N° 273

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2017.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2018 (n° 235),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur Général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 39
 

 

SÉCURITÉS

 

POLICE, GENDARMERIE, SÉCURITÉ ROUTIÈRE

 

CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS

 

 

Rapporteurs spéciaux : M. Romain GRAU et Mme Nadia Hai

 

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

DonnÉes clÉs

I. La sÉcuritÉ intÉrieure : un engagement budgÉtaire majeur de la législature

A. Le programme 176 Police nationale

B. Le programme 152 Gendarmerie nationale

C. Le financement de la politique de sécuritÉ routiÉre

1. Le programme 207 Sécurité et éducation routière

2. Le compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

II. Investir dans les politiques de sÉcuritÉ : une garantie d’efficacitÉ de la dÉpense

1. Essor des recrutements : un constat sans appel, des acquis à consolider

2. Équipements des forces de sécurité : un engagement sur la durée

3. Garantir l’efficience des moyens supplémentaires

4. Police de sécurité du quotidien : un levier de transformation

EXAMEN EN COMMISSION

Annexe :  DÉplacements et auditions des rapporteurs spÉciaux

 


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UN ENGAGEMENT BUDGÉTAIRE FORT AU SERVICE DE LA SÉCURITÉ DES FRANÇAIS

Le projet de budget pour 2018 apportera aux forces de sécurité intérieure des moyens humains et matériels à la hauteur des niveaux de sollicitation des policiers et des gendarmes, et de l’importance de leurs missions.

Les efforts engagés à partir de 2015, face à la menace terroriste, dans l’épreuve et en urgence, sont désormais consolidés et pérennisés par une programmation pluriannuelle.

La sécurité intérieure est une des grandes priorités du quinquennat. À ce titre, ce budget traduit un engagement fort pour la sécurité des Français.

En matière d’effectifs, le plan présidentiel dotera ainsi, entre 2018 et 2022, les deux forces de sécurité de 10 000 emplois supplémentaires, soit une augmentation de 4 % sur la durée de la législature et de 0,9 % l’an prochain. Les moyens matériels et d’investissements augmenteront de 1,3 % dès 2018. L’ensemble des moyens supplémentaires issus, ces dernières années, d’une succession de mesures exceptionnelles et temporaires constituent désormais le socle durable de crédits qui continueront d’augmenter afin de rattraper les retards accumulés.

Alors que les destructions d’effectifs entre 2007 et 2012 avaient désorganisé des pans entiers des services, particulièrement pour les forces mobiles et le renseignement intérieur, la première année de mise en œuvre du plan présidentiel permettra aux effectifs de la police nationale de dépasser le niveau de 2007, avec plus de 150 000 policiers. La gendarmerie nationale retrouvera le niveau des effectifs de 2009, avec plus de 100 000 gendarmes, confortés par 30 000 membres de la réserve opérationnelle.

Des garanties de plein emploi des effectifs supplémentaires pour des missions opérationnelles sont fournies par le renouvellement de la formation, initiale et continue et par une démarche ambitieuse de substitution des personnels actifs par des personnels administratifs et techniques sur les postes qui le justifient. Une attention particulière devra être apportée aux durées et aux cycles de travail afin de concilier les modifications en cours avec les exigences de disponibilité opérationnelle.

L’effort en matière d’équipements et de fonctionnement est pleinement à la hauteur de l’augmentation des effectifs. Les niveaux élevés de dépenses de fonctionnement permettront d’améliorer le quotidien des services, en particulier par la déconcentration des crédits destinés aux petits travaux d’aménagement et d’entretien des commissariats de police, qui ont un impact direct sur les conditions de travail des forces de sécurité.

Un effort considérable est fourni pour les dépenses d’investissement, afin d’accroître la capacité opérationnelle de nos forces et de tirer pleinement parti des nouvelles technologies. Pour les deux forces, ces crédits augmentent de 16 % et atteindront 540 millions d’euros, soit le double des dépenses de l’année 2015.

Dans ce cadre, la modernisation des systèmes d’information et de communication sera poursuivie en 2018. Les chantiers d’infrastructure numérique, porteurs de gains d’efficience majeurs, sur la durée, seront une composante significative de l’effort d’investissement.

De même, afin de diminuer les risques sur les routes de France, les financements consacrés à la modernisation des radars automatiques sont accrus de 25 % ce qui permettra d’intensifier les contrôles de la vitesse et des comportements dangereux.

Les rapporteurs spéciaux se félicitent des initiatives engagées pour garantir la pleine efficience des crédits supplémentaires, selon une approche pragmatique de transformation et d’efficience qui est la marque de la nouvelle législature.

L’optimisation des moyens alloués doit également être au cœur de ce budget. À ce titre, et comme il ressort des travaux et auditions des rapporteurs spéciaux, des rapprochements et des mutualisations « sur mesure », entre services et entre les deux forces de sécurité, devront faire naître de nouvelles synergies. Les rapporteurs spéciaux veilleront à ce que ces démarches soient, à chaque fois, objectivées et que leurs effets soient évalués.

La disponibilité des personnels devra également être accrue par la suppression des charges indues qui détournent aujourd’hui encore les personnels de leurs missions premières. Dans le cadre de leur mission d’évaluation et de contrôle, les rapporteurs feront un état des lieux de ces missions indues, en auditionnant l’ensemble des parties prenantes, afin de mieux en cerner la nature, l’étendue et les effets, et de contribuer ainsi à optimiser l’emploi de nos forces de sécurité.

Enfin la police de sécurité du quotidien et la réforme de la procédure pénale vont donner aux services de la sécurité publique de nouveaux outils pour prévenir et lutter contre la délinquance et les incivilités qui minent le quotidien de nos concitoyens et diminuent leur confiance dans l’État.

La police de sécurité du quotidien est une réforme majeure du quinquennat. Elle vise à une déconcentration intelligente pour donner plus de responsabilité aux acteurs de terrain et de leur permettre d’agir efficacement, par la prévention et par l’instauration d’un climat de confiance.

Ce budget est donc au service d’une ambition : que nos policiers et nos gendarmes disposent des moyens de prendre en compte l’ensemble des besoins de sécurité de nos concitoyens et que la qualité des relations avec la population soit placée au cœur de nos politiques de sécurité.

 


–  1  –

   DonnÉes clÉs

 

Évolution des crédits de paiements des deux forces

 

 


Évolution des dÉpenses d’investissement des deux forces


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   I. La sÉcuritÉ intÉrieure : un engagement budgÉtaire majeur de la législature

Les budgets des programmes 176 Police nationale, et 152 Gendarmerie nationale atteindront conjointement, en 2018, 19,76 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) en hausse de 455 millions d’euros (+ 2,34 %) par rapport à la loi de finance pour 2017. Ils atteindront 19,22 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) en hausse de 253 millions d’euros (+ 1,34 %).

Le budget 2018 prolonge les hausses initiées à la suite des attentats de 2015. Les CP inscrits pour 2018 sont, pour les deux forces, supérieurs de 956 millions d’euros aux montants effectivement consommés en 2016 (+ 5,23 %) et de 1 372 millions d’euros supérieurs à la consommation de 2015 (+ 7,69 %).

● Une priorité de la programmation triennale

Le projet de loi de programmation des finances publiques couvrant les années 2018 à 2022, examiné concomitamment au projet de loi de finances pour 2018, maintient cette dynamique.

Dans ce cadre, la progression des budgets est définie en neutralisant les montants des contributions d’équilibre au compte d’affectation spéciale Pensions, qui reflètent les effets de choix passés et non les décisions nouvelles. Ils représentent, en 2018, 29,4 % des CP du programme Police nationale, 38,5 % des CP du programme Gendarmerie nationale, comme le montre le tableau suivant.

crÉdits de paiement des programmes Police et gendarmerie nationale

En millions d’euros

LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2017-2018

Programme 176

10 359,61

10 564,42

+ 204,81

+ 1,98 %

Dont pensions civiles

3 035,61

3 102,10

+ 66,49

+ 2,19 %

Hors pensions civiles

7 324,00

7 462,32

+ 138,32

+ 1,89 %

Programme 152

8 608,77

8 657,74

+ 48,97

+ 0,57 %

Dont pensions civiles

3 329,71

3 336,58

+ 6,87

+ 0,21 %

Hors pensions civiles

5 279,06

5 321,16

+ 42,10

+ 0,80 %

Total Police et Gendarmerie

18 968,37

19 222,16

+ 253,78

+ 1,34 %

Dont pensions civiles

6 365,31

6 438,68

+ 73,36

+ 1,15 %

Hors pensions civiles

12 603,06

12 783,48

+ 180,42

+ 1,43 %

Source : Calculs à partir des documents budgétaires.

Hors pensions, le total atteint, en 2018, 12,78 milliards d’euros, en hausse de 180,4 millions d’euros (+ 1,43 %). Ceci est pleinement conforme à la progression définie par le triennal 2018-2020, qui fixe un plafond de CP de 13,3 milliards d’euros, en hausse de 200 millions d’euros par rapport à 2017, l’écart s’expliquant par les crédits du programme 161 Sécurité civile.([1])

Évolution triennale des crÉdits de paiements dÉfinie par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

(Montants en milliards d’euros, hors contributions au CAS Pensions)

Mission Sécurités

LFI 2017

2018

2019

2020

13,10

13,30

13,49

13,58

Évolution

+ 0,2

+ 0,19

+ 0,09

+ 1,53 %

+ 1,43 %

+ 0,67 %

Source : Article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Sur ce périmètre, un plafond ferme de 13,49 milliards d’euros est fixé en 2019, en hausse de 190 millions d’euros (+ 1,43 %). Le plafond pour 2020 demeure en augmentation, mais la progression diminue de moitié. Elle sera en outre actualisée pour intégrer notamment les économies complémentaires issues du processus de modernisation Action publique 2022.

● Des garanties de sincérité budgétaire, dès 2018

Compte tenu du manque de sincérité, relevé par la Cour des comptes, de la loi de finances initiale pour 2017, les rapporteurs spéciaux ont souhaité s’assurer que la hausse des crédits annoncée pour 2018 sera pleinement suivie d’effets.

Ils relèvent que le budget 2017 affichait une hausse des CP de la police nationale de 402 millions d’euros sur un an (+ 4,04 %), très supérieure à l’augmentation, réellement constatée entre 2015 et 2016, de 255 millions d’euros (+ 2,6 %). Ce décalage, non soutenable, a justifié l’annulation de 110 millions d’euros de CP sur le programme Police nationale, et de 90 millions d’euros sur le programme Gendarmerie nationale par le décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance.

Cette rectification a replacé la hausse globale des CP en 2017 dans une progression plus conforme à la tendance : + 2,51 % pour la police nationale et + 2,53 % pour la gendarmerie nationale. Mais la régulation budgétaire en cours d’année portant principalement sur les dépenses hors titre 2, elle entraîne, en 2018, pour la police nationale, le report de 40 millions d’euros en CP, contre 10 en 2017, et pour la gendarmerie nationale, un report de 92 millions d’euros de dépenses de fonctionnement au titre des loyers.

Au regard de ces annulations, le budget 2018 apporte des garanties de sincérité budgétaire bien supérieures : le taux de mise en réserve des crédits hors titre 2 passe de 8 % à 3 % ce qui accroît les marges de manœuvre des responsables de programme sur les crédits de fonctionnement et d’investissement.

A.   Le programme 176 Police nationale

Les crédits du programme Police nationale demandés pour 2018 atteignent 10,85 milliards d’euros en AE et 10,56 en CP contre 10,49 milliards d’euros ouverts en loi de finances initiale pour 2017 en AE et 10,36 en CP.

En une année, ces crédits augmentent de 356 millions d’euros en AE (+ 3,4 %) et 204 millions d’euros en CP (+ 1,98 %). Par rapport aux montants consommés en 2016, les hausses atteignent 923 millions d’euros en AE (+ 9,3 %) et 606 millions d’euros en CP (+ 6,1 %).

Évolution, par action, des crÉdits du programme Police nationale

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Ouverts en LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2017/2018

Ouverts en LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2017/2018

176 Police nationale

10 493,7

10 850,5

+ 3,4 %

10 359,6

10 564,4

+ 2 %

01 Ordre public et protection de la souveraineté

1 330,4

1 271,1

– 4,5 %

1 330,4

1 271,1

– 4,5 %

02 Sécurité et paix publiques

2 986,2

2 923,5

– 2,1 %

2 986,2

2 923,5

– 2,1 %

03 Sécurité routière

452,7

453,8

+ 0,3 %

452,7

453,8

+ 0,3 %

04 Police des étrangers et sûreté des transports internationaux 

811,6

906

+ 11,6 %

811,6

906

+ 11,6 %

05 Missions de police judiciaire et concours à la justice 

2 602,2

2 783,3

+ 7 %

2 602,2

2 783,3

+ 7,0%

06 Commandement, ressources humaines et logistique

2 310,7

2 512,8

+ 8,7 %

2 176,6

2 226,7

+ 2,3 %

Source : documents budgétaires, montants hors fonds de concours et attributions de produits.

La déclinaison par actions des crédits du programme Police nationale

Les cinq premières actions comportent exclusivement des dépenses de titre 2 (AE=CP), correspondant à la répartition prévisionnelle des emplois mobilisés par les grandes catégories de missions des forces de sécurité intérieure.

L’action 1 Ordre public et protection de la souveraineté retrace les activités de maîtrise des troubles à l’ordre public et de réduction des menaces : le maintien de l’ordre, le renseignement, la protection des autorités, de personnalités, de bâtiments officiels et de lieux sensibles. La majorité des personnels des compagnies républicaines de sécurité (CRS) en relèvent.

L’action 2 Sécurité et paix publiques regroupe les missions de lutte contre la délinquance ; l’exercice de la police administrative (hors sécurité routière et police des étrangers) ; les fonctions d’accueil et de contact avec les usagers. Les services concernés sont principalement les forces de sécurité publique et de la préfecture de police.

L’action 3 Sécurité routière retrace les moyens de la police administrative de la route et des missions de police judiciaire liées à la répression des infractions et au traitement des accidents routiers, ainsi que les actions de communication et d’information par les policiers à destination des usagers de la route et des futurs conducteurs.

L’action 4 Police des étrangers et sûreté des transports internationaux comprend les moyens dédiés au contrôle des personnes aux frontières, à la lutte contre l’immigration clandestine et la traite d’êtres humains et à la sûreté des moyens de transport internationaux (aéroports, ports et trains internationaux). Les effectifs de la police aux frontières en relèvent.

L’action 5 Missions de police judiciaire et concours à la justice rassemble l’ensemble des activités de police judiciaire, ainsi que les missions réalisées au profit de la justice ou de l’administration pénitentiaire : recherche et constatation des infractions pénales, rassemblement des preuves, recherche des auteurs et de leurs complices en vue de leur arrestation et de leur déferrement aux autorités judiciaires compétentes.

Les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention du programme relèvent de l’action 6 Commandement, ressources humaines et logistique qui porte l’ensemble des fonctions de soutien du programme. Les montants d’AE et de CP sont donc distincts.

● La poursuite de la hausse et de la recomposition des effectifs

88,73 % des CP (9 374 millions d’euros) sont destinés aux rémunérations, pour au maximum 150 708 emplois autorisés, selon un plafond d’emplois en hausse de 1 629 emplois.

Outre des modifications de périmètres, cette hausse provient en majeure partie de la création de 1 376 emplois prévue par le schéma d’emplois, dont 1 500 emplois conformément au plan présidentiel qui dote la police nationale, entre 2018 et 2022, de 7 500 emplois supplémentaires sur les 10 000 prévus pour les forces de sécurité intérieure. Cette hausse est minorée de transferts entre programmes et d’efforts demandés aux effectifs en administration centrale.

Le surcoût des créations d’effectifs est estimé à 56,5 millions d’euros dont 33,3 millions d’euros au titre du schéma d’emplois 2018 et 23,2 millions d’euros résultant de l’extension en année pleine du schéma d’emplois 2017.

Les effectifs réels, calculés en équivalent temps plein travaillé (ETPT) présentent toujours un décalage avec les effectifs prévus par les plafonds (limitatifs) d’emplois. La prévision pour 2018 est de 150 143 ETPT, en hausse de 1 904 par rapport à la fin de l’année 2017, comme détaillé par le tableau ci-après.

Évolution des effectifs de la police nationale depuis 2012

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017 (prévision)

2018 (prévision)

Nombre d’agents employés en ETPT

143 872

142 286

142 766

143 982

145 569

148 240

150 144

Évolutions annuelles

– 1 586

+ 480

+ 1 216

+ 1 587

+ 2 671

+ 1 904

– 1,1 %

+ 0,34 %

+ 0,85 %

+ 1,1 %

+ 1,83 %

+ 1,28 %

Emplois exécutés de 2012 à 2016, prévisions d’exécution pour 2017 et 2018.

Sources : Direction générale de la police nationale.

Les rapporteurs spéciaux rappellent l’importance de ces créations d’emplois alors que les effectifs de la police nationale ont été durablement touchés par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partants à la retraite ainsi que par la révision générale des politiques publiques, imposés de 2017 à 2012.

Le plafond d’emplois autorisés en 2017 (149 079 postes) reste inférieur de 886 postes à celui de 2007. Le budget de 2018 permettra, pour la première fois depuis 10 ans, de dépasser le niveau des effectifs de 2007, avec 743 ETP supplémentaires. En examinant la consommation du plafond, l’effet de rattrapage est plus important encore. Le niveau prévisionnel de consommation des emplois en 2017 (148 240 emplois) est inférieur de 170 à celui réalisé en 2007, alors que la consommation prévisionnelle en 2018 (150 0144 emplois) sera supérieure de 1 734 emplois.

Le solde net de 1 376 emplois prévu par le schéma d’emplois pour 2018, résulte de la création de 950 nouveaux emplois de gardiens (corps d’encadrement et d’application), de 278 emplois de personnels administratifs, de 400 emplois de personnels techniques, de 180 emplois de personnels scientifiques, mais également de la suppression 399 emplois des corps de conception, de direction et de commandement et de 33 emplois d’ouvriers d’État.

Ainsi que le montre le tableau ci-après, l’augmentation globale des effectifs se combine avec une évolution de la structure d’emploi qui permet une déflation des corps de conception et de direction (les commissaires de police) ainsi que de commandement (officiers de police) au profit des gardiens de la paix et des personnels administratifs et techniques.

Évolution du nombre d’emplois (ETPT) dans la police nationale depuis 2007

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Commissaires, officiers

14 152

13 302

12 673

12 265

11 972

11 730

11 437

11 115

10 716

10 454

10 086

9 690

Gardiens de la paix, gradés

105 185

105 709

104 880

104 146

102 878

101 165

100 875

100 898

101 388

102 889

104 854

106 209

Personnels administratifs

12 276

12 604

12 996

12 801

12 750

12 638

12 734

12 886

13 204

13 453

13 158

13 267

Personnels techniques

3 517

3 761

3 853

3 826

3 961

3 922

3 919

4 011

4 770

5 138

5 821

6 171

Personnels scientifiques

1 171

1 262

1 453

1 518

1 611

1 720

1 807

1 955

2 056

2 161

2 497

2 678

Adjoints de sécurité

11 251

10 212

9 074

8 947

11 205

12 039

10 890

11 312

11 293

10 952

12 225

12 287

Ouvriers d’État

858

800

741

715

684

658

624

590

555

523

438

406

Total

148 410

147 650

145 670

144 218

145 061

143 872

142 286

142 767

143 982

145 570

149 079

150 708

Source : Rapports annuels de performances jusqu’en 2016, loi de finances pour 2017 et projet de loi de finances pour 2018.

● Une progression de la masse salariale importante mais mieux contrôlée

Les crédits de masse salariale de la police nationale sont sous tension depuis plusieurs exercices. En 2016, la consommation des crédits a dépassé de 9,4 millions d’euros les montants inscrits en loi de finances initiale ce qui a exigé le dégel de la réserve de précaution ainsi qu’un décret d’avance. En conséquence, l’ouverture d’un concours de gardien de la paix a nécessité que le ministre passe outre un refus de visa du contrôleur budgétaire et comptable ministériel. Ces difficultés persistent en 2017. Hors contributions pour pensions, la dépense devrait atteindre 6 133,7 millions d’euros, dépassant de 19,3 millions d’euros les crédits disponibles. Ceci nécessitera le dégel des crédits de titre 2 mis en réserve et les rendra indisponibles pour abonder, en fin de gestion, par la fongibilité asymétrique, le fonctionnement ou l’investissement.

En 2018, l’ensemble des crédits de titre 2 augmentent de 186,2 millions d’euros (+ 2,03 %). Les seules dépenses de rémunérations d’activité et de prestations sociales, hors pensions, passent de 6 152,3 millions d’euros en 2017 à 6 272,1 en 2018, en hausse de 119,8 millions d’euros (+ 1,94 %). Cette hausse est inférieure de moitié à l’augmentation de 235 millions d’euros prévue par la loi de finances pour 2017, ce qui présente des garanties de soutenabilité.

Le ralentissement provient en premier lieu de la non reconduction de la hausse du point d’indice de la fonction publique qui a accru la masse salariale de 41,2 millions d’euros en 2017 et dont l’effet en 2018 est ramené à + 2,5 millions d’euros.

L’effet des mesures catégorielles nouvelles accroît la dépense de 61,8 millions d’euros, principalement au titre de la seconde année de mise en œuvre du protocole social du 11 avril 2016 qui comprend d’importantes mesures visant à fluidifier les parcours professionnels, renforcer la cohérence des grades avec les responsabilités exercées, et mieux valoriser les métiers, les sujétions et compétences des personnels. Cette enveloppe est en retrait de 22,7 millions d’euros par rapport aux 84,5 millions d’euros inscrits en 2017 au titre de la première année de mise en œuvre du protocole.

Le solde positif de 16 millions d’euros du glissement vieillesse technicité (GVT) est inférieur de 7 millions d’euros à 2017, l’effet de progression des carrières des agents étant fortement atténué par l’effet de noria qui remplace les départs en retraite par des primo-recrutements. L’instauration d’un jour de carence occasionnera en outre une économie de 7,4 millions d’euros en 2018.

Enfin, concernant l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT), indemnité de déplacement spécifique versée aux forces mobiles, les rapporteurs spéciaux se sont assuré que la compensation de son assujettissement, depuis 2017, aux prélèvements sociaux sera bien effective. En 2018, cette compensation contribuera pour 4,1 millions d’euros à l’augmentation de la masse salariale.

L’IJAT, qui s’élevait à 30 euros en 2015 a été revalorisée par paliers successifs pour atteindre 39 euros en 2 ans (+ 30 %) et a été portée cette année à 42,5 euros pour tenir compte des prélèvements sociaux, la loi de finances pour 2017 dotant par ailleurs son exonération fiscale du fondement légal dont elle était jusqu’alors dépourvue (23°ter de l’article 81 du code général des impôts).

● Les moyens de fonctionnement et d’investissement sont confortés

Les dépenses hors titre 2 atteignent 1 190,2 millions d’euros en CP, en hausse de 18,53 millions d’euros (+ 1,58 %) par rapport aux CP ouverts en 2017 : + 1,26 % pour le fonctionnement et + 2,58 % pour l’investissement.

Les AE sont nettement plus élevées, atteignant 1 476,3 millions d’euros, en hausse de 13,06 %, mais cet écart est lié aux règles d’imputation de dépenses pluriannuelles. Le renouvellement d’un bail entraîne par exemple l’inscription en AE de la dépense sur toute la durée de la location.

Les hausses proviennent principalement les dépenses d’habillement pour lesquelles 203 millions d’euros sont inscrits en AE pour couvrir un marché qui sera notifié au second semestre 2018 pour une durée de 4 ans, mais la dépense de 43,4 millions d’euros en CP sur l’année 2018 est proche de celle de 2017. L’inscription des engagements pour les nouveaux marchés de gaz et d’électricité explique que les AE pour les dépenses immobilières, hors loyers, représentent plus du double des 101 millions d’euros inscrits en CP.

Évolution, en CP, des dépenses hors titre 2 du programme Police nationale

(en millions d’euros)

 

Exécution 2016

LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2017 - 2018

Total des CP

9 957,78

10 359,61

10 564,42

+ 204,81

+ 1,98 %

hors titre 2

1 119,86

1 171,67

1 190,20

+ 18,53

+ 1,58 %

part du HT2

11,25 %

11,31 %

11,27 %

 

T3 (fonctionnement)

841,16

804,52

814,65

+ 10,13

+ 1,26 %

T5 (investissement)

234,15

327,52

335,98

+ 8,46

+ 2,58 %

T6 (intervention)

44,55

39,63

39,57

- 0,06

- 0,15 %

Sources : Documents budgétaires, projets et rapport annuels de performances.

La part des dépenses hors rémunération est en léger retrait dans l’ensemble des crédits, sur un an, mais d’un niveau supérieur à l’exécution du budget 2016.

Parmi les dépenses de fonctionnement, les rapporteurs spéciaux soulignent la progression des dépenses d’équipement des fonctionnaires de police, passant de 85,5 millions d’euros en 2017 à 113,9 en 2018 (+ 33,2 % ), dont 24,6 millions d’euros pour renouveler les matériels de protection et d’intervention et 11,9 millions d’euros pour l’achat de munitions.

Il convient en particulier de souligner que les crédits de l’enveloppe de petit entretien (travaux d’aménagement et travaux d’entretien TA/TE), sensible dans le quotidien des policiers, sont portés de 35 à 45 millions d’euros, en hausse de 10 millions d’euros (+ 28,6 %). En outre, les décisions d’utilisation de ces crédits, qui relèvent aujourd’hui du niveau zonal, seront déconcentrées dans chaque circonscription de sécurité publique, au plus près du besoin.

Les dépenses d’investissement atteindront 336 millions d’euros en CP, en hausse de 8,46 % par rapport aux 327,5 millions d’euros ouverts par la loi de finances pour 2017. Mais la comparaison avec la consommation prévisionnelle des crédits pour 2017, demandée par les rapporteurs spéciaux, indique en réalité une hausse de 120,55 millions d’euros (+ 56 %).

Les annulations de crédits au cours de l’exercice 2017 ont en effet porté principalement sur les dépenses de titre 5 qui devraient atteindre 215,4 millions d’euros au final cette année, en retrait de 112 millions d’euros, soit plus d’un tiers, par rapport aux montants affichés par le précédent budget. Cet écart constitue cependant un recul modéré de 19 millions d’euros (– 8 %) par rapport à la consommation de 2016. Les crédits d’investissements continuent au final de croître, en tendance, passant de 168 millions d’euros en CP en 2015, à 234 en 2016, 215 en 2017 et 336 en 2018.

Près de la moitié de l’investissement est consacrée aux constructions et à la maintenance immobilière lourde, pour 176 millions d’euros, en hausse de 33 millions d’euros (+ 23 %) par rapport aux montants consommés en 2016.

En outre, la police nationale pourra acquérir, en 2018, 2 500 véhicules légers, grâce à une enveloppe de 61,4 millions d’euros en CP, en léger retrait par rapport aux 64 millions d’euros inscrits en 2017. La loi de finances pour 2017 annonçait 2 800 acquisitions supplémentaires, contre 2 000 effectuées chacune des deux années précédentes.

Compte tenu de la sollicitation des véhicules, il est souvent indiqué que l’acquisition d’au moins 3 000 véhicules légers par an constituerait un niveau optimal de renouvellement. Enfin les crédits destinés aux véhicules lourds sont doublés, atteignant 13,7 millions d’euros, dont une partie pour payer une commande de 100 véhicules de reconnaissance CRS effectuée en 2017.

B.   Le programme 152 Gendarmerie nationale

Les crédits du programme Gendarmerie nationale demandés pour 2018 atteignent 8,91 milliards d’euros en AE et 8,66 en CP, contre 8,81 milliards d’euros en AE en loi de finances initiale pour 2017 et 8,61 en CP.

Ces hausses sur une année sont contenues au regard de la tendance initiée en 2015 : + 98 millions d’euros en AE (+ 1,12 %) et + 49 millions d’euros en CP (+ 0,57 %), alors que les AE ont augmenté de 650 millions d’euros depuis 2015 (+ 8 %) et les CP de 461 millions d’euros (+ 6 %).

Les crédits et emplois du programme sont répartis entre cinq actions. Les trois premières équivalent aux cinq actions du programme 176 Police nationale, qui distribuent les dépenses de masse salariale en fonction de la répartition prévisionnelle des emplois sur les principales missions des forces de sécurité intérieure. La quatrième, également équivalente à une action du programme 176, porte l’ensemble des fonctions de soutien, donc l’ensemble des dépenses hors titre 2. Enfin l’action 5, Exercice des missions militaires, retrace certaines des missions spécifiques de la gendarmerie nationale en tant que force armée.

La répartition des crédits du programme entre ces actions, et leur évolution entre 2017 et 2018, figure dans le tableau suivant.

Évolution, par action, des crÉdits du programme gendarmerie nationale

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Ouverts en LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2017/2018

Ouverts en LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2017/2018

152 Gendarmerie nationale

8 814,6

8 913,4

+ 1,1 %

8 608,8

8 657,7

+ 0,6 %

01 Ordre et sécurité publics

3 347,4

3 380,4

+ 1 %

3 347,4

3 380,4

+ 1 %

02 Sécurité routière

744,8

737,3

– 1 %

744,8

737,3

– 1 %

03 Missions de police judiciaire et concours à la justice

2 023,8

2 038,9

+ 0,7 %

2 203,8

2 038,9

+ 0,7 %

04 Commandement, ressources humaines et logistique

2 563,5

2 623,1

+ 2,3%

2 357,7

2 367,4

+ 0,4 %

05 Exercice des missions militaires

135,1

133,7

– 1,4 %

135,1

133,7

– 1 %

Source : documents budgétaires, montants hors fonds de concours et attributions de produits.

● Les dépenses de rémunération sont contenues

En 2018, la masse salariale, contributions aux pensions comprises, devrait atteindre 7 306,5 millions d’euros, en hausse de 35,5 millions d’euros (+ 0,5 %). Elle représente 84,4 % du total des crédits. Les rémunérations d’activité et prestations sociales atteindront 3 590 millions d’euros, soit une hausse de 28 millions d’euros (+ 0,79 %), 2,5 fois moindre que pour la police nationale.

Le plafond des emplois est porté à 100 768 effectifs, en hausse de 459 à périmètre constant, mais de 576 effectifs en tenant compte de mesures de corrections techniques des précédents plafonds d’emplois.

C’est l’effet de la création de 500 postes supplémentaires, conformément au plan présidentiel qui en dote la gendarmerie nationale, entre 2018 et 2022, de 2 500 sur les 10 000 prévus pour les forces de sécurité intérieure.

Cette hausse est minorée, pour 33 ETP, par l’effort de rationalisation des effectifs en administration centrale et, pour 8 ETP, par un transfert vers le programme 307 Administration territoriale, afin de renforcer les effectifs en charge de l’asile des guichets « éloignement » des préfectures.

La répartition des emplois par catégories de personnels illustre l’accélération projetée en 2018, de la déflation du corps des officiers. La suppression, l’an prochain, de 336 emplois d’officiers représentera 64 % de la baisse de 526 effectifs constatée entre 2014 et 2018, soit 7,6 % du corps. Cette baisse est plus que compensée par les créations d’emplois de sous-officiers qui atteignent 77 617 effectifs, en hausse de 1 044 en 2018 (+ 1,4 %).

RÉpartition du plafond d’emplois de la Gendarmerie nationale par catégories de personnels (en équivalent temps plein travaillé)

 

2014

2015

2016

2017

2018

Évolution 2017 - 2018

Évolution 2014 - 2018

Officiers

6 912

6 896

6 910

6 725

6 389

– 336

– 5 %

– 523

– 7,6 %

Sous-officiers

74 203

73 975

76 226

76 573

77 617

+ 1 044

+ 1,4 %

+ 3 414

+ 4,6 %

Volontaires

12 459

12 390

12 259

12 419

11 941

– 478

– 3,8 %

– 518

– 4,2 %

Civils

3 593

3 954

4 395

4 475

4 821

+ 346

+ 7,7 %

+ 1 228

+ 34,2 %

Total

97 167

97 215

99 790

100 192

100 768

+ 576

+ 0,6 %

+ 3 601

+ 3,7 %

Sources : Rapports annuels de performance jusqu’en 2016 et projets annuels de performances pour 2017 et 2018.

De même, les effectifs de civils augmentent de 346 emplois en 2018 (+ 7,7 %) accentuant légèrement le rythme de hausse de 1 228 emplois en quatre années (+ 34,2 %). Dans cet ensemble, les personnels administratifs représenteront 2 431 effectifs (+ 9 %), les personnels techniques 1 886 effectifs (+ 10,5 %) et les ouvriers d’état 504 effectifs (– 6,1 %), en baisse continue. La hausse de la part des personnels administratifs et techniques est principalement liée, en 2018, à un plan de substitution de 300 ETP de personnels militaires par des personnels civils.

L’évolution différenciée des effectifs atténue l’impact du schéma d’emplois sur la masse salariale, en raison des différences de coût de chaque catégorie d’emplois, comme le montre le tableau suivant.

Coûts moyens des personnels par catégorie d’emploi, en 2017

Catégorie d’emploi

Coût moyen global

(contribution aux pensions comprises)

Personnels administratifs

48 478 euros

Personnels techniques

44 772 euros

Ouvriers d’État

52 493 euros

Officiers (gendarmes)

124 664 euros

Sous-officiers (gendarmes)

77 688 euros

Volontaires (gendarmes)

26 815 euros

Sources : Projet annuel de performances.

Dans le budget 2018, le surcoût lié au schéma d’emploi s’élève à 17,1 millions d’euros, contre 58,8 millions d’euros en loi de finances pour 2017.

L’évolution modérée des rémunérations est accentuée par un solde négatif du GVT d’un niveau considérable qui contribue pour – 35,6 millions d’euros à l’évolution de la masse salariale, alors que solde du GVT a été positif de 50,5 millions d’euros en 2016 et négatif de seulement 700 000 euros en 2017. L’effet de noria lié au remplacement des départs en retraite par des primo-recrutement augmente et atteint – 84 millions d’euros alors que l’effet positif de + 48 millions d’euros, lié aux déroulements de carrières, diminue de 11 millions d’euros en une année.

61,7 millions d’euros sont inscrits 2018 pour financer les mesures catégorielles statutaires et indemnitaires, en retrait de 16 millions d’euros par rapport à 2017 mais de deux fois supérieurs aux montants dépensés en 2016.

C’est l’effet en particulier de la deuxième année de mise en œuvre des mesures propres à la gendarmerie nationale du protocole du 11 avril 2016 de valorisation des carrières, des compétences et des métiers, pour 29,6 millions d’euros en 2018, après 48,8 millions d’euros en 2017.

Comme pour la police nationale, la progression salariale est contenue par l’absence de revalorisation, en 2018, du point d’indice de la fonction publique, qui accru la dépense de 28,7 millions d’euros en 2017. De même une économie de 4,38 millions d’euros est attendue de l’instauration d’un jour de carence.

Enfin la compensation de l’assujettissement aux prélèvements sociaux de l’IJAT versée aux gendarmes mobiles occasionne un surcoût de 5,59 millions d’euros, portant le total de la dépense, sur ce poste, à 98,7 millions d’euros hors contributions Pensions.

 

Le « trou à l’emploi » du programme 152 est contenu

Compte tenu de l’écart entre le plafond (limite des recrutements possibles) et les emplois réalisés, les effectifs réels de la gendarmerie devraient atteindre 99 229 ETPT en 2018, contre 98 664 prévus en 2017 et 96 036 réalisés en 2016.

La gendarmerie nationale se trouve dans une position singulière au regard des écarts habituels entre les effectifs que la masse salariale d’un programme peut rémunérer d’une part et le plafond ministériel d’emplois d’autre part.

Le plafond est nécessairement plus élevé pour assurer une marge de sécurité et l’écart peut varier au fil des ans en fonction de l’ampleur des mouvements d’entrée et de sortie d’effectifs. Cependant, pour le programme 152, cet écart est important et devenu structurel à partir de la fin de la décennie 2000. Le « trou à l’emploi » qui résulte du décalage entre le niveau du plafond d’emplois et les ressources budgétaires du programme avait dépassé 2 % du plafond des emplois en 2010 et en 2014. En 2017 et 2018, cet écart se stabilise autour de 1 500 effectifs en ETPT, soit 1,53 % du plafond.

Un pilotage fin des affectations par la gendarmerie nationale répartit le stock des vacances d’emplois dans l’ensemble des unités de façon à ce que le déficit d’emploi ne se pérennise pas sur les mêmes. Le niveau de vacance peut donc être adapté en fonction des évolutions de la délinquance et des besoins. L’amélioration du suivi des comportements des agents à l’approche d’une fin de fonction, dans les unités opérationnelles, permet en outre de réduire le niveau de vacance des postes.


● La contribution décisive de la réserve opérationnelle

Outre ces effectifs d’environ 100 000 personnels, la gendarmerie nationale peut compter sur la réserve opérationnelle, en fonction du niveau d’activité que le budget lui permet de financer. En 2018, elle pourra compter sur près de 30 000 réservistes.

La gendarmerie nationale emploie des réservistes dans plus de 80 % de ses missions. Par la diversité de leurs parcours et de leurs compétences, et par leur disponibilité et leur engagement, ils représentent un atout majeur de nos forces de sécurité intérieure. À titre d’exemple, 16 réservistes disposant de compétences indispensables à la gendarmerie nationale ont pu être projetés, en 48 heures, sur les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy après le passage de l’ouragan Irma, rapidement suivis d’une compagnie entière de réservistes, équivalent à deux escadrons de gendarmes mobiles.

La « garde nationale », instituée par un décret n° 2016-1364 du 13 octobre 2016 s’appuie sur les structures existantes des réserves opérationnelles de la police, de la gendarmerie et des armées. Le directeur général de la gendarmerie nationale a rappelé aux rapporteurs spéciaux son souhait que cette mise en commun, qui ne modifiera pas les chaînes de commandement, apporte des simplifications utiles pour l’ensemble de la réserve militaire, par la forfaitisation de la solde des réservistes et une modification de la périodicité des visites médicales.

Les objectifs assignés à la garde nationale ont conduit la gendarmerie nationale à accroître rapidement les niveaux de recrutement et de déploiement des réservistes. En 2016, la gendarmerie nationale a disposé de 26 221 réservistes, qui ont réalisé 786 185 jours de réserve, soit près de 30 par volontaire. Pour les huit premiers mois de l’année 2017, la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale a comporté 29 104 réservistes pour 674 404 jours d’activité, soit plus de 23 jours par volontaire. Les niveaux d’activité 2016 devraient donc être largement dépassés cette année.

Ce regain contraste avec le déclin constaté entre 2011 (628 000 journées d’activité pour 23 600 réservistes pour une dotation de 49,8 millions d’euros) et 2014 (468 000 journées d’activité soit 20 jours par réserviste par an, pour 39,5 millions d’euros de crédits).

En 2017, les dépenses de rémunération des réservistes devraient atteindre 98,7 millions d’euros, alors que seuls 62 millions d’euros ont été inscrits en loi de finances. Le solde est donc prélevé cette année, en gestion, sur d’autres enveloppes de crédits de titre 2.

Pour le budget 2018, les rapporteurs spéciaux se sont bien assurés que 98,7 millions d’euros de crédits sont inscrits au titre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale, ce qui garantit la soutenabilité de sa montée en charge.

Les surcoûts liés aux opérations outre-mer

Depuis 1993, un dispositif dit « Matignon », mis en place après arbitrage du Premier ministre, définit la contribution jugée « normale » de la gendarmerie aux renforcements des capacités de maintien de l’ordre et de sécurité publique dans les départements et collectivités d’outre-mer. Le coût annuel pour 2016 atteint 56 millions d’euros : 24,6 millions d’euros de dépenses de titre 2 pour des IJAT (+ 3,3 millions d’euros) et 31,46 millions d’euros pour des dépenses hors titre 2 (+ 2,1 millions d’euros), dont 15,6 pour l’alimentation, 8,8 pour les transports et 7 de fonctionnement courant. L’effectif global mobilisé est de 55 officiers et 1 399 sous-officiers (dont 434 en Guyane, 286 en Nouvelle-Calédonie et 142 à Mayotte).

Les opérations intérieures, dites « OPINT » par opposition aux opérations extérieures, engagent les unités de force mobile de gendarmerie au-delà du niveau déterminé par le dispositif « Matignon ». Ces opérations se composent en premier lieu du renforcement permanent du dispositif Matignon. Pour la Guadeloupe, la Guyane et la Nouvelle-Calédonie, il dépasse 3,2 millions d’euros en 2016. Il peut s’agir en second lieu de renforts ponctuels liés à des visites ministérielles ou présidentielles mais pour des montants très faibles en 2016.

● Des marges de manœuvre pour le fonctionnement et l’investissement

Les dépenses hors titre 2 représentent 15,6 % des crédits inscrits en 2018 pour le programme 152 Gendarmerie nationale contre 11,7 % pour le programme 176 Police nationale.

Cet écart provient des dépenses de fonctionnement : 1,39 milliard d’euros en CP en 2018 pour la gendarmerie contre 814 millions d’euros pour la police nationale dont le budget total est pourtant plus élevé. Ces crédits doivent en effet répondre à des besoins spécifiques en matière de casernement et d’équipement.

Les dépenses totales hors titre 2 atteignent 1 351,2 millions d’euros en CP, en hausse de 13,5 millions d’euros (+ 1 %) par rapport aux CP ouverts en 2017. Une hausse de 66 millions d’euros de l’investissement (+ 47,4 %) compense une baisse de 50,9 millions d’euros du fonctionnement ( 4,28 %).

Évolution, en CP, des crÉdits du programme Gendarmerie nationale

En millions d’euros

Exécution 2016

LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2017-2018

Total des CP

8 308,26

8 608,77

8 657,74

+ 48,97

+ 0,57 %

Hors titre 2

1 310,10

1 337,77

1 351,24

+ 13,47

+ 1,01 %

Part du hors titre 2

15,77 %

15,54 %

15,61 %

 

Titre 3 (fonctionnement)

1 146,75

1 190,56

1 139,63

– 50,94

 4,28 %

Titre 5 (investissement)

156,80

139,30

205,33

+ 66,02

+ 47,40 %

Titre 6 (interventions)

6,55

7,90

6,29

– 1,61

 20,42 %

Sources : Documents budgétaires, projets et rapport annuels de performances.

La part des dépenses hors masse salariale (15,6 %) augmente de 0,1 point par rapport aux montants inscrits en loi de finances initiale 2017.

Sur cet ensemble, 495,1 millions d’euros en CP sont inscrits au titre des loyers de droit commun, qui doivent donc être obligatoirement acquittés. Comme le directeur général de la gendarmerie nationale l’a fait valoir aux rapporteurs spéciaux, seuls 850 millions de crédits hors titre 2 sont donc susceptibles de faire l’objet d’arbitrages du responsable de programme, lorsqu’il lui revient, en début d’exercice, de geler des crédits au titre de la réserve de précaution. L’assiette de la réserve étant plus large que les crédits hors titre 2 effectivement manœuvrables, les taux effectifs de gel sur ces crédits est bien supérieur.

Mais cette contrainte, spécifique à la gendarmerie nationale, est significativement allégée en 2018, le taux global de gel ayant été ramené à 3 % alors qu’il était progressivement passé de 5 % en 2006 à 7 % en 2014, puis à 8 % à partir de 2015. Début 2018, le responsable de programme devra geler 40,5 millions d’euros de crédits (contre 108 selon le taux antérieur), ce qui correspond à 4,8 % des crédits hors titre 2 manœuvrables (contre 12,7 % avec le taux appliqué en 2017).

La modération relative des dépenses de fonctionnement, en baisse de 50 millions d’euros en CP par rapport aux montants inscrits pour 2017 et en baisse de 7 millions d’euros par rapport aux montants consommés en 2016 (– 0,6 %), provient d’économies constatées sur le fonctionnement des moyens de communication et sur les dépenses d’habillement.

Mais la plupart des postes restent rigides : outre les loyers de droit commun, en hausse de 6,5 millions d’euros, les dépenses d’énergie et de fluides liées à l’occupation du parc immobilier atteindront 80 millions d’euros, en légère baisse de 1,5 million d’euros, l’entretien du casernement coûtera 35,3 millions d’euros, comme en 2017, la maintenance en condition opérationnelle aéronautique (les hélicoptères) nécessitera 21 millions d’euros, les dépenses d’alimentation des forces mobiles mais aussi des corps de soutien approcheront 70 millions d’euros, en hausse de 5 % (contre 13,6 pour l’alimentation des forces mobiles de la police nationale).

Les dépenses de fonctionnement courant lié à l’agent atteignent un total de 227,4 millions d’euros, en hausse de 3 millions d’euros, ce qui est cohérent avec la hausse des effectifs. En particulier, l’enveloppe de 10 millions d’euros pour l’achat de munitions permettra d’accroître le nombre de cartouches tirées, chaque année, à l’entraînement. Longtemps limité à 30, il est passé à 60 et la gendarmerie nationale fixe un objectif de 90 cartouches par an.

Les dépenses d’investissement atteignent 205,3 millions d’euros en hausse de 66 sur un an (+ 47 %) et de 49 par rapport aux montants consommés en 2016 (+ 31 %).

60 millions d’euros sont inscrits pour les moyens mobiles, contre 54 en 2017 : 3 000 véhicules légers seront acquis en 2018, après la livraison, en 2017, de 2 900 véhicules, en partie en conséquence de commandes passées en 2016.

Les hausses de crédits les plus importantes concernent les opérations immobilières : 5 900 logements, contre 4 000 en 2017, bénéficieront de travaux de maintenance lourde pour 112 millions d’euros en CP. En outre 5 millions d’euros permettront de renforcer la sécurité des casernes.

La construction de casernes de gendarmerie par les collectivités territoriales

Parmi les dépenses d’intervention, de titre 6, 10 millions d’euros en AE et 6,3 en CP sont alloués aux subventions d’investissement aux collectivités territoriales qui financent des opérations immobilières de construction de casernements de gendarmerie. Cette aide en capital représente 20 % des coûts plafonds des opérations réalisées par les communes dont la population est inférieure à 10 000 habitants et qui ne bénéficient pas du concours financier d’autres collectivités. L’opération doit être limitée à 20 équivalents unité‑logement. L’aide est de 18 % dans les autres cas, le programme ne pouvant alors excéder 40 équivalents unité-logement. L’année 2018 devrait voir la livraison de 28 opérations comportant 212 logements et 35 hébergements destinés aux gendarmes adjoints volontaires.

● Les spécificités de l’emploi militaire des forces de gendarmerie

La loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale rappelle, à l’article L. 3211-3 du code de la défense, que « la gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l’exécution des lois ».

Outre les garanties de disponibilité des forces, la qualité de force armée s’illustre par la capacité de contrôler un territoire ou un point de passage. Le contrôle des axes de circulation permet tout autant de lutter contre l’insécurité routière ou d’appréhender des malfaiteurs en fuite que de contrer les organisations criminelles hiérarchisées de la délinquance itinérante qui multiplient aujourd’hui les cambriolages dans les zones périurbaines et rurales.

La qualité de force armée emporte l’exercice de missions militaires, retracé dans l’action 5 du programme qui comporte, en 2018, 133,7 millions d’euros, soit 1,54 % des crédits de la mission.

La performance du programme s’apprécie ainsi au regard de l’objectif de « Garantir l’exercice des missions militaires », mesuré par le taux d’engagement des unités dans les missions militaires : l’objectif de maintenir ce taux en dessous de 5 % du volume horaire annuel d’activités est atteint, avec 3,3 % en 2016 contre 3,8 % en 2013. Sur le territoire français, sont prises en compte les missions de protection des forces nucléaires stratégiques, des édifices militaires et des « points sensibles », le traitement des infractions militaires telles que la désertion et enfin de la préparation à la mobilisation.

Une composante éminente de ces emplois militaires concerne, à l’étranger, la défense des personnels et enceintes diplomatiques ainsi que la participation aux opérations extérieures, dans le cadre de missions militaires et de police civile.

Les menaces les plus graves s’inscrivant aujourd’hui dans un continuum entre sécurités extérieure et intérieure, la participation de la gendarmerie nationale aux opérations extérieures établit un lien entre ces dimensions, dont la gendarmerie peut tirer des enseignements opérationnels.

Effectifs de la Gendarmerie
dÉployÉs en opÉrations extérieures en 2017

Opération

Effectifs

Irak : renforts pour la garde de l’ambassade

34

Kosovo : mission civile Eulex

1

Liban : ONU (FINUL)

4

Mali : EUCAP Sahel, ONU (MINUSMA) et Barkhane

32

Niger : EUCAP Sahel et opération Barkhane

7

Centrafrique : ESN, EUTM et MINUSCA

13

Côte d’Ivoire : FFCI

4

République Démocratique du Congo : ONU (MONUSCO)

3

Tchad : opération Barkhane

5

Jordanie : opération Chammal

4

Haïti : MINUSTAH

1

Estonie : opération Lynx

2

Ukraine : mission de conseil de l’Union européenne

1

TOTAL

111

Source : ministère de l’intérieur, DGGN.

La gendarmerie nationale est ainsi engagée dans quinze opérations extérieures, détaillée dans le tableau ci-dessus, sur treize théâtres d’opérations, contre dix en 2016. Les théâtres d’opérations principaux se situent en Afrique francophone, en particulier dans la bande sahélo-saharienne, mais des gendarmes interviennent cette année pour la première fois dans des opérations en Ukraine et en Estonie.

111 officiers et sous-officiers sont mobilisés, en hausse de six effectifs par rapport à 2016. Mais la sollicitation au titre des opérations extérieures a baissé de plus de 60 % en quatre ans et le nombre de jours-gendarmes engagés dans les missions extérieures est passé de 52 938 en 2015 à 36 897 en 2016 (– 30 %).

Ces opérations extérieures occasionnent des surcoûts de masse salariale mais également de dépenses de fonctionnement courant et d’investissement sur l’action 4 du programme. Le montant total des surcoûts, qui atteignait 25,7 millions d’euros en 2012, serait cette année de seulement 5 millions d’euros en CP, dont 4 au titre des compléments de rémunération liés à la résidence à l’étranger, et un pour le fonctionnement.

C.   Le financement de la politique de sécuritÉ routiÉre

L’évolution de la mortalité routière sur longue période manifeste l’efficacité de la politique de sécurité routière : le nombre annuel de morts sur la route est passé de 18 000 en 1970 à 8 000 en 1999 et a été inférieur à 3 500 en 2013.

Selon le bilan de l’accidentalité routière en 2016 de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), 3 655 personnes ont perdu la vie sur les routes françaises en 2016 (3 477 en France métropolitaine et 178 dans les cinq départements d’outre-mer). Ce niveau est inférieur à 2012 (3 842 décès) mais supérieur à 2013 (3 427), 2014 (3 557) et 2015 (3 616).

La mortalité routière a cessé de baisser depuis 2013. Pour la première fois depuis 45 ans, elle augmente trois années de suite. Avec 54 morts par million d’habitants, ce niveau se situe au-dessus de la moyenne européenne de 50, mais très inférieur à la moyenne mondiale de 174.

En 2016, la violence routière a blessé 72 645 personnes sur les routes de la France métropolitaine (+ 2,6 %), dans 57 522 accidents corporels (+ 1,6 %). 27 187 de ces personnes ont dû être hospitalisées (+ 2,2 %).

Évolution de l’accidentalitÉ en France mÉtroPoLitaine entre 2013 et 2016

 

Accidents corporels

Tués à 30 jours

Blessés

dont blessés hospitalisés

2013

58 191

3 384

73 048

26 635

2014

56 812

3 268

70 607

25 966

2015

56 603

3 461

70 802

26 595

2016

57 522

3 477

72 645

27 187

Évolution 2015 - 2016

+ 919

+ 16

+ 1 943

+ 592

%

– 1,6 %

+ 0,5 %

+2,6 %

+ 2,2 %

Source : ONISR, bilans de l’accidentalité 2013, 2014, 2015 et 2016.

Rapportée au trafic routier, la mortalité est passée de 77 tués par milliard de véhicules kilomètres en 1977, à 15 en 2011, 7,1 en 2010 et 5,7 en 2013. Il remonte à 5,8 en 2016, où le trafic routier a augmenté de + 2,5 % ce qui constitue un facteur explicatif de la hausse des accidents, mais qui ne saurait être le seul car le mouvement antérieur de baisse s’était accompagné d’une nette augmentation du nombre de milliards de véhicules-kilomètres parcourus.

● Intensifier les contrôles de vitesse : le principal levier pour sauver des vies

Auditionné par les rapporteurs spéciaux, le délégué interministériel à la sécurité routière (DISR) a insisté sur le fait que la politique de lutte contre la violence routière, contrairement aux autres politiques de sécurité, ne cible pas des délinquants potentiels mais l’ensemble de la population : en 2016, 53 % des auteurs d’accidents mortels disposaient de tous leurs points de permis de conduire.

Selon le DISR, la vitesse constitue le principal élément causal de l’accident. Le lien est établi entre l’accidentalité routière et la vitesse moyenne des véhicules en circulation. En 2016, celle-ci s’est accrue, par rapport à 2012, de 6 km/h sur les autoroutes limitées à 130 km/h et 4 km/h sur les autoroutes et les routes limitées à 110 km/h. A contrario, le déploiement de systèmes automatisés contrôlant la vitesse des véhicules (les radars), à partir de 2002, a contribué à près des trois quarts de la baisse de la mortalité constatée entre 2003 et 2010.

La large diffusion d’applications géolocalisées signalant la présence de radars a contribué à accélérer la vitesse moyenne ces dernières années. L’utilisation très répandue d’ordiphones au volant diminue en outre l’attention des conducteurs, au détriment des publics les plus vulnérables, expliquant l’augmentation de la mortalité des piétons (+ 19,4 %) et des cyclistes (+ 8,7 %), en particulier les plus âgés.

Ce constat conforte le choix, opéré par le comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du 2 octobre 2015, d’accroître le parc de radars et de le moderniser, afin d’intensifier les contrôles de vitesse.

Évolution du parc des radars depuis 2009

Type de radar

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Radars fixes et fixes double sens

1 661

1 823

2 100

2 312

2 171

2 193

1 988

2 027

1 916

Radars discriminants

932

933

933

-

129

209

216

283

410

Radars mobiles « embarqués »

-

-

-

929

893

760

551

517

500

Radars « mobiles-mobiles »

-

-

-

-

39

129

220

307

440

Radars autonomes

-

-

-

-

-

-

5

107

336

Radars « vitesse moyenne »

-

-

-

33

26

63

92

95

97

Radars « feux rouges »

118

435

638

713

710

712

691

691

687

Radars « passages à niveau »

0

2

2

34

24

48

62

73

76

Nombre total de dispositifs

2 711

3 193

3 673

4 021

3 992

4 114

3 825

4 100

4 462

Source : Sénat, juillet 2017, Rapport d’information sur la politique d’implantation des radars de M. Vincent Delahaye fait au nom de la commission des finances.

Le parc de radars doit être porté à 4 700 équipements fin 2018, en hausse de près de 15 % par rapport à 2014, avec l’ajout de 238 l’an prochain (+ 5,4 %).

Le déploiement d’ « itinéraires de contrôle » comportant des panneaux leurres, couplé à la modification régulière de l’emplacement de radars autonomes ou à la circulation de radars embarqués dans des véhicules banalisés, vise à abaisser la vitesse moyenne de circulation sur des axes identifiés comme particulièrement accidentogènes : 40 itinéraires de contrôles par panneaux « leurres » seront réalisés fin 2017, 200 en 2018, et 300 en moyenne ensuite chaque année afin d’atteindre 1 000 itinéraires. 3 000 panneaux « leurres » signalent aujourd’hui la présence de radars mais 12 000 panneaux supplémentaires seront installés en deux ans.

De même, l’efficacité des équipements de contrôle de franchissement des feux rouges sera accrue par le déploiement de 6 000 cabines leurres d’ici 2020, pouvant accueillir jusqu’à 1 200 radars, soit près du double de l’effectif actuel. Par ailleurs, la fonction de contrôle de vitesse sera ajoutée à ces radars « feu rouge ».

Les rapporteurs soulignent que le succès de cette stratégie ne devra pas être mesuré principalement par la hausse du nombre de messages d’infraction émis par les radars, ni par la croissance éventuelle de la recette occasionnée par les avis de contravention, mais par la diminution de la vitesse moyenne constatée sur les routes de France, donc par la baisse du nombre et de la gravité des accidents.

De nouvelles infractions routières peuvent être constatées par la vidéo-verbalisation

Afin d’intensifier la lutte contre les comportements dangereux, le CISR du 2 octobre 2015 a prévu d’étendre le nombre des infractions pouvant être constatées, sans interception en bord de route, par la vidéo-verbalisation au moyen de radars homologués. Jusque fin 2016, outre le non-respect des vitesses maximales autorisées, seuls pouvaient être constatés le non-respect des signalisations imposant l’arrêt des véhicules (feu rouge, stop...), le non-respect des distances de sécurité entre les véhicules et l’usage de voies et chaussées réservées aux bus ou aux taxis.

Le décret n° 2016-1955 du 28 décembre 2016 pris en application des articles 34 et 35 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle a ajouté sept catégories d’infractions : le défaut du port de la ceinture de sécurité, l’usage du téléphone portable tenu en main, la circulation, l’arrêt, et le stationnement sur les bandes d’arrêt d’urgence, le chevauchement et le franchissement des lignes continues, le non-respect des règles de dépassement, le non-respect des « sas-vélos », le défaut de port du casque à deux-roues motorisé. La vidéo-verbalisation sera étendue en 2018 au délit de défaut d’assurance.

1.   Le programme 207 Sécurité et éducation routière

Ce programme de la mission Sécurités porte les crédits permettant d’analyser les causes de l’insécurité routière, de mener des actions locales et d’éducation routière ainsi que des compagnes de communication nationales. Il finance également le service du permis de conduire.

Le projet de budget pour 2018 inscrit 39,95 millions d’euros en hausse de 1,12 million d’euros (+ 2,88 %) par rapport à 2017. Ces montants sont proches des crédits effectivement consommés en 2015 mais supérieurs de 8 millions d’euros (+ 25 %) aux 31,9 millions d’euros consommés en 2016 après l’annulation en cours d’année de 7,17 millions d’euros en CP.

Les crédits du programme 207 constituent une part minime des moyens consacrés par l’État à la lutte contre l’insécurité routière, que le document de politique transversale joint au projet de loi de finance évalue, en 2018, à 3,58 milliards d’euros. 883,9 millions d’euros relèvent du programme 152 Gendarmerie nationale, et 511,4 millions d’euros du programme 176 Police nationale, au prorata des effectifs et des dépenses de fonctionnement et d’équipements consacrés par les deux forces à la sécurité routière.

En outre le programme 207 ne compte aucun emploi, tous ses agents relevant du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’Intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l’État pour des dépenses de titre 2 atteignant 130,6 millions d’euros pour un plafond de 2 200 effectifs.

Évolution, des crÉdits du programme 207 Sécurité et éducation routières

 

Exécution 2015

Exécution 2016

LFI 2017

PLF 2018

évolution LFI 2017/ PLF 2018

Action 1

2,61

2,97

2,88

2,87

 0,01

 0,24 %

Action 2

19,04

14,80

15,12

16,27

+ 1,16

+ 7,64 %

Action 3

17,95

21,28

20,83

20,80

 0,03

 0,14 %

TOTAL

39,61

31,91

38,83

39,95

+ 1,12

+ 2,88 %

Source : Rapports et projets annuels de performances.

L’action 1 Observation, prospective, réglementation et soutien au programme comprend des dépenses de fonctionnement de l’ONISR et des dépenses d’intervention pour des études et des expérimentations afin de mieux appréhender les risques liés à l’insécurité routière, de modifier les comportements, et d’évaluer l’efficacité des mesures de lutte contre l’insécurité routière. Les montants sont stables, par rapport à 2017, à 2,87 millions d’euros.

L’action 2 Démarches interministérielles et communication comprend les dépenses de pilotage des évolutions de la réglementation en matière de signalisation, d’équipements de la route et de circulation ainsi que les dépenses de communication sur les risques liés à la route. 16,27 millions d’euros sont demandés pour 2018, en hausse de 1,16 million d’euros (+ 7,6 %).

L’augmentation provient des dépenses de communication en direction du grand public, portées à 8 millions d’euros, mais les moyens de la délégation interministérielle à la sécurité routière sont en réalité stabilisés. L’enveloppe du programme 207 ayant été progressivement sous-dimensionnée, le responsable de programme a eu recours, jusqu’en 2017, à des crédits complémentaires du programme 751 Structures et dispositifs de sécurité routière. Les rapporteurs spéciaux se félicitent que le budget gagne en lisibilité et en sincérité sur ce point.

Les rapporteurs spéciaux saluent en outre la préservation des crédits des plans départementaux d’action et de sécurité routière (PADSR) qui mobilisent les partenaires locaux dans des actions conduites par l’État ou des collectivités, selon les orientations définies par chaque préfecture de département. Réduits de 43 % entre 2011 (11,2 millions d’euros) et 2016 (6,4 millions d’euros), ils ont été portés à 7,7 millions d’euros par la loi de finances pour 2017 (+ 20 %) et ce niveau est maintenu en 2018.

Enfin les crédits de l’action 3 Éducation routière, stables sur un an, à 20,8 millions d’euros, permettent de financer, pour 11,65 millions d’euros en 2018, l’organisation des examens du permis de conduire, qui constituent un jalon décisif du « l’éducation à la sécurité routière tout au long de la vie ». Ces crédits couvrent également le fonctionnement du réseau rassemblant les inspecteurs et des délégués du permis de conduire et de la sécurité routière (4,16 millions d’euros, en hausse de 22 % en raison d’importantes dépenses de fonctionnement et d’investissement informatiques).

Près de 5 millions d’euros de crédits d’intervention sont enfin destinés au dispositif du « permis à un euro par jour » par lequel l’État prend en charge les frais financiers d’un prêt à taux zéro accordé par les établissements bancaires (ces prêts atteignant 600 euros dans 29 % des cas et le maximum de 1 200 euros dans 52 % des cas). L’enveloppe avait été augmentée de 900 000 euros par la loi de finances pour 2017 en raison de l’élargissement du dispositif aux candidats dont la première formation, non bénéficiaire de l’aide, n’aurait pas été menée à terme ainsi qu’aux candidats déjà bénéficiaires qui, après un échec à l’épreuve pratique, souhaiteraient financer une formation complémentaire par un prêt de 300 euros. Ce surcroît de budgétisation n’apparaissant pas, au final, nécessaire, l’enveloppe est ramenée au niveau défini par la loi de finances pour 2016 (pour une consommation effective en 2016 de 2,5 millions d’euros).

2.   Le compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Conformément à l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances, un compte d’affectation spéciale (CAS) retrace des « opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ».

L’article 49 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 a institué le CAS Contrôle de la circulation et du stationnement routiers et définit des modalités d’emploi du produit des amendes forfaitaires issues de contrôles radars, dites « AF radars », en le distinguant des autres amendes de la police de la route et du stationnement, dites « AF hors radars » ainsi que des amendes forfaitaires majorées pour retards de paiement.

Comme le montre le schéma ci-après, les amendes sont réparties en deux sections du CAS: la section 1 « Contrôle automatisé » qui finance l’installation et l’entretien des radars ainsi que la gestion du système de permis à points ; la section 2 « Circulation et stationnement routiers » qui finance la généralisation du procès-verbal électronique ainsi que des opérations des collectivités territoriales en matière de transports, et participe au désendettement de l’État

 

RÉpartition prÉvisionnelle du produit des amendes en 2018

Source : Projet de loi de finances pour 2018.

Cependant, l’article 49 de la loi de finances pour 2006 prévoit qu’une partie du produit des amendes est utilisée en dehors du CAS.

D’une part, 45 millions d’euros, issus des amendes forfaitaires hors radars et des amendes majorées, sont prélevés au profit du budget général au titre du fonds interministériel de prévention de la délinquance.

D’autre part, le solde, non plafonné, du produit des amendes radars, au-delà des montants attribués par la loi de finances aux deux sections du CAS, revient à l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) au titre d’investissements routiers et en transports collectifs.

Le financement croissant de l’AFITF par le produit des amendes radars

Le produit des amendes radars constitue une ressource croissante pour l’AFITF : en 2015 l’agence a reçu 233,2 millions d’euros, soit 14,5 % des amendes forfaitaires radars. En 2016, 351,5 millions d’euros, en hausse de 50 %, ce qui a représenté 46,2 % des amendes radars de l’année. La loi de finances initiale pour 2017 a prévu que ce montant s’élèverait à 424,6 millions d’euros, en hausse de 20 %. En 2018, cette hausse devrait se ralentir, le niveau de recettes pour l’agence atteignant 450 millions d’euros (+ 6 %)


Évolution des crédits des programmes financés par le cAS

Montants de CP en millions d’euros

LFI 2017

PLF 2018

Évolution

Programme 751

249

307,8

+ 58,8

+ 23,7 %

Total section 1 du CAS

249

307,8

+ 58,8

+ 23,7 %

Programme 753

26,2

26,2

-

-

Programme 754

664,8

516,6

– 148,2

– 22,3 %

Programme 755

438,8

486,57

+ 47,8

+ 10,9 %

Total section 2 du CAS

1 129,8

1 029,3

– 100,4

– 8,9 %

TOTAL CAS

1 378,8

1 337,2

 41,6

 3 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2018.

Le plafond de recettes de chaque section est fixé directement par la loi de finances. L’article 21 du présent projet de loi de finances fait ainsi passer de 249 à 307,85 millions d’euros le plafond de recettes de la section 1 du CAS, en hausse de 58,85 millions d’euros (+ 23,7 %).

Ceci permet d’augmenter, à due concurrence, les crédits du programme 751 Déploiement et maintenance des dispositifs de contrôle automatisé, seul programme de la section. Ce programme finance en premier lieu le développement et le maintien en condition opérationnelle des radars. La stratégie de modernisation et d’extension du parc nécessitera de consacrer 178,2 millions d’euros, en hausse de 35,5 %, dont 70,8 millions d’euros au titre de l’investissement, en hausse de 53,6 %.

Ce programme finance en outre, une partie de la subvention pour charges de service public de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI), au titre du fonctionnement du centre national du traitement situé à Rennes qui édite et adresse un avis de contravention au domicile du titulaire de la carte grise. La dotation de 82 millions d’euros est stable sur un an. En outre 31,6 millions d’euros sont consacrés à la gestion des droits à conduire (le permis à points) et à la modernisation du fichier national du permis de conduire (FNPC).

Aux crédits du programme 751, il convient d’ajouter, sur la section 2 du CAS, le programme 753 Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routier qui complète la subvention pour charges de service public de l’ANTAI au titre du déploiement et de la gestion du procès‑verbal électronique (PVé) : 26,2 millions d’euros sont inscrits pour 2018, inchangés par rapport à 2017.

Les rapporteurs spéciaux s’interrogent sur la pertinence d’un tel découpage. Ils suggèrent donc de fusionner ces deux programmes, qui relèvent tous deux du délégué interministériel à la sécurité routière, de la même façon que la loi de finances pour 2017 a fusionné le programme 751 avec un ancien programme 752 qui portait spécifiquement les crédits du fichier national du permis de conduire.

Sur la section 2 du CAS, le programme 755 Désendettement de l’État consiste en réalité en un versement au budget général de l’État au titre des recettes non fiscales.

Enfin, les crédits du programme 754 Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières, sont répartis entre les catégories de collectivités territoriales, par la direction générale des collectivités locales du ministère de l’intérieur, sous le contrôle du comité des finances locales, selon différentes modalités à effets péréquateurs.

515,6 millions d’euros sont inscrits pour 2018 en forte baisse de 148,2 millions d’euros ( 22,3 %). C’est la conséquence de la dépénalisation des amendes de stationnement prévue par l’article 63 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, mais reportée au 1er janvier 2018. La pénalisation du défaut de paiement des tarifs de stationnement sur voirie a été remplacée par la faculté pour les collectivités territoriales d’établir un « forfait de poststationnement ». En conséquence, les amendes de stationnement payant n’alimenteront plus le compte d’affectation spéciale. Or leur produit avait dépassé 200 millions d’euros en 2016, soit plus de 20 % du produit de l’ensemble des amendes forfaitaires hors radar.

Répartitions du produit des amendes de police pour chaque catégorie de collectivité territoriale en 2015 et 2016

Catégorie de collectivités bénéficiaires

Répartition en 2015 des contraventions de 2014

Répartition en 2016 des contraventions de 2015

Communes de moins de 10 000 habitants

(attribution par les départements)

55,3

53,6

Communes de plus de 10 000 habitants et EPCI

330,3

361,4

Région Ile-de-France

63,8

63,9

Syndicat des transports d’Ile-de-France

127,6

127,8

Départements

64

64

TOTAL

641

670,8

Enfin les rapporteurs relèvent que l’article 160 de la loi de finances pour 2017 prévoit que le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport précisant pour l’exercice budgétaire précédent, l’exercice en cours d’exécution et l’exercice suivant, l’utilisation par l’AFITF et par les collectivités territoriales du produit des recettes qui leur est versé par le compte d’affectation.

Cette amélioration de l’information du Parlement devrait donner plus de lisibilité aux objectifs et aux moyens de la sécurité routière et permettre de mieux cerner la contribution du produit des amendes radars et hors radars à l’amélioration des routes et donc à la réduction des risques routiers.


   II. Investir dans les politiques de sÉcuritÉ : une garantie d’efficacitÉ de la dÉpense

Ce premier budget de la législature atteste du soutien qui sera apporté, sur la durée, aux forces de sécurité intérieures. Cet investissement doit permettre aux forces de sécurité de continuer de se transformer pour faire face à une menace durable et pour répondre aux demandes de sécurité de nos concitoyens.

Les rapporteurs spéciaux invitent donc à pérenniser l’augmentation des moyens, tout en évitant les déséquilibres. Mais l’investissement quantitatif doit se doubler d’une « démarche qualité », garante de l’efficience de la dépense publique. Les rapporteurs spéciaux invitent donc à engager les réformes de l’organisation des services de police et de gendarmerie susceptibles de diminuer les lourdeurs administratives, d’accroître la disponibilité des personnels et d’améliorer la qualité des relations entre la police et la population

1.   Essor des recrutements : un constat sans appel, des acquis à consolider

La sécurité est avant tout une affaire de femmes et d’hommes en action au service de leurs concitoyens : selon la devise que s’est choisie la gendarmerie, il s’agit d’abord d’une « force humaine ». Le bon niveau des effectifs de la police et de la gendarmerie, et la qualité de leur formation, constituent donc le fondement de toute politique de sécurité.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent donc rappeler que les destructions d’effectifs conduites entre 2007 et 2012, qui ne découlaient d’aucune orientation stratégique, ont désorganisé nos forces de sécurité intérieure. Les plafonds d’emplois des deux forces avaient diminué de 12 519 effectifs en cinq ans.

La gendarmerie nationale avait été contrainte de dissoudre quinze escadrons de gendarmes mobiles. Les compagnies républicaines de sécurité ont perdu plus de 2 000 effectifs et été contraintes de réduire leur format, le plus souvent, à trois sections, ce qui les a rapidement exposées à de très fortes tensions opérationnelles. En 2012, à peine 500 élèves gardiens de la paix entraient en école de police, ce qui revenait à sacrifier l’avenir.

plafonds d’emplois des forces de sécurité intérieure depuis 2007 (en ETPT)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Police nationale

149 965

148 563

146 180

144 790

145 434

143 689

142 317

143 606

145 197

147 076

149 079

150 708

Gendarmerie nationale

102 101

101 134

99 509

98 155

97 068

95 858

97 093

97 167

97 215

99 790

100 192

100 768

TOTAL

252 066

249 697

245 689

242 945

242 502

239 547

239 410

240 773

242 412

246 866

249 271

251 476

Évolutions annuelles

- 2 369

- 4 008

- 2 744

- 443

- 2 955

- 137

+ 1 363

+ 1 639

+ 4 454

+ 2 405

+ 2 205

- 0,94 %

- 1,61 %

- 1,12 %

- 0,18 %

- 1,22 %

- 0,06 %

+ 0,57 %

+ 0,68 %

+ 1,84 %

+ 0,97 %

+ 0,88 %

Source : Rapports annuels de performances de 2007 à 2016, projets annuels de performances pour 2017 et 2018.

Initiées en 2014 et devenues massives à partir de 2015, les créations d’emplois de policiers et de gendarmes ont accru les effectifs de 10 703 emplois en quatre ans. En 2018, les effectifs de policiers dépasseront, pour la première fois, le niveau de 2007, et la gendarmerie nationale retrouvera le niveau des effectifs de 2009.

Il en résulte un accroissement considérable des flux de recrutement : en 2016 et 2017, 28 000 nouveaux policiers et gendarmes sont entrés dans cadres afin de compenser les départs en retrait et d’accroître le total des effectifs.

ÉVOLUTION DES RECRUTEMENTS de PERSONNELS DE LA POLICE NATIONALE

CORPS

exécution 2012

exécution 2013

exécution 2014

exécution 2015

exécution 2016

prévision 2017

PLF 2018

Commissaires

41

54

48

52

50

80

58

Officiers

70

70

66

66

69

71

70

Gradés et gardiens

510

2 056

2 628

2 917

4 731

4 505

3 376

Adjoints de sécurité

2 014

3 284

3 321

3 162

4 611

3 407

2 814

Administratifs, techniques et scientifiques

569

880

1 182

1 163

1 495

1 710

1 569

TOTAL

3 204

6 344

7 245

7 360

10 956

9 773

7 887

Sources : ministère de l’intérieur, direction générale de la police nationale.

● Une stratégie résolue de substitution des emplois

Ces recrutements d’un niveau inédit irrigueront les différents services, en 2018, pour la quatrième année consécutive. Ceci permettra d’amplifier la politique, initiée timidement à la fin de la précédente législature, qui accroît dans ces recrutements, la part des personnels administratifs et techniques, afin de les substituer à des personnels actifs pour la police nationale, ou, pour la gendarmerie, à des militaires, sur les emplois qui le justifient.

Cette stratégie de substitution recentre les corps actifs sur les fonctions pour lesquelles ils ont été initialement formés et confie les fonctions de soutien à des personnels spécialisés. Elle doit permettre de rendre plus de policiers et de gendarmes effectivement disponibles sur des missions de sécurité. Elle atténue en outre l’impact des hausses d’effectifs sur la croissance de la masse salariale.

L’Inspection générale de l’administration (IGA) a réalisé, en 2014, une cartographie des emplois sur la base d’une typologie des fonctions de soutien commune aux deux forces de sécurité intérieure. Il en ressort qu’elles consacrent approximativement 15 % des agents aux fonctions de soutien mais que la part des personnels de corps actifs dans ces fonctions est de 33 % dans la police et de 27 % dans la gendarmerie.

L’IGA propose une cible de moins de 20 % d’agents des corps actifs dans les fonctions de soutien, afin de maintenir la possibilité d’affecter à des missions non-opérationnelles des agents qui, pour des raisons médicales notamment, ne peuvent plus assumer de missions de police. Outre le gain opérationnel, elle en évaluait l’économie potentielle à 83 millions d’euros par an pour les deux forces.

Sur la période triennale 2015-2017, un objectif modeste a été fixé de substitution de 750 emplois. En 2016, pour la police nationale, des personnels administratifs ont été substitués à des personnels actifs sur 110 emplois et des personnels techniques sur 44 autres de ces emplois.

Le budget pour 2018 permet un changement d’échelle. Pour la police nationale, sur les 1 376 emplois supplémentaires, 500 permettront des substitutions de personnels. Ce niveau devra être maintenu pendant toute la durée du plan présidentiel, atteignant donc 2 500 emplois. Pour la gendarmerie nationale, 300 substitutions de militaires par des personnels civils sont attendues, pour un total de 1 500 en cinq ans. Il a été indiqué aux rapporteurs spéciaux que les remplacements de personnels au moment des départs en retraites ne suffiront pas pour atteindre ces objectifs : des changements d’affectations de personnels en poste seront nécessaires, ce qui exigera un pilotage beaucoup plus résolu et un suivi beaucoup plus fin des substitutions.

● Les défis de la modification des durées et cycles de travail

Pour que les forces de sécurité intérieure bénéficient pleinement des créations de postes, il convient de maîtriser les évolutions de leur temps de travail et de limiter les besoins supplémentaires en personnels qui pourront en résulter.

Les contraintes propres au travail des policiers et des gendarmes peuvent en effet être difficiles à concilier avec les règles de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. Dans un objectif de santé et de sécurité au travail, la directive prévoit, pour tout travailleur, onze heures de repos physiologique par jour et une durée maximale de travail de 48 heures par semaine.

Depuis septembre 2016, un règlement provisoire de la gendarmerie nationale accorde ces onze heures de repos physiologique par jour, au moyen de périodes de repos compensateur. Selon les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux par le directeur général de la gendarmerie nationale, il en résulterait une diminution de 5,5 % de l’activité moyenne des gendarmeries départementales en métropole. L’activité en heures de nuit diminuerait de 3 %. L’augmentation des périodes de repos compensateur pourrait réduire de 12 % l’activité de la gendarmerie mobile. En outre, un stock de périodes de repos compensateur se constitue progressivement, atteignant, 9h30 par effectif en octobre 2017. Cependant les repos compensateurs sont délivrés, comme les repos journaliers, dans la position de service de l’astreinte, ce qui préserve la capacité de montée en puissance de la gendarmerie en cas de crise.

Une clarification est par ailleurs indispensable concernant la durée maximale de travail hebdomadaire : une limite de 48 heures calculée sur une semaine serait incompatible avec les exigences opérationnelles des crises graves et des grands événements. Une approche annualisée est donc indispensable.

Concernant la police nationale, les exigences de respect de la directive européennes ont été rappelées par un décret n°2017-109 du 30 janvier 2017 modifiant le décret n° 2002-1279 du 23 octobre 2002 portant dérogations aux garanties minimales de durée du travail et de repos applicables aux personnels de la police nationale. Un arrêté en cours de rédaction doit en préciser les modalités d’application et fait l’objet de négociations avec les organisations syndicales représentatives. Il a été indiqué aux rapporteurs spéciaux que l’arrêté prendra en compte les spécificités des déplacements et des missions d’investigation.

Mais l’enjeu provient surtout de la mise en place de nouveaux cycles horaires. Le cycle de travail dit du 4/2 (quatre vacations travaillées suivies de deux jours de repos) est conforme à la directive, dans la majorité de ses modalités, mais il ne permet pas à un gardien de la paix de disposer de plus d’un week-end (samedi et dimanche consécutifs) en famille sur six, hors congés annuels. Cela permet difficilement de concilier, sur la durée, vie professionnelle et vie familiale.

Jusqu’à la fin de cette année, la mise en œuvre de la réforme des cycles de travail des gardiens de la paix a relevé de chaque direction départementale, principalement sur la base de deux cycles libérant un plus grand nombre de week-ends comme le « 4/2 compressé » et surtout le cycle de la « vacation forte », qui a été retenu, à ce jour, dans 15 % des circonscriptions de sécurité publique. Mais il peut en résulter des contraintes au plan opérationnel et des besoins d’effectifs supplémentaires, à niveau d’activité constante, dans les plus petites circonscriptions de sécurité publique.

Le directeur général de la police nationale a indiqué aux rapporteurs spéciaux qu’avant d’autoriser toutes nouvelles modifications, il fera réaliser, tout au long de l’année 2018, une évaluation des effets des cycles horaires tenant compte de l’activité des services, du ressenti des agents, des effets sur l’absentéisme et sur la santé au travail.

Dotée d’une méthodologie solide, cette évaluation fera appel à des spécialistes des ressources humaines et à des médecins de prévention. Les conclusions devront permettre, à partir de 2019, de redéfinir le cadre applicable à l’ensemble des services.

Sur ce sujet délicat, les rapporteurs spéciaux espèrent qu’il sera possible de concilier l’amélioration des conditions de travail, en particulier pour prévenir les risques psycho-sociaux, et le maintien de l’efficacité opérationnelle de la police nationale, en privilégiant les réformes ayant le moins d’impact sur les besoins en effectifs.

L’augmentation du stock d’heures supplémentaires de la police nationale

Au 31 décembre 2016, le stock des heures supplémentaires des effectifs de la police nationale, tous corps confondus, s’élève à 20,09 millions d’heures. Il est en hausse de 1,3 million d’heures par rapport à l’année précédente (+ 6,95 %) après une hausse de 1,6 million d’heures en 2015 (+ 9,32 %). La moyenne des heures supplémentaires par agent s’élève à 152, contre 144 en 2015 et 133 en 2014.

Statutairement, seul le corps d’encadrement et d’application bénéficie du décompte des heures supplémentaires. Les heures supplémentaires des gardiens de la paix progressent de 9,51 % en 2016, la moyenne nationale d’heures supplémentaires par agent atteignant à 180 heures. Les autres agents bénéficient de l’application du principe de récupération.

Les agents des compagnies républicaines de sécurité sont cependant indemnisés pour les heures supplémentaires réalisées au cours de déplacements en unité constituées et d’une durée supérieure à huit heures : le coût est effectivement pris en compte dans les crédits de titre 2 du programme. Il devrait atteindre 23,5 millions d’euros en 2017, en retrait par rapport aux 25,7 millions d’euros versés en 2016, année de sollicitation exceptionnelle sur des missions de maintien de l’ordre public.

Le stock d’heures supplémentaires représente l’équivalent de 13 000 ETP sur une année. Dans le cadre de la certification des comptes de l’État, en juillet 2013, la Cour des comptes avait recommandé de provisionner le coût d’une indemnisation du stock, sur la base d’un tarif horaire de 12,33 euros, ce qui porterait aujourd’hui le total à plus de 230 millions d’euros.

L’indemnisation du stock d’heures supplémentaire, au regard de son coût paraît difficilement soutenable, dans un contexte de hausse des effectifs. Cependant, fin 2011 et début 2012, 672 865 heures supplémentaires avaient été indemnisées, pour 16 millions d’euros.

Les rapporteurs spéciaux considèrent enfin que le renouvellement profond et durable des effectifs nécessite de consolider les financements destinés aux formations initiale et continue des personnels, et de renforcer leur pilotage. La formation et l’accompagnement professionnel doivent en effet garantir la qualité des interventions.

En 2018, les crédits de fonctionnement dédiés à la formation atteignent 13,1 millions d’euros pour la gendarmerie nationale et 22,28 millions d’euros pour la police nationale, auxquels s’ajoute une subvention pour charges de service public de 22 millions d’euros pour l’école nationale supérieure de police (ENSP).

Les rapporteurs spéciaux estiment qu’une attention particulière doit être portée à la formation continue des forces mobiles, au regard de leur niveau de sollicitation. Or les gendarmes mobiles consacrent aujourd’hui 21 jours par an à la formation collective, loin de l’objectif affiché de 35 jours par an.

À partir de 2018, le Centre national de formation à la sécurité publique (CNFSP), situé dans la nouvelle école de gendarmerie inaugurée, en novembre 2016, à Dijon, sur une ancienne base de l’armée de l’air, devra permettre de systématiser la formation continue des gendarmes des brigades territoriales. Chacun d’eux devra y suivre un temps de formation continue d’au moins une semaine, au minimum tous les cinq ans.

Au sein de la police nationale, une nouvelle direction centrale du recrutement et de la formation a été créée début 2017, afin de mutualiser les ressources de formation des directions. Ses objectifs en matière de formation numérique ont été présentés aux rapporteurs spéciaux. Au premier semestre 2018, la formation des gardiens de la paix en écoles sera également rénovée.

Plusieurs organisations syndicales de policiers ont par ailleurs alerté les rapporteurs spéciaux sur la situation très difficile de l’immobilier du site de l’ENSP à Cannes-Écluse, où sont formés les officiers de police, alors que la situation est bien meilleure sur le site de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, réservé aux commissaires. Le regroupement sur un seul site est régulièrement proposé, afin de réduire les coûts de fonctionnement de l’ENSP et d’offrir le même lieu de formation aux deux catégories de cadres de la police nationale. Si la perspective de fermeture d’un établissement peut paraître difficile dans un contexte d’augmentation des besoins de formation, les rapporteurs spéciaux invitent à réexaminer cette question, dans le cadre d’une approche globale de l’organisation du maillage des écoles de police et de gendarmerie.

2.   Équipements des forces de sécurité : un engagement sur la durée

Les rapporteurs spéciaux rappellent qu’entre 2007 et 2012, les crédits d’investissement ont baissé de 16 % pour la police nationale et de 18 % pour la gendarmerie nationale.

C’est face au défi du terrorisme djihadiste, dans l’épreuve et en urgence, qu’à partir de 2015, les forces de sécurité ont bénéficié de plans sectoriels et temporaires de renforcements.

Outre les recrutements supplémentaires et les crédits de fonctionnement requis par la sollicitation accrue des personnels, ces plans ont porté des crédits d’investissement importants, détaillés ci-après.

crÉdits d’investissement des plans de renforcement (2015-2017)

Autorisations d’engagement, en millions d’euros

2015

2016

2017

TOTAL

Plan de lutte anti-terroriste (PLAT)

78

5

5,5

88,5

Pacte de sécurité (PDS)

93,5

73,5

167

Plan de lutte contre l’immigration clandestine

 

7,1

 

7,1

TOTAL

78

105,6

79

262,6

Source : ministère de l’intérieur.

Le surcroît d’équipement a permis de renforcer les moyens de protection (en acquérant plus de 28 000 gilets pare-balles et plus de 5 000 casques et visières pare-balles), ainsi que d’accroître l’armement (dont 3 000 pistolets mitrailleurs HK UMP). Les moyens de captation de données, de géolocalisation et de modernisation des moyens informatiques et de transmission ont été renforcés. 2 500 véhicules supplémentaires ont été commandés sur ces crédits.

Mais beaucoup reste à faire, pour que nos policiers et nos gendarmes disposent de la totalité des outils nécessaires. Les rapporteurs spéciaux saluent la poursuite de ce rattrapage par le budget 2018 qui « socle » les apports passés des plans exceptionnel. Désormais, les moyens supplémentaires ne proviendront plus d’une succession de plans fléchés sur des projets spécifiques, mais seront pleinement intégrés dans la programmation budgétaire. Par rapport à 2015, il en résulte un doublement global des moyens des deux forces pour investir, comme le montre le tableau suivant.

Dépenses d’investissement de la police et de la gendarmerie nationales

(Crédits de paiements en millions d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

évolution 2017-2018

évolution 2016-2018

évolution 2015- 2018

Police nationale

168,2

234,1

327,5

336

+ 8,5

+ 2,6 %

+ 101,8

+ 43,5 %

+ 167,8

+ 99,8 %

Gendarmerie nationale

101,3

156,8

139,3

205,3

+ 66

+ 47,4 %

+ 48,5

+ 31 %

+ 104

+ 102,7 %

Total

269,5

391

466,8

541,3

+ 74,5

+ 16 %

+ 150,4

+ 38,5 %

+ 271,8

+ 100, 9 %

Source : rapports annuels de performances pour 2015 et 2016, projets annuels de performance pour 2017 et 2018.

Dans la durée, les deux forces disposeront du bon niveau de crédits d’investissement pour moderniser leurs outils de travail, notamment en tirant parti de l’essor des technologies numériques.

L’utilité de cette stratégie est attestée, fin 2017, par le déploiement à grande échelle du programme NEOGEND, qui équipe la gendarmerie nationale de 65 000 tablettes numériques. Le gendarme connecté dispose ainsi de ses services collaboratifs et accède à ses applications métier à l’extérieur, selon le principe des « brigades hors-les-murs ». Les expérimentations conduites dans le département du Nord et en région Bourgogne-Franche-Comté ont démontré l’effet de densification des missions pendant le temps de patrouille, chaque gendarme pouvait solliciter beaucoup plus facilement les fichiers et applications métiers.

Ce programme a été conduit par le ST(SI)², service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure, commun aux deux forces, pour un coût total de 65,5 millions d’euros entre 2015 et 2019. Une version adaptée aux besoins opérationnels de la police nationale NEOPOL sera déployée d’ici 2019 et pourra, dès 2018, être expérimentée dans le cadre de la police de sécurité du quotidien. Les rapporteurs spéciaux relèvent en outre que les tablettes numériques remplacent les terminaux embarqués, fixés sur les véhicules. À terme, cette évolution permet d’envisager la location d’une partie de la flotte de véhicules légers, ce qui accroîtra la souplesse de gestion des équipements.

Les rapporteurs spéciaux insistent sur la nécessité de préserver l’investissement dans les systèmes d’information, alors que ces enveloppes de crédits ont pu être, par le passé, victimes d’arbitrages budgétaires de courte vue.

À court terme, il s’agit d’éviter l’obsolescence d’outils de travail, ou l’indisponibilité de fichiers métiers. 50 millions d’euros en CP du programme 176 permettront donc en 2018, de faire évoluer des fichiers existants et de développer des applications spécialisées pour le renseignement et l’investigation.

Ces investissements doivent également procurer des gains opérationnels de moyen et long termes parfois considérables. La modernisation des systèmes radio constitue par exemple un chantier très lourd. Le passage à la communication par données (data) à un horizon de dix ou quinze ans, s’il est mis en œuvre, aurait un effet important de mutualisation des systèmes d’informations non seulement de la police et de la gendarmerie mais aussi de la sécurité civile et du SAMU.

● Accélérer la remise à niveau de l’immobilier

En 2018, les dépenses de construction et de maintenance lourde immobilières nécessiteront 176 millions d’euros en CP pour la police nationale et 132,5 pour la gendarmerie. La quatrième année du plan d’urgence 2015-2020 de réhabilitation du parc domanial de la gendarmerie bénéficiera de 100 millions d’euros, contre 70 millions d’euros les années précédentes. 5 900 logements de gendarmes seront rénovés.

Selon le directeur général de la gendarmerie nationale, la rénovation complète du parc nécessite près de 400 millions d’euros d’investissements supplémentaires, ce que ne permet pas la programmation budgétaire. Surtout, cela dépasse les capacités des secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI) de conduite de projets en en assumant la maîtrise d’ouvrage publique.

Les rapporteurs spéciaux invitent donc à explorer toutes les possibilités de recours aux partenariats avec les collectivités territoriales candidates pour assurer la maîtrise d’ouvrage de la réalisation de commissariats de police ou de casernes de la gendarmerie, en contrepartie du versement ultérieurs de loyers.

L’article L. 131141 du code général des collectivités territoriales autorise les collectivités territoriales à construire, acquérir ou rénover des bâtiments destinés à être mis à la disposition de l’État pour les besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationale. Ce dispositif, établi par la loi n°2002-1094 du 9 août 2002 d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure, pour une durée initiale de cinq ans est apparu particulièrement utile et a été rétabli en 2011 puis prorogé en 2013, mais il s’éteint le 31 décembre 2017.

Sauf modification législative, il ne sera plus possible en 2018 de prévoir le financement et la maîtrise d’ouvrage de projets immobiliers par les collectivités territoriales en contrepartie de loyers de l’État.

Cela concernerait aujourd’hui 225 projets des casernes de gendarmerie, pour un montant d’investissement local de 600 millions d’euros, de même qu’une demi-douzaine de projets de commissariats ou d’hôtels de police  dont celui de Nice, dont le montant approche 200 millions d’euros.

En conséquence, le Gouvernement a présenté un amendement au présent projet de loi finances prorogeant le dispositif existant jusqu’en 2020, et, sur avis favorable des rapporteurs spéciaux, cet amendement a été accepté par la commission des finances.

Les rapporteurs spéciaux soulignent que la loi de finances constitue en effet le bon vecteur pour éviter tout blocage l’année prochaine mais qu’il ne paraît cepedant pas optimal de rétablir ou proroger, tous les trois ou quatre ans, un dispositif utile. Ils invitent donc à définir un dispositif pérenne avant la fin de la législature.

● Lutte anti-terroriste : une modernisation sans relâche

Les plans de renforcement ont financé prioritairement les services de renseignement et de lutte anti-terroriste. La direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a par exemple pu engager, chaque année, entre 20 et 25 millions d’euros pour renforcer ses capacités techniques. Les crédits hors titre 2 du budget opérationnel de programme Renseignement intérieur de la police nationale atteignent 44,3 millions d’euros en 2017, contre 37,7 en 2016 (+ 17,5 %).

Lors de leur déplacement auprès du groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), les rapporteurs spéciaux ont pu apprécier l’étendue et la qualité des équipements nécessaires aux missions des forces d’intervention du contre-terrorisme. Pour l’année en cours, sur 12 millions d’euros de dépenses hors titre 2 du GIGN, 4 millions d’euros proviennent encore des crédits exceptionnels issus du PLAT.

Les équipements doivent s’adapter à l’évolution de la menace, alors même que certaines technologies de pointe deviennent accessibles à nos adversaires. La veille technologique est donc constante et les coûts sont accrus par les exigences de montée en gamme des équipements.

Au sein du GIGN, un service équipement procède à des expérimentations et à des modifications de matériels pour adapter les équipements, « sur mesure », aux besoins opérationnels, en s’appuyant sur les retours de terrain des équipes d’intervention.

Des partenariats noués avec des entreprises privées pour adapter des équipements de pointe permettent de réaliser des économies sur les achats ou d’apporter des nouveaux financements. Formalisée dans un « business plan », la recherche de ressources complémentaires provenant de partenaires privés contribue au budget du GIGN à hauteur de 1,1 million d’euros en 2017.

Le GIGN et le RAID sont parvenus à l’interopérabilité de leurs réseaux de communication et partagent désormais une même sémantique opérationnelle. Le nouveau schéma national d’intervention (SNI) a remplacé les anciennes compétences territoriales ou sectorielles par un principe de proximité : c’est l’unité la plus proche du lieu où se situe la menace qui intervient.

 

Le maintien à un haut niveau de la menace terroriste

Au cours de l’année 2016, 418 personnes ont été interpellées dans le cadre d’enquêtes relatives au terrorisme djihadiste, en hausse de 30 % par rapport à 2015, après une hausse de 73 % par rapport à 2014. Au 1er janvier 2017, la direction de l’administration pénitentiaire du ministère de la justice fait état de 390 écrous (prévenus ou condamnés), dont 18 mineurs et 36 femmes, pour des faits liés à une entreprise terroriste djihadiste. Sur les huit premiers mois de l’année 2017, 256 personnes ont été interpellées dans le cadre d’enquêtes relatives à ce terrorisme (dont 122 pour des filières Syriennes) ce qui est comparable au niveau de menace de l’année précédente.

En matière de renseignement, les directeurs généraux des deux forces de sécurité intérieure ont attesté de la pleine effectivité du fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation terroriste (FSPRT).

Il contribue au décloisonnement des pratiques des différents services. Les échanges sont désormais permanents entre le service central de renseignement territorial de la police nationale (SCRT) et la sous-direction de l’anticipation opérationnelle de la gendarmerie (SDAO), ainsi que leurs réseaux territoriaux. Les accueils croisés de personnels des deux forces construisent une culture de partage des informations.

Les garanties de coopération des services sont au demeurant apportées, au plus haut niveau, par l’instauration, auprès du Président de la République, d’un coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme et, en son sein, d’un centre national de contre-terrorisme ([2]).

3.   Garantir l’efficience des moyens supplémentaires

À moyens constants, la qualité de l’intervention des forces de sécurité dépend des synergies au sein de chaque force et entre la police et la gendarmerie. Elle dépend également de la disponibilité effective des personnels que des charges ou des obstacles ne doivent plus détourner de leurs missions de sécurité.

● Poursuivre les rapprochements entre services et entre forces de sécurités

Les rapporteurs spéciaux ne méconnaissent pas les nombreux acquis en matière de mutualisation des fonctions support.

La création en 2013 du service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI) a amélioré le recours à la commande publique. De même, les SGAMI ont érigé les zones de sécurité et de défense en échelon commun de gestion des deux forces et mutualisé des fonctions support d’immobilier et de paie.

Les rapporteurs spéciaux relèvent que les hélicoptères de la gendarmerie sont mis à la disposition de la police sur la base d’un protocole fixant une enveloppe d’heures de vol à utiliser sous forme de droit de tirage. Des progrès ont également été accomplis pour mutualiser la formation aux langues ou à l’identification des faux documents.

La feuille de route du ministère de l’intérieur prévoit en outre de mutualiser les moyens de la police nationale, de la préfecture de police et de la gendarmerie en matière de formation cynophile et de conduite des deux-roues. Une mutualisation avec les services de la sécurité civile sera engagée pour la formation au secours de montagne.

Des rapprochements sont également attendus entre les formations spécialisées de la police technique et scientifique, conformément aux recommandations de la Cour des comptes présentées dans l’encadré ci-après.

Les rapporteurs spéciaux rappellent que chaque projet de mutualisation doit d’abord être apprécié à l’aune de gains opérationnels pour les services, objectivés par une étude d’impact qui en évalue les économies effectives de long terme en tenant compte des surcoûts transitoires, parfois importants, ainsi que des effets sur la pleine disponibilité du service pour les forces de sécurité.

 

Les enjeux de la mutualisation des moyens de police technique et scientifique

Exerçant sa mission d’assistance au Parlement, en application de l’article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances du 1er  août 2001, la Cour des comptes a établi, en février 2017, à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale, une enquête sur les moyens de politique technique et scientifique (PTS) de la police et de la gendarmerie nationales, et sur leur coordination.

La Cour des comptes évalue à 357 millions d’euros les moyens consacrés, 2015, à la police technique et scientifique : 306 millions d’euros sur les programmes 176 Police nationale et 152 Gendarmerie nationale et 51 millions d’euros sur le programme 166 Justice judiciaire au titre des frais de justice.

La Cour des comptes établit que l’activité de PTS a doublé entre 2011 et 2015 en raison de son utilisation quasi-systématique dans les affaires de délinquance de masse. Le fichier des empreintes digitales (FAED) recense désormais 5,5 millions d’individus et celui des empreintes génétiques (FNAEG) 2,7 millions. Le nombre de déplacement des agents de la PTS sur les scènes d’infraction a doublé et le nombre de prélèvements de traces génétiques a triplé.

Dans son enquête, la Cour relève les difficultés de pilotage spécifiques à la police nationale, alors que le fonctionnement de la gendarmerie nationale est plus intégré. Elle identifie des doublons entre les missions de la sous-direction de la PTS au sein de la direction centrale de la police judiciaire et celles de l’Institut national de la police scientifique (INPS). Cette recommandation a été rapidement suivie d’effets, un arrêté du 5 avril 2017 créant le Service central de la police technique et scientifique (SCPTS), une direction unifiée de la PTS de la police nationale, rattachée au DGPN.

La Cour invite en outre à un rapprochement résolu entre les deux forces sur les sujets de PTS, ce qui implique la définition formelle d’une stratégie du Ministère mais également interministérielle, associant le ministère de la justice, ainsi que les douanes ou la recherche. L’absence de cohérence entre les différents acteurs aboutit en effet à ce que la France se présente en ordre dispersé au sein du réseau européen dont les travaux permettent de définir les normes harmonisées qui, au final, s’imposent à nous.

La Cour invite enfin à rationaliser les implantations des équipements techniques en proposant une légère réduction du nombre de grands laboratoires publics, mais également une diminution très significative des plateaux techniques de la police et de la gendarmerie effectuant principalement des analyses papillaires (près de 300 en 2016 alors qu’une centaine suffirait selon la Cour)

Les rapporteurs spéciaux considèrent que des progrès significatifs peuvent être accomplis en passant outre le « narcissisme des petites différences » qui rend parfois difficiles des avancées pourtant dans l’intérêt des deux forces.

Par exemple, le projet d’un logiciel commun de rédaction des procédures (LRP) est bloqué, chacune des deux forces développant désormais sa propre solution, alors qu’ils appliquent un seul et même code de procédure pénale.

Les rapporteurs spéciaux relèvent également que l’anonymisation des décisions visant à prévenir les actes de terrorisme, prévue par l’article 4 de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, n’est toujours pas effective, les différences d’identifiants entre la police et la gendarmerie nationales occasionnant des difficultés de rédaction des textes d’application de la loi.

Enfin, la feuille de route du ministère prévoit de rationaliser les zones de compétence des deux forces afin de mieux adapter leur présence, sur le territoire, aux besoins de sécurité.

Certaines communes de moins de 20 000 habitants relevant aujourd’hui du régime de la police d’État pourraient en effet gagner à relever de la gendarmerie nationale. Dans un rapport de 2011 demandé par la commission des finances de l’Assemblée nationale sur « La redéfinition des zones de compétence de la police et la gendarmerie nationales », la Cour des comptes a en effet établit que ces communes pourraient alors relever d’une brigade de gendarmerie dont l’effectif serait de 20 militaires, conformément au ratio de un gendarme pour mille habitants, alors qu’un commissariat de police en zone urbaine requiert un seuil incompressible d’une cinquantaine de policiers. Les modifications de zones de compétence permettraient, donc, à effectif constant, de déployer des effectifs supplémentaires de policiers dans les zones urbaines les plus exposées à la délinquance.

Depuis le début de la décennie, seul un petit nombre de redéploiements ont été réalisés à la marge. Il a été indiqué aux rapporteurs spéciaux qu’un audit de l’Inspection générale de l’administration devra fournir un diagnostic préalable à l’engagement d’une telle réforme qui nécessitera la pleine coopération des deux directions générales et un dialogue nourri avec les collectivités territoriales relevant des circonscriptions de sécurité publique concernées.

Enfin, des gains d’efficience résident également dans des « mutualisations à la carte », au niveau local le plus fin. Comme le Préfet de Police l’a fait valoir aux rapporteurs spéciaux, il peut s’agir de partager des fonctions supports entre différents services ou différentes circonscriptions de sécurité publiques, mais également de « mutualisations de missions ». Sur un périmètre urbain cohérent, le recueil de plaintes ou des permanences de police secours, peuvent par exemple ne pas être assurés en permanence dans l’ensemble des services, mais mutualisés auprès d’autres postes, selon les jours et en fonction des niveaux de sollicitation. Sans pour autant remettre en cause le maillage territorial d’ensemble, ceci doit permettre de libérer des effectifs sous-employés afin de les rendre à nouveau disponibles pour des missions de sécurité publique.

● Charges indues : les lever une à une

De nombreux policiers sont encore engagés sur des missions qui ne relèvent pas de leur cœur de métier. Ces charges ou « tâches indues »  peuvent mettre à mal l’organisation opérationnelle des services et démotiver les personnels. Une telle situation traduit une mauvaise allocation des ressources publiques, puisque ces missions peuvent être réalisées à moindre coût, ou de façon plus adaptée, par d’autres personnels ou opérateurs.

Sur ce sujet sensible pour les personnels, les rapporteurs spéciaux souhaitent que soit établi un constat partagé et objectivé de ce qui peut effectivement être qualifié de charge indue, du coût budgétaire pour les programmes 176 et 152, et des mesures à mettre en œuvre, tout au long de la législature, afin de les réduire.

Ils relèvent que le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances comporte l’objectif n° 2 « renforcer l’activité des services pour mieux combattre la délinquance » dont un des indicateurs de performance apprécie le « recentrage des forces sur le cœur de métier ».

La performance est mesurée par la baisse du volume des missions dites « périphériques » qui correspondent en grande partie aux charges indues. Leur part dans l’activité opérationnelle totale est également mesurée. Les missions prises en compte sont par exemple la garde des bâtiments publics, les concours au ministère de la justice, l’établissement de procurations électorales, ou la participation aux commissions administratives de sécurité et d’accessibilité.

Les données annexées au projet de loi de finances pour 2018 concernent les années 2015 et 2016. Pour la police nationale, le volume des missions périphériques passe de 7,6 millions d’heures en 2015, à 8,1 millions d’heures en 2016, en hausse de 448 000 heures. Sa part dans l’activité totale passe de 8,9 à 9,12 %.

Pour la gendarmerie nationale, le niveau des charges indues et son évolution paraissent moins défavorables, le volume des missions périphériques passant de 4,4 millions d’heures en 2015 à 4,1 en 2016 et sa part dans l’activité totale de 4,1 à 3,8 %.

Certaines mesures prises de longue date ont eu des effets favorables, par exemple, depuis 2015, la diminution du nombre d’opérations mortuaires pour lesquelles la présence d’un policier ou d’un gendarme est nécessaire ([3]). En 2016, l’économie avait été évaluée à 90 emplois temps plein pour les deux forces. Depuis septembre 2016, la participation des forces de sécurité aux commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité doit être justifiée par les enjeux de sécurité ([4]). Pour la gendarmerie nationale, en une année, la sollicitation est passée de 68 700 à 23 200 heures, en baisse de 66 %.

D’autres améliorations notables ont été décidées en réponse au mouvement de mobilisation des policiers de l’automne 2016. Certaines ont été rapidement mises en œuvre.

 

Depuis avril 2017, les policiers relevant de la direction centrale de la sécurité publique, donc hors du ressort de la Préfecture de Paris, n’assurent plus aucune garde statique de tribunaux. Les gardes des locaux préfectoraux par des fonctionnaires de police doivent avoir entièrement cessé pour le 31 octobre 2017. En matière de prise en charge des ivresses publiques et manifestes (IPM), des discussions ont été engagées avec les réseaux de médecine de proximité afin de permettre l’examen médical et la délivrance du certificat de non admission de ces personnes dans les locaux de police. À ce jour, 22 conventions ont été signées avec des ordres et associations de médecins.

La délégation à des opérateurs privés de la conduite de véhicules banalisés porteurs de nouveaux radars mobiles ne nécessitant aucun réglage sera expérimentée, en Normandie, en novembre 2017. Entourée de toutes les garanties cette externalisation, va libérer des effectifs de policiers et de gendarmes et accroître le temps d’utilisation quotidien des véhicules aujourd’hui inférieur à 2 heures et qui pourra être porté à 6 heures, tous les jours de l’année.

Des pistes mériteraient d’être étudiées également en matière de gestion des scellés, d’utilisation de la visioconférence pour les renouvellements de garde à vue, de garde des détenus hospitalisés ou d’établissement des procurations au sein des établissements pénitentiaires.

Sans constituer, par elles-mêmes, des charges indues, les gardes statiques visant à sécuriser des emplacements susceptibles de constituer des cibles doivent évoluer. Dans de nombreux cas, elles gagnent à être remplacées par des gardes dynamiques qui bénéficient de l’effet d’incertitude sur le passage d’une patrouille. En 2017, la libération de 220 équivalents temps plein en était attendue.

Le directeur général de la gendarmerie nationale a en outre indiqué aux rapporteurs spéciaux qu’il a été mis fin, cette année, aux gardes statiques des résidences des présidents Valéry Giscard d’Estaing à Authon et Jacques Chirac à Bity, libérant un peloton et demi de gendarmes mobiles. Les rapporteurs spéciaux relèvent qu’un escadron et demi de gendarmes mobiles demeure affecté à la sécurisation du lien fixe transmanche à Calais, alors que les mesures mises en place par l’opérateur garantissent désormais un niveau de sécurité satisfaisant dans des conditions d’exploitation commerciale normales.

Enfin les rapporteurs spéciaux rappellent que, l’exercice progressif par l’administration pénitentiaire de l’ensemble des missions d’extraction et de transfèrement, décidé en 2010 et qui devait aboutir en janvier 2019, occasionne des difficultés. À cette fin, près de 1 200 emplois budgétaires ont été transférés à l’administration pénitentiaire depuis les programmes Police et Gendarmerie nationales, ainsi que des crédits hors titre 2 au titre de l’équipement.

Cependant, dans les faits, les deux forces de sécurité continuent d’effectuer, sans contrepartie, une partie de ces transfèrements pour le compte de l’autorité judiciaire, jusqu’à 15 % de l’ensemble des transfèrements en zone de gendarmerie. Les procureurs de la République peuvent en effet invoquer « l’impossibilité de faire » pour requérir le concours de la force publique.

En février 2017, le terme de la reprise totale des extractions par l’administration pénitentiaire a été différé à novembre 2019. Un groupe de travail étudie les modalités de compensation budgétaire de l’implication des forces de sécurité dans les extractions que l’administration judiciaire ne serait pas en capacité de faire. Les rapporteurs spéciaux espèrent donc qu’un règlement rapide de ce différend sera possible, et permettra de cantonner les transfèrements effectués par des gendarmes et policiers aux seules situations qui le justifient, et en contrepartie du remboursement de l’ensemble des coûts occasionnés pour les forces de sécurité.

4.   Police de sécurité du quotidien : un levier de transformation

Une « police de sécurité du quotidien » a été annoncée au cours de l’été par le ministre de l’intérieur et confirmée par le Président de la République, le 18 octobre 2017, dans un discours fondateur aux forces de sécurité.

Elle doit donner aux services de la sécurité publique de nouveaux outils structurants pour résoudre les problèmes de délinquance et de troubles à la tranquillité publique, qui minent le quotidien de nos concitoyens et diminuent leur confiance dans l’État.

Cette approche doit doter, enfin, les forces de sécurité intérieures, des outils qui leur permettront de placer le service des citoyens au cœur de la mission de sécurité publique, qui ne saurait être réduite à une police d’ordre.

Le travail de préfiguration engagé depuis l’été se double, cet automne, d’un cycle de consultations d’une ampleur inédite qui associera aux représentants des personnels de la police et de la gendarmerie, des représentants des polices municipales, les acteurs de la sécurité des transports, le secteur de la sécurité privée, les collectivités territoriales ainsi que des universitaires. La consultation sera étendue à chaque policier et gendarme par l’envoi d’un questionnaire et par une restitution publique des réponses avant la fin de l’année.

Dès le début 2018, la police de sécurité du quotidien sera expérimentée dans une quinzaine de territoires, illustrant la diversité des besoins de sécurité. Des panels d’usagers et des universitaires participeront au suivi et à l’évaluation, avant une éventuelle généralisation.

Sans préempter les conclusions des consultations, les rapporteurs spéciaux souhaitent exposer quelques-unes des conditions de succès de cet effort inédit de transformation de nos doctrines et de nos dispositifs de sécurité publique.

Il convient au préalable de réfuter les accusations polémiques assimilant la police de sécurité du quotidien à une répétition de la « police de proximité » mise en œuvre entre 1997 et 2002. Celle-ci avait pâti d’un trop grand nombre d’objectifs et abouti à multiplier les nouvelles implantations de services surdimensionnés, aux coûts fixes très élevés, sans évaluation des effets sur l’insécurité.

Les rapporteurs spéciaux soulignent en outre que la police de sécurité du quotidien sera mise en œuvre parallèlement aux réformes qui accroîtront l’effectivité de la réponse pénale, par les allégements de la procédure et la forfaitisation de délits tels que l’usage de produits stupéfiants et l’entrave à la circulation. La police de sécurité du quotidien disposera ainsi des instruments adaptés à la réalité du terrain. La réforme bénéficiera également du regain de potentiel opérationnel par l’amélioration de la disponibilité des personnels actifs sur les missions de sécurité publique, et la réduction des tâches indues.

Pour répondre pleinement aux attentes de nos concitoyens, il est nécessaire de mieux comprendre les ressorts de l’insécurité du quotidien. Si la refonte récente de la mesure statistique de la délinquance est un atout, le sentiment d’insécurité relève de l’expérience vécue et des nombreux actes de délinquance et comportements d’incivilité qui ne sont pas portés à la connaissance des autorités.

À titre d’exemple, moins de 10 % de vols de vélos font l’objet d’un dépôt de plainte selon l’enquête « Cadre de vie et sécurité » de l’Insee et de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) qui mesure l’évolution de la délinquance en interrogeant chaque année plus de 23 000 ménages sur les faits dont ils ont pu être victimes lors des deux années précédentes.

Les garanties de qualité des statistiques de la sécurité intérieure

Créé par le décret n° 2014-1161 du 8 octobre 2014, composé de gendarmes, de policiers, et de statisticiens détachés de l’Insee, le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) centralise, contrôle, traite et diffuse les données relatives à la criminalité et à la délinquance enregistrées par les services. Il est officiellement reconnu comme membre du système statistique national, au sens de la loi n° 51‑711 du 7 juin 1951, ce qui apporte toutes les garanties de transparence des méthodes de comptabilisation, des modes de collecte et des indicateurs.

Le SSMSI a stabilisé et pérennisé les méthodes de recueil de données des services. Il analyse finement l’ensemble des statistiques de sécurité, en lien avec l’ONDRP. Il produit et diffuse des indicateurs statistiques mensuels sur les infractions constatées, qui constituent une statistique publique conjoncturelle et localisée. En trois ans d’activité, le SSMSI a contribué à mettre fin aux polémiques qui entouraient, par le passé, les annonces sur la hausse ou la baisse conjoncturelle des délits enregistrés. Les travaux détaillent par exemple l’évolution des homicides, des vols et des vols avec violence, des vols de véhicules ou des délits constatés impliquant des stupéfiants. Des analyses permettent d’en dégager les déterminants territoriaux, sociaux, démographiques et économiques.

Un objectif de qualité de la relation entre la population et les forces de sécurité sera désormais placé au cœur des politiques de sécurité. Les services devront donc prendre en compte l’ensemble des besoins de sécurité de nos concitoyens. Les efforts engagés en ce sens sont réels aujourd’hui mais la police de sécurité du quotidien permettra de franchir une nouvelle étape. Elle devra développer des indicateurs qualitatifs de mesure de la satisfaction des usagers, comme la police métropolitaine de Londres en réalise de longue date.

La police de sécurité du quotidien devra faciliter l’accès au service public de la sécurité en renforçant le contact avec la population, lors des patrouilles et dans l’accueil dans les brigades et les commissariats, mais également en tirant parti des instruments numériques.

Elle constituera ainsi une « police de la disponibilité » selon la définition proposée aux rapporteurs spéciaux par le directeur général de la police nationale. Le directeur général de la gendarmerie nationale a présenté aux rapporteurs spéciaux ses objectifs en matière de « police de contact », comme l’expérimentation, engagée au début de cette année, dans 30 circonscriptions, de « brigades territoriales de contact ». Déchargées des tâches administratives, ces petites unités se consacrent entièrement au contact avec la population et les élus.

Au-delà des horaires d’ouverture des lieux d’accueil du public dans les brigades, le contact sera également élargi par les nouveaux outils numériques : dès janvier 2018, une vingtaine de gendarmes composeront, à Rennes, une « brigade numérique », répondant, à tous moments et en tous points du territoire, aux sollicitations des citoyens par une interface numérique. De même, un module dédié à la « logique de contact » figurera dans la formation initiale des officiers et sous-officiers de gendarmerie.

La qualité de la relation police population conditionnera ainsi la politique de prévention des délits. L’insécurité du quotidien ne sera efficacement combattue que si les forces de sécurité sont intégrées à leur territoire, accessibles aux habitants et au fait de leurs préoccupations. Instaurer très tôt, un dialogue régulier peut être un facteur d’apaisement et éteindre la montée en violence. Capter les signaux faibles permet également d’identifier les dérives de radicalisation.

Et les forces de sécurité intérieure pourront également s’appuyer sur la montée en charge de la garde nationale, particulièrement pour la police nationale, moins rompue jusqu’à présent que la gendarmerie à la participation citoyenne à l’action de sécurité.

La police de sécurité du quotidien devra introduire de la souplesse dans les organisations et les territoires. Ses modalités pourront différer en fonction des enjeux et selon les secteurs (quartiers urbains, espaces ruraux, zones péri-urbaines) et en distinguant par exemple les « approches de lisière » des « approches de cœur de cible ».

La police de sécurité du quotidien devra donc accorder davantage d’autonomie aux échelons locaux, en déconcentrant tant la définition que la conduite des politiques de sécurité publique. Les rapporteurs spéciaux se félicitent des nouvelles marges de manœuvre d’ores et déjà accordées aux chefs des services territoriaux pour la gestion de leurs moyens matériels. Cette déconcentration devra être étendue à la définition de dispositifs opérationnels adaptés à leur environnement, qui ne sauraient tous relever des directions centrales.

Le nécessaire continuum local de sécurité appellera à densifier les relations notre seulement entre la police et la gendarmerie nationales, mais avec les polices municipales, les agents de sécurité des transports et les professionnels de la sécurité privée.

Enfin, les partenariats locaux seront essentiels, au premier chef avec les élus, et avec l’ensemble des acteurs de la vie locale comme les associations, les commerces, les bailleurs sociaux ou le milieu scolaire. Mais l’approche devra être moins rigide, moins formelle que par le passé, afin de « dépoussiérer la comitologie », selon les termes du Président de la République.

 

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   EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de M. Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur, (voir le compte rendu de la commission élargie du 26 octobre 2017 à 21 heures ([5])), la commission des finances examine les crédits de la mission Sécurités et du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

 

Article 29 et état B : Crédits du budget général

 

Suivant l’avis favorable de M. Romain Grau et de Mme Nadia Hai, rapporteurs spéciaux pour la Police, gendarmerie, sécurité routière, et de M. Patrick Mignola, rapporteur spécial pour la Sécurité civile, la commission adopte les crédits de la mission Sécurités.

Article 31 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

 

La commission examine ensuite les crédits du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

 

Elle est saisie de l’amendement n° IICL57 de Mme Danièle Obono.

 

Suivant l’avis défavorable de M. Romain Grau, rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis favorable de M. Romain Grau et de Mme Nadia Hai, rapporteurs spéciaux, la commission adopte ensuite les crédits du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

Après l’article 62

 

La commission examine l’amendement n° II56 du Gouvernement.

 

Mme Nadia Hai, rapporteure spéciale. L’amendement vise à prolonger jusqu’en 2020 la faculté pour les collectivités territoriales d’être maître d’ouvrage de projets immobiliers destinés à la police, à la justice, à la gendarmerie ou à la sécurité civile. Créé en 2002, le dispositif prévoit que les collectivités peuvent construire, acquérir ou rénover des bâtiments destinés à être mis à la disposition de l’État pour les besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationale. Prévu initialement pour une durée de cinq ans, ce dispositif est rapidement apparu comme étant particulièrement utile et a donc été prorogé à deux reprises. Si aucune disposition n’était prise, il ne serait plus possible, après le 31 décembre 2017, de prévoir un financement des locaux par les collectivités territoriales en contrepartie d’une location par l’État. La loi de finances constitue donc un bon vecteur afin d’éviter un blocage d’ici l’année prochaine mais proroger tous les trois ou quatre ans un dispositif utile, ainsi que M. le ministre l’a décrit lors de la réunion de la commission élargie, n’est pas nécessairement idéal et il conviendrait sans doute de définir un dispositif pérenne d’ici la fin de la législature. Avis favorable à cet amendement.

 

La commission accepte l’amendement n° II56.


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   Annexe :
DÉplacements et auditions des rapporteurs spÉciaux

– Audition commune d’universitaires sur les politiques de sécurités : M. Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS, professeur à Sciences-po Grenoble, M. Mathieu Zagrodzki, Chercheur au Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales.

– Audition commune d’organisations syndicales des personnels actifs de la police nationale : Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) Mme Céline Berthon, secrétaire générale, M. Jérémie Dumont, secrétaire national ; UNSA Police, M. Thomas Toussaint, délégué national CRS , M. Sofiane Achatib, responsable pôle juridique ; Syndicat indépendant des commissaires de police (SICPN), M. Mickaël Trehen, secrétaire national ; Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI), M. Guillaume Ryckewaert, chargé de mission, M. Christophe Rouget, délégué communication ; Alliance Police nationale ; M. Stanislas Gaudon, secrétaire administratif général adjoint, M. Pascal Disant, chargé de mission ; Synergie officiers, Mme Isabelle Trouslard, Secrétaire Nationale, M. David Alberto, conseiller technique ; Unité SGP Police FO, M. Franck Fievez, M. Dominique Le Dourner.

– M. Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, M. Alexandre Rochatte, délégué-ajoint à la sécurité routière, Mme Salima Eburdy, sous-directrice des actions transversales et des ressources.

– Visite, à Versailles - Satory, du Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) en présence du Colonel Laurent Phélip, commandant du GIGN.

– Le Général d’armée Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), le colonel Laurent Bernard, chef du bureau de la synthèse budgétaire et le lieutenant-colonel Sébastien Thomas, chargé de mission.

 M. Simon Fetet, conseiller budgétaire, modernisation, administration territoriale de l’État et collectivités locales du Ministre de l’intérieur, et M. Julien Autret, conseiller politique et parlementaire.

– M. Michel Delpuech, Préfet de police de Paris, M. Thibaut Sartre, secrétaire général pour l’administration, M. Christian Sainte, directeur de la police judiciaire.

 M. Éric Morvan, directeur général de la police nationale (DGPN), M. Gérard Clerissi, directeur des ressources et des compétences de la police nationale, M.  Christian Guyard, adjoint au sous-directeur des finances et du pilotage, M. Régis Castro, conseiller budgétaire du DGPN.


([1])  Le programme 161 Sécurité civile (533,9 millions d’euros de crédits de paiement en 2018) fait l’objet d’un rapport spécial distinct présenté par M. Patrick Mignola (annexe n° 40).

([2])  Décret n° 2017-1095 du 14 juin 2017 relatif au coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, à la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme et au centre national de contre-terrorisme.

([3])  Article 15 de la loi n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

([4])  Décret n° 2016-1201 du 5 septembre 2016.

([5])  http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/commissions_elargies/