N° 273

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2017.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2018 (n° 235),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur Général

Député

 

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ANNEXE N° 28
 

 

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

 

 

 

 

 

Rapporteurs spéciaux : MM. Jean-Noël BARROT et Stanislas GUERINI

 

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

données clés

PREMIÈRE PARTIE

I. les crédits de la mission : une hausse maîtrisée de la dépense et une amélioration de la qualité des prévisions budgétaires

1. Une mission structurée autour de dépenses d’accueil

2. Une hausse de la dépense intimement liée à l’instabilité géopolitique mondiale

3. Plusieurs mesures ont permis de contenir la hausse de la dépense

4. Une sincérité budgétaire accrue, mais qui pourrait être mise à l’épreuve

II. Analyse des crédits par programme : un budget FIDèle au plan d’action pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires

A. programme 303 : une hausse des dépenses visant à un meilleur accueil des demandeurs d’asile

1. L’action 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile : une dépense dynamique pour permettre à la France d’honorer ses engagements internationaux

2. L’action 3 Lutte contre l’immigration irrégulière : une diminution des crédits, mais un renforcement significatif de l’aide au retour

B. programme 104 : une hausse des MOYENS DÉDIÉS À l’hébergement des réfugiés et AU renforT Des formations linguistiques

1. L’action 11 Accueil des étrangers primo arrivants : des moyens supplémentaires pour le premier accueil des demandeurs d’asile par l’Office français de l’immigration et de l’intégration

2. L’action 12 Accompagnement des étrangers en situation régulière : un renforcement des actions de formation linguistique et d’insertion dans l’emploi complémentaires au CIR

3. L’action 14 Accès à la nationalité : une évolution des crédits inscrite dans la dynamique de la réforme de l’instruction des demandes

4. Action 15 Accompagnement des réfugiés : des moyens supplémentaires pour améliorer l’hébergement et l’insertion des personnes sous protection

5. Action 16 Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants : derrière la stabilité des crédits, un renforcement du pilotage du dispositif

Deuxième partie : La mise en œuvre du plan d’action pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires

A. Une réduction des délais d’instruction POUR UN MEILLEUR ACCUEIL DES DEMANDEURS D’asile et pour mieux maîtriser les flux migratoires

1. Une réduction du délai de l’OFPRA très liée à la fluidité du premier accueil

2. Le délai moyen de jugement à la CNDA difficile à réduire à moyen terme

B. Hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés : une indispensable augmentation de la capacité du parc

1. Une augmentation à poursuivre de la capacité du dispositif national d’accueil et des CPH

2. Une nécessaire rationalisation des dispositifs d’hébergement d’urgence

C. UNE nécessaire REFONDATION de La politique d’INTÉGRATION DES RÉFUGIÉS

1. Des contrats d’intégration républicaine partiellement adaptés aux besoins des réfugiés

2. Des expérimentations à généraliser

ARTICLES RATTACHÉS

Article 56 Mise en œuvre progressive de l’application du contrat d’intégration républicaine à Mayotte

Article 57 Réduction de la durée de versement de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) des personnes n’étant plus demandeur d’asile

Examen en commission

Personnes auditionnÉes

 


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   PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration s’élèvent à près de 1,4 milliard d’euros, soit 0,3 % du budget général. Ils sont ventilés entre deux programmes, le programme 303 Immigration et asile (1,1 milliard d’euros) et le programme 104 Intégration et accès à la nationalité (283 millions d’euros). Ils participent au financement de la politique migratoire, dont les crédits s’élevaient en 2017 à 5,3 milliards d’euros.

Ces crédits ont augmenté de 34,7 % depuis 2012, alors que le budget général augmentait de 9,3 %. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, ils ont progressé de 127,9 millions d’euros en AE (+10,4 %) et 285,4 millions d’euros en CP (+ 26 %).

Cette augmentation résulte d’un effort du Gouvernement pour rendre le budget plus sincère, conformément aux recommandations de la Cour des comptes. Les prévisions de dépenses ont été effectuées au regard de l’exécution de la loi de finances pour 2016 et des premiers éléments d’exécution connus pour 2017, en tenant compte d’une hausse de la demande d’asile estimée à 10 % et d’une hausse du nombre de demandeurs d’asile sous la responsabilité d’une autre État en application du règlement de Dublin de 30 %.

Elle résulte aussi de la mise en œuvre du plan Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires, déclinée dans ce projet de loi de finances. Notamment :

– des effectifs supplémentaires seront alloués à l’Office français pour l’immigration et l’intégration (OFII), afin d’accélérer le dépôt des demandes d’asile et à l’Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) en vue d’accompagner la réorganisation qu’il a mise en œuvre dès 2013 pour réduire les délais d’instruction de ces demandes ;

– le dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile (DNA) verra son parc étendu dès 2018 de 4 000 places : 1 500 en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et 2 500 en hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA). Le parc sera ainsi porté à 84 100 places. En outre, 3 000 places seront ouvertes en centre provisoire d’hébergement (CPH) pour les réfugiés, portant le parc à 5 200 places à la fin de l’année 2018 ;

– des actions nouvelles seront financées en vue de favoriser l’intégration des réfugiés, pour améliorer l’apprentissage du français et pour mieux accompagner vers la formation et l’emploi.

Elle traduit enfin l’effort du Gouvernement pour mieux maîtriser la dépense, notamment par la réduction des délais d’instruction des demandes d’asile, par la rationalisation du parc d’hébergement et, au titre de l’allocation pour demandeurs d’asile, par un meilleur contrôle des versements et par une modification des règles de fin de versement de cette allocation pour les personnes déboutées (article 57 du projet de loi de finances pour 2018).

Vos rapporteurs saluent ces mesures, qui reflètent les engagements du président de la République pour placer les mesures d’accueil des demandeurs d’asile à la hauteur des engagements internationaux de la France.

S’attachant plus particulièrement à la question de la sincérité budgétaire, ils se montreront néanmoins vigilants quant à la trajectoire de la dépense. En effet, l’exercice de prévision est par nature délicat et les objectifs de maîtrise de la dépense sont ambitieux.

À cet égard, l’analyse menée par vos rapporteurs dans la seconde partie du rapport des modalités de mise en œuvre de la réduction du délai moyen d’instruction des demandes d’asile montre que l’objectif de porter celui-ci à six mois pourrait être plus tardif et plus difficile qu’envisagé.

En ce qui concerne l’hébergement des demandeurs d’asile, l’analyse met en évidence une difficile lisibilité du dispositif actuel, liée à la multiplication dans l’urgence de dispositifs aux niveaux de coût et de prise en charge hétérogènes. Ils plaident donc pour une rationalisation de l’ensemble et pour une meilleure mise en cohérence des dispositifs d’hébergement avec la procédure d’instruction des demandes.

En outre, ils seront attentifs au remboursement de la dette qui s’était constituée vis-à-vis de Pôle emploi au titre du versement de l’allocation temporaire d’attente principalement entre 2014 et 2016, suivant en cela les recommandations de la Cour des comptes.

Enfin, vos rapporteurs ont également voulu partager en deuxième partie du rapport les premiers éléments issus de leurs auditions relatifs à l’intégration. Elles ont confirmé la nécessité d’une refondation de cette politique et la validité des premières pistes avancées par Aurélien Taché, chargé de cette mission auprès du Premier ministre, auxquelles vos rapporteurs s’associent pleinement.

 

 


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   données clés


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   PREMIÈRE PARTIE

La mission Immigration, asile et intégration rassemble des crédits spécifiquement dédiés à la mise en œuvre des politiques d’immigration et d’asile, autour de trois axes : la maîtrise des flux migratoires, l’intégration des personnes immigrées en situation régulière et la garantie du droit d’asile.

Cinq objectifs, évalués par sept indicateurs, déclinent la stratégie mise en œuvre dans le cadre de cette mission :

– optimiser la prise en charge des demandeurs d’asile ;

– réduire les délais de traitement de la demande d’asile ;

– améliorer l’efficacité de la lutte contre l’immigration illégale ;

– améliorer les conditions d’accueil et d’intégration des étrangers ;

– améliorer l’efficacité du traitement des dossiers de naturalisation.

Deux lois adoptées sous le précédent quinquennat ont eu des effets importants sur la trajectoire de dépense de la mission : la loi  2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile et la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

I.   les crédits de la mission : une hausse maîtrisée de la dépense et une amélioration de la qualité des prévisions budgétaires

Le montant des crédits demandés en 2018 pour cette mission s’élève à 1,4 milliard d’euros en AE et en CP, soit 0,3 % du budget de l’État. Ces crédits sont ventilés entre deux programmes : le programme 303 Immigration et asile et le programme 104 Intégration et accès à la nationalité, qui traitent tous deux à la fois d’immigration et d’asile.

1.   Une mission structurée autour de dépenses d’accueil

Les deux premiers postes de dépense de la mission sont, en 2018, l’action 2 Garantie du droit d’asile, dont les crédits représentent 71 % de ceux de la mission, et l’action 11 Accueil des étrangers primo-arrivants, dont les crédits représentent 14 % de ceux de la mission. La lutte contre l’immigration irrégulière (action 3) représente ensuite 6 % des crédits. L’accompagnement des étrangers en situation régulière (action 12) et l’accompagnement des réfugiés (action 15) représentent chacun un peu moins de 3 % des crédits de la mission.

Ventilation des crÉdits de la mission Immigration, asile et intÉgration

Crédits demandés pour 2018

(en millions d’euros)

 

PLF pour 2018

AE

CP

303 Immigration et asile

1 069,8

1 100,6

1 Circulation des étrangers et politique des visas

0,5

0,5

2 Garantie de l’exercice du droit d’asile

953

985,4

3 Lutte contre l’immigration irrégulière

82,6

82,8

4 Soutien

33,6

31,8

104 Intégration et accès à la nationalité

282,6

282,6

11 Accueil des étrangers primo-arrivants

191,4

191,4

12 Accompagnement des étrangers en situation régulière

38,4

38,4

14 Accès à la nationalité française

1,1

1

15 Accompagnement des réfugiés

43,2

43,2

16 Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

8,5

8,5

Source : projet annuel de performances 2018.

La répartition par titre des crédits de la mission reflète l’importance des dépenses de guichet (allocation pour demandeurs d’asile) et l’externalisation à des opérateurs extérieurs, souvent associatifs, de la gestion des structures d’accueil et des actions d’intégration menées dans ce cadre.

Ainsi, les dépenses d’intervention représentent 74 % des crédits de la mission, celles de fonctionnement 24 % – la part de ceux dédiés au fonctionnement des administrations intervenant en soutien (actions 1, 4 et 14) ne représentant 0,015 % des crédits de la mission (21 millions d’euros en AE et 18,9 millions d’euros en CP) ([1]) – et celles d’investissement 2 %.

a.   Un budget consolidé de la politique d’immigration difficile à établir

Les crédits de la mission ne prennent pas en compte plusieurs types de recettes et de dépenses qu’il est parfois difficile d’évaluer.

En tout premier lieu, ils ne retracent pas l’engagement de milliers de bénévoles dans les missions d’accueil prévues par les dispositifs des programmes 303 et 104, mais aussi au titre d’actions plus générales de solidarité. Or, cet engagement est une condition nécessaire au fonctionnement de notre dispositif d’accueil.

En second lieu, une partie des crédits est retracée dans d’autres programmes. Ainsi, les crédits de la mission Immigration, asile et intégration ne représentaient en 2017 qu’un cinquième des montants de ceux dédiés à la politique migratoire, identifiés dans le document de politique transversale, qui s’élevaient pour 17 programmes à 5,3 milliards d’euros et à 5,2 milliards d’euros en CP (1,3 % du budget de l’État). Cette mission est toutefois le second contributeur de la politique migratoire qu’elle structure, après le programme Formations supérieures et recherche universitaire (1,9 milliard en AE et CP).

Les crédits du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables (1,95 milliard d’euros) ne sont pas inclus dans le document de politique transversale, mais ils concourent également au financement de la politique migratoire pour un montant non évalué. La situation administrative des personnes prises en charge dans les centres d’hébergement ne leur est pas demandée. Toutefois, on constate une prise en charge de demandeurs d’asile, de réfugiés et d’étrangers en situation irrégulière du fait de la saturation du dispositif national d’accueil (DNA) et du parc de centres provisoires d’hébergement (CPH) d’une part, et de la difficulté de procéder à certains éloignements, d’autre part.

b.   Un abondement par des fonds de concours européens

Les crédits de la mission sont abondés par des fonds de concours au titre de six des neuf actions de la mission.

Le montant de ces fonds devrait s’élever à 41 millions d’euros dans le cadre du programme 303 et 41,1 millions d’euros dans le cadre du programme 104, soit 6 % des crédits de la mission. Deux principaux fonds européens sont mobilisés : le Fonds européen Asile, Migration et Intégration (FAMI) pour un montant de 74,1 millions d’euros au titre des actions 2, 3, 4, 11, 12 et 15 et le Fonds pour la sécurité intérieure (FSI) pour un montant de 33 millions d’euros au titre des actions 3 et 4.

Ces fonds permettent le financement de différents types d’actions, notamment d’accompagnement socio-administratif, de prise en charge sanitaire et psychologique des demandeurs d’asile, d’hébergement d’urgence, de réinstallation, d’accompagnement de l’OFPRA (enregistrement des entretiens, interprétariat) et de l’OFII (accueil et accompagnement des demandeurs d’asile, guichets uniques).

Rattachement des Fonds de Concours

PLF 2016, 2017 et 2018

(en millions d’euros)

 

PLF 2018

PLF 2017

PLF 2016

Total de la mission

82,1

34,3

57,6

Total programme 303

41,0

25,2

35,5

1 – Circulation des étrangers et politique des visas

0

0,1

0

2 – Garantie de l’exercice du droit d’asile

27,3

5,6

18,2

3 – Lutte contre l’immigration irrégulière

5,7

10,1

5,4

4 – Soutien

8,0

9,4

12,0

Total programme 104

41,1

9,1

22,1

11 – Accueil des étrangers primo-arrivants

0,4

0

5,0

12 – Actions d’accompagnement des étrangers en situation régulière

9,2

5,7

11,5

15 – Accompagnement des réfugiés

31,5

3,4

5,6

Sources : projets annuels de performances 2016, 2017 et 2018.

D’importants écarts sont intervenus entre les prévisions et les montants effectivement rattachés en 2015 ( 2,4 millions d’euros) et 2016 ( 4 millions d’euros). Certains rattachements interviennent très tardivement : dans le PLF pour 2018, celui de 3 millions d’euros au titre de l’action 2 et celui de 31,5 millions d’euros au titre de l’action 15 correspondent ainsi au solde du programme annuel 2013 du Fonds européen pour les réfugiés (FER).

Ces écarts et ces reports sont liés aux modalités de gestion des fonds européens. Le paiement des avances, acomptes et soldes aux bénéficiaires des fonds dépend de plusieurs facteurs, notamment : la dynamique de programmation des crédits, la dynamique, la complétude et la régularité des demandes de paiement adressées par les bénéficiaires, la rapidité de leur traitement par l’administration et ses prestataires, le niveau de dépenses considérées en fin de compte comme éligibles et le nombre de personnes réinstallées ou relocalisées effectivement accueillies sur le territoire.

2.   Une hausse de la dépense intimement liée à l’instabilité géopolitique mondiale

Entre 2012 et 2016, alors que le budget général a augmenté de 9,3 %, le montant des crédits exécutés (en AE) au titre de la mission Immigration, asile et intégration a progressé de 34,7 %. Tandis que le montant des crédits de la mission tendait à diminuer depuis 2012, il connaît une hausse importante depuis 2016, intimement liée à l’instabilité géopolitique mondiale – notamment aux guerres en Afghanistan et en Syrie – et à des phénomènes climatiques ou sécuritaires poussant des populations à l’exil – comme le terrorisme et les sécheresses récurrentes en Afrique sahélienne.

Ce mouvement s’inscrit dans un phénomène plus général de développement des mobilités à l’échelle mondiale. Selon Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche émérite au CERI-CNRS auditionnée par vos rapporteurs, un humain sur sept est en situation de mobilité : 740 millions de personnes sont en situation de migration interne à leur pays et 240 millions migrent hors de celui-ci, 114 millions d’entre elles se dirigeant vers un pays du « Sud » et 134 millions vers un pays du « Nord ».

Évolution des crédits de la mission

Exécution budgétaire de 2012 à 2017 (*)

(en millions d’euros)

(*) En CP ; en 2017, le montant correspond à l’addition des CP de la LFI et des CP ouverts et annulés au titre des programmes 104 et 303 par le décret 2017-1182 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance.

Sources : rapports annuels de performances 2012 à 2016 et projet annuel de performances pour 2017.

a.   Une hausse importante de la demande d’asile depuis 2012

Le nombre de demandes d’asile a augmenté de 39 % entre 2012 et 2016 : après une hausse de 8 % de la demande d’asile globale (mineurs accompagnants et réexamens inclus) entre 2012 et 2013, une diminution de 2,2 % a été constatée en 2014. Cette année-là, le nombre de demandes de protection internationale s’est élevé à 64 811, dont 3 154 Syriens.

Ce nombre s’est ensuite élevé à 80 075 en 2015 (+ 24 %), incluant 5 136 Syriens, 85 696 en 2016 (+ 7 %), incluant 6 985 Syriens et, pour le premier semestre 2017, à 47 225. Ce dernier nombre traduit une baisse de 30 % par rapport à la même période en 2016.

Le nombre de personnes ayant fait l’objet d’une mesure de protection est passé de 10 755 en 2011 à 14 589 en 2014, 19 506 en 2015, 26 499 en 2016, soit une croissance entre 2015 et 2016 de 35,9 %. Parmi ces personnes, le nombre de celles faisant l’objet d’une protection subsidiaire a le plus fortement augmenté : il est passé de 2 480 en 2011 à 9 667 en 2016 (+ 121 % par rapport à 2015). Ainsi, le taux de protection est passé de 18,8 % en 2011 à 30,9 % en 2016, tandis que la part des bénéficiaires d’une protection subsidiaire parmi les personnes protégées est passée de 23 % en 2011 à 36,5 % en 2016.

Certaines personnes ont demandé l’asile dans un autre pays européen. Depuis 2014, en application du règlement de Dublin ([2]), une demande d’asile ne peut être examinée que par un seul pays européen : si aucun État ne peut être désigné comme responsable au regard des critères prévus par le règlement, le premier pays où la personne a présenté sa demande doit examiner celle-ci et, en conséquence, prendre en charge le demandeur.

En 2016, 25 963 personnes ayant présenté une demande d’asile dans un autre pays ont fait l’objet d’une procédure dite « Dublin » en France. Les États membres ont accepté de prendre ou reprendre en charge 14 308 demandeurs d’asile, dont 9 % (1 293) ont été effectivement transférés. La France a, à l’inverse, accueilli 1 249 demandeurs d’asile en application des mêmes règles. Au premier semestre 2017, 21 404 demandeurs d’asile ont fait l’objet d’une procédure « Dublin » (+ 176 % par rapport au premier semestre 2016) et 1 248 d’entre eux ont été transférés.

Ainsi, au 31 décembre 2016, on estime à 228 427 le nombre de personnes placées sous la protection de l’OFPRA (hors mineurs accompagnants) – 196 664 réfugiés, 30 393 bénéficiaires de la protection subsidiaire et 1 370 apatrides – et le nombre de personnes ayant demandé l’asile en France ou faisant l’objet d’une procédure « Dublin » à 111 659. En 2018 est envisagée une hausse de 10 % des demandes d’asile et de 30 % des procédures « Dublin ».

Évolution du nombre de réfugiés

Depuis 1973, par continent d’origine (Hors protection subsidiaire)

effectif_annuel_personnes_protegees.png

Source : OFPRA

b.   Une immigration légale en légère progression

Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques ([3]), au 1er janvier 2014, sur 65,8 millions de personnes vivant en France (hors Mayotte), 58,2 millions étaient nées en France et 7,6 millions à l’étranger (11,6 % de la population). 600 000 de ces dernières étaient étrangères (0,9 % de la population). Quatre cinquième d’entre elles étaient des enfants de moins de 14 ans nés en France.

En 2016 (données provisoires), 227 923 ressortissants de pays tiers à l’Union européenne ont obtenu un titre de séjour, soit une augmentation de 4,5 % par rapport à 2015 (+ 10 390 personnes). À titre de comparaison, 193 120 titres avaient été délivrés en 2012, 205 393 en 2013, 210 940 en 2014 et 217 533 en 2015. Les primo-délivrances de titres ont augmenté de 4,8 % par rapport à 2015, incluant 2 374 titres pluriannuels. Le nombre de cartes de séjour pluriannuelles délivrées en renouvellement, à compter du 1er novembre 2016 s’élève à 33 493 (soit environ 27 % des titres renouvelés sur novembre et décembre 2016).

L’immigration familiale, en baisse de 1,8 % par rapport à 2015, demeure le premier motif d’admission au séjour et représente 38,8 % du total des premiers titres délivrés en 2016 (88 510 personnes). Les admissions au séjour pour études sont en hausse constante depuis 2013 : en 2016, 73 324 premiers titres ont été délivrés à des étudiants (+ 4,7 %), soit 32,2 % de l’ensemble des primo-délivrances. L’immigration professionnelle poursuit sa croissance pour atteindre en 2016 10,5 % de l’ensemble (22 792 personnes). Enfin, les premiers titres de séjour délivrés pour motif humanitaire, en hausse en 2016, représentent 12,6 % de l’ensemble.

La délivrance des premiers TITRES de séjour en 2016

Métropole – tous pays (Données provisoires)

(nombre de personnes)

Type de titre regroupé

Total

Titres communautaires (UE)

13 062

Titres non communautaires, dont :

222 688

Compétences et talents

196

Carte de résident

23 612

Certificat de résidence pour Algérien

28 213

Carte de séjour pluriannuelle

2 374

Carte de séjour temporaire

69 212

Retraite

262

Visas long séjour valant titre de séjour

98 819

Total

235 750

Source : ministère de l’Intérieur, AGDREF / DSED.

S’agissant des principales nationalités bénéficiaires, tous motifs confondus, les ressortissants des pays du Maghreb sont majoritaires. Les Algériens et Marocains représentent les flux les plus importants, ces deux nationalités comptant chacune environ 27 000 nouvelles entrées par an, très majoritairement au titre de l’immigration familiale. Les entrées en provenance de la Chine sont également stables autour de 16 000 par an. Les ressortissants tunisiens arrivent en quatrième position avec environ 15 000 nouvelles admissions par an.

c.   Des mesures d’éloignement en baisse, mais des non-admissions en forte hausse

Le décompte des mesures d’éloignement d’étrangers en situation irrégulière résultant de la mise en œuvre d’une décision d’éloignement distingue : les éloignements forcés, lorsque cette mise en œuvre est contrainte, les éloignements aidés, lorsqu’elle a été effectuée en contrepartie d’une aide au retour et les éloignements spontanés, qui sont exécutés sans contrainte et sans aide. Le départ d’étrangers en situation irrégulière n’ayant pas fait l’objet d’une mesure d’éloignement est comptabilisé dans cette dernière catégorie.

En 2016, 92 397 mesures d’éloignement ont été prononcées, dont 81 628 obligations de quitter le territoire français (OQTF). La même année étaient comptabilisés 24 707 éloignements, dont 12 961 retours forcés, 8 278 éloignements et départs spontanés et 3 468 départs aidés. Les éloignements constatés représentent donc 26,7 % des mesures d’éloignement prononcées.

Au début de l’année 2017, le nombre d’éloignements a progressé de 5 % par rapport à 2016, sous l’effet de l’augmentation des remises « Dublin », des retours aidés et des retours forcés.

Évolution des mesures d’éloignement et des départs volontaires

Années 2009 à 2016

(en nombre de personnes)

Source : ministère de l’Intérieur, DGEF – DCPAF.

Ces chiffres sont à mettre en regard du nombre de non-admissions sur le territoire national, qui a progressé de 302 % entre 2015 et 2016 (de 15 849 à 63 732).

3.   Plusieurs mesures ont permis de contenir la hausse de la dépense

Le montant de la dépense, très lié à l’évolution des flux migratoires, est également corrélé au niveau des prestations et à l’efficience de la dépense. À cet égard, plusieurs mesures ont été prises en vue d’en contenir la hausse.

Des mesures sont intervenues en matière de gestion de l’immigration légale, avec le projet France Visas (gain estime à compter de 2019 de 15,5 millions d’euros par an), l’externalisation des demandes de visas et la modernisation des applications dédiées du ministère de l’Intérieur, qui continuent de faire l’objet d’investissements.

Concernant la dépense liée au droit d’asile, des mesures ont été prises en vue de :

– réduire les délais d’instruction des demandes d’asile, en renforçant notamment les effectifs de l’OFPRA et de la CNDA et en réformant leur gouvernance ;

– limiter les coûts de fonctionnement des centres de rétention administrative par la mise en œuvre de référentiels de gestion et d’une rationalisation de l’utilisation des places ouvertes ;

– limiter les coûts de fonctionnement des centres d’hébergement, par la mise en œuvre de référentiels de gestion et d’une révision des taux d’encadrement ;

– rationaliser le versement de l’allocation versée aux demandeurs d’asile : modification des barèmes ([4]) et transfert de la gestion à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) pour réduire les versements indus.

Vos rapporteurs saluent l’engagement des personnels qui ont contribué à la réussite des réorganisations qui ont permis de rendre les procédures d’instruction et de suivi des demandes d’asile plus efficientes, dans le respect de la Convention de Genève.

4.   Une sincérité budgétaire accrue, mais qui pourrait être mise à l’épreuve

La trajectoire de dépenses prévue dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 fait apparaître cet effort de maîtrise des dépenses : les crédits du budget général alloués à la mission devraient ainsi stabilisés à un peu moins de 1,4 milliard d’euros en AE et CP entre 2018 et 2020.

Cette stabilisation interviendra après 2019. Le PLF pour 2018, prévoit en effet une hausse des crédits de 127,9 millions d’euros en AE et de 285,4 millions d’euros en CP en vue de décliner les mesures du plan d’action Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires et d’accroître la sincérité du budget.

Cette volonté de révision des prévisions budgétaires s’inscrit dans une démarche saluée par vos rapporteurs de prise en compte des recommandations formulées par la Cour des comptes dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire 2016.

Ainsi que l’a constaté la Cour, les crédits prévus en LFI pour 2016 n’étaient pas à la hauteur des besoins. Aussi, 200 millions d’euros avaient été ouverts en AE et 199 millions d’euros en CP au titre du programme 303, en partie couverts par l’annulation de 25,5 millions d’euros en AE et 24,8 millions d’euros en CP ([5]). Ces ouvertures ont été rendues nécessaires par l’accroissement du nombre de réfugiés dans les derniers mois de l’année. Le montant des crédits prévus en LFI pour 2017 avait en conséquence été rehaussé de 420 millions d’euros – en partie, certes pour compenser la rebudgétisation des crédits de l’OFII à hauteur de 140 millions d’euros ([6]).

Malgré cette révision à la hausse des prévisions budgétaires, le décret d’avance du 20 juillet 2017 ([7]) a ouvert 218 millions d’euros en AE et 206 millions d’euros en CP au titre du programme 303 pour le financement de l’ADA, et 122 millions d’euros en AE et 120 millions d’euros en CP au titre du programme 177 pour le financement de 5 000 places hivernales d’hébergement à destination de migrants. De nouvelles ouvertures de crédits devraient intervenir avant la fin de l’année.

En conséquence, la prévision d’exécution minimale pour 2017 s’élève à 1,4 milliard d’euros en AE et 1,3 milliard d’euros en CP si l’on ne prend en compte que les ouvertures de crédits portant sur les programmes 303 et 104. Elle s’élève à 1,5 milliard en AE et CP si l’on intègre à ces montants les sommes dédiées au programme 177, qui reflètent très directement la sous-capacité du dispositif national d’accueil et qui ont vocation, par l’ouverture de nouvelles places d’hébergement dans ce cadre, à être progressivement internalisées ([8]). Enfin, pourrait encore être ajoutée à ces sommes la dette due à Pôle emploi, dont le montant au 31 août 2017 s’élevait à 176,7 millions d’euros (cf. encadré).

Ainsi que l’illustre le tableau ci-dessous, au regard de l’exécution des crédits de la LFI pour 2017, le montant des crédits demandés pour 2018 pourrait une nouvelle fois se trouver inférieur aux prévisions.

Tout en saluant l’effort budgétaire considérable réalisé pour rendre la programmation des crédits plus sincère et plus fidèle aux engagements de la France au titre de la garantie de l’exercice du droit d’asile, en particulier, vos rapporteurs décèlent la possibilité d’une sur-exécution des crédits en 2018.

 

Prévision et exécution budgétaire 2016 – 2018

(en millions d’euros)

 

 

303 Immigration et asile

104 Intégration et accès à la nationalité

Mission immigration, asile et intégration

LFI pour 2016

AE

709,2

95,6

804,8

CP

708,7

95,4

804,1

Exécution LFI pour 2016

AE

920,8

87,4

1 008,2

CP

912,9

87,5

1 000,4

LFI pour 2017 (a)

AE

985,1

239,5

1 224,5

CP

858,2

239,5

1 097,7

Décret d’avances 2017 (*) programmes 303 et 104 (b)

AE

+ 217,7

– 40,5

+ 177,2

CP

+ 206,2

– 40,5

+ 165,7

(a) + (b)

AE

1 202,8

199,0

1 401,8

CP

1 064,4

199,0

1 263,4

(a) + (b) + imputation décret d’avances (*) programme 177 à la mission

AE

*

*

1 521,8

CP

*

*

1 521,8

PLF pour 2018

AE

1 069,8

282,6

1 352,4

CP

1 100,6

282,6

1 383,2

(*) Décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance.

Sources : rapport annuel de performances 2016, loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance et projet annuel de performances 2018.

 

La dette due à Pôle emploi

La loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile a fusionné dans une allocation unique, l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), les deux allocations dont pouvaient bénéficier les demandeurs d’asile : l’allocation temporaire d’attente (ATA) lorsqu’ils étaient hébergés en centre d’accueil pour demandeur d’asile (CADA) et l’allocation mensuelle de subsistance (AMS) lorsqu’ils n’étaient pas hébergés. La gestion de cette allocation unique a été confiée à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, tandis que Pôle emploi a continué de verser l’ATA et les gestionnaires de CADA, l’AMS.

Pôle emploi a ainsi versé l’ATA aux demandeurs d’asile jusqu’au 1er novembre 2015 et aux apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire jusqu’au 1er septembre 2017, l’ATA ayant été supprimée par le décret n° 2017-826 du 5 mai 2017. Désormais, Pôle emploi ne verse plus d’allocation pour le compte de la mission Immigration, asile et intégration.

Une dette s’est constituée au détriment de Pôle emploi au titre du versement de l’ATA, dont le montant s’élevait au 31 août 2017 à 176,7 millions d’euros.

Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire 2016, la Cour des comptes considérait que cette dette, désormais éteinte, entachait la régularité du budget de la mission. Elle recommandait d’« apurer dans les meilleurs délais l’ensemble des impayés des prestations relatives au paiement de l’allocation temporaire d’attente vis-à-vis de Pôle emploi ». Vos rapporteurs s’associent pleinement à cette demande.

 

II.   Analyse des crédits par programme : un budget FIDèle au plan d’action pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires

Le programme 303 Immigration et asile regroupe les quatre cinquièmes des crédits de la mission, soit 1,1 milliard d’euros en AE et en CP. Les crédits du programme 104 Intégration et accès à la nationalité représentent 20 % de ceux de la mission et s’élèvent à 282,6 millions d’euros en AE et en CP.

A.   programme 303 : une hausse des dépenses visant à un meilleur accueil des demandeurs d’asile

Les crédits du programme 303 sont constitués à 85 % des crédits d’intervention, dont 97 % sont affectés à l’action 2 Garantie du droit d’asile (883 millions d’euros)

Les dépenses d’investissement du programme, qui couvrent la totalité de celles de la mission, sont portées à 73 % à l’action 4 (14,1 millions d’euros) au bénéfice des projets informatiques de la DGEF (+ 10 millions d’euros) et pour le reste par l’action 3 (5,1 millions d’euros) pour la réhabilitation et l’extension de centres de rétention administrative.

Les crédits de ce programme ont augmenté de 14,4 % en AE et 36,2 % en CP par rapport aux crédits demandés dans le PLF pour 2017. Ils sont répartis en trois grands ensembles dont les dynamiques sont distinctes :

– les crédits des administrations intervenant en soutien (actions 1 et 4), qui progressent le plus, sous l’effet de projets d’investissements informatiques, mais qui demeurent d’un montant relativement faible à l’échelle de la mission (34,1 millions d’euros en AE et 32,3 millions d’euros en CP) ;

– la garantie du droit d’asile (action 2) qui représente 89,1 % des crédits du programme et dont les crédits progressent de 16,9 % en AE et 44,3 % en CP ;

– la lutte contre l’immigration irrégulière, dont les crédits représentent 7,7 % de ceux du programme et qui sont en légère diminution.

Ventilation des crédits du programme 303 par actions

Projet de loi de finances pour 2018

(en millions d’euros)

 

PLF pour 2018

Évolution depuis PLF 2017

AE

CP

AE

CP

303 Immigration et asile

1 069,8

1 100,6

+ 14,4 %

+ 36,2 %

1 Circulation des étrangers et politique des visas

0,5

0,5

-

-

2 Garantie de l’exercice du droit d’asile

953

985,5

+ 16,9 %

+ 44,3 %

3 Lutte contre l’immigration irrégulière

82,6

82,8

– 10,7 %

– 10,6 %

4 Soutien

33,6

31,8

+25,4 %

+ 15,2 %

Sources : projets annuels de performances 2017 et 2018.

1.   L’action 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile : une dépense dynamique pour permettre à la France d’honorer ses engagements internationaux

L’Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) est compétent pour accorder l’asile en application de la Constitution et de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés.

L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), dont les crédits de fonctionnement sont retracés à l’action 11 du programme 104, est compétent pour la mise en œuvre des dispositifs d’accueil des demandeurs d’asile. L’action 2 est ainsi articulée autour de trois axes : le financement de l’OFPRA, le versement de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) et la gestion du dispositif national d’accueil (DNA).

 

Ventilation des crédits de l’action 2 par SOUS-actions
Projet de loi de finances pour 2018

(en millions d’euros)

 

PLF pour 2018

PLF 2018 / PLF 2017

AE

CP

AE

CP

2 Garantie de l’exercice du droit d’asile

953

985,5

+ 16,9 %

+ 44,3 %

OFPRA

70

70

+ 7,7 %

+ 7,7 %

ADA

318,1

318,1

+ 44,6 %

+ 44,6 %

Accompagnement social

0,5

0,5

+ 5,3 %

+ 5,3 %

Hébergement en CADA

296,2

296,2

+ 5,8 %

+ 5,8 %

Hébergement d’urgence

268,3

300,7

+ 9,2 %

+ 154,8 %

Sources : projets annuels de performances 2017 et 2018.

a.   L’OFPRA : des recrutements au service d’un traitement plus rapide des demandes d’asile

La subvention pour charges de service public versée à l’OFPRA, constitue la quasi-totalité de ses ressources. Le PLF pour 2018 envisage une progression de cette subvention de près de 8 % pour poursuivre l’augmentation des effectifs de l’Office afin de faire face à une hausse évaluée à 10 % du nombre de demandes d’asile. Cette augmentation de 5 millions d’euros des crédits permettra notamment de recruter 15 ETPT supplémentaires ([9]).

b.   L’ADA : une hausse importante mais maîtrisée de la dépense

Le versement de l’ADA représente un tiers des crédits de l’action. Le PLF pour 2018 envisage une progression de ce versement de près de 45 %, soit 98 millions d’euros.

Cette hausse s’inscrit dans une triple perspective : celle d’une hausse de 10 % de la demande d’asile, celle de la maîtrise des dépenses par la lutte contre les versements indus et par la modification des règles de fin de versement de l’allocation pour les déboutés, et celle d’une sincérisation du budget, au regard de l’exécution 2016 et 2017.

Le projet annuel de performances indique que la hausse de la dépense au titre de l’ADA a été contenue à 9 %, tandis que le nombre de bénéficiaires augmentait de 27 %. Par la prise en compte la modification des règles de versement prévue à l’article 57, une économie de 109,7 millions d’euros est envisagée au titre de l’exercice 2018 par rapport à une évolution tendancielle de la dépense qui aurait porté le montant total des versements à 427,8 millions d’euros ([10]).

c.   Hébergement et accompagnement : un renforcement qualitatif et quantitatif du dispositif national d’accueil

Les crédits dédiés à l’hébergement et à l’accompagnement des demandeurs d’asile représentent 59 % des crédits de l’action et sont divisés à quasi-parité entre centre d’accueil (CADA) d’une part et hébergement d’urgence (HUDA) d’autre part. Le PLF envisage une diminution de 3 % des AE par rapport à la LFI pour 2017 mais une progression de 32 % des crédits de paiements. Cette évolution divergente des AE et des CP s’explique par :

– un recentrage du dispositif national d’accueil autour des CADA, dont le PLF pour 2018 envisage d’accroître les crédits de 16 millions d’euros ;

– la montée en charge du marché des PRAHDA – l’une des catégories de HUDA – qui accroît le montant des CP de 155,9 millions d’euros par rapport à 2017.

Ce mouvement de rationalisation et spécialisation du DNA, dont la capacité sera accrue de 4 000 places en 2018 conformément aux orientations du plan Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires, est commenté de manière plus détaillée en deuxième partie de ce rapport.

2.   L’action 3 Lutte contre l’immigration irrégulière : une diminution des crédits, mais un renforcement significatif de l’aide au retour

Les crédits de cette action peuvent être regroupés en trois ensembles : ceux dédiés aux opérations d’éloignement, ceux dédiés à la rétention dans les centres de rétention administrative (CRA), locaux de rétention administrative (LRA) et zones d’attente (ZA) et à l’exercice des droits en leur sein, et ceux dédiés à la préparation à l’aide au retour (DPAR).

Ventilation des crédits de l’action 3 par sous-actions

Projet de loi de finances pour 2018

(en millions d’euros)

 

PLF pour 2018

Évolution depuis PLF 2017

AE

CP

AE

CP

3 Lutte contre l’immigration irrégulière

82,6

82,8

– 10,7 %

– 10,6 %

Fonctionnement des CRA

26,3

26,3

+ 1,5 %

+ 1,5 %

Investissement dans les CRA

5,1

5,3

+ 62,5 %

+ 61,7 %

Prise en charge sanitaire dans les CRA

8,1

8,1

 63,2 %

 63,2 %

Accompagnement social dans les CRA

6,3

6,3

+ 0,3 %

+ 0,3%

Éloignement des migrants en situation irrégulière

29,1

30,1

 12,5 %

 9,6 %

Autres dépenses (préparation au retour)

7,7

6,7

+ 300,3 %

+ 252,6 %

Sources : projets annuels de performances 2017 et 2018.

a.   Mesures d’éloignement : une diminution des crédits liée à un renforcement des contrôles aux frontières

Les crédits dédiés aux mesures d’éloignement par voie aérienne et maritime des étrangers qui font l’objet d’une mesure d’éloignement effectuée par la police aux frontières représentent 35 % des crédits de l’action. Le PLF pour 2018 envisage une baisse de ces crédits de 12,5 % en AE et 9,6 % en CP, expliquée par une diminution des frais de billetterie centrale de 3,8 millions d’euros en AE et 2,8 millions d’euros en CP, et une diminution de 700 000 euros pour l’utilisation du Beechcraft et du Dash. Cette diminution résulte en partie de la non-reconduction d’un projet pilote d’aide au retour volontaire de mineurs isolés.

Ces prévisions sont justifiées par le renforcement de la surveillance des frontières, par l’amélioration des contrôles au moment de l’accord des titres de séjour et par la lutte contre les filières criminelles. En outre, la mise en place de structures de l’OFPRA dans les pays du Sahel en vue d’examiner les demandes d’asile au départ de certaines voies migratoires pourrait contribuer à diminuer le nombre de personnes se présentant sur le territoire français.

Ainsi que vos rapporteurs l’ont indiqué au I, les éloignements constatés représentent 26,7 % des mesures d’éloignement prononcées. Ils se montreront vigilants quant à l’amélioration de ce taux, qui est l’un des objectifs du plan pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires. Le ministre de l’intérieur a, à cet égard, annoncé la création de 150 postes dédiés au « Pôle éloignement » et à l’amélioration de l’accueil des étrangers dans les préfectures, mesure dont ils se félicitent.

b.   Rétention administrative : une diminution des crédits liée au terme d’une opération ponctuelle

Les deux tiers des crédits dédiés à la rétention administrative financent le fonctionnement et l’investissement des CRA, LRA et ZA et le tiers restant, la prise en charge des personnes retenues aux plans sanitaire, dans le cadre de conventions avec des établissements hospitaliers, et social par des associations. Le PLF pour 2018 envisage une diminution de 17,5 % de ces crédits, résultant :

– d’une diminution des crédits de fonctionnement hôtelier des CRA, LRA et ZA de 4,9 % et de 47 % de ceux dédiés à l’assignation à résidence ([11]) par rapport aux crédits adoptés en LFI pour 2017, représentant au total 1,4 million d’euros, permise notamment par une optimisation de la gestion des places ;

– d’une augmentation des investissements dans les CRA, LRA et ZA de 2 millions d’euros en AE et en CP en vue de mener des projets de réhabilitation et travaux d’accessibilité, des extensions (Lille) et créations (Nice) de CRA et la création à Mayotte d’un centre de tri sanitaire ;

– de la sortie du périmètre des dépenses d’accompagnement des crédits dédiés à l’accompagnement du démantèlement des campements du Calaisis, intervenue en fin d’année 2016 et budgétée en 2017 à hauteur de 14 millions d’euros (sans changement de périmètre, les dépenses d’accompagnement social et sanitaire sont stables).

c.   Préparation au retour : une montée en puissance de l’expérimentation

Les crédits dédiés au dispositif expérimental de préparation au retour (DPAR) des demandeurs d’asile déboutés, consiste pour les personnes volontaires à leur fournir un hébergement assorti d’une assignation à résidence et un accompagnement individualisé. Le PLF pour 2018 prévoit une multiplication par quatre des crédits (+ 5,9 millions d’euros en AE et 4,9 millions d’euros en CP).

Cette augmentation est liée au déploiement du dispositif, avec l’objectif de mettre en place un DPAR par région. Depuis 2015, six dispositifs dotés d’une capacité d’accueil totale de 471 places ont été ouverts (Rhône, Paris, Bouches-du-Rhône, Moselle, Bas-Rhin et Seine-Saint-Denis), pour un coût journalier moyen de 24 euros. Entre le 1er janvier et le 1er juillet 2017, 882 personnes avaient bénéficié de ce dispositif pour une durée moyenne de 36 jours. À l’issue de ce séjour, 64 % de retours volontaires et 8 % de retours contraints ont été constatés. 28 % des personnes n’ont donc pas fait l’objet d’une mesure éloignement.

Mayotte débordée par une crise migratoire

Vos rapporteurs ont demandé aux deux députés de Mayotte, Ali RAMLATI et Mansour KAMARDINE, de leur présenter la situation à Mayotte. Ils en ont retenu les éléments suivants :

– la situation démographique du département est caractérisée par une part de la population immigrée recensée de 40 % ; mais d’autres estimations laisseraient envisager une population plus proche de 400 000 habitants du fait de l’immigration clandestine ;

– la dynamique démographique y est très singulière : depuis 2013 le nombre de naissances a progressé de 45 % et, en 2016, les trois-quarts des enfants nés dans le département avaient une mère native de l’étranger ;

– les services publics sont débordés par cet écart entre la population recensée et la population réelle, notamment les écoles et les hôpitaux. Les dotations ne seraient en outre calculées que sur une base de 60 % de la population réelle, de même que la capacité de l’ensemble des réseaux (eau, assainissement, électricité).

Le coût de la lutte contre l’immigration clandestine est estimé à 50 à 70 millions d’euros, tandis que 300 millions d’euros de dépenses résulteraient de celle-ci pour les seuls secteurs de la santé et de l’éducation.

Cette situation est donc génératrice de surcoûts pour la collectivité et, surtout, elle aggrave l’inégalité déjà profonde devant l’accès au service public entre Mayotte et le reste du territoire. Les assises de l’outre-mer devront être l’occasion de trouver des solutions à ces difficultés.

B.   programme 104 : une hausse des MOYENS DÉDIÉS À l’hébergement des réfugiés et AU renforT Des formations linguistiques

Les crédits du programme 104 sont affectés aux deux tiers à des dépenses de fonctionnement, imputées dans leur quasi-totalité au paiement de la subvention pour charges de service public de l’OFII. Le tiers restant est dédié à des dépenses d’intervention de deux ordres : le financement de dispositifs d’hébergement et d’accès au logement pour les réfugiés d’une part, le financement d’actions de formation linguistique et civique et d’accompagnement dans l’emploi d’autre part, en complément de l’intervention de l’OFII.

 

Ces crédits ont augmenté de 18 % en AE et en CP par rapport à la LFI pour 2017. Cette hausse résulte de la mise en œuvre du plan Garantir le droit d’asile, mieux maîtriser les flux migratoires : augmentation du financement des centres provisoires d’accueil (CPH), renforcement des structures de premier accueil pour demandeurs d’asile (SPADA) et des guichets uniques de demande d’asile (GUDA) sous la conduite de l’OFII, amélioration des formations linguistiques et des actions d’insertion professionnelle.

Ventilation des crédits du programme 104
Projet de loi de finances pour 2018

(en millions d’euros)

 

PLF pour 2018

PLF 2018 / LFI 2017

AE

CP

AE

CP

104 Intégration et accès à la nationalité

282,6

282,6

+ 18 %

+ 18 %

11 Accueil des étrangers primo arrivants

191,4

191,4

+ 10,3 %

+ 10,3 %

12 Accompagnement des étrangers en situation régulière

38,4

38,4

+ 29,2 %

+ 29,2 %

14 Accès à la nationalité française

1,1

1

+ 13 %

+ 2,4 %

15 Accompagnement des réfugiés

43,2

43,2

+ 61,4 %

+ 61,4 %

Centres provisoires d’hébergement

34,8

34,8

+ 66,2 %

+ 66,2 %

Actions d’accompagnement des réfugiés

8,3

8,3

+ 44,3 %

+ 44,3 %

16 Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

8,5

8,5

0 %

0 %

Source : projet annuel de performances pour 2018.

 

 

1.   L’action 11 Accueil des étrangers primo arrivants : des moyens supplémentaires pour le premier accueil des demandeurs d’asile par l’Office français de l’immigration et de l’intégration

L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) perçoit pour son fonctionnement au titre de l’ensemble de ses missions, notamment d’accueil des étrangers primo-arrivants et de premier accueil des demandeurs d’asile, une subvention pour charges de service public de 180,9 millions d’euros en AE et en CP. La hausse de cette subvention par rapport à 2016 (+ 371 %) et à 2017 (+ 10 %) nécessite de distinguer :

– la rebudgétisation des crédits de l’Office en LFI pour 2017 : des recettes fiscales lui étaient auparavant affectées dans la limite d’un plafond fixé en loi de finances, de 140,68 millions d’euros en 2016. Une subvention pour charge de service public complétait à titre résiduel ces recettes fiscales, pour un montant en 2016 de 17,6 millions d’euros ;

– l’augmentation des moyens de l’Office pour l’accomplissement de ses missions au titre de l’accueil d’un nombre croissant de demandeurs d’asile : il avait ainsi bénéficié en 2016 de 4,2 millions d’euros de subvention supplémentaires par rapport à la LFI pour 2015 ; en 2018, l’augmentation des crédits de 10 % (18 millions d’euros) doit permettre l’accueil d’un nombre de demandeurs d’asile en augmentation de 10 %.


10,5 millions d’euros, montant stable par rapport à 2017, sont dédiés au financement de dépenses d’intervention au titre de l’aide au retour et à la réinsertion. Le décret d’avance n° 2017-1182 du 20 juillet a annulé une partie de la subvention de l’Office, qui a été portée à 140,3 millions d’euros.

a.   Des moyens supplémentaires pour le premier accueil

L’augmentation de la subvention de l’Office permettra un renforcement des structures de premier accueil (4,4 millions d’euros) et le rehaussement de 35 ETPT des plafonds d’emploi de l’office pour les besoins des guichets uniques de demande d’asile (GUDA).

 

ÉVOLUTION DU PLAFOND DES EMPLOIS DE L’OFII
Réalisation 2012 à 2016, prévisions 2017 et 2018

 

2012

2013

2014

2015

2016

LFI 2017

PLF 2018

Total ETPT de l’opérateur

814

807

801

799

919

1 049

1 084

Sources : PAP 2017, RAP 2013, 2014, 2015.

230,01 ETP sont aujourd’hui affectés à des GUDA, dont 126 en front office. Dans ces guichets, le nombre d’agents de l’OFII est paritaire avec celui des agents des préfectures, ce qui situe à 460 ETP le nombre d’agents chargés de l’enregistrement des 86 000 demandes d’asile. La ventilation des 35 ETPT mentionnés dépendra de celle des effectifs du ministère de l’intérieur ([12]).


Effectifs des directions territoriales de l’OFII

Front office (FO) et back-office (BO) au 31 août 2017

(en ETP)

 

 

FO

FO et BO

Directions Territoriales

GUDA

Amiens

Beauvais

2

4,40

Besançon

Besançon

2

4,80

Bobigny

Bobigny

9

10,90

Bordeaux

Bordeaux

5

6,60

Caen

Caen

3

6,70

Cayenne

Guyane

3

3,40

Cergy

Cergy

4

5,40

Clermont Ferrand

Clermont-Ferrand

1

4,10

Créteil

Créteil

4

13,00

Evry

5

Dijon

Dijon

1

5,50

Macon

1

Grenoble

Grenoble

5

5,80

Lille

Lille

3

12,40

Limoges

Limoges

1

2,89

Lyon

Lyon

7

14,20

Marseille

Marseille

5

7,80

Melun

Melun

3

4,90

Metz

Metz

4

7,70

Montpellier

Montpellier

2

4,40

Montrouge

Nanterre

3

9,80

Versailles

3

Nantes

Nantes

5

12,00

Angers

2

Nice

Nice

1

3,85

Orléans

Orléans

4

7,00

Paris

Paris

16

35,80

Pointe à Pitre

Guadeloupe

2

1,45

Poitiers

Poitiers

1

4,80

Reims

Châlons-en-Champagne

1

4,67

Rennes

Rennes

4

6,90

Rouen

Rouen

3

3,60

Strasbourg

Strasbourg

4

7,25

Colmar

2

Toulouse

Toulouse

5

8,00

 

126

230,01

Source : Office français de l’immigration et de l’intégration.

 

b.   Un renforcement des parcours linguistiques

La subvention de l’Office permettra aussi le financement des contrats d’accueil républicain (CIR).

101 448 CIR ont été signés entre le 1er juillet 2016 et le 30 juin 2017, contre 106 263 pour l’année civile 2016 et 110 106 pour l’année 2015, ce qui semble indiquer que le repli observé en 2016 se poursuit en 2017. La part de bénéficiaires de CIR au titre de l’immigration familiale est de 60,6 %, contre 24,5 % pour les bénéficiaires d’une protection internationale, 9,2 % pour l’immigration économique et 5,6 % pour les autres motifs.

Les CIR sont associés à des formations civiques et linguistiques. Le budget prévisionnel dédié par l’Office aux formations civiques est de 4,3 millions d’euros et aux formations linguistiques de 61,7 millions d’euros. 55,6 % des signataires ont bénéficié d’une formation linguistique et 99,9 % ont suivi les formations civiques. Concernant les formations linguistiques :

– sur 56 347 stagiaires, 31 307 ont suivi un parcours de 200 heures (55,6 %), 18 169 un parcours de 100 heures et 6 871 un parcours de 50 heures, le niveau A1 ayant été atteint par 61,8 % d’entre eux et partiellement acquis par 26,9 % d’entre eux – le taux d’échec de 11,7 % met en évidence le besoin d’une solution pour renforcer la lutte contre l’analphabétisme avant les formations ;

– le renforcement de la durée des parcours prévue dans le plan d’action Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires sera mis en œuvre dans le cadre du marché public actuel, qui permet d’ajouter aux parcours 20 % d’heures supplémentaires, pour un coût estimé à 5,1 millions d’euros. À l’échéance de ce marché, fin décembre 2018, un nouveau marché intégrera les nouveaux volumes horaires prévus.

2.   L’action 12 Accompagnement des étrangers en situation régulière : un renforcement des actions de formation linguistique et d’insertion dans l’emploi complémentaires au CIR

Les crédits de cette action interviennent en complément de ceux dédiés aux formations prévues dans les CIR. Ils permettent notamment le financement par l’État d’actions mises en œuvre par des associations dans le but de faciliter l’accès au niveau A2 en français, qui conditionne depuis 2016 la délivrance de la carte de résident.

Ces crédits sont en augmentation de près de 30 %, soit 8,7 millions d’euros en AE et en CP par rapport à la LFI pour 2017, afin de permettre le déploiement de modules de formations spécifiques pour l’analphabétisme (3,3 millions d’euros), mais aussi de français « métier » pour favoriser l’insertion dans l’emploi (3 millions d’euros) et d’actions pour faciliter l’insertion professionnelle (2,4 millions d’euros).

Le montant des crédits dédiés aux formations prévues dans les CIR consolidés de ceux prévus à cette action est de 100 millions d’euros, soit 35 % des crédits du programme.

 

3.   L’action 14 Accès à la nationalité : une évolution des crédits inscrite dans la dynamique de la réforme de l’instruction des demandes

Les crédits de la sous-direction à l’accès à la nationalité française représentent 0,4 % des crédits et sont en augmentation de 13 % en AE et 2,4 % en CP par rapport à la LFI pour 2017. L’accroissement des AE résulte de la conclusion de marchés pluriannuels.

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de la réforme de l’instruction de 2010, qui a déconcentré l’instruction des demandes de naturalisation. Les décisions sont désormais prises par décret du Premier ministre sur un rapport du ministre en charge des naturalisations et sur proposition des préfets. Afin d’harmoniser les pratiques en termes de durée d’instruction et de taux d’acceptation, et de mutualiser les ressources des préfectures, 43 plateformes interdépartementales ont été créées en 2015.

La mise en place de ces plateformes a permis, malgré une diminution de 40 ETP par rapport à 2008, une réduction du stock de dossiers, passé de 34 811 au 1er juillet 2015 à 24 700 au 1er juillet 2016 et 24 001 au 1er juillet 2017 pour l’ensemble des sous-préfectures et de 14 929 au 1er janvier 2016 à 6 652 au 1er juillet 2017 pour la sous-direction. Le délai d’instruction, accru au moment de la mise en place des plateformes pour permettre le déstockage des dossiers, devrait diminuer ainsi que le prévoit l’indicateur 2.1 du projet annuel de performances.

 

Acquisition de la nationalité française

Années 2016 et premier semestre 2017

(nombre de personnes)

 

Année 2016

Janvier à juin 2017

Par décret

 

 

Naturalisations et réintégrations

68 067

36 606

Par déclaration

 

 

Au titre du mariage avec un conjoint français

20 702

7 871

Au titre d’ascendant de Français

3

105

Au titre de frère et sœur de Français

3

63

Total des acquisitions

88 775

44 645

Source : ministère de l’Intérieur.

 

4.   Action 15 Accompagnement des réfugiés : des moyens supplémentaires pour améliorer l’hébergement et l’insertion des personnes sous protection

Les crédits de l’action 15 représentent 15,3 % des crédits du programme. Ils sont en progression de 16,4 millions d’euros (+ 61,4 %) au titre du financement :

– progressif de 3 000 places en centre provisoire d’hébergement (CPH) afin de porter le parc à 5 207 places, pour un montant de 13,9 millions d’euros en AE et en CP (+ 66,2 %) ;

– d’actions nouvelles d’accompagnement des réfugiés visant à développer les actions d’accès au logement et à l’emploi en vue d’une sortie plus rapide des CADA et CPH, pour un montant de 2,6 millions d’euros en AE et en CP (+ 44,3 %).

Ces dernières actions complètent plusieurs interventions financées par l’État : le dispositif provisoire d’hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS) et le programme RELOREF gérés par France Terre d’Asile respectivement depuis 2003 et 2004 ; le programme ACCELAIR et les CADA Insertion des réfugiés (CADA-IR) en région lyonnaise gérés par l’association Forum Réfugiés – Cosi respectivement depuis 2002 et 2004.

5.   Action 16 Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants : derrière la stabilité des crédits, un renforcement du pilotage du dispositif

Les crédits de cette action sont stables. Ils interviennent en accompagnement du plan quinquennal prévu à l’article 1er de la convention du 14 mai 1997 pour l’emploi de la participation des employeurs en faveur du logement des populations ayant des difficultés particulières, passée entre l’État et l’Union économique et sociale pour le logement (UESL).

Le coût global des opérations de transformation de ces foyers en résidence sociale s’est élevé, entre 1997 et 2015, à 1,8 milliard d’euros. Sur 690 foyers, accueillant 90 000 travailleurs immigrés isolés, 430 ont été traités ou sont en cours de traitement, 62 ont été démolis ou vendus et 198 demeurent en attente d’une décision. En 2016, 17 traitements de foyers ont été validés, produisant 19 résidences sociales pour un coût total moyen de 10,8 millions d’euros par opération. Jusqu’en août 2017, 8 traitements de foyers ont été validés.

En 2016 et 2017, des actions ont été menées afin de réduire le nombre de dossiers en attente et d’améliorer le pilotage du projet par la Commission interministérielle pour le logement des populations immigrées (Cilpi). Il est envisagé en 2018 de renforcer davantage le rôle de cette commission.


—  1  —

   Deuxième partie : La mise en œuvre du plan d’action pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires

Le 12 juillet, le Gouvernement a présenté son plan d’action pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires.

Partant du constat d’une forte augmentation de la demande d’asile depuis 2012, ce plan vise, selon les termes du compte rendu du Conseil des ministres, « à répondre à une triple exigence : une exigence de dignité pour que la France honore sa tradition d’accueil des réfugiés, une exigence d’efficacité pour réduire les délais moyens d’instruction des demandes d’asile et obtenir l’éloignement effectif des déboutés du droit d’asile, et une exigence de solidarité et de responsabilité avec nos partenaires européens. »

Le plan est articulé autour de cinq objectifs ayant vocation à être déclinés en loi de finances et dans un projet de loi sur l’asile et l’immigration :

– agir au plan européen et international pour mieux maîtriser les flux migratoires ;

– redonner sa pleine portée au droit d’asile en améliorant le traitement des demandes et les conditions d’accueil ;

– conduire une politique de lutte contre l’immigration irrégulière et d’éloignements ;

– donner une plus grande ambition à la politique d’intégration ;

– attirer davantage en France les talents et compétences.

Vos rapporteurs se donnent l’objectif dans ce rapport spécial de présenter et d’évaluer deux points de ce plan ayant une incidence financière majeure : la réduction des délais de traitement des demandes d’asile et le renforcement du dispositif d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés. Ils souhaitent également partager leurs premiers éléments de constat, à la suite des auditions qu’ils ont menées, concernant la politique d’intégration.

A.   Une réduction des délais d’instruction POUR UN MEILLEUR ACCUEIL DES DEMANDEURS D’asile et pour mieux maîtriser les flux migratoires

Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire 2016, la Cour des comptes l’a rappelé avec force : le délai moyen d’instruction des demandes d’asile est un facteur clé de l’évolution de la dépense. Plus le délai entre le rendez-vous au guichet unique de demande d’asile (GUDA) et la notification de la décision définitive est long, plus la durée pendant laquelle un demandeur d’asile est hébergé et bénéficie de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) est long.

Le plan gouvernemental a donc fixé l’objectif de ramener à six mois le délai d’examen des demandes d’asile par l’Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), chargé de l’instruction des demandes, et par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), compétente pour connaître des recours formés contre des décisions. Condition nécessaire pour que ceux des demandeurs d’asile qui obtiennent l’asile puissent s’insérer plus facilement dans la société française, cette réduction permettrait aussi de substantielles économies.

Au titre de l’ADA, la réduction des délais d’instruction, couplée à des mesures visant à en rationaliser le versement ([13]) permettrait en 2018 une économie située de 80 à 110 millions d’euros, par rapport à un tendanciel sans réduction des délais ni création de places d’hébergement. En ce qui concerne l’hébergement d’urgence, la réduction des délais, associée à la création de nouvelles places, permettrait selon une simulation du ministère de l’intérieur de faire passer la part des demandeurs d’asile hébergés de 57 % en 2017 à 82 % en 2020. Cela contribuerait à diminuer le versement de l’ADA, qui est majoré pour les personnes qui ne sont pas hébergées.

1.   Une réduction du délai de l’OFPRA très liée à la fluidité du premier accueil

À compter de l’enregistrement de sa demande par un agent de la préfecture au GUDA, une personne dispose d’un délai de 21 jours pour envoyer son dossier à l’OFPRA s’il s’agit de sa première demande, ou de 8 jours s’il s’agit d’un réexamen. Les articles R. 723-2 et R. 723-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) disposent que l’Office doit statuer dans un délai de six mois en procédure normale et de quinze jours en procédure accélérée. Le contrat d’objectifs et de performance 2016-2018 de l’OFPRA prévoit que le délai moyen doit en pratique se rapprocher de trois mois.

En 2015, le délai moyen de traitement d’un dossier était de 216 jours (environ sept mois) et en 2016 de 183 jours (six mois). En 2017, il devrait être de 140 jours (quatre mois et demi) selon l’indicateur 2.1 du projet annuel de performances. Cette forte diminution du délai moyen d’instruction des demandes d’asile a été obtenue, malgré l’augmentation du nombre de décisions rendues, par :

– une profonde réorganisation interne (plan d’action pour la réforme de l’Ofpra) qui a permis à compter de 2013 d’importants gains de productivité : le nombre de décisions rendues par instructeur est passé de 390 en 2013 à 407 en 2016 ;

– une augmentation du plafond d’emplois de l’Office, qui est passé de 443 ETPT en 2012 à 518 en 2015 et 620 en 2016 (contre 640 prévus).

Selon Pascal Brice, son directeur général, l’Office est entré en « gestion de flux » pour les demandes émanant de certaines nationalités : en fin d’année 2017, l’âge moyen du stock de dossiers devrait être tombé à deux mois et la part des dossiers de plus d’un an devrait tomber à 4 %. Grâce au recrutement de 15 ETP, portant le nombre d’officiers de protection à 340, un délai moyen d’instruction de 60 jours (2 mois) devrait pouvoir être atteint, sous réserve d’une augmentation de la demande d’asile contenue à 10 %.

Toutefois, vos rapporteurs souhaiteraient nuancer cette prévision optimiste. En effet, ainsi que l’a rappelé Pascal Brice lors de l’audition, l’objectif ne sera pas atteint dès le début de l’année 2018. En outre, le succès de la réorganisation de l’OFPRA demeure très largement suspendu, d’une part, à la disponibilité d’interprètes et d’autre part à la présentation des demandeurs d’asile lors des rendez-vous. La réduction des délais pourrait entraîner un accroissement de ces non-présentations, surtout pour les personnes qui ne sont pas hébergées, et qui pourraient ne pas recevoir la convocation. Ce scénario serait porteur de surcoûts à deux titres : la non-présentation retarde le moment de la décision d’une part, et elle suscite des frais d’interprétariat inutiles d’autre part.

En conséquence, la possibilité pour l’OFPRA d’atteindre son objectif dépend étroitement du bon fonctionnement des structures de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA) et des moyens des guichets GUDA.

2.   Le délai moyen de jugement à la CNDA difficile à réduire à moyen terme

À compter de la notification de la décision de l’OFPRA, un demandeur d’asile débouté dispose d’un délai d’un mois pour former un recours. Lorsque le requérant sollicite l’aide juridictionnelle, le délai de recours est interrompu et ne recommence à courir qu’à compter de la réception par le demandeur de la décision du bureau de l’aide juridictionnelle (en pratique, cela allonge la procédure d’un mois et demi).

L’article L. 731-2 du Ceseda dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France dispose que la Cour « statue en formation collégiale, dans un délai de cinq mois à compter de sa saisine. ». Ce délai est ramené à cinq semaines en cas de procédure accélérée ou d’irrecevabilité, sous réserve que la Cour ne décide l’application d’une autre procédure.

En 2017, le délai moyen constaté d’instruction devrait s’approcher de sept mois et neuf jours en procédure normale et de deux mois et vingt-huit jours en procédure accélérée, soit un délai moyen constaté global de cinq mois et vingt-neuf jours. L’écart entre délai moyen global constaté et délai moyen constaté pour la procédure normale est lié à un effort de priorisation des dossiers par la Cour. Par comparaison, le délai moyen constaté était de douze mois et vingt-sept jours en 2010.

Ces améliorations ont été permises par d’importants recrutements, mais elles ont vu leur portée limitée par une volatilité des effectifs de près de 20 % – coûteuse, au regard du temps de formation de six semaines des nouveaux rapporteurs et de la montée en charge progressive de leur norme pendant six mois – et par un manque de locaux disponibles pour pouvoir effectuer les recrutements autorisés par la loi de finances.

Le PLF pour 2018 prévoit, au titre du programme 165 Conseil d’État et autres juridictions administratives de la mission Conseil et contrôle de l’État, la création de deux nouvelles chambres, correspondant à 51 ETP (dont 28 postes de rapporteurs) portant le plafond d’emploi de la Cour à 434 ETP (dont 200 rapporteurs). Le délai pourrait ainsi être ramené à quatre mois après enregistrement du recours, sous réserve d’une part du moment où pourront être effectivement recrutés les 51 ETP et d’une augmentation des entrées conforme aux prévisions (+ 5 %).

L’atteinte de cette cible paraît peu vraisemblable à vos rapporteurs, en raison tant de l’augmentation du nombre d’entrées, qui atteindra un record en 2017, qu’au regard des enjeux logistiques qui s’attachent à la mise à disposition de la Cour de nouveaux locaux et du temps de montée en charge opérationnelle des nouveaux effectifs. Vos rapporteurs estiment raisonnable de penser qu’il n’y aura pas de diminution significative du délai d’instruction des requêtes à la CNDA en 2018.

3 Un délai global d’instruction qui pourrait ne pas être atteint

La prévision de réduction des délais globaux d’instruction des demandes d’asile à six mois semble donc difficile à atteindre en 2018 du fait de l’incertitude pesant sur la capacité de l’OFPRA à tenir ses objectifs et des difficultés auxquelles est confrontée la CNDA.

Ainsi, tout en saluant la décision d’accroître les effectifs de l’OFPRA et de la CNDA, vos rapporteurs considèrent qu’un risque pèse sur le réalisme des prévisions budgétaires découlant de la réduction de ces délais. Ils souhaiteraient en conséquence que l’élasticité-coût de l’évolution de la durée d’instruction des demandes soit désormais calculée afin de faciliter l’évaluation par le Parlement des prévisions budgétaires.

En outre, l’approche de la réduction des délais uniquement par l’OFPRA et la CNDA leur semble incomplète. Mériteraient, afin d’améliorer l’accueil des demandeurs d’asile et de réduire la dépense publique conformément aux objectifs du plan gouvernemental, d’être également pris en compte :

– le délai d’attente des personnes prises en charge par une structure de premier accueil pour demandeurs d’asile (SPADA) pour obtenir un rendez-vous dans un GUDA (qui peut atteindre plusieurs mois) en raison à la fois d’un sous-effectif dans certains guichets et du temps d’accès aux informations de la base Eurodac : si vos rapporteurs se félicitent de l’affectation de 70 ETP supplémentaires à ces guichets (dont 35 pour l’OFII), ils regrettent qu’aucun objectif chiffré n’ait été envisagé, alors que ce délai contribue aussi à l’engorgement des hébergements d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) et de droit commun ;

– le délai de délivrance des premiers documents d’état civil, qui est passé de 94 jours en 2013, à 135 jours en 2015 et 145 jours en 2016 : la présentation de ces documents par les réfugiés étant souvent demandée pour l’ouverture de leurs droits sociaux, notamment par les Caisses d’allocations familiales, l’augmentation de ce délai contribue à rendre plus difficile l’insertion des personnes ayant obtenu une protection.

B.   Hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés : une indispensable augmentation de la capacité du parc

Dans le discours qu’il a prononcé à Orléans en juillet, le Président de la République a fixé l’objectif qu’il n’y ait plus, d’ici la fin de l’année, d’hommes et de femmes dans les rues, dans les bois, et qu’il y ait partout des hébergements d’urgence. Le plan Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires prévoit pour atteindre cet objectif la création de 7 500 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile en deux ans.

Le PLF pour 2018 ouvre les crédits nécessaires à la création de 4000 places à l’action 2 du programme 303 : 1 500 en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et 2 500 en hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA). Au total, le parc d’hébergement des demandeurs d’asile dans le cadre du dispositif national d’hébergement (DNA) sera ainsi porté à 84 100 places en 2018 et 87 600 places en 2019, contre 80 100 prévues pour la fin de l’année. Il prévoit en outre à l’action 15 du programme 104 pour les réfugiés l’ouverture de 3 000 places en centre provisoire d’hébergement (CPH), sur les 5 000 devant être créées jusqu’en 2019, portant alors le parc à 7 200 places.

Vos rapporteurs saluent cette importante augmentation de la capacité du DNA et du parc des CPH. Ils regrettent toutefois que celle-ci demeure encore insuffisante par rapport aux besoins et qu’elle s’accompagne d’une diversification des modalités d’accompagnement, qui brouille la lisibilité du dispositif.

1.   Une augmentation à poursuivre de la capacité du dispositif national d’accueil et des CPH

L’accroissement du parc d’hébergement par le plan Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires intervient après une hausse récente des capacités du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés. Celle-ci visait à pallier la sous-capacité du parc dans un contexte de forte augmentation de la demande d’asile et d’accroissement consécutif du nombre de réfugiés. Toutefois, elle n’a pas été suffisante pour répondre aux besoins, expliquant le constat du Président de la République de la présence d’un grand nombre de demandeurs d’asile et de réfugiés sans-abri.

a. Une importante extension des capacités d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés

Le plan Répondre au défi des migrations : respecter les droits  faire respecter le droit de juin 2015 a contribué à accroître la capacité du dispositif national d’accueil de près de 50 % en deux ans. Le nombre de places du DNA, qui était de 53 900 places en 2015, a ainsi progressé de 26 200 places. Cette augmentation a été supérieure de 19 200 places à celle du schéma national d’accueil 2015-2017, avec 80 100 places désormais prévues.

Les régions Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes et Île-de-France disposent des principales capacités d’accueil du DNA, la région Grand Est ayant développé une capacité d’accueil supérieure de 4 200 places au schéma national 2015-2017.

Comparaison entre les objectifs fixés par de schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et le volume de places existantes en juillet 2017

Régions

Capacités totales d’accueil 2017 (a)

Objectif de capacités d’accueil fixé par le schéma national d’accueil pour la période 2015-207 (b)

Différence

(a) – (b)

Auvergne-Rhône-Alpes

11 526

9 212

2 314

Bourgogne-Franche-Comté

5 305

3 909

1 396

Bretagne

3 807

2 939

868

Centre

3 451

2 455

996

Grand Est

13 082

8 840

4 242

Hauts-de-France

4 763

3 860

903

Île-de-France

9 555

8 108

1 447

Normandie

4 815

3 313

1 502

Nouvelle-Aquitaine

7 207

5 498

1 709

Occitanie

6 436

5 105

1 331

Provence-Alpes-Côte-d’Azur

5 043

3 717

1 326

Pays-de-la-Loire

5 048

3 908

1 140

Total général

80 038

60 864

19 174

Source : ministère de l’Intérieur, DGEF.

Suivant la même dynamique, le parc de CPH est passé de près de 1 200 places en 2015 à 2 200 places en 2017, soit un quasi-doublement des capacités.

Le parc et les nouvelles capacités des CPH

Évolution 2016-2017

Régions

Capacités d’accueil

Juillet 2017

dont nombre de places nouvellement créées

(2016-2017)

Auvergne - Rhône-Alpes

312

166

Bourgogne - Franche-Comté

138

19

Bretagne

99

40

Centre – Val-de-Loire

104

14

Grand Est

206

86

Hauts de France

200

98

Île-de-France

377

184

Normandie

120

120

Nouvelle-Aquitaine

120

60

Occitanie

221

30

Pays-de-la-Loire

157

107

Provence-Alpes-Côte-d’Azur

153

97

TOTAL

2 207

1 021

Source : commission des finances, d’après le ministère de l’Intérieur (DGEF).

Deux dispositifs spécifiques complètent le parc des CPH. Il s’agit du dispositif provisoire d’hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS), créé en 2003, géré par France Terre d’Asile et comptant 400 places en 2016, et des CADAInsertion-Réfugiés (CADAIR), créés en 2004, gérés par Forum-Réfugiés et comptant 57 places en 2016. Deux autres projets s’y ajoutent : le projet RELOREF, créé en 2004 et porté par France Terre d’Asile comptant 126 places en 2016, et le programme ACCELAIR, créé en 2004 et porté par Forum-Réfugiés et comportant 300 logements en 2016.

b. Un nombre important de demandeurs d’asile non hébergés et de réfugiés en attente d’une place en CPH

Au 30 juin 2017, le nombre de personnes ayant déposé une première demande d’asile ou dont la demande est en cours d’instruction s’élevait à 78 500. 19 900 demandeurs d’asile étaient en outre sous procédure « Dublin ». 39 200 de ces 98 400 demandeurs d’asile demandeurs étaient hébergés (40 %) : 24 200 relevant de la compétence de la France l’étaient dans l’une des 40 400 places de CADA, soit environ un tiers, et 15 000 relevant soit de la compétence de la France soit de la procédure « Dublin » (15 %) l’étaient dans l’une des 29 400 places de HUDA ouvertes à cette date.

Selon l’indicateur 1.1 du projet annuel de performances 2018, la part des demandeurs d’asile hébergés en CADA ou en HUDA parmi ceux qui sont éligibles à un hébergement (toutes procédures confondues, hors réexamens) et qui ont exprimé le souhait d’être hébergés devrait être en 2017 de 57 %, contre 46 % en 2016 et 45 % en 2015.

Le nombre de places à mobiliser pour accueillir les 43 % de demandeurs éligibles qui ne sont pas hébergés est donc important. Pourrait y être ajouté celui des personnes qui, parce qu’elles attendent un rendez-vous dans un GUDA, ne sont pas comptabilisées dans l’indicateur 1.1, alors qu’elles auraient également vocation à être hébergées si ces guichets n’étaient pas encombrés. Enfin, doit s’ajouter à cela le nombre de places nécessaires pour permettre l’accueil de celles des personnes qui auront besoin d’un hébergement, parmi les 10 % de demandeurs d’asile relevant de la compétence de la France, et les 30 % de ceux sous procédure « Dublin » qui pourraient entrer en France l’an prochain.

Dans le même temps, l’indicateur 1.2 montre que la part des places occupées par des demandeurs d’asile et autres personnes autorisées devrait s’élever à 84 % en 2017, contre 82 % en 2016 et 81 % en 2015. Cela met en évidence que 16 % des places occupées le sont par des personnes dont les droits ont pris fin pour deux raisons : soit parce qu’elles ont obtenu une protection, mais qu’elles n’ont pas trouvé de solution d’hébergement ou de logement alternative dans le délai de six mois dont elles disposaient pour sortir du CADA ; soit parce qu’elles ont été déboutées et qu’elles n’ont pas quitté leur place de CADA à l’échéance du délai d’un mois dont elles disposaient à cette fin.

Parmi les 13 000 réfugiés présents dans le DNA, 1 783 étaient en attente d’une place de CPH au 30 juin 2017, mettant en évidence la sous-capacité du parc de CPH malgré son doublement.

Sur 8 507 bénéficiaires d’une protection sortis de CADA (soit 33 % du total des sortants) 42 % se sont orientés vers des solutions de logement stable, 17 % vers un hébergement d’insertion et 7 % sont sortis vers des CPH.

Ce taux de places occupées à titre indu est à rapprocher de la durée d’occupation des hébergements : la durée moyenne de séjour était ainsi de 423 jours en 2017 (un an et deux mois), tandis que le délai moyen de sortie d’une personne déboutée était de 81 jours (deux mois et vingt jours, contre un mois autorisé) et celui de sortie d’une personne ayant obtenu une protection de 157 jours (cinq mois et une semaine, contre six mois autorisés) ([14]).

Durée moyenne de séjour et délai moyen de sortie

Années 2016 et 2017, au 30 juin 2017

(en nombre de jours)

 

2016

2017

 

Moyenne de DMS (Durée Moyenne de Séjour)

Moyenne de DMSOD (Délai Moyen de Sortie Déboutés)

Moyenne de DMSOR (délai moyen de sortie Réfugié)

Moyenne de DMS (Durée Moyenne de Séjour)

Moyenne de DMSOD (Délai Moyen de Sortie Déboutés)

Moyenne de DMSOR (délai moyen de sortie Réfugié)

Auvergne Rhône Alpes

424

44

143

382

43

154

Bourgogne Franche Comte

481

160

156

421

63

151

Bretagne

474

111

128

382

59

137

Centre

518

148

164

478

106

177

Grand Est

483

129

154

411

95

176

Haut de France

495

89

149

432

88

159

Île-de-France

474

53

163

424

43

156

Nouvelle Aquitaine

485

81

157

380

79

124

Normandie

535

132

176

507

116

170

Occitanie

472

131

164

379

64

135

Provence Alpes Côtes d’Azur

479

99

178

432

64

168

Pays de la Loire

587

274

217

514

227

167

Total

484

100

162

423

81

157

Source : ministère de l’Intérieur, DGEF.

Sur la base de ce constat, le nombre de places à créer a été identifié par le Gouvernement grâce à une simulation prenant en compte plusieurs paramètres :

 l’amélioration du taux de rotation dans les centres d’hébergement d’urgence par la réduction de la durée de prise en charge consécutive à la diminution des délais d’instruction des demandes ;

 la facilitation de la sortie des CADA pour les réfugiés par la création de places en CPH, pour les déboutés par une application plus stricte de la loi et pour les personnes en procédure « Dublin » par leur transfert effectif vers les États compétents.

Les créations de places prévues dans ce cadre permettraient de passer d’un taux d’hébergement de 57 % en 2017 à 82 % en 2020 (indicateur 1.1), en tenant compte de l’augmentation de la demande d’asile.

2.   Une nécessaire rationalisation des dispositifs d’hébergement d’urgence

L’augmentation très rapide de la capacité du parc s’est faite en grande partie dans l’urgence. Cela a conduit à une diversification des solutions d’hébergement, dans un contexte de recherche de nouvelles solutions pour désengorger les GUDA et améliorer ainsi les conditions du premier-accueil dans les territoires où les arrivées de demandeurs d’asile ont été les plus nombreuses. Cette diversification est source selon vos rapporteurs d’un manque de lisibilité de la politique d’hébergement et de surcoûts.

a. Un empilement de dispositifs créés dans l’urgence

Le dispositif national d’accueil (DNA) et les premiers centres provisoires d’hébergement (CPH) ont été créés pour accueillir les personnes fuyant le Chili à la suite du coup d’État d’Augusto Pinochet. Dans le contexte de la « chute du mur de Berlin », en 1991, ces CPH ont été réservés aux réfugiés, tandis qu’ont été créés des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Les CADA, qui étaient considérés comme des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ont été spécialisés par la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration.

Les articles L. 744-1 et suivants et R. 744-5 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile encadrent la gestion du dispositif national d’accueil, articulé autour des CADA. Quatre dispositifs d’hébergement sont financés par le programme 303 à côté des CADA sous le vocable d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) :

 le « HUDA-déconcentré » ;

 le dispositif Accueil Temporaire  Service de l’Asile (AT  SA) ;

 les centres d’accueil et d’orientation (CAO) ;

 le Programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (PRAHDA).

Évolution des capacités du dispositif national d’accueil par type d’hébergement financé

Années 2012 à 2019 (prévisions)

Source : ministère de l’Intérieur, DGEF.

L’objet de ces dispositifs, caractérisés par un niveau d’accompagnement administratif et social plus ou moins approfondi, a été dicté par leur contexte de création.

Les HUDA-déconcentrés donnent les moyens aux préfets de faire face à un afflux soudain et massif de demandeurs d’asile par le financement de places en structures collectives, en diffus ou en hôtel. En principe donc, ces places ne sont pas pérennes. Le manque de places en CADA et le coût de certaines nuitées d’hôtel dans le cadre du HUDAdéconcentré a ainsi conduit l’État en 2000 à se doter de places pérennes, dans le cadre du dispositif AT–SA confié à Adoma. Ce volant de places supplémentaires est resté nettement minoritaire, le DNA demeurant structuré à titre principal autour des CADA et HUDA, à quasi-parité.

En 2015, l’afflux de demandeurs d’asile du fait de la guerre en Syrie et de mouvements dits « secondaires » a nécessité une réaction rapide, qui ne pouvait être effectuée dans le cadre existant. Les premiers CAO, gérés par des associations, ont ainsi été créés pour accueillir temporairement les personnes évacuées des campements du Calaisis, démantelés en fin d’année dans des équipements publics variés. Certains de ces CAO ont été spécialisés pour accueillir des mineurs isolés, les CAO-MI.

Le caractère inégalement adapté des locaux mobilisés et le coût journalier du dispositif ont conduit à la mise en place, pour permettre l’évacuation des campements qui étaient en train de se reformer en 2016, d’un marché public. C’est ainsi qu’ont été créées les 5 300 places de PRAHDA, souvent dans des anciens hôtels et sans réelle concertation avec les élus locaux.

Ainsi que l’indique le tableau ci-dessous, le dépassement des objectifs fixés par le schéma 2015-2017 a été permis par la création des CAO et des PRAHDA : parmi les 19 200 places supplémentaires créées au-delà des objectifs du schéma, 14 775 (77 %) sont soit des places de CAO (9 424) soit des places de PRAHDA (5 351), le reste étant principalement dû au recours à des nuitées hôtelières. Cela s’est traduit localement par une ouverture de places en CADA inférieure aux prévisions.

Précisions concernant le parc CADA

Régions

Capacités effectives d’accueil en CADA en 2017 (a)

Objectif de capacités d’accueil en CADA fixé par le schéma national d’accueil pour la période 2015-2017 (b)

Différence
(a) – (b)

Auvergne-Rhône-Alpes

5 428

5 349

79

Bourgogne-Franche-Comté

2 999

3 027

- 28

Bretagne

2 014

2 138

- 124

Centre

2 034

1 802

232

Grand Est

4 874

4 984

- 110

Hauts-de-France

2 558

2 494

64

Île-de-France

5 291

4 768

523

Normandie

2 160

2 091

69

Nouvelle-Aquitaine

4 222

4 667

- 445

Occitanie

3 955

4 191

- 236

Provence-Alpes-Côte-d’Azur

2 551

2 480

71

Pays-de-la-Loire

2 364

2 364

0

Total général

40 450

40 355

95

Source : ministère de l’Intérieur, DGEF.

Malgré tout, des campements se sont reformés dans le Calaisis et en Île-de-France. Aussi, plusieurs dispositifs spécifiques ont été mis en place afin de contenir l’engorgement des GUDA. C’est le cas des centres d’accueil et d’évaluation des situations (CAES) dans les Hauts-de-France et des centres de premier accueil (CPA) en Île-de-France. Mais le débordement de l’ensemble des dispositifs, lié à la sous-capacité du DNA, a conduit à mobiliser également des centres d’hébergement non financés par le programme 303, notamment des places dans des centres d’hébergement d’urgence (CHU) financés par le programme 177, y compris centres d’hébergement d’urgence spécialisés pour les migrants (CHUM).

b. Une multiplication des dispositifs d’hébergement d’urgence coûteuse et difficilement lisible

La multiplication des structures, justifiée par l’urgence, n’en a pas moins rendu le dispositif national d’accueil difficilement lisible, notamment du fait de la création de dispositifs de plus en plus dérogatoires au droit commun. Ce manque de lisibilité rend difficile une évaluation qualitative de l’accueil des demandeurs d’asile, les règles de gestion, taux d’encadrement, modalités de l’accompagnement administratif et social variant entre les dispositifs et, concernant les CAO, entre chaque centre.

Cette diversité des modalités et de la qualité de la prise en charge se reflète dans le coût journalier des places d’hébergement. Ainsi, en 2017 ce coût est estimé en CADA à 19,50 euros, en HUDA-déconcentrés à 16,55 euros, en AT-SA à 16,03 euros et en PRAHDA à 16,60 euros. Le coût d’une place en CAO, variable d’un centre à l’autre, s’élève en moyenne à 27,10 euros. Le coût moyen d’une place en HUDA est ainsi de 18,90 euros. Ainsi, pour une qualité d’accompagnement moindre, le coût d’une place en HUDA est presque équivalent à celui d’une place en CADA.

Le coût inférieur d’une place de HUDA à une place de CADA peut apparaître, à court terme, source d’économies. Toutefois, si l’on considère que la qualité supérieure de l’accompagnement en CADA est susceptible de faciliter l’insertion dans le logement et dans l’emploi lorsque la personne bénéficie d’une protection, et réduit en conséquence la durée de prise en charge de la personne, il est possible qu’à plus long terme, en réalité, le financement de places en CADA soit plus avantageux d’un point de vue budgétaire, y compris dans l’hypothèse d’une conversion de places de CAO en places d’autres types de HUDA. Dans le PLF 2018, la conversion de 6 250 places de CAO en places de HUDA devrait permettre une diminution du coût moyen de la place de HUDA, qui tomberait à 17,70 euros en 2018 et 16,80 euros en 2019.

En outre, le coût moyen journalier d’une place d’hébergement est relativement moins élevé en France que dans les autres pays européens, même si les comparaisons sont difficiles au regard de la disparité des conditions de prise en charge. Il s’élève ainsi à 98,9 euros sans couverture santé en Lettonie, 74 euros en Suède, de 63 euros aux Pays-Bas, 55 euros sans couverture santé en Croatie, 51,1 euros en Belgique, 40,2 euros en Slovaquie, 35 euros en Italie et compris entre 24 et 29 euros en Allemagne ([15]) .

En conséquence, en l’état des informations dont ils disposent, vos rapporteurs tendent à être favorables à une conversion des places de HUDA les plus coûteuses en places de CADA. Suivant l’hypothèse d’un surcoût de 3 euros par jour pendant 300 jours, la conversion de 2 500 places de HUDA en places de CADA coûterait 2,2 millions d’euros.

Afin de pouvoir effectuer un bilan coût-avantage, vos rapporteurs souhaiteraient que soit évalué le gain que procure l’hébergement en CADA en termes d’insertion, par rapport à l’hébergement en HUDA. Ils souhaiteraient aussi que le surcoût d’une place de CADA par rapport à une place de HUDA soit mis en regard de ceux relatifs à l’évacuation des campements illégaux et aux modalités d’hébergement que l’urgence impose dans de tels cas.

En outre, ils ont été alertés sur le projet du Gouvernement de spécialiser les types d’hébergement en fonction de la situation administrative des personnes : CADA pour les demandeurs d’asile en procédure normale, ATSA et HUDA déconcentré pour les personnes en procédure accélérée et PRAHDA, parmi d’autres publics, notamment pour les demandeurs d’asile sous procédure « Dublin » et pour les personnes assignées à résidence.

Cette spécialisation nécessitera un travail avec les associations pour demander qu’il n’y ait pas de remise en cause de l’inconditionnalité de l’accueil, qui est l’un des trois piliers fondamentaux de la politique d’hébergement avec la continuité de la prise en charge et l’accompagnement en vue d’un accès au logement. En effet, un risque d’exécution pourrait survenir si les associations refusaient d’avoir à connaître de la situation administrative des personnes qu’elles prennent en charge.

Vos rapporteurs trouveraient néanmoins souhaitable que des structures d’hébergement plus intégrées soient mises en place, suivant la même logique qu’en Allemagne. Dans ce pays, l’accueil des demandeurs d’asile se fait sous la conduite de l’Office fédéral de migration et des réfugiés (BAMF) : l’examen de la demande d’asile est effectué dans les premiers jours après son dépôt. Comme dans un GUDA, l’ouverture des droits est immédiate. Toutefois, le lien est plus resserré avec le dispositif d’hébergement et avec le service fédéral pour l’emploi (Bundesagentur füt Arbeit), la possibilité de travailler étant envisagée comme un moyen de réduire le coût de la prise en charge. Les CAES tendent à se rapprocher de ce modèle qui suscite l’intérêt de vos rapporteurs, qui considèrent que la réticence des associations pourrait être vaincue par la mise en place d’une politique d’accueil par ailleurs exemplaire, seule à même de restaurer la confiance.

C.   UNE nécessaire REFONDATION de La politique d’INTÉGRATION DES RÉFUGIÉS

Le plan d’action pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires prévoit de donner une plus grande ambition à la politique d’intégration. Il envisage ainsi un renforcement des formations linguistiques, une amélioration des formations civiques et le développement des actions facilitant l’accès à l’emploi.

Le programme 104 porte les dispositifs de la mission Immigration, asile et intégration dédié à cette problématique. Dans ce cadre, les réfugiés peuvent bénéficier des contrats d’intégration républicaine (CIR) et d’un accompagnement plus approfondi commun à celui dispensé à l’ensemble des étrangers en situation régulière, et d’actions spécifiques notamment en termes d’accès au logement et d’emploi.

Le montant des crédits dédiés à ces interventions s’élève à près de 113 millions d’euros (8 % des crédits de la mission) : 66 millions au titre des formations civiques et linguistiques dispensées dans le cadre des CIR à l’action 14 ; 38,4 millions pour les actions d’accompagnement plus approfondi prévues à l’action 12 et 8,3 millions d’euros dispositifs d’accompagnement des réfugiés de l’action 15.

Les auditions menées par vos rapporteurs ont nettement fait ressortir l’importance de la question de l’intégration dans le contexte de l’augmentation du nombre de réfugiés statutaires, qui a presque doublé depuis 1973. Elles ont permis de mesurer l’adaptation très partielle des contrats d’accueil et intégration, qui constituent à la fois l’entrée dans les parcours d’intégration et le cœur du dispositif, mais les bons résultats d’actions plus ciblées, qui demeurent toutefois trop expérimentales.

1.   Des contrats d’intégration républicaine partiellement adaptés aux besoins des réfugiés

Les contrats d’accueil et d’intégration, qui constituent le socle de cette formation, comportent deux éléments :

– une formation civique obligatoire constituée de deux modules de six heures chacun : « Principes, valeurs et institutions de la République française », qui donne une approche historique et contextuelle de la France et traite successivement des thématiques de la République française, des valeurs républicaines et des institutions nationales et locales, et « Vivre et accéder à l’emploi en France », qui aborde de manière très opérationnelle les démarches d’accès aux droits et aux services publics ainsi que l’accès à l’emploi et la création d’entreprise – une fiche économique régionale faisant le point sur la situation économique et le marché du travail au niveau local est remise aux stagiaires ;

– une formation en français visant à atteindre le niveau A1 du référentiel européen CECRL, la durée du parcours, comprise entre 50 et 200 heures, étant déterminée au cours d’une évaluation personnalisée : le programme de ces formations est décliné en trois thèmes : « vie publique » (valeurs de la République, démocratie, droits et devoirs du citoyen, laïcité, institutions et symboles), « vie pratique » (déplacements, logement, santé, éducation, famille et culture) et « vie professionnelle » (codes et postures, recherche d’emploi, recrutement, projet professionnel, parcours professionnel et travailler en France).

Depuis novembre 2016, un parcours complémentaire de 100 heures est proposé pour atteindre le niveau linguistique A2 écrit et oral. L’atteinte de ce niveau devient, à compter de mars 2018, une des conditions de délivrance de la carte de résident. Au-delà, les primo-arrivants volontaires peuvent suivre une autre formation de 50 heures supplémentaires afin d’atteindre le niveau B1 oral du CECRL, requis pour l’acquisition de la nationalité française.

Ces contrats ont été pensés pour répondre à l’accueil de l’ensemble des étrangers en situation régulière. Or, l’immigration régulière résulte depuis les années 1970 essentiellement de l’immigration familiale. Ainsi, les bénéficiaires de la protection internationale et les membres de leur famille représentent 24,5 % des signataires (contre 15,2 % en 2015). En fait, le profil des bénéficiaires des contrats au titre de l’immigration familiale et au titre d’une protection internationale n’est pas exactement le même, les premiers étant le plus souvent originaires de pays francophones et intégrés dans des réseaux de sociabilité en France, alors que les seconds sont originaires de pays plus variés, avec lesquels la France entretient des liens moins étroits. Les besoins des seconds sont ainsi souvent plus importants.

Une réflexion est ainsi en cours à l’Office français pour l’immigration et l’intégration afin d’évaluer ce dispositif et de l’adapter à ces besoins nouveaux autour de trois axes : le contenu de la formation (notions abordées, méthode d’enseignement utilisée), les outils (kit de formation, outils complémentaires) et le format des modules (durée, séquençage). Ce socle de réflexions sera complété par une évaluation centrée sur le volet pédagogique dans toutes ses composantes avec l’appui d’un prestataire externe.

Des éléments de diagnostic sont néanmoins déjà apparus. En premier lieu, les actions d’alphabétisation font pour le moment défaut. En second lieu, les cohortes sont trop importantes. En troisième lieu, l’inscription aux formations de niveau A2 et B1 doit gagner en visibilité, être simplifiée et surtout être adaptée aux contraintes professionnelles des stagiaires en emploi (20 heures hebdomadaires sont prévues pour la formation au niveau A2).

2.   Des expérimentations à généraliser

Les dispositifs de l’action 15, consistent en des actions intégrées combinant hébergement et accompagnement vers le logement et l’emploi : le programme RELOREF et le dispositif provisoire d’hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS) gérés par l’association France Terre d’Asile (FTDA) ; le programme Accelair et le CADA-IR gérés par l’association Forum réfugiés – Cosi.

En parallèle le ministère de l’Intérieur soutient ou pilote des expérimentations de parcours intégrés à destination des réfugiés :

– en Côte-d’Or, en Loire-Atlantique et dans le Bas-Rhin, des cellules de coordination locales pour accompagner la sortie des réfugiés de moins de 25 ans des structures d’hébergement en partenariat avec la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle et Pôle emploi ;

– dans les Hauts-de-France et l’Île-de-France, le « parcours pour 1 000 réfugiés » ([16]), qui propose un parcours d’insertion de 8 mois associant hébergement, apprentissage linguistique et formation professionnelle certifiante ciblée sur les métiers en tension, en partenariat avec l’association de formation professionnelle pour adultes (AFPA).

Les interventions portées à l’action 12 consistent dans le financement de projets associatifs dans le cadre d’appels à projets déclinés au niveau territorial.

En 2017, l’appel à projet lancé par la direction de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité (DAAEN) a été recentré pour privilégier davantage les actions en faveur de l’accès à l’emploi : 18 projets ont ainsi été déposés pour un financement sollicité de 3,4 millions. Celui lancé par la direction de l’asile a retenu 24 projets dans le cadre d’une enveloppe de 1,1 million d’euros dédiés à l’accès à un logement direct et/ou à un emploi ou à une formation professionnelle dans une démarche d’autonomie.

L’orientation de l’action gouvernementale s’est traduite à l’échelle nationale également par plusieurs partenariats avec des opérateurs du service public de l’emploi en vue de coordonner et combiner les actions d’insertion sociale et professionnelle structurant les parcours des étrangers, à l’instar du partenariat signé le 24 novembre 2016 entre l’État, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et Pôle emploi, et déployé au niveau départemental.

Afin d’avoir une approche plus concrète des interventions financées dans le cadre des appels à projets, vos rapporteurs ont auditionné les associations Thot, qui est une école de français langue étrangère, Singa, qui entend créer des opportunités d’engagement et de collaboration entre les personnes réfugiées et leur société d’accueil, et Action emploi réfugiés, qui s’est donné pour objectif de faciliter la mise en relation de personnes réfugiées et d’employeurs.

L’évaluation des dispositifs précités et des personnes auditionnées ont mis en évidence des taux de réussite majeurs. Ces succès résulteraient des éléments suivants :

– une prise en compte globale de la personne : intervention simultanée sur l’hébergement, l’apprentissage de la langue, l’insertion professionnelle, l’accompagnement sanitaire et psychologique, la mise en relation des personnes avec leur entourage ;

– une action sur des petites cohortes, afin d’individualiser les apprentissages et de mieux les adapter aux besoins ;

– une démarche intégrée dans le parcours de vie, reposant sur implication volontaire de la personne dans le dispositif et prenant en compte ses contraintes propres, qu’elles soient professionnelles ou familiales ;

– une prise en compte et une valorisation de l’expérience acquise avant ou pendant leur exil, linguistique et professionnelle, afin de sortir la personne de son statut de « migrant » et d’inscrire la totalité des interventions dans un parcours cohérent ;

– une action mêlant des personnes de profils différents et ne distinguant pas les publics selon leur situation administrative.

L’action de ces associations peut être entravée par le manque de coordination avec l’intervention de l’État à d’autres titres. Ainsi, une personne peut être placée en centre de rétention administrative, transférée dans une autre région ou dans un autre pays durant son parcours. Le bénéfice de cette formation et les coûts mis en rapport de celle-ci s’en trouvent fortement affectés.

En outre, l’action de ces associations, pour le moment, concerne un public très restreint, uniquement sur certaines parties du territoire. Vos rapporteurs plaident pour un accroissement des financements, afin de permettre une montée de charge de telles initiatives. De plus, une partie de ces associations est à la recherche d’un modèle économique stable. Certaines actions menées en faveur des réfugiés peuvent en effet trouver une réponse dans le cadre de l’économie sociale et solidaire. Soutenir de telles initiatives permettrait d’alléger la dépense publique tout en augmentant le nombre de personnes prises en charge.

De manière générale, vos rapporteurs ont la conviction qu’accroître la dépense de prise en charge initiale au titre de la mission immigration pourrait réduire les coûts de prise en charge à d’autres titres dans le cadre du budget général, et que le retour sur investissement d’une telle démarche, tant aux plans humain que financier, pourrait être élevé. Aussi, ils s’associent aux propositions du député Aurélien Taché, placé en mission auprès du Premier ministre. Ils considèrent que le renforcement de l’apprentissage du français est une priorité, notamment du français « métier », et que les actions d’intégration par l’emploi doivent être déployées à plus grande échelle.

Enfin, deux débats ont été soulevés : celui du moment du début de la prise en charge et celui du moment de l’insertion dans l’emploi.

Vos rapporteurs ont été sensibles aux arguments plaidant en faveur d’une prise en charge des personnes dès la demande d’asile, afin de faciliter leur intégration lorsqu’elles obtiennent une protection et, lorsqu’elles ne l’obtiennent pas et qu’elles sont reconduites, de contribuer à une meilleure connaissance de la France et du français. Ils ont également pris note du fait qu’une telle précocité de la prise en charge pouvait donner l’illusion que la demande d’asile trouverait plus facilement une réponse positive et qu’une prise en charge uniquement des personnes ayant le plus sûrement vocation à obtenir une protection serait difficile à mettre en œuvre. Ils considèrent néanmoins que la possibilité d’une prise en charge précoce basée sur le volontariat pourrait être positive.

Concernant l’emploi, les auditions ont mis en avant l’importance d’avoir une activité professionnelle pour s’intégrer dans la société. En outre, une personne en emploi n’aurait plus besoin des dispositifs financés par l’État et, au contraire, contribuerait à la création de richesses. Actuellement, un demandeur d’asile peut travailler à compter du neuvième mois après le dépôt de sa demande d’asile. Vos rapporteurs s’interrogent sur l’opportunité de réduire le délai pendant lequel un demandeur d’asile ne peut pas travailler.


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   ARTICLES RATTACHÉS

Article 56
Mise en œuvre progressive de l’application du contrat d’intégration républicaine à Mayotte

Le présent article propose de différer l’entrée en vigueur de l’article 1er de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, prévue au 1er janvier 2018, au 1er janvier 2020.

I.   Le droit en vigueur

Les contrats d’intégration républicaine (CIR) prévus à l’article L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ont été institués par l’article 1 de la loi  2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France en remplacement des contrats d’accueil et d’intégration (CAI).

A.   Un dispositif visant à faciliter l’insertion des étrangers primo-arrivant

Les contrats d’accueil et d’intégration (CAI) préexistant aux contrats d’intégration républicaine (CIR) résultaient de la mise en place par la loi n° 2005 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale d’un dispositif visant à favoriser l’intégration des étrangers primo-arrivants, étendu et renforcé par plusieurs lois ([17]).

1.   Un contrat obligatoire conduisant à la prescription de formations civiques et linguistiques

Le contrat d’intégration républicaine est conclu entre l’État, représenté par le préfet, et tout étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans révolus et qui souhaite s’y maintenir durablement.

Sont dispensés de la signature du contrat les étrangers n’ayant pas vocation à s’installer durablement en France et ceux qui ont effectué leur scolarité en France dont la liste est déterminée à l’article R. 311-20 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Toutefois, un étranger n’ayant pas conclu un contrat d’intégration républicaine lorsqu’il a été admis pour la première fois au séjour en France peut demander à en signer un ultérieurement.

Le contrat est signé par l’étranger à l’issue d’un entretien personnalisé avec un auditeur de l’Office français pour l’immigration et l’intégration (OFII), dont l’objectif est d’une part de l’informer au regard de son projet d’installation, de l’offre territoriale de services de nature à faciliter ses conditions d’accueil et d’intégration, et d’autre part d’évaluer ses compétences linguistiques en français.

Le contrat prescrit deux formations prises en charge par l’État :

– une formation civique obligatoire « relative aux principes, aux valeurs et aux institutions de la République, à l’exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu’à l’organisation de la société française » ;

– une formation linguistique visant à l’acquisition de la langue française adaptée à son niveau.

L’étranger qui signe le contrat s’engage à respecter les principes et valeurs de la société française et de la République et à suivre avec sérieux et assiduité ces formations, qui deviennent obligatoires à compter de la signature.

En 2017, 101 448 CIR ont été signés, dont 60 % au titre de l’immigration familiale. Les signataires étaient originaires de plus de 150 États.

2.   La formation civique

Cette formation, dispensée sur deux jours, est composée de deux modules de six heures chacun.

Le module « Principes, valeurs et institutions de la République française » a pour objectif de présenter la France dans son contexte historique. Il traite successivement des thématiques de la République française, des valeurs républicaines et des institutions nationales et locales. Il illustre chacune des valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité par des cas pratiques et de la jurisprudence.

Le module « Vivre et accéder à l’emploi en France » aborde de manière très opérationnelle les démarches d’accès aux droits et aux services publics. La moitié de la formation est consacrée à l’accès à l’emploi et à la création d’entreprises. À l’issue de ce module est délivrée une fiche économique régionale qui fait le point sur la situation économique et le marché du travail à l’échelle locale.

Dans les départements et les régions d’outre-mer, la formation civique doit comporter un volet relatif à l’histoire et à la géographie du département et de la région d’outre-mer de résidence de l’étranger.

3.   La formation linguistique

La formation est articulée autour de trois thèmes, déclinés en six sous-thématiques :

– « Vie publique » : valeurs de la République, démocratie, droits et devoirs du citoyen, laïcité, institutions et symboles ;

– « Vie pratique » : déplacements, logement, santé, éducation, famille et culture ;

– « Vie professionnelle » : codes et postures, recherche d’emploi, recrutement, projet.

En fonction du résultat au test d’évaluation, trois parcours peuvent être prescrits : un parcours de 50 heures, un parcours de 100 heures et un parcours de 200 heures.

B.   Une entrÉe en vigueur diffÉrÉe et progressive À Mayotte

La date d’entrée en vigueur à Mayotte de l’article L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) a été fixée au 1er janvier 2018 par le IV de l’article 67 de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. Sur le reste du territoire, l’entrée en vigueur de cet article a été fixée au 1er juillet 2016 par le I du même article 67.

En outre, il a été prévu une entrée en vigueur progressive des formations linguistiques à compter du 1er janvier 2018 dans des conditions devant être définies par un décret en Conseil d’État par le 15° de l’article 832-1 du CESEDA, introduit par le 6° du II de l’article 61 de la loi de mars 2016 visé au même IV de l’article 67.

Le décret n° 2016-900 du 1er juillet 2016 pris pour l’application de l’article 1er de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France et relatif au parcours personnalisé d’intégration républicaine ne prévoit pas de modalités spécifiques de mise en œuvre des CIR à Mayotte. Il rappelle uniquement à son article 5 que l’entrée en vigueur du dispositif est différée au 1er janvier 2018.

II.   Le dispositif proposÉ par l’article

L’article 56 modifie le IV de l’article 67 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France, pour reporter l’entrée en vigueur à Mayotte, initialement prévue au 1er janvier 2018, au 1er janvier 2020 :

– du dispositif des CIR dans son ensemble (prévus à l’article 1er de la loi de mars 2016) ;

– des formations linguistiques qui peuvent être prescrites dans leur cadre (conformément au 6° du II de l’article 61 de la même loi).

III.   L’avis des rapporteurs spéciaux

L’article 56 du projet de loi de finances a une incidence financière sur l’action 11 Accueil des étrangers primo arrivants du programme 104 Intégration et accès à la nationalité française, au titre de la subvention pour charge de service public accordée à l’Office français pour l’immigration et l’intégration, qui est chargé de mettre en œuvre des formations.

1.   Une dépense de 3,2 millions d’euros différée de deux ans

Le report de la mise en place progressive des CIR à Mayotte diffère de deux ans une dépense pour le budget de l’État de 3,21 millions d’euros selon le paragraphe 4.3 de l’Évaluation préalable de l’article 56 annexée au projet de loi de finances. Ce montant résulte d’une estimation calculée à partir des paramètres suivants :

– une projection du nombre de bénéficiaires à 6 000 personnes, au regard du nombre de titres délivrés entre 2011 et 2015 ;

– un coût de formation civique de 85 euros au total et un coût de formation linguistique de 9 euros par heure pour un parcours de 50 heures, soit 450 euros ;

L’estimation du coût de la mesure est délicate. L’évaluation proposée est potentiellement surévaluée concernant le nombre de bénéficiaires, puisqu’elle repose sur l’hypothèse que tous les bénéficiaires se verront prescrire une formation linguistique. Or, 55,6 % des signataires de CIR ont suivi une formation linguistique. À l’inverse, elle sous-évalue vraisemblablement le coût des parcours, puisqu’elle ne prévoit que des parcours de 50 heures. Pour un parcours de 100 heures, à coût de formation linguistique identique, le montant de la dépense serait de 5,91 millions d’euros et pour un parcours de 200 heures, de 14,01 millions d’euros. Enfin, elle ne prend pas en compte l’immigration clandestine, le dispositif étant réservé aux porteurs de titres de séjour.

2.   Des conditions de mise en place non encore réunies

Vos rapporteurs regrettent évidemment que les conditions ne soient pas réunies pour que les CIR puissent être implémentés dès le 1er janvier 2018 à Mayotte. Les CIR sont en effet un outil d’intégration susceptible de jouer un rôle positif à Mayotte comme sur le reste du territoire. En outre, vos rapporteurs considèrent qu’une refondation de la politique d’intégration est nécessaire, allant au-delà des objectifs du CIR, et que cette ambition doit aussi être portée à Mayotte.

Toutefois, comme ils l’ont déjà exposé, la mise en œuvre des services publics est particulièrement défaillante dans le département. La scolarisation n’y est que partiellement assurée.

Il ne semble donc pas opportun aux rapporteurs de mettre en place ces contrats dès 2018, tant que l’État n’aura pas rétabli davantage d’égalité devant l’accès aux services publics entre le département et le reste du territoire.

En outre, l’Office français de l’immigration et de l’intégration se serait trouvé en difficulté pour trouver dès cette date un nombre suffisant de prestataires locaux pour assurer le volume de formations requis, qui est important au regard des flux migratoires à destination de Mayotte.

Enfin, le calibrage des cours de français destinés aux étrangers à Mayotte nécessitera une concertation avec les autorités locales, qui pourrait avoir lieu dans le cadre des Assises de l’outre-mer, afin d’adapter les formations linguistique et civique au contexte mahorais.

 


—  1  —

Article 57
Réduction de la durée de versement de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) des personnes n’étant plus demandeur d’asile

Le présent article propose de réduire la durée de versement de l’allocation pour demandeur d’asile à compter de la notification de la décision définitive relative à la demande d’asile des personnes déboutées.

I.   Le droit en vigueur

L’allocation pour demandeur d’asile est l’une des conditions matérielles prévue par la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, mentionnée à l’article L. 744-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (ceseda).

Elle a été instituée par l’article 23 de la loi  2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile. Elle est prévue aux articles L. 744-9 et L. 744-10. Son versement est conditionné par les articles L744-7 et L. 744-8.

1.   Une allocation dont le versement est conditionné

Le versement de l’ADA est réservé aux demandeurs d’asile majeurs titulaires d’une l’attestation de demande d’asile ou d’un récépissé de carte de séjour mention « a demandé l’asile » qui :

– disposent de ressources mensuelles inférieures au montant du revenu de solidarité active ;

– acceptent l’hébergement qui leur est proposé par l’OFII au regard de leurs besoins, de leur situation, de leur vulnérabilité et des capacités d’hébergement disponibles.

L’allocation peut également être versée à deux autres catégories d’étrangers majeurs : les personnes victimes de traite ou du proxénétisme pendant la durée de la procédure pénale ; les bénéficiaires d’une mesure de protection temporaire prévue aux articles L. 811-1 et suivants.

Elle peut toutefois être refusée aux personnes dont la demande n’est pas intervenue dans un délai de cent vingt jours à compter de leur entrée en France, ou à celles dont la demande de réexamen est dépourvue de motif légitime.

Elle peut être suspendue si le demandeur a, sans motif légitime, abandonné le lieu d’hébergement assigné par l’OFII, n’a pas respecté l’obligation de se présenter aux autorités, n’a pas répondu aux demandes d’informations ou ne s’est pas rendu aux entretiens personnels concernant sa procédure d’asile.

Elle peut enfin être retirée si le demandeur a dissimulé ses ressources financières ou a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d’hébergement.

2.   Une allocation soumise à un barème

Le montant de l’ADA versée tient compte des ressources du bénéficiaire, de la composition de son ménage, de son mode d’hébergement et des prestations offertes par son hébergement.

Le barème applicable est inséré à l’annexe 7-1 mentionnée à l’article D. 744-26 du CESEDA. Un barème spécifique est applicable en Guyane et à Saint-Martin. L’allocation n’est pas versée à Mayotte, ni à Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les terres australes et antarctiques françaises.

Le montant de l’allocation est revalorisé au premier avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale.

Barème de l’allocation pour demandeur d’asile

Annexe 7-1 mentionnée à l’article D. 744-26 du Ceseda

 

Composition familiale

Montant journalier

1 personne

6,80 euros

2 personnes

10,20 euros

3 personnes

13,60 euros

4 personnes

17,00 euros

5 personnes

20,40 euros

6 personnes

23,80 euros

7 personnes

27,20 euros

8 personnes

30,60 euros

9 personnes

34,00 euros

10 personnes

37,40 euros

Un montant journalier additionnel de 5,40 euros ([18]) est versé à chaque demandeur majeur ayant accepté l’offre de l’OFII, mais auquel aucune place n’a pu être proposée.

Le montant moyen mensuel versé en 2017 est de 243,6 euros par personne, hors régularisation du mois précédent. En application de ce barème, il est pour une personne seule de 204 euros ([19]) lorsqu’elle est hébergée et de 366 euros lorsqu’elle ne l’est pas. Il est pour une famille de quatre personnes, dont deux adultes, de 510 euros lorsqu’elle est hébergée et de 834 euros lorsqu’elle ne l’est pas.

3.   Une allocation insaisissable et incessible

L’allocation est insaisissable et incessible. Cela a pour conséquence que le blocage du compte courant du demandeur d’asile ne doit pas lui ôter la possibilité de retirer les sommes auxquelles il a droit.

En outre, en cas de versement indu par l’OFII, celui-ci ne peut obtenir le remboursement des sommes versées que par des retenues sur les échéances à venir, dans la limite d’un plafond, sauf si le bénéficiaire souhaite procéder à un remboursement intégral en un seul versement.

4.   Une allocation versée jusqu’au mois suivant la notification de la décision

L’allocation est versée à compter de l’enregistrement de la demande d’asile dans l’attente de la décision définitive accordant ou refusant une protection au titre de l’asile. Lorsque le demandeur d’asile relève de la compétence d’un autre État en application du règlement de Dublin ([20]), elle est versée jusqu’à son transfert effectif vers cet État.

Elle est versée par l’Agence de services et de paiement sur demande de l’OFII. Ce versement prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive concernant la demande.

II.   Le dispositif proposÉ par l’article

L’article 57 modifie et précise les modalités selon lesquelles prend fin le versement de l’ADA, prévues à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 744-9 du CESEDA ainsi rédigée : « Le versement de l’allocation prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive concernant cette demande. »

Ainsi, l’alinéa 2 réduit la durée de versement d’un mois pour les personnes déboutées ou qui perdent le droit au maintien sur le territoire français. L’alinéa 4 prévoit le maintien des règles actuellement en vigueur pour les personnes qui obtiennent une protection consécutivement à une décision définitive de l’Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), soit par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

A.   Fin de versement pour les personnes dÉboutÉes

Lorsque le versement de l’allocation à un demandeur d’asile prendra fin en raison d’une décision de rejet de sa demande, deux cas de figure seront distingués :

– lorsque la décision de rejet prise par l’Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) n’a pas fait l’objet d’un recours, la fin du versement intervient à la fin du mois d’échéance du délai de recours, qui est d’un mois, soit à la fin du mois suivant la notification de la décision de l’office ;

– lorsque cette décision a fait l’objet d’un recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), la fin du versement interviendra à la fin du mois au cours duquel est notifiée la décision définitive.

B.   Fin de versement pour les personnes perdant le droit au maintien sur le territoire

La fin du versement intervient à l’échéance du mois durant lequel a pris fin le droit de se maintenir sur le territoire français dans les six cas suivants :

– l’OFPRA a pris une décision d’irrecevabilité au motif que l’étranger bénéficie d’une protection effective dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État tiers où il est effectivement réadmissible ;

– le demandeur a retiré sa demande d’asile ;

– l’OFPRA a clôturé la demande car celle-ci n’a pas été prise dans les délais, ou car le demandeur refuse de fournir les informations essentielles à son examen ou n’a pas informé l’office de son lieu de résidence et d’une adresse à laquelle il peut être contacté ;

– l’étranger n’introduit une première demande de réexamen, qui a fait l’objet d’une décision d’irrecevabilité, qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement ;

– l’étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d’une première demande de réexamen ;

– l’étranger fait l’objet d’une décision définitive d’extradition vers un État autre que son pays d’origine ou d’une décision de remise sur le fondement d’un mandat d’arrêt européen ou d’une demande de remise par une cour pénale internationale.

III.   L’avis des rapporteurs spéciaux

Cet article a une incidence financière sur l’action 2 du programme 303, à laquelle le montant global dédié à l’allocation est inscrit. La mise en œuvre de cette disposition sera assurée par l’OFII, auquel la gestion de l’allocation a été confiée.

A.   Des mesures de rationalisation dÉjà intervenues

La gestion de l’ADA fait l’objet d’une vigilance particulière prévue par la loi de 2015, qui a fusionné dans l’ADA deux précédentes allocations et a confié sa gestion à un opérateur sous tutelle du ministère de l’Intérieur, l’OFII.

1.   La fusion de l’ATA et l’AMS a permis une meilleure lisibilité du dispositif et de mettre un terme à des disparités de traitement

L’ADA résulte de la fusion de deux allocations :

– l’allocation temporaire d’attente (ATA), prévue aux articles L. 5423-8 à L. 5423-14 du code du travail, d’un montant forfaitaire revalorisé chaque année au regard de l’inflation et versée aux demandeurs d’asile isolés ou accompagnés d’une famille sans prise en compte de la composition de celle-ci ;

– l’allocation mensuelle de subsistance (AMS), prévue au II de l’article R. 348-4 du code de l’action sociale et des familles, versée par les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) aux demandeurs en application d’un barème prenant en compte leurs ressources et la composition du ménage.

TABLEAU COMPARATIF DES MONTANTS JOURNALIERS DES DISPOSITIFS D’ALLOCATION POUR DEMANDEURS D’ASILE

 

Hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile et généraliste (BOP 177)

Non hébergés (chez un tiers ou sans solution d’hébergement)

Composition familiale

ADA

AMS

ATA en couple

ATA familles mono-parentales

ATA en couple

ATA familles mono-parentales

1 personne

6,80

6,62

11,45

11,45

11,45

11,45

2 personnes

10,20

10,20

22,9

11,45

22,9

11,45

3 personnes

13,60

12,59

22,9

11,45

22,9

11,45

4 personnes

17,00

16,20

22,9

11,45

22,9

11,45

5 personnes

20,40

19,93

22,9

11,45

22,9

11,45

6 personnes

23,80

23,54

22,9

11,45

22,9

11,45

7 personnes

27,20

27,15

22,9

11,45

22,9

11,45

8 personnes

30,60

30,75

22,9

11,45

22,9

11,45

9 personnes

34,00

34,36

22,9

11,45

22,9

11,45

10 personnes

37,40

37,97

22,9

11,45

22,9

11,45

Source : ministère de l’Intérieur, DGEF.

Cette fusion a permis de mettre un terme aux différences de traitements induites par l’existence de deux allocations et permis la prise en charge de personnes qui avaient vocation à bénéficier d’une aide du fait de leur demande d’asile mais n’en bénéficiaient pas, à l’instar des demandeurs d’asile placés en procédure accélérée après la décision de l’OFPRA.

2.   Une gestion vigilante sous la conduite de l’OFII

La gestion de l’ADA a été confiée à l’OFII par la loi de 2015 en vue de mieux contrôler son versement et d’éviter les indus, difficiles à recouvrer du fait de l’insolvabilité des bénéficiaires ou de changements d’adresses.

L’étude d’impact remise lors du dépôt de cette loi envisageait une économie de 6 millions d’euros par an liée à la suppression des indus, « soit 3,1 %, 2,8 % et 2,5 % sur le triennal » en tenant compte de mesures correctives prises : « mandat de gestion effectivement assuré, complétude et rapidité de transmission des informations ». Elle indique en outre que le transfert de la gestion de Pôle emploi à l’OFII permettrait toutes choses égales par ailleurs une économie de 2 millions d’euros.

L’office a poursuivi cet effort de lutte contre les versements indus et pris des mesures en vue de lutter contre les fraudes (empreintes, multiplication des alias). Il a en outre créé un service dédié au contrôle des dossiers et à la validation des versements, dont les effectifs sont passés de 13 personnes en 2016 à 22 en 2017, permettant l’examen en 2016 de 33 000 dossiers et en 2017 de plus de 75 000 dossiers. Le projet annuel de performances indique que cela a permis de contenir la dépense, qui a progressé de 9 %, alors que le nombre de bénéficiaires a crû de 27 %.

Demeurent toutefois aujourd’hui deux principales difficultés :

– l’identification des personnes bénéficiant du complément d’ADA versé aux demandeurs d’asile qui ont accepté la proposition d’hébergement de l’OFII, à qui celui-ci n’a pu faire de proposition, mais qui sont néanmoins hébergés dans un centre d’hébergement ne relevant pas du dispositif national d’accueil, rendue difficile par l’application du principe d’inconditionnalité de l’accueil dans ces centres ;

– l’incomplétude et le délai des transmissions des décisions de l’OFPRA et de la CNDA, liés aux modalités de leur notification, à la prise en compte des délais de recours et à la possibilité de demandes de réexamen. Des évolutions informatiques (interfaçage des applications) et organisationnelles (gestion des accusés de réception, modalités de notification par l’OFPRA et la CNDA) sont en cours de réflexion.

B.   la nÉcessitÉ d’une maîtrise de la trajectoire haussiÈre de la dÉpense

Avant la mise en place de l’ADA, le versement de l’ATA était remboursé à Pôle emploi sur la base des crédits ouverts à l’action 2 du programme 303.

1.   Une trajectoire de la dépense à la hausse

En 2015, le montant des crédits exécutés à ce titre était de 81 millions d’euros en AE et CP. 174,4 millions d’euros étaient dus à Pôle emploi en CP mais seuls 51 millions d’euros ont été réglés, portant la dette vis-à-vis du Pôle emploi à 123,4 millions d’euros au titre de l’année et à 182,1 millions d’euros au total ([21]). 27,7 millions d’euros ont été versés au titre de l’ADA, dont 711 000 euros de frais de gestion.

En 2016, 316,1 millions d’euros ont été consommés au titre de l’ADA, auxquels la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 a ajouté 30 millions d’euros au titre de l’ATA pour le remboursement de Pôle emploi. En 2017, 197,2 millions d’euros ont été versés de janvier à septembre, régularisations comprises, ce qui porterait la consommation à 295,8 millions d’euros en décembre.

L’augmentation de la dépense est liée à celle du nombre de bénéficiaires. Ainsi, 46 586 personnes bénéficiaient de l’ATA en 2015 – le nombre de bénéficiaires de l’AMS n’est pas connu. En 2016, le nombre de bénéficiaires de l’ADA est passé de 79 325 personnes en janvier à 104 615 en décembre et en 2017 de 78 838 ménages en janvier à 81 218 en septembre (+ 3 %). Le nombre d’individus bénéficiaires de l’allocation était de 190 000 en mai 2017. Ainsi, le versement mensuel moyen total au titre de l’ADA était de 25 millions d’euros en 2016 et de 28,6 millions d’euros en 2017.

Sans effort de maîtrise de la dépense, le montant versé au titre de l’ADA pourrait s’élever à 427,8 millions d’euros en 2018 selon l’estimation du projet annuel de performances, au bénéfice de 87 000 adultes en tenant compte de l’augmentation de 10 % du nombre de demandeurs d’asile relevant de la compétence de la France et de 30 % de ceux relevant de la compétence d’un autre État. Le versement mensuel moyen s’élèverait alors à 35,7 millions d’euros.

2.   Une économie pérenne potentielle de 21,7 millions d’euros

Le tableau figurant au paragraphe 4.2 de l’Évaluation préalable de l’article 57 annexée au projet de loi de finances évoque une économie pérenne de 21,7 millions d’euros par an à compter de 2022. Le gain est estimé à 20 millions d’euros en 2018, 21 millions d’euros en 2019 et 21,3 millions d’euros en 2021.

Cette économie sera en outre accrue du fait de l’extension du parc d’hébergements, puisque le nombre de personnes bénéficiant du complément d’ADA versé aux adultes auxquels aucune place d’hébergement n’a pu être proposée diminuera.

L’ensemble des mesures de maîtrise de la dépense au titre de l’ADA, lutte contre les versements indus incluse, permettrait selon le projet annuel de performances une économie de 109,7 millions d’euros pour l’année 2018.

C.   Une MISE en cohÉrence avec les rÈgles applicables en matière d’hÉbergement pour les personnes dÉboutÉes

Vos rapporteurs comprennent les enjeux liés à la maîtrise de la dépense au titre de l’allocation. Ils constatent, en outre, que cet objectif est mis en balance avec un important effort d’extension du parc d’hébergement d’urgence et d’amélioration des dispositifs d’intégration.

Toutefois, le dispositif de l’article 57 mériterait selon eux d’être aligné sur la procédure applicable en matière de fin du droit à l’hébergement, prévu au 2° de l’article R. 744-12 du CESEDA qui dispose que : « Si elle en fait la demande, la personne ayant eu notification d’une décision définitive défavorable est maintenue dans le lieu d’hébergement pour une durée maximale d’un mois à compter de la date de cette notification. Durant cette période, elle prépare avec le gestionnaire les modalités de sa sortie. »

1.   Un alignement des délais pour les seules personnes déboutées serait nécessaire

Vos rapporteurs considèrent que fixer un délai d’un mois à compter de la notification comporte trois avantages en ce qui concerne les personnes déboutées :

– cela leur permettrait de préparer leur retour ;

– cela éviterait de créer une inégalité entre elles, fondée sur la date de notification de la décision de rejet les concernant, dont la compatibilité avec le principe constitutionnel d’égalité pourrait susciter des doutes ;

– cela améliorerait la lisibilité du dispositif lorsqu’elle est aussi hébergée, puisque le même délai s’appliquerait.

Néanmoins, vos rapporteurs spéciaux trouvent pertinent de maintenir pour les personnes obtenant une protection un régime plus favorable, car ce délai plus long est nécessaire à l’ouverture de leurs droits sociaux. Ils sont en accord, en outre, avec la rédaction de l’article 57 en tant qu’elle prévoit de ne verser l’ADA aux personnes perdant le droit de se maintenir sur le territoire que jusqu’à la fin du mois auquel duquel est intervenue la décision les concernant au regard des motifs de celle-ci.

2.   Un amendement distinguant trois situations

En conséquence, ils ont déposé un amendement distinguant plus nettement les situations des personnes obtenant une protection (droit inchangé), des personnes déboutées (un mois après la notification) et des personnes perdant le droit de se maintenir sur le territoire (fin du mois de la décision).

Ainsi, ils proposent, après la première occurrence du mot : « mots : », de rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 de l’article 57 :

« « au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive concernant cette demande », sont remplacés par les mots : « un mois après l’expiration du délai de recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la notification de la décision de rejet de la Cour nationale du droit d’asile, ou à la fin du mois au cours duquel a pris fin le droit du demandeur à se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues à l’article L. 743-2. » »

 


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   Examen en commission

Après l’audition de M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur (voir le compte rendu de la commission élargie du 30 octobre 2017 à 16 heures ([22])), la commission examine les crédits de la mission Immigration, asile et intégration et les articles 56 et 57, rattachés.

 

Suivant l’avis favorable de MM. Jean-Noël Barrot et Stanislas Guerini, rapporteurs spéciaux, la commission adopte les crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

 

Article 56 : Mise en œuvre progressive de l’application du contrat d’intégration républicaine à Mayotte

 

Elle est saisie de l’amendement n° II-CF206 de Mme Muriel Ressiguier.

 

M. Éric Coquerel. Cet amendement est défendu.

 

M. Stanislas Guerini, rapporteur spécial. L’amendement propose la suppression de l’article 56, qui reporte l’entrée en vigueur à Mayotte du dispositif des contrats d’intégration républicaine de 2018 à 2020. Comme les auteurs de l’amendement, les rapporteurs sont attachés à ce que ces contrats puissent, à terme, être mis en œuvre à Mayotte, afin de faciliter l’intégration des étrangers dans le département. Ils plaident en outre pour une refondation plus générale de la politique d’intégration, afin de la rendre plus ambitieuse. Ils constatent et regrettent que les conditions pour mettre en œuvre ce dispositif au 1er janvier 2018 ne soient toujours pas réunies. D’abord, ainsi que l’a rappelé l’Office français de l'immigration et de l'intégration, il n’y a pas à Mayotte assez de prestataires pour répondre au besoin de formation, qui devrait concerner 6 000 personnes par an au regard du nombre de titres délivrés entre 2011 et 2015. Ensuite, le décret prévoyant les conditions de la mise en œuvre progressive des formations linguistiques n’a toujours pas été pris. Enfin, la mise en place de ces contrats ne peut être déconnectée de la situation plus générale de Mayotte, rappelée durant les débats de la commission élargie, qui est très problématique en ce qui concerne le fonctionnement des services publics, notamment celui de l’éducation. Ils considèrent au regard de ces éléments, que ce sujet devra être abordé dans le cadre des assises de l’outre-mer. Avis défavorable sur cet amendement.

 

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis favorable de MM. Jean-Noël Barrot et Stanislas Guerini, rapporteurs spéciaux, la commission adopte l’article 56.

 

Article 57 : Réduction de la durée de versement de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) des personnes n’étant plus demandeur d’asile

 

La commission est saisie de l’amendement n° II-CF207 de Mme Muriel Ressiguier.

 

Mme Danièle Obono. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article. Actuellement, les demandeurs d’asile bénéficient d’une allocation, supprimée le deuxième mois à compter de la décision du refus. Nous souhaitons maintenir ce système, car nous considérons que l’on ne peut laisser des personnes sans ressources aussi brutalement, d’autant qu’un droit de recours existe en matière d’asile.

 

M. Stanislas Guerini, rapporteur spécial. Cet amendement part d’une préoccupation louable et partagée, celle du traitement humain des personnes, qu’elles soient réfugiées, déboutées du droit d’asile ou dans toute autre situation. Toutefois, l’exposé des motifs de l’amendement laisse penser que le droit de recours pourrait être remis en cause. L’article 57 prévoit, outre de ne rien changer pour les personnes qui obtiendraient le statut de réfugier, deux cas de figure : si, à la suite d’une décision négative de l’Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides, la personne n’exerce pas son droit de recours, l’allocation pour demandeur d’asile est versée pendant la durée du possible exercice de ce droit, qui est d’un mois, et jusqu’à la fin du mois au cours duquel la décision est notifiée. Si, à la suite d’une décision négative de l’Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides, la personne exerce son droit de recours, l’allocation est alors versée pendant toute la durée de la procédure et jusqu’à la fin du mois au cours duquel la décision définitive est notifiée. Le droit de recours est donc garanti dans les mêmes conditions qu’auparavant. Concernant la préoccupation d’une sortie rapide de l’aide, la situation est très différente selon que la notification de la décision de rejet de la demande intervient en début ou en fin de mois. Aussi, les rapporteurs ont déposé un amendement visant à permettre le versement de l’allocation, pour les personnes déboutées, durant un mois calendaire à partir de la notification de la décision définitive. Le délai de versement de l’allocation sera alors aligné sur celui durant lequel une personne a le droit de se maintenir dans un hébergement en vue de préparer la sortie de celui-ci. Avis défavorable sur cet amendement.

 

La commission rejette l’amendement II-CF207.

 

La commission est ensuite saisie de l’amendement n° II-CF235 de MM. Jean-Noël Barrot et Stanislas Guerini, rapporteurs spéciaux.

 

M. Stanislas Guerini, rapporteur spécial. Il s’agit de l’amendement mentionné à l’instant, qui vise à faire coïncider strictement, pour les personnes déboutées du droit d’asile, le délai de versement de l’allocation pour demandeurs d’asile avec le délai de préparation de la sortie du centre d’hébergement. Ce délai est d’un mois calendaire.

 

La commission adopte l’amendement II-CF235.

 

La commission adopte l’article 57 ainsi modifié.

 

Après l’article 57

 

La commission examine l’amendement n° II431 du Gouvernement.

 

M. Stanislas Guerini, rapporteur spécial. Les rapporteurs donnent un avis favorable à cet amendement. Il permettra l’application effective du droit en vigueur, notamment la Convention de Schengen, en précisant le délai pendant lequel les compagnies de transport sont tenues de prendre en charge financièrement les personnes auxquelles l’entrée sur le territoire est refusée. Selon les termes de l’amendement, ce délai courra de la décision de refus d’entrée jusqu’au réacheminement de la personne par la compagnie. Cette précision facilitera l’établissement d’une redevance visant à recouvrer sept millions d’euros avancés chaque année par l’État aux entreprises de transport et jamais remboursés.

 

La commission accepte l’amendement n° II431.

 

 


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   Personnes auditionnÉes

CNRS, CERI-Sciences-Po : Mme Catherine WIHTOL DE WENDEN, directrice de recherche émérite, docteure en sciences politiques.

M. Laurent GRANDGUILLAUME, ancien député.

Mme Adeline HAZAN, contrôleure générale des lieux de privation de liberté

M. Jacques TOUBON, défenseur des droits, Mme Anne DU QUELLENNEC, cheffe du pôle droits fondamentaux des étrangers, Mme France DE SAINT MARTIN, attachée parlementaire

Association Service Social Familial Migrants (ASSFAM) : M. Christian LARUELLE, directeur, Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) : M. Christophe LEVY, secrétaire général, M. Gérard SADIK, Fédération des acteurs de la solidarité (FNARS) : M. Florent GUEGUEN, directeur général, Mme Marion LIGNAC, Forum réfugiés : M. Jean-François PLOQUIN, directeur général, M. Laurent DELBOS, responsable Plaidoyer.

La Commission de recours contre les refus de visa d’entrée en France (CRRV) : M. Daniel LABROSSE, Président.

Cour Des Comptes : M. Jean-Philippe VACHIA, Président de la 4e chambre, M. Christian MARTIN et M. Olivier ORTIZ, conseillers maîtres, Mme Christine FAGES, rapporteure.

France Terre d’Asile (FTA) : M. Pierre HENRY, directeur général.

Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) : M. Pascal BRICE, directeur général.

Thot : Mme Judith AQUIEN, présidente et cofondatrice, Singa France : Mme Alice BARBE, directrice générale, Action Emploi Réfugiés : Mme Kavita BRAHMBHATT, co-fondatrice et co-présidente.

Direction générale des étrangers en France (DGEF) : M. Pierre-Antoine MOLINA, Directeur général, Direction de l’asile (DA) : Mme Julie BOUAZIZ, Adjointe au directeur, Direction de l’immigration (DIMM) : M. Jean DE CROONE, Adjoint au directeur, M. Christian CHASSAING, Sous-directeur du pilotage et des systèmes d’information (SPSI), Direction de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité (DAAEN) : Mme Christine WILS-MOREL, Cheffe de service, adjointe à la directrice.

Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) : M. Didier LESCHI.

Centre de Premier accueil Dubois : M. Bruno MOREL, directeur général d’Emmaüs Solidarité (visite sur site).


([1]) Depuis le 1er janvier 2016, une partie de ces crédits est en outre retracée au programme 216 « conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ».

([2]) Règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

([3])  Tableaux de l’économie française, édition 2016.

([4]) Fusion de l’Allocation temporaire d’attente et le l’Allocation mensuelle de subsistance dans l’Allocation pour demandeurs d’asile (cf. commentaire de l’article 57 du projet de loi de finances).

([5]) Le décret n° 2016-732 du 2 juin 2016 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance a ouvert 158 millions d’euros en AE et CP et la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 a ouvert 35,9 millions d’euros en AE et 30 millions d’euros en CP.

([6]) CF. commentaire de l’action 11.

([7]) Décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

([8]) Le montant des dépenses effectuées sur le programme 177 pour les compte des programmes 303 (hébergement des demandeurs d’asile) et 104 (hébergement des réfugiés) n’est pas connu, car la situation administrative des personnes n’est pas demandée dans les centres d’hébergement qu’il finance. Le seul montant connu est celui des crédits ouverts spécifiquement pour couvrir des dépenses liées aux demandeurs d’asile, dans le cadre de décrets d’avance. Le montant qu’il faudrait imputer à la mission Immigration, asile et intégration pour en consolider les comptes est donc probablement sous-évalué.

([9]) Cf. deuxième partie de ce rapport.

([10]) Cf. commentaire de l’article 57.

([11])  Entre 2011 et 2016, le nombre d’assignations à résidence est passé de 373 à 4 687. Cette tendance à la hausse s’est confortée dans les premiers mois de l’année 2017 selon le ministère de l’Intérieur.

([12]) Le ministre de l’intérieur a en, outre, annoncé en commission élargie relative à l’administration générale et territoriale de l’État le recrutement de 150 personnels permanents en préfecture pour renforcer le pôle « éloignement » et contribuer à l’accélération du traitement des demandes d’asile.

([13]) Cf. commentaire de l’article 57.

([14]) L’article R. 744-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit les modalités de prise en charge en centre d’hébergement des personnes qui ont reçu une décision relative à leur demande d’asile. Il prévoit aussi, pour les personnes déboutées, une procédure de mise en demeure.

([15]) Selon un questionnaire transmis le 4 août 2017 par le ministère de l’Intérieur à l’ensemble des États de l’Union européenne par le biais du Réseau Européen des Migrations

([16]) Parcours mis en place dans le cadre d’un accord interministériel signé entre les ministres du travail, de l'intérieur, du logement, Pôle Emploi, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et l’OFII.

([17])  Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration.

([18]) Le montant prévu à l’annexe de 4,20 euros a été accru porté à 5,40 euros par le décret n° 2017-430 du 29 mars 2017 portant diverses dispositions relatives à l'allocation pour demandeur d'asile en conséquence de la décision n° 394819 du 23 décembre 2016 du Conseil d’État.  

([19]) Montant calculé pour 30 jours.

([20])  Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

([21]) En 2014, 169,5 millions d’euros avaient été versés au titre de l’ATA à Pôle emploi, sur 228,2 millions d’euros dus, générant un report de charges de 58,7 millions d’euros sur 2015.

([22]) http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/commissions_elargies/