement a pour objectif de favoriser l’investissement des entreprises de transport routier dans des solutions de mobilité plus respectueuses de l’environnement et de la qualité de l’air. Il est ainsi proposé de prolonger le dispositif d’amortissement fiscal mis en place au 1er janvier 2016 pour les véhicules fonctionnant au GNV ou au biométhane carburant. Il s’agit d’inciter les entreprises à se tourner vers des énergies propres.

M. Éric Alauzet. Il va s’écouler du temps avant que nous n’ayons des camions électriques. La solution intermédiaire, c’est le gaz et, mieux encore, le biogaz. Il est vrai que le dispositif de suramortissement qui a été mis en place en 2016 a peu laissé de temps aux entreprises pour s’en servir. Les véhicules concernés accusent cependant un surcoût de 40 %. Le suramortissement permet précisément de combler ce surcoût et de rendre ces camions compétitifs avec ceux roulant au gazole. En outre, cela correspond à l’objectif de la programmation pluriannuelle de l’énergie d’aller vers 40 000 véhicules au gaz, même si la loi de transition énergétique était un peu faible à cet égard.

M. le Rapporteur général. L’efficacité d’un dispositif de suramortissement tient essentiellement à son caractère temporaire pour inciter les entreprises à faire un effort immédiat vers un type d’investissement ; la prolongation jusqu’à 2023 de l’amortissement me paraît excessive et conduirait à un effet d’aubaine trop important. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF705 de la commission du développement durable, I-CF400 de Mme Véronique Louwagie et I-CF635 de M. Charles de Courson.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit du même sujet que celui que nous venons d’évoquer, mais au lieu de prolonger jusqu’en 2023, ce qui paraît long au rapporteur, ce serait jusqu’en 2018.

M. le Rapporteur général. Il faut savoir mettre un terme à toutes les bonnes choses, y compris aux avantages fiscaux temporaires. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Bricout. Les stations de distribution de gaz sont-elles incluses dans le champ de ce dispositif de suramortissement ? C’est un vrai sujet, car l’investissement est très lourd pour que les flottes de véhicules puissent profiter du biogaz. Tient-on donc compte des équipements « connexes », pour ainsi dire ?

M. le Rapporteur général. La réponse est non.

M. le président Éric Woerth. La logique ne serait-elle pas cependant de prolonger ce dispositif, compte tenu de ce qui a été dit auparavant ? N’est-il pas bon d’aider les véhicules à se transformer ?

M. le Rapporteur général. Il existe aussi d’autres dispositifs de suramortissement, qui étaient prévus dans la loi dite « Macron », et que nous devrions alors prolonger aussi, alors qu’ils se sont éteints. L’on ferait ainsi chaque année des dispositifs incitatifs, que l’on prolongerait l’année suivante... Arrêtons les dégâts !

Mme Véronique Louwagie. Aujourd’hui, seulement 13 000 équipements industriels sont entrés dans le plan de soutien, comme l’indique notre collègue Valérie Lacroute : 0,2 % du parc, c’est peu. Comme nous l’avons évoqué ce matin, l’instabilité des dispositions fiscales ne permet pas de faire la promotion et de valoriser des objectifs ou des orientations que nous nous donnons.

La commission rejette les amendements.

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Article 10
Rehaussement des plafonds des régimes d’imposition des micro-entreprises

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article augmente les plafonds des régimes d’imposition des micro-entreprises relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et des bénéfices non commerciaux (BNC) :

– pour les activités de commerce et d’hébergement, le plafond de chiffre d’affaires passera de 82 800 euros à 170 000 euros ;

– pour les autres activités industrielles et commerciales et pour les activités non commerciales, le plafond de chiffre d’affaires passera de 33 200 euros à 70 000 euros.

Ce rehaussement, applicable à compter des revenus perçus en 2017, entraînera à partir de 2018 une perte annuelle de recettes de 3 millions d’euros pour l’État et de 18 millions d’euros pour la sécurité sociale.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 20 de la loi de finances rectificative pour 2013 a procédé à un alignement total des plafonds des régimes « micro » sur ceux de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

L’article 24 de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (dite « Pinel ») a aménagé les modalités de sortie des régimes « micro », qui s’appliquent désormais jusqu’à la fin de l’année de franchissement des plafonds. Il a également mis en place le statut du micro-entrepreneur pour les contribuables relevant d’un régime micro-fiscal et du régime micro-social.

L’article 124 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin II ») a élargi le champ d’application des régimes « micro » à certains redevables et a réduit à un an 
– contre deux auparavant – la durée de l’option pour le régime réel d’imposition.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   Les régimes micro-fiscaux : « micro-bic » et « micro-BNC »

Les travailleurs indépendants non agricoles assujettis à l’impôt sur le revenu (IR) peuvent relever de deux types de régime d’imposition :

– le régime réel (dans le cadre des BNC, régime de la « déclaration contrôlée ») ;

– les régimes micro-fiscaux, ou « micro » : les régimes « micro-BIC » et le régime « micro-BNC ».

Dans le cadre du régime réel, les bénéfices sont imposés d’après les règles de droit commun, notamment s’agissant de la déductibilité des charges supportées dans l’intérêt de l’exploitation ou encore des amortissements.

Dans le cadre des régimes « micro », en revanche, l’assiette imposable est déterminée par application au chiffre d’affaires hors taxes (CA HT) d’un abattement forfaitaire, variable selon l’activité, représentatif des charges.

Les redevables qui relèvent d’un régime micro-fiscal et du régime micro-social constituent, depuis le 1er janvier 2016, la catégorie des « micro-entrepreneurs » (qui s’est substituée à celle des autoentrepreneurs ([123])).

1.   Présentation des différents régimes « micro » des travailleurs indépendants

Deux régimes « micro-BIC » sont prévus à l’article 50-0 du CGI. Le régime « micro-BNC » est prévu à l’article 102 ter du CGI ([124]).

● Pour les BIC tirés d’activités de vente de marchandises, objets, fournitures et denrées à consommer sur place ou à emporter, ainsi qu’à celles de fourniture de logements, hors locations en meublé ([125]) :

– l’abattement est de 71 % ;

 sous réserve que le CA HT de l’année précédente n’excède pas 82 800 euros.

● Pour les BIC tirés d’autres activités industrielles et commerciales, c’est-à-dire essentiellement les prestations de service et la location en meublé ([126]) :

– l’abattement est de 50 % ;

 sous réserve que le CA HT de l’année précédente n’excède pas 33 200 euros.

● Enfin, pour les BNC, le régime « micro » consiste à appliquer aux revenus non commerciaux bruts un abattement de 34 %, sous réserve que le CA HT de l’année précédente n’excède pas 33 200 euros.

L’abattement, quel que soit le régime, ne peut être inférieur à 305 euros.

Certains contribuables sont toutefois exclus du bénéfice des régimes « micro » à raison de leurs activités (telles que la location de matériels ou de biens de consommation durable ou encore les activités occultes) ou encore de leur forme juridique (comme les sociétés de personnes).

● Dans les trois régimes, des plafonds majorés de chiffre d’affaires sont prévus. Ils permettent aux redevables dont le chiffre d’affaires réalisé en N – 1 excède le plafond normal de continuer à bénéficier du régime « micro », dès lors que celui réalisé en N – 2 n’excède pas le plafond majoré applicable.

Depuis 2014, le bénéfice d’un régime « micro » n’est pas perdu lors de l’année de franchissement du plafond, mais seulement à compter de l’année suivante ([127]).

2.   Des plafonds adossés à ceux de la franchise en base de TVA

Les plafonds de chiffre d’affaires des régimes « micro-BIC » et « micro-BNC » (normaux et majorés) ne sont pas propres à ces derniers. Ils correspondent en effet aux plafonds de la franchise en base de TVA, prévus à l’article 293 B du CGI et auquel renvoient les articles 50-0 et 102 ter.

L’alignement complet des plafonds et de l’année de référence du chiffre d’affaires des régimes « micro-BIC » et « micro-BNC » sur ceux de la franchise en base de TVA a été consacré par l’article 20 de la loi de finances rectificative pour 2013 ([128]).

Compte tenu de cet alignement, les redevables relevant de ces régimes micro-fiscaux sont dispensés du paiement de la TVA (ils ne peuvent pas non plus déduire la TVA acquittée sur leurs achats).

Le tableau suivant dresse la synthèse des régimes « micro-BIC » et « micro-BNC ».

synthèse des régimes « micro » des travailleurs indépendants

Activités

Catégorie de revenu

Fondement législatif
(article du CGI)

Plafond normal de CA HT
(en euros)

Plafond majoré de CA HT
(en euros)

Abattement forfaitaire

Commerce et hébergement

BIC

50-0

82 800

91 000

71 %

Prestations de service et locations meublées

BIC

50-0

33 200

35 200

50 %

Activités non commerciales

BNC

102 ter

33 200

35 200

34 %

3.   Des obligations administratives, fiscales et comptables simplifiées

Au-delà des modalités simplifiées de détermination de l’assiette imposable, les contribuables relevant d’un régime « micro-BIC » ou « micro-BNC » bénéficient d’obligations comptables et fiscales allégées.

● Ils sont ainsi dispensés de la tenue d’une comptabilité complète et donc de l’établissement d’un bilan et d’un compte de résultat.

Sont seules exigées :

– pour les contribuables relevant du « micro-BIC », la tenue d’un livre-journal retraçant leurs recettes professionnelles ainsi que, pour ceux dont les activités relèvent du commerce ou de l’hébergement, la tenue d’un registre détaillant leurs achats (5 de l’article 50-0 du CGI) ;

– pour les contribuables relevant du « micro-BNC », la tenue d’un document enregistrant le détail journalier de leurs recettes professionnelles (4 de l’article 102 ter).

● Par ailleurs, la détermination de la valeur ajoutée peut, dans le cadre des régimes « micro », obéir à des règles simplifiées. Sur option des redevables, la contribution économique territoriale (CET) peut être plafonnée en fonction de la valeur ajoutée. Cette dernière, en vertu du 4 du I de l’article 1586 sexies du CGI, est déterminée selon des modalités relativement complexes tenant compte de différents facteurs.

Toutefois, en application du a du I de l’article 1647 B sexies du CGI, la valeur ajoutée des contribuables relevant des régimes « micro-BIC » ou « micro-BNC » est, dans le cadre du plafonnement, de la CET, égale à 80 % de la différence entre le montant des recettes et celui des achats.

Pour mémoire, les contribuables relevant d’un régime « micro » ne sont pas assujettis à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), le seuil de chiffre d’affaires pour l’application de cette dernière étant de 152 500 euros, soit au-delà des plafonds actuels.

● Enfin, les contribuables relevant d’un régime « micro » ne sont pas concernés par la majoration de 25 % de l’assiette imposable à l’IR en l’absence d’adhésion à un organisme de gestion agréé ([129]), qui ne touche que ceux soumis à un régime réel d’imposition (7 de l’article 158 du CGI).

B.   Le régime micro-social

Les travailleurs indépendants relevant des régimes « micro-BIC » et « micro-BNC » peuvent, aux termes de l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale (CSS), être soumis au régime micro-social.

À la différence du régime social de droit commun des travailleurs indépendants, en vertu duquel les cotisations sociales sont assises sur le revenu professionnel perçu l’année précédente, le régime micro-social consiste à appliquer au chiffre d’affaires du dernier mois ou du dernier trimestre un taux forfaitaire global, variable en fonction de l’activité et indiqué dans le tableau suivant.

Taux forfaitaires du régime micro-social

Activités

Catégorie de revenu

Taux forfaitaire global

Commerce et hébergement

BIC

13,1 %

Prestations de services

BIC

22,7 %

Activités non commerciales

BNC

22,7 %

Un taux de 6 % est applicable aux activités de location en meublé, lorsque les revenus tirés de ces activités par le foyer fiscal excèdent 23 000 euros (en application des dispositions combinées des articles D. 131-6-1 et L. 613-1 du CSS et de l’article 155 du CGI).

Un taux de 22,5 % est prévu pour certaines professions libérales, notamment pour les architectes, géomètres experts, enseignants, etc. (la liste figure au 11° de l’article R. 641-1 du CSS).

Par rapport au régime de droit commun, le régime micro-social offre l’avantage d’une adaptation contemporaine des charges sociales au chiffre d’affaires des exploitants, pouvant aller jusqu’à une exonération totale si le chiffre d’affaires est nul.

C.   Le versement libératoire de l’impôt sur le revenu

Certains redevables peuvent bénéficier du régime du versement libératoire de l’IR, prévu à l’article 151-0 du CGI. Ce régime est subordonné à la satisfaction de trois conditions cumulatives, les deux premières étant nécessairement remplies s’agissant des micro-entrepreneurs :

– relever d’un régime « micro-BIC » ou du régime « micro-BNC » ;

– relever du régime micro-social ;

– que le RFR du foyer de l’année N – 2 n’excède pas, pour une part de quotient familial, la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l’IR (soit 26 818 euros en 2017) ([130]).

Ce régime consiste à substituer à l’imposition au barème de l’IR un dispositif simple reposant sur un versement libératoire périodique d’une somme correspondant à l’application au chiffre d’affaires réalisé sur la période considérée d’un coefficient, variable selon l’activité. Le tableau ci-après fait état des coefficients applicables.

coefficients applicables dans le cadre du versement libératoire

 

Activités

Catégorie de revenu

Coefficient

Commerce et hébergement

BIC

1 %

Prestation de services

BIC

1,7 %

Activités non commerciales

BNC

2,2 %

Le versement libératoire permet au redevable de s’acquitter de l’IR dû de façon contemporaine à la perception de ses revenus, au moyen de versements périodiques (mensuels ou trimestriels, en fonction de la périodicité des versements des cotisations sociales). Il est en outre facteur de simplicité, l’IR dû étant facilement déterminé.

Il peut, enfin, conduire à la réalisation d’un gain fiscal par rapport au régime « micro », compte tenu de la progressivité du barème : plus le revenu est important, plus le versement libératoire peut se révéler intéressant.

Illustrations du versement libératoire et de son intérêt

Un contribuable célibataire réalise un chiffre d’affaires hors taxes de 80 000 euros au titre d’une activité de vente. Ayant opté pour le versement libératoire, il s’acquittera, par versements mensuels ou trimestriels, d’un IR total de 800 euros (80 000 × 1 %).

S’il avait relevé du régime « micro-BIC », dans le cadre duquel est prévu un abattement de 71 %, il aurait acquitté un IR total de 1 889 euros, soit plus du double que celui dû sous l’empire du versement libératoire.

En revanche, si ce même contribuable avait réalisé un chiffre d’affaires de 60 000 euros, il aurait eu intérêt à rester au « micro » : son IR aurait été de 576 euros, contre 600 euros avec le versement libératoire.

NB : les montants d’IR au barème ont été calculés avec le simulateur d’impôt 2017 sur les revenus 2016 de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

D.   Synthèse des règles applicables aux micro-entrepreneurs

Le tableau suivant dresse la synthèse des différentes règles applicables aux micro-entrepreneurs, s’agissant des plafonds de chiffre d’affaires, du niveau des abattements et des taux applicables au titre du régime micro-social et, en cas d’option en ce sens, du versement libératoire.

synthèse des régimes fiscaux et sociaux des micro-entrepreneurs

Activité

Catégorie

Régimes micro-fiscaux

Taux micro-social

Coefficient du versement libératoire

Plafond de CA HT
(en euros)

Plafond majoré de CA HT
(en euros)

Abattement

Commerce et hébergement

BIC

82 800

91 000

71 %

13,1 %

1 %

Prestations de services

BIC

33 200

35 200

50 %

22,7 %

1,7 %

Activités non commerciales

BNC

33 200

35 200

34 %

22,7 %

2,2 %

E.   La possibilité d’opter pour le régime réel

La sujétion à un régime « micro » n’est pas obligatoire : tout redevable, même s’il est éligible au « micro-BIC » ou au « micro-BNC », peut opter pour un régime réel (déclaration contrôlée dans le cadre des BNC) s’il le souhaite.

La durée de l’option pour le réel est d’un an, tacitement renouvelée chaque année ([131]). L’exercice de l’option est encadré par des délais, qui varient selon la catégorie de revenu :

– dans le cadre des BIC, en application du 4 de l’article 50-0 du CGI, l’option pour le régime réel doit être exercée avant le 1er février de l’année au titre de laquelle elle s’applique. Un régime particulier est prévu pour les redevables qui étaient assujettis de plein droit au réel et qui deviennent éligible au « micro-BIC » ([132]) ;

– dans le cadre des BNC, en application des dispositions combinées du 5 de l’article 102 ter et des articles 97 et 175 du CGI, l’option pour le régime de la déclaration contrôlée doit être exercée au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de l’année au titre de laquelle elle s’applique.

L’option pour le réel offre une souplesse opportune. Certains contribuables n’ont en effet pas intérêt à relever d’un régime « micro », qui ne permet pas, en raison de l’abattement forfaitaire, de déduire les charges pour leur montant réel ni de tenir compte de l’amortissement des immobilisations. Ils font également obstacle, toujours du fait de la détermination forfaitaire de l’assiette imposable, à l’imputation des déficits sur le revenu global du foyer.

En conséquence, un contribuable dont les charges excèdent le montant correspondant à l’abattement forfaitaire ou qui a constaté un déficit aura a priori intérêt à opter pour le régime réel ([133]).

II.   Le programme gouvernemental en faveur des micro-entrepreneurs

Afin de soutenir le développement des plus d’un million de micro-entrepreneurs français, le Gouvernement a prévu, dans le cadre de son programme en faveur des travailleurs indépendants, différentes mesures de simplification et d’allégements de charges, parmi lesquelles figure le présent article.

A.   La France compte plus d’un million de micro-entrepreneurs

Environ 2,1 millions de foyers fiscaux sont titulaires de revenus relevant des BIC ou des BNC, générant une assiette imposable nette de 47,5 milliards d’euros et des recettes d’IR brut de 8,6 milliards d’euros ([134]).

Parmi ces contribuables, plus d’un million sont des micro-entrepreneurs, c’est-à-dire des redevables relevant d’un régime micro-fiscal et du régime micro-social.

Environ 670 000 micro-entreprises sont dites « économiquement actives », c’est-à-dire qu’elles ont enregistré un chiffre d’affaires positif (pour un chiffre d’affaires trimestriel moyen légèrement supérieur à 3 500 euros). Le tableau ci-après dresse la synthèse des principaux chiffres concernant les micro-entrepreneurs français à la fin de l’année 2016.

Panorama des micro-entreprises en France à la fin 2016

Profession

Comptes administrativement actifs
(en milliers)

Comptes économiquement actifs
(en milliers)

Chiffre d’affaires global
(en millions d’euros)

Chiffre d’affaires trimestriel moyen par redevable
(en euros)

Artisans et commerçants

726,3

448,9

1 600

3 565

Professions libérales

345,4

220,7

755

3 422

Total

1 071,7

669,6

2 355

3 518

NB : d’après les annexes au présent projet loi de finances, le nombre de redevables relevant d’un régime « micro-BIC » en 2016 s’établit à 584 000, celui des redevables relevant du « micro-BNC » à 309 500. La différence des données peut trouver sa source dans une différence de population étudiée : les exploitants relevant d’un régime micro-fiscal ne relèvent pas nécessairement d’un régime micro-social (annexe au projet de loi de finances pour 2018, Évaluations des voies et moyens, tome II, Dépenses fiscales, pages 222-223).

Source : Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), Acosstat, n° 252, juillet 2017.

D’après les données publiées par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ([135]), les micro-entreprises ont connu en 2016 un certain dynamisme par rapport à l’année précédente :

– augmentation de 7 % du nombre de micro-entreprises inscrites ;

– augmentation de 6,1 % du nombre de micro-entreprises déclarant un chiffre d’affaires positif ;

– progression de 8,9 % du chiffre d’affaires trimestriel global ;

– progression de 2,7 % du chiffre d’affaires trimestriel moyen.

B.   Les mesures prévues pour les micro-entrepreneurs

Le 5 septembre 2017, conformément aux engagements pris par le Président de la République, le Gouvernement a présenté un programme en faveur des travailleurs indépendants poursuivant quatre objectifs principaux :

– garantir le pouvoir d’achat ;

– soutenir la création d’entreprises ;

– moderniser et améliorer la protection sociale, avec notamment l’adossement du Régime social des indépendants (RSI) au régime général ;

– simplifier les démarches et la vie administrative des travailleurs indépendants.

S’agissant des micro-entrepreneurs plus spécifiquement, sont notamment prévues :

– une exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les redevables dont le chiffre d’affaires n’excède pas 5 000 euros (prévue à l’article 45 du présent projet de loi de finances) ;

– la mise en place en 2018 d’une application informatique dédiée facilitant les déclarations auprès de l’administration ;

– le rehaussement des plafonds des régimes « micro », prévu par le présent article.

III.   Le dispositif proposé

La principale mesure du présent article consiste à rehausser de plus du double les plafonds de chiffre d’affaires rendant éligible aux régimes « micro-BIC » et « micro-BNC » ([136]).

D’autres mesures, essentiellement de coordination en conséquence du rehaussement, sont également prévues.

Le dispositif prévu par le présent article ne change en aucun cas la qualité de ses destinataires, qui sont déjà des travailleurs indépendants et qui le resteront. Il se borne à étendre le bénéfice possible d’un régime fiscal et d’un régime social, si les contribuables concernés le souhaitent.

A.   Le rehaussement des plafonds des régimes « micro »

Le cœur du dispositif réside dans les modifications apportées aux articles 50-0 et 102 ter du CGI par les  et  du I du présent article s’agissant des plafonds de chiffre d’affaires :

– le plafond du « micro-BIC » pour les activités de commerce et d’hébergement passe de 82 800 euros à 170 000 euros ;

– les plafonds du « micro-BIC » pour les prestations de services et les locations meublées et du « micro-BNC » passent de 33 200 euros à 70 000 euros.

Ces plafonds sont « autonomisés », directement inscrits dans les articles relatifs aux régimes « micro » auxquels ils s’appliquent : il n’y a plus d’adossement aux plafonds de la franchise en base de TVA, fixés à l’article 293 B du CGI auquel renvoyaient les articles 50-0 et 102 ter. Cela a également pour effet de supprimer le lissage rendu possible par les taux majorés.

Toutefois, le dispositif proposé indique que les plafonds s’appliquent au chiffre d’affaires réalisé en N – 1 ou en N – 2 : le dépassement du plafond n’aura donc pas pour conséquence une sortie brutale du régime « micro », si le plafond est respecté au titre de la pénultième année. Les dispositifs de lissage existants (cinquième alinéa du 1 de l’article 50-0 et 3 de l’article 102 ter) n’ont donc plus de raison d’être, justifiant leur suppression.

Le dispositif proposé intègre également la mention relative à l’actualisation périodique triennale des plafonds (qui se trouve actuellement uniquement au VI de l’article 293 B du CGI.

Le tableau suivant synthétise la réforme proposée sur les plafonds.

plafonds des régimes « micro » des indépendants

(en euros)

Activité

Catégorie

Droit existant

Droit proposé

Plafond normal
(CA HT N – 1)

Plafond majoré
(CA HT N – 2)

Plafond
(CA HT N – 1 ou N – 2)

Commerce et hébergement

BIC

82 800

91 000

170 000

Prestations de services

BIC

33 200

35 200

70 000

Activités non commerciales

BNC

33 200

35 200

70 000

Les abattements applicables dans le cadre des régimes « micro-BIC » et « micro-BNC », respectivement de 71 %, 50 % et 34 %, ne sont pas modifiés.

En revanche, le présent article étend le champ des activités éligibles au « micro-BIC », en y intégrant les opérations de location de matériels ou de bien de consommation durable (actuellement exclues expressément du régime par le f du 2 de l’article 50-0 du CGI, qu’abroge le ii du b du 1° du I du présent article ([137])).

B.   Les mesures de coordination

Au-delà des mesures de nettoyage rédactionnel et des coordinations liées au décompte des alinéas ou à la suppression de dispositions devenues inutiles ou caduques du fait de l’autonomisation des plafonds, le présent article procède à différentes coordinations plus substantielles.

● Il tire les conséquences du rehaussement et de l’autonomisation des plafonds « micro » en modifiant l’article 151-0 du CGI relatif au versement libératoire. Cet article renvoie en effet aux plafonds de la franchise en base de TVA prévus à l’article 293 B. Le 3° du I du présent article supprime donc ces références pour y substituer celles des nouveaux plafonds.

● Il généralise à tous les redevables relevant du « micro-BIC » les modalités simplifiées de détermination de la valeur ajoutée actuellement prévue dans le cadre de l’option pour le plafonnement de la CET.

Le relèvement des plafonds ayant pour effet d’assujettir certains contribuables au « micro-BIC » à la CVAE (ceux dont le chiffre d’affaires est compris entre 152 500 et 170 000 euros), la modification prévue au 5° du I du présent article permet d’assurer l’application de règles simples aux redevables concernés.

Le « micro-BNC » n’est pas concerné, les nouveaux plafonds restant en-deçà du seuil d’application de la CVAE (152 500 euros).

C.   Une entrée en vigueur aménagée

En application de son III, le présent article s’appliquera :

– à compter de l’imposition des revenus perçus en 2017 pour l’IR ;

– aux cotisations dues à compter du 1er janvier 2018 pour le régime micro-social ;

– à la CVAE due au titre de 2017 s’agissant des modalités de calcul de la valeur ajoutée et donc de la déclaration de celle-ci.

Toutefois, pour éviter que certains redevables soumis jusque-là à un régime réel ne basculent automatiquement dans un régime « micro », un aménagement est prévu. Il consiste à repousser l’échéance d’exercice de l’option pour le réel au titre des revenus 2017 au deuxième jour ouvré suivant le 1er mai 2018 ([138]).

Seuls les redevables éligibles au « micro-BIC » sont visés, ceux éligibles au « micro-BNC » pouvant déjà exercer l’option jusqu’en mai, ainsi qu’il a été vu.

Cet aménagement permettra aux redevables qui n’ont pas intérêt à un assujettissement au « micro » de disposer du temps nécessaire pour, d’une part, s’assurer de cette absence d’intérêt et, d’autre part, exercer l’option.

IV.   L’impact budgétaire et économique

Portant sur un coût total annuel de 21 millions d’euros et susceptible de concerner directement environ 5 900 redevables, le présent article simplifiera la vie administrative des micro-entreprises et soutiendra leur développement.

A.   Un coût annuel total de 21 millions d’euros à compter de 2018

Le rehaussement des plafonds des régimes « micro-BIC » et micro-BNC » entraînera un coût annuel estimé à 21 millions d’euros, réparti entre l’État, du fait d’une perte de recettes d’IR, et la sécurité sociale, en raison d’une diminution du montant des cotisations sociales perçues. Le dispositif s’appliquant à compter de l’imposition des revenus perçus en 2017 et des cotisations versées en 2018, il aura un impact dès 2018, retracé dans le tableau ci-après.

impact budgétaire du rehaussement des plafonds « micro »

 (en millions d’euros)

Organisme

2018

2019

2020

2021

État

– 3

– 3

– 3

– 3

Sécurité sociale

– 18

– 18

– 18

– 18

Total

 21

 21

 21

 21

Source : évaluation préalable.

L’évaluation de cet impact repose sur une estimation du nombre de contribuables rendus éligibles aux régimes micro-fiscaux et micro-social et qui auront intérêt à relever de ces régimes, et sur les pertes de recettes d’IR et de cotisations sociales associées. D’après l’évaluation préalable, cela correspond à environ 5 900 travailleurs indépendants, le coût se ventilant selon la répartition indiquée dans le tableau suivant.

impact budgétaire en fonction des redevables
ayant intérêt à relever des régimes « micro »

Catégorie de revenu

Nombre de contribuables

Impact sur les recettes d’IR

(en millions d’euros)

Impact sur les cotisations sociales
(en millions d’euros)

Impact total
(en millions d’euros)

BIC

4 249

– 7

– 8

– 16

BNC

1 647

+ 5

– 10

– 5

Total

5 896

 3

 18

 21

La somme des arrondis peut différer des arrondis de la somme.

Source : évaluation préalable.

L’évaluation du coût ne semble pas tenir compte de l’impact sur les recettes d’IR et les cotisations sociales qu’aura le maintien dans les régimes « micro » des contribuables qui, en raison d’une augmentation de leur chiffre d’affaires, dépasseront les plafonds actuels tout en respectant les plafonds proposés.

Cependant, l’éventuel surcoût ne devrait pas être important et doit être relativisé. En effet, si moins de 6 000 contribuables nouvellement éligibles aux régimes « micro » sont censés effectivement relever de ces régimes, le nombre de redevables actuellement au « micro » et qui continueront à l’être même en dépassant les anciens plafonds sera certainement faible.

B.   Une simplification accrue et un soutien au développement des micro-entreprises

● L’extension du champ des régimes « micro » par le rehaussement des plafonds de chiffre d’affaires auquel procède le dispositif proposé sera de nature à simplifier les obligations administratives et comptables pour davantage de contribuables, qui ne pouvaient relever jusque-là de ces régimes et qui en auront désormais la possibilité.

● En outre, ce rehaussement devrait avoir un impact positif sur le développement de l’activité des travailleurs indépendants qui relèvent actuellement des régimes « micro ». En effet, ces redevables n’auront plus la tentation de freiner leur activité pour éviter de dépasser les plafonds actuels de chiffre d’affaires : ils pourront croître, sans crainte de perdre le bénéfice du régime micro-fiscal et du régime micro-social.

● Si le passage de certains redevables d’un régime réel à un régime « micro » pourrait avoir des conséquences sur l’activité des organismes de gestion agréés (OGA), celles-ci doivent être nuancées :

– d’une part, ces conséquences sont logiques dans la mesure où l’allégement des obligations administratives, fiscales et comptables des contribuables concernés s’impose, quand la raison d’être des OGA se justifie par la complexité des démarches à effectuer ;

– d’autre part, les OGA accueillant déjà des redevables au « micro », rien ne permet de conclure que ceux nouvellement assujettis à un tel régime quitteront leur OGA ;

– enfin, le nombre de redevables supposés concernés est relativement faible, limitant substantiellement l’éventuel impact sur l’activité des OGA (d’autant plus que les redevables éligibles au « micro » mais relevant d’un régime réel bénéficient d’une réduction d’impôt pour frais de comptabilité et d’adhésion s’ils adhèrent à un OGA).

C.   De nouvelles obligations à nuancer

Si le rehaussement des plafonds des régimes « micro » aura des conséquences en matière de TVA et de CVAE, leur ampleur doit être nuancée et n’amoindrira pas l’intérêt de la réforme et la simplification qu’elle induit. La principale nouveauté sera, pour certains contribuables seulement, la tenue d’un registre des achats passés, au titre de la TVA.

En tout état de cause, ainsi qu’il a été vu, le dispositif ne s’imposera pas aux contribuables, ceux-ci ayant toujours la possibilité d’opter pour le régime réel, s’ils le souhaitent et estime que cela correspond à leur intérêt.

1.   Les conséquences de la réforme en matière de TVA

Le dispositif proposé par le présent article a pour effet de dissocier les plafonds des régimes « micro » de ceux de la franchise en base de TVA, sur lesquels ils étaient adossés. En conséquence, les contribuables relevant d’un régime « micro » devront payer la TVA, à la différence de la situation actuelle.

Cependant, cela n’entraînera pas un alourdissement substantiel des obligations pesant sur les contribuables.

● D’une part, ceux dont le chiffre d’affaires excédait les plafonds actuels et qui pourront désormais relever d’un régime « micro » étaient déjà tenus de payer la TVA dans la mesure où leur chiffre d’affaires dépassait les plafonds de la franchise. Ils sont donc déjà familiarisés avec les obligations prévues en matière de TVA.

● D’autre part, les contribuables qui ne seraient plus dispensés de cet impôt, du fait d’un franchissement des plafonds actuels, continueront à bénéficier de charges allégées : sera seule exigée la tenue d’un livre aux pages numérotées retraçant les opérations réalisées (recettes et achats), en application du 3° de l’article 286 du CGI.

Au regard des obligations actuelles, seul le suivi des achats sera nouveau. Au demeurant, les contribuables relevant du « micro-BIC » au titre d’activités de commerce et d’hébergement doivent déjà tenir un registre de leurs achats ; l’évolution sera donc neutre pour eux.

● Enfin, si dans certaines hypothèses, les contribuables au « micro » ne seront pas en mesure de déduire la TVA (l’abattement forfaitaire étant censé représenter toutes les charges), rien ne les empêche d’opter pour le régime réel. Ainsi qu’il a été vu, il s’agit d’un arbitrage que le contribuable doit réaliser, pour relever du régime le plus avantageux pour lui.

2.   La neutralité de l’assujettissement à la CVAE de certains redevables au « micro »

Le rehaussement des plafonds conduira à ce que les contribuables relevant du « micro-BIC » et dont le chiffre d’affaires est compris entre 152 500 et 170 000 euros soient assujettis à la CVAE. Cependant, là aussi, les conséquences de cet assujettissement doivent impérativement être relativisées.

● D’une part, les redevables concernés seront exonérés de CVAE : jusqu’à 500 000 euros de chiffre d’affaires, le taux effectif de la CVAE est de 0 % ([139]).

● D’autre part, sera simplement exigée une déclaration de valeur ajoutée. S’il s’agit théoriquement d’une obligation nouvelle, celle-ci n’aura pas en réalité pour effet d’alourdir les obligations administratives des contribuables, compte tenu de la mesure prévue pour la détermination de la valeur ajoutée dans le cadre du « micro-BIC ».

Cette valeur ajoutée correspondra en effet à 80 % de la différence entre les recettes et les achats, et non à celle déterminée selon les modalités plus complexes prévalant pour les autres entreprises. Les recettes et les achats faisant l’objet d’un suivi dans les registres tenus par les redevables, la valeur ajoutée sera facilement calculée.

D.   Le maintien cohérent du plafond actuel des revenus du foyer dans le cadre du versement libératoire

Le rehaussement des plafonds « micro » pourra conduire plus de contribuables à bénéficier du versement libératoire prévu à l’article 151-0 du CGI. Néanmoins, il est probable que le nombre de contribuables concernés soit peu élevé, du fait du maintien du plafond de RFR à son niveau actuel.

Toutefois, l’absence de rehaussement du plafond de RFR n’est pas incohérente. Le régime du versement libératoire est en effet censé bénéficier aux foyers fiscaux dont les revenus sont modestes. Or, augmenter le plafond de RFR dans des proportions identiques à la hausse des plafonds « micro » conduirait à rendre éligibles au versement libératoire des foyers dont le revenu excéderaient 50 000 euros.

À un tel niveau de revenu, le versement libératoire ne se justifie plus : l’avantage offert par le versement libératoire croissant avec le niveau de revenus, le gain fiscal serait disproportionné, ainsi que le démontre l’exemple ci-dessous.

Illustration de l’inadéquation d’un rehaussement du RFR
pour bénéficier du versement libératoire

Un contribuable célibataire réalise, au titre de la vente de marchandises, un chiffre d’affaires de 150 000 euros. Dans le cadre du « micro-BIC », l’assiette imposable est de 43 500 euros (150 000 × 71 %). L’IR dû sur une telle assiette est de 7 400 euros.

Si le versement libératoire lui était ouvert, l’IR dû ne serait que de 1 500 euros (150 000 × 1 %), conduisant à un gain de 5 900 euros.

L’IR dû dans le cadre du « micro-BIC » a été calculé en utilisant le simulateur de la DGFiP.

La réforme vise un objectif de simplification ; elle n’a pas pour finalité de procurer un avantage fiscal particulier.

*

*     *

La commission examine les amendements identiques I-CF53 de M. Éric Pauget, ICF311 de M. Jean-Paul Dufrègne, I-CF355 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF484 M. Éric Coquerel.

M. Éric Pauget. Mon amendement prévoit de supprimer le doublement des plafonds de chiffres d’affaires des micro-entreprises, tel qu’il est prévu par cet article, afin d’éviter une distorsion de concurrence et d’empêcher un affaiblissement de l’artisanat sur le moyen et le long termes.

M. Fabien Roussel. Mes raisons sont les mêmes. Doubler le chiffre d’affaires des autoentrepreneurs, c’est accroître une concurrence déloyale avec nos très petites entreprises (TPE), nos PME et nos artisans. Il faut au contraire soutenir ce secteur fortement créateur d’emplois. D’ailleurs, ces petites entreprises ont subi de plein fouet les baisses de dotations aux collectivités ces dernières années. Elles vont encore les subir les cinq prochaines années, alors que beaucoup de communes, notamment dans la ruralité, font travailler ces petites entreprises.

Permettre à ces autoentrepreneurs d’avoir un chiffre d’affaires plus important, c’est l’ubérisation de la société, c’est faire de salariés des micro-entreprises, alors que nos PME et TPE pourraient travailler.

M. le Rapporteur général. Je crois sincèrement qu’il y a une mauvaise compréhension du dispositif prévu par cet article 10.

Le rehaussement des plafonds de chiffre d’affaires rendant éligible aux régimes micro-fiscaux est une mesure permettant aux travailleurs indépendants d’accroître leur activité sans crainte de basculer dans un régime réel, si tel n’est pas leur intérêt, mais aussi d’accroître la simplification des obligations administratives pesant sur ces travailleurs. Il n’entraînera pas un entreprenariat à plusieurs vitesses, une distorsion de concurrence ou une précarisation accrue.

D’une part, les plafonds de la franchise en base de TVA sont maintenus
– leur rehaussement uniquement pour les travailleurs indépendants aurait en revanche posé un problème, mais tel n’est pas le cas.

D’autre part, la mesure concerne les personnes qui sont déjà travailleurs indépendants mais imposées au réel et qui pourront, désormais, relever d’un régime « micro ». Il n’y aura donc pas de précarisation : ces personnes sont déjà exploitants individuels et il s’agit juste de simplifier, si elles le souhaitent, leur régime fiscal et social.

C’est d’ailleurs le principe même de cette réforme : rien n’est imposé, les redevables ont toujours le choix, soit de relever d’un régime « micro », soit de rester au régime réel.

Ce choix sera dicté uniquement par leur volonté et leur intérêt. Les régimes « micro » ne sont en effet pas forcément plus avantageux. À titre d’exemple, en 2014, 40 % des personnes éligibles au « micro-BIC » avaient opté pour le réel.

Cet article offre donc la liberté de choisir à un plus grand nombre de redevables et un bol d’air et de simplification aux travailleurs indépendants, sans pour autant nuire aux autres catégories. D’ailleurs, la principale organisation représentant les artisans et les professions libérales nous a fait savoir en audition qu’elle accueillait bien la mesure proposée.

Il y a donc un malentendu.

Avis défavorable à ces amendements de suppression.

Mme Olivia Gregoire. Effectivement, il s’agit de simplifier la vie des entrepreneurs, sans distinction, que l’on soit artisan, commerçant ou tout autre. En l’occurrence, l’objectif majeur de cette mesure est de faciliter et de simplifier la vie des entrepreneurs. En réalité, même les artisans pourront bénéficier du doublement du plafond des microentreprises – ils sont sans doute même les principaux bénéficiaires de cette mesure. Personne n’est obligé de prendre le statut de micro-entrepreneur, et personne n’en est exclu. Il n’y a donc pas de concurrence déloyale, il n’y a rien d’« inacceptable », car c’est simplement un choix fiscal, libre et offert à tous.

Il faut d’ailleurs rappeler que le statut de microentreprise, ce n’est pas à coup sûr l’assurance de payer moins de charges ; quand on se rapproche du plafond, c’est même l’inverse.

Le doublement devrait même avoir un effet stimulant sur l’économie : un plafond trop bas poussait jusqu’à maintenant les entrepreneurs à limiter leur activité, par peur des complexités administratives à subir en cas de dépassement. En 2016, seuls 5 % des entrepreneurs étaient concernés par le dépassement du plafond... Ce n’est pas un hasard : cela traduit la crainte des personnes concernées et illustre ces cas où l’entrepreneur réduit de lui-même son activité, ce qui pénalise l’économie dans son ensemble.

Il faut enfin remettre cette disposition dans son contexte. Nous voulons une politique économique moins complexe pour les entrepreneurs. Le doublement fait partie d’un train de mesures qui simplifie la vie des Français qui travaillent, avec le train de mesures annoncées par le Premier ministre, qui sera complété par une loi relative aux entreprises l’année prochaine.

Mme Émilie Cariou. Rappelons seulement ce qu’est un autoentrepreneur. Le régime de l’autoentrepreneur simplifie les obligations fiscales et sociales, à savoir, sur le plan fiscal, l’imposition du résultat et la TVA, et, sur le plan social, la manière de cotiser aux systèmes sociaux.

Le régime de franchise de TVA a toujours existé ; il est vieux comme Hérode. Il doit remonter aux années 1970... Autrefois, avant les régimes de micro-bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou micro-bénéfices non commerciaux (BNC), il existait des régimes de forfait de TVA. En fait, le régime d’autoentrepreneur a cumulé le forfait de TVA avec le régime de « micro-BIC » et une simplification des cotisations sociales, pour offrir un allégement des obligations administratives aux personnes qui se lancent dans l’entreprenariat.

Ce régime n’empêche personne de croître et de passer au réel quand il le souhaite. Un artisan ou un commerçant qui aurait un très petit chiffre d’affaires peut encore choisir le régime de l’autoentrepreneur quand il est encore en dessous du seuil.

Un rapport conjoint de l’IGF et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) de 2013 a conclu qu’il n’y a pas de concurrence entre les micro-entrepreneurs et les autres, même si la question se pose bien sûr différemment quand il y a détournement de la procédure au profit de travail dissimulé.

Le doublement du plafond va donc permettre de faire profiter à tout le monde de cette simplification administrative. Parfois, il n’est d’ailleurs pas avantageux d’être en régime de franchise TVA, l’impôt ne pouvant alors être déduit au titre de l’amortissement. De même, le régime des « micro-BIC » n’est pas avantageux si vous ne faites pas de bénéfices, mais accusez au contraire, dans un premier temps, un déficit. Le régime de l’autoentrepreneur n’est alors pas intéressant.

C’est un arbitrage à faire en fonction de son activité, mais cela offre une belle simplicité pour un lancement d’activité.

Mme Véronique Louwagie. En ce domaine, le tableau n’est ni blanc ni noir.

Effectivement, l’intérêt est d’avoir et de faire exister cette liberté d’entreprendre, grâce à une simplification pour les personnes qui veulent se lancer dans l’entreprise, avec des règles dérogatoires en matière de TVA, en matière fiscale et en matière sociale.

Vous dites, monsieur le Rapporteur général, que cet article n’a pas beaucoup d’effet. Mais lorsqu’on augmente les seuils en passant les activités de vente de 82 800 euros à 170 000 euros, c’est tout de même une augmentation importante. Pour les prestations de services, cela passe de 33 200 à 70 000, ce qui est aussi un doublement.

Cela peut être intéressant pour un certain nombre d’entreprises. Mais quand j’entends qu’il n’y a pas de concurrence déloyale des micro-entrepreneurs avec les entreprises du bâtiment, je peux vous dire que si : les devis ne sont pas au même niveau. Les chiffres que vous donnez sortent de rapports. Mais, sur le terrain, la réalité est différente.

Derrière, il y a la question qui sera évoquée dans le cadre du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, celle du Régime social des indépendants (RSI). Il existe en effet des distorsions en matière de calculs de cotisations sociales et le RSI va évoluer, ce qui inquiète chefs d’entreprise qui ne seront pas soumis au régime des autoentrepreneurs.

En fait, il faudrait diminuer l’écart, notamment au niveau des cotisations sociales, entre les autoentrepreneurs et les travailleurs non salariés qui ne sont pas affiliés à un régime dérogatoire.

En tout état de cause, le régime des autoentrepreneurs a des impacts à la fois positifs et négatifs.

Mme Olivia Gregoire. Je salue votre esprit de mesure. Même si je suis députée de Paris, je connais aussi le terrain. Les questions que vous évoquez, en parlant de distorsions de concurrence dans le bâtiment, relèvent plutôt de la problématique du travail dissimulé, qui constitue un sujet à part entière. Quant au RSI, il sera examiné dans le cadre du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le présent article est multisectoriel et ne s’adresse pas seulement aux gens du bâtiment, secteur particulier sur ce sujet. Cette mesure n’est pas une mesure ad hoc, mais sera complétée. La question fera aussi l’objet de discussions lors de nos débats sur la loi relative aux entreprises.

M. Daniel Labaronne. Cette disposition n’est pas une surprise, car c’était une promesse du candidat Emmanuel Macron. Je le sais pour avoir défendu cette proposition devant des syndicats professionnels, notamment d’artisans du bâtiment.

J’attire cependant l’attention sur le fait que les autoentrepreneurs ne paient pas le même taux de taxes pour frais de chambres de métiers ou chambres de commerce, mais ont tout de même, en contrepartie, les mêmes avantages que les artisans et les commerçants. Il y a peut-être une réflexion à avoir. Ils ne sont pas non plus tenus de prendre en leur sein des apprentis.

En tous les cas, cette disposition s’inscrit dans notre démarche visant à favoriser l’entreprenariat dans l’économie.

M. Jean-Louis Bourlanges. Cet article me semble très significatif et il a une véritable portée. Quel est le défaut principal de la société française dans ses rapports à l’État ? Un vieux dicton voudrait qu’en France, tout ce qui n’est pas interdit est obligatoire. Ici, nous démontrons le contraire : on a le choix entre deux régimes, autorisés dans des limites bien déterminées. C’est peut-être ce qui gêne. Il est extrêmement positif de laisser les acteurs choisir entre deux systèmes qui ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients. Habituons‑nous à la liberté !

M. Marc Le Fur. Le concept d’autoentrepreneur a été lancé par notre famille politique, s’identifiant en particulier à Hervé Novelli lorsqu’il était ministre.

Cela a permis d’offrir des possibilités à des personnes qui étaient pour certaines dans la misère. Cela leur a donné la possibilité de créer, un peu, leur activité. Cela a suscité des réactions diverses dans le monde du commerce et de l’artisanat. Il n’empêche que nous atteignons aujourd’hui le chiffre d’environ un million d’autoentrepreneurs. La gauche, une fois arrivée au pouvoir, s’est bien gardée de supprimer ce régime, car elle a compris qu’il contribuait à un certain équilibre économique et social. Mais elle a laissé le statut s’éroder, en le compliquant.

De ce point de vue, redonner, comme vous le faites, quelques espaces de liberté, ne me paraît pas mal. Mais nous allons être désormais confrontés à deux seuils, à savoir un seuil social et un seuil de TVA. C’est moins simple que d’en avoir un seul, comme c’était le cas jusqu’à aujourd’hui.

Je proposerai donc, avec l’amendement I-CF74, que nous allons examiner ensuite et que je me permets de défendre dès à présent, de ne plus raisonner en termes de commerçants, d’artisans ou d’autoentrepreneurs, mais à partir de seuils, pour appliquer les mêmes dispositions sociales et fiscales quel que soit le statut. Cela mettra un terme à la guerre de religions entre artisans, commerçants et autoentrepreneurs, puisqu’ils auront tous les mêmes avantages. Cela permettra surtout à des artisans ou à des commerçants de créer leur activité et leur entreprise.

M. Xavier Roseren. La concurrence existe déjà entre les artisans, et elle peut d’ailleurs avoir du bon. L’objectif principal de cet article est de mettre le pied à l’étrier, grâce à ce concept de micro-entreprise, à des personnes qui ont l’impression que créer son entreprise est trop complexe.

Pour répondre ensuite aux amendements qui portent sur le plafond à retenir, je pense que doubler le plafond actuel est une bonne solution.

M. Éric Coquerel. Si j’étais gentil, je dirais que l’article 10 est un article Bisounours ; si je suis moins gentil, je dirai qu’il est cynique. Parce que le monde que vous décrivez, un monde de plein emploi où chacun décide de son statut, n’existe pas ! La plupart des jeunes aujourd’hui qui entrent sur le marché du travail se voient d’abord proposer un statut d’autoentrepreneur. Ce n’est pas leur choix, mais c’est le moyen qu’ont trouvé les entreprises de contourner les contrats de travail et la protection sociale pour revenir au travail à la tâche du XIXe siècle. Cet article complète parfaitement vos ordonnances : d’un côté vous attaquez le contrat à durée indéterminée, de l’autre vous favorisez l’autoentreprenariat, qui laisse l’individu seul, sans rapport contractuel, sans protection sociale, face à un chef d’entreprise qui l’emploie à la tâche. C’est cela la réalité.

M. Saïd Ahamada. J’ai travaillé pendant une quinzaine d’années dans un organisme de microcrédit qui faisait notamment de l’appui à la création d’entreprise par des personnes en situation difficile. Je connais donc relativement bien les problématiques liées à la création d’activité, et je voudrais rappeler quelle a été l’origine de ces nouveaux statuts. Il s’agissait, notamment avec la création du statut d’autoentrepreneur, de permettre à des personnes dotées de certaines compétences de pouvoir, d’une part, créer leur activité de manière simple – car nous restons un pays où il est assez compliqué de créer son activité – et, d’autre part, de tester le potentiel de leur entreprise avant de « se lancer dans le grand bain ». Cela s’adressait essentiellement à des personnes qui, malheureusement, ne parvenaient pas à trouver d’emploi et qui, du coup, créaient leur emploi en créant leur propre activité, ce qui est encore une situation très répandue.

Je voudrais également dire à M. Coquerel qu’il y a certes des chefs d’entreprise qui font un usage abusif du statut d’autoentrepreneur, mais que le droit français sanctionne le salariat déguisé.

Ce que nous proposons avec cet article, c’est de faciliter la transition entre la micro‑entreprise et l’entreprise « classique », entre lesquelles il existe aujourd’hui un fossé lié au régime de TVA, qui rend compliqué le passage de l’une à l’autre. La phase de transition entre l’ancien et le nouveau plafond permettra d’éprouver les incidences sur la marche de l’entreprise de l’assujettissement à la TVA. Cela me semble une très bonne idée.

M. le président Éric Woerth. La question est plutôt celle de la concurrence entre deux statuts. Or, en augmentant les plafonds, vous absorbez une partie des personnes inscrites sous d’autres régimes juridiques et qui sont déjà organisées en conséquence. Mieux vaudrait essayer de simplifier l’environnement juridique et fiscal des artisans.

Mme Émilie Cariou. Il me paraît délicat d’augmenter le plafond de franchise de TVA pour tout le monde, car cela concernerait une masse d’entreprises beaucoup plus importante, dans la mesure où la franchise de TVA ne fonctionne pas que pour les autoentrepreneurs.

En ce qui concerne la réforme de 2013, elle n’a en rien complexifié le régime mais a servi à boucher quelques trous dans la raquette, en matière notamment de cotisations sociales, car un certain nombre de personnes ne cotisaient pas et étaient en train de fabriquer du minimum vieillesse.

Enfin, monsieur Coquerel, il est en effet scandaleux de voir les pratiques de certains secteurs. Dès lors qu’existe un lien de subordination, on ne peut normalement avoir recours à l’autoentreprenariat. Mais il s’agit là de dérives qu’il appartient à l’inspection du travail de faire cesser, cela n’a rien à voir avec le régime en soi.

Mme Amélie de Montchalin. Le doublement du plafond était une des mesures de notre programme. Bruno Le Maire et Benjamin Griveaux travaillent à l’élaboration d’un projet de loi sur l’entreprise pour le premier trimestre 2018. Nous prendrons en compte les propositions faites par M. Le Fur dans son amendement, avec l’idée, tout d’abord, de simplifier la terminologie, afin qu’il soit bien compris qu’il ne s’agit pas de développer la concurrence mais d’organiser un régime fiscal pouvant s’appliquer à différents types de formats juridiques. Pour l’instant, nous agissons sur les seuils mais, en temps voulu, nous repenserons la manière dont se présentent et se formulent ces dispositifs dans leur articulation ; en d’autres termes nous simplifierons leur emballage marketing.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle en vient à l’amendement I-CF517 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Étant un homme modéré, je propose que l’on commence déjà par augmenter les seuils de 50 %, mais je pense que l’on n’échappera pas à la coordination avec le régime de TVA, partagé pour l’heure entre ceux qui sont au réel et ceux qui sont au forfait – on a connu mieux en termes de simplification...

 Cela étant, je trouve un peu excessifs les propos de ceux qui s’opposent à cette mesure, et cette augmentation des seuils n’aurait pas déplu aux « poussins », qui sont parvenus à faire reculer la gauche lorsqu’elle a voulu, au contraire, abaisser les plafonds de revenus pour les autoentrepreneurs.

M. le Rapporteur général. On pourrait discuter à l’infini de l’ampleur du relèvement de ces seuils, que certains trouvent trop importante et d’autres trop faible. Pour ma part, je me bornerai à rappeler que cette mesure met en œuvre un engagement du Président de la République.

Elle a par ailleurs le mérite d’être simple : les seuils sont un peu plus que doublés pour atteindre des montants ronds, facilement identifiables. Elle offre également à davantage de contribuables la possibilité de choisir entre le régime du micro-entrepreneur et le régime réel.

Pour ces motifs de lisibilité, de prévisibilité et de simplicité, il me paraît préférable d’en rester là. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement I-CF74 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Ces nouveau seuils me conviennent, à condition que l’on offre la possibilité à tout un chacun, quel que soit le statut de son entreprise, de profiter de ce régime d’imposition. Cela permettra de sortir des fausses querelles, le statut d’autoentrepreneur sera renforcé, et les artisans et commerçants ne pourront plus faire état d’une concurrence déloyale.

M. le Rapporteur général. Changer le nom du régime d’imposition, puisque c’est de cela qu’il s’agit dans votre amendement, ne me paraît pas apporter plus de clarté, au contraire : ce régime, créé par la « loi Pinel » de 2014, n’est entré en vigueur qu’à compter de 2016. Changer de nouveau les terminologies, moins de deux ans après, ne me paraît pas être un gage de lisibilité.

Le terme « simplifié » que vous voulez utiliser risque d’entraîner plus de confusion que de clarté, car il existe déjà un régime réel simplifié, pour l’imposition des BIC. Avec votre appellation, il y aurait un « régime fiscal simplifié » qui devrait être distingué du « régime réel simplifié » dont, par nature, on peut considérer qu’il correspond à ce que l’on entend, dans le langage courant, par régime fiscal simplifié. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 10 sans modification.

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Après l’article 10

La commission est saisie de l’amendement I-CF212 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Il s’agit de donner un coup de pouce aux jeunes qui créent leur entreprise et achètent un fonds de commerce. Depuis le 1er janvier 2016, les normes comptables autorisent l’amortissement des fonds de commerce des petites entreprises. Puisqu’il est désormais possible de comptabiliser l’amortissement d’un fonds de commerce, nous proposons qu’il puisse également être déduit de l’impôt sur les sociétés, dans la limite d’un plafonnement à 500 000 euros. Il s’agit bien évidemment d’aider les TPE et PME.

M. le Rapporteur général. Sans juger du fond de votre amendement, je vous indique que l’article 38 sexies du code général des impôts (CGI) n’a pas de valeur législative. Il a été codifié par décret et revêt depuis une valeur réglementaire, ainsi qu’en témoigne son placement à l’annexe 3 du CGI. La modification proposée n’est donc pas opportune, puisque la loi n’a pas à modifier les décrets.

Je vous invite donc à retirer votre amendement. Vous pourrez saisir le Gouvernement du sujet, pour lui demander de modifier le décret.

L’amendement I-CF212 est retiré.

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Article additionnel après l’article 10
Extension de l’exonération d’impôts commerciaux applicable
dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) à la première
transmission familiale d’une entreprise

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF413 de Mme Valérie Rabault et I-CF720 du Rapporteur général.

Mme Valérie Rabault. À la suite de la réforme des zones de revitalisation rurale l’an dernier, les commerçants, artisans, pharmaciens ou médecins peuvent bénéficier pendant cinq ans d’une exonération de l’impôt sur les sociétés ainsi que d’exonérations sociales. Mais cette disposition ne s’applique pas lorsque vous transmettez votre commerce ou votre fonds de commerce à un membre de votre famille. Or, dans nos campagnes, ce sont souvent les enfants qui reprennent les commerces, faute de volontaires. Cet amendement vise donc à inclure la transmission familiale dans le dispositif.

Un rapport de l’Inspection générale de l’administration a chiffré l’ensemble des coûts du dispositif dans sa forme existante à 70 millions d’euros. Un calcul simple permet d’évaluer son extension à 3 ou 4 millions d’euros. C’est assez modique pour supprimer une restriction que certains vivent comme une forme d’injustice.

M. le Rapporteur général. Je suis évidemment sensible à l’amendement de Valérie Rabault, qui comporte néanmoins l’inconvénient de favoriser une forme d’optimisation, dès lors que, au sein d’une même famille, on procèderait tous les cinq à huit ans à des transmissions pour bénéficier de façon permanente des exonérations temporaires.

C’est pourquoi j’ai proposé à Valérie Rabault une réécriture de son amendement, avec l’amendement I-CF720, lequel est un compromis entre l’état du droit et l’amendement I‑CF413. Il permet de faire bénéficier d’exonérations d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés les entreprises qui font l’objet d’une transmission familiale, pour la première transmission uniquement.

C’est un amendement équilibré, qui n’est pas cher – son coût est inférieur à 3 millions d’euros – et qui permettra de freiner le déclin de l’activité dans les territoires ruraux. Je vous suggère donc, madame Rabault, de retirer votre amendement I‑CF413 au profit du I-CF720, que nous avons cosigné.

Mme Valérie Rabault. Je vous remercie, monsieur le Rapporteur général. Vous avez raison d’introduire dans le dispositif des conditions qui évitent l’optimisation abusive. Je retire donc mon amendement.

L’amendement I-CF413 est retiré.

M. Marc Le Fur. Cet amendement est d’autant plus le bienvenu que ce projet de loi de finances ne contient pas une seule mesure en faveur du monde rural !

M. Jean-Paul Mattei. C’est en effet un très bon amendement mais s’applique-t-il aux transmissions familiales à titre gratuit ou à titre onéreux ?

M. le Rapporteur général. Les deux.

M. Jean-Paul Mattei. Il me semble qu’il aurait été préférable de ne l’appliquer qu’aux transmissions à titre onéreux, car la donation engendre moins de coûts.

M. le Rapporteur général. Compte tenu du coût global assez faible de cette mesure, il est préférable de ne pas complexifier le système.

La commission adopte l’amendement I-CF720 (amendement n° I-586).

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Après l’article 10

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF326 de Mme Marie-Christine Dalloz.

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Article additionnel après l’article 10
Assouplissement des conditions d’utilisation de la déduction pour aléas

La commission examine, en discussion commune, l’amendement I-CF47 de Mme Lise Magnier ainsi que les amendements I-CF689 et I-CF690 du président.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’adapter la fiscalité agricole à la variabilité du revenu agricole, en permettant aux agriculteurs de constituer des réserves les bonnes années pour les moins bonnes années. Ce mécanisme d’atténuation des fluctuations du marché est une vieille demande.

M. le président Éric Woerth. Les deux amendements que nous présentons relèvent de la même logique que le précédent. La déduction pour aléas (DPA) est de moins en moins adaptée aux réalités du secteur agricole, confronté aujourd’hui à des incertitudes – climatiques, sanitaires, économiques – de plus en plus fortes, qui provoquent des crises récurrentes dans l’ensemble des filières. Il importe donc de permettre aux agriculteurs d’amortir les chocs, ce qui était la vocation de la DPA. Mais celle-ci ne remplit pas son rôle, du fait d’une série de contraintes qui la rendent quasiment inutilisable. Nous proposons donc, au travers de l’amendement I-CF689 d’assouplir au maximum les conditions de son utilisation. L’amendement I-CF690 est un amendement de repli par lequel nous supprimons simplement les conditions de reconnaissance de l’aléa par le préfet.

M. le Rapporteur général. L’amendement défendu par M. de Courson entend revenir aux dispositions disparues en 2012, puisque la loi de finances rectificative pour 2012 avait supprimé la possibilité d’étendre la déduction pour investissement aux acquisitions d’immobilisations amortissables. Le rapport de la mission d’information de la commission des finances sur la fiscalité agricole rappelait d’ailleurs que cette suppression reposait sur le fait que les agriculteurs avaient investi outre-mesure pour minorer leur bénéfice imposable, au détriment d’une stratégie d’investissement cohérente.

En ce qui concerne le passage de sept à dix ans de la durée de réintégration de la DPA, que vous demandez pour revenir à la situation antérieure à 2012, il ne se justifie pas : le passage de dix à sept ans a en effet été adopté en contrepartie d’un assouplissement de la DPA. Il ne paraît pas utile d’y revenir.

L’amendement I-CF689 entend revenir sur la notion d’aléa, ce qui aboutit en quelque sorte, monsieur le président, à imaginer une DPA sans aléa, soit une déduction tout court ! Cela risque d’induire un réel dérapage car, si la DPA – dont le coût actuel, avec l’encadrement, est de 13 millions d’euros – est faite sans aucun encadrement, j’ai quelques craintes sur l’envol des coûts.

Quant à l’amendement I-CF690, il est certes moins maximaliste que le précédent, mais vous élargissez tellement la notion d’aléa que les aléas se multiplient et que l’on risque d’aboutir à une déduction pour aléas sans aléas !

J’émettrai donc un avis défavorable aux trois amendements.

M. le président Éric Woerth. En fin de compte, l’agriculteur paiera bien ses impôts, mais je persiste à penser que la notion d’aléa aujourd’hui en agriculture est extrêmement large.

M. Charles de Courson. Avec ces trois amendements, les bénéfices restent imposés. Ils proposent simplement des mécanismes de lissage. S’ils ne vous conviennent pas, monsieur le Rapporteur général, faites une contre-proposition, mais qu’on en termine avec cette DPA assortie de telles conditions qu’elle est inutilisable.

Vous parlez d’un coût de 13 millions d’euros, mais c’est une plaisanterie : le coût est nul, puisqu’il sera compensé sur une autre année. Et, compte tenu du niveau de revenu des agriculteurs, dont un quart est en déficit et dont un tiers gagne moins de 350 euros par mois, j’ai du mal à concevoir qu’il existe un risque considérable de dérapage. Un peu de bon sens !

Mme Émilie Cariou. Nous sommes d’accord sur la nécessité de réformer la fiscalité agricole, qu’il s’agisse de la DPA ou des mesures d’amortissement, qui ont induit des comportements ayant contribué à endetter les agriculteurs. C’est un fait que la DPA n’est plus adaptée aux conditions de travail et de marché qui existent aujourd’hui. Nous proposons donc de lancer une mission spécifique sur la fiscalité agricole, pour retravailler en profondeur tous ces mécanismes, afin d’élaborer un système dans lequel les risques agricoles seront couverts de manière plus pérenne, sachant qu’il faut également revoir tout l’aspect assuranciel attaché aux risques, qui fait actuellement l’objet d’un groupe de travail.

M. le président Éric Woerth. Madame Cariou, tout le monde sait que la DPA ne fonctionne pas et que l’agriculture française rencontre quelques difficultés. Or, puisqu’elle ne fonctionne pas, on peut peut-être essayer d’y remédier avant d’envisager une révision générale de la fiscalité agricole.

Et je répète que, si j’ai voulu étendre la notion d’aléa, c’est qu’aujourd’hui, dans le domaine agricole, il existe un faisceau d’aléas qui conduisent à une situation de crise permanente.

M. Nicolas Forissier. Notre agriculture traverse une crise majeure, qui dure depuis des années. La multiplication des aléas climatiques et économiques a pour conséquence de détériorer la situation d’un grand nombre de filières et de beaucoup d’agriculteurs. Le Président de la République a fait des annonces sur l’inversion du calcul des prix et le partage de la valeur ajoutée, mais si l’on a des ambitions pour notre agriculture, le sujet dont nous discutons est tout aussi essentiel. La DPA était une bonne idée mais elle ne marche pas, et notre commission s’honorerait à adopter l’un des amendements de son président, quitte à réfléchir ensuite, mais rapidement, à la mise en place d’une réserve de précaution qui permette de lisser les bonnes et les mauvaises années. Ce n’est que du bon sens et ce n’est guère différent du bas de laine de nos fermes d’antan.

Il faut agir vite car ce qui va sortir des États généraux de l’alimentation en matière d’inversion du calcul des prix et de répartition de la valeur ajoutée sera insuffisant si l’on ne dote pas nos exploitations d’une réserve conséquente et facilement utilisable.

Mme Anne-Laure Cattelot. Une mission va en effet être créée l’année prochaine, qui s’appuiera sur les travaux réalisés sous la précédente législature, notamment par M. de Courson et M. Potier. Nous nous pencherons sur la question des aléas et sur celle des critères à retenir pour que la DPA fonctionne mieux et soit plus efficace, afin de permettre une vraie résilience des exploitations. C’est un enjeu important, que les états généraux de l’alimentation ont également inscrit à leur agenda. L’idée est de parvenir à un dispositif vraiment efficace, adapté aux évolutions climatiques et aux aléas fréquents qu’elles entraînent.

M. le président Éric Woerth. Les agriculteurs peuvent-ils attendre ? Revoir l’ensemble de la fiscalité agricole prend du temps, mais il s’agit ici d’intervenir sur un dispositif précis qui ne requiert pas de changements très lourds.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je suis à nouveau perplexe devant le raisonnement consistant à dire qu’on ne fait pas aujourd’hui quelque chose de limité mais d’utile, voire de nécessaire, sous prétexte que l’on va, demain, entreprendre quelque chose de plus complet et de plus parfait.

Nous devons nous mettre en marche ! Nous avons la possibilité de faire quelque chose pour le monde agricole, qui est dans une situation d’extrême inquiétude et d’extrême désespoir. Le chaos des aléas de revenus qui frappe le monde agricole, même si ce n’est pas le seul problème que rencontrent les agriculteurs, exige que nous lui apportions une réponse, et nous pouvons le faire. Ma seule perplexité, est de savoir lequel des trois amendements il faut choisir. Il me semble – mais il faudrait que nous nous entendions là-dessus – que c’est l’amendement I-CF690. Quoi qu’il en soit, personne ne pourra reprocher à un député des Hauts-de-Seine de faire de la démagogie en défendant les agriculteurs.

M. le Rapporteur général. Je vous propose de donner un avis de sagesse sur l’amendement I-CF690, en invitant ceux qui le soutiendront à se rencontrer avant la séance pour préciser le dispositif.

M. le président Éric Woerth. Merci pour cette évolution, monsieur le Rapporteur général.

M. Marc Le Fur. Face à la crise qui secoue le monde agricole, nous devons obtenir des résultats à la hauteur des attentes que nourrissent les agriculteurs. La DPA que Bercy a imaginée ne fonctionne jamais. On peut multiplier les missions, mais nous devons aller vite et être ambitieux. C’est pour cela que je préfère l’amendement I-CF689 à l’amendement I-CF690.

M. Jean-Louis Bricout. La crise dure depuis si longtemps que les exploitations connaissent de graves problèmes de trésorerie. Un mécanisme de lissage des charges est donc une bonne solution pour parer à l’urgence, même si, à plus long terme, on peut envisager une mission d’information sur des questions plus globales.

Mme Cendra Motin. Les agriculteurs, dont certains sont en effet dans une situation dramatique, ont besoin qu’on leur apporte une réponse globale qui ne se limite ni à un symbole dans un budget ni à une mesure d’urgence, mais bien une réponse sur le fond qui leur permette enfin de sortir des difficultés qu’ils rencontrent – pas seulement depuis hier, mais depuis des décennies pendant lesquelles leur situation a empiré d’année en année. Je prône une solution responsable consistant à attendre quelques mois s’il le faut, afin de leur apporter une réponse réelle et globale.

M. le président Éric Woerth. En l’occurrence, il leur est apporté une réponse efficace.

Mme Cendra Motin. Mais partielle !

M. le président Éric Woerth. Cela peut se dire de tous les éléments qui composent la loi de finances... Il ne s’agit pas ici d’une loi sur l’agriculture, madame Motin.

Mme Émilie Bonnivard. Peut-être certains de nos collègues députés ne le savent-ils pas avec la même acuité que d’autres…  Assez ! » sur plusieurs bancs du groupe La République en Marche). Ne le prenez pas mal ! Ce n’est qu’une réalité : le paiement des aides du Fonds européen agricole pour le développement rural accuse deux années de retard. J’entends parler d’« approche globale » et d’attente de « quelques mois » ; nous disposons ici d’une solution d’application immédiate qui constitue un levier d’action sur lequel nous pouvons agir ensemble et maintenant.

M. le président Éric Woerth. À la demande de Mme de Montchalin, je suspends la séance pour 5 minutes.

(Suspension de séance)

Mme Amélie de Montchalin. Le groupe majoritaire s’est réuni et a pris le parti de suivre l’avis de sagesse prôné par le Rapporteur général concernant l’amendement I-CF690. Nous proposerons en séance publique un amendement plus complet et plus juste qui permettra de rendre cette mesure juridiquement plus solide. Ce travail ne préjuge pas du fait que nous continuerons de nous employer avec le ministère à trouver une solution beaucoup plus systémique, qui prendra en compte tous les types de risques et d’aléas, sur laquelle le ministre et l’ensemble des partenaires de la profession travaillent actuellement, pour renforcer un mécanisme de lissage dans le temps qu’il convient d’améliorer, comme on le constate dans un certain nombre de professions telles que la viticulture ou le secteur de la pomme de terre, qui connaît cette année de graves difficultés. En attendant, nous adoptons la position de sagesse du Rapporteur général.

M. le président Éric Woerth. Peut-être ceux qui sont à l’origine de cet amendement peuvent-ils être associés au travail que la majorité envisage de conduire ? Majorité et opposition peuvent de temps en temps travailler ensemble...

Mme Amélie de Montchalin. Je n’y vois aucun inconvénient.

M. Charles de Courson. Je retire l’amendement I-CF47 et me rallie au I-CF690, car il faut avancer ; nous ne pouvons continuer de tergiverser ainsi.

M. le président Éric Woerth. Quant à moi, contraint et forcé, je retire l’amendement I-CF689, qui est un amendement de liberté.

Les amendements I-CF47 et I-CF689 sont retirés.

La commission adopte l’amendement I-CF690 (amendement n° 587).

*

*     *

Après l’article 10

La commission examine l’amendement I-CF553 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. J’appelle tout d’abord votre attention sur la spécificité du métier de viticulteur : le vigneron produit à la fois raisin et vin, mais il ne gagne sa vie qu’à partir du moment où le vin est vendu. Ce n’est pas tout à fait la même chose qu’un agriculteur qui la gagne par la vente de sa récolte.

Par cet amendement, je propose de permettre aux vignerons la constitution d’un stock ouvrant droit à une déduction du résultat imposable au titre des bénéfices agricoles dans la limite de 20 % de la moyenne du chiffre d’affaires au titre de l’exercice de déduction et des deux exercices précédents. Ainsi pourraient-ils faire face à certaines fluctuations du marché et à certains aléas météorologiques ou climatiques.

D’un point de vue financier, il ne s’agit que d’un lissage, pas d’une perte pour les finances de l’État. Et la profession viticole, en grande difficulté, ne nous demande pas une aide financière : elle propose une solution sous la forme de ce système auto-assurantiel.

Adoptons donc cet amendement pour envoyer un signal fort à un secteur victime, depuis trois ans, d’épisodes répétés de grêle et qui a fait sa plus petite récolte depuis vingt ans.

M. le Rapporteur général. Votre amendement pose plusieurs problèmes, cher collègue. Par exemple, comment définir les aléas ? Je pense qu’il faut renvoyer à l’amendement, en cours de co-construction, qui sera examiné en séance publique. En tout cas, le dispositif que vous proposez accorde un avantage particulier au secteur de la viticulture. Vous vous exposez au risque qu’il soit qualifié d’aide d’État, et donc incompatible avec le droit de l’Union européenne. Quant au plafond proposé de 20 % du chiffre d’affaires, sans aucun plafonnement par rapport au bénéfice, il me paraît élevé. La déduction pourrait même excéder le bénéfice ! Cela pourrait fragiliser les exploitants. Par ailleurs, aucune limite temporelle n’est prévue et, en cas de mauvais usage, la réintégration des sommes déduites est assortie d’une majoration de 20 % : c’est énorme.

Je vous demanderai donc de retirer cet amendement, qui a d’ailleurs déjà été déposé sur de précédents textes budgétaires – disons que c’est plus un cep de vigne qu’un marronnier, mais il a tout de même quelque chose d’un marronnier...

M. Alain Perea. Monsieur le Rapporteur général, l’amendement n’avait pas été déposé sous la même forme. Et quels résultats a-t-on obtenu en le retirant ? Cela étant, en l’occurrence, je suis d’accord pour le retirer, mais j’espère être associé à l’élaboration de l’amendement annoncé.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit de l’amendement I-CF551 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. Vous allez me répéter qu’il s’agit d’un amendement déjà déposé, mais le contexte a changé.

Il s’agit d’adapter les règles applicables aux revenus accessoires des agriculteurs et de permettre que de véritables compléments de revenu restent soumis au régime du bénéfice agricole. Lorsque ces revenus accessoires franchissent certains seuils, ils sortent de l’assiette des bénéfices agricoles. Nous proposons de relever ces seuils. Les revenus en question pourraient rester soumis au régime des bénéfices agricoles s’ils n’excèdent ni 100 000 euros ni 50 % des revenus agricoles. Au niveau national et au niveau européen, on ne cesse d’encourager le développement des activités œnotouristiques et des énergies renouvelables. Cependant, notre fiscalité entrave ces politiques. C’est dommage.

M. le Rapporteur général. C’est parce que le revenu tiré des activités non agricoles reste marginal qu’il est intégré au bénéfice agricole.

En prévoyant un seuil de 50 % et non plus de 30 %, on sort de cette logique : il ne s’agit plus d’une activité marginale ! On sort de la pluriactivité telle qu’elle a été définie.

Se pose aussi un problème de concurrence à l’égard des entrepreneurs ruraux non agriculteurs qui exercent les mêmes activités, sans bénéficier de certains des avantages fiscaux attachés au régime fiscal des bénéfices agricoles.

J’émets donc un avis défavorable. Et, puisque ce cep de vigne est aussi un peu un marronnier, je rappelle qu’il avait suscité des avis défavorables au cours des deux derniers exercices.

M. Alain Perea. Ceux qui développent des logiques d’œnotourisme et n’exercent pas une profession agricole bénéficient largement du travail des agriculteurs, notamment en leur qualité de jardiniers des paysages. Il eût été intéressant d’envoyer au monde agricole un signal fort, qui aurait offert une compensation.

Et puis, ce n’est pas simplement un marronnier, monsieur le Rapporteur général ! On promeut de plus en plus les énergies renouvelables. Il faudra se poser la question, pour le monde agricole...

La commission rejette l’amendement.

Puis elle se penche sur l’amendement I-CF552 du même auteur.

M. Alain Perea. Aujourd’hui, la durée de l’option pour la moyenne triennale ouverte aux agriculteurs est de cinq ans. Cela ne permet pas de tenir véritablement compte de l’évolution des marchés et des difficultés de l’activité agricole. Ramenons cette durée à trois ans. Cela permettra une plus grande souplesse et une meilleure gestion des exploitations.

M. le Rapporteur général. Cette question avait déjà été posée au cours de la précédente législature. Notre collègue François André, rapporteur d’une mission d’information sur la fiscalité agricole, avait indiqué l’an dernier qu’un changement trop fréquent de régime serait difficilement lisible et faciliterait l’optimisation. La durée de cinq ans lui paraissait un minimum pour se prémunir de tels risques. Dans cet esprit, je vous invite à retirer cet amendement.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF646 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je crois que nous n’avons jamais délibéré de ce problème, qui m’a été signalé. Comme vous le savez, les bois ont un statut particulier. Le revenu des bois, c’est la valeur locative cadastrale du foncier non bâti, mais que se passe-t-il si vous louez vos bois en bail de chasse ? Le loyer de chasse est-il considéré comme intégré à la valeur locative cadastrale ou pas ? Il semble qu’un certain nombre de redressements soient effectués au motif que ce revenu devait être additionné à cette valeur. Est-ce exact ? Et l’administration fiscale traite-t-elle la situation de la même manière sur l’ensemble de notre territoire ? Il arrive souvent que ce ne soit pas le cas.

M. le Rapporteur général. Les revenus de chasse peuvent relever de trois catégories fiscales distinctes : les bénéfices agricoles, si le propriétaire est au réel et ne fournit aucune prestation et ne revend pas les animaux abattus ; les revenus fonciers, en l’absence de prestation ou revente et dans les autres cas que la première hypothèse ; le bénéfice industriel et commercial, si des prestations sont fournies ou si une revente est faite.

En conséquence, votre amendement risquerait d’avoir des effets collatéraux, en imposant systématiquement au forfait prévu pour la coupe de bois les revenus de chasse, sans distinguer selon leur nature réelle. Et je ne parle évidemment pas du braconnage, qui n’est pas une catégorie fiscale...

Je vous suggère donc, compte tenu de l’existence de trois régimes fiscaux possibles, de retirer cet amendement.

M. Charles de Courson. Vous rappelez l’état du droit, mais cela concerne ceux qui font profession de ces chasses organisées, activité économique à part entière. Ce n’est pas la question que je pose. Si un propriétaire de bois loue, par exemple, à une société de chasse, le revenu qu’il en tire est-il intégré à la valeur locative cadastrale ou vient-il en plus ?

M. le président Éric Woerth. La valeur locative cadastrale, au fond, sert à lisser les revenus des ventes de bois.

M. Charles de Courson. Oui, c’est un régime forfaitaire.

M. le président Éric Woerth. La chasse constitue donc un revenu supplémentaire. D’un côté, on loue pour chasser. De l’autre, il y a une exploitation forestière.

M. le Rapporteur général. Si vous louez et que vous ne faites pas de revente, cela relève de la catégorie des revenus fonciers classiques.

M. François Pupponi. Je pense que tout dépend du montant de la valeur cadastrale et du montant du revenu locatif. Si ce dernier est accessoire, il reste dans le cadre de la valeur cadastrale. En revanche, s’il est plus important, cela devient une activité, et le revenu est plutôt un revenu foncier. Je pense que cela dépend du montant.

M. le président Éric Woerth. Cela dépend surtout de l’inspecteur des impôts !

M. le Rapporteur général. Cher collègue, je vous propose de poser la question au ministre.

M. le président Éric Woerth. Cette question est intéressante. Je vous propose de retirer l’amendement et elle fera l’objet d’un examen attentif.

L’amendement est retiré.

La commission étudie l’amendement I-CF262 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Il s’agit encore de travailleurs indépendants. Tout à l’heure, nous avons un peu mélangé autoentrepreneurs et microentreprises. Le régime de l’autoentrepreneur a été créé pour permettre la création d’entreprises, pour permettre de tester un marché ou de donner un complément de revenus à des personnes qui avaient déjà un emploi par ailleurs, y compris les fonctionnaires, même si ce régime a été dévoyé.

Tout le monde est d’accord pour permettre plus de souplesse, et le doublement des seuils peut être une bonne chose pour une petite entreprise qui grandit. Il accroît cependant le risque de fraude ou de salariat déguisé, risque que l’on pourrait prévenir par l’adoption de cet amendement, qui remettrait un petit peu tout le monde dans le champ du radar, au même titre que n’importe quelle très petite entreprise ayant adhéré à un centre de gestion agréé, ou n’importe quelle personne exerçant une profession libérale, et ayant rejoint un organisme de gestion agréé (OGA).

M. le Rapporteur général. Votre amendement, cher collègue, a pour effet de supprimer la simplicité et l’allégement des charges administratives que permet le régime « micro » : soit le redevable adhère à l’OGA, ce qui implique des charges et entraîne un coût ; soit il ne le fait pas et voit son assiette majorée de 25 %. J’avoue être perplexe : l’amendement va à l’encontre de l’objectif poursuivi par le rehaussement des plafonds des régimes « micro » prévu à l’article 10 du projet de loi de finances. Quel est l’intérêt d’être au « micro » si les avantages y afférents sont supprimés ?

Au demeurant, le Gouvernement évalue à environ 6 000 le nombre de redevables nouvellement éligibles au « micro » qui y seront effectivement soumis : les autres devraient opter pour conserver le régime réel. Les OGA ne me semblent donc pas menacés par ce nouveau dispositif.

Je ne répéterai pas cet argumentaire pour m’opposer à l’ensemble des amendements du même type.

M. Mohamed Laqhila. Vous avez bien entendu quel était le problème soulevé. Il s’agit de résoudre de nombreuses questions soulevées tout à l’heure par mes collègues, notamment celles de la concurrence déloyale ou du travail illégal, ou encore de la nécessité d’une comptabilité.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF467 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. J’ai bien compris la logique de la majorité : favoriser les revenus du capital pour favoriser des investissements productifs de demain et les emplois d’après‑demain. Mais, alors, il faut que la part desdits revenus dilapidée en dividendes ou en spéculation ne soit pas mieux rétribuée que l’investissement !

Nous proposons donc de mettre fin à l’abattement de 40 % applicable aux dividendes – et non aux salaires. En 2013, 90 % des bénéfices étaient versés en dividendes alors qu’au début des années 1980, ils se partageaient à peu près à parité entre dividendes et salaires. Nous devons revenir à une situation plus égalitaire. Abrogeons donc cet abattement de 40 % !

M. le Rapporteur général. Comme vous le savez, cet abattement de 40% constitue la survivance de l’avoir fiscal, auquel il a été mis fin en 2004.

L’objet de l’avoir fiscal était simple. Il s’agissait d’éviter qu’un même profit réalisé par l’entreprise ne soit taxé deux fois : une fois au niveau de l’entreprise par le biais de l’impôt sur les sociétés (IS), une seconde fois au niveau de l’actionnaire par le biais de l’impôt sur le revenu (IR).

L’avoir fiscal a été remplacé par trois dispositifs : un abattement proportionnel de 50% – ensuite réduit à 40 % –, un abattement fixe de 1 500 euros et un crédit d’impôt de 150 euros par personne. Ces deux derniers dispositifs ont pour leur part été supprimés entre 2007 et 2012.

Pour éviter la double imposition, il ne reste plus aujourd’hui que l’abattement de 40 %. J’ai bien compris quel était l’objectif politique visé par les auteurs de l’amendement, mais on peut craindre que la suppression de cet abattement ne soit regardée d’un très mauvais œil par le Conseil constitutionnel : une même somme serait imposée deux fois. Et, en tout état de cause, l’objectif visé par cet amendement est contraire à la politique que le Gouvernement entend mener pour inciter les Français à investir davantage dans leur économie.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président Éric Woerth. Avec cet abattement, il est tout à fait logique, ensuite, d’appliquer un taux de prélèvement de 30 % – dans ce cas, le revenu n’a pas été taxé deux fois.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement I-CF696 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. La question de l’économie numérique est tout à fait considérable. Je comprends bien qu’elle est d’abord européenne – nous savons tout cela, et nous connaissons depuis longtemps les spécialistes de l’OCDE. Ce n’est pas le sujet.

Ce qu’il faut, c’est commencer à lancer à un certain nombre de ballons qui ne soient pas simplement des ballons d’essai, notamment en redéfinissant la notion d’établissement stable. Nous pouvons déjà le faire à l’échelle nationale, puis essayer de convaincre nos partenaires. En soi, cela ne pose pas de problème. La notion d’établissement stable, qui est l’objet de cet amendement, figure d’ailleurs souvent dans les conventions fiscales. Cela peut donc être vu au fil du renouvellement des conventions.

Nous proposons une définition de l’établissement stable virtuel, reposant sur l’idée qu’il a une empreinte numérique. Nous essayons de caractériser celle-ci pour que l’impôt puisse être levé. Cette présence digitale se définit par cinq critères que vous trouverez dans l’amendement.

M. le Rapporteur général. Monsieur le président, le sujet de l’évitement fiscal, notamment celui des grandes multinationales du numérique, est sensible et complexe. Pour résumer, vous proposez d’introduire la notion d’établissement stable numérique dans notre droit. Vous trouverez bien sûr en moi un allié sûr dans la lutte contre l’évitement fiscal – j’ai d’ailleurs eu l’occasion de solliciter les ministres Le Maire et Darmanin plusieurs fois cet été à propos de Google, Airbnb ou McDonald’s – ce qui prouve au demeurant que l’évitement fiscal n’est pas l’apanage des géants du numérique.

Malheureusement, je crains que votre amendement ne puisse résoudre le problème.

D’une part, et malgré ce qu’indique l’exposé sommaire, les conventions fiscales risquent malheureusement de faire obstacle à l’application effective du dispositif proposé : les traités priment la loi. À titre d’exemple, la convention fiscale franco-irlandaise empêchera que les revenus considérés comme étant de source française par l’amendement puissent être imposés en France : la définition de l’établissement stable prévue par la convention y fera obstacle.

D’autre part, je crains que la trop grande imprécision de l’amendement ne l’expose au risque d’une censure pour incompétence négative : à quoi correspondent un nombre « significatif » de contrats, un nombre « important » de clients français, une bande de trafic « importante » ? « Important » veut-il dire « majoritaire » ou « substantiel » ? À quel niveau le nombre devient-il « important » ? De trop nombreuses imprécisions rendent impossible, sans même parler des conventions fiscales, l’application du dispositif.

Par ailleurs, le ministre et Pierre Moscovici nous ont longuement présenté les nombreuses initiatives en cours au niveau européen – le niveau pertinent en cette matière.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président Éric Woerth. Cette définition ne remet pas en cause, ni ne gêne en aucun cas, cela va de soi, les initiatives prises par l’OCDE ou dans le cadre européen. Par ailleurs, à partir du moment où la définition d’établissement stable ne figure pas dans une convention, c’est la notion inscrite dans la convention qui l’emporte, mais cela peut être modifié au fil du renouvellement des conventions. Cela prend du temps, mais cela laisse évidemment du temps pour que cette notion trouve sa place dans le droit français ou, si nécessaire, dans le droit européen. En tout cas, cela montre un chemin et prouve que la notion d’établissement stable conserve sa pertinence, même dans le domaine du numérique.

J’ai évidemment bien conscience que faire référence à un « fort » trafic est imprécis, mais la loi ne peut préciser les choses outre mesure – en tout cas, je n’en ai, pour ma part, pas la possibilité. L’administration, en revanche, peut le faire par voie réglementaire.

Mme Émilie Cariou. Effectivement, l’amendement montre le chemin, un chemin déjà largement exploré depuis 2012, à travers une série de propositions toutes examinées par l’OCDE dans le cadre du projet Base Erosion and Profit Shifting (BEPS).

Aujourd’hui, des travaux sont en cours au niveau de l’Union européenne, le commissaire Moscovici nous en a parlé. Parallèlement, la France, dans une initiative conjointe avec plusieurs États européens, a défendu une proposition de taxe sur le chiffre d’affaires en attendant de résoudre ce problème de l’établissement stable.

En l’état, l’amendement I-CF696 pose des problèmes de conventionnalité. De ce fait, le dispositif serait inopérant, même si nous partageons bien évidemment la volonté de résoudre ce problème et d’avancer sur le chemin d’une nouvelle définition, au niveau de l’OCDE, de l’établissement stable. Il s’agit de parvenir à des conventions-cadres qui remplacent les conventions bilatérales sur le modèle de l’OCDE. Je pense vraiment que la question ne peut se résoudre qu’en passant d’abord par le niveau des conventions et des directives communautaires. Or, vous le savez, les directives qui régissent l’impôt sur les sociétés et le partage de résultats entre les États sont rares ; la question est plutôt traitée par les conventions de l’OCDE. Cela étant, l’Union européenne s’en est quand même saisie. Elle mène également les travaux sur l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS).

Il faut prendre les choses dans l’ordre. Une tentative franco-française serait hélas vouée à l’échec, même si, je vous le rappelle, nous explorons toutes ces pistes depuis des années.

M. le président Éric Woerth. Nous visons le même objectif, chère collègue, et avons la même envie de réussir, mais lorsque le Président de la République redessine l’Europe, il ne le fait pas avec l’accord de l’ensemble de ses partenaires. Il essaie de donner un coup de boutoir pour que ses idées prévalent.

Une telle démarche n’interdit pas de poursuivre ce qui est entrepris. Il faut évidemment le faire, et aller plus loin encore. C’est réellement une démarche complémentaire.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je partage tout à fait vos préoccupations, monsieur le président. Il faut absolument appréhender cette matière fiscale potentiellement abondante, et je ne partage pas tout à fait l’analyse du Rapporteur général sur l’imprécision. Effectivement, au stade où nous en sommes, nous ne pouvons pas être extrêmement précis ; peut-être faudra‑t‑il l’être par voie réglementaire comme vous le suggérez, ou, ultérieurement, par voie législative. Cela se discute, mais votre humilité est légitime et vous ouvrez un certain nombre de voies.

Ce qui me pose problème, en revanche, c’est ce à quoi nous conduit cette définition d’établissement stable. Le problème central est le suivant : que doit-on appréhender comme activité financière qui soit susceptible d’être traitée fiscalement ? Ce n’est pas parce qu’on aura identifié un établissement stable de Google que la plupart des activités menées seront forcément localisables géographiquement. J’ai l’impression que vous risquez de bâtir une coquille vide. Au stade où nous en sommes, il vaut mieux en rester là, et interroger le Gouvernement. M. Le Maire nous a tenu l’autre jour un propos assez vague selon lequel la seule matière fiscale que l’on puisse appréhender est le chiffre d’affaires, et je n’ai pas très bien compris ce que cela voulait dire.

Je crois nécessaire une réflexion considérable. Le vrai problème n’est pas celui de l’établissement stable, c’est celui des flux financiers dont nous pourrions appréhender la constitution au plan national ou au plan européen.

Je suis donc sceptique face à cet amendement, mais peut-être certains éléments m’échappent-ils – c’est pour moi une terra incognita.

M. Charles de Courson. Vous proposez un amendement sympathique, monsieur le président, sur une question autour de laquelle nous tournons depuis des années, mais, quand bien même nous définirions l’établissement stable, cela ne nous donnerait pas une assiette. Quant à prélever une fraction du chiffre d’affaires par l’application d’un taux, j’ai quelques doutes... Il n’y a pas de lien entre les bénéfices et le chiffre d’affaires. La seule solution est un accord international ou, du moins, un accord entre pays d’un bloc suffisamment important, qui définissent une assiette commune et un taux commun et qui se partagent le produit de l’IS qu’ils feraient payer – en fonction d’une clef à définir. Cela me paraît la seule voie praticable.

M. Jean-Paul Mattei. Je vous trouve, chers collègues, un peu sévères. L’amendement proposé définit quand même la notion d’établissement stable, il fixe des orientations à propos de ces activités un peu nouvelles. En outre, la notion est bien connue de la jurisprudence fiscale.

Vous évoquiez notamment, monsieur le Rapporteur général, les conventions internationales. C’est bien, mais pourquoi le législateur français ne donnerait-il pas une direction pour commencer à préparer une évolution de ces conventions fiscales ? Ce serait un signal.

Mme Valérie Rabault. Je suis un peu étonnée, monsieur le président, par votre mue. Lorsque nous évoquions, l’an dernier, le fait que la France pouvait jouer un rôle moteur dans la mise en œuvre du BEPS, vous étiez de ceux qui considéraient qu’il ne fallait surtout pas y aller seuls : cela nous aurait fragilisés !

M. le président Éric Woerth. J’étais déjà dans l’opposition...

Mme Valérie Rabault. Certes !

M. Jean-Louis Bourlanges. Le président a mûri dans l’opposition !

Mme Valérie Rabault. Sans doute, ou alors c’est une mue. J’ai observé le même changement chez M. Le Maire, qui n’avait pas voté la taxe dite « YouTube », mais qui a signé le décret la mettant en œuvre.

Cela étant, je ne suis pas certaine que définir un établissement stable serve à quelque chose en matière de numérique. La difficulté est de capter le flux. C’était notre seul souci lorsque nous avons écrit l’amendement dont est issue la taxe « YouTube ». Et les seuls flux que nous pouvions capter, en l’occurrence, étaient ceux des revenus publicitaires de cet hébergeur de vidéos. Nous avons donc décidé d’augmenter la taxe sur la publicité telle qu’elle existe pour YouTube. C’est ainsi que nous sommes parvenus à commencer à taxer une partie de l’économie numérique.

Je n’ai pas les compétences juridiques nécessaires pour en juger mais sans doute votre définition de l’établissement stable tient-elle la route, monsieur le président. Las, la véritable question, concernant l’économie numérique, est de savoir où capter les flux. Si vous avez un établissement stable dont le résultat net est de zéro, appliquez le taux que vous voulez, cela fera toujours zéro !

M. le président Éric Woerth. Nous avons besoin de déterminer un établissement stable pour fixer une assiette. Ensuite, c’est l’éternelle question de la poule et de l’œuf.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement I-CF324 de M. Mohamed Laqhila.

M. Mohamed Laqhila. Dans le droit fil de l’amendement I-CF262 défendu précédemment, celui-ci vise à instaurer une incitation fiscale et à prévenir le travail illégal.

M. le Rapporteur général. Cher collègue, cet amendement vise non pas les redevables au « micro », mais ceux dont le chiffre d’affaires n’excède pas les plafonds « micro ». Or, comme vous le savez, on peut tout à fait être éligible au « micro » et opter pour le réel. Dans cette hypothèse, il existe déjà une réduction d’impôt pour frais de comptabilité et d’adhésion à un OGA prévue à l’article 199 quater B du code général des impôts (CGI). Votre amendement conduirait donc à accorder un double avantage fiscal à ces redevables.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF482 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Les conclusions de la Cour des comptes sont diversement appréciées par les différents gouvernements, mais il en est une sur laquelle on revient rarement : la dénonciation des niches fiscales.

En juin 2017, la Cour des comptes relevait encore que tous les plafonds fixés par le Parlement ont explosé, et elles représenteront près de 90 milliards d’euros cette année – le double de la charge annuelle de la dette ! Si la majorité présidentielle entend prendre des mesures assez radicales, notamment en ce qui concerne une taxe d’habitation jugée injuste, peut-être serait-il temps de faire preuve de la même radicalité face aux niches fiscales et de commencer à supprimer les pires et les plus voyantes.

Nous vous proposons donc de supprimer la niche dite « Copé », particulièrement inutile, et extrêmement coûteuse pour l’État. Il s’agit d’une exonération d’impôt accordée sur les plus-values encaissées par les personnes physiques ou morales lorsqu’elles vendent leurs titres de participation détenus depuis plus de deux ans. Commençons par là, en attendant de remettre tout à plat.

M. le président Éric Woerth. Cette niche n’est pas coûteuse du tout. En fait, si vous la supprimez, il n’y plus de holdings, donc plus d’assiette.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Le débat sur la niche « Copé » a déjà eu lieu à de nombreuses reprises. Elle a été créée, en 2004, pour éviter une certaine concurrence fiscale des pays voisins, voire procéder à des alignements avec eux.

Pour compenser le coût de ce dispositif, un mécanisme de quote-part de frais et charges restant intégré à l’IS de l’entreprise a progressivement été relevé, de 5 % à 10 % puis à 12 %. On peut donc considérer que le législateur a fait du chemin pour tempérer les effets de cette niche, qui a pourtant une réelle utilité pour l’attractivité fiscale de la France.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement I-CF554 de M. Alain Perea est retiré.

La commission en vient à l’amendement I-CF430 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Aujourd’hui, une société qui vend son patrimoine immobilier à un bailleur social bénéficie d’une réduction fiscale. Cette disposition vise à provoquer un choc d’offre en matière de logement et à libérer du foncier. Je propose qu’elle s’applique à toutes les ventes de biens immobiliers appartenant à une entreprise, dès lors qu’ils sont destinés à la production de logements, que l’acheteur soit un bailleur social ou un promoteur.

M. le Rapporteur général. Votre amendement pose plusieurs problèmes. Il étend tout d’abord le dispositif à des sociétés de personnes, relevant de l’IR alors que seules les sociétés assujetties à l’IS sont aujourd’hui visées. La mesure serait notamment étendue aux sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires, les SISA, dont la finalité première ne me paraît pas être l’acquisition de locaux aux fins de transformation en habitation.

Il ne comporte ensuite aucun chiffrage.

Enfin, je vous rappelle que, l’an dernier, à votre initiative, l’article 210 F du CGI a déjà été assoupli : les locaux cessibles ont été étendus aux locaux industriels, et le délai pour faire les travaux aux fins d’habitation porté de trois à quatre ans. Ces assouplissements semblent suffisants et, à l’époque, vous aviez consenti à retirer un amendement identique à celui que nous examinons. Je vous saurais gré de faire de même cette année.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF415, I-CF416, I-CF417 et I-CF418 de Mme Valérie Rabault et l’amendement I-CF497 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Valérie Rabault. Nous avons adopté, l’année dernière, une disposition visant à permettre que le taux d’imposition réduit de 15 % sur les 38 120 premiers euros de résultat net des entreprises s’applique à toutes les petites et moyennes entreprises (PME), et non plus seulement à celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,63 millions d’euros. La définition européenne des PME permet d’inclure les entreprises atteignant 50 millions de chiffre d’affaires.

Cependant, lors de la présentation du budget devant notre commission, les ministres ont distribué un document relatif aux mesures fiscales du projet de loi de finances pour 2018 dans lequel on pouvait lire, page 51 : « Les PME continueront de bénéficier d’un soutien particulier grâce à la préservation du taux réduit de 15 % sur les 38 120 premiers euros de bénéfices pour celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,63 millions d’euros. » J’en déduis que le Gouvernement supprime la disposition d’extension du taux réduit à toutes les PME.

Mes quatre amendements portent sur l’application de ce taux réduit. L’amendement I-CF418 vise en particulier à consolider le vote acquis l’année dernière. Les trois autres en constituent des variantes plus offensives – le dispositif pourrait par exemple s’appliquer aux 100 000 premiers euros de bénéfices.

Monsieur le Rapporteur général, le taux réduit que nous avons adopté l’année dernière est-il maintenu ? Le document distribué par le Gouvernement comporte peut-être un oubli ou une erreur, à moins qu’il ne s’agisse d’un choix délibéré.

Mme Muriel Ressiguier. Notre amendement vise à supprimer la baisse de l’impôt sur les sociétés. Il faut mener une réflexion sur la façon dont l’IS est collecté, et le rendre moins inégalitaire pour les PME.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

D’un point de vue général, une baisse du taux normal pour toutes les entreprises semble préférable à une baisse cantonnée, ainsi que le préconise notamment l’OCDE.

Les amendements I-CF415 et I-CF416 se substituent à la trajectoire proposée à l’article 41 du projet de loi de finances pour 2018, qui sera examiné en seconde partie, mais également aux dispositions issues de la loi de finances pour 2017. L’objectif affiché est de soutenir les PME, mais ces amendements priveraient aussi les PME dont le chiffre d’affaires excède environ 12 millions d’euros des effets de la baisse applicable à toutes les entreprises – 500 000 euros de bénéfices correspondent à un chiffre d’affaires de l’ordre de 12 millions d’euros.

Les autres entreprises, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises, qui ne bénéficieraient pas d’un taux réduit, seraient pénalisées alors qu’elles emploient plus de la moitié des salariés et assurent la majorité des exportations.

La baisse de l’IS proposée par le Gouvernement – taux à 25 % – profitera à toutes les entreprises, et renforcera l’attractivité de la France, qu’elle placera dans la moyenne des taux européens.

Le taux réduit coûte, avec un taux normal à 28 %, 1,9 milliard d’euros. Le rehaussement du plafond du chiffre d’affaires, qui profitera à environ 20 000 entreprises alors que plus de 700 000 en bénéficient déjà, coûtera au moins 100 millions. Un passage à 100 000 euros de bénéfices coûterait très cher, peut-être de l’ordre du milliard d’euros, voire plus.

Les entreprises concernées gagneront plus sans taux réduit avec la trajectoire de ce budget que si l’on conservait et le taux réduit et la trajectoire décidée l’an dernier.

Pour répondre précisément à votre question, madame Rabault, le relèvement du plafond de chiffre d’affaires est supprimé en 2019, mais le principe du taux réduit est maintenu.

Mme Valérie Rabault. Confirmez-vous donc que le Gouvernement supprime l’amendement, voté l’année dernière, qui visait à permettre à toutes les PME de France de bénéficier du taux réduit d’imposition de 15 % sur leurs 38 120 premiers euros de résultat net ? Si le Gouvernement entend revenir sur ce qui a été décidé il y a un an pour limiter le bénéfice du taux réduit aux entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,63 millions d’euros, j’entends le rétablir avec mon amendement I-CF418.

J’appelle votre attention sur le fait que 7,63 millions d’euros constituent une réminiscence de la somme de 50 millions de francs. Nous sommes tout de même passés à l’euro en 2001, et il serait peut-être judicieux d’appliquer en France la définition des PME en vigueur partout en Europe.

M. le Rapporteur général. La réponse est positive. Le Gouvernement revient sur la disposition votée l’année dernière. Le relèvement du plafond tel qu’il était prévu pour 2019 aurait concerné 20 000 PME sur 700 000. La trajectoire que nous proposons est globalement plus intéressante pour toutes les entreprises.

Mme Valérie Rabault. Non, monsieur le Rapporteur général. La trajectoire est avantageuse sur 500 000 euros de résultat net parce qu’on passe de 28 % à 25 % d’IS. Il reste que vous retirez à 20 000 PME la possibilité de n’être soumises qu’à un taux de 15 % sur les 38 120 premiers euros de résultat net.

M. le Rapporteur général. Madame Rabault, 25 % sans taux réduit, c’est mieux que 28 % avec un taux réduit !

Mme Valérie Rabault. Je parle des 15 % qui ont été votés l’année dernière !

M. le Rapporteur général. Là, vous anticipez sur ce qui aurait existé en 2019 ! Mon rapport comportera un graphique comparatif complet qui montrera que les dispositions que nous proposons ne lèsent pas les entreprises.

Mme Valérie Rabault. Je maintiens uniquement l’amendement I-CF418 afin qu’à partir de 2019, 20 000 PME puissent bénéficier d’un taux réduit de 15 % sur leurs 38 120 premiers euros de résultat net, conformément à ce qui a été voté l’année dernière.

Les amendements I-CF415, I-CF416 et I-CF417 sont retirés.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF497 puis l’amendement ICF418.

Elle est saisie des amendements identiques I-CF176 de M. Patrick Hetzel et I-CF246 de Mme Véronique Louwagie.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement vise à préserver les avantages fiscaux liés aux dons en nature, dans le prolongement du dispositif dit « Coluche ». Notre Rapporteur général avait en personne défendu un amendement semblable au projet de loi de finances pour 2017.

Mme Véronique Louwagie. La réduction d’impôt liée aux dons en nature des entreprises aux associations caritatives permet notamment de lutter contre le gaspillage alimentaire. Mon amendement vise à préciser explicitement l’assiette de la réduction d’impôt lorsque le don est effectué en nature, afin de sécuriser cette disposition.

M. le Rapporteur général. L’année dernière, nous avions soulevé la question des valorisations des dons en nature, qu’une instruction fiscale risquait de compromettre, ce qui soulevait de vraies difficultés.

Je suis effectivement intervenu, et un amendement de notre commission, porté par la majorité comme l’opposition d’alors, a été adopté et a conduit à introduire à l’article 238 bis du CGI l’alinéa que vous souhaitez, puisque cet article dispose désormais que : « Lorsque les versements mentionnés au premier alinéa du présent 1 sont effectués sous forme de dons en nature, leur valorisation est effectuée au coût de revient du bien donné ou de la prestation de service donnée. » Vos amendements sont donc satisfaits.

Les amendements sont retirés.

La commission examine l’amendement I-CF207 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. Cet amendement vise à aider les très petites entreprises (TPE) et PME qui souhaitent faire du mécénat, car le plafond de 0,5 % du chiffre d’affaires hors taxe, fixé par l’article 238 bis du CGI pour bénéficier du dispositif d’incitation fiscale, limite leur engagement.

Nous proposons d’établir une franchise, fixée par décret, qui pourrait s’établir à 10 000 euros pour l’ensemble des montants engagés au titre du mécénat, au-delà desquels s’appliquerait le plafond actuel de 0,5 %. Toute entreprise, quelle que soit sa taille, pourrait ainsi donner jusqu’à 10 000 euros en bénéficiant de la déduction fiscale.

M. le Rapporteur général. Je demande le retrait de l’amendement.

Sur la forme, vous prévoyez la fixation par décret d’un plafond alternatif à celui de 0,5 % du chiffre d’affaires en laissant au pouvoir réglementaire le soin de fixer librement, faute d’encadrement dans votre amendement, le montant des versements ouvrant droit à un avantage fiscal. Dès lors que le législateur n’exerce pas pleinement sa compétence, l’amendement, risquant d’être entaché d’incompétence négative, serait inconstitutionnel.

Sur le fond, je vous rappelle qu’entre 2012 et 2015 les créances déclarées par les TPE au titre du mécénat sont passées de 21 à 37 millions d’euros, sans qu’il soit nécessaire de modifier le plafond. Il ne me semble donc pas utile de le faire à ce stade.

Mme Sarah El Haïry. L’amendement respecterait-il la Constitution s’il comportait un plancher et un plafond précis ?

M. le Rapporteur général. Mon argument relatif à la forme tomberait en effet, mais il resterait mon objection de fond.

Mme Sarah El Haïry. Je retire l’amendement pour proposer une nouvelle rédaction en séance.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette les amendements identiques I-CF32 de M. Marc Le Fur et I-CF244 de Mme Véronique Louwagie.

Elle en vient aux amendements identiques I-CF328 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF605 de M. Charles de Courson.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans l’esprit de l’article 10, qui vise à augmenter sensiblement les seuils des régimes « micro » relatifs aux bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et aux bénéfices non commerciaux (BNC), il s’agit de créer un régime « micro TVA » dans une démarche de fluidification et de simplification.

M. Charles de Courson. Nous en parlions à l’article 10 : il faut essayer de caler un système cohérent en jouant sur la TVA, sur l’assiette sociale et l’assiette fiscale.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Contrairement à ce qui nous est dit, ces amendements vont à rebours de la logique du régime micro, puisqu’il supprime la simplicité du dispositif.

Par ailleurs, l’adhésion à un OGA n’est pas gratuite : vous imposerez aux travailleurs indépendants concernés un coût supplémentaire. C’est assez inédit...

Au-delà du principe, ces amendements posent plusieurs problèmes.

Il y a d’abord un risque constitutionnel de rupture d’égalité entre les redevables concernés par votre amendement et les autres redevables de la TVA. Au regard de la TVA, toutes ces personnes sont dans la même situation, le critère de différenciation reposant sur le régime d’imposition à l’IR ne pouvant être utilement retenu.

Ensuite, la déduction forfaitaire proposée ne tient pas compte des différents taux de TVA applicables ni des taux particuliers pour la Corse et l’outre-mer.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vos arguments relatifs au risque constitutionnel de rupture d’égalité pourraient s’appliquer à l’identique aux régimes « micro BIC » et « micro BNC ». À un moment, il faudra être cohérent !

M. Charles de Courson. Notre Rapporteur général est habituellement un homme ouvert, mais, sur cet amendement, il est très fermé. Parler d’inconstitutionnalité au sujet de notre amendement est un peu excessif ! Le système forfaitaire existe en matière d’IR : pourquoi ce qui vaut pour l’IR ne pourrait-il pas valoir pour la TVA ?

M. le Rapporteur général. Je vous rappelle que la TVA est encadrée par des directives communautaires. Les OGA m’ont également envoyé le texte que vous avez repris dans vos amendements. Je maintiens mon analyse sur leur caractère inconstitutionnel.

M. Charles de Courson. Nos amendements ne sont pas en contradiction avec la sixième directive TVA ! Avec votre système, il y aura deux régimes de micro, l’un totalement forfaitaire, l’autre qui mélangera le réel en matière de TVA et le forfait.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement I-CF592 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le prix très élevé des vignes rend de plus en plus difficile la transmission des exploitations et favorise l’intervention d’investisseurs dont l’objectif n’est, hélas ! pas toujours d’aider au maintien de l’exploitation, et est parfois uniquement spéculatif.

Dans certains départements, producteurs de cognac, de champagne ou de vin de Bourgogne, les terres louées sous forme de métayage champenois tiers-franc et quart-franc ne sont pas réputées avoir d’activités agricoles et ne sont donc pas éligibles aux bénéfices des dispositions des articles 787 B et 787 C du CGI. Mon amendement vise à clarifier cette situation.

M. le Rapporteur général. Défavorable. Si les baux champenois tiers‑franc et quart‑franc sont bien une réalité dans certaines parties de notre territoire, ils ne sont pas définis en tant que tels dans le droit. Sans doute relèvent-ils du droit coutumier local !

Les exonérations de droits de mutation concernent soit les cessions d’entreprises ou de parts d’entreprises, soit les cessions de baux ruraux à long terme prévus dans le code rural. Les autres baux ne sont pas concernés car le législateur a entendu inciter les bailleurs à conclure des baux de longue durée pour favoriser ce dispositif qui assure une stabilité.

Si vous souhaitez obtenir d’autres précisions sur un objet juridique non identifié, je vous invite à interroger le ministre.

M. Charles de Courson. Ces baux existent depuis plus d’un siècle. Nous avons déjà débattu des tiers-franc et quart-franc : le métayage champenois permet de partager les fruits et non les charges. C’est une espèce de bail en nature...

M. le Rapporteur général. « Une espèce de », c’est précisément un objet juridique non identifié dans la loi !

M. Charles de Courson. C’est parfaitement légal ! Une grande partie des vignes en Champagne n’est pas louée en bail rural, mais en bail champenois – et l’on en trouve aussi en Bourgogne et, je crois, dans la région de Cognac.

M. le président Éric Woerth. Peut-être pourriez-vous retirer votre amendement à ce stade ? Si vous-même et le Rapporteur général vous adressiez aux services de Bercy, le ministre pourrait, par exemple, donner une indication fiscale en séance.

L’amendement est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements ICF216 de M. Mohamed Laqhila et les amendements identiques I-CF325 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF604 de M. Charles de Courson.

M. Mohamed Laqhila. Par manque de moyens, l’État externalise de plus en plus une partie de ses contrôles fiscaux vers les centres de gestion et les OGA. Mon amendement vise à lutter contre la fraude fiscale et à inciter les patrons de petites entreprises, en particulier les micro-entrepreneurs, à être accompagnés par des professionnels. Aujourd’hui, les entreprises qui adhérent à un centre de gestion bénéficient d’un délai de reprise de l’administration réduit à deux ans. Pour atteindre les petites entreprises, il est proposé de réduire le délai de reprise de deux ans à un an dès lors que les contribuables sont adhérents d’un organisme agréé ou font appel aux services d’un professionnel de l’expertise-comptable.

M. le Rapporteur général. Défavorable. La limitation à une année du droit de reprise paraît délicate. Actuellement, pour l’IR, ce droit est de trois ans, porté à dix ans en cas d’infractions occultes et dans certaines autres hypothèses. Passer à une seule année limiterait considérablement la faculté pour l’administration de réparer les erreurs et omissions dans les déclarations, ce qui n’est pas souhaitable. Dans les faits, cela lui laissera seulement six mois pour agir, les OGA mettant environ six mois pour élaborer et transmettre le compte rendu de mission de contrôle.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous venez de laisser entendre, monsieur le député, le délai réduit de reprise pour les redevables de l’IR soumis à un régime réel et adhérents d’un OGA, qui était de deux ans, a été supprimée par la loi de finances pour 2015, notamment en raison de ses effets négatifs et, selon la Cour des comptes, parce que cela complexifiait inutilement le droit fiscal.

M. Charles de Courson. Afin d’améliorer la lutte contre la fraude, il s’agit de favoriser le recours à un expert-comptable en proposant aux entreprises accompagnées un délai de reprise réduit. Je rappelle qu’en cas de faute, la responsabilité de l’expert-comptable est engagée.

M. le Rapporteur général. Je continue à penser qu’un délai d’un an est insuffisant en matière de fraude fiscale !

M. François Pupponi. Nous ferions passer un mauvais message en réduisant les capacités de contrôle de l’administration. La plupart des entreprises redressées, y compris les petites entreprises, ont un comptable. L’expert-comptable n’empêche pas la fraude fiscale ; il essaie de faire son travail de la façon la plus rigoureuse, mais il ne peut pas systématiquement voir que le contribuable a fraudé. Les centres de gestion et les experts-comptables ne sont pas les supplétifs de l’administration fiscale. Comme d’autres professions libérales, ils doivent dénoncer les fraudes s’ils les constatent, mais ils ne font pas de contrôle fiscal. De fait, avec un délai de reprise réduit à un an, on empêcherait le contrôle fiscal !

Mme Émilie Cariou. J’adhère totalement aux propos de M. Pupponi. Sans doute notre passé professionnel parle-t-il pour nous.

Je tiens à préciser que l’État ne délègue pas le contrôle fiscal aux organismes de gestion agréés. L’État multiplie les partenaires de confiance, mais le contrôle fiscal reste entre les mains de l’administration fiscale. Et, hélas ! ce n’est pas parce qu’une entreprise a un comptable ou un expert-comptable que l’administration fiscale ne constatera pas d’anomalies.

M. le président Éric Woerth. Elles peuvent être totalement invisibles pour l’expert lui-même, qui se prononce seulement sur la comptabilité.

M. Mohamed Laqhila. Depuis deux ans, il est prévu que les adhérents des centres de gestion sont contrôlés sur pièces tous les trois ans, sauf s’ils font appel à un expert-comptable. Dans cette dernière hypothèse, le contrôle a lieu tous les six ans, toujours sur pièces. Pour la TPE, il ne s’agit peut-être pas d’un contrôle délégué, mais cela y ressemble tout de même.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF216, puis les amendements I-CF325 et I-CF604.

Elle est saisie de l’amendement I-CF253 de M. Mohamed Laqhila.

M. le Rapporteur général. Défavorable. Cet amendement reviendrait à imposer l’adhésion à un OGA. On reprendrait en quelque sorte d’une main ce qui a été donné de l’autre.

La commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 10
Maintien temporaire du dispositif applicable dans les zones de revitalisation rurale pour les communes sorties du classement

Puis elle examine les amendements identiques I-CF656 de M. Joël Giraud et ICF550 de Mme Amélie de Montchalin.

Mme Émilie Cariou. La réforme des critères retenus pour le classement en zone de revitalisation rurale (ZRR) a eu pour effet de faire sortir un certain nombre de communes du dispositif.

Les critères autrefois établis par commune sont désormais calculés par établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ce qui a provoqué la sortie massive du dispositif de communes dont la situation n’a pourtant changé ni en termes de population ni en termes de revenu par habitant.

Nous proposons de corriger les effets de cette réforme, comme cela a déjà été fait opportunément pour les zones de montagne, en mettant en place une mesure transitoire et en incitant le Gouvernent, à la fois, à mieux organiser la sortie des ZRR, et à permettre aux communes qui le méritent vraiment de continuer à bénéficier du dispositif.

M. le Rapporteur général. Il fallait prévoir une sortie en sifflet des ZRR !

M. Marc Le Fur. Ceux qui ont travaillé sur cette question ont été unanimes à considérer qu’il fallait que le même dispositif fiscal soit adopté par l’ensemble des communes appartenant à une intercommunalité. Si nous adoptions l’amendement, des communes ayant des statuts fiscaux très différents, certaines en ZRR, d’autres non, cohabiteraient au sein d’une intercommunalité, alors qu’il s’agit de l’échelon chargé de l’économie.

M. Jean-Louis Bricout. Je soutiens cet amendement car, sur nos territoires, les situations sont extrêmement différentes au sein des mêmes communautés de communes : certains secteurs sont proches d’une grande ville résidentielle, alors que d’autres sont des territoires parfaitement ruraux. Les exemples ne manquent pas et certains ont clairement besoin de plus d’aide que d’autres.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement va dans le bon sens puisque l’on revient à la situation antérieure, bénéfique pour nos territoires. Pour autant, la situation actuelle – même si elle a ébranlé beaucoup d’acteurs – était prévisible puisque les regroupements de communes font disparaître ces ZRR.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends qu’on puisse se satisfaire d’un retour en arrière. Mais il s’agira uniquement d’une période très transitoire, puisque l’amendement fait état du 1er juillet 2017 au 31 décembre 2019. Que se passera-t-il au 1er janvier 2020 ? Certes, un rapport sur la mise en œuvre de cette sortie progressive des effets du dispositif des ZRR sera remis au Parlement. Mais je crains que, pendant la discussion du projet de loi de finances pour 2019, nous soyons à nouveau obligés de prolonger le dispositif pour deux ans, parce que l’on a fait tout et n’importe quoi...

M. Christophe Jerretie. Je veux apporter un éclairage lié à mon expérience. Dans certaines zones rurales, les intercommunalités comptent désormais soixante à soixante-dix communes. Cet élément complémentaire est donc nécessaire car la sortie de ces communes des ZRR a un impact fiscal. Sur cette période, nous devons différencier la compétence économique et la fiscalité, l’impact étant très important pour l’implantation économique dans les zones rurales.

La commission adopte les amendements identiques I-CF656 et ICF550 (amendement n° I-588).

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Article 11
Mise en œuvre du prélèvement forfaitaire unique

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article procède à une refonte globale du régime d’imposition des revenus du capital, en prévoyant l’application d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) à ces revenus au titre des impositions établies à compter du 1er janvier 2018.

Ce PFU sera prélevé au taux proportionnel de 30 % – soit un taux de 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu (IR) et de 17,2 % au titre des prélèvements sociaux (PS) compte tenu de l’augmentation de 1a contribution sociale généralisée (CSG) par ailleurs prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Il se substituera, dans la plupart des cas, à l’imposition de ces revenus selon le barème progressif de l’IR prévue par les articles 9 à 11 de la loi de finances pour 2013.

Dans certains cas plus particuliers (assurance-vie, épargne logement, actionnariat salarié), il s’appliquera soit à une partie des revenus soit à des revenus aujourd’hui partiellement exonérés.

L’objectif principal de la réforme est d’accroître la lisibilité et l’efficacité de la fiscalité du capital, afin, en définitive, de favoriser l’investissement.

Si cette réforme a un coût – évalué par le Gouvernement à 1,3 milliard d’euros en 2018 et 1,93 milliard d’euros en 2019 au titre du seul IR, donc à l’exclusion du produit provenant de l’augmentation de la CSG –, son objectif principal n’est pas de baisser globalement la fiscalité du capital.

Dernières modifications législatives intervenues

La dernière réforme d’ampleur comparable à celle prévue par le présent article résulte des articles 9 à 11 de la loi de finances pour 2013, substituant une imposition obligatoire des revenus du capital au barème de l’IR (« barémisation ») et supprimant la possibilité d’opter pour leur soumission à un prélèvement forfaitaire proportionnel libératoire de cette imposition au barème.

L’article 17 de la loi de finances pour 2014 est venue ajuster plusieurs éléments de la loi de finances pour 2013, notamment s’agissant des abattements pour durée de détention applicables aux plus-values mobilières.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement du Rapporteur général visant à prévoir que l’abattement fixe de 500 000 euros dont bénéficient les dirigeants de petites ou moyennes entreprises s’applique à une cession, indépendamment de son départ à la  retraite.

Ella a adopté un amendement prévoyant l’application du prélèvement forfaitaire unique aux rachats de contrats d’assurance-vie de moins de huit ans.

Elle a par ailleurs adopté un amendement prévoyant la création d’un comité de suivi de la réforme prévue par le présent article.

I.   L’État du droit

A.   Le champ de la fiscalité du capital

Compte tenu de l’ampleur de la présente réforme, une présentation générale de la fiscalité du capital – notion dont le périmètre est, du reste, fort différent suivant les analyses et même les codes – serait inefficace et fastidieuse.

À titre de méthode, il est donc paradoxalement proposé de partir du champ de la réforme envisagée pour cibler les volets de la fiscalité du capital actuellement en vigueur méritant un exposé complet.

À cet effet, les tableaux ci-dessous proposent une vision synoptique des volets de la fiscalité du capital concernés ou exclus du champ de cet article 11.

1.   Les impôts ou revenus qui ne sont pas considérés comme pesant
sur les revenus du capital pour la présente réforme

 

Dénomination

Modalités d’impositions actuelles

1. Impôts sur le patrimoine

 

a. Impôt de solidarité sur la fortune (ISF)

– Voir le commentaire de l’article 12 du présent projet de loi de finances

b. Contribution à l’audiovisuel public

– Tarif fixe de 138 euros par poste de télévision pour les redevables individuels (139 euros en 2018)

3. Revenus fonciers

– Imposition au barème de l’impôt sur le revenu (IR)

– Imputation possible du déficit foncier sur le revenu global à hauteur de 10 700 euros puis report éventuel du surplus sur les dix années suivantes

– Modalités complexes de prise en compte des charges déductibles du revenu foncier brut

– Option possible pour le régime micro-foncier avec un abattement forfaitaire de 30 % au titre des charges

4. Plus-values immobilières

– Imposition selon un PFL proportionnel au taux global de 34,5 % (soit 19 % au titre de l’IR et 15,5 % au titre des prélèvements sociaux)

– Abattement pour durée de détention sur vingt-deux ans à l’IR et sur trente ans aux prélèvements sociaux

5. Droits de mutation à titre onéreux (vente)

Taux proportionnel de 5,09 % du montant de la vente

6. Droits de mutation à titre gratuit (donation, succession)

Barème progressif avec abattements propres en fonction du lien de parenté

2.   Le champ des revenus sur le capital non concernés par le PFU

 

Dénomination

Modalités d’impositions actuelles

LE RÉGIME GÉNÉRAL

1. Revenus du patrimoine mobilier : revenus sur biens meubles corporels et objets précieux

 

a. Biens meubles corporels (yachts, chevaux de course, vins, etc.)

– Imposition au taux global de 34,5 % (19 % au titre de l’IR et 15,5 % au titre des PS)

– Abattement pour durée de détention de 5 % par an après deux ans de détention (exonération totale après vingt-deux ans)

b. Objets précieux (or, platine, argent, monnaies, bijoux, objets d’art, de collection ou d’antiquité)

– Taux forfaitaire de 10 % du montant de la cession pour les métaux précieux et 6 % du montant de la cession pour les autres objets

– Option possible pour le régime des biens meubles corporels quand le redevable peut justifier de la date et du prix d’acquisition

LES RÉGIMES PARTICULIERS

1. Épargne réglementée : livret A, LDD, LEP et livret jeune

– Exonération d’IR et de PS

2. Épargne réglementée : plan d’épargne en actions (PEA) et PEA-PME

– Prélèvement forfaitaire libératoire de 22,5 % sur les gains en cas de retrait avant deux ans, de 19 % entre deux et cinq ans, et exonération du prélèvement après cinq ans

– Prélèvements sociaux de 15,5 % y compris après cinq ans

3. Épargne salariale

– Exonération d’IR des produits de l’épargne salariale (participation ou intéressement) en cas d’investissement dans un plan d’épargne salariale (plan d’épargne entreprise ou plan d’épargne retraite collective)

4. Actionnariat salarié : stock-options

– Imposition du rabais excédentaire (moins de 5 % en dessous du cours moyen de l’action) au barème de l’IR comme un salaire au moment de la levée de l’option

– Imposition du gain de levée d’option (différence entre le prix de l’action au moment de la levée et le prix de l’option, moins le rabais excédentaire éventuellement déjà taxé) comme un salaire au moment de la cession

– Imposition du gain de cession dans la catégorie des plus-values mobilières (avec abattement pour durée de détention pour les titres attribués après 2007)

3.   Le champ des revenus sur le capital concernés par le PFU

Dénomination

Modalités d’impositions actuelles

LE RÉGIME GÉNÉRAL

1. Revenus du patrimoine mobilier : revenus de capitaux mobiliers (RCM)

 

a. Dividendes liés à la détention d’une action

– Imposition au barème de l’IR (depuis 2013) et PS de 15,5 %, en année N + 1

– Prélèvement forfaitaire obligatoire (à la source) de 21 % en année N

– Abattement de 40 % pour éviter la double imposition (au niveau de l’entreprise et de l’actionnaire)

b. Intérêts liés à la détention d’une obligation

– Imposition au barème de l’IR (depuis 2013) et PS de 15,5 %, en année N + 1

– Prélèvement forfaitaire obligatoire (à la source) de 24 % en année N (sauf quand le revenu fiscal de référence est inférieur à 25 000 euros, ou 50 000 euros pour un couple)

– Le prélèvement à la source à 24 % est libératoire du barème lorsque le montant total annuel des intérêts est inférieur à 2 000 euros

2. Revenus du patrimoine mobilier : plus-values mobilières

– Imposition au barème de l’IR (depuis le 1er janvier 2013) et PS de 15,5 %, en année N + 1

– Pas de prélèvement à la source

– Deux abattements de la plus-value pour durée de détention :

  • Abattement de droit commun (50 % après deux ans, 65 % après huit ans)
  • Abattement renforcé pour les start up (50 % après un an, 65 % après quatre ans, 85 % après huit ans)

– Un abattement fixe de 500 000 euros pour les dirigeants de PME partant à la retraite

LES RÉGIMES PARTICULIERS

1. Assurance-vie

– Prélèvement forfaitaire libératoire de 35 % (si le contrat a moins de quatre ans), de 15 % (entre quatre et huit ans) ou 7,5 % (plus de huit ans) au titre de l’IR

– Prélèvement au titre des PS de 15,5 %

– Possibilité d’opter pour le barème de l’IR lorsque cette imposition est plus avantageuse pour le redevable

– Pour les contrats de plus de huit ans, le montant des gains contenus dans le rachat du contrat fait l’objet d’un abattement annuel de 4 600 euros pour une personne seule et 9 200 euros pour un couple (valable au PFL comme au barème)

2. Épargne logement : comptes épargne logement (CEL)

– Exonération d’IR mais pas des PS de 15,5 %

3. Épargne logement : plans épargne logement (PEL)

– Exonération d’IR pendant les douze premières années du plan, puis soumission des intérêts au barème de l’IR

– PS de 15,5 %

4. Actionnariat salarié : actions gratuites

– Gain d’acquisition (valeur de l’action au moment de son acquisition définitive) :

Barème de l’IR comme traitement et salaire jusqu’à 300 000 euros

Barème de l’IR comme plus-value mobilière ensuite (abattements pour durée de détention)

– Gain de cession (différence entre la valeur de l’action au moment de son acquisition et sa cession) :

Régime des plus-values mobilières de droit commun (abattements pour durée de détention)

5. Actionnariat salarié : bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE)

– Imposition selon un PFL de 34,5 % (19 % au titre de l’IR et 15,5 % au titre des PS)

À titre de synthèse, il ressort donc que la réforme s’appliquera :

– aux revenus de capitaux mobiliers ;

– aux plus-values mobilières ;

– à certains régimes particuliers que sont l’assurance-vie, l’épargne logement et l’actionnariat salarié (à l’exclusion notable des stock-options).

B.   La fiscalité des revenus de capitaux mobiliers

Les revenus de capitaux mobiliers comprennent pour l’essentiel les dividendes d’actions et les intérêts d’obligations qui, sous leur dénomination juridique, sont respectivement désignés par :

– les revenus distribués et assimilés ;

– les produits de placement à revenu fixe et assimilés.

1.   Les revenus distribués (ou dividendes)

Entrent dans cette catégorie les revenus distribués par des sociétés imposables à l’impôt sur les sociétés (IS), qui sont la part des bénéfices qui ne sont pas investis dans l’entreprise.

a.   Une imposition au barème de l’impôt sur le revenu jusqu’en 2007

Depuis la loi du 12 juillet 1965 modifiant l’imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers ([140]), les dividendes et revenus assimilés étaient soumis au barème de l’IR en ouvrant droit à un avoir fiscal, qui visait à éviter la double imposition de ces dividendes (à la fois au niveau de l’entreprise et entre les mains du bénéficiaire de ces dividendes).

L’abattement de 40 % sur le montant de ces dividendes, actuellement en vigueur, est directement issu de cet avoir fiscal et vise lui aussi à éviter cette double imposition.

L’avoir fiscal était, en pratique, un crédit d’impôt égal à 50 % du montant distribué. Il était déclaré comme un complément de revenu et soumis au barème de l’IR.

Dans un second temps, le montant de l’avoir fiscal était retranché de celui de l’impôt théoriquement dû. Dans le cas où l’avoir fiscal excédait le montant de l’impôt dû, il était alors restitué au redevable.

L’avoir fiscal avait comme corollaire le précompte mobilier, visant à effacer les effets de l’avoir fiscal dans l’hypothèse où la distribution est réalisée par une entreprise qui n’était pas soumise à l’IS ou soumise à un taux réduit d’impôt sur les sociétés.

À cet effet, l’entreprise distributrice devait verser au Trésor une avance égale, en principe, au montant de l’avoir fiscal. Ce précompte était imputable sur le bénéfice imposable, en minorant le montant total des dividendes versés.

Ces deux dispositifs ont été supprimés par l’article 93 de la loi de finances pour 2004 ([141]) en raison, principalement, de leur complexité.

Le législateur a prévu d’assortir la « barémisation » des dividendes de deux abattements visant à éviter la double imposition :

– un abattement proportionnel de 50 % du montant des dividendes ; cet abattement proportionnel a été abaissé à 40 % par l’article 76 de la loi de finances pour 2006 ([142]) ;

– un abattement fixe annuel de 1 220 euros (ou 2 440 euros pour les couples), montant porté à 1 525 euros (ou 3 050 euros) dans le cadre de la loi de finances pour 2006. Cet abattement fixe annuel a été supprimé à compter des revenus de 2012 par l’article 9 de la loi de finances pour 2013 ([143]).

En outre, ce même article de la loi de finances pour 2004 a prévu un crédit d’impôt portant sur les mêmes dividendes, égal à 50 % du montant avant application de ces deux abattements, plafonné à 115 euros par redevable (ou 230 euros pour un couple).

Ce crédit d’impôt a été supprimé à compter des revenus de l’année 2010 par l’article 7 de la loi de finances pour 2011 ([144]).

b.   L’option pour un prélèvement forfaitaire libératoire entre 2008 et 2012

Afin d’inciter les contribuables à investir leur épargne en actions de sociétés soumises à l’IS, l’article 10 de la loi de finances pour 2008 ([145]) a prévu de rapprocher la fiscalité applicable aux intérêts d’obligations et celle pesant sur les actions.

À cet effet, cet article a prévu que ces derniers pourraient être soumis, sur option irrévocable du contribuable, à un prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) de la soumission de ces revenus au barème de l’IR.

Ce PFL n’était ouvert qu’aux revenus bénéficiant déjà de l’abattement de 40 % au titre des revenus distribués.

Le PFL applicable entre 2008 et 2012

L’option pour le prélèvement forfaitaire, irrévocablement exercée par le contribuable, pouvait être exercée « au fil de l’eau », à l’occasion de chaque encaissement, ce qui permettait à un contribuable, au titre d’une même année, d’opter pour le prélèvement pour certains des revenus qui y sont éligibles et de demeurer imposé au barème pour d’autres.

Comme pour le prélèvement forfaitaire concernant les intérêts, celui-ci était aussi libératoire de l’IR pour les dividendes auxquels il s’appliquait. Ceux-ci n’étaient donc pas pris en compte pour la détermination du revenu global du bénéficiaire servant d’assiette à l’IR au barème progressif.

Ce PFL ne s’appliquait pas aux revenus liés à des titres détenus dans un plan d’épargne en actions (PEA).

Le paiement en était assuré soit par le contribuable lui-même, soit par la personne assurant le paiement de ces revenus, dans les quinze jours suivant leur perception. En cas d’option pour le PFL, la contribution sociale généralisée (CSG) a été rendue non déductible comme pour les revenus d’obligations.

La retenue à la source applicable aux non-résidents a été ajustée en conséquence, son taux passant de 25 % à 16 %.

Initialement de 18 % au titre de l’IR, le taux de ce PFL a ensuite été porté à 19 % par l’article 6 de la loi de finances pour 2011 précitée, puis à 21 % par l’article 20 de la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 ([146]).

Parallèlement, les taux applicables au titre des prélèvements sociaux ont également évolué à la hausse, de sorte que la fiscalité d’ensemble des dividendes s’est fortement alourdie au cours de la dernière décennie ([147]).

c.   Depuis le 1er janvier 2013, une imposition au barème de l’impôt sur le revenu avec la mise en place d’un prélèvement forfaitaire obligatoire

En soumettant à nouveau les dividendes au barème de l’IR à compter du 1er janvier 2013, les articles 9 à 11 de la loi de finances pour 2013 précitée sont donc revenus au droit existant jusqu’en 2007.

Toutefois, le taux marginal d’imposition des dividendes (au titre de l’IR et des prélèvements sociaux) applicable, compte tenu des autres mesures prises au titre de l’IR, est de 62 % ([148]) depuis le 1er janvier 2013. En 2007, ce taux marginal total était de 48,7 % (soit 40 % au titre de l’IR et 11 % au titre des prélèvements sociaux, dont 5,8 % de CSG déductible au titre de l’IR).

Il convient, en outre, de noter que la barémisation, en vigueur jusqu’en 2007, était assortie des nombreux abattements mentionnés précédemment qui permettaient d’atténuer les rigueurs de la progressivité du barème. Or, nombre de ces abattements ont été progressivement supprimés.

Avec l’application de l’unique abattement de 40 %, la barémisation opérée à compter de 2013 s’est appliquée avec une rigueur plus importante qui était assumée par le précédent Gouvernement, dans la mesure où l’objectif était de taxer les revenus du capital au même niveau que les revenus du travail.

Afin d’éviter que le passage d’une imposition selon le PFL (perçu en année N au moment de l’encaissement des dividendes) à une imposition au barème de l’IR (perçue en année N + 1) ne se traduise par une perte nette d’une année d’imposition du capital, le PFL perçu en année N a été « transformé » en prélèvement forfaitaire obligatoire (PFO) perçu, au même taux, en année N avant perception d’un éventuel complément (ou une restitution) en année N + 1 lors de la soumission de ces mêmes revenus au barème de l’IR.

Les personnes dont le foyer a un revenu fiscal de référence de moins de 50 000 euros (ou 75 000 euros pour les couples) peuvent être dispensées de ce prélèvement.

La transformation du PFL au PFO

Le PFO s’analyse en définitive comme un acompte de l’impôt dû en année N + 1. En modifiant l’article 117 quater du code général des impôts (CGI) – qui prévoyait depuis 2007 les modalités de perception du PFL –, la loi de finances pour 2013 a inclus dans le champ du PFO un certain nombre de revenus qui n’étaient pas dans le champ du PFL : sont désormais concernés par le PFO l’ensemble des revenus distribués imposables à l’IR et non plus seulement les revenus éligibles à l’abattement de 40 %, c’est-à-dire les dividendes d’actions de sociétés soumises à l’IS.

Les revenus pris en compte pour la détermination du bénéfice imposable d’une entreprise, c’est-à-dire les dividendes perçus par un entrepreneur individuel ou par une profession libérale, sont restés exclus du PFO, ainsi que les revenus afférents à un PEA.

L’extension du champ du PFO par rapport au PFL a été suffisamment conséquente pour procurer un gain de trésorerie à l’État de 1,6 milliard d’euros uniquement en 2013, selon les évaluations rendues publiques par le Gouvernement à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2013.

Le tableau ci-dessous retrace les taux applicables aux dividendes au titre du PFL et des prélèvements sociaux. Il permet de voir que le PFU de 30 % envisagé dans le cadre du présent article est proche, par son taux, du PFL applicable en 2008 ou 2009.

Évolution des taux des prélèvements proportionnels
applicables aux dividendes

(en %)

Année

PFL

Prélèvements sociaux (PS)

dont CSG

total PFL+PS

1966-2007

Barème de l’IR

2008

18

11

8,2

29

2009

18

12,1

8,2

30,1

1er janvier 2011

19

12,3

8,2

31,3

1er octobre 2011

19

13,5

8,2

32,5

1er janvier 2012

21

13,5

8,2

34,5

1er juillet 2012

21

15,5

8,2

36,5

1er janvier 2013

Barème de l’IR (PFO de 21 %)

Source : commission des finances.

2.   Les produits de placement à revenu fixe (ou intérêts d’obligations)

La notion de placement à revenu fixe désigne dans la plupart des cas des obligations ou autres titres d’emprunt négociables (notamment les emprunts d’État), mais aussi les créances, les dépôts, les cautionnements et comptes courants, les bons de caisse et les bons de capitalisation.

En règle générale, la rémunération de ces titres de dette est fixée dès le départ. La catégorie des obligations à taux variable ou révisable entre toutefois, paradoxalement, dans cette catégorie des produits de placement à revenu fixe.

Ces produits sont en principe soumis au barème progressif de l’IR. Toutefois, depuis la loi de finances pour 1966 ([149]), le législateur a prévu la possibilité d’opter pour un PFL ; une fois l’option exercée, elle n’avait initialement pas besoin d’être renouvelée. Elle pouvait être révoquée mais uniquement pour les revenus à venir.

Compte tenu de l’évolution des taux des prélèvements sociaux, le prélèvement proportionnel libératoire sur les intérêts d’obligations a, lui aussi, augmenté depuis 1991, après avoir enregistré une forte baisse au titre de cette année.

Évolution des taux des prélèvements proportionnels
applicables aux intérêts d’obligations

(en %)

Année

PFL

Prélèvements sociaux (PS)

dont CSG

total PFL+PS

1966

25

0

 

25

1984

25

1

 

26

1985

25

1

 

26

1987

25

2

 

27

1991

15

3,1

1,1

18,1

1993

15

4,4

2,4

19,4

1996

15

4,9

2,4

19,9

1997

15

5,4

3,4

20,4

1998

15

10

7,5

25

2004

16

10,3

7,5

26,3

2005

16

11

8,2

27

2008

18

11

8,2

29

2009

18

12,1

8,2

30,1

1er janvier 2011

19

12,3

8,2

31,3

1er octobre 2011

19

13,5

8,2

32,5

1er janvier 2012

24

13,5

8,2

37,5

1er juillet 2012

24

15,5

8,2

39,5

1er janvier 2013

Barème de l’IR (PFO de 24 %)

Source : commission des finances.

Depuis le 1er janvier 2013, les produits de placement à revenu fixe sont imposés au barème de l’IR, auquel il faut ajouter les prélèvements sociaux au taux de 15,5 %. Compte tenu des autres mesures prises au titre de l’IR, le taux marginal d’imposition au barème de l’IR désormais applicable est donc également de 62 % ([150]).

Comme pour les dividendes, le PFL a été transformé à compter de cette date en PFO perçu en année N, afin de préserver la trésorerie de l’État. Ce PFO est non libératoire de la barémisation de ces intérêts en année N + 1.

En outre, la loi de finances pour 2013 a assorti ce PFO de deux mécanismes de justice fiscale :

– le PFL est maintenu, au taux de 24 %, pour les personnes appartenant à un foyer dont le montant total des intérêts perçus au titre d’une année n’excède pas 2 000 euros. Il est alors libératoire du barème de l’IR ;

– les personnes appartenant à un foyer dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 25 000 euros (ou 50 000 euros pour un couple) peuvent demander à être dispensés du PFO, de manière à ce que ces revenus soient directement soumis au barème de l’IR en année N + 1 sans avoir à réaliser une avance de trésorerie.

C.   La fiscalité des plus-values mobilières

1.   Une imposition selon un prélèvement forfaitaire libératoire jusqu’au 1er janvier 2013

La loi de finances pour 2000 ([151]) a fusionné les différents régimes d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux des particuliers en un dispositif unique qui figure aux articles 150-0 A à 150-0 E du CGI.

Sont imposables à ce titre à l’IR les plus-values réalisées par des personnes physiques, dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé, à l’occasion de la cession à titre onéreux d’actions, de droits de souscription ou d’achat d’actions, de certificats d’investissement, d’obligations, de titres participatifs, de parts sociales, de titres de sociétés immobilières non cotées passibles de l’IS ou de titres de sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) et de fonds communs de placement (FCP).

Certaines plus-values sur valeurs mobilières relèvent toutefois d’un autre régime d’imposition : il en est ainsi des plus-values professionnelles réalisées dans le cadre de sociétés soumises à l’IR dans lesquelles le cédant exerce son activité professionnelle.

Le régime particulier des plus-values professionnelles

Lorsqu’une entreprise cède une immobilisation, que ce soit volontaire (vente, apport en société, mise au rebut, cessation d’activité par exemple) ou involontaire (expropriation, sinistre par exemple), elle dégage un profit (ou une perte) à caractère exceptionnel imposable.

L’impôt dû sur la plus-value diffère selon le bien cédé, qui doit être inscrit à l’actif de l’entreprise en cours ou en fin d’exploitation, selon sa durée de détention et selon le régime d’imposition de l’entreprise cédante.

Lorsque l’entreprise est soumise à l’IS, les plus-values de court terme (de moins de deux ans) sont en principe imposées comme un résultat ordinaire taxé au taux normal de l’IS (ou au taux réduit spécifiquement applicable dans certaines limites aux petites et moyennes entreprises).

Les plus-values à long terme de ces sociétés concernent uniquement :

– les cessions de titres de participation détenus depuis au moins deux ans, qui sont en principe exonérés d’IS moyennant la réintégration au résultat taxable d’une quote-part de 12 % ;

– les cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière cotées sont imposées au taux réduit de 19 % ;

– les cessions de part de certains fonds de placement sont imposées au taux de 15 % ;

– les produits de la propriété industrielle (brevets) sont imposés au taux de 15 %.

Lorsque le résultat de l’entreprise est imposé à l’IR (dans les catégories des BIC, des BNC ou des bénéfices agricoles), le régime d’imposition diffère suivant que la plus-value professionnelle est imposée à court ou long terme (respectivement moins ou plus de deux ans).

La plus ou moins-value est comprise dans le résultat de l’entreprise, imposé dès lors que l’entreprise est bénéficiaire au barème de l’IR.

Une moins-value nette à long terme n’est imputable que sur les plus-values nettes à long terme (pendant une durée de dix ans) et non sur le résultat de l’exercice.

La plus-value nette à long terme est, pour sa part, imposée au taux de 16 %, auquel il faut ajouter les prélèvements sociaux de 15,5 %, soit un taux global de 31,5 %.

Sous réserve de cette exception, les plus-values sur valeurs mobilières réalisées par les particuliers sont soumises à l’IR à un taux forfaitaire de 19 %. L’imposition est établie au titre de l’année au cours de laquelle la cession est intervenue, quelles que soient les modalités de paiement du prix.

Le taux global d’imposition des plus-values mobilières a également fortement évolué depuis la création de cette imposition au PFL.

Évolution des taux de taxation des plus-values mobilières

(en %)

Année

PFL

Prélèvements sociaux (PS)

dont CSG

PFL + PS

1966

15

0

15

1984

15

1

16

1985

16

1

17

1987

16

2

18

1991

16

3,1

1,1

19,1

1993

16

4,4

2,4

20,4

1996

16)

4,9

2,4

20,9

1997

16

5,4

3,4

21,4

1998

16

10

7,5

26

2004

16

10,3

7,5

26,3

2005

16

11

8,2

27

2008

18

11

8,2

29

2009

18

12,1

8,2

30,1

1er janvier 2011

19

12,3

8,2

31,3

1er octobre 2011

19

13,5

8,2

32,5

1er janvier 2012

19

13,5

8,2

32,5

1er juillet 2012

19

15,5

8,2

34,5

Source : commission des finances.

2.   L’imposition actuelle au barème s’accompagne d’abattements qui rendent la fiscalité des plus-values mobilières particulièrement complexe

a.   Les abattements pour durée de détention

La soumission des plus-values mobilières au barème de l’IR a été assortie à compter du 1er janvier 2013 d’abattements pour durée de détention permettant d’atténuer les rigueurs de ce barème s’agissant de montant qui peuvent être importants lorsque le redevable cède, par exemple, les parts de sa propre entreprise ou d’une entreprise dans laquelle il a investi comme « investisseur providentiel » (business angel).

La loi de finances rectificative pour 2005 (1) avait déjà instauré, pour les plus-values de cessions de titres de sociétés, un abattement pour durée de détention. Ce système d’abattement, qui figurait à l’article 150-0 D bis du CGI, pouvait aboutir à une exonération totale au bout de huit ans et aurait eu un coût budgétaire de l’ordre du milliard d’euros à partir de 2014.

C’est pourquoi la loi de finances pour 2012 (2) a transformé cet abattement d’un tiers applicable aux plus-values de cessions de valeurs mobilières pour chaque année de détention au-delà de la cinquième année en un report de l’imposition pesant ces mêmes plus-values après huit ans de détention, sous condition de remploi d’une fraction de 50 % de la plus-value. Au terme de cinq années supplémentaires, ce report pouvait se transformer en une exonération des plus-values réalisées.

Ce dispositif a toutefois été abrogé par l’article 17 de la loi de finances pour 2014 (3) à compter du 1er janvier 2014, compte tenu de la mise en place des abattements pour durée de détention.

(1)    Loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

(2)    Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

(3)    Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

Les abattements pour durée de détention mis en place à compter du 1er janvier 2013 se sont illustrés par une très grande instabilité, qui a accru l’illisibilité globale de cette fiscalité pour les redevables concernés.

Le projet de loi initial de finances pour 2013 prévoyait un abattement avec de nombreuses tranches, limitant les effets de seuil mais lui aussi difficilement lisible par le contribuable. La loi de finances pour 2013 adoptée définitivement a finalement retenu un nombre moins important de tranches mais abouti au même niveau d’abattement maximal après une durée de détention deux fois moins longue.

Les abattements pour durée de détention de la loi de finances pour 2013

Projet de loi de finances initiale pour 2013

Loi de finances initiale pour 2013

Durée de détention

Abattement

Durée de détention

Abattement

2 à moins de 4 ans

5 %

2 à moins de 4 ans

20 %

4 à moins de 7 ans

10 %

4 à moins de 6 ans

30 %

7 à moins de 8 ans

15 %

Plus de 6 ans

40 %

8 à moins de 9 ans

20 %

9 à moins de 10 ans

25 %

10 à moins de 11 ans

30 %

11 à moins de 12 ans

35 %

Plus de 12 ans

40 %

Source : commission des finances.

À la suite des assises de l’entreprenariat et de la fronde des entrepreneurs dite « des pigeons » dans le courant de l’année 2013, la loi de finances pour 2014 ([152]) a revu le cadencement de l’abattement adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2013 et créé un abattement renforcé spécifiquement applicable aux créateurs d’entreprises.

Les abattements pour durée de détention de la loi de finances pour 2013

Loi de finances pour 2014 : cas général

Loi de finances pour 2014 : création d’entreprises

Durée de détention

Abattement

Durée de détention

Abattement

2 à moins de 8 ans

50 %

1 à moins de 4 ans

50 %

Plus de 8 ans

65 %

4 à moins de 8 ans

65 %

Plus de 8 ans

85 %

Source : commission des finances.

Le nouvel abattement renforcé s’applique lors de la cession de titres de sociétés soumises à l’IS existantes depuis moins de dix ans (n’étant pas issues d’une restructuration) entrant dans la catégorie des petites et moyennes entreprises au sens européen (moins de 250 personnes et de 50 millions de chiffre d’affaires ou 43 millions d’euros de bilan). L’entreprise doit, en outre, avoir une activité effective (commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, à l’exception de son propre patrimoine mobilier ou immobilier).

Cet abattement renforcé ne s’applique pas aux cessions de part d’OPCVM ou d’autres placements collectifs, aux distributions issues d’un fonds commun de placement à risque, d’un fonds professionnel de capital investissement ou d’un fonds de placement immobilier.

Ces deux abattements s’appliquent aux actions gratuites, depuis la loi du 6 août 2015 ([153]), ainsi qu’aux stock-options émises après le 20 juin 2007 ; l’article 150-0 D du CGI précise que les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE) en sont exclus.

D’après le fascicule Évaluations des voies et moyens annexé au présent projet de loi de finances, l’abattement renforcé a coûté 190 millions d’euros en 2017, l’abattement de droit commun n’étant pas chiffré.

b.   L’abattement fixe de 500 000 euros pour les dirigeants de PME partant en retraite

Un abattement fixe de 500 000 euros pour les dirigeants de PME partant en retraite a été créé par l’article 17 de la loi de finances pour 2014 précitée.

Codifié à l’article 150-0 D ter du CGI, il s’applique aux conditions suivantes :

– la cession porte sur l’intégralité des titres détenus par le cédant ou sur plus de 50 % des droits de vote ;

– le cédant doit avoir exercé dans la société une fonction dirigeante effective de manière continue pendant cinq ans. Par référence au régime des biens professionnels à l’ISF, les fonctions de direction doivent donner lieu à une rémunération normale représentant plus de la moitié des revenus du dirigeant ;

– le cédant doit avoir détenu au moins 25 % des droits de vote (seul ou avec un proche) pendant cinq ans avant la cession ;

– il doit cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession.

L’entreprise doit être une PME au sens européen, ne pas être contrôlée par une autre entreprise (lorsqu’elle détient plus de 25 % du capital) et exercer une activité effective.

Cet abattement peut éventuellement être cumulé avec l’abattement renforcé spécifiquement applicable aux cessions de titres de PME mentionné ci-dessus. Dans ce cas, l’abattement renforcé s’applique sur le montant de la plus-value n’ayant pas fait l’objet de l’abattement fixe de 500 000 euros.

D’après le fascicule Évaluations des voies et moyens annexé au présent projet de loi de finances, l’abattement a coûté 172 millions d’euros en 2015.

Le compte PME innovation

Dans le même esprit que ces deux abattements sur la cession de titre de PME, l’article 31 de la loi de finances rectificative pour 2016 (1) a créé un compte PME innovation destiné à encourager le financement des PME, en particulier par les « investisseurs providentiels » (business angels).

Fonctionnant comme un PEA (avec un compartiment destiné aux titres et un compartiment destiné aux liquidités en attente de réinvestissement), il vise à inciter les entrepreneurs qui vendent des titres de leur société à utiliser le produit de la vente pour le réinvestir dans de nouvelles PME.

Cette incitation repose sur le report de la taxation, à l’IR, de la plus-value dégagée de la vente des titres de leur société. La taxation n’intervient que lorsque les liquidités liées aux plus-values sont retirées du compte PME Innovation.

Si l’avantage fiscal lié à ce compte est important (report total des plus-values), les conditions prévues dans le code monétaire et financier pour pouvoir en bénéficier sont jugées, de la part des personnes ciblées, trop restrictives.

En effet, le compte ne permet d’y inscrire que les titres de l’entreprise dans laquelle le redevable a exercé effectivement une fonction de direction ou une activité salariée. À ce titre, il ne permet pas véritablement de cibler les business angels.

(1)    Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

3.   Les modalités particulières d’imputation des plus-values et des moins-values mobilières

Avant leur imposition au barème de l’IR (ou, avant le 1er janvier 2013, selon le PFL mentionné précédemment), les plus et les moins-values mobilières enregistrées par un même redevable pendant une certaine période sont totalisées ; lorsque le total est une moins-value mobilière, il est impossible de l’imputer sur le revenu global (ce qu’on appelle parfois la « tunnelisation » des plus et moins-values mobilières).

La période pendant laquelle ces plus et moins-values pouvaient être totalisées était de cinq ans depuis la loi de finances pour 2000 ; ce délai a été porté à dix ans par l’article 4 de la loi de finances pour 2003 ([154]).

L’articulation entre cette « tunnelisation » et l’application des différents abattements pour durée de détention mentionnés précédemment a fait l’objet de précisions importantes sous la précédente législature.

Dans ses notices de déclaration des plus et moins-values réalisées en 2013, puis lors de la refonte du Bulletin officiel des finances publiques-Impôts (BOFiP-I) du 14 octobre 2014, l’administration fiscale a, en effet, précisé que l’abattement pour durée de détention s’appliquerait aux moins-values de cession d’actions et de parts sociales réalisées depuis 2013, dans les mêmes conditions que pour les plus-values.

Concrètement, la moins-value imputable sur la plus-value devait, selon l’interprétation de l’administration fiscale, elle-même décroître dans le temps, alors même que les abattements pour durée de détention doivent s’appliquer, selon les termes du législateur, aux « gains nets », donc après totalisation des gains et pertes de cessions de titres.

L’incohérence consistant à appliquer un abattement pour durée de détention – qui vise à inciter le redevable à conserver son titre le plus longtemps possible – à une moins-value (ce qui peut au contraire le pousser à se défaire des titres pour éviter un abattement de la moins-value) a été mise en évidence par la commission des finances de l’Assemblée nationale dans un rapport d’information consacré à l’investissement productif de 2015 ([155]).

Extrait du rapport d’information de MM. Olivier Carré et Christophe Caresche sur l’investissement productif de long terme

Comme l’ont relevé de nombreux professionnels entendus par la mission, cette interprétation pose de nombreux problèmes :

– un problème juridique en premier lieu, dans la mesure où cette décision, du domaine de la loi puisqu’il s’agit d’une modalité de perception de l’impôt, n’a fait l’objet d’aucune prise de position du législateur.

En votant le principe d’une application de l’abattement pour durée de détention aux « gains nets » résultant de la cession de valeurs mobilières, il y a tout lieu de penser que le législateur a entendu réserver cet abattement aux seules plus-values.

Il n’est donc pas à exclure que cette interprétation fasse l’objet de contentieux dont l’issue, à ce stade, n’est pas certaine ;

– économiquement et du point de vue de la stabilité du financement des entreprises, la prise de position de l’administration fiscale risque d’entraîner des comportements davantage guidés par l’optimisation du régime d’abattement que par une décision rationnelle. Le redevable peut en effet décider d’imputer ses moins-values au plus tôt afin d’éviter que le montant à prendre en compte ne se réduise avec le temps. Un tel arbitrage peut en particulier être opéré lorsqu’un gain important a été enregistré pendant une année donnée. Mais à l’inverse, ce même redevable peut décider de liquider une position afin d’enregistrer une plus-value uniquement pour pouvoir la contracter avec une moins-value avant que celle-ci ne subisse un abattement.

En tout état de cause, la mission considère que cette interprétation est orthogonale avec le principe même de l’abattement pour durée de détention, qui vise à inciter le redevable à la détention longue de titres financiers. En l’appliquant aux moins-values, ce redevable est amené à opérer des arbitrages fiscaux de court terme, l’éloignant ainsi de l’intérêt de l’entreprise qu’il finance.

Cette interprétation de la mission d’information a fait l’objet d’amendements déposés, à l’automne 2015, dans le cadre de la loi de finances pour 2016 et de la loi de finances rectificative pour 2015.

Le Gouvernement n’a pas souhaité suivre les propositions issues de la mission d’information. Le Conseil d’État, dans sa décision n° 390265 du 12 novembre 2015, a toutefois validé l’analyse ci-dessus en annulant la partie du BOFiP-I mentionnée ci-dessus. Il a ainsi jugé que « les gains nets imposables sont calculés après imputation par le contribuable sur les différentes plus-values qu’il a réalisées, avant tout abattement, des moins-values de même nature qu’il a subies au cours de la même année ou reportées (…) pour le montant et sur les plus-values de son choix ». Il a estimé, ainsi, que « l’abattement pour durée de détention s’applique au solde ainsi obtenu, en fonction de la durée de détention des titres dont la cession fait apparaître les plus-values subsistant après imputation des moins-values ».

D.   La fiscalité de l’épargne réglementée

À côté des régimes généraux d’imposition des revenus de capitaux mobiliers et des plus-values mobilières décrits ci-dessus, le CGI prévoit de nombreux dispositifs dérogatoires, généralement plus avantageux pour les contribuables.

Ces différents régimes ne sont pas tous impactés par la mise en place du PFU : les régimes du plan d’épargne en actions (PEA) et du PEA-PME, des différents livrets exonérés (livret A, livret de développement durable, livret jeune et livret d’épargne populaire) sont en effet maintenus hors du champ de la présente réforme.

Ne seront donc évoqués que les régimes modifiés par le présent article.

1.   Les revenus de l’assurance-vie

Désignées techniquement sous le terme de « produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation souscrits auprès d’entreprises d’assurance établies en France», les revenus de l’assurance-vie sont fiscalisés selon des modalités dérogatoires prévues à l’article 125-0 A du CGI.

Actuellement, lors du rachat total ou partiel du contrat (c’est-à-dire d’un retrait du montant d’une partie de la somme capitalisée sur le contrat), le contribuable a le choix entre une imposition des produits du placement au barème de l’IR ou à un taux forfaitaire qui est dégressif selon la durée de détention :

– 35 % lorsque le contrat a moins de quatre ans (soit un taux global de 50,5 % avec les prélèvements sociaux) ;

– 15 % lorsque le contrat a entre quatre et huit ans (soit un taux global de 30,5 % avec les prélèvements sociaux ;

– 7,5 % lorsque le contrat a plus de huit ans (soit un taux global de 23 % avec les prélèvements sociaux). Dans ce dernier cas, les revenus issus du contrat bénéficient d’un abattement annuel de 4 600 euros pour une personne seule ou de 9 200 euros pour les couples.

Si la sortie du contrat se fait sous la forme d’une rente, les produits acquis jusqu’à la conversion en rente sont exonérés d’IR, mais la rente viagère est imposée à l’IR pour une fraction de son montant qui est déterminée d’après l’âge du crédirentier lors de l’entrée en jouissance de la rente. Ce barème est actuellement prévu au 6 de l’article 158 du CGI.

Certains cas d’exonération totale sont prévus, quelle que soit la durée du contrat, lorsque le dénouement du contrat résulte du licenciement du bénéficiaire des produits, de sa mise à la retraite anticipée ou de son invalidité ou de celle de son conjoint.

Enfin, certains contrats anciens bénéficient d’un régime particulièrement favorable :

– les contrats souscrits entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 1989 sont exonérés d’IR ;

– les contrats dits « DSK » ou « NSK » sont exonérés d’IR lorsqu’une partie de l’encours est placée en actifs risqués.

2.   Les revenus de l’épargne logement

L’épargne logement, qui vise à pousser les Français à épargner en vue de l’acquisition d’un logement, comprend le compte épargne logement (CEL) et le plan d’épargne logement (PEL).

a.   Le compte épargne logement

Le CEL, dont le montant est plafonné à 15 300 euros par personne, est actuellement rémunéré au taux de 0,5 %, sachant par ailleurs que les intérêts sont capitalisés et produisent eux-mêmes des intérêts à ce taux.

Les intérêts de ces comptes sont exonérés d’IR mais sont soumis aux prélèvements sociaux au taux de 15,5 %.

b.   Le plan d’épargne logement

Le PEL, dont le plafond est fixé à 61 200 euros hors intérêts capitalisés, est rémunéré au taux de 1 %. Ce taux était encore de 2,5 % au 31 janvier 2015, puis de 2 % jusqu’au 31 janvier 2016 et de 1,5 % jusqu’au 31 juillet 2016.

Les intérêts d’un PEL de moins de douze ans sont exonérés ; après douze ans, ils sont soumis au barème de l’IR (depuis le 1er janvier 2013) après prélèvement forfaitaire à la source de 24 %.

Ils sont par ailleurs soumis aux prélèvements sociaux au taux de 15,5 %.

3.   L’actionnariat salarié

L’actionnariat salarié, qui vise – comme l’épargne salariale – à associer les collaborateurs d’une entreprise à ses résultats, comprend les attributions d’actions gratuites (AGA), les BSPCE et les options de souscriptions ou d’achat d’actions (ou stock-options).

Cette dernière catégorie n’étant pas impactée par la présente réforme, son régime n’est pas présenté en détail.

a.   Les attributions gratuites d’actions

Le régime fiscal des AGA a fortement évolué depuis 2012 : le gain d’acquisition de l’AGA, c’est-à-dire le prix de l’action au moment où elle est définitivement attribuée au redevable, a été soumis au barème de l’IR par la loi de finances pour 2013 dans la catégorie des traitements et salaires.

Le gain de cession de l’AGA, c’est-à-dire la différence entre le prix de l’action au moment de son acquisition définitive et de sa cession, est logiquement imposé dans la catégorie des plus-values mobilières.

L’article 135 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ([156]) a fait basculer ce gain d’acquisition dans la catégorie, précédemment décrite, des plus-values mobilières (avec application des abattements pour durée de détention, mais aussi de l’abattement fixe de 500 000 euros décrit précédemment). Il en résultait un avantage fiscal conséquent pour les détenteurs de ces actions en fonction de leur durée de détention.

Afin de corriger ce qui a été considéré comme un régime excessivement favorable, l’article 61 de la loi de finances pour 2017 ([157]) est venu affiner, au risque de perdre beaucoup en lisibilité, le traitement fiscal du gain d’acquisition.

Pour les actions gratuites attribuées à compter du 1er janvier 2017, le gain d’acquisition est imposé :

– dans la catégorie des plus-values mobilières, donc au barème de l’IR avec application des abattements pour durée de détention ou de l’abattement fixe mentionnés ci-dessus, jusqu’à 300 000 euros ;

– au-delà de ce seuil, le gain d’acquisition est imposé dans la catégorie des traitements et salaires, donc toujours au barème de l’IR mais sans application des abattements précités.

Ces modifications ont également entraîné un ajustement des prélèvements sociaux afférents (qui sont perçus au taux global de 8 % pour dans la catégorie traitements et salaires mais au taux de 15,5 % dans la catégorie des plus-values mobilières) ainsi que des deux contributions spécifiques (patronale et salariale) pesant sur ces gains.

Le régime fiscal des attributions gratuites d’actions

Imposition

Régime antérieur
à la loi du 6 août 2015

Régime prévu
par la loi du 6 août 2015

Régime prévu par la LFI 2017

Impôt sur le revenu et prélèvements sociaux

Catégorie :

traitements et salaires (barème de l’IR sans abattement pour durée de détention et prélèvements sociaux de 8 % perçus en année N + 1)

Catégorie :

plus-values mobilières (abattement pour durée de détention puis application du barème de l’IR et prélèvements sociaux de 15,5 % en année N + 1)

Catégorie :

– plus-values mobilières jusqu’à 300 000 euros de gains ;

– traitements et salaires au-delà de ce seuil.

Assiette : valeur de l’AGA à la date d’acquisition définitive en année N + 2

Assiette : inchangée, mis à part le fait que la date d’acquisition définitive est en N + 1 et non plus en N + 2

Assiette : inchangée

Fait générateur : cession du titre

Fait générateur : inchangé

Fait générateur : inchangé

Contribution salariale spécifique

Assiette : identique à l’IR

Suppression totale de la contribution salariale

Restauration de la contribution salariale de 10 % uniquement sur la part du gain d’acquisition imposée comme traitement et salaire (pour compenser le passage des PS de 15,5 % à 8 % sur cette part).

Taux : 10 %

Fait générateur : cession du titre

Contribution patronale spécifique

Assiette : valeur à la date d’attribution (en année N)

Assiette : valeur à la date d’acquisition (en année N + 1)

Assiette : inchangée

Fait générateur : un mois après la décision d’attribution (en année N)

Fait générateur : un mois après la date d’acquisition définitive (en année N + 1)

Fait générateur : inchangé

Taux : 30 %

Taux : 20 %

Taux : 30 %

Exonération totale pour les PME qui n’ont distribué aucun dividende

Maintien de cette exonération

Source : commission des finances.

b.   Les BSPCE

Le régime des BSPCE a été créé par l’article 76 de la loi de finances pour 1998 ([158]).

D’après le BOFiP-I, ce dispositif a été créé « afin de permettre aux jeunes sociétés de s’attacher, par le biais d’un intéressement à leur capital, le concours de salariés qu’elles ne peuvent s’offrir compte tenu de leur faible surface financière ».

N’étant pas défini dans le code monétaire et financier, ce dispositif présente la particularité d’être identifié par le régime fiscal avantageux prévu par l’article 163 bis G du CGI :

– les gains liés à la cession de ces titres sont imposés à 19 % au titre de l’IR, donc au taux global de 34,5 % en incluant les prélèvements sociaux de 15,5 % ;

– le taux de 19 % est porté à 30 % lorsque le bénéficiaire exerce son activité dans l’entreprise ayant attribué le bon depuis moins de trois ans (soit un taux global de 45,5 % avec les prélèvements sociaux).

La loi du 6 août 2015 a assoupli le cadre juridique des BSPCE, en élargissant le champ des salariés qui peuvent en bénéficier (y compris dans les filiales), en assouplissant le seuil de capitalisation boursière au-delà duquel l’entreprise ne peut plus, en principe, distribuer de tels bons.

Le régime fiscal n’a pas été modifié, mais, dans le domaine social, cette loi a acté la non-déductibilité des prélèvements sociaux afférents aux BSPCE du revenu global.

Les gains liés à des BSCPE ne sont pas éligibles aux abattements pour durée de détention mentionnés ci-dessus ni à l’abattement fixe de 500 000 euros.

E.   Les modalités d’application de la fiscalité du capital pour les contribuables non-résidents ou transférant leur domicile hors de France

1.   Une retenue à la source sur les dividendes et les intérêts

Conformément à l’article 119 bis du CGI, les dividendes ouvrant droit à l’abattement de 40 % sont, lorsqu’ils sont versés à des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France, soumis à une retenue à la source de 21 %.

Les intérêts d’obligations négociables sont pour leur part soumis à un taux de 17 % et l’ensemble des autres revenus à un taux de 30 %.

Conformément à l’article 182 A ter du CGI, cette retenue à la source est également applicable aux revenus liés à l’actionnariat salarié (AGA, BSPCE, stock-options).

2.   L’« exit tax » pesant sur les plus-values mobilières latentes en cas de transfert du domicile hors de France

Conformément à l’article 167 bis du CGI, les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six des dix années précédant le transfert de leur domicile fiscal hors de France sont imposables sur les plus-values mobilières latentes lorsque ces valeurs mobilières représentent au moins 50 % des bénéfices sociaux d’une société ou lorsque leur valeur est supérieure à 800 000 euros au moment du transfert.

Les abattements pour durée de détention mentionnés précédemment sont applicables, mais les règles précédemment décrites d’imputation des moins-values sur les plus-values ne le sont pas.

Ces plus-values sont ensuite soumises au barème progressif de l’IR. L’IR relatif à ces plus-values latentes est égal à la différence entre :

– le montant d’impôt résultant de la barémisation de ces plus-values latentes et de l’ensemble des autres revenus du redevable au moment de son départ ;

– le montant d’impôt résultant de la barémisation de ces seules plus-values latentes.

Le taux effectif d’imposition est déduit en rapportant le montant d’impôt ainsi déterminé au montant total des plus-values latentes.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article prévoit, à compter du 1er janvier 2018, l’imposition des revenus du capital selon un prélèvement forfaitaire unique (PFU). Ce PFU sera appliqué en année N + 1, en remplacement de l’imposition obligatoire au barème de l’IR en vigueur depuis le 1er janvier 2013 (également en année N + 1).

Il prévoit toutefois la possibilité, pour le redevable, d’opter de manière expresse et irrévocable pour une imposition au barème de l’IR lors de leur déclaration en année N + 1. Cette option sera alors applicable à l’ensemble des revenus du capital entrant normalement dans le champ du PFU.

En année N, le redevable restera toutefois soumis à un prélèvement à la source – équivalent de l’actuel PFO – non libératoire de l’imposition en année N + 1 ; les taux de ce PFO perçu en année N (actuellement différents suivant qu’il s’agit d’un dividende, d’une plus-value ou d’intérêts) seront unifiés et alignés sur ceux du futur PFU.

Le présent article prévoit, en outre, un aménagement conséquent des abattements applicables à ces revenus :

– l’abattement de 40 % sur le montant des dividendes est maintenu à l’avenir, mais il ne sera applicable qu’en cas d’option pour le barème de l’IR ;

– les deux abattements pour durée de détention applicables en cas de plus-value mobilière (l’abattement de droit commun ou l’abattement renforcé applicable aux PME) sont supprimés pour l’avenir, mais ils resteront en vigueur pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018 ; le redevable ne pourra toutefois les utiliser qu’en cas d’option pour l’imposition de l’ensemble de ses revenus du capital au barème de l’IR et non en cas d’application automatique du PFU ;

– l’abattement fixe de 500 000 euros dont bénéficient les dirigeants de PME partant en retraite est prorogé jusqu’en 2022 ; cet abattement fixe sera applicable dans le cadre du PFU mais aussi lorsque le redevable opte pour l’imposition de ses plus-values mobilières au barème de l’IR. Toutefois, il ne sera plus cumulable avec l’abattement renforcé applicable aux cessions de titres de PME, comme c’est le cas actuellement ;

– les régimes spécifiques de l’assurance-vie, de l’épargne logement et des AGA intégreront partiellement la mise en place du PFU et, s’agissant des actions gratuites, un réaménagement particulier des différents abattements mentionnés ci-dessus.

A.   L’application de plein droit d’un PFU à défaut d’option pour le barème

1.   Les modalités de perception du PFU en N + 1

Conformément aux alinéas 217 à 225 du présent article, procédant à une réécriture du 1 de l’article 200 A du CGI, l’impôt sur les revenus du capital des personnes physiques domiciliées en France sera établi par application d’un taux forfaitaire.

Fixé à l’alinéa 225, ce taux est de 12,8 % ; applicable uniquement au titre de l’IR, ce taux doit donc être additionné avec les prélèvements sociaux perçus sur les revenus du capital, en application des articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale, au taux global actuel de 15,5 %.

Compte tenu par ailleurs de l’augmentation de 1,7 point de la CSG prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, le taux global du PFU s’établira donc à 30 %, sans que ce taux global de 30 % n’apparaisse directement dans le présent article. Ce taux global est donc proche de celui qui était appliqué au PFL dans les années 2008 à 2009.

a.   Le champ des revenus soumis au PFU

Les alinéas 221 à 224 listent les revenus du capital entrant dans le champ du PFU :

– l’ensemble des revenus de capitaux mobiliers visés aux articles 108 à 146 quater du CGI, c’est-à-dire les produits des actions et des parts sociales, et, de manière plus générale, l’ensemble des revenus distribués, les jetons de présence et autres rémunérations allouées aux membres du conseil d’administration ou de surveillance des sociétés anonymes, l’ensemble des revenus d’obligations, de créances, de dépôts et de cautionnement, les obligations négociables, les sommes réparties par les fonds communs de placement (FCP), les revenus de fonds de placement immobilier (FPI).

L’alinéa 221 exclut du champ du PFU les revenus expressément exonérés d’impôt dans le cadre de l’assurance-vie (contrats antérieurs à 1983 et contrats spécifiques dits « DSK »ou « NSK »), les obligations émises par l’État français ou par une région, les produits d’un PEA ou d’un PEA-PME exonérés après cinq ans (dans la limite de 10 % du produit lorsqu’ils sont liés à des titres de sociétés non cotées), les rentes viagères éventuellement issues de ces plans lorsqu’ils ont plus de huit ans, les sommes issues d’un livret A, d’un livret d’épargne populaire, d’un livret jeune, d’un CEL ou d’un PEL.

S’agissant de ces deux dernières catégories, les alinéas 150 à 152 du présent article tendent toutefois à limiter cette exonération aux contrats ouverts jusqu’au 31 décembre 2017 ([159]).

Le PFU ne s’appliquera pas non plus aux revenus issus de fonds communs de placement à risque (FCPR) ou de fonds professionnels de capital investissement (FPCI) exonérés en application de l’article 163 quinquies B du CGI, lorsque ces parts sont détenues depuis plus de cinq ans, ni aux revenus de sociétés unipersonnelles d’investissement à risque.

Enfin, ne sont pas prises en compte dans le PFU les sommes issues de l’assurance-vie lorsqu’elles sont soumises au prélèvement libératoire, les produits résultant de la première cession onéreuse d’un usufruit temporaire ou les revenus pris en compte pour la détermination d’une entreprise commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

– les plus-values mobilières de tous ordres, y compris celles provenant d’un compte PME innovation, d’une SICAV, d’une société de placement à prépondérance immobilière (SPPI), d’un fonds de placement immobilier, d’un fonds commun de créance, en cas de rachat par une société de ses propres titres, aux distributions de certains fonds de placement à risque, d’un OPCVM, aux gains réalisés par le biais d’une fiducie.

Sont en outre compris dans le champ du PFU les profits réalisés sur des instruments financiers à terme, et aux sociétés de capital-risque dont l’actionnaire est fiscalement domicilié en France.

b.   Une option possible pour le barème en année N + 1

L’alinéa 236 prévoit toutefois qu’à titre de dérogation à l’application du PFU, sur option expresse et irrévocable du redevable, l’ensemble des revenus, gains et profits entrant dans le champ du PFU est retenu dans l’assiette nette du revenu global soumis au barème de l’IR.

Par cohérence avec cette option pour le barème, prévue à l’article 200 A du CGI, les alinéas 157 à 174 prévoient, à l’article 158 du CGI, les dispositions miroirs permettant d’intégrer au revenu net global soumis au barème ceux de ces revenus du capital ayant fait l’objet de l’option pour le barème par le redevable.

Selon les informations de l’administration fiscale, l’option expresse sera formalisée dans le cadre de la déclaration annuelle des revenus, remplie par le redevable l’année suivant celle au cours de laquelle ces revenus ou produits sont perçus.

La logique de cette option pour le barème en année N + 1 est donc inverse de celle prévalant pour l’application du PFL, avant la barémisation des revenus du capital à compter du 1er janvier 2013 ; conformément aux articles 117 quater et 125 A du CGI applicables avant cette date, le redevable devait en effet opter de manière expresse pour le prélèvement libératoire au plus tard lors de l’encaissement de ces sommes, donc en année N.

À défaut, ces revenus devaient par conséquent être déclarés en année N + 1 dans le cadre de la déclaration annuelle des revenus ; ils étaient, dans ce cas, automatiquement imposés au barème de l’IR. À ce stade, il était donc exclu que le redevable fasse la demande d’une application du PFL.

Dans le cadre de la présente réforme, le moment auquel le choix entre l’application du barème ou du PFU est exercé sera, d’une certaine manière, plus avantageux pour le redevable. En effet, alors que, dans l’architecture du PFL, le redevable devait opter pour le PFL sans connaître par avance ce que serait la somme totale de ses revenus au cours de l’année N – on peut donc considérer qu’il s’agissait d’une option plus ou moins « à l’aveugle » – l’option pour le barème, dans le cadre du futur PFU, pourra être exercée en année N + 1, à un moment où le redevable connaît l’intégralité de ses autres revenus, notamment ses revenus salariaux.

Il pourra donc optimiser sa situation fiscale au regard de ses revenus définitifs.

Compte tenu du barème de l’IR en vigueur, qui ne sera pas modifié au 1er janvier 2018, l’option pour ce barème avec un PFU à 12,8 % ne sera intéressante que pour les redevables qui ne sont pas imposables ou bénéficient d’un taux à 0 %.

Barème de l’IR en vigueur au 1er janvier 2018

Fraction de revenu net imposable

Taux d’imposition (en %)

Jusqu’à 9 710 euros

0

De 9 710 euros à 26 818 euros

14

De 26 818 euros à 71 898 euros

30

De 71 898 euros à 152 260 euros

41

Plus de 152 260 euros

45

Source : code général des impôts.

L’analyse est d’ailleurs la même en partant du taux global du PFU de 30 % qui intègre l’ensemble des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. En effet, compte tenu de l’augmentation de la CSG par ailleurs prévue, ces prélèvements sociaux seront de 17,2 % ; dès l’entrée dans la tranche de l’IR à 14 %, le redevable sera donc imposable au taux global de 31,2 %.

Compte tenu des quotients conjugal et familial existants dans le régime de l’IR, l’option pour le barème sera évidemment intéressante pour des niveaux de revenus nettement supérieurs à ceux indiqués ci-dessus.

Le présent exposé ne permettra pas de balayer l’ensemble des situations, mais le tableau ci-dessous permet de mettre en évidence les seuils de revenus à partir desquels il peut être intéressant d’opter pour le barème dans le cas d’un couple ou d’un couple avec enfants, en prenant par ailleurs en compte les effets de la décote applicable à l’IR dont les effets ont été fortement renforcés dans les lois de finances pour 2013 et 2014.

ÉVOLUTION DU point d’entrée dans l’impÔt sur le revenu depuis 2012

(en euros)

Nombre de parts

IR 2013

Dernier revenu déclaré non imposable
(RFR)

IR 2014

Dernier revenu déclaré non imposable
(RFR)

IR 2015

Dernier revenu déclaré non imposable
(RFR)

IR 2016

Dernier revenu déclaré non imposable
(RFR)

IR2017

Dernier revenu déclaré non imposable (RFR)

1 part

13 489

(12 140)

Soit 1 124 euros/mois

15 370

(13 833)

Soit 1 281 euros/mois

15 508

(13 957)

Soit 1 292 euros/mois

16 337

(14 703)

Soit 1 361 euros/mois

16 411

(14 770)

Soit 1 368 euros/mois

1,5 part

17 221

(15 499)

Soit
1 435 euros/mois

19 496

(17 546)

Soit 1 625 euros/mois

20 891

(18 802)

Soit 1 741 euros/mois

21 726

(19 553)

Soit 1 810 euros/mois

21 806

(19 625)

Soit 1 817 euros/mois

2 parts

20 533

(18 480)

Soit 2 711 euros/mois

28 136

(25 322)

Soit 2 345 euros/mois

29 196

(26 276)

Soit 2 433 euros/mois

30 536

(27 482)

Soit 2 545 euros/mois

30 629

(27 566)

Soit 2 552 euros/mois

2,5 parts

23 847

(21 642)

Soit 1 987 euros/mois

33 492

(30 143)

Soit 2 791 euros/mois

34 579

(31 121)

Soit 2 882 euros/mois

35 925

(32 332)

Soit 2 994 euros/mois

36 023

(32 421)

Soit 3 002 euros/mois

3 parts

27 159

(24 443)

Soit 2 263 euros/mois

37 117

(33 405)

Soit 3 093 euros/mois

39 962

(35 966)

Soit 3 330 euros/mois

41 313

(37 182)

Soit 3 443 euros/mois

41 418

(37 276)

Soit 3 451 euros/mois

4 parts

33 785

(30 406)

Soit 2 815 euros/mois

43 796

(39 416)

Soit 3 650 euros/mois

50 729

(45 656)

Soit 4 227 euros/mois

52 091

(46 882)

Soit 4 341 euros/mois

52 207

(46 986)

Soit 4 351 euros/mois

5 parts

40 410

(36 369)

Soit 3 367 euros/mois

50 475

(45 427)

Soit 4 206 euros/mois

61 496

(55 346)

Soit 5 125 euros/mois

62 869

(56 582)

Soit 5 239 euros/mois

62 996

(56 696)

Soit 5 250 euros/mois

Source : DGFiP et commission des finances.

L’alinéa 236 du présent article prévoit une autre différence fondamentale avec le PFL tel qu’il existait jusqu’à la barémisation des revenus du capital : l’option pour le barème doit être exercée « pour l’ensemble des revenus, gains nets, profits, plus-values ou créances » entrant dans le champ du PFU tel que décrit précédemment.

Concrètement, au moment de la déclaration des revenus en année N + 1, l’ensemble des revenus de capitaux mobiliers et des plus-values mobilières sera additionné dans l’hypothèse où le redevable décide d’opter pour le barème.

Le PFL tel qu’il fonctionnait avant la barémisation des revenus du capital prévoyait, pour sa part, la possibilité de soumettre à ce prélèvement libératoire une partie seulement de ces revenus :

– le second alinéa du II de l’article 117 quater du CGI en vigueur jusqu’au 1er janvier 2013 prévoyait en effet, s’agissant des dividendes, que l’option pour le PFL était irrévocable à chaque encaissement de dividendes ;

– une disposition similaire était prévue par l’article 125 A s’agissant des intérêts d’obligations.

2.   Le PFO actuellement en vigueur est conservé dans son principe et ses taux sont alignés sur celui du PFU

La barémisation des revenus du capital à compter du 1er janvier 2013 s’est accompagnée de la mise en place, en année N, d’un PFO non libératoire de l’imposition au barème de l’IR en année N + 1.

Ce dispositif, qui s’est aussi traduit par un élargissement des revenus soumis au PFO par rapport à ceux bénéficiant, auparavant, du PFL, visait essentiellement à éviter une année de perte de trésorerie pour l’État ; compte tenu d’une assiette élargie du PFO par rapport à l’ancien PFL, ce dispositif s’est, en pratique, traduit par un gain en trésorerie important au titre de la seule année 2013.

La mise en place du PFU à compter à compter du 1er janvier 2018 ne remet pas en cause le PFO ; au contraire, le présent article prévoit de conserver le principe d’un prélèvement à la source non libératoire de l’imposition en année N + 1 et prévoit un alignement de ses taux avec le futur PFU.

S’agissant des dividendes, les alinéas 4 à 12 prévoient à cet effet de modifier le taux du PFO actuellement prévu à l’article 117 quater du CGI ; actuellement fixé à 21 %, l’alinéa 6 du présent article prévoit de le ramener à 12,8 %.

Les alinéas 11 et 12 précisent par ailleurs, au sein cet article 117 quater, que le nouveau PFO perçu dans le cadre du PFU n’est pas libératoire de l’IR perçu en année N + 1. Ce prélèvement s’impute sur l’impôt dû en année N + 1 et fait l’objet d’une restitution si le montant du PFO excède l’impôt finalement dû, notamment en cas d’option pour le barème.

L’alinéa 9 vient utilement préciser que certains revenus exonérés d’IR sont de fait exonérés de prélèvement forfaitaire (les distributions de sociétés de capital-risque, les parts de FCPR ou de FPCI dont les parts ont été détenues pendant cinq ans).

Les autres éléments de ce prélèvement ne sont pas modifiés, en particulier le fait que les redevables dont le RFR est inférieur à 50 000 euros (ou 75 000 euros pour les couples) sont dispensés de ce prélèvement à la source. Le maintien de ce dispositif permet d’éviter que les redevables ne fassent à l’État une avance de trésorerie inutile qu’ils pourront, dans la majorité des cas, récupérer en optant pour une imposition au barème de l’IR en année N + 1.

S’agissant des intérêts d’obligations, les alinéas 41 à 55 modifient l’article 125 A du CGI qui prévoit actuellement les modalités de perception du PFO sur ce type de revenu :

– l’alinéa 46 ramène le taux de ce prélèvement de 24 % à 12,8 %. Supprimant diverses dispositions devenues obsolètes, cet alinéa supprime de fait le taux spécifique applicable aux bons anonymes, actuellement de 60 % (ou 42 % avant 1998) ([160]).

Les taux spécifiquement applicables aux produits de l’épargne solidaire (de 5 %) ou à ceux versés à un redevable établi dans un État ou territoire non coopératif (de 75 %) sont maintenus. Les alinéas 54 et 55 maintiennent en outre le caractère libératoire du prélèvement spécifiquement applicable à ces produits.

– les alinéas 52 à 54 précisent que le nouveau PFO ne libère pas les revenus soumis au prélèvement de l’IR à déclarer en année N + 1.

Les autres éléments du PFO actuellement en vigueur ne sont pas modifiés, à l’exception notable de la suppression – par l’alinéa 42 du présent article – de la dispense de prélèvement pour les personnes appartenant à un foyer fiscal dont le montant total des intérêts d’obligations n’excède pas, au titre d’une seule année, 2 000 euros (en application du I bis de l’article 125 A du CGI en vigueur).

3.   Divers autres prélèvements proportionnels applicables à certains revenus mobiliers sont mis en cohérence avec le PFU

Dans un souci de lisibilité de la fiscalité du capital, le présent article aligne plusieurs prélèvements proportionnels particuliers en vigueur avec la réforme du PFU.

Comme indiqué précédemment, les BSPCE sont actuellement imposés au taux forfaitaire de 19 % – soit 34,5 % en incluant les prélèvements sociaux actuels – en application de l’article 163 bis G du CGI. Par dérogation, ce taux est porté à 30 % (soit un taux global de 45,5 % avec ces mêmes prélèvements sociaux) lorsque le bénéficiaire exerce son activité dans l’entreprise depuis moins de trois ans.

Les gains liés à ces produits ne sont pas éligibles aux deux abattements pour durée de détention ni, par voie de conséquence, à l’abattement fixe de 500 000 euros.

Ces gains sont actuellement imposés comme des gains de cession de valeurs mobilières, c’est-à-dire en année N + 1, sans prélèvement à la source.

Les alinéas 176 à 178 tendent à mettre en cohérence ces éléments avec la réforme du PFU :

– l’alinéa 177 supprime le taux de 19 % au titre de l’IR et lui substitue le taux du PFU de droit commun soit 12,8 %. En outre, cet alinéa ouvre la possibilité, lorsqu’il est plus avantageux pour le redevable, d’opter pour le barème de l’IR ([161]) ;

– l’alinéa 178 supprime le taux majoré de 30 % et lui substitue obligatoirement le barème de l’IR dans la catégorie des traitements et salaires. Il est, en effet, logique de considérer que, lorsqu’un tel BSPCE a été attribué puis cédé dans un délai inférieur à trois ans, la rémunération correspondante s’apparente à une rémunération de nature salariale. Ce basculement est cohérent avec les dispositifs en vigueur au titre des AGA ou des stock-options. Compte tenu du barème actuel de l’IR, ce basculement signifiera toutefois dans la majorité des cas une baisse de l’imposition perçue.

En outre, la rédaction de l’alinéa 145 conduit à rendre applicable aux BSPCE l’abattement fixe de 500 000 euros spécifiquement prévu pour les dirigeants partant en retraite.

Actuellement, l’article 163 quinquies C prévoit que les distributions des SCR sont intégrées au revenu net global soumis au barème de l’IR (sans application de l’abattement de 40 % spécifique aux revenus distribués). Toutefois, ces revenus font l’objet d’une retenue à la source de 30 % pour les bénéficiaires non-résidents fiscaux et de 75 % lorsque ces bénéficiaires sont installés dans un État ou territoire non coopératif.

Les alinéas 179 à 182 modifient ce régime sur trois points :

– ils font rentrer le régime de ces distributions dans le droit commun du PFU, c’est-à-dire que ce PFU s’appliquera de plein droit à défaut d’option pour le barème de l’IR ;

– le taux de la retenue à la source de 30 % applicable aux non-résidents fiscaux est ramené à 12,8 % pour être identique à celui du PFU ;

– est supprimée la disposition selon laquelle les non-résidents fiscaux peuvent demander le remboursement d’une partie de prélèvement de 30 % lorsque ce prélèvement excède la différence entre le montant de l’IR résultant de l’ensemble des revenus du redevable – tel qu’il est calculé spécifiquement pour les contribuables non-résidents conformément à l’article 197 A du CGI – et le montant d’impôt exigible à raison de ces seules distributions en application de ce même article 197 A ;

– est permise l’application du PFU ou, en cas d’option, du barème de l’IR dans le cas où ces distributions donnent des droits différents en fonction de la personne qui les détient.

Régis par l’article 150 ter du CGI, les profits issus des instruments financiers à terme sont actuellement intégrés au revenu global soumis au barème de l’IR.

L’alinéa 65 prévoit l’application du droit commun du PFU à ces profits.

Il en est de même des profits issus d’un compte PME innovation, dont la mise en cohérence avec le PFU est prévue à l’alinéa 79.

B.   Le réaménagement des abattements applicables aux plus-values mobilières

Comme indiqué au début de ce commentaire, la plus-value nette éventuellement liée à la cession d’une valeur mobilière est imposée après application de plusieurs abattements (à condition de ne pas être détenue par le biais d’un contrat d’assurance-vie, d’un PEA et de ne pas appartenir à certaines catégories particulières de titres telles que les BSPCE).

Ces abattements poursuivent des objectifs hétérogènes :

– l’abattement pour durée de détention de droit commun (aboutissant à un abattement de la plus-value de 65 % au bout de huit ans) vise pour l’essentiel à inciter le détenteur du titre à le conserver longtemps et donc à éviter les comportements spéculatifs ;

– comme le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de le rappeler en réponse à des questions prioritaires de constitutionnalités récentes, l’abattement pour durée de détention permet de fait également de prendre en compte l’effet de l’érosion monétaire sur le montant de cette plus-value, comme le CGI le prévoit par ailleurs pour la détermination de la plus-value taxable dans le domaine immobilier ;

– l’abattement fixe de 500 000 euros pour les dirigeants de PME partant en retraite permet la prise en compte, du point de vue fiscal, du fait que la valeur de la PME au moment sa cession constitue en grande partie la rémunération du dirigeant qui, parfois, a limité sa rémunération annuelle en vue d’un profit futur. En soumettant le produit de la cession d’une entreprise au barème de l’IR, il est fort probable que le dirigeant soit imposé dans ses tranches hautes, voir dans les tranches de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. L’abattement de 500 000 euros permet d’éviter une imposition excessive ;

– l’abattement pour durée de détention renforcé, aboutissant, dans le cas de la cession de titres d’une PME de moins de dix ans, à un abattement de 85 % de la plus-value au bout de huit, constitue un dispositif mixte entre l’abattement pour durée de détention de droit commun et l’abattement fixe pour les dirigeants de PME partant en retraite.

Ces différents abattements sont souvent critiqués pour la complexité fiscale qu’ils induisent. Compte tenu de leur caractère non linéaire – à la différence de l’abattement applicable aux plus-values immobilières –, ils créent des effets de seuil qui peuvent pousser les détenteurs de ces titres à procéder à des arbitrages fiscaux non nécessairement guidés par l’intérêt économique de l’entreprise.

Dans certains cas, ces abattements peuvent en outre être source d’une certaine insécurité juridique, lorsque le détenteur, ignorant ou ne respectant pas les conditions à respecter pour en bénéficier, voit le bénéfice de cet abattement retiré dans le cadre d’un contentieux fiscal.

À titre d’exemple, dans le cadre de la décision du Conseil constitutionnel du 7 juillet 2017 ([162]), a été traité le cas d’un dirigeant ayant vu l’abattement fixe remis en cause parce qu’il n’avait pas fait valoir ses droits à la retraite dans un délai de deux ans suivant la cession des titres.

Le présent article réaménage donc ces abattements ainsi que leur articulation, dans un souci de lisibilité de la fiscalité du capital qui pourra se traduire, dans certains cas, par une augmentation de l’imposition applicable aux cessions de titres d’entreprise.

1.   La limitation de l’abattement pour durée de détention de droit commun aux titres acquis avant le 1er janvier 2018 lors de leur imposition au barème de l’impôt sur le revenu

Les alinéas 85 à 90 prévoient que l’abattement de droit commun (aboutissant à un abattement de la plus-value de 65 % au bout de huit ans) ne s’appliquera :

– qu’aux titres acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018. Ce dispositif assure donc une garantie des droits des redevables, une suppression complète applicable y compris aux titres souscrits avant cette date étant probablement susceptible d’être censurée par le Conseil constitutionnel ;

– que dans l’hypothèse où le redevable exerce son option pour le barème de l’IR. En d’autres termes, l’application de cet abattement est exclue en cas d’application du PFU.

Cette suppression de l’abattement à compter d’une date précise pourrait faire naître des questions sur l’éligibilité à l’abattement d’opération d’acquisition dont la date est incertaine. À cet égard, il convient toutefois de rappeler que le BOFiP-I apporte de nombreuses précisions, s’agissant par exemple des cessions de droits démembrés sur titres mobiliers, des cessions en rémunération d’un apport, d’acquisition d’un bon de souscription d’un titre ou d’une opération d’échange de titres.

À compter du 1er janvier 2018, la cession de titres acquis ou souscrits avant cette date pourra, en outre, pousser le cessionnaire à évaluer l’opportunité d’une soumission de la plus-value au PFU ou au barème de l’IR avec l’abattement pour durée de détention.

Dans cette perspective, le tableau ci-dessous fournit une vision consolidée des taux effectifs d’imposition en fonction de la durée de détention du titre faisant l’objet de la cession, dans l’hypothèse où le redevable opte pour le barème de l’IR avec application de l’abattement pour durée de détention.

Ces taux tiennent compte de l’augmentation de 1,7 point de la CSG et de sa déductibilité partielle au barème de l’IR par ailleurs prévue par l’article 38 du présent projet de loi de finances.

LES TAUX EFFECTIFS D’IMPOSITION des PVM AU BARÈME de L’IR
à compter du 1er janvier 2018 avec l’abattement
pour durée de détention de droit commun

(en %)

Tranche de l’IR

Durée de détention inférieure à 2 ans (pas d’abattement)

Durée de détention comprise entre 2 et 8 ans (abattement de 50 %)

Durée de détention supérieure à 8 ans (abattement de 65 %)

0 %

17,2

17,2

17,2

14 %

13,05 + 17,2 = 30,25

6,5 + 17,2 = 23,7

4,6 + 17,2 = 21,8

30%

28 + 17,2 = 45,2

14 + 17,2 = 31,2

9,8 + 17,2 = 27

41 %

38,2 + 17,2 = 55,4

19,1 + 17,2 = 36,3

13,4 + 17,2 = 30,6

45 %

41,9 + 17,2 = 59,1

21 + 17,2 = 38,2

14,7 + 17,2 = 31,9

CEHR 3 %

2,8 + 59,1 = 61,9

1,4 + 38,2 = 39,6

1 + 31,9 = 32,9

CEHR 4 %

3,7 + 59,1 = 62,8

1,9 + 38,2 = 40,1

1,3 + 31,9 = 33,2

CHER : contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.

NB : l’effet de la décote n’est pas pris en compte.

Source : commission des finances.

2.   La limitation de l’abattement pour durée de détention renforcé aux titres acquis avant le 1er janvier 2018 lors de leur imposition au barème de l’impôt sur le revenu

Les alinéas 91 à 114 procèdent par ailleurs à une réécriture complète de l’abattement pour durée de détention renforcé dont les effets sont les suivants :

– l’abattement renforcé ne sera applicable, à compter du 1er janvier 2018, qu’aux titres entrant dans le champ de cet abattement souscrits avant cette date ;

– il ne pourra être appliqué que dans le cas où le redevable opte pour le barème de l’IR à la place du PFU ;

– ces alinéas ne reprennent pas la disposition, actuellement prévue aux 2° ou 3° du B du 1 quater de l’article 150-0 D, selon laquelle le bénéfice de l’abattement renforcé n’est ouvert qu’aux titres éligibles à l’abattement fixe de 500 000 euros ou, à défaut, aux cessions opérées dans un cadre familial.

Comme pour l’abattement de droit commun, certains redevables pourront se poser la question, en cas d’une cession opérée à compter du 1er janvier 2018 de titres acquis ou souscrits avant cette date, de l’opportunité d’opter pour le barème de l’IR plutôt que pour le PFU.

Le tableau ci-dessous synthétise les taux effectifs d’imposition applicables au barème de l’IR en intégrant l’abattement pour durée de détention renforcé ainsi que l’augmentation de 1,7 point de la CSG par ailleurs déductible de l’IR.

LES TAUX EFFECTIFS D’IMPOSITION ds pvm AU BARÈME de L’IR à compter du 1er janvier 2018 avec l’abattement pour durée de détention renforcé

(en %)

Tranche de l’IR

Durée de détention inférieure à 1 an (pas d’abattement)

Durée de détention comprise entre 1 et 4 ans (abattement de 50 %)

Durée de détention comprise entre 4 et 8 ans (abattement de 65 %)

Durée de détention supérieure à 8 ans (abattement de 85 %)

0 %

17,2

17,2

17,2

17,2

14 %

13,05 + 17,2 = 30,25

6,5 + 17,2 = 23,7

4,6 + 17,2=21,8

1,95 + 17,2=19,15

30%

28 + 17,2 = 45,2

14 + 17,2=31,2

9,8 + 17,2=27

4,2 + 17,2=21,4

41 %

38,2 + 17,2=55,4

19,1 + 17,2=36,3

13,4 + 17,2=30,6

5,7 + 17,2=22,9

45 %

41,9 + 17,2=59,1

21 + 17,2=38,2

14,7 + 17,2=31,9

6,3 + 17,2=23,5

CEHR 3 %

2,8 + 59,1 = 61,9

1,4 + 38,2=39,6

1 + 31,9=32,9

0,4 + 23,5=23,9

CEHR 4 %

3,7 + 59,1 = 62,8

1,9 + 38,2=40,1

1,3 + 31,9=33,2

0,6 + 23,5=24,1

CHER : contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.

NB : l’effet de la décote n’est pas pris en compte.

Source : commission des finances.

3.   Le maintien de l’abattement fixe de 500 000 euros au PFU comme au barème et la suppression de la possibilité de le cumuler avec l’abattement renforcé

Les alinéas 121 à 146 procèdent à la réécriture totale de l’article 150-0 D ter du CGI, qui prévoit actuellement un abattement spécifique des plus-values mobilières liées à la cession des titres d’une PME par son dirigeant lorsque celui-ci part à la retraite.

Le présent dispositif maintient l’application de ce dispositif pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018 comme pour les titres acquis après cette date.

Il convient toutefois d’indiquer que l’alinéa 293 prévoit que ce dispositif, tel que réécrit par ces alinéas 121 à 146, s’applique aux cessions réalisées entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2022. Ce bornage dans le temps conduit d’une certaine manière à rendre ce dispositif « périssable », ce qu’il n’est pas actuellement.

Les modifications apportées à ce dispositif par les alinéas 121 à 146 sont les suivantes :

– il supprime la disposition prévoyant que la plus-value bénéficiant de l’abattement fixe de 500 000 euros bénéficie, pour la plus-value éventuellement restante, de l’abattement renforcé mentionné précédemment. Le cumul des deux abattements sera donc à l’avenir impossible, y compris pour les titres souscrits avant le 1er janvier 2018 ;

– l’alinéa 139 ajoute une nouvelle condition relative au cédant pour pouvoir bénéficier de cet abattement, en prévoyant que « les titres ou droits cédés doivent avoir été détenus depuis au moins un an à la date de la cession » ;

– comme indiqué précédemment, l’alinéa 145, s’il continue à écarter de l’application de cet abattement fixe les gains liés à des stock-options attribuées avant le 20 juin 2007, en ouvre l’application aux BSPCE.

4.   Une mise en cohérence des règles d’imputation des plus et moins-values mobilières avec la jurisprudence du Conseil d’État

Les alinéas 116 à 119 procèdent à une réécriture du 11 de l’article 150-0 D qui prévoient actuellement les modalités selon lesquelles les plus et moins-values mobilières sont « tunnelisées » avant leur imposition au barème de l’IR, c’est-à-dire que les plus et moins-values sont additionnées avant leur soumission, sans qu’une éventuelle moins-value puisse être imputée sur le revenu global.

Comme indiqué précédemment, l’articulation entre cette « tunnelisation » et l’application des abattements pour durée de détention a donné lieu à une divergence de vue entre l’administration fiscale et la commission des finances de l’Assemblée nationale, le Conseil d’État venant annuler la partie du BOFiP-I retranscrivant la position de l’administration fiscale.

Actuellement, ce 11 indique que « les moins-values subies au cours d’une année sont imputables exclusivement sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année ou des dix années suivantes ».

Afin de prendre en compte la décision du Conseil d’État exposée précédemment, qui impose de faire la somme des plus et moins-values avant de faire application de l’abattement pour durée de détention (à l’exclusion de l’application de tout abattement à la seule moins-value), les alinéas 116 à 119 prévoient trois dispositions :

– les moins-values subies au cours d’une année ne pourront être imputées que sur les plus-values imposables au titre de la même année, avant application (pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018) des abattements pour durée de détention ;

– en cas de solde positif, les plus-values nettes sont éventuellement réduites des moins-values enregistrées au cours des dix années suivantes, puis des abattements pour durée de détention ;

– en cas de solde négatif, les moins-values nettes sont éventuellement imputées sur d’autres plus-values enregistrées au cours des dix années suivantes.

Cette rédaction est plus précise que le droit actuel dans la mesure où il exclut l’application de l’abattement pour durée de détention à la seule moins-value.

Elle est aussi, d’une certaine manière, plus restrictive que la rédaction actuelle, qui permet en théorie au redevable d’imputer ses moins-values, dans le délai de dix ans précité, sur les plus-values de son choix.

Cette faculté d’imputer ces moins-values sur les plus-values au choix du redevable a, du reste, été confirmée par la décision du Conseil d’État précitée : « Considérant que les gains nets imposables sont calculés après imputation par le contribuable sur les différentes plus-values qu’il a réalisées, avant tout abattement, des moins-values de même nature qu’il a subies au cours de la même année ou reportées en application du 11 précité de l’article 150-0 D du CGI, pour le montant et les plus-values de son choix, et que l’abattement pour durée de détention s’applique au solde ainsi obtenu (…). »

Le BOFiP-I commente d’ailleurs cette décision en indiquant qu’elle « offre la faculté au contribuable de répartir l’imputation de cette moins-value sur une ou plusieurs plus-values imposables de son choix » ([163]).

La portée de cette faculté de ventiler la moins-value a, en outre, fait l’objet d’une question écrite de la sénatrice Mme Joëlle Gariaud-Maylam le 26 juin 2016 ([164]), afin de savoir si le redevable « dispose uniquement de la liberté de ventiler les moins-values de l’année ou en report ou s’il peut également choisir de ne pas imputer la totalité desdites moins-values ».

En réponse à cette question ([165]), le ministère de l’économie et des finances apporte plusieurs précisions :

– la décision du Conseil d’État précitée « offre la faculté au contribuable ayant réalisé plusieurs plus-values imposables de choisir librement celles sur lesquelles il impute ses moins-values disponibles » ;

– en revanche, « elle ne lui offre pas la possibilité de choisir l’année au titre de laquelle il procède à l’imputation de ces moins-values. Dès lors que le contribuable réalise une ou plusieurs plus-values au titre d’une année, il procède à l’imputation de ses moins-values disponibles sur les plus-values de son choix. Les moins-values disponibles s’entendent des moins-values de l’année et de celles en report des années antérieures, les plus anciennes s’imputant prioritairement ».

Le droit proposé par ces alinéas 117 à 119 transcrit, par conséquent, la position arrêtée dans cette réponse de l’administration fiscale.

Tels que rédigés, ces alinéas impliquent effet qu’en cas de pluralité de plus-values, les moins-values imputables au titre de la même année peuvent être ventilées par le redevable sur la plus-value de son choix.

C.   L’impact de la réforme sur l’assurance-vie, l’épargne logement et les actions gratuites

1.   La mise en œuvre du PFU dans le domaine de l’assurance-vie

Le programme fiscal du nouveau Président de la République comporte un engagement particulièrement clair s’agissant de la mise en œuvre du PFU dans le domaine de l’assurance-vie :

« Nous maintiendrons les grands principes de l’assurance-vie, produit aujourd’hui détenu par un ménage sur trois :

« – les avantages liés aux successions seront maintenus ;

« – les revenus (déjà accumulés ou futurs) des versements déjà effectués ne seront pas concernés par la réforme : le prélèvement forfaitaire libératoire de 7,5 % au bout de huit ans et l’abattement de 4 600 euros (9 200 euros pour les couples) seront maintenus pour ces revenus ;

« – les revenus perçus sur les sommes versées après la réforme et qui contribuent au développement de l’économie ne seront pas non plus concernés, sauf pour les encours supérieurs à 150 000 euros ;

« La mise en place du PFU n’aura donc aucun impact sur l’immense majorité des Français qui détiennent un contrat d’assurance-vie. »

Le dispositif prévu par le présent article dans le domaine de l’assurance-vie respecte au plus près ces engagements.

a.   Une mise en œuvre du PFU pour les produits liés à des versements opérés à compter du 27 septembre 2017

Les alinéas 16 à 40 modifient le PFL actuellement applicable aux produits de l’assurance-vie tel que prévu par l’article 125-0 A du CGI :

– l’alinéa 22 prévoit que ce prélèvement, perçu en année N sur option du contribuable, ne sera désormais plus applicable qu’aux produits attachés à des primes versées jusqu’au 26 septembre 2017 ;

– par conséquent, les alinéas 25 à 30 prévoient que les produits attachés à des primes versées à compter du 27 septembre 2017 seront soumis, en année N, au PFO non libératoire d’une imposition en année N + 1.

Le taux de ce prélèvement est fixé à 12,8 %, de manière à être cohérent avec le PFU ; toutefois, il restera fixé à 7,5 % pour les contrats de plus de huit ans ;

– l’alinéa 29 précise que ce prélèvement n’est désormais plus libératoire de l’imposition en année N + 1. L’imposition définitive sera établie en année N + 1 par l’application de plein droit du PFU, le redevable pouvant opter à ce stade pour l’imposition de ses produits au barème de l’IR.

Si les principes qui ont guidé ces dispositions sont relativement clairs, les conséquences pratiques pour les redevables pourront ponctuellement être compliquées à mettre en œuvre par le redevable.

À supposer qu’un redevable perçoive en 2019 des produits de son assurance-vie (à partir de versements opérés pour partie en 2017 et 2018), celui-ci devra :

– opter pour l’application de l’ancien PFL sur ses produits issus de versement de 2017, au plus tard lors de l’encaissement de ces revenus ;

– l’application du nouveau PFU aux produits des versements opérés en 2018 sera à l’inverse automatique.

À l’inverse, si le redevable souhaite soumettre ces revenus au barème de l’IR :

– l’application du barème sera automatique pour les revenus liés à des versements opérés en 2017 ;

– le redevable devra opter pour le barème lors de sa déclaration de revenus pour y soumettre ses revenus de l’année 2018.

Enfin, les alinéas 39 et 40 mettent à la charge des entreprises d’assurance l’obligation, formulée en termes particulièrement larges, de communiquer à l’assuré « l’ensemble des informations et documents permettant à ce dernier de déclarer les produits, le cas échéant rachetés, selon le régime fiscal qui leur est applicable ».

b.   Les modalités de détermination du taux applicable pour les contrats dont l’encours est supérieur à 150 000 euros

Les alinéas 225 à 235 viennent préciser les modalités d’imposition des contrats dont l’encours est supérieur à 150 000 euros.

L’alinéa 226 prévoit que le taux de 7,5 % (soit un taux global de 24,7 % en intégrant les prélèvements sociaux et l’augmentation de 1,7 point de la CSG) continuera de s’appliquer aux produits liés à des primes versées à compter du 27 septembre 2017 et dont l’encours est inférieur à 150 000 euros, dès lors que le contrat à plus de huit ans.

L’alinéa 227 précise que, pour les contrats de plus de huit ans dont l’encours total est supérieur à 150 000 euros, les produits issus de nouveaux versements à compter du 27 septembre 2017 sont imposés à 12,8 % (soit un taux global de 30 % en intégrant les prélèvements sociaux) au prorata de l’encours dépassant le seuil de 150 000 euros.

Exemple

Exemple : Monsieur G procède le 2 décembre 2018 au rachat d’un contrat d’assurance-vie de 525 000 euros qui se décompose comme suit :

– 200 000 euros versés en 2012 ;

– 200 000 euros versés le 27 novembre 2017 ;

– 50 000 euros de gains liés au versement de 2012 ;

– 75 000 euros de gains liés au versement de 2017.

Son contrat a été ouvert en 2009 (et il n’y a eu aucun versement entre 2009 et 2012). Compte tenu des règles actuelles, on considère que l’ancienneté du contrat est de dix ans, quand bien même l’assuré n’a rien versé pendant quatre ans au début.

Fiscalisation des gains liés au versement de 2012 : le versement ayant eu lieu avant le 27 septembre 2017, le taux applicable est de 7,5 %, entraînant un prélèvement de 3 750 euros (à défaut d’application du barème).

Fiscalisation des gains liés au versement de 2017 : au moment du rachat, le total de l’encours hors produits est de 400 000 euros.

Le montant du gain soumis au PFU est donc de 75 000 × (400 000 – 150 000/400 000) = 46 875 euros (impôt de 14 062 euros).

Le gain restant soumis au prélèvement de 24,7 % est donc de 28 125 euros (impôt de 6 946,9 euros).

Les alinéas 232 à 234 prévoient en outre que, pour les contrats de moins de huit ans, le taux de 12,8 % du PFU (soit 30 % en intégrant les prélèvements sociaux) s’applique lorsque l’encours total du contrat dépasse 150 000 euros.

Toutefois, les taux de 35 % et de 15 % (soit respectivement 52,2 % et 32,2 % en intégrant les prélèvements sociaux au taux global de 17,2 %) continueront de s’appliquer aux contrats respectivement de moins de quatre ans et compris entre quatre et huit ans, lorsque le montant total des encours est inférieur à 150 000 euros.

Le tableau ci-dessous synthétise les taux applicables en fonction de l’encours et de l’ancienneté du contrat.

Synthèse de l’évolution des taux applicables aux gains d’assurance-vie

Primes

Contrat de moins
de 4 ans

Contrat de moins
de 8 ans

Contrat de plus
de 8 ans

Primes versées avant le 27 septembre 2017

52,2 %

(35 % IR et 17,2 % PS)

32,2 %

(15 % IR et 17,2 % PS)

24,7 %

(7,5 % IR et 17,2 % PS)

Primes versées après le 27 septembre 2017

 

 

 

Encours inférieur à 150 000 euros

52,2 %

(35 % IR et 17,2 % PS)

32,2 %

(15 % IR et 17,2 % PS)

24,7 %

(7,5 % IR et 17,2 % PS)

Encours supérieur à 150 000 euros

30 % du PFU

30 % du PFU

30 % du PFU

Source : commission des finances.

c.   Un ajustement technique des modalités d’imputation de l’abattement de 4 600 euros

L’alinéa 18 précise les modalités selon lesquelles l’abattement fixe annuel de 4 600 euros (ou 9 200 euros pour un couple) trouvera à s’appliquer à compter du 1er janvier 2018, compte tenu de la mise en œuvre du PFU à une partie des produits de l’assurance-vie.

Cet abattement sera appliqué en priorité aux produits attachés aux primes versées avant le 27 septembre 2017, puis, pour les produits attachés aux primes versées à compter de cette date, d’abord sur les produits imposés au taux de 7,5 % puis sur les produits imposés au taux de 12,8 %.

2.   La mise en œuvre du PFU dans le domaine de l’épargne logement

Les alinéas 150 à 152 mettent fin au régime fiscal privilégié applicable aux intérêts de l’épargne logement, actuellement totalement exonérés d’IR pour les CEL et exonérés à compter des douze ans du plan pour les PEL.

Le présent article réserve ce régime fiscal aux comptes et aux plans ouverts jusqu’au 31 décembre 2017 ; pour ceux ouverts à compter du 1er janvier 2018, ces intérêts seront donc soumis au PFU ou, sur option, au barème de l’IR, dès la première année du compte ou du plan.

Pour les PEL existant avant le 1er janvier 2018, la nouvelle rédaction de l’article 200 A prévue par le présent article prévoit l’application de plein droit du nouveau PFU ou, en cas d’option du contribuable, du barème de l’IR.

Les alinéas 275 et 276 conduisent par ailleurs à supprimer la prime d’épargne logement versée par l’État à compter du 1er janvier 2018.

3.   Le régime des actions gratuites

Le présent article vise, sans tout à fait y parvenir complètement, à simplifier le régime applicable aux AGA :

– l’alinéa 250 prévoit que le gain d’acquisition de l’action gratuite sera désormais intégré au revenu net global imposable au barème de l’IR après application d’un abattement, sur une fraction de 300 000 euros, d’un abattement de 50 % ;

– cet alinéa 250 rend en outre cette fraction du gain d’acquisition éligible à l’abattement fixe de 500 000 euros des dirigeants de PME partant à la retraite. Cet abattement s’applique en priorité sur le gain de cession de l’action gratuite, imposable dans la catégorie des plus-values mobilières selon les modalités de droit commun puis, pour le surplus, au gain d’acquisition ;

– la fraction du gain d’acquisition excédant ce montant est imposée dans la catégorie des traitements et salaires sans l’application de l’abattement de 50 % ou de l’abattement fixe mentionnés ci-dessus.

Les alinéas 300 et 301 de cet article tendent par ailleurs à revoir rétroactivement les modalités d’application des différents abattements à compter du 8 août 2015, soit le lendemain de la publication de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques précitée :

– l’abattement fixe de 500 000 euros, dans sa nouvelle rédaction issue de la présente loi, est rendu applicable aux actions gratuites attribuées par une assemblée générale extraordinaire comprise entre le 8 août 2015 et la publication de la présente loi ;

– toutefois, cet abattement fixe est alors exclusif de l’application des abattements pour durée de détention applicables avant le 1er janvier 2018, pour lesquels le redevable peut opter à la place de l’abattement fixe.

D.   Les ajustements de certains régimes particuliers d’imposition des plus-values mobilières

Le présent article prévoit par ailleurs la mise en cohérence de plusieurs dispositifs spécifiques d’imposition des plus-values mobilières.

1.   L’imposition des compléments de prix

Actuellement, l’article 150-0 A du CGI prévoit qu’un complément de prix perçu en application d’une clause d’intéressement dite « d’earn out »
– généralement lié à la cession d’une entreprise – est imposable au titre de l’année au cours de laquelle ce complément de prix est reçu.

En complément, l’article 150-0 D du CGI précise que le complément de prix afférent à la cession de titres est réduit du même abattement pour durée de détention que celui appliqué à la cession.

Dans une décision du 14 janvier 2016 ([166]), le Conseil constitutionnel est venu préciser les conditions dans lesquelles ce complément de prix devait être imposé dans le cadre de la mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2013, de la barémisation des revenus du capital assortie des abattements pour durée de détention.

Il a notamment jugé qu’un complément de prix perçu après le 1er janvier 2013 ne saurait être privé de l’application de l’abattement pour durée de détention au motif que la cession à laquelle ce complément de prix est lié est antérieure au 1er janvier 2013 ou n’a pas dégagé de plus-value – et n’a, à ce double titre, pas pu bénéficier de l’abattement pour durée de détention.

Afin de tirer les conséquences de cette décision, l’alinéa 82 modifie la disposition selon laquelle le complément de prix est réduit du même abattement que celui appliqué lors de la cession.

Il prévoit désormais que le complément de prix est réduit de l’abattement pour durée de détention applicable au moment de la cession « quelle que soit la date à laquelle est intervenue la cession à laquelle » ce complément de prix se rapporte.

Les alinéas 293 et 294 viennent en outre préciser que l’abattement fixe de 500 000 euros pour les dirigeants de PME partant en retraite s’applique, jusqu’au 31 décembre 2022, aux compléments de prix afférents aux opérations de cession qui peuvent donner lieu à l’application de l’abattement fixe.

Toutefois, dans le cas d’un complément de prix perçu à compter du 1er janvier 2018 lié à une cession ayant bénéficié de l’abattement de 500 000 euros dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente loi, le complément de prix est réduit de la fraction de l’abattement non utilisé avant cette date. Dans ce cas, les abattements ne s’appliquent pas au reliquat de gain imposable.

2.   L’imposition des plus-values mobilières résultant de restructurations d’entreprise ne générant pas de flux financier

Les alinéas 66 à 74 viennent apporter des précisions techniques concernant l’articulation des différents régimes de report d’imposition des plus-values mobilières liées à des restructurations d’entreprises, dans le cas d’apports ou d’échanges de titres.

Afin de ne pas freiner les restructurations d’entreprises, qui ne génèrent pas à proprement parler une plus-value dont la taxation est souhaitable, l’article 12 de la loi de finances pour 1980 ([167]) a prévu un mécanisme optionnel de report de ces plus-values codifié à l’article 151 octies du CGI.

Ce mécanisme a ensuite été décliné dans plusieurs dispositifs successifs :

 la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier ([168]) a prévu un dispositif, codifié à l’article 92 B du CGI, prévoyant un tel mécanisme optionnel de report d’imposition pour la plus-value dégagée lors d’un apport de titres à une société soumise à l’IS ; lors d’une opération d’apport de titre, la plus-value n’est alors taxable que lors de la revente des titres reçus en rémunération de l’apport ;

– la loi de finances pour 2000 ([169]) a substitué à ce dispositif un mécanisme optionnel de sursis d’imposition, tout en maintenant le régime antérieur ;

– un régime optionnel de report d’imposition en cas de réinvestissement dans les fonds propres d’une société non cotée a été codifié à l’article 92 B decies du CGI puis recodifié à l’article 150-0 C jusqu’à son abrogation à compter de 2006 ;

 un régime optionnel de report d’imposition en cas d’échange de titres d’une société non cotée dont l’actif est principalement constitué d’immeubles a été par ailleurs prévu à l’article 150 A bis du CGI ;

– à compter de 2012, un report d’imposition s’est appliqué pour les cessions de titres détenus depuis plus de huit ans et représentant au moins 10 % des droits de vote lorsque le produit de la cession est réinvesti dans la souscription au capital de certaines sociétés (article 150-0 D bis du CGI abrogé à compter du 1er janvier 2014) ;

– depuis le 14 novembre 2012, un report d’imposition de plein droit, codifié à l’article 150-0 B ter du CGI et résultant de l’article 18 de la dernière loi de finances rectificative pour 2012 ([170]), s’applique aux apports à une société soumise à l’IS ;

Afin d’assurer la cohérence de ces différents mécanismes, les alinéas 66 à 74 prévoient que :

– lorsque les titres faisant l’objet d’un apport au titre de ce dernier dispositif, codifié à l’article 150-0 B ter du CGI, sont eux-mêmes grevés d’un report d’imposition en application des dispositifs antérieurs mentionnés ci-dessus, ce report est maintenu à l’occasion de l’apport et expire lors de la survenance d’un événement mettant fin au report tel que prévu dans ce dernier dispositif ;

– toutefois, en cas de transmission des titres bénéficiant de ces dispositifs de report antérieurs en rémunération d’un apport bénéficiant du nouveau régime de l’article 150-0 B ter précité, il est mis fin aux reports d’imposition antérieurs.

3.   La mise en cohérence du dispositif du compte PME innovation et de l’« exit tax » avec la présente réforme

Le présent article prévoit, par ailleurs, la mise en cohérence avec la présente réforme du compte PME innovation, qui permet à certains entrepreneurs de bénéficier, au sein de ce compte, d’un report de la plus-value liée à la vente des titres de leur entreprise dès lors que ce gain est capitalisé sur le compte, en attente de réinvestissement dans une autre PME.

Les alinéas 75 à 79 ajustent les règles fiscales applicables à ce compte, afin de prendre en compte la mise en extinction des abattements pour durée de détention à compter du 1er janvier 2018 et l’impossibilité, à compter de cette date, de cumuler l’abattement fixe de 500 000 euros et l’abattement pour durée de détention renforcé.

Les alinéas 183 à 191 procèdent par ailleurs à une mise en cohérence avec la présente réforme de l’« exit tax », qui permet actuellement d’imposer les plus-values latentes lors du transfert du domicile hors de France d’un redevable en prenant en compte ces différents abattements.

Les alinéas 193 à 195 prévoient par ailleurs l’application de plein droit du PFU au titre de cette « exit tax », y compris en permettant au redevable d’opter pour le barème de l’IR lorsqu’il lui est plus favorable.

Le montant des garanties que le redevable doit constituer lorsque, à l’occasion de son transfert hors de France, il demande à bénéficier d’un sursis d’imposition – correspondant actuellement à 30 % du montant des plus-values latentes – sera abaissé à 12,8 % afin de coïncider avec le taux du PFU.

E.   La suppression du régime des bons anonymes

Certains produits de placement à revenu fixe sont actuellement imposés de manière particulière lorsque le bénéficiaire des produits n’autorise pas l’établissement payeur à communiquer son identité et son domicile fiscal.

Pour ces bons dits « anonymes », le taux du prélèvement libératoire actuellement fixé par l’article 125 A du CGI est de 60 % (soit 75,5 % avec les prélèvements sociaux).

Ce taux de 60 % s’applique également lorsque ces bons anonymes sont assimilables à des contrats d’assurance-vie.

En application des articles 990 A à 990 C du CGI, ces bons sont en outre soumis à un prélèvement spécial de 2 % de leur montant nominal.

Le présent article prévoit de supprimer totalement le régime, fiscalement plus lourd, applicable aux bons anonymes ; selon l’exposé des motifs de l’article, ce régime serait rendu obsolète par les nouvelles dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroriste.

En effet, l’ordonnance du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ([171]) a modifié l’article L. 561-5 du code monétaire et financier afin d’obliger les institutions financières à identifier leur client et à vérifier les éléments d’identification.

Il ne serait donc pas cohérent de conserver, du point de vue fiscal, un dispositif qui est par ailleurs incompatible avec le code monétaire et financier.

*

*     *

La commission examine les amendements identiques I-CF313 de M. JeanPaul Dufrègne, I-CF419 de Mme Valérie Rabault et I-CF459 de M. Éric Coquerel, tendant à supprimer l’article 11.

M. Fabien Roussel. Nous demandons la suppression de cet article, qui constitue une nouvelle rupture d’égalité en faveur de ceux qui gagnent beaucoup et captent les richesses de notre pays. Votre proposition de prélèvement va ramener à 30 % l’imposition des dividendes et des plus-values des plus hauts revenus, auparavant taxés à 45 %. Les plus riches verront donc leur imposition baisser, tandis que les modestes chefs d’entreprise qui touchent quelques milliers d’euros de dividendes – c’est parfois leur treizième mois – n’y gagneront rien.

Avec cette proposition, vous remettez en cause la progressivité de l’impôt, à l’image de ce qu’avait fait le président Sarkozy en 2008 avec le bouclier fiscal. Vous affirmez qu’il n’y aura pas de perdants. Si : l’État, qui va perdre 1,2 milliard d’euros en 2018 et 1,9 milliard en 2019. Encore un beau cadeau pour les plus fortunés, sans aucune contrepartie ni aucune certitude sur le front de l’emploi.

Mme Christine Pires Beaune. Le groupe Nouvelle Gauche demande la suppression de cet article. Notre collègue vient de le dire : il s’agit d’un « super-cadeau », qui va encore creuser les inégalités en France. Je vous rappelle qu’en 2016, 10 % des Français détenaient plus de 56 % des richesses, et qu’en vingt ans la richesse des dix plus grandes fortunes françaises a été multipliée par douze, tandis que le nombre de pauvres a augmenté de 1,2 million.

La flat tax va coûter 1,5 milliard d’euros à l’État selon le Gouvernement, mais 4 milliards d’euros selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), soit presque autant que la baisse du budget du logement à l’horizon 2019.

Aujourd’hui, les revenus mobiliers – dividendes, plus-values, etc. – sont taxés comme en matière d’impôt sur le revenu, c’est-à-dire de manière progressive. La flat tax supprime cette progressivité. Les ménages les plus aisés détenant la plus large part du patrimoine mobilier, ils seront les gagnants de cette réforme. La trajectoire est claire : alléger la fiscalité du capital. L’objectif est tout aussi clairement affiché : favoriser l’investissement productif. Mais le lien entre investissement productif et taxation marginale du capital n’est pas établi. Comme ce super-cadeau n’est pas fléché vers l’investissement productif, on peut craindre qu’il n’aille notamment grossir les encours de l’assurance-vie.

M. Éric Coquerel. Ce dispositif n’est pas une flat tax, mais une gift tax pour les plus riches ! Il ne coûte pas 1,5 milliard d’euros à l’État mais 4 milliards, comme l’a dit ma collègue et comme le soutient l’OFCE. Le Gouvernement nous explique que ce prélèvement ne fera pas de perdants, mais il va bel et bien alimenter, sans aucune contrepartie, ce dont notre pays souffre depuis des années : le coût du capital non investi.

Je souhaiterais que nous ayons un véritable échange sur la base de données chiffrées, mais vous ne pourrez avancer un seul chiffre qui contredise nos arguments ! Depuis des années, sans contrepartie, tous ces mécanismes donnent à la rente capitaliste de quoi se gaver et n’ont aucun effet sur l’investissement. Au contraire : l’investissement baisse, les dividendes explosent ! La répartition entre dividendes et investissement n’a cessé de se dégrader, au profit des dividendes, et l’on poursuit encore la même politique. S’agit-il simplement de faire des cadeaux aux amis et proches ? Si tel n’est pas le cas – et je suis sûr que ce n’est pas le cas pour la majorité des députés de La République en Marche –, pourquoi baisser l’ISF de 3,5 milliards d’euros, additionnés aux 4 milliards de la flat tax, alors que les investissements productifs ne verront pas le jour puisqu’aucune obligation n’est imposée ? Cette politique est un échec depuis trente ans et vous la poursuivez !

M. Laurent Saint-Martin. Ces premiers échanges soulignent qu’il convient de rappeler le contexte de création de ce prélèvement forfaitaire unique (PFU). Monsieur Coquerel, je vais vous expliquer pourquoi ce n’est pas un cadeau aux riches. La politique que nous menons n’a jamais été tentée en France, contrairement à ce que vous indiquez. Par ailleurs, il ne vous aura pas échappé que l’économie de notre pays est ouverte alors même que notre fiscalité du capital est, de loin, parmi les plus élevées au monde.

Vous avez raison : nous pensons – et nous l’assumons – que pour renforcer notre économie, il convient d’abord de renforcer les entreprises. Elles auront ainsi, demain, de meilleures capacités d’investissement et pourront ainsi créer, selon la formule consacrée, les emplois d’après-demain.

Il faut rendre ces investissements attractifs pour les encourager. Vous allez me dire : des produits existent déjà, dont l’assurance-vie. Nous y reviendrons à l’occasion d’amendements. Mais le PFU est avant tout un signal sans précédent envoyé aux entreprises, pour qu’elles puissent investir, puis créer des emplois. C’est également un dispositif doté d’une fiscalité favorable et un coût assumé pour l’État. Mais ce coût n’est pas, contrairement à ce que vous indiquez, de 4 milliards d’euros ! L’OFCE n’utilise pas les bonnes bases... Je vous rappelle que le HCFP a jugé « raisonnable » l’estimation de 1,5 milliard d’euros faite par le Gouvernement. Je pense que l’on peut compter sur son objectivité.

Ce PFU est gage d’une meilleure lisibilité et d’une plus grande attractivité pour les investissements domestiques, mais également internationaux. C’est surtout l’amorce d’un nouvel environnement fiscal et d’un changement de culture d’investissement.

Nous voulons créer une culture d’investissement à la française, en transformant la compétition fiscale entre les produits existants en une compétition de performance entre produits d’investissement. Cela n’a jamais existé en France et permettra enfin aux épargnants de retrouver une certaine liberté d’épargne et d’investissement. Mais surtout, ainsi, notre tissu économique, notamment les PME et les ETI, renforcera ses fonds propres.

M. Stanislas Guerini. Monsieur Coquerel, vous nous avez mis au défi de vous donner des chiffres qui contredisent vos propos. Je vous en livre deux. Le premier, nous l’avons entendu de la bouche de la directrice générale du Trésor quand elle est venue devant notre commission : en France, la part des fonds propres rapportée à la richesse produite par les entreprises est de 50 %, contre 120 % aux États-Unis. Ce chiffre éclaire le problème de financement de notre économie, qui vit d’un financement de rattrapage et de la dette... J’ai été chef d’entreprise. Quand l’on va voir son banquier pour financer un projet, il est préférable d’avoir à acheter une machine-outil plutôt que de présenter un projet risqué ou innovant...

Or, si nous voulons que nos entreprises financent l’innovation, c’est-à-dire la réussite et les emplois de demain, elles doivent disposer de davantage de fonds propres ! Vous pouvez ne pas être d’accord avec cette idée, mais vous ne pouvez ignorer la compétition économique mondiale actuelle.

Je livre un second chiffre à votre sagacité : le rapport entre la part des dividendes versés, qui représentent 2 % du chiffre d’affaires, et la part du chiffre d’affaires réinvestie dans l’entreprise – 6 % –, est stable dans les entreprises françaises depuis 2009.

Pour finir, vous évoquez les « contreparties ». C’est l’éternel refrain : il n’y aura pas de fléchage de l’épargne des Français vers l’entreprise car il n’y a pas de contreparties... À force de raisonner en termes de contreparties, le financement de notre économie est uniquement fondé sur des dispositifs fiscaux. Il suffit d’aller dans son agence bancaire pour s’en rendre compte : les Français n’investissent plus en cherchant le bon rapport entre la rentabilité et le risque – ce devrait être la logique naturelle d’un investissement – mais en fonction des avantages fiscaux. Le résultat est là : l’épargne n’est pas suffisamment orientée vers les entreprises.

M. Daniel Labaronne. Par qui les entreprises sont‑elles actuellement financées en France ? D’un côté, par les acteurs publics – pouvoirs publics, Bpifrance – et de l’autre, par les acteurs privés – banques, fonds d’investissement, assurances, autres entreprises.

Nous pouvons faire trois constats concernant le financement actuel des entreprises : il repose essentiellement sur l’intermédiation bancaire ; les encours des acteurs privés sont principalement investis dans des actifs non risqués, contrairement à ce qu’on observe ailleurs dans la zone euro ; les entreprises françaises sont très fortement endettées et ont une capacité de fonds propres très faible.

Nous devons modifier cet état de fait, qui ne permet pas de financer les investissements nécessaires à l’innovation, à la modernisation et à l’adaptation de notre offre productive à la demande intérieure.

Comment faire ? Il faut favoriser les entrées de capitaux des non-résidents sur le marché financier français, à long et à court terme. Il faut donc développer l’attractivité financière de notre économie. Par ailleurs, sur notre marché intérieur, il faut créer un choc de confiance et des incitations favorables, pour que ceux qui ont des capacités de financement puissent les placer sur des produits finançant le risque, l’innovation et la modernisation. Enfin, il faut que les intermédiaires financiers assument davantage leur mission de financement du capital-risque.

Les mesures que nous allons prendre créeront, j’en suis sûr, un climat extrêmement favorable à l’investissement productif et permettront la modernisation et l’adaptation de notre système productif aux grands enjeux de demain.

Mme Nadia Hai. Les exposés des motifs de ces amendements développent des raisonnements de court terme, en occultant volontairement un point-clef : cette réforme s’inscrit dans un environnement structuré que nous voulons propice à la croissance. Vous évoquez le caractère inéquitable de cette mesure, mais en quoi l’est-elle réellement ? Elle ne défavorise pas les revenus les plus modestes ! Elle favorise l’entrée et la fluidité des capitaux, et cela vous dérange, monsieur Coquerel. En affirmant que ces mesures constituent une perte de recettes pour l’État, vous refusez de faire preuve de la hauteur de vue nécessaire à toute réflexion macroéconomique et budgétaire.

En indiquant qu’il n’est pas démontré que l’allégement de la fiscalité n’a pas d’incidence sur l’économie productive, vous faites preuve de myopie économique ! Les capitaux non versés en paiement de l’impôt restent dans l’économie, directement ou indirectement ! Vous souhaitez conserver un régime fiscal qui est en grande partie responsable de notre état statique. Cher collègue, nous préférons avoir le courage de tenter de passer de l’état statique au dynamisme économique !

Mme Valérie Rabault. Je ne vais pas évoquer de grandes théories économiques, mais simplement quelques chiffres. Ce PFU représente 17,2 % de prélèvements sociaux – un niveau équivalent à ce qui est prélevé sur les autres revenus –, auxquels s’ajoutent 12,8 % d’impôt sur le revenu. Or le taux de la première tranche d’impôt sur le revenu est de 14 %. Un salarié qui gagne 1 400 euros par mois va donc payer 14 % d’impôt sur le revenu tandis qu’un investisseur qui disposera de 10 millions d’euros de revenus du capital ne paiera que 12,8 % ! C’est ce que vous proposez dans cet article. Vous pouvez les tourner comme vous le souhaitez, mais les chiffres sont là !

Par ailleurs, en Europe, la France fait partie des pays qui épargnent le plus : 15 % de notre revenu disponible en moyenne, contre 10 % en Europe et 5 % au Royaume-Uni. Pourtant, nos entreprises manquent de financements. N’est-ce donc pas plutôt un problème de fléchage de l’épargne ? Peut-être aurait-il fallu transférer ou, a minima, orienter un peu plus vers ceux qui prennent des risques, l’avantage fiscal aujourd’hui réservé à l’assurance-vie. C’est la proposition inscrite dans notre contre-budget, afin d’éviter de faire des chèques en blanc aux investisseurs.

J’entends vos arguments sur la liberté, mais il s’agit d’argent public. Nous sommes ici tous comptables des impôts que paient les Français et de la bonne utilisation des deniers publics. L’objectif que vous visez sera-t-il atteint ? Je vous donne rendez-vous dans un an. Nous vérifierons alors si les pertes de 3,2 milliards d’euros d’ISF et de 1,3 milliard de prélèvements forfaitaires pour l’État se retrouvent dans le financement des PME.

M. le président Éric Woerth. Madame Rabault, nous ne serons pas le seul pays – il s’en faut de beaucoup – à faire en sorte que la fiscalité des revenus du capital soit inférieure à celle des revenus du travail, car c’est une fiscalité de second rang. Vous évoquez la première tranche de l’impôt sur le revenu, mais il s’agit là des revenus du travail, non du capital !

Mme Amélie de Montchalin. Nous sortons de décennies où l’économie a été financée par l’impôt et par les niches fiscales, avec deux conséquences : les PME françaises sont championnes d’Europe de l’endettement et les Français n’investissent pas dans les actifs risqués. Les résultats macroéconomiques de cette situation sont évidents : les PME n’innovent pas assez et le rendement de l’épargne est insuffisant, ce qui, en retour, ne génère pas assez de pouvoir d’achat pour ceux qui investissent.

Les résultats d’un sondage doivent nous faire réfléchir : aujourd’hui, pourquoi les Français épargnent-ils ? À 70 % pour ne pas perdre leurs économies et seulement à 30 % pour « gagner plus ». La mesure fiscale prévue à l’article 11, en réduisant l’imposition sur les rendements de l’épargne, se veut une incitation à la prise de risque, afin d’améliorer les gains de l’épargnant et le financement de l’économie. Il s’agit de revoir la « tuyauterie » : comment amener l’épargne à la PME ? Comment favoriser la prise de risque ? Les Allemands, qui ne sont pas connus pour être particulièrement spéculatifs, ne sont que 56 % à vouloir en premier lieu protéger leurs économies, alors que 44 % d’entre eux estiment que l’épargne est un moyen de gagner un peu plus en même temps que de financer l’économie.

M. Marc Le Fur. Le taux d’épargne élevé des Français constitue une singularité positive. Les Français épargnent pour transmettre un capital à leurs enfants, mais aussi, de plus en plus, pour préparer leur retraite, en connaissance de cause des évolutions actuelles en la matière. Ils n’épargnent donc pas en cherchant à accumuler les risques, mais recherchent au contraire la sécurité. Il y a aussi – il ne faut pas le négliger – une part d’habitude dans l’épargne.

Quel type d’épargne les classes moyennes privilégient-elles ? Elles choisissent souvent l’assurance-vie, c’est vrai. Dans le système que vous nous proposez à l’article 11, les détenteurs d’assurances-vie paieront plus d’impôts. Les classes moyennes privilégient également le plan épargne logement (PEL), produit populaire. Demain, le PEL sera également plus taxé. Elles privilégient également l’immobilier, en tant que propriétaire d’une résidence ou d’investissements locatifs. Dans ce dernier cas, le PFU aurait été favorable, mais l’immobilier est exclu du dispositif... Ainsi, les grands piliers d’épargne des classes moyennes ne sont, au mieux, pas pris en compte – on a bien compris que l’investissement immobilier relevait pour vous de l’affreuse rente. Au pire, ils sont pénalisés.

Que favorise-t-on dans ce nouveau dispositif ? Essentiellement les investissements en actions. S’il est peut-être un peu caricatural d’affirmer que vous êtes les porteurs d’intérêts liés au CAC40, ce n’est pas totalement faux, puisque c’est le seul type d’épargne que vous favorisez !

Mme Véronique Louwagie. J’entends les arguments en faveur de ce dispositif. Nous partageons votre constat : les entreprises ont un véritable problème de financement. Ce problème annihile une partie de leur croissance et de leur développement, mais ce n’est pas le seul. Les seuils sont également néfastes, mais aucun élément n’est venu jusqu’à maintenant les modifier... Il nous faut orienter les capitaux vers les entreprises, je suis d’accord. Vous proposez un outil, le PFU, qui s’appliquera à l’ensemble des revenus mobiliers – intérêts, dividendes, plus-values mobilières. On peut s’interroger sur sa pertinence pour certaines plus‑values mobilières : à partir du moment où un dispositif de cette nature s’applique à l’ensemble des plus-values mobilières, quelle que soit la durée de détention – même si elle n’est que d’une journée –, répondra-t-on vraiment au besoin de fléchage des fonds vers les entreprises ?

Il y a par ailleurs des victimes collatérales dans ce dispositif : les assurés, les ménages, détenteurs de PEL ou d’assurances-vie.

Un autre sujet me préoccupe. On en a peu parlé – mais nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler. C’est l’épargne salariale, qui peut être touchée par ce dispositif. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut la favoriser en France, car elle n’est pas suffisamment développée. Il ne faudrait pas la mettre en difficulté.

M. Jean-Louis Bourlanges. Nous soutenons cet article. Il nous faut sortir de cette analogie entre l’imposition des revenus de l’épargne et l’imposition sur le revenu. C’est une faute intellectuelle ! Nous l’avons longtemps commise et cela a contribué très fortement à notre retard économique. Le président Woerth a signalé la principale différence entre les deux types de revenus : les impôts qui frappent les revenus de l’épargne sont des impôts qui frappent une seconde fois. Cette épargne a déjà été accumulée sous forme de revenus, ou d’héritage, et a donc déjà acquitté une première fois l’impôt. En conséquence, le parallélisme n’est pas acceptable.

Par ailleurs, ces revenus résultent de placements mobiliers risqués. Quand on fait une mauvaise opération en la matière, l’État n’octroie pas de crédit d’impôt ! Je comprends que cela choque un certain nombre d’entre nous en termes d’équité, mais allons-nous nous replier sur nous-mêmes, en prenant pour modèle le Venezuela chavéziste – c’est-à-dire une économie fermée, incapable de produire et qui conduit son peuple à la misère – ou acceptons-nous la logique de l’ouverture ? Dans les pays comparables aux nôtres, les taux d’imposition des revenus de l’épargne sont très inférieurs. Nous sommes dans une anomalie injustifiée...

Nous avons donc deux options : soit – comme nos amis de La France insoumise nous le proposent – aller vers un autre système ; soit accepter cette normalisation. C’est difficile, le peuple français ne le comprend pas très bien, mais ce sera notre courage et notre honneur que de le faire !

M. Charles de Courson. Sous la précédente législature, nos collègues socialistes s’étaient fondés sur un présupposé erroné : les revenus d’activité doivent être taxés à l’identique des revenus du patrimoine, y compris les plus-values. Ils ont été obligés de faire marche arrière dès la deuxième année... Le fameux amendement des « 40 % » que M. Coquerel veut supprimer vient de là.

Pourquoi cette interprétation était-elle complètement fausse ? Ouvrons les fenêtres, nous ne sommes pas seuls au monde ! Que font les grands pays qui nous entourent, notamment l’Allemagne ? Pourquoi pratiquement tous ont-ils mis en place une flat tax autour de 30 % ? Pour la raison rappelée à l’instant par Jean-Louis Bourlanges : le patrimoine est l’accumulation d’une épargne et l’épargne est du travail différé, non consommé, qui a déjà supporté une première fois l’impôt. Taxer de la même façon les revenus d’activité et les revenus du patrimoine est donc une hérésie économique ! Cela signifie que l’on veut défavoriser l’accumulation du patrimoine, pour reprendre un terme cher à Karl Marx. Pourtant, l’accumulation, c’est l’investissement et cela permet d’intégrer de nouvelles technologies, mais également d’augmenter la productivité et le niveau de vie. C’est la raison pour laquelle Les Constructifs sont favorables à cette flat tax et au taux de 30 %.

Par ailleurs, notre système est absurde : les placements liquides sans aucun risque sont exonérés d’impôt alors que les placements risqués sont beaucoup plus taxés ! Veut-on détruire le dynamisme économique de notre pays ? On y est partiellement arrivé... Contrairement à ce que vous croyez, le livret A est plébiscité par les riches, qui détiennent 80 % du stock du livret A, et l’utilisent pour optimiser leurs « encaisses oisives ».

Il ne faut donc pas s’étonner que les gens privilégient l’épargne liquide et que les fonds propres et la rentabilité de nos entreprises soient si faibles. Si M. Coquerel s’intéresse aux données de la comptabilité nationale, il sera heureux d’apprendre que la part des salaires dans la valeur ajoutée n’a pas baissé en France ; elle a même légèrement augmenté, à la différence d’autres pays.

M. Jean-Noël Barrot. Le PFU a deux grandes vertus : d’abord il rend nos produits d’épargne plus lisibles, alors qu’auparavant les épargnants étaient seuls face à un maquis d’aides ; ensuite, nous serons désormais dans la fourchette des taux – de 23 % à 30 % – pratiqués par nos partenaires européens, y compris les plus soucieux de justice sociale.

S’il est effectivement normal de taxer les revenus du capital, il faut également se rappeler qu’ils ne sont pas tombés du ciel, mais issus du travail ou de la transmission familiale. À ce titre, ils ont déjà été frappés par un impôt, dont on peut discuter si vous le souhaitez.

Pourquoi une telle mesure ? Il ne s’agit pas de redistribuer la fiscalité d’une partie de la population française vers l’autre, mais de traiter un enjeu de financement de l’économie française, d’investissement et d’emploi. Évidemment, nous faisons un pari dont il faudra évaluer les effets et faire le bilan dans quelques années.

M. Patrick Hetzel. Avec cet article, et notamment le PFU, le Gouvernement croit pouvoir changer le comportement de nos concitoyens. Je pense que c’est une erreur majeure, car l’aversion au risque est forte chez une grande partie des Français, et vouloir procéder de cette façon avec le PFU sera contreproductif. Regardez le plan d’épargne en actions (PEA) : ce n’est pas parce qu’on adopte des dispositions fiscales avantageuses que les comportements changent.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends certains de nos collègues dire : « Nous faisons un pari », sauf que c’est avec l’épargne des Français, et que c’est dangereux. L’épargne est définie par deux critères : l’investissement dans l’économie et la durée. Or vous êtes en train de totalement modifier ces données. Alors que, depuis 1990, il faut détenir un contrat d’assurance-vie pendant huit ans pour obtenir une exonération fiscale totale, on pourra désormais en sortir à n’importe quel moment. Vous allez casser la stabilité de l’épargne qui finance l’économie. En outre, dans la mesure où une sortie anticipée est aujourd’hui imposée à un taux très élevé et que ce ne sera plus le cas demain, combien ces sorties anticipées vont‑elles coûter à l’État ?

M. Laurent Saint-Martin. Mme Louwagie a dénoncé, dans le fond, un encouragement à la spéculation individuelle, mais dans l’actionnariat individuel et les épargnants qui investissent aujourd’hui dans les entreprises, on ne voit rien de tel, ni dans l’intermédiation financière ni dans l’investissement en direct. Ce n’est donc pas en encourageant davantage d’investissement dans nos entreprises que nous allons favoriser l’investissement à court terme. C’est un fantasme.

De même, je ne comprends pas pourquoi M. Le Fur dit que la mesure va encourager l’investissement uniquement dans les valeurs du CAC40. Ces valeurs sont des valeurs sûres avec un rendement globalement faible ou mesuré, alors que l’encouragement à la prise de risque concerne plutôt des sociétés relevant du capital développement : PME, ETI, voire TPE à forte croissance.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. S’agissant du changement de comportement des épargnants, il faudra de toute façon intervenir auprès des banques ou des assureurs, car l’épargne des Français est clairement orientée en fonction de la fiscalité la plus avantageuse. Les banques et compagnies d’assurance devront participer à ce changement pour aider à modifier le comportement des Français et libérer cette épargne.

Mme Nadia Hai. Je crois que Mme Dalloz ne connaît pas la fiscalité d’un contrat d’assurance-vie. Il y a bien une fiscalisation après huit ans : un abattement s’applique sur la partie de l’encours constituée par les plus-values et intérêts, et, au-delà, une imposition de 7,5 % plus les prélèvements sociaux.

M. le président Éric Woerth. Je pense que le prélèvement libératoire unique de 30 % est une bonne chose, et plusieurs candidats à l’élection présidentielle convergeaient sur ce point. C’était d’ailleurs, avec un taux un peu plus élevé, la situation avant la réforme de 2012 ou 2013. Mais je pense que vous commettez une grosse erreur sur l’assurance-vie. C’est un sujet très sensible et il y a beaucoup d’argent, même si, certes, il n’est pas suffisamment intégré à l’économie ; je proposerai un amendement pour réorienter cette épargne. Le paradoxe, c’est que le nouveau régime taxe moins le court terme et davantage le long terme qu’aujourd’hui, alors que le placement long est quand même un avantage de l’assurance-vie.

M. le Rapporteur général. Cet article vise à rendre plus lisible la fiscalité du capital, donc à permettre aux épargnants, grands et petits, d’orienter au mieux leur épargne vers l’investissement productif. Le rapport de nos anciens collègues Karine Berger et Dominique Lefebvre, en avril 2013, convenait qu’il fallait « dynamiser l’épargne financière des ménages » dans un contexte de sortie de crise. L’objectif de ce rapport était de « réorienter 100 milliards d’euros de patrimoine financier en quatre ans vers le financement productif des entreprises françaises ». Cet objectif n’ayant pas été atteint, le PFU sera peut-être l’outil qui permettra d’inverser la tendance, une tendance lourde que M. Bourlanges a quasiment qualifiée de culturelle, ce qui n’est pas faux. Avis défavorable, naturellement, aux amendements de suppression.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF507 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Il s’agit d’exclure de l’assiette du PFU les revenus perçus sur des comptes domiciliés dans des institutions financières situées à l’extérieur de l’Union européenne. L’idée est que ces comptes ne bénéficient pas du nouveau système, et ce en vue d’encourager le rapatriement de cette épargne vers le territoire de l’Union européenne.

M. le Rapporteur général. L’amendement est potentiellement lourd de conséquences, dans la mesure où il prévoit que le PFU ne s’appliquerait pas du tout aux comptes ouverts hors de l’Union européenne. Le dispositif pose de nombreux problèmes techniques et juridiques. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

Puis la commission est saisie de l’amendement I-CF195 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Patrick Mignola. Il s’agit de la même chose qu’avec le précédent amendement, mais pour les revenus distribués par des entreprises hors de l’Union européenne. Il est important de retrouver le sens politique, dans la meilleure acception du terme, du PFU. Si le but est d’orienter davantage l’épargne vers l’entreprise, malgré les obstacles culturels qui ont été décrits, il convient néanmoins, dans la mesure où c’est un effort important pour l’État, de vérifier que l’épargne ainsi réorientée profitera bien à l’économie européenne et française.

M. le Rapporteur général. Cet amendement comporte un risque juridique, car il prévoit d’introduire une différence de traitement entre les dividendes versés au sein de l’Union européenne et ceux qui proviendraient d’une entreprise installée hors de l’Union. Sous réserve d’une analyse juridique plus approfondie, il semble que cette différence de traitement pourrait être contraire au droit de l’Union européenne.

Il existe un contentieux, dit « OPCVM », qui provient du fait que la France a appliqué entre 1978 et 2012 un prélèvement à la source sur les dividendes des OPCVM étrangers, alors que les OPCVM français étaient exonérés de ce prélèvement. La justice européenne a considéré que cette pratique était contraire au principe de libre circulation des capitaux. Il est probable que l’amendement proposé soit contraire au droit de l’Union européenne pour les mêmes motifs.

En outre, il n’est pas évident que l’application d’un prélèvement à la source différent soit vraiment le moyen efficace pour relocaliser ces comptes en France. Avis défavorable.

M. Jean-Louis Bourlanges. C’est par erreur que mon nom a été associé à ces amendements – non que je désapprouve leur orientation, mais je pense, comme le Rapporteur général, que c’est contraire au système juridique communautaire.

M. Jean-Noël Barrot. Nous avions perçu ces difficultés juridiques, mais il nous a paru important de lancer le débat, car cette infraction éventuelle et très marginale à la libre circulation des capitaux est très légère par rapport aux restrictions qu’imposent d’autres pays comparables, comme les États-Unis.

La commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF213 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Pour parvenir à un PFU de 30 %, on fait passer la contribution sociale à 17,2 % et on fixe le taux d’imposition à 12,8 %. Je propose de porter ce dernier à 14,5 %, soit un PFU total de 31,7 %. Ce serait un geste de solidarité, étant entendu que cette fiscalité est liée soit à des distributions de dividendes, soit à la réalisation d’une plus-value sur cession de titres.

M. le Rapporteur général. Ce débat aurait davantage sa place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Or, celui-ci prévoit déjà une augmentation de la CSG de 1,7 point, déductible de l’IR, à laquelle vous voulez ajouter une augmentation de 1,7 point au titre de l’IR. L’objectif poursuivi par le Gouvernement est de procéder à une clarification de la fiscalité du capital qui ne conduise pas à l’alourdir. La barémisation des revenus du capital a été à l’origine d’un recul important des placements en actions des Français. Cet amendement irait dans le même sens, qui n’est pas souhaitable compte tenu de la dynamique nouvelle que nous voulons impulser. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie, en présentation commune, l’amendement I-CF118 de M. Patrick Hetzel, les amendements identiques I-CF372 de Mme Véronique Louwagie et I-CF624 de M. Charles de Courson, les amendements identiques I-CF277 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF369 de Mme Véronique Louwagie et I-CF623 de M. Charles de Courson, ainsi que les amendements identiques I-CF48 de Mme Lise Magnier et I-CF518 de M. Charles de Courson.

M. Patrick Hetzel. Je propose d’exclure l’assurance-vie du dispositif prévu par le Gouvernement. Dans ce dispositif, en effet, l’épargnant qui souhaite profiter de l’assurance-vie pour réaliser une épargne de court terme, inférieure à huit ans, est gagnant seulement s’il possède plus de 150 000 euros. Cela rompt le respect des capacités contributives puisque les épargnants aux contributions supérieures paieront moins d’impôt que ceux aux contributions inférieures.

Je ne suis pas non plus convaincu par les arguments selon lesquels cela n’encouragerait pas la spéculation. De fait, cette disposition va privilégier le court terme, alors que le Gouvernement avait annoncé qu’il souhaitait privilégier le long terme.

De même, les modalités posent question. Comment est-il prévu de calculer l’épargne en assurance-vie des contribuables ayant plusieurs contrats auprès de différents assureurs ? L’épargnant devra-t-il demander à chacune de ses compagnies d’assurance-vie s’il est au‑dessous ou au-dessus du seuil de 150 000 euros ? Quelle autorité le vérifiera ? Qu’en est-il alors du secret professionnel de chaque compagnie d’assurance-vie ? Ces questions n’ont pas été traitées. D’où cet amendement de suppression des alinéas 16 à 40.

M. Charles de Courson. La flat tax aboutit à un résultat paradoxal, car elle abaisse la pression fiscale sur les contrats d’assurance-vie de moins de huit ans et l’augmente au-delà de huit ans, alors que tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut encourager l’investissement long. Il existe deux grandes solutions : celle que je préconise dans l’amendement I-CF624, qui consiste à sortir l’assurance-vie du PFU, et celle qui consiste à la maintenir mais dans un système particulier, avec décroissance du taux de prélèvement forfaitaire en fonction de la durée et, en contrepartie – ce dont nous avons rêvé pendant des années en commission des finances ! –, l’investissement d’une part significative dans des PME.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF48 vise à ce que les règles du jeu ne soient pas changées en cours d’année.

M. le Rapporteur général. La démarche qui sous-tend ces amendements est contradictoire avec celle du projet de loi, qui vise à remettre sur le marché des liquidités pour le financement des entreprises. Je précise que ce sont les compagnies d’assurance qui sont chargées de fournir les informations. Plusieurs amendements sont prévus pour traiter les angles morts qu’a évoqués M. Hetzel. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Il faut parler aussi de rétroactivité. L’objet de l’amendement I-CF518 est de n’appliquer le PFU qu’aux nouveaux contrats.

M. le Rapporteur général. Il n’y a pas de rétroactivité.

M. Laurent Saint-Martin. Vous avez raison de dire qu’il existe une certaine iniquité dans les rachats à moins de huit ans, particulièrement pour les contrats inférieurs à 150 000 euros. Un amendement a cependant été déposé en ce sens.

Je pense que vous avez tort de penser qu’un bon investissement pour l’épargnant est nécessairement un investissement long. Les grandes entreprises n’ont pas besoin d’actionnariat individuel pour avoir de la liquidité, et les épargnants ont quant à eux besoin de retrouver une certaine liberté dans la disposition de leur épargne, pour accéder aux liquidités plus rapidement, mais aussi parce qu’une certaine rotation du capital permet de réaliser des investissements performants en tant qu’individus. L’investissement long est un faux ami. Vous confondez intérêt pour les entreprises et intérêt pour les épargnants.

M. Patrick Hetzel. Il y avait des angles morts, et je note que des amendements sont nécessaires pour les corriger. Cela montre bien l’impréparation du Gouvernement.

M. le Rapporteur général. La co-construction est importante, et c’est quelque chose qui fonctionne bien dans cette majorité !

Mme Amélie de Montchalin. Entre l’épargne et les PME, il y a les intermédiaires financiers, qui aident les épargnants à se diversifier, à changer leur niveau de risque et les entreprises à assurer une stabilité du capital. Nous avons prévu de remplir pleinement notre rôle de contrôle une fois que ce budget sera voté, pour que les intermédiaires financiers remplissent leurs missions, entre une épargne des Français qui doit changer d’allocation et des patrons de PME qui ont besoin de lisibilité et stabilité.

La commission rejette successivement l’amendement I-CF118, les amendements identiques I-CF372 et I-CF624, les amendements identiques I-CF277, I-CF369 et I-CF623, puis les amendements identiques I-CF48 et I-CF518.

La commission est saisie de l’amendement I-CF288 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. M. Bourlanges nous a expliqué qu’il fallait réduire la fiscalité des revenus de l’épargne et ne surtout pas la comparer à celle des revenus du travail. Or, si l’article 11 réduit la fiscalité de l’épargne sur certains produits, il l’augmente sur d’autres, en particulier pour l’assurance-vie, ainsi que sur le PEL, comme j’y reviendrai avec d’autres amendements. Ce sont pourtant des produits qu’affectionnent une partie des épargnants, qui recherchent non pas la prise de risque mais la stabilité. C’est pourquoi je propose d’exclure un certain nombre de produits de cet article.

M. le Rapporteur général. Nous souhaitons précisément alourdir la fiscalité sur certains placements dits « de bon père de famille » pour que les gens investissent davantage cette épargne actuellement immobile dans l’économie, sous d’autres formes.

Mme Amélie de Montchalin. En dessous du seuil de 150 000 euros, nous considérons qu’on est encore dans l’épargne, et la fiscalité reste donc avantageuse. Au-dessus, on est dans l’investissement, et nous appliquons alors le PFU de 30 %, considérant que d’autres produits sont plus productifs parce que plus orientés vers les entreprises, pour lesquels la fiscalité reste avantageuse.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF228 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement vise à permettre un régime de faveur au titre du PFU pour des titres détenus depuis plus de deux ans. Une mesure identique existe dans les holdings pour les cessions de titres de participation. Une détention de deux ans permettra de bénéficier du PFU.

M. le Rapporteur général. Je suis perplexe. Selon l’exposé sommaire, l’objectif de l’amendement soit de garantir un délai de détention de deux ans avant l’application de l’abattement pour durée de détention. Or l’article 11 supprime les abattements pour durée de détention ; je ne vois donc pas bien quel est l’objectif poursuivi. En outre, l’amendement porte sur l’alinéa 82 de l’article 11, qui a trait au traitement fiscal des compléments de prix liés à une cession de valeur mobilière. Je vous invite à le récrire d’ici à la séance.

M. Jean-Paul Mattei. Le principe d’une détention des titres pendant au moins deux ans pour être éligible au PFU est-il complètement farfelu ? Cela existe déjà, je le répète, pour les holdings.

M. le Rapporteur général. L’idée de l’article est, comme je l’ai dit, de supprimer les abattements pour durée de détention.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF658 du Rapporteur général et I-CF567 de Mme Amélie de Montchalin.

Mme Olivia Gregoire. L’article 11 met en place le PFU dans l’objectif de simplifier notre fiscalité du capital. C’est sur ce principe que sont supprimés certains abattements qui, avec l’allégement global de la fiscalité, ne sont plus pertinents. L’abattement applicable aux plus-values réalisées par des dirigeants de PME lors de leur départ en retraite reste cependant un cas particulier. Son extinction était prévue fin 2017, ce qui aurait représenté pour ceux sur le point d’en bénéficier un coup brutal porté à leurs projections financières. La majorité choisit donc de prolonger le dispositif jusqu’au 31 décembre 2022.

Le présent amendement propose un aménagement des conditions de sollicitation de cet abattement pour la période de 2018 à 2022. D’une part, maintenir les mêmes conditions ne ferait que repousser la date à laquelle la disparition du dispositif laisserait sur le carreau de nombreux patrons de PME proches de la retraite. D’autre part, l’amendement vise aussi à adapter la réglementation à une situation souvent mal comprise. À rebours de l’idée reçue, les cessions de PME s’opèrent aujourd’hui principalement avant 55 ans et non au moment du départ à la retraite. C’est le cas pour 77 % des TPE et plus de 50 % des PME. L’abattement dans sa forme actuelle ne profite en réalité ni aux patrons de PME ni à l’économie car, si le patron attend l’âge de la retraite pour céder ou transmettre son entreprise, c’est qu’il cherche le repreneur idéal, malheureusement très difficile à trouver ; en découlent des situations où la PME n’est ni cédée ni transmise, mais cesse purement et simplement son activité, un cas de figure néfaste que nous connaissons tous dans nos circonscriptions.

Cet amendement propose de passer d’un abattement pouvant être sollicité uniquement au moment du départ à la retraite à un abattement utilisable une fois dans la vie, à n’importe quel moment. Cela rassurera ceux qui aujourd’hui, à 50 ou 55 ans, ont consacré leur vie à leur entreprise, n’envisagent pas de partir à la retraite avant longtemps mais souhaitent à raison bénéficier de l’abattement. La contrepartie serait bien de prendre aujourd’hui l’engagement de ne pas prolonger l’abattement au-delà de 2022. Cela permettra également de faciliter les démarches des patrons de PME qui cherchent des repreneurs.

M. Jean-Paul Mattei. Si j’ai bien compris cet amendement qui me paraît assez pertinent, il n’est plus prévu de conditions de départ à la retraite : on va simplement disposer d’un joker que l’on pourra utiliser une fois au cours de sa vie ?

M. le Rapporteur général. C’est tout à fait cela.

Mme Amélie de Montchalin. L’objectif de cette mesure est de faciliter la consolidation de nos PME – car, aujourd’hui, on attend trop souvent l’âge de la retraite pour céder son entreprise –, en ne liant plus l’abattement à l’âge et au départ à la retraite. Nous sommes donc favorables à l’amendement I-CF658, dont la rédaction est tout à fait conforme à notre objectif.

L’amendement I-CF567 est retiré.

La commission adopte l’amendement I-CF658 (amendement n° I-589).

La commission est saisie de l’amendement I-CF289 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Le présent amendement vise à préserver la fiscalité actuellement applicable au PEL. Vous semblez ne pas comprendre qu’il s’agit d’un outil très précieux pour l’accession à la propriété, puisque votre texte prévoit de faire disparaître la prime allouée quand on « casse » le PEL et de soumettre celui-ci à un prélèvement de 30 %, bien supérieur au prélèvement actuel, et appliqué au premier euro, alors qu’il ne l’était jusqu’à présent qu’au-delà de 150 000 euros. Je ne vois pas comment le PEL pourrait résister à tout cela, et je crains que l’on n’assiste à la disparition de l’un des outils les plus précieux en faveur de l’accession à la propriété.

M. Jean-Noël Barrot. Si nous sommes favorables à l’épargne populaire, qu’il convient d’encourager, y compris celle qui reste liquide, nous estimons que le PEL est une aberration totale. En effet, 5 % seulement des PEL débouchent sur une acquisition financée par un prêt PEL, et la prime d’État qui vient abonder les PEL coûte 500 millions d’euros pour un dispositif qui n’atteint absolument pas l’objectif qui lui est assigné.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Effectivement, le PEL ne répond plus à l’objectif pour lequel il a été créé : il est utilisé uniquement comme un produit d’épargne, mais ne sert plus à obtenir un prêt étant donné les taux d’intérêt. Il est très fréquent que les épargnants conservent au-delà de douze ans des PEL sur lesquels ils ont accumulé de très grosses sommes, car en dépit de la fiscalité, ce produit continue d’offrir un rendement très intéressant : c’est de l’argent qui dort au lieu d’être investi dans l’économie du pays, et qu’il serait bon de libérer.

M. le Rapporteur général. Si l’encours d’épargne du PEL est en augmentation notable, le montant des prêts consentis dans ce cadre a subi un véritable effondrement, puisqu’il a diminué de 81 % entre 2006 et 2016. Ce produit si précieux aux yeux de M. Le Fur ne remplit donc plus du tout son objectif.

Mme Amélie de Montchalin. Je vais utiliser une formule un peu provocante : je pense que les nouveaux PEL sont des produits toxiques. En effet, quand vous ouvrez un PEL en octobre 2017, votre banquier vous garantit un taux de 1 % pendant quatre à dix ans. Ce qui en fait un produit toxique, c’est que les taux vont remonter bien au-delà de 1 %, comme nous le savons tous.

Les Français sont habitués à un PEL qui fonctionnait très bien quand les taux étaient en baisse, et permettait de financer un emprunt avec un taux plus bas que celui rémunérant l’épargne. Aujourd’hui, il est anormal de bloquer l’épargne des Français à un taux fixe de 1 %, alors que l’inflation est bien supérieure et que les taux des prêts immobiliers vont également repartir à la hausse. Pour la bonne santé financière de notre épargne et de nos ménages, il est essentiel de mettre fin une bonne fois pour toutes – je parle des nouveaux PEL – à ce produit sur le déclin. Pour ce qui est des anciens PEL, la fiscalité reste inchangée : les sommes qui ont été versées sur ces plans continueront à être taxées comme initialement.

M. le président Éric Woerth. Il est clair que vous voulez mettre fin aux nouveaux PEL.

Mme Amélie de Montchalin. C’est effectivement l’objectif de cette mesure.

Mme Nadia Hai. Je souscris totalement à ce qui a été dit par Mme Verdier-Jouclas.

M. Marc Le Fur. M. le Rapporteur général nous a expliqué que l’encours de l’épargne sur le PEL était en hausse, tandis que le montant des prêts consentis dans ce cadre diminuait. Certes, mais cela s’explique par la situation particulière dans laquelle nous nous trouvons, marquée par des taux d’intérêt très faibles. Quand les taux vont remonter, le PEL recommencera à fonctionner comme il le faisait auparavant. Je suis très inquiet de voir que vous vous apprêtez à enterrer un outil qui, durant des années, a permis l’accession à la priorité – comme on enterre d’autres formules permettant l’accession à la propriété sur un certain nombre de territoires –, et je pense que les Français partageront mon inquiétude en apprenant votre intention.

Mme Valérie Rabault. Madame de Montchalin, je trouve très grave que vous disiez aux très nombreux Français qui disposent de faibles revenus et ont placé leur épargne sur un PEL qu’ils ont souscrit un produit toxique, car c’est faux.

Mme Amélie de Montchalin. Je parlais uniquement des nouveaux contrats.

Mme Valérie Rabault. Un produit toxique est un produit qui fait perdre son capital à l’épargnant, ce qui n’est pas le cas du PEL. Vous avez peut-être pour stratégie de faire peur aux Français pour tuer le PEL, mais il faut arrêter de dire n’importe quoi !

Mme Amélie de Montchalin. J’ai bien dit que j’utilisais à dessein une expression provocante. Je la retire si elle vous choque, mais je maintiens qu’il n’est pas sain pour les ménages français de continuer à ouvrir de nouveaux PEL. Bloquer pendant dix ans de l’épargne à 1 %, dans un monde où les taux vont progressivement remonter ne va en rien les aider à emprunter pour financer un investissement immobilier : pour un projet de ce type, ce n’est pas le bon produit.

M. Éric Alauzet. Un prêt toxique est un prêt contenant un leurre sur le taux d’intérêt, ce qui est le cas du PEL.

M. le président Éric Woerth. Cette définition ne me paraît pas très juste.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’épargne logement n’est pas un produit toxique, mais au contraire est un placement sûr, qui a la faveur d’un très grand nombre de nos concitoyens. Quant au fait que le montant des prêts diminue, cela n’a rien d’étonnant dans le contexte des taux actuels. Si les prix du marché viennent à remonter, je vous garantis que les Français vont à nouveau demander des prêts dans le cadre du PEL : c’est le mécanisme du marché.

J’avais déposé un amendement visant à ce que seuls les PEL de plus de douze ans se voient appliquer le PFU, tandis que les PEL plus récents, ainsi que les nouveaux, continuent d’être exonérés de toute nouvelle taxation. Vous avez peut-être une vision orientée dans vos placements, mais je vous assure que la majorité des Français n’ont pas cette vision et veulent continuer à épargner sur leur PEL.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement I-CF108 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement vise à exclure l’assurance-vie et le PEL de l’assiette du PFU. Les Français n’ont pas forcément la volonté de se diriger vers des placements élaborés et à risque : la plupart d’entre eux veulent des produits d’épargne simples et faciles, et nous devons faire en sorte qu’ils puissent continuer à accéder à de tels produits.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement I-CF597 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Puisque le PEL est devenu un produit d’épargne qui débouche rarement sur un investissement immobilier, il faut en tenir compte et ramener la durée d’exonération de PFU sur ce placement de douze ans à quatre ans – cette durée étant celle à partir de laquelle on peut demander un prêt dans le cadre du PEL, ce qui n’a d’ailleurs aucun intérêt compte tenu des taux du marché. Il est logique et cohérent de fiscaliser le PEL dès la première année, mais je ne vois vraiment pas ce que ce produit a de toxique !

M. le Rapporteur général. Il ne faut pas perdre de vue l’essentiel, à savoir le fait que l’on atteint un encours d’épargne de 260 milliards d’euros, alors que l’encours de prêts a chuté de 81 % en dix ans. Pour ma part, je préférerais que ces 260 milliards d’euros soient investis au profit d’un placement plus productif pour l’économie.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement I-CF519 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement a pour objectif d’exclure de l’assiette du PFU les contrats d’assurance-vie souscrit en unités de compte, ayant plus de huit ans et 2 % de leur encours investis en 2018 dans les PME et ETI – cette mesure d’investissement évoluant dans le temps, avec 2,5 % en 2019 et 3 % en 2020.

L’objectif est de réorienter l’épargne vers les PME et les ETI, c’est-à-dire vers l’investissement productif.

M. le Rapporteur général. Je vais me contenter de relire l’intervention du ministre devant notre commission le 27 septembre dernier : « S’agissant de l’assurance-vie, il y a déjà suffisamment d’incitations à la détention d’actifs longs. Nous maintenons les abattements au-delà de huit ans, à hauteur de 4 600 euros pour une personne seule et de 9 200 euros pour un couple. Aurions-nous pu instaurer une fiscalité dérogatoire pour les contrats dont l’encours est de 150 000 euros ou plus pour une personne seule ou de 300 000 euros ou plus pour un couple, afin d’inciter à la détention d’actifs plus risqués ? Les assureurs nous l’ont proposé, mais nous n’avons pas été suffisamment convaincus de la réalité de l’investissement en actifs risqués, et nous avons considéré en outre que cela reviendrait à créer une niche fiscale objectivement favorable aux seuls contrats d’assurance-vie les mieux garnis, qui ne représentent que 4 % des contrats si l’on raisonne en nombre et non en encours. Nous avons estimé que cela n’aurait pas été juste pour 96 % des détenteurs et nous n’avons donc pas retenu cette formule. »

J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. Laurent Saint-Martin. La proposition de M. de Courson n’est pas dénuée d’intérêt, et aurait pu être votée l’an dernier. Cependant, cette année, nous voulons adresser un signal sans précédent en matière d’environnement fiscal et réglementaire, qui va permettre de réorienter l’épargne des Français vers les PME et les ETI tout en simplifiant le dispositif fiscal.

M. Charles de Courson. Je rappelle que cette idée a été émise à plusieurs reprises et par différents groupes, depuis des années. Les assureurs s’étaient engagés sur le chiffre de 2 %, mais ne s’y sont jamais tenus, d’où l’intérêt d’inscrire cet objectif dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette également, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, l’amendement I-CF137 de M. Arnaud Viala.

Puis elle examine l’amendement I-CF691 du président Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement vise à rétablir le taux de 23 % – plus 1,7 % de CSG – sur les contrats d’assurance-vie lorsque le contrat a une durée supérieure ou égale à douze ans, et quel que soit le montant de l’encours.

Par ailleurs, afin de réorienter l’épargne vers un financement des entreprises, l’amendement prévoit une part de 30 % de supports dynamiques destinés au financement des PME et des ETI.

M. le Rapporteur général. En rappelant à nouveau la déclaration du ministre que j’ai citée il y a quelques instants, j’émets un avis défavorable à cet amendement.

M. le président Éric Woerth. Peut-être le ministre avait-il tort : avez-vous envisagé cette hypothèse, monsieur le Rapporteur général ?

M. le Rapporteur général. En tout état de cause, il avait politiquement raison, monsieur le président !

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement I-CF201 de M. Jean-Noël Barrot.

Mme Sarah El Haïry. Le présent amendement vise à réserver un taux de prélèvement forfaitaire unique plus favorable aux contrats détenus plus de douze ans et qui ont été investis, durant cette période, pour plus de 30 % sur des actifs éligibles au PEA ou des engagements « eurocroissance ».

M. le Rapporteur général. Si je comprends bien cet amendement, il s’agit de prévoir un taux super-réduit de 2,8 % pour les contrats d’assurance-vie de plus de douze ans lorsque 30 % des actifs sont placés en unités de compte – je me demande toutefois s’il n’y a pas une coquille dans le texte.

Sur le fond, la réponse a déjà été donnée sur l’opportunité de conserver un taux privilégié pour l’assurance-vie dès lors qu’elle serait investie en unités de compte.

Pour l’instant, les initiatives allant dans ce sens n’ont pas très bien marché. Il semble qu’en alourdissant la fiscalité des contrats les plus importants, il sera peut-être possible d’inciter les investisseurs à placer différemment qu’en assurance-vie.

Toutefois, le taux super-réduit proposé de 2,8 % est beaucoup trop avantageux pour qu’il puisse être voté. Le coût de la mesure sera probablement très important, c’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

Mme Sarah El Haïry. Il y a peut-être une coquille, effectivement. En tout cas, nous retirons cet amendement.

L’amendement I-CF201 est retiré.

La commission examine les amendements identiques I-CF657 du Rapporteur général et I-CF563 de Mme Amélie de Montchalin.

M. Laurent Saint-Martin. Notre amendement, auquel je faisais allusion tout à l’heure, vise à corriger une injustice touchant les contrats d’assurance-vie d’un montant inférieur à 150 000 euros rachetés avant huit ans, dont les détenteurs devraient supporter, pour les primes versées le 27 septembre 2017, un prélèvement supérieur à celui des détenteurs de contrats d’un montant de plus de 150 000 euros.

M. le Rapporteur général. Cet amendement vise effectivement à remédier à une anomalie aboutissant à une iniquité.

M. Charles de Courson. Le Rapporteur général pourrait-il nous expliquer comment les choses se passeraient pour une famille possédant trois contrats d’assurance-vie – c’est la moyenne – auprès de trois organismes différents ? Le fichier de centralisation des contrats d’assurance-vie est-il disponible et opérationnel ? Le cas échéant, de quelle manière les 150 000 euros sont-ils imputés, notamment dans le cas où les trois contrats ont des taux de rentabilité différents ?

M. le Rapporteur général. Comme c’est le cas pour le prélèvement à la source, il suffit de déclarer la somme, et c’est l’administration qui fait le calcul.

M. Charles de Courson. J’appelle votre attention sur le fait que le détenteur ne connaît pas la rentabilité : il faut donc qu’un système permette de savoir si on se situe au-delà ou en deçà de 150 000 euros.

M. le Rapporteur général. Les assureurs sont censés fournir l’ensemble des informations demandées dans le cadre du PFU assurance-vie.

M. Charles de Courson. Mais si j’ai un contrat d’assurance-vie au Royaume-Uni, un en Allemagne et un en France, comment dois-je faire ?

M. le Rapporteur général. A priori, il doit être possible de faire la somme des trois rachats, mais ces points techniques pourront être précisés ultérieurement.

M. Laurent Saint-Martin. La question posée par M. de Courson est intéressante, car s’il est aujourd’hui possible de tracer les rachats, il n’en est pas de même des contrats qui, eux, ne sont pas systématiquement rachetés.

M. Charles de Courson. Si vous avez un contrat qui vous rapporte 3 % au Royaume-Uni, un deuxième qui vous rapporte 1 % en France et un troisième qui vous rapporte 2 % en Allemagne, l’imputation des 150 000 euros a son importance...

M. Laurent Saint-Martin. La taxation sur le revenu du capital sera identique à partir du moment où l’ensemble des contrats dépassera 150 000 euros, quel que soit le contrat sur lequel le rachat sera effectué. En revanche, il est intéressant de connaître l’origine des montants des contrats cumulés.

M. Charles de Courson. Effectivement, mais vous ne répondez pas à cette question.

Mme Émilie Cariou. L’assureur a l’obligation de fournir, tous les ans, la valeur de rachat du contrat d’assurance en cours, même si le rachat n’est pas exercé.

M. Charles de Courson. Le problème, c’est que cette information n’arrive parfois qu’au bout de six ou huit mois.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Étant moi-même banquière, je peux vous dire que les banques sont tenues de communiquer cette information aux contribuables concernés durant le premier trimestre de chaque année.

Mme Émilie Cariou. L’information arrivait peut-être trop tard pour être prise en compte dans le cadre de la déclaration relative à l’ISF, mais cet impôt n’existe plus ; si l’information parvient au contribuable au cours du premier semestre, cela ne pose aucun problème pour la déclaration de l’impôt sur le revenu.

M. Laurent Saint-Martin. Même si vous avez techniquement raison, il ne faut pas perdre de vue que chacun connaît en principe la valeur, même cumulée, des contrats qu’il détient.

M. le président Éric Woerth. Ce n’est pas suffisant. Cela dit, si certains points nécessitent d’être approfondis, ils le seront avant la séance publique – et peut-être également durant la séance, grâce au ministre et à ses services.

La commission adopte les amendements identiques I-CF657 et I-CF563 (amendement n° I-590).

Elle rejette, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, l’amendement ICF368 de Mme Véronique Louwagie.

Puis elle examine l’amendement I-CF197 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Le projet de loi de finances créant deux nouveaux impôts, nous proposons par cet amendement de créer un comité de suivi auprès du Premier ministre, chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et de l’évaluation des réformes fiscales, notamment de leur capacité à réorienter l’épargne vers les investissements productifs. Nous proposons qu’avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2020, ce comité de suivi établisse un rapport public exposant l’état des évaluations réalisées.

M. le Rapporteur général. Même s’il existe déjà un Conseil d’analyse économique, en principe compétent pour connaître de ces questions, et si notre commission s’est déjà saisie du sujet en 2015 sous la forme d’une mission d’information sur l’économie productive, le suivi de l’orientation de l’épargne financière mérite d’être effectué très précisément par notre assemblée. C’est pourquoi je suis favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement (amendement n° I-591).

Elle rejette ensuite, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, l’amendement I-CF359 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Puis elle adopte l’article 11 modifié.

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*     *

Article additionnel après l’article 11
Application du prélèvement forfaitaire unique aux plus-values professionnelles de long terme imposées à l’impôt sur le revenu

La commission examine les articles identiques I-CF655 du Rapporteur général, ICF229 de M. Jean-Paul Mattei et I-CF570 de Mme Amélie de Montchalin.

M. le Rapporteur général. Le présent amendement vise à permettre l’imposition des plus-values professionnelles, lorsqu’elles sont imposables à l’impôt sur le revenu, au même taux global que celui prévu dans le cadre du PFU, soit 30 %. Compte tenu des prélèvements sociaux qui pèseront sur ces plus-values au taux de 17,2 %, le taux d’imposition au titre de l’impôt sur le revenu doit être ramené à 12,8 %, dans un souci de cohérence avec le PFU.

M. Jean-Paul Mattei. Je veux simplement dire que j’espère que les autres régimes, à savoir celui de l’article 151 septies A et celui de l’article 238 quindecies, resteront en vigueur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je me demande quel signal vous comptez envoyer aux Français avec un taux d’imposition sur le revenu à 14 % sur la première tranche, et un taux applicable aux cessions de titres détenus depuis au moins deux ans de 12,8 %.

Mme Amélie de Montchalin. Au maximum !

Mme Marie-Christine Dalloz. On se demande quand même où est la cohérence dans un tel dispositif. N’aurait-il pas mieux valu aligner les taux ?

Mme Émilie Cariou. Notre amendement vise à garantir que l’imposition des BIC, des bénéfices agricoles et des BNC, c’est-à-dire des plus-values réalisées par les personnes qui ont créé leur entreprise et y travaillent, ne dépasse pas le taux global du PFU sur les plus‑values liées à l’épargne, soit 30 %. Il existe des exonérations liées à la transmission pour continuation d’activité ou départ à la retraite, qui seront préservées, mais il restait quelques angles morts sur certaines cessions, potentiellement taxées à 16 %, ce qui, compte tenu des prélèvements sociaux, aboutissait à un taux supérieur à celui applicable à la cession de titres soumis à l’impôt sur les sociétés. Le présent amendement vise à remédier à cette inégalité de traitement entre les détenteurs d’actions et de parts.

Mme Marie-Christine Dalloz. Tout cela manque de cohérence.

Mme Véronique Louwagie. Est-il possible de connaître le coût de cette mesure ?

M. le Rapporteur général. Il est d’environ 50 millions d’euros.

M. le président Éric Woerth. Il existe un droit d’option dans le cas où l’impôt sur le revenu serait inférieur au taux de 30 %, mais je ne sais pas s’il s’applique ici.

M. le Rapporteur général. Le taux était jusqu’à présent de 16 %, sans option possible ; il n’y a donc toujours pas d’option.

Mme Véronique Louwagie. Pour reprendre les propos de Mme Dalloz, il est vrai que, lorsqu’on compare le taux de l’imposition ici proposé au taux de la première tranche de l’impôt sur le revenu, on relève un paradoxe, puisque les plus-values à long terme seront taxées à 16 % alors que les plus-values à court terme le seront à 14 %. Or, nous avons toujours eu pour objectif de moins taxer les plus-values à long terme que les plus-values à court terme. Il faudrait en tout cas préciser dans l’exposé sommaire de l’amendement que ce sont ici les plus-values professionnelles à long terme qui sont visées.

Mme Émilie Cariou. Il s’agit effectivement des plus-values professionnelles à long terme. Les plus-values à court terme sont taxées au barème de l’impôt sur le revenu.

M. Jean-Paul Mattei. La référence à l’article 39 quindecies du code général des impôts suffit : cet article concerne les plus-values à long terme.

M. le Rapporteur général. Il serait néanmoins important de le préciser dans l’exposé sommaire de l’amendement. La référence à l’article 39 quindecies est formelle mais mieux vaut l’indiquer en toutes lettres.

La commission adopte les amendements identiques I-CF655, I-CF229 et ICF570 (amendement n° I-592).

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Après l’article 11

Elle en vient à l’amendement I-CF230 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. Cet amendement vise à corriger une anomalie en matière de report d’imposition des plus-values réalisées dans le cadre de la transmission à titre gratuit d’entreprises. Le système de report prévu par l’article 41 du CGI prévoit une purge de la plus‑value en report au bout de cinq ans.

Je souhaiterais, avec cet amendement, calquer le dispositif sur celui de la mise en société d’une entreprise individuelle. Nous voulons favoriser la mise en société qui bénéficie dans certains cas d’un report d’imposition sur option mais hélas, cette plus-value n’est jamais purgée. Dans le cadre d’opérations menées il y a quelques années, certaines entreprises – des pharmacies, notamment – ont perdu une grande part de leur valeur mais se sont néanmoins retrouvées avec une plus-value en report sur un certain montant.

Il me semblerait donc opportun, dans un souci d’équité, de prévoir qu’au bout de cinq ans cette plus-value est purgée, comme le prévoit l’article 41 en cas de transmission à titre gratuit d’une entreprise individuelle.

M. le Rapporteur général. Le dispositif est fiscalement très intéressant pour les personnes qui transmettent des entreprises individuelles mais il pose plusieurs problèmes.

Tout d’abord, l’amendement fait référence à la valeur vénale des entreprises : qui va la déterminer ? Cette valeur vénale est complexe à évaluer, car elle dépend d’éléments non quantifiables d’un point de vue fiscal. Je m’interroge par ailleurs sur l’opportunité de purger la totalité d’une plus-value, dès lors qu’une entreprise enregistre une baisse de sa valeur, même si cette baisse est minime. Je me demande si cela ne permettrait pas de mettre en place des montages fiscaux à seule fin de pouvoir purger toute la plus-value de report.

M. Jean-Paul Mattei. Prenons l’exemple d’une entreprise ayant fait une plus-value de 200 000 euros dix ans auparavant et qui s’apprête à être cédée pour 150 000 euros. La base d’imposition des plus-values à payer en report sera quand même de 200 000 euros. C’est un problème que nous avions déjà identifié en ce concerne la transmission à titre gratuit des entreprises et le texte avait été amélioré en 2004. On avait alors prévu une purge au bout de cinq ans, délai qui me semble normal.

Il faut rappeler aussi que ce texte vise de petites entreprises, notamment implantées en milieu rural. Cet amendement de bon sens sécuriserait les opérations concernées. On peut éventuellement fixer un délai de dix ans pour éviter les montages mais il ne me semble pas que le texte puisse favoriser la spéculation : ce texte ancien visait à favoriser la mise en société d’entreprises individuelles.

M. le Rapporteur général. Je comprends bien les vertus de ce mécanisme. Cela étant, je crains qu’il ne soit détourné. Je vous suggère de réécrire votre amendement afin d’en sécuriser le dispositif.

M. Jean-Paul Mattei. Soit.

Mme Émilie Cariou. Ce débat nous renvoie à la distinction entre plus-value en report et plus-value en sursis d’imposition. La notion de sursis permet justement de tenir compte des fluctuations de plus-value et de n’imposer que le net. Des projets de réforme ont jadis été écrits par la direction de la législation fiscale pour permettre aux entreprises d’opter pour le sursis d’imposition. En revanche, je trouve gênant d’effacer des plus-values en report car si l’on met une plus-value en report, c’est bien pour l’imposer un jour. Il serait intéressant d’y réfléchir.

L’amendement I-CF230 est retiré.

La commission examine l’amendement I-CF462 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Cet amendement concerne les exonérations fiscales sur l’assurace-vie et les bons ou contrats de capitalisation. Ces exonérations incitent selon nous aux placements financiers non productifs, inutiles pour l’activité du pays. Or, elles coûtent quand même la bagatelle de 1,8 milliard d’euros à l’État. Il conviendrait donc de les supprimer.

M. le Rapporteur général. L’article 11, qui modifie également la fiscalité de l’assurace-vie, se traduira par un alourdissement de la fiscalité sur les contrats de plus de 150 000 euros. C’est manifestement un objectif que vous partagez avec le Gouvernement actuel.

Dans sa forme, cet amendement est incompatible avec la rédaction de l’article 11. Il faudrait donc déjà le modifier pour qu’il puisse être examiné en séance publique. Sur le fond, il modifie la fiscalité en vigueur pour les contrats existants. Il y a donc tout lieu de croire que le Conseil constitutionnel le censurerait en raison de sa rétroactivité.

M. Laurent Saint-Martin. Je note que dans l’exposé sommaire de son amendement, M. Coquerel parle de « placements financiers non productifs, inutiles pour l’activité du pays ». Il reconnaît donc qu’il faut effectivement investir dans les fonds propres des entreprises. Je ne boude pas mon plaisir !

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie des amendements identiques I-CF155 de Mme Lise Magnier et ICF370 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Lise Magnier. Mon amendement vise à privilégier le mécanisme de l’assurace-vie avec une prime à l’épargne longue, notamment dans le cadre de la préparation à la retraite. Ce type de contrat serait exonéré d’impôt au bout de huit ans et plafonné à 150 000 euros de primes versées.

M. le Rapporteur général. Le dispositif que vous proposez serait inefficace pour réorienter l’épargne vers l’économie productive puisqu’il est prévu que le montant ne doit pas être investi en unités de compte. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement I-CF358 de Mme Marie-Christine Dalloz.

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Article additionnel après l’article 11
Relèvement de l’exonération des plus-values immobilières
applicable aux expatriés

Elle aborde les amendements identiques I-CF42 de M. Alexandre Holroyd, I-CF654 du Rapporteur général et I-CF571 de Mme Amélie de Montchalin.

M. Alexandre Holroyd. Mon amendement vise à augmenter l’exonération partielle de plus-values immobilières dont bénéficient certains non-résidents ayant déménagé dans un pays de l’Union européenne, lorsqu’ils cèdent un bien immobilier pour la première fois depuis 2006, dans les cinq ans qui suivent leur expatriation. L’objectif est double : d’une part, faciliter la liberté de mouvement et l’expatriation au sein de l’Union européenne ; d’autre part, assurer une certaine équité fiscale, sachant que les non-résidents fiscaux sont imposés à la CSG de façon assez controversée, sur leurs revenus mobiliers et que cette CSG augmentera dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

M. le Rapporteur général. J’y suis d’autant plus favorable que j’ai déposé le même.

La commission adopte les amendements I-CF42, I-CF654 et I-CF571 (amendement n° I-593).

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Article additionnel après l’article 11
Augmentation du taux de la taxe forfaitaire sur les cessions
de métaux précieux

Elle étudie les amendements identiques I-CF712 du Rapporteur général et I-CF582 de Mme Amélie de Montchalin.

Mme Amélie de Montchalin. Nous en arrivons aux mesures que nous proposons pour ajuster la fiscalité en lien avec la réforme de l’ISF. Dans le cadre de cette réforme, certains biens vont sortir de l’assiette de cet impôt mais ne peuvent pas pour autant être considérés comme des biens productifs ou servant l’économie et l’innovation. Ainsi, les métaux précieux, qui étaient préalablement taxés à l’ISF, seront exclus de l’assiette de l’IFI. Pour éviter tout effet d’aubaine, nous proposons donc une hausse du taux de la taxe forfaitaire sur les objets précieux d’un point, pour porter ce taux à 11 %.

M. Charles de Courson. Avez-vous fait une analyse fiscale comparée ? De mémoire, nous avons déjà eu ce débat, et nous avons constaté que notre taux de 10 % était très supérieur à celui de nos voisins si bien que les transactions se faisaient de plus en plus à l’étranger. En augmentant ce taux d’un point purement symbolique, ne va-t-on pas encore accentuer la délocalisation des transactions sur l’or et les bijoux ? Je me souviens qu’il y a quelques années, des intervenants nous avaient expliqué que le marché de l’or se délocalisait parce que la taxe française était la plus élevée d’Europe.

M. le Rapporteur général. Je n’ai effectivement pas d’étude comparée. En revanche, je peux vous dire qu’avec le taux actuel le produit de la taxe n’a pas diminué ces dernières années. Je n’ai donc pas le sentiment qu’il y ait délocalisation de ces transactions.

M. Jean-Louis Bourlanges. Nous devons assumer ce que nous faisons. Nous sommes absolument incapables d’avoir une fiscalité extrêmement détaillée, comparable, comme le dit M. de Courson, à ce qui se fait ailleurs. Dès lors que nous décidons, soit par la flat tax, soit par l’ISF, de favoriser fiscalement des situations de fortune, nous devons nous interdire de faire du bricolage sur différentes catégories de biens, pour des produits financiers qui seront dérisoires et avec des effets pervers que nous ne maîtrisons pas. Nous nous tirons une balle dans le pied avec un tel amendement alors que nous voulons envoyer un message clair au reste du monde : l’argent est bienvenu en France dès lors qu’il est investi dans l’économie. Comme le disait le président Giscard d’Estaing, « en politique, il ne faut pas raffiner »...

M. le président Éric Woerth. Je partage l’avis de M. Bourlanges : je suis persuadé que nous aurions pu éviter ce débat inutile.

M. Stanislas Guerini. Il ne s’agit pas pour nous de faire la chasse aux signes ostentatoires de richesse, mais bien d’éviter les effets d’aubaine. Nous ne souhaitons pas envoyer de signal ambigu aux acteurs économiques, mais éviter deux écueils : le premier est la création d’une usine à gaz – raison pour laquelle nous proposons de majorer une taxe existante plutôt que d’en créer une nouvelle – et le second le risque de déséquilibrer les filières. Vous avez effectivement souligné le fait que le rendement des taxes concernées n’était pas énorme.

Mme Véronique Louwagie. Contrairement à ce qu’affirme le Rapporteur général, le fait que le produit de la taxe soit en augmentation ne veut pas forcément dire qu’il n’y ait pas de fuite à l’étranger des transactions sur l’or. Le marché fonctionne de façon bien plus compliquée que cela.

D’autre part, notre collègue Guerini parle d’éviter les effets d’aubaine. Mais comment compte-t-il y arriver en augmentant d’un point un taux de taxation ? Ne soyons pas naïfs. Nous avons plutôt l’impression que vous vous réfugiez derrière une mesure de façade visant les signes ostentatoires de richesse et que vous rajoutez un point par-ci, un point par-là, peut-être pour faire plaisir à quelques-uns. Il ne me paraît pas sérieux d’agir de la sorte, sans étude d’impact de surcroît.

M. Stanislas Guerini. La majorité assume parfaitement ses choix de politique fiscale, en supprimant l’ISF, ce que la droite a évoqué pendant des années et n’a jamais fait. Nous le faisons, nous assumons et nous voulons envoyer un signal – et politique et économique – parfaitement clair.

M. le président Éric Woerth. La droite ne l’a pas fait mais elle n’avait jamais dit qu’elle allait le faire lors des campagnes précédentes. Ce que nous avons annoncé, et instauré, en 2007, c’est le bouclier fiscal à 50 %, CSG et contribution au redressement de la dette sociale (CRDS) comprises. C’était un principe bien plus fort que la suppression de tel ou tel impôt, mais il a malheureusement été remis en cause par la crise et une multitude d’autres facteurs. Il n’empêche que l’amendement dont nous discutons vise bien les signes extérieurs de richesse et que vous cherchez une sorte de rééquilibrage de la discussion budgétaire. Dont acte. Cela me semble absolument inutile et je ne suis pas sûr que la fiscalité soit faite pour cela.

M. Charles de Courson. On entame en fait le débat sur l’article 12, relatif à la substitution de l’IFI à l’ISF, et l’on voit bien que cette mesure vise à éteindre certains incendies.

Le problème est simple : vous avez essayé d’avancer un concept, la rente, qui ne correspond pas à la réalité. Il y aurait selon vous des biens qui correspondraient à des rentes et d’autres qui n’en seraient pas. Vous aurez beaucoup de mal à nous expliquer pourquoi, si ma fortune est en obligations garanties par l’État, je suis exonéré d’ISF alors que j’y suis soumis si j’investis cette fortune pour construire des logements. Quant aux yachts et aux objets précieux, c’est du bricolage ! Vous avez fait 80 % du travail, il fallait aller jusqu’au bout en supprimant l’ISF, point final.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je souhaiterais répondre à Stanislas Guerini sur la notion d’effet d’aubaine. J’ai appris dans ma jeunesse – avec M. de Courson, puisque nous avons fait nos études ensemble – deux choses dont je me suis départi. La première était qu’il fallait éviter les effets d’aubaine et la seconde, qu’il fallait rechercher la sélectivité. Ce sont les formes françaises du despotisme éclairé. Le fonctionnaire supérieur sait exactement où mettre l’argent, et l’argent utile distingue la rente de l’investissement.

J’appartiens à l’ancien monde, je suis très vieux et je peux vous dire, au terme d’une longue carrière, que ce qui compte, bien plus que la sélectivité, c’est la simplicité. Prenez la TVA : nous avons cinq ou six taux, les Allemands en ont beaucoup moins. Quand, à la Cour des comptes, nous avons comparé la fiscalité allemande à la fiscalité française, nous nous sommes aperçus que les Allemands, avec leur petit nombre de taux, avaient au bout du compte, une TVA bien plus progressive et favorable aux petits revenus que la nôtre. Le mieux est, dans ces affaires, l’ennemi du bien. Le grand message à faire passer aujourd’hui, pour être compris des investisseurs, des consommateurs et des contribuables, est celui de la simplicité.

M. Jean-Noël Barrot. À titre personnel, je partage absolument l’objectif visé par cet amendement. Si ce dernier vient après l’article 11 et non à l’article 12, c’est précisément parce qu’il vise les transactions, à la différence des amendements déposés à l’article 12 qui, comme l’ISF, visent le stock.

Je me demande cependant si cette mesure permettra effectivement d’éviter les effets d’aubaine, c’est-à-dire l’investissement massif ou soudain dans l’or. Ne va-t-elle pas plutôt freiner les transactions ?

Mme Amélie de Montchalin. Les deux principes qui nous ont guidés étaient, d’une part, d’éviter de créer de nouveaux impôts et, d’autre part, de nous assurer du recouvrement de la recette. La taxe forfaitaire sur les objets précieux existe. Elle s’appuie sur un mécanisme bien défini et elle est recouvrée. C’est donc à la fois par pragmatisme et dans un souci d’efficacité que nous avons décidé de relever le taux de cette taxe. C’est la mesure qui nous semblait la plus appropriée pour taxer les métaux précieux jusqu’ici soumis à l’ISF et qui ne seront pas dans la base de l’IFI.

M. le président Éric Woerth. J’ai entendu plusieurs fois l’expression « effet d’aubaine », or il n’y a pas d’effet d’aubaine.

Mme Amélie de Montchalin. Soustrayant un bien à l’assiette d’un impôt, nous essayons donc faire en sorte que la fiscalité de ce bien reste globalement constante.

M. le président Éric Woerth. Il ne s’agit pas là d’un transfert de la fiscalité de l’ISF vers la taxe sur les objets précieux.

M. Charles de Courson. Je rappellerai gentiment à notre éminente collègue que, dans le système actuel de l’ISF, les biens meubles font l’objet d’un forfait de 5 % calculé sur le montant de l’actif net. On utilise ce système forfaitaire parce qu’on est bien incapable de faire l’inventaire des biens meubles. C’est précisément à cet obstacle que se sont heurtés tous les auteurs d’amendements visant à imposer les œuvres d’art. Par ailleurs, votre texte ne vise pas le stock mais des transactions : si vous ne vendez pas, vous n’êtes pas taxé. Bref, tout cela est de l’affichage et rien d’autre – affichage inutile, de surcroît.

La commission adopte les amendements I-CF712 et I-CF582 (amendement n° I-594).

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Article 12
Création de l’impôt sur la fortune immobilière et suppression de l’ISF

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à remplacer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un nouvel impôt sur la fortune immobilère (IFI) applicable à compter du 1er janvier 2018.

Comme l’ISF, l’IFI pèsera sur la capacité contributive liée à la détention d’un patrimoine ; contrairement à l’ISF, cette capacité contributive sera, dans le cadre de l’IFI, assise sur la détention des seuls biens immobiliers.

Les conséquences de cette assiette réduite sont multiples :

– l’ensemble des valeurs mobilières, des liquidités et des biens meubles coporels ne fait pas partie de l’assiette du nouvel impôt ;

– plusieurs dispositifs applicables, dans le cadre de l’ISF, à la détention ou à la souscription de valeurs mobilières ne sont pas transposées au nouvel IFI (exonération partielle des titres soumis à un « pacte Dutreil », exonération partielle des titres de PME ou des titres détenus par les salariés et les mandataires sociaux, réduction au titre des souscriptions de parts de PME).

Afin que l’IFI ne pèse pas sur la détention de biens immobiliers productifs, le présent article prévoit en outre deux dispositifs :

– les actifs immobiliers affectés à l’activité d’une l’entreprise seront exclus du calcul de son assiette ; en cas de détention indirecte de ces actifs immobiliers par le biais d’une société, ces actifs seront également exclus de cette assiette ;

– le régime des biens professionnels, applicable dans le cadre de l’ISF, est transposé dans le cadre de l’IFI, en n’étant toutefois applicable qu’aux seuls biens immobiliers.

Plusieurs modalités de perception de l’ISF sont par ailleurs reprises dans le cadre de l’IFI :

– la réduction d’ISF au titre des dons à des œuvres d’intérêt général est transposée au nouvel IFI ;

– le barème, l’abattement sur la résidence principale, le mécanisme de plafonnement en fonction des revenus, l’abattement spécifique sur les parts de groupements forestiers, de groupements agricoles fonciers ou les immeubles en nature de bois et forêts sont repris dans le nouvel IFI.

Dernières modifications législatives intervenues

Le régime de l’ISF a fait l’objet de modifications d’ampleur au cours des deux dernières législatures :

– la loi de finances rectificative pour 2011 du 29 juillet 2011 a réformé l’ISF, pour les impositions à percevoir à compter de 2012, en portant le seuil d’imposition à 1,3 millions d’euros, en réduisant la progressivité du barème et en supprimant le barème ;

– la loi de finances rectificative pour 2012 du 16 août 2012 a ensuite visé à effacer les effets de la réforme précédente, en instaurant une contribution exceptionnelle due au titre de 2012 calculée à partir du barème de 2011, sur laquelle se sont imputés les montants déjà acquittés au titre de l’ISF de 2012. Cette loi n’a, toutefois, pas modifié le seuil d’imposition ni rétabli le mécanisme de plafonnement de l’ISF ;

– la loi de finances pour 2013 a rétabli un ISF proche de celui en vigueur avant 2012 : le barème antérieur a été rétabli et le mécanisme de plafonnement a été restauré. Le seuil d’imposition a toutefois été maintenu.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté un amendement du Rapporteur général précisant que la déclaration d’impôt sur la fortune immobilière doit être signée par les deux concubins notoires.

Elle a adopté un amendement du même auteur prévoyant qu’à titre transitoire, les dons déductibles de l’impôt sur la fortune immobilière au titre de l’année 2019 pourront être réalisés jusqu’à la date limite de déclaration de cet impôt.

Elle a par ailleurs adopté un amendement prévoyant la création d’une mission de suivi et d’évaluation de la présente réforme.

Le tableau ci-dessous offre une vision synoptique des caractéristiques du nouvel IFI par référence aux mécanismes déjà applicables dans le cadre de l’ISF.

Impact de la mise en place de l’IFI sur les différents volets de l’ISF

Volet de l’ISF transformé en IFI

Nature de l’impact

Assiette

– Réduction de l’assiette aux biens ou actifs immobiliers non affectés à l’activité d’une entreprise

Abattements

– Pas de modification de l’abattement de 30 % de la résidence principale

– Pas de modification substantielle des abattements de 75 % sur les parts de groupements forestiers, de groupements agricoles fonciers et les immeubles en nature de bois et forêts

Exonération

– Maintien de l’exonération des œuvres d’art

– Suppression de l’exonération de 75 % des parts soumises à un « pacte Dutreil »

– Suppression de l’exonération de 75 % des parts PME

– Suppression de l’exonération de 75 % des parts détenues par les salariés ou les mandataires sociaux

Biens professionnels

– Exonération au titre des biens professionnels transposée à la nouvelle assiette immobilière

– Exonération des locations meublées professionnelles qui réalisent plus de 23 000 euros de recettes annuelles et représentent plus de 50 % des revenus du redevable

Barème

– Pas de modification (maintien de la décote entre 1,3 et 1,4 million d’euros)

Niches

– Suppression de l’ISF-PME (et son pendant pour les entreprises de l’économie sociale et solidaire)

– Maintien de l’ISF-dons

Plafonnement

– Pas de modification

Obligations déclaratives

– Suppression de la déclaration spécifique au 15 juin pour les patrimoines de plus de 2,57 millions d’euros

I.   L’État du droit

Comme son titre l’indique, cet article 12 entend créer un nouvel impôt sans avoir spécifiquement pour référence, au titre du droit applicable, l’ISF.

En pratique, toutefois, le nouvel IFI s’appuie sur de nombreux volets existants dans le cadre l’ISF actuel, dont il peut être utile de rappeler les éléments principaux dès lors qu’ils présentent un lien avec l’objet de la présente réforme, qui porte pour l’essentiel sur l’assiette de l’impôt.

À titre liminaire, le tableau ci-dessous indique le rendement budgétaire de l’ISF – avant et après application du plafonnement et, lorsqu’il était en vigueur, du bouclier fiscal –, ainsi que le nombre de redevables depuis 2007.

principales évolutions budgétaires de l’ISF 

Caractéristiques

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Nombre de redevables

(en milliers)

527

565

559

593

291

290

312

331

342

351

Actif net imposable

(en milliards d’euros)

908

987

947

1041

772

777

839

904

949

986

Produit d’ISF avant plafonnement

(en milliards d’euros)

4,41

4,19

3,63

4,09

4,39

2,26

4,34

4,71

4,94

5,19

Produit d’ISF après plafonnement

(en milliards d’euros)

4,03

3,81

3,26

3,61

3,87

1,7

3,63

3,80

3,89

4,046

Contribution exceptionnelle

2,26

Produit d’ISF après bouclier fiscal

3,11

3,39

3,5

4,05

3,45

3,77

3,88

4,039

Source : DGFiP, février 2017.

A.   Rappel des évolutions successives de l’isf

1.   1982-2005 : des réformes visant à supprimer l’ISF ou à en modifier les modalités de calcul

La loi de finances pour 1982 ([172]) a institué un impôt sur les grandes fortunes (IGF), afin de taxer spécifiquement la capacité contributive que confère la détention d’un patrimoine.

Les personnes physiques redevables de cet impôt sont, depuis l’origine, imposables sur l’ensemble des biens, droits et valeurs leur appartenant, ainsi que sur les biens appartenant à leur conjoint et à leurs enfants mineurs lorsqu’ils ont l’administration légale de ces biens ; les concubins « notoires » sont imposés comme les personnes mariées.

Si l’ISF n’est donc pas, depuis sa création, un impôt « familialisé » prenant en compte le nombre d’enfants à charge, il s’agit bien d’un impôt pesant sur le foyer, en ce sens que le patrimoine de l’ensemble des personnes du foyer est additionné avant sa soumission au barème.

Dans une décision du 29 septembre 2010 ([173]), le Conseil constitutionnel a récemment expressément jugé que l’absence de prise en compte de la composition du foyer, sous la forme par exemple d’un quotient familial existant au titre de l’impôt sur le revenu, ne rendait pas cette imposition contraire au principe d’égalité.

L’ISF pèse depuis l’origine sur les redevables résidents fiscaux, au titre de leurs biens situés en France ou à l’étranger (obligation fiscale dite « illimitée »). Les personnes physiques fiscalement domiciliées à l’étranger sont, pour leur part, imposables au titre des seuls biens situés en France (obligation fiscale dite « limitée »). L’article 885 L du CGI prévoit toutefois que les non-résidents fiscaux ne sont pas imposables sur leurs placements financiers.

L’IGF était payé annuellement sur la base d’une déclaration effectuée au plus tard le 15 juin, évaluant le patrimoine détenu au 1er janvier. Les biens professionnels ainsi que les œuvres d’art étaient exonérés. L’IGF taxait les patrimoines supérieurs à 3 millions de francs, selon un barème progressif à quatre tranches :

– 0 % en-deçà de 3 millions de francs ;

– 0,5 % entre 3 et 5 millions de francs ;

– 1 % entre 5 et 10 millions de francs ;

– et 1,5 % au-delà de 10 millions de francs.

La loi de finances rectificative du 11 juillet 1986 ([174]) a supprimé l’IGF à partir du 1er janvier 1987. Mais la loi de finances pour 1989 ([175]) a rétabli une imposition équivalente à l’IGF, sous la forme d’un impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

Le seuil de patrimoine conduisant à un assujettissement à l’impôt a été fixé à 4 millions de francs, avec un barème progressif à cinq tranches :

– 0 % en-deçà de 4 millions de francs ;

– 0,5 % entre 4 et 6,5 millions de francs ;

– 0,7 % entre 6,5 et 12,9 millions de francs ;

– 0,9 % entre 12,9 et 20 millions de francs ;

– et 1,1 % au-delà de 20 millions de francs.

Un système de plafonnement (plafonnement dit « Rocard ») a été mis en place corrélativement, permettant de limiter le montant de l’ISF à acquitter lorsque le montant cumulé de l’ISF et de l’impôt sur le revenu dépassait 70 % de l’ensemble des revenus.

La loi de finances pour 1990 ([176]) a porté à 1,2 % le taux de la cinquième tranche du barème de l’ISF et instauré une sixième tranche à 1,5 % pour les patrimoines supérieurs à 40 millions de francs.

La loi de finances pour 1991 ([177]) a porté à 85 % le montant du plafonnement des impositions dues par rapport au revenu (plafonnement dit « Bérégovoy »).

La loi de finances rectificative du 4 août 1995 ([178]) a prévu une majoration de 10 % du montant des cotisations d’ISF dues.

La loi de finances pour 1996 ([179]) a instauré un mécanisme de limitation du plafonnement (« plafonnement du plafonnement » dit « Juppé »), limitant pour les assujettis dont le patrimoine dépassait la limite supérieure de la troisième tranche du barème (soit alors 14,9 millions de francs) la réduction d’ISF résultant du plafonnement Bérégovoy à 50 % du montant de la cotisation d’ISF à acquitter ou au montant de l’impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du barème si ce dernier montant était supérieur au précédent.

La loi de finances pour 1999 ([180]) a intégré dans le barème la majoration de 10 % (d’où le nouveau barème suivant : 0 % ; 0,55 %, 0,75 %, 1 %, 1,3 %, 1,65 %) et créé une septième tranche marginale au taux de 1,8 % pour la fraction du patrimoine taxable excédant 100 millions de francs (15 millions d’euros). Elle a également prévu un abattement de 20 % sur la valeur vénale de la résidence principale.

2.   2005-2011 : un mitage de l’assiette et une refonte du barème

La loi de finances pour 2005 ([181]) a porté de 720 000 euros à 732 000 euros le seuil d’imposition à l’ISF et prévu que les limites des tranches du barème de l’ISF seraient désormais revalorisées automatiquement chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

La loi du 21 août 2007 relative au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat, dite « loi TEPA » ([182]), a porté à 30 % l’abattement sur la valeur vénale de la résidence principale pour la détermination de l’assiette de l’ISF.

Elle a aussi instauré une réduction d’impôt de 75 % pour l’investissement dans les PME (dont le taux a été réduit à 50 % en 2011), ainsi qu’une réduction d’impôt de 75 % des dons effectués au profit de certains organismes d’intérêt général (dans une limite annuelle de 50 000 euros, réduite à 45 000 euros en 2011). Elle a enfin augmenté la portée du bouclier fiscal, en fixant la limite d’imposition globale à 50 % des revenus et en y incluant les prélèvements sociaux.

L’article 1er de la première loi de finances rectificative pour 2011 ([183]) a réformé l’ISF dans le sens d’un allégement :

– le seuil d’imposition a été porté, dès l’ISF dû au titre de l’année 2011, de 800 000 euros à 1,3 million d’euros ;

– le barème progressif a été revu en vue d’une taxation dès le premier euro au taux de 0,25 % pour les patrimoines nets taxables égaux ou supérieurs à 1,3 million d’euros et inférieurs à 3 millions d’euros et au taux de 0,5 % pour les patrimoines égaux ou supérieurs à 3 millions d’euros. En outre, un mécanisme de décote a été prévu afin d’éviter les effets de seuil liés à la taxation du patrimoine net imposable au premier euro. Ainsi, un lissage était opéré pour les patrimoines nets taxables à l’entrée du barème, compris entre 1,3 et 1,4 million d’euros, puis pour ceux compris entre 3 et 3,2 millions d’euros ;

– en conséquence de l’allégement du barème, le mécanisme de plafonnement de l’ISF en fonction du revenu a été totalement supprimé (ainsi que le mécanisme de plafonnement du plafonnement) ;

– le montant de la réduction d’impôt pour personne à charge a été porté de 150 à 300 euros et a été étendu à toute personne dont le contribuable assure la charge d’entretien à titre exclusif ou principal ;

– le régime d’exonération des biens professionnels a été précisé, en assouplissant les règles applicables en cas de pluriactivité et en supprimant la référence aux droits financiers pour l’appréciation du seuil minimal de détention de 25 %.

3.   2012-2017 : un mitage de l’assiette et une refonte du barème

La nouvelle majorité a souhaité revenir sur le dispositif voté en 2011 au titre de l’ISF 2012 ; à cet effet, la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 ([184]) n’a donc conservé de la première loi de finances rectificative pour 2011, en ce qui concerne l’ISF, que la disposition portant le seuil d’exonération de 800 000 euros à 1,3 million d’euros ainsi que les nouvelles modalités de recouvrement de l’impôt. En revanche, le nouveau barème à deux taux moyens a été supprimé.

Pour atteindre cet objectif, cette loi a instauré une contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l’année 2012, calculée selon le barème de l’ISF 2011, sur laquelle s’imputent les montants déjà payés au titre de l’ISF 2012. Le résultat finalement recouvré a donc été très proche de celui correspondant à l’ISF qui aurait été perçu avec le barème de l’année 2011.

Dans le cadre de cette réforme, ni l’ISF perçu au titre de 2012 ni la contribution exceptionnelle n’ont été plafonnés.

Dans sa décision  2012-654 DC du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a jugé cette absence de plafonnement conforme à la Constitution dans la mesure où elle présentait un caractère exceptionnel ([185]).

L’article 13 de la loi de finances pour 2013 ([186]) a ensuite rétabli un dispositif de l’ISF pérenne proche de celui en vigueur avant 2012, en instituant toutefois un barème à six tranches, alors que celui en vigueur jusqu’en 2011 en comptait sept.

Conformément à la décision du Conseil constitutionnel, le plafonnement de l’ISF a également été rétabli ; en dépit des tentatives du Gouvernement, ce plafonnement n’intègre pas certaines sommes non disponibles par le redevable, comme les contrats d’assurance-vie, les biens placés en trusts ou les plus-values placées en report.

La loi de finances rectificative pour 2015 ([187]) a en outre procédé à la mise en conformité du dispositif de l’ISF-PME avec le droit européen, en restreignant son champ aux seules entreprises de moins de sept ans ou, au-delà de cette limite, à celles ayant un besoin de financement important.

La loi de finances pour 2017 ([188]) a par ailleurs prévu un mécanisme destiné à éviter certains abus liés au dispositif de plafonnement de l’ISF en fonction du revenu. Afin d’éviter les stratégies d’optimisation, celle loi a ainsi prévu que les revenus distribués à une société contrôlée par le redevable sont réintégrés dans le calcul du plafonnement, dès lors que cette société a pour objet principal d’éluder tout ou partie de l’ISF.

B.   L’assiette actuelle de l’ISF

1.   La part de l’immobilier dans l’assiette actuelle

Selon les données transmises à la commission des finances de l’Assemblée nationale à l’occasion de la réforme de l’ISF-PME, relatives à l’ISF de l’année 2014, l’assiette de l’ISF était ventilée, à cette date, selon les montants retracés dans les tableaux ci-dessous.

Ventilation de l’assiette de l’ISF par catégorie fiscale

(en milliards d’euros)

Année

Résidence principale

Autres immeubles

Bois et forêts

(avant abattement)

Biens ruraux

(avant abattement)

Parts de groupements fonciers agricoles

(avant abattement)

2010

172,9

284,1

3,6

4,6

1,2

2011

31,8

75,7

1,5

1

0,4

2012

30,1

76,7

1,5

0,9

0,4

2013

41,4

100,6

1,9

1,3

0,6

2014

44,7

108,8

2,1

1,5

0,6

 

Année

Titres détenus par les salariés et mandataires sociaux (avant abattement)

Titres faisant l’objet d’un « pacte Dutreil »

Liquidités

Droits sociaux

Autres valeurs mobilières

2010

11,4

17,5

157,9

29,2

282,9

2011

9,7

16,1

46,6

18

121,5

2012

10,3

16,3

46,3

17,4

109,1

2013

13,7

19,8

59,6

19,7

130,1

2014

16,9

23,2

63,6

21,1

147

Source : commission des finances.

La formulation des données ci-dessus sous forme de graphique pour la seule année 2014 fait ressortir l’importance des biens mobiliers et des liquidités dans cette assiette.

Ventilation de l’assiette de l’ISF par nature de biens (ISF 2014)

2.   Les éléments de l’assiette de l’ISF

L’article 885 E du CGI en vigueur prévoit que « l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables » appartenant aux personnes redevables, ainsi qu’à leurs enfants mineurs lorsqu’elles ont l’administration légale des biens de ceux-ci.

L’article 885 D précise par ailleurs que les règles d’assiettes sont, sous réserve de dispositions particulières, celles applicables pour la perception des droits de mutation par décès.

a.   L’assiette immobilière

i.   Les dispositions générales

Le BOFiP-I donne une liste à caractère indicatif des biens et droits immobiliers entrant dans le champ de l’ISF :

– les immeubles bâtis, quelle que soit leur affectation, y compris à usage industriel, commercial, artisanal, agricole ou de profession libérale (sous réserve qu’ils n’aient pas le caractère de biens professionnels) ou à usage d’habitation.

L’ensemble des immeubles sont pris en compte, que l’immeuble soit loué ou que le propriétaire s’en réserve la jouissance, qu’il s’agisse d’une résidence principale (sous réserve de l’abattement de 30 %) ou secondaire.

Les immeubles en cours de construction, les droits réels immobiliers (usufruit, droit d’usage, droit du preneur d’un bail à construction) sont également visés, à l’exclusion d’une concession dans un cimetière.

Les immeubles faisant l’objet d’un bail à construction, c’est-à-dire d’un contrat par lequel le preneur s’engage à titre principal à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d’entretien pendant toute la durée du bail, sont en principe retenus dans le patrimoine du bailleur propriétaire du terrain uniquement à hauteur de la valeur vénale du terrain déterminé en tenant compte de ce bail à construction.

Le preneur est, pour sa part, titulaire d’un droit réel immobilier qui guide la prise en compte, au titre de son propre patrimoine, de la valeur vénale des droits que lui confère le bail, notamment les constructions.

ii.   Les dispositions particulières

Conformément à l’article 885 H du CGI, l’ISF s’applique aux biens immobiliers par nature ou par destination classés ou inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques ou les parts de sociétés civiles représentatives de ces biens.

Les bois et forêts, les parts de groupements forestiers ou les sommes déposées sur un compte d’investissement forestier, lorsqu’ils ne peuvent pas être assimilés à des biens professionnels, entrent dans l’assiette de l’ISF avec une exonération à hauteur des trois quarts de leur valeur.

Les biens donnés à bail à long terme ou les parts de groupements fonciers agricoles bénéficient également d’une exonération à hauteur des trois quarts.

b.   L’assiette mobilière

i.   Les dispositions générales

L’ensemble des valeurs mobilières entrent dans l’assiette de l’ISF, en particulier (sous réserve du régime des biens professionnels) :

– les entreprises industrielles, commerciales ou artisanales ;

– les exploitations agricoles ;

– les fonds de commerce et les clientèles ;

– les charges et offices, et plus généralement les actifs nécessaires à l’exercice d’une profession libérale ;

– les droits de propriété industrielle (brevet, marques de fabrique, dessins et modèles) ;

– les meubles meublants ;

– les biens ou droits placés dans un trust ;

– les bons du Trésor, les bons de caisse, les bons de capitalisation ;

– les parts sociales, les parts de fonds commun de placement et les valeurs mobilières cotées, y compris celles figurant dans un compte d’épargne ;

– les dépôts de toute nature, les créances, les comptes courants et les avoirs en espèce ;

– les dépôts de garantie versés par un locataire au propriétaire ;

– les titres d’indemnisation des rapatriés, qui sont des créances à terme :

– les indemnités d’expropriation consignées à la Caisse des dépôts et consignations.

Au titre des biens de consommation, le BOFiP-I mentionne en particulier les voitures automobiles, les motocyclettes, les yachts et bateaux de plaisance à moteur fixe, hors-bord ou à voile, les avions de tourisme, les chevaux de course et les chevaux de selle.

Il est précisé qu’un navire en cours de construction appartient, jusqu’à son achèvement, au constructeur. Après son achèvement, le navire appartient à la personne désignée comme propriétaire dans l’acte de francisation. Cette règle est également applicable aux aéronefs.

L’ISF s’applique également aux bijoux, à l’or et aux métaux précieux, ainsi qu’aux unités de compte virtuelles stockées sur un support électronique de type « bitcoin ».

ii.   Les dispositifs particuliers

Le régime des biens professionnels permet d’exonérer les biens nécessaires à l’exercice, à titre principal, par leur propriétaire ou leur conjoint, d’une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Ce régime est applicable aux parts de sociétés de personnes soumises à l’impôt sur le revenu ainsi que les parts de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés ; dans ce cas, le redevable doit remplir un ensemble de conditions destinées à garantir que celui-ci occupe une position effective dans l’entreprise qualifiée de bien professionnel :

– il doit être gérant s’il s’agit d’une société à responsabilité limitée (SARL), associé s’il s’agit d’une société de personnes ou président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire s’il s’agit d’une société par actions ;

– ces fonctions doivent être exercées effectivement et donner lieu à une rémunération « normale » et qui représente plus de la moitié des revenus du contribuable ;

– le redevable doit posséder au moins 25 % des droits de vote de la société, ce seuil étant ramené à 12,5 % en cas d’augmentation de capital.

Les titres de PME dont l’activité est opérationnelle, les parts de sociétés dans lesquelles le redevable exerce une activité de salarié ou de mandataire social, les parts soumises à un pacte « Dutreil » sont exonérés (à hauteur de 100 % pour les titres de PME et 75 % pour les deux autres dispositifs).

S’agissant des contrats d’assurance-vie, depuis le 1er janvier 1992, les primes versées après l’âge de soixante-dix ans au titre de contrats d’assurance non rachetables et la valeur de rachat des contrats rachetables sont ajoutées au patrimoine du souscripteur.

Les rentes viagères sont intégrées au patrimoine taxable sauf à ce qu’elles puissent être assimilées à des pensions de retraite, qui échappent à l’ISF.

Conformément à l’article 885 G quater du CGI, les dettes qui ne sont pas directement liées à l’acquisition d’un bien taxable à l’ISF ne peuvent pas être déduites de l’assiette.

Enfin, les objets d’antiquité, d’art ou de collection ne sont pas compris dans l’assiette de l’ISF depuis sa création (tapis, tableaux, gravures, sculptures, timbres objets de collection et objets d’antiquité ayant plus de cent ans d’âge) ; les droits de la propriété industrielle ne sont pas compris dans l’assiette de l’ISF de l’inventeur pas plus que les droits de la propriété littéraire ou artistique.

II.   le dispositif proposé

Afin d’afficher la volonté du Gouvernement de créer un nouvel impôt remplaçant l’ISF, l’alinéa 175 du présent article prévoit, à compter du 1er janvier 2018, l’abrogation complète des articles 885 A à 885 Z du CGI.

Certains des effets de ces articles sont toutefois maintenus à titre transitoire en 2018 par l’alinéa 214, notamment la possibilité d’imputer sur l’IFI les dons, souscriptions au capital de PME ou d’entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Le nouvel IFI fera désormais l’objet d’un nouveau chapitre comprenant les articles 964 à 983 du CGI.

A.   le champ des redevables

Les alinéas 4 à 12 prévoient le champ des redevables du nouvel IFI, qui ne comporte pas de modification par rapport au champ des redevables de l’ISF ; seront donc soumis à l’IFI :

– les résidents fiscaux français, à raison de leurs actifs situés en France ou hors de France (maintien de l’obligation fiscale illimitée). L’alinéa 7 maintient le régime actuel des « impatriés », selon lequel les personnes qui n’ont pas été domiciliées fiscalement en France pendant les cinq dernières années ne sont soumises à l’ISF, pendant les cinq années suivant leur « impatriation », qu’à raison de leurs biens immobiliers situés l’étranger. Ces dispositions figurent actuellement à l’article 885 A du CGI ;

– les non-résidents fiscaux français, à raison uniquement de leurs biens situés en France. La rédaction de l’alinéa 9 est plus précise que le droit en vigueur puisqu’il est disposé que ces non-résidents sont également imposés sur leurs parts de sociétés entrant dans le champ de l’IFI, à hauteur de la fraction de ses sociétés dont le patrimoine immobilier est taxable à l’IFI.

La transformation de l’ISF en IFI n’emportera pas de conséquence sur l’application des conventions fiscales internationales, dont certaines prévoient des mesures spécifiques d’imposition sur la fortune.

Ainsi, l’article 22 de la convention fiscale type de l’OCDE concernant le revenu et la fortune prévoit que « la fortune constituée par des biens immobiliers (…) que possède un résident d’un État contractant et qui sont situés dans l’autre État contractant, est imposable dans cet autre État ». En qualifiant l’IFI d’impôt sur la « fortune », le présent dispositif s’inscrit donc dans les catégories généralement retenues par ces conventions fiscales. S’agissant des conventions fiscales particulières liant la France à certains États, il reviendra à l’administration fiscale de s’assurer que l’IFI bénéficie des mêmes garanties que l’ISF. Il existe en particulier certaines conventions fiscales bilatérales avec certains États du Moyen-Orient prévoyant que l’exonération d’imposition sur la fortune est liée à un investissement en valeurs mobilières françaises, conventions qui devraient continuer à s’appliquer de la même manière à l’IFI.

Conformément aux alinéas 10 à 12 du présent article, les couples mariés, les partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou en situation de concubinage notoire font l’objet d’une imposition commune.

Le patrimoine immobilier des enfants mineurs dont les redevables ont l’administration légale des biens est ajouté au patrimoine taxable, comme le prévoit déjà actuellement l’article 885 E du CGI.

B.   L’assiette de l’IFI

L’alinéa 4 prévoit à titre liminaire que l’IFI pèse sur les actifs immobiliers « non affectés à l’activité professionnelle de leur propriétaire ».

Cette exclusion générale de l’immobilier affecté au fonctionnement de l’entreprise a été affichée par le Gouvernement comme un élément important du nouveau dispositif ; d’un point de vue juridique, il fait ressortir l’importance fondamentale des critères d’affectation retenus par le présent dispositif emportant l’exonération de l’IFI.

1.   L’imposition à l’IFI des biens immobiliers en détention directe

Les alinéas 14 à 16 prévoient, en premier lieu, que l’IFI est assis sur l’ensemble des biens et des droits immobiliers appartenant aux personnes redevables telles que mentionnées précédemment.

La rédaction de ces alinéas ne procède pas explicitement à l’exclusion de l’assiette de l’IFI des biens immobiliers détenus directement par le redevable et qui seraient affectés à l’activité professionnelle du propriétaire, par exemple dans le cadre d’une activité artisanale.

Cette exclusion procède donc de l’application, de portée générale, prévue par l’alinéa 4 du présent article qui permet de sortir de l’assiette de l’ISF les biens affectés à l’activité professionnelle du redevable.

Elle peut également procéder des alinéas 58 à 78, qui transposent à l’IFI le régime actuellement en vigueur des biens professionnels, sans que l’articulation entre ces deux exclusions, dans le cadre de la détention directe, ne soit parfaitement claire.

2.   L’imposition à l’IFI des biens immobiliers détenus par le biais d’une société

Les alinéas 16 à 20 constituent certainement le cœur du nouveau dispositif, puisqu’ils prévoient les modalités selon lesquelles les actifs immobiliers seront soumis à l’IFI lorsque le redevable les détient de manière indirecte par le biais d’une société.

L’alinéa 16 prévoit que les parts de sociétés détenues par les personnes redevables sous prises en compte dans l’assiette de l’IFI à hauteur de la fraction de la valeur de ces actions représentative de biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement par cette société.

Exemple

M. X détient 100 actions –valorisées à 50 000 euros – de la société S, dont l’actif est placé à 25 % en immobilier.

M. X déclare au titre de l’IFI un montant de 12 500 euros, soit 25 % de 50 000 euros.

Le dispositif retenu par le présent article est donc celui d’un ratio, tel qu’il s’applique actuellement dans le cadre de l’article 885 L du CGI.

Cet article permet actuellement d’exonérer les placements financiers des non-résidents fiscaux. Dans le domaine immobilier, le second alinéa de cet article prévoit que l’exonération ne s’applique pas aux parts de sociétés « dont l’actif est principalement constitué d’immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, et ce à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l’actif total de la société ».

Ce mécanisme, s’il n’est pas nécessairement simple du point de vue du contribuable qui doit connaître précisément l’actif de la société dans laquelle il investit, présente le mérite de permettre d’identifier avec un maximum de justesse l’assiette de l’IFI en dépit de la détention indirecte par le biais de la société.

Le présent dispositif ne reprend donc pas la notion de société à prépondérance immobilière, qui est utilisée dans le cadre de l’imposition des plus-values immobilières, de la taxe à 3 %, des droits d’enregistrement et des plus-values soumises à l’impôt sur les sociétés : dans le cadre de ces dispositifs, la société est, dans son ensemble, considérée comme immobilière lorsque ses actifs sont placés à plus de 50 % en immobilier.

Elle ne retient pas non plus un dispositif mixte, qui aurait consisté à calculer un ratio selon les modalités prévues par le présent article, dès lors que la société a son actif placé en immobilier à hauteur d’un certain plancher (par exemple 20 %).

L’alinéa 17 conduit à exclure de l’assiette de l’ISF les parts de sociétés qui ont une activité effective (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale), dès lors que le redevable détient soit directement soit indirectement avec les personnes de son foyer moins de 10 % du capital ou des droits de vote de la société.

Cette rédaction emporte en creux deux conséquences importantes :

– cette exclusion ne s’applique pas lorsque la société a une activité financière ; en termes clairs, les actifs immobiliers non affectés à des sociétés financières entrent dans le patrimoine taxable du redevable quel que soit son niveau de participation ;

– cette exclusion s’applique quelle que soit l’affectation des actifs immobiliers ; concrètement, une entreprise ayant une activité opérationnelle peut avoir des actifs non affectés à l’entreprise sur lesquels le redevable ne sera pas taxé dès lors qu’il possède moins de 10 % de son capital.

Selon l’évaluation préalable de l’article, cette règle « de minimis » doit permettre de tenir compte « de la situation particulière des actionnaires de sociétés (…) qui n’ont pas nécessairement une connaissance fine de l’ensemble des sous-jacents de leurs investissements ».

Le seuil retenu pour cette exclusion des actionnaires très minoritaires peut poser question ; il n’est en effet pas démontré qu’un actionnaire minoritaire a une connaissance moins fine des sous-jacents de son investissement qu’un actionnaire détenant 20 ou 30 % de l’actif de la société.

Par ailleurs, il est à craindre en pratique que ce seuil conduise à des restructurations patrimoniales visant à échapper à l’ISF en répartissant ses investissements dans plusieurs entreprises immobilières, en retenant systématiquement ce seuil d’exonération de 10 %.

Les alinéas 19 et 20 prévoient que certains biens ne sont pas retenus dans le calcul du ratio de la valeur des titres représentant les actifs immobiliers de l’entreprise :

– les biens directement détenus par la société dont le redevable détient les titres, ou détenus par une société dont cette première société détient des parts (un seul niveau d’interposition), ne sont pas retenus dans l’assiette de l’IFI dès lors que ces biens sont affectés à cette activité opérationnelle. Le critère de l’affectation des biens immobiliers à cette activité est donc fondamental ;

– lorsque la société dont le redevable détient les titres a elle-même une activité opérationnelle, l’IFI ne s’applique pas aux biens affectés à l’activité de cette société, à celle de la société qui les détient directement, ou à celle d’une société ou d’un organisme dans lesquels la société détenue par le redevable détient directement ou indirectement la majorité des droits de vote ou exerce de fait le pouvoir de décision.

L’alinéa 21 prévoit une clause de bonne foi, selon laquelle aucun rehaussement d’IFI ne sera effectué si le redevable démontre de bonne foi qu’il n’avait pas les informations nécessaires à l’estimation des biens soumis à l’IFI qu’il détenait en fait.

Conformément à l’alinéa 22, cette clause de bonne foi ne s’applique pas si le redevable contrôle directement ou indirectement la chaîne de participation à travers laquelle il détient ces biens immobiliers ou si l’une des personnes du foyer se réserve la jouissance des biens du redevable.

Cette clause de bonne foi existe actuellement dans le cadre de l’ISF, à l’article 885 O ter du CGI, précisant que le régime des biens professionnels s’applique uniquement à la fraction des biens nécessaires à l’activité de l’entreprise.

3.   La définition de la société opérationnelle retenue pour l’application de l’IFI

Les exonérations d’assiette de l’IFI mentionnées ci-dessus sont articulées autour de la notion de société opérationnelle, dont la définition est précisée par les alinéas 23 à 26.

Pour l’application de ces dispositions, l’alinéa 23 prévoit en premier lieu que l’exercice par une société d’activité de gestion de son propre patrimoine immobilier ne constitue pas une activité opérationnelle (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale).

L’alinéa 24 précise en outre que la définition de l’activité commerciale doit être comprise par référence aux articles 34 et 35 du CGI, définissant le champ de l’imposition des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Le champ des activités visées aux articles 34 et 35 du CGI

Ces articles du CGI considèrent comme des activités industrielles ou commerciales :

– les activités de marchand de bien ;

– les activités de promotion immobilière ;

– l’activité consistant à céder un terrain en lots destinés à être construits ;

– l’activité consistant à donner en location un établissement commercial ou industriel muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation, que la location comprenne, ou non, tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d’industrie ;

– l’activité de location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés ;

– les adjudicataires, concessionnaires et fermiers de droits communaux ;

– les activités portant sur des instruments financiers à terme.

L’alinéa 25 prévoit qu’une société qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, participe activement à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales et rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, ont une activité considérée comme commerciale.

Cet alinéa transpose donc à l’IFI, dans les mêmes termes, la notion de holding animatrice de groupe (HAG) déjà applicable dans le cadre de l’ISF-PME.

Cette notion est actuellement utilisée dans de nombreux dispositifs fiscaux. En raison de son imprécision et des très nombreux contentieux auxquels elle a donné lieu, elle a fait l’objet d’une analyse dans le cadre d’un rapport d’information consacré à l’investissement productif de 2015 ([189]).

Extrait du rapport d’information de MM. Olivier Carré et Christophe Caresche sur l’investissement productif de long terme

Selon les professionnels, cette définition mériterait d’être précisée. Toutefois, la nécessité de figer dans la loi les critères de définition de la holding animatrice, en substitution du faisceau d’indices sculptés peu à peu par le juge, est en soi une question qui mérite d’être posée avec beaucoup d’attention :

– elle risque précisément de figer la notion, dans un domaine où les pratiques sont extrêmement évolutives ;

– elle n’empêchera pas, par elle-même, la multiplication des contentieux et donc, d’une certaine manière, l’insécurité juridique, sauf à élaborer un dispositif fort long et extrêmement précis.

Pour une fois, le législateur mériterait par conséquent de ne pas être accusé d’inaction lorsqu’il évalue avec le plus de précaution possible l’opportunité d’exercer son pouvoir avec retenue, c’est-à-dire en décidant de ne pas légiférer.

L’administration fiscale s’est, en revanche, engagée dans un travail de définition de la notion par instruction fiscale, ce qui est probablement la bonne méthode ; cet outil juridique est suffisamment adaptable pour suivre les évolutions des pratiques financières et fiscales. Nous ne pouvons que l’encourager à reprendre ce travail au plus vite alors qu’il semble avoir été abandonné.

L’alinéa 26 apporte, par ailleurs, une précision complémentaire à la notion d’activité commerciale décrite précédemment, en prévoyant qu’une activité de location de locaux d’habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés n’est pas une activité commerciale, sauf si le redevable exerce dans la société une fonction qui lui permet de bénéficier du régime des biens professionnels.

Ainsi, un marchand de bien qui exerce une activité entrant dans le champ de l’article 35 du CGI décrit précédemment mais qui réalise également accessoirement de la location meublée professionnelle pourra bénéficier des dispositions exonératoires du présent article à la condition qu’il exerce dans la société une fonction de direction.

4.   Les modalités particulières d’imposition de l’usufruit, de la fiducie et du trust

a.   La prise en compte de l’usufruit

Les alinéas 28 à 32 reprennent en grande partie le droit existant – tel que prévu à l’article 885 G du CGI – en le transposant aux actifs immobiliers visés par l’IFI s’agissant de l’intégration dans l’assiette de cet impôt des biens immobiliers grevés d’un usufruit.

Lorsqu’un bien immobilier est grevé d’un usufruit ou d’un droit d’usage personnel, celui-ci est compris dans le patrimoine de l’usufruitier.

Toutefois, la répartition de la valeur entre nue-propriété et usufruit est réalisée selon le barème prévu à l’article 669 du CGI, en fonction de l’âge de l’usufruitier, dans certains cas qui ne sont pas modifiés par la présente rédaction.

b.   La fiducie ou le trust

Les alinéas 33 à 35 reprennent les modalités actuelles de prise en compte à l’ISF d’un patrimoine transféré dans une fiducie ou un trust sans en changer la portée, en limitant toutefois le patrimoine pris en compte à l’immobilier.

La question de savoir si les biens placés en trust entrent effectivement dans le patrimoine du constituant a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité renvoyée au Conseil constitutionnel par le Conseil d’État le 25 septembre 2017 ; dans sa décision de renvoi, le Conseil d’État pose la question de la constitutionnalité de l’imposition à l’ISF de biens placés dans une telle structure, compte tenu du fait qu’ils ne procurent aucune capacité contributive au redevable.

Le Conseil constitutionnel avait déjà censuré, pour ce motif, la prise en compte de ces trusts dans le mécanisme de plafonnement de l’ISF en fonction du revenu.

Compte tenu de la transposition de ce dispositif à l’IFI, il sera, le cas échéant, nécessaire de prendre en compte la décision du Conseil constitutionnel avant la publication de la présente loi, tant s’agissant du trust que de la fiducie, qui constitue son pendant en droit français.

c.   Le crédit-bail et la location-accession

Les alinéas 36 et 37 prévoient une disposition qui n’existe pas actuellement dans le cadre de l’ISF, à savoir la prise en compte, dans l’IFI, des droits afférents à un crédit-bail immobilier conclu dans les conditions prévues par le code monétaire et financier, c’est-à-dire les opérations par lesquelles une entreprise donne en location des biens immobiliers à usage professionnel, achetés par elle ou construits pour son compte, lorsque ces opérations permettent à leur locataire de devenir propriétaire de tout ou partie des biens loués au plus tard à l’expiration du bail.

Le présent dispositif prévoit que les droits afférents à un tel contrat sont compris dans le patrimoine du preneur, pour la valeur des actifs immobiliers faisant l’objet du contrat sous déduction du montant des loyers et de l’option d’achat restant à courir jusqu’à l’expiration du bail.

La constitutionnalité de cette disposition est incertaine ; d’un point de vue juridique, le preneur n’est pas, en effet, propriétaire du droit immobilier jusqu’à la cession. Le Conseil constitutionnel a, à plusieurs reprises, censuré la prise en compte de biens dont le redevable n’a pas la libre disposition dans le mécanisme de plafonnement de l’ISF. Il est possible que le bien faisant l’objet d’un crédit-bail entre dans cette catégorie.

Il en est de même pour les dispositifs de location-accession à la propriété immobilière prévus par la loi du 12 juillet 1984 définissant cette dernière ([190]).

d.   Les contrats d’assurance-vie

L’alinéa 38 prévoit que la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie rachetables exprimés en unité de compte est incluse dans le patrimoine du souscripteur à hauteur de la fraction de leur valeur représentative d’actifs immobiliers.

Par rapport à l’article 885 F en vigueur, qui prend en compte l’ensemble de la valeur des contrats d’assurance-vie rachetables (en unité de compte comme en euros), le présent dispositif vise uniquement ceux qui, investis sous forme d’actions, le sont, en fait, en valeurs immobilières.

Si ce ciblage est dans la logique de la réforme de l’IFI, il conduit à pénaliser les contrats d’assurance-vie en unités de compte au profit des contrats en euros.

Le présent dispositif conduit en outre à supprimer la disposition selon laquelle les primes versées après l’âge de soixante-dix ans au titre des contrats d’assurance non rachetables.

Dans une décision récente ([191]), le Conseil constitutionnel a pourtant considéré que cette prise en compte, au titre des droits de mutation par décès et non au titre de l’ISF, n’est pas contraire à la Constitution, dans la mesure le législateur a entendu « décourager le recours tardif à cet instrument d’épargne dans le but d’échapper à la fiscalité successorale ».

C.   Les règles d’évaluation des biens

1.   La valeur vénale courante après déduction des dettes

Les alinéas 39 à 43 fixent les règles d’évaluation des biens en reprenant le droit en vigueur prévu par l’article 885 S du CGI :

– la valorisation des actifs est réalisée selon les mêmes règles que celles applicables aux droits de mutation par décès ;

– un abattement de 30 % est applicable au titre de la résidence principale. Cet abattement est applicable soit en cas de détention directe, soit en cas de détention par le biais d’une société civile immobilière ;

– les dettes contractées par le redevable pour l’acquisition de son patrimoine sont déduites de l’actif taxable, à l’exclusion des dettes spécifiquement contractées par la société dont le redevable détient les titres dans le cas où la société les lui a rachetés.

Les dispositions de l’article 885 G quater du CGI ne sont pas reprises dans le présent dispositif ; créé par l’article 13 de la loi de finances pour 2013 ([192]), cet article prévoit que les dettes relatives à des biens qui n’entrent pas dans l’assiette de l’ISF ne sont pas imputables sur des biens qui y sont soumis.

2.   Le passif déductible

Les alinéas 44 à 56 insèrent dans le CGI un ensemble de dispositions qui ne figurent actuellement dans le dispositif de l’ISF que par référence à l’article 768 du CGI (qui définit le passif déductible au titre des droits de mutation par décès).

Le présent article dresse au contraire la liste des dettes déductibles directement dans le dispositif de l’IFI, ce qui aura certainement le mérite de la clarté.

Sont déductibles uniquement les dettes contractées par le redevable et effectivement supportées par lui. Reprenant ainsi une mesure qui figure déjà dans le BOFiP-I, le présent dispositif vise les dettes liées à :

– l’acquisition du bien immobilier ;

– des dépenses de réparation ou d’entretien supportées par le propriétaire ;

– des impositions, autres que celles incombant normalement à l’occupant, dues à raison desdites propriétés. Le présent dispositif prévoit que ne relèvent pas de cette catégorie les impositions dues à raison des revenus générés par lesdites propriétés, ce que ne prévoit pas le droit existant.

Les alinéas 51 et 52 prévoient que les dettes dites « in fine », c’est-à-dire dont le remboursement intervient au terme de l’exécution d’un contrat portant sur l’achat du bien que le prêt finance, ne sont pas déductibles qu’à hauteur du montant annuel correspondant à ce prêt.

Conformément aux alinéas 53 à 56, ne sont pas non plus déductibles :

– les dettes contractées auprès du redevable ;

– les dettes contractées auprès d’un proche, sauf si le redevable peut justifier des conditions normales du prêt (échéances, remboursement) ;

– les dettes contractées par le redevable auprès d’une société contrôlée par un proche.

L’alinéa 56 prévoit enfin que, lorsque la valeur des biens immobiliers excède 5 millions d’euros et que le montant total des dettes admises en déduction excède 60 % de cette valeur, le montant des dettes excédant ce seuil n’est admis en déduction qu’à hauteur de 50 % de cet excédent. Selon les informations transmises par l’administration fiscale, le seuil de 5 millions d’euros s’entend de la valeur brute des biens immobiliers avant déduction des dettes admises en déduction.

D.   Les exonérations

1.   La transposition à l’IFI du régime des biens professionnels

Les alinéas 58 à 78 transposent à l’IFI le régime des biens professionnels, permettant actuellement d’exonérer d’ISF les biens ou parts de sociétés nécessaires à l’activité du redevable.

Le maintien du régime des biens professionnels au titre de l’IFI doit être articulé avec :

– l’alinéa 4 qui prévoit, de manière générale, que l’IFI ne pèse pas sur les actifs immobiliers de leur propriétaire (sans autre condition) ;

– les alinéas 14 à 20 prévoyant par ailleurs que les actifs immobiliers affectés à l’activité d’une entreprise en général – qu’elle soit celle du redevable ou non – sont également exonérés. À ce titre, il faut souligner une certaine redondance entre l’exonération des biens immobiliers affectés à une société (alinéas 14 à 20) et ceux affectés à l’activité principale d’une personne (alinéas 58 à 78).

Pour le reste, le dispositif prévu par ces alinéas 58 à 78 est proche de celui en vigueur, ramené toutefois aux seuls actifs immobiliers.

Comme le font actuellement les articles 885 N à 885 O bis du CGI, ces alinéas conduisent à exonérer successivement :

– les biens détenus directement par le redevable nécessaires à son activité, qui doit être opérationnelle (alinéas 58 à 60) ;

– les biens détenus par le biais d’une société de personnes soumises à l’impôt sur le revenu (alinéas 61 et 62) ;

 les biens détenus par une société à l’impôt sur les sociétés (alinéas 63 à 78).

Ces alinéas apportent peu de modifications au droit en vigueur au titre de l’ISF.

Au titre des modifications par rapport au droit existant, il faut toutefois souligner que :

– l’alinéa 60 assimile à des biens professionnels les locaux d’habitation loués meublés ou destinés à être loués meublés détenus par des redevables qui, inscrits au registre du commerce et des sociétés en qualité de loueurs professionnels, réalisent plus de 23 000 euros de recettes annuelles et retirent de cette activité plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal auquel elles appartiennent est soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires, des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles, des bénéfices non commerciaux ou des revenus des gérants et associés ;

– le dispositif proposé ne reprend pas la disposition actuellement en vigueur, en application du dernier alinéa de l’article 885 O bis du CGI, selon laquelle le régime des biens professionnels s’applique, dans la limite de 150 000 euros, aux parts acquises par un salarié lors de la constitution d’une société créée pour le rachat de tout ou partie du capital d’une entreprise dans les conditions mentionnées aux articles 220 quater ou 200 quater A du CGI.

2.   Les exonérations particulières de certains types de biens fonciers

Les alinéas 79 à 86 reprennent les dispositions, actuellement applicables dans le cadre de l’ISF, prévoyant des exonérations partielles –à concurrence des trois quarts de leur valeur –applicable :

– aux propriétés en nature de bois et forêts sous réserve d’une garantie de gestion durable ;

– aux parts de groupements forestiers ;

– aux biens donnés à bail à long terme ;

– aux parts de groupements fonciers agricoles.

S’agissant de ces deux dernières catégories, le droit en vigueur prévoit toutefois que l’exonération de 75 % s’applique jusqu’à un montant total de 101 897 euros, l’exonération étant ramenée à 50 % pour la fraction de la valeur de ces biens excédant ce plafond.

Le dispositif proposé repose sur une logique différente puisqu’il prévoit une exonération de 75 % sans limite de montant, sous conditions. À défaut de respecter ces conditions, l’exonération est alors de 75 % jusqu’à 101 897 euros et de 50 % au-delà.

Pour les biens donnés à bail à long terme, les conditions à respecter pour bénéficier de l’exonération de 75 % sont au nombre de trois :

– la durée du bail doit être de dix-huit ans ;

– le preneur doit utiliser le bien pour l’exercice de sa profession principale ;

– il doit être le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin notoire du bailleur ou l’un de ses proches parents.

À défaut de respecter les deux dernières conditions, l’exonération de 75 % est plafonnée à 101 897 euros, l’exonération étant de 50 % après ce seuil.

S’agissant des parts de groupements fonciers agricoles, l’exonération de 75 % s’applique sans limite de montant sous deux conditions :

– les parts doivent être représentatives d’apports constitués par des immeubles ou des droits immobiliers à destination agricole ;

– les baux consentis par le groupement ainsi que leurs preneurs doivent en outre répondre aux trois conditions fixées pour l’exonération du bail à long terme.

À défaut de respecter les deux dernières de ces conditions, l’exonération de 75 % est plafonnée à 100 000 euros et l’exonération est, pour la valeur des biens excédant ce plafond, de 50 %.

Les alinéas 85 et 86 prévoient enfin un nouveau dispositif, selon lequel les biens ruraux et les parts de groupements fonciers agricoles représentatives de ces mêmes biens donnés à bail à long terme dans les conditions mentionnées ci-dessus à une société agricole contrôlée à plus de 50 % par les personnes mentionnées dans le cadre du bail à long terme, sont exonérés à concurrence de la participation détenue dans la société locataire par celles des personnes récitées qui y exercent leur activité professionnelle principale.

Dans le même ordre d’idée, les biens ruraux et les parts de groupements fonciers agricoles représentatives de ces mêmes biens, donnés à bail dans les conditions prévues ci-dessus pour les baux à long terme lorsqu’ils sont mis à la disposition d’une société à objet principalement agricole ou lorsque le bail y afférent est apporté à une société de même nature, sont également exonérés dans les mêmes conditions.

E.   Le calcul de l’impôt

1.   Le barème de l’IFI

Les alinéas 88 à 90 prévoient le barème de l’IFI, qui est identique à celui de l’ISF en vigueur ; le seuil d’entrée dans l’IFI, fixé à 1,3 million d’euros par l’alinéa 5, enclenche une imposition du patrimoine dépassant le seuil de 800 000 euros.

Afin de lisser l’effet de seuil lié à ce mécanisme, l’alinéa 90 reprend le mécanisme de décote actuellement prévu par l’article 885 U du CGI.

2.   L’imputation des dons à des œuvres d’intérêt général

Les alinéas 91 à 107 reprennent le dispositif de l’« ISF-dons » prévu par l’article 885-0 V bis A du CGI, qui permet d’imputer sur l’ISF, dans la limite de 50 000 euros de réduction d’impôt, 75 % du montant des dons en numéraire ou des dons en pleine propriété de titres de sociétés cotées.

Cette imputation sera également possible dans le cadre de l’IFI.

La liste des dix catégories de structures ayant un but d’intérêt général qui pourront bénéficier du nouveau dispositif sont strictement les mêmes que celles bénéficiant de l’ « ISF-dons ».

À l’alinéa 105, le dispositif proposé contient toutefois une différence importante avec le droit existant : alors que l’article 885-0 V bis A du CGI en vigueur prévoit que les dons qui peuvent être imputés sont ceux entre la date limite de dépôt de la déclaration de l’année précédant celle de l’imposition et la date limite de dépôt de la déclaration de l’année d’imposition, cet alinéa 105 prévoit que les dons ouvrant droit à l’avantage fiscal sont ceux effectués au cours de l’année précédant celle de l’imposition.

En pratique, les dons pouvaient être opérés entre le mois de juin de l’année N et le mois de juin de l’année N + 1, pour être imputés sur l’ISF de l’année N + 1. Avec ce nouveau dispositif, ne seront pris en compte pour l’IFI de l’année N + 1 que les dons opérés entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année N.

Cette disposition doit être lue en combinaison avec l’alinéa 214, qui prévoit que les dons opérés au titre de l’ « ISF-dons » actuellement en vigueur, entre la date limite de déclaration de l’ISF dû au titre de l’année 2017 et le 31 décembre 2017 seront imputables sur l’IFI dû en 2018.

Il apparaît donc qu’au moment de la publication de la présente loi, la faculté d’opérer des versements pour bénéficier d’une réduction d’IFI en 2018 sera dépassée. Les structures bénéficiaires, qui lancent en général leur campagne de collecte des dons ISF à partir du mois de mai, risquent de pâtir de ce réaménagement des délais dans lesquels les dons peuvent être opérés.

3.   Le mécanisme de plafonnement en fonction du revenu et de prise en compte des impôts équivalents versés à l’étranger

Les alinéas 109 à 113 reprennent le mécanisme de plafonnement de l’ISF en fonction des revenus, tel qu’il est actuellement prévu à l’article 885 V bis du CGI.

Ajusté aux seuls actifs immobiliers désormais taxés à l’IFI, ce mécanisme de plafonnement est toutefois strictement identique à celui actuellement en vigueur.

L’alinéa 114 prévoit un mécanisme, qui n’existe pas à l’ISF, permettant d’imputer sur l’IFI exigible en France les éventuels impôts équivalents acquittés à l’étranger.

Ce dispositif n’est susceptible de jouer qu’à raison de l’obligation fiscale illimitée des résidents fiscaux, imposables en France à raison de leurs biens situés à l’étranger.

La notion d’« impôt équivalent à l’impôt sur la fortune immobilière » est relativement floue : si l’ISF n’a peu d’équivalents à l’étranger, l’IFI – en tant qu’impôt immobilier – pourrait être rapproché de certains impôts locaux existant à l’étranger.

Ainsi, le canton de Genève, en Suisse, applique un impôt immobilier dit « complémentaire » de 0,1 % de la valeur fiscale de ce bien dont la faculté d’imputation sur l’IFI est incertaine.

F.   Obligations déclaratives

Les alinéas 118 à 122 prévoient les obligations déclaratives liées à l’IFI.

Dans un souci de simplification, les redevables déclareront la valeur brute et la valeur nette taxable de leurs actifs immobiliers dans leur déclaration annuelle de revenu.

Cette rédaction met donc fin à la déclaration spéciale d’ISF dont la date limite était, pour les patrimoines supérieurs à 2,57 millions d’euros, fixée au 15 juin de chaque année.

Compte tenu du fait que les non-résidents fiscaux, imposable à l’IFI sur leur bien en France sans y être soumis à l’IR, ne remplissent pas de déclaration de revenus, ils resteront soumis à l’obligation de remplir une déclaration spéciale dont la date limite n’est pas fixée par le présent article.

G.   Dispositions transitoires

Outre les alinéas 125 à 209, qui ne contiennent que des mesures de coordination technique, les alinéas 210 à 214 prévoient les modalités d’entrée en vigueur de la réforme :

– le nouvel IFI sera applicable à compter du 1er janvier 2018, ce qui signifie en pratique que le patrimoine immobilier taxable à l’IFI devra être évalué à cette même date en vue d’une déclaration dans la déclaration de revenus de l’année 2018 (afférents aux revenus de l’année 2017) ;

– les dispositions de l’ISF abrogées continueront de s’appliquer dans leur rédaction en vigueur jusqu’au 31 décembre 2017, à l’ISF dû au titre de l’année 2017 et des années antérieures ;

– les réductions ISF-dons et ISF-PME seront imputables sur l’IFI de l’année 2018, à raison des dons ou des souscriptions réalisées entre la dernière déclaration d’ISF en 2017 et le 31 décembre 2017.

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*     *

La commission examine les amendements identiques I-CF259 de Mme Laurence Trastour-Isnart, I-CF315 de M. Fabien Roussel, I-CF420 de Mme Valérie Rabault et I-CF498 de M. Éric Coquerel, tendant à supprimer l’article 12.

Mme Laurence Trastour-Isnart. L’investissement dans la pierre est un placement sûr qu’affectionnent les Français. Aussi cet amendement a-t-il pour objet de supprimer la création de l’IFI, substitut de l’actuel ISF, qui est depuis l’origine contraire aux principes généraux du droit fiscal, confiscatoire, et anti-économique.

Pour être redevable de l’IFI, le contribuable devra détenir un patrimoine dont la valeur excède 1,3 million d’euros au 1er janvier de l’année d’imposition. En recentrant l’impôt sur la fortune sur la pierre, tout en conservant le même niveau de déclenchement de l’impôt, le Gouvernement risque de détourner les Français de ce placement.

Jusqu’à présent, cet impôt coûte par ailleurs plus cher qu’il ne rapporte, ceci en raison des expatriations qu’il provoque.

Enfin, le seuil de déclenchement de l’IFI, fixé à 1,3 million d’euros, ne règle en rien le problème bien connu du « retraité de l’île de Ré » qui ne perçoit pas les revenus lui permettant d’acquitter ledit impôt et qui se trouve contraint de vendre sa maison en raison de la hausse des prix de l’immobilier. On peut aussi parler du commerçant qui a investi toute sa vie pour pouvoir se créer un patrimoine et qui, une fois à la retraite, se retrouve dans l’impossibilité de payer l’ISF.

M. Fabien Roussel. Nous souhaitons supprimer l’article 12, qui met fin à l’ISF. En vingt ans, malgré l’existence de cet impôt, la fortune des plus riches de France a progressé, passant, pour les 500 plus grandes fortunes, de 80 milliards à 570 milliards d’euros. Pour un impôt confiscatoire, bravo, quelle performance !

Supprimer l’impôt sur la fortune, c’est faire encore un beau cadeau aux 300 000 familles les plus riches de notre pays alors qu’il n’y a jamais eu autant de personnes vivant sous le seuil de pauvreté : 9 millions ! Dans ma région de 6 millions d’habitants, un million de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et vous nous proposez d’alléger l’impôt de Gérard Mulliez dont la fortune est passée de 26 milliards à 30 milliards d’euros entre 2016 et 2017. Dans cette période difficile, notre priorité devrait être de lutter contre la pauvreté, les bas salaires et les inégalités et de faire respecter partout la dignité humaine. C’est la raison pour laquelle nous proposons de maintenir l’impôt sur la fortune et d’instaurer une meilleure répartition des richesses afin que tout le monde puisse en profiter et vivre dignement.

Mme Valérie Rabault. Nous considérons que supprimer l’ISF sans conditions revient à signer un chèque en blanc. Or, nous sommes comptables et redevables des deniers publics vis-à-vis de l’ensemble des citoyens français. C’est pourquoi nous proposons un amendement de suppression de l’article 12.

M. Éric Coquerel. Personne ne niera que la suppression de l’ISF est un avantage pour les plus riches. Je rappelle que le patrimoine mobilier représente 40 % du patrimoine global des ménages, mais 60 % de celui-ci pour les 5 % les plus aisés et 90 % pour les 30 000 ménages les plus riches. On voit donc bien qui l’on va avantager, point qui n’est d’ailleurs pas contesté par nos collègues de la majorité, qui nous disent deux choses : d’une part, qu’il faut mobiliser le capital en vue de l’investissement productif, et, d’autre part, que nous allons faire en France quelque chose d’inédit, nous mettant ainsi au même rang que les grandes puissances qui nous entourent et que nous avons tous à envier. Mais si l’on regarde l’évolution macroéconomique du rapport capital-travail depuis une trentaine d’années, on s’aperçoit qu’elle a certes été moins rapide et moins brutale en France mais que la politique commencée par Ronald Reagan et Margaret Thatcher dans les années 1980 a quand même été menée chez nous.

J’entendais tout à l’heure Charles de Courson dire que les salaires avaient augmenté : certes. Mais si l’on regarde la richesse globale du pays, on s’aperçoit que l’écart entre les salaires et le capital n’a cessé de croître au profit du capital, si bien que ce dernier pèse aujourd’hui 6 à 10 points de PIB de plus qu’il y a trente ans, soit environ 150 milliards d’euros.

Regardons les faits. Ce pays manque-t-il de riches, et notamment de personnes riches touchant des rentes capitalistiques ? Tout montre l’inverse. La France est le troisième pays au monde en nombre de millionnaires, après les États-Unis et le Japon. Pays record d’Europe des dividendes. Pays où les entreprises du CAC40 font les plus gros bénéfices. Nous ne manquons donc pas de richesses. Je rappelle même, à ceux qui nous disent qu’il faut attirer des investissements financiers extérieurs, que la France se place au septième rang mondial et au troisième rang européen en termes d’investissements. Manifestement, la France est un marché intéressant pour les investisseurs étrangers – c’est quand même la sixième puissance économique au monde et il fait bon vivre en France, car il y a encore un peu de services publics, du moins avant que vous ne vous y attaquiez.

Cette politique est effectivement menée. Que vise-t-elle ? Je l’ai dit : l’augmentation des profits, la hausse des dividendes – et non de l’investissement – et une explosion du chômage et de la pauvreté.

Vous nous dites qu’il faut se mettre au niveau des autres pays européens. Voilà une question qu’il faut réétudier. Lorsque l’Allemagne a mené sa politique de déflation salariale au début des années 2000, sous le mandat de M. Schröder, tous les voyants étaient au rouge dans ce pays. Si elle a amélioré sa situation économique, c’est parce qu’elle mène une politique d’exportations agressive et qu’on la laisse faire. Tous les autres pays européens enregistrent des records historiques de taux de chômage, de taux de pauvreté et en nombre de sans-logis. Je ne crois pas que l’on puisse citer un seul autre pays en Europe ayant sans cesse mené une politique favorable aux revenus du capital, sauf peut-être le Portugal qui suit effectivement une politique différente.

M. le Rapporteur général. Ces amendements identiques ont pour objet, soyons clairs, de maintenir l’ISF. En outre, M. Roussel en propose, dans un amendement ultérieur, un barème aux taux plus élevés que les taux actuels.

Je vous rappelle que l’engagement a été pris de remettre dans l’économie les montants récupérés par le volet financier de l’ISF. En l’état, cette masse d’argent n’est pas productive pour l’économie. Il faut assumer les choix faits, nous le faisons. Et nous voulons aussi qu’un certain nombre d’exilés fiscaux, dont le nombre est passé de 200 à 800 en quelques années – je parle de ceux au patrimoine supérieur à 1,3 million d’euros –, reviennent en France, tout en continuant de taxer le patrimoine immobile, c’est-à-dire le patrimoine immobilier, parce qu’il ne contribue pas au financement de l’économie réelle et de nos entreprises.

Les positions défendues par les auteurs de ces amendements identiques sont complètement orthogonales au choix exprimé par les Français lors des élections présidentielle et législatives – le programme de la majorité ne manquait pas de clarté sur ce point.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Je voulais simplement rappeler l’existence de l’abattement de 30 % sur la résidence principale, qui relativise le risque de devoir vendre son bien pour payer l’impôt dû. Et si, malgré cet abattement, le patrimoine net atteint quand même le seuil d’imposition à l’ISF, le montant annuel de l’impôt n’est que de 1 600 euros. Ramenons les choses à leurs proportions. Alors, dire que certains doivent vendre leur patrimoine immobilier...

M. le président Éric Woerth. C’est le cas d’un certain nombre de personnes.

M. Daniel Labaronne. En ce qui concerne le partage de la valeur ajoutée entre rémunération des salariés, excédent brut d’exploitation (EBE) et impôts liés à la production, vous donnez, cher collègue Coquerel, des chiffres biaisés, car ils incorporent l’EBE réalisé par les grandes entreprises présentes à l’international. Excluez celles-ci, et les parts respectives de la rémunération des salariés et de l’EBE sont exactement l’inverse de ce que vous prétendez. L’antienne ne correspond absolument pas à la réalité statistique.

M. Charles de Courson. Je suis un peu étonné que notre collègue Valérie Rabault, qui, au fond, est de plus en plus modérée, défende encore l’ISF...

Ma chère collègue, mon cher ami Coquerel, savez-vous que dix des cinquante premières fortunes françaises ne paient pas l’ISF ? Rien ! Zéro ! Notre défunte amie Liliane, première ou deuxième fortune du pays, ne payait pas cet impôt, et les quarante autres paient 10 % du barème. Le Conseil constitutionnel a imposé – avec beaucoup de sagesse, à mon sens – que la somme de l’ISF, de l’impôt sur le revenu et de la CSG ne dépasse pas environ 70 % du revenu. Que font donc les gens très riches ? Vous le savez, madame Rabault ! Ils vont voir leur banquier et lui demandent des prêts à la consommation. N’ayant aucun revenu, parce que c’est une société holding qui détient leurs valeurs mobilières – ces actions qui font le patrimoine des grandes fortunes, comme celui de Mme Bettencourt – et encaisse les dividendes sans vous verser de revenu, ils ne paient ni ISF, ni IR, ni CSG.

C’est beau, l’ISF ! C’est formidable ! C’est devenu un impôt pour les petits riches, les pauvres types qui ont bossé toute leur vie...

Mme Valérie Rabault. Vous ?

M. Charles de Courson. Oui, j’en fais partie, mais, moi, j’assume, je m’en fous, ce n’est pas un problème !

C’est un impôt indéfendable. Il faut arrêter de croire que nous, Français, sommes plus intelligents que tous les autres. S’ils ont supprimé ce type d’impôt, il y a peut-être quelque raison. Le maintien de l’ISF est indéfendable. Je félicite le Gouvernement d’avoir engagé cette réforme. Mon seul petit reproche est qu’il conserve l’ISF pour les biens immobiliers.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Je retire le mien, car je souhaite à la fois la suppression de l’ISF et de l’IFI.

Madame Verdier-Jouclas, sur la Côte d’Azur, où la valeur des biens a considérablement augmenté, le commerçant qui a investi dans sa résidence principale touche 800 euros de retraite. Pour lui, c’est compliqué d’être assujetti à l’ISF. J’ai déposé un amendement pour que la résidence principale sorte complètement de l’assiette de l’ISF.

M. Philippe Chassaing. M. Labaronne a donné les précisions que je souhaitais apporter sur la répartition de la valeur ajoutée.

Mme Nadia Hai. Il faut arrêter de laisser croire que nous créons un impôt ! Pour le commerçant à la retraite, propriétaire de sa résidence principale, qui ne dispose pas de patrimoine mobilier, la situation ne change pas !

M. le Rapporteur général. Pour conclure et faire écho à la brillante intervention de M. de Courson, permettez-moi de rapprocher son propos de celui de Michel Rocard qui disait que l’ISF était « un impôt que les milliardaires ne payaient pas, et qui emmerdait les millionnaires ».

L’amendement I-CF259 est retiré.

La commission rejette les amendements I-CF315, I-CF420 et I-CF498.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement I-CF109 de Mme Véronique Louwagie, les amendements identiques I-CF241 de M. Mohamed Laqhila et I-CF352 de M. Philippe Vigier ainsi que l’amendement I-CF442 de M. Nicolas Forissier.

Mme Véronique Louwagie. Nous vous proposons de supprimer l’ISF.

En effet, le Gouvernement nous présente sa réforme comme une suppression de l’ISF accompagnée de la création d’un nouvel impôt. Or, on peut voir les choses différemment. À nos yeux, il ne supprime pas véritablement l’ISF ; il lui attribue un nouveau nom, impôt sur la fortune immobilière (IFI), et en concentre l’assiette sur le parc immobilier. En somme, il modifie l’ISF en étendant la liste des biens qui en sont exonérés aux valeurs mobilières.

Ce faisant, il crée une importante discrimination fiscale au détriment des investissements locatifs, si bien que les bailleurs privés risquent de se détourner du parc immobilier, qui compte actuellement 1,7 million de logements mis en location. De fait, l’investissement locatif pourra désormais être taxé jusqu’à 70 %, puisque l’IFI s’ajoutera aux taxes foncières ainsi qu’aux 45 % d’impôt sur le revenu et aux 17 % de prélèvements sociaux applicables aux revenus locatifs.

J’ajoute que le nouvel ISF, qui est une solution bancale et intermédiaire, sera concentré sur le patrimoine des classes moyennes, dont on sait qu’il est essentiellement constitué de biens immobiliers.

Enfin, la question qui se pose est celle de savoir où l’on s’arrête : ne faut-il pas ajouter d’autres biens au patrimoine immobilier ? C’est ainsi que l’on a justifié, hier, l’augmentation de 1 % de la taxe sur les métaux précieux. Or, cette augmentation concerne les flux, et non les stocks, de sorte qu’elle sera payée par chaque Français lorsqu’il se rendra chez son bijoutier.

M. Mohamed Laqhila. La suppression de l’ISF est une mesure courageuse et pragmatique qui permettra de rapatrier des fortunes françaises. L’argument politicien selon lequel il s’agirait d’un cadeau fait aux riches est tellement attendu qu’il en devient caricatural et cynique. Mais pourquoi vouloir créer un ISF bis et reproduire les mêmes erreurs que celles commises dans le passé ? Pourquoi arrêter de taxer le patrimoine financier pour taxer le patrimoine immobilier ? Selon le Gouvernement, le nouvel IFI permettrait de privilégier le financement de l’économie réelle. Or, qu’y a-t-il de plus réel que la pierre ? Le secteur du bâtiment mobilise des dizaines de métiers, tous bien réels. Ces emplois non délocalisables représentent une richesse économique sans équivalent pour notre pays.

Ce qui est proposé dans le projet de loi de finances pour 2018 reviendrait à taxer ceux qui, grâce à leur travail, ont réussi à se constituer un patrimoine immobilier, à réaliser leur rêve de devenir propriétaires, ceux pour qui le monde de la finance et des marchés boursiers est si éloigné et risqué qu’ils n’y investiront jamais.

Certains idéologues idéalistes proposent de taxer les produits de luxe en contrepartie de la suppression de l’ISF : ils veulent, encore et toujours, ajouter de l’impôt à l’impôt ! Si la démagogie de certaines propositions apparaît clairement, on voit mal la stratégie dont elles relèvent.

Ne freinons pas le marché de la construction et laissons nos compatriotes profiter librement des fruits de leur labeur. Rapatrions les richesses de nos exilés fiscaux qui, de retour en France, investiront dans notre économie. Ayons le courage d’aller au bout des transformations en supprimant l’ISF et en nous opposant à la création de son petit frère, l’IFI. Tel est l’objet de l’amendement I-CF241.

M. Charles de Courson. Pourquoi supprime-t-on l’ISF pour le remplacer par un ISF portant uniquement sur l’immobilier ? Parce que, nous dit-on, contrairement aux investisseurs immobiliers, qui sont des rentiers, ceux qui investissent dans les autres valeurs prennent des risques. Or, c’est complètement faux !

Prenons l’exemple d’une personne qui investit toute sa fortune dans des obligations garanties par l’État. Certes, sa rémunération est plus faible, mais il ne prend aucun risque : c’est un rentier. Pourtant, il sera exonéré d’ISF, alors que celui qui a investi sa fortune dans la construction de logements et qui, ce faisant, rend un service à la collectivité, continuera à payer l’ISF sous la forme de l’IFI. Où est la logique d’une telle réforme ?

Prenons un autre exemple : je ne vois pas en quoi celui qui investit dans l’immobilier commercial – les supermarchés, par exemple – prend plus de risque que celui investit dans l’immobilier de logement, dont la rentabilité, au demeurant, sera plus faible. Pourtant, le premier sera exonéré de l’IFI, le nouvel ISF, alors que le second continuera d’y être soumis.

Moi qui me bats depuis vingt-cinq ans pour la suppression de l’ISF, je ne comprends pas que la majorité, qui a enfin le courage de prendre cette mesure, établisse par ailleurs l’IFI. On m’explique qu’il s’agit de faire accroire, pour des raisons politiques, que l’on maintient un petit bout d’ISF. Mais c’est une erreur ! Mes chers collègues, nous avons fait 80 % du travail avec l’article 12 ; achevons-le !

M. Éric Coquerel. Enrichissons-les !

M. Jean-Louis Bourlanges. Si je soutiens évidemment la position de principe qui vient d’être exprimée par les orateurs précédents, je proposerai néanmoins un dispositif différent, qui consiste à échelonner la mise en œuvre de la suppression de l’ISF – mais j’y reviendrai lorsqu’on abordera l’examen de mon amendement.

À ce stade, je souhaite appeler votre attention sur le caractère essentiel de la décision que nous allons prendre. À ceux de mes nombreux collègues de la majorité – laquelle, je le rappelle, est composée des groupes La République en Marche et du Mouvement Démocrate –  qui ressentent une certaine appréhension à suivre les raisonnements qui viennent d’être exposés, je veux dire tout d’abord qu’il faut avoir le courage d’affirmer qu’être fidèle à l’engagement du Président de la République, ce n’est pas nécessairement approuver littéralement le dispositif tel qu’il a été conçu. Nous jouissons d’une certaine liberté : « Lui, c’est lui, et nous, c’est nous », dirai-je pour paraphraser un ancien Premier ministre – de gauche d’ailleurs.

Pourquoi la suppression de l’ISF doit-elle être complète ? Pourquoi ne faut-il pas créer l’IFI ? D’abord parce que ce n’est pas neutre : supprimer l’ISF et maintenir l’IFI, ce serait, comme cela vient d’être dit, affaiblir structurellement l’investissement immobilier. Or, nous avons un problème de logement. Le Gouvernement, qui peine à faire des économies sur la dépense, s’est lancé avec courage – certains diraient : avec témérité – dans la réduction des dépenses de logement. Mais le risque est grand de demander aux bailleurs sociaux de réduire les loyers – ce qui va les conduire à mener une politique de prudence, sinon de rétention, en matière d’investissements – et de s’attaquer simultanément aux investisseurs privés, qui seront tentés de placer leur argent ailleurs.

J’adjure donc mes collègues de la majorité de mesurer combien il est essentiel, compte tenu des graves difficultés que risque de rencontrer le secteur du logement, d’assouplir notre position pour aider le chef de l’État et le Gouvernement.

M. Nicolas Forissier. Certes, en supprimant l’ISF et en créant l’IFI, la majorité respecte l’engagement pris par le Président de la République, mais je ne comprends pas qu’elle n’aille pas au bout de la logique en supprimant tout impôt sur la fortune. De fait, en maintenant l’IFI, dont les effets pervers viennent d’être rappelés, notamment en matière de logement, on entretient l’image de dangerosité fiscale dont notre pays souffre depuis des décennies – et c’est un député de droite qui regrette profondément que les majorités auxquelles il a appartenu, même si des tentatives ont existé sous Nicolas Sarkozy, n’aient pas fait le nécessaire dans ce domaine qui vous le dit. En outre, vous pénalisez les classes moyennes, qui subiront l’IFI de plein fouet, alors que les vrais riches, dont le patrimoine est majoritairement composé de valeurs mobilières, seront favorisés par la suppression de l’ISF. En résumé, non seulement la suppression de l’IFI serait cohérente, mais elle serait également positive pour l’attractivité du territoire.

M. le Rapporteur général. J’ai le sentiment, en écoutant certains d’entre vous, que l’IFI concerne l’investissement immobilier professionnel. Tel n’est pas le cas. Cette réforme, je le répète, vise à injecter des liquidités dans l’économie pour améliorer le financement des entreprises. C’est pourquoi tout ce qui relève du patrimoine que je qualifierai d’« immobile » fait l’objet d’une taxation : l’ISF est transformé en IFI. En outre, on ne peut pas nous reprocher à la fois d’exonérer les plus gros patrimoines et de continuer à inciter des contribuables à partir à l’étranger. Cette réforme est équilibrée et elle correspond à la volonté du Président de la République et de sa majorité de favoriser le financement des entreprises. Je suis donc défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Je rappelle que la suppression de l’ISF et la création de l’IFI correspondent à un engagement de campagne. Or, il ne vous aura pas échappé que, depuis le début de la législature, nous faisons ce que nous avons dit que nous ferions. Nous pouvons néanmoins apporter certaines modifications à notre programme, si celles-ci permettent de l’améliorer : c’est ce que nous avons fait en augmentant les seuils d’exonération de la taxe d’habitation.

Par ailleurs, celui qui, aujourd’hui, paie l’ISF sur son patrimoine immobilier paiera, demain, le même impôt. Pour celui-là, la réforme ne change rien. Enfin, si nous maintenons l’IFI, ce n’est pas par manque de courage mais parce qu’il n’est pas besoin d’aller plus loin pour atteindre notre objectif, qui est de soutenir les entreprises. Pour cela, libérer le capital est suffisant.

M. Laurent Saint-Martin. Tout d’abord, comme l’a très bien dit Mme Verdier‑Jouclas, l’IFI n’est en aucun cas un nouvel impôt. Ce n’est pas parce que l’impôt des uns baisse que celui des autres augmente. Il ne faut pas laisser croire que les propriétaires de biens immobiliers seront davantage taxés demain car, si nous laissons cette contrevérité se répandre, alors, oui, nous pouvons craindre des effets pervers et une baisse des investissements dans l’immobilier.

Ensuite, de quelles classes moyennes parlez-vous, chers collègues du groupe Les Républicains ? L’assiette de l’IFI, je le rappelle, est la même que celle de l’ISF – 1,3 million d’euros ! – et elle ne concerne que 300 000 des 28 millions de ménages français.

Enfin, vous avez raison, monsieur de Courson, les investissements obligataires ne profitent guère à l’économie réelle.

M. Charles de Courson. Ils sont pourtant exonérés !

M. Laurent Saint-Martin. C’est précisément la raison pour laquelle nous proposons de créer un prélèvement forfaitaire unique (PFU) et d’élaborer, avec la place financière, des outils destinés à diriger l’épargne vers l’investissement en fonds propres.

M. Éric Coquerel. La disparition des trois quarts de l’ISF créant une profonde inégalité au détriment des propriétaires immobiliers, nos collègues nous proposent de le supprimer entièrement... Certes, M. de Courson nous l’a expliqué hier, les plus riches passent à travers les mailles du filet, grâce à l’optimisation fiscale – qui est l’autre nom de la triche. Mais nous parlons tout de même, ici, de millionnaires en euros. Dois-je rappeler que la France compte 9 millions de pauvres ? Notre préoccupation majeure devrait être de réduire cette pauvreté qui, depuis vingt ans, les études le montrent, augmente à mesure que se creuse l’écart entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches. J’ai donc un peu de mal à comprendre que le maintien d’un impôt qui permet de continuer à prendre un petit peu aux plus riches suscite autant de débats. D’autant que la diminution de recettes liée à la suppression de l’ISF, c’est nous tous qui allons la payer : la plupart des Français, eux, sont perdants des deux côtés, contrairement aux 10 % les plus riches.

M. Jean-Noël Barrot. Je me lamente que le débat porte sur le totem de l’ISF, sur le symbole qu’il représente, au lieu de s’intéresser à la politique que nous voulons mener. Au reste, ces discussions sont stériles car, si cette réforme est souhaitable, nous ignorons encore certains de ses effets, notamment qui entrera dans l’assiette et qui en sortira. À cet égard, il serait souhaitable que, lors des prochains débats budgétaires, nous puissions disposer, sur ce sujet et sur d’autres, d’éléments qui nous permettent d’avoir de véritables discussions.

Le groupe du Mouvement Démocrate, quant à lui, défend la libération de l’épargne pour favoriser la croissance, l’investissement et l’emploi, avec pour objectifs la justice sociale et l’efficacité économique. Aussi espérons-nous que certaines des propositions qui sont faites pour aménager le texte du Gouvernement pourront aboutir pour que nous atteignions ces objectifs.

M. Michel Lauzzana. Tout d’abord, je le rappelle, la réforme ne touche pas à la part immobilière de l’ISF ; ce n’est donc pas un nouvel impôt. Ensuite, cette réforme a également pour objectif de créer un choc psychologique ; elle s’inscrit dans une politique d’ensemble. Nous envoyons donc un signal fort en faveur de la libération de l’épargne. Enfin, la politique du logement ne se résume pas à la part immobilière de l’ISF. Je ne crois donc pas que l’IFI aura des effets pervers.

M. Olivier Damaisin. Mon intervention concerne l’organisation de nos débats, monsieur le président. Je constate que certains d’entre nous ont pu s’exprimer plus longtemps que d’autres. Je souhaiterais donc que nous ayons tous le même temps de parole et que celui‑ci soit strictement respecté.

M. Éric Alauzet. Je souhaiterais vous soumettre un cas de figure de nature, peut‑être, à modifier l’appréciation que certains d’entre vous, en tout cas ceux qui cherchent à s’approcher de la vérité, portent sur cette réforme. Si je possède un patrimoine de 2 millions composé à parts égales d’immobilier et de valeurs mobilières, je suis actuellement assujetti à l’ISF. Demain, mes valeurs mobilières en seront exclues et je ne paierai pas non plus d’impôt sur mon patrimoine immobilier. Bien entendu, les cas de figure sont extrêmement divers, mais je crois que la réforme bénéficiera à de nombreuses personnes, y compris à celles qui possèdent un patrimoine principalement immobilier.

M. Jean-Louis Bricout. Tout le monde s’accorde à reconnaître que l’on ne crée pas un nouvel impôt sur l’immobilier. Toutefois, cette réforme induira de nouveaux choix d’investissement, choix qui sont différents selon les classes sociales. On sait ainsi que, pour le dernier décile, la composante financière représente 59,42 % du patrimoine et qu’elle atteint 84,97 % pour le dernier centile et 92,25 % pour le dernier millile. J’ajoute que si, comme on l’a dit, cette réforme s’inscrit dans une politique d’ensemble, il faudra bien compenser la perte de recettes. En définitive, on accroît encore le déséquilibre en augmentant la pauvreté et en faisant des cadeaux aux plus riches.

M. Nicolas Forissier. Tout d’abord, monsieur Coquerel, je préfère que les centaines de milliards d’euros qui, depuis des années, ont quitté ce pays y reviennent. Si ces sommes avaient été investies en France, les pauvres seraient peut-être moins nombreux aujourd’hui. Ce débat est donc très important.

Monsieur Alauzet, si mon patrimoine est composé d’immobilier à hauteur d’1,3 million et de valeurs mobilières à hauteur de 900 000 euros, j’y gagne, certes – c’est pourquoi nous soutenons cet aspect de la réforme –, mais je continuerai à payer un impôt sur mon patrimoine immobilier. Ainsi, les classes « moyennes », qui ont épargné durant des années, y perdront plus que les autres, car ce sont elles qui continueront à payer.

Enfin, en recréant l’IFI, on ne dissipe pas le sentiment de dangerosité fiscale que la France inspire depuis des années et qu’elle continuera à inspirer, au point de faire fuir un certain nombre d’investisseurs. C’est pourquoi il faut être cohérent et aller plus loin que ce que le Président de la République a proposé.

M. Fabien Roussel. Je ne peux pas vous laisser dire qu’il faut faire le nécessaire pour rapatrier ceux qui font de l’évasion ou de l’optimisation fiscales.

M. Éric Alauzet. Ce sont deux choses différentes !

M. Fabien Roussel. L’évasion fiscale représente 1 000 milliards d’euros en Europe, et elle est pratiquée également par des Allemands ou des Luxembourgeois. Ce n’est donc pas en supprimant l’ISF qu’on luttera contre ce phénomène et qu’on rapatriera les capitaux. Cette réforme, quoi que vous en disiez, bénéficiera aux plus grosses fortunes de France. Aujourd’hui encore, La Voix du Nord consacre un article aux « grosses fortunes gagnantes de la réforme fiscale », exemples à l’appui. Ceux qui ont un patrimoine immobilier continueront de payer un impôt sur la fortune alors que ceux qui possèdent des portefeuilles de titres de plusieurs millions en seront exonérés. Voilà la réalité ! Vous semblez oublier que l’ISF est un impôt de solidarité, qui contribue à mieux répartir les richesses. C’est pourquoi nous ferons tout pour informer nos concitoyens que le projet de budget que vous allez adopter privilégiera les 300 000 plus importantes fortunes de notre pays, celles qui amassent titres et dividendes.

M. de Courson nous a brillamment expliqué hier que, puisque l’ISF était une véritable passoire, les « petits » riches étant les seuls à le payer, il fallait libérer complètement le capital, supprimer tout impôt sur la fortune, instituer un prélèvement unique sur les dividendes et baisser l’impôt sur les sociétés.

Mme Olivia Gregoire. Comment peut-on dire qu’investir dans des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ou des actions, c’est faire de l’évasion fiscale ?

On parle beaucoup des classes moyennes, mais celles-ci sont constituées de différentes catégories. L’Observatoire des inégalités estime qu’elles comprennent les personnes ayant un revenu disponible compris entre 1 743 euros et 4 000 euros par mois. Ce sont précisément les personnes à qui s’adressent l’ensemble des mesures que nous prenons. Si nous bougeons enfin sur l’ISF, un certain nombre de choses, en revanche, ne changent pas, notamment l’abattement de 30 % attaché à la résidence principale, qui concerne les classes moyennes. Il ne faut pas tout mélanger !

M. Philippe Chassaing. Je souhaiterais rappeler que nous avons pour objectif de lutter contre le chômage. Or, il me semble qu’en supprimant l’ISF et en instaurant un PFU, nous nous donnons les moyens de réorienter l’épargne vers les investissements productifs. Je comprends que les débats sur cette question soient passionnés, mais l’objectif du Gouvernement demeure, ne l’oublions pas, de lutter contre le chômage endémique qui frappe notre pays. Soyons donc un peu plus pragmatiques et un peu moins passionnés.

M. Michel Lauzzana. J’ai souvent le sentiment que nos collègues de l’opposition raisonnent à périmètre constant. Or, nous, nous voulons enclencher une dynamique économique qui entraînera une baisse du chômage, des investissements et, au bout du compte, des rentrées fiscales.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine l’amendement I-CF232 de M. Jean-Louis Bourlanges.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je me suis prononcé en faveur des amendements précédents car ils me semblent aller dans le bon sens. Mais ma proposition est différente, car j’ai toujours pensé que, si l’ISF devait être supprimé, il ne fallait pas nécessairement, si l’on devait demander des sacrifices aux contribuables, prendre cette mesure d’emblée. Je propose donc, pour équilibrer les comptes, que la suppression de l’ISF se fasse en deux temps – il s’agit d’un amendement de repli, en somme. Cette année, nous pourrions porter le seuil de déclenchement de cet impôt de 1,3 million à 1,8 million – afin de protéger ceux que notre collègue de Courson appelle les « petits » riches – et diminuer son taux de moitié – car l’écart entre le taux de l’impôt et les taux d’intérêt est tel que le prélèvement sur le capital est totalement abusif – et, l’année prochaine, supprimer le reste.

Cet amendement est très équilibré ; le Gouvernement propose de couper l’ISF en deux : l’immobilier reste dans l’assiette, le reste est supprimé. Je propose de le couper en deux ratione temporis : on en supprime une bonne moitié cette année, et nous supprimerons l’autre moitié l’année prochaine. L’essentiel est que tout l’ISF ait été supprimé l’année prochaine.

M. le Rapporteur général. Votre amendement propose de relever le seuil d’imposition à l’ISF et de fixer un barème à trois tranches avec un taux marginal de 0,5 % pour les patrimoines supérieurs à 10 millions d’euros.

Plutôt que d’alléger le barème et le seuil d’imposition de l’ISF, le Gouvernement a prévu de conserver les modalités actuelles de calcul de l’impôt ainsi que le barème, mais de revoir l’assiette de l’ISF. Le résultat sera en partie celui que vous recherchez, mais en même temps, la position du Gouvernement permettra d’orienter l’épargne des plus gros patrimoines vers l’économie française plus productive. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement I-CF316 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. À l’inverse de M. Bourlanges, nous proposons de ramener le seuil de l’ISF à 800 000 euros. Vous voyez, on a évolué ; à l’époque de Georges Marchais, c’était : « Au-dessus de 50 000 francs, on prend tout ! » Maintenant, on propose qu’à partir de 800 000 euros, les grosses fortunes contribuent à l’ISF. On tient compte de l’évolution des richesses de notre pays !

Nous proposons également de plafonner en valeur les biens professionnels dans la limite de 2 millions d’euros, afin de mettre à contribution ceux qui en détiennent.

Enfin, nous proposons une mesure de justice fiscale : plafonner à 200 000 euros le bénéfice de l’exonération de 30 % sur la valeur vénale réelle des immeubles occupés à titre de résidence principale.

Il est prévu que le Gouvernement rende un rapport sur l’effet de cette suppression de l’ISF, qui aurait pour vocation de rapatrier en France des capitaux cachés à l’étranger. Une étude européenne sur les banques a rappelé que 3 250 familles avaient mis 300 milliards d’euros en Suisse. J’espère que, dans cette étude, vous pourrez nous montrer que ces 3 250 familles, grâce à la suppression de l’ISF, auront rapatrié leurs capitaux en France...

La commission, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF318 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Fabien Roussel. Il est possible d’appliquer un ISF juste, qui permette de lutter véritablement contre les inégalités.

La commission, suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement I-CF360 de M. Philippe Vigier.

M. Charles de Courson. Le texte du Gouvernement sur l’IFI prévoit un distinguo subtil à propos de l’immobilier. L’immobilier professionnel qui sert dans le cadre de l’activité de la personne est exonéré, mais l’immobilier professionnel qui n’est pas utilisé par la personne entre dans l’assiette de l’IFI.

C’est extravagant, et je pense que le Conseil constitutionnel invalidera cette disposition – peut-être d’ailleurs est-ce voulu de votre part ? Il est aberrant que le même bien professionnel, selon qu’on l’utilise directement ou indirectement, soit taxé ou exonéré. Si deux personnes utilisent le bien l’un de l’autre, ils seront taxés, tandis que s’ils utilisent chacun le leur, ils seront exonérés.

Sortons tout l’immobilier professionnel de l’assiette de l’IFI. Si le propriétaire des murs d’une usine n’en est pas le patron, il paiera l’IFI, mais pas s’il est le patron. Quelle est la logique du système ?

M. le Rapporteur général. On ne touche absolument pas aux anciens critères de l’ISF : la réforme se fait à droit constant sur ce point. Sont exonérés les biens affectés à l’activité d’une entreprise.

Le cas que vous citez est celui dans lequel un patrimoine immobilier est loué, et ensuite exploité par quelqu’un.

M. Jean-Louis Bourlanges. La frontière est absurde !

M. le Rapporteur général. Sous réserve d’inventaire, ces cas restent dans l’assiette.

M. Charles de Courson. Vous voulez distinguer l’investissement productif et le non productif. J’en conteste le principe, car le logement est tout aussi productif que l’immobilier d’entreprise. Mais je me place dans votre logique : l’immobilier d’entreprise sera taxé ou non selon qu’il est exploité directement ou pas.

Vous allez vous heurter à des problèmes épouvantables : imaginons le cas d’une personne propriétaire de trois sociétés, qui dirige deux d’entre elles, tandis que la troisième est une société immobilière dont elle n’est pas le directeur. Dans les évaluations préalables des articles du présent projet de loi de finances, il est expliqué que l’on examinera ce problème, mais l’idée est que même si l’exploitation est indirecte, les redevables devraient être exonérés. C’est complètement fou ! Monsieur le Rapporteur général, pourriez-vous nous expliquer la logique ?

M. le Rapporteur général. Dans la mesure où je ne peux pas complètement vous l’expliquer, je vous propose de revenir sur cette question d’ici à la fin de la séance de façon à avoir une explication claire sur le point que vous soulevez de façon légitime.

Mme Amélie de Montchalin. Il faut revenir à la base de cette réforme, qui a pour objet d’orienter plus d’épargne vers nos entreprises. Il y a beaucoup de questions sur les contreparties ; la façon dont nous abordons le sujet est un peu différente. Notre rôle, en tant que législateur et puissance publique, est de réaliser une réforme fiscale. En face, il faut que les intermédiaires financiers – banquiers, conseillers en gestion de patrimoine, banquiers privés, conseillers financiers – trouvent les bons véhicules pour que cette épargne libérée, ces 3 milliards d’euros que nous rendons à l’économie, aille dans les entreprises.

Cela impose de changer de discours dans les agences bancaires, pour que les patrons de PME ne se voient pas uniquement proposer une ligne de trésorerie à trois ans et un prêt bancaire à trois ans. Et comme nous allons le faire avec le dispositif « Madelin », que nous allons rehausser, nous allons réinventer tout le circuit de financement, en particulier pour les PME non cotées. C’est là que nous avons le plus grand trou de financement.

Nous allons faire ce travail activement, avec les intermédiaires financiers, en accompagnant le projet de loi pour la transformation de l’économie de Bruno Le Maire et Benjamin Griveaux, prévu au premier trimestre 2018. Notre ambition n’est pas de créer de la contrepartie et de suivre euro par euro ce qui se passe, mais de créer les conditions à toutes les étapes pour que le fléchage et la tuyauterie de l’épargne aillent vers les PME. Ce n’est pas un vain mot, cette commission va y prendre toute sa part.

M. le président Éric Woerth. Il suffit de voter les amendements proposés par le groupe Les Républicains, et vous aurez la solution...

Mme Véronique Louwagie. Les propos de Mme de Montchalin ne concernent pas le sujet évoqué. Pourquoi laisser dans l’assiette de l’IFI l’actif immobilier professionnel ? Aujourd’hui, il y a des investisseurs dans l’immobilier professionnel qui ne sont pas exploitants dudit immobilier. Nous avons besoin de tels investisseurs pour que les chefs d’entreprise affectent leurs disponibilités à l’exploitation, à la trésorerie, à l’exploitation. Nous avons besoin de ces investisseurs immobiliers qui aident l’entreprise, mais vous les mettez à contribution en intégrant cet actif immobilier dans l’IFI. C’est une erreur monumentale.

M. le président Éric Woerth. Il y a notamment tout l’univers des sociétés immobilières de copropriété.

M. Charles de Courson. Madame de Montchalin, puis-je vous lire la page 117 des évaluations préalables ? Elle est passionnante : « En cas de détention directe, comme en cas de détention indirecte, les immeubles affectés à l’activité professionnelle ou économique de leur propriétaire n’entreront pas dans le calcul de l’assiette de l’impôt : les immeubles affectés à l’activité professionnelle principale (bien professionnel) du redevable seront exonérés ; les immeubles affectés par une société à sa propre activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale seront également hors du champ de l’impôt.

« Par ailleurs, afin de tenir compte de la spécificité de la détention indirecte d’immobilier, certaines règles particulières s’appliqueront pour la prise en compte, dans l’assiette de l’impôt, de la fraction de la valeur des parts de société représentative d’immeubles non affectés à l’activité opérationnelle de celle-ci. »

Vous voyez donc bien que le même bien immobilier, les bâtiments de l’usine, sera exonéré ou taxé selon que le propriétaire sera ou non dirigeant de l’entreprise.

Mme Amélie de Montchalin. Vous évoquez le sujet des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) et des organismes de placement collectif immobilier (OPCI), véhicules qui permettent à un particulier d’investir dans de l’immobilier d’entreprise...

M. Charles de Courson. Ou des sociétés civiles immobilières (SCI) !

Mme Amélie de Montchalin. Les SCI sont généralement dédiées à l’activité propre. Il est possible de débattre et d’affiner le point que vous soulevez ; néanmoins, en 2018, les choses ne changent pas. La situation que vous nous décrivez est celle du monde actuel, et du monde d’hier. Ces biens sont aujourd’hui taxés comme vous le dites.

M. le président Éric Woerth. Autant que le monde de demain ne soit pas plus injuste que celui d’hier. À partir du moment où vous supprimez une partie de l’ISF, on peut se poser la question du traitement particulier de l’immobilier professionnel. Il y a des zones d’ombre évidentes.

M. le Rapporteur général. Je relisais à l’instant l’alinéa 19 de l’article 12 : il demeure une certaine ambiguïté dans la rédaction, et il serait bon que le ministre, au banc, puisse lever toutes les incertitudes. Le principe général qui sous-tendait la réforme est l’exonération des biens affectés à l’activité d’une entreprise. Si vous voulez bien redéposer cet amendement, cela permettra au ministre de donner son interprétation de manière claire, et qu’elle fasse foi.

M. Fabien Roussel. Madame de Montchalin, vous expliquez que vous voulez rendre à l’économie 3,2 milliards d’euros. Je vais vous raconter une anecdote : j’ai eu une longue discussion avec Gérard Mulliez, dans ma région. Je lui avais proposé, ainsi qu’à d’autres grands industriels de la région, de constituer un fonds régional pour l’emploi. Ces grands capitaines d’industrie, qui ont de grosses fortunes, pouvaient y contribuer. M. Mulliez avait bien voulu me recevoir et m’avait expliqué qu’il n’allait pas mettre une partie de sa fortune à contribution d’un tel projet quand, de la part de l’État, il recevait un chèque de 160 millions d’euros au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) sans demander d’argent, et sans en avoir besoin. M. Mulliez m’expliquait que son problème était l’ouverture des magasins le dimanche. Il ne demandait pas d’argent, mais l’État lui en donnait alors qu’il n’en avait pas besoin.

C’est une complète gabegie d’argent public. Avec cette mesure, vous espérez que les grandes fortunes contribueront à l’investissement et l’emploi ; c’est totalement faux, et j’espère que nous aurons les moyens de le vérifier dans les années qui viennent.

Mme Amélie de Montchalin. Ce sont deux choses qui n’ont rien à voir : les 160 millions sont pour des entreprises, afin de favoriser la compétitivité du travail. Nous parlons ici des actifs des particuliers, et vous voyez qu’un capitaine d’industrie peut, avec l’argent que nous lui libérons, investir dans de nouvelles entreprises ou soutenir des entrepreneurs.

M. Fabien Roussel. Il n’en a pas besoin !

Mme Amélie de Montchalin. Ce n’est pas la question !

Mme Émilie Cariou. Précisons qu’il est prévu que les actifs immobiliers inscrits au bilan d’une entreprise pour son activité ne seront pas taxés à l’IFI. En revanche, les biens qui seraient au bilan mais pas affectés à l’activité – on peut acquérir des actifs immobiliers qui ne sont pas affectés à l’activité dans le bénéfice industriel et commercial – pourraient entrer dans l’assiette de l’IFI.

M. Charles de Courson. Mais alors, allez‑vous chercher dans chaque bilan des filiales et des sous-filiales la partie immobilière affectée à l’activité professionnelle ? C’est inextricable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en présentation commune, l’amendement I-CF367 de M. Philippe Vigier ainsi que les amendements I-CF522, I-CF614, I-CF615, ICF616, ICF617, I-CF618, I-CF619, I-CF620 et I-CF621 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ces amendements vont vous montrer l’incroyable incohérence à maintenir l’IFI.

L’amendement I-CF367 se consacre aux œuvres d’art, à l’or et aux yachts. Dans le système qui nous est présenté, ces biens sont exonérés. Sont-ils considérés comme des biens productifs, puisqu’il s’agit du critère ? Vous voyez bien l’aberration du système si l’IFI est maintenu. Pourquoi exonérer d’ISF les œuvres d’art ? Sont-elles productives ? Si vous êtes néolibéral, vous direz qu’elles produisent des biens esthétiques. Mais ces derniers sont-ils productifs ? Surtout quand les œuvres d’art sont planquées au sous-sol ou à la banque !

L’amendement I-CF522 porte sur les obligations. Dans votre logique, les obligations, surtout celles garanties par l’État, ne sont pas un bien productif. Elles sont tout de même exonérées d’IFI, alors qu’elles sont la définition même de la rente, définie comme le « fait d’acheter un bien qui assure un revenu certain dans le temps ». Une obligation garantie par l’État ne fait même pas courir le risque de l’insolvabilité.

J’ai pris la liste des signes extérieurs de richesse, à partir de laquelle on taxe ceux qui ont dissimulé leurs revenus : les employés de maison, précepteurs, préceptrices, gouvernantes ; les voitures automobiles destinées au transport de personnes ; ces signes extérieurs sont exonérés dans votre texte ; les motos de plus de 450 cm3, autre signe extérieur de richesse, sont également exonérées. Une superbe Harley-Davidson classée monument historique est‑elle un bien productif ? Je continue : les avions de tourisme, les chevaux de course, les chevaux de selle, les locations de droits de chasse et les participations aux clubs de golf sont exonérés d’IFI. Dans votre logique, ce sont des biens productifs ?

M. le Rapporteur général. Il n’aura échappé à personne que l’ensemble des biens que vous citez ne sont pas des biens immobiliers. Réintégrer parmi les biens immobiliers votre femme de ménage – c’est ainsi qu’on appelle le personnel de maison, du moins chez moi – est assez limite... Je pense d’ailleurs que constitutionnellement, cela ne tiendrait pas beaucoup. Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements déposés en guise de provocation.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je demande simplement à M. de Courson de retirer l’amendement I-CF614, qui a pour effet de rétablir l’esclavage : si l’on considère que le personnel de maison entre dans la catégorie des biens, cela pose un grave problème !

L’amendement I-CF614 est retiré.

M. Jean-Noël Barrot. Je voudrais partager avec le Rapporteur général et mes collègues de la majorité la réflexion suivante : si nous ne parvenons pas à voir le verre à moitié vide, peut-être faut-il essayer de le voir à moitié plein. Si nous voulons parvenir de la manière de la plus efficace à l’objectif poursuivi par cette réforme – orienter l’épargne vers les fonds propres des entreprises –, peut-être devrions-nous sortir de l’assiette de l’ISF les investissements que nous voulons flécher vers les entreprises plutôt que de chercher à faire entrer dans l’assiette de l’IFI un certain nombre de biens, y compris la longue litanie dont nous a gratifiés M. de Courson.

Mme Nadia Hai. Monsieur de Courson, il faut comprendre que l’IFI ne touche que la part immobilière du patrimoine : tout le reste sort de l’assiette. Et les biens qui n’étaient pas pris en compte pour le calcul de l’impôt continueront à ne pas l’être, y compris les œuvres d’art.

S’agissant des obligations, vous avez déjà proposé hier de les taxer. Mais qu’est-ce qu’une obligation ? C’est une créance que l’on accorde à une entreprise ou à l’État. En quoi n’est-ce pas un investissement productif ?

M. Jean-René Cazeneuve. Monsieur de Courson, ne gâchez pas votre talent. Vous nous avez expliqué hier qu’il fallait tout supprimer, et vous dites ce matin qu’il faut en rajouter. Franchement, nous sommes perdus dans votre démonstration. Ce n’est pas une mesure symbolique, c’est une mesure qui doit relancer notre économie.

La commission rejette successivement les amendements I-CF367, ICF522, I-CF615, I-CF616, I-CF617, I-CF618, I-CF619, I-CF620 et I-CF621.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements I-CF45 de Mme Lise Magnier, I-CF225 de M. Mohamed Laqhila et I-CF110 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Lise Magnier. L’objet de cet amendement est de sortir la résidence principale de l’assiette de l’IFI.

M. Mohamed Laqhila. Effectivement, il convient de sortir la résidence principale de l’assiette de l’IFI. Aujourd’hui, si l’on a acheté une résidence à un prix très bas il y a quelque temps et que son prix a été multiplié jusqu’à atteindre le seuil de l’IFI, il suffirait de la vendre et d’acheter un yacht pour l’habitat !

Mme Émilie Bonnivard. Nous souhaitons également sortir la résidence principale de l’IFI, pour les raisons qu’a indiquées M. Laqhila.

M. le Rapporteur général. Je vous rappelle qu’il existe un abattement de 30 % sur la valeur de la résidence principale, qui est maintenu dans la réforme actuelle. L’abattement a été créé pour prendre en compte les prix très élevés dans quelques régions françaises : la région parisienne, la Côte d’Azur, et à proximité de certains lacs alpins et de l’ancien département du Léman, comme dirait Napoléon.

Aller au-delà de cet abattement va concentrer mécaniquement un avantage plus important dans des régions où l’immobilier est très cher, créant un déséquilibre. Je souhaite le maintien du système actuel d’abattement à 30 %. Avis défavorable aux trois amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle est ensuite saisie des amendements I-CF406 et I-CF407 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Le projet de loi de finances prévoit, afin d’éviter des abus, de ne pas prendre en compte certaines dettes qui pourraient être contractées dans le seul but de contourner l’impôt.

L’ensemble des dettes, même celles contractées avant le 1er janvier 2018, sont prises en compte. C’est le problème : on ne peut pas considérer que les emprunts préexistants ont été réalisés dans la seule volonté de contourner un impôt qui n’existait pas au moment de la souscription. C’est l’objet de l’amendement I-CF406.

L’amendement I-CF407 porte sur la déductibilité des emprunts contractés auprès du conjoint du redevable. Il est proposé de retenir ces emprunts si le redevable justifie du caractère normal des conditions du prêt en termes d’échéances, de montant et de caractère effectif des remboursements.

M. le Rapporteur général. Le dispositif de déductibilité des dettes ne vise pas spécialement à prévenir des manœuvres frauduleuses. Il vise simplement à déterminer avec un maximum de justesse les dettes déductibles des biens soumis à l’IFI. Beaucoup de ces prêts ne sont déjà pas, actuellement, déductibles de l’ISF, dont l’IFI reprend la logique.

De ce fait, en ne prenant en compte que les prêts conclus à compter du 1er janvier 2018, il y a lieu de craindre que l’on établisse des règles d’assiette assez différentes suivant la date de ces prêts.

Cette distinction est-elle justifiée ? Il nous semble au contraire qu’elle peut introduire une rupture d’égalité entre les contribuables qui pourrait être vue d’un mauvais œil par le Conseil constitutionnel.

L’amendement I-CF407 est de nature un peu différente. J’en comprends la logique et je vous invite à le déposer à nouveau en séance pour obtenir les explications du ministre.

Je donne donc un avis défavorable à l’amendement I-CF406, et je préconise le retrait du I-CF407.

Mme Véronique Louwagie. Je retire l’amendement I-CF407, et nous aurons la discussion en séance sur l’amendement I-CF406.

L’amendement I-CF407 est retiré.

M. Charles de Courson. Notre collègue soulève un énorme problème, qui existait déjà dans l’ISF : l’affectation de certains emprunts à certains actifs. Le grand jeu était de s’endetter pour financer des biens soumis à l’ISF. C’était un des grands jeux d’optimisation fiscale. Nous avons vu des montages extraordinaires en la matière parmi les grandes fortunes. De nouveau, nous allons nous heurter à l’affectation, dans le patrimoine, de la partie qui n’est pas exonérée. Le grand jeu sera de s’endetter à 100 % pour financer son immobilier. Ainsi, l’actif net immobilier sera nul.

Je ne sais pas comment le Rapporteur général voit les choses, car nous allons aggraver la complexité de ces mécanismes d’optimisation fiscale.

La commission rejette l’amendement I-CF406.

Elle en vient à l’amendement I-CF602 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Les foncières solidaires sont des entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS) exerçant des activités immobilières ou financières : elles logent, pour parler concrètement, des gens en très grande difficulté. Elles bénéficient jusqu’à présent du dispositif ISF-PME, qui permet aux souscripteurs particuliers de déduire de leur ISF – dans la limite de 45 000 euros – 50 % du montant de la souscription investie au capital d’une de ces entreprises.

La disparition de ce dispositif ISF-PME supprime ipso facto la déduction fiscale dont bénéficiaient les ESUS exerçant des activités immobilières et financières. Or, cette déduction permettait pourtant de diriger des flux significatifs d’investissements privés vers le logement très social : Finansol évalue à 500 millions d’euros l’encours de l’épargne collectée par les ESUS.

L’amendement vise donc à sortir de l’assiette de l’IFI les titres des foncières solidaires. Cette possibilité, d’un coût très limité pour les finances publiques, permettrait de maintenir au moins en partie l’investissement privé dans le logement très social mais aussi de sensibiliser les propriétaires privés payant l’IFI aux enjeux du logement pour les personnes les plus pauvres en France ainsi que de contribuer à la modération des loyers, qui est l’un des objectifs du Gouvernement.

M. le Rapporteur général. Les ESUS sont des entreprises comme les autres : elles bénéficient donc du régime d’affectation des biens. Toutefois cet amendement me paraît intéressant, et je vous propose de le retravailler en vue de la séance. Nous serons ainsi certains qu’il n’y a pas d’angle mort.

M. Charles de Courson. Vous maintenez le système des dons, mais vous avez oublié les foncières solidaires. Or, cet investissement est un geste de générosité, certainement pas une façon de s’enrichir !

Je veux bien retirer l’amendement, mais j’aimerais avoir votre appui sur ce sujet, monsieur le Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Je tiens à m’assurer précisément du régime dont relèvent les foncières solidaires.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit ensuite de l’amendement I-CF613 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Voilà encore un beau sujet : les monuments historiques privés ouverts au public. Les avantages consentis pour leur réhabilitation ont toujours eu pour contrepartie l’ouverture au public, qui peut ainsi découvrir le patrimoine national.

Je vous propose donc d’exonérer ces monuments historiques privés ouverts au public. Ils ne participent pas de l’économie de la rente, évoquée par le Président de la République : leurs propriétaires s’appauvrissent, mais en restaurant et en ouvrant ce patrimoine au public, ils contribuent à l’intérêt général ; cette activité favorise en outre la revitalisation du monde rural et le développement du tourisme.

M. le Rapporteur général. Précisons que l’ouverture de tels monuments au public est parfois très limitée... La valeur patrimoniale de ces châteaux est, de plus, incertaine.

Avis défavorable. Il n’y a pas à mon sens de raison de sortir ces biens de l’IFI : cela reviendrait à accorder un avantage à quelques privilégiés, même si je reconnais que ce privilège peut être relatif.

J’ai toutefois le sentiment que nous reverrons cet amendement en commission mixte paritaire...

La commission rejette l’amendement.

Elle se saisit ensuite des amendements identiques I-CF44 de Mme Lise Magnier et ICF366 de M. Philippe Vigier.

Mme Lise Magnier. Le présent amendement a pour objet d’aménager les conditions de mise en œuvre de l’IFI en excluant du champ d’application de cet impôt les actifs fonciers affectés au développement d’une activité de production agricole ou forestière.

En alignant le traitement fiscal des actifs fonciers agricoles et forestiers productifs sur celui des investissements financiers dans les PME et les grandes entreprises, françaises et étrangères, la présente disposition vise à assurer aux filières agricoles et forestières françaises le nécessaire accès aux capitaux, familiaux notamment, pour le maintien et le développement d’une agriculture dynamique et performante.

Il s’agit de favoriser le soutien de l’investissement dans l’outil de production des exploitations agricoles et forestières françaises pour maintenir la dimension familiale et entrepreneuriale de ces exploitations.

Cette mesure favorise l’installation de jeunes exploitants en partenariat avec des investisseurs de long terme, au cœur des territoires ; nous parlons d’actifs non délocalisables, et pourvoyeurs de très nombreux emplois en amont et en aval.

L’aménagement proposé a donc pour objet d’établir des règles de concurrence équilibrées entre les exploitations agricoles et forestières familiales d’un côté, et de l’autre et les grands groupes cotés sur les marchés financiers le cas échéant.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. À mon sens, l’article 12 assure l’exonération de ces biens, puisqu’ils sont affectés à une activité économique. Je vous invite à vous en assurer en déposant à nouveau cet amendement en séance publique.

Mme Véronique Louwagie. Les biens affectés à une activité agricole ne sont aujourd’hui exonérés, monsieur le Rapporteur général, que sous certaines conditions, tenant notamment à la nature du bail, à la qualité du preneur...

M. Charles de Courson. Voilà encore un vrai problème. Le revenu des biens fonciers tourne autour de 1 %. La terreur des exploitants agricoles, viticoles et autres, c’est que le propriétaire vende, et que le nouvel acheteur mette fin au bail pour reprendre les terres. Or, dans votre texte, ne seront exonérés que les biens fonciers exploités directement ou indirectement par le propriétaire. Si vous en restez là, vous allez déstabiliser encore un peu plus le marché foncier – et on connaît la situation de l’agriculture. C’est pourquoi nous vous proposons cette exonération.

M. le Rapporteur général. Comme tout à l’heure, il me semble que ces biens, affectés à une activité entrepreneuriale, sont exonérés. C’est en tout cas ma lecture de l’article 12, et je vous invite à demander au Gouvernement d’apporter cette précision en séance publique. Si tel n’était pas le cas, nous devrions effectivement nous pencher sur cette question.

M. Charles de Courson. L’article 12 maintient le système existant : seul le propriétaire exploitant est exonéré.

Mme Véronique Louwagie. Nous avons eu cette discussion, en effet, pour d’autres biens. Soit le dispositif nouveau reprend celui de l’ISF, et alors les biens fonciers seront, sous certaines conditions, intégrés à l’assiette de l’IFI. Soit il y a un changement, mais dans ce cas le Gouvernement doit mieux éclairer la représentation nationale.

M. le Rapporteur général. Il existait un régime des biens professionnels ; le régime des biens affectés, défini par l’article 12, est nouveau et modifie ces situations. Mais nous devons nous en assurer. Vos questions sont tout à fait pertinentes.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine alors les amendements I-CF692 de M. le président Éric Woerth et I-CF438 de M. Nicolas Forissier.

M. le président Éric Woerth. L’ISF-PME était une niche fiscale sans doute, mais essentielle pour le financement, direct ou intermédié, des entreprises. Nous proposons de créer, sur ce modèle, un IFI-PME.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. Il est prévu d’améliorer le dispositif IR-PME, dit « Madelin », pour assurer une continuité avec l’ISF-PME. Cela devrait répondre à vos attentes.

M. le président Éric Woerth. Vous avez déjà rejeté un amendement sur l’IR-PME.

Mme Amélie de Montchalin. En l’adoptant en première partie, cet amendement se serait appliqué aux sommes investies en 2017, créant un effet d’aubaine. Nous voulons qu’il s’applique à celles investies en 2018, et c’est pourquoi nous aurons ce débat en seconde partie.

M. Nicolas Forissier. L’ISF-PME permet de collecter plus de 1 milliard d’euros : 850 millions directement, et environ 450 millions de façon intermédiée. En supprimant cette mesure, vous risquez d’assécher ces flux financiers très importants pour les entreprises, en capital-risque et en capital-développement surtout.

Je suis tout à fait ouvert pour travailler sur ces questions, mais je m’inquiète de ce qui va advenir durant la période intermédiaire. Il faut créer une nouvelle culture chez les intermédiaires, et généralement chez tous ceux qui accompagnent les entreprises ; mais cela prend du temps, ce que savent tous ceux parmi nous qui sont des praticiens de l’entreprise.

Je souscris pleinement à une réforme de l’accompagnement du capital-développement. Mais, pendant les trois à quatre ans qui viennent, un dispositif transitoire qui reconduirait l’ISF-PME me paraît nécessaire. Cela irait dans le sens de la priorité donnée à l’investissement dans les entreprises proposée par le Président de la République et la majorité, et que nous approuvons.

M. Stanislas Guerini. Nous souscrivons, sur le fond, au projet d’orienter l’épargne des Français vers les entreprises. Mais nous n’allons pas nous excuser, en supprimant l’ISF, de supprimer une niche creusée dans l’ISF. L’idée d’une période transitoire, en attendant que l’épargne des Français prenne naturellement le chemin des entreprises, est néanmoins intéressante : il nous semble, pour en avoir débattu avec des fonds d’investissement qui bénéficient aujourd’hui de l’ISF-PME, que le dispositif de l’IR-PME serait adapté.

Comme le dit souvent Amélie de Montchalin, le budget est un outil. Et nous aurons d’autres outils, notamment la loi TPE-PME en préparation, qui comprendra un volet sur le financement.

M. Nicolas Forissier. Eh bien, pour assurer un tuilage, adoptez nos amendements, pour au moins un an ou deux. Je ne suis pas sûr du tout que l’IR-PME permette une collecte équivalente. Avec un IFI-PME et l’IR-PME, nous pourrions atteindre le milliard et demi de collecte dont nous avons besoin.

Mme Amélie de Montchalin. Nous avons étudié tout cela. Aujourd’hui, l’assiette de l’IFI est de 850 millions d’euros. Sociologiquement, les personnes qui utilisent l’ISF-PME ne sont globalement pas celles qui paieront l’IFI. L’IR-PME a l’avantage de concerner tous ceux qui payent l’impôt sur le revenu. Vous verrez qu’ils auront une latitude bien plus grande pour investir.

Il faut éviter les chocs. Il a fallu dix ans pour lever 800 millions grâce à l’ISF-PME. C’est un bon outil, qu’il ne faut pas casser, et c’est pourquoi nous vous proposerons un dispositif transitoire. Tous les professionnels avec qui nous parlons sont plutôt rassurés par nos propositions.

Par la suite, la loi TPE-PME sera l’occasion d’une réflexion structurelle. Les business angels, les fonds d’amorçage, les fonds de capital-investissement... attendent d’abord une rationalisation.

M. le président Éric Woerth. Nous sommes favorables à l’IR-PME. Mais il est complémentaire d’un IFI-PME.

M. Charles de Courson. Le système actuel repose à la fois sur l’ISF-PME et sur l’IR-PME. Ce dernier est à 18 %, avec un plafond très bas.

Mme Amélie de Montchalin. Nous allons le remonter !

M. Charles de Courson. Le plafond de l’ISF-PME est beaucoup plus élevé, et le taux est de 50 %. Je crois comprendre que vous souhaitez améliorer le dispositif « Madelin » : mais il faut carrément le super-doper, en passant au moins à 30 %, et en se calant sur les plafonds ISF-PME, c’est-à-dire au moins 45 000 euros pour un célibataire.

Mme Amélie de Montchalin. Nous verrons cela en seconde partie, pour 2019 !

M. Charles de Courson. On aurait pu faire les deux.

Mme Amélie de Montchalin. Nous en reparlerons.

M. Gilles Le Gendre. Notre rôle est aussi de faire œuvre de pédagogie. Il faut faire comprendre à notre pays qu’une épargne fléchée, cela peut être intelligent, mais qu’une épargne administrée de manière trop serrée est contraire aux lois de l’économie. Penser qu’il y aura des dispositifs magiques, et que nos mesures garantiront à 100 % l’amélioration du financement de l’économie, ce n’est pas vrai ! Nous créons un environnement – fiscal, mais pas seulement, puisqu’il y a aussi le droit du travail, de la formation...

Sur le fond, l’IR-PME pose un vrai problème. Pour rassurer l’épargnant, l’investissement doit être intermédié ; or, de ce fait, il perd une grande partie de son efficacité. La Cour des comptes l’a montré : les intermédiaires financiers, ce qui est normal, capturent une grande partie de la chaîne de valeur. En revanche, l’investissement désintermédié est utile à l’euro près mais les épargnants non initiés courent des risques importants. Les pouvoirs publics ne peuvent donc le soutenir à grande échelle. Nous devrons avoir ce débat, qui pourra être très fécond. Il ne faut pas réfléchir nécessairement aux fléchages fiscaux, mais à la manière dont la chaîne de valeur créée par cette épargne que nous voulons voir investie le plus possible dans les entreprises, notamment celles de petite taille, pourra être plus efficace.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle se saisit ensuite de l’amendement I-CF141 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à maintenir la réduction d’impôt liée à l’investissement au capital des ESUS exerçant des activités immobilières ou financières ; ces véhicules financiers sont en général créés par des associations qui viennent en aide à des personnes en grande difficulté, à qui même le parc public social est inaccessible. Les bénéfices sont réinvestis dans l’objet social et les salaires extrêmement encadrés ; il n’y a pas de rémunération d’actionnaires.

Cette niche fiscale coûte de moins de 10 millions d’euros par an, alors que cette activité économique est essentielle : en un an, 5 500 nouveaux bénéficiaires en grande précarité ont été relogés, 466 nouvelles entreprises ont été financées dont 54 % ont moins de trois ans. Cela représente 7 700 emplois créés ou consolidés dont bon nombre en insertion.

M. le Rapporteur général. Votre amendement vise à recréer un dispositif ISF-PME spécifique aux ESUS.

La création de l’IFI devrait en effet se traduire par la suppression du dispositif que vous décrivez. Celui-ci n’est pas chiffré en tant que tel dans le fascicule Évaluations des voies et moyens, mais il est probable qu’il soit assez peu utilisé actuellement – même s’il peut ponctuellement être important pour telle ou telle structure.

Sur le fond, ma réponse est la même que pour l’ISF-PME : à partir du moment où l’IFI ne pèsera plus sur la détention des titres d’ESUS, il n’y a pas de raison particulière de créer une niche pour inciter à leur détention.

L’objectif de l’IFI est de recréer un nouvel impôt avec une nouvelle assiette simple, solide et limpide pour le contribuable ; l’IFI permettra de mettre fin aux contentieux très importants qui entourent certaines niches de l’ISF, comme l’ISF-PME ou le pacte « Dutreil ».

S’il vous plaît, ne recréons pas un impôt impraticable dès sa mise en place. On peut en outre préciser que la niche applicable aux dons sera, elle, totalement maintenue même si l’assiette de l’IFI sera réduite par rapport à l’ISF.

M. Éric Alauzet. On va donc faire payer l’IFI à ces entreprises solidaires, qui hébergent des personnes en grande difficulté ? Je suis extrêmement troublé.

M. Charles de Courson. Le Rapporteur général s’est tout à l’heure montré ouvert à une exonération de la détention des titres d’ESUS. Ici, c’est un peu différent. Monsieur le Rapporteur général, seriez-vous prêt à ouvrir de telles exonérations dans le cadre de l’IR-PME, en seconde partie ?

M. le Rapporteur général. Je ne peux vous répondre aujourd’hui, mais je vous invite à déposer un amendement en ce sens.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF603 de M. Charles de Courson.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. C’est le même sujet. Nous vérifierons, mais le dispositif « Madelin » comprend déjà un volet ESUS.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement I-CF409 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement vise à adapter le calendrier des dons à celui des déclarations. Cette coïncidence des calendriers existe pour l’ISF, ce qui permet une collecte plus importante.

M. le Rapporteur général. C’est un sujet très important. Mon amendement I-CF711 va dans le même sens, mais à titre transitoire, pour l’année 2018. À partir de 2019, nous pourrions revenir au droit commun.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit ensuite en discussion commune des amendements I-CF708 du Rapporteur général et I-CF572 de Mme Amélie de Montchalin.

Mme Perrine Goulet. ‘L’amendement I-CF572 est un amendement de cohérence, similaire à celui du Rapporteur général, sous réserve d’une petite différence légistique.

M. Charles de Courson. Cette notion de « concubins notoires » me paraît bien surprenante. La jurisprudence définit le concubinage par trois critères, dont le caractère public.

M. le Rapporteur général. Au contraire des baux champenois à quart et à tiers francs, il s’agit d’une notion juridique solide, inscrite dans notre droit, validée par le Conseil constitutionnel.

La commission adopte l’amendement I-CF708 (amendement n° I-595).

En conséquence, l’amendement I-CF572 de Mme Amélie de Montchalin, devenu sans objet, tombe.

La commission examine alors l’amendement I-CF711 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. C’est l’amendement dont je parlais, qui porte sur le calendrier des dons.

Compte tenu de la promulgation de la présente loi avant le 1er janvier 2018, il ne sera mécaniquement plus possible d’imputer des dons sur l’IFI 2018.

Les structures d’intérêt général qui bénéficient des dons ISF vont donc se trouver bloquées avant d’avoir lancé ce qu’il est convenu d’appeler leur « campagne ISF », en général au printemps, en vue de dons déductibles au plus tard en mai ou juin.

Afin d’éviter ce problème, le présent amendement prévoit à titre transitoire que les dons imputables sur l’IFI 2018 pourront être réalisés jusqu’à la date limite de dépôt de la déclaration d’IFI 2018, donc jusqu’à mai ou juin 2018.

Ensuite, les dates des dons seront calées sur l’année civile : en pratique, les dons imputables sur l’IFI 2019 seront donc opérés entre le dépôt de la déclaration IFI 2018 et le 31 décembre 2019.

M. Charles de Courson. Je suis entièrement favorable à cet amendement, mais pourquoi ne pas adopter cette mesure à titre définitif ? Beaucoup de gens attendent le dernier moment pour faire des dons.

M. le Rapporteur général. Parce que l’IFI et l’impôt sur le revenu feront l’objet d’une déclaration unique, je ne vois pas l’intérêt de modifier le dispositif pour l’instant ; s’il apparaissait nécessaire de revoir le calendrier prévu, nous essayerions de régler la question en séance publique.

M. le président Éric Woerth. Il me semble en effet qu’il appartient au ministre d’apporter une réponse. La rédaction de l’amendement I-CF711 vous convient-elle, madame Louwagie ?

Mme Véronique Louwagie. Oui, si ce n’est que j’approuve l’observation faite par M. de Courson. Certains contribuables attendent de connaître la somme dont ils sont redevables au titre de l’actuel ISF pour décider de faire des dons. Nous devons favoriser ces dons, qui sont de la plus grande importance pour les associations et les fondations ; je ne suis pas certaine que le mécanisme prévu pour la seule année 2018 le permette dans la durée.

La commission adopte l’amendement I-CF711 (amendement n° I-596).

Puis elle examine l’amendement I-CF441de M. Nicolas Forissier.

M. Nicolas Forissier. Nous sommes favorables à des mesures de déduction fiscale simples et puissantes pour financer les entreprises. Je vais retirer l’amendement, dont j’ai compris qu’il sera rediscuté, non sans avoir dit que le dispositif ISF-PME pourrait être un outil essentiel. Et puisqu’une réflexion va s’engager, mon groupe souhaite y être associé ; notre objectif est le même, partageons la démarche.

M. le président Éric Woerth. Nous avons ouvert la voie ; nous serons nécessairement associés à ce travail.

L’amendement I-CF441 est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques I-CF683 du Rapporteur général et I-CF573 de Mme Amélie de Montchalin.

M. le Rapporteur général. L’amendement I-CF683 est défendu. Je signale que l’amendement identique I-CF573 doit être rectifié pour corriger une coquille.

M. Éric Alauzet. Je n’ai pas d’inclinaison naturelle en faveur du nouveau dispositif mais j’ai écouté avec passion le débat que nous avons eu hier soir à ce sujet et j’eusse même souhaité qu’il durât plus longtemps. Nous parions que substituer l’IFI à l’ISF aura un effet favorable sur l’économie française, qui manque de capitaux pour investir et innover, mais nous n’en avons pas la certitude. L’évaluation de la mesure est donc indispensable, dans la ligne de l’action que veut mener le Président de la République, et prévoir cette évaluation apaisera le débat, si l’on est capable de prendre des risques mais aussi d’évaluer les résultats obtenus et d’avoir le courage de revenir le cas échéant sur une décision et de modifier ce qui doit l’être. Tel est le sens de l’amendement I-CF573.

Mme Amélie de Montchalin. L’évaluation est au cœur de tout ce que nous sommes en train de faire. Notre objectif est que la France change : nous établissons un diagnostic, nous procédons à des expérimentations et nous les évaluons. Évaluer ne signifie pas revenir en arrière mais ajuster. Notre cap est clair, et l’ajustement est capital ; c’est par ce biais que notre travail de parlementaires prend tout son sens. Nous ne pouvons penser nous séparer le 22 décembre en pensant avoir fini notre tâche. Le changement culturel à apporter en matière d’épargne est tel que nous devons tous – et je serai ravie que M. Forissier, comme tous ceux qui le souhaiteront, soient associés à ces travaux – nous astreindre à une démarche d’évaluation et de contrôle. Cela correspond à ce que nous voulons faire pour la taxe d’habitation, et aussi à la proposition de Jean-Noël Barrot relative à un comité de politique fiscale. Il nous faut plus de chiffres, plus de moyens et des indicateurs nous permettant de déterminer si les mesures doivent être ajustées.

M. le président Éric Woerth. Incidemment, ce n’est pas la première fois qu’un rapport parlementaire sur l’efficacité d’une politique publique aura été demandé...

Mme Valérie Rabault. Je puis attester que le président Woerth fait partie de ceux qui ont demandé, avec une grande constance, des rapports d’évaluation des politiques publiques. J’approuve ces amendements et j’aimerais savoir si leurs auteurs accepteraient, par souci d’objectivité, un sous-amendement prévoyant que la présidence de la mission de suivi et d’évaluation est confiée à un représentant de l’opposition.

Mme Amélie de Montchalin. M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, a indiqué qu’il fera conduire par la Cour des comptes, France Stratégie et l’INSEE une mission de suivi ; c’est ce dont nous parlons, et c’est une mission de l’exécutif, appelée à travailler dans le cadre défini par le ministre. Si, d’autre part, nous souhaitons créer une mission parlementaire à ce sujet, la Conférence des présidents peut en décider, et je ne vois pas pourquoi nous nous priverions des bonnes volontés qui se manifestent.

Mme Valérie Rabault. Tous les amendements que j’ai présentés ont connu un sort défavorable au motif que je ne pouvais donner d’injonctions au Gouvernement ; je m’en garde donc, au contraire de Mme de Montchalin, qui semble pouvoir ou vouloir le faire. Mais, au sein de cette commission, pour éviter que l’évaluation soit pilotée, comme elles le sont parfois, et pour établir un critère d’objectivité, pourrions-nous nous mettre d’accord aujourd’hui sur le rôle que l’opposition pourrait jouer dans cette évaluation ?

M. le Rapporteur général. Puisque, comme le précisent les amendements, la mission de suivi proposée est adossée à la mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances, je rappellerai que cette dernière obligatoirement coprésidée par un membre de la majorité et par un membre de l’opposition.

M. le président Éric Woerth. Madame Rabault, êtes-vous rassurée ?

Mme Valérie Rabault. Oui.

M. Charles de Courson. La rédaction qui nous est soumise est ambiguë : on ne sait si l’on parle d’une mission de suivi de l’exécutif ou de notre Assemblée. S’il s’agit d’une mission parlementaire, c’est nous qui fixons sa configuration. On peinait à comprendre de quoi il est question exactement ; puisqu’il apparaît qu’il s’agit d’une injonction faite au Gouvernement, je crains que la proposition soit inconstitutionnelle.

M. François Pupponi. Le drame de la France n’est pas le manque d’évaluations 
– on en fait tous les jours et l’on sait ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas – mais l’incapacité de la majorité qui a décidé d’une politique publique à tenir compte des bonnes évaluations pour modifier le dispositif en conséquence.

M. le président Éric Woerth. C’est pourquoi nous proposerons une modification de la procédure budgétaire pour prévoir, au moment du projet de loi de règlement, un temps très fort consacré aux évaluations du Parlement et de la Cour des comptes.

M. Éric Alauzet. Les choses ne sont pas aussi simples que le dit notre collègue Pupponi. Bon nombre d’évaluations ne permettent pas de trancher, et il se produit que des évaluations contradictoires aboutissent à des résultats différents, si bien que chacun reprend les évaluations qui l’arrangent. La difficulté est de définir d’emblée des critères d’évaluation incontestables. Je suis très favorable à une évaluation mais je doute de notre capacité collective à en tirer des conclusions efficaces pour rectifier ce qui doit l’être le cas échéant.

Mme Valérie Rabault. Sur le CICE, nous avons effectivement reçu plusieurs rapports aux conclusions quelque peu contradictoires. Mais pour ce qui concerne la suppression de l’ISF, les 4,5 milliards d’euros redonnés devraient se retrouver dans le financement des PME, un élément que la Banque de France évalue chaque année de manière aisément compréhensible.

La commission adopte les amendements identiques I-CF683 et I-CF573 rectifié (amendement n° I-597).

Puis elle examine l’amendement I-CF199 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Mohamed Laqhila. Nous proposons d’établir un comité de suivi des mesures de réorientation de l’épargne chargé de statuer après deux ans sur l’efficacité des réformes.

M. le président Éric Woerth. L’amendement est, me semble-t-il, satisfait par le vote qui vient d’intervenir.

M. Mohamed Laqhila. Je le retire.

L’amendement I-CF199 est retiré.

La commission adopte l’article 12 modifié.

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*     *

Après l’article 12

La commission examine successivement les amendements I-CF651 et ICF652 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. La même idée inspire les deux amendements : favoriser la réorientation de l’épargne vers l’investissement dans les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI). À cette fin, je propose par l’amendement I-CF651 d’exonérer d’impôt sur les plus-values, en 2018, les cessions de titres ou parts de fonds communs de placement (FCP) ou de sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) si les produits de ces cessions sont intégralement réinvestis dans des PME ou des ETI. Dans le même esprit, je propose par l’amendement I-CF652 d’élargir de manière permanente le dispositif d’apport cession pour le financement en fonds propres des entreprises.

M. le Rapporteur général. Ces amendements modifient le champ des entreprises dont les titres sont éligibles au plan d’épargne en actions (PEA)-PME en l’élargissant à certaines sociétés cotées. La fiscalité du PEA-PME – dont l’encours, qui n’a cessé d’augmenter, atteint actuellement 670 millions d’euros – est la même que celle du PEA, avec un plafond de 75 000 euros : les produits obtenus sont totalement exonérés d’impôts après cinq ans de détention. Je ne pense pas judicieux de donner un nouveau coup de pouce à ce dispositif, ce qui me conduit à donner un avis défavorable à l’amendement I-CF651. D’autre part, l’apport cession dans sa forme actuelle n’exclut le réinvestissement ni dans les PME ni dans les ETI ni dans les sociétés de capital-risque. L’amendement I-CF652 ne me semble donc pas apporter d’éléments nouveaux à ce dispositif, si ce n’est qu’il l’élargit en encourageant le financement en fonds propres par le biais de parts de fonds commun de placements à risque. Cela est plutôt de nature à affaiblir le mécanisme de l’apport cession, qui flèche l’investissement vers de vrais titres de capital des PME. J’y suis donc également défavorable.

Mme Amélie de Montchalin. Il faut promouvoir et expliquer l’outil efficace qu’est le PEA-PME. Ce n’est pas nécessairement par le biais de la fiscalité que l’on y parviendra mais plutôt par la structuration du produit et en le faisant mieux connaître. L’idée n’est pas de flécher par l’impôt mais de rendre ces produits connus, compris et efficaces parce que répondant pleinement à leur objectif.

La commission rejette successivement les amendements I-C 651et I-CF652.

Elle est saisie de l’amendement I-CF142 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Il s’agit à nouveau d’accorder une réduction d’impôt sur le revenu supérieure aux souscripteurs au capital des entreprises solidaires qui conservent leurs titres sept ans au moins.

M. le Rapporteur général. Comme pour les autres amendements de ce type, placer la disposition en première partie de la loi de finances procurerait un effet d’aubaine aux investisseurs qui auront déjà opéré le versement à la date de promulgation de la loi. Il serait donc nécessaire, au minimum, de la placer dans la seconde partie du texte. Sur le fond, je ne suis pas convaincu qu’un avantage renforcé en faveur des entreprises solidaires d’utilité sociale soit nécessaire : on risque ce faisant de dénaturer leur objet, qui n’est pas d’attirer des investisseurs voulant réduire leur impôt. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement I-CF408 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Tous ceux qui se sont exprimés s’accordent à reconnaître l’utilité des dispositifs ISF-PME et IR-PME. Je propose par cet amendement de renforcer l’IR-PME pour l’étendre à toutes les entreprises non cotées. Certes, la fiscalité n’est pas le seul outil de réorientation de l’épargne possible – et je pense aussi qu’il faut faire la promotion des outils existant pour modifier les comportements – mais c’est un important vecteur d’accompagnement de cette politique.

M. le Rapporteur général. L’amendement, déposé en première partie du projet de loi de finances pour 2018, s’appliquerait aux versements déjà opérés en 2017. L’élargissement rétroactif d’une niche fiscale créerait un effet d’aubaine. Il serait donc préférable de présenter cet amendement lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi.

Mme Véronique Louwagie. Je le retire.

L’amendement I-CF408 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement I-CF143 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. L’amendement vise à exclure du plafonnement des avantages fiscaux au titre de l’impôt sur le revenu les investissements des particuliers dans les entreprises solidaires d’utilité sociale.

M. le Rapporteur général. L’effet rétroactif créerait un effet d’aubaine ; mieux vaudrait donc redéposer cet amendement lors de l’examen de la seconde partie.

M. Éric Alauzet. Je le retire.

L’amendement I-CF143 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement I-CF480 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Il est problématique que se soit constituée en France une nouvelle noblesse de l’argent : la part de patrimoine reçue par héritage, qui représentait 45 % de la richesse globale du pays dans les années 1970, est maintenant de 70 % et augmentera encore. L’impôt n’est pas uniquement une taxation : c’est un outil redistributif, qui a aussi pour rôle de faire que l’on ne soit pas riche seulement parce que l’on a eu la chance de naître de parents riches. Aussi proposons-nous par cet amendement d’instaurer un « héritage maximum », ce qui permettrait une redistribution plus égale des héritages qui ne doivent rien au travail mais tout à la naissance. Cet amendement opportun rapporterait de l’argent à l’État.

M. le président Éric Woerth. L’impôt en France est aussi et surtout une affaire de rendement puisqu’il permet de financer les services publics pour tous. Dans notre pays, le moteur social est bien plus puissant que le moteur fiscal ; c’est là, surtout, qu’est le cœur de la redistribution.

M. le Rapporteur général. Le barème des droits de succession est déjà fonction de l’importance du patrimoine transmis, s’étageant de 5 % pour les sommes inférieures à 8 000 euros à 45 % au-delà de 1,8 million d’euros. En proposant d’imposer au taux de 100 % les successions supérieures à 33 millions d’euros, vous vous exposez à faire annuler la mesure par le Conseil constitutionnel, qui considère comme confiscatoire toute imposition globalement supérieure à 66 %. Avis défavorable à cette proposition inconstitutionnelle.

M. Gilles Carrez. J’approuve l’analyse du Rapporteur général et je mets en garde contre toute tentation d’adopter des dispositions dont on sait qu’elles seront censurées. Cela dessert le travail parlementaire, que l’on dit ensuite mal fait.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF693 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. En dépit du pacte « Dutreil », il y a souvent de la casse lors des transmissions des entreprises en France : elles sont moins nombreuses que chez nos voisins et se font dans de mauvaises conditions. Nous proposons d’améliorer cette situation en assouplissant certaines contraintes, en particulier, en portant l’exonération sur l’assiette des droits de mutation à titre gratuit de 75 % à 95 % en contrepartie de l’allongement à six ans de la durée de l’engagement de détention individuelle des titres, au lieu de quatre ans actuellement. La durée de l’engagement collectif reste fixée à deux ans.

M. le Rapporteur général. Je comprends l’objectif visé, mais les problèmes patrimoniaux liés à la détention d’une PME ou d’une ETI étaient en grande partie liés à l’ISF : le fondateur restait à un poste de direction pour bénéficier du régime des biens professionnels et les héritiers étaient soumis à un ISF important en raison de la détention des parts. La suppression de cet impôt devrait apporter une solution efficace. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. L’ISF n’est pas la seule raison des problèmes de transmission.

M. Gilles Carrez. L’amendement porte sur la transmission des entreprises, non sur l’ISF. Le dispositif créé en 2000, intitulé à l’époque « pacte Gattaz », a été progressivement assoupli et porté à un taux plus intéressant. Il peut aussi prendre la forme d’un démembrement de propriété. Le dispositif a le mérite d’une certaine stabilité et d’une certaine efficacité ; l’amendement est intéressant à ce titre.

M. le Rapporteur général. Mieux vaut donc conserver en l’état ce dispositif stable et efficace… Avis toujours défavorable.

M. le président Éric Woerth. Quand l’instabilité a pour effet d’améliorer les choses, elle a du bon… En l’espèce, il s’agit de réduire les frottements.

Mme Amélie de Montchalin. La loi TPE-PME comportera un volet « transmission ». L’amendement adopté hier qui supprime le lien entre l’abattement fiscal sur les plus-values pour les PME et l’âge de la retraite va aussi dans ce sens. Le pacte « Dutreil » est un élément clef à aménager dans le cadre du projet de loi dont nous aurons à connaître au premier trimestre 2018.

M. le président Éric Woerth. C’est une transmission une fois, avec un abattement de 500 000 euros.

M. Mohamed Laqhila. La transmission des TPE et PME est un grave sujet dans notre pays. L’amendement va dans le bon sens.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement I-CF46 de Mme Lise Magnier.

Mme Lise Magnier. La transmission des exploitations agricoles, peu accompagnée, rend difficile le passage d’un propriétaire à un autre, même dans le cadre familial. Pour la faciliter, nous proposons par cet amendement d’exonérer totalement de droits les biens considérés, alors que l’abattement actuel n’est que de 75 %.

M. le Rapporteur général. La transmission d’une entreprise individuelle de tout type bénéficie d’un abattement qui n’est « que » de 75 % – ce qui n’est déjà pas négligeable. Il serait excessif de prévoir l’exonération complète de droits, d’autant qu’elle concernerait non seulement les entreprises agricoles mais aussi les entreprises industrielles, commerciales, artisanales et libérales. Outre cela, l’exonération totale pourrait constituer, aux yeux du Conseil constitutionnel, une rupture d’égalité. Avis défavorable.

M. le président Éric Woerth. En Allemagne, l’abattement est très supérieur à 75 %, ce qui explique pour partie les succès connus.

M. le Rapporteur général. Permettez-moi de préciser que, si le principe d’un abattement de 95 % lors des transmissions d’entreprises a bien été adopté par le Parlement, il a ensuite été censuré par la Cour constitutionnelle allemande.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF495 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. L’amendement tient compte de ceux de nos collègues, dont M. de Courson, qui plaident en faveur des « petits riches » au regard des « grands riches ». De fait, le barème de l’actuel impôt sur la fortune n’est pas très équitable, puisqu’il ne fait pas peser beaucoup plus sur les très grandes fortunes que sur les patrimoines petits ou moyens. Nous en proposons donc un autre, qui satisfait aux critères énoncés par l’économiste Thomas Piketty : il est clair, progressif et non confiscatoire – cette dernière précision rassurera ceux de mes collègues qui préjugent d’une décision du Conseil constitutionnel pour éviter un débat de fond. Avec ce barème, la fraction de la valeur nette du patrimoine taxable sera taxée au taux marginal de 2 %, celle qui est comprise entre 400 000 et 800 000 euros l’étant à 0,1 %. Ainsi l’imposition sera-t-elle plus juste, et aussi plus rentable pour l’État.

M. le Rapporteur général. L’article 12 ayant été adopté, l’amendement s’applique à un article du code général des impôts qui a été supprimé. Avis défavorable à un amendement qui aurait dû tomber.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement I-CF144 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. L’amendement vise à rétablir le bénéfice des réductions d’impôt sur le revenu liées à l’investissement au capital au profit des entreprises solidaires d’utilité sociale, lorsque les titres sont conservés sept ans au moins.

M. le Rapporteur général. L’article 12 prévoyant la suppression de cette niche fiscale, je donne un avis défavorable à un amendement qui aurait également dû tomber.

M. Éric Alauzet. Je retire l’amendement.

L’amendement I-CF144 est retiré.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette l’amendement de précision I-CF145 de M. Éric Alauzet.

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Article additionnel après l’article 12
Mise en place d’une taxe additionnelle sur l’immatriculation des véhicules
de tourisme puissants

La commission examine les amendements identiques I-CF577 du Rapporteur général et ICF581 de Mme Amélie de Montchalin.

M. le Rapporteur général. L’amendement I-CF577 est défendu.

Mme Amélie de Montchalin. Dans la continuité du débat d’hier, nous tenons à nous assurer que la suppression de l’ISF et la création de l’IFI n’entraînent pas un effet d’aubaine pour les propriétaires de certains biens que nous considérons comme non productifs. Pour cela, nous proposons d’augmenter les prélèvements lors de l’immatriculation des voitures dont la puissance est supérieure à 36 chevaux fiscaux. Cette disposition qui devrait rapporter 30 millions d’euros à l’État s’intègre dans la dynamique de concentration et de calibrage de nos mesures vers l’entreprise et l’économie.

M. le président Éric Woerth. Je ne suis pas certain que ce type d’amendement enclenche une dynamique.

M. le Rapporteur général. Pour ma part, j’en suis sûr. L’acquisition d’une Lamborghini Gallardo achetée 210 000 euros entraînera une taxe additionnelle à l’immatriculation de 2 500 euros, soit 1,2 % de la valeur du bien – et, pour d’autres exemples, on atteint 1,7 % de la valeur. La pression fiscale est donc maintenue pour certains biens. Avis par définition favorable à cet amendement, identique à celui que j’ai déposé.

M. le président Éric Woerth. En général, les Lamborghini Gallardo et les autres voitures de ce type ont été achetées avec le revenu disponible… après paiement de l’impôt. Comme pour l’ensemble des signes extérieurs de richesse, c’est au fond du droit de propriété que l’on parle. La taxation a déjà eu lieu ; c’est d’une surtaxation qu’il s’agit. On en revient à votre tentative de rééquilibrage de la suppression de l’ISF par la prise en compte des signes extérieurs de richesse.

M. Charles de Courson. Pourquoi faites-vous cela ? Vous avez pris conscience que votre distinction entre biens immobiliers, rentes et autres ne tenait pas. Mais votre mesure, c’est pour une seule fois, car comme son nom l’indique, ce certificat s’établit une fois, lors de l’immatriculation. Combien représente la majoration par rapport à la valeur du bien ? 1,7 %. Quelle est la durée moyenne de détention ? Cinq, six, sept ans.

C’est du bricolage ! On va taxer aussi les chevaux de course et tous les items de la liste que je me suis amusé à dresser. Faites aussi une petite surtaxe sur les chevaux de course !

M. le Rapporteur général. C’est peut-être du bricolage mais il n’y aura pas de taxe sur les chevaux de course. Je tenais à démentir vos propos, cher collègue.

M. le président Éric Woerth. Je pense que nous avons fait le tour des signes extérieurs de richesse. On ne partage pas votre opinion : c’est un rééquilibrage qui ressemble beaucoup à du bricolage.

La commission adopte les amendements identiques I-CF577 et I-CF581 (amendement n° I-598).

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Article additionnel après l’article 12
Relèvement du barème de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules d’occasion

La commission examine l’amendement I-CF576 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Par souci de parallélisme des formes, le présent amendement modifie le barème de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules d’occasion. Nous sommes dans la même logique que précédemment mais la mesure concerne cette fois les véhicules d’occasion, sachant que ladite taxe additionnelle n’a pas été revalorisée depuis le tout début de son existence.

Cet amendement propose d’asseoir la taxe uniquement sur la puissance fiscale – donnée disponible sur la carte grise –, de faire évoluer les tarifs de manière modérée pour les voitures de tourisme dont la puissance est comprise entre 10 et 14 chevaux-vapeur (CV) fiscaux, mais surtout d’instituer une taxe plus importante pour celles dont la puissance fiscale est supérieure ou égale à 15 CV. Ces dernières devront s’acquitter d’une taxe de 1 000 euros lors de l’immatriculation de la voiture contre seulement 300 euros actuellement.

Cela permettrait d’envoyer un véritable signal significatif pour inciter les automobilistes à choisir des véhicules moins puissants pour une mobilité plus sobre en énergies : par exemple, alors que les véhicules hybrides rechargeables de type 4x4 échappent au malus assis sur le CO2, le nouveau barème permettra de lever une taxe sur ces véhicules lors de leur revente. En effet, ces véhicules peuvent atteindre jusqu’à 20 CV. C’est le cas de la Mercedes Classe GLE, de la Mercedes Classe S ou de la Porsche Cayenne SE-Hybrid. Ces véhicules restent donc fortement émetteurs de CO2 lorsqu’ils ne roulent pas en mode électrique.

M. Charles de Courson. Le produit de vos deux amendements s’élève à combien ?

M. le Rapporteur général. Le premier produit 30 millions d’euros. Pour le second, je n’ai pas le chiffre.

La commission adopte l’amendement I-CF576 (amendement n° I-599).

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Article additionnel après l’article 12
Relèvement du barème du droit annuel de francisation et de navigation et du droit de passeport

La commission examine, en discussion commune, l’amendement I-CF578 du Rapporteur général et l’amendement I-CF584 de M. Richard Ferrand.

M. le Rapporteur général. Si vous le permettez, je vais laisser Mme de Montchalin défendre l’amendement I-CF584. Je reprendrai ensuite la parole puisque mon amendement complète la proposition.

Mme Amélie de Montchalin. Nous poursuivons la même logique mais avec cette mesure, monsieur de Courson, nous avons l’avantage de disposer d’une taxe existante qui est fondée sur la détention et non sur la cession : le droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) et le droit de passeport applicable aux grands navires de plaisance. Contrairement au droit de francisation, le droit de passeport s’applique à tous les résidents français qui se trouvent à bord, quel que soit le lien de propriété qu’ils ont avec le bateau. S’ils sont sur un bateau qui est la propriété d’une société basée à l’étranger – au Panama, à Chypre ou ailleurs –, ils devront s’acquitter de ce droit.

Cette mesure a l’avantage de coller plus finement à ce que faisait l’ISF. Elle est calibrée pour représenter une assiette la plus proche possible de ce qu’étaient les recettes de l’ISF sur ces biens. Cette mesure d’ajustement s’applique uniquement aux bateaux de plus de trente mètres dont les puissances sont précisées dans l’amendement. Nous ne touchons absolument pas à la fiscalité des bateaux de plaisance classiques que nous voyons dans les ports français, ni à celle des bateaux de pêche. Pour les Français qui possèdent des bateaux de type usuel, dirai-je, rien ne change.

Nous voulons éviter une baisse de fiscalité sur ce type de biens après notre réforme.

M. le Rapporteur général. Sur le fond, mon amendement répond aux mêmes objectifs que celui qui vient d’être présenté mais il tend à corriger de petits problèmes rédactionnels relatifs au droit de passeport et au calibrage des navires concernés – certains yachts n’étaient pas pris en compte par le barème.

M. Charles de Courson. Pourriez-vous nous donner le produit de cet amendement et le nombre de navires concernés ? Le droit de francisation avait été affecté au Conservatoire du littoral. Ce dernier verra-t-il ses recettes augmenter du montant de cette majoration par le biais d’un déplafonnement ?

M. Gilles Carrez. Je me pose les mêmes questions que M. de Courson. Le droit de francisation a été affecté au Conservatoire du littoral, qui fait un travail extraordinaire et qui manque de crédits, notamment depuis que sa part des recettes issues de ce droit a été plafonnée à une trentaine de millions d’euros, le reste allant au budget de l’État. Ce surplus de produit escompté reviendra-t-il au Conservatoire du littoral ?

Avez-vous fait une étude d’impact pour vérifier que l’augmentation de ce droit de francisation ne va pas conduire certains bateaux à accoster ailleurs ? C’est la vraie question. Le Rapporteur général pourra-t-il aussi nous fournir une sorte de monographie pour montrer ce que telle ou telle catégorie de yachts rapporte à la France en termes d’emploi, de dépenses d’entretien et de recettes diverses ?

Cette affaire me rappelle la taxe à 75 % de François Hollande, qui a été un véritable désastre pour l’économie française. Il a fallu d’ailleurs se livrer à des contorsions en la faisant payer par les entreprises. Cela a donné une image lamentable de la France et détourné beaucoup d’investissements de notre pays. J’avais cru que l’on s’inscrivait dans une politique d’attractivité du pays, une politique d’offre. Peut-être vous paraissent-ils dérisoires mais ces signaux sont d’une importance extrême sur les flux économiques. Nous ne pouvons pas voter ces mesures sans avoir une étude d’impact. L’a-t-on ?

Mme Amélie de Montchalin. Le rendement se situe entre 5 et 10 millions d’euros. S’agissant du nombre de bateaux, si nous n’avions modifié que le droit de francisation, seulement quatre-vingts navires seraient concernés. Le droit de passeport nous permet d’aller bien au-delà, à condition que les douanes puissent faire pleinement leur travail et toucher tous les bateaux sur lesquels naviguent des résidents français. Nous n’attaquons pas le pavillon français. Nous disons : tout Français qui navigue sur un bateau de plus de trente mètres, quel que soit le pavillon de ce bateau, doit s’acquitter du droit de passeport.

Vous parlez de l’attractivité des ports français qui fait débat depuis deux ans. La France a transposé une directive européenne sur la fiscalité et les cotisations sociales des équipages, ce que n’a pas fait l’Italie. Toute une partie du débat sur l’attractivité des ports concerne l’application du droit européen et non pas la fiscalité. En n’appliquant pas une partie de réglementation européenne, l’Italie nous pénalise. Il faut aller à la source des sujets. Ce que nous faisons ici ne change rien à l’attractivité. Le droit de passeport est acquitté par les Français, quel que soit le pavillon de leur bateau. Les douanes font le travail de recouvrement.

M. François Pupponi. Je suis vraiment impressionné. C’est l’exemple même de la mesure inventée par quelqu’un qui n’est jamais sorti de son bureau et qui croit avoir l’idée du siècle. Dans les ports de plaisance, en particulier l’été, croyez-vous que des douaniers vont monter dans tous les bateaux pour demander les passeports ?

Mme Amélie de Montchalin. Les bateaux de plus de trente mètres !

M. François Pupponi. Dans les grands ports de plaisance de France, que ce soit sur la Côte d’Azur ou en Corse, des bateaux de plus de trente mètres, il en entre dix, quinze, vingt par jour ! Vous imaginez qu’il y aura des douaniers dans tous les grands ports pour contrôler les passeports et pour taxer ? Pensez à l’image que ça donne ! En fait, cela ne se fera pas. Il y aura peut-être des contrôles inopinés. L’image qu’on donne aux touristes, c’est qu’on va contrôler tous les bateaux ! Qui est Français ? Qui n’est pas Français ? Donnez-moi votre passeport ! Cette machine est surréaliste !

L’Italie, en effet, n’applique pas tous les textes. Le port de Porto Cervo a baissé ses taxes. Le chiffre d’affaires sur l’essence pour les bateaux a chuté de 70 % à Bonifacio en 2017. Tous les bateaux vont à Porto Cervo. Si, en plus, des douaniers attendent les passagers pour contrôler les passeports… Bon courage !

M. Gilles Carrez. C’est un amendement de perte de recettes !

Mme Amélie de Montchalin. Ce que décrit M. Pupponi se passe dans la capitainerie quand un bateau accoste dans un port. On présente les papiers de son bateau, son droit de francisation, son droit de passeport, les passeports de l’équipage. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Les capitaineries des ports contrôlent ces documents. De plus, les droits de port ne sont pas concernés par cet amendement.

M. François Pupponi. Je n’ai jamais dit le contraire ! J’ai dit que les Italiens avaient baissé les droits de port.

Mme Amélie de Montchalin. Cela n’a rien à voir avec les mesures en question !

M. Saïd Ahamada. Rappelons que nous ne créons rien qui n’existe déjà. Ce procès, vous auriez dû le faire en amont.

Pour ma part, je voulais insister sur le financement de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). On ne touche pas aux recettes affectées à la conservation du littoral. En revanche, les recettes dégagées pourraient être affectées à la SNSM, ce qui me paraît important car nous avons besoin de pérenniser notre système de sauvetage. C’est une question lancinante, qui se pose depuis plusieurs années, et qu’on pourrait résoudre de cette façon-là. Cela me paraîtrait être un signal fort pour le sauvetage en mer.

M. le président Éric Woerth. On est quand même dans la vieille politique là ! On a mauvaise conscience de supprimer une partie de l’ISF, on rétablit donc les choses autrement. Puisque nous sommes entre adultes, admettons que c’est ce que cherche à faire le Gouvernement. Comme souvent, ce que dit Gilles Carrez est exact : il y a un assèchement de l’assiette extrêmement rapide lorsqu’on augmente ce type de droit.

M. le Rapporteur général. Rappelons qu’il s’agit des yachts des résidents français. C’est une logique déclinée de l’ISF. Que les choses soient claires.

À François Pupponi, je rappelle que le taux du DAFN est fixé en Corse par la collectivité. Elle peut donc baisser ce taux si elle le veut.

M. Charles de Courson. Il faut quand même être fou pour acheter un yacht en France et payer 200 000 euros pour les soixante-dix mètres et plus. Tout le monde achètera à l’étranger, créera des sociétés à l’étranger, et louera. C’est ce que font la plupart des gens concernés. 5 millions, c’est le prix de caramels mous, ce n’est rien du tout. Mais, franchement, ce n’est pas sérieux.

Comme Gilles Carrez, je pose la question du lien avec le Conservatoire du littoral. Dans l’amendement Ferrand, on nous dit que « les sommes ainsi récoltées permettront notamment de contribuer au fonctionnement et aux investissements de la SNSM ». Pourrait-on nous dire un peu ce qu’il en est ? Ce n’est pas une affectation.

M. le Rapporteur général. Le Conservatoire du littoral conserve le bénéfice de l’affectation sous plafond. Il n’y a pas de sujet, compte tenu des montants en jeu, le Conservatoire du littoral sera bénéficiaire.

L’amendement I-CF584 est retiré.

La commission adopte l’amendement I-CF578 (amendement n° I-600).

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Après l’article 12

Puis elle en vient à l’amendement I-CF208 de M. Jean-Noël Barrot.

Mme Sarah El Haïry. Le présent amendement vise à assurer une plus grande diversification des supports d’épargne salariale et à faire bénéficier les salariés des avantages de l’épargne collective immobilière non cotée.

M. le Rapporteur général. Je vois deux objections à cette proposition. En premier lieu, elle contribue à orienter un produit d’épargne salariale grand public vers l’immobilier. Or, c’est exactement l’inverse de la logique retenue par le biais de l’IFI et, d’une certaine manière, par le prélèvement forfaitaire unique au travers de la non-prise en compte des revenus fonciers et des plus-values immobilières. Il nous semblerait contraire à l’esprit du présent projet de loi de finances de procéder à l’élargissement que vous proposez.

Ensuite, on ne peut qu’être dubitatif quant à l’utilité de flécher le plan d’épargne entreprise (PEE) vers un produit assez peu connu du grand public, voire assez spéculatif dans certains cas. Actuellement, le PEE n’est pas ouvert à d’autres produits voisins de la société à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV) que sont les sociétés collectives de placement dans l’immobilier (SCPI) ou les fonds de placement dans l’immobilier.

Avis défavorable.

Mme Sarah El Haïry. La proposition permet de diversifier dans le cadre des PEE mais aussi des plans d’épargne pour la retraite collective (PERCO).

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement I-CF249 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. C’est un sujet dont nous avons déjà parlé. Je ne sais pas très bien pourquoi mon amendement se trouve à cet endroit.

L’amendement est retiré.

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Article 13
Suppression de la contribution de 3 % sur les revenus distribués

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit la suppression de la contribution de 3 % sur les revenus distribués dans le but de mettre la législation française en conformité avec le droit européen et de renforcer l’attractivité du territoire national et la compétitivité des entreprises françaises.

L’essentiel de cet article est devenu sans objet à la suite de la censure intégrale de cette contribution par le Conseil constitutionnel le 6 octobre 2017.

La disparition de la contribution entraînera pour l’État, à compter de 2018, une perte annuelle de recettes estimée à 1,88 milliard d’euros. Devrait s’y ajouter un coût lié aux contentieux engagés et dirigés contre cette contribution, estimé à 5,7 milliards d’euros.

Dernières modifications intervenues

L’article 95 de la loi de finances rectificative pour 2016, tirant les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel du 30 septembre 2016, a étendu l’exonération applicable aux revenus distribués par des sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré à ceux distribués entre sociétés qui, sans constituer de tels groupes, satisfont à la condition de détention de 95 % du capital exigée dans ce régime.

Par un arrêt du 17 mai 2017, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déclaré la contribution incompatible avec la directive mère-fille, en ce qu’elle entraîne une double imposition excessive des revenus distribués par une filiale européenne à sa société mère française, lors de leur redistribution par cette dernière.

Par une décision du 6 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a censuré l’intégralité de la contribution. La censure s’appuie sur la rupture d’égalité née de la différence de traitement des revenus distribués selon leur origine (ceux provenant de filiales européennes en étant exonérés en vertu de l’arrêt rendu par la CJUE). Cette abrogation est d’effet immédiat.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’état du droit

A.   le régime de la contribution de 3 % sur les revenus distribués

La contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués (ci-après, « contribution de 3 % ») a été créée par l’article 6 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 ([193]), qui a introduit dans le CGI un nouvel article 235 ter ZCA.

Cette contribution a été conçue comme un impôt de rendement, destiné à compenser le manque à gagner qui résultait de la suppression de la retenue à la source de 30 % pesant sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) non-résidents (cette suppression tirait les conséquences d’un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne – CJUE – qui avait déclaré la retenue à la source incompatible avec le droit européen ([194])). Un objectif comportemental avait en outre été avancé lors de la création de cette contribution, censée favoriser l’autofinancement des entreprises plutôt que la rémunération des actionnaires.

1.   Les sociétés assujetties à la contribution de 3 %

La contribution de 3 % est due par les sociétés et organismes soumis à l’impôt sur les sociétés français (IS), qu’ils soient français ou étrangers. En sont néanmoins dispensés :

– les petites et moyennes entreprises (PME) au sens du droit européen ([195]), c’est-à-dire les entreprises qui occupent moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros, ou dont le total de bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros ;

– certains organismes de placement collectif, notamment les OPCVM.

La contribution est intégralement acquittée par la société distribuant les revenus lors du versement de l’acompte d’IS qui suit le mois au cours duquel les revenus ont été distribués.

2.   L’assiette de la contribution de 3 %

L’assiette de la contribution est constituée, en application du premier alinéa du I de l’article 235 ter ZCA du CGI, des revenus définis aux articles 109 à 117 du même code, soit essentiellement les sommes qui sortent du fonds social et reviennent ou sont réputées revenir aux associés, actionnaires ou porteurs de parts (les répartitions présentant le caractère de remboursements d’apports ou de primes d’émission ne sont pas considérées comme des revenus distribués).

Certains revenus sont toutefois exonérés :

– les montants distribués entre sociétés d’un groupe fiscalement intégré au sens des articles 223 A et 223 A bis du CGI, ainsi que, depuis la loi de finances rectificative pour 2016 ([196]), ceux distribués entre sociétés qui, sans constituer un tel groupe, satisfont à la condition de détention du capital prévue pour ces groupes (détention de 95 % au moins) ([197]) ;

– les montants distribués aux caisses locales de crédit agricole mutuel ou aux sociétés d’un même groupe bancaire mutualiste ;

– certains montants distribués par des sociétés d’investissements immobiliers cotées (SIIC) ;

– enfin, les distributions payées en titres (actions ou certificats coopératifs d’investissement ou d’associés).

B.   L’incompatibilité de la contribution de 3 % avec la directive « mère-fille »

La directive « mère-fille » du 30 novembre 2011 modifiée a pour objectif d’éliminer la double imposition, au niveau de la société mère, des revenus que lui ont distribués ses filiales ([198]).

Aux termes de l’article 4 de cette directive, l’État membre de la société mère doit s’abstenir d’imposer ces revenus ou, s’il décide de les imposer, autorise la société mère à déduire de son impôt la fraction de l’impôt afférente à ces revenus acquittée par la filiale. Est seule autorisée l’imposition d’une quote-part forfaitaire pour frais et charges qui ne peut excéder 5 % du montant des revenus distribués à la société mère ([199]).

Le régime « mère-fille » en droit français

Le régime fiscal applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents est issu de la directive du 30 novembre 2011, modifiée en 2014 et en 2015. Il vise à exonérer de retenue à la source les dividendes et autres bénéfices que des filiales européennes distribuent à leur société mère établie dans un autre État membre, et à éliminer la double imposition de ces revenus au niveau de la société mère.

En droit français, ce régime est prévu à l’article 145 du CGI, portant sur les conditions d’éligibilité, et aux articles 119 ter et 216 du CGI, relatifs aux modalités d’imposition.

● Pour bénéficier du régime mère fille, la société mère doit :

– être soumise à l’IS (de plein droit ou sur option) ;

– détenir des titres de participation représentant au moins 5 % du capital de la filiale émettrice (peu importe que ces titres soient assortis de droits de vote) ;

– satisfaire à l’obligation de conservation des titres pendant au moins deux ans.

Lorsque la société mère est contrôlée par des organismes à but non lucratif, les titres doivent représenter au moins 2,5 % du capital et 5 % des droits de vote et l’obligation de conservation est portée à cinq ans.

La société mère peut, dès lors qu’elle s’engage à conserver les titres pendant deux ans, bénéficier du régime dès la première année. Si elle ne respecte pas la condition de durée de conservation, elle est tenue, dans les trois mois qui suivent la cession des titres, de verser une somme correspondant à l’impôt dont elle a été indûment exonérée majoré des intérêts de retard.

● Le régime mère fille permet :

– une quasi-exonération d’IS des produits de participation distribués à la société mère par ses filiales, seule étant imposée une quote-part pour frais et charges représentant 5 % des produits reçus (1 % dans le cadre de l’intégration fiscale) ;

– une exonération de retenue à la source sur les dividendes distribués par des filiales à leur société mère.

Le bénéfice du régime, qu’il s’agisse de la quasi-exonération de 95 % ou de l’exonération de retenue à la source, est exclu dans l’hypothèse d’un montage dont l’objectif principal est l’obtention d’un avantage fiscal allant à l’encontre de la finalité du dispositif – l’élimination des doubles impositions – et qui est dépourvu de justification économique.

En 2016, 46 000 entreprises françaises étaient concernées par le régime mère-fille (1).

(1) Annexe au projet de loi de finances pour 2018, Évaluations des voies et moyens, tome II, Dépenses fiscales, page 228.

La CJUE, dans un arrêt rendu le 17 mai 2017 ([200]), a jugé que la contribution de 3 % était contraire à l’article 4 de la directive « mère-fille ».

Selon la Cour, le fait que les États doivent s’abstenir d’imposer les revenus en cause leur interdit d’imposer la société mère au titre de ces revenus, sans distinguer selon que le fait générateur de cette imposition est la perception, par la société mère, des revenus de ses filiales, ou leur redistribution par la société mère. La contribution de 3 %, qui correspond à cette seconde hypothèse, conduisait donc à une double imposition irrégulière :

– dans un premier temps, les bénéfices étaient imposés dans le chef de la filiale, dans son État membre de résidence ;

– dans un second temps, ces bénéfices, distribués par la filiale à sa société mère, étaient soumis à l’occasion de leur redistribution à une imposition excédant le plafond autorisé au titre de la quote-part de 5 % ([201]).

En vertu de cet arrêt du 17 mai 2017, les revenus redistribués par une société mère établie en France ne peuvent être soumis à la contribution de 3 % s’ils proviennent de filiales établies dans des États membres.

C.   la censure intégrale de la contribution de 3 % pour inconstitutionnalité

À la suite de l’arrêt de la CJUE, le Conseil d’État, saisi d’une demande en ce sens, a transmis au Conseil constitutionnel le 7 juillet 2017 ([202]) une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), sur le fondement de l’égalité devant la loi et devant les charges publiques, dirigée contre la contribution (plus exactement, contre le premier alinéa du I de l’article 235 ter ZCA du CGI, dans sa rédaction résultant de la loi de finances rectificative pour 2015 ([203])).

En raison de son incompatibilité avec la directive « mère-fille », la contribution de 3 % ne peut en effet s’appliquer aux revenus redistribués par une société mère s’ils proviennent de ses filiales européennes. En revanche, elle continue de s’appliquer à l’ensemble des autres revenus distribués, notamment ceux provenant de filiales établies en France ou en dehors de l’Union européenne, qui se trouvent en dehors du champ d’application de la directive.

Par une décision rendue le 6 octobre 2017 ([204]), le Conseil constitutionnel a considéré que l’incompatibilité de la contribution avec la directive et ses conséquences sur le sort réservé aux revenus, selon leur origine, entraînait une différence de traitement reposant sur la provenance des revenus distribués par une société française. Or, l’article 235 ter ZCA du CGI n’établit aucune distinction selon l’origine des revenus.

Cette différence de traitement n’a pas été considérée par le Conseil constitutionnel comme reposant sur un motif d’intérêt général : l’objectif poursuivi par le législateur lors de la création de la contribution, à savoir la compensation d’une perte pérenne de recettes fiscales, ne constitue pas en lui-même une raison d’intérêt général susceptible de justifier la différence de traitement. Elle a donc conduit à la censure de la contribution de 3 % pour rupture d’égalité devant la loi fiscale et rupture d’égalité devant les charges publiques ([205]).

La censure est intégrale, ne distinguant pas entre les revenus distribués provenant de filiales et ceux directement distribués par la mère pour la première fois.

Si, formellement, seul le premier alinéa du I de l’article 235 ter ZCA dans sa rédaction résultant de la loi de finances rectificative pour 2015 précitée est abrogé, cette abrogation emporte disparition de toute la contribution. En effet, c’est cet alinéa qui prévoit le principe de la contribution et qui définit ses redevables et son assiette. La circonstance que l’alinéa contesté soit celui issu de la loi de finances rectificative pour 2015 ne saurait non plus conduire à un possible maintien de la contribution, aucune modification n’ayant été apportée à cet alinéa depuis.

La censure, aux termes du paragraphe 11 de la décision du Conseil constitutionnel, est d’effet immédiat, ce qui entraîne les conséquences suivantes :

– les revenus distribués à compter de la date de la publication de la décision au Journal officiel, soit le 8 octobre 2017, ne peuvent être soumis à la contribution ;

– l’abrogation pourra s’appliquer aux affaires engagées à la date de la publication de la décision au Journal officiel et non encore définitivement jugées.

II.   l’absence de lien établi entre la contribution de 3 % et le comportement des entreprises

La contribution de 3 % est censée revêtir une dimension comportementale, en incitant les entreprises à privilégier l’autofinancement plutôt que la distribution de dividendes aux actionnaires : la contribution entraîne une réduction du résultat comptable post-distribution de l’entreprise distributrice, grevant la capacité future de cette dernière de distribuer de nouveaux dividendes.

Néanmoins, c’est bien l’objectif de rendement, plus que l’objectif comportemental, qui était prépondérant lors de la création de la contribution, destinée à compenser le manque à gagner fiscal consécutif à la suppression de la retenue à la source sur les OPCVM. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 6 octobre 2017 précitée, a d’ailleurs relevé exclusivement l’objectif de rendement ([206]).

Au demeurant, il n’est pas établi que la contribution a effectivement pu inciter les entreprises à privilégier l’autofinancement.

● D’une part, les données relatives au rendement de la contribution ne permettent pas de déduire une diminution du volume des dividendes distribués. Ainsi que l’illustre le tableau ci-après, ce rendement a connu de nombreuses variations depuis 2013 – première année de pleine application de la contribution.

rendement de la contribution de 3 % (2013-2017)

(en millions d’euros)

Année

2013

2014

2015

2016

2017 (p.)

Rendement

1 943

1 927

2 151

2 038

1 880

NB : l’année 2012 n’est pas mentionnée dans la mesure où la contribution n’a pu porter, cette année-là, que sur les montants distribués à compter du mois d’août.

Source : direction du budget et évaluation préalable.

Après une légère baisse entre 2013 et 2014, le rendement s’est accru, connaissant un pic en 2015.

L’année 2017, par ailleurs, intègre l’extension de l’exonération de la contribution à laquelle a procédé l’article 95 de la loi de finances rectificative pour 2016 précitée, applicable aux montants distribués à compter de 2017. Le coût de cette extension avait été alors chiffré à 250 millions d’euros. Le rendement 2017 d’une contribution qui aurait la même assiette que celle des années précédentes se serait ainsi établi à 2,13 milliards d’euros, soit plus qu’en 2016.

Le graphique ci-après fait état de l’évolution du rendement et, s’agissant de 2017, de la différence en fonction de l’assiette retenue (les deux courbes étant superposées pour la période 2013-2016).

À assiette constante, le rendement, bien que variable, a néanmoins connu une progression par rapport à 2013.

Si une évolution positive du rendement, et donc un accroissement des dividendes, peut simplement être due à l’amélioration du résultat des entreprises, il paraît hâtif de conclure, toutes choses égales par ailleurs, que la contribution a entraîné un tassement des dividendes distribués : c’est plutôt le contraire qui paraît ressortir des données précédentes ([207]). À cet égard, d’après l’INSEE, les dividendes nets versés ont, en 2016, augmenté de 2,5 milliards d’euros par rapport à 2015 ([208]).

● D’autre part, il est difficile d’établir une corrélation entre l’existence de la contribution de 3 % et un recours plus appuyé des entreprises à l’autofinancement. Le graphique ci-dessous montre l’évolution sur la période 2002-2016 du taux d’autofinancement des sociétés non financières ([209]).

Source : INSEE, 30 mai 2017.

Depuis 2012, le taux d’autofinancement s’est accru de façon incontestable. Cependant, il semble délicat d’attribuer cette hausse à la seule contribution de 3 %. En effet, plutôt que d’une augmentation, il s’agit d’un rétablissement du taux d’autofinancement par rapport à l’année 2010 et aux années 2007 et antérieures. Des taux d’autofinancement équivalents – et souvent supérieurs – à ceux de la période 2012-2016 prévalaient avant 2012 et donc avant la création de la contribution.

Au demeurant, la croissance la plus forte de la courbe du taux d’autofinancement, entre 2014 et 2015, correspond à une période de rendement maximal de la contribution. Aussi, l’augmentation des dividendes soumis à la contribution, dont découle le rendement accru, s’est accompagnée sur cette période d’une amélioration du taux d’autofinancement plutôt que d’une dégradation de ce dernier. À l’inverse, la baisse du rendement de la contribution entre 2015 et 2016, et donc la diminution des dividendes compris dans l’assiette, ne s’est pas accompagnée d’une hausse du taux d’autofinancement, mais au contraire d’une relative stagnation de ce dernier.

● Enfin, les motivations fiscales dans le choix des modes de financement doivent être nuancées : les décisions de financement reposent d’abord sur des considérations stratégiques et économiques, l’argument fiscal étant rarement premier ([210]). À titre d’exemple, il ne serait pas économiquement rationnel pour une société de recourir de façon excessive au financement d’investissements par la dette pour se laisser la possibilité d’augmenter la rémunération de ses actionnaires : cela risquerait d’avoir un « effet signal » négatif vis-à-vis des investisseurs potentiels. La littérature économique souligne d’ailleurs qu’une entreprise, pour financer un projet, favorisera généralement ses fonds propres, ne se tournant vers un financement externe que si ceux-ci se révèlent être une source insuffisante ([211]).

Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il est difficile d’établir un impact tangible de la contribution de 3 % sur le comportement des entreprises en matière de financement et de rémunération des actionnaires.

III.   Le dispositif proposé

A.   La suppression proposée de la contribution de 3 %

Le présent article, qui s’inscrit dans le cadre des contestations précédemment décrites, supprime la contribution de 3 % sur les revenus distribués.

Le  de son I abroge l’article 235 ter ZCA du CGI, qui consacre l’existence de cette contribution, tandis que le  du même I procède aux coordinations requises par l’abrogation.

La suppression de la contribution sera applicable aux montants distribués dont la mise en paiement interviendra à compter du 1er janvier 2018.

B.   Le dispositif privé d’objet par la censure intégrale de la contribution

La décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2017 emporte abrogation du premier alinéa du I de l’article 235 ter ZCA qui prévoit le principe de la contribution de 3 %, et ce dès sa date de publication, le 8 octobre 2017.

En conséquence, cette décision prive d’objet l’essentiel du présent article, qui supprime à compter de 2018 une contribution qui, à cette date, aura disparu de l’ordonnancement juridique depuis près de trois mois.

Le dispositif conserve toutefois une vertu : celui de faire formellement disparaître l’intégralité de l’article portant sur la contribution de 3 % et les références qui y sont faites dans le CGI.

IV.   L’impact budgétaire et économique de la disparition de la contribution de 3 %

A.   Un coût budgétaire de 1,88 milliard d’euros par an

La disparition de la contribution de 3 % devrait entraîner une perte annuelle de recettes de 1,88 milliard d’euros à compter de l’exercice 2018, ainsi que l’illustre le tableau ci-après (cela correspond au produit annuel de la contribution).

perte de recettes entraînée par la disparition de la contribution de 3 %

(en millions d’euros)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Perte de recettes

1 880

1 880

1 880

1 880

1 880

Source : évaluation préalable.

Devraient s’ajouter à cette chronique des pertes de recettes potentielles dès 2017, du fait de la date d’effet de l’abrogation décidée par le Conseil constitutionnel. La contribution est en effet acquittée lors du versement de l’acompte d’IS qui suit le mois de distribution des revenus. Le dernier acompte d’IS en 2017 ayant comme date limite de versement le 15 décembre, tous les revenus distribués à compter du 7 octobre 2017 et qui aurait pu faire l’objet d’un paiement cette même année au titre de la contribution seront exonérés. Il risque donc d’y avoir une perte de recettes supplémentaire pour l’État.

La contribution n’étant pas déductible de l’assiette de l’IS, sa disparition n’entraînera aucun effet retour susceptible d’augmenter les recettes de cet impôt.

B.   Un coût supplémentaire et non pérenne de plusieurs milliards d’euros dû aux contentieux

Au coût budgétaire directement lié à la disparition de la contribution et à la perte de recettes fiscales qu’elle induit, devrait s’ajouter le coût des instances contentieuses engagées par des entreprises assujetties à la contribution et qui demandent, en raison de l’inconstitutionnalité et de l’incompatibilité de celle-ci avec le droit européen, réparation au titre des sommes indûment versées.

D’après les informations obtenues par le Rapporteur général auprès de l’administration fiscale, le coût global de ces contentieux est évalué à 5,7 milliards d’euros.

Toutefois, l’impact budgétaire de ces contentieux, à la différence de celui de la disparition de la contribution, sera limité dans le temps. Il ne devrait en outre pas peser de façon trop forte sur l’exercice 2018. Le tableau suivant dresse la chronique budgétaire du coût lié aux contentieux, tel qu’il ressort du rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

chronique de l’impact estimé du coût des contentieux
liés à la contribution de 3 %

 (en milliards d’euros)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Impact

0

– 0,3

– 1,8

– 1,8

– 1,8

0

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, rapport annexé.

Il ressort de ces chiffres qu’en 2018, l’impact des contentieux devrait s’élever à 300 millions d’euros. Il serait ensuite de 1,8 milliard d’euros par an, pendant trois ans, avant de s’éteindre à compter de 2022.

*

*     *

La commission est saisie des amendements identiques I-CF319 de M. Jean-Paul Dufrègne et I-CF478 de M. Éric Coquerel.

M. Fabien Roussel. L’amendement est défendu et sera présenté dans l’hémicycle.

M. Éric Coquerel. Cet amendement vise à supprimer l’article 13, et donc la suppression de la contribution de 3 % sur les dividendes. S’il s’agit d’un début de tuyauterie destiné à amener les richesses vers les investissements productifs, ça commence très mal. En réalité, la mesure va surtout favoriser la redistribution des bénéfices sous forme de profits. En outre, cette suppression coûterait 2 milliards d’euros à l’État.

M. le Rapporteur général. Au-delà de toute autre considération, ces amendements posent un problème de droit. Une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 6 octobre dernier prive votre amendement d’objet : le Conseil ayant censuré la contribution, il est donc impossible de la maintenir comme le prévoit votre amendement.

En revanche, l’article 13 doit être maintenu car il abroge la totalité de l’article du code général des impôts portant sur la contribution – là où la censure n’abroge que son premier alinéa, même si cela a pour effet de rendre inapplicable la contribution – et procède aux coordinations requises.

Supprimer cet article nuirait donc à la lisibilité du droit, sans pour autant maintenir la contribution.

M. Gilles Carrez. C’est un enjeu à plusieurs milliards d’euros. Lorsque cette contribution a été créée par la loi de finances rectificative d’août 2012, à l’issue des élections présidentielle et législatives, nous avions indiqué que nous aurions les pires problèmes avec cette taxe qui devait rapporter deux milliards d’euros par an. Elle présentait un risque d’inconstitutionnalité et, en outre, elle contrevenait à la réglementation européenne. Nous avons, en effet, connu très rapidement les pires déboires avec cette taxe.

En loi de finances rectificative pour 2016, il a fallu prendre rapidement une disposition pour étendre l’exonération aux groupes, notamment européens, qui n’avaient pas choisi l’intégration fiscale mais qui présentaient les mêmes caractéristiques. À l’époque, nous avions prévenu que les ennuis allaient continuer au point de remettre en cause la taxe elle-même, ce qui se produit.

Quand on adopte des dispositions qui présentent un risque d’inconstitutionnalité ou de non-conformité à la réglementation européenne, on prend des risques énormes. En termes de contentieux, le présent risque est évalué à 5 milliards d’euros. Pouvez-vous confirmer ce chiffre ? En outre, on me dit que ce risque contentieux va être mis en œuvre beaucoup plus rapidement que d’habitude. Il y aurait peut-être plusieurs centaines de millions d’euros à prévoir en décaissement dès le budget pour 2018. Pouvez-vous nous donner l’échéancier de règlement de ce contentieux ?

M. le Rapporteur général. Je confirme le chiffre et son règlement sur quatre ans. Selon l’échéancier, prévu dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, les paiements s’effectueront de la manière suivante : 300 millions d’euros en 2018, puis 1,8 milliard d’euros par an de 2019 à 2021.

M. Gilles Carrez. Dieu sait si la précédente majorité nous a critiqués parce que nous avions laissé quelques contentieux, notamment sur le précompte, pendant la période 2002-2012. Ces contentieux sont pourtant sans commune mesure avec ceux laissés par la précédente majorité, je tiens à le souligner : vous avez un héritage de 5 milliards d’euros !

Mme Amélie de Montchalin. Je suis un peu déçue de voir que ceux qui ont fait adopter ces mesures ne sont pas là aujourd’hui pour en parler. C’est un article qu’on supprime après qu’il a été introduit dans des conditions exécrables. Le risque d’inconstitutionnalité était pointé depuis le départ. On voit bien là l’insincérité dont a parlé la Cour des comptes : ce budget avait été adopté en prévoyant des outils de financement qui ne respectent pas notre droit.

Vous connaissez l’échéancier présenté. C’est une vraie difficulté que nous devons assumer. Nous en connaissons les conséquences. Dans la démarche budgétaire, le sérieux doit primer sur des effets d’annonce politiques.

M. Fabien Roussel. Il est quand même trop facile de supprimer cette taxe. Il faut trouver un dispositif qui permette de mettre à contribution les multinationales et leurs filiales. C’est le sens d’un amendement que je défendrai plus tard. Le Gouvernement avait prévu de créer une taxe pour compenser cette suppression. Où en est-on dans ce domaine ?

M. Charles de Courson. Je confirme que, lorsque cela a été voté, Gilles Carrez, moi-même et beaucoup d’autres avions prévenu que nous allions dans le mur en klaxonnant. On a vu le résultat.

La nouvelle majorité hérite d’un contentieux estimé à environ 5 milliards d’euros puisque, d’après l’étude d’impact, la taxe rapportait 1,8 milliard d’euros par an. Je vous mets en garde : vous avez prévu d’étaler le paiement dans le temps mais ce n’est pas du tout ce qui va se passer : tous les directeurs financiers de grandes entreprises vont demander le remboursement et il faudra payer. J’étais très étonné de voir qu’un étalement était prévu dans l’étude annexée à la loi de finances. Il ne revient pas à l’État de décider d’étaler le règlement, il faut payer !

M. Gilles Carrez. Néanmoins, il faut reconnaître que le chiffre figure dans le document budgétaire.

M. Charles de Courson. Tout à fait, mais l’échéancier est inexact.

M. le président Éric Woerth. C’est une négociation avec les entreprises.

M. Charles de Courson. C’est un dû !

M. le Rapporteur général. Dans ce genre d’affaires, il y a quand même un délai de recouvrement. Même si la demande est immédiate, le règlement ne l’est pas. Je pense très sincèrement que le prévisionnel du projet de loi de programmation des finances publiques est assez conforme à la pratique constante des recouvrements de ce type. Comme le soulignait Gilles Carrez, les chiffres donnés reflètent la réalité de la situation. La sincérité ne peut pas être mise en doute.

M. Alexandre Holroyd. J’approuve les propos d’Amélie de Montchalin quant à l’insincérité du budget en question et la nécessité d’être sincère dans les budgets à venir. Depuis le début de cette réunion, il a été question de plusieurs missions d’information essentielles. Pour aller dans le sens de Gilles Carrez, je pense que la commission doit réfléchir à la création d’une mission d’information sur l’ensemble des contentieux fiscaux existants, afin de mesurer la charge que nous pourrions supporter dans les années à venir.

M. le président Éric Woerth. Cela existe : il y a un rapport spécial qui traite de ces contentieux.

M. Gilles Carrez. Nous avons un rapporteur spécial sur ce sujet à plusieurs milliards d’euros.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement I-CF479 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Renforcer la contribution sur les dividendes permettrait à l’État d’engranger 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires tout en encourageant les entreprises à réinvestir leurs bénéfices.

Il est assez désagréable, au lieu d’avoir des discussions de fond, d’entendre des rappels à l’ordre sur le sérieux de nos propositions, préjugeant de ce que pourra dire le Conseil constitutionnel et de ce qui serait conforme ou non à la règle européenne. Si cette Constitution défend autant les intérêts du capital, cela confirme qu’il faut vraiment la changer.

M. le Rapporteur général. Au cas où l’on m’accuserait d’avoir des préjugés, je vais vous parler de jugement, en l’occurrence celui rendu par le Conseil constitutionnel le 6 octobre dernier. Je n’ai pas de préjugés sur qui ou quoi que ce soit, si vous me connaissiez, vous le sauriez. J’applique le droit.

Vous souhaitez doubler le taux d’une contribution qui a disparu en application d’une décision du Conseil constitutionnel rendue le 6 octobre. Votre amendement est donc sans objet.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement I-CF332 de M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Fabien Roussel. Cet amendement propose de compenser la perte de recettes fiscales liée à la suppression de la contribution additionnelle de 3 % sur les revenus distribués en dividendes.

Nous allons perdre 2 milliards d’euros de recettes et, en plus, nous allons rembourser 5 milliards d’euros aux entreprises. Au total, nous aurons 7 milliards d’euros de moins à consacrer aux dépenses publiques. C’est quand même incroyable !

Nous proposons de créer une taxe assise sur le chiffre d’affaires des grandes entreprises, inspirées de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Son taux serait de 0,5 %. Il s’agit de récupérer quelques milliards d’euros, en attendant que les recours juridiques soient épuisés, afin de financer nos dépenses publiques et de répondre aux besoins des Français.

M. le Rapporteur général. Cette taxe pérenne représenterait 6,5 milliards d’euros de charge fiscale, en ne prenant en compte que les grandes entreprises, alors que certaines entreprises de taille intermédiaire entreraient aussi dans son champ d’application. On est loin d’une simple compensation d’une perte de recette. Cette dernière est assumée par le Gouvernement qui propose de supprimer la contribution.

Les pistes qui ont été évoquées cet été par la Gouvernement ne portaient pas sur une taxe pérenne d’un tel montant. Il s’agissait d’un impôt provisoire ad hoc lié aux contentieux dont le coût sera étalé sur quatre ans d’après le projet de loi de programmation.

Plutôt que de compenser une perte de recettes qui est assumée, vous proposez une taxe aux modalités complexes. Elle est construite sur le modèle de la contribution supplémentaire à la contribution sociale de solidarité des sociétés – surnommée C4S – dont l’inventivité et la complexité avaient été remarquées l’an dernier. Elle pénalisera les entreprises qui emploient le plus de salariés et qui exportent le plus.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 13 sans modification.

*

*     *

Article 14
Suppression de l’encadrement de la déductibilité des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation

Résumé du dispositif et effets principaux :

Le présent article supprime le dispositif encadrant les modalités de déductibilité des charges financières afférentes à l’acquisition, par une société établie en France, de titres de participation, en abrogeant le IX de l’article 209 du code général des impôts (CGI). Cette suppression, applicable à compter de l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2018, entraînera pour l’État une perte de recettes fiscales non chiffrée mais qui devrait être modérée.

Dernières modifications législatives intervenues

Introduit par la quatrième loi de finances rectificative pour 2011, le IX de l’article 209 du CGI a été modifié par l’article 23 de la loi de finances pour 2013 afin de coordonner le dispositif avec le mécanisme d’encadrement de la déductibilité des intérêts d’emprunt servis à des entreprises liées, prévu à l’article 212 du CGI.

Ce même article 23 a introduit dans le CGI un article 212 bis prévoyant un plafonnement général de la déductibilité intégrale des charges financières nettes, fixé à 3 millions d’euros.

Enfin, l’article 22 de la loi de finances pour 2014 a renforcé le mécanisme prévu à l’article 212 du CGI, en y introduisant une condition liée au niveau d’imposition de l’entreprise à qui les intérêts sont servis.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’encadrement de la déductibilité des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation

Le IX de l’article 209 du CGI, introduit par l’article 40 de la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 ([212]) et issu de l’adoption d’un amendement déposé par M. Gilles Carrez, alors Rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, prévoit un mécanisme d’encadrement de la déductibilité des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation.

A.   La réintégration des charges en l’absence de gestion effective des titres

Conçu comme un outil de lutte contre certaines pratiques d’optimisation fiscale auxquelles certains groupes peuvent se livrer, le dispositif consiste à réintégrer une partie des charges financières au résultat d’une entreprise qui a acquis des titres si elle n’établit pas qu’elle – ou une société française qui lui est liée – assume la gestion effective de ces titres.

L’objectif du dispositif est d’éviter qu’une société étrangère utilise une filiale française comme « relais fiscal » aux fins d’acquisition des titres d’une autre société étrangère.

Illustration de l’utilisation d’une société française comme relais fiscal

Une société irlandaise A souhaite faire l’acquisition de titres d’une société B établie en Allemagne. La société A va, pour cette opération d’achat, utiliser sa filiale C, établie en France.

La société C supportera les charges financières afférentes à l’acquisition des titres de la société B, ce qui réduira son assiette imposable et donc l’impôt sur les sociétés dû, alors qu’elle n’intervient pas dans la chaîne de décision d’acquisition et de gestion des titres, tout étant pilotée par la société mère A, établie en Irlande.

Le dispositif s’applique aux titres de participation définis au a quinquies du I de l’article 219 du CGI, c’est-à-dire aux titres qui revêtent cette qualification au sens fiscal. Sont notamment concernés :

– les parts ou actions revêtant ce caractère sur le plan comptable ;

– les actions acquises en exécution d’une offre publique d’achat ;

– les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères ;

– les parts de certaines sociétés de personnes.

Pour échapper à l’encadrement prévu au IX de l’article 209 du CGI, la société française devra démontrer, « par tous moyens » :

– que les décisions relatives aux titres acquis sont effectivement prises par elle ou par une société liée, également établie en France, qui la contrôle ou qui est contrôlée par elle. La notion de contrôle est celle prévue à l’article L. 233-3 du code de commerce ([213]) ;

– et que la société (ou une société liée établie en France) exerce sur la société dont les titres ont été acquis un contrôle ou une influence (le contrôle étant ici aussi entendu au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce).

La société doit donc apporter la preuve qu’elle constitue, pour ces titres, un centre de décision autonome. Elle peut recourir pour ce faire à un faisceau d’indices, notamment le caractère autonome de la décision d’acquisition, la libre disposition des titres ou encore la possibilité de conclure des contrats afférents à ces titres – tels des nantissements ou des mises en location.

Le dispositif d’encadrement prévoit ainsi un renversement de la charge de la preuve. La société dispose en pratique, pour faire la démonstration de la gestion effective, de deux exercices, celui d’acquisition des titres et le suivant.

B.   Les modalités de réintégration des charges

Si la société française n’est pas en mesure d’apporter la démonstration de sa gestion effective des titres et de son contrôle sur la société dont les titres ont été acquis, les charges afférentes à l’acquisition des titres sont réintégrées à son assiette imposable.

Les charges afférentes à l’acquisition des titres qui seront réintégrées à l’assiette sont réputées égales à une fraction des charges financières supportées par la société, qui s’entendent de l’ensemble des intérêts ou assimilés venant en rémunération des sommes laissées ou mises à la disposition de la société.

Cette fraction, en vertu du 2 du IX de l’article 209, correspond au rapport du prix d’acquisition des titres au montant moyen de la dette supportée par la société au cours de l’exercice. Le montant des charges à réintégrer R, pour un exercice N, est calculé selon la formule :

R = CF(N) × VT / D(N)

où CF(N) correspond aux charges financières de l’exercice N, VT à la valeur d’acquisition des titres et D(N) au montant moyen de la dette sur l’exercice N.

Illustration du principe de la réintégration des charges

Une société a acquis des titres pour une valeur de 3 millions d’euros. Le montant total des charges financières qu’elle supporte au cours d’un exercice N s’élève à 400 000 euros, tandis que sa dette est, au cours du même exercice, de 8 millions d’euros.

Au titre de l’exercice N, la société devra réintégrer à son assiette imposable une somme égale à :

400 000 × 3 000 000 / 8 000 000 = 150 000 euros.

La réintégration s’applique à l’exercice au titre duquel la démonstration de la gestion effective doit être apportée, ainsi qu’aux exercices clos jusqu’à la fin de la huitième année qui suit celle d’acquisition des titres.

Illustration de la période de réintégration des charges financières

Une société dont l’exercice coïncide avec l’année civile acquiert le 1er juin 2015 des titres de participation. Elle dispose de l’exercice clos en 2015 et de celui clos en 2016 pour établir la gestion effective.

Si elle ne le fait pas, les charges seront réintégrées à compter de l’exercice clos en 2016 et jusqu’à l’exercice clos en 2023.

Au titre de chacun de ces exercices, le montant à réintégrer sera calculé en appliquant la formule précédemment indiquée (le montant pourra ainsi varier d’un exercice à l’autre, en fonction des charges financières et de la dette de chaque exercice).

C.   les Cas de dispense de réintégration des charges

En application des 5 et 6 du IX de l’article 209, le dispositif d’encadrement n’est pas applicable dans certaines hypothèses, même si la société française n’a pu apporter la démonstration exigée s’agissant de la gestion effective des titres et du contrôle de la société cible.

● D’une part, conformément au 5 du IX, le dispositif ne s’applique pas lorsque les titres ont une valeur qui n’excède pas un million d’euros.

● D’autre part, en vertu du a du 6, l’encadrement ne s’appliquera pas si la société démontre que les titres de participation n’ont pas été financés par un emprunt supporté par elle ou par une autre société appartenant au même groupe ([214]). Dans cette hypothèse, la société doit prouver que l’affectation des emprunts supportés est distincte de l’acquisition des titres (par exemple, qu’ils sont afférents à des investissements en matériel).

Si la société ne parvient pas à apporter cette preuve pour tous ses emprunts, la doctrine fiscale admet néanmoins l’absence de prise en compte, pour déterminer le montant des charges à réintégrer, des emprunts pour lesquels la preuve a pu être apportée.

L’exception prévue au a du 6 est cohérente avec le dispositif : ce dernier répute égales à une fraction des charges financières totales celles afférentes à l’acquisition des titres. Aussi, si la société démontre qu’elle n’a contracté aucun emprunt pour cette acquisition, l’encadrement perd son objet.

Cette exception est toutefois de nature à limiter la portée de cet encadrement, ainsi que l’avait souligné la rapporteure générale de la commission des finances du Sénat dans son rapport sur la loi de finances rectificative pour 2011 précitée ([215]).

● Enfin, aux termes du b du même 6, la société échappera à l’encadrement si elle établit que le ratio d’endettement du groupe auquel elle appartient est supérieur ou égal à son propre ratio d’endettement.

Cette exception paraît logique : la société française n’est pas sous––capitalisée et ne sert a priori pas de « relais fiscal ». Toutefois, ainsi qu’il sera vu, un dispositif spécifique contre la sous-capitalisation existe en droit français.

II.   Le renforcement des autres dispositifs encadrant la déductibilité des charges financières

De nombreux dispositifs d’encadrement de la déductibilité des charges financières sont prévus par le droit français ; ils ont fait l’objet d’un renforcement substantiel depuis 2011. Ainsi que le souligne le Conseil des prélèvements obligatoires dans un rapport de 2016, alors que la plupart des États choisissent entre dispositifs d’encadrement ciblés et plafonnement général de la déductibilité, la France se singularise par l’utilisation simultanée des deux ([216]).

A.   L’encadrement de la déductibilité des intérêts

1.   Les intérêts versés aux associés ou aux entreprises liées

Pour limiter les risques d’abus, reposant notamment sur des prix de transfert excessifs, plusieurs mécanismes existent pour encadrer la déductibilité des intérêts lorsque l’emprunt n’est pas contracté auprès de tiers indépendants.

Les intérêts versés par une société à ses associés sont, en vertu du 3° de l’article 39 du CGI, plafonnés à l’application d’un taux égal à la moyenne des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement.

Un dispositif similaire est prévu au I de l’article 212 du CGI : le taux d’intérêt pratiqué entre entreprises liées est plafonné au taux déterminé en application du 3° de l’article 39 précité ou au taux qui aurait été obtenu dans des établissements ou organismes financiers indépendants.

Une mesure spécialement dédiée à la lutte contre les dispositifs hybrides a, en outre, été introduite par l’article 22 de la loi de finances pour 2014 ([217]). La déduction des intérêts déterminés au regard du plafonnement décrit ci-dessus est subordonnée à la démonstration de ce que l’entreprise prêteuse est assujettie, sur les intérêts qu’elle perçoit en contrepartie, à un impôt au moins égal au quart de l’impôt sur les sociétés (IS). Cette réserve permet d’éviter les hypothèses de déduction sans imposition.

2.   Le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation

Le schéma de sous-capitalisation consiste pour une société mère à établir, dans un pays où le taux d’IS est élevé, une filiale dotée d’un capital insuffisant qui ne lui permet pas de conduire normalement ses activités. La filiale est alors amenée, pour se financer, à emprunter auprès de sa société mère (ou d’une autre société liée). Les intérêts qui seront servis à cette dernière pourront être déduits de l’assiette de la filiale, diminuant son IS (la société prêteuse étant, quant à elle, généralement établie dans une juridiction à fiscalité faible, pour minimiser l’impôt dû au titre des intérêts perçus ([218])).

Afin de lutter contre de tels montages, le II de l’article 212 limite la déductibilité des intérêts servis par une société française à des entreprises liées en contrepartie d’un prêt ([219]).

B.   Le plafonnement de la déductibilité intégrale des charges financières nettes

Parallèlement à l’encadrement de la déductibilité des intérêts, l’article 212 bis du CGI, introduit par l’article 23 de la loi de finances pour 2013 ([220]), prévoit un plafonnement de la déductibilité totale des charges financières nettes (qui correspondent à la différence entre les intérêts servis et ceux perçus).

En application de ce dispositif, si les charges financières nettes excèdent 3 millions d’euros, 25 % de leur montant est réintégré à l’assiette. Le tableau ci-après illustre l’application du dispositif.

application du dispositif de plafonnement de la déductibilité intégrale des charges financières nettes

(en millions d’euros)

Société

Charges financières nettes

Montant à réintégrer

Société A

2,8

0

Société B

4,0

1,0

Société C

6,5

1,625

Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, ce plafonnement forfaitaire chiffré est une exception française au sein de l’OCDE, les autres États membres qui ont choisi un plafond ayant opté pour une solution reposant sur l’activité de l’entreprise (telle qu’un pourcentage de l’excédent brut d’exploitation) ([221]).

C.   L’encadrement prévu par l’« amendement Charasse »

L’« amendement Charasse », du nom du ministre chargé du budget qui en est à l’origine, encadre la déductibilité des charges financières des entreprises membres d’un groupe fiscalement intégré. Il tend à lutter contre les abus susceptibles de découler des opérations de « rachat à soi-même », dans lesquelles une société A va acquérir des titres d’une société B, qui est ou devient membre du même groupe fiscalement intégré que A, auprès d’une société C qui contrôle A.

Prévu au septième alinéa de l’article 223 B du CGI ([222]), le dispositif impose la réintégration d’une fraction des charges afférentes à l’acquisition des titres de participation. Les modalités de détermination de cette fraction sont identiques à celles prévues dans le cadre de l’« amendement Carrez » précédemment décrites.

III.   Le dispositif proposé

A.   L’abrogation du dispositif d’encadrement de la déductibilité des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation

Le présent article supprime le dispositif d’encadrement de la déductibilité des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation présenté ci-dessus en abrogeant, à son , le IX de l’article 209 du CGI.

Il procède également aux coordinations requises par cette abrogation ( et ).

Aucune date d’effet n’étant mentionnée, l’abrogation s’appliquera lors de l’entrée en vigueur de la loi de finances résultant de l’adoption du présent projet de loi de finances. L’encadrement ne sera donc plus opposable aux sociétés à compter du 1er janvier 2018, y compris pour celles qui se trouvaient déjà concernées par le dispositif et dont la période de réintégration des charges, étalée sur huit ans, n’était pas arrivée à terme ([223]).

B.   L’absence de chiffrage du coût de la mesure

La suppression du dispositif aura pour effet théorique de diminuer l’IS, l’assiette imposable des sociétés concernées se réduisant du montant des charges qui étaient auparavant réintégrées. Le coût de cette suppression n’est pas chiffré mais il devrait néanmoins être modeste :

– l’application effective de la réintégration d’une fraction des charges est relativement peu utilisée, d’après les informations obtenues de l’administration fiscale ;

– depuis l’adoption du dispositif en 2011, d’autres outils ont été introduits dans le droit français.

C.   La motivation de la suppression proposée

La suppression proposée au présent article repose sur trois motivations distinctes, dont la combinaison justifierait son bien-fondé.

1.   Le développement des outils d’encadrement de la déductibilité des charges financières

Le renforcement de l’arsenal fiscal français en matière d’encadrement de la déductibilité des charges financières est l’un des éléments avancés par le Gouvernement à l’appui de la suppression proposée. Outre les mécanismes antérieurs, ont en effet été introduits depuis 2011 la mesure visant à lutter contre les dispositifs hybrides, ainsi que le plafonnement global à 3 millions d’euros de la déductibilité intégrale des charges financières nettes. Il existe désormais, en dehors du dispositif objet du présent article, pas moins d’une demi-douzaine d’outils encadrant la déductibilité des charges financières.

L’application combinée des différents outils existants – autres que le dispositif dont il est proposé l’abrogation – conduit à substantiellement limiter l’intérêt, pour une société étrangère, de se servir d’une filiale française pour acquérir des titres de participation. La déduction des charges financières supportées par la filiale est en effet strictement encadrée, et si ses surcoûts d’emprunt excèdent le plafond général, une importante réintégration doit être faite. Le gain fiscal susceptible d’être retiré de l’opération est donc réduit, voire éliminé.

2.   La question de la compatibilité avec le droit européen

Au-delà de l’existence de dispositifs suffisamment robustes pour lutter contre l’optimisation fiscale s’appuyant sur les charges financières, la suppression proposée repose également sur les doutes affectant la compatibilité du dispositif visé avec le droit de l’Union européenne.

La gestion effective des titres, pour échapper à l’application de l’encadrement, doit être assurée en France, soit par la société qui les a acquis, soit par une société liée. En conséquence, si la gestion effective était assurée par une société qui, tout en satisfaisant à la condition de contrôle, était établie dans un autre État membre de l’Union européenne, la réintégration des charges prévue par le dispositif dont il est demandé l’abrogation serait applicable. Dès lors, le dispositif peut être vu comme introduisant une différence de traitement selon que la société liée est française ou européenne, au détriment de cette dernière.

La suppression permettrait ainsi, par anticipation, de se prémunir de toute contrariété avec le droit européen.

Une modification du dispositif existant aux fins de le mettre en conformité avec le droit européen, consistant à étendre la dispense de réintégration des charges aux hypothèses dans lesquelles les titres sont gérés, non par une société française, mais par une société établie dans un autre État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, se révèlerait probablement peu opportune. En effet, elle priverait le dispositif d’une grande partie de sa substance, puisqu’il a précisément vocation à s’appliquer lorsque la gestion effective des titres est assurée depuis l’étranger. Avec une telle évolution, il serait rendu inapplicable à toutes les gestions effectives de titres assurées par des sociétés européennes. L’évaluation préalable de l’article souligne d’ailleurs que c’est en raison de ces effets que cette option a été écartée et que la suppression du dispositif lui a été privilégiée.

3.   L’amélioration de la lisibilité du droit

Enfin, dernier motif avancé par le Gouvernement, la suppression du dispositif renforcera la lisibilité du droit fiscal français. Le IX de l’article 209 présente en effet une complexité difficilement contestable.

À cet égard, le rapport précité du Sénat sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011 dénonçait « le monstre de la complexité fiscale » et l’accumulation de précisions et de garde-fous législatifs susceptibles de conduire, à terme, à des interprétations offrant de nouvelles pistes d’optimisation ([224]).

*

*     *

La commission examine l’amendement I-CF494 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. L’amendement propose de supprimer cet article 14, qui prévoit la suppression du dispositif d’encadrement de la déductibilité des charges afférentes à l’acquisition de titres, appelé « amendement Carrez ».

Le dispositif actuel limite les possibilités d’optimisation fiscale et les pratiques abusives des entreprises. Nous ne comprenons pas sa suppression. Dans son exposé, le Gouvernement explique qu’il existerait des doutes quant à la compatibilité de ce dispositif avec les règles européennes. C’est absurde : soit il est compatible, soit il ne l’est pas. Il est aussi indiqué que la portée de ce dispositif d’encadrement est limitée. Si c’est le cas, pourquoi s’obstiner à le supprimer ?

M. le Rapporteur général. Le droit français n’est pas démuni, bien au contraire. Le Conseil des prélèvements obligatoires soulignait en 2016 que si la plupart des États, en matière d’encadrement de la déductibilité des charges financières, font un choix entre des outils ciblés et un plafonnement global, la France se singularise par l’utilisation à la fois de règles ciblées et d’un plafonnement global.

Par ailleurs, le dispositif visé est susceptible de poser des difficultés au regard du droit européen : la gestion des titres acquis doit être effectivement assurée par une société française, celle qui a acquis les titres ou une autre qui est liée à elle.

Pour ces différentes raisons, avis défavorable.

M. Gilles Carrez. Un mot d’explication sur ce dispositif adopté lorsque j’étais Rapporteur général, fin 2011. À l’époque, notre pays permettait la déductibilité totale des intérêts au titre d’acquisitions, d’entreprises ou de titres de participation, et on s’était aperçu qu’une entreprise américaine ayant l’intention d’acheter une entreprise allemande, ou d’y prendre une participation, allait utiliser sa filiale française pour réaliser cette acquisition, ce qui lui permettait de déduire la totalité des intérêts des emprunts souscrits à cette occasion. La filiale française n’avait pourtant aucun pouvoir de décision, ni de contrôle. Pour éviter ce type de pratiques, nous avons créé un encadrement et j’ai également fait adopter un dispositif contre la sous-capitalisation afin de lutter contre le recours excessif à l’emprunt.

Il y a peut-être un risque contentieux, mais il me paraît limité, le dispositif datant de 2011. Par ailleurs, nous allons examiner un amendement de Mme Cariou qui permet de résoudre le problème et que j’approuve totalement.

Il se peut aussi que le problème soit devenu moins important dans la mesure où une limitation de la déductibilité a été introduite en 2013, avec une franchise de 3 millions d’euros.

Enfin, le Gouvernement s’appuie sur le fait que le dispositif n’a pas joué. Or cela montre justement son efficacité : il a été instauré à titre préventif, pour stopper un mécanisme qui était sur le point de se répandre.

Mme Valérie Rabault. Merci d’avoir rappelé l’historique de ce dossier. Malgré la mesure adoptée en 2013, le problème reste quasiment entier. Nous avons des assiettes d’imposition sur les sociétés extrêmement différentes d’un pays à l’autre et il suffit de jongler pour mettre le résultat là où l’assiette ne le prend pas en compte. On peut créer des prêts entre filiales pour transférer des résultats ou des charges.

Lorsqu’il est question de 3 millions d’euros d’intérêts, cela signifie un encours d’emprunt de 100 millions d’euros si le taux est de 3 %, et de 300 millions d’euros avec un taux à 1 %. Il ne s’agit donc pas de petites entreprises.

L’objectif est que l’on n’utilise pas un emprunt pour transférer des charges d’un pays à un autre, afin de les placer là où il existe une taxation forte, et pour mettre les résultats là où la taxation est perçue comme moins élevée. Je souhaiterais d’ailleurs que l’on dispose de vraies comparaisons en la matière. L’Allemagne est plus offensive que nous sur cette question, et depuis longtemps, grâce à une mesure qui est beaucoup plus stricte.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF565 de Mme Émilie Cariou.

Mme Émilie Cariou. La mesure qu’avait fait voter M. Carrez, alors Rapporteur général, était bienvenue : les groupes logeaient de plus en plus leur endettement en France pour restructurer à l’étranger, sans passer uniquement par des prêts entre filiales, mais aussi par des mécanismes de sous-capitalisation – la mesure adoptée en la matière était donc très importante aussi.

J’ai été assez tentée de déposer un amendement du même type que celui de M. Coquerel, mais nous sommes face à un risque au plan communautaire et je ne veux pas ajouter du contentieux au contentieux. Le présent amendement vise plutôt à limiter le dispositif aux cas où le contrôle est exercé par une société sise hors de l’Union européenne.

M. le Rapporteur général. Je comprends l’amendement, dont je partage l’objectif, mais il me semble préférable de le travailler davantage. Afin de prémunir le dispositif de toute contrariété avec le droit européen, vous proposez d’étendre la dispense de réintégration des charges aux hypothèses dans lesquelles les titres sont gérés par une société établie dans l’Union européenne ou dans l’Espace économique européen. Une telle évolution priverait malheureusement le dispositif d’une grande partie de sa substance, puisqu’il repose sur l’idée d’éviter que la société française ne serve d’« homme de paille » à une société étrangère. Je vous suggère de retirer l’amendement pour mieux travailler sur la mise en conformité de notre droit.

Mme Valérie Rabault. Je rejoins Mme Cariou. Ce que vous avancez est à la fois vrai et faux. Au risque de caricaturer un peu, il existe aujourd’hui des titres hybrides qui permettent de transformer des dividendes en intérêts. Un dividende est un résultat, tandis qu’un intérêt constitue une charge. Or les charges financières sont déductibles dans certains pays. Avec un titre hybride, on transforme un dividende, c’est-à-dire un résultat, en charge pour le placer ailleurs en déduction.

M. Gilles Carrez. Nous avons adopté une mesure pour l’éviter.

Mme Valérie Rabault. L’image est peut-être un peu trop marquée, mais l’amendement vise à régler la question en évitant que la France ne serve de porteuse de valise.

M. le Rapporteur général. Comme il existe des incertitudes, je préfère que l’on retravaille la question afin d’aller jusqu’au bout de la logique et d’éviter les angles morts.

Sur le sujet plus large de la limitation de la déductibilité des charges et de l’optimisation fiscale, je rappelle qu’il existe un arsenal robuste en droit français, notamment l’encadrement de la déduction des intérêts servis aux associés, le plafonnement général à 3 millions d’euros de la déductibilité intégrale des charges financières nettes, le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation et celui contre les dispositifs hybrides que vous avez évoqués.

Mme Émilie Cariou. Les sujets à traiter sont nombreux, notamment celui des titres hybrides. Je vais retirer l’amendement pour le revoir avant la séance publique.

M. Gilles Carrez. Comme il y a un assez large consensus, je propose d’y travailler avec Mme Rabault et Mme Cariou.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 14 sans modification.

*

*     *

Après l’article 14

La commission est saisie de l’amendement I-CF527 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. L’amendement concerne le traitement des plus-values réalisées lors des cessions immobilières qui ont lieu dans le cadre des déclarations d’utilité publique et des expropriations. Il est possible d’échapper à l’imposition si les sommes en jeu sont réinvesties dans l’immobilier. L’amendement retient la même solution en cas d’investissement dans les PME, ce qui correspond bien au « fil rouge » de ce budget.

M. le Rapporteur général. L’amendement crée une sorte de « tuyauterie » entre le dispositif qui vient d’être décrit et les PME, via le réinvestissement d’une plus-value immobilière dans des valeurs mobilières. Je ne suis pas certain que ce fléchage soit utile et le lien entre expropriation et investissement dans les PME ne me paraît pas complètement clair. Le code général des impôts tente aujourd’hui de séparer les modalités de réinvestissement des plus-values immobilières et mobilières, sans les mélanger, car cela pourrait introduire beaucoup de confusion dans notre droit fiscal. Par ailleurs, cette dépense fiscale est évaluée à 15 millions d’euros dans le fascicule Évaluations des voies et moyens. Compte tenu de la faiblesse de l’enjeu, je vous propose d’en rester au droit en vigueur.

M. Éric Alauzet. Je comprends cet argument : il n’y a pas des dizaines de milliers de cas, mais nous sommes en train de faire une réorientation de l’immobilier vers le mobilier dans le cadre de ce budget. Il serait dommage de passer à côté de ce cas.

La commission rejette l’amendement.

*

*     *

Article 15
Modification de l’assiette de la taxe sur les transactions financières

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article a pour objet d’abroger l’article 62 de la loi de finances pour 2017, dont l’objet est d’étendre, à compter du 1er janvier 2018, l’assiette de la taxe sur les transactions financières (TTF) aux opérations dites « intra-journalières » (intraday).

Compte tenu de son placement en seconde partie de cette loi de finances et des incertitudes pesant sur la faisabilité technique de cette extension, le produit budgétaire qui en aurait résulté n’a pas été évalué par le Gouvernement. Le coût de la présente mesure d’abrogation n’est donc pas chiffré.

Cette abrogation a fait l’objet d’une annonce du Président de la République lors d’un entretien au quotidien Ouest France le 13 juillet 2017, en même temps que l’objectif d’atteindre 0,55 % du produit intérieur brut (PIB) consacré à l’aide publique au développement à l’horizon 2022.

Ce cap politique a été confirmé très récemment lors de la présentation, par le chef de l’État, de ses principales orientations pour l’Union européenne le 26 septembre 2017 à l’université de Paris-Sorbonne.

Dernières modifications législatives intervenues

Après avoir été adoptée dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances pour 2016 – mais censurée par le Conseil constitutionnel en raison de son absence d’impact budgétaire au titre de cette année – cette extension de la TTF a été prévue, à compter du 1er janvier 2018, en seconde partie de la loi de finances pour 2017, par l’article 62 précité.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

L’article 5 de la première loi de finances rectificative pour 2012 ([225]) a instauré une taxe sur les transactions financières comportant trois volets complémentaires, régie par l’article 235 ter ZD du CGI.

A.   UNE TAXE SUR LES ACQUISITIONS DE TITRES DE CAPITAL OU TITRES ASSIMILÉS

1.   Un champ d’application limité aux actions de grandes sociétés françaises

La TTF pesant sur l’acquisition des titres de capital s’applique lorsque les cinq conditions suivantes sont réunies :

– le titre est admis aux négociations sur un marché réglementé (français ou étranger) ;

– il s’agit d’un titre de capital ou d’un titre de capital assimilé (par exemple, une acquisition réalisée par le biais d’une option), ce qui exclut les produits dérivés, à l’exception de ceux qui entraînent le transfert de propriété du titre sous-jacent ;

– ce titre est émis par une société dont le siège social est situé en France ;

– ce titre est émis par une société dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d’euros ;

– son acquisition donne lieu à un transfert de propriété, ce qui exclut donc du champ de la taxe les opérations intra-journalières.

2.   Une assiette constituée par le prix d’acquisition du titre

Le redevable de la taxe est le prestataire de services d’investissement (PSI) qui a exécuté l’ordre d’achat du titre ou négocié pour son compte propre, quel que soit son lieu d’établissement. Si l’acquisition a lieu sans intervention d’un tel prestataire, le redevable est l’établissement assurant la fonction de tenue de compte-conservation.

Le taux de la taxe, initialement fixé à 0,1 %, a été relevé à 0,2 % de la valeur d’acquisition du titre par l’article 7 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 ([226]). L’entrée en vigueur du nouveau taux a été fixée par ce même article au 1er août 2012.

Concrètement, la base taxable est constituée par la position nette acheteuse, calculée sur une différence de nombre de titres. Par exemple, si les quantités achetées et vendues sont identiques pour un titre donné sur une même journée boursière, la position nette est nulle même si les montants d’achat et de vente diffèrent.

3.   Des modalités de recouvrement qui reposent essentiellement sur le dépositaire central

La déclaration, la centralisation et la collecte de la taxe reposent sur le dépositaire central teneur du compte d’émission du titre. Pour la France, il s’agit d’Euroclear France.

Par exception, le CGI prévoit que, lorsque l’acquisition du titre a lieu auprès d’un dépositaire central établi hors de France, les opérations de recouvrement de la taxe se font sur une base déclarative auprès de la direction des grandes entreprises (DGE) du ministère chargé de l’économie. C’est par exemple le cas lorsqu’une société française a émis des actions sur un marché réglementé étranger.

B.   les deux volets de la TTF VISANT SPÉCIFIQUEMENT LES transactions les plus spéculatives

1.   Une taxe sur les ordres annulés dans le cadre d’opérations à haute fréquence

Aux termes de l’article 235 ter ZD bis du CGI, les entreprises exploitées en France sont, en outre, assujetties à une taxe sur les opérations à haute fréquence portant sur des titres de capital et « réalisées pour compte propre par l’intermédiaire de dispositifs de traitement automatisé ».

Les opérations à haute fréquence sont définies comme « le fait d’adresser à titre habituel des ordres en ayant recours à un dispositif de traitement automatisé de ces ordres caractérisé par l’envoi, la modification ou l’annulation d’ordres successifs sur un titre donné séparés d’un délai inférieur à un seuil fixé par décret ». Ce seuil est fixé à une demi-seconde.

Par ailleurs, le CGI prévoit que la taxe est due uniquement lorsque « le taux d’annulation ou de modification des ordres relatifs à des opérations à haute fréquence (...) excède un seuil, défini par décret, sur une journée de bourse ».

Le taux de la taxe est fixé à 0,01 % du montant des ordres annulés ou modifiés excédant ce seuil, actuellement fixé à 80 %.

Selon un référé de la Cour des comptes récent ([227]), ce volet de la TTF a un rendement nul ; en effet, la limitation de son champ aux seules opérations réalisées par des entreprises exploitées en France permettrait d’y échapper simplement en déplaçant les transactions à l’étranger.

Ce résultat peut également être défendu par les partisans de ce volet de la TTF pour estimer qu’elle est efficace pour lutter contre la localisation de ces opérations en France.

2.   Une taxe sur les acquisitions de contrats d’échange sur défaut

Aux termes de l’article 235 ter ZD ter du CGI, l’achat de contrats d’échange sur défaut d’un État européen – aussi appelés « credit default swaps » (CDS) – par une personne physique domiciliée en France ou une entreprise exploitée en France fait l’objet d’une taxe de 0,01 %.

Le deuxième alinéa du même article précise toutefois que la taxe n’est pas due « lorsque le bénéficiaire du contrat soit détient une position longue correspondante sur la dette de cet État, soit détient des actifs ou contracte des engagements dont la valeur est corrélée à la valeur de la dette de cet État ». La taxe s’applique donc uniquement à l’achat de CDS souverains « à nu ».

Selon le référé de la Cour des comptes précité, ce volet de la TTF est « devenu sans objet dès la mise en œuvre de la TTF puisque le règlement UE 236/2012 du 14 mars 2012 sur la vente à découvert et certains aspects des contrats d’échange sur risque de crédit a interdit ces achats "à nu", interdiction qui a permis ainsi d’atteindre directement l’objectif visé par la taxe ».

C.   une première extension aux opérations intra-journalieres censurée en loi de finances pour 2016

Issu d’amendements adoptés à l’Assemblée nationale, l’article 30 du projet de loi de finances pour 2016, dans sa version transmise au Conseil constitutionnel, prévoyait déjà d’élargir (à compter du 31 décembre 2016) le champ de la taxe sur les acquisitions de titres de capital ou assimilés aux opérations intra-journalières.

Une opération est dite « intra-journalière » lorsque l’ordre d’achat d’un titre mobilier passé au cours d’une journée est annulé avant le règlement-livraison de ce titre, opéré à l’initiative de la chambre de compensation par le dépositaire central de la place boursière lors de sa fermeture en fin de journée.

À cet effet, cet article 30 supprimait, au premier alinéa du I de l’article 235 ter ZD du CGI, la condition selon laquelle l’acquisition doit « donner lieu à un transfert de propriété » pour que la taxe soit applicable.

D’après l’exposé sommaire des amendements identiques adoptés en séance publique, avec un avis de sagesse du Gouvernement, cet aménagement poursuivait deux objectifs :

– « dégager des recettes fiscales supplémentaires, notamment en vue d’augmenter les financements pour la solidarité internationale et la lutte contre le changement climatique » ;

– limiter les « transactions déstabilisatrices, qui accentuent la volatilité du marché, en en réduisant l’intérêt financier ».

Au cours des débats en séance publique à l’Assemblée nationale, la date d’entrée en vigueur, initialement fixée au 1er janvier 2016, a été reportée au 31 décembre 2016 afin de tenir compte des négociations européennes en cours.

En fixant cette date d’entrée au dernier jour de l’année 2016, alors que l’amendement était placé en première partie de la loi de finances, le législateur avait entendu laisser au Gouvernement un maximum de temps pour poursuivre ces négociations, tout en respectant la bipartition de la loi de finances, qui impose de n’insérer dans la première partie de la loi de finances que des dispositions ayant un impact, fût-il symbolique en l’occurrence, sur le budget de l’année.

Dans sa décision sur la loi de finances pour 2016 ([228]), le Conseil constitutionnel a toutefois relevé que, aux termes du paragraphe IV de l’article 235 ter ZD du CGI, la taxe est exigible le premier jour du mois suivant celui au cours duquel s’est produite l’acquisition du titre.

De ce fait, le dispositif adopté était insusceptible de produire un effet budgétaire en 2016 ; le Conseil constitutionnel a donc censuré l’ensemble du dispositif sur ce fondement, sans se prononcer sur le grief soulevé par les requérants, selon lequel ce dispositif aurait par ailleurs conduit à supprimer le fait générateur de la taxe.

D.   le dispositif adopté en loi de finances pour 2017

1.   Le dispositif adopté à l’Assemblée nationale en première lecture

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2017, les débats ont porté à la fois sur l’extension de la TTF aux opérations intra-journalières et sur une augmentation de son taux de 0,2 à 0,3 %.

Plusieurs amendements identiques visaient à étendre à l’assiette de la TTF aux opérations intra-journalières ([229]), tandis que trois amendements identiques visaient à en augmenter le taux ([230]).

Au cours du débat, le Gouvernement a émis un avis favorable à l’augmentation du taux de la taxe, en appelant par ailleurs au retrait des amendements portant sur son extension aux opérations intra-journalières.

À l’appui de cette position réservée, le ministre a notamment évoqué l’impossibilité technique de procéder à l’extension de l’assiette pour le 1er janvier 2017.

Toutefois, les deux modifications de la TTF ont finalement été adoptées, avec une entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2017.

a.   L’extension aux opérations intra-journalières

Contrairement au dispositif adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2016, qui entendait inclure dans le champ de la taxe les opérations intra-journalières en supprimant la mention selon laquelle l’acquisition du titre devait donner lieu à un transfert de propriété, celui adopté à l’Assemblée nationale en première lecture du projet de loi de finances pour 2017 était guidé par une approche différente consistant à ajouter un fait générateur à défaut de transfert de propriété.

Ainsi, le dispositif adopté prévoyait qu’à défaut d’un tel transfert, la taxe serait exigible « dès qu’il y a comptabilisation du titre sur le compte-titre de l’acquéreur ».

Lors de l’examen de ces amendements en séance publique, le Gouvernement a fait valoir qu’il serait impossible d’assurer la mise en œuvre de cette disposition au 1er janvier 2017, rappelant par ailleurs que la coopération renforcée visant à mettre en place une TTF au niveau européen avait permis d’aboutir à un accord le 10 octobre 2016.

Cet accord portait notamment sur la prise en compte, dans la TTF européenne, des produits dérivés et des opérations intra-journalières.

b.   L’augmentation du taux de la TTF

Par ailleurs, le dispositif adopté a prévu l’augmentation du taux de la TTF de 0,2 à 0,3 % à compter du 1er janvier 2017.

Le produit de cette augmentation du taux ainsi que son affectation est détaillé ci-dessous.

2.   L’examen au Sénat et en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale

La commission des finances du Sénat, à l’initiative de son Rapporteur général, a exprimé son opposition à l’adoption de cet article, essentiellement en raison de l’impact prévisible de l’augmentation du taux sur le volume de transactions de la place financière parisienne.

Selon le rapport sur l’examen de cet article, « il peut être estimé que le relèvement du taux de la taxe de 0,2 à 0,3 % se traduira au minimum par une diminution des volumes de transactions de 5 % », sachant par ailleurs que l’extension de la TTF aux opérations intra-journalières aurait un impact de 54 % des volumes de ces transactions.

Lors de l’examen en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, la commission des finances, à l’initiative de sa rapporteure générale, de plusieurs élus du groupe Les Républicains et de M. Christophe Caresche, avait proposé la suppression complète de cet article.

Cet amendement avait toutefois été rejeté au profit d’un amendement, déposé en termes identiques par M. Christophe Caresche, Mme Christine Dalloz et M. Marc Le Fur, visant plus spécifiquement à supprimer l’extension de la taxe aux opérations intra-journalières.

Lors de l’examen de ce second amendement, le Gouvernement s’est dit favorable à cette suppression, tout en soulignant sa bienveillance à l’égard d’amendements placés en seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 qui permettraient d’envisager cette extension à compter du 1er janvier 2018.

Selon le Gouvernement, la mise en œuvre précipitée au 1er janvier 2017 aurait pu conduire à faire supporter aux redevables des « formalités impossibles » qui auraient pu fragiliser le dispositif techniquement mais aussi d’un point de vue constitutionnel.

En réalité, c’est le Gouvernement qui a, lui-même, déposé, en seconde partie du projet de loi de finances pour 2017, un amendement visant à étendre la TTF aux opérations intra-journalières à compter du 1er janvier 2018.

Le dispositif finalement adopté est toutefois encore différent de celui adopté en première lecture à l’Assemblée nationale :

– il supprime la disposition selon laquelle la TTF s’applique en cas de transfert de propriété du titre ;

– il modifie le second alinéa de l’article 235 ter ZD du CGI, qui définit actuellement l’acquisition d’un titre comme son achat, – y compris dans le cadre de l’exercice d’une option ou dans le cadre d’un achat à terme ayant fait l’objet d’un contrat – son échange ou son attribution en contrepartie d’un apport.

Conformément au dispositif finalement adopté, l’acquisition s’entend avant tout comme « l’exécution d’un ordre d’achat » ou, à défaut, selon les catégories mentionnées ci-dessus.

3.   L’examen par le Conseil constitutionnel

Avant de devenir l’article 62 de la loi de finances pour 2017 ([231]), le Conseil constitutionnel a été saisi de la conformité avec la Constitution de l’extension de la TTF aux opérations intra-journalières, les requérants soutenant que le dispositif adopté était entaché d’incompétence négative dans la mesure où le législateur aurait laissé au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités de collecte de la taxe.

Dans sa décision sur la loi de finances pour 2017 ([232]), le Conseil constitutionnel a toutefois écarté cet argument d’inconstitutionnalité, au motif que les obligations déclaratives du redevable ainsi que les obligations de collecte des informations nécessaires à l’établissement de la taxe par le dépositaire central, telles que prévues par cet article 62, sont suffisamment précises pour permettre le recouvrement de la taxe.

II.   Le contexte budgétaire, financier et Économique

A.   L’évolution du financement de la politique en faveur
de l’aide au développement

1.   Le rendement de la TTF et l’affectation de son produit

Le tableau ci-dessous retrace l’évolution du rendement total de la TTF ainsi que le montant affecté respectivement à l’aide publique au développement et au budget général de l’État.

Le rendement et l’affectation de la TTF

(en millions d’euros)

Bénéficiaire

2013

2014

2015

2016

PLF 2017

2017

PLF 2018

Part État

706

771

917

564

578

652

693

Part FSD (1)

60

100

140

260

528

528

798

Part AFD (2)

273

270

0

Total

766

871

1 057

1 097

1 106

1 450

1 491

(1)   Fonds de solidarité pour le développement.

(2)   Agence française pour le développement.

Source : documents budgétaires, direction du budget.

Le fonds de solidarité pour le développement (FSD) est un outil financier permettant de soutenir directement les projets des zones définies comme prioritaires par le ministère des affaires étrangères.

Le champ d’intervention de ce fonds a été étendu par un décret du 5 décembre 2016 ([233]).

Auparavant, le FSD n’intervenait que pour le financement de la facilité internationale d’achat de médicaments (UnitAid) et de la facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFim).

Compte tenu de ce décret, le FSD finance désormais également l’IFFim, des « dépenses d’aide multilatérale et, à titre subsidiaire, bilatérale en faveur du développement principalement dans les domaines de la santé, du climat et de l’environnement ». L’annexe du décret de décembre 2016 énumère la liste des vingt-neuf organismes bénéficiaires de ce fonds.

La ventilation du produit de la TTF affectée à l’aide au développement entre l’AFD et le FSD a fait l’objet de nombreux amendements lors de l’examen des précédents projets de loi ; il s’agit en fait d’une question de gouvernance :

– le comité de pilotage du FSD, fixé par l’article 4 du décret du 12 septembre 2006 précité ([234]), comprend un représentant des ministères des affaires étrangères, de la santé, de l’économie et des finances, et du budget. Dans les faits, le pilotage du FSD est largement assuré par le ministère des affaires étrangères ;

– le conseil d’administration de l’Agence française de développement (AFD), composé de dix-sept membres, comprend, outre six représentants de l’État, quatre parlementaires et cinq personnalités qualifiées, généralement issues du monde des organisations non gouvernementales.

L’article 19 du présent projet de loi de finances ([235]), disposant mesures relatives à l’ajustement des ressources affectées à des organismes chargés de missions de service public, tend à revenir sur l’équilibre défini par la loi de finances pour 2017 :

– ses alinéas 7 et 38 suppriment en totalité la part de la TTF affectée à l’AFD ;

– son alinéa 30 porte la part affectée au FSD de 528 à 798 millions d’euros.

2.   L’évolution des crédits en faveur de l’aide publique au développement

Le financement de la politique française en matière d’aide publique au développement s’appuie en partie sur l’affectation du produit de certaines taxes ainsi que sur la mobilisation de crédits budgétaires inscrit dans de nombreuses missions du budget général de l’État.

Selon le document de politique transversale consacré à la politique en faveur du développement associé au projet de loi de finances pour 2017, « la politique d’aide publique au développement présente un fort caractère interministériel. Elle fait intervenir vingt-quatre programmes budgétaires, dont les deux programmes de la mission Aide publique au développement qui en forment le cœur (programme 110 Aide économique et financière au développement et programme 209 Solidarité à l’égard de pays en développement) ».

Au total, quatorze missions différentes participent au financement budgétaire de cette politique.

Synthèse de l’évolution de l’aide publique au développement

(en millions d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

PLF 2018

Taxes affectées

245

304

350

470

1 008

1 008

 dont TTF

60

100

140

260

798

798

 dont taxe sur les billets d’avion

185

204

210

210

210

210

Crédits budgétaires (1)

5 211

4 487

4 645

5 171

4 825

5 022

 dont mission Aide au développement

2 966

2 752

2 654

2 445

2 586

2 679

 dont autres missions

2 245

1 735

1 991

2 726

2 239

2 343

Total

5 456

4 791

4 995

5 641

5 833

6 030

(1)   Crédits de paiement effectivement consommés pour la mission Aide au développement. Le montant total des crédits budgétaires affectés à l’aide au développement est issu des documents de politique transversale Politique française en faveur du développement.

Source : documents budgétaires.

3.   L’effort français en faveur de l’aide publique au développement

Le document de politique transversale consacré à la politique française en faveur du développement, associé au projet de loi de finances pour 2017, fait enfin état d’une synthèse de l’effort national en faveur de l’aide publique au développement dont le périmètre serait encore plus large que celui retenu pour le précédent tableau, intégrant notamment :

– les prêts de l’AFD ;

– la quote-part de l’aide publique au développement financée par le biais du budget de l’Union européenne ;

– les annulations de dettes ou les refinancements opérés par le biais du Club de Paris ;

– les financements provenant des collectivités locales et d’agences publiques telles que les agences de l’eau.

Compte tenu de ce périmètre, le montant consacré à l’aide publique au développement est retracé dans le tableau ci-dessous.

L’effort en faveur de l’aide publique au développement en France

(en milliards d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PLF 2018

Montant total

9,358

8,540

8,005

8,149

8,612

9,136

9,648

En pourcentage du revenu national brut

0,44

0,4

0,37

0,37

0,38

0,39

0,41

Source : document de politique transversale Politique française en faveur du développement.

4.   L’engagement du Président de la République à l’horizon 2022

Le Président de la République s’est engagé à consacrer 0,55 % du PIB à cette politique à l’horizon 2022.

Selon le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, le PIB potentiel sera, à cette échéance, de 2 325 milliards d’euros avec un écart de production de + 1,1 %.

Il en résulte que, selon les prévisions actuelles du Gouvernement, le PIB devrait être de 2 350,6 milliards d’euros en 2022 ; un engagement à hauteur de 0,55 % de ce montant représente donc un montant total de 12,93 milliards d’euros.

Selon que le chiffre de référence actuel – afférent à l’année 2017 – est le total des crédits en faveur de l’aide publique au développement ou l’effort national total en faveur de cette politique, le montant supplémentaire à consacrer à cette politique serait donc de :

– 6,95 milliards d’euros par rapport au montant total des crédits en faveur de l’aide publique au développement en 2017 ;

– 3,48 milliards d’euros par rapport au montant global de l’effort national en faveur de cette politique en 2017.

B.   LEs exemples étrangers et la perspective d’une TTF européenne

1.   Les exemples étrangers

Au cours des débats sur les projets de loi de finances pour 2016 et 2017, la comparaison avec les taxes sur les transactions financières mises en place par les autres pays, notamment européens, a souvent été mise en avant.

a.   L’Italie

Une TTF a été mise en place dans le cadre de la loi de finances pour 2013, pesant sur les entreprises dont la capitalisation boursière est supérieure à 500 millions d’euros.

Selon certaines sources, le Gouvernement italien aurait envisagé sa suppression ([236]), mais elle est encore en vigueur.

En tout état de cause, cette TTF ne s’applique pas aux opérations intra-journalières.

b.   La Suisse

Une TTF existe en Suisse sous la forme d’un droit de timbre, qui ne s’applique qu’en cas de changement de propriété. De fait, ce droit de timbre ne s’applique donc pas aux opérations intra-journalières.

Les taux sont de 0,15 % pour les titres suisses et de 0,3 % pour les titres étrangers ; la taxe est partagée par moitié entre les deux contractants (soit 0,075 % et 0,15 % ou 7,5 et 15 points de base). Le produit annuel de cette taxe est de 2,8 milliards de francs suisses.

c.   La « stamp duty » britannique

La « stamp duty reserve tax » est un impôt applicable aux transactions portant sur des actions cotées au Royaume-Uni.

Refondée en 1986 à partir d’une taxe existant depuis 1694, elle s’applique aux transactions portant sur les actions de sociétés britanniques, sur les actions enregistrées au Royaume-Uni de sociétés étrangères, sur les options d’achat, sur les droits issus d’actions déjà détenues et sur le droit à recevoir le produit de la vente de ces actions.

Il s’agit donc davantage d’un droit d’enregistrement dont le taux est de 0,5 % ou de 1,5 % si les titres transitent par une chambre de compensation lors d’un transfert à l’étranger. Le redevable de la taxe est l’acquéreur et non les deux parties à la transaction.

Les recettes de cette taxe évoluent dans une moyenne de 2,5 à 3,5 milliards de livres.

De fait, la « stamp duty » ne concerne qu’une partie des transactions visées par la TTF française :

 elle vise uniquement les titres britanniques achetés sur le sol britannique ;

– elle comporte de très larges exonérations qui ne s’appliquent pas dans le cadre de la TTF française. Sont notamment exonérés les produits dérivés comme les futures, les transferts d’actions entre sociétés d’un même groupe ou issus de la restructuration d’une entreprise.

Enfin, sont totalement exonérées les opérations réalisées par les acteurs de marché. De ce fait, si la « stamp duty » s’applique en théorie aux opérations intra-journalières, cette exonération des acteurs de marchés, qui sont les principaux utilisateurs de ce type d’opérations, doit amener à relativiser l’effectivité de ce dispositif.

2.   La perspective de la mise en place d’une TTF européenne

Lors des débats dans le cadre du précédent projet de loi de finances, l’extension de la TTF française, le ministre chargé de l’économie a rappelé l’importance du lien entre la TTF française et celle envisagée au niveau européen : « J’ai également la conviction que créer une taxe sur les transactions financières dans un seul pays serait inefficace, en particulier pour des mouvements totalement internationalisés sur les obligations et surtout les produits dérivés  les actions étant émises dans un pays, il n’y a pas de danger de délocalisation.

« D’où la nécessité de travailler d’abord au niveau européen, puis peut-être international. Au niveau européen, nous avons franchi un pas considérable le 10 octobre dernier ; cela n’avait rien d’évident puisque les dix pays ont donné leur accord à une extension de l’assiette potentielle de la taxe sur les transactions financières, en particulier en y intégrant les dérivés et les mouvements intraday. » ([237])

L’extension de la TTF française aux opérations intra-journalières a donc été reliée, par le précédent Gouvernement, à certaines avancées au niveau européen. Or, il apparaît aujourd’hui que cet accord prometteur du 10 octobre 2016 n’a pas été suivi d’effets, du fait de la défection de plusieurs pays membres de la coopération renforcée.

Dans ce contexte, l’extension de la TTF aux opérations intra-journalières consisterait, pour la France, à « faire cavalier seul ».

III.   le dispositif proposé

A.   Une abrogation à compter de la publication du present projet de loi de finances

Le présent article prévoit l’abrogation de l’article 62 de la loi de finances pour 2017 précité.

En l’absence de précision sur la date d’entrée en vigueur de cette abrogation, elle deviendra donc effective à la date de publication du présent projet de loi de finances.

Compte tenu du fait que cette publication devrait intervenir au cours des derniers jours de l’année 2017, et en tout état de cause avant le 1er janvier 2018, l’extension de la TTF aux opérations intra-journalières – en principe prévue à cette date – ne sera pas mise en œuvre.

Les conséquences budgétaires potentielles de cette abrogation sont difficiles à évaluer ; dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016 comme du projet de loi de finances pour 2017, le produit lié à l’extension de la TTF aux opérations intra-journalières n’avait fait l’objet d’aucune évaluation de la part du Gouvernement.

Celui-ci n’était d’ailleurs pas tenu d’évaluer ce produit potentiel dans le cadre de l’article d’équilibre :

– dans le cadre de la loi de finances pour 2016, l’entrée en vigueur de cette extension était fixée le 31 décembre 2016 (qui tombait en l’occurrence un samedi, jour de fermeture de la place financière de Paris). Le produit de cette extension, pourtant adoptée en première partie du projet de loi de finances, ne pouvait donc qu’être symbolique ;

– dans le cadre de la loi de finances pour 2017, cette extension a été placée en seconde partie de la loi de finances, dont les conséquences budgétaires ne sont pas prises en compte à l’article d’équilibre.

B.   les raisons de cette abrogation

Les raisons pour lesquelles le Gouvernement envisage cette abrogation ont, pour partie, déjà été largement exposées au cours de l’examen des deux précédents projets de loi de finances et résultent, pour une autre partie, de circonstances propres à l’examen du présent projet de loi de finances.

1.   Des doutes subsistants sur la faisabilité technique du dispositif

Selon le référé de la Cour des comptes précité, l’extension de l’assiette de la TTF aux opérations intra-journalières se heurte « à d’importantes difficultés de mise en œuvre ».

En effet, le fait générateur de la taxe serait complexe à déterminer pour ce type d’opérations, avis qui est en général partagé par de nombreux spécialistes des marchés financiers.

Dans le cadre de l’examen de l’article prévoyant cette extension dans le projet de loi de finances pour 2016 ([238]), le Rapporteur général de la commission des finances du Sénat a eu une position plus nuancée sur ce point, jugeant l’extension « techniquement réalisable mais dangereuse pour la place de Paris ».

Selon le même, il existe en effet déjà des cas où le dépositaire central français est chargé de collecter la taxe « à l’aveugle », alors même que l’opération est neutre de son point de vue car la position nette de son adhérent est nulle.

Deux situations peuvent être distinguées :

– lorsque la livraison du titre est réalisée dans les livres de l’un des adhérents du dépositaire central (par exemple, quand deux clients d’une même banque effectuent deux opérations en sens inverse), il revient à l’adhérent (en général, le teneur de compte-conservateur) de fournir les informations nécessaires au dépositaire central ;

– lorsque la livraison du titre est réalisée dans les livres de l’un des clients d’un adhérent du dépositaire central (par exemple, quand deux clients d’une même banque étrangère effectuent deux opérations en sens inverse), il revient aux clients de fournir les informations nécessaires à l’adhérent, qui les retransmet par la suite au dépositaire central.

Selon le Rapporteur général de la commission des finances du Sénat, « confronté aux mêmes difficultés, le Royaume-Uni a récemment mis en place avec succès un dispositif visant à organiser la transmission systématique des données brutes au dépositaire central. Annoncé en novembre 2013, le changement est entré en vigueur en juin 2014. Désormais, les données brutes concernant les achats et les ventes des institutions financières qui recourent à une contrepartie centrale pour effectuer une compensation préalable au règlement sont transmises au dépositaire central ».

2.   Un impact sur la délocalisation des opérations intra-journalières mal maîtrisé

Les difficultés techniques concernant cette extension ne sauraient, en tout état de cause, prévaloir sur une analyse fine de l’impact éventuel de cette extension sur la compétitivité de la place financière de Paris.

Or, cet impact est encore très mal évalué aujourd’hui. Selon les informations transmises l’année dernière par Euronext, non confirmées par le Gouvernement, une diminution du volume des opérations intra-journalières de près de 50 % serait possible.

3.   Une nécessité d’avancer dans un cadre européen cohérent tenant compte des perspectives du Brexit

L’examen du présent article ne peut être l’occasion de présenter l’ensemble des perspectives financières liées au Brexit ; le Gouvernement a toutefois rappelé, à l’occasion de la présentation du présent projet de loi de finances devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, l’ensemble des mesures envisagées en faveur de l’attractivité de la place financière de Paris, dont le présent article est un élément important.

*

*     *

La commission examine les amendements identiques I-CF69 de M. Vincent Ledoux, I-CF205 de M. Bertrand Pancher, I-CF327 de M. Fabien Roussel et I-CF469 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Vincent Ledoux. Il s’agit de revenir sur la suppression de l’extension de la taxe sur les transactions financières (TTF) aux transactions intra-journalières, dites « intraday ». Il y a un grand débat sur le sujet : cette taxation ne serait pas applicable, pour des raisons juridiques, et nous sommes donc en train de la tuer avant même de l’avoir mise en œuvre. Nous nous privons ainsi de recettes considérables, qui permettraient en particulier de financer l’aide publique au développement (APD) et la lutte contre le réchauffement climatique, alors que le Président de la République a mis l’accent sur ces questions, notamment dans son discours de septembre dernier sur l’Union européenne. Ce serait par ailleurs incohérent avec la proposition de directive européenne visant à l’élargissement de l’assiette de la TTF. Il serait peut-être préférable de s’inspirer du cadre retenu au Royaume-Uni.

M. Fabien Roussel. Je rejoins M. Ledoux. Le trading haute fréquence, qui permet de réaliser 12 000 opérations boursières le temps de cligner de l’œil, se développe. Alors que seulement 2 % des transactions boursières concernent l’économie réelle, il est important et urgent d’avoir une taxe opérationnelle, concernant en particulier les opérations intraday. Notre amendement coïncide avec une demande soutenue par de nombreuses organisations non gouvernementales.

Je rappelle aussi qu’il s’agit d’une taxe instaurée par Nicolas Sarkozy, à la suite de la crise boursière de 2008, afin de limiter les opérations spéculatives, avant même toute question de financement de l’APD. Selon une étude qui nous a été présentée récemment en commission des finances, les opérations spéculatives ont diminué de 10 % en France, alors que la taxe a une portée limitée. Enfin, des taxes de cette nature sont appliquées dans quarante pays, parfois avec un taux plus élevé que le nôtre, sans que cela remette cause la croissance et l’activité.

M. Éric Coquerel. Là aussi, et pour reprendre un terme qui a été utilisé tout à l’heure, il s’agit d’une « tuyauterie » destinée à orienter l’argent vers l’investissement productif. Les transactions concernées sont tout sauf de l’investissement à long terme : il s’agit de spéculation à très court terme. Par ailleurs, la recette pour l’État serait comprise entre 2 et 4 milliards d’euros.

La Cour des comptes n’a pas considéré que cette taxe est impossible à mettre en œuvre, mais qu’il faudrait réaliser une étude d’impact sur la manière de l’instaurer. Nous plaidons en ce sens, en proposant de supprimer l’article.

M. le Rapporteur général. J’ai l’impression qu’il existe une confusion entre la taxe intraday et la haute fréquence, ce qui n’a rien à voir.

Le référé de la Cour des comptes est par ailleurs très clair : la Cour émet de sérieux doutes quant à la faisabilité technique de cette mesure. Il serait en fait très possible qu’elle ne rapporte rien et qu’elle n’ait donc aucun impact sur le financement de l’APD – je le souligne d’autant plus que je continue, à titre personnel, à faire partie de ceux qui sont favorables à une mesure permettant de mieux traiter les transactions intraday.

Depuis l’année dernière, aucun élément nouveau d’appréciation de l’impact de cette mesure sur l’évaporation des opérations intra-journalières n’a été produit. Un chiffre d’évaporation de 50 % de l’assiette a été évoqué à cette époque, et nous n’en savons pas plus à ce stade.

J’ai organisé une première table ronde – il y en aura d’autres – entre des opposants à la taxe et les milieux de l’aide au développement afin d’essayer de trouver des voies et moyens d’assurer une convergence : on peut diverger sur certains principes, mais se retrouver autour d’objectifs tels que l’aide au développement. Essayons de faire un travail intelligent sur le financement de l’aide au développement avec les banques, qui étaient représentées à cette réunion. Certains acteurs ont tenu des propos très positifs en la matière, même si d’autres sont restés sur une position quasiment « syndicale ».

La suppression de l’article 15 ne me paraît pas recevable, même s’il faut trouver une solution concernant l’affectation du produit à l’aide au développement, et nous nous y employons. Les deux éléments sont souvent présentés comme liés, avec une certaine dimension culpabilisatrice, alors qu’il s’agit seulement d’une affectation de fait. Par conséquent, avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Merci d’avoir abordé la question de cette manière. Cela fait deux ans que nous en débattons, en faisant d’abord un pas en avant, puis un autre en arrière, alors que nous avons plutôt besoin de stabilité. Il faut avancer de manière définitive.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 15 sans modification.

*

*     *

Après l’article 15

La commission examine les amendements identiques I-CF68 de M. Vincent Ledoux, I-CF329 de M. Jean-Paul Dufrègne et I-CF470 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Fabien Roussel. Le Rapporteur général vient de nous dire qu’il faut trouver des solutions. Nous vous en proposons une, grâce une taxe sur les transactions financières juste et efficace, dont le taux serait porté à 0,5 %.

M. Éric Coquerel. Je défends notre amendement pour les mêmes raisons.

M. le Rapporteur général. Avis défavorable. J’ai proposé de développer un dialogue pour aboutir à un système de financement de l’APD. Ne traitons pas la question par voie d’amendement.

Mme Bénédicte Peyrol. À la suite de la table ronde organisée par le Rapporteur général, je voudrais ajouter que la proposition d’un taux de 0,5 % me paraît très ambitieuse. On connaît le caractère rétractile de la base. Si tout part à l’étranger, l’assiette de la taxe sera très réduite en France. Je suivrai l’avis sage du rapporteur, qui est de dialoguer avant de prendre une décision.

La commission rejette ces amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF330 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. Même esprit que les amendements précédents.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette cet amendement.

Puis elle examine l’amendement I-CF477 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Il s’agit d’instaurer une taxe sur les biens immobiliers vendus à un prix supérieur à 1 million d’euros, en prévoyant un taux progressif, de 1 à 10 %. L’amendement comporte ainsi un barème complet. Le produit permettrait notamment de contribuer à la rénovation de l’habitat insalubre.

M. le Rapporteur général. J’allais presque vous dire que l’amendement est satisfait par l’IFI. Mais il faudrait surtout préciser les modalités de recouvrement de la taxe, comme l’exige la Constitution. Sinon, l’amendement n’est pas opérant. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

*

*     *

II. – RESSOURCES AFFECTÉES

A. – Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Avant l’article 16

La commission en vient à l’amendement I-CF523 de M. Charles de Courson.

Mme Lise Magnier. Il s’agit de compléter la contractualisation qui va être mise en place entre le Gouvernement et les 319 plus grandes collectivités de France, en vue d’une bonne gestion et d’une bonne utilisation des deniers publics. L’amendement vise ainsi à responsabiliser les collectivités en instaurant un système de bonus et de malus, de plus ou moins 4 %, sur l’attribution de la dotation globale de fonctionnement (DGF), en corrélation avec les résultats de gestion des trois années précédentes pour l’ensemble des collectivités. C’est avant tout un amendement d’appel pour la clarification et la simplification nécessaires du calcul et de l’octroi de la DGF, qui sont souvent beaucoup trop flous pour les élus locaux. Si tout le monde doit faire des efforts, l’instauration d’un système de bonus-malus serait une bonne solution.

M. le Rapporteur général. Le choix du Gouvernement et de la majorité consiste plutôt à demander un effort aux collectivités sur le tendanciel de dépenses, et non une réduction, en ciblant l’effort de limitation sur les collectivités les plus importantes que vous évoquiez. J’en reste à cette logique et suis donc défavorable à votre amendement, dont j’ai bien compris qu’il était d’appel.

M. Jean-René Cazeneuve. L’amendement correspond, dans l’esprit, à ce que nous voulons faire pour les 319 plus grandes collectivités, à ceci près qu’il ne s’agit pas d’instaurer un système de bonus et de malus : on ne peut pas le faire pour la DGF, qui correspond à ce qu’elles reçoivent, mais pour le mode de fonctionnement et les dépenses.

M. Fabien Roussel. Il faut préciser que le bonus ou le malus concernerait toutes les collectivités, et non pas seulement les plus grandes d’entre elles. Cela toucherait les villages et les plus petites communes, dont le budget s’élève à quelques dizaines de milliers d’euros, auxquelles on demande des efforts depuis des années, qui vont encore perdre des moyens dans les années à venir et qui subiront la suppression des contrats aidés : elles sont déjà à l’os. Par ailleurs, les villages gèrent certainement mieux leurs deniers que l’État ne le fait.

La commission rejette l’amendement.

*

*     *

Article 16
Fixation pour 2018 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des allocations compensatrices d’exonérations d’impôts directs locaux (IDL)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe, d’une part, le montant pour 2018 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à 27,050 milliards d’euros, soit une baisse de 3,8 milliards d’euros par rapport au montant voté pour 2017. Cet écart s’explique essentiellement par la suppression de la DGF des régions (3,9 milliards d’euros en 2017), à laquelle est substituée une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Hors cet effet, la DGF est stable par rapport à la DGF 2017.

Le présent article ajuste également la base de calcul de la fraction de TVA transférée aux régions. Les crédits du fonds de soutien exceptionnel à destination des régions ne sont plus prises compte.

Il détermine, enfin, la minoration de certaines compensations d’exonération de fiscalité directe locale, dites « variables d’ajustement », destinée à gager 323 millions d’euros d’augmentation des transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 33 de la loi de finances pour 2017 fixe le montant de la DGF 2017 et de la minoration, en 2017, des compensations d’exonérations de fiscalité directe locale.

Il élargit l’assiette des variables d’ajustement à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des régions et des départements, aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et à la dotation de compensation pour transferts des compensations d’exonération de fiscalité directe locale (dite dotation « carrée » ou « Dot² »).

Pour la première fois, des taux de minoration différents sont fixés par catégories de variables.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit

A.   LE montant et l’architecture de la DGF ont ÉtÉ modifiÉs pour la derniÈre fois par la loi de finances pour 2017

La dotation globale de fonctionnement (DGF), instituée par la loi du 3 janvier 1979([239]), est un prélèvement opéré sur les recettes de l’État (PSR), versé aux collectivités territoriales pour la première fois en 1979. Cette dotation vise à compenser les charges supportées par les collectivités, à contribuer à leur fonctionnement et à corriger certaines inégalités de richesses entre les territoires. Son montant est établi chaque année par la loi de finances et sa répartition s’opère à partir des données physiques et financières des collectivités. Elle représente le principal concours financier de l’État aux collectivités territoriales (63,5 % de l’ensemble de ces concours en 2017 et 56,1 % selon le présent projet de loi de finances).

1.   L’évolution du montant de la DGF

Dans le cadre des objectifs d’évolution de la dépense publique fixés par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ([240]), le montant de la DGF diminue depuis 2014.

ÉVOLUTION DU MONTANT DE LA DGF

(en millions d’euros)

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Montant voté en LFI

39 251

40 056

40 847

41 222

41 830

41 390

41 505

40 121

36 607

33 221

30 850

Taux d’évolution par rapport au montant N − 1

+ 2,6 %

+ 2,1 %

+ 2 %

+ 0,6 %

+ 1,5 %

– 1,1 %

+ 0,3 %

– 3,3 %

– 8,7 %

– 9,2 %

– 7,1 %

Source : lois de finances initiales (LFI).

Au total, de 2007 à 2017, la DGF a diminué de 21,4 %.

2.   Une réforme de la DGF reportée puis abrogée

a.   L’architecture actuelle de la DGF date de 2015

La DGF se compose, en 2017 comme en 2016 et 2015, de douze dotations (quatre pour les communes, deux pour les établissements publics de coopération intercommunale – EPCI, quatre pour les départements et deux pour les régions), parfois elles-mêmes déclinées en plusieurs sous-composantes, réparties en fonction d’une cinquantaine de critères. Pour chacune de ces sous-composantes, l’éligibilité des collectivités et la répartition des crédits sont fonction de critères différents, éventuellement combinés. Onze critères de ressources et dix-neuf critères de charges sont utilisés pour calculer la DGF des communes et des EPCI, six critères de ressources et neuf de charges pour les départements, six critères de ressources et trois de charges pour les régions.

Le tableau suivant présente l’architecture actuelle de la DGF, dont la dernière modification résulte de l’article 107 de la loi de finances pour 2015 ([241]), qui a procédé à la consolidation des trois dotations qui composaient la dotation forfaitaire des communes.

RÉPARTITION DE LA DGF PAR CATÉGORIE DE COLLECTIVITÉs et groupements

(en milliards d’euros)

Loi de finances

Communes

EPCI

Départements

Régions

Total

LFI 2015

14,5

6,5

10,8

4,8

36,6

LFI 2016

12,4

6,7

9,6

4,4

33,1

LFI 2017

11,7

6,4

8,6

4,0

30,8

PLF 2018

n.c.

TVA

27,1

 


ARCHITECTURE DE LA DGF
EN 2017

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* dont quote-part outre-mer

** tropole

 

Source : DGCL.

 


—  1  —

b.   La dernière réforme de la DGF a finalement été abrogée

L’article 150 de la loi de finances pour 2016 ([242]) prévoyait une réforme d’ensemble de la DGF du bloc communal, dont les trois objectifs prioritaires étaient de :

– réduire les écarts de dotation les moins légitimes, et mieux prendre en compte les charges de centralité des communes et des EPCI, appréciées au niveau local ;

– inciter les territoires à renforcer leur intégration, fiscale comme fonctionnelle et les mutualisations ;

– simplifier l’architecture de la DGF.

Principales dispositions de l’article 150 de la loi de finances pour 2016
relatives à la réforme de la DGF

● Trois composantes pour la dotation forfaitaire rénovée des communes :

– une dotation de base calculée pour chaque commune en fonction d’un montant unitaire par habitant, identique pour toutes les communes, fixé à 75,72 euros ;

– une dotation pour charges de ruralité sur la base de la densité démographique des communes, avec un montant moyen de 20 euros/habitant ;

– une dotation pour charges de centralité, appréciée au niveau local (EPCI + ensemble de ses communes membres), sur la base de la population d’une commune rapportée à la population de l’EPCI d’appartenance.

● Réforme des dotations de péréquation des communes :

– Suppression de la dotation nationale de péréquation (DNP), dont les montants sont redistribués au profit de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR).

– Renforcement du ciblage de la DSU et de la DSR.

● Pour les EPCI : fusion de la dotation d’intercommunalité et de la dotation de compensation en une DGF des EPCI, également répartie en trois composantes : une dotation de centralité calculée au niveau du territoire de l’EPCI, une composante péréquatrice et une composante favorisant l’intégration.

Cette réforme a été abrogée par l’article 138 de la loi de finances pour 2017 ([243]), lequel a repris plusieurs propositions ([244]) formulées par une mission d’information commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, en juillet 2016, dans l’attente d’une réforme plus globale :

– réforme du dispositif de plafonnement de l’écrêtement de la dotation forfaitaire des communes (de 3 % de la dotation forfaitaire à 1 % des recettes réelles de fonctionnement). Cet écrêtement contribue à près de 50 % du financement de la hausse des dotations de péréquation ;

– recentrage et limitation des effets de seuil de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) (limitation du nombre de bénéficiaires de 751 à 668 communes de 10 000 habitants et plus, introduction d’un plafond en matière de potentiel financier et répartition de la hausse annuelle de DSU, soit + 190 millions d’euros en 2017, entre toutes les communes éligibles ;

– limitation des effets de transferts de DGF entre EPCI liés aux changements de catégories juridiques.

La mission proposait également de « rebaser » la DGF du bloc communal en élargissant le support de la contribution au redressement des finances publiques (CRFP), pour supprimer les « DGF négatives », et permettre ainsi une application plus équitable de la CRFP. Cette proposition n’a pas été retenue.

B.   Le remplacement de la DGf par une fraction de TVA : attribuer aux régions une recette dynamique pour financer leur mission de développement économique

L’article 149 de la loi de finances pour 2017 précitée prévoit d’une part la création d’un fonds de soutien exceptionnel pour les régions de 450 millions d’euros et d’autre part l’affectation aux régions, à compter de 2018, d’une fraction de TVA. Cette évolution s’inscrit dans le contexte de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ([245]), qui a modifié la répartition des compétences entre collectivités territoriales.

Les régions sont désormais les seules compétentes « pour définir et octroyer des aides en faveur de la création ou de l’extension d’activités économiques, [... et] pour attribuer des aides aux entreprises en difficulté ». Le bloc communal peut participer au financement de ces aides, dans un cadre conventionnel avec la région. Les possibilités d’intervention des départements 
– qui reposaient sur la clause de compétence générale, supprimée – sont fortement réduites.

Cette modification des possibilités d’intervention des collectivités territoriales ne constitue pas, à strictement parler, un transfert ou une extension de compétence. Néanmoins, afin de conserver le même niveau d’aide aux entreprises, elle implique que les régions augmentent sensiblement leurs dépenses en matière de développement économique. Le besoin de financement a été évalué par l’Association des régions de France, à l’issue d’une négociation avec l’État, à 600 millions d’euros.

1.   Un fonds de soutien exceptionnel pour les régions de 450 millions d’euros en 2017

L’article 149 de la loi de finances pour 2017 précitée a créé, pour 2017, un fonds de soutien exceptionnel à destination des régions destiné à « renforcer les dépenses de ces collectivités consacrées au développement économique ». Le Département de Mayotte, la Corse et les collectivités à statut particulier de Martinique et de Guyane en sont également bénéficiaires. Les crédits ouverts au titre du fonds s’élèvent, au maximum, à 450 millions d’euros, répartis en fonction d’un indice synthétique.

Les dépenses précédemment engagées par les départements ne sont prises en compte qu’à 70 %, ce qui illustre le fait qu’il ne s’agit pas d’un fonds de compensation, mais d’un fonds visant à accompagner les dépenses des régions en matière économique. Le fait d’inclure les bases de cotisation foncière des entreprises (CFE) – qui n’est pas perçue par les régions – dans l’indice permet de prendre en compte la répartition des entreprises sur le territoire national.

Les collectivités territoriales concernées se verront notifier un montant correspondant à la répartition des 450 millions d’euros inscrits en autorisations d’engagement sur la mission Relations avec les collectivités territoriales (RCT). Le montant effectivement perçu pourra cependant être inférieur.

Un premier versement, correspondant à 44 % de la notification (200 millions d’euros sur 450 millions d’euros) leur sera versé en 2017.

En 2018, les collectivités territoriales concernées percevront un second versement, à condition d’avoir augmenté leurs dépenses au titre du développement économique. Le montant de ce second versement correspondra à l’augmentation des dépenses au-delà du premier versement, dans la limite du montant notifié. L’augmentation des dépenses sera appréciée par rapport à une attestation de l’autorité exécutive, au 31 décembre 2017 et fera éventuellement l’objet d’une régularisation a posteriori. Le tableau suivant indique la simulation de la répartition maximale des crédits du fonds, publiée par le Gouvernement en novembre 2016.

Simulation de la répartition maximale du fonds
exceptionnel de soutien des régions en matière
de développement économique

(en euros)

Région

Montant

Auvergne-Rhône-Alpes

61 582 879

Bourgogne-Franche-Comté

19 892 736

Bretagne

27 984 610

Centre-Val de Loire

16 470 669

Corse

1 767 289

Grand Est

35 538 959

Guadeloupe

2 960 752

Guyane

514 102

Hauts-de-France

24 831 070

Île-de-France

55 058 323

La Réunion

18 181 447

Martinique

3 977 427

Mayotte

1 966 547

Normandie

25 088 091

Nouvelle-Aquitaine

50 863 901

Occitanie

41 356 614

Pays de la Loire

27 665 772

Provence-Alpes-Côte d’Azur

34 298 817

Ensemble

450 000 000

Source : Gouvernement.

2.   Le transfert d’une fraction de TVA aux régions à compter de 2018

L’article 149 de la loi de finances pour 2017 précitée prévoit également l’affectation aux régions, au Département de Mayotte, aux collectivités de Corse, de Martinique et de Guyane, à compter de 2018, d’une fraction du produit budgétaire de la TVA, net des remboursements et restitutions.

En 2018, le produit transféré doit, selon cet article, correspondre à la somme de la DGF 2017 des régions, de la dotation globale de décentralisation (DGD) de Corse et des montants perçus au titre du fonds de soutien exceptionnel, soit au total de 4,7 milliards d’euros au maximum.

La fraction de TVA affectée est définie comme le ratio entre ce montant et les recettes nettes de TVA de 2017. Chaque collectivité percevra un montant proportionnel à la somme de sa DGF 2017 et du montant notifié (premier versement et second versement maximum) au titre du fonds de soutien exceptionnel ainsi que, pour la Corse, du montant perçu au titre de la DGD.

Cette disposition permettra aux régions de bénéficier d’une recette fiscale dynamique qui leur fait défaut aujourd’hui.

Évolution du produit net de tva

(en milliards d’euros)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Part État

118,5

127,3

131,9

133,4

136,3

138,3

141,8

145,0

149,4

Part sécurité sociale

8,4

8,5

10,1

10,6

9,2

12,7

11,8

11,2

11,4

Total

126,9

135,9

142,0

144,0

145,5

151,0

153,6

156,2

160,8

Évolution par rapport à l’année précédente

7 %

4,5 %

1,4 %

1 %

3,8 %

1,7 %

1,7 %

2,9 %

Source : réponse au questionnaire du Rapporteur général.

La Corse est une région à « DGF négative » en 2017 : elle perçoit 18 millions d’euros de dotation de péréquation, mais pas de dotation forfaitaire, et subit un prélèvement sur fiscalité au titre de la CRFP, assise sur les recettes réelles de fonctionnement, mais prélevée sur la dotation forfaitaire. Cette configuration rendait la collectivité territoriale de Corse moins à même de profiter du dynamisme du produit de TVA dans le cadre de la suppression de la DGF des régions, ce dynamisme s’appliquant sur une assiette faible. Afin d’élargir cette assiette, la loi de finances pour 2017 précitée a donc prévu la prise en compte, pour la Corse, de la DGD, qui s’élève à 90 millions d’euros hors dotation de continuité territoriale (DCT), cette fraction s’élevant à 187 millions d’euros.

C.   la compensation des exonÉrations de fiscalitÉ directe locale diminue régulièrement

1.   Pourquoi des variables d’ajustement

a.   Les règles de compensation des exonérations de fiscalité directe locale (FDL)

Lorsque la loi impose aux collectivités une exonération de fiscalité locale, elle détermine les conditions dans lesquelles l’État compense la perte de recettes. Le plus souvent, la compensation est versée en année N + 1, en prenant en compte les bases de l’année précédente, et en appliquant le taux d’imposition d’une année de référence (1991 par exemple pour la compensation de l’exonération de taxe d’habitation – TH). La prise en compte d’un taux historique s’explique par la volonté de concilier l’autonomie fiscale des collectivités et les finances de l’État. Ainsi, le taux de compensation d’une exonération peut être calculé par rapport aux règles légales (il est alors de 100 %), ou par rapport au montant total exonéré et il dépend alors de l’évolution du taux d’imposition, selon les collectivités.

Lorsque les exonérations sont soumises à délibération des collectivités, elles ne sont pas compensées par l’État mais sont à la charge des collectivités concernées.

Les compensations sont retracées de façon comptable en prélèvements sur recettes, à la différence des dégrèvements, dont les crédits sont inscrits, en seconde partie du projet de loi de finances, sur la mission Remboursements et dégrèvements. À travers un dégrèvement, l’État prend intégralement en charge l’écart entre le produit émis et le produit perçu, et le reverse aux collectivités en année N en principe. Toutefois, certains dégrèvements peuvent être plafonnés.

b.   La minoration de variables d’ajustement pour respecter l’enveloppe normée définie pour les concours financiers de l’État aux collectivités

Les concours financiers de l’État se composent des prélèvements sur recettes, en premier lieu la DGF et notamment ses composantes de péréquation, des crédits de la mission RCT, des compensations d’exonérations de fiscalité directe locale et des dotations de compensation de la réforme supprimant la taxe professionnelle. Dans le cadre de la programmation des finances publiques, ils sont inclus dans une enveloppe normée : la hausse de certains concours doit être compensée par la baisse des crédits d’autres concours, qualifiés de « variables d’ajustement ». Compte tenu des objectifs de maîtrise de dépenses publiques, les concours financiers de l’État ont pour la première fois fait l’objet de mesures de maîtrise dans la loi de finances pour 2008 ([246]) : leur progression a été réduite à celle de l’inflation. Depuis lors, les collectivités locales assument une part croissante des exonérations de fiscalité directe locale.

2.   L’épuisement progressif des variables a conduit à deux évolutions en loi de finances pour 2017

Conformément aux conclusions du premier rapport du conseil d’orientation des finances publiques, la loi de finances pour 2009 ([247]) a étendu le nombre de ces variables de manière à répartir plus équitablement la charge entre elles. Ces variables d’ajustement ont encore été élargies depuis, notamment par la loi de finances pour 2016 précitée, pour y inclure la compensation de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les immeubles situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) pour une durée de cinq ans, ainsi que la compensation de l’abattement de 30 % de TFPB des logements à usage locatif situés dans les QPV.

Le montant total voté des variables atteignait 1 037,1 millions d’euros en 2013 et 837,7 millions en 2014. Il était de 554,4 millions d’euros en 2015 et de 455 millions d’euros en 2016, soit un montant inférieur au besoin de financement en 2017, initialement évalué à 787 millions d’euros, et finalement fixé à 552 millions d’euros.

L’article 33 de la loi de finances pour 2017 précitée a élargi l’assiette des variables d’ajustement de plus de 3 milliards d’euros, l’étendant à la dotation de compensation pour transferts des compensations d’exonération de fiscalité locale (DTCE-FDL), dite dotation « carrée » (ou « Dot² »), aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des départements et des régions.

Ces trois nouvelles variables permettent, par l’ampleur de leur assiette, de limiter le taux de minoration, identique pour l’ensemble des variables. Elles sont toutes les trois issues de la réforme de la fiscalité locale et de la suppression de la taxe professionnelle à partir de 2010.

Depuis 2012, l’article 1648 A du CGI prévoit que les FDPTP perçoivent chaque année une dotation de l’État dont le montant est voté en loi de finances. De 2012 à 2016, ce montant était égal à 423 millions d’euros. Les montants départementaux des FDPTP sont très disparates. Le montant est nul pour cinq départements (Paris, la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne, le Var et La Réunion). Il dépassait 20 millions d’euros dans trois départements (les Yvelines, la Seine-Maritime et l’Isère).

Prévue par le XVIII et le XIX de l’article 77 de la loi de finances pour 2010 ([248]), la DTCE-FDL remplace certaines allocations compensatrices régionales et départementales d’exonérations de taxe professionnelle.

En 2015, avant minoration, pour les départements, son montant, nul à Mayotte, variait de 0,2 million d’euros en Guyane à 16 millions d’euros dans le Nord. Le montant moyen par département était de 3,8 millions d’euros. Pour les régions, le montant moyen en 2015 s’élevait à 5,2 millions d’euros. Nul en Guyane, il variait de 0,6 million d’euros en Guadeloupe à 12 millions d’euros dans les Hauts-de-France.

La suppression de la taxe professionnelle a été mise en place avec la garantie que les ressources de chaque collectivité locale seraient préservées. Ce principe de compensation intégrale, instauré par la loi de finances pour 2010 précitée, se traduit par la mise en place à compter de 2011 de deux mécanismes : la DCRTP permettant le maintien d’un plancher de ressources pour chaque catégorie de collectivités et le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) afin d’assurer une compensation intégrale. Avec la DCRTP, l’État compense la perte globale de recettes dans chacun des trois blocs (bloc communal hors Paris, départements Paris inclus, régions). Conformément à l’article 40 de la loi de finances pour 2012 ([249]), à compter de 2014, les montants de la DCRTP sont gelés depuis 2013. La DCRTP des communes et des EPCI n’est pas concernée par la minoration.

En 2015, le montant moyen de DCRTP pour les régions s’élevait à 37,4 millions d’euros. Nul en Île-de-France, il était de 124,6 millions d’euros pour la région Occitanie. Pour les départements, le montant moyen était de 14,5 millions d’euros. Quatre départements ne perçoivent pas de DCRTP : Mayotte, La Réunion, Paris et les Hauts-de-Seine. À l’inverse, le Nord percevait le montant maximal de 72,1 millions d’euros.

L’article 33 de la loi de finances pour 2017 précité a appliqué pour la première fois des taux de minoration différents selon les catégories de variables.

ÉVOLUTION DES VARIABLES D’AJUSTEMENT
PRÉVUE PAR LA LOI DE FINANCES POUR 2017

Collectivités

Dotations et compensations

Taux d’évolution par rapport à la LFI 2016 (en %)

PLF 2017

LFI 2017

Départements

Dot² déjà minorée (depuis 2011)

– 22,5

– 14,4

Dot²

– 22,2

– 14,1

DCRTP

– 22,2

– 11,4

Total

 22,2

 12,1

Régions

Dot² déjà minorée (depuis 2011)

– 22,0

– 16,4

Dot²

– 22,2

– 16,6

DCRTP

– 22,2

– 8,4

Total

 22,2

 9,6

Bloc communal

AC minorées

– 2,4

– 61,0

AC non minorées

33,9

33,9

Total AC

30,6

25,4

DUCSTP

– 22,1

– 68,8

FDPTP

– 22,2

– 8,0

Total bloc communal

16,7

12,2

Variables

 18,2

 32,1

Variables soumises à minoration

 21,4

 15,7

Dot² : dotation pour transfert de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale.

DCRTP : dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle.

AC : allocations de compensation d’exonération de fiscalité directe locale.

DUCSTP : dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle.

FDPTP : fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.

Source : ministère des finances.

3.   Le cas particulier des exonérations de TFPB pour le secteur du logement social

La minoration des compensations d’exonération de fiscalité directe locale touche en particuliers les communes et les EPCI comptant un nombre important de logements locatifs sociaux. Cette situation a conduit le Parlement à adopter plusieurs amendements permettant aux communes et aux EPCI de mettre fin à certaines exonérations, afin de limiter leur perte de recettes.

L’article 94 de la loi de finances pour 2017 ([250]) a ouvert la possibilité aux communes et EPCI qui comptent sur leur territoire au moins 50 % de logements locatifs sociaux de supprimer certaines exonérations de TFPB dont bénéficient les logements sociaux pris à bail postérieurement à la délibération par des organismes d’HLM ou les logements sociaux ayant déjà bénéficié d’une exonération de TFPB et qui sont acquis ou améliorés par un organisme HLM.

Conformément à l’article 95 de la même loi de finances, dans les communes comptant au moins 50 % de logements locatifs sociaux, les constructions neuves agréées à compter du 1er janvier 2017 et affectées à l’habitation principale issues des opérations de démolition et de reconstitution de l’offre de logements locatifs sociaux démolis dans le cadre d’une convention avec l’Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) ne pourront plus bénéficier d’exonération lorsque les immeubles auxquels elles se substituent, au sein du périmètre du même quartier prioritaire défini dans la convention susmentionnée, ont bénéficié d’une de ces exonérations.

Enfin, l’article 47 de la loi de finances rectificative pour 2016 ([251]) ajoute une condition pour le bénéfice de l’abattement de TFPB dans les QPV, l’existence d’une convention, annexée au contrat de ville, conclue avec la commune, l’EPCI et le représentant de l’État dans le département, relative à l’entretien et à la gestion du parc et ayant pour but d’améliorer la qualité du service rendu aux locataires. Cette convention doit être conclue avant le 31 mars 2017.

II.   le contexte budgétaire

A.   la contractualisation de l’effort de réduction des dépenses des collectivités

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 vise à déterminer les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales contribuent à l’effort de réduction du déficit public et de maîtrise de la dépense publique. De 2014 à 2016, les dépenses des collectivités ont diminué de 1,4 %.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES TOTALES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

(en milliards d’euros)

Année

Communes et EPCI

Départements

Régions

Total

2012

125,06

70,85

27,27

223,18

2013

130,47

71,68

28,51

230,66

2014

128,45

73,01

29,04

230,50

2015

127,06

71,92

30,01

228,98

2016

126,75

70,58

29,98

227,31

Évolution 2016/2015

– 0,2 %

– 0,4 %

– 3,4 %

 0,7 %

Source : rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGPL), Les finances des collectivités locales en 2017.

Au niveau national, l’article 10 du projet de loi de programmation prévoit deux objectifs en matière de finances locales.

objectif d’Évolution des dÉpenses des collectivitÉs territoriales et groupements À fiscalitÉ propre

(en %, en valeur et à périmètre constant)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Dépenses de fonctionnement

1,2

1,2

1,2

1,2

1,2

objectif d’Évolution du besoin de financement des collectivitÉs territoriales et groupements À fiscalitÉ propre

(en milliards d’euros)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Réduction annuelle du besoin de financement

– 2,6

– 2,6

– 2,6

– 2,6

– 2,6

Réduction cumulée du besoin de financement

– 2,6

– 5,2

– 7,8

– 10,4

– 13

Des outils sont prévus afin d’atteindre ces objectifs :

– chaque collectivité ou groupement devra décliner ces objectifs à son échelon et les présenter à l’occasion du débat sur les orientations budgétaires ;

– des contrats devront être conclus entre le représentant de l’État et les régions, les départements, ainsi que les communes de plus de 50 000 habitants et les EPCI à fiscalité propre de plus de 150 000 habitants, soit 319 collectivités sur 35 533, afin de s’assurer que les objectifs fixés sont crédibles ;

– un mécanisme de correction sera déterminé par la loi et appliqué en cas de constatation d’un écart dans la réalisation de l’effort ;

Enfin, l’article 13 du projet de loi de programmation précité définit une nouvelle trajectoire des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales pour la période 2018-2022. Celle-ci rompt avec la trajectoire définie lors de la précédente loi de programmation, dans la mesure où elle prévoit une quasi-stabilisation des concours financiers de l’État sur le quinquennat (+ 0,8 % de 2018 à 2022).

Évolution des concours financiers de l’état
aux collectivités territoriales

(en milliards d’euros courants)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

Concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

48,11

48,09

48,43

48,49

48,49

Source : projet de loi de programmation des finances publiques.

Les concours financiers de l’État regroupent :

– les prélèvements sur recettes de l’État établis au profit des collectivités locales ;

– les crédits du budget général relevant de la mission RCT ;

– et le produit de l’affectation de la TVA aux régions, au Département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane ([252]). Conformément à la loi de finances pour 2017, l’affectation de la fraction de TVA entrera en vigueur au 1er janvier 2018 en substitution à des dotations budgétaires.

Ces concours représentent près de 22 % en 2016, des recettes des collectivités.

Part des concours et transferts financiers
dans les recettes des collectivités en 2016

Recettes

En milliards d’euros

En %

Concours

49,7

21,8 %

Transferts

100,6

44,2 %

Recettes totales

227,3

100 %

Source : DGCL.

B.   La DGF représente À elle seule 62 % des concours de l’État en 2017

La répartition entre les différentes catégories de collectivités est stable depuis 2005. Le bloc communal (communes et EPCI) reçoit en moyenne 59 % du montant total de la DGF, les départements 28 % et les régions 13 %. Dans le contexte de la diminution de la DGF, les composantes péréquatrices ont augmenté, afin d’atténuer l’effet de cette diminution pour les communes en situation moins favorable.

RÉPARTITION PAR STRATE DÉMOGRAPHIQUE
DU CUMUL DES DOTATIONS FORFAITAIRES ET DE PÉRÉQUATION COMMUNALE EN 2017

(en euros)

Strate démographique

Dotation forfaitaire 2017

Forfaitaire par habitant

Péréquation verticale 2017

Péréquation par habitant

DGF 2017 (forfaitaire et péréquation)

DGF par habitant

0 à 499 habitants

433 286 107

101

210 279 803

49

643 565 910

151

500 à 999 habitants

448 925 283

88

263 874 344

52

712 799 627

140

1 000 à 1 999 habitants

593 943 852

88

361 143 514

53

955 087 366

141

2 000 à 3 499 habitants

551 544 250

89

327 089 399

53

878 633 649

142

3 500 à 4 999 habitants

394 741 397

90

229 047 224

53

623 788 621

143

5 000 à 7 499 habitants

478 930 487

94

309 500 006

61

788 430 493

154

7 500 à 9 999 habitants

360 030 828

96

202 251 010

54

562 281 838

149

10 000 à 14 999 habitants

477 361 084

100

340 149 857

72

817 510 941

172

15 000 à 19 999 habitants

360 875 429

111

203 143 863

62

564 019 292

173

20 000 à 34 999 habitants

816 259 918

116

522 292 401

74

1 338 552 319

189

35 000 à 49 999 habitants

440 456 491

115

311 541 265

81

751 997 756

196

50 000 à 74 999 habitants

466 876 488

115

321 165 610

79

788 042 098

194

75 000 à 99 999 habitants

276 405 318

123

215 458 223

96

491 863 541

219

100 000 à 199 999 habitants

654 320 649

146

289 283 904

64

943 604 553

210

200 000 habitants et plus

669 227 057

108

200 922 545

32

870 149 602

140

Source : DGCL, bureau des concours financiers de l’État.

 

RÉPARTITION DE LA DGF 2017 DES COMMUNES, EN EUROS PAR HABITANT

Source : CGET 2016   IGN GéoFla. Données DGCL, carte commission des finances.

C.   la minoration des variables d’ajustement

Pour les variables d’ajustement, le taux de compensation, calculé par l’État, dépend de l’année depuis laquelle chacune d’entre elles est minorée.

TAUX DE COMPENSATION PAR L’ÉTAT, SELON LES RÈGLES LÉGALES,
DES VARIABLES D’AJUSTEMENT MINORÉES

Situation en 2016

Allocation compensatrice (AC) minorée

Depuis 2008

Depuis 2009

Jusqu’en 2015 puis figée au taux de compensation 2014

Depuis 2011

Depuis 2016

Dotation ou compensation d’exonération

Réduction de base de CFE pour création d’établissement

Exonération de taxe foncière personnes à revenu modeste et logement, social, QPV, ZFU, ZRR

Abattement de 30 % de TFPB dans les ZUS puis QPV

Dotations issues de la réforme de la TP

Exonérations de CFE, CVAE, TFPB pour les commerces dans les QPV

Taux de compensation

17 %

22,4 %

40 %

28,6 %

87,8 %

Source : annexe au projet de loi de finances 2017, Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales.

Les collectivités, quant à elles, mesurent plutôt le coût total des exonérations de fiscalité locale, non par rapport au montant dû par l’État avant minoration, mais par rapport au montant total des exonérations ouvrant droit à compensation, voire par rapport au montant total des exonérations, obligatoires ou facultatives, donc compensées ou non.

TAUX GLOBAL DE COMPENSATION PAR L’ÉTAT ET RESTE À CHARGE
POUR LES COLLECTIVITÉS, situation en 2015

(en millions d’euros)

Montant de l’ensemble des exonérations (A)

Montant des exonérations compensées (B)

Montant des compensations avant minoration (C)

Montant des compensations après minoration (D)

Taux global de compensation (E)

4 041

3 339

2 300

1 861

46 % (D/A)

 

 

 

 

56 % (D/B)

 

 

 

 

81 % (D/C)

Source : direction générale des finances publiques (DGFiP).

III.   les modifications proposÉes

A.   la fixation du montant de la DGF pour 2018

1.   Un montant global de 27,050 milliards d’euros

Les alinéas 1 et 2 (I) du présent article évaluent le montant global de la DGF à 27,050 milliards d’euros en 2018. Ce montant correspond à la suppression de la DGF des régions et, pour les autres collectivités, à une hausse de 120 millions d’euros par rapport à 2017.

ÉVOLUTION DU MONTANT DE LA DGF à périmètre courant

(en millions d’euros)

Année

2013

2014

2016

2017

2018

Évolution 2018/2017

Montant voté en loi de finances initiale

41 505

40121

33 221

30 861

27 050

− 12,3 %

Comme l’an dernier, la fixation des montants affectés aux départements et aux régions ([253]) est renvoyée en seconde partie de la loi de finances, en l’espèce à l’article 60. La répartition de la DGF entre les différents niveaux de collectivités est stable depuis 2015 :

RÉPARTITION DE LA DGF PAR CATÉGORIE DE COLLECTIVITÉs et groupements

(en milliards d’euros)

Loi de finances

Communes

EPCI

Départements

Régions

Total

LFI 2015

14,5

6,5

10,8

4,8

36,6

LFI 2016

12,4

6,7

9,6

4,4

33,1

LFI 2017

11,7

6,4

8,5

4,0

30,8

LFI 2018

n.c.

TVA

27,1

Source : présent projet de loi de finances, Observatoire des finances et de la gestion publique locales.

En revanche, les niveaux des diverses composantes internes à la dotation ne sont pas fixés en loi de finances. C’est, en effet, au Comité des finances locales (CFL) qu’il appartient de décider – généralement au mois de février – de la répartition annuelle de la DGF. Il peut notamment fixer le montant des dotations de péréquation à un niveau supérieur à celui prévu par la loi de finances.

2.   La clé de passage de la DGF 2017 à la DGF 2018

L’évolution du montant de la DGF par rapport au montant voté en loi de finances pour 2017 s’explique principalement par une modification de la nature des ressources octroyées aux régions, et non, comme depuis 2014, par l’application d’une contribution au redressement des finances publiques (CRFP). Le transfert d’une fraction de taxe TVA, avec son dynamisme, que l’article 149 de la loi de finances pour 2017 a substituée à plusieurs ressources perçues par les régions, dont la dotation forfaitaire et la dotation de péréquation des régions à hauteur de 3,9 milliards d’euros au total, sera bien mis en place en 2018. Le montant de la DGF en 2018 se trouve donc minoré à due concurrence de cette substitution de ressources.

Cette évolution de la DGF s’explique, en deuxième lieu, par une augmentation nette de 95 millions d’euros destinée à financer la moitié de la progression des dotations de péréquation verticale (90 millions d’euros pour les communes et 5 millions d’euros pour les départements). L’autre moitié est financée par l’écrêtement en interne des composantes forfaitaires de la DGF. Son impact est neutre sur le montant de celle-ci.

La péréquation représente aujourd’hui près de 31 % de la DGF du bloc communal, contre 20,6 % en 2007, et 17,2 % de la DGF des départements, contre 10,5 % en 2007.

Est également prise en compte une majoration de 30,8 millions d’euros liée à l’augmentation de la DGF effectivement répartie en 2017 entre toutes les catégories de collectivités par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 2017, du fait des cas de dotation forfaitaire nulle qui ont minoré le poids de la CRFP qui aurait dû peser sur la DGF.

439 communes ont une part forfaitaire de DGF nulle en 2017, parmi lesquelles 305 communes ne perçoivent pas non plus de part de péréquation de la DGF. 132 EPCI ont également une dotation d’intercommunalité nulle en 2017, et 12 EPCI parmi eux ne touchent aucune DGF.

L’article 60 du présent projet de loi de finances, rattaché à la mission RCT en seconde partie, prolonge le prélèvement sur la fiscalité des collectivités dites « à DGF négative », pour éviter une rupture d’égalité avec celles dont les CRFP passées entraînent une diminution de DGF pérenne. L’enjeu est de 67 millions d’euros en 2017.

Trois départements ont choisi de recentraliser des compétences sanitaires, ce qui entraîne une minoration de leur DGF de 1,6 million d’euros.

Enfin, le montant global de la DGF fait l’objet d’une majoration d’un million d’euros dans le but d’abonder le fonds d’aide pour le relogement d’urgence (FARU), destiné aux communes et aux établissements publics locaux.

CLÉ DE PASSAGE DE LA DGF 2017 À LA DGF 2018

(en millions d’euros)

Facteurs d’évolution du montant de la DGF

Impact sur le montant de la DGF

Coût réel pour l’État

Gage

Montant de la DGF 2017 prévu par la LFI 2017

30 860

s.o.

s.o.

Substitution d’une fraction de TVA aux régions et suppression de leur DGF

(Fraction inférieure de 450 millions d’euros au montant prévu par la LFI 2017)

– 3 934

 

Transfert d’une fraction de TVA

Écart entre le montant de la DGF répartie en 2016 et la DGF prévue, lié aux cas de dotation forfaitaire nulle

+ 30,8

0

Prélèvement sur les produits de fiscalité

Financement de la moitié de la hausse de la péréquation verticale

+ 95

0

Minoration des compensations d’exonérations fiscales

Minoration de la DGF de trois départements recentralisant des compétences sanitaires

– 1,6

– 1,6

 

Abondement du fonds d’aide pour le relogement d’urgence (FARU)

+ 1

+ 1

 

Montant de la DGF 2018 prévu par le PLF 2018

27 050

 

 

Source : évaluation préalable du projet d’article.

3.   Les propositions du Rapporteur général pour améliorer la répartition de la DGF

À enveloppe constante, le Rapporteur général souhaite que la répartition de la DGF puisse être améliorée dans trois directions : le « verdissement » de la DGF, la meilleure prise en compte des charges des communes touristiques et le renforcement du soutien aux communes nouvelles. Ces propositions seront développées lors de l’examen de la seconde partie du présent projet de loi de finances.

a.   Le verdissement de la DGF

Il s’agit d’abord de prendre en compte, dans le calcul de la DGF, les zones Natura 2000, au même titre que les zones cœur des parcs nationaux et naturels marins. Dans les deux cas, ces régimes s’imposent aux collectivités, et les contraintes qu’ils impliquent doivent faire l’objet d’une compensation. Aucune bonification financière n’est envisagée pour des dispositifs environnementaux qui relèveraient de l’initiative des collectivités.

Le mode de calcul actuel de la dotation forfaitaire des communes prend en compte une ancienne composante liée aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins, pour un montant qui s’élevait à 3,35 millions d’euros en 2014, lorsque cette composante était encore identifiée à part. Ce montant a fait l’objet de revalorisations annuelles depuis 2014. La surface de leurs zones cœur est d’environ 25 600 km². 190 communes étaient concernées en 2014. Les zones Natura 2000 s’étendent aujourd’hui sur 70 000 km² terrestres et 41 400 km² marins (4,3 fois la surface des zones cœur). 13 128 communes sont concernées.

b.   Une meilleure prise en compte de la population des communes touristiques

La population DGF est définie par l’article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales. Elle correspond à la population INSEE, majorée d’un habitant par résidence secondaire et d’un habitant par place de caravane conventionnée pour l’accueil de gens du voyage (ou de deux habitants par place de caravane, pour les communes qui percevaient de la DSU ou de la DSR bourg-centre l’année N – 1).

Le critère de la population est le plus utilisé pour la répartition de la DGF, il intervient pour chacune de ses composantes. Ses effets sont parfois accentués par des coefficients logarithmiques.

La prise en compte des unités d’hébergement touristique est aujourd’hui très partielle et ne devrait pas se limiter à celle des résidences secondaires.

nombre d’unités d’hébergement touristique, par catégories, 2016/2017

Résidences secondaires

Chambres d’hôtel

Unités d’hébergement Villages vacances

Unités d’hébergement Résidences de tourisme

Unités d’hébergement Auberges de jeunesse

Total

Part des résidences secondaires dans l’ensemble des hébergements touristiques

3 286 761

659 773

65 799

166 521

8 657

4 187 511

78 %

Source : INSEE.

c.   Renforcer le soutien au développement des communes nouvelles

L’article 60 du présent projet de loi de finances prévoit la prolongation des bonifications financières pour les communes nouvelles créées en 2017 et 2018, pour trois ans et apporte plusieurs précisions et clarifications.

Il convient encore, afin de donner toute sa portée à ce dispositif de soutien, de supprimer le seuil de 1 000 habitants prévu pour le bénéfice de la majoration de 5 % de dotation forfaitaire.

Il est également souhaitable de prévoir que l’extension du périmètre d’une commune nouvelle donne droit à une nouvelle période de bonification de DGF pour trois ans, la même date limite étant fixée pour la prise en compte des extensions et des créations.

B.   l’adaptation de la base de la fraction de tva des régions

Le 1° du II (alinéas 3 et 4) du présent article modifie les dispositions de l’article 149 de la loi de finances pour 2017 précitée pour réviser les paramètres sous-jacents au calcul du montant de TVA affectée. Ces paramètres sont aujourd’hui définis comme suit.

a.   Calcul de la fraction de TVA

La fraction de TVA est établie en appliquant aux recettes nettes de l’année un taux défini par le ratio entre :

1° La somme :

a) De la DGF notifiée aux régions en 2017 ;

b) Du montant de la dotation générale de décentralisation notifié en 2017 à la collectivité territoriale de Corse ;

c) Des 450 millions d’euros du fonds exceptionnel ;

2° Et les recettes nettes de la taxe sur la valeur ajoutée encaissées en 2017.

Au titre des trois premiers trimestres de l’année 2018, ce ratio est calculé à partir de l’évaluation révisée des recettes nettes de taxe sur la valeur ajoutée pour 2017 inscrites dans l’annexe au projet de loi de finances pour 2018. À compter du dernier trimestre de l’année 2018, il est calculé à partir des recettes constatées dans la loi de règlement pour 2017.

Les alinéas 3 et 4 suppriment du calcul de ce ratio la prise en compte des 450 millions d’euros de crédits du fonds de soutien exceptionnel au développement économique des régions. Le ratio précité est ainsi réduit de 2,78 % à 2,50 %.

Calcul du ratio (droit existant)

(en millions d’euros)

 

Composantes

Montant

Numérateur

DGF 2017 des régions

3 934

DGD Corse

90

Fonds exceptionnel

450

Total

4 474

Dénominateur

Recettes nettes de TVA 2017 (prév.)

160 800

Ratio

2,78 %

Source : article 149 de la loi de finances pour 2017.

Calcul du ratio (droit proposé)

(en millions d’euros)

 

Composantes

Montant

Numérateur

DGF 2017 des régions

3 934

DGD Corse

90

Fonds exceptionnel

450

Total

4 024

Dénominateur

Recettes nettes de TVA 2017 (prév.)

160 800

Ratio

 

2,50 %

Source : présent article.

La modification proposée correspond à la confirmation du caractère exceptionnel du fonds de 450 millions d’euros et à une baisse des fractions de TVA à transférer les années suivantes, par rapport à l’état du droit.

Toutefois, compte tenu du dynamisme des recettes nettes de TVA, estimé à 2,9 % selon le Rapport économique, social et financier (RESF), annexé au présent projet de loi de finances, les régions, malgré un gain moindre que prévu par la loi de finances pour 2017, seraient bénéficiaires à hauteur de 120 millions d’euros, par rapport au montant de leur DGF 2017.

b.   Répartition entre les régions de la fraction de TVA

Le 2° du II du présent article (alinéa 5) modifie en conséquence la règle de répartition, entre régions, de la fraction de TVA. Alors que selon le IV de l’article 149 de la loi de finances pour 2017 précitée, le montant de la fraction doit être réparti annuellement entre chaque collectivité proportionnellement à la somme de la DGF notifiée en 2017 et du montant perçu au titre du fonds exceptionnel (ainsi que, pour la collectivité territoriale de Corse, du montant de la dotation générale de décentralisation notifiée en 2017), le présent article exclut le fonds exceptionnel de ce calcul.

L’article 149 de la loi de finances pour 2017 prévoit enfin une clause plancher : si le produit de TVA affecté annuellement à chaque région, au Département de Mayotte, aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et à la collectivité territoriale de Corse est inférieur au montant de DGF (et de dotation générale de décentralisation pour la Corse), la différence fait l’objet d’une attribution à due concurrence d’une part du produit de la TVA revenant à l’État. Compte tenu de son caractère exceptionnel, le montant du fonds n’est pas pris en compte pour le calcul de ce plancher. Ces dispositions ne sont pas modifiées par le présent article.

C.   l’élargissement de la liste des variables d’ajustement

1.   Le besoin de financement à gager

Outre le besoin de financement de la DGF précité, les variables d’ajustement devront gager, en 2018, la hausse de certains concours financiers de l’État aux collectivités. Il s’agit principalement de la hausse des crédits de paiement de la mission RCT (dotations d’investissement et augmentation de 50 millions d’euros du fonds exceptionnel destiné aux régions, par rapport à la première tranche de crédits de paiement).

BESOIN DE FINANCEMENT COUVERT
PAR LA MINORATION DES VARIABLES D’AJUSTEMENT

(en millions d’euros)

Évolutions tendancielles de la mission RCT

263

Moitié de la hausse de la péréquation verticale au sein de la DGF

95

Évolution spontanée des compensations d’exonération ; pour l’essentiel : prorogation et élargissement de l’exonération de taxe d’habitation pour les personnes à revenus modestes (compensation en 2018 de l’exonération en 2017)

– 35

Total

323

Source : évaluation préalable du projet d’article.

S’agissant des évolutions de la mission RCT, elles résultent pour 72,3 millions d’euros de la hausse des crédits de paiement de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), pour 127,5 millions d’euros de la hausse des crédits de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et pour 13 millions d’euros de la dotation politique de la ville (DPV).

La minoration des variables doit également permettre de compenser, comme les années précédentes, la moitié de la hausse des dotations de péréquation du bloc communal et des départements, au sein de la DGF.

Enfin, l’évolution des compensations d’exonération de fiscalité locale, en baisse de 35 millions d’euros, résulte de la prorogation et de l’élargissement de l’exonération de TH pour les personnes à revenus modestes (compensation en 2018 de l’exonération en 2017) prévue par l’article 75 de la loi de finances pour 2016 précitée. Pour maintenir les droits acquis des personnes exonérées en 2013, les seuils de RFR conditionnant l’exonération de TH et de TFPB ont été rehaussés pour ces seuls redevables, pour porter le seuil correspondant à une part au niveau d’une part et demie. D’autre part, les contribuables ayant perdu le bénéfice de l’exonération de TH prévue en faveur des personnes aux revenus modestes de plus de soixante ans, veufs ou veuves, ou titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), peuvent conserver pendant deux ans le bénéfice de cette exonération. À l’issue de cette période de deux ans, la valeur locative utilisée pour établir la taxe foncière et la TH est réduite de deux tiers l’année suivante et d’un tiers l’année d’après. Le calendrier d’application de l’article 75 justifie que le montant de la compensation diminue en 2018 par rapport à 2017.

Enfin, on peut noter que l’évolution du fonds de compensation pour la valeur ajoutée (FCTVA) (+ 88 millions d’euros) et le gain résultant pour les régions du transfert d’une fraction du produit de TVA ne sont pas gagés par la minoration des variables d’ajustement. Ils sont pris en compte dans le plafond de l’enveloppe normée fixé à 48,11 milliards d’euros par l’article 13 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Compte tenu des plafonds fixés à compter de 2019, la hausse des crédits de paiement des dotations d’investissement de la mission RCT, traduisant l’exécution progressive des autorisations d’engagement accordées pour 2018, puis 2019, le dynamisme prévisible de la fraction de TVA, et le dynamisme souhaitable du FCTVA, nécessiteront probablement la poursuite de la minoration des variables d’ajustement, dans des proportions encore incertaines.

2.   La prise en compte de la DCRTP du bloc communal dans l’enveloppe normée

a.   Les variables d’ajustement

Le III du présent article (alinéas 6 à 48) détermine les variables d’ajustement pour 2018. Le tableau ci-après en dresse la liste.

Comme les années précédentes, les minorations ne concerneront pas :

 pour la cotisation foncière des entreprises (CFE) : les compensations des pertes de bases et de redevances des mines, des exonérations dans les zones franches globales d’activités des départements d’outre-mer (ZFGA-DOM) et des exonérations spécifiques à la Corse (investissement dans les PME et allégement de 25 %) ;

– pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : les exonérations associées aux exonérations de CFE énoncées ci-dessus ;

– pour la TFPB : les compensations des abattements de 30 % de certains logements faisant l’objet de travaux antisismiques dans les DOM (travaux antisismiques) et des exonérations ZFGA-DOM ;

– pour la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) : les compensations des exonérations des parts communales et intercommunales des terres agricoles et des exonérations dans les ZFGA-DOM ;

– pour la TH : la compensation de l’exonération des personnes aux revenus modestes.

La compensation de l’abattement de 30 % de TFPB des logements à usage locatif situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, n’est plus soumise à minoration depuis 2017.

Par ailleurs, la compensation de l’exonération des terrains situés dans certaines zones humides ou naturelles, prévue par l’article 137 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux ([254]) n’est plus minorée.

 


MONTANT DES COMPENSATIONS D’EXONÉRATION DE FDL SOUMISES À MINORATION

(en millions d’euros)

Compensation

Alinéa 2018

III de l’article 16

Alinéa prévoyant le taux de minoration 2018

Minorée depuis

Montant de la compensation d’exonération

2007

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB)

A à E

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Exonération de longue durée relative aux constructions neuves de logements sociaux et de quinze ans pour l’acquisition de logements sociaux 

A (§ 6 et 7)

A (§ 7)

2009

5

30

37

40

34

37

14

14

Abattement de 30 % dans les QPV

B (§ 8 à 12)

B (§ 10 et 12)

2009

94

103

89

71

47

105

66

70

Exonération pour les personnes de condition modeste

C (§ 13 et 14)

C (§ 14)

2009

278

203

174

133

87

63

26

27

Exonérations des immeubles professionnels situés dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU-TE)

D (§ 15 à 18)

D (§ 16)

2009

10

5

4

3

2

1,2

0,2

0,2

Exonération pour les immeubles situés dans les QPV pour une durée de cinq ans (commerces)

E (§ 19 et 20)

E (§ 20)

2016

/

/

/

/

/

6

3

3

Taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB)

F

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Exonération des terrains plantés en bois

F (§ 21 et 22)

F (§ 22)

2009

7

6

5

4

3

3

1

1

Exonération des terrains situés dans un site « Natura 2000 »

 

 

2009

 

0

1

1

1

1

1

1

1

CFE et CVAE, ancienne TP

G à J

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP)

Dotation de compensation de la réduction pour création d’établissements (RCE)

G (§ 23 et 24)

G (§ 24)

2008

69

18

16

11

7

5

2

2

Exonération dans les zones de revitalisation rurale (ZRR)

H (§ 25 et 26)

H (§ 26)

2009

88

33

25

16

13

7

2

2

Exonération dans les zones de revitalisation urbaine (ZRU)

Exonération dans les zones franches urbaines (ZFU)

Exonération pour les établissements qui font l’objet d’une création ou d’une extension entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2020 dans les QPV, ainsi que les établissements existant au 1er janvier 2015

I (§27 et 28)

I (§ 28)

/

/

/

/

/

/

9

6

6

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : exonérations de zones associées aux exonérations de cotisation foncière des entreprises (CFE)

J (§ 29 et 30)

J (§ 30)

2009

Dotations de compensation d’exonérations

K à P

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle (DUCS-TP)

K (§ 31 et 32)

IV (§ 49)

2011

 

443

371

292

193

163

50

42

Fraction afférente à la part communale et intercommunale de la DCTP

Fraction afférente à la part communale et intercommunale de la dotation de compensation de la réduction de la fraction imposable des recettes dans la base de TP des titulaires de bénéfices non-commerciaux (BNC) 

 

 

Dotation de compensation pour transferts des compensations d’exonération de FDL (DTCE-FDL)

L (§ 33 à 37)

 

2011

 

 

879

814

744

655

628

537

529

Fractions des compensations d’allocations perçues jusqu’en 2010 par les départements en matière de TFPNB et de TP

1° du L

V (§50)

Fractions des compensations d’allocations perçues jusqu’en 2010 par les régions en matière de TFPB, TFPNB et TP

2° du L

VI (§ 51)

Fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP)

N (§ 40 et 41)

VII (§ 52)

2017

 

423

423

423

423

423

389

324

DCRTP des régions et départements

O (§ 42 et 43)

VIII et IX (§ 53 et 54)

2017

 

2 134

2 134

2 134

2134

2 134

1 925

1 882

DCRTP des communes et des EPCI

P (§ 44 à 48)

X (§ 55)

2018

 

1 175

1 175

1 175

1 175

1 175

1 175

976

Source : annexe au présent projet de loi de finances, Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales.

 

 


—  1  —

b.   L’élargissement de la liste à la DCRTP du bloc communal

Le montant total voté des variables minorées atteignait 1 053 millions d’euros en 2013 et a atteint un plancher de 455 millions d’euros en 2016.

évolution de l’assiette des variables d’ajustement

(en millions d’euros)

Année

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Assiette des variables

1 053

831

559

446

2 958

3 753

Taux de minoration

 

21,1 %

32,7 %

20,2 %

15,7 %

9,2 %

NB. Le taux de minoration est calculé par rapport au montant de crédits exécuté l’année précédente, à périmètre constant.

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2017, Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales et direction du budget.

Pour respecter l’objectif global d’évolution des concours financiers de l’État aux collectivités, la minoration des variables d’ajustement se poursuit et l’élargissement de leur périmètre est à nouveau nécessaire, afin que le taux de minoration ne soit pas trop élevé.

Le P du III (alinéas 44 à 48) du présent article prévoit l’application de la minoration à la DCRTP des communes et des EPCI. La répartition de cette dotation est particulièrement concentrée. Le Rapporteur général n’ayant pu avoir connaissance des données 2017, les indications suivantes portent sur la répartition au titre de l’année 2016. Compte tenu des modifications de la carte intercommunale en 2016, les montants pour les EPCI ont pu connaître en 2017 des évolutions significatives.

Moins de 1 850 communes perçoivent de la DCRTP, pour un montant total de 256 millions d’euros. Parmi elles, plus de 200 perçoivent de la DSU.

Répartition de la DCRTP des communes et des EPCI en 2016

(en euros)

Collectivité

Nombre de bénéficiaires

Montant moyen

Montant médian

Montant maximal

Montant minimal

Montant total de DCRTP

Communes

1 849

138 716

46 480

10 629 322

17 238

256 486 174

EPCI

536

1 669 289

203 278

139 240 252

1 177

894 737 661

Source : DGFiP.

Communes percevant plus d’un million d’euros de DCRTP en 2017

(en euros)

Département

Commune

Montant

93

Aulnay-sous-Bois

10 629 322

92

Gennevilliers

8 239 486

94

Vitry-sur-Seine

6 115 462

13

Gardanne

3 914 280

78

Poissy

3 073 166

77

Montereau-Fault-Yonne

2 675 716

97

Baie-Mahault

2 447 486

72

Le Mans

2 289 289

94

Bonneuil-sur-Marne

2 269 723

92

Clichy

2 223 331

93

Noisy-le-Grand

2 161 698

93

Saint-Ouen

2 100 762

94

Ivry-sur-Seine

2 055 704

74

Rumilly

1 970 229

51

Épernay

1 898 641

74

Cluses

1 708 606

03

Commentry

1 532 018

77

Mitry-Mory

1 462 397

94

Valenton

1 407 048

57

Saint-Avold

1 354 774

92

Boulogne-Billancourt

1 349 373

97

Cayenne

1 337 511

94

Orly

1 311 268

57

Hagondange

1 278 260

76

Le Tréport

1 255 121

62

Isbergues

1 247 344

38

Grenoble

1 243 451

76

Le Havre

1 221 379

50

Cherbourg Octeville

1 217 205

78

Limay

1 212 092

77

Bussy-Saint-Georges

1 175 390

71

Gueugnon

1 165 247

93

Vaujours

1 118 083

04

Sisteron

1 087 003

33

Biganos

1 084 260

92

Villeneuve-la-Garenne

1 068 431

Source : DGFiP.

Mesuré en euros par habitant (population INSEE), l’impact est naturellement différent et fait apparaître un impact relativement plus important hors Île-de-France, comme l’illustre le tableau suivant.

Liste des dix communes dont le montant de DCRTP
par habitant est le plus élevé

(en euros)

Département

Commune

Montant par habitant

38

Oz-en-Oisans

1 961,6

38

Villard-Reculas

845,8

11

Villesèque-des-Corbières

641,5

73

Saint-Sorlin-d’Arves

587,1

12

Montezic

547,7

01

Magnieu

506,9

51

Cernon-sur-Coole

463,7

11

Treilles

444,5

73

Les Allues

439,1

73

Valmeinier

421,3

81

Arfons

418,9

11

Roquetaillade

402,2

Source : DGFiP.

DCRTP 2017 des communes, en euros

© CGET 2017 –  IGN GéoFla. Données DGFiP, carte commission des finances.

3.   Les taux de minoration

Le présent article applique aux variables d’ajustement un taux de minoration permettant de respecter le plafonnement de l’enveloppe normée. Les alinéas pertinents sont mentionnés plus haut (point III C 2).

Globalement, ce taux est calculé de telle sorte que le montant total à verser en 2018 pour l’ensemble des compensations et dotations soumises à minoration, s’élève, après minoration, à 3,753 milliards d’euros. Selon l’exposé des motifs, ce taux devrait s’élever à 9,2 %.

Il recouvre des taux de minoration différents par catégories de variables.

Le taux de minoration des compensations d’exonération de fiscalité directe locale est quant à lui gelé, compte tenu de leur faible montant.

Minoration des variables d’ajustement proposée par le présent article

(en euros)

Catégories de variables

LFI 2017

PLF 2018

 

Variation

 

Variation

 

 

Sous-total allocations compensatrices minorées (figées au taux de 2017)

56 818 045

55 159 883

 

– 1 658 162

 

– 2,9 %

Sous-total allocations compensatrices non minorées

1 996 666 485

1 963 411 717

 

– 33 254 768

 

– 1,7 %

Total global Allocations compensatrices

2 053 484 530

2 018 571 599

 

– 34 912 930

 

– 1,7 %

Total DUCSTP

50 866 735

41 775 096

 

– 9 091 639

 

– 17,9 %

Total Dot2

536 449 791

529 682 778

 

– 6 767 014

 

– 1,3 %

Minorés

FDPTP

389 325 515

323 507 868

 

– 65 817 647

 

– 16,9 %

Total DCRTP

3 099 453 282

2 858 517 241

 

– 240 936 041

 

– 7,8 %

Total global Dotations anciennement figées

4 076 095 322

3 753 482 983

 

– 322 612 340

 

– 7,9 %

Total variables minorées

4 132 913 367

3 753 482 983

 

 379 430 384

 

 9,2 %

Total variables non minorées

1 996 666 485

2 018 571 599

 

21 905 114

 

1,1 %

Total général

6 129 579 852

5 772 054 582

 

– 357 525 270

 

– 5,8 %

Source : direction du budget.

IV.   l’impact économique et budgétaire

A.   l’impact budgétaire pour l’État

L’impact du présent article est neutre à l’échelle de l’ensemble des administrations publiques, à l’exception un surcoût d’un million d’euros au titre de la hausse de la DGF qui permettra d’abonder le fonds d’aide pour le relogement d’urgence (FARU).

Toutefois, cet article organise le transfert de 465 millions d’euros des régions vers l’État au titre du nouveau mode de calcul de la fraction de TVA et de 323 millions d’euros des collectivités, dont 274 millions d’euros du bloc communal, vers l’État, à travers le mécanisme de la minoration des variables d’ajustement. Enfin, la moitié de la hausse de la péréquation au sein de la DGF, à hauteur de 95 millions d’euros, est compensée par la baisse d’autres composantes de la DGF.

B.   la part des compensations dans les recettes de fonctionnement des collectivités

Globalement, l’impact de cet article sur les variables d’ajustement représente 0,19 % des recettes réelles de fonctionnement (RRF) totales des collectivités des régions, 0,01 % de celles des départements et 0,26 % de celles du bloc communal.

impact de la minoration des variables d’ajustement dans les recettes réelles de fonctionnement des collectivités territoriales

(en millions d’euros)

Recettes

LFI 2017

PLF 2018

Écart

Pourcentage des RRF 2016

Allocations compensatrices non minorées

2 053 

2 019 

– 35

Allocations compensatrices minorées

57 

Allocations compensatrices non minorées

1 997 

2 019 

Dotations du bloc communal (dont DCRTP minorée à compter de 2018

1 615 

1 342 

– 274 

– 0,26 %

dont DCRTP du bloc communal non minorée

1 175 

 

 

Dotations des départements

1 743 

1 739 

– 4 

– 0,01 %

Dotations des régions

718 

672 

– 45 

– 0,19 %

Total

6 130 

5 772 

– 358 

 0,18 %

Source : direction du budget.

L’écart de 358 millions d’euros, alors que le besoin de financement décrit est de 323 millions d’euros s’explique par l’évolution du montant de compensation de l’exonération de TH pour les personnes aux revenus modestes.

En termes de recettes réelles de fonctionnement, l’impact de la minoration des variables d’ajustement peut donc être considéré, au niveau national, comme relativement faible.

Toutefois, à la différence de la CRFP, qui minorait dans les mêmes proportions les recettes réelles de fonctionnement des collectivités d’un même échelon, le mécanisme des variables d’ajustement touche par construction certaines catégories de collectivités plus que d’autres, collectivités comptant des QPV, une proportion importante de logements sociaux, des ménages aux revenus modestes, ou dans le cas de la DCRTP, des communes et EPCI qui ont perdu à la suppression de la taxe professionnelle.

ÉVOLUTION DES VARIABLES D’AJUSTEMENT
PRÉVUE PAR LA LFI 2017 et le PLF 2018

(en millions d’euros)

 

Collectivités

Dotations et compensations

Taux d’évolution par rapport à la LFI 2016

Montant
 

§ PLF

Évolution par rapport à la LFI 2017

Taux d’évolution par rapport à la LFI 2017

Impact cumulé 2017 et 2018

LFI 2017

LFI 2016

LFI 2017

PLF 2018

PLF 2018

PLF 2018

PLF 2018

LFI 2017 et PLF 2018

Départements

Dot² déjà minorée (depuis 2011)

– 14,4 %

120,3

102,9

436

50

– 0,5

– 0,11 %

– 72,8

Dot²

– 14,1 %

388,5

333,6

DCRTP

– 11,4 %

1 475,5

1 306,9

1 303,4

53

– 3,5

– 0,27 %

– 172,1

Total

 12,1 %

1 984,2

1 743,4

1 739,4

 

 4

 0,23 %

 244,9

Régions

Dot² déjà minorée (depuis 2011)

– 16,4 %

25,5

21,3

96,7

51

– 3,2

– 3,2 %

– 23

Dot²

– 16,6 %

94,2

78,6

DCRTP

– 8,4 %

674,0

617,6

578,8

54

– 38,8

– 6,3 %

– 95,2

Total

 9,6 %

793,7

717,5

675,5

 

 42

 5,9 %

 118,2

Bloc communal

AC minorées (« gelées » en 2018)

– 61,0 %

145,5

56,8

55,2

6 à 30

– 1,6

– 2,8 %

– 90,3

AC non minorées

33,9 %

1 491,5

1 996,7

1 963,4

 

– 33,3*

– 1,7 %

+ 471,9

Total AC

25,4 %

1 637,0

2 053,5

2 018,5

 

– 35*

– 1,7 %

+ 381,6

DUCSTP

– 68,8 %

163,2

50,9

41,8

49

– 9,1

– 17,9 %

– 121,4

FDPTP

– 8,0 %

423,3

389,3

323,5

52

– 65,8

– 16,9 %

– 99,8

Total bloc communal hors DCRTP

12,2 %

2 223,5

2 493,7

2 383,9

 

– 109,8

– 4,4 %

+ 160,4

DCRTP

0 %

1 175

1 175

976,3

55

 198,7

– 17 %

– 198,7

Total bloc communal avec DCRTP

 

3 398,5

3 668,7

3 360,2

 

 308,5

 8,4 %

 38,3

Ensemble

 

 

6 129,6

5 775,1

 

 354,5

 5,8 %

 401,4

* La baisse de 35 millions d’euros sur les AC ne résulte pas d’une minoration forfaitaire, mais de l’évolution spontanée des compensations exonérations d’impôts locaux

 320

 5,2 %

 

Ensemble des variables minorées non gelées

-379,4

 9,2 %

 873,3

Dot² : dotation pour transfert de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale.

DCRTP : dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle.

AC : allocations de compensation d’exonération de fiscalité directe locale.

DUCSTP : dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle.

FDPTP : fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.

Source : ministère des finances, commission des finances.

Compte tenu du mécanisme de plafonnement des concours financiers proposé par l’article 13 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, le Rapporteur général estime que le mécanisme des variables d’ajustement devrait être intégré aux réflexions de la Conférence nationale des territoires sur la refonte de la fiscalité locale.

*

*     *

La commission examine, en discussion commune, les amendements I-CF234 de M. Martial Saddier, I-CF549 de M. Jean-Paul Dufrègne et I-CF421 de M. François Pupponi, les amendements identiques I-CF431 de M. François Pupponi et I-CF659 de M. Michel Castellani, ainsi que les amendements identiques I-CF385 de M. Olivier Dussopt et I-CF396 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Émilie Bonnivard. Le montant de la DGF est à nouveau en baisse, de 2,63 milliards d’euros. Depuis 2012, cette dotation a diminué de 25 %. Les collectivités ayant de plus en plus de difficultés à faire face à ces baisses successives, l’amendement a pour objet de maintenir le montant de la dotation fixé pour 2017, soit 30,86 milliards d’euros.

M. Fabien Roussel. Nous demandons le rétablissement des 450 millions d’euros que l’on prévoit d’enlever aux régions au titre de la DGF. Il s’agit de permettre leur développement économique en 2018.

M. François Pupponi. Avec l’amendement I-CF421, nous demandons le doublement du montant de la dotation de solidarité urbaine (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR). Il est dommageable que ce Gouvernement décide l’arrêt de la péréquation : le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) est gelé à 1 milliard d’euros, le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France (FSRIF) n’évolue pas et l’augmentation de la DSU est limitée par rapport à ce qui se faisait auparavant ; en revanche, 13 milliards d’euros d’économies seront proposées aux collectivités locales, y compris les communes de banlieue. Les communes les plus défavorisées subissent aussi la baisse toujours plus importante de la compensation versée par l’État au titre des abattements et dégrèvements : cette année, même la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) est concernée. Cela fait des années que l’on demande la transparence des chiffres : le Gouvernement s’était engagé à remettre un rapport, mais nous ne l’avons pas.

La situation devient catastrophique. Or il n’y a pas de secret : si l’on arrête l’évolution de la péréquation et la politique de la ville dans les quartiers, si la République recule, des réseaux qui sont ses ennemis prendront la place. Ce qui se joue va bien au-delà des questions de dotation.

L’amendement I-CF431 concerne plus spécifiquement les recettes de la collectivité unique de Corse, qui sera créée au 1er janvier 2018. J’ai été le rapporteur du projet de loi de ratification des ordonnances du 21 novembre 2016 relatives à la Corse, fixant les règles qui lui sont applicables : il était prévu que l’on détermine en loi de finances les recettes de cette collectivité unique, mais le dispositif n’est malheureusement pas tout à fait abouti. L’amendement propose ainsi une prime à la fusion. C’est un sujet sur lequel nous reviendrons ensuite à l’occasion d’autres amendements, afin de préciser les recettes de la nouvelle collectivité.

M. Michel Castellani. Je confirme que c’est un tout. Il y a aussi la question de la continuité territoriale et celle de la fiscalité sur les tabacs. Il est difficile de saucissonner...

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement exclut des variables d’ajustement la DCRTP des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. L’article 16, tel qu’il est rédigé, n’assure pas la prise en charge par le budget de l’État de la hausse de la péréquation verticale pour 2018. Il vous est proposé de corriger cela et, par ailleurs, de laisser le Comité des finances locales (CFL) ajuster la répartition de la DGF pour 2018, afin de permettre une augmentation de la fraction de péréquation qu’elle comporte.

M. le Rapporteur général. Il est question de baisse de la DGF en 2018, mais c’est uniquement dû à des mouvements de paramètres – le remplacement de la DGF des régions par une fraction de la TVA. Il y a en réalité un gain de 120 millions d’euros pour les régions et de 100 millions d’euros pour les autres collectivités locales. Je rappelle aussi qu’il n’y a plus de contribution au redressement des finances publiques (CRFP). Les montants de DGF et, pour les régions, de son équivalent en part du produit de TVA, augmentent par rapport à 2017.

Je préférerais que l’on revienne en séance publique sur d’autres questions plus spécifiques, notamment la solidarité urbaine, en présence du ministre. Je souligne néanmoins que la péréquation bénéficiait à des collectivités concernées par la CRFP, c’est-à-dire qui voyaient leurs dotations diminuer. Nous ne sommes donc pas tout à fait dans la même logique. Nous aurons aussi l’occasion de revenir en séance sur la problématique liée à la Corse : il y aura d’ici là différentes réunions et des arbitrages. Nous n’avons pas encore toutes les informations qu’il appartient au Gouvernement de nous donner. La DCRTP constitue aussi un vrai sujet, sur lequel l’amendement devrait plutôt être déposé en séance pour que nous puissions avoir des réponses précises. De manière générale, les évolutions pénalisent les secteurs ou les vallées qui ont connu une désindustrialisation, souvent sans aucun pôle ou zone de reconversion, ce qui n’est pas négligeable.

À ce stade, je vous propose de retirer ces amendements, sans quoi je donnerai un avis défavorable. Le plus efficace serait d’avoir en séance une discussion précise. Je répète aussi que le budget 2018 est le plus favorable aux collectivités locales que l’on ait connu depuis longtemps.

M. Jean-René Cazeneuve. Effectivement, quelque périmètre que vous preniez – l’ensemble des transferts, soit environ 100 milliards d’euros, l’ensemble des prélèvements sur recettes ou l’ensemble des dotations –, les crédits sont toujours au moins au niveau de l’an dernier. Bien sûr, on peut toujours s’arrêter à celles dont le montant diminue, parmi les centaines de lignes budgétaires, mais commençons par regarder l’ensemble. C’est effectivement une rupture par rapport à ce qui s’est fait jusqu’à présent : alors que le montant de la DGF a diminué de 10 milliards d’euros au cours des trois dernières années, son apparente baisse cette année est plus que compensée par l’affectation aux régions de 4,1 milliards d’euros de TVA.

Au cours des trois dernières années, la baisse de la DGF avait amené le précédent gouvernement à « compenser », si je puis dire, avec un certain montant d’investissement. Pour notre part, tout en maintenant la DGF, nous conservons un niveau d’investissement très élevé, comparable à celui de l’an dernier.

Et ne prétendez pas, monsieur Pupponi, que c’est la fin de la péréquation : c’est faux. Certes, elle augmente un peu moins que l’an dernier mais elle bénéficie tout de même, DSU et DSR comprises, de 190 millions d’euros supplémentaires, qui devraient aider les territoires les plus défavorisés.

Je crois que c’est un message extrêmement fort que nous adressons aux territoires, en rupture avec la pratique de ces dernières années. L’ensemble des collectivités territoriales ont fait de gros efforts. Eh bien, nous arrêtons de leur en demander !

Mme Christine Pires Beaune. Cet article concerne la principale dotation de l’État aux collectivités : la DGF. Je regrette que sa réforme ait été abandonnée par le précédent mais aussi par l’actuel gouvernement. En l’occurrence, le nouveau monde rejoint l’ancien monde et, comme jusqu’à présent, des villes comparables recevront en 2017 des dotations dont les montants varient de 1 à 6.

Quant à la péréquation, je prends acte de l’augmentation de la DSU et de la DSR, mais cette progression est moitié moins importante qu’en 2017.

Si la DGF reste stable en 2018, remarquons quand même que les allocations compensatrices sont, elles, en baisse. Cela se voit moins, mais c’est tout de même de l’argent en moins pour les collectivités – et les montants sont substantiels. Ce sont les collectivités les plus défavorisées qui en pâtiront, car ce sont elles qui perçoivent ces allocations.

Il y a tout de même un scandale, auquel nous devrions trouver une solution. Le financement de la péréquation se fait de deux manières : pour moitié au sein de l’enveloppe normée et grâce à des variables d’ajustement par des minorations d’allocation. Le problème est que les communes qui, aujourd’hui, ne perçoivent pas de DGF sont évidemment les plus favorisées : elles ne participent pas du tout au financement de la péréquation.

Quant à ces variables d’ajustement, vous êtes contraints, comme nous l’avons fait, d’élargir le périmètre, car elles fondent comme neige au soleil. On y rajoute donc tous les ans des dotations. Voici que vous incluez les DCRTP. Or celles-ci sont distribuées – c’est le paradoxe – d’abord là où les territoires sont les plus fragiles. Elles sont importantes en Occitanie, dans les Hauts-de-France, en Normandie. Ponctionnant ces DCRTP, vous faites encore une fois payer la péréquation, la hausse de la population, l’élargissement des intercommunalités par ceux qui ont déjà moins, à rebours de ce qu’il faudrait faire. Je le dis, car cela n’a pas été dit auparavant. Il serait bon qu’on parvienne au cours de la législature à faire ce qu’il faut faire !

Quant à ces fameux 450 millions d’euros, l’engagement avait été pris par le Gouvernement l’an dernier : ils devaient entrer dans la base de calcul pour le transfert de TVA. Il faut donc que nous les réintégrions, conformément à cet engagement.

M. le président Éric Woerth. Pour ma part, je crois que les collectivités ne croient plus à grand-chose. Elles ont si souvent été maltraitées ! Elles ont connu des ruptures, des changements de pied, sous tous les gouvernements, partout et tout le temps. Au fond, elles verront bien...

M. Jean-Louis Bricout. Christine Pires Beaune a déjà dit une bonne part de ce que je voulais dire.

Le premier problème est la stabilité et la visibilité. Vous l’avez dit, monsieur le président, on ne cesse de prendre des décisions différentes. Dans les territoires, les inégalités entre collectivités sont profondes. Contrairement à ce qui a été dit, la péréquation, horizontale ou verticale, y a toute sa place. Évidemment, les dotations, c’est aussi l’investissement pour les communes. Cela m’effraie un peu, car nous savons très bien que, même si les dotations ne baissent pas, on ne peut pas vraiment parler d’un effort : ceux qui sont riches restent riches, ceux qui sont pauvres restent pauvres, les écarts demeurent, et les territoires les plus en difficulté accusent un fort retard en termes d’investissement. La péréquation est vraiment nécessaire pour réduire ces écarts et ces injustices et assurer la cohésion territoriale.

M. François Pupponi. Manifestement, j’ai été mal compris ; je précise donc mon propos. Ce qui s’arrête, c’est la péréquation horizontale. Le FPIC et le FSRIF n’augmenteront pas, pour la première fois depuis dix ans. Le FSRIF permet à des communes pauvres d’Île‑de‑France de bénéficier de recettes de communes riches d’Île-de-France. Voyez les chiffres : il n’augmente pas, pour la première fois depuis dix ans. Quant au FPIC, son montant devait passer à 1,3 milliard d’euros, il sera figé à 1 milliard. Les années antérieures, il augmentait moins qu’il n’aurait dû, mais il augmentait. Pour votre part, chers collègues de la majorité, vous retirez du texte la référence qui aurait fait progresser le montant jusqu’à 1,3 milliard. C’est un choix politique : la péréquation horizontale s’arrête. Quant à la péréquation verticale, elle progresse bien moins qu’elle n’aurait dû ; c’est aussi un choix politique. Il est vrai que vous ne réduisez pas les dotations, et nous le saluons. Cependant, quand on demande dans le même temps aux communes de faire 13 milliards d’euros d’économies, le résultat est le même. Elles devront faire des efforts, comme si les dotations avaient été réduites de 13 milliards d’euros. Et demandez donc aux communes les plus pauvres, qui ne dépensent plus que ce qu’il est indispensable de dépenser pour leur population, de réduire encore leurs dépenses : ce n’est pas raisonnable ! Je pose donc la question depuis quinze jours : cette baisse de 13 milliards d’euros sera-t-elle péréquée, ou bien demandera-t-on le même effort à Clichy-sous-Bois et à Neuilly-sur-Seine ? J’attends la réponse.

Par ailleurs, nous n’avons toujours pas le rapport que la loi impose au Gouvernement de remettre sur la non-compensation d’un certain nombre de mesures affectant les impôts locaux. Quand va-t-il donc respecter la loi et assurer la transparence pour que l’on sache à quelle hauteur les territoires sont affectés ? Sans ces informations, nous n’avons pas les vrais chiffres ! Monsieur le Rapporteur général, vous pouvez faire pression sur le Gouvernement pour qu’enfin il respecte la loi et nous donne ces chiffres.

M. le président Éric Woerth. Ce débat pourrait durer quatre heures. Je vous invite, chers collègues, à un peu de concision.

Monsieur Pupponi, la péréquation horizontale existe toujours. Ce n’est pas parce que son montant n’augmente pas qu’elle n’existe plus. Elle avait même considérablement augmenté au cours des dernières années ; vous le savez bien.

M. le Rapporteur général. Je le répète : à ce stade, je suis défavorable aux amendements.

Voyons tout cela en séance car, effectivement, certaines réponses doivent être apportées par le Gouvernement. Vous avez récemment entendu le ministre Gérald Darmanin parler de la sortie du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) de l’enveloppe normée ; en fait, c’est le plafond qui a été remonté. Il est vrai que l’architecture de l’ensemble tient largement à la façon dont sont traitées les problématiques de TVA dans le cadre des réaffectations aux dotations aux collectivités locales. J’attends donc ce qui va être proposé par le ministre. Je ne vous cache pas que c’est le sujet abordé par l’amendement I‑CF396 de Mme Véronique Louwagie qui me préoccupe le plus, car il concerne vraiment des territoires fragilisés qui n’ont jamais reçu la moindre aide. Ce n’est pas tout à fait le cas des autres territoires que vous citiez, chers collègues.

Quant aux rapports obligatoires, nous ne parvenions pas non plus à les obtenir au cours de la précédente législature. Christine Pires Beaune en sait quelque chose, puisque nous réclamions tous deux des éléments précis sans les obtenir. Elle avait même dû recourir, avec Véronique Louwagie, à un cabinet privé pour un travail de prospective car nous ne parvenions pas à obtenir de chiffres précis de la part d’un certain nombre de services de l’État. Je m’emploie à ce qu’ils les donnent, sans prétendre que je réussirai. En tout cas, j’exercerai mes prérogatives de Rapporteur général, y compris en me déplaçant dans un certain nombre de services pour les obtenir. J’estime que les droits du Parlement doivent être respectés, par le Gouvernement mais aussi par un certain nombre d’administrations centrales.

M. Éric Alauzet. II est vrai que les collectivités locales ont été fortement mises à contribution – à hauteur de 10,5 milliards d’euros. Il faut cependant être totalement objectif, sans en rajouter : si le bloc communal a lui-même contribué à hauteur de 6 milliards d’euros, les différents dispositifs instaurés, notamment pour l’investissement, avec l’abondement de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et du Fonds de soutien à l’investissement local (FSIL) d’un surplus de part de FCTVA, ont apporté près de 2 milliards d’euros supplémentaires, soit une atténuation de l’effort d’environ un tiers. On en parle trop peu ! Une caractéristique importante de ce budget – et des budgets suivants – est que nous poursuivons sur cette base, avec le même montant de 1,8 milliard d’euros. Cela permet aux collectivités d’attendre un peu car la baisse des dépenses de fonctionnement est difficile à engager et en récolter les fruits prend quelques années ; en attendant, elles ont ces fonds d’investissement.

Comment apporter des fonds supplémentaires aux collectivités, notamment pour encourager leurs investissements afin qu’elles mettent en œuvre la transition énergétique et les plans climat-énergie territoriaux ? Nous devons y être très attentifs. Il y a notamment le surplus de contribution climat-énergie collecté tous les ans – 2 milliards d’euros –, mais il faut articuler cela avec les 10 milliards d’euros du grand plan d’investissement fléchés vers les collectivités locales...

M. Jean-René Cazeneuve. Cher collègue Pupponi, vous savez très bien quel est l’esprit de ce que nous voulons faire : avec cette contractualisation, il s’agit de tenir compte des spécificités de chacune des 319 collectivités territoriales. Ainsi, la même limite de 1,2 % de progression des dépenses de fonctionnement ne s’appliquera pas à toutes.

Ensuite, ce montant de 13 milliards d’euros n’est pas celui d’une baisse, c’est une moindre hausse, contenue dans la limite de 1,2 %, des dépenses de fonctionnement. Est-ce raisonnable ? J’ai sous les yeux un document du Centre national de la fonction publique territoriale selon lequel, l’an dernier, 51 % des collectivités territoriales ont vu leurs dépenses de ressources humaines stagner. Contenir la progression annuelle des dépenses de fonctionnement dans la limite de 1,2 % n’est donc pas un effort extraordinaire : cela correspond à la tendance actuelle.

Mme Émilie Bonnivard. Quatre départements en France sont contributeurs nets au FPIC : Savoie, Haute-Savoie, Haut-Rhin, Bas-Rhin. En Savoie, certaines communes rurales de montagne qui ne sont pas supports de station contribuent à cet effort de solidarité, et c’est parfois difficile. Quant à l’ajout de la DCRTP aux variables d’ajustement, avec une minoration de 18 % cette année, elle représente dès cette année, pour la Savoie, une perte de 3,5 millions d’euros, sur un total de 20,9 millions d’euros.

S’y ajoute une minoration du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), créé pour compenser les pertes liées à la réforme de la taxe professionnelle et attribué exclusivement aux communes défavorisées. Avec une perte, cette fois, de 1,2 million d’euros, c’est encore plus grave : Robin des bois à l’envers !

Il nous faut une vision beaucoup plus fine de l’effet de ces minorations sur les territoires.

M. Michel Lauzzana. Je veux simplement insister sur un point : ce gouvernement a quand même affirmé que nous ne retoucherions pas la carte des collectivités. Pour les avoir vécues au cours de la précédente législature, je sais que ces modifications perpétuelles, qui s’ajoutaient aux transferts de compétences, ont contribué à un certain malaise. Les collectivités sont demandeuses d’une stabilité. Elles apprécient donc déjà le fait que ce gouvernement leur permette une vision de moyen terme.

Mme Christine Pires Beaune. En ce qui concerne les dotations d’investissement, cette année, un décret d’avance a ponctionné 216 millions d’euros de crédits de paiement ! Cela s’est traduit par le non-financement de dossiers de DETR. Et, en 2018, au contraire de la DGF et de la DETR, stables, la dotation de soutien à l’investissement local diminuera par rapport à 2017.

Mme Stella Dupont. En fait de nécessaire solidarité territoriale, les fonds de compensation sont aujourd’hui significativement affectés. On comprend dès lors que la réforme prochaine de la taxe d’habitation inquiète les maires. Se pose aussi la question de la compensation des impôts locaux sur les logements sociaux. Aujourd’hui, ce sont effectivement les communes qui en comptent de nombreux qui perdent le plus en matière de compensations. Nous sommes très attentifs à la question. Dans cette perspective, la contractualisation est une excellente mesure, de nature à responsabiliser tout en tenant compte des spécificités territoriales.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques I-CF58 de Mme Émilie Bonnivard, ICF111 de Mme Véronique Louwagie et I-CF362 de M. Philippe Vigier.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement I-CF58 vise à réintroduire au sein de l’assiette de TVA allouée aux régions le montant de 450 millions d’euros du fonds de soutien au développement économique. En Auvergne-Rhône-Alpes, nous perdons un budget de 63 millions d’euros exclusivement dédié aux entreprises.

Mme Véronique Louwagie. J’ajoute simplement ce rappel : ce fonds de 450 millions d’euros est le fruit d’une négociation entre l’État et les régions à la suite des transferts de compétences économiques qui résultent de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe ». Sa suppression contrevient aux engagements pris et met à mal la relation de confiance entre les collectivités et l’État.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF362 est défendu. La confiance est nécessaire si l’État veut contractualiser avec les collectivités. Il ne faut pas revenir sur les engagements pris.

M. le Rapporteur général. Le ministre a indiqué ici son intention d’agir, notamment sur l’enveloppe normée et la fraction de TVA affectée aux régions. En attendant de savoir ce qu’il annoncera en séance publique, je suis défavorable à ces amendements.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle se saisit de l’amendement I-CF434 de M. François Pupponi, des amendements identiques I-CF433 de M. François Pupponi et I-CF663 de M. Michel Castellani, de l’amendement I-CF660 de M. Michel Castellani, des amendements identiques I-CF432 de M. François Pupponi et I-CF661 de M. Michel Castellani, ainsi que des amendements identiques I-CF435 de M. François Pupponi et I-CF662 de Castellani.

M. François Pupponi. Il s’agit des recettes de la nouvelle collectivité unique de Corse. Visiblement, un certain nombre de points ont été oubliés dans ce projet de loi de finances, qui pose des problèmes de droit et des problèmes rédactionnels. Aux termes de l’article 149 de la loi de finances pour 2017, la substitution d’une fraction du produit de la TVA aux dotations forfaitaires et dotations de péréquation devait également concerner la dotation générale de décentralisation (DGD). Or la DGD de Corse est composée de la DGD de droit commun et de la dotation de continuité territoriale. Une mésinterprétation de cet article est possible. Nous proposons donc, par l’amendement I-CF424, de bien spécifier qu’il faut entendre par DGD les deux fractions que je viens d’évoquer. Relisons l’article L. 4425‑4 du code général des collectivités territoriales : « L’État verse à la collectivité territoriale de Corse un concours individualisé au sein de la dotation générale de décentralisation de la collectivité territoriale de Corse, intitulé : “dotation de continuité territoriale”, dont le montant évolue comme la dotation globale de fonctionnement. »

Plus généralement, donc, quelles seront les recettes de la nouvelle collectivité l’an prochain ? Il doit y avoir la DGD dans son ensemble, l’équivalent en produit de TVA des droits sur le tabac et les dotations de péréquation des deux départements.

M. Michel Castellani. Une collectivité unique est créée – c’est inédit en France. En raison de l’application de certaines formules, un certain nombre de pertes financières en cours de route sont à déplorer. Les compétences reprises sont pourtant identiques à celles des collectivités fusionnées ! Le montant des fonds de péréquation de la sphère départementale était par exemple de 3,8 millions d’euros ; si l’on considère la Corse comme un seul département, il n’y a plus que 0,5 million d’euros, soit une perte de 3,3 millions d’euros !

Se pose aussi le problème de l’insertion de l’enveloppe de continuité territoriale dans la dotation générale. Il s’agit de corriger ici une omission : l’article 149 de la loi de finances pour 2017 a omis la référence à l’article du code général des collectivités territoriales qui évoque la dotation de continuité territoriale. Cela a pour effet de priver la future collectivité de recettes dynamiques.

Cette dotation de continuité territoriale n’est pas un cadeau somptuaire. Elle a été établie en échange d’un transfert de compétences essentiel, surtout pour une île, et vise à permettre à la collectivité de gérer les transports aériens et maritimes, le reliquat permettant un certain nombre d’investissements portuaires et aéroportuaires. Précisons aussi que cette correction d’un oubli est neutre pour l’État. Les dépenses prévues sont effectivement compensées à due concurrence par la perte de l’enveloppe concernée.

De même, la prise en compte des droits sur le tabac n’est pas un cadeau. La perception de ces droits par la collectivité a été obtenue en échange de la compétence sur les routes. Si les droits sont allégés en Corse en raison du statut fiscal de l’île, nous n’en partageons pas moins le souci de la santé publique qui sous-tend cette fiscalité, et il y a une convergence des tarifs. Nous proposons donc que l’État récupère les droits sur le tabac en contrepartie du transfert du montant équivalent de TVA à la collectivité unique, proposition également neutre pour l’État.

Si le Gouvernement encourage les fusions de collectivités, le verbe ne suffit pas toujours !

M. le Rapporteur général. Tout le dispositif que vous proposez, chers collègues, repose sur une multiplication par 3,5 de l’assiette de la TVA pour la Corse, ce qui est tout de même une difficulté. Cela étant, je comprends les problèmes spécifiquement posés par l’instauration de cette collectivité territoriale unique qui ne retrouve pas des moyens au moins égaux à ceux des anciennes collectivités. Le ministre fera un certain nombre d’annonces dans l’hémicycle, notamment pour régler le problème juridique de la continuité territoriale, ce qui s’impose en premier lieu. Des problèmes de péréquation seront également traités ensuite.

En attendant, je ne puis donner d’avis favorable à aucun de ces amendements. Je vous renvoie à ce qui sera dit en séance pour régler les problèmes financiers posés par la création de cette collectivité. Pour ma part, je n’ai pas l’intégralité des réponses que le Gouvernement est le seul à pouvoir faire sur la problématique corse, parfois au-delà des seules questions financières.

M. Jean-Félix Acquaviva. Nous espérons que le débat en séance sera fructueux. Notre présence ici fait d’ailleurs suite à deux récentes réunions avec le ministre Darmanin.

J’insiste sur la nécessaire continuité de l’État sur ces sujets importants, à propos desquels des compromis se sont construits au fil de processus. Le compromis fiscal et budgétaire pour la création de la collectivité auquel nous sommes parvenus au cours de la précédente législature a fait l’objet de nombreuses réunions techniques, denses. Il faut que le Gouvernement connaisse toute l’histoire, toute la trajectoire qui mène à cette collectivité. Les compétences, les charges ne sont pas les mêmes. Routes, aéroports, dépenses de fonctionnement, augmentation de dépenses de fonctionnement liée à la fusion et aux statuts des personnels : tout cela est bien réel et requiert non des coups de sabre mais le respect de la continuité de l’État, après des réunions sérieuses pendant deux ans.

M. François Pupponi. Rapporteur du projet de loi de ratification des ordonnances relatives à la Corse, je me rappelle très bien l’engagement pris, au banc du Gouvernement, par le ministre Baylet, selon lequel la fusion se ferait sans perte d’argent. Si l’engagement d’un ministre au banc du Gouvernement ne vaut rien, cela pose un problème juridique et politique !

Second point, j’aimerais votre éclairage sur la définition juridique de la DGD, monsieur le Rapporteur général, car nous avons aussi un débat juridique, pas seulement un débat politique, avec le Gouvernement.

M. Michel Castellani. Nous prenons acte de ce qui a été décidé en commission. Nous défendrons tous nos amendements en séance et nous verrons ce que le Gouvernement proposera. Je souligne que nous ne sommes pas en train de quémander mais simplement de demander l’application de la loi.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF61 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Cet amendement reprend les éléments que j’ai indiqués sur la diminution des ressources des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, qui pénalisera les communes défavorisées.

M. le Rapporteur général. Comme je l’ai indiqué, c’est un sujet auquel je suis plus que sensible. Nous aurons à en discuter en séance pour trouver une solution à ce problème réel. Je demande le retrait de l’amendement, pour une discussion en séance.

La commission rejette cet amendement.

La commission est saisie des trois amendements identiques I-CF59 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF384 de M. Olivier Dussopt et I-CF389 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Émilie Bonnivard. L’amendement I-CF59 est le même que le précédent, à ceci près qu’il concerne la DCRTP.

Mme Véronique Louwagie. Je remercie le Rapporteur général d’être sensible à ce sujet et vouloir susciter un débat avec le ministre dans l’hémicycle.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette ces amendements.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, elle rejette ensuite l’amendement I-CF304 de M. Joël Aviragnet.

Ensuite de quoi, la commission adopte l’article 16 sans modification.

*

*     *

Après l’article 16

La commission examine en discussion commune les amendements identiques ICF308 de M. Joël Aviragnet et I-CF672 de M. Michel Castellani ainsi que les amendements I-CF665 et I-CF666 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé des objectifs précis mais qui risquent de ne pas être atteints faute de moyens financiers. Les collectivités locales se sont vu affecter des compétences nouvelles sans les ressources afférentes. Mes trois amendements visent à doter les collectivités de moyens financiers qui leur permettent d’assumer leur part du plan climat-énergie. Le versement des cotisations prévues sera conditionné par la signature du contrat d’objectifs entre les collectivités et l’État. Cette mesure contribuerait à l’atteinte des objectifs du plan climat, de même que le choix de taxer les énergies non renouvelables et importées, qui grèvent la balance commerciale de la France, permettrait de financer la croissance et l’emploi.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette ces amendements.

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*     *

Article 17
Compensation des transferts de compétences aux régions et aux départements par attribution d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article actualise les modalités de détermination de la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) transférée aux collectivités territoriales en compensation de transferts de compétences.

Au total, le présent article se traduit par un transfert de ressources fiscales de l’État vers les collectivités territoriales de 54,7 millions d’euros en 2018. Dans le détail, il est prévu le transfert de :

– 35,25 millions d’euros au Département de Mayotte au titre du rattrapage sur la période 2009-2017 de la compensation due à la suite de la création du service de protection maternelle et infantile (PMI) en 2009 ;

– 14,53 millions d’euros au Département de Mayotte au titre de la compensation du service de protection maternelle et infantile (PMI) à compter de 2018 ;

– 3,76 millions d’euros aux régions, à la collectivité territoriale de Corse et au Département de Mayotte au titre de l’actualisation du montant de la ressource régionale pour l’apprentissage ;

– 0,25 million d’euros au Département de Mayotte et à certaines collectivités d’outre-mer (Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon) au titre de la compensation de la prise en charge du dispositif de nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise (NACRE) ;

– 0,91 million d’euros au Département de Mayotte au titre de la prise en charge de l’ensemble des compétences du service public régional de la formation à compter du 1er janvier 2018.

Pour ce faire, le présent article prévoit des ajustements concernant les quotes-parts de trois fractions de TICPE :

– la fraction de TICPE « Mayotte (départementalisation) » ;

– la fraction de TICPE « Réforme du financement de l’apprentissage » ;

– et la fraction de TICPE « MAPTAM et NOTRe » (1).

Dernières modifications législatives intervenues

La fraction de TICPE « Mayotte (départementalisation) » a été modifiée par l’article 1er de la loi de finances rectificative pour 2016 pour permettre la compensation du transfert du service de l’aide sociale à l’enfance.

La fraction de TICPE « Réforme du financement de l’apprentissage » a été actualisée l’an dernier par l’article 34 de la loi de finances pour 2016. Il a été porté à 150 543 000 euros.

La fraction de TICPE « MAPTAM et NOTRe » a été actualisée par les articles 1er et 34 de la loi de finances rectificative pour 2016.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

 

(1) Les appellations de ces fractions de TICPE ne résultent pas d’une disposition législative mais de l’annexe au projet de loi de finances Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales.

 

Le présent article actualise les modalités de détermination de la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) transférée aux collectivités territoriales en compensation de transferts de compétences.

Au total le présent article se traduit par un transfert de ressources fiscales de l’État vers les collectivités territoriales de 54,7 millions d’euros en 2018, ce qui justifie son placement dans la première partie du présent projet de loi de finances ([255]).

I.   État du droit

Le droit des collectivités territoriales à compensation en cas de transfert de compétences (A) est souvent mis en œuvre par un transfert d’une fraction de fiscalité, et plus particulièrement d’une fraction du produit de la TICPE (B).

A.   Le droit des collectivités territoriales à compensation en cas de transfert de compétences

Aux termes de l’article 72-2 de la Constitution, les transferts de compétences vers les collectivités territoriales doivent s’accompagner des ressources consacrées par l’État à l’exercice des compétences transférées : « Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. » Cette compensation doit être intégrale, concomitante et conforme à l’objectif d’autonomie financière.

Par ailleurs, l’article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par l’État, par voie réglementaire, des règles relatives à l’exercice des compétences transférées est compensée ».

Le droit à compensation doit également être garanti dans le temps, conformément à l’interprétation que le Conseil constitutionnel en a donnée dans sa décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011 ([256]).

B.   Les fractions de TICPE transférées aux collectivités territoriales

1.   La TICPE représente environ un tiers de la fiscalité transférée aux collectivités territoriales

Le produit de certains impôts est transféré partiellement par l’État aux collectivités territoriales. Au total, les collectivités territoriales perçoivent environ 35,6 milliards d’euros de fiscalité transférée.

Fiscalité transférée par l’État aux collectivités territoriales

(en millions d’euros)

Année

2016

2017

2018

Droit département d’enregistrement et taxe de publicité foncière

9 321

9 159

10 263

Cartes grises

2 187

2 174

2 244

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

10 872

10 952

10 825

Taxe sur les conventions d’assurance (TCA)

7 047

7 054

7 317

Taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM)

748

771

772

Frais de gestion

3 982

4 173

4 185

Total

33 941

34 282

35 606

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

L’essentiel du transfert de cette fiscalité est justifié par la compensation de transferts de compétences, soit environ 28 milliards d’euros sur 35,6 milliards d’euros. Environ 7 milliards d’euros ont été transférés en compensation de diminutions de ressources résultant de la réforme de la taxe professionnelle.

Le rendement de la TICPE est transféré aux collectivités territoriales à hauteur d’environ 12,3 milliards d’euros, ce qui représente plus du tiers du montant total de la fiscalité transférée par l’État aux collectivités territoriales.

2.   Le tiers du produit de la TICPE est transféré aux collectivités territoriales

Les collectivités territoriales perçoivent plus d’un tiers du rendement global de la TICPE.

Affectation de la TICPE 2016-2018

Année

2016

exécution

2017

Prévision d’exécution

2018

Prévision

État budget général

15 878

10 421

13 341

État CAS Transition énergétique

0

6 875

7 166

Sous-total État

15 878

17 296

20 507

Départements

6 281

6 432

6 538 

Régions (hors part Grenelle)

4 807

5 254

5 075 

Régions part Grenelle

607

569

615

Sous-total collectivités territoriales

11 695

 12 255

 12 228

Agence de financement des infrastructures des transports de France (AFITF)

766

735

1 076

Total

28 339

30 286

33 811

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

3.   Les fondements juridiques sur lesquels reposent les transferts de TICPE

Les modalités de calculs de la quote-part de TICPE revenant aux collectivités territoriales sont déterminées par diverses dispositions législatives contenues dans plusieurs lois de finances. Chacune de ces dispositions a été prise dans le cadre d’un transfert de compétences précisément identifié.

Hors modulations régionales, la fraction de TICPE transférée en 2018 devrait s’élever à 10,8 milliards d’euros.

Les différentes fractions de TICPE transférées aux collectivités territoriales en 2017 et 2018

(en millions d’euros)

Fondement juridique du transfert

Fraction de TICPE transférée

2017

2018

Article 39 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012

Mayotte (départementalisation)

17

78

Article 40 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014

Prime à l’apprentissage moins de onze salariés

153

160

X de l’article 38 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016

 prime de recrutement d’un apprenti supplémentaire » moins de 250 salariés

37

99

I de l’article 38 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016

MAPTAM et NOTRe 

40

51

Article 29 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015

Réforme du financement de l’apprentissage

235

238

Article 40 de la loi n° 2005-1719 de finances pour 2006

Libertés et responsabilités locales « régions »

3 553

3351

Article 52 de la loi n° 2004-1484 de finances pour 2005

Libertés et responsabilités locales « département »

671

679

Article 51 de la loi n° 2008-1425 de finances pour 2009

RMI/RSA (loi du 1er décembre 2008)

5 861

5 861

Article 59 de la loi n° 2003-1311 de finances pour 2004

RMI (loi du 18 décembre 2003)

Article 40 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014

Réforme de la formation professionnelle

305

309

Total

10 872

10 826

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

Sont examinées ci-après les seules dispositions qui font l’objet de modifications prévues par le présent article.

a.   TICPE « Mayotte (départementalisation) » : article 39 de la loi de finances pour 2012

Le 31 mars 2011, Mayotte est devenue le cent-unième département français ([257]). L’entrée dans le droit commun a conduit au transfert par l’État de compétences au Département de Mayotte.

L’article 39 de la loi de finances pour 2012 ([258]) fixe les modalités de compensation des transferts de compétence résultant de la départementalisation de Mayotte. Il a été modifié à plusieurs reprises pour tenir compte des transferts de compétence intervenus au fur et à mesure de la mise en œuvre du processus de départementalisation de Mayotte.

Évolution du contenu de l’article 39 de la loi de finances pour 2012

Texte

Compétences compensées

Article 39

de la loi de finances pour 2012

Mise en œuvre du revenu de solidarité active (RSA) au 1er janvier 2012

Article 36

de la loi de finances pour 2013

– Gestion et financement du fonds de solidarité pour le logement (FSL) ;

– Financement des formations sociales initiales et des aides aux étudiants inscrits dans ces formations

Article 28

de la loi de finances pour 2014

– Financement de la formation des assistants maternels

– Aide sociale obligatoire à destination des personnes âgées et handicapée

Article 38

de la loi de finances pour 2016

Protection juridique des majeurs (financement de la dotation globale par le département)

Article 1er

de la loi de finances rectificative pour 2016

Service de l’aide sociale à l’enfance

Source : commission des finances.

Initialement, l’article 39 de la loi de finances pour 2012 prévoyait une fourchette de la fraction de tarif de TICPE revenant au Département de Mayotte. Cette fraction était ensuite fixée par arrêté des ministres de l’intérieur et du budget. Ces modalités de compensation particulières étaient justifiées par l’absence d’application du revenu de solidarité activité (RSA) sur ce territoire avant le 1er janvier 2012, ce qui rendait difficile l’évaluation a priori du droit à compensation dont bénéficierait le département.

La fourchette de tarif a été supprimée par l’article 38 de la loi de finances pour 2016 ([259]). Cet article a fixé directement la fraction de tarif revenant au Département de Mayotte. La fraction ainsi fixée est celle en vigueur à ce jour.

fraction de tarif de TICPE « Mayotte (départementalisation) »

Catégorie de carburant

Supercarburants sans plomb

Gazole présentant un point éclair inférieur à 120° C

Tarif par hectolitre

0,068 euro

0,048 euro

Source : article 39 de la loi de finances pour 2012 modifié par l’article 38 de la loi de finances pour 2016.

La fraction de TICPE « Mayotte (départementalisation) » attribuée au Département de Mayotte est évaluée à 17 millions d’euros pour 2017.

b.   TICPE « Réforme du financement de l’apprentissage » : article 29 de la loi de finances pour 2015

L’article 29 de la loi de finances pour 2015 ([260]) a prévu l’affectation d’une part du produit de TICPE en vue de compléter la ressource régionale pour l’apprentissage.

i.   La ressource régionale pour l’apprentissage

L’article 60 de la loi de finances rectificative pour 2013 ([261]), entré en vigueur à compter du 1er janvier 2015, a fusionné la taxe d’apprentissage (TA) et la contribution au développement de l’apprentissage (CDA). Ce même article prévoit l’attribution d’une partie du produit de cette nouvelle TA aux régions, à la collectivité de Corse et au Département de Mayotte sous la forme d’une « fraction régionale pour l’apprentissage ».

Il résultait de l’article 18 de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale ([262]) que la « fraction régionale pour l’apprentissage » devait s’élever à 56 % du produit de la nouvelle TA. Mais l’article 8 de la première loi de finances rectificative pour 2014 ([263]) a diminué cette part à 51 %. Il a toutefois été prévu que la diminution de la fraction régionale de la taxe d’apprentissage serait compensée par l’affectation d’une part du produit de la TICPE. La somme de la fraction régionale de la taxe d’apprentissage et de cette part de la TICPE constitue la « ressource régionale pour l’apprentissage ».

La ressource régionale pour l’apprentissage comprend une part fixe déterminée par collectivité et une part variable en fonction du nombre d’apprentis inscrits dans les centres de formations d’apprentis. Ces parts sont déterminées par l’article L. 6241-2 du code du travail.

ii.   La part de TICPE dans la ressource régionale pour l’apprentissage

L’article 29 de la loi de finances pour 2015 fixe la part de la TICPE dans la ressource régionale pour l’apprentissage. Il contient un tableau qui mentionne la répartition de cette fraction du produit de la TICPE entre les régions de métropole et d’outre-mer, la collectivité territoriale de Corse et le Département de Mayotte.

L’article dispose également que cette part est indexée chaque année sur la masse salariale du secteur privé de l’avant-dernière année mentionnée au Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l’année.

Enfin, l’article mentionne la fraction du tarif de TICPE attribuée aux régions, à la collectivité territoriale de Corse, et au Département de Mayotte correspondant à la fraction du produit de la TICPE attribuée à ces collectivités au titre de la constitution de la ressource régionale pour l’apprentissage.

L’article 34 de la loi de finances pour 2016 a modifié l’article 29 de la loi de finances pour 2015 pour actualiser à 150 543 000 euros le montant de la part de la TICPE dans la ressource régionale pour l’apprentissage. Il a également actualisé la fraction de tarif correspondante.

fraction de tarif de TICPE « Réforme du financement de l’apprentissage »

Catégorie de carburant

Supercarburants sans plomb

Gazole présentant un point éclair inférieur à 120° C

Tarif par hectolitre

0,40 euro

0,28 euro

Source : article 29 de la loi de finances pour 2015 modifié par l’article 34 de la loi de finances pour 2016.

c.   TICPE « MAPTAM ET NOTRe » : I de l’article 38 de la loi de finances pour 2016

Le I de l’article 38 de la loi de finances pour 2016 prévoit les modalités de compensations financières dues par l’État aux collectivités territoriales au titre des transferts de compétences opérés par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM » ([264]), et de la loi 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe » ([265]).

Le II de l’article 91 de la loi MAPTAM a prévu la compensation financière du transfert aux régions des services chargés de la gestion des fonds européens. Par ailleurs, le II de l’article 133 de la loi NOTRe prévoit la compensation du transfert aux régions des dépenses d’investissement des centres de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS).

La fraction de TICPE transférée est calculée à partir des quantités de carburants vendues sur le territoire national au titre de l’année s’achevant le 31 décembre précédant le transfert, de manière à obtenir in fine un produit égal au droit à compensation.

Ce produit est défini, d’une part, par l’article 91 de la loi MAPTAM comme la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période maximale de trois ans précédant le transfert de compétences et, d’autre part, par l’article 133 de la loi NOTRe comme la moyenne des dépenses actualisées, hors taxes et hors fonds de concours, constatées sur une période d’au moins cinq ans précédant le transfert de compétences.

fraction de tarif de TICPE « MAPTAM ET NOTRe » 

Catégorie de carburant

Supercarburants sans plomb

Gazole présentant un point éclair inférieur à 120° C

Tarif par hectolitre

0,123 euro

0,092 euro

Source : article 29 de la loi de finances pour 2015 modifié par l’article 34 de la loi de finances pour 2016.

La répartition du produit de la taxe entre les collectivités concernées s’effectue ensuite en appliquant à ces fractions de tarif un pourcentage : il correspond, pour chaque collectivité, à son droit à compensation rapporté à celui de l’ensemble des collectivités.

Si le produit affecté à l’ensemble des collectivités se révèle inférieur à la dépense consentie par l’État au 31 décembre de l’année précédant le transfert, celui-ci assure la compensation en attribuant aux collectivités concernées la différence par un transfert complémentaire de TICPE.

Le produit de TICPE attribué au titre des lois MAPTAM et NOTRe est évalué à 40 millions d’euros pour 2017.

II.   Les ajustements proposés

Le présent article prévoit des ajustements pour les quotes-parts de TICPE « Mayotte (départementalisation) » (A), « réforme du financement de l’apprentissage » (B) et « MAPTAM et NOTRe » (C).

A.   Les ajustements relatifs à la ticipe « mayotte (départementalisation) »

Le I du présent article modifie l’article 39 de la loi de finances pour 2012 pour intégrer à compter du 1er janvier 2018 la compensation du service de protection maternelle et infantile, d’une part, et du service public régional de la formation, d’autre part.

Le IV du présent article prévoit un rattrapage de compensation pour le service de protection maternelle infantile du Département de Mayotte sur la période 2009-2017.

1.   Le montant de la compensation au titre du service de protection maternelle infantile

Le service de protection maternelle infantile (PMI) a été créé en 2009 ([266]) à Mayotte. Le I du présent article prévoit une compensation de 14 530 672 euros à compter de 2018. Le IV prévoit un rattrapage au titre de la période 2009-2017 de 105 745 169 euros en deux annuités de 35 248 290 euros en 2018 et 2019, et en une troisième annuité de 35 248 289 euros en 2020.

2.   Le montant de la compensation au titre du service public régional de formation

Depuis le 1er janvier 2015, les compétences des régions en matière de formation professionnelle ont été renforcées en application de l’article 21 de la loi du 5 mars 2014 précitée. Il a été ainsi créé un « bloc de compétences » dans le cadre unifié d’un service public régional de la formation professionnelle prévu à l’article L. 6121-2 du code du travail.

L’article 120 de la loi du 8 août 2016 relative au travail ([267]) prévoit l’application du code du travail au Département de Mayotte à compter du 1er janvier 2018. Or, le Département de Mayotte exerce les compétences dévolues aux régions d’outre-mer par application de l’article L.O. 3511-1 du code général des collectivités territoriales. Il s’ensuit que le Département de Mayotte devra gérer à compter du 1er janvier 2018 l’ensemble des compétences du service public régional de la formation professionnelle.

Le I du présent article prévoit une compensation à ce titre de 917 431 euros à compter de 2018.

3.   La modification de la fraction de tarif de TICPE « Mayotte (départementalisation) »

En conséquence des deux compensations prévues à compter de 2018, le I du présent article actualise la fraction du tarif de TICPE revenant au Département de Mayotte.

fraction de tarif de TICPE « mayotte (départementalisation) »

Catégorie de carburant

Tarif par hectolitre « supercarburants sans plomb »

Tarif par hectolitre « gazole présentant un point éclair inférieur à 120° C »

État du droit

0,068 euro

0,048 euro

Droit proposé

0,109 euro

0,077 euro

Source : présent article.

Selon les renseignements recueillis par le Rapporteur général auprès du Gouvernement, aucun autre transfert de compétences n’est prévu à ce stade pour les années à venir concernant le Département de Mayotte.

B.   Les ajustements relatifs à la TICPE « réforme du financement de l’apprentissage »

Le II du présent article actualise pour 2018 le montant du produit de TICPE transféré aux régions, à la collectivité territoriale de Corse et au Département de Mayotte au titre de la ressource régionale pour l’apprentissage.

Il modifie l’article 29 de la loi de finances pour 2015 en portant le montant de la TICPE transféré à ce titre à 154 306 110 euros pour 2018 au lieu de 150 543 000 euros pour 2017, soit une hausse de 2,4 %. Conformément à l’article modifié, la hausse en pourcentage est égale à celle de la masse salariale privée pour 2016 telle que mentionnée dans le Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

produit de la fraction de ticpe « réforme du financement
de l’apprentissage »

État du droit

150 543 000 euros

Droit proposé

154 306 110 euros

Variation en pourcentage entre l’état du droit et le droit proposé

+ 2,4 %

Source : présent article.

Le II du présent article ajuste en conséquence la fraction de tarif de TICPE attribuée à ce titre aux régions, à la collectivité territoriale de Corse et au Département de Mayotte.

fraction de tarif de TICPE « réforme du financement de l’apprentissage »

Catégorie de carburant

Tarif par hectolitre « supercarburants sans plomb »

Tarif par hectolitre « gazole présentant un point éclair inférieur à 120° C »

État du droit

0,40 euro

0,28 euro

Droit proposé

0,41 euro

0,29 euro

Source : présent article.

C.   Les ajustements relatifs à la TICPE « MAPTAM et NOTRe »

Le III du présent article modifie le I de l’article 38 de la loi de finances pour 2016 relative à la fraction de TICPE « MAPTAM et NOTRe ».

Il actualise les modalités de calcul de la part du produit de TICPE transférée aux régions, à la collectivité territoriale de Corse, au Département de Mayotte et à certaines collectivités d’outre-mer en compensation des transferts de compétences résultant des lois MAPTAM et NOTRe précitées.

Cette actualisation est justifiée par l’entrée en vigueur du code du travail sur les territoires du Département de Mayotte ([268]) et de certaines collectivités d’outre-mer (Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon) ([269]).

Il s’ensuit que ces collectivités vont devoir prendre en charge le dispositif de nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise (NACRE) prévu aux articles L. 5141-5 et L. 5522-21 du code du travail.

Le III du présent article ajuste en conséquence la fraction de tarif de TICPE attribuée à ce titre aux régions, à la collectivité territoriale de Corse, au Département de Mayotte et à certaines collectivités d’outre-mer.

fraction de tarif de TICPE « MAPTAM et Notre »

Catégorie de carburant

Tarif par hectolitre « supercarburants sans plomb »

Tarif par hectolitre « gazole présentant un point éclair inférieur à 120° C »

État du droit

0,123 euro

0,092 euro

Droit proposé

0,124 euro

0,092 euro

Source : présent article.

De même, il ajuste le tableau de répartition de cette quote-part de TICPE entre les différentes régions, la collectivité territoriale de Corse, le Département de Mayotte et les collectivités d’outre-mer concernées.

Tableau de répartition de la fraction de TICPE
« MAPTAM et NOTRe »

Régions

Pourcentage

Auvergne-Rhône-Alpes

8,596

Bourgogne-Franche-Comté

5,541

Bretagne

3,527

Centre-Val de Loire

2,893

Corse

1,255

Grand Est

9,890

Hauts-de-France

7,272

Île-de-France

8,824

Normandie

4,123

Nouvelle-Aquitaine

12,932

Occitanie

11,487

Pays de la Loire

4,622

Provence-Alpes-Côte d’Azur

11,109

Guadeloupe

3,151

Guyane

0,854

Martinique

1,087

La Réunion

2,330

Mayotte

0,388

Saint-Martin

0,109

Saint-Barthélemy

0,007

Saint-Pierre-et-Miquelon

0,003

Source : présent article.

*

*     *

La commission adopte l’article 17 sans modification.

*

*     *

Article 18
Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État
au profit des collectivités territoriales

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article évalue le montant de l’ensemble des prélèvements sur recettes (PSR) de l’État au profit des collectivités territoriales à 40,3 milliards d’euros en 2018, en baisse de 4,1 milliards d’euros par rapport au montant évalué dans la loi de finances pour 2017. Cette diminution de 9,1 % s’explique essentiellement par la suppression de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des régions (3,9 milliards d’euros), compensée par le transfert d’une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 4,1 milliards d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

Le montant des PSR est évalué chaque année en loi de finances, conformément aux articles 6 et 34 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Les PSR sont définis un montant déterminé de recettes de l’État, qui peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d’impôts établis au profit des collectivités territoriales.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

I.   l’architecture des PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES (PSR) n’est modifiÉE qu’À la marge

A.   Contexte budgétaire

Les prélèvements sur recettes de l’État (PSR) représentent près de la moitié de l’ensemble des transferts financiers de l’État et la quasi-totalité des concours financiers de l’État aux collectivités et à leurs groupements.

ÉVOLUTION DU MONTANT DES PSR

(en milliards d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Évolution 2012/2018

Montant

55,58

55,69

54,17

50,73

47,30

44,37

40,33

– 27,4 %

Source : lois de finances initiales et présent projet de loi de finances.

PART DES PSR DANS L’ENSEMBLE DES TRANSFERTS FINANCIERS DE L’ÉTAT
AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

(en milliards d’euros)

Nature des transferts

LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2017/2018

Prélèvements sur recettes

44,37

40,33

– 9,10 %

Concours de l’État

48,59

48,23

– 0,74 %

Transferts financiers de l’État hors fiscalité transférée et financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage

63,81

66,91

+ 4,86 %

Fiscalité transférée

33,42

34,80

+ 4,13 %

Financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage

3,02

3,09

+ 2,32 %

Total

100,24

104,80

+ 4,55 %

Source : annexe au présent projet de loi de finances, Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales. 

Ces montants se comprennent à la lecture de l’article 13 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui fixe un plafond, exprimé en milliards d’euros courants, pour l’ensemble des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. Cet ensemble comprend :

– les PSR établis au profit des collectivités territoriales ;

– les crédits du budget général relevant de la mission Relations avec les collectivités territoriales ;

– le produit de l’affectation de la TVA aux régions, au Département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane.

Plafond proposÉ pour les concours financiers de l’État
aux collectivitÉs territoriales

(en milliards d’euros courants)

2018

2019

2020

2021

2022

48,11

48,09

48,43

48,49

48,49

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Ainsi, la baisse du total des prélèvements sur recettes s’explique par la suppression de la DGF des régions. Le montant des concours financiers de l’État aux collectivités est quasiment stable, puisque la fraction de TVA transférée aux régions est considérée, non pas comme de la fiscalité transférée pour le financement de compétences transférées, dans le cadre de la décentralisation, mais comme un concours financier.

Enfin, la hausse des transferts financiers s’explique à hauteur de 3 milliards d’euros par le nouveau dégrèvement de taxe d’habitation pour la résidence principale, prévu par l’article 3 du présent projet de loi de finances.

En 2016, les PSR ont représenté 22 % des recettes totales des collectivités.

B.   Un nouveau PSR au profit de la collectivitÉ territoriale de Guyane, dans le cadre de la rÉforme de l’octroi de mer

La liste des prélèvements sur recettes de l’État aux collectivités est la même qu’en 2017, à une exception près.

La loi du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer ([270]) soumet à l’octroi de mer, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, les importations de biens dans ces collectivités et les activités de production au sein de ces collectivités. Le produit annuel de l’octroi de mer excède un milliard d’euros tous territoires confondus. Après un prélèvement de 2,5 % pour frais d’assiette et de recouvrement de la part de l’État, il est affecté aux collectivités à travers la dotation globale garantie (DGG) et, s’il existe un solde, la dotation au fonds régional pour le développement et l’emploi (FRDE).

En Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, la DGG est répartie entre les seules communes. Par exception, en Guyane et à Mayotte, une partie de cette dotation est versée à la collectivité territoriale de Guyane et au Département de Mayotte. En Guyane, la collectivité territoriale recevait 35 % de la DGG, dans la limite de 27 millions d’euros. Ce plafonnement à 27 millions d’euros aboutit à ce que le dynamisme de la ressource fiscale profite aux seules communes de Guyane, qui ont perçu 76 millions d’euros au titre de la DGG en 2015.

L’article 141 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer ([271]) a prévu la suppression progressive de la part de DGG de la collectivité territoriale de Guyane. Les montants rétrocédés seront, dès cette année, de 9 millions d’euros puis de 18 millions d’euros en 2018 et de 27 millions d’euros en 2019. L’article 141 précité a institué un prélèvement sur les recettes de l’État compensant les pertes de recettes en résultant, pour la collectivité territoriale de Guyane. Selon cet article, le montant de ce prélèvement est égal à 18 millions d’euros en 2018.

La dernière ligne du tableau du présent article tire les conséquences, pour 2018, de l’article 141 de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer précitée.

II.   l’impact budgÉtaire

A.   Un montant global ÉvaluÉ À 40,3 milliards d’euros en 2018

Conformément à l’article 34 de la LOLF, la première partie de la loi de finances de l’année évalue chacun des PSR opérés sur le budget de l’État au profit de l’Union européenne ou des collectivités territoriales, en application de l’article 6 de la même loi organique.

C’est l’objet du présent article.

ÉVOLUTION DU MONTANT DES PSR

(en milliers d’euros)

Prélèvement sur recettes

Montant
LFI 2017

Montant

PLF 2018

Évolution 2017/2018

Dotation globale de fonctionnement (DGF)

30 860 000

27 050 322

– 12,3 %

Dotation spéciale pour le logement des instituteurs (DSI)

15 110

12 728

– 15,8 %

Dotation de compensation des pertes de bases de la taxe professionnelle et de redevance des mines des communes et de leurs groupements

73 696

73 500

– 0,3 %

Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

5 524 448 

5 612 000

1,6 %

Compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale

2 053 485 

2 018 572

– 1,7 %

Dotation élu local

65 006 

65 006

0,0 %

PSR au profit de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse

40 976 

40 976

0,0 %

Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI)

500 000 

500 000

0,0 %

Dotation départementale d’équipement des collèges (DDEC)

326 317 

326 317

0,0 %

Dotation régionale d’équipement scolaire (DRES)

661 186 

661 186

0,0 %

Dotation globale de construction et d’équipement scolaire (DGCES)

2 686 

2 686

0,0 %

Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP)

3 099 453 

2 858 517

– 7,8 %

Dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale (dot²)

536 450 

529 683

– 1,3 %

Dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle (DUCS TP)

50 867 

41 775

– 17,9 %

Dotation de compensation de la réforme de la taxe sur les logements vacants

4 000 

4 000

0,0 %

Compensation réforme fiscalité Mayotte

83 000 

99 000

19,3 %

Fonds de compensation des nuisances aéroportuaires

6 822 

6 822

0,0 %

Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle (FDPTP)

389 325 

323 508

–16,9 %

Compensation des pertes de recettes liées au relèvement du seuil d’assujettissement des entreprises au versement transport

81 500

82 000

0,6 %

PSR au profit de la collectivité territoriale de Guyane

18 000

Total

44 374 340

40 326 598

 9,1 %

Source : annexe au présent projet de loi de finances, Transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales. 

B.   articulation avec les autres dispositions du prÉsent projet de loi

Le montant de la DGF et celui des variables d’ajustement, ainsi que le calcul de la fraction de TVA transférée aux régions résultent des dispositions de l’article 16 du présent projet de loi de finances, au commentaire duquel il est renvoyé pour plus de précisions.

autres Articles du prÉsent PLF relatifs aux PSR au profit
des collectivitÉs territoriales

Prélèvement sur recettes

Article du PLF

Partie du PLF

Objet de l’article

Dotation globale de fonctionnement (DGF)

16

1ère

Fixation du montant de la DGF

Calcul de la fraction de TVA affectée aux régions

60

2nde

Répartition de la DGF

Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)

58

2nde

Automatisation du FCTVA

Compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale

16

1ère

Fixation du montant 2018 et du taux de minoration des allocations compensatrices d’exonérations d’impôts directs locaux (IDL)

Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP)

16

1ère

Fixation du montant 2018 et du taux de minoration des allocations compensatrices d’IDL

Dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale (dot²)

16

1ère

Fixation du montant 2018 et du taux de minoration des allocations compensatrices d’IDL

Dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle (DUCS TP)

16

1ère

Fixation du montant 2018 et du taux de minoration des allocations compensatrices d’IDL

Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle (FDPTP)

16

1ère

Fixation du montant 2018 et du taux de minoration des allocations compensatrices d’IDL

C.   les principales Évolutions des montants des PSR

1.   La substitution d’une fraction de TVA à la DGF des régions

Conformément à l’article 149 de la loi de finances pour 2017 ([272]), une fraction du produit net de la TVA est substituée à plusieurs recettes actuellement allouées aux régions, dont leur part de DGF. En 2018, cette fraction de TVA s’élève à 4,1 milliards d’euros.

2.   L’élargissement de l’assiette des variables d’ajustement

Les dotations de compensation d’exonération de fiscalité directe locale, ou de compensation de l’impact de la suppression de la taxe professionnelle en 2010, qui entrent dans le périmètre des variables d’ajustement soumises à minoration sont minorées de 323 millions d’euros en 2018. Il s’agit de neutraliser sur l’enveloppe des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales certaines évolutions à la hausse des crédits de la mission Relations avec les collectivités territoriales. L’assiette de ces variables est élargie à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des communes et des EPCI.

3.   Le fonds de compensation pour la valeur ajoutée (FCTVA)

La prévision d’exécution du FCTVA s’élève à 5,6 milliards d’euros en 2018 au lieu de 5,5 milliards d’euros selon l’évaluation prévue pour 2017 par la loi de finances pour 2017 précitée. Cette hausse traduit les évolutions de l’investissement local. Elle n’est pas gagée par la minoration des variables d’ajustement.

Évolution des MONTANTS DU FCTVA (investissement)

(en milliards d’euros)

Année

Communes

EPCI

Départements

Régions

Total

2016

2,50

0,75

0,88

0,52

4,65

2017

4,18

0,80

0,54

5,52

2018

nc

5,61

Source : direction du budget.

L’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale de l’administration (IGA) ont formulé en 2016, dans le cadre d’une revue de dépenses, des propositions pour simplifier et harmoniser les règles de gestion du FCTVA et améliorer la sécurité juridique et comptable de son exécution. À la suite, une mission a été confiée en 2017 à Mme Nathalie Marthien pour préciser les conditions de mise en œuvre du scénario privilégié par l’IGF et l’IGA.

Dans cette perspective, l’article 58 du présent projet de loi de finances prévoit, à compter du 1er janvier 2019, la dématérialisation quasi intégrale de la procédure d’instruction, de contrôle et de versement du FCTVA, par le traitement automatisé des données budgétaires et comptables (mandats et titres) sans TVA imputées sur une liste limitative de comptes.

Des dispositions dérogatoires seraient maintenues pour les dépenses impliquant des pièces complémentaires ou imputées sur des comptes qui ne sont pas identifiés comme éligibles au FCTVA :

– opérations réalisées sur des biens dont les collectivités n’ont pas la propriété, pour des travaux d’intérêt général ou d’urgence (lutte contre les avalanches, les glissements de terrains, les inondations et les incendies, travaux de défense contre la mer, ou pour la prévention des feux de forêt) ;

– travaux sur le domaine public fluvial de l’État ou sur les immeubles du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ;

– subventions au profit de la société du Canal Seine-Nord-Europe.

L’article 58 précité renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des règles d’éligibilité au FCTVA et la procédure d’automatisation des attributions. Les comptes en totalité éligibles au FCTVA étant très minoritaires, la reconstitution exacte du champ actuel du FCTVA aurait impliqué de créer plus d’une centaine de subdivisions de comptes.

Des simulations ont été réalisées sur une l’assiette élargie à tous les comptes contenant même partiellement des dépenses éligibles. L’écart par rapport au FCTVA effectivement versé est de 800 millions d’euros pour 2014 et 2015 et de 650 millions d’euros pour 2016, au profit de l’État. Pour garantir la neutralité budgétaire de la réforme, il est possible de :

– réduire le taux de remboursement (ce qui nécessiterait une modification législative, non prévue) ;

– appliquer un coefficient d’abattement sur certains comptes (mais cette solution se heurte à des difficultés techniques pour calculer la part des dépenses non éligibles par comptes) ;

– réduire l’assiette en supprimant l’éligibilité au FCTVA de certains comptes, dont la liste serait établie par décret en Conseil d’État et en créant quelques nouvelles subdivisions : c’est l’option retenue par le Gouvernement.

*

*     *

La commission examine l’amendement I-CF422 de M. François Pupponi.

Mme Christine Pires Beaune. C’est un amendement de conséquence à la suite de celui que nous avons proposé à l’article 16, pour augmenter la péréquation verticale au même niveau.

Suivant l’avis défavorable du Rapporteur général, la commission rejette cet amendement.

Elle adopte ensuite l’article 18 sans modification.

*

*     *

B. – Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 19
Mesures relatives à l’ajustement des ressources affectées à des organismes chargés de missions de service public

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit :

– d’ajuster à la hausse ou à la baisse les plafonds individuels d’affectation de taxes prévus au I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 pour un reversement net au budget général de l’État accru de 0,3 milliard d’euros à périmètre constant (A du I de l’article) ;

– d’intégrer trois taxes affectées au périmètre du plafonnement d’affectation, portant ainsi les ressources fiscales plafonnées à un montant global de 8,97 milliards d’euros au lieu de 3 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2012 (A et B du I) ;

– de modifier l’affectation de la taxe sur les transactions financières (TTF) de l’Agence française de développement (AFD) vers le Fonds de solidarité pour le développement (FSD)

– de pérenniser et de renforcer le financement du Fonds national des aides à la pierre via les organismes d’habitations à loyer modéré ;

– de réintégrer au sein du budget général de l’État le produit de la taxe générale sur les activités polluantes affectée à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et une taxe finançant le Centre national pour le développement du sport (CNDS).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

À l’initiative du Rapporteur général, la commission des finances a adopté les amendements suivants :

– relevant de 63,8 millions d’euros le plafond d’affectation d’une taxe au Centre national pour le développement du sport (CNDS) ;

– relevant de 7 millions d’euros le plafond d’affectation des contributions au Fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale (FAFCEA) ;

– relevant de 3 millions d’euros le plafond d’affectation de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) affectée à France Télévisions, et reportant d’un an l’interdiction de la publicité autour des programmes jeunesse du service public audiovisuel ;

– relevant de 20 millions d’euros la dotation des fonds de péréquation et de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière au sein du réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI);

Un amendement à l’initiative de M. Cazeneuve (REM), avec l’avis de sagesse du Rapporteur général, modifiant le critère d’éligibilité du fonds de péréquation, pour la part réservée aux chambres de commerce et d’industrie dont le périmètre comprend des communes classées en zone de revitalisation rurale (ZRR).

Un amendement à l’initiative de M. Martin, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques visant à la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement étudiant les possibilités de rapprochement et de fusion du réseau des chambres de commerce et d’industrie et du réseau des chambres de métiers et d’artisanat.

Le présent article a pour objet de faire participer les opérateurs de l’État et les organismes chargés de missions de service public bénéficiant de taxes affectées à l’objectif de réduction de la dépense publique de 3 points au moins par rapport au PIB au cours du quinquennat.

Ainsi, il fixe des plafonds à l’affectation de ressources fiscales aux organismes bénéficiaires, afin de garantir une adéquation entre celles-ci et les missions de service public qui leur sont confiées. Le surplus de ressources fiscales est reversé au budget général de l’État, selon un mécanisme dit « d’écrêtement ».

I.   l’état du droit

A.   l’encadrement progressif des taxes affectées

1.   La fiscalité affectée à des tiers, une dérogation au principe d’universalité budgétaire

L’affectation d’une recette à une dépense ou à un organisme particulier apparaît comme une dérogation au principe d’universalité budgétaire, selon lequel les recettes perçues par l’État ont vocation à couvrir l’ensemble de ses dépenses.

Cette dérogation est prévue à l’article 2 de la LOLF, aux termes duquel « les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu’à raison des missions de service public confiées à lui ».

L’affectation de ces recettes est soumise à une triple condition, visant à garantir le contrôle effectif du législateur et rappelée par une décision du Conseil constitutionnel :

− « que la perception de ces impositions soit autorisée par la loi de finances de l’année ;

− « que, lorsque l’imposition concernée a été établie au profit de l’État, ce soit une loi de finances qui procède à cette affectation ;

− « et qu’enfin le projet de loi de finances de l’année soit accompagné d’une annexe explicative concernant la liste et l’évaluation de ces impositions » ([273]).

2.   L’accroissement de la fiscalité affectée

En 2013, le Conseil des prélèvements obligatoires faisait le constat d’un « développement intense ces dernières années » de la fiscalité affectée ([274]). Celle-ci a crû de 25 % entre 2007 et 2012, soit une croissance très dynamique par rapport à l’évolution des crédits budgétaires alloués à l’ensemble des opérateurs sur la même période (+ 13 %). Par ailleurs, les dépenses des opérateurs financés par affectation de ressources fiscales ont crû plus rapidement (+ 4,5 %) entre 2007 et 2012 que les dépenses budgétaires de l’État (+ 1,2 %) ([275]).

Cela résulte notamment du contournement des normes mises en place pour contraindre l’évolution de la dépense publique par crédits budgétaires, notamment les normes « zéro volume » et « zéro valeur ».

Le produit des impositions affectées à des personnes morales autres que l’État représente ainsi 254 milliards d’euros en 2018, dont la majorité bénéficie aux régimes de la sécurité sociale (201 milliards d’euros) et aux collectivités territoriales (53 milliards d’euros).

montant des taxes affectées aux secteurs sociaux et locaux

(en millions d’euros)

Description

Exécution 2012

Exécution 2013

Exécution 2014

Exécution 2015

Exécution 2016

Prévision 2017

Prévision 2018

Secteur social

157 435

152 945

156 794

171 362

173 767

175 467

200 930

Secteur local

56 139

59 504

55 649

56 144

50 749

52 346

52 659

Communes

6 027

5 101

6 565

5 866

6 513

6 805

6 852

Groupements de collectivités à fiscalité propre

5 488

6 041

6 079

6 285

5 932

6 046

6 140

Départements

21 955

21 350

21 673

22 662

24 810

25 975

26 115

Régions

6 982

6 412

7 132

7 602

7 522

7 555

7 582

Collectivités territoriales de Corse

115

101

104

104

109

109

109

Collectivités territoriales de l’outre-mer

1 754

1 797

1 928

1 949

1 524

1 524

1 524

Organismes consulaires

1 936

1 910

1 810

1 591

1 460

1 460

1 310

Environnement

2 178

2 152

2 175

2088

2 207

2 158

2 308

Apprentissage

750

763

782

Urbanisme

425

305

Équipement

1 362

1 341

Établissement public local

523

489

501

506

Logement et construction

316

204

 

Transports

6 851

7 027

7 401

7 474

183

213

213

Total

213 574

212 449

212 443

227 506

224 516

227 813

253 589

Source : Gouvernement.

L’augmentation sensible du niveau de taxes affectées au secteur social résulte du relèvement de taux de la CSG au 1er janvier 2018, qui représente un gain de recettes de 22,5 milliards d’euros ([276]).

Les ressources affectées ne relevant ni de la sécurité sociale ni des collectivités territoriales représentent 24 milliards d’euros en 2017, soit 8,6 % du montant total des taxes affectées, dont 12 milliards d’euros aux organismes d’administration centrale.

montant des taxes affectées, en dehors des secteurs sociaux et locaux

(en millions d’euros)

Description

Exécution 2012

Exécution 2013

Exécution 2014

Exécution 2015

Exécution 2016

Prévision 2017

Prévision 2018

Organismes d’administration centrale

12 593

15 616

18 089

12 910

13 082

14 105

11 636

Opérateurs de l’État

5 348

5 251

5 144

6 609

4 893

4 985

3 903

Autres

7 245

10 365

12 945

6 301

8 189

9 120

7 733

Divers

17 866

19 671

20 016

21 757

11 861

12 081

12 214

Secteur de l’emploi et de la formation professionnelle

10 474

10 592

10 236

10 862

7 493

7 586

7 764

Secteur de l’industrie, de la recherche, du commerce et de l’artisanat

595

574

6 248

578

554

592

593

Secteur de l’équipement, du logement, des transports et de l’urbanisme

2 882

3 083

3 270

3 267

3 285

3 358

3 462

Secteur agricole

17

17

20

5

Secteur de l’environnement

3 840

5 354

197

6 866

209

210

140

Logement et construction

133

133

116

116

Divers

58

51

45

46

187

219

139

Total

30 459

35 287

38 105

34 667

24 943

26 186

23 850

Source : Gouvernement.

3.   L’encadrement progressif de la fiscalité affectée

a.   Le plafonnement de taxes affectées à compter de 2012

Compte tenu de sa dynamique, il est apparu indispensable d’encadrer la fiscalité affectée à double titre :

– pour faire participer les bénéficiaires de ces ressources à l’effort de maîtrise de la dépense publique ;

– et prévoir un niveau de leur financement cohérent avec leurs missions de service public.

Ainsi, la loi de finances pour 2012 ([277]) a introduit un plafonnement de certaines taxes affectées à certains opérateurs de l’État ou organismes chargés d’une mission de service public. Ce dispositif d’encadrement budgétaire vise à :

− renforcer le suivi et le contrôle par le Parlement des ressources fiscales affectées aux opérateurs, conformément aux principes budgétaires d’annualité (autorisation annuelle du Parlement) et d’universalité (interdiction d’affecter une ressource à un tiers), qui sont les garants du contrôle parlementaire sur l’emploi des ressources de l’État ;

− ajuster les ressources des opérateurs aux besoins qui leur sont nécessaires pour assurer leurs missions de service public ;

− maîtriser le niveau de la dépense de certains opérateurs de l’État par la régulation de leurs ressources affectées de manière à les inciter à dépenser moins et assurer leur contribution à l’effort de redressement des comptes publics.

Le fonctionnement de ce plafonnement permanent repose sur les dispositions suivantes :

− les affectations de ressources sont autorisées dans la limite d’un plafond soumis annuellement au Parlement. Au-delà de ce plafond, les ressources sont écrêtées au profit du budget général de l’État ;

− les plafonds sont mentionnés par ressource affectée, avec mention de la personne affectataire, dans un tableau unique, prévu en l’espèce à l’article 46 de la loi de finances pour 2012.

b.   L’élargissement progressif du périmètre du plafonnement

Le législateur a prévu en 2012 trois types d’exemptions au plafonnement des taxes affectées :

− les exemptions fondées sur la nature du destinataire de la taxe. Par principe, ont ainsi été exclues du plafonnement toutes les taxes affectées aux administrations de sécurité sociale, aux collectivités territoriales et à leurs établissements et les organismes paritaires ou assimilés ;

− les exemptions fondées sur la nature de la taxe. Ont été exclues les affectations correspondant à des redevances pour service rendu ou appliquant une logique de péréquation au sein d’un secteur économique ;

− les exemptions des organismes pour lesquels la taxe affectée s’accompagne déjà d’un mécanisme indirect de plafonnement, via une subvention d’équilibre portée par le budget général.

Néanmoins, le périmètre du plafonnement des taxes affectées s’est sensiblement élargi depuis sa mise en place en 2012. Le mécanisme du plafonnement recouvrait quarante-cinq taxes ou recettes affectées en 2012, pour un produit global des taxes soumises au plafonnement de 3 milliards d’euros. En 2018, le plafonnement devrait recouvrir 87 taxes ou recettes affectées, représentant un produit global de 9 milliards d’euros.

évolution du nombre et du montant des taxes affectées plafonnées

Années

Nombre de taxes plafonnées*

Produit global des taxes plafonnées**

(en millions d’euros)

Montant de l’écrêtement au profit du budget général de l’État

(en millions d’euros)

2012

46

3 013

136,2

2013

57

5 206

218

2014

59

5 573

296

2015

80

7 914

391

2016

85

9 228

452

2017

89

9 606

825

2018

87

8 970

1 012

*Par convention, le nombre de taxes plafonnées est égal au nombre de lignes figurant à l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2012.

**Par convention, le produit global des taxes plafonnées est égal à la somme des plafonds prévus à l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2012.

Source : Gouvernement.

Toutefois, la portée du plafonnement reste limitée en termes de périmètre (9 milliards d’euros sur 24 milliards d’euros de taxes affectées hors secteurs social et local) et d’objectif de baisse des recettes affectées (un certain nombre de plafonds sont fixés à un niveau supérieur au rendement desdites taxes).

c.   Un renforcement de l’encadrement des taxes affectées plafonnées en loi de programmation des finances publiques

i.   L’intégration des taxes affectées plafonnées dans les normes de dépenses de l’État

Le développement des taxes affectées résulte en grande partie d’une démarche de contournement des normes budgétaires, mises en place à partir de 2004. Celles-ci visaient à maîtriser l’évolution de la dépense et ont ainsi introduit une différence de traitement entre les opérateurs financés par subventions charges de service public, c’est-à-dire par crédits budgétaires (sous norme) et ceux financés par taxes affectées (hors norme).

Selon le Conseil des prélèvements obligatoires ([278]), ce cadre budgétaire nouveau a introduit un « biais important puisque l’État était incité à financer par taxes affectées des dépenses nouvelles, sans effet visible sur la norme de dépenses ».

La loi de finances pour 2008 a amoindri cette différence de contrainte en incluant les nouvelles affectations de taxes sous la norme de dépenses dite « zéro valeur » ([279]), visant à une stabilisation en valeur de la dépense. Depuis 2012, l’ensemble des taxes affectées plafonnées sont incluses dans le périmètre de la norme de dépenses « zéro valeur », que celles-ci soient nouvelles ou existantes ([280]). Cela a eu pour effet de supprimer toute différence de traitement entre un financement par crédits budgétaires et un financement par ressources affectées plafonnées du point de vue des normes de dépenses.

Cette intégration des taxes affectées plafonnées dans le champ des normes de dépenses de l’État a été confirmée par la loi de programmation des finances publiques de 2014 ([281]). Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 adopte une conception identique, incluant les taxes affectées plafonnées au sein des normes de dépenses prévues à l’article 8.

ii.   Les conditions de recours aux taxes affectées et le principe de leur plafonnement

La loi de programmation de finances publiques de 2014 ([282]) a soumis le recours à la fiscalité affectée, à la condition de respecter l’un des trois critères suivants :

– la ressource « est en relation avec le service rendu par l’affectataire à un usager et son montant doit pouvoir s’apprécier sur des bases objectives » ;

– elle « finance, au sein d’un secteur d’activité ou d’une profession, des actions d’intérêt commun » ;

– elle « alimente des fonds nécessitant la constitution régulière de réserves financières ».

L’article 15 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a repris ces trois critères motivant l’institution ou le maintien d’une taxe affectée.

Par ailleurs, la loi de programmation des finances publiques de 2014 a posé le principe général de plafonnement des taxes affectées à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale, à compter du 1er janvier 2016. Ce principe général de plafonnement est repris à l’article 15 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Les affectations de fiscalité dérogeant à ce principe doivent être justifiées au sein de l’annexe Évaluations des voies et moyens, tome I, du projet de loi de finances.

Ces deux principes d’encadrement des taxes affectées apparaissent désormais comme fondamentaux.

iii.   Abandon, par le projet de loi de programmation des finances publiques, des mesures d’encadrement, qui n’étaient pas appliquées

Les lois de programmation des finances publiques de 2012 et de 2014 avaient également fixé des trajectoires de réduction annuelle du produit des affectations de taxes sous plafond ([283]). Toutefois, cette trajectoire n’a pas toujours été respectée en loi de finances.

différence entre l’objectif et la réduction annuelle
des plafonds des taxes affectées

(en millions d’euros courants)

Année

2013

2014

2015

2016

2017

Objectif de réduction annuelle

– 191

– 265

– 283

– 135

– 86

Réduction effective annuelle

– 190

– 211

– 280

+ 70

+ 393

Source : Gouvernement.

Ainsi, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 ne prévoit pas d’objectif de réduction annuelle de la somme des plafonds des taxes affectées. Cela traduit la volonté du Gouvernement de piloter les plafonds plus en fonction de leur adéquation avec les missions de service public dévolues aux organismes bénéficiaires, qu’en termes de recettes supplémentaires à reverser au budget général de l’État.

En outre, la loi de programmation des finances publiques de 2014 avait prévu deux autres mesures d’encadrement des taxes affectées :

– un principe d’affectation ou de réaffectation au budget général de l’État des taxes affectées qui n’auraient pas fait l’objet d’un plafonnement à compter du 1er janvier 2017 ;

– un principe de substitution, qui prévoit que toute nouvelle affectation doit s’accompagner, dans le champ ministériel concerné, de la suppression d’une ou de plusieurs impositions affectées d’un rendement équivalent.

Ces différentes dispositions n’ont pas été appliquées par le précédent Gouvernement. En 2018, les taxes affectées non plafonnées sont encore au nombre de 85, hors les secteurs des collectivités territoriales et de la sécurité sociale. À ce titre, l’annexe Évaluations des voies et moyens, tome I, du projet de loi de finances justifie leur dérogation au principe de plafonnement. Par ailleurs, la pertinence du principe de substitution se heurte à l’affectation de fiscalité en réponse à une nouvelle mission de service public.

En conséquence, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 n’a pas repris ces deux principes.

II.   les mesures proposées

A.   l’intégration de trois taxes au principe du plafonnement

Le présent article vise à intégrer trois taxes au plafonnement prévu à l’article 46 de la loi de finances pour 2012, à compter du 1er janvier 2018.

Nouveaux plafonnements de taxes affectées

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond proposé 2018

Article L. 6331-50 du code du travail

Chambres des métiers et de l’artisanat

39 869

Article L. 6331-50 du code du travail

Fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise inscrits au répertoire des métiers mentionnés au III de l’article 8 de l’ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003

54 000

II de l’article L. 561-3 du code de l’environnement

Fonds de prévention des risques naturels et majeurs

137 000

Source : présent projet de loi de finances.

1.   Le rétablissement du plafond des contributions à la formation professionnelle des artisans

Les 16° et 24° du A du I et le V du présent article visent à rétablir le plafonnement des contributions à la formation professionnelle des artisans. Ces dispositions reprennent pour partie des alinéas de l’article 51 du projet de loi de finances pour 2017, qui avaient été rejetés par le Parlement lors de la discussion du texte.

Ces dispositions visent à revenir sur les effets non anticipés de l’harmonisation des modalités de recouvrement des contributions à la formation professionnelle (CFP) des travailleurs indépendants, prévue à l’article 41 de la loi du 8 août 2016 relative au travail ([284]). Cet article a procédé à une refonte du recouvrement des CFP des travailleurs indépendants à compter du 1er janvier 2018.

Le recouvrement et l’affectation des CFP sont assurés par plusieurs organismes, en fonction du statut de celui qui l’acquitte. L’article précité a regroupé au sein du code du travail l’ensemble du cadre juridique relatif aux CFP.

Les CFP des artisans se décomposent de la façon suivante :

– du droit destiné au conseil de la formation versé aux chambres de métiers et de l’artisanat ;

– et du droit affecté au fonds d’assurance formation des chefs d’entreprises artisanales (FAFCEA).

Ces deux affectations étaient plafonnées aux termes des articles 1601 et 1601 B du code général des impôts, respectivement depuis 2013 ([285]) et 2015 ([286]).

Toutefois, l’article 41 de la loi du 8 août 2016 a pour effet non anticipé de supprimer les deux plafonds d’affectation, à compter du 1er janvier 2018.

Dès lors, le présent article vise à rétablir le plafonnement des CFP affectées aux chambres de métiers et de l’artisanat et au FAFCEA. Le niveau de plafonnement apparaît identique à celui actuellement en vigueur, soit :

– 39,869 millions d’euros au titre de la CFP pour les chambres de métier et de l’artisanat (une nouvelle ligne est insérée au tableau de plafonnement, afin de distinguer d’une part la taxe pour frais de chambre et d’autre part le droit destiné au conseil de la formation, dont les références législatives seront différentes) ;

– et 54 millions d’euros pour le FAFCEA.

L’affectation des CFP versées par les artisans, bénéficiant du régime micro-social, sont réparties selon les mêmes règles entre les chambres de métiers et d’artisanat et le FAFCEA, au prorata des taux applicables. Cependant, celles-ci ne sont pas soumises à plafonnement, aux termes des articles L. 6331-48 du code du travail et 1609 quatervicies B du CGI. À la différence du projet de loi de finances pour 2017, le présent article ne prévoit pas d’élargir le plafonnement d’affectation aux contributions acquittées par les artisans, bénéficiant du régime micro-social. Ainsi, l’avant-dernier alinéa de l’article L. 6331-48 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’article 41 de la loi du 8 août 2016, n’est pas expressément visé par le présent article. Le Gouvernement a confirmé au Rapporteur général que le présent article ne modifiait pas cet équilibre, contrairement à ce qui est indiqué dans l’exposé des motifs.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2017, l’Assemblée nationale avait rejeté l’ensemble des alinéas relatifs au plafonnement des CFP. Cela avait notamment été la conséquence du discours du Président de la République, prononcé le 27 octobre 2016 lors de la quatrième édition du LAB de l’Union professionnelle artisanale (UPA), où celui-ci avait déclaré : « Vous m’avez interpellé aussi sur le fonds d’assurance formation pour les artisans et son déplafonnement. Nous veillerons à ce que le déplafonnement soit bien la règle. »

Toutefois, cette position était contraire au principe de plafonnement des taxes affectées posé en loi de programmation des finances publiques ([287]) et à l’article 51 du projet de loi de finances pour 2017.

Par conséquent, le présent article vise à rétablir le plafonnement d’affectation des CFP des artisans, hors bénéficiaires du régime micro-social, aux chambres de métiers et d’artisanat et au FAFCEA. Il s’agit de remédier à la suppression non-souhaitée des plafonds intervenue lors de la loi du 8 août 2016, applicable à compter du 1er janvier 2018. Le présent article s’inscrit dans le contexte de réaffirmation du principe de plafonnement des taxes affectées, prévue l’article 15 du projet de loi de programmation des finances publiques.

Selon le tome I de l’annexe Évaluations des voies et moyens du présent projet de loi de finances, le rendement prévisionnel en 2018 des CFP affectées aux chambres de métiers et d’artisanat (conseils de formation), pour la part qui ne relève pas du régime micro-social, devrait correspondre au niveau de plafond, soit 39,869 millions d’euros. En revanche, le rendement des contributions affectées au FAFCEA, pour la part qui ne relève pas du régime micro-social, devrait s’élever à 60,8 millions d’euros, soit un reversement au budget général de l’État de 6,8 millions d’euros conformément au plafond prévu par le présent projet de loi ([288]).

2.   Le plafonnement du prélèvement sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles

Le 24° du A du I et le du IV du présent article visent à plafonner l’affectation du prélèvement sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles au Fonds de prévention des risques naturels et majeurs.

Aux termes de l’article L. 561-3 du code de l’environnement, « le taux de ce prélèvement est fixé par l’autorité administrative dans la limite de 12 % ». Depuis le 21 mars 2009, le taux de prélèvement est fixé à cette valeur limite de 12 % ([289]).

Ce prélèvement, versé par les entreprises d’assurances, a un rendement prévisionnel établi à 208 millions d’euros en 2018. Le plafond d’affectation est fixé à 137 millions par le présent article, soit un reversement prévisionnel au budget général de l’État de 71 millions d’euros.

Au 31 décembre 2015, le solde du fonds de prévention des risques naturels majeurs s’élevait à 299 millions d’euros. En 2015, le montant total des ressources perçues par le fonds ressortait à 205 millions d’euros, les dépenses s’établissaient à 123 millions d’euros, soit un surcroît de recettes de 82 millions d’euros ([290]).

B.   une diminution nette globale de 289 millions d’euros du plafonnement des taxes affectées

Le présent projet de loi de finances prévoit une diminution globale de 289 millions d’euros du plafonnement des taxes affectées, via des mouvements de baisses et de hausses de plafonds ([291]).

1.   Les diminutions de plafond

En neutralisation les mesures de périmètre, les baisses de plafonds s’élèvent à 672 millions d’euros au titre de l’année 2018.

baisses de plafond de taxes affectées

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2017

Plafond proposé 2018

Baisse

Article L. 131-5-1 du code de l’environnement

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

448 700

Rebudgétisation

Article 302 bis ZB du code général des impôts (CGI)

Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

571 000

476 800

– 94 200

III bis du présent article

Agences de l’eau

2 300 000

2 105 000

– 195 000

Article 235 ter ZD du CGI

Agence française de développement (AFD)

270 000

Transfert vers le FSD

V de l’article 43 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999)

Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA)

70 000

65 000

– 5 000

Article 1609 C du CGI

Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Guadeloupe

1 615

1 515

– 100

Article 1609 D du CGI

Agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Martinique

1 615

1 515

– 100

Article L. 612-20 du code monétaire et financier

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

190 000

188 000

– 2 000

Article 1609 tricies du CGI

Centre national pour le développement du sport (CNDS)

44 600

34 600

– 10 000

Premier alinéa de l’article 1609 novovicies du CGI

CNDS

159 000

73 844

– 85 156

Troisième alinéa de l’article 1609 novovicies du CGI

CNDS

25 500

Rebudgétisation

Article 59 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999)

CNDS

40 900

25 000

– 15 900

2 du III de l’article 1600 du CGI

Chambres de commerce et d’industrie

376 117

226 117

– 150 000

Article 1601 du CGI et article 3 de la loi n° 48-977 du 16 juin 1948 relative à la taxe pour frais de chambre de métiers applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle

Chambres de métiers et de l’artisanat

243 018

203 149

Création d’une nouvelle ligne d’affectation

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Normandie

17 924

14 970

– 2 954

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Provence-Alpes-Côte d’Azur

83 700

56 500

– 27 200

Article 1601 A du CGI

Fonds national de promotion et de communication de l’artisanat (FNPCA)

9 910

Suppression de la taxe et du fonds

Article 302 bis KH du CGI

France Télévisions

166 066

86 400

– 79 666

Article L. 4316-3 du code des transports

Voies navigables de France (VNF)

132 844

127 800

– 5 044

Total

16

5 152 509

3 686 210

 672 320

Source : présent projet de loi de finances.

a.   Les mesures de périmètre

Le du IV du présent article vise à supprimer l’affectation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Le produit de cette taxe est réintégré au sein du budget général de l’État. Ainsi, le du A du I du présent article supprime par coordination le plafond d’affectation de ladite taxe à l’ADEME. Cela représente une baisse du plafond des taxes affectées de 448,7 millions d’euros. Parallèlement, le financement de l’ADEME sera désormais assuré par crédits budgétaires via le programme Prévention des risques de la mission Écologie, développement et mobilité durables. Les crédits budgétaires en faveur de l’ADEME s’élèveront à 613 millions d’euros en 2018, soit une augmentation de 36 % par rapport au niveau des ressources de l’agence en 2017. Cela répond à une préconisation de la Cour des comptes et vise à « construire une trajectoire budgétaire crédible » pour l’organisme, selon les termes du projet annuel de performances. En outre, la rebudgétisation permettra d’optimiser la gestion des versements de l’État à l’ADEME en cours de gestion. Selon les éléments transmis au Rapporteur général, la trajectoire des recettes de TGAP ne permettait pas d’assurer des reversements de taxe avant les mois de mai ou juin. L’inscription de crédits budgétaires permettra d’assurer des versements dès le début de l’année en fonction de la situation de la trésorerie de l’agence.

Le du II du présent article supprime l’affectation de produit de la taxe sur les transactions financières (TTF) à l’Agence française de développement (AFD), qui s’élève sous plafond à 270 millions d’euros. Celle-ci résulte de l’article 43 de la loi de finances initiale pour 2016 ([292]), qui avait procédé à une affectation du quart du produit de la taxe sur les transactions financières à l’AFD, soit environ 270 millions d’euros. L’article 36 de la loi de finances initiale pour 2017 a procédé au plafonnement de l’affectation à hauteur de 270 millions d’euros et intégré le principe d’affectation de la taxe sur les transactions financières à l’AFD à l’article 235 ter ZD du CGI.

Le Gouvernement souhaite accroître la lisibilité des circuits de financement de l’aide publique au développement en concentrant l’intégralité de l’affectation de la taxe sur les transactions financières au Fonds de solidarité pour le développement (FSD). En conséquence, le 26° du A du I du présent article augmente à hauteur de 270 millions d’euros le plafond d’affectation de la taxe sur les transactions financières en faveur du FSD. Le projet de loi de finances pour 2017 prévoyait un transfert identique de l’affectation de la taxe sur les transactions financières de l’AFD vers le FSD, dans un souci de simplification du « schéma de financement de l’aide publique au développement » ([293]). L’Assemblée nationale avait rejeté cette idée en souhaitant accroître au niveau global les ressources consacrées à l’aide publique au développement.

Le plafond de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises affectée aux chambres de métiers et d’artisanat est abaissé de 39,9 millions d’euros, aux termes du présent article. Cependant, cette diminution est une mesure purement technique, dans la mesure où une nouvelle ligne d’affectation est introduite au profit des chambres de métiers et d’artisanat pour un montant identique (Cf. supra). Il s’agit de modifier la référence législative, sur laquelle est fondée l’affectation de taxe.

Enfin, le présent article supprime la taxe affectée au Fonds national de promotion et de communication de l’artisanat (FNPCA), ainsi que le Fonds par voie de conséquence.

Au total, ces cinq mesures de périmètre représentent 794 millions d’euros.

b.   Les baisses de plafond significatives

i.   L’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), une baisse de plafond de 94,2 millions d’euros

Le plafond d’affectation à l’AFITF de la taxe d’aménagement du territoire (TAT) est abaissé de 571 millions d’euros à 476,8 millions d’euros, soit une diminution de 94,2 millions d’euros. Cette taxe, instituée par la loi de finances pour 1995 ([294]), est due par les concessionnaires d’autoroutes à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers.

Le produit de la taxe est affecté :

– au compte d’affectation spéciale (CAS) Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs, dans la limite d’un montant fixé en loi de finances, correspondant à 42 millions d’euros en 2017 ([295]) ;

– à l’AFITF, dans la limite du plafond prévu à l’article 46 de la loi de finances pour 2012, fixé à 571 millions d’euros en 2017.

La baisse de plafond d’affectation à l’AFITF vise en contrepartie à accroître la part affectée de la TAT au CAS Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs. L’article 22 du présent projet de loi de finances vise à porter cette part de 42 à 141,2 millions d’euros à compter de 2018, soit une augmentation de 99,2 millions d’euros. Cette hausse des recettes du CAS a pour objet de répondre aux engagements de l’État ([296]), visant à :

– augmenter les dépenses du CAS au titre de la politique des trains d’équilibre des territoires (TET) (contributions que l’État doit verser aux six régions reprenant la gestion de certains TET) ;

– réduire la fiscalité sur les trains à grande vitesse, au titre de la contribution de solidarité territoriale (CST).

S’agissant de l’AFITF, cet organisme bénéficiera d’une augmentation de plafond d’affectation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) de 341,4 millions d’euros, visant à garantir le financement de la totalité des dépenses prévues par l’organisme.

Au total, les ressources affectées plafonnées de l’AFITF progresseront de 247,2 millions d’euros, s’établissant à 1,55 milliard d’euros en 2018.

ii.   Les agences de l’eau, une baisse de plafond de 195 millions d’euros

Le du I du présent article vise à diminuer le plafond de taxes affectées aux agences de l’eau de 2,3 millions d’euros à 2,105 millions d’euros, soit une baisse de 195 millions d’euros.

Selon le tome I de l’annexe Évaluations des voies et moyens du présent projet de loi, le rendement prévisionnel desdites taxes devrait être de 2,280 millions d’euros en 2018, soit un reversement prévisionnel au budget général de l’État de 175 000 euros.

Par ailleurs, l’article 54 du présent projet de loi de finances institue à compter de 2018 une contribution annuelle des agences de l’eau au profit de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) à hauteur d’un montant compris entre 240 et 260 millions d’euros et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage à hauteur d’un montant compris entre 30 et 37 millions d’euros. Ces financements se substituent aux crédits budgétaires portés par le programme Paysages, eau et biodiversité. En 2017, les agences de l’eau contribuaient déjà au financement de l’AFB à hauteur de 145 millions d’euros.

Pour rappel, les agences de l’eau ont fait l’objet d’une programmation volontariste dans le cadre de leur Xe programme pluriannuel d’intervention (2013-2018), leurs enveloppes d’intervention ayant été revalorisées de près de 1 milliard d’euros par rapport au IXe programme (2007-2012).

Or, la somme des fonds de roulement des agences de l’eau s’est régulièrement accrue, passant de 631 millions d’euros fin 2015 à 769 millions d’euros au 31 décembre 2016, soit environ trois mois de dépenses. De même, la trésorerie a progressé, s’établissant à 546 millions d’euros fin 2016, au lieu de 412 millions d’euros fin 2015, soit environ deux mois de dépenses.

Pourtant, la situation financière des agences de l’eau s’inscrit dans un contexte de prélèvements récurrents sur leurs ressources, représentant 210 millions d’euros en 2014 et 175 millions d’euros entre 2015 et 2017, aux termes de la loi de finances initiale pour 2015 ([297]).

L’évaluation préalable de l’article 54 indique que « ce secteur présente ainsi un fort potentiel en matière de rationalisation de la dépense publique, s’agissant notamment des dépenses en faveur de la mise en conformité des stations de traitement des eaux usées, de primes de performance épuratoire ou de dépenses en matière de communication d’actions à l’international ».

Ce constat avait également été dressé par la Cour des comptes dans un référé sur la gestion des six agences de l’eau, rendu public le 16 juillet 2015. Celle-ci relevait la forte augmentation (+ 24 %) des redevances perçues par les agences entre 2007 et 2013, leur ayant procuré « une aisance financière certaine » ([298]). Cependant, cette situation financière ne les a pas incitées à accentuer « la sélectivité des aides en les consacrant aux actions prioritaires dans leurs bassins ». Par ailleurs, la Cour a souligné la non-maîtrise des charges de fonctionnement des agences.

iii.   Le Centre national pour le développement du sport (CNDS), une baisse de plafond de 136,6 millions d’euros

Les 10°, 11°, 12° et 13° du A du I du présent article visent à diminuer les quatre plafonds de taxes affectées au Centre national pour le développement du sport, pour un montant total de 136,6 millions d’euros, réparti de la manière suivante :

– une baisse de 10 millions d’euros, au titre des prélèvements sur les paris sportifs organisés par la Française des jeux et les paris sportifs en ligne ;

– une baisse de 85,2 millions d’euros, au titre des prélèvements sur les jeux de loterie ;

– une suppression de l’affectation du prélèvement complémentaire sur les jeux de loterie, à hauteur de 25,5 millions d’euros. Le du II du présent article supprime l’affectation prévue à l’article 1609 novovicies du CGI.

– une baisse de 15,9 millions d’euros, au titre de la contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives.

Au total, l’affectation de taxes vers le CNDS passe de 270 millions d’euros en 2017 à 133,4 millions d’euros en 2018, soit une baisse de 49 %. Selon l’évaluation préalable du présent article, cette diminution significative résulte de la volonté de « clarifier le champ des interventions de l’État dans le secteur du sport en recentrant le CNDS sur les interventions en faveur du "sport pour tous ». La part territoriale du CNDS devrait devenir le principal vecteur de financement, en lien avec une sélectivité accrue des projets. En 2016, le montant de la part territoriale s’est élevé à 130 millions d’euros.

In fine, la diminution des ressources affectées au CNDS se décompose ainsi :

– 63,8 millions d’euros de réduction de la dépense publique ;

– et 72,8 millions d’euros de transferts de dépenses vers le programme budgétaire Sport, en particulier les actions en faveur du sport de haut niveau.

Selon les éléments transmis au Rapporteur général, les économies réalisées seraient liées à la fin du soutien aux équipements de proximité (25 millions d’euros) et du plan d’équipement outre-mer (10 millions d’euros). Le ciblage des aides financières apportées aux fédérations sportives serait également renforcé, représentant une diminution de la dépense de 28 millions d’euros. Enfin, le fonds de concours du CNDS en faveur de l’État serait supprimé.

iv.   Les chambres de commerce et d’industrie, une baisse de plafond de 150 millions d’euros

Le 14° du A du I présent article vise à abaisser le plafond d’affectation de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE) aux chambres de commerce et d’industrie de 376,117 millions d’euros en 2017 à 226,117 millions d’euros en 2018, soit une baisse de 150 millions d’euros représentant 40 %.

Les chambres de commerce et d’industrie sont affectataires de deux taxes, sous plafond :

– la TA-CVAE, visée au III de l’article 1600 du CGI ;

– et la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA-CFE), visée au II de l’article 1600 du CGI.

Selon les informations transmises au Rapporteur général, les ressources, issues des deux taxes affectées, représentent en moyenne 35 % des charges des chambres de commerce et d’industrie, soit 905 millions d’euros ([299]) pour 2,6 milliards d’euros de charges en 2016. Cette proportion doit être retenue avec précaution, eu égard aux fortes disparités de ressources propres entre les chambres de commerce et d’industrie.

En 2017, les ressources issues des taxes affectées s’élèveraient à 775,117 millions d’euros, soit un niveau en baisse de 16 % par rapport à 2017 et de 43 % par rapport à 2013.

Évolution des plafonds de taxes affectées aux CCI

(en milliers d’euros)

Ressource affectée

2013

2014

2015

2016

2017

PLF 2018

Taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises

549 000

549 000

549 000

549 000

549 000

549 000

Taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée

819 000

719 000

506 117

376 117

376 117

226 117

Total

1 368 000

1 268 000

1 055 117

925 117

925 117

775 117

Source : article 46 de la loi de finances pour 2012.

Cette diminution du produit des taxes affectées aux chambres de commerce et d’industrie a résulté de baisses successives de plafonds d’affectation en lois de finances. Le projet de loi de finances pour 2017 prévoyait une nouvelle baisse de plafond de taxes affectées aux chambres de commerce et d’industrie, à hauteur de 60 millions d’euros. Contre l’avis du Gouvernement, le Parlement a rejeté cette baisse de plafond, celui-ci est donc resté stable entre 2016 et 2017.

L’évolution des ressources affectées aux chambres de commerce et d’industrie doit être nuancée, dans la mesure où celles-ci avaient progressé de 20 % entre 2007 et 2012 et de 18 % entre 2002 et 2007. Au total, ces ressources s’établissent en 2017 quasiment au même niveau qu’en 2002, où elles s’élevaient à 977 millions d’euros.

Toutefois, le législateur a également procédé pendant cette période à des prélèvements sur les ressources des chambres de commerce et d’industrie, à hauteur de 670 millions d’euros au titre des lois de finances initiale pour 2014 et 2015.

prélèvements sur les ressources des CCI

Organismes

Fondement législatif

Montant du prélèvement

Entité bénéficiant du prélèvement

Chambres de commerce et d’industrie (CCI)

LFI 2014

170 millions d’euros

Budget général

LFI 2015

500 millions d’euros

Budget général

Source : lois de finances initiales pour 2014 et pour 2015.

Pour l’année 2014, le prélèvement prévu a été opéré sur les ressources de la TA-CFE affectée au fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région. Ce prélèvement n’a été appliqué qu’aux chambres régionales comprenant plus d’une chambre de commerce et d’industrie territoriale dans leur circonscription.

Pour l’année 2015, le prélèvement a été opéré sur les mêmes ressources. Toutefois, un prélèvement d’un même montant a été réalisé à titre de compensation, au profit du fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région sur le fonds de roulement des chambres de commerce et d’industrie disposant plus de 120 jours de fonds de roulement.

Le présent article prévoit de poursuivre la baisse de plafond, avec pour objet :

– de faire participer les chambres de commerce et d’industrie à l’effort de réduction de la dépense publique ;

– de réduire la fiscalité pesant sur les entreprises, le taux de la taxe étant lié au niveau du plafond depuis 2015 ([300]).

Conscient de la nécessité de faire participer les chambres de commerce et d’industrie à l’effort de redressement des finances publiques, le Rapporteur général souhaite que la baisse de plafond puisse se faire en distinguant les situations financières des différentes chambres. À ce titre, la dotation du fonds de péréquation prévu au b du 2 du III de l’article 1600 du CGI pourrait être accrue afin de renforcer la solidarité financière entre les membres du réseau.

v.   France Télévisions, une baisse de plafond de 80 millions d’euros

Le 27° du A du I présent article vise à diminuer le plafond d’affectation de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques dite « TOCE » à France Télévisions. Le plafond d’affectation serait porté de 166,066 millions d’euros à 86,4 millions d’euros, soit une baisse de 79,66 millions d’euros.

Instituée par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle ([301]), la TOCE porte sur les opérateurs de communications électroniques qui fournissent un service en France et qui ont fait l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques (ARCEP) ([302]). Elle est assise sur le montant des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers de ces opérateurs. Elle a été instaurée, afin de compenser le coût pour l’État de la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes de France Télévisions.

La loi de finances pour 2016 a fixé le taux de la taxe à 1,3 % et prévu l’affectation d’une part du rendement de la taxe à France Télévisions ([303]). La loi de finances initiale pour 2017 a posé le principe de l’affectation de la TOCE à France Télévisions, sous plafond fixé à 166 millions d’euros pour l’année 2017 aux termes de l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2012. Le surplus de recettes de la TOCE est reversé au budget général de l’État.

rendement et affectation de la toce

(en millions d’euros)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

LFI 2017

Révisé

2017

PLF

2018

Rendement de la TOCE

181

251

258

180

254

213

201

295

310

294

298

Affectation à France Télévisions

140,5

166,1

166,1

86,4

Reversement au budget général

181

251

258

180

254

213

201

154,2

143,5

128

212

Source : Gouvernement.

L’évaluation préalable du présent article précise que les ressources de France Télévisions issues de la contribution à l’audiovisuel public augmenteront de 50 millions d’euros ([304]). Au total, la baisse de ressources de la société s’élèverait donc à 30 millions d’euros en 2018, pour un montant de concours publics de 2 547,7 millions d’euros en 2017.

2.   Les hausses de plafond

Le présent article vise à augmenter les plafonds de taxes affectées au profit de neuf bénéficiaires, pour un montant de 384 millions d’euros, hors mesures de périmètre.

Hausses de plafond de taxes affectées

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2017

Plafond proposé 2018

Hausse

III de l’article 36 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015

Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

735 000

1 076 377

341 377

H de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre technique des industries de la fonderie

4 000

5 000

1 000

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Poitou-Charentes, devant établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine

9 890

25 500

15 610

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Languedoc-Roussillon, devenant établissement public foncier d’Occitanie

19 231

33 000

13 769

Article 1609 B du CGI

Établissement public foncier et d’aménagement de Guyane

3 000

3 500

500

Article 1609 B du CGI

Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte

125

400

275

I de l’article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005

Fonds de solidarité pour le développement (FSD)

528 000

798 000

Transfert issu de l’AFD

G de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Institut des corps gras

559

709

150

2° du A du XI de l’article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Société du Grand Paris (SGP)

385 000

395 000

10 000

Article 1599 quater A bis du CGI

SGP

66 000

67 000

1 000

Total

9

1 750 805

2 404 486

383 681

Source : présent projet de loi de finances.

a.   Une mesure de périmètre

Le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) bénéficie d’une augmentation de plafond d’affectation de la taxe sur les TTF de 270 millions d’euros. Cette fraction du produit de la taxe précitée est transférée de l’AFD vers le FSD, afin de simplifier le circuit de financement de l’aide publique au développement (Cf. supra). Cette mesure est par conséquent neutre sur le niveau global des plafonds d’affectation.

Cette augmentation de plafond s’inscrit dans un contexte d’extension du champ d’intervention du FSD, aux termes d’un décret du 5 décembre 2016 ([305]). Le FSD n’intervenait que pour le financement de la facilité internationale d’achat de médicaments (UnitAid) et de la facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFim). Désormais, le FSD finance l’IFFim, des « dépenses d’aide multilatérale et, à titre subsidiaire, bilatérale en faveur du développement principalement dans les domaines de la santé, du climat et de l’environnement ». L’annexe du décret de décembre 2016 énumère la liste des vingt-neuf organismes bénéficiaires du FSD.

b.   Une augmentation de plafond significative en faveur de l’Agence
de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

L’AFITF bénéficie d’une augmentation de plafond d’affectation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) de 341,4 millions d’euros (735 millions d’euros en 2017 à 1,1 milliard d’euros en 2018). Cette hausse vise à garantir le financement de la totalité des dépenses prévues par l’organisme.

Le budget initial 2017 de l’opérateur s’est élevé à 2,15 milliards d’euros en recettes et 2,25 milliards d’euros en dépenses. S’agissant de l’exercice 2018, les engagements ne sont pas encore définis, cependant les ressources prévisionnelles de l’AFITF ont notamment vocation à financer :

– les travaux de construction des lignes à grande vitesse ;

– la poursuite de la modernisation et la régénération du réseau fluvial ;

– les appels à projet en cours pour les transports collectifs urbains ;

– les contrats de plan État-régions ;

– les travaux de réalisation de la nouvelle route du littoral à La Réunion ;

– et la poursuite de la modernisation des matériels roulants des trains d’équilibre du territoire.

L’augmentation de plafond de l’AFITF représente 89 % des augmentations de plafonds prévues par le présent article, hors la mesure de périmètre relative à l’affectation de la taxe sur les transactions financières.

3.   Les plafonds stabilisés

Le présent article maintient à un niveau stable soixante plafonds de taxes affectées par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.

stabilité du plafond de 60 taxes affectées

(en milliers d’euros)

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond

Article 706-163 du code de procédure pénale

Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC)

6 306

Article 232 du CGI

Agence nationale de l’habitat (ANAH)

21 000

1° de l’article L. 342-21 du code de la construction et de l’habitation

Agence nationale de contrôle du logement social

6 450

2° de l’article L. 342-21 du code de la construction et de l’habitation

Agence nationale de contrôle du logement social

11 334

b du III de l’article 158 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011

Agence nationale des fréquences

2 850

a du III de l’article 158 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES)

2 000

I de l’article L. 5141-8 du code de la santé publique

ANSES

4 000

II de l’article L. 5141-8 du code de la santé publique

ANSES

4 500

Article 130 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007

ANSES

15 000

III de l’article 134 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2008

Agence nationale des titres sécurisés (ANTS)

11 250

Article 1628 ter du CGI

Agence nationale des titres sécurisés

7 000

Article 46 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 (I de l’article 953 du CGI)

ANTS

126 060

Article 46 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 (IV et V de l’article 953 du CGI et article L. 311-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile)

ANTS

14 490

VI de l’article 135 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009

ANTS

36 200

Article 1605 nonies du CGI

Agence de services et de paiement

12 000

Article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail

6 300

Article L. 341-6 du code forestier

Agence de services et de paiement

2 000

Articles L. 621-5-3 et suivants du code monétaire et financier

Autorité des marchés financiers (AMF)

94 000

Article L. 2132-13 du code des transports

Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER)

8 300

Article 1609 sextricies du CGI

ARAFER

1 100

Article 1609 septtricies du CGI

ARAFER

2 600

Article 77 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Association pour le soutien du théâtre privé

8 000

Article 1609 nonies G du CGI

Fonds national d’aide au logement

45 000

Article 224 du code des douanes

Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL)

38 500

F de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre d’étude et de recherche de l’industrie du béton (CERIB) ; Centre technique de matériaux naturels de construction (CTMNC)

14 000

a de l’article 1609 undecies du CGI

Centre national du livre (CNL)

5 300

b de l’article 1609 undecies du CGI

CNL

29 400

Article 76 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV)

50 000

Article 1604 du CGI

Chambres d’agriculture

292 000

II de l’article 1600 du CGI

Chambres de commerce et d’industrie

549 000

D de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Comité de développement et de promotion de l’habillement (DEFI)

10 000

A de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Comité professionnel de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois (CODIFAB) ; Institut technologique filière cellulose, bois, ameublement (FCBA) ; Centre technique des industries mécaniques (CETIM)

13 300

B de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Comité professionnel de développement cuir, chaussure, maroquinerie (CTC)

13 250

Article 72 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre technique de la conservation des produits agricoles

2 900

I de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre technique industriel de la plasturgie et des composites

6 500

E de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centres techniques industriels de la mécanique (CETIM, Centre technique des industries mécaniques et du décolletage, Centre technique industriel de la construction métallique, Centre technique des industries aérauliques et thermiques, Institut de soudure)

70 050

Articles 1607 ter du CGI et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Lorraine

25 275

Établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes

30 769

Établissement public foncier d’Île-de-France

192 747

Établissement public foncier de Bretagne

21 648

Établissement public foncier de Vendée

9 890

Établissement public foncier Nord-Pas-de-Calais

74 725

Article L. 2221-6 du code des transports

Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF)

10 200

Article 1601 B du CGI

Fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise inscrits au répertoire des métiers mentionné au III de l’article 8 de l’ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003

54 000

1° du A du XI de l’article 36 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017

Fonds national d’aide au logement

116 100

Article 1635 bis A du CGI

Fonds national de gestion des risques en agriculture

60 000

VI de l’article 302 bis K du CGI

FSD

210 000

Article 75 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

FranceAgriMer

3 977

Article 1619 du CGI

FranceAgriMer

17 500

Article 1606 du CGI

FranceAgriMer

650

Article L. 236-2 du code rural et de la pêche maritime

FranceAgriMer

2 000

Articles L. 236-2-2 et L. 251-17-2 du code rural et de la pêche maritime

FranceAgriMer

2 000

C de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Comité professionnel de développement de l’horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l’orfèvrerie et des arts de la table (Francéclat)

13 500

Article L. 642-13 du code rural et de la pêche maritime

Institut national de l’origine et de la qualité (INAO)

7 500

Article L. 137-24 du code de la sécurité sociale

Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES)

5 000

Article 96 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

62 500

Article L. 423-27 du code de l’environnement

Office national de la chasse et de la faune sauvage

67 620

Article 1609 G du CGI

SGP

117 000

Article 1609 quatervicies A du CGI

Personnes publiques ou privées exploitant des aérodromes

55 000

Article L. 2333-57 du code général des collectivités territoriales

Organismes mentionnés à l’article L. 742-9 du code de la sécurité intérieure

1 000

Total

60 taxes

2 702 541

NB : par convention, le nombre de taxes correspond au nombre de lignes figurant à l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2012.

Source : présent projet de loi de finances.

C.   les autres mesures proposÉes

1.   La suppression de la taxe affectée au Fonds national de promotion et de communication de l’artisanat (FNPCA)

Le du II du présent article vise à supprimer la taxe affectée au Fonds national de promotion et de communication de l’artisanat (FNPCA), prévue à l’article 1601 A du CGI. En conséquence, le 25° du A du I supprime le plafond d’affectation.

Instituée par l’article 108 de la loi de finances pour 1994 ([306]), la taxe correspond à un droit égal à 10 % du montant du droit fixe revenant aux chambres régionales de métiers et de l’artisanat ou aux chambres de métiers et de l’artisanat de région.

Celle-ci est la source exclusive de financement du FNPCA, établissement public administratif créé en 1997, qui a pour mission de contribuer au développement du secteur économique de l’artisanat en valorisant son image et celle de ses professionnels ([307]).

Selon le tome I de l’annexe Évaluations des voies et moyens du projet de loi de finances pour 2017, le rendement de la taxe permettrait un versement de 9,91 millions d’euros au FNPCA et un écrêtement au profit du budget général de l’État de 84 000 euros en 2017.

L’évaluation préalable annexée au présent projet de loi de finances précise l’objet de la suppression de la taxe affectée au FNPCA, qui « permettra une diminution de la fiscalité acquittée par les entreprises artisanales ».

2.   La pérennisation et le renforcement du financement du Fonds national des aides à la pierre via les organismes d’habitations à loyer modéré

Le III du présent article vise à pérenniser et à accroître le financement du Fonds national des aides à la pierre (FNAP) via les organismes d’habitations à loyer modéré (HLM).

Les ressources du fonds sont prévues à l’article L. 435-1 du code de la construction et de l’habitation. À ce titre, une fraction des cotisations versées à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) par les organismes précités, les sociétés d’économie mixte agréées et d’autres organismes agréés finance le FNAP. Cette fraction a été fixée à 270 millions d’euros en 2016 et en 2017.

Le présent article prévoit que « cette fraction est fixée à 375 millions d’euros », soit une augmentation de 39 %, « à compter de 2018 », c’est-à-dire de façon pérenne. Cela a pour objet de poursuivre et renforcer la péréquation au sein du secteur HLM, selon l’évaluation préalable annexée au présent projet de loi de finances. Ces ressources devront financer le logement social, selon une orientation définie par le conseil d’administration du FNAP, réunissant l’État, les collectivités territoriales et les organismes HLM.

Créé par la loi de finances pour 2016 ([308]), le FNAP est un établissement public à caractère administratif chargé de « contribuer, sur le territoire de la France métropolitaine, au financement des opérations de développement, d’amélioration et de démolition du parc de logements locatifs sociaux appartements aux organismes d’habitations à loyer modéré » ([309]).

Le FNAP est financé via :

– une fraction des cotisations des bailleurs à la CGLLS, visée dans le présent article ;

– des subventions et contributions de l’État ;

– des subventions et contributions des collectivités territoriales et de toutes autres personnes publiques ;

– la majoration du prélèvement prévu par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

En 2016, le budget initial du FNAP s’établissait à 401 millions d’euros, dont 100 millions d’euros de subventions de l’État. Le présent article prévoit, par conséquent, une montée en charge rapide et significative des moyens du fonds.

*

*     *

 

La commission examine les amendements identiques I-CF129 de Mme Émilie Bonnivard, I-CF152 de Mme Véronique Louwagie, I-CF307 de M. Joël Aviragnet, I-CF423 de Mme Valérie Rabault, I-CF504 de M. Éric Coquerel et I-CF664 de M. Michel Castellani.

Mme Émilie Bonnivard. Mon amendement I-CF129 vise à restaurer les moyens des agences de l’eau. L’article 19 prévoit une baisse de 195 millions d’euros du plafond de recettes liées aux redevances, de 2,3 milliards à 2,1 milliards d’euros, à quoi il faudra ajouter les mesures de l’article 54, à savoir la hausse de la contribution annuelle des agences de l’eau à l’Agence française pour la biodiversité (AFB) ainsi qu’à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), qui s’élèvera pour les agences de l’eau à 287 millions – ce qui signifie 147 millions de moins dans leur budget. C’est près de 1 milliard d’euros en moins sur la programmation 2019-2024 pour Rhône-Méditerranée-Corse. Or les agences de l’eau sont un des premiers cofinanceurs des dispositifs de substitution d’eau en agriculture pour améliorer la performance de l’irrigation agricole. Sans ces cofinancements, nous ne pourrons plus lever les fonds européens dédiés, qui sont les principaux pourvoyeurs de fonds de ces infrastructures d’envergure qui coûtent très cher.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement I-CF152 est identique. Il est actuellement demandé beaucoup plus à la politique de l’eau, notamment avec la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) au niveau des EPCI. Des travaux sont engagés, les demandes sont importantes. Au moment où la sollicitation des agences de l’eau augmente, il n’est pas cohérent de diminuer leurs ressources.

M. Jean-Louis Bricout. Cette baisse de dotations aux agences de l’eau arrive en effet à un très mauvais moment, alors que s’exprime une forte demande. Nous devrions au moins respecter les engagements contractuels pris par les agences dans le cadre de leur dixième programme, qui a vu augmenter considérablement les subventions des agences aux opérations des collectivités territoriales. Avec une baisse de leurs ressources dès 2018 et l’augmentation des exigences de l’État sur l’utilisation de ces ressources, cela va devenir très compliqué, alors que la GEMAPI se met en place, que des diagnostics sont en train d’être réalisés par les communes à la suite de la fusion des syndicats. Il faudrait que les moyens des agences puissent suivre.

Mme Christine Pires Beaune. Nous avons examiné la semaine dernière, en commission des lois, la proposition de loi pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d’agglomération. J’ai entendu les arguments des députés de la majorité sur la nécessité de conduire des travaux pour améliorer le rendement. Je trouve incohérente la ponction opérée par l’article 19, qui vient s’ajouter à celles des années passées. D’où notre amendement I-CF423.

M. Éric Coquerel. Notre amendement I-CF504 est identique : nous sommes ainsi plusieurs groupes parlementaires à être inquiets de cette baisse des finances des agences de l’eau. C’est le cas aussi d’associations telles que France Nature Environnement, qui tirent la sonnette d’alarme. Avec cet abaissement du plafond, combiné à l’article 54 du projet de loi, qui ponctionne les budgets des agences pour financer l’AFB et l’ONCFS, le solde négatif atteindra, comme l’indique mon rapport spécial, 136 millions d’euros pour les agences, au moment même où on leur confie des missions supplémentaires, notamment sur la question du littoral. L’eau est un sujet essentiel, et l’on ne peut pas faire plus avec moins. Les travaux d’entretien vont en souffrir et nous regretterons amèrement cette perte dans une dizaine d’années.

M. Michel Castellani. Mon amendement I-CF664 a le même objet. L’abaissement de 195 millions d’euros du plafond annuel de ressources et l’article 54 compromettent gravement les capacités d’intervention des agences de l’eau, et viennent en contradiction avec l’accroissement objectif de leurs missions et la volonté du Gouvernement d’agir en faveur de la transition écologique. Les agences risquent d’être incapables d’honorer les engagements contractuels qu’elles ont pris.

M. le Rapporteur général. Le prélèvement sur fonds de roulement a été amorcé en 2014 et se poursuit car les recettes des agences de l’eau, supérieures à leurs dépenses, les ont conduites à stocker non pas de l’eau, mais des fonds... En dépit de prélèvements successifs, leur trésorerie s’établissait à 546 millions d’euros en 2016 contre 412 millions fin 2015, et leurs fonds de roulement continuent de progresser, à 769 millions au 31 décembre 2016 contre 631 millions fin 2015. S’il est des organismes qui doivent participer à l’effort de maîtrise de la dépense publique, ce sont bien les agences de l’eau.

Jusqu’à une date récente, je présidais, en tant que maire, un comité de massif. Les agences de l’eau étaient des partenaires majeurs dans les procédures contractuelles. Or nous risquons de devoir rendre des fonds tout simplement parce que les modes opératoires choisis, de manière d’ailleurs très différente selon les agences régionales de l’eau, sont incompatibles avec les projets que les élus ou les associations demandent de mettre en œuvre. Le système est à réformer. Je le dis d’autant plus facilement que les présidents de ces agences sont des élus... On ne peut continuer à constituer un trésor de guerre qui de surcroît se trouve d’année en année renforcé du fait de la non-utilisation des fonds. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF473 de Mme Muriel Ressiguier et I-CF544 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. L’amendement I-CF544 vise à déplafonner la partie de la TTF consacrée à l’APD. Cette ressource est pour moitié consacrée à l’APD et, pour l’autre moitié, revient au budget de l’État. L’amendement demande de consacrer l’intégralité de la taxe à l’APD. Le Président de la République a fixé une trajectoire de l’APD pour atteindre 0,55 % du PIB d’ici à la fin de son mandat. Nous soutenons cette démarche car un euro investi dans l’APD est un euro pour la paix et la prospérité ; c’est certainement un des meilleurs investissements que la France puisse faire. Malheureusement, pour y parvenir, les dispositions du budget 2018 sont largement insuffisantes et nous placent sur une trajectoire à l’horizon 2030.

M. le Rapporteur général. Le projet de loi de finances entend limiter le fractionnement des canaux de l’APD en le faisant passer exclusivement par le circuit du Fonds de solidarité pour le développement. C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.

La commission rejette ces amendements.

La commission examine ensuite, en présentation commune, l’amendement I-CF667 de M. Michel Castellani, les amendements identiques I-CF202 de Mme Sarah El Haïry et ICF668 de M. Michel Castellani, ainsi que les amendements I-CF539 du Rapporteur général et I-CF669 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Le Centre national pour le développement du sport (CNDS), établissement sous tutelle du ministère des sports, développe la pratique du sport, contribue à l’aménagement du territoire et soutient les grands événements sportifs internationaux comme les Jeux olympiques de Paris en 2024. Il contribue à l’emploi de plus de 5 000 personnes dans le secteur sportif. La perte de recettes prévue se justifie difficilement. Mes trois amendements visent à maintenir à budget constant les ressources du centre.

Mme Sarah El Haïry. Notre amendement propose, dans le même esprit, de supprimer l’alinéa 13 de cet article 19. Alors que les Jeux olympiques de 2024 auront lieu à Paris, on retire des ressources au CNDS... C’est difficilement compréhensible.

M. le Rapporteur général. Il faut que nous ayons ce débat tous ensemble, de manière solidaire, avec le Gouvernement en séance publique. Cela étant, les effets collatéraux de la baisse de plafond du prélèvement porteront surtout sur le CNDS territorialisé, c’est‑à‑dire celui qui permettra à des associations de développer des projets localement. Je vous propose de nous rejoindre sur l’amendement I-CF539, qui vise à réduire de 63,8 millions d’euros la baisse du plafond, en vue d’aboutir à un compromis pour que les moyens dévolus au sport territorial ne disparaissent pas.

Au-delà du fait que les contrats aidés provoquaient souvent des effets d’aubaine, il se trouve que les mesures correctives concernent peu le secteur sportif ; les bénéficiaires de contrats aidés dans le secteur ne sont pas des personnes de plus de 50 ans éloignées de l’emploi. Et, sauf pour le sport handicap, ce n’est pas non plus de l’accompagnement de personnes handicapées.

Les amendements I-CF667, I-CF202, I-CF668 et I-CF669 sont retirés.

La commission adopte l’amendement I-CF539 du Rapporteur général (amendement n° I-601).

Elle examine en discussion commune les amendements identiques ICF151 de Mme Véronique Louwagie, I-CF610 de M. Charles de Courson et I-CF670 de M. Michel Castellani, les amendements identiques I-CF76 de Mme Émilie Bonnivard et ICF611 de M. Charles de Courson, les amendements identiques I-CF538 du Rapporteur général et ICF674 de la commission des affaires économiques, ainsi que les amendements ICF224 de M. Philippe Latombe et I-CF675 de la commission des affaires économiques.

Mme Véronique Louwagie. Mon amendement vise à proposer une solution autre qu’une nouvelle diminution des affectations aux chambres de commerce et d’industrie (CCI). Les CCI ont subi ces dernières années d’importantes diminutions : prélèvements sur fonds de roulement  170 millions d’euros en 2014 et 500 millions en 2015 –, baisse sur la taxe affectée de 130 millions en 2016. Et ce budget propose une nouvelle baisse de 150 millions. Il faut tenir un débat sur les missions que nous souhaitons voir maintenues ou développées au niveau des CCI. On ne peut continuer ces ponctions sans donner un signal.

On se plaint régulièrement que des services disparaissent des territoires ruraux. Cette situation a conduit à des regroupements des services de CCI au niveau des grandes villes et les territoires ruraux ont perdu des personnels dont la mission était d’aider au développement économique et de soutenir le commerce local.

Mme Lise Magnier. Vous nous demandez souvent d’attendre. Dans l’agriculture, par exemple, vous demandez d’attendre les résultats des états généraux de l’alimentation. Sur les CCI, et sur les chambres consulaires de façon plus générale, une mission de l’Inspection générale des finances est en cours pour redéfinir leurs missions, alors pourquoi prendre aujourd’hui la décision de diminuer leur dotation, avant même d’avoir redéfini les objectifs de ces chambres et même défini votre politique de formation ?

M. Michel Castellani. Mon amendement vise également à supprimer l’alinéa 16. Chacun connaît le rôle très important, pour ne pas dire décisif des CCI, et ce que prévoit le projet de loi serait catastrophique, tant sur le plan national comme pour les territoires en difficulté économique.

Concernant la Corse, cette nouvelle perte de budget représenterait quelque 1,2 million sur les 6,7 millions affectés aux trois CCI de l’île. Cela limiterait leur intervention au fonctionnement et aux affaires courantes, obérant gravement les capacités d’investissement.

Mme Émilie Bonnivard. La taxe pour frais de chambre est un outil de péréquation financé par les grandes entreprises et qui bénéficie essentiellement aux TPE. Mécaniquement, cette baisse brutale de la taxe sur les friches commerciales se traduira par une fragilisation des services apportés aux petites entreprises, notamment en zone rurale. Avec la baisse de 450 millions aux régions pour cet accompagnement, la note est très salée. Mon amendement est un amendement de repli qui vise à lisser la baisse des ressources affectées aux CCI sur cinq ans, mais je préférerais que soit adopté l’amendement de Mme Louwagie.

Mme Lise Magnier. L’amendement I-CF611 a le même objet. Le montant global du produit des taxes en 2017 était de 389 millions d’euros et le plafonnement est à 371 millions, ce qui signifie que l’État se met déjà dans la poche 13 millions d’euros. Je pense que cela suffit...

M. le Rapporteur général. À la suite d’une négociation avec le Gouvernement, nous avons reçu l’engagement que cette baisse de plafond serait « one shot », autrement dit qu’elle ne serait pas renouvelée l’an prochain. Nous ne sommes donc plus dans une logique de baisse tendancielle : c’est un effort unique demandé cette année. Dans ce cadre, je propose par mon amendement I-CF538 de réduire de 20 millions d’euros la baisse du plafond d’affectation de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée, en miroir à l’amendement que nous avons déposé, et qui a la faveur du Gouvernement, dans lequel nous proposons d’augmenter la péréquation en faveur des CCI situées dans des secteurs ruraux où 66 % de des collectivités sont en zone de revitalisation rurale (ZRR).

Le fonds de péréquation et de modernisation mis en place dans la loi de finances pour 2016 à l’issue, là aussi, d’un bras de fer avec le gouvernement de l’époque, a permis de soutenir efficacement les chambres de commerce et d’industrie rurales qui gèrent parfois des centres de formation d’apprentis (CFA) en lieu et place des régions – la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, par exemple, ne se rend pas compte qu’il est nécessaire d’implanter des CFA sur le tourisme dans les Alpes, preuve que les féodalités ne sont pas seulement nationales mais parfois aussi régionales...

Ce à quoi il faut ajouter que, à chaque fois qu’un prélèvement a été effectué sur le fonds de roulement sous la législature précédente, ce sont les petites chambres de commerce, qui géraient leurs fonds de roulement « en bons pères de famille » – autrement dit qui mettaient 400 000 euros de côté pour les travaux d’entretien du CFA ou autre afin de ne pas devoir emprunter – qui ont été prélevées ; les plus grosses, en revanche, ont titré leurs fonds de roulement... Cela a abouti à une situation complètement contradictoire, dans laquelle les grosses chambres de commerce avec de gros fonds de roulement, mais qu’elles avaient titrés, ont été moins prélevées que les petites. Nous avons donc imaginé cette « ruse », à défaut d’avoir pu obtenir que le calcul de la baisse de plafond soit différencié, ou plutôt modulé selon que le fonds avait ou non été titré, afin de préserver des chambres de commerce qui avaient payé un lourd tribut en zones rurales. Les chambres de commerce ne sont pas toutes les mêmes : certaines apprécient les cocktails, d’autres préfèrent accorder des aides aux entreprises, notamment en milieu rural. Je serai franc, comme à l’accoutumée : j’ai parfois été surpris par le faste des plus grandes d’entre elles.

Compte tenu de l’engagement du Gouvernement d’appliquer une procédure ponctuelle et d’accroître la péréquation de 20 millions d’euros, la faisant passer de 25 à 45 millions, je retire mon amendement de relèvement du plafond et je donne un avis défavorable à tous les autres amendements de même type au profit de cette péréquation. En toute franchise, je n’exclus pas, ayant constaté que des scories du monde ancien persistent sous la forme de petites chambres de commerce infradépartementales dans de très petits départements, de déposer un amendement en séance qui obligera à un processus de fusion au niveau départemental. Le but ne sera pas de refuser les fonds en l’absence de fusion, mais seulement en cas de non-lancement d’un processus de fusion. Huit chambres de commerce sont concernées. Que plusieurs chambres de commerce coexistent dans un même département selon que l’on se trouve dans le coin de gauche ou le coin de droite des hautes ou des basses Pyrénées, par exemple, n’a guère de sens.

L’amendement I-CF538 est retiré.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. L’amendement I-CF674 de la commission des affaires économiques est identique, mais je ne peux pas le retirer comme vient de le décider souverainement M. Giraud pour le sien. Nous avons entendu les arguments qu’il vient de développer de la part des représentants des CCI et de CCI France. Le rôle et les missions actuelles des chambres de commerce sont connus, que ce soit en matière de formation, d’apprentissage – un véritable défi – ou encore s’agissant de l’accompagnement des entreprises à l’international, de leur modernisation, de leur numérisation, en somme de toutes leurs missions fondamentales. De même, la disparité des CCI territoriales les unes par rapport aux autres justifie cet amendement nécessaire à venir sur la péréquation. À l’évidence, ce n’était pas ce qu’attendaient les CCI, qui souhaitaient soit un étalement, soit un prélèvement unique d’un montant inchangé de 150 millions sans qu’il soit touché au plafond, mais si, comme le Rapporteur général vient de l’indiquer, l’engagement du Gouvernement est entendu, y compris dans l’hémicycle, CCI France pourra y trouver selon moi une satisfaction relative.

M. Philippe Latombe. Mon amendement vise à établir une équité en faveur des CCI ultramarines, qui se trouvent dans une situation particulière. Leur regroupement est difficile, en effet, pour des raisons géographiques. Surtout, depuis le 1er janvier 2016, les CCI ultramarines sont les gestionnaires du registre du commerce et des sociétés pour l’ensemble de ces territoires. Lancée afin d’aller bien plus loin encore, cette expérimentation n’a été mise en place qu’à partir du 1er janvier 2016. Compte tenu de la baisse de ressources qui en découle, il pourrait être bon de maintenir les ressources des CCI à un niveau qui leur permette de continuer à fonctionner correctement. Pour financer cette exemption, on pourrait très bien envisager la création d’une taxe sur le groupement d’intérêt économique Infogreffe à hauteur de 15 millions d’euros. En effet, dans la mesure où les CCI gèrent le registre du commerce et des sociétés, elles pourraient être bénéficiaires des fonds dégagés par Infogreffe, sachant que ce GIE ne dépose pas ses comptes et que les profits estimés s’établiraient aux alentours de 50 à 60 millions d’euros par an pour l’ensemble des greffiers des tribunaux de commerce des territoires.

En clair, l’idée est donc de créer une exception pour ces CCI, qui ne bénéficieraient pas de manière optimale de la péréquation telle que la propose le Rapporteur général, exception qui serait gagée par une taxe spécifique sur Infogreffe.

M. le Rapporteur général. Il est vrai que j’ai omis d’évoquer l’outre-mer dans mon intervention précédente, et je m’en excuse. Le fonds de péréquation qu’il est prévu d’augmenter concerne à la fois les CCI dont le territoire est constitué d’au moins deux tiers de communes en zone de revitalisation rurale et l’outre-mer. J’entends vos observations sur la spécificité des territoires d’outre-mer, et sur l’écart qui peut exister entre notre volonté de fusion en outre-mer et dans un département comme l’Allier – je cite au hasard, madame Peyrol. Il va de soi que prendre l’avion entre deux îles et se déplacer sur un territoire homogène sont deux choses différentes.

M. Philippe Latombe. Je retire mon amendement en souhaitant que l’on puisse débattre de l’application de la péréquation pour les CCI d’outre-mer, et que l’on envisage de gager le cas échéant cette exception par une taxe sur Infogreffe, peut-être pas cette année mais l’année prochaine.

L’amendement I-CF224 est retiré.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. L’amendement I-CF675 de la commission des affaires économiques vise à moduler la baisse du plafond applicable aux chambres de métiers et de l’artisanat (CMA), qui connaissent déjà des déficits d’exploitation importants. Leur rôle très efficace de soutien aux CFA est connu, de même que la mutualisation des principales fonctions support – ressources humaines et gestion comptable, par exemple – qu’elles ont opérée au niveau national. Aujourd’hui, elles doivent affronter l’imposition du point d’indice et absorber la CSG. Il serait donc utile de réviser l’abaissement du plafond en le relevant de 10 millions d’euros par rapport à ce que prévoit le projet de loi.

M. le Rapporteur général. Je note que le projet de loi de finances maintient un niveau de ressources des CMA assez stable, contrairement à d’autres organismes consulaires. Il est vrai qu’il supprime le fonds national de promotion et de communication de l’artisanat, qui recevait 9,9 millions d’euros de ressources fiscales affectées.

En toute franchise, l’effort demandé aux CMA est proportionnel par rapport à ce qui a été demandé aux autres organismes. Je propose donc le retrait de cet amendement, qui se traduirait par une perte de 10 millions d’euros pour le budget général de l’État.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. Je ne peux pas retirer cet amendement. Je signale, qu’il s’agisse des CCI les plus pauvres ou des CMA, qu’il existe un risque de mise sous tutelle, puisque les fonds de garantie peuvent manquer. Il faut en tenir compte.

Mme Christine Pires Beaune. S’agissant des CCI, cela me semble incohérent, notamment au regard de tout ce que la majorité entend faire – à juste raison – sur l’apprentissage. Les CCI gèrent de nombreux CFA, et les ponctions qui leur ont déjà été imposées, comme l’a indiqué le Rapporteur général – je l’en remercie – l’ont été de manière totalement inéquitable : les petites CCI qui avaient bien géré leurs fonds et mis de l’argent de côté, notamment pour reconstruire une école de commerce dans un département que je connais bien, ont subi des ponctions très importantes. Du coup, l’école en question n’a pu être construite. Je rappelle que Monique Rabin a effectué sur la mise en place du fonds de péréquation un travail important qu’il convient de poursuivre.

M. Jean-Louis Bricout. Je me fais à mon tour l’avocat des CCI : comme toujours, les dispositions prises précédemment produisent un effet cumulatif, le siphonage de la trésorerie ayant posé certains problèmes, notamment aux plus petites chambres, de façon quelque peu injuste. Je rappelle qu’il s’agit d’enjeux essentiels : tous les élus locaux présents savent bien quel soutien ils peuvent attendre des CCI lorsqu’ils mettent en place des programmes tels que le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC), qui ont de réelles incidences sur les villes centres et la ruralité, ou le programme Dinamic, développé dans ma circonscription, l’un des principaux enjeux économiques étant de faire grandir nos entreprises. Enfin, nous voulons développer l’apprentissage, ce qui ne saurait se faire tout en coupant les moyens dont les CCI ont besoin pour les CFA.

Mme Lise Magnier. L’engagement du Gouvernement concernant le caractère ponctuel de la mesure, monsieur le Rapporteur général, signifie-t-il que le niveau de 2017 sera rétabli en 2019 ?

M. le Rapporteur général. Non : nous arrêtons les compteurs en 2018. Le niveau de 2019 sera donc celui de 2018.

Mme Lise Magnier. J’espère qu’entre-temps, il aura été tenu compte des résultats de la mission de l’Inspection générale des finances, qui semblent déjà connus.

Autre question : les 150 millions d’euros prévus englobent-ils les 30 millions que les CCI perçoivent pour faire office de boîte aux lettres au profit de France Télécom ? On parle de sincérisation du budget, mais il y a là un loup que les CCI nous ont gentiment expliqué : 30 millions d’euros leur sont versés, qu’ils reversent automatiquement à France Télécom. Elles ne servent donc que de boîte aux lettres. N’y a-t-il pas quelque chose à faire en matière de sincérisation du budget ?

M. le Rapporteur général. Un amendement a été déposé sur ce sujet, que je ne connais pas assez pour pouvoir vous répondre ici au risque de vous dire une bêtise. Je vais l’examiner.

Mme Cendra Motin. En tant qu’ex-chef d’entreprise et présidente d’une association d’entreprises, j’ai beaucoup travaillé avec les CCI dans le cadre de partenariats. Lors des ponctions qu’ils avaient imposées sur les fonds des CCI, les précédents gouvernements avaient trouvé dans les clubs d’entreprises de vrais relais pour continuer de travailler avec les entreprises sans que cela ne leur coûte un sou. Pour en avoir discuté avec plusieurs présidents de CCI, je pense qu’il existe encore des moyens de faire des économies et des mutualisations. Dans mon département, par exemple, il y a encore deux CCI. Certes, l’Isère est un grand département, mais cela reste une anomalie – je rejoins le Rapporteur général sur ce point.

De plus, les procédures évoluent, notamment par une forte numérisation qui permet aux CCI de passer de moins en moins de temps sur ce type de process. Là encore, il est possible d’économiser de l’argent. Surtout, je voudrais que nous fassions confiance aux CCI et aux gens qui les gèrent : ce sont des chefs d’entreprise et des gens responsables qui savent gérer de l’argent. Ils sont capables de faire en sorte que les CCI qui ont besoin d’un soutien le trouvent grâce à un fonds de péréquation. Ils sauront sauver les CCI qui doivent rester présentes sur les territoires.

De notre côté, il est important – c’est ce que je soutiens par ces amendements – que nous donnions le signal fort qu’il s’agit du seul effort que nous demanderons aux CCI afin qu’elles puissent elles aussi, comme les entreprises, avoir de la visibilité sur notre quinquennat et qu’elles sachent où nous allons avec elles.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. J’ai moi aussi entendu cet engagement et ce sens des responsabilités. Le niveau de 2018 correspondra à celui de 2002 : d’abaissement en abaissement, voilà où nous en sommes et où les CCI en sont...

Mme Valérie Rabault. Je me méfie des engagements consistant à dire que la ponction aura lieu cette année et non les années suivantes. C’est ce qui s’est dit pendant tout le quinquennat précédent et, pourtant, chaque année il y avait une louchée de plus... Je ne vois pas pourquoi les choses changeraient.

M. Daniel Labaronne et Mme Cendra Motin. Parce que la majorité a changé !

Mme Valérie Rabault. Nous en reparlerons l’année prochaine, chers collègues : vous verrez.

Puisque le Gouvernement s’engage à contractualiser avec 319 collectivités, pourquoi ne peut-il pas faire de même avec les CCI, afin de leur donner de la perspective ? L’existence d’un contrat signé élimine tous les problèmes.

M. le président Éric Woerth. J’ai peu ou prou la même question : je trouve la ponction très lourde et assez violente. Elle pose la question de ce que pense le Gouvernement des réseaux consulaires : sont-ils utiles ou inutiles ? Quelles sont les solutions à adopter pour les rendre plus utiles le cas échéant ? Comme le disait Mme Motin, on assiste à une floraison, sur tous les territoires, de réseaux d’entreprises et de chefs d’entreprise. C’est ainsi que les CCI voient les choses. Elles s’interrogent à juste titre sur leur utilité : croit-on en elles, en leurs services, leur fait-on confiance ?

Selon moi, ces réseaux sont très anciens et solides. Depuis une dizaine d’années, ils ont été réformés et soumis à des pressions fortes et nécessaires. Aujourd’hui, cette histoire s’achève. Il faut naturellement poursuivre leur modernisation et probablement clarifier leurs compétences ; c’est très important. Cependant, il n’y a pas que des petites CCI ; certaines sont grosses. Certes, la CCI d’Île-de-France et de Paris a sans doute encore un potentiel de productivité, comme toutes les institutions, mais elle consacre une part importante de son budget au financement d’écoles, y compris certaines des plus prestigieuses. En réalité, les ponctions ou réductions de crédits envisagées ont des répercussions dans des domaines très concrets : garder ou non une école, par exemple, fait partie des questions qui se posent. On en envisage toujours la possibilité jusqu’à ce qu’elle n’existe plus. Il faut donc de la visibilité pour les CCI.

Comme pour les autres taxes, l’État ne peut pas simplement considérer que ce qui est au-delà d’un certain plafond doit lui revenir – en l’occurrence, ce sera le cas en 2018 mais pas en 2019 ; dont acte. Dans les autres cas, cela revient à abonder le budget général alors que si ces mesures étaient assumées, elles devraient plutôt servir à baisser les prélèvements obligatoires.

M. le Rapporteur général. Cela me rappelle l’époque où je gérais le budget annexe des postes et télécommunications, et je sais bien à quoi il servait : à renflouer les comptes de l’État...

Pour répondre à la question pertinente du président – comme elles le sont toutes –, je signale que M. Martin défendra pour la commission des affaires économiques un amendement à la fin de l’article 19 qui vise à demander un rapport sur ces questions. C’est indispensable : nous sommes allés si loin que le moment est venu de faire une pause pour examiner la situation.

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF151, I-CF610 et I-CF670, les amendements identiques I-CF76 et I-CF611, l’amendement I-CF674 et l’amendement I-CF675.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement I-CF410 de Mme Véronique Louwagie et l’amendement I-CF676 de la commission des affaires économiques.

Mme Véronique Louwagie. Nous quittons les CCI pour les CMA. Un peu d’histoire : les contributions des chefs d’entreprise immatriculés au répertoire des métiers au titre de la formation professionnelle étaient plafonnées. Il a été prévu de mettre fin à ce plafonnement en 2018 dans une loi adoptée il y a tout juste un an – la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui traitait plusieurs sujets liés à la formation. Ce déplafonnement a été jugé utile pour développer la formation professionnelle, pour tenir compte de tous les besoins des chefs d’entreprise, pour mettre en place le compte personnel de formation aux artisans et, en somme, pour répondre à une demande et à des besoins exprimés sur le terrain.

Le retour au plafonnement prévu à l’article 19 du présent projet de loi de finances ne permettra pas forcément d’assurer toutes les orientations prévues en termes de formation professionnelle dans le domaine de l’artisanat et des métiers qui relèvent des CMA. Voilà pourquoi je vous propose l’amendement I-CF410.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. L’amendement I-CF676 vise à supprimer le plafonnement des contributions acquittées par les entreprises artisanales. L’amendement suivant de la commission des affaires économiques, le I-CF677, visera à supprimer le plafonnement des contributions acquittées par les entreprises indépendantes.

M. le Rapporteur général. Le sujet abordé par ces différents amendements me préoccupe également. J’ai donc cherché quel dispositif pourrait donner lieu à un consensus, et déposé l’amendement I-CF710, qui vise à relever de 54 à 61 millions d’euros le plafond d’affectation des contributions à la formation professionnelle au fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale, c’est-à-dire à un niveau qui garantit que l’intégralité des ressources soit affectée au fonds de formation en question.

Selon le tome I de l’annexe Évaluations des voies et moyens, le rendement prévisionnel de ces contributions à la formation professionnelle s’élève à 60,8 millions d’euros en 2018. En fixant le plafond d’affectation à 54 millions, il resterait 6,8 millions d’euros à reverser au budget général. Il me semble donc légitime de flécher l’intégralité de la contribution vers ce fonds de formation. Je vous propose ainsi de nous rassembler autour de l’amendement I-CF710, qui satisfera la préoccupation légitime, s’agissant de la formation, des auteurs des deux amendements.

Mme Véronique Louwagie. Il aurait sans doute été opportun de conserver un dispositif plus général mais, pour aboutir à un consensus en remerciant le Rapporteur général, je retire mon amendement.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. Je retire également le mien, son objet étant satisfait.

Les amendements I-CF410 et I-CF676 sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement I-CF677 de la commission des affaires économiques.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. Cet amendement, dont je viens de parler, a le même objet que mon amendement précédent au profit des actions de formation : il vise à supprimer le plafonnement des contributions acquittées par les travailleurs indépendants.

M. le Rapporteur général. Plutôt que de le supprimer, je propose par mon amendement I-CF710 de relever ce plafonnement, ce qui produira le même effet sur le fonds de formation. Je vous propose donc de vous rallier à mon amendement I-CF710, qui fait la synthèse de ces différents amendements.

L’amendement I-CF677 est retiré.

La commission adopte l’amendement I-CF710 du Rapporteur général (amendement n° I-602).

Puis elle examine l’amendement I-CF534 de M. Benoît Simian.

M. Benoit Simian. Cet amendement vise à reporter au 1er janvier 2019, plutôt qu’au 1er janvier 2018, la suppression du fonds national de promotion et de communication de l’artisanat. Ce fonds a pour mission de mettre en œuvre des actions de communication à caractère national en faveur de l’artisanat. C’est un outil de mutualisation qui existe depuis plus de vingt ans et qui a démontré toute son efficacité. Nous avons tous en tête les campagnes télévisuelles sur l’artisanat, première entreprise de France, ou encore les tournées dans les collèges en faveur de l’apprentissage et les salons d’orientation. Grâce à ce fonds, les TPE artisanales bénéficient d’une promotion collective essentielle à la valorisation de l’artisanat et à l’attractivité de ce secteur, notamment en termes de recrutement et d’apprentissage.

En outre, ce fonds est un établissement public administratif exclusivement financé par une majoration de 10 % du montant du droit fixe revenant aux CMA. Cette ressource, d’un montant de 11 euros seulement par entreprise artisanale et par an, permet de financer la création et la diffusion de campagnes de promotion qui, vous l’aurez compris, ont un réel impact.

M. le Rapporteur général. On peut tout de même considérer que les acteurs du secteur, en particulier les chambres de métiers, pourront financer des actions de promotion compte tenu des ressources affectées qu’elles perçoivent par ailleurs – je rappelle qu’il s’agit de 243 millions d’euros en 2017. Certes, les CMA tiennent à ce fonds, mais j’entends parfois d’autres sons de cloche de la part de certaines entreprises artisanales notamment, car la fiscalité de ces entreprises baissera directement à compter de 2018, ce qui n’est pas non plus négligeable. Je suis donc au regret d’émettre un avis défavorable à cet amendement.

L’amendement I-CF534 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement I-CF671 de M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani. Sans en remettre en cause le principe, mon amendement vise à assouplir à la marge le dispositif qui interdit depuis 2009 aux chaînes publiques de commercialiser des espaces publicitaires en soirée, en décalant de 20 heures à 21 heures le début de l’interdiction des espaces publicitaires afin de résorber la perte de ressources de 50 millions d’euros subie par France Télévisions – à raison de 30,8 millions au titre du présent projet de loi de finances et 17 millions correspondant à la perte de recettes induite par l’interdiction de la publicité dans les programmes pour la jeunesse des chaînes du groupe à partir du 1er janvier prochain.

Concrètement, cette proposition se traduira par deux écrans publicitaires sur les chaînes publiques pendant la tranche de 20 heures à 21 heures, soit un rendement estimé à 60 millions d’euros qui permettra à France Télévisions de poursuivre les réformes engagées.

Je précise que cette proposition ne semble pas de nature à fragiliser les chaînes privées dans la mesure où l’interdiction de la publicité en soirée sur les chaînes publiques a principalement profité, le fait est avéré, au secteur de la publicité numérique, sur lequel se sont reportés les investissements publicitaires auparavant réalisés sur les chaînes de France Télévisions.

Les coupures publicitaires resteront naturellement proscrites pendant la diffusion d’œuvres audiovisuelles et les journaux télévisés. L’espace publicitaire serait limité à 8 minutes par heure.

Je précise que le solde de 10 millions d’euros, correspondant à l’écart entre 50 et 60 millions, serait restitué au budget général de l’État – auquel la perte de recettes publicitaires aura coûté près de 2,5 milliards d’euros depuis 2009.

M. le Rapporteur général. La situation de France Télévisions, notamment en ce qui concerne la production de fictions, ne nous a pas échappé. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé l’amendement I-CF537, qui propose je crois un compromis intéressant. Pour ce motif, mon avis est défavorable.

M. Michel Castellani. Je maintiens mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement I-CF537 rectifié du Rapporteur général.

Mme Marie-Ange Magne. Cet amendement s’inscrit dans un contexte de réduction de la dépense publique, et l’on peut comprendre que France Télévisions soit conviée à participer à l’effort collectif. Il faut pourtant lui donner les moyens d’exercer sa mission de service public, de préserver des programmes de qualité, et continuer d’investir dans la création audiovisuelle.

Il s’agit d’atténuer la brutalité des coupes budgétaires qui frappent ce groupe en trouvant un compromis.

L’amendement I-CF537 rectifié vise donc à augmenter la part du produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE), dite « taxe Copé » qui est reversée à France Télévisions, à hauteur de 3 millions d’euros. Un moratoire d’un an est demandé pour la suppression de la publicité commerciale dans les programmes destinés à la jeunesse, ce qui représente 17 millions d’euros. Ces 20 millions d’euros sont nécessaires à l’équilibre budgétaire de France Télévisions afin de lui permettre d’honorer les contrats déjà conclus pour l’année 2018.

La commission adopte cet amendement (amendement n° I-603).

Elle en vient à l’examen de l’amendement I-CF678 de la commission des affaires économiques.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. L’amendement propose de supprimer le plafonnement de la part de la taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires, dont le produit est affecté au financement des aides aux particuliers des communautés riveraines des aérodromes afin de soutenir des travaux de réduction des nuisances sonores. Aujourd’hui, la portée de cet amendement est réduite, car le plafond est supérieur à l’exécution ; cependant le principe du déplafonnement est pertinent et il importe de pouvoir l’inscrire dans la loi.

M. le Rapporteur général. Je ne suis pas sûr que cette demande soit fondée, car le plafond d’affectation est fixé à un niveau supérieur au rendement de la taxe, soit 55 millions d’euros. De ce fait aucun reversement au budget général de l’État n’est prévu pour cette taxe affectée. Il est encore moins utile de supprimer le plafond : les exploitants d’aérodromes ne percevront pas davantage de recettes. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut mon avis sera défavorable.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. Je peux retirer cet amendement.

Mme Valérie Rabault. Il serait souhaitable que notre commission des finances reste cohérente. Mardi dernier, nous avons voté le plafonnement de toutes les taxes affectées, et je soutiens le Gouvernement sur ce point. Et si le plafond ne donne pas satisfaction, il est toujours loisible de le relever. En l’occurrence, comme l’a souligné le Rapporteur général, le plafond est supérieur au rendement de la taxe, il n’y a donc pas de sujet. On ne peut pas multiplier à l’envi les mesures de plafonnement et de déplafonnement ; c’est le sens du choix que nous avons fait.

M. le président Éric Woerth. C’était dans le cadre de l’examen de la loi de programmation, et il ne vous a pas échappé que les lois de programmation sont assez éloignées de la réalité...

Mme Valérie Rabault. Si vous dites, monsieur le président, que les lois de programmation ne servent à rien, il faut éviter de perdre du temps à les discuter.

M. le président Éric Woerth. Je n’ose pas le dire, mais c’est mon expérience...

M. le Rapporteur général. Pour défendre ma prédécesseur, je dirais qu’il s’agit d’une jurisprudence constante de la commission des finances, ce qui serait plus exact.

L’amendement est retiré.

La commission étudie ensuite l’amendement I-CF545 de M. Dominique Potier.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement vise à affecter 100 % de la taxe sur les transactions financières à l’APD.

M. le Rapporteur général. J’ai déjà eu l’occasion de me prononcer sur ce sujet ; pour les mêmes raisons que précédemment, mon avis est défavorable.

La commission rejette cet amendement.

La commission est saisie de l’amendement I-CF254 de M. Jean-René Cazeneuve.

M. Jean-René Cazeneuve. C’est un amendement de péréquation qui ne coûte rien au budget de l’État.

Une partie du fonds de péréquation versé par CCI France aux chambres de commerce et d’industrie régionales est affectée aux CCI territoriales de leur circonscription dont le périmètre comprend au moins un certain taux de communes ou de groupements de communes classés en ZRR.

Un certain nombre de ZRR, désormais classées en EPCI, ont perdu cette qualification ; je souhaite simplement que ce seuil passe de 66 % à 60 %, afin que les chambres de commerce des départements encore très ruraux puissent bénéficier de cet effet de péréquation.

M. le Rapporteur général. Un droit est en vigueur, qui a fait l’objet d’une modification ; par ailleurs, nous avons adopté un amendement de Mme Cariou établissant un rapport qui organise la sortie en sifflet du dispositif des communes demeurant classées en ZRR. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte cet amendement (amendement n° I-604).

Elle examine ensuite les amendements identiques I-CF547 du Rapporteur général, ICF546 de Mme Amélie de Montchalin et I-CF679 de la commission des affaires économiques.

M. le Rapporteur général. Puisque j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer le dispositif de ces amendements, je laisse à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas le soin de présenter son amendement I-CF546.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. L’article 19 a pour objet de faire contribuer à la réduction de la dépense publique dans la richesse nationale les organismes financés par de la fiscalité affectée et non par des subventions de l’État.

Pour répondre à ce qui a été précédemment dit, je confirme que les chambres consulaires sont utiles, ce que nous constatons tous les jours dans nos territoires. Mais chacun doit participer à l’effort demandé, et même si certains sont incrédules, un engagement de « one shot » a été pris, et il sera tenu.

Nous tenons compte de la baisse de plafond prévue par cet article ainsi que des situations différentes rencontrées dans nos territoires par les CCI, selon qu’elles se situent en zones rurales ou urbaines, mais aussi des efforts déjà consentis par certaines d’entre elles au cours des dernières années.

Cet amendement propose donc de renforcer la dotation de ces deux fonds de péréquation afin d’amortir la diminution des ressources affectées pour les chambres financièrement les plus fragiles et d’encourager les projets de mutualisation et de modernisation du réseau. Car ce réseau demeure un atout considérable pour la formation professionnelle et l’apprentissage.

M. le Rapporteur général. Je ne peux qu’être favorable à un amendement qui est commun...

M. le président Éric Woerth. Faisons attention tout de même à ces fonds de péréquation qui fleurissent abondamment ; on finit par n’y plus rien comprendre.

M. le Rapporteur général. Je tiens à préciser que le montant – 45 millions d’euros – est assez faible. Je rappelle, par ailleurs, que nous avions abouti à ce compromis grâce notamment au rapport de Mme Monique Rabin sur les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements. Ce travail très documenté a été efficace pour la suite des événements ainsi que pour les CCI rurales.

M. le président Éric Woerth. Je ne prétends pas que cela est toujours inutile, mais Mme de Montchalin a souvent évoqué des tuyaux, et là j’en vois beaucoup...

La commission adopte ces amendements (amendement n° I-605).

Ensuite, elle étudie l’amendement I-CF680 de la commission des affaires économiques.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. Afin peut-être de réduire le nombre des tuyaux, nous sollicitons un rapport préparatoire au rapprochement, voire à la fusion, des réseaux des CCI et des CMA.

L’échéance du 1er février 2018 paraît bien proche pour la présentation de cette étude ; néanmoins ces éléments nous semblent particulièrement utiles pour construire ensemble la loi TPE-PME, attendue au printemps prochain.

M. le Rapporteur général. C’est le rapport que j’annonçais tout à l’heure en indiquant qu’il répondait largement aux préoccupations dont vous nous avez fait part, monsieur le président.

Mon avis est donc très favorable.

M. le président Éric Woerth. Vous êtes favorable à l’amendement qui fusionne les réseaux ?

M. le Rapporteur général. Favorable à l’amendement qui demande une étude prospective sur l’ensemble des réseaux ; ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, monsieur le président... Comme vous aviez vous-même demandé une telle étude, vous devriez au contraire exprimer une grande satisfaction !

Mme Amélie de Montchalin. Il s’agit précisément de limiter l’effet de tuyauterie : comment éviter de créer des doublons, et recentrer tous ces organismes sur leurs missions afin d’obtenir une bonne répartition des efforts et des moyens ?

Dans nos territoires, de nombreux acteurs s’occupent de l’accompagnement des entrepreneurs. C’est une mission essentielle. Mais est-ce bien organisé de la façon la plus efficace possible ? La question peut se poser. Cet amendement, monsieur le président, permettra également de travailler sur la tuyauterie...

La commission adopte l’amendement (amendement n° I-606).

Puis elle adopte l’article 19 modifié.

*

*     *

Article additionnel après l’article 19
Modification des ressources affectées au Conservatoire du littoral

La commission examine l’amendement I-CF548 du Rapporteur général.

M. le Rapporteur général. Nous avons largement débattu de l’intérêt du Conservatoire du littoral et de la sanctuarisation de ses financements, précisément utiles à un certain nombre de sanctuaires...

La loi 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a mis en place une responsabilité élargie des producteurs (REP) de navires de plaisance ou de sport à compter du 1er janvier 2018. Ce qui se traduit par un prélèvement de 2 % du produit brut du DAFN, affecté à la gestion de la fin de vie des navires de plaisance ou de sport qui ne sont plus utilisés régulièrement et dont les propriétaires n’assument plus les charges afférentes.

Or, le dispositif de REP, qui doit entrer en vigueur prochainement, n’est à ce jour absolument pas opérationnel. Je ne vois donc pas l’intérêt qu’il pourrait y avoir à affecter une taxe à un dispositif qui, pour l’instant, n’a d’autre effet que de priver le Conservatoire du littoral de ressources.

Il est donc proposé de repousser son entrée en vigueur d’un an ainsi que l’affectation de 2 % du produit du DAFN, qui serait dès lors reversé, sous réserve du respect du plafond budgétaire au profit de l’État, au Conservatoire du littoral.

La commission adopte cet amendement  (amendement n° I-607).

*

*     *

Après l’article 19

La commission se saisit ensuite de l’amendement I-CF685 de M. Éric Woerth.

M. le président Éric Woerth. Cet amendement aborde de nouveau le cas de France Télévisions, mais je souhaite proposer une solution différant de ce qui a été précédemment proposé.

Je ne conteste pas que ce groupe doive se restructurer, ce qu’il est d’ailleurs en train de faire. Le Gouvernement demande-t-il trop d’économies ou non ? Je l’ignore. Tout ce que je sais, c’est que, comme les précédents, ce gouvernement a tendance à tout demander à ce groupe : on veut tout à la fois, sans définir aucune priorité, et en même temps on demande quelque peu à l’aveugle une réduction des crédits.

La TOCE rapportera en 2018 un montant de l’ordre de 300 millions d’euros, ce qui est considérable. Dès lors que les plafonds d’affectation baissent, la somme résiduelle est reversée au budget de l’État. Mon sentiment est que, puisque nous sommes attentifs aux prélèvements obligatoires, si France Télévisions et les autres bénéficiaires de la TOCE n’ont pas besoin de davantage d’argent, il faut réduire le niveau du prélèvement de la taxe à la hauteur des besoins de l’affectation.

M. le Rapporteur général. Monsieur le président, je trouve qu’il n’est pas raisonnable de votre part de priver de 90 millions d’euros le budget de l’État ; je vais donc émettre un avis défavorable à votre amendement. Dans le cadre d’une conversation privée, je vous aurais peut-être dit que, sur le fond, vous n’avez pas tout à fait tort...

M. le président Éric Woerth. Je n’ai pas envie de priver l’État d’une recette quelconque, je pense tout simplement qu’il y a des impôts pour cela, plutôt que de détourner la raison d’être d’une taxe de cette nature. La TOCE a été créée pour pallier le manque de ressources publicitaires ; je conçois que France Télévisions doit sûrement faire des efforts, mais que l’État ne peut pas tout lui demander. Et lorsque l’État s’octroie une somme bien supérieure à celle du plafond, cela pose un problème de principe.

Mme Valérie Rabault. Pour notre part, nous voterons votre amendement, monsieur le président. Il faut que l’on revienne au respect des engagements, car beaucoup sont pris, puis l’amnésie fait qu’ils ne sont pas tenus.

La TOCE avait effectivement été créée pour compenser la suppression de la publicité que vous aviez décidée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ce qui conduit chaque année France Télévisions à chercher des ressources, à plus forte raison si cette taxe est rognée. Et comme le Rapporteur général semble vous comprendre, au moins en privé, mais devant le micro...

M. le Rapporteur général. J’avais oublié ce détail !

La commission rejette cet amendement.

Elle en vient à l’examen de l’amendement I-CF612 de M. Charles de Courson.

Mme Lise Magnier. Cet amendement propose de sanctuariser l’engagement du Gouvernement sur la ponction unique opérée sur les CCI ; l’occasion vous est ainsi offerte de l’écrire noir sur blanc.

M. le Rapporteur général. Je rappelle que le taux de la taxe doit baisser à terme pour les entreprises ; dans la mesure où cette précision ne figure pas dans la rédaction de votre amendement, je suis au regret de devoir émettre un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

*

*     *

C. – Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 20
Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes
et comptes spéciaux existants

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article confirme pour l’année 2018 les affectations résultant des budgets annexes et de comptes spéciaux ouverts antérieurement à la date d’entrée en vigueur du présent projet de loi de finances.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Le principe d’universalité budgétaire impose l’exigence de non-affectation qui conduit à présenter les recettes et les dépenses de façon autonome sans affecter aucune de celles-ci à l’une quelconque de celles-là.

Toutefois, par exception à ce principe, l’article 16 de la LOLF dispose : « Certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables particulières au sein du budget général, d’un budget annexe ou d’un compte spécial. »

Par ailleurs, le 3° du I de l’article 34 de la même loi organique prévoit que « la loi de finances de l’année comporte toutes dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget général de l’État ».

En conséquence, l’objet du présent article est de confirmer, pour 2018, les affectations résultant de budgets annexes et de comptes spéciaux créés par les lois de finances antérieures.

Les budgets annexes et les différentes catégories de comptes spéciaux

Les budgets annexes et les comptes spéciaux constituent des exceptions au principe de non-affectation du budget, c’est-à-dire à l’interdiction d’affecter une recette à une dépense. Ils retracent ainsi certaines recettes et certaines dépenses du budget.

Les règles de création des budgets annexes sont prévues par l’article 18 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Ils peuvent être créés pour retracer les seules opérations des services de l’État non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services.

Les différentes catégories de comptes spéciaux sont définies par les articles 19 à 24 de la LOLF.

Les comptes d’affectation spéciale retracent des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. En cours d’année, le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un compte d’affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement disponibles en fin d’année sont reportés sur l’année suivante pour un montant qui ne peut excéder le solde du compte.

Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l’État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Ils sont dotés de crédits limitatifs, à l’exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

Les comptes d’opérations monétaires retracent les recettes et les dépenses de caractère monétaire. Pour cette catégorie de comptes, les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux a un caractère limitatif.

Les comptes de commerce retracent des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État non dotés de la personnalité morale. Les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses de ces comptes ont un caractère indicatif. Seul le découvert fixé pour chacun d’entre eux présente un caractère limitatif.

Ainsi, sont reconduits pour 2018 :

– deux budgets annexes avec, au total, des recettes affectées et des crédits de paiement de 2,3 milliards d’euros ;

– onze comptes d’affectation spéciale avec, au total, des recettes affectées de 78 milliards et des crédits de paiement de 75,6 milliards d’euros ;

– six comptes de concours financiers avec, au total, des recettes affectées de 128,2 milliards et des crédits de paiement de 129,4 milliards d’euros ;

– neuf comptes de commerce avec, au total, des autorisations de découvert de 19,9 milliards d’euros (dont 19,2 milliards pour la seule gestion de la dette et de la trésorerie de l’État) ;

– et trois comptes d’opérations monétaires avec, au total, des autorisations de découvert de 250 millions d’euros.

Cette confirmation doit s’entendre sous réserve des dispositions particulières qui pourraient être contenues dans la loi de finances issue du présent projet.

Aucune création ou suppression de compte spécial n’est prévu par le présent projet de loi de finances. Pourtant, le rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques, transmis au Parlement par le Gouvernement en juillet 2017, indiquait qu’« un mouvement de recentralisation sur le budget général de l’État des outils extra-budgétaires existants sera engagé » et qu’« un certain nombre de recettes affectées, de fonds sans personnalité morale et de comptes spéciaux seront rebudgétisés, afin que chaque ministre ait les moyens de piloter pleinement la politique dont il est chargé et d’en rendre compte au Parlement de façon transparente ».

Solde des budgets annexes

(en millions d’euros)

Budgets

2017 (LFI)

2018 (PLF)

Contrôle et exploitation aériens

Ressources

2 135

2 127

Charges

2 135

2 127

Solde

0

0

Publications officielles et information administrative

Ressources

192

186

Charges

177

173

Solde

+ 15

+ 13

Solde de l’ensemble des budgets annexes

+ 15

+ 13

Source : présent projet de loi de finances.

Solde des comptes spéciaux

(en millions d’euros)

Comptes

2017

(LFI)

2018

(PLF)

Comptes d’affectation spéciale

Recettes

76 804,3

78 027,9

Crédits de paiement

76 142,7

75 581,4

Solde

+ 661,6

+ 2 446,5

Comptes de concours financiers

Recettes

127 224,6

128 225,5

Crédits de paiement

126 893,4

129 392,4

Solde

+ 331,2

– 1 166,9

Solde des comptes de commerce

+ 4 360,1

+ 45,4

Solde des comptes d’opérations monétaires

+ 59

+ 62

Solde de l’ensemble des comptes spéciaux

+ 5 411,8

+ 1 387,0

Source : présent projet de loi de finances.

autorisation des découverts des comptes spéciaux

(en millions d’euros)

Comptes

2017

(LFI)

2018

(PLF)

Comptes de commerce

20 471,8

19 880,8

Comptes d’opérations monétaires

250,0

250,0

Source : présent projet de loi de finances.

Liste des budgets annexes du plf 2018

Contrôle et exploitation aériens

Publications officielles et informations administratives

Liste des comptes d’affectation spéciale du plf 2018

Aide à l’acquisition de véhicules propres

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Développement agricole et rural

Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

Participation de la France au désendettement de la Grèce

Participations financières de l’État

Pensions

Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

Transition énergétique

Liste des comptes de concours financiers du plf 2018

Accords monétaires internationaux

Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

Avances à l’audiovisuel public

Avances aux collectivités territoriales

Prêts à des États étrangers

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

 

 

Liste des comptes de commerce du plf 2018

Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires

Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire

Couverture des risques financiers de l’État

Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État

Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État

Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels d’armement complexes

Opérations commerciales des domaines

Régie industrielle des établissements pénitentiaires

Renouvellement des concessions hydrauliques

Soutien financier au commerce extérieur

Liste des comptes d’opérations monétaires du plf 2018

Émission des monnaies métalliques

Opérations avec le Fonds monétaire international

Pertes et bénéfices de change

*

*     *

La commission adopte l’article 20 sans modification.

*

*     *

Article 21
Relèvement du plafond de la première section du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie les règles relatives aux recettes du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers en relevant de 58,85 millions d’euros le plafond de recettes affectées issues du produit des amendes forfaitaires provenant des radars automatisés routiers.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 43 de la loi de finances pour 2017 a relevé de 10 millions d’euros le plafond de recettes affectées au compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers issues du produit des amendes forfaitaires provenant des radars automatisés routiers.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Le présent article porte de 419 à 477,85 millions d’euros le plafond de recettes du compte d’affectation spéciale (CAS) Contrôle de la circulation et du stationnement routiers -ci-après CAS Radar – au titre des amendes forfaitaires issues du système de contrôle– sanction automatisé (les radars automatisés routiers), soit une hausse de 58,85 millions d’euros.

Parallèlement, il affecte ce surplus de recettes à la première section du CAS – la section Contrôle automatisé –, en augmentant son plafond de recettes du même montant soit 58,85 millions d’euros, pour le porter à 307,85 millions d’euros au lieu de 249 millions d’euros précédemment.

Plafond de recettes par section du CAS Radar en provenance des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques
de contrôle et sanction

(en millions d’euros)

Évolution juridique

Plafond de recettes global

 

(A= B +C)

 

 

 

 

Plafond de recettes de la 1ère section Contrôle automatisé

(B)

Plafond de recettes de la 2e section Circulation et stationnement routiers

(C)

État du droit

419

249

170

Droit proposé

477,85

307,85

170

Variation

+ 58,85

 

+ 58,85

0

Source : présent article.

Le présent article relève du domaine exclusif des lois de finances (articles 19, 21 et 34 de la loi organique relative aux lois de finances ([310])).

I.   l’État du droit

Le CAS Radar a été créé par l’article 49 de la loi de finances pour 2006 dans le but d’affecter une partie du produit des amendes de la circulation à des actions de sécurité routière ([311]).

Exécution budgétaire du CAS Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers depuis sa création

(en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

Résultat

Amendes forfaitaires du

système

de contrôle-sanction automatisé

autres amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de la police de la circulation

Total

Dépenses de sécurité routière

(programmes 751, 752, 753 et 754)

Contribution

au dés-

endettement

(programme 755)

Total

2006

140,0

0

140,0

84,0

0

84,0

56,0

2007

140,0

0

140,0

109,6

0

109,6

30,4

2008

194,0

0

194,0

157,1

0

157,1

36,9

2009

212,1

0

212,1

180,1

0

180,1

31,9

2010

212,1

0

212,1

200,3

0

200,3

11,7

2011

358,0

942,9

1 300,9

321,7

362,2

683,9

617,0

2012

352,0

944,1

1 296,1

916,8

458,6

1 375,4

 79,3

2013

409,0

973,9

1 382,9

868,5

446,6

1 315,1

67,8

2014

409,0

907,0

1 316,0

918,1

414,8

1 332,9

 16,9

2015

409,0

919,7

1 328,7

874,5

411,1

1 285,6

43,1

2016

409,0

1 012,4

1 421,4

901,5

440,5

1 342,0

79,4

2006-2016

3 244,1

5 700,0

8 944,1

5 532,3

2 533,8

8 066,1

878,0

Source : lois de règlement du budget des années 2006 à 2016.

Le solde créditeur reporté du CAS Radar, tel qu’il résulte de la loi de règlement du budget de l’exercice 2016 ([312]), s’élève à 878,0 millions d’euros.

Ce solde reporté devrait rester stable en 2017 selon les prévisions d’exécution budgétaire actualisées.

prévision budgétaire du CAS Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers pour 2017

(en millions d’euros)

Recettes

Dépenses

Résultat

Amendes forfaitaires du système de contrôle-sanction automatisé

Autres amendes de la police de la circulation

Total

Dépenses de sécurité routière

(programmes 751, 753 et 754)

Contribution au désendettement

(programme 755)

Total

419

960

1 379

940

439

1 379

0

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

Les recettes et les dépenses du CAS Radar sont ventilées au sein de deux sections, l’une dénommée Contrôle automatisé, l’autre Circulation et stationnement routiers.

La première section finance l’installation et l’entretien des radars ainsi que la gestion du système de permis à points. La deuxième section participe au financement de la généralisation du procès-verbal électronique et d’opérations visant à améliorer la sécurité routière. Elle contribue également au désendettement de l’État via un programme spécifique dont les dépenses sont reversées au budget général.

Le tableau qui suit récapitule les recettes et les dépenses sur chacune des sections du CAS Radar telles qu’elles ont été constatées en 2016 et telles qu’elles sont prévues pour 2017.

Ventilation des recettes et des dÉpenses au sein des deux sections
du Compte d’affectation spÉciale Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers

(en millions d’euros)

Année

Recettes / Programmes budgétaires du CAS

1ère section

Contrôle automatisé

2e section

Circulation et stationnement routiers

2016

(loi de règlement)

Recettes Amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction

239

170

Recettes Autres amendes de la police de la circulation

– 

1 012,4

Total des recettes 2016 par section

239

1 182,4

programme 751 Radars

216,1

programme 752 Fichier national du permis de conduire

21,6

programme 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

26,2

programme 754 Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

637,6

programme 755 Contribution au désendettement

440,5

Total des dépenses 2016 par section

237,7

1 104,3

2017

Prévision actualisée

Recettes Amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction 

249

170

Recettes Autres amendes de la police de la circulation

960

Total des recettes 2017 par section

249

1 130

programme 751 Structures et dispositifs de sécurité routière

249

programme 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

0

26

programme 754 Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

665

programme 755 Contribution au désendettement

439

Total des dépenses 2017 par section

249

1 130

Source : rapport annuel de performances et réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

A.   Les recettes du CAS Radar

En recettes, le CAS Radar est alimenté par une fraction du produit des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatisés de contrôle-sanction (les radars automatisés routiers), ainsi que par une fraction non plafonnée du produit des autres amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de la police de la circulation.

Le tableau qui suit récapitule les règles de ventilation des recettes du CAS Radar.

Ventilation des recettes au sein des deux sections du Compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Recettes du CAS

Recettes 1ère section

Contrôle automatisé

Recettes 2e section

Circulation et stationnement routiers

Amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction 

249 millions d’euros

170 millions d’euros

Autres amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de la police de la circulation 

Totalité sous déduction d’une fraction de 45 millions d’euros attribuée au budget général

Source : article 49 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

1.   Le produit des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction

Le produit des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction est affecté au CAS Radar dans la limite de 419 millions d’euros.

Ce plafond de recettes était à l’origine de 140 millions d’euros, avant d’être porté à 194 millions d’euros en 2008, 212,1 millions d’euros en 2009, 358 millions d’euros en 2011, 352 millions d’euros en 2012, 409 millions d’euros en 2013, puis 419 millions d’euros en 2017.

Actuellement, la fraction de recettes issues des amendes du système de contrôle-sanction automatisé est ventilée à hauteur de 249 millions d’euros au sein de la première section Contrôle automatisé, et à hauteur de 170 millions d’euros au sein de la deuxième section Circulation et stationnement routiers.

Le solde de ce produit est affecté à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Affectation des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction

(en millions d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017*

 

2018

(PLF)

 

Rendement total

619,9

579,3

611,7

642,2

736,0

819,0

927,85

CAS Radar 1ère section

172,0

239,0

239,0

239,0

239,0

249,0

307,85

CAS Radar 2e section

160,0

170,0

170,0

170,0

170,0

170,0

170

Sous-total CAS RADAR

352,0

409,0

409,0

409,0

409,0

419,0

477,85

AFITF

267,9

170,3

202,7

233,2

333,0

400,0

450,0

* prévision actualisée

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

2.   Le produit des autres amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de la police de la circulation

Le produit des autres amendes de la police de la circulation, minoré d’une fraction de 45 millions d’euros revenant au budget général, est affecté au CAS Radar.

Affectation des autres amendes forfaitaires et des amendes forfaitaires majorées de la police de la circulation

(en millions d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017(2)

2018

(PLF)

Rendement total

1 004,1

1 018,9

952,0

964,7

1 057,4

1 004,7

904,3(3)

CAS Radar 2e section

944,1

973,9

907,0

919,7

1 012,4

959,7

859,3

Fonds emprunts toxiques

25

– 

– 

– 

FIPD (1)

35

45

45

45

– 

– 

– 

Budget général

45

45

45

(1) Fonds interministériel de la prévention de la délinquance.

(2) prévision actualisée.

(3) La baisse du rendement en 2018 s’explique par la décentralisation et la dépénalisation du stationnement payant et la mise en place d’un forfait post-stationnement en remplacement des amendes.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

B.   Les dÉpenses du CAS Radar

1.   La répartition des dépenses par programme et par section

Le CAS Radar prend en charge des dépenses afférentes à la politique de sécurité routière, réparties sur trois programmes budgétaires, et contribue au désendettement de l’État au titre d’un quatrième programme budgétaire.

La première section Contrôle automatisé comprend un seul programme budgétaire, le programme 751 Structures et dispositifs de sécurité routière, qui finance l’installation et l’entretien des radars et la gestion du système de permis à points.

La deuxième section Circulation et stationnement routiers comprend les trois autres programmes. Deux contribuent à la politique de sécurité routière : le programme 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers, qui porte des crédits destinés à la généralisation du procès-verbal électronique aux collectivités locales, et le programme 754 Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières, qui participe au financement d’opérations destinées à rendre plus sûrs la circulation et les transports en commun.

Enfin, les dépenses du programme 755 Contribution au désendettement de l’État sont affectées au budget général de l’État en recettes non fiscales.

2.   Des dépenses majoritairement consacrées à la sécurité routière

La création du CAS Radar reposait sur la volonté de faciliter la compréhension de la politique de sanction aux infractions au code de la route. En substance, les recettes en provenance des radars routiers devaient prioritairement être affectées à des dépenses en vue de renforcer la sécurité routière. Dans les faits, environ 62 % des recettes du CAS Radar ont été affectées à des actions de sécurité routière et environ 38 % ont servi à améliorer le solde budgétaire de l’État.

Utilisation des recettes du compte d’affectation spÉciale Contrôle
de la circulation et du stationnement routiers depuis sa création

Recettes et dépenses

Recettes

Dépenses

de sécurité routière

Contribution

au désendettement

de l’État

Solde

reporté

En millions d’euros

8 944,1

5 532,3

2 533,8

878,0

En % des recettes

100

61,9

28,3

9,8

Source : calculs commission des finances sur la base des rapports annuels de performances annexés aux lois de règlement du budget des années 2006 à 2016.

II.   Le contexte

Il ressort du dernier rapport de l’Observatoire national interministériel de sécurité routière ([313]) que :

– 3 655 personnes ont perdu la vie sur les routes de France en 2016 ;

– la mortalité routière a augmenté en 2016 pour la troisième année consécutive, fait inédit depuis 1979 ;

– la vitesse excessive ou inadaptée est la première cause d’accidents mortels selon les forces de l’ordre (31 % des accidents mortels) ;

– le coût total de l’insécurité routière est estimé à 38,3 milliards d’euros.

Le comité interministériel de la sécurité routière (CISR) fixe les grandes orientations de la politique du gouvernement et les actions prioritaires. Le CISR du 2 octobre 2015 a fixé comme objectif de réduire la mortalité routière à moins de 2 000 personnes tuées sur les routes de métropole à l’horizon 2020.

III.   Le dispositif proposÉ

Le présent article modifie les dispositions relatives aux recettes du CAS Radar. Le dispositif proposé accroît de 58,85 millions d’euros les recettes de la section Contrôle automatisé du CAS Radar.

prévision budgétaire du CAS Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers pour 2018

(en millions d’euros)

Recettes

Dépenses

Résultat

Amendes forfaitaires du système de contrôle-sanction automatisé

Autres amendes de la police de la circulation

Total

Dépenses de sécurité routière

(programmes 751, 753 et 754)

Contribution au désendettement

(programme 755)

Total

478

859

1 337

850

487

1 337

0

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

A.   Une option écartÉe : l’utilisation du solde reportÉ du CAS

Le solde reporté du CAS Radar est de 878 millions d’euros au 31 décembre 2016 et permettait donc largement de faire face à une dépense supplémentaire de 58,85 millions d’euros. Toutefois, par souci de lisibilité et de transparence, le Gouvernement souhaite que la section Contrôle automatisé du CAS Radar soit votée à l’équilibre, voire en excédent, indépendamment du solde créditeur reporté. Selon lui, cela permet d’assurer la cohérence entre, d’une part, la fraction du produit des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction affectée à cette section et, d’autre part, les dépenses qui sont inscrites sur les programmes de cette section.

B.   Un relÈvement du plafond des recettes issues des amendes perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction

Le dispositif proposé consiste à augmenter de 58,85 millions d’euros les recettes de la section Contrôle automatisé du CAS Radar en provenance des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction.

Pour ne pas affecter la section Circulation et stationnement routiers, il est également prévu de relever de 58,85 millions d’euros le plafond global de recettes en provenance des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction.

Plafond de recettes par section du CAS Radar en provenance des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques
de contrôle et sanction

(en millions d’euros)

Évolution juridique

Plafond de recettes en provenance des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction (A= B +C)

Plafond de la 1ère section Contrôle automatisé (B)

Plafond de la 2e section Circulation et stationnement routiers (C)

État du droit

419

249

170

Droit proposé

477,85

307,85

170

Source : présent article.

Par ailleurs, le présent projet de loi de finances prévoit d’affecter 307,83 millions d’euros de crédits de paiement au programme 751 soit un montant très proche des recettes de la première section.

La deuxième section est également équilibrée. En recettes, outre les 170 millions d’euros en provenance des amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction, elle doit percevoir 859,3 millions du produit d’autres amendes la police de la circulation, soit au total 1 029,3 millions d’euros. En dépenses, les crédits de paiement affectés à des programmes de sécurité routière s’élèvent à 542,8 millions d’euros. Le solde, soit 486,6 millions d’euros, est affecté au désendettement de l’État sous forme de recettes non fiscales du budget général.

Ventilation pour 2018 des recettes et des dépenses au sein des deux sections du Compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers

(en millions d’euros)

Recettes / Programmes budgétaires du CAS

1ère section

Contrôle automatisé

2e section

Circulation et stationnement routiers

Recettes Amendes forfaitaires perçues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction 

307,85

170

Recettes Autres amendes de la police de la circulation

– 

859,3

Total des recettes 2018 par section

307,85

1 029,3

programme 751 Structures et dispositifs de sécurité routières

307,83

programme 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

26,2

programme 754 Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

516,6

programme 755 Contribution au désendettement

486,6

Total des dépenses 2018 par section

307,83

1 029,3

Source : présent projet de loi de finances.

IV.   L’Impact attendu

A.   des nouveaux moyens pour la sécurité routiÈre

Le dispositif doit permettre le financement de nouveaux radars.

Il est précisé, dans l’exposé des motifs du présent article, qu’« il s’agit en particulier de poursuivre l’augmentation des contrôles sur les zones où les accidents sont particulièrement fréquents et d’augmenter le nombre de radars pour le porter à 4 700 à la fin de l’année 2018, contre 4 600 fin 2017, parmi lesquels de nouveaux types de radars apparaîtront (radars tourelles et radars urbains) ».

Les moyens supplémentaires prévus par le présent article doivent contribuer à atteindre l’objectif fixé par le comité interministériel de sécurité routière (CISR) du 2 octobre 2015 de réduire la mortalité routière à moins de 2 000 personnes tuées sur les routes de métropole à l’horizon 2020. Ce comité a en effet décidé la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie radars qui repose sur les mesures principales suivantes :

– porter le parc de radars à 4 700 équipements d’ici fin 2018 ;

– multiplier par quatre le nombre des zones sécurisées par des dispositifs de contrôle automatisé, en installant notamment des radars « leurres » (il s’agit de créer des zones de contrôle de la vitesse, toujours signalées par un panneau, au sein desquelles des radars seront susceptibles d’être ou non présents) ;

– augmenter, au sein du parc, la proportion des radars autonomes déplaçables ;

– externaliser la conduite des véhicules radars afin d’augmenter le temps d’utilisation quotidien effectif de ces dispositifs qui, inférieur à deux heures par jour actuellement, pourrait ainsi atteindre six heures dans un premier temps, puis huit heures en cible.

Le besoin de financement supplémentaire pour 2018 a été chiffré pour permettre notamment la mise en œuvre de l’externalisation des radars mobiles et le développement des radars autonomes.

Cette mesure va consister à confier à des sociétés agréées la prestation de conduite des véhicules radars. Une expérimentation est en cours en région Normandie. La généralisation de l’externalisation doit permettre de multiplier par 3 ou 4 le taux d’usage des équipements de contrôle.

Il en est attendu une baisse de la mortalité routière et du nombre de blessés.

B.   Un impact budgÉtaire et Économique favorable

Outre la diminution du coût de l’insécurité routière, la mesure proposée devrait entraîner une augmentation des recettes issues du contrôle automatisé d’environ 250 millions d’euros et créer des emplois nouveaux dans le secteur privé en lien avec l’externalisation des radars mobiles.

C.   Une mesure qui ne devrait pas pÉnaliser l’AFITF

En première approche, le relèvement du plafond de recettes pourrait pénaliser l’AFITF. En effet, cette dernière perçoit le surplus des produits des amendes forfaitaires obtenues par la voie de systèmes automatiques de contrôle et sanction. À recettes et droit constant, la fraction des amendes revenant à l’AFITF devrait diminuer de 58,85 millions d’euros pour 2018.

Le Gouvernement indique toutefois, dans l’exposé des motifs du présent article, que la « dynamique des recettes du contrôle automatisé » devrait compenser cette diminution et permettre le maintien des moyens budgétaires alloués à l’AFITF.

Ainsi il est prévu que l’AFITF bénéficie à ce titre d’une recette de 450 millions d’euros en 2018 au lieu de 400 millions d’euros en 2017.

Le produit des amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de la circulation, d’un montant global de 1,83 milliard d’euros, devrait ainsi faire l’objet des affectations suivantes pour 2018 :

– 450 millions d’euros pour l’AFITF ;

– 1,34 milliard d’euros pour le CAS Radar dont 307,85 millions d’euros pour la première section (au lieu de 249 millions d’euros en l’état du droit) et 1,03 milliard d’euros pour la deuxième section ;

– et 45 millions d’euros pour le budget général.

Affectation du produit des amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de la police de la circulation

(en millions d’euros)

Produit global des amendes forfaitaires et forfaitaires majorées de la circulation

1 832,1

 

Amendes forfaitaires des radars automatisés

Autres amendes forfaitaires et forfaitaires majorées

927,8

904,3

 

AFITF

CAS Radar

1ère section

 

 

CAS Radar

2e section

Budget général

450

307,85

170

859,3

45

1 029,3

 

Total CAS Radar

1 337,1

 

Source : projet annuel de performances.

*

*     *

La commission adopte l’article 21 sans modification.

*

*     *

Article 22
Modification du financement des trains d’équilibre du territoire via le compte d’affectation spéciale Services nationaux de transports conventionnés
de voyageurs

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article porte de 42 à 141,2 millions d’euros le montant de la fraction de la taxe d’aménagement du territoire affectée au compte d’affectation spéciale Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs.

Il ajoute aux dépenses de ce compte les contributions versées par l’État au titre de sa participation aux coûts d’exploitation des services ferroviaires de transport de voyageurs conventionnés par les régions à compter de 2017 et antérieurement conventionnés par l’État.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 46 de la loi de finances pour 2017 a porté de 19 à 42 millions d’euros le montant de la fraction de la taxe d’aménagement du territoire affectée au compte d’affectation spéciale Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs.

L’article 5 de la loi de finances rectificative pour 2016 a porté à 84 millions d’euros pour la seule année 2016 la fraction de la taxe d’aménagement du territoire affectée au compte d’affectation spéciale Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Le présent article modifie les règles relatives aux recettes et aux dépenses du compte d’affectation spéciale Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs (SNTCV) ci-après CAS TET.

Il relève donc du domaine exclusif des lois de finances (articles 19, 21 et 34 de la loi organique relative aux lois de finances ([314])).

Concernant les recettes, il porte de 42 à 141,2 millions d’euros le montant de la fraction de la taxe d’aménagement du territoire (TAT) affectée au CAS TET, soit une hausse de 99,2 millions d’euros.

Concernant les dépenses, il ajoute les contributions que l’État doit verser aux régions, en application de six conventions signées en 2016 et 2017, au titre de sa participation aux coûts d’exploitation des services ferroviaires de transport de voyageurs conventionnés.

Les trains d’équilibre du territoire

Les trains d’équilibre du territoire (TET) sont exploités par la SNCF en contrepartie d’une compensation versée par les pouvoirs publics. L’État est l’autorité organisatrice des TET.

Les TET assurent un service de grandes lignes rapide entre les principales villes françaises non reliées par la grande vitesse. Ils permettent également le désenclavement des territoires sur des liaisons interrégionales province-province. Enfin, ils participent à l’amélioration des déplacements pendulaires dans le grand bassin parisien. Il s’agit de trains de moyenne et de longue distance qui assurent des missions d’intérêt national.

Depuis le 2 janvier 2012, l’ensemble de ces lignes sont exploitées sous la dénomination « Intercités », ce qui a conduit à la disparition des marques « Corail », « Téoz » et « Lunéa ».

I.   L’État du droit

Le CAS TET a été créé par l’article 65 de la loi de finances pour 2011 ([315]), afin de permettre le paiement de la compensation due à la SNCF pour l’exploitation des trains d’équilibre du territoire (TET).

Le CAS fonctionne de la manière suivante :

– en recettes, il est alimenté par une fraction du produit de la TAT, par le produit de la contribution de solidarité territoriale (CST) et par le produit de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) ;

– en dépenses, il supporte la contribution versée par l’État visant à compenser le déficit d’exploitation des TET.

A.   Les recettes du CAS TET

1.   La taxe d’aménagement du territoire (TAT)

La TAT a été instituée par la loi de finances pour 1995 ([316]). Elle est codifiée à l’article 302 bis ZB du CGI.

Cette taxe est due par les concessionnaires d’autoroutes à raison du nombre de kilomètres parcourus par les usagers. Le tarif de la taxe est fixé à 7,32 euros par 1 000 kilomètres parcourus.

Le produit de la taxe est affecté :

– à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) dans la limite d’un plafond de 571 millions d’euros (article 46 de la loi de finances pour 2012 ([317])) ;

– et au CAS TET dans la limite d’un plafond désormais fixé à 42 millions d’euros ([318]).

L’objectif de la TAT est de faire contribuer les usagers des autoroutes au financement des modes alternatifs de transport.

Affectation du produit de la taxe d’aménagement du territoire depuis 2011

(en millions d’euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

prévision

Rendement total TAT

576,9

570,2

573,2

589,5

605,2

626,0

613,0

Affectation budget général

0,0

0,0

0,0

0,0

30,8

32,1

0,0

Affectation CAS TET

35,0

35,0

35,0

19,0

19,0

84,0

92,0

Affectation AFITF

541,9

535,2

538,2

570,5

555,4

509,9

521,0

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

2.   La contribution de solidarité territoriale

La CST a été instituée, en même temps que le CAS TET, par l’article 65 de la loi de finances pour 2011. Elle est codifiée à l’article 302 bis ZC du CGI.

La taxe est due par les entreprises de transport ferroviaire. Elle est assise sur le montant total – hors taxe sur la valeur ajoutée et déduction faite des contributions versées par l’État en compensation des tarifs sociaux et conventionnés – du chiffre d’affaires afférent aux opérations situées dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée réalisée au titre des prestations de transport ferroviaire de voyageurs, et des prestations commerciales qui leur sont directement liées, effectuées entre deux gares du réseau ferré national.

Le taux de la taxe, compris entre 1,5 % et 5 %, est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés respectivement des transports, de l’économie et du budget ([319]).

Évolution du taux de la contribution de solidarité territoriale depuis 2011

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Taux

de la CST

2,279 %

2,888 %

1,905 %

1,944 %

1,994212 %

2,06805 %

Source : arrêtés fixant le taux de la contribution de solidarité territoriale du 13 avril 2011, du 17 septembre 2012, du 28 juin 2013, du 22 octobre 2014, du 31 août 2015 et du 30 décembre 2016.

En pratique, le taux de la taxe est fixé en fonction de l’assiette déclarée pour obtenir le montant adopté en loi de finances. Pour l’année 2016, l’arrêté n’a été publié que le 31 décembre au Journal officiel si bien que la perception du produit a été décalée à l’exercice 2017.

Le rendement de la taxe, qui était de 90,1 millions d’euros en 2015, a donc été nul en 2016.

Par ailleurs, dans le cadre de la réforme du financement des trains d’équilibre du territoire, l’État s’est engagé à diminuer le niveau de la CST. Son rendement devrait être de 40 millions d’euros au titre de l’année 2017 et de 16 millions d’euros à partir de 2018. La baisse de la CST permet d’alléger la fiscalité pesant sur l’activité TGV de la SNCF puisque celle-ci reste, à ce jour et sur ce segment de son activité, en situation de monopole.

produit de la contribution de solidarité territoriale
depuis sa création en 2011

(en millions d’euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

prévision

Rendement

105,8

135

90

90,1

90,1

0

130

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

3.   La taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF)

La TREF a également été instituée par l’article 65 de la loi de finances pour 2011. Elle est codifiée à l’article 235 ter ZF du CGI.

Elle n’est due que par les entreprises de transport ferroviaire qui sont redevables de la CST sur une assiette d’un montant supérieur à 300 millions d’euros. Cette taxe ne concerne aujourd’hui que la SNCF. Le seuil de 300 millions d’euros a été prévu dans la perspective de l’ouverture à la concurrence pour protéger, le moment venu ou le cas échéant, les nouveaux entrants.

La taxe est assise sur le résultat imposable à l’impôt sur les sociétés. Le taux de la taxe, compris entre 5 % et 25 %, est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés respectivement des transports, de l’économie et du budget ([320]). Le montant de la taxe est actuellement plafonné à 226 millions d’euros.

Évolution du taux et du plafond de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires depuis 2011

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Taux de la TREF (en %)

13

24,5

30,65

30,65

12,68

9,613

Plafond de la TREF (en millions d’euros)

75

155

200

200

200

226

Source : arrêtés fixant le taux de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires du 29 juillet 2011, du 17 septembre 2012, du 28 juin 2013, du 22 octobre 2014, du 31 août 2015 et du 30 décembre 2016.

En pratique, le taux de la taxe est fixé en fonction de l’assiette déclarée pour obtenir le montant voté en loi de finances.

Le rendement de la TREF a toujours atteint le plafond fixé sauf en 2013 et 2016.

Au titre de l’exercice fiscal 2013, le résultat imposable à l’impôt sur les sociétés de la SNCF était, en effet, déficitaire. Pour faire face à cette situation et garantir l’équilibre du compte, une taxe additionnelle à la TREF, pour la seule année 2014, d’un montant de 200 millions d’euros a été créée et perçue début 2015.

Au titre de l’exercice 2016, l’arrêté fixant le taux n’a été publié que le 31 décembre au Journal officiel si bien que la perception du produit a été décalée à l’exercice 2017.

produit de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires
depuis sa création en 2011

(en millions d’euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

prévision

Rendement

75,0

155,0

200,0

0,0

400,0

0

452,0

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

B.   Les dÉpenses

Les dépenses prises en charge par le CAS TET sont :

– les contributions liées à l’exploitation des services nationaux de transport de voyageurs conventionnés par l’État (programme 785 Exploitation des services nationaux de transport conventionnés) ;

– les contributions liées au matériel roulant des services nationaux de transport de voyageurs conventionnés par l’État (programme 786 Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés) ;

– et les dépenses relatives aux enquêtes de satisfaction sur la qualité de service et aux frais d’études et de missions de conseil juridique, financier ou technique directement liés à l’exercice par l’État de ses responsabilités d’autorité organisatrice des services nationaux de transport conventionnés de voyageurs (crédits répartis, selon leur objet, sur les programmes 785 et 786).

C.   Exécution budgétaire depuis la création du compte

Au 31 décembre 2016, le solde du compte tel que reporté par la loi de règlement s’élevait à 89,9 millions d’euros.

ExÉcution budgÉtaire du CAS Services nationaux de transport conventionnÉs de voyageurs depuis sa création

(en millions d’euros)

Années

Recettes

Dépenses

Résultat

Fraction TAT

CST

TREF

total

2011

35,0

105,8

75,0

215,8

175,0

40,8

2012

35,0

135,0

155,0

325,0

325,0

0

2013

35,0

90,0

200,0

325,0

312,0

13,0

2014

19,0

90,1

0

109,1

114,0

 4,9

2015

19,0

90,1

400,0

509,1

532,6

 23,6

2016

84,0

0

0

84,0

19,4*

64,6

2011– 2016

227,0

511,0

830,0

1 568,0

1478,1

89,9

* Le faible montant des dépenses en 2016 s’explique par le fait que le paiement des compensations était suspendu à la signature d’une nouvelle convention d’exploitation.

Source : lois de règlement du budget des années 2011 à 2016.

Toutefois, un déficit de 84 millions d’euros serait constaté sur l’exercice 2017 selon les prévisions actualisées transmises par le Gouvernement au Rapporteur général.

Prévision d’exécution du CAS Services nationaux de transport conventionnÉs de voyageurs pour 2017

Année

Recettes

Dépenses

Résultat

Fraction TAT

CST

TREF

total

2017

92

130

452

674

758

 84

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

L’exécution au cours de cet exercice a été marquée par de nombreuses opérations relatives à l’exercice 2016. En effet, les recettes de CST et de TREF au titre de 2016 ont été perçues en 2017. La CST et la TREF ont donc été prélevées deux fois d’où le total de 130 millions d’euros pour la CST (90 millions d’euros au titre de 2016 et 40 millions d’euros au titre de 2017) et de 452 millions d’euros pour la TREF (226 millions d’euros au titre de 2016 et 2017. De même, côté dépenses, le versement de la compensation relative à l’année 2016 est également intervenu pour un montant de 400 millions d’euros.

II.   Le contexte

A.   le coût des tet

Depuis 2011, SNCF Mobilités exploite les TET en contrepartie du versement d’une compensation.

Le CAS TET a pour objet le financement du déficit d’exploitation des TET. La hausse du coût de la politique des TET se répercute sur le CAS.

Le montant prévisionnel de la compensation pour 2017 est de 351 millions d’euros et de 383,2 millions d’euros pour 2018 dont :

– 308,5 millions d’euros comme compensation conventionnelle versée à SNCF Mobilités pour l’exploitation des TET ;

– 73,2 millions d’euros comme contributions versées par l’État aux régions au titre de sa participation aux coûts d’exploitation des services nationaux de transports de voyageurs conventionnés par les régions à compter de 2017 ;

– et 1,5 million d’euros pour le financement des études de l’autorité organisatrice.

Mais l’effort financier fourni par l’État en faveur des TET ne se limite pas à cet aspect. Outre sa participation à des dépenses d’investissement en vue du renouvellement du matériel roulant, l’État prend également en charge la redevance d’accès au réseau à SNCF Réseau pour l’activité TET, pour un montant de 525 millions d’euros par an environ ([321]).

Les dépenses acquittées par l’État au titre de l’exploitation des TET, hors investissement, approchent donc le milliard d’euros par an.

B.   Le redimensionnement de l’offre de TET

Une commission, composée de parlementaires, d’élus locaux et d’experts a été instituée fin 2014 pour réfléchir à l’avenir des TET et proposer des axes d’amélioration. Présidée par notre ancien collègue Philippe Duron, cette commission, a rendu son rapport le 26 mai 2015 ([322]).

À la suite de la remise du rapport de la commission « TET d’avenir », le Gouvernement a présenté une feuille de route « pour un nouvel avenir des trains d’équilibre du territoire » le 7 juillet 2015 ([323]), qui a notamment pour objet de limiter la progression du coût des TET par une adaptation de l’offre aux nouveaux besoins de mobilité.

C’est dans le cadre de cette feuille de route qu’a été mis en œuvre le déconventionnement de plusieurs lignes de nuit. L’offre de nuit est ainsi recentrée sur deux lignes d’aménagement du territoire jugées indispensables en raison de l’absence d’une offre alternative suffisante pour les territoires concernés. Les autres lignes de nuit ne seront plus financées par l’État.

En revanche, l’État reste l’autorité organisatrice des lignes de longue distance structurantes au niveau national, à savoir les trois lignes Paris–Orléans–Limoges–Toulouse, Paris–Clermont-Ferrand et Bordeaux–Toulouse–Marseille. Dans cette perspective, chacune de ces lignes fera l’objet d’un schéma directeur sous l’égide d’un préfet coordonnateur.

Seront également maintenues sous son autorité au titre de l’aménagement du territoire les trois lignes Nantes–Bordeaux, Toulouse–Hendaye et Nantes–Lyon.

Dans le cadre de sa feuille de route, l’État a prévu de continuer à investir pour renouveler le matériel roulant TET sur les lignes dont l’État reste autorité organisatrice de manière pérenne comme sur les lignes devant être reprises par les régions.

À ce jour, trente-quatre rames neuves sont en cours de déploiement. Elles seront complétées par trente autres rames d’Alstom (pour environ 360 millions d’euros) ainsi que par des rames Bombardier à deux niveaux destinées aux lignes normandes (720 millions d’euros). Deux autres opérations de renouvellement prévues dans les accords avec les régions Hauts-de-France et Centre-Val de Loire restent à engager. Pour les lignes TET structurantes, un appel d’offres est en cours de préparation.

État des lieux des lignes de trains d’équilibre du territoire

Ligne de jour

Nombre d’allers-retours (AR) par jour

Nombre annuel de voyageurs par km (2016)

Devenir

Paris-Caen-Cherbourg/Trouville-Deauville

6,5 AR Paris-Caen

7 AR Paris-Cherbourg

3 AR Paris-Trouville-Deauville

867 385 091

Lignes reprises par Normandie le 1er janvier 2020

Paris-Évreux-Serquigny

1 AR Paris-Évreux

0,5 AR Paris-Serquigny

5 681 408

Paris-Rouen-Le Havre

11 AR Paris-Rouen

13 AR Paris-Le Havre

713 436 716

Paris-Granville

5 AR Paris-Granville

173 644 792

Caen-Le Mans-Tours

2 AR Caen-Tours

35 700 023

Paris-Amiens-Boulogne

9 AR Paris-Amiens

5 AR Paris-Boulogne

291 247 584

Lignes reprises par Hauts-de-France le 1er  janvier 2019

Paris-Saint-Quentin-Maubeuge/Cambrai

5 AR Paris-Saint-Quentin

5 AR Paris-Maubeuge

1 AR Paris-Cambrai

226 776 204

Paris-Nevers

6 AR Paris-Nevers en mixité avec TER

90 631 961

Lignes reprises par Centre-Val de Loire le 1er janvier 2018

Paris-Bourges-Montluçon

2 AR Paris-Bourges

2 AR Paris-Montluçon

145 543 445

Paris-Orléans-Tours

13 Paris-Orléans

4 AR Paris-Tours

433 498 401

Paris-Troyes-Belfort

9 AR Paris-Troyes

4 AR Paris-Belfort

254 392 259

Ligne reprise par Grand-Est le 1er  janvier 2018

Clermont-Ferrand-Nîmes

1 AR Clermont-Ferrand-Nîmes

9 182 166

Ligne reprise par Occitanie le 1er janvier 2018

Bordeaux-Lyon

1 AR Bordeaux-Limoges

2 AR / sem. Bordeaux-Ussel

2 AR / sem. Clermont-Ferrand-Lyon

20 527 192

Bordeaux-Limoges et Bordeaux-Ussel reprises par Nouvelle-Aquitaine au 1er janvier 2018

Nantes-Bordeaux

3 AR Nantes-Bordeaux

-1 AR Bordeaux-La Rochelle

137 744 402

Nantes-Bordeaux : périmètre TET ;

Bordeaux-La Rochelle repris par Nouvelle-Aquitaine le 1er janvier 2018

Paris-Clermont-Ferrand

8 AR Paris-Clermont-Ferrand

540 508 420

Périmètre TET de l’État

Paris-Limoges-Toulouse

5 AR Paris-Brive

2 AR Paris-Cahors

3 AR Paris-Toulouse

849 543 332

Bordeaux-Marseille-Nice

5 AR Bordeaux-Marseille

1 AR Bordeaux-Nice

689 491 063

Nantes-Tours-Lyon

2 AR Tours-Lyon prolongés Nantes en PH

83 514 928

Toulouse-Hendaye

3 AR Toulouse-Bayonne

1 AR Toulouse-Hendaye

62 717 567

Clermont-Ferrand-Béziers

1 AR Clermont-Ferrand-Béziers

8 518 632

Périmètre TET de l’État, cogéré avec Occitanie en 2017 et 2018.

Décision attendue sur le transfert sur route de cette desserte à partir de 2019

 

Lignes de nuit

Nombre d’allers-retours (AR) par jour

Nombre annuel de voyageurs par km (2016)

Devenir

Paris-Briançon/Nice

1 AR Paris-Briançon

1 AR Paris-Nice

243 190 436

Desserte Paris-Nice supprimée en 2018

Paris-Rodez/Latour-de-Carol/Cerbère

1 AR Paris-Rodez

1 AR Paris-Latour-de-Carol

2 AR / sem. Paris-Cerbère

nd

Desserte Paris-cerbère cofinancée par Occitanie jusqu’en juin 2019. Décision attendue sur la poursuite de cette desserte.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

C.   la reprise du conventionnement de certains TET par les rÉgions

La précédente convention relative à l’exploitation des TET a été conclue entre l’État et la SNCF le 13 décembre 2010. La nouvelle convention, conclue le 27 février 2017, tient compte des préconisations du rapport « Duron » et de la feuille de route du Gouvernement de 2015.

Six accords entre l’État et les régions ont été conclus dans le cadre de la feuille route. Ils prévoient la reprise progressive par les régions de certaines lignes de TET. En contrepartie, il est prévu que l’État verse une participation aux régions.

Selon les renseignements recueillis par le Rapporteur général auprès du Gouvernement, les compensations prévues pour 2018 s’élèvent à :

 13 millions d’euros au global pour les régions Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté et Île-de-France ;

 6,7 millions d’euros pour la région Nouvelle-Aquitaine ;

 4,5 millions d’euros pour la région Occitanie ;

 et 49 millions d’euros pour la région Centre-Val de Loire.

Ces contributions sont issues de négociations qui ont notamment tenu compte du déficit actuel des lignes TET reprises par les régions, de la date de ces reprises et du niveau des contributions au titre du matériel roulant négocié dans le même cadre.

Aucune contribution n’est prévue pour la région Normandie. Pour la région Hauts-de-France, les compensations ne devraient débuter qu’à compter de l’exercice 2019.

Sauf pour la région Normandie, ces dispositions doivent encore faire l’objet de conventions d’application entre l’État et les régions concernées.

En effet, à ce jour, une seule convention a été signée avec la région Normandie en date du 22 septembre 2016. Pour les autres régions (Grand Est, Hauts-de-France, Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie), seuls des protocoles d’accord ont été signés, les conventions étant soit en suspens dans l’attente d’arbitrage financier, soit en négociation.

D.   Un engagement de baisse de la CST

Les contraintes sur l’équilibre du CAS TET sont d’autant plus fortes que l’État s’est engagé à baisser la CST de 50 millions d’euros en 2017 et de 74 millions d’euros entre 2018 et 2022.

Son rendement devrait être de 40 millions d’euros au titre de l’année 2017 et de 16 millions d’euros à partir de 2018.

III.   Le dispositif proposÉ

Le présent article modifie les dispositions relatives aux dépenses et aux recettes du CAS TET. Il devrait ainsi permettre d’assurer l’équilibre du compte en 2018.

Équilibre du CAS Services nationaux de transport conventionnÉs
de voyageurs prÉvu pour 2018

(en millions d’euros)

Évolution juridique

Recettes

Dépenses

Résultat

Fraction TAT

CST

TREF

total

2018 état du droit

42

40

226

308

383,2

 75,2

2018 droit proposé

141,2

16

226

383,2

383,2

0

Source : présent projet de loi de finances.

A.   Accroissement des recettes

Le présent article prévoit de relever de 99,2 millions d’euros le produit de la TAT affecté au CAS TET. Le produit de la TAT affecté au CAS TET serait ainsi porté de 42 à 141,2 millions d’euros.

B.   Élargissement des dÉpenses

Le présent article ajoute une nouvelle catégorie de dépenses au CAS TET : « les contributions versées par l’État au titre de sa participation aux coûts d’exploitation des services ferroviaires de transport de voyageurs conventionnés par les régions à compter de 2017 et antérieurement conventionnés par l’État ».

Il est en effet nécessaire de prévoir une nouvelle catégorie de dépense pour pouvoir verser, via le CAS TET, les participations que l’État s’est engagé à payer aux régions.

Le présent article ajoute ainsi aux dépenses du CAS les contributions que doit verser l’État aux six régions ayant repris la gestion de certains TET, en application des conventions conclues en 2016 et 2017.

Les dépenses prévues en faveur des régions pour 2018 s’élèvent à environ 73 millions d’euros.

IV.   L’Impact attendu

Le dispositif proposé permet d’accroître les recettes du CAS TET sans augmenter la fiscalité applicable au secteur du transport ferroviaire (CST, TREF) ni celle applicable aux concessionnaires d’autoroutes (TAT).

En contrepartie, le budget général de l’État devrait se dégrader de 99,2 millions d’euros compte tenu du transfert de recettes de TAT du budget général vers le CAS TET.

Toutefois, l’article 19 du présent projet de loi de finances maintien le niveau des recettes du budget général en faisant baisser de 99,2 millions d’euros la fraction de TAT affectée à l’AFITF.

Pour autant, le niveau des recettes de l’AFITF est garanti grâce au dynamisme de ses autres ressources, dont le produit des amendes forfaitaires issu des radars automatisés.

*

*     *

La commission adopte l’article 22 sans modification.

*

*     *

Article 23
Fixation des recettes et élargissement des dépenses du compte
d’affectation spéciale Transition énergétique

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit d’affecter en recettes du compte d’affectation spéciale Transition énergétique :

– une fraction de 7,2 millions d euros du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ;

– une fraction d’un million d’euros du produit de la taxe intérieure sur les houilles, les lignites et les cokes (TICC) ;

– et les revenus, nets de frais, tirés de la mise aux enchères des garanties d’origine.

Il prévoit en outre d’élargir les dépenses du compte d’affectation spéciale Transition énergétique :

– aux dépenses relatives à la préparation et la mise en œuvre des procédures de mise en concurrence concernant l’implantation d’installations produisant de l’électricité à partir d’une source d’énergie renouvelable ;

– et aux versements au profit des gestionnaires des réseaux publics d’électricité pour des projets d’interconnexion et pour un montant maximum cumulé de 42 millions d’euros.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 137 de la loi de finances rectificative pour 2016 a ajouté aux dépenses du compte d’affectation spéciale Transition énergétique la compensation des frais de gestion supportés par les opérateurs du service public de l’électricité au titre des mécanismes de soutien à l’électricité renouvelable.

L’article 44 de la loi de finances pour 2017 a modifié les règles relatives aux recettes du compte en retirant l’affectation du produit de la taxe intérieur sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et en augmentant à due proportion les recettes provenant de la TICPE et de la TICC.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification, hormis trois amendements rédactionnels du Rapporteur général.

Le présent article prévoit de modifier, à compter de 2018 et pour les années suivantes, les modalités de fixation des recettes du compte d’affectation spéciale Transition énergétique (ci-après CAS Transition énergétique).

La fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée au CAS Transition énergétique est fixée par le présent article à 7 166 317 223 euros au lieu de 39,75 % de la part de l’État dans le rendement global de cet impôt.

La fraction du produit de la taxe intérieure sur les houilles, les lignites, et les cokes – plus communément appelée « taxe charbon » (TICC) – affectée au CAS Transition énergétique est fixée par le présent article à un million d’euros au lieu de 9,09 % de son rendement en l’état du droit.

Concrètement, cela représente une perte de recettes de près d’un milliard d’euros pour le CAS Transition énergétique pour 2018 par rapport à ce que prévoyait l’état du droit.

Recettes fiscales prÉvisionnelles pour 2018 du compte d’affectation spÉciale Transition ÉnergÉtique

(en millions d’euros)

Impôt

Rendement total prévu

Droit actuel

Droit proposé

Quote-part affectée au CAS

Montant prévisionnel affecté au CAS

Quote-part affectée au CAS

TICC

 

9,09 %

1,3

1

TICPE

(dont part État)

39,75 % de la part État

8 151,5

7 166,3

 

Total recettes du CAS « droit actuel »

8 152,8

Total recettes du CAS « droit proposé »

7 167,3

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

Par ailleurs, le présent article prévoit d’affecter des recettes non fiscales au CAS Transition énergétique correspondant aux revenus, nets de frais, tirés de la mise aux enchères des garanties d’origine. Le montant prévisionnel de cette ressource est évalué à 17 millions d’euros pour 2018.

Au total, les recettes du CAS Transition énergétique s’élèveraient à 7,184 milliards d’euros pour 2018 ce qui correspond au montant prévisionnel de ses dépenses.

À cet égard, le présent article prévoit d’élargir modérément le champ des dépenses prises en charge par le CAS Transition énergétique en y incluant :

– les dépenses relatives à la préparation et la mise en œuvre des procédures de mise en concurrence concernant l’implantation d’installations produisant de l’électricité à partir d’une source d’énergie renouvelable ;

– et les versements aux gestionnaires de réseaux pour des projets d’interconnexion pour un montant maximum cumulé de 42,7 millions d’euros.

Ces dépenses sont actuellement prises en charge par le budget général.

L’augmentation des dépenses pour 2018 du fait de cet élargissement se limiterait à 4 millions d’euros. Il s’agit uniquement du coût de l’élargissement des dépenses à des études préalables plus complètes, les dépenses concernant les réseaux d’interconnexion n’étant prévues qu’à partir de 2019.

dÉpenses prÉvisionnelles pour 2018 du compte d’affectation spÉciale Transition ÉnergÉtique

(en millions d’euros)

Programmes du compte d’affectation spéciale Transition énergétique

Droit actuel

Droit proposé

Programme 764 Soutien à la transition énergétique

5 538,3

5 542,3

Programme 765 Engagements financiers liés à la transition énergétique

1 642,0

1 642

Total

7 180,3

7 184,3

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

I.   l’État du droit

Le CAS Transition énergétique a été créé par l’article 5 de la loi de finances rectificative pour 2015 ([324]).

L’exercice 2016 a été le premier exercice de fonctionnement du compte.

ExÉcution 2016 du CAS Transition ÉnergÉtique

(en millions d’euros)

Recettes

Montant

 

Dépenses

Montant

Fraction du produit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE)

4 209,4

Soutien à la transition énergétique (programme 764)

3 579,1

Fraction de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN)

24,4

Engagements financiers liés à la transition énergétique (programme 765)

357,2

Total

4 233,8

Total

3 936,3

 

Résultat reporté en 2016 : 297,5

Source : rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2016.

Le Gouvernement n’a pas été en mesure de fournir au Rapporteur général une prévision actualisée de l’exécution du CAS Transition énergétique pour 2017.

A.   Les recettes du CAS Transition ÉnergÉtique

En 2016, les recettes du CAS Transition énergétique étaient constituées par une fraction de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN).

La loi de finances pour 2017 ([325]) a supprimé les quotes-parts de TICFE et de TICGN affectées au CAS Transition énergétique au motif que la Commission européenne contestait le lien d’affectation entre les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables et leur financement. Dans le même temps, et pour maintenir le niveau de recettes du compte, elle lui a affecté une quote-part de TICPE égale à 39,75 % de la part revenant à l’État, ainsi qu’une quote-part de TICC de 9,09 % de son rendement global.

1.   La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

La TICPE est régie par les articles 265 et suivants du code des douanes. Elle frappe essentiellement les produits pétroliers.

Son produit est partagé entre l’État, les départements, les régions et l’AFTIF. Pour 2017, la part affectée au CAS Transition énergétique est de 39,75 % de la fraction revenant à l’État.

Affectation de la TICPE 2016-2018

Année

2016

exécution

2017

Prévision d’exécution

2018

Prévision

État budget général

15 878

10 421

13 341

État CAS Transition énergétique

0

6 875

7 166

Sous-total État

15 878

17 296

20 507

Départements

6 281

6 432

6 538 

Régions (hors part Grenelle)

4 807

5 254

5 075 

Régions part Grenelle

607

569

615

Sous-total collectivités territoriales

11 695

 12 255

 12 228

Agence de financement des infrastructures des transports de France (AFITF)

766

735

1 076

Total

28 339

30 286

33 811

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

2.   La taxe intérieure sur les houilles, les lignites, et les cokes (TICC)

La TICC est régie par l’article 266 quinquies B du code des douanes. La taxe est due par le fournisseur de charbon à usage combustible, lors de la livraison au consommateur final. Son tarif est de 9,99 euros par mégawatheure depuis le 1er janvier 2017. Des exonérations et des tarifs réduits sont prévus.

Le rendement de cet impôt est assez faible. Il est intégralement affecté à l’État. La part devant revenir au CAS Transition énergétique en 2017 est de 9,09 % de son rendement global, le solde étant affecté au budget général.

Affectation de la TICC 2016-2018

(en millions d’euros)

Année

2016

exécution

2017

Prévision d’exécution

2018

Prévision

État budget général

11

12

13

État CAS Transition énergétique

0

1

1

Total

11

13

14

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

B.   Les dÉpenses du CAS Transition ÉnergÉtique

Le CAS Transition énergétique a été créé pour prendre en charge les dépenses de soutien aux énergies renouvelables (programme 764 Soutien à la transition énergétique) et le remboursement à Électricité de France (EDF) du déficit de compensation de ses obligations de service public constaté au cours des années antérieures, ainsi que divers autres engagements financiers (programme 765 Engagements financiers liés à la transition énergétique).

1.   Le programme 764 Soutien à la transition énergétique

Les crédits de ce programme ont vocation à financer les compensations versées aux fournisseurs d’énergie au titre de charges de service public afférentes au soutien aux énergies renouvelables. Ces dépenses sont donc des dépenses contraintes puisqu’il s’agit de compensations des obligations de rachat de l’énergie produite.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ([326]) a créé un nouveau dispositif de soutien aux énergies renouvelables fondé sur la possibilité de vendre directement sur le marché l’électricité produite tout en bénéficiant du versement d’une prime, appelée « complément de rémunération ». Les coûts qui résultent du versement de ce « complément de rémunération » font l’objet d’une compensation via le programme 764.

Les crédits inscrits sur le programme 764 pour 2017 s’élèvent à 5,68 milliards d’euros.

2.   Le programme 765 Engagements financiers liés à la transition énergétique

Entre 2009 et 2015, les recettes issues de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) n’ont pas couvert les charges et il en résulte un déficit de compensation, supporté uniquement par EDF.

Les crédits du programme 765 Engagements financiers liés à la transition énergétique sont destinés principalement à rembourser la dette de l’État à l’égard d’EDF au titre du déficit de compensation des charges de service public de l’électricité. Le déficit accumulé depuis 2002 s’élève, avec les frais de portage financier, à un montant de 5,8 milliards d’euros.

Les crédits de ce programme retracent aussi les remboursements liés aux régimes d’exonération de l’ancienne CSPE : les entreprises consommant plus de 7 gigawattheures pouvaient demander le remboursement de la CSPE payée au-delà de 0,5 % de leur valeur ajoutée. Cette disposition s’appliquant aux consommations réalisées jusqu’au 31 décembre 2015, des demandes de remboursements, soumises à la validation de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), auront lieu jusqu’en 2018.

Les crédits inscrits sur le programme 765 pour 2017 s’élèvent à 1,3 milliard d’euros.

II.   le Contexte Économique et budgÉtaire

La création du CAS Transition énergétique a répondu à divers objectifs, dont celui d’un meilleur contrôle du Parlement sur le coût des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables et d’un financement de la transition énergétique par le produit de la hausse du prix du carbone (A). Son équilibre budgétaire est délicat en raison du caractère dynamique des dépenses qu’il doit financer (B).

A.   un financement du soutien aux Énergies renouvelabLes mieux contrôlÉ par le parlement et Élargi aux consommations d’Énergie carbonÉe

La création du CAS Transition énergétique répondait à plusieurs objectifs :

– assurer un meilleur contrôle parlementaire du financement des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables en mettant un terme au financement extrabudgétaire par la CSPE des charges de service public de l’électricité et de fourniture du gaz naturel ;

– élargir les sources de financement du soutien aux énergies renouvelables, en affectant au CAS une fraction du produit des taxes perçues sur les énergies carbonées (TICPE pour le pétrole, TICGN pour le gaz, et TICC pour le charbon) ;

– stabiliser la fiscalité sur l’électricité ;

– et rembourser la dette de l’État accumulée auprès d’EDF au titre du déficit de compensation des charges de service public de l’électricité.

1.   Un meilleur contrôle parlementaire du financement des dispositifs
de soutien aux énergies renouvelables

Le soutien aux énergies renouvelables est pris en charge par les opérateurs électriques et gaziers au titre de leur obligation de rachat qui constitue une charge de service public leur incombant.

Auparavant, le financement des compensations des charges de service public était assuré par un dispositif extrabudgétaire, via des comptes spécifiques gérés par la Caisse des dépôts et consignations alimenté par plusieurs contributions spécifiques :

– pour l’électricité, la contribution au service public de l’électricité (CSPE) ;

– pour le gaz naturel, la contribution au tarif spécial de solidarité (CTSSG) et la contribution au service public du gaz (CSPG), appelée aussi contribution bio-méthane.

La création du CAS Transition énergétique a permis de mettre un terme à ce financement extrabudgétaire. Les charges de service public sont désormais compensées par l’État, ce qui permet une meilleure lisibilité et un meilleur contrôle du Parlement de ces dépenses.

De ce point de vue, le CAS Transition énergétique remplit parfaitement son rôle puisqu’il permet au Parlement de se prononcer annuellement sur les dépenses de soutien aux énergies renouvelables et de débattre de la juste contribution des différentes sources d’énergie (électricité, énergies carbonées) au financement de cette politique.

2.   Un élargissement des sources de financement de la transition énergétique

Parallèlement, les sources de financement de la compensation de ces charges de service public ont été élargies à des énergies carbonées. Le CAS Transition énergétique comprend ainsi en recettes une fraction de la TICC, pour le charbon, et de la TICPE, pour le pétrole.

3.   Une stabilisation de la fiscalité sur l’électricité

L’élargissement des sources de financement des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables a rendu possible la stabilisation de la fiscalité sur l’électricité à 22,5 euros par mégawatheure.

Auparavant, la CSPE augmentait chaque année en fonction de l’augmentation corrélative des charges de service public des fournisseurs d’électricité. Paradoxalement, seule l’électricité participait à l’effort de soutien aux énergies renouvelables tandis que les énergies carbonées en étaient exonérées.

La contribution des autres sources d’énergie (charbon et pétrole) permet un partage de l’effort et évite que, comme par le passé, la totalité du coût des missions de service public soit supportée par l’électricité qui, du fait de son mode de production en France, est largement « décarbonée ».

4.   Un remboursement du déficit de compensation d’EDF

Le rendement de la CSPE était insuffisant pour couvrir l’ensemble des charges de service public des fournisseurs d’électricité. Le déficit de compensation a été subi intégralement par EDF, les autres opérateurs étant prioritaires dans la perception de leur part de CSPE. Le déficit accumulé depuis 2002 s’élève, avec les frais de portage financier, à un montant de 5,8 milliards d’euros.

La création du CAS Transition énergétique a permis de sécuriser le remboursement de cette dette.

B.   La dynamique des dÉpenses

La dynamique des dépenses provient essentiellement des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables (1) mais aussi de l’augmentation des annuités de remboursement de la dette de l’État à l’égard d’EDF (2).

1.   Les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables

Par délibération en date du 13 juillet 2017, la CRE a évalué pour 2018 les charges de service public de l’énergie, au titre des dispositifs relevant du CAS Transition énergétique à 5 537,3 millions d’euros.

Coût des dispositifs de soutien aux Énergies renouvelables relEvant
du Compte d’affectation spÉciale Transition ÉnergÉtique

Année

2016

2017

2018

En millions d’euros

4 387,6

4 831,3

5 537,3

Source : Commission de régulation de l’énergie.

Le coût total des charges de service public de l’énergie a été multiplié par dix depuis 2009.

Soutien aux énergies renouvelables depuis 2009 au titre des charges de service public de l’électricité et du gaz

(en millions d’euros)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Électricité

582,2

755,2

1 464,0

2 673,4

3 156,1

3 749,1

4 205,8

5 092,8

5 650,5

Gaz

0,4

1

2,7

7,1

20,9

49,9

total

582,2

755,2

1 464,0

2 673,8

3 157,1

3 751,8

4 212,9

5 113,7

5 700,8

Source : Commission de régulation de l’énergie, annexe 7 à la délibération du 13 juillet 2016 relative à l’évaluation des charges de service public de l’énergie pour 2017.

2.   La progression des engagements financiers

L’échéancier de remboursement de la dette de l’État à l’égard d’EDF au titre du déficit de compensation a été fixé par un arrêté du 13 mai 2016.

Échéancier prÉvisionnel de remboursement À EDF
du dÉficit de compensation

(en millions d’euros)

Année

Déficit de compensation

restant dû au 31 décembre

Remboursement par le

CAS Transition énergétique

2015

5 772

0

2016

5 579

194

2017

4 351

1 228

2018

2 730

1 622

2019

891

1 839

2020

0

891

Total

5 772

Source : arrêté du 13 mai 2016 pris en application de l’article R. 121-31 du code de l’énergie.

Selon cet échéancier, l’annuité de remboursement doit s’élever en 2018 à 1,622 milliard d’euros.

Dans le même temps, les remboursements partiels de l’ancienne CSPE à la Caisse des dépôts et consignation devraient diminuer et s’élever à 20 millions d’euros.

III.   le dispositif proposÉ

Le dispositif proposé prévoit quelques aménagements techniques sur le champ des dépenses (A) mais surtout un nouveau mode de fixation des recettes (B).

A.   Un élargissement modÉrÉ des dÉpenses

Le présent article prévoit d’élargir le champ des dépenses prises en charge par le CAS Transition énergétique en y incluant :

– les dépenses relatives à la préparation et la mise en œuvre des procédures de mise en concurrence concernant l’implantation d’installations produisant de l’électricité à partir d’une source d’énergie renouvelable ;

– et les versements aux gestionnaires de réseaux pour des projets d’interconnexion pour un montant maximum cumulé de 42,7 millions d’euros.

1.   Les procédures de mise en concurrence

Le CAS Transition énergétique prend déjà en charge la réalisation de certaines études techniques dans le cadre des procédures de mise en concurrence mais pas les études préalables aux appels d’offre.

Les dépenses préalables aux appels d’offres ont pour objet de minimiser les risques des projets et in fine, de baisser le coût de leur soutien. Elles se limitent aujourd’hui à la filière de l’éolien en mer, pour laquelle l’État lance des procédures de mise en concurrence sur des zones qu’il définit lui-même.

Selon le Gouvernement, il est nécessaire d’étendre le périmètre des études prises en charge pour éviter que les candidats aux appels d’offre ne les réalisent eux-mêmes et que ceux-ci ne majorent le niveau de soutien demandé.

Selon des renseignements recueillis par le Rapporteur général, il est apparu que la réalisation de ces études, notamment celles ayant trait à la qualification de la zone, et leur mise à disposition au préalable à la mise en concurrence permet d’avoir des offres plus compétitives en levant un certain nombre de risques. En effet, cela permet aux candidats de disposer, avant de déposer leur offre, d’informations liées au site d’implantation ayant une influence directe sur le niveau de l’offre qu’ils sont susceptibles de déposer (il s’agit en particulier des caractéristiques du site, incluant notamment des données sur la sédimentologie, la houle, le courant, la bathymétrie, le vent et les enjeux environnementaux associés au site). Sans ces études, les candidats font des offres « à l’aveugle » et probablement à des prix plus élevés de façon à couvrir tout risque lié au site pour assurer dans tous les cas la rentabilité du projet. À l’inverse, s’ils font des offres à prix trop bas et qu’ils s’aperçoivent, une fois désignés lauréats, que le prix n’est pas suffisant pour assurer la rentabilité du projet, les projets ne se réalisent pas.

Ainsi, la prise en charge de cette dépense supplémentaire par le CAS pourrait se traduire à terme par des économies.

2.   Les versements aux gestionnaires de réseaux pour des projets d’interconnexion

Cet élargissement des dépenses du CAS traduit un engagement de la France auprès de la Commission européenne. Le but est de développer les interconnexions.

Les versements aux gestionnaires de réseaux pour des projets d’interconnexion constituent une augmentation des dépenses du CAS mais les premiers décaissements ne sont prévus qu’à partir de 2019.

 

Un engagement pris auprès de la Commission européenne

La Commission européenne a dénoncé l’incompatibilité du financement par la CSPE des mécanismes de soutien à la production d’énergie à partir de ressources renouvelables au titre de l’année 2016 avec les articles 30 et 110 du TFUE, qui interdisent l’instauration de taxes d’effet équivalent à un droit de douane. En effet, pour supprimer toute discrimination au titre du TFUE, les États membres doivent s’assurer que l’électricité verte importée bénéficie des recettes de la taxe (en l’occurrence de la CSPE) dans la même mesure que l’électricité produite sur le territoire national, ce qui n’est pas le cas lorsque le soutien est à destination uniquement des producteurs sur le territoire national, mais qui le devient lorsqu’une partie des revenus de la taxe, correspondant à la part des revenus venant des imports d’électricité, est allouée à un dispositif bénéficiant spécifiquement aux produits importés. En l’occurrence, il a été décidé avec la Commission d’allouer ce montant à un projet d’interconnexion, car augmenter les capacités d’interconnexion permet d’augmenter les imports d’électricité verte en provenance d’autres États membres. Ces 42,7 millions d’euros  viendront donc financer un projet précis d’interconnexion, a priori celui de Celtic (interconnexion entre la France et l’Irlande), dont la rentabilité n’est pas encore complètement assurée, ou celui de Golfe de Gascogne (interconnexion entre la France et l’Espagne). On peut en effet considérer que ce montant pourrait réduire les investissements prévus par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) pour l’un ou l’autre de ces projets.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

B.   Un nouveau mode de fixation des recettes

Le présent article fixe un montant de recettes égal aux dépenses prévisibles du CAS Transition énergétique.

Les dépenses prévisibles du CAS Transition énergétique pour 2018 s’élèvent à 7 184,3 millions d’euros dont :

– 5 537,3 millions d’euros au titre des compensations de charge de service public de l’énergie ;

– 1 622 millions d’euros au titre de l’annuité de remboursement à EDF du déficit de compensation ;

– 20 millions d’euros au titre de remboursements partiels de l’ancienne CSPE ;

– 5 millions d’euros au titre du coût des études préalables aux lancements d’appels d’offres.

Le Gouvernement a donc proposé d’attribuer 7 184,3 millions de recettes au CAS Transition énergétique dont 7 167,3 millions de recettes fiscales (1) et 17 millions de recettes non fiscales issues du produit de la mise en enchère des garanties d’origine (2).

1.   Un nouveau mode de fixation des recettes fiscales

Le présent article propose de substituer un montant au pourcentage de la TICC et de la TICPE affecté au CAS Transition énergétique. L’argument avancé pour justifier cette substitution est de pouvoir s’affranchir des aléas de prévisions de rendement de ces taxes.

La fraction de la TICPE affectée au CAS Transition énergétique est ainsi fixée à 7,166 milliards d’euros au lieu de 39,75 % de la part de l’État dans le rendement global de cet impôt.

De même, la fraction du produit de la TICC affectée au CAS Transition énergétique est fixée à 1 millions d’euros au lieu de 9,09 % de son rendement en l’état du droit.

L’avantage est que le niveau de recettes est calibré pour permettre une couverture des dépenses. Par ailleurs, ce compte ne bénéficiera pas du dynamisme des taxes affectées en lien avec la montée en puissance de la trajectoire carbone.

2.   L’attribution d’une recette non fiscale : la mise aux enchères des garanties d’origine

Les garanties d’origine permettent de prouver qu’une certaine quantité d’électricité est d’origine renouvelable ou produite par cogénération. Elles permettent ensuite à des fournisseurs, indépendamment de leurs sources d’approvisionnement, de vendre des quantités d’électricité « verte » à leurs clients. La garantie d’origine peut être vendue séparément lorsque l’électricité n’a pas été vendue comme étant « verte ».

Afin d’éviter que la garantie d’origine ne soit utilisée deux fois, ou à mauvais escient, il est important qu’un organisme indépendant et centralisé gère le système des certificats de garantie d’origine. Le système européen a été adopté par une directive 2001/77/CE du 27 septembre 2001 ([327]) et réformé par l’article 15 de la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables ([328]). Les garanties d’origine sont donc standardisées.

Le dispositif proposé consiste à affecter en recettes du CAS Transition énergétique les produits provenant de la mise aux enchères des garanties d’origine. Cela représenterait selon le Gouvernement une recette de 17 millions d’euros en 2018.

Les garanties d’origine mises aux enchères pour le compte de l’État

Depuis la loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelable, il est prévu que les garanties d’origine de la production d’électricité renouvelable bénéficiant d’un dispositif de soutien (obligation d’achat et complément de rémunération) puissent être mises aux enchères pour le compte de l’État (article L. 314-14-1 du code de l’énergie).

En France, en 2016, environ 350 installations de production d’électricité à partir de sources renouvelables sont inscrites sur le registre des garanties d’origine. Aucune de ces installations ne bénéficie aujourd’hui d’un dispositif de soutien national et la quasi-totalité des installations inscrites sur le registre sont des centrales hydro-électriques. On dénombre également quelques centrales thermiques renouvelables (usine d’incinération de déchets ménagers ou installations produisant de l’électricité à partir de biogaz).

En 2016, environ 48 térawatts-heure (TWh) de garanties d’origine ont été émises sur un total d’environ 95 TWh d’électricité produite à partir de source renouvelable dans le mix de production français (et un total de 525 TWh de production d’électricité).

On estime un volume total de garanties d’origine mises aux enchères pour le compte de l’État de l’ordre de 35 à 40 TWh en 2018 soit une part de marché entre 42 % et 45 % du volume total émis sur la base des volumes 2017.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

IV.   l’Impact attendu

Le dispositif proposé permet de garantir l’équilibre du CAS Transition énergétique pour 2018 dont la majeure partie des dépenses sont des dépenses contraintes résultant de la délibération du 13 juillet 2017 de la CRE.

Le paiement des compensations permettra d’éviter que des pénalités soient mises à la charge de l’État.

*

*     *

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels ICF555, ICF556 et I-CF557 du Rapporteur général  (amendements nos I-608, 609 et 610).

Puis elle adopte l’article 23 modifié.

*

*     *

Article 24
Modification du barème du malus automobile
(compte d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie le barème du malus automobile en vue, d’une part, de l’adapter tant aux évolutions de comportement à l’achat des consommateurs qu’aux évolutions technologiques des industriels, d’autre part, de maintenir l’équilibre financier du compte d’affectation spéciale (CAS) Aides à l’acquisition de véhicules propres. Il met en œuvre, à partir du 1er janvier 2018 :

– un abaissement du seuil d’application du malus à 120 grammes de CO2 par kilomètre (127 grammes actuellement) ;

– une modification en conséquence de l’ensemble du barème en maintenant une progressivité de 66 tranches d’un gramme chacune allant de 120 grammes de CO2 à 185 grammes de CO2 ou plus (127 à 191 grammes actuellement) ;

– une modification en conséquence du barème chevaux-vapeur en maintenant une progressivité de 6 tranches allant de 3 000 euros pour les véhicules de 6 à 7 chevaux-vapeur à 10 500 euros pour les véhicules de plus de 16 chevaux-vapeur.

Les modifications relatives au bonus automobile ou à la prime de conversion sont de nature réglementaires.

Dernières modifications législatives intervenues

L’article 45 de la loi de finances pour 2017 a augmenté les tarifs du malus automobile tout en renforçant la progressivité du barème afin de limiter les effets de seuils et les comportements d’optimisation des industriels (passage de 11 à 66 tranches). En complément le décret du 30 décembre 2016 relatif aux aides à l’achat ou à la location des véhicules peu polluants a modifié les conditions d’attribution ainsi que le montant et les modalités de versement des aides à l’acquisition et à la location des véhicules peu polluants.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

L’article a été adopté sans modifications par la commission des finances.

I.   L’État du droit

A.   le malus automobile

L’article 1011 bis du CGI définit une taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules prévue à l’article 1599 quindecies du CGI à raison de leurs émissions de CO2, dénommée « malus automobile ».

À l’occasion de la délivrance du premier certificat d’immatriculation d’un véhicule de tourisme en France, est perçue une taxe dont le tarif est fonction, soit du nombre de grammes de dioxydes de carbone émis par kilomètre pour les véhicules qui ont fait l’objet d’une réception communautaire, soit de la puissance fiscale pour les véhicules qui n’ont pas fait l’objet d’une telle réception. Elle n’est pas due pour les véhicules spécialement aménagés pour les personnes handicapées ou acquis par des personnes titulaires de la carte « mobilité inclusion » portant la mention invalidité ou comptant dans leur foyer fiscal un enfant invalide.

Le premier barème de la taxe comprend, pour les véhicules ayant fait l’objet d’une réception communautaire, 66 tranches progressives d’un gramme chacune allant de l’exonération pour les véhicules émettant 126 grammes de CO2 ou moins à 10 000 euros pour les véhicules émettant 191 grammes de CO2 ou plus. La réception communautaire désigne l’acte par lequel un État membre certifie qu’un type de véhicule satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques communautaires, au sens de la directive 2007/46/CE du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur ([329]).

Pour les autres véhicules faisant l’objet d’une première immatriculation en France, le barème de la taxe est également progressif mais dépend de la puissance fiscale exprimée en chevaux-vapeur (CV) du véhicule. Il s’agit généralement de véhicules ayant fait l’objet d’une réception nationale ou à titre isolé tels que les véhicules importés du marché américain ou asiatique. Or, ces véhicules ne contiennent pas nécessairement les informations sur les émissions de CO2 par kilomètre. Pour ces derniers, le barème est composé de 6 tranches allant de 2 000 euros pour les véhicules de 6 à 7 CV à 10 000 euros pour les véhicules de plus de 16 CV.

Le CGI précise que certaines situations peuvent conduire à un abattement ou un remboursement partiel de la taxe acquittée sur un véhicule ayant fait l’objet d’une réception communautaire :

– les véhicules équipés pour fonctionner au moyen du superéthanol E85 bénéficient d’un abattement de 40 % de la taxe additionnelle, sauf si les émissions de dioxydes de carbone du véhicule concerné sont supérieures à 250 grammes par kilomètre ;

– les véhicules immatriculés pour la première fois en France, mais auparavant immatriculé à l’étranger, peuvent bénéficier d’un abattement de 1/10e par année entamée depuis la date de l’immatriculation délivrée initialement à l’étranger ;

– les familles nombreuses peuvent demander à bénéficier d’un remboursement partiel du malus acquitté dès lors que le foyer compte au moins trois enfants à charge. Le taux d’émission de dioxydes de carbone du véhicule est diminué de 20 grammes par kilomètre par enfant à charge, pour un seul véhicule de cinq places assises et plus par foyer.

Enfin, le malus automobile est recouvré selon les mêmes règles et dans les mêmes conditions que la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules : soit directement par l’administration, soit par les professionnels du commerce de l’automobile. Elle est affectée au compte d’affectation spéciale (CAS) Aides à l’acquisition de véhicules propres, minorée du paiement à l’État des frais d’assiette et de recouvrement de 2 % du montant de la taxe.

Le barème du malus automobile doit, du fait du progrès technologique et de la baisse des émissions moyennes des véhicules neufs, être régulièrement mis à jour, afin que les recettes dégagées puissent continuer à financier les bonus et les primes de conversion accordés par l’État aux acquéreurs de véhicules propres. En raison des progrès techniques régulièrement accomplis par les constructeurs automobiles pour réduire les émissions des véhicules, les barèmes de la taxe ont dû régulièrement être durcis depuis 2008 – année durant laquelle le barème du malus ne débutait qu’à 160 grammes de CO2 par kilomètre, et le malus maximal de 2 600 euros n’était applicable qu’au-delà de 250 grammes de CO2. En particulier, l’article 45 de la loi de finances pour 2017 ([330]) a augmenté les tarifs du malus automobile tout en renforçant la progressivité du barème afin de limiter les effets de seuils et les comportements d’optimisation des industriels (passage de 11 à 66 tranches).

Évolution du barÈme de taux d’Émission de CO2

(en grammes par kilomètre)

Tranche

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2016

2017

Première tranche

160

155

150

140

135

130

126

Dernière tranche

250

250

250

250

200

200

191

Tarif de la taxe pour la dernière tranche (en euros)

2 600

2 600

2 600

3 600

6 000

8 000

10 000

Source : article 1011 bis du code général des impôts.

Le malus automobile est conçu pour être le contrepoids fiscal des aides versées par le CAS Aides à l’acquisition de véhicules propres, à savoir le bonus automobile et la prime de conversion. Dans la mesure où ces dispositifs de soutien ne sont pas fiscaux mais budgétaires, ils ne sont pas régis par le CGI mais par des actes réglementaires codifiés aux articles D. 251-1 à D. 251-13 du code de l’énergie.

B.   Le bonus automobile

Le bonus automobile prend la forme d’une aide versée par l’Agence de services et de paiement (ASP) aux bénéficiaires. Elle peut aussi être versée au vendeur ou loueur de véhicules, qui dans ce cas en impute le montant sur la facture d’acquisition ou de location du véhicule. Le décret n° 2016-1980 du 30 décembre 2016 relatif aux aides à l’achat ou à la location des véhicules peu polluants a modifié les conditions d’attribution ainsi que le montant et les modalités de versement des aides à l’acquisition et à la location des véhicules peu polluants. L’aide atteint au maximum 6 300 euros pour un véhicule entièrement électrique et 1 000 euros pour un véhicule émettant entre 21 et 60 grammes de CO2 par kilomètre (tranche concernant principalement les véhicules hybrides rechargeables).

Le bonus automobile peut être complété par une prime à la conversion dont l’objectif est de favoriser le retrait des véhicules diesel les plus polluants. Elle permet actuellement de recevoir une aide allant de 2 500 euros à 4 000 euros lorsque l’acquisition d’un véhicule neuf électrique ou hybride émettant mois de 60 grammes de CO2 par kilomètre s’accompagne de la restitution d’un véhicule diesel s’accompagner de la destruction d’un véhicule. La prime de conversion peut se cumuler avec le bonus écologique pour atteindre le montant maximum de 10 300 euros pour un véhicule électrique ou de 3 500 euros pour un véhicule hybride.

Enfin, les personnes non imposables peuvent bénéficier d’une prime à la conversion « thermique » pour l’achat d’un véhicule neuf (ou d’un véhicule d’occasion) moins polluant et roulant à l’essence, s’il s’accompagne de la mise au rebut d’un véhicule diesel ayant fait l’objet d’une première immatriculation avant le 1er janvier 2006. L’aide s’élève à 1 000 euros pour l’achat d’un véhicule émettant moins de 110 grammes de CO2 par kilomètre, s’il respecte la norme EURO 6.

II.   Le contexte Économique et budgÉtaire

Le malus automobile a été créé par la loi de finances rectificative pour 2007 ([331]) afin d’abonder le CAS Aides à l’acquisition de véhicules propres, dont l’objectif est le versement d’aides pour soutenir l’acquisition de véhicules propres. Les recettes provenant du malus et les dépenses liées au versement des aides ont vocation à s’équilibrer au sein du compte.

A.   Des incitations financières favorables à une modification des comportements en faveur des véhicules propres

Le dispositif du bonus-malus permet de favoriser l’achat de véhicules neufs émettant moins de CO2, d’inciter au retrait de véhicules polluants et de stimuler l’innovation technologique des constructeurs de voitures. L’efficacité du dispositif peut être évaluée par la moyenne des émissions de CO2 des véhicules neufs vendus en France qui est passée de 149 grammes par kilomètre à la fin de l’année 2007 à 110 grammes par kilomètre à la fin de l’année 2016.

Évolution des Émissions moyennes de CO2 des vÉhicules neufs

(en grammes par kilomètre)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

149

140

133

130

127

124

117

114

111

110

102 *

* cible prévisionnelle.

Source : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

L’analyse des tendances linéaires des courbes d’évolution des émissions moyennes de CO2 avant et après la mise en place du dispositif de bonus-malus démontre l’efficacité de ce dernier pour orienter la demande et l’offre vers des véhicules moins émetteurs de CO2. Le coefficient de réduction des émissions moyennes de CO2 est 1,5 fois plus fort depuis la mise en œuvre de la mesure : au cours des dix dernières années, les émissions moyennes de CO2 des véhicules neufs ont diminué de 39 grammes par kilomètre, alors qu’au cours de la période 2007-1997, elles avaient diminué de seulement 26 grammes par kilomètre.

ÉVOLUTION DES ÉMISSIONS MOYENNES DE CO2 DES VÉHICULES NEUFS

(en grammes par kilomètre)

Source : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

Il s’agit d’une bonne performance au niveau européen puisque la moyenne des États de l’Union européenne en 2016 s’établit à 118 grammes de CO2 par kilomètre. Cette performance s’inscrit pleinement dans l’objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne à l’horizon 2030 par rapport aux niveaux de 1990, engagement pris dans le cadre des accords de Paris et qui suppose de poursuivre les efforts de réduction dans le secteur des transports. Elle s’inscrit également dans les objectifs du règlement européen n° 443/2009 sur la réduction des émissions de CO2 des voitures neuves, qui établit des normes de performance d’émission pour les voitures de tourisme à 95 grammes de CO2 par kilomètre à l’horizon 2020. Ce dernier est toutefois en cours de révision.

ÉMISSIONS MOYENNES DE CO2 DES VÉHICULES NEUFS en 2016
dans l’Union européenne

(en grammes par kilomètre)

Source : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

D’une manière générale, les constructeurs automobiles français semblent s’adapter depuis 2008 au dispositif du bonus-malus, en proposant une offre toujours plus perforante sur le plan des émissions de CO2, que ce soit grâce à l’amélioration des véhicules fonctionnant avec un moteur thermique ou au développement de véhicules hybrides ou entièrement électriques.

En 2016, le taux moyen d’émissions de CO2 pour les véhicules neufs vendus en France s’élevait à 102,5 grammes pour le groupe PSA, 107 grammes pour Renault, 118 grammes pour le groupe Ford et 121,7 grammes pour le groupe Fiat. La moyenne des constructeurs s’établissait à 110 grammes de CO2 par kilomètre. Les récents développements autour de l’affaire du « dieselgate » doivent toutefois venir nuancer cette situation et posent la question des niveaux réels de pollution des véhicules en l’état actuel des technologies et des conditions d’essais imposées lors de l’homologation par les entités de contrôle. Dans ce domaine, la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale a mis en évidence la faillite globale des systèmes européens de contrôle et d’élaboration des normes dans le secteur automobile ([332]), tandis que des soupçons de nouvelles fraudes se font désormais jour, notamment en ce qui concerne le respect des émissions de CO2.

Enfin, le dispositif a également un effet positif sur les immatriculations de voitures particulières neuves en France : les immatriculations de voitures électriques neuves ont augmenté de 110 % entre 2016 et 2012, celles de voitures hybrides de 280 % sur la même période.

Évolution des immatriculations de voitures particuliÈres neuves Électriques et hybrides depuis 2005

Source : service de l’observation et des statistiques du ministère de la transition écologique et solidaire.

Il est également observé une hausse très nette de la part des voitures neuves immatriculées fonctionnant à l’essence (44 % en 2016 contre 22 % en 2008) et des voitures électriques ou hybrides (4 % en 2016 contre moins de 1 % en 2008).

Immatriculation des voitures particuliÈres neuves par source d’Énergie en 2008 et en 2016

Source : service de l’observation et des statistiques du ministère de la transition écologique et solidaire.

B.   le contexte budgétaire

Le dispositif du bonus-malus automobile fait l’objet d’un suivi budgétaire au sein du CAS Aides à l’acquisition de véhicules propre. Il retrace en recettes le produit du malus automobile et en dépenses les contributions versées à l’Agence de services et de paiements (ASP) chargée du versement des bonus et primes à la conversion.

En 2016, le CAS présente un solde d’exécution budgétaire excédentaire de 30,1 millions d’euros, portant le solde cumulé à la fin de l’année 2016 à 248,7 millions d’euros. En loi de finances pour 2017, le montant des crédits de paiement ouverts pour le CAS était de 347 millions d’euros, soit une hausse de 47 % par rapport à l’exécution 2016 qui s’élève à 235,45 millions d’euros. Cette hausse concerne principalement le programme 791 (+ 112,5 millions d’euros), en charge notamment de soutenir les achats de véhicules propres.

ÉVOLUTION de l’Équilibre financier
du CAS Aides À l’acquisition de vÉhicules propres

(en millions d’euros)

Poste

LR 2014

LR 2015

LR 2016

PLF 2017

PLF 2018

Recettes du malus automobile

334,7

301,5

265,6

347

388

Dépenses (en crédits de paiement)

193,7

225,8

235,5

347

388

dont programme 791  Contribution au financement de l’attribution d’aides à l’acquisition de véhicules propres

192,8

204,4

207,5

320

261

dont programme 792  Contribution au financement de l’attribution d’aides au retrait de véhicules polluants

0,9

21,4

28

27

127

Solde

+ 141

+ 75,7

+ 30,1

Solde cumulé

+ 142,9

+ 218,6

+ 248,7

LR : loi de règlement.

PLF : projet de loi de finances.

Source : rapports annuels de performances de 2014 à 2016 et programmes annuels de performances de 2017 à 2018.

La Cour des comptes estimait, à propos de l’exécution budgétaire de 2016, que « la progression prévisible des ventes de véhicules électriques dans les prochaines années pose la question de la soutenabilité du dispositif à moyen terme », en raison d’une baisse continue des recettes entre 2014 et 2016 (– 21 % sur la période) ([333]). L’objectif du présent article est d’assurer pour 2018 un niveau de recettes cohérent par rapport à la réforme du dispositif du bonus et de la prime à la conversion envisagée par le ministère de la transition écologique et solidaire. Le malus automobile, tel que modifié par le présent article, abondera ainsi en 2018 le CAS à hauteur de 388 millions d’euros (soit + 11,8 % par rapport à 2016), pour un niveau de dépense équivalent. L’augmentation des dépenses du CAS est ainsi financée par la hausse en valeur du barème du malus et l’élargissement de son assiette.

III.   Le dispositif proposÉ et les enjeux juridiques

A.   un durcissement législatif du malus…

Le présent article modifie l’article 1011 bis du CGI, afin de durcir le barème du malus applicable aux véhicules automobiles. Il s’agit, d’une part, d’adapter le barème tant aux évolutions de comportement à l’achat des consommateurs qu’aux évolutions technologiques des industriels, d’autre part, de maintenir l’équilibre financier du CAS Aides à l’acquisition de véhicules propres. Il met en œuvre, à partir du 1er janvier 2018 :

– un abaissement du seuil d’application du malus à 120 grammes de CO2 par kilomètre pour les véhicules ayant fait l’objet d’une réception communautaire (127 grammes actuellement) ce qui conduit à étendre le malus aux véhicules émettant de 120 à 126 grammes de CO2 par kilomètre ;

– une nouvelle tranche supérieure au barème pour les véhicules émettant plus de 185 grammes de CO2 par kilomètre ou plus (191 grammes actuellement) au tarif de 10 500 euros (au lieu 10 000 euros actuellement).

– une modification en conséquence de l’ensemble des tranches du barème en maintenant une progressivité des tarifs applicables sur 67 tranches d’un gramme chacune (au lieu de 66 tranches actuellement) allant de l’exonération pour les véhicules émettant 119 grammes de CO2 par kilomètre ou moins, à 10 500 euros pour les véhicules émettant 185 grammes de CO2 ou plus ;

– une actualisation en parallèle du barème de puissance fiscale exprimé en CV en maintenant une progressivité de 6 tranches allant de 3 000 euros pour les véhicules de 6 à 7 CV (2 000 euros actuellement) à 10 500 euros pour les véhicules de plus de 16 CV (10 000 actuellement).

Les modifications envisagées permettent de dégager 121 millions d’euros de recettes supplémentaires affectées au CAS Aides à l’acquisition de véhicules propres par rapport à une situation à barème inchangé. Les recettes totales du CAS s’établissent ainsi à 388 millions d’euros en 2018, au lieu de 347 millions d’euros prévus en loi de finances initiale pour 2017 ([334]). L’augmentation des dépenses du CAS prévue en 2018 est ainsi financée par la hausse limitée en valeur du barème du malus et par l’élargissement de l’assiette de taxation : les véhicules auxquels s’applique un malus représentent en prévision 15 % des ventes en 2017 et atteindront, en prévision, 21 % en 2018.

Barème carbone du malus automobile en 2017 et 2018

Source : commission des finances.

BARÈME puissance DU MALUS AUTOMOBILE EN 2017 ET 2018

Source : commission des finances.

B.   … qui doit s’accompagner d’un renforcement réglementaire du bonus

Un recentrage des bonus de niveau réglementaire doit venir compléter le présent article afin d’adapter la réglementation relative aux aides du bonus sur le soutien aux véhicules les moins émetteurs de CO2 et à la prime de conversion des véhicules polluants. En effet, le nouveau barème de malus proposé pour 2018 permet d’équilibrer budgétairement le CAS Aides à l’acquisition de véhicules propres, afin notamment de financer par ce compte la prime à la conversion du programme présidentiel au profit des ménages aux revenus modestes, tout en recentrant le bonus vers les véhicules les moins émetteurs de CO2.

Le ministre de la transition écologique et solidaire a annoncé, le 27 septembre 2017, la réforme de la prime à la conversion visant à accélérer la sortie du parc des véhicules essence et diesel les plus polluants en aidant, notamment les ménages non imposables, à acheter un véhicule neuf ou d’occasion en échange de la mise au rebut de leurs vieilles automobiles. Mise en place au 1er avril 2015, la prime à la conversion a permis de mettre au rebut près de 19 000 vieux véhicules diesel dont 95 % ont été remplacés par des voitures électriques. Néanmoins, le parc automobile compte encore plus de 3 millions de véhicules que leur niveau de pollution rend non éligibles à la vignette « Crit’air », qui concerne les voitures particulières d’avant 1997 et les camionnettes d’avant 1998. Les véhicules les plus anciens, dont les moteurs sont moins performants et qui ne sont pas équipés de dispositifs efficaces de réduction des émissions de particules, sont particulièrement polluants : c’est le cas des 3 millions de véhicules essence datant d’avant 1997 et des 7 millions de véhicules diesel datant d’avant 2006.

Le présent projet de loi de finances tient ainsi compte, au sein des crédits budgétaires du CAS Aides à l’acquisition de véhicules propres, de l’intégration des véhicules essence les plus anciens dans le périmètre de la prime à la conversion. Le renouvellement du parc automobile ancien est en effet un levier essentiel pour améliorer la qualité de l’air et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Seront désormais éligibles à la prime à la conversion les véhicules essence immatriculés pour la première fois avant 1997 ainsi que les véhicules diesel immatriculés pour la première fois avant 2001, pour tous les ménages, ou avant 2006, pour les ménages non imposables, qui achètent en contrepartie une voiture neuve ou d’occasion plus récente. Le présent projet de loi de finances tient ainsi compte des hypothèses suivantes concernant la prime à la conversion :

– une diminution de la prime pour l’achat d’un véhicule électrique neuf à 2 500 euros contre 4 000 euros en 2017 ;

– un élargissement de la prime à la conversion « thermique » : tous les ménages pourront bénéficier d’une prime de 1 000 euros pour l’acquisition d’un véhicule neuf ou d’occasion qui affiche une vignette « Crit’air » 0 (électrique), 1 (gaz, hybride rechargeable, essences EURO 5 et 6) ou 2 (essence EURO 4, diesel EURO 5 et 6). Les ménages non imposables bénéficieront d’une surprime de 1 000 euros ;

– un élargissement de la prime à la conversion lors de la mise au rebut d’un véhicule (voiture particulière ou camionnette) essence ou diesel ancien pour l’acquisition d’un deux ou trois roues motorisés ou d’un quadricycle motorisé électrique. L’acquisition de ce type de véhicule sera alors aidée à hauteur de 1 000 euros en cumulant la prime à la conversion avec le bonus. De plus, les ménages non imposables bénéficieront d’une surprime de 1 000 euros.

La prime à la conversion concernera environ 100 000 véhicules en 2018.

Par ailleurs, le présent projet de loi de finances tient compte du maintien des bonus pour les véhicules électriques à 6 000 euros, mais aussi de la suppression du bonus de 1 000 euros pour les véhicules hybrides rechargeables neufs, de la diminution du bonus versé en faveur de l’acquisition des deux ou trois roues ou quadricycles électriques à 900 euros contre 1 000 euros aujourd’hui, ainsi que de la suppression du bonus de 200 euros pour les vélos à assistance électrique dont la fin est prévue au 31 janvier 2018. L’aide totale pour l’acquisition d’un véhicule électrique, associée à la mise au rebut d’un vieux véhicule, essence ou diesel, s’élèvera en 2018 à 8 500 euros. Le Rapporteur général regrette néanmoins la suppression de l’aide aux vélos à assistance électrique qui aura permis de financer près de 250 000 vélos.

IV.   L’impact Économique et budgétaire attendu

Le durcissement progressif du malus comme le renforcement du bonus automobile permettent de stimuler la construction de voitures vers des évolutions technologiques qui constituent des gisements de croissance à long terme et favorisent à la fois notre indépendance énergétique et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Il est toutefois dommage que d’autres types de polluants ne soient pas pris en compte dans la définition du barème (émissions de particules et d’oxydes d’azote notamment). Aussi, une réforme d’ampleur du cadre règlementaire européen en vigueur est nécessaire, afin, d’une part, de tirer toutes les conséquences « de la faillite du système européen de régulation, de surveillance et d’élaboration des normes » et, d’autre part, « d’élaborer une nouvelle norme (…) unique et multicritères car intégrant tous les paramètres de pollution à l’émission, qui respecte le principe de neutralité technologique » ([335]).

Sur le plan budgétaire, le dispositif du bonus-malus, comme on l’a vu supra, a longtemps été déficitaire, en raison d’une orientation des comportements vers des véhicules peu polluants supérieure aux prévisions.

Depuis 2014 et le durcissement régulier du dispositif du bonus et du malus, les recettes sont désormais régulièrement supérieures aux aides versées. Aussi, au cours de l’exécution 2016, les dépenses ont été inférieures aux prévisions : seuls 28 300 véhicules électriques ont été immatriculés en 2016, soit 4 700 de moins que prévu pour l’élaboration des prévisions de dépenses.

Il est aussi constaté un écart important entre les dépenses de primes à la conversion prévues et réalisées, en raison du faible nombre de véhicules bénéficiaires. Le CAS était ainsi bénéficiaire en 2016 de près de 30 millions d’euros.

Toutefois, la situation budgétaire du compte demeure fragile à long terme, puisque le rendement du malus a naturellement tendance à s’éroder au cours des années : la part des ventes de voitures affectées d’un malus était de 17,3 % en 2014 contre, en prévision, 15 % des ventes en 2017. Les mesures proposées permettront de remonter ce taux à 21 % des ventes en 2018 et d’assurer par ce biais le financement des aides annoncées.

*

*     *

La commission étudie l’amendement I-CF112 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’article 24 aggrave encore le malus automobile en modifiant le seuil d’application de la pénalité, ce qui conduit à durcir le barème. Cela revient à créer une charge nouvelle supportée par les ménages, au moment où le prix du carburant, déjà très élevé, augmente de 7 centimes le diesel et 3 centimes pour l’essence. Il ne nous semble absolument pas opportun de créer une charge supplémentaire sur les acquisitions de véhicules neufs.

M. le Rapporteur général. Une seule remarque : s’il y a malus, c’est pour financer la prime à la conversion des véhicules anciens ; ce dispositif est utile à mes yeux, et le montant du malus n’est pas si drastique... Pour ces raisons, mon avis est défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Je maintiens mon amendement, car on observe que lorsqu’un dispositif est mis en place, on prend beaucoup de précautions, ce qui est tout à fait justifié. Par la suite, on n’hésite pas à faire évoluer assez facilement les différents niveaux.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 24 sans modification.

*

*     *

Article 25
Reconduction et actualisation du dispositif de garantie des ressources
de l’audiovisuel public
(compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public)

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à actualiser les prévisions d’encaissement de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), appelée communément « redevance audiovisuelle », par le compte de concours financiers (CCF) Avances à l’audiovisuel public, afin de tenir compte de la revalorisation automatique de cette contribution en fonction de l’inflation, à hauteur d’un euro en 2018.

Cette revalorisation d’un euro – de 138 à 139 euros en métropole – devrait en effet permettre un accroissement des ressources de ce compte de 43 millions d’euros au titre de cette seule CAP.

Cette augmentation du produit de la CAP doit, par ailleurs, être analysée en parallèle avec la baisse de 79,66 millions d’euros du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électronique (TOCE) affecté à France Télévisions, prévue par l’article 19 du présent projet de loi de finances.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi de finances pour 2013 a prévu une augmentation de la CAP de 4 euros.

La loi de finances pour 2015 a prévue son augmentation de 3 euros (2 euros à titre exceptionnel et un euro à titre automatique) ainsi que la possibilité de financer TV5 Monde par le biais de ce compte de concours financiers.

La loi de finances pour 2016 a tiré les conséquences de l’augmentation automatique d’un euro de cette CAP sur le compte de concours financiers et prévu l’augmentation du taux de la TOCE de 0,9 à 1,3 %.

La loi de finances pour 2017 a tiré les conséquences de l’augmentation automatique d’un euro de cette CAP sur le compte de concours financiers.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

La commission a adopté cet article sans modification.

L’impact financier du présent projet de loi de finances sur les opérateurs de l’audiovisuel public est retracé dans les deux tableaux ci-dessous.

Ventilation de l’accroissement des Ressources de CAP (2018/2017)

(en millions d’euros)

France Télévisions

 + 49,2

ARTE

+ 5,4

Radio France

– 16,3

France Média Monde

+ 6,3

TV5 Monde

– 0,5

Institut national de l’audiovisuel (INA)

– 1,1

Total

 + 43

Source : documents budgétaires.

Au total, le présent projet de loi de finances implique un effort budgétaire de l’audiovisuel public de 36,5 millions d’euros par rapport à 2017.

Évolution de l’équilibre du compte de concours financiers (2018/2017)

(en millions d’euros)

Opérateur

LFI 2017

PLF 2018

Variation

(PLF 2018/LFI 2017)

France Télévisions

2 598,3

2 567,9

– 30,4

ARTE

280

285,4

+ 5,4

Radio France

625,1

608,8

– 16,3

France Média Monde

256,8

263,1

+ 6,3

TV5 Monde

90,9

90,4

– 0,5

Institut national de l’audiovisuel (INA)

80

78,9

– 1,1

Total

3 931,1

3 894,6

 36,5

Source : états D des projets de finances 2017 et 2018.

I.   L’état du droit

A.   Le fonctionnement du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public

1.   Des principes clairs fixés dans la LOLF et la loi de finances pour 2006

L’article 19 de la LOLF a créé la catégorie des comptes de concours financiers, en supprimant par ailleurs, à compter du 1er janvier 2006, celles des comptes d’avances et des comptes de prêts retraçant jusqu’alors les sommes mises à disposition d’organismes publics respectivement pour moins ou pour plus de deux années.

Ces comptes, dont la LOLF prévoit expressément qu’ils sont dotés de crédits limitatifs, ont pour avantage de permettre la réalisation d’avances, la plupart du temps au bénéfice de personnes publiques, avec un taux d’intérêt bonifié aligné sur celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance.

Le compte de concours financiers pour l’audiovisuel public

En application de ces dispositions, l’article 46 de la loi de finances pour 2006 (1) a prévu la création d’un compte de concours financiers destiné à retracer les avances à l’audiovisuel public.

Ce compte retrace :

– en dépenses, le montant des avances accordées à certaines personnes publiques intervenant dans le domaine audiovisuel : France Télévisions, Radio France, de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, ARTE-France et de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) (2) ; depuis 2015, TV5 Monde bénéficie également de ces avances ;

– en recettes, d’une part, les remboursements d’avances correspondant au produit de la CAP, déduction faite des frais d’assiette et de recouvrement et du montant des intérêts sur les avances, et, d’autre part, le montant des dégrèvements de CAP pris en charge par le budget général de l’État.

(1) Loi  2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

(2) La Chaîne parlementaire est exclue du bénéfice du compte de concours financiers.

La clarté de la présentation du compte de concours financiers a toutefois été limitée dès l’origine par un double mécanisme de garantie faisant intervenir à titre subsidiaire des crédits budgétaires.

En effet, l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2006 ([336]) a d’abord prévu que la prise en charge des dégrèvements de redevance audiovisuelle par le budget général de l’État serait soumise à un plancher.

En outre, ce même article 46 a prévu la fixation en loi de finances initiale d’un produit minimal de CAP ; s’il s’avère que le produit réel de cette taxe est en dessous de la prévision, la différence est alors comblée par le budget général de l’État.

2.   Une pratique qui tourne le dos aux principes de la LOLF et de la loi
de finances pour 2006

L’analyse de ce compte de concours financiers par la Cour des comptes, dans ses différentes notes annuelles d’exécution budgétaire, laisse perplexe sur le respect des dispositions de la LOLF et de l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2006 précitée.

La Cour décrit en effet un compte de concours financiers fonctionnant de façon relativement virtuelle, avec des jeux d’écritures en recettes comme en dépenses permettant d’arrêter des chiffres qui s’équilibrent entre eux mais ne sont pas suivis des versements correspondants.

S’agissant d’abord des recettes du compte, la Cour des comptes indique que les remboursements en principe opérés par les bénéficiaires des avances « ne sont en aucune manière des remboursements réels par les organismes audiovisuels publics, mais un simple jeu d’écritures conduisant à alimenter le compte par deux flux » que sont d’une part le produit de la CAP et d’autre part le remboursement des dégrèvements.

S’agissant par ailleurs des dépenses ordonnées à partir du compte de concours financiers, la Cour note que les avances ne sont pas considérées comme telles par les organismes bénéficiaires, puisque « les organismes publics n’inscrivent pas dans leurs comptes une dette financière qui serait la contrepartie de l’avance consentie par l’État ». De ce fait, « l’opération ne se solde, en cours d’année, par aucun versement d’intérêt qui aurait vocation à alimenter le budget général en tant que recettes non fiscales ni, en fin d’année, par aucun remboursement du principal venant en recette du compte de concours financiers ».

En synthèse, « le recours à un compte de concours financiers ne répond pas à la définition donnée par l’article 24 de la LOLF. Il crée une distorsion de traitement avec la comptabilité générale, difficile à expliquer, et permet d’exonérer les avances à l’audiovisuel de toute discipline budgétaire puisque les dépenses faites sur ce compte (...) échappent à la norme de dépense ».

B.   Les recettes du compte de concours financiers

Le compte de concours financiers est actuellement alimenté à titre principal par le produit de la CAP et à titre accessoire par les dégrèvements de CAP décidés par l’État ainsi que les éventuels remboursements dus à une erreur de perception.

Depuis 2016, il est également en partie abondé par une partie du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE).

1.   La contribution à l’audiovisuel public

Le régime de la CAP due par les particuliers se distingue de celui applicable aux personnes physiques à titre professionnel et aux personnes morales, tandis que son tarif est différent entre la métropole (138 euros) et l’outre-mer (88 euros).

a.   La contribution à l’audiovisuel public des particuliers

Sont concernées, en premier lieu, pour l’imposition des particuliers, les personnes physiques imposables à la taxe d’habitation au titre d’un local meublé affecté à l’habitation et détenant, au 1er janvier de l’année, un téléviseur à usage privatif.

L’article 1605 bis du CGI prévoit, par un renvoi aux dispositifs applicables à la taxe d’habitation, les personnes dégrevées de cette contribution.

b.   Le régime applicable aux redevables professionnels

La CAP est également due par toutes les personnes physiques autres que celles imposables à la taxe d’habitation et par les personnes morales.

Sont exonérées de ce volet de la CAP les personnes morales de droit public pour leurs activités non assujetties à la TVA, les associations caritatives hébergeant des personnes en situation d’exclusion, les établissements sociaux et médico-sociaux, les établissements de santé et les associations socioculturelles et sportives des établissements pénitentiaires.

Le tarif applicable est le même que celui en vigueur pour les particuliers. Il s’applique toutefois à chaque point de vision, avec un abattement de 30 % à partir du troisième et de 35 % à partir du trente et unième. Il est, en outre, multiplié par quatre pour les débits de boissons à consommer sur place.

Les redevables professionnels de la CAP

Année

2013

2014

2015

2016

2017

Nombre de redevables
(en milliers de personnes)

100,1

100,8

nc

nc

nc

Produit total
(en millions d’euros)

105

114

117

120

nc

Source : direction du budget.

c.   L’augmentation tendancielle des recettes nettes de CAP et les modalités de détermination du montant effectivement versé aux opérateurs

Le produit de la CAP a augmenté de manière tendancielle ces dernières années.

LE PRODUIT DE LA CAP EFFECTIVEMENT VERSÉ APRÈS IMPÔTS

(en millions d’euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

3 058,9

3 155,9

3 223,2

3 376,8

3 478

3 591,4

3 651,7

3 688,7

3 730,7

Source : direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).

Les chiffres présentés dans le tableau ci-dessus retracent les montants effectivement versés aux organismes publics, toutes taxes acquittées.

Ce montant net résulte de l’addition des recettes brutes de CAP et du montant correspondant aux remboursements et dégrèvements de CAP opéré à partir des crédits de la mission Médias. Sont déduits les frais d’assiette et de recouvrement, des coûts de trésorerie, ainsi que la TVA au taux de 2,1 % pesant spécifiquement sur les subventions versées à partir de ce compte en application de l’article 257 du CGI.

Évolution du montant de la contribution
à l’audiovisuel public

(en millions d’euros)

Ressources

2013

2014

2015

2016

2017

PLF 2018

Encaissements bruts de redevance

2 986,2

3 072,2

3 181,3

3 140,1

3 194,4

3 247

Frais d’assiette et de recouvrement

28,2

28,4

28,6

28,8

29,0

29,2

Coûts de trésorerie

0,5

0,5

0

0,0

1,5

3,1

Encaissements nets de redevance

2 957,5

3 043,3

3 152,7

3 111,3

3 163,9

3 214,7

Compensation pour dégrèvement

490,2

507,8

514,1

617,1

602,3

594,4

Dotations aux organismes publics (TTC)

3 447,7

3 551,1

3 666,8

3 728,3

3 766,2

3 809,1

Dotations aux organismes publics (HT)

3 376,8

3 478,0

3 591,4

3 651,7

3 688,7

3 730,7

Source : direction du budget.

L’augmentation du produit de la CAP résulte pour l’essentiel de l’augmentation régulière du tarif de cette contribution. Cette augmentation a concerné à la fois la métropole et l’outre-mer. Elle résulte à la fois de la revalorisation automatique en fonction de l’inflation et d’augmentations complémentaires décidées par le Gouvernement à échéances régulières.

Les augmentations successives de la CAP

(en euros)

Année

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PLF 2018

Métropole

118

121

123

125

131

133

136

137

138

139

Outre-mer

75

78

79

80

84

85

86

87

88

89

Montant qui résulterait uniquement de l’indexation sur l’inflation

118

119

121

123

125

127

128

129

130

131

Source : DGMIC.

2.   Les dégrèvements décidés par l’État

Le compte de concours financiers est, par ailleurs, alimenté par un montant correspondant aux dégrèvements et remboursements de CAP décidés par l’État ; ce montant, budgété à l’action 12 du programme 200 Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, rattaché à la mission Remboursements et dégrèvements.

Ces dégrèvements correspondent, en premier lieu, au dispositif dit « de maintien des droits acquis » appliqué à compter de 2005, prévu par le 3° de l’article 1605 bis du CGI à destination des personnes qui étaient exonérées de la redevance audiovisuelle au 31 décembre 2004.

Ce dispositif, prévu par l’article 41 de la loi de finances pour 2005 ([337]), était destiné à accompagner une réforme en profondeur de l’ancienne taxe parafiscale pour la transformer en imposition de toute nature, conformément au nouveau cadre posé par la LOLF.

Cette réforme s’est traduite par un rapprochement des conditions d’exonération de la CAP et de celles, plus restrictives, applicables pour la taxe d’habitation ; en effet, l’exonération de redevance audiovisuelle était ouverte aux personnes de plus de soixante-cinq ans n’ayant pas été imposées sur le revenu au titre de l’avant-dernière année ou de l’ISF au titre de la même année.

En 2017, le montant des restitutions opérées au titre du maintien des droits acquis a, de surcroît, été impacté par la mise en œuvre de l’article 75 de la loi de finances pour 2016 ([338]), qui vise, d’une part, à protéger les droits acquis des contribuables ayant bénéficié du maintien de leurs exonérations d’impôts locaux en 2014 et, d’autre part, à améliorer la situation des contribuables aux revenus modestes au regard de l’imposition locale.

Les effets des mesures de lissage des impôts locaux de 2014 et 2015
sur le paiement de la CAP

L’article 28 de la première loi de finances rectificative pour 2014 (1) a maintenu l’exonération de taxe d’habitation en 2014, pour les contribuables de plus de soixante ans, ainsi que pour les veufs et veuves, qui étaient exonérés en 2013 à raison de leur niveau de revenu fiscal de référence (RFR), en application du 2° du I de l’article 1414 du CGI. Cet article a également prévu le maintien du dégrèvement de la contribution à l’audiovisuel public en 2014, pour ces mêmes contribuables.

Le maintien de l’exonération de taxe d’habitation et de contribution à l’audiovisuel public a bénéficié en 2014 à 662 000 redevables. Toutefois, la mesure prévue par l’article 28 précité n’ayant qu’un caractère temporaire, à l’automne 2015, un certain nombre de contribuables âgés se sont trouvés assujettis à la taxe d’habitation et à la contribution à l’audiovisuel public, alors qu’ils en étaient exonérés jusqu’alors.

Afin de remédier à cette situation, l’article 75 de la loi de finances pour 2016 précitée a permis la mise en place de ce qu’il est désormais convenu d’appeler une « clause de grand-père » en deux volets :

– le premier volet permet de maintenir les droits acquis des personnes exonérées en 2013, en pérennisant les effets de l’exonération prévue par l’article 28 précité lorsqu’elles ont perdu le bénéfice de l’exonération du fait de la fiscalisation des majorations de pension et de la réforme de la demi-part « vieux parents ». À cet effet, les seuils du RFR conditionnant l’exonération de la taxe d’habitation ont été réhaussés pour ces seuls redevables ;

– le second volet, qui concerne l’ensemble des contribuables, vise à lisser les effets de seuil lors de l’entrée dans l’imposition locale grâce à la mise en place d’un dispositif « en sifflet ». En effet, lorsqu’un contribuable perd son exonération de taxe d’habitation, de taxe foncière et de CAP, les montants d’imposition à acquitter du fait de cette perte peuvent être considérables, souvent supérieurs à la hausse de revenu ayant généré cette perte.

L’article 75 permet donc aux contribuables ayant perdu le bénéfice de l’exonération de taxe d’habitation prévue en faveur des personnes aux revenus modestes de plus de soixante ans, veufs ou veuves, ou titulaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de conserver pendant deux ans le bénéfice de cette exonération, à laquelle est associé le dégrèvement de CAP. Il en est de même pour les contribuables bénéficiant de l’exonération de taxe foncière prévue en faveur des personnes aux revenus modestes de plus de soixante-quinze ans ou titulaires de l’AAH.

À l’issue de cette période de deux ans, la valeur locative utilisée pour établir la taxe foncière et la taxe d’habitation est réduite de deux tiers l’année suivante et d’un tiers l’année d’après. Ce dernier dispositif est toutefois sans impact sur le paiement de la CAP, dont la personne redevient redevable pour l’intégralité de son montant.

(1)    Loi  2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

Outre ces dispositifs de maintien des droits acquis, le montant des dégrèvements versés au compte de concours financiers résulte par ailleurs à titre principal du dispositif en vigueur, qui permet d’exonérer ou de dégrever les personnes visées précédemment en raison de leur situation actuelle et non de leur situation passée.

3.   La taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE)

Depuis l’entrée en vigueur de l’article 48 de la loi de finances pour 2016 précitée, le compte de concours financier est également alimenté par une partie du produit de la TOCE.

Cette taxe a été créée par l’article 33 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, dans le cadre d’une modification plus générale du financement de l’audiovisuel public impliquant, notamment, la suppression de la publicité après 20 heures sur France Télévisions et la restructuration de l’audiovisuel extérieur de la France.

Afin de compenser le surcoût budgétaire lié à cette suppression, cette loi a prévu la création de deux taxes, dont le produit vient abonder le budget général de l’État :

– la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision, codifiée à l’article 302 bis KG du CGI ;

– la TOCE.

Cette seconde taxe pèse sur les services de communications électroniques, c’est-à-dire sur toute prestation qui, au moins à titre principal, permet l’émission, la transmission ou la réception de signes, de signaux, d’écrits, d’images ou de sons, par voie électromagnétique. Cette définition exclut les services de télévision, de radios et de médias audiovisuels à la demande.

Elle est due par les opérateurs de communications électroniques tels que définis par l’article L. 32 du code des postes et communications électroniques, qui ont fait l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électronique (ARCEP). La taxe est due à raison des services fournis en France, ce qui n’exclut pas les opérateurs dont le siège est installé à l’étranger.

Elle pèse sur le montant, hors TVA, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers auprès de ces opérateurs en rémunération des services de communications électroniques qu’ils fournissent.

Le taux de la taxe a été relevé par l’article 48 précité de 0,9 à 1,3 %.

PRODUITS DES TAXES SUR LA PUBLICITÉ ET SUR LES SERVICES FOURNIS
PAR LES OPÉRATEURS DE COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

(en millions d’euros)

Taxe

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Taxe sur la publicité

13

14

15,3

15,3

15

TOCE

179,7

253,9

212,7

201

295

294

298

Total

192,7

267,9

228

228

310

294

298

Source : DGMIC.

II.   le contexte Économique, budgétaire et financier

L’actualisation des prévisions d’encaissement de CAP doit être évaluée à l’aune de l’évolution du budget de l’ensemble du secteur de l’audiovisuel public.

A.   Un financement exclusivement assuré par une fiscalité affectée

1.   La fin du financement par les crédits budgétaires

Le financement de l’audiovisuel public par des crédits budgétaires, rendu en grande partie nécessaire par la suppression de la publicité après 20 heures sur les chaînes du groupe France Télévisions en 2008, a progressivement été mis en extinction.

Il a été progressivement remplacé par des augmentations de la CAP au-delà de la seule revalorisation en fonction de l’inflation, ainsi qu’une affectation croissante du produit de la TOCE.

Les ressources de l’audiovisuel public

(en millions d’euros)

Ressources

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PLF 2018

Crédits budgétaires

642,6

622

426

283,2

189,6

Taxes affectées nettes (1)

3 155,9

3 223,2

3 377,2

3 478,6

3 591,4

3 790,7

3 853,1

3 816,3

 dont CAP

3 155,9

3 223,2

3 377,2

3 478,6

3 591,4

3 651,6

3 688,7

3 730,7

 dont TOCE

139,1

164,4

85,5

Recettes publicitaires et produits divers (2)

554,7

508,7

463,8

450,1

465,6

470,4

470,4

470,4

Total

4 353

4 354

4 267

4 212

4 247

4 261,1

4 323,5

4 286,7

TOCE : taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques.

(1) Les recettes de CAP sont indiquées hors taxes et les montants TOCE hors frais d’assiette et de recouvrement.

(2) Ces recettes ne comprennent pas la contribution publique des gouvernements partenaires reçue par TV5 Monde.

Source : réponses au questionnaire budgétaire, documents budgétaires.

Le tableau ci-dessous présente une synthèse des mesures adoptées depuis 2012 qui ont permis de faire évoluer le financement de l’audiovisuel public dans ce sens.

Mesures législatives récentes dans le domaine du financement
de l’audiovisuel public

(en millions d’euros)

Article de loi

Mesures adoptées

Impact budgétaire prévu

Art. 54 de la LFI 2013

– Augmentation de la CAP de 4 euros

– Produit supplémentaire de CAP d’environ 100 millions d’euros

Art. 44 de la LFI 2015

– Augmentation de la CAP de 3 euros (deux euros à titre exceptionnel et un euro à titre automatique)

– Possibilité de financer TV5 Monde par le biais du compte Audiovisuel public

– Produit supplémentaire de CAP de 76 millions d’euros

– Suppression de la subvention à TV5 Monde de 76,2 millions d’euros

– Garantie de financement actualisée à hauteur de 126 millions d’euros (49,8 + 76,2)

Art. 48 de la LFI 2016 et budget Médias

– Augmentation automatique de la CAP d’un euro

– Taux de la TOCE relevé de 0,9 à 1,3 %

– Affectation du produit de la TOCE à France Télévisions à hauteur de 140,5 millions d’euros

– Suppression de la dotation budgétaire de 40,5 millions d’euros à France Télévisions

– Produit supplémentaire de CAP de 64,7 millions d’euros

Art. 37 de la LFI 2017

– Augmentation automatique de la CAP d’un euro

– Augmentation globale des moyens affectés à l’audiovisuel public de 63 millions d’euros

– Ce montant est financé à hauteur de 37 millions d’euros par la revalorisation automatique de la CAP et la dynamique de son assiette

– Il est par ailleurs financé à hauteur de 26 millions d’euros par un accroissement de la part du produit de la TOCE affectée à France Télévisions

LFI : loi de finances initiale.

TOCE : taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques.

Source : commission des finances.

 

2.   Une part croissante du produit de la TOCE affectée à l’audiovisuel public depuis 2016

La part du produit de la TOCE affectée au financement de l’audiovisuel public a enregistré une augmentation croissante entre 2015 et 2017, mais le présent projet de loi de finances tend à inverser cette tendance.

le PRODUIT de la toce affecté à l’audiovisuel public

(en millions d’euros)

Ressource

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PLF 2018

Produit total

179,7

253,9

212,7

201

295

294

298

Part affectée à l’audiovisuel public

139,1

166

86,4

Source : DGMIC.

Il convient d’ailleurs de rappeler qu’à l’initiative de la précédente rapporteure générale, cette part a été augmentée dans le cadre de la loi de finances pour 2017 comparé à ce qui était initialement prévu dans le projet initial.

En effet, alors que le projet de loi initialement déposé prévoyait de financer un accroissement important des ressources de l’audiovisuel public (+ 63 millions d’euros) par une augmentation de deux euros de la CAP (un euro résultant de l’augmentation en fonction de l’inflation et un autre euro résultant d’une augmentation exceptionnelle), la loi de finances définitivement votée a prévu de limiter l’augmentation de la CAP à sa revalorisation automatique. Le solde des engagements pris par le Gouvernement envers les acteurs de l’audiovisuel public – à travers les contrats d’objectifs et de moyens signés avec chaque opérateur – a été comblé par une affectation plus importante du produit de la TOCE allant, auparavant, au budget général de l’État.

Les modalités de financement de l’augmentation des ressources
de l’audiovisuel public en 2017

(en millions d’euros)

Les modalités de financement initialement envisagées en PLF 2017

Engagements

Financement

France Télévisions

38

Augmentation exceptionnelle de la CAP d’un euro

26

ARTE

10

Radio France

5,5

France Média Monde

8

TV5 Monde

1

Revalorisation automatique de la CAP et dynamique de l’assiette

37

Institut national de l’audiovisuel (INA)

=

Total

63

Total

63

 

Les modalités de financement à l’issue de la première lecture du PLF 2017

Engagements

Financement

France Télévisions

38

Affectation d’une fraction supplémentaire du produit de la TOCE

26

Affectation d’une fraction du produit de la revalorisation automatique de la CAP en fonction de l’inflation

12

ARTE

10

Produit restant de la revalorisation automatique de la CAP en fonction de l’inflation

25

Radio France

5,5

France Média Monde

8

TV5 Monde

1

Institut national de l’audiovisuel (INA)

=

Total

63

Total

63

B.   Les structures bénéficiaires du budget de l’audiovisuel public

Les variations des ressources de l’audiovisuel public prévues par le présent projet de loi de finances seront réparties entre les différents acteurs de ce secteur selon les modalités indiquées dans le tableau ci-dessous.

Ventilation du surcroÎt de recettes de l’audiovisuel public résultant
du présent projet de loi de finances

(en millions d’euros)

Structure

bénéficiaire

Variation de l’affectation de CAP (2018/2017)

Variation de l’affectation de TOCE (2018/2017)

Total

France Télévisions

+ 49,2

– 79,6

– 30,4

ARTE

+ 5,4

+ 5,4

Radio France

– 16,3

– 16,3

France Média Monde

+ 6,3

+ 6,3

TV5 Monde

– 0,5

– 0,5

Institut national de l’audiovisuel (INA)

– 1,1

– 1,1

Total

+ 43

– 79,6

 36,5

Source : réponses au questionnaire budgétaire du présent projet de loi de finances.

Le tableau ci-dessous présente par ailleurs une synthèse de l’évolution des ressources publiques des différents acteurs depuis 2013.

les ressources publiques nettes de l’audiovisuel public par bÉnÉficiaire

(en millions d’euros)

Opérateurs

2013

2014

2015

2016

2017

2018

France Télévisions

CAP

2 253,4

2 382,3

2 320,6

2 370,7

2 383,3

2 431,3

TOCE

139,1

164,4

85,5

Subvention

248,8

103,6

160,4

0,0

0,0

0,0

TOTAL

2 502,2

2 485,9

2 481,0

2 509,8

2 547,7

2 516,9

ARTE France

CAP

262,6

260,5

261,8

264,3

274,3

279,5

Subvention

0,0

0,0

Radio France

CAP

605,5

600,4

601,8

606,8

612,3

596,3

Subvention

0,0

0,0

Soutien à l’expression radiophonique locale

Subvention

29

29

29,1

29,0

30,9

30,8

Audiovisuel extérieur

(France Média Monde à compter 2014)

CAP

165,8

165,9

242

244,0

251,5

257,8

Subvention

148,2

74,4

0

0,0

0,0

Institut national de l’audiovisuel

CAP

89,9

69,5

89

89,0

89,0

88,6

Subvention

0,0

0,0

TV5 Monde

CAP

76,1

76,9

78,4

77,4

Subvention

76,2

0,0

0,0

TOTAL

CAP

3 377,2

3 478,6

3 591,4

3 651,7

3 688,7

3 730,7

TOCE

139,1

164,4

85,5

Subvention

426

283,2

189,6

29,0

30,9

30,8

TOTAL GÉNÉRAL

CAP HT+Sub

3 803,2

3 761,8

3 781

3 819,8

3 884,0

3 847,0

Source : projets annuels de performances et rapports annuels de performances 2013 à 2016 ; réponses au questionnaire du Rapporteur général.

III.   Le dispositif proposé

A.   L’augmentation de la CAP limitée à la revalorisation automatique d’un euro

En l’absence de disposition spécifique dans le présent projet de loi de finances, le montant de la CAP actuellement fixé par l’article 1605 du CGI – soit 138 euros en métropole et 88 euros pour les départements d’outre-mer – sera indexé selon les modalités prévues par le dernier alinéa de ce même article.

Celui-ci prévoit en effet que le montant précité « est indexé chaque année sur l’indice des prix à la consommation hors tabac, tel qu’il est prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l’année considérée. Il est arrondi à l’euro le plus proche ».

Compte tenu d’une hypothèse d’augmentation de cet indice de 1 % retenue par le présent projet de loi de finances, la revalorisation devrait être de 1,38 euro, chiffre qui est arrondi à un euro.

Les modalités d’évolution du montant de la CAP sont donc résumées dans le tableau ci-dessous.

Évolution du tarif de la CAP entre 2017 et 2018

(en euros)

Base juridique

LFI 2017

LFI 2017 après revalorisation automatique par décret du 2 mai 2017

PLF 2018

PLF 2018 après revalorisation automatique par décret à venir

Métropole

137

138

138

139

Départements d’outre-mer

87

88

88

89

B.   L’ajustement du compte de concours financiers

1.   Les prévisions de recettes de la CAP en 2017

Le présent article, tirant les conséquences de la revalorisation automatique de la CAP, augmente de 3 202,8 à 3 214,7 millions d’euros le plancher de recettes garanties de cette taxe, soit une augmentation de 11,9 millions d’euros.

Le plancher de produit de la cap en loi de finances initiale

(en millions d’euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2 561

2 652

2 764

2 903,6

3 028,8

3 149,8

3 214,5

3 202,8

3 214,7

Source : réponses aux questionnaires budgétaires.

2.   L’augmentation sensible des dégrèvements de CAP

Le du présent article augmente en outre de 563,3 à 594,4 millions d’euros le plancher garanti de ressources à verser au compte de concours financiers au titre des remboursements et dégrèvements d’impôts, soit une augmentation de 31,1 millions d’euros.

Le plafond de remboursement des dégrèvements de cap fixé
en loi de finances initiale

(en millions d’euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

561,8

569,8

526,4

544,1

527,3

517

513,8

563,3

594,4

Source : réponses aux questionnaires budgétaires.

Cette forte augmentation résulte de la mise en œuvre, depuis 2015, des nouveaux mécanismes d’exonération de fiscalité locale mentionnés précédemment, et dont l’impact budgétaire est mis en évidence dans le tableau ci-dessous.

Détail des montants versés au titre des dégrèvements de CAP

(en millions d’euros)

Dégrèvement

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PLF 2018

Dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste

446

471

482

490

497

nc

578,5

Dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste au titre des droits acquis

53

50

46

27

16,8

nc

15,9

Dégrèvement au titre des droits acquis en 2014/2015

nc

nc

nc

Total

499

521

528

517

513,8

563,3

594,4

Source : direction du budget.

Selon l’étude d’impact du présent article, du fait des mécanismes de dégrèvement de CAP qui ont été renforcés en 2014 et 2015, 15,1 % du montant théorique recouvrable ne sera pas acquitté par les redevables aux revenus limités.

Le plancher de revenus en deçà duquel est opéré le dégrèvement est défini par renvoi au dispositif du RFR, soit :

– 10 686 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 2 853 euros pour chaque demi-part supplémentaire ;

– pour les personnes bénéficiant du dispositif mis en place en 2014 et 2015, 13 553 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 2 856 euros pour chaque demi-part supplémentaire.

En pratique, une personne seule commencera à payer chaque mois, pour l’accès à l’ensemble des chaînes de l’audiovisuel public, une contribution fixe de 11 euros alors que son revenu mensuel de référence avoisine les 900 euros (et 1 130 euros pour les bénéficiaires du dispositif mis en place en 2014 et 2015). Dans le cas d’un couple, le revenu de référence sera de 1 130 euros également.

*

*     *

La commission adopte l’article 25 sans modification.

*

*     *

D. – Autres dispositions

Article 26
Relations financières entre l’État et la sécurité sociale

Le présent article a pour objet d’ajuster les flux financiers entre l’État et la sécurité sociale, conformément au principe de compensation intégrale ([339]). Ce principe prévoit que les transferts de charge et les pertes de recettes de la sécurité sociale sont compensés par l’État, et réciproquement.

Traditionnellement, il tient également compte de dispositions contenues en loi de financement de la sécurité sociale qui déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale.

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article vise à :

– diminuer la fraction de taxe sur la valeur ajoutée affectée à la sécurité sociale, à hauteur de 1,7 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, tout en transférant la majeure partie de l’affectation de cette fraction de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ;

– supprimer le co-financement entre l’État et la sécurité sociale de l’Agence nationale de biomédecine, en le réservant à la sécurité sociale ;

– et à transférer de l’État vers l’assurance maladie la prise en charge des frais de santé des personnes écrouées.

Dernières modifications législatives intervenues

– Chaque année, une fraction de TVA est affectée à la sécurité sociale pour compenser les exonérations ou baisses de recettes de celle-ci (principe de compensation intégrale des pertes de recettes de la sécurité sociale par l’État – article L. 131-7 du code de la sécurité sociale).

– Depuis la LFR 2012, ce mécanisme de compensation passe par l’affectation d’une part de TVA nette à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés – CNAMTS (5,88 % en 2013, 7,85 % en 2014, 7,10 % en 2015, 7,19 % en 2016 et 7,03 % en 2017).

– Le présent article diminue l’affectation de la fraction de TVA à la CNAMTS de 7,03 % à 0,35 % et affecte une fraction de 5,64 % du produit de la TVA à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

I.   L’augmentation significative des recettes de la sécurité sociale en 2018

L’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 prévoit une augmentation du taux de contribution sociale généralisée (CSG) applicable au 1er janvier 2018 et des mesures d’exonération ou de suppression de cotisations sociales qui doivent intervenir, en deux temps, le 1er janvier 2018 puis le 1er octobre 2018.

Le décalage d’entrée en vigueur de ces différentes dispositions aurait pour effet de créer une augmentation temporaire des recettes de la sécurité sociale à hauteur de 5,9 milliards d’euros en 2018.

augmentation des recettes de la sécurité sociale

(en millions d’euros)

Mouvements en recettes

Impact sur le solde sécurité sociale

Augmentation du taux de la contribution sociale généralisée (CSG)

22 519

Exonération des cotisations salariales chômage

– 9 422

Suppression des cotisations salariales maladie

– 4 755

Exonérations de cotisations des travailleurs indépendants

– 1 884

Autres effets notamment liés à la mesure CSG

– 572

Total

5 885

Source : évaluation préalable du présent article.

A.   l’augmentation du taux de contribution sociale généralisée (CSG)

1.   Une augmentation substantielle de recettes (22,5 milliards d’euros)

L’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une augmentation de 1,7 point du taux de la CSG, à compter du 1er janvier 2018.

La hausse du taux de CSG s’appliquera à l’ensemble des revenus d’activité, de remplacement et du capital, à l’exception des allocations chômage et des indemnités journalières, visés à l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale.

augmentation des taux de csg

(en %)

Assiette

Taux actuel

Taux proposé

Revenus d’activité et revenus de remplacement

7,5

9,2

Revenus du patrimoine et produits de placement

8,2

9,9

Sommes engagées ou produits réalisés à l’occasion des jeux

6,9

8,6

Pensions de retraite, et les pensions d’invalidité

6,6

8,3

Source : article 7 du projet de loi de financement de sécurité sociale pour 2018.

L’augmentation de taux devrait générer un surcroît de recettes de 22,5 milliards d’euros pour le champ de la sécurité sociale, affectataire unique de la CSG ([340]).

Rendement de la hausse des taux de csg

(en milliards d’euros)

Assiette

Rendement

Revenus d’activité et revenus de remplacement

15,9

Revenus du patrimoine et produits de placement

2,1

Sommes engagées ou produits réalisés à l’occasion des jeux

0,1

Pensions de retraite, et les pensions d’invalidité

4,5

Source : Gouvernement.

Ce surcroît massif de recettes serait amoindri par les pertes de recettes liées à un effet de bord de l’augmentation de taux de la CSG et par les exonérations ou suppressions de cotisations sociales prévues au cours de l’exercice 2018.

2.   Des pertes de recettes notamment liées à la mesure CSG
(– 572 millions d’euros)

Selon les éléments transmis au Rapporteur général, un certain nombre de mesures entraînent des pertes de recettes pour la sécurité sociale, à hauteur de 572 millions d’euros. Cela résulte de baisses de cotisations et « d’effets de retour » liés à la mise en œuvre de la mesure d’augmentation du taux de CSG, tels que des hausses du rendement de la CSG.

B.   les exonérations et suppressions de cotisations sociales mises en place en 2018

1.   L’exonération de cotisations salariales chômage (– 9,4 milliards d’euros)

L’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une exonération en deux temps du paiement des contributions d’assurance chômage pour les salariés du secteur privé :

– au 1er janvier 2018, exonération de 1,45 point de contribution salariale d’assurance chômage ;

– au 1er octobre 2018, exonération supplémentaire de 0,95 point de contribution salariale d’assurance chômage.

Au total, l’exonération de la contribution salariale d’assurance chômage s’élèvera à 2,40 % à compter du 1er octobre 2018.

Le taux des contributions d’assurance chômage est fixé par la convention relative à l’assurance chômage. Aux termes de la convention du 14 avril 2017, le taux des contributions à la charge des salariés s’élève à 2,40 % ([341]).

La mesure d’exonération entraînerait une perte de recettes évaluée à 9,4 milliards d’euros pour l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Unédic). En année pleine, la perte de recettes s’élèverait à 13,1 milliards d’euros, selon les éléments transmis au Rapporteur général.

Les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) compenseront à l’euro la perte de recettes de l’Unédic, via l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

2.   La suppression des cotisations salariales maladie (– 4,8 milliards d’euros)

L’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de supprimer le paiement de toute cotisation salariale d’assurance maladie pour les salariés du secteur privé.

Ainsi, la cotisation salariale d’assurance maladie de 0,75 % sera supprimée à compter du 1er janvier 2018.

Cette suppression entraînerait une perte de recettes pour la sécurité sociale de 4,8 milliards d’euros, selon l’évaluation préalable du présent article.

3.   Les exonérations de cotisations des travailleurs indépendants
(– 1,9 milliards d’euros)

Les travailleurs indépendants n’acquittent pas de cotisations salariales ni de cotisations d’assurance chômage. En conséquence, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 prévoit une modalité différente de compensation de l’augmentation du taux de CSG de celle applicable aux salariés du secteur privé.

Le taux de cotisations d’allocations familiales serait abaissé de 2,15 points pour l’ensemble des travailleurs indépendants.

Par ailleurs, l’exonération dégressive des cotisations d’assurance maladie et maternité des travailleurs indépendants non agricoles serait renforcée, via une réduction du taux de cotisation due sur les plus bas revenus de 3 % à 1,5 %.

Les exploitants agricoles seraient soumis à un régime identique d’exonération dégressive des cotisations maladie et maternité, en remplacement de l’exonération de sept points de cotisation d’assurance maladie et maternité mise en œuvre en 2016 ([342]).

L’ensemble de ces mesures relatives aux cotisations des travailleurs indépendants entraîneraient une diminution des recettes de la sécurité sociale de 1,9 milliard d’euros.

II.   les mesures àffectant négativement le solde de la sécurité sociale

Le solde de la sécurité sociale est affecté négativement à hauteur de 1,59 milliard d’euros par des mesures de transferts de charges de l’État et des mesures de compensation mises en œuvre en 2017, qui ne porteront plus d’effet en 2018.

A.   les mesures de transfert de charges entre l’état et la sécurité sociale

Le présent article et le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoient des transferts de charges entre l’État et la sécurité sociale, avec un impact négatif de 307 millions d’euros pour le solde de cette dernière.

transferts de charges vers la sécurité sociale

(en millions d’euros)

Transferts de charges

Impact sur le solde sécurité sociale

Financement intégral de l’Agence nationale de biomédecine

– 14

Financement intégral de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) par les établissements de santé

– 9

Transfert à la sécurité sociale du financement de la couverture santé des personnes écrouées

– 136

Fusion Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) – Haute Autorité de santé (HAS)

– 1

Recentralisation compétences sanitaires – fonds d’intervention régional (FIR)

– 2

Emplois mis à disposition de la direction générale de l’offre de soins (DGOS)

0

Postes de conseillers techniques et pédagogiques régionaux en soins infirmiers par les agences régionales de santé (ARS)

3

Financement de 80 postes de chefs de clinique universitaires de médecine générale (CCU–MG) par l’État

2

Mise en œuvre des frais d’assiette et de recouvrement sur les impôts recouvrés par l’État pour la sécurité sociale

– 150

Total

 307

Source : évaluation préalable du présent article.

1.   La suppression de la subvention de l’État à l’Agence de la biomédecine

Le I du présent article vise à supprimer les subventions versées par l’État au titre du financement de l’Agence de la biomédecine. Celle-ci serait dès lors financée par une dotation des régimes obligatoires d’assurance maladie, des taxes, des redevances, des produits divers, des dons, des legs, des emprunts ou des subventions de l’Union européenne ou d’organisations internationales.

Créée en 2004 ([343]), l’Agence avait inscrit un niveau de ressources de 75,8 millions d’euros dans son budget rectificatif de 2016, réparties de la façon suivante :

– des ressources propres, pour 36 millions d’euros ;

– une subvention de l’assurance maladie de 26,1 millions d’euros ;

– une subvention de l’État de 13 millions d’euros ;

– et d’autres produits pour 700 000 euros.

Au titre de l’année 2018, la suppression de la subvention de l’État représenterait un transfert de charges de 14 millions d’euros vers l’assurance maladie ([344]). Le désengagement financier de l’État a pour objet une simplification et une clarification du financement des agences et dispositifs de la sphère sociale, selon l’évaluation préalable du présent article.

2.   La suppression de la participation de l’État à la prise en charge des frais de santé des personnes écrouées

Les , , , 6°, 7° et du II et le III du présent article visent à supprimer la participation de l’État à la prise en charge des frais de santé des personnes écrouées. Les dispositions applicables prévoyaient la prise en charge du ticket modérateur, du forfait journalier et le paiement d’une cotisation pour le financement des frais de santé des personnes écrouées.

Cette suppression de la participation de l’État a pour conséquence une réduction de crédits budgétaires afférents sur le programme 107 Administration pénitentiaire de la mission Justice, à hauteur de 135,9 millions d’euros ([345]).

Cette suppression a de nouveau pour objet de simplifier les circuits de financement entre l’État et la sécurité sociale, en évitant le financement conjoint de politiques publiques.

3.   Les réductions de crédits budgétaires affectant la sécurité sociale

Selon une logique similaire, le présent projet de loi de finances prévoit d’autres réductions de crédits budgétaires vers la sphère sociale :

– sur le programme 157 Handicap et dépendance de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, au titre de la suppression du financement de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM), représentant 900 000 euros ([346]).

– et sur le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins de la mission Santé, au titre de la suppression du financement de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) par l’État, représentant 8,9 millions d’euros ([347]).

Les réductions de crédits budgétaires sont inscrites en seconde partie du présent projet de loi de finances à l’état B et détaillées au sein des différentes annexes budgétaires.

4.   Les autres transferts de charge entre l’État et la sécurité sociale

Enfin, le présent article tire les conséquences de divers transferts de charges entre l’État et la sécurité sociale inscrits en projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2018, en vue d’en assurer la neutralité financière.

Il s’agit, d’une part, de transferts de charge portant sur la sécurité sociale :

– l’harmonisation des frais d’assiette et de recouvrement appliqués aux impositions recouvrées par l’État pour le compte de la sécurité sociale ([348]), avec l’application d’un taux uniforme de 0,5 % représentant une perte de recettes de 150 millions d’euros pour la sécurité sociale ([349]) ;

– le transfert des missions de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) au sein de la Haute Autorité de santé (HAS) ([350]), ainsi que de la suppression du financement de l’ANESM par la Caisse nationale de solidarité à l’autonomie (CNSA) et l’État, représentant une dépense de 0,9 million d’euros ;

– la recentralisation des politiques sanitaires jusqu’ici exercées par certains départements et financée par l’assurance maladie via le fonds d’intervention régional (FIR), représentant une dépense de 2,2 millions d’euros.

Il s’agit, d’autre part, de transferts de charges portant sur l’État :

– le financement par le budget général de contrats à durée déterminée mis à la disposition de la direction générale de l’offre de soins (DGOS), actuellement financés par la fonction publique hospitalière, pour un montant de 0,2 million d’euros ;

– le financement de 80 postes supplémentaires de chefs de clinique universitaire en médecine générale (CCU-MG) dans le cadre du « Pacte territoire santé II » à compter de 2018, pour un montant de 1,9 million d’euros ;

– la prise en charge via la subvention pour charges de service public des agences régionales de santé (ARS) des conseillers techniques et pédagogiques régionaux en soins infirmiers, pour un montant de 2,6 millions d’euros ([351]).

B.   les mesures ayant un impact positif sur le solde de la sécurité sociale, uniquement en 2017

Les lois de financement de la sécurité sociale pour 2017 ([352]) et de finances rectificative pour 2016 ([353]) avaient prévu diverses mesures ponctuelles de compensation de pertes de recettes de la sécurité sociale, ayant un impact uniquement au titre de l’exercice 2017.

mesures ayant un impact positif sur le solde de la sécurité sociale uniquement en 2017

(en millions d’euros)

Mesures ayant un impact

Impact sur le solde sécurité sociale

Transfert à la branche maladie des réserves de la section 3 du Fonds de solidarité vieillesse

719

Acompte de taxe sur les véhicules de société (TVS)

160

Contribution supplémentaire à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C4S)

400

Total

1 279

Source : évaluation préalable du présent article.

1.   Le prélèvement sur les réserves de la section 3 du Fonds de solidarité vieillesse (– 719 millions d’euros)

L’article 34 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a procédé à un prélèvement non pérenne sur les réserves de la section 3 du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dédiée au financement du maintien de l’âge de départ à la retraite à soixante-cinq ans pour les parents d’enfants handicapés ou de trois enfants et plus.

La section 3 du FSV a été supprimée et les réserves accumulées ont été reversées pour un montant net de 836 millions d’euros au fonds de financement de l’innovation des produits de santé (FFIP) ([354]), relevant de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et créé par l’article 95 de la même loi de financement de la sécurité sociale.

Comme l’a relevé le rapporteur Gérard Bapt l’an dernier, l’évaluation préalable de l’article 26 du projet de loi de finances pour 2017 et l’étude d’impact de l’article 95 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 indiquaient que l’apport de recettes pour les organismes de sécurité sociale s’élevait à 719 millions d’euros ([355]). Ce montant semble de nouveau être retenu par le présent projet de loi de finances.

Cette mesure représentait une opération comptable entre le FSV et le régime général, ayant un impact uniquement au titre de l’exercice 2017. Dès lors, il convient de prévoir une nouvelle mesure de compensation au bénéfice de la sécurité sociale pour un montant identique, à compter de 2018.

2.   La modification de la période d’imposition de la taxe sur les véhicules de sociétés – TVS (– 160 millions d’euros)

L’article 19 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a modifié la période d’imposition de la taxe sur les véhicules de sociétés (TVS), qui s’étendait auparavant du 1er octobre de chaque année au 30 septembre de l’année suivante. L’article a aligné la période d’imposition sur l’année civile, à des fins de simplification pour les redevables, à compter de l’exercice 2018.

Dès lors, cet article a instauré une imposition spécifique distincte pour le dernier trimestre de l’année 2017, afin d’éviter que ce trimestre n’échappe à l’assujettissement à cette imposition. Cette mesure devrait permettre de percevoir en 2017 les recettes de TVS au titre du dernier trimestre 2017, qui auraient été perçues en 2018 en vertu de l’ancien régime.

Cela génèrerait environ 160 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2017, soit 25 % du montant annuel de TVS. Cependant, cette ressource de trésorerie a un caractère transitoire, qui nécessite l’adoption d’une nouvelle mesure de compensation à compter de 2018.

3.   La création d’une contribution supplémentaire à la contribution sociale de solidarité des sociétés (– 400 millions d’euros)

L’article 112 de la loi de finances rectificative pour 2016 a instauré une contribution supplémentaire à la contribution sociale des solidarités (C3S), dont le taux est fixé à 0,04 % et est due par les sociétés redevables de la C3S dont le chiffre d’affaires est d’au moins un milliard d’euros.

Codifié à l’article L. 245-13-1 du code de la sécurité sociale, le montant de la contribution supplémentaire s’impute sur le montant dû au titre de la C3S, la charge finale supportée par la société étant inchangée. Le paiement de la contribution supplémentaire fait l’objet d’un acompte versé l’année de réalisation du chiffre d’affaires, au plus tard le 15 décembre, et portant sur 90 % de son montant estimé.

Le produit de cette contribution supplémentaire est intégralement affecté à la branche maladie du régime général de sécurité sociale. Cette mesure devrait générer un gain de 400 millions d’euros pour la sécurité sociale au titre de l’exercice 2017.

Toutefois, cette mesure a uniquement un impact de trésorerie pour la sécurité sociale, dans la mesure où le gain au titre de l’acompte versé en 2018 sera compensé par la perte de recettes de C3S entraînée par l’imputation sur cette dernière de la contribution supplémentaire due au titre de l’année 2017.

Le tableau suivant illustre l’impact budgétaire de la mesure de la loi de finances rectificative pour 2016 pour la sécurité sociale.

impact de la contribution supplémentaire de c3s

sur le budget de la sécurité sociale

(en millions d’euros)

Exercice

2017

2018

2019

Gain

400

0

0

Source : évaluation préalable annexée au projet de loi de finances rectificative pour 2016.

Dès lors, il convient d’adopter de nouvelles mesures de compensation des pertes de recettes de la sécurité sociale à compter de l’exercice 2018.

Au total, les trois mesures précédemment citées ont eu un impact positif sur le solde de la sécurité sociale de 1,28 milliard d’euros uniquement au titre de l’exercice 2017. Il convient de définir de nouvelles mesures de compensation pour un montant identique à compter de 2018.

III.   Les transferts de recettes de la sécurité sociale vers l’état

Le présent article et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 tirent les conséquences des mouvements positifs et négatifs analysés précédemment, afin d’en assurer la neutralité financière en prévoyant un transfert de recettes de 4,3 milliards d’euros de la sécurité sociale vers l’État.

transferts de recettes vers l’état

(en millions d’euros)

Transferts de recettes

Impact sur le solde sécurité sociale

Transfert de l’affectation du prélèvement de solidarité

– 2 567

Ajustement à la baisse de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale

– 1 732

Total

 4 299

Source : évaluation préalable du présent article.

A.   le transfert des recettes du prélèvement de solidarité

L’article 18 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 prévoit un transfert des recettes du prélèvement de solidarité sur les produits de placement et les revenus du patrimoine du FSV vers l’État.

Institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 ([356]), le prélèvement de solidarité s’applique aux revenus du patrimoine et aux produits de placement. Le taux de ce prélèvement est fixé à 2 % et le produit de celui-ci est destiné à financer des missions d’intérêt général.

Le rendement prévisionnel du prélèvement de solidarité s’élève à 2,52 milliards d’euros au titre de l’année 2017 ([357]).

Conformément à l’arrêt préjudiciel De Ruyter de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ([358]), l’article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 ([359]) a transféré l’affectation du prélèvement de solidarité de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés au FSV. Il s’agissait d’affecter le produit d’impositions sociales acquittées sur critère de résidence au financement de prestations sociales non contributives, et non plus contributives.

Ainsi, l’article 18 du projet de loi de financement de la sécurité sociale achève cette logique de dissociation entre les prélèvements portant sur les revenus du capital et le financement des organismes de sécurité sociale.

Selon l’évaluation préalable, le transfert du produit du prélèvement de solidarité vers l’État représenterait un surcroît de recettes de 2,6 milliards d’euros au titre de l’exercice 2018.

B.   L’ajustement à la baisse de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale

Le du II du présent article diminue sensiblement la fraction de la TVA affectée à la CNAMTS, celle-ci passant de 7,03 % à 0,35 %.

Le IV du présent article prévoit qu’une fraction égale à 5,64 % du produit de la TVA est affectée à l’ACOSS. Aux termes du du II du présent article, cette affectation vise à compenser le coût pour l’Unédic de la réduction des contributions salariales d’assurance chômage, résultant du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Au total, ces deux mouvements ont pour effet de réduire la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale de 7,03 % en 2017 à 5,99 % en 2018, soit une perte de recettes évaluée à 1,7 milliard d’euros.

 

Mesures ayant un impact sur les soldes

de l’État et la sécurité sociale

(en millions d’euros)

Mesures

Impact sécurité sociale

Impact
État

Augmentation du taux de la contribution sociale généralisée (CSG)

22 519

Exonération des cotisations salariales chômage

– 9 422

Suppression des cotisations salariales maladie

– 4 755

Exonérations de cotisations des travailleurs indépendants

– 1 884

Autres effets liés à la mesure CSG

– 572

Financement intégral de l’Agence nationale de biomédecine

– 14

Financement intégral de l’EHESP par les établissements de santé

– 9

Transfert à la sécurité sociale du financement de la couverture santé des personnes écrouées

– 136

136

Fusion ANESM–HAS

– 1

1

Recentralisation compétences sanitaires – FIR

– 2

2

Emplois mis à disposition de la DGOS

0

0

Postes de conseillers techniques et pédagogiques régionaux en soins infirmiers par les ARS

3

– 3

Financement de 80 postes de CCU–MG par l’État

2

– 2

Mise en œuvre des frais d’assiette et de recouvrement sur les impôts recouvrés par l’État pour la sécurité sociale

– 150

150

Transfert à la branche maladie des réserves de la section 3 du Fonds de solidarité vieillesse

– 719

Acompte de taxe sur les véhicules de société (TVS)

– 160

Contribution supplémentaire à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C4S)

– 400

Transfert du prélèvement de solidarité

–  2 567

2 567

Ajustement de la fraction de TVA

– 1 732

1 732

Impact total

0

4 583

Note de lecture : les impacts négatifs sont illustrés par le signe négatif, tandis que les impacts positifs sont représentés par les chiffres positifs qui correspondent soit à une baisse de dépenses, soit à une augmentation de recettes.

Source : évaluation préalable du présent article.

Schéma récapitulatif des principaux mouvements financiers

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Évolution de l’impact des relations financières

entre l’état et la sécurité sociale

(en milliards d’euros)

Exercice

LFI 2013

LFI 2014

LFRSS 2014

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

PLF 2018

Impact État

1

0,9

6,3

5,3

2,7

– 4,3

Impact sécurité sociale

– 1

– 3

– 1,2

0

– 3,0

0

NB : (–) moindre dépense ou hausse de recettes, (+) augmentation des dépenses ou baisse de recettes.

Source : évaluation préalable annexée au projet de loi de finances rectificative pour 2016.

*

*     *

La commission adopte l’article 26 sans modification.

*

*     *

Article 27
Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article évalue le prélèvement sur les recettes de l’État pour 2018 au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne à 20,212 milliards d’euros.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

Par application combinée de l’article 6 et du 4° du I de l’article 34 de la LOLF, la première partie de la loi de finances doit comporter une évaluation du prélèvement sur recettes rétrocédé à l’Union européenne (PSRUE).

Le présent article évalue à 20,212 milliards d’euros le montant prévisionnel, pour 2018, du PSRUE, en hausse de 2,3 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2017, et de 1,2 milliard d’euros par rapport au versement effectué en 2016.

exécution et Prévision de prélèvement sur les recettes
en faveur de l’Union européenne

(en milliards d’euros)

Année

2016

Exécution

2017

Prévision actualisée

2018

Prévision

Montant

19,0

17,9

20,2

Source : annexe au présent projet de loi de finances Évaluations des voies et moyens, tome I.

Le PSRUE est bien une dépense au sens de la comptabilité nationale même s’il est traité budgétairement comme une moindre recette. D’ailleurs, en 2008, les prélèvements sur recettes, dont celui au profit de l’Union européenne, ont été intégrés dans la norme de dépense. De même, le II de l’article 8 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoit d’intégrer les prélèvements sur recettes dans la norme de dépenses totales de l’État.

Le PSRUE représente, en 2018, environ 5,2 % des dépenses nettes de l’État. Seules trois missions du budget général ont des crédits de paiement supérieurs : Enseignement scolaire, Défense et Recherche et enseignement supérieur.

I.   le budget de l’union européenne pour 2017

Le budget européen pour 2018 est le cinquième du cadre financier pluriannuel portant sur 2014-2020. Ce cadre pluriannuel prévoit un plafond global de dépenses de 1 026 milliards d’euros sur sept ans.

Le projet de budget présenté par la Commission européenne pour 2018 s’élève à 161 milliards d’euros de crédits d’engagement (CE), soit une augmentation de 1,4 % par rapport à 2017, et 145 milliards d’euros de crédits de paiements, soit une hausse de 8,1 % par rapport à 2017. Cette hausse s’explique par la mise en œuvre des programmes structurels et d’investissement de l’UE pour la période 2014-2020 qui atteindront leur vitesse de croisière en 2018, après un démarrage lent au cours des premières années ([360]).

Le montant définitif du budget ne sera toutefois connu qu’à l’issue de la procédure de conciliation entre le Parlement européen et le Conseil.

La procédure budgétaire de l’Union européenne

Le calendrier de la procédure budgétaire européenne comprend cinq étapes.

En premier lieu, la Commission européenne soumet au 1er septembre au plus tard, au Conseil et au Parlement européen, un projet de budget en se fondant sur le règlement du cadre financier pluriannuel en vigueur.

Ensuite, le Conseil adopte une position sur le projet de budget le 1er octobre au plus tard.

Puis, le Parlement dispose de quarante-deux jours pour prendre une position.

En cas de positions divergentes entre le Parlement et le Conseil, un comité de conciliation, est chargé de dégager un accord sur un projet commun, dans les vingt et un jours qui suivent l’adoption de la position du Parlement européen.

Enfin, ce texte commun est soumis à l’approbation du Conseil et du Parlement dans les quatorze jours suivant l’accord.

II.   l’évaluation du prélèvement sur recettes pour 2018

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est évalué en fonction des prévisions de recettes et de dépenses du budget de l’Union européenne pour 2018, ainsi que d’une hypothèse de solde 2017 reporté sur 2018.

Le budget de l’Union européenne pour 2018 n’ayant pas encore été adopté, la prévision de prélèvement sur recettes repose sur une anticipation de l’issue de la procédure budgétaire européenne.

Le système actuel de financement de l’Union européenne repose sur quatre types de ressources :

– les ressources propres traditionnelles (RPT), droits de douane et cotisation sucre, pour les lesquelles les administrations nationales agissent en simples intermédiaires pour la perception des ressources au profit de l’Union européenne ;

Depuis 2010, le reversement des RPT n’est pas traité en prélèvement sur recettes, car la France collecte ces ressources en simple intermédiaire au profit de l’Union européenne.

Les RPT collectés par la France sont d’environ 2,2 milliards d’euros par an. En comptabilité nationale, elles sont incluses dans les prélèvements obligatoires mais pas dans les recettes publiques.

– la ressource dite « TVA », calculée par l’application d’un taux d’appel uniforme (0,3 %) à une assiette harmonisée ;

– la ressource sur le revenu national brut (RNB), versée par les États membres au prorata de leur RNB dans le RNB total de l’Union européenne pour équilibrer le montant global des dépenses inscrites au budget ;

– les recettes diverses.

Au total, la France contribue à hauteur d’environ 15 % au budget de l’Union européenne.

Le prélèvement sur recettes porte uniquement sur les ressources propres TVA et RNB. L’évaluation pour 2018 du PSRUE a, ainsi, été fixée à 20,212 milliards d’euros sur la base des informations connues à ce jour. Le PSRUE augmenterait ainsi de 2,3 milliards d’euros par rapport à 2017.

Ventilation du prélèvement sur recettes
au profit de l’Union européenne pour 2018

(en millions d’euros)

Ressource TVA

4 437

dont correction britannique

1 303

Ressource RNB

15 775

Total

20 212

Source : annexe au présent projet de loi de finances Évaluations des voies et moyens, tome I.

Il est indiqué également dans l’exposé des motifs du présent article que la contribution française prend en compte un montant de 68 millions d’euros au titre du financement de la facilité pour les réfugiés en Turquie, conformément au certificat de contribution établissant l’échéancier de paiement envoyé par la France à la Commission européenne le 31 mars 2016.

Le tableau qui suit présente l’évolution depuis 2008 du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne.

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne depuis 2008

(en milliards d’euros)

Année

Montant

2008

16,6

2009

18,3

2010

17,5

2011

18,2

2012

19,1

2013

22,5

2014

20,3

2015

20,7

2016

19,0

2017 (prévision actualisée)

17,9

2018 (prévision)

20,2

Prélèvement sur recettes au profit de l’UE « nouveau périmètre » : depuis 2010, les RPT ne sont plus intégrées dans le prélèvement sur recettes.

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2018 « les relations financières avec l’Union européenne ».

Impact du Brexit sur le PSR UE

L’impact du Brexit sur le PSRUE des années à venir est très difficile à évaluer. Il dépend en grande partie des résultats des négociations avec le Royaume-Uni sur ses modalités de sortie de l’Union européenne.

En première approche, il peut être anticipé une augmentation du PSRUE dans la mesure où le poids de la France dans le RNB de l’Union européenne augmenterait mécaniquement. Pour autant, les besoins en crédits de l’Union européenne peuvent diminuer avec la sortie d’un État membre important. De même, les RPT peuvent progresser si le Royaume-Uni n’obtient pas un accès libre au marché commun, ce qui diminuerait d’autant les contributions des États membres.

*

*     *

M. Xavier Paluszkiewicz. L’excellent discours du Président de la République prononcé à la Sorbonne le 26 septembre dernier nous invite à nous interroger, et sacrément !

En effet, penser à refonder l’Europe assoit l’idée que nous devons repenser le budget qui lui est attribué. Certes, nous devons bel et bien parler de projet, mais assurément, également de budget.

La contribution de la France au budget de l’Union européenne n’est pas examinée en seconde partie du projet de loi de finances comme les autres crédits, mais en première partie puisqu’il s’agit d’un prélèvement sur recettes. Du coup, cette contribution ne fait pas l’objet d’un examen en commission élargie. Pourtant si le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne était une mission, celle-ci ne serait pas moins que la quatrième plus importante, après l’enseignement scolaire, la défense, la recherche et l’enseignement supérieur, ce qui n’est pas rien.

Le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne prévu pour 2018 s’élève à 20,2 milliards d’euros, contre 17,9 milliards d’euros en 2017, soit une hausse de 2,3 milliards d’euros. Cette hausse, qui n’a rien d’anormal, s’explique par le fait que le budget de l’Union européenne repose sur un cadre financier pluriannuel allant de 2014 à 2020.

Or, la mise en œuvre des programmes structurels et des programmes d’investissement atteindra sa vitesse de croisière en 2018, après un démarrage lent au cours des premières années. Le montant du prélèvement sur recettes en 2018 se rapproche de la moyenne des dix dernières années : environ 19,4 milliards d’euros.

Il est par ailleurs très important d’avoir présent à l’esprit que le montant que nous allons voter est évaluatif : à la différence des dépenses votées en seconde partie, il ne s’agit pas d’un plafond. Des révisions à la hausse ou à la baisse au cours d’une même année sont donc possibles.

C’est pourquoi, et c’est une nouveauté par rapport à l’année dernière sur laquelle je souhaite insister, je me félicite que le prélèvement sur recettes ne soit plus intégré dans la norme des dépenses de l’État, dite « zéro valeur ». Auparavant, lorsque le prélèvement sur recettes diminuait, cela pouvait concourir à tenir la norme ; à l’inverse, lorsqu’il augmentait, cela compliquait l’exécution de la norme de dépenses. Cela n’était pas logique, puisque le montant du prélèvement sur recettes n’était pas pilotable d’une année sur l’autre alors qu’il dépend du rythme d’exécution de son budget par l’Union européenne.

Désormais, et il faut s’en réjouir, le prélèvement sur recettes ne sera plus inscrit dans la nouvelle norme de dépenses, renommée pilotable et prévue par l’article 8 du projet de loi de programmation. Il fera toutefois partie, et c’est bien normal, d’un simple objectif – et non pas d’une norme – de dépenses totales de l’État, ce qui, je le rappelle, est très important.

Pour le moment, la Commission européenne a présenté un projet de budget pour 2018 qui s’élève à 160 milliards d’euros en crédits d’engagement. Cela peut sembler beaucoup – je l’ai déjà dit lors de mon intervention lors de la séance des questions au Gouvernement – mais c’est en réalité très peu puisque ce budget, à l’échelle de l’Europe, ne représente qu’environ 1 % du PIB.

Un débat particulier aura lieu le lundi 23 octobre prochain dans l’hémicycle ; pour ma part, je défendrai l’idée qu’il ne peut y avoir de réelle ambition européenne sans un budget redimensionné. Dans cette attente, je vous invite bien évidemment à adopter cet article 27.

M. le président Éric Woerth. Et, soyez-en remercié, vous faites aussi de la publicité pour ce débat qui est effectivement très important.

La commission adopte l’article 27 sans modification.

*

*     *

 


—  1  —

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES
ET DES CHARGES

Article 28
Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article fixe, pour 2018, le déficit budgétaire de l’État à 82,9 milliards d’euros et évalue son besoin de financement à 203,3 milliards d’euros. Il fixe aussi le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État à 1 960 333 équivalents temps plein travaillé.

Principaux amendements adoptés par la commission des finances

Cet article a été adopté par la commission sans modification.

L’article d’équilibre du présent projet de loi de finances clôt la première partie. Il ne porte que sur le budget de l’État.

Il tend à garantir qu’il ne sera pas porté atteinte, lors de l’examen des dépenses en seconde partie, aux grandes lignes de l’équilibre préalablement défini. Ainsi, la seconde partie du projet de loi de finances ne peut être mise en discussion tant que n’a pas été votée et adoptée « la disposition qui arrête en recettes et en dépenses les données générales de l’équilibre » ([361]).

Le I du présent article fixe les prévisions de ressources, détaillées à l’état A annexé au projet de loi de finances, les plafonds de charges, ainsi que l’équilibre général du budget de l’État présenté dans un tableau.

Le II présente le tableau de financement de l’État ainsi que diverses autorisations en matière de recours à l’endettement.

Le III définit le plafond des autorisations d’emplois rémunérés par l’État, dont le détail est prévu par l’article 33 du présent projet de loi de finances.

Le IV prévoit les modalités d’affectation d’éventuels surplus de recettes. Conformément à l’article 17 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ([362]), ces surplus seraient affectés en totalité à la réduction du déficit.

Les chiffres clés de l’article d’équilibre du projet de loi de finances pour 2018 (arrondi au dixième)

Recettes totales nettes du budget général : 302 milliards d’euros

dont recettes fiscales nettes : 288,8 milliards d’euros

dont recettes non fiscales : 13,2 milliards d’euros

Prélèvements sur recettes : 60,6 milliards d’euros

Dépenses nettes du budget général : 325,8 milliards d’euros

Solde général : – 82,9 milliards d’euros

dont solde du budget général :  84,3 milliards d’euros

dont solde des budgets annexes et comptes spéciaux : + 1,4 milliard d’euros

Besoin de financement : 203,3 milliards d’euros

dont amortissement de la dette : 120,1 milliards d’euros

dont déficit à financer : 82,9 milliards d’euros

dont autres besoins de trésorerie : 0,3 milliard d’euros

Plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État : 1 960 333 équivalents temps plein travaillé (ETPT)

I.   Les ressources de l’État

Le 5° de l’article 34 de la LOLF dispose que la première partie de la loi de finances comporte une évaluation de chacune des recettes budgétaires.

Tel est l’objet de l’état A, annexé au projet de loi de finances, qui évalue le montant des recettes brutes du budget général, des budgets annexes, des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers.

En application du 4° de l’article 34 de la LOLF précitée, l’état A comporte également une évaluation des prélèvements sur recettes.

Ces éléments sont récapitulés dans le tableau d’équilibre général, mentionné par le 7° de l’article 34 de la LOLF, qui fait apparaître séparément les ressources du budget général, celles des budgets annexes et celles des comptes spéciaux.

Le tableau d’équilibre général comporte également, dans la colonne des ressources, une évaluation des remboursements et dégrèvements afin de faire ressortir le montant net des recettes.

Contrairement aux dépenses, les éléments relatifs aux ressources constituent de simples évaluations et non pas des plafonds à ne pas dépasser. L’autorisation de percevoir les recettes est délivrée par l’article 1er du présent projet de loi de finances.

Il ressort du tableau d’équilibre que les recettes totales nettes du budget général s’établiraient à 302 milliards d’euros et se composeraient de :

– 288,8 milliards d’euros de recettes fiscales nettes (recettes fiscales brutes de 404 milliards d’euros sous déduction des remboursements et dégrèvements estimés à 115,2 milliards d’euros) ;

– et 13,2 milliards de recettes non fiscales.

Le montant net des ressources pour le budget général s’établirait à 241,5 milliards d’euros après les prélèvements sur recettes de 60,6 milliards d’euros, dont 40,3 milliards au profit des collectivités territoriales et 20,2 milliards au profit de l’Union européenne.

Après prise en compte des fonds de concours (3,3 milliards d’euros), le montant net des ressources pour le budget général s’élèverait à 244,8 milliards d’euros.

Les ressources du budget général de l’État

(en millions d’euros)

Recettes fiscales brutes

+ 403 978

À déduire : remboursements et dégrèvements

 115 201

Recettes non fiscales

+ 13 232

Prélèvements sur recettes

 60 539

Fonds de concours

+ 3 332

Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours

244 801

Source : extraits du tableau d’équilibre de l’article 28 du présent projet de loi de finances.

A.   Les recettes fiscales nettes

En 2018, les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à 288,8 milliards d’euros, en baisse de 1,3 milliard d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2017, et en hausse de 4,7 milliards d’euros par rapport l’exécution constatée en 2016.

 

Les Recettes fiscales nettes du budget gÉNÉral de l’État 2016-2018

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général de l’État

Exécution

2016

Prévision révisée

2017

Prévision

2018

Total

284,1

290,1

288,8

 impôt sur le revenu (IR)

71,8

72,6

72,7

impôt sur les sociétés (IS)

30,0

28,4

25,3

taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

144,4

150,5

152,8

taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

15,9

10,4

13,3

dont « autres recettes fiscales »

22,0

28,2

24,6

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

B.   Recettes non fiscales

En 2018, le produit des recettes non fiscales augmenterait de 0,2 milliard d’euros par rapport à 2017 pour s’établir à 13,2 milliards.

Selon l’état A annexé au projet de loi de finances, ces recettes non fiscales se décomposeraient en :

– 5,27 milliards d’euros de dividendes et recettes assimilées ;

– 2,44 milliards d’euros de produits du domaine de l’État ;

– 1,11 milliard d’euros de produits de la vente de biens et services ;

– 0,46 milliard d’euros de remboursements et d’intérêts des prêts, d’avances et d’autres immobilisations financières ;

– 1,58 milliard d’euros d’amendes, de sanctions, de pénalités, et de frais de poursuite ;

– et 2,37 milliards d’euros de produits divers.

II.   Les charges et l’Équilibre gÉnÉral de l’État

A.   Le plafond des charges de l’état

Aux termes du 6° du I de l’article 34 de la LOLF, la loi de finances fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe ainsi que les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux.

Contrairement aux recettes, les montants ainsi fixés ne sont pas des évaluations mais des plafonds.

Le détail des plafonds de charges est prévu aux états B (répartition des crédits par mission), C (répartition des crédits par budget annexe) et D (répartition des crédits par compte d’affectation spéciale et compte de concours financiers) visés respectivement par les articles 29, 30 et 31 du présent projet de loi de finances.

Le tableau d’équilibre général du présent article mentionne le plafond des charges du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

Les dépenses nettes du budget général en crédits de paiement sont, ainsi, plafonnées à 325,8 milliards d’euros hors fonds de concours (soit 441 milliards d’euros de dépenses brutes sous déduction des remboursements et dégrèvements).

Dépenses nettes de l’État

À noter que, dans le tableau d’équilibre général, les prélèvements sur recettes au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales ne sont pas traités pas comme des charges mais comme des moindres ressources. Si l’on retraite le prélèvement sur recettes comme une dépense, le total des dépenses nettes du budget général de l’État prévu pour 2018 s’élève à 386,4 milliards d’euros.

Avec les fonds de concours, le montant des charges du budget général de l’État ressort à 329,1 milliards pour 2018.

B.   Le solde gÉnÉral de l’État

Le solde du budget général ressortirait en 2018 à -84,3 milliards compte tenu :

– d’un montant de charges de 329,1 milliards d’euros (325,8 milliards hors fonds de concours) ;

– et d’un montant de ressources de 244,8 milliards d’euros (302 milliards de recettes totales nettes, desquelles il convient de déduire les prélèvements sur recettes de 60,6 milliards d’euros, et d’ajouter les fonds de concours à hauteur de 3,3 milliards d’euros).

Après prise en compte du solde des budgets annexes (13 millions d’euros), et des comptes spéciaux (1,4 milliard d’euros), le déficit budgétaire de l’État est estimé à 82,9 milliards d’euros pour 2018.

III.   Le besoin et les ressources de financement de l’État

Aux termes du 8° du I de l’article 34 de la LOLF précitée, l’article d’équilibre « comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l’État » et « évalue les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à l’équilibre financier, présentées dans un tableau de financement ».

A.   Le tableau de financement

Le du II du présent article comporte un tableau de financement avec les ressources et les charges de trésorerie de l’État qui concourent à la réalisation de son équilibre financier.

Le besoin de financement pour 2018 est prévu à 203,3 milliards d’euros au lieu de 185,4 milliards d’euros en 2017. Il se décompose ainsi :

– 120,1 milliards au titre de l’amortissement de la dette (remboursement du capital) ;

– 82,9 milliards au titre du déficit budgétaire ;

– et 0,3 milliard au titre d’autres besoins de trésorerie.

Au total, 203,3 milliards d’euros seront donc nécessaires pour couvrir les besoins de trésorerie de l’État en 2018.

Il est prévu de nouvelles émissions de dette à hauteur de 195 milliards d’euros pour couvrir la majeure partie de ce besoin de financement, soit 10 milliards d’euros de plus que le montant prévu par la loi de finances pour 2017 ([363]).

Le solde du besoin de financement est couvert par des variations de dépôt de correspondants et de disponibilités du Trésor (3,8 milliards d’euros), par des ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement (un milliard d’euros) ainsi que par d’autres ressources (3,5 milliards d’euros) constituées par des primes nettes à l’émission (3 milliards d’euros) et un supplément d’indexation reçu à la réémission de titres indexés (0,5 milliard d’euros).

B.   Les autorisations traditionnelles relatives aux emprunts et À la trésorerie

Le du II du présent article a pour objet d’accorder au ministre des finances une autorisation globale pour conclure toutes les opérations nécessaires au financement de l’État et à la gestion de sa trésorerie pour l’année 2018.

Par ailleurs, suite à la ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES) et, à l’instar de ce qui est autorisé pour le Fonds européen de stabilité financière (FESF), le ministre des finances et des comptes publics est également autorisé à effectuer des opérations de trésorerie avec le MES.

Le Mécanisme européen de stabilité (MES)
et le Fonds européen de stabilité financière (FESF)

Le Mécanisme européen de stabilité (MES) est issu du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité signé le 2 février 2012 à Bruxelles, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 2012-324 du 7 mars 2012.

Il a succédé au Fonds européen de stabilité financière (FESF), mis en place temporairement lors d’un sommet exceptionnel des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro à Bruxelles le 9 mai 2010 à la suite de la crise des dettes souveraines, pour éviter à la Grèce le défaut de paiement. Le FESF continue néanmoins d’exister jusqu’à l’extinction des programmes irlandais, portugais et grec.

Le MES est une institution monétaire internationale dont tous les États membres dont la monnaie est l’euro seront membres. La France y contribue à hauteur d’environ 20 %.

Il a pour mission de garantir la mobilisation de fonds pour faire face à une éventuelle défaillance d’un de ses membres et éviter la propagation de la crise à toute la zone euro.

Enfin, en application du 9° du I de l’article 34 précité de la LOLF, l’article d’équilibre doit également fixer un plafond de la variation de la dette, qui s’établit, au 3° du II du présent article, à 75,6 milliards d’euros en 2018, au lieu de 72,2 milliards d’euros en 2017.

Ce plafonnement indique la variation nette autorisée, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an, soit de la dette émise sous forme d’obligations assimilables du Trésor (OAT) et de bons du Trésor à taux fixe et à intérêt annuel (BTAN).

IV.   Le plafond d’autorisation des emplois rémunÉrÉs par l’État

En application du 6° du I de l’article 34 précité de la LOLF, la première partie de la loi de finances fixe un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Les emplois sont exprimés en « équivalents temps plein travaillé » (ETPT), notion qui permet de comptabiliser les agents au prorata de leur période de présence et de leur quotité de travail par rapport à un temps plein.

À la différence des plafonds de dépenses qui sont ventilés entre le budget général, chaque budget annexe et chaque catégorie de comptes spéciaux, ce plafond recouvre l’ensemble des emplois rémunérés par l’État.

Le III du présent article fixe ce plafond à 1 960 333 ETPT au lieu de 1 944 325 ETPT en loi de finances pour 2017 ([364]), soit une hausse de 16 008 ETPT.

La forte hausse du plafond d’emplois doit être relativisée dans la mesure où le schéma d’emplois de l’État prévoit 324 suppressions nettes de postes.

Il est, en effet, important de rappeler que ce plafond d’emplois n’a pas vocation à être intégralement consommé, comme cela fut le cas au cours des années précédentes. Ce plafond constitue simplement un stock maximal d’emplois à ne pas dépasser en exécution.

En seconde partie du présent projet de loi de finances (article 33), les plafonds d’autorisation d’emplois de l’État font l’objet d’une répartition par ministère et par budget annexe, dans la limite du plafond voté en première partie.

Ces plafonds ministériels complètent le dispositif de plafonnement de la masse salariale (crédits du titre 2), conformément au III de l’article 7 de la LOLF aux termes duquel « les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel sont assortis de plafonds d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Ces plafonds sont spécialisés par ministère ».

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*     *

La commission adopte l’article 28 sans modification.

*

*     *

Puis elle adopte l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2018, modifiée.

*

*     *

 


([1]) Loi organique n° 2012–1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([2]) Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

([3]) Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

([4]) Banque de France (lien).

([5]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° 2017-1 du 12 avril 2017 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2017 à 2020 (lien).

([6]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-2 du 21 juin 2017 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2016 (lien).

([7]) Le solde conjoncturel pour 2016 est ainsi révisé à – 0,8 % du PIB, soit environ la moitié de la nouvelle hypothèse d’écart de production conformément à la « règle du pouce » précitée.

([8]) Loi n° 2017-1206 du 31 juillet 2017 de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2016.

([9]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-3 du 24 septembre 2017 relatif au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 (lien).

([10]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2017-4 du 24 septembre 2017 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2018 (lien).

([11]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([12]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

([13]) Ordonnance n° 2017-1390 du 22 septembre 2017 relative au décalage d’un an de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

([14]) Loi  2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, article 16.

([15]) Loi  2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 2.

([16]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 2.

([17]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 2.

([18]) Loi  2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 2.

([19]) Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015, article 7.

([20]) Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982, article 12.

([21]) Le montant de cet abattement constitue également le plafond de la déduction du revenu imposable de la pension alimentaire versée à un enfant majeur (2° du II de l’article 156 du CGI), de sorte que celui-ci est également relevé.

([22]) Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

([23]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([24]) Dans un premier temps, l’article 28 de la première loi de finances rectificative pour 2014 avait maintenu l’exonération de taxe d’habitation en 2014, pour les contribuables de plus de soixante ans, ainsi que pour les veufs et veuves, exonérés en 2013 à raison de leur niveau de RFR en application du 2° du I de l’article 1414 du CGI. Cet article a également prévu le maintien du dégrèvement de la contribution à l’audiovisuel public en 2014, pour ces mêmes contribuables.

([25]) Le dispositif correspondant pour la taxe foncière est prévu par le II de l’article 1391 du CGI.

([26]) Sans prendre en compte les bénéficiaires du mécanisme de lissage et de la « clause de grand père » prévus par l’article 75 de la loi de finances pour 2016.

([27]) En effet, près de 3 % des foyers TH ne sont pas identifiés à l’impôt sur le revenu, et ne disposent d’aucun RFR ni de nombre de parts. Ces situations correspondent notamment aux cas d’étudiants rattachés au foyer fiscal de leurs parents.

([28]) Une fois déduit les 1,2 million de foyers qui voient leur cotisation ramenée à 0 par le plafonnement.

([29]) Après prise en compte des différents abattements.

([30]) Lequel est en fait rétabli, l’article 1414 C du CGI ayant été abrogé à compter des impositions établies au titre de l’année 2000.

([31]) L’article 1391 B ter du CGI correspond à un dégrèvement de taxe foncière, applicable sous condition de RFR, pour les contribuables dont la cotisation de taxe foncière serait supérieure à la moitié de leur RFR.

([32]) Ce montant est généralement plus élevé, du fait du mécanisme de plafonnement du plafonnement, dès lors que la collectivité où vit le contribuable a augmenté ses taux d’imposition depuis 2000 et/ou réduit ses abattements depuis 2003.

([33]) Le dégrèvement fondé sur le plafonnement continue toutefois à s’appliquer en 2018 et en 2019 (Cf. infra).

([34]) Abattements en faveur des personnes handicapées ou des personnes à revenus modestes, abattement facultatif à la base, abattement pour charges de famille et sa majoration facultative…

([35]) Sans prise en compte des effets des hausses de taux ou des baisses d’abattements décidées par les collectivités entre 2017 et 2020, qui pourraient entraîner un reste à charge pour les ménages en 2020, en l’état de la rédaction.

([36]) La baisse de cotisations salariales doit intervenir en deux temps. Au 1er janvier 2018 : le paiement de la cotisation maladie et de 1,45 point de cotisation chômage sera supprimé, soit une baisse de cotisations de 2,2 points, tandis qu’au 1er octobre 2018, le paiement du 0,95 point restant de cotisation chômage sera supprimé.

([37]) Du fait de la déductibilité de ce 1,7 point de l’assiette de l’impôt sur le revenu, instauré par l’article 38 du présent projet de loi de finances, la hausse de CSG appliquée en 2018 devrait minorer à due concurrence le revenu imposable des retraités, et ainsi entraîner une diminution des recettes d’impôt sur le revenu de 900 millions d’euros en 2019 – soit une forme de compensation de la hausse de CSG, à hauteur de 20 %, par une diminution de l’impôt sur le revenu acquitté en N + 1.

([38]) Sachant que pour un RFR compris entre 27 000 et 28 000 euros pour un célibataire, et 43 000 et 45 000 euros pour un couple, le foyer bénéficie d’un dégrèvement dégressif, dans le cadre du mécanisme de lissage.

([39]) Directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

([40]) Loi n° 2014-237 du 27 février 2014 harmonisant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne issue de la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux, Patrick Bloche et Michel Françaix et plusieurs de leurs collègues tendant à harmoniser les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 1730, 24 janvier 2014.

([41]) Loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.

([42]) Décret n° 2009-1340 du 29 octobre 2009 pris pour application de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.

([43]) Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), Régime applicable aux services de presse en ligne, BOI-TVA-SECT-40-40-20140131 (lien).

([44]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

([45]) CCA de Versailles, 20 juillet 2017, Société NC Numericable, n° 15VE02505 (lien).

([46]) M. Patrick Bloche, Rapport au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur la proposition de loi tendant à harmoniser les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 1730, 29 janvier 2014 (lien).

([47]) Observatoire des marchés des communications électroniques, Les services de communications électroniques en France, Année 2016, ARCEP, 19 mai 2017 (lien).

([48]) Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne, Offres de presse couplées : le SPIIL dénonce un hold-up fiscal, communiqué du 12 juillet 2017 (lien).

([49]) Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement.

([50]) Décret n° 2016-750 du 6 juin 2016 relatif à la liste des activités de services à la personne soumises à agrément ou à autorisation dans le cadre du régime commun de la déclaration.

([51]) Décret n° 2016-502 du 22 avril 2016 relatif au cahier des charges national des services d’aide et d’accompagnement à domicile et modifiant le code de l’action sociale et des familles.

([52]) Directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

([53])  Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), « Les services à la personne en 2015 », DARES Résultats, n° 011, février 2017 (lien).

([54]) « La politique de soutien aux services à la personne », Lettre Trésor-Éco, n° 175, août 2016 (lien).

([55]) Évaluations des voies et des moyens, tome II, annexe au projet de loi de finances pour 2017.

([56]) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), « Les services à la personne en 2015 », DARES Résultats, n° 011, février 2017 (lien).

([57]) Directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

([58]) Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP), Professions médicales et paramédicales, 7 juin 2017, BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10-20170607 (lien).

([59]) Id.

([60]) Loi n° 93-1353 du 30 décembre 1993 de finances rectificative pour 1993.

([61]) Compte rendu des débats à l’Assemblée nationale du 8 octobre 2003 lors de l’examen de l’amendement  71, présenté par M. Bernard Accoyer, dans le cadre du projet de loi relatif à la politique de santé publique (lien).

([62]) Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

([63]) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([64]) Décret n° 2010-534 du 20 mai 2010 relatif à l’usage du titre de psychothérapeute.

([65]) Arrêté du 19 mai 2006 relatif aux modalités d’organisation et de validation du stage professionnel prévu par le décret n° 90-255 du 22 mars 1990 modifié fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue.

([66]) Loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social.

([67]) Décret n° 90-255 du 22 mars 1990 fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue.

([68]) Décret n° 2003-1073 du 14 novembre 2003 relatif aux conditions de délivrance de l’autorisation de faire usage professionnel du titre de psychologue.

([69]) Décret n° 91-129 du 31 janvier 1991 portant statut particulier des psychologues de la fonction publique hospitalière.

([70]) CJUE, 27 avril 2006, Solleveld et van den Hout-van Eijnsbergen, n° C-443/04 et C-444/04 (lien).

([71]) Conseil d’État, 30 décembre 2014, n° 360809 (lien).

([72]) BOFiP, Professions médicales et paramédicales, BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10-20170607, 7 juin 2017 (lien).

([73]) À titre d’exemple, par rapport à la valeur ajoutée comptable, l’assiette de la CVAE intègre les redevances sur les brevets, les subventions d’exploitation ou encore le montants des loyers afférents à des biens pris en location plus de six mois ; inversement, cette assiette ne tient pas compte de certains postes, tels que les amortissements des biens corporels donnés en location ou en crédit-bail. Des différences existent aussi pour la valeur ajoutée des entreprises bancaires et celle des entreprises d’assurance.

([74]) Aucun plafonnement n’est prévu pour les sociétés financières, telles que les établissements de crédits et entreprises d’investissements agréées, les entreprises de gestion d’instruments financiers ou encore les entreprises d’assurance et assimilées.

([75]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-629 QPC du 19 mai 2017, Société FB Finance [Taux effectif de la CVAE pour les sociétés membres de groupes fiscalement intégrés].

([76]) La censure décidée le 19 mai 2017 repose sur un raisonnement similaire à celui tenu par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-571 QPC du 30 septembre 2016, relative à l’exonération de la contribution de 3 % sur les revenus distribués dont bénéficient les groupes fiscalement intégrés. Là aussi, le Conseil constitutionnel avait jugé que l’intégration fiscale, sans rapport avec la contribution, ne pouvait être retenue comme critère.

([77]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([78]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([79]) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

([80]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([81]) Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

([82]) Charles Guené et Claude Raynal, Six propositions pour corriger la CVAE, rapport d’information, Sénat, session ordinaire de 2016-2017, n° 596, 28 juin 2017 (lien).

([83]) Cette exonération, réservée aux revenus distribués entre sociétés appartenant à un groupe fiscalement intégré, a été censurée pour ce motif en raison de l’absence de lien entre la contribution et l’intégration fiscale, propre à l’IS (Conseil constitutionnel, décision n° 2016-571 QPC du 30 septembre 2017, Société Layher SA). L’exonération a été rétablie et étendue aux revenus distribués à des sociétés qui, sans constituer un tel groupe, remplissent les conditions de détention du capital prévues dans l’intégration fiscale (article 95 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016).

([84]) Loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

([85]) Les chiffres correspondent approximativement au produit de CVAE réparti entre 2012 et 2013 par l’État et au dégrèvement barémique supporté par ce dernier.

([86]) Loi  2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 3.

([87]) Loi  99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, article 5.

([88]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, articles 36 et 105.

([89]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, articles 81 et 83.

([90]) Loi  2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 74.

([91]) Cette condition de réalisation d’un « bouquet » de travaux ne s’appliquait pas aux contribuables dont le RFR de l’avant-dernière année précédant celle du paiement de la dépense était inférieur à la limite prévue au II de l’article 1417 du CGI.

([92]) Appareils permettant d’individualiser les frais de chauffage ou d’eau chaude sanitaire ; systèmes de charge pour véhicule électrique ; pour les seuls logements situés dans un département d’outre-mer, sont devenus éligibles les équipements de protection des parois vitrées ou opaques contre les rayonnements solaires ; les équipements de raccordement à un réseau de froid alimenté majoritairement par du froid d’origine renouvelable ou de récupération ; les équipements visant à l’optimisation de la ventilation naturelle, et notamment les brasseurs d’air.

([93]) Loi  2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 106.

([94]) Loi  2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 23.

([95]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, article 1er. L’article 3 de cette loi énonce en outre : « La France se fixe comme objectif de rénover énergétiquement 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes, visant ainsi une baisse de 15 % de la précarité énergétique d’ici 2020. »

([96]) Fédération française du bâtiment, Le bâtiment en chiffres 2016, juin 2017 (lien).

([97]) Campagne 2015 de l’Observatoire permanent de l’amélioration énergétique du logement, travaux achevés en 2014, document édité par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, mai 2016 (lien).

([98]) Loi  2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, article 9.

([99]) Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, article 99.

([100]) L’article 40 du présent projet de loi de finances vient par ailleurs proroger l’éco-PTZ, qui venait lui aussi à échéance au 31 décembre 2017, jusqu’au 31 décembre 2021, tout en modifiant son ciblage géographique.

([101]) Article 2 de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (lien).

([102]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([103]) L’article 14 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a organisé le basculement de l’ancienne contribution au service public de l’électricité au sein de la TICFE dont l’assiette et les taux ont été du même coup fortement modifiés pour assurer le financement des charges du service public de l’électricité par le programme n° 345 Service public de l’énergie et le compte d’affectation spécial Transition énergétique (lien).

([104]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([105]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV).

([106]) Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([107]) Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999.

([108]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

([109]) Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

([110]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([111]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([112]) Arrêté du 10 novembre 2011 fixant pour le gazole, les gaz de pétrole liquéfiés et les émulsions d’eau dans du gazole des conditions d’emploi ouvrant droit à l’application du régime fiscal privilégié institué par l’article 265 du code des douanes en matière de taxe intérieure de consommation.

([113]) Cour des comptes, L’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable, septembre 2016, (lien).

([114]) Cour des comptes, Référé sur les dépenses fiscales rattachées à la mission écologie, aménagement et développement durables et relatives à l’énergie, n° 65241, 12 décembre 2012 (lien).

([115]) Leila Aïchi, Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, Sénat, session extraordinaire de 2014-2015, n° 610, 8 juillet 2015 (lien).

([116]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 24 sur la modification du barème du malus automobile (compte d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres).

([117]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 23 sur la fixation des recettes et l’élargissement des dépenses du compte d’affectation spéciale Transition énergétique.

([118]) Paul Malliet et Aurélien Saussay, « L’impact redistributif de la taxe carbone », in Observatoire français des conjonctures économiques, Évaluation du programme présidentiel pour le quinquennat 2017-2022 12 juillet 2017 (lien).

([119]) Commissariat général au développement durable, « Dépenses de carburant automobile des ménages : relations avec la zone de résidence et impacts redistributifs potentiels d’une fiscalité incitative », Études et documents, n° 8, juin 2009 (lien).

([120]) « Étude sur le kilométrage annuel moyen », L’Argus, n° 4470, 24 septembre 2015, page 6.

([121]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 8 sur la prorogation et l’aménagement du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE).

([122]) Cf. commentaire, dans le présent rapport général, de l’article 24 sur la modification du barème du malus automobile (comptes d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres.

([123]) En application de l’article 24 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (dite « Pinel »).

([124]) Il existe également des régimes « micro » pour les bénéfices agricoles (BA) et les revenus fonciers. Le régime « micro-BA », qui a succédé au forfait agricole et est prévu à l’article 64 bis du CGI, consiste à appliquer à la moyenne des chiffres d’affaires de l’année d’imposition et des deux années précédentes un abattement de 87 %, sous réserve que cette moyenne n’excède pas 82 800 euros. Le régime « micro-foncier », prévu à l’article 32 du CGI, consiste à appliquer aux revenus fonciers, s’ils n’excèdent pas 15 000 euros, un abattement de 30 %.

([125]) Par exception, toutefois, ce régime « micro-BIC » s’applique aux locations en meublé qui portent sur des résidences de tourisme ou des chambres d’hôtes.

([126]) L’article 114 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 a harmonisé le régime fiscal de la location de biens meublés en qualifiant les revenus tirés de celle-ci de BIC, indépendamment du caractère habituel ou non de la location (auparavant, les revenus tirés de locations en meublé faites à titre occasionnel relevaient des revenus fonciers, non des BIC).

([127]) Article 24 de la loi « Pinel » précitée. Jusque-là, le bénéfice du régime était perdu dès le début de l’année de franchissement. La modification a permis de lisser la sortie du régime.

([128]) Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

([129]) Les organismes de gestion agréés (OGA) ont pour mission d’apporter à leurs adhérents une assistance en matière de gestion, de leur fournir des analyses économiques, comptables et financières et de les accompagner dans leurs démarches administratives. Ils sont consacrés aux articles 1649 quater C à 1649 quater K ter du CGI et, s’agissant des associations de gestion et de comptabilité, à l’article 7 ter de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 modifiée portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable.

([130]) Ce plafond est majoré de 50 % ou 25 % par demi-part ou quart de part supplémentaire.

([131]) Depuis la modification apportée aux articles 50 0 et 102 ter par l’article 124 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite « Sapin II »). Jusque-là, la durée de l’option était de deux ans.

([132]) S’ils souhaitent conserver le bénéfice du régime réel, ils doivent exercer l’option avant le 1er février de l’année suivant la première année d’éligibilité au « micro-BIC », l’option s’appliquant à cette dernière.

([133]) Un redevable éligible à un régime « micro » qui opte pour le régime réel pourra en outre bénéficier d’une réduction d’impôt au titres des frais de comptabilité et d’adhésion s’il adhère à un OGA, en vertu de l’article 199 quater B du CGI.

([134]) Chiffres correspondant aux revenus 2015 imposés en 2016, figurant dans l’évaluation préalable de l’article 38 du projet de loi de finances pour 2016 (prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu), pages 26-27.

([135]) ACOSS, Acosstat, n° 252, juillet 2017.

([136]) Le terme de « seuil » est impropre : il s’agit bien de montants au-delà desquels le bénéfice du régime est perdu, et non de montants dont l’atteinte ou le dépassement rend éligible audit régime.

([137]) Ce même ii abroge également le b du même 2, mais il s’agit là d’une simple coordination rendue nécessaire par la fin de l’adossement des plafonds « micro » à ceux de la franchise en base de TVA. Le d du 2° du I du présent article procède à une abrogation similaire à l’article 102 ter.

([138]) Par référence à l’article 53 A du CGI, qui renvoie à l’article 175 du même code.

([139]) Pour plus de précisions sur le taux effectif de CVAE, il est renvoyé au commentaire de l’article 7 du présent projet de loi de finances.

([140]) Loi n° 65-566 du 12 juillet 1965 modifiant l’imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers.

([141]) Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004.

([142]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([143]) Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

([144]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

([145]) Loi n° 2007-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([146]) Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

([147]) Voir le tableau en page suivante.

([148]) En intégrant le taux marginal de l’impôt sur le revenu de 45 %, la surtaxe dite « Fillon » de 4 % et la déductibilité de 5,1 % de la CSG, le taux marginal au titre de l’IR est de 46,5 %. Avec les prélèvements sociaux de 15,5 %, on aboutit à un taux global de 62 %.

([149]) Loi n° 65-997 du 29 novembre 1965 portant loi de finances pour 1966.

([150]) En intégrant le taux marginal de l’impôt sur le revenu de 45 %, la surtaxe dite « Fillon » de 4 % et la déductibilité de 5,1 % de la CSG, le taux marginal au titre de l’IR est de 46,5 %. Avec les prélèvements sociaux de 15,5 %, on aboutit à un taux global de 62 %.

([151]) Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.

([152]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([153]) Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([154]) Loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 de finances pour 2003.

([155]) MM. Olivier Carré et Christophe Caresche, Rapport d’information fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur l’investissement productif de long terme, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 3063, 16 septembre 2015.

([156]) Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([157]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([158]) Loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998.

([159]) Cf. infra la partie consacrée à l’impact de la réforme sur l’épargne logement.

([160]) Cf. infra le développement spécifique sur les bons anonymes.

([161]) Cette possibilité constituait du reste l’une des propositions de la mission d’information sur l’investissement productif de long terme mentionnée précédemment.

([162]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-642 QPC du 7 juillet 2017, M. Alain C. [Exclusion de certaines plus-values mobilières de l’abattement pour durée de détention].

([163]) Voir le paragraphe 440 du BOFiP-I dont la référence est : BOI-RPPM-PVBMI-20-10-40-20160411.

([164]) Question écrite n° 22465 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam publiée dans le Journal officiel Questions Sénat du 23 avril 2016, page 2764.

([165]) Réponse du ministère de l’économie et des finances publiée au Journal officiel Questions Sénat du 11 mai 2017, page 1796.

([166]) Conseil constitutionnel, décision n° 2015-515 QPC du 14 janvier 2016, M. Marc François-Xavier M.-M. [Exclusion de certains compléments de prix du bénéfice de l’abattement pour durée de détention en matière de plus-value mobilière].

([167]) Loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier.

([168]) Loi n° 80-1094 du 30 décembre 1980 portant loi de finances pour 1980.

([169]) Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000.

([170]) Loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012.

([171]) Ordonnance  2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

([172]) Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982.

([173]) Conseil constitutionnel, décision n° 2010-44 QPC du 29 septembre 2010, Époux M. [Impôt de solidarité sur la fortune].

([174]) Loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 de finances rectificative pour 1986.

([175]) Loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988 de Finances pour 1989.

([176]) Loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990.

([177]) Loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 de finances pour 1991.

([178]) Loi n° 95-885 du 4 août 1995 de finances rectificative pour 1995.

([179]) Loi n° 95-1346 du 30 décembre 1995 de finances pour 1996.

([180]) Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 de finances pour 1999.

([181]) Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

([182]) Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

([183]) Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

([184]) Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

([185]) Conseil constitutionnel, décision  2012-654 DC du 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012 (II).

([186]) Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

([187]) Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([188]) Loi n° 206-1917 du 29 décembre 2016 de finances 2017.

([189]) Olivier Carré et Christophe Caresche, Rapport d’information fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur l’investissement productif de long terme, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 3063, 16 septembre 2015.

([190]) Loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété immobilière.

([191]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-658 QPC du 3 octobre 2017, M. Jean-Jacques M. [Droits de mutation à titre gratuit sur les sommes versées dans le cadre de contrats d’assurance-vie].

([192]) Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

([193]) Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

([194]) CJUE, 10 mai 2012, Santander Asset Management SGIIC et autres, nos C-338/11 à C-347/11.

([195]) Définies à l’article 2 de l’annexe I du règlement général d’exemption par catégorie de 2014 (règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité).

([196]) Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

([197]) L’extension de l’exonération, introduite par l’article 95 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative, tirait les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 30 septembre 2016 qui avait censuré l’exonération concernant les seuls groupes fiscalement intégrés. Cette exonération emportait une rupture d’égalité selon que les sociétés appartenaient ou non à un tel groupe, alors que l’intégration fiscale, régime propre à l’IS et donc sans lien avec la contribution, ne pouvait servir de critère (Conseil constitutionnel, décision  2016-571 QPC du 30 septembre 2016, Société Layher SAS [Exonération de la contribution de 3 % sur les montants distribués en faveur des sociétés d’un groupe fiscalement intégré]).

([198]) Directive n° 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, modifiée en 2014 et 2015.

([199]) La quote-part ne pouvant excéder 5 % des revenus distribués, la charge fiscale maximale admise correspond à l’application du taux normal d’IS sur cette assiette, soit 1,67 % en France (33 1/3 % × 5 %).

([200]) CJUE, 17 mai 2017, Association française des entreprises privées et autres, n° C-365/16. Cet arrêt a été rendu dans le cadre d’une question préjudicielle posée par le Conseil d’État le 27 juin 2016.

([201]) Puisqu’ils étaient imposés au titre de l’IS et de cette contribution, conduisant à une imposition de 4,67 % des revenus distribués, supérieure au plafond autorisé de 1,67 %.

([202]) Conseil d’État, 7 juillet 2017, Société SOPARFI, n° 399757.

([203]) Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([204]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, Société de participations financière [Contribution de 3 % sur les montants distribués], paragraphe 8.

([205]) Le raisonnement peut être rapproché de celui tenu dans la décision n° 2051-520 QPC du 3 février 2016, Société Metro Holding France SA. Le Conseil constitutionnel avait alors censuré l’exclusion du régime mère-filles des produits de titres de participation non assortis de droits de vote compte tenu de la différence de traitement qu’elle entraînait. Cette exclusion ne s’appliquait qu’aux titres de participation dans des filiales françaises ou tierces à l’Union européenne, la directive mère-fille, qui couvre les filiales européennes, ne prévoyant pas de distinction selon que les titres confèrent ou non des droits de vote.

([206]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, Société de participations financière [Contribution de 3 % sur les montants distribués], paragraphe 8.

([207]) La hausse des dividendes n’étant a priori pas due au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui ne doit en principe pas être utilisé à cet effet : le Comité de suivi du CICE précise dans sa dernière évaluation que les études conduites « ne font ressortir aucun résultat significatif sur le lien entre CICE et dividendes » (Rapport 2017, octobre 2017, page 26).

([208]) INSEE, Les comptes de la Nation en 2016. Les dividendes nets versés correspondent à la différence entre les dividendes versés et les dividendes reçus.

([209]) Le taux d’autofinancement correspond au rapport de l’épargne à la formation brute de capital fixe -agrégat qui mesure l’investissement).

([210]) Conseil des prélèvements obligatoires, Adapter l’impôt sur les sociétés à une économie ouverte, décembre 2016 -Rapport particulier n° 2 : Comment l’impôt sur les sociétés affecte-t-il les comportements ?, page 49.

([211]) Théorie de la hiérarchisation des sources de financement, ou « pecking order theory », Myers et Majluf, 1984 (Conseil des prélèvements obligatoires, ibid., page 40).

([212]) Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

([213]) Aux termes de l’article L. 233-3 du code de commerce, le contrôle s’entend de la détention d’une fraction du capital conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de la société, de la détermination de fait des décisions prises par l’assemblée générale, ou encore du pouvoir de nommer ou révoquer la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de la société.

([214]) La notion de groupe est ici entendue au sens du III de l’article 212 du CGI, et correspond à l’ensemble des entreprises françaises ou étrangères placées sous le contrôle exclusif d’une même société au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce (détention de la majorité des droits de vote et capacité de désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance).

([215]) Mme Nicole Bricq, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011, Sénat, session ordinaire 2011-2012, n° 164, 7 décembre 2011, page 239.

([216]) Conseil des prélèvements obligatoires, Adapter l’impôt sur les sociétés à une économie ouverte, décembre 2016.

([217]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([218]) Voire dans un État européen qui qualifiera les sommes perçues par la société mère de produits de titres de participation, exonérés à 95 % au moins en application de la directive mère-fille.

([219]) Cette limite est applicable lorsque le montant des intérêts excède trois limites reposant respectivement sur un ratio d’endettement global, un ratio de couverture d’intérêts et un ratio d’intérêts. La fraction d’intérêts excédant la plus élevée de ces trois limites est réintégrée au résultat imposable, sauf si elle est inférieure à 150 000 euros.

([220]) Loi n° 2013-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

([221]) Conseil des prélèvements obligatoires, rapport précité.

([222]) Introduit par l’article 13 de la loi n° 88-1193 du 29 décembre 1988 de finances rectificative pour 1988.

([223]) Ainsi que l’administration fiscale l’a confirmé au Rapporteur général.

([224]) Mme Nicole Bricq, ibid., pages 238-239.

([225]) Loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012.

([226]) Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

([227]) Cour des comptes, La taxe sur les transactions financières et sa gestion, référé n° S2017-1860, 19 juin 2017.

([228]) Conseil constitutionnel, décision n° 2015-725 DC du 29 décembre 2015, Loi de finances pour 2016.

([229]) Les amendements portant sur l’assiette de la TTF ont été déposés en termes identiques par MM. Jean-Marie Tétart, Jean-Pierre Dufau, Pascal Cherki, Romain Colas, Nicolas Sansu, Jean-Marc Germain ainsi que Mmes Monique Orphé et Eva Sas.

([230]) Ces amendements ont été déposés par MM. Jean-Pierre Dufau, Jean-Luc Laurent et Mme Eva Sas.

([231]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([232]) Conseil constitutionnel, décision n° 2016-744 DC du 29 décembre 2016, paragraphes 71 à 79.

([233]) Décret n° 2016–1684 du 5 décembre 2016 portant modification du décret n° 2006–1139 du 12 septembre 2006 sur le fonds de solidarité pour le développement.

([234]) Décret n° 2016–1684 du 5 décembre 2016 portant modification du décret n° 2006–1139 du 12 septembre 2006 sur le fonds de solidarité pour le développement.

([235]) Voir commentaire de cet article dans le présent rapport général.

([236]) Voir notamment le quotidien AGEFI, « L’Italie songe à supprimer sa TTF domestique », 26 avril 2016.

([237]) Voir le compte rendu intégral de la deuxième séance du mercredi 19 octobre 2016.

([238]) M. Albéric de Montgolfier, Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2016, Sénat, session ordinaire 2015-2016, n° 164, 19 novembre 2015.

([239]) Loi n° 79-15 du 3 janvier 1979 instituant une dotation globale de fonctionnement versée par l’État aux collectivités locales et à certains de leurs groupements et aménageant le régime des impôts directs locaux.

([240]) Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

([241]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

([242]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([243]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([244]) Véronique Louwagie et Christine Pires Beaune, Rapport d’information de la commission des finances sur la dotation globale de fonctionnement du bloc communal, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 3953, 13 juillet 2016 (lien).

([245]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

([246]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

([247]) Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

([248]) Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

([249]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([250]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([251]) Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

([252]) Loi de finances n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 149.

([253]) En l’absence de disposition expresse, le montant de la DGF du bloc communal – communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) – se déduit par soustraction.

([254]) Loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

([255]) 2° de l’article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([256]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et autres [Concours de l’État au financement par les départements du RMI, du RMA et du RSA].

([257]) Loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte ; loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte.

([258]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([259]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([260]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

([261]) Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

([262]) Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

([263]) Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014.

([264]) Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM).

([265]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

([266]) Article 2 de l’ordonnance n° 2008-859 relative à l’extension et à l’adaptation outre-mer de diverses mesures bénéficiant aux personnes handicapés et en matière d’action sociale et médico-sociale.

([267]) Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

([268]) Article 120 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

([269]) Article 74 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([270]) Loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer.

([271]) Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([272]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([273]) Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finances.

([274]) Conseil des prélèvements obligatoires, La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes, juillet 2013.

([275]) Rapport précité, pages 64, 65 et 67.

([276]) Cf. le commentaire de l’article 26 du présent rapport général.

([277]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([278]) Rapport précité.

([279]) Loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008. Ce principe a été confirmé et consacré par la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

([280]) Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, article 6. Élargissement du périmètre de la norme confirmé au sein de la loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, article 8.

([281]) Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, article 8.

([282]) Ibid., article 16.

([283]) Loi de programmation pour les années 2012 à 2017, article 12, puis loi de programmation pour les années 2014 à 2019, article 15.

([284]) Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

([285]) Loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, article 39.

([286]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 31.

([287]) Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, article 16, III.

([288]) Annexe au projet de loi de finances pour 2018, Évaluations des voies et moyens, tome 1, page 139.

([289]) Arrêté du 4 mars 2009 fixant le taux de prélèvement du fonds de prévention des risques naturels majeurs.

([290]) Annexe au projet de loi de finances pour 2017, Rapport sur la gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs, page 24.

([291]) La présentation retenue dans le présent commentaire d’article diffère légèrement de celle proposée par le Gouvernement, qui indique une diminution globale de 302 millions d’euros du plafonnement des taxes affectées, décomposée en une baisse des plafonds existants de 632 millions d’euros et une hausse de plafonds de 330 millions d’euros. Toutefois, cette décomposition n’est pas explicitée.

([292]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([293]) Évaluations préalables du projet de loi de finances pour 2017, page 122.

([294]) Loi n° 94-1162 du 29 décembre 1994 de finances pour 1995.

([295]) Article 46 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([296]) Cf. commentaire de l’article 22 du présent projet de loi de finances.

([297]) Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, article 32.

([298]) Cour des comptes, référé sur la gestion des agences de l’eau, 29 avril 2015.

([299]) Ce montant est net, c’est-à-dire déduction faite des frais d’assiette et de recouvrement.

([300]) Article 1600 du CGI, troisième alinéa du 1 du I, introduit par l’article 51 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([301]) Loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, codifié à l’article 302 bis KH du CGI.

([302]) Sont notamment visés les services téléphoniques sur réseaux fixes, ceux sur réseaux mobiles, les services permettant d’accéder à internet, etc.

([303]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 48.

([304]) Cf. commentaire de l’article 25 du présent projet de loi de finances.

([305]) Décret n° 2016–1684 du 5 décembre 2016 portant modification du décret n° 2006–1139 du 12 septembre 2006 sur le Fonds de solidarité pour le développement.

([306]) Loi n° 93-1352 du 30 décembre 1993 de finances pour 1994.

([307]) Décret n° 97-1040 du 13 novembre 1997 créant le Fonds national de promotion et de communication de l’artisanat.

([308]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, article 144. Décret n° 2016-901 du 1er juillet 2016 portant création du Fonds national des aides à la pierre.

([309]) Article L. 435-1 du code de la construction et de l’habitation.

([310]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([311]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([312]) Loi n° 2017-1206 du 31 juillet 2017 de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2016, article 6.

([313]) Observatoire national interministériel de la sécurité routière, La sécurité routière en France, bilan de l’accidentalité 2016 (lien).

([314]) Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

([315]) Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

([316]) Loi n° 94-1162 du 29 décembre 1994 de finances pour 1995.

([317]) Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([318]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 46.

([319]) Arrêté codifié à l’article 50 quaterdecies B de l’annexe IV au CGI.

([320]) Arrêté codifié à l’article 23 M bis de l’annexe IV au CGI.

([321]) La redevance d’accès TET est versée à SNCF Réseau par l’État s’est élevée à 529,4 millions d’euros en 2016, et elle est prévue à 529,4 millions d’euros en 2017 et 527,7 millions d’euros en 2018.

([322]) Commission « TET d’avenir », rapport remis le 25 mai 2015 au secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche (lien).

([323]) Point d’étape de la mise en œuvre de la feuille de route du 7 juillet 2015 pour un nouvel avenir des trains d’équilibre du territoire (lien).

([324]) Loi n° 2015-1789 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([325]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([326]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([327]) Directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables sur le marché intérieur de l’électricité.

([328]) Directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE.

([329]) Directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur, de leurs remorques et des systèmes, des composants et des entités techniques destinés à ces véhicules (directive-cadre).

([330]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([331]) Loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007.

([332]) Mme Sophie Rohfritsch et Mme Delphine Batto, Rapport d’information fait au nom de la mission d’information sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 4109, 12 octobre 2016 (lien).

([333]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire, Compte d’affectation spéciale Aides à l’acquisition de véhicules propres, 2016 (lien).

([334]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([335]) Résolution européenne de Mmes Danielle Auroi, Delphine Batho et M. Jean-Paul Chanteguet appelant à une réforme radicale de l’élaboration et du contrôle des normes régissant l’industrie automobile européenne, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 4375, 17 février 2017 (lien).

([336]) Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

([337]) Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

([338]) Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

([339]) Article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

([340]) L’évaluation préalable de l’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale évalue le rendement de l’augmentation d’un point de CSG activité à plus de 13 milliards d’euros.

([341]) Article 4 de la convention.

([342]) Décret n° 2016–392 du 31 mars 2016 relatif à la cotisation d’assurance maladie et maternité des travailleurs indépendants agricoles.

([343]) Loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.

([344]) La subvention de l’État était retracée au sein du programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins de la mission Santé.

([345]) Projet annuel de performances Administration pénitentiaire, annexe au projet de loi de finances pour 2018, page 3.

([346]) Projet annuel de performances Handicap et dépendance, annexe au projet de loi de finances pour 2018, page 21.

([347]) Projet annuel de performances Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, annexe au projet de loi de finances pour 2018, page 24.

([348]) Article 18 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([349]) L’ensemble des frais d’assiette et de recouvrement a représenté un montant de plus de 170 millions d’euros en 2016 sur un montant d’environ 70 milliards d’euros d’impositions recouvrées par l’État pour le compte de la sécurité sociale.

([350]) Article 51 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([351]) Estimations issues de la fiche d’évaluation préalable de l’article 18 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, page 207.

([352]) Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

([353]) Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

([354]) Le montant de 836 millions d’euros correspond en réalité à 876 millions d’euros de réserves de la section III du FSV, minoré de 40 millions d’euros au titre de la charge prévisionnelle pour le financement du maintien à 65 ans de l’âge de départ à la retraite à taux plein des parents d’au moins trois enfants, transférés de la section III du FSV à la CNAV.

([355]) Gérard Bapt, Rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, tome I, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 4151, 19 octobre 2016, page 223 (lien).

([356]) Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, article 3.

([357]) Annexe Évaluations des voies et moyens, tome I, au projet de loi de finances pour 2017, page 166.

([358]) CJUE, 26 février 2015, Ministère de l’économie et des finances c/ Gérard de Ruyter, aff. C-623/13.

([359]) Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016, article 24.

([360]) Commission européenne, projet de budget général, juin 2017 (lien).

([361]) Conseil constitutionnel, décision n° 79-110 DC du 24 décembre 1979, Loi de finances pour 1980.

([362]) Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

([363]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([364]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.