groupes de travail
sur lA dÉtention

 

 

La décision de créer quatre groupes de travail sur la détention en France a été prise par le bureau de la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Elle a été annoncée le mercredi 20 décembre 2017.

Ces groupes de travail sont les suivants :

  • La diversification des conditions de détention par le recours aux établissements ouverts (présidé par Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des Lois)
  • L’activité en détention (présidé par M. Philippe Gosselin, vice-président)
  • La prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiatriques (présidé par M. Stéphane Mazars, vice-président)
  • Le lien avec le tissu économique local dans une perspective de réinsertion (présidé par Mme Laurence Vichnievsky, vice-présidente)

Les conclusions des groupes de travail, ont été présentées à la commission des Lois lors de sa deuxième réunion du mercredi 21 mars 2018. Elles constituent l’objet du présent rapport.

 

 

 

 

 

 

 


SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION............................................. 7

I. L’ACTIVITÉ EN DÉTENTION ET LE LIEN AVEC LE TISSU ÉCONOMIQUE LOCAL DANS UNE PERSPECTIVE DE RÉINSERTION

1. Des activités insuffisamment développées

2. Repenser le travail en prison

II. LA PRISE EN CHARGE DES DÉTENUS SOUFFRANT DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES

1. Mieux connaître les pathologies psychiatriques en détention

2. Améliorer l’organisation de la prise en charge

3. Garantir la continuité des soins en détention et à la sortie de prison

III. LA DIVERSIFICATION DES CONDITIONS DE DÉTENTION PAR LE RECOURS AUX ÉTABLISSEMENTS OUVERTS

1. Doter notre parc carcéral de centres pénitentiaires de réinsertion

2. Mieux évaluer les personnes à leur arrivée en détention

3. Différencier davantage les régimes de détention à l’intérieur des maisons d’arrêt

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS

personnes entendues par les Groupes de travail ()

dÉplacements effectuÉs par les groupes de travail


—  1  —

 

   INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Établissements anciens, inadaptés, vétustes sinon insalubres, surpeuplés, lieux trop souvent de violences verbales et physiques entre détenus et envers les personnels… Les difficultés du monde carcéral sont connues de tous, et de longue date.

Il y a près de 20 ans, les députés installaient, déjà, une commission d’enquête parlementaire sur la situation dans les prisons françaises, la première depuis le début de la IIIe République sur ce sujet. Ils faisaient le constat, amer, de l’« inadaptation importante de beaucoup de lieux de détention et [des] difficultés rencontrées par une administration pénitentiaire désorientée et confrontée à une mission impossible » ([1]). Ils se posaient la question qui nous taraude encore aujourd’hui : à quoi sert la prison et quel est le sens de la peine ?

Ce constat, nous l’avons également fait, ensemble, dans le prolongement d’une initiative inédite : le 6 novembre 2017, indépendamment de leurs appartenances politiques, les députés membres de la commission des Lois ont décidé d’exercer, simultanément et sur l’ensemble du territoire, le droit reconnu à tout parlementaire de se rendre dans les prisons. Plusieurs dizaines de centres pénitentiaires et de maisons d’arrêt ont ainsi été visités, permettant d’avoir une vision la plus précise et différenciée possible.

De fait, savoir est une chose, voir en est une autre. La réalité nous est apparue dans toute sa dureté, dans tous ses dangers aussi puisque de ces cellules surpeuplées, de ces journées et de ces années sans suffisamment de prise en charge ou d’occupation, il résulte, évidemment, non seulement des atteintes aux droits mais aussi, bien sûr, un risque plus élevé de récidive.

Après avoir échangé à propos de ces visites le 8 novembre 2017, les membres de la commission des Lois ont auditionné, le 14 novembre, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté puis, le 21, le directeur de l’administration pénitentiaire.

La situation actuelle, dégradée au plus haut point, n’est pas imputable aux personnels, qui sont remarquables. Il y a, dans les prisons françaises, une administration porteuse d’enthousiasme, soucieuse d’innover, de créer, d’essayer… Nous leur devons toute notre reconnaissance car les conditions de détention sont aussi leurs conditions de travail.

Il ne s’agit pas non plus d’adresser des reproches au Gouvernement, ou à celui d’avant, ou à celui d’avant celui d’avant… La situation carcérale dans notre pays est multiséculaire, elle a des causes profondes, c’est d’une certaine façon « un mal français ».

Mais le temps des constats et des diagnostics est révolu. L’heure est venue d’apporter des solutions aux problèmes identifiés. C’est la raison pour laquelle le bureau de la commission des Lois a décidé, en décembre 2017, la création exceptionnelle de quatre groupes de travail transpartisans, portant sur des sujets de préoccupation pour l’ensemble des professionnels du monde pénitentiaire et dont la direction a été confiée à la présidente et à trois vice-présidents :

––  l’activité en détention (coordonné par M. Philippe Gosselin, député de la Manche, membre du groupe Les Républicains) ;

––  le lien avec le tissu économique local dans une perspective de réinsertion (coordonné par Mme Laurence Vichnievsky, députée du Puy‑de‑Dôme, membre du Mouvement démocrate et apparentés) ;

––  la prise en charge des détenus présentant des troubles psychiatriques (coordonné par M. Stéphane Mazars, député de l’Aveyron, membre du groupe de La République en Marche) ;

––  la diversification des conditions de détention par le recours aux établissements ouverts (coordonné par la présidente de la commission des Lois Mme Yaël Braun‑Pivet, députée des Yvelines, membre du groupe de La République en Marche).

Le quatrième vice-président de la Commission, M. Didier Paris, a œuvré, de son côté, à la demande du Premier ministre, sur le travail d’intérêt général (TIG) : son rapport, qui est bien sûr en lien direct avec les réflexions des groupes de travail, a été remis récemment à la garde des Sceaux ([2]).

Les quatre groupes de travail ont procédé, en février et en mars 2018, à 26 auditions de 86 personnes et à de multiples déplacements sur le terrain, à Château‑Thierry, Fresnes, Villejuif, Toulouse, Villepinte, Casabianda ou encore au Danemark et jusqu’en Nouvelle-Calédonie ([3])… Leurs conclusions ont été soumises à la délibération de la commission des Lois lors de sa réunion du mercredi 21 mars 2018 ([4]).

Avant de présenter leurs conclusions, les groupes de travail ont souhaité formuler deux préconisations conjointes.

Un premier constat commun, unanimement partagé par les personnes auditionnées et rencontrées, s’est dégagé : celui de l’insuffisance des statistiques disponibles en matière de détention.

À titre d’exemple, les études menées sur les déterminants de la récidive sont incomplètes. Elles ne permettent pas d’apprécier le parcours des détenus par catégorie d’établissements ou à la sortie d’un établissement en particulier, certains directeurs de prison devant même procéder par comptage manuel pour dresser le profil des détenus écroués. Elles ne comportent pas davantage d’évaluation du coût global de la récidive comme il en existe pourtant dans d’autres domaines. Les mêmes insuffisances s’observent s’agissant de la prise en charge sanitaire des détenus : l’état des pathologies présentes en détention tout comme le taux d’occupation des postes médicaux et paramédicaux ne sont pas connus avec précision.

Aussi est-il suggéré de renforcer l’appareil statistique du ministère de la justice afin de pouvoir mieux apprécier le parcours des détenus, leur affectation, le choix des activités proposées, le risque de récidive et, le cas échéant, les modalités de leur prise en charge sanitaire.

En second lieu, il est clairement apparu que les locaux pénitentiaires sont structurellement inadaptés aux exigences modernes d’exécution de la peine. Cette inadaptation résulte tout à la fois du vieillissement de notre parc pénitentiaire, qui n’est pas suffisamment entretenu, et des choix faits en matière d’immobilier jusque récemment. Ainsi, les établissements construits au début des années 1990 pour disposer « au plus vite » de prisons de capacité importante, là où le foncier était peu cher et disponible, peinent parfois à fonctionner. Il est difficile d’y attirer des agents et des personnels médicaux en nombre suffisant. Situées en dehors de tout tissu urbain ou périurbain, ces prisons ont les plus grandes difficultés à nouer des partenariats avec les autres services publics et avec le tissu associatif, pourtant essentiels pour le travail de réinsertion sociale et professionnelle du détenu.

Il conviendrait, dorénavant, de concevoir davantage les établissements pénitentiaires en fonction des besoins de la population carcérale, des personnels pénitentiaires et des intervenants extérieurs.

Les 26 autres propositions des groupes de travail abordent les quatre thématiques étudiées – les deux premières faisant l’objet d’une contribution commune – et sont appelées à trouver des prolongements dans les débats à venir, notamment lors de l’examen, annoncé dans les semaines qui viennent, du projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice. Nous vous les présentons   ci-après : le travail commence, tout reste à faire.

*         *

*

 


—  1  —

 

I.   L’ACTIVITÉ EN DÉTENTION ET LE LIEN AVEC LE TISSU ÉCONOMIQUE LOCAL DANS UNE PERSPECTIVE DE RÉINSERTION

M. Philippe Gosselin et Mme Laurence Vichnievsky

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Si la prison a pour objectif premier de sanctionner un comportement délictuel ou criminel, elle a également pour mission de permettre une réinsertion professionnelle et sociale des personnes condamnées. Or, aujourd’hui, compte tenu de la situation de surpopulation carcérale et des impératifs croissants de sécurité dans les établissements pénitentiaires, force est de constater que la prison ne remplit plus suffisamment son rôle d’insertion. Alors qu’elle devrait être une école de la « nouvelle chance », elle devient trop souvent une « école de la récidive » comme en témoignent les 59 % des personnes sortants de prison qui font l’objet d’une nouvelle condamnation dans les cinq années suivant leur libération quelle que soit la nature de la peine prononcée ([5]).

Compte tenu de ce constat, la prison ne peut plus être la seule réponse à la violation de la règle : il est indispensable de développer les peines alternatives à l’emprisonnement pour les courtes peines afin d’éviter la rupture professionnelle et sociale que constitue l’incarcération.

Pour les personnes qui ne peuvent se voir appliquer de peines alternatives et pour les condamnés à de longues peines, il convient de développer le travail et les activités en prison comme outils de réinsertion. Pour certains détenus, le travail en prison constitue une première expérience professionnelle : le détenu apprend non seulement « un savoir-faire » mais également un « savoir-être » (arriver à l’heure, respecter des horaires …). Le travail favorise le bon déroulement de la peine et permet de préparer financièrement la sortie des détenus ([6]) et d’indemniser les victimes ([7]).

L’ensemble des personnes auditionnées par les groupes de travail ont dressé le même constat : le travail en prison et la formation professionnelle ne sont pas assez développés et restent considérés comme une occupation davantage que comme un outil d’insertion professionnelle. Trois obstacles majeurs rendent difficile le développement du travail pénitentiaire et des activités : la surpopulation carcérale, le caractère bien souvent inadapté des locaux et la faible employabilité des personnes détenues, dont une part non négligeable n’a jamais exercé de travail avant son incarcération. Ainsi dans une étude réalisée en 2000, l’INSEE soulignait que plus du quart des détenus avaient quitté l’école avant d’avoir 16 ans, les trois quarts avant 18 ans et qu’un détenu sur sept n’avait jamais exercé d’activité professionnelle ([8]).

Le constat du développement insuffisant des activités et du travail en prison n’est malheureusement pas nouveau. En 2000, la commission d’enquête sur la situation des prisons françaises présidée par M. Louis Mermaz ([9]) constatait : « Au regard de l’objectif d’insertion qui lui est assigné, le travail en prison prête le flanc à de nombreuses critiques. Il apparaît plus comme le moyen de procurer une occupation et des revenus aux détenus, que comme l’exercice d’une activité préparant à un avenir professionnel. » La situation s’est depuis malheureusement dégradée puisque la part de détenus accédant à une activité professionnelle en prison est passée de 43,2 % en 1999 à 28,8 % en 2016. Le difficile accès aux activités et au travail est encore plus marqué dans les maisons d’arrêt où il est difficile de construire des parcours d’insertion compte tenu de la durée limitée d’incarcération.

Le groupe de travail a mené de nombreuses auditions – des représentants des personnels pénitentiaires, des magistrats, des avocats, des associations d’insertion, des employeurs en prison – et s’est déplacé dans les centres pénitentiaires de Poissy et de Muret, près de Toulouse. Ces déplacements ont notamment montré qu’il était possible de développer un travail qualifié et facteur d’insertion professionnelle en lien avec les entreprises locales.

Le choix a été fait de rendre une communication unique sur l’activité en détention et le lien avec le tissu économique local dans une perspective de réinsertion car les activités et le travail participent à la même problématique d’insertion des personnes détenues. Compte tenu de cette orientation, les deux groupes de travail ne se sont pas penchés sur la question des établissements pénitentiaires outre-mer eu égard à la problématique particulière du marché du travail local. Ils ne se sont pas non plus penchés sur la question de l’insertion professionnelle des détenus au moment de leur sortie de détention, qui constitue un sujet spécifique. Il convient néanmoins de réaffirmer qu’il est indispensable de promouvoir des dispositifs permettant de préparer au maximum la sortie (inscription à Pôle emploi, obtention d’une carte nationale d’identité …) afin d’éviter les « sorties sèches ». La mise en place de centres pénitentiaires à sécurité allégée, traitée par un de nos groupes de travail, constitue une piste intéressante pour préparer au mieux la sortie des personnes détenues.

1.   Des activités insuffisamment développées

      Un développement insuffisant des activités en prison malgré une obligation d’activité posée par la loi pénitentiaire

Depuis la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire ([10]), le détenu n’est plus contraint de travailler. Toutefois, l’article 27 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 ([11]) prévoit une obligation d’activité pour le détenu en vue d’assurer sa réinsertion : « Toute personne condamnée est tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation dès lors qu’elle a pour finalité la réinsertion de l’intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité ». Cette obligation, aux termes de l’article R. 57‑9 du code de procédure pénale, peut s’exercer dans des domaines variés : travail, formation professionnelle, insertion par l’activité économique, enseignement, activités éducatives, culturelles, socioculturelles, sportives et physiques.

Dressant un premier bilan de l’application de l’article 27 de la loi pénitentiaire, un rapport sénatorial de 2012 ([12]) a constaté que « le bilan de cette disposition [apparaissait] dans l’ensemble décevant » et notamment que « l’emploi et la formation [ne concernaient] qu’une minorité de personnes détenues ».

Dans le cadre du plan de lutte antiterrorisme, la direction de l’administration pénitentiaire a fixé un objectif de cinq heures d’activités par jour et par personne détenue en 2017. 3,4 millions d’euros supplémentaires ont été débloqués à compter d’avril 2015 et la dotation a été portée à 10,6 millions d’euros en 2016 pour développer les activités en prison.

Les crédits consacrés aux principales activités dans les prisons sont détaillés dans le tableau suivant :

LE FINANCEMENT DES PRINCIPALES ACTIVITÉS EN PRISON

(en millions d‘euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Culture

2,59

3,03

3,61

3,43

3,31

3,35

2,36

3,96

Bibliothèque et lecture

0,43

0,41

0,52

0,46

0,42

0,53

0,47

0,74

Sport

1,61

1,71

1,63

1,61

1,58

1,83

1,47

1,84

Canal interne

0,08

0,16

0,1

0,07

0,06

0,1

0,12

0,05

Formation professionnelle

4,8

5,4

11,7

17,4

20,5

19,5

12,1

13,9

Travail en détention

24,4

22,5

22

21,9

21,7

25,1

36,3

42,3

Total

33,9

33,2

39,6

44,9

47,6

50,4

52,8

62,8

Source : direction de l’administration pénitentiaire.

Lors de son audition par les groupes de travail, le directeur de l’administration pénitentiaire, M. Stéphane Bredin, a communiqué les résultats d’une enquête flash réalisée par son administration et faisant état d’une moyenne de 3h30 d’activité par jour et par détenu en 2016.

Cette situation peu satisfaisante résulte en grande partie de la situation de surpopulation carcérale que connaissent de nombreux établissements. En 2016, le rapport au Parlement sur l’encellulement individuel ([13]) a constaté qu’« une deuxième conséquence de la surpopulation carcérale est le manque d’activités accessibles aux détenus, qui aboutit à ce que la majorité des détenus en maison d’arrêt passe entre 20 et 22 heures par jour dans sa cellule, la seule “ activité ” de la journée résidant dans la promenade ». Ainsi, « des listes d’attente de plusieurs semaines voire plusieurs mois sont mises en place » pour pouvoir accéder aux différentes activités. De même, certains établissements pénitentiaires ont des locaux peu adaptés au développement d’activités pénitentiaires.

En outre, les activités en prison sont trop souvent perçues comme « occupationnelles ». Certes, cet aspect est essentiel pour permettre un bon déroulement de la peine, mais les activités – notamment l’enseignement – constituent un facteur essentiel d’insertion des détenus.

Il apparaît donc essentiel de développer les activités en prison en s’appuyant sur le réseau local des associations. La mise en place du service national universel et le développement du service civique pourrait être l’occasion de renforcer les moyens humains des associations qui interviennent en prison.

Des activités innovantes, développées dans certains établissements pénitentiaires, sont, à cet égard, particulièrement intéressantes. C’est le cas notamment de la médiation animale, développée à l’aide des chevaux, qui a été présentée aux groupes de travail à la prison de Poissy ([14]).

Proposition n° 1 :

S’appuyer sur le réseau local des associations pour développer leur intervention en prison et renforcer, dans le cadre de la mise en place du service national universel et du développement du service civique, les moyens humains de ces associations.

      L’enseignement en prison et le nécessaire développement du numérique

Le groupe de travail a souhaité mettre l’accent sur l’enseignement en prison qui joue un rôle primordial dans l’insertion des détenus. L’article 27 de la loi pénitentiaire de 2009 précise que « lorsque la personne condamnée ne maîtrise pas les enseignements fondamentaux, l’activité consiste par priorité en l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul. Lorsqu’elle ne maîtrise pas la langue française, l’activité consiste par priorité en son apprentissage ».

Les cours dispensés au sein des établissements pénitentiaires concernent principalement l’alphabétisation (13 %), le français pour non-francophones (14 %), la préparation du certificat de formation (29 %), la préparation du brevet (12 %), de CAP-BEP (11 %) mais aussi des enseignements relevant d’un parcours en études supérieures (préparation aux baccalauréats généraux et professionnels, préparation du diplôme d’accès aux études universitaires, le tout représentant 3% des élèves).

Sur l’année scolaire 2015-2016, 2 571 mineurs et 35 011 majeurs ont bénéficié d’un enseignement et 704 équivalents temps plein ont été consacrés à la prise en charge pédagogique des personnes détenues. 6,10 heures de cours par détenu ont été dispensées en moyenne sur l’année scolaire 2016-2017. 84 % des mineurs et 25 % des majeurs ont bénéficié d’un enseignement de manière régulière.

Dans un rapport récent ([15]), la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté constate que la surpopulation carcérale et le manque de salles et d’enseignants disponibles en détention créent de longues files d’attente alors que les besoins sont identifiés dès l’arrivée en détention : « À la maison d’arrêt de Grasse, les petites salles de cours ne permettent pas aux enseignants de regrouper les mineurs qui, scindés en plusieurs groupes, ne bénéficient pas des douze heures de cours hebdomadaires. Au centre pénitentiaire d’Aix-Luynes, fin 2016, pour plus de 900 personnes détenues, 123 étaient scolarisées et 180 sur liste d’attente. Les délais d’attente entre une demande et une inscription aux cours étaient en moyenne de cinq à six mois. À la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine, plus décemment dotée de neuf salles de classe, il est difficile d’accorder le bénéfice d’un enseignement scolaire à plus de 140 de personnes à la fois, pour une population détenue avoisinant le millier. Lors de la visite du CGLPL, en septembre 2016, le nombre de personnes détenues classées à une activité scolaire s’élevait à quatre-vingt. La liste d’attente comptabilisait près de 400 noms. À titre d’exemple, il était indiqué qu’une commission pluridisciplinaire unique (CPU) devait rapidement se réunir pour décider quelles seraient, parmi les vingt-quatre personnes candidates, les douze bénéficiaires d’un classement permettant de préparer le brevet des collèges. L’ensemble des candidatures était a priori recevable. Seul le contexte imposait de ne retenir que la moitié d’entre elles ».

Par conséquent, le développement du numérique en prison doit constituer une priorité pour permettre de développer l’accès à l’enseignement et à la formation professionnelle.

Interrogée à ce sujet, la direction de l’administration pénitentiaire a indiqué qu’en 2017, elle a lancé le marché d’expérimentation du NED (numérique en détention) qui contiendra une offre d’enseignement à destination des détenus. Ce marché devrait être notifié au printemps 2018.

Il s’agit d’un portail destiné aux personnes détenues, leur proposant tout à la fois des services (commande de cantines dématérialisée, formulation de requêtes électroniques auprès de l’établissement) et leur permettant d’accéder à un environnement numérique de travail intégrant une plate-forme pédagogique et donnant accès à un lien direct sécurisé avec des enseignants. L’accès en cellule devrait permettre d’accroître l’offre d’enseignement, qu’il s’agisse d’enseignement suivi au sein de l’établissement (possibilité de réaliser des exercices et des travaux en dehors du temps en salle de classe), ou d’enseignement à distance. Lors de l’expérimentation, le portail NED sera déployé dans trois établissements (Dijon, Meaux et Nantes). Il devrait être ensuite déployé à l’échelle nationale à partir de 2020.

      Les activités socioculturelles et sportives

Les activités sportives et socioculturelles si elles contribuent au bon déroulement de la détention, jouent également un rôle majeur en matière de réinsertion.

En 2017, l’administration pénitentiaire a versé 65 600 euros à diverses fédérations sportives (basket, boxe, haltérophilie, sport pour tous, tennis de table…) a participé financièrement au challenge national pénitentiaire de basket (3 144 euros) et a financé le déroulement des jeux pénitentiaires en permettant à 19 établissements d’être dotés de matériels et de tenues sportives diverses (69 826 euros). Elle rémunère également 300 moniteurs de spor([16]) qui interviennent dans l’ensemble des établissements pénitentiaires. Au niveau déconcentré, les directions interrégionales des services pénitentiaires soutiennent aussi le développement des activités sportives parfois directement en versant des subventions aux comités régionaux olympiques et sportifs et aux ligues régionales ou par l’intermédiaire de délégations de crédits aux établissements pénitentiaires.

Comme pour l’enseignement, les activités sportives souffrent de la surpopulation carcérale et du manque de personnel. Dans le rapport précité ([17]), la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté constate : « Lorsque la surpopulation d’un établissement se conjugue au sous-effectif du personnel, le sport peut s’en trouver affecté, les moniteurs sportifs étant généralement membres du personnel de surveillance. Lors de la visite de la maison d’arrêt de Grasse, les contrôleurs ont constaté qu’en l’absence des trois moniteurs de sport, les personnes détenues avaient été dans l’impossibilité d’accéder à leurs activités sportives pendant une quinzaine de jours. À la maison d’arrêt d’Évreux, visitée en janvier 2015, le moniteur de sport était également moniteur de tir et de technique d’intervention auprès du personnel de surveillance. Lorsqu’il animait des formations pour ses collègues, il ne pouvait y avoir d’activité sportive pour les personnes détenues. »

Le constat est le même pour les activités socioculturelles. Si le budget consacré à la culture et aux bibliothèques est passé de 3,02 millions d’euros en 2010 à 4,7 millions d’euros en 2017, ces activités sont bien souvent insuffisamment développées compte tenu du nombre de détenus. Dans le rapport précité ([18]), Mme Adeline Hazan cite l’exemple des bibliothèques qui demeurent « régulièrement sous-exploitées dans les établissements surpeuplés – souffrant notamment de la difficulté d’organiser des mouvements ponctuels qui doivent s’immiscer entre des mouvements collectifs longs, vers les promenades ou les parloirs. »

2.   Repenser le travail en prison

A.  Le développement du travail pénitentiaire : un bilan décevant

      Le travail en prison : une organisation spécifique, un régime juridique dérogatoire

Le travail en prison fait l’objet d’un cadre juridique et d’une organisation spécifique.

Le détenu peut ainsi travailler, au sein de l’établissement pénitentiaire :

––  dans le cadre du « service général », qui lui permettra de participer aux activités d’entretien et de fonctionnement courant des établissements ([19]) ;

––  dans le cadre d’un contrat de concession, signé entre le directeur interrégional des services pénitentiaires ou les groupements privés dans les établissements en gestion déléguée ([20]) et une entreprise privée. Ces ateliers gérés par près de 350 entreprises interviennent dans les domaines du façonnage (emballage, pliage, assemblage, etc.), du conditionnement, de la mécanique (fabrication et réparation d’équipements électriques, automobiles et aéronautiques), de la menuiserie, de la métallurgie, de la confection, de l’informatique (centre d’appel, programmation, archivage numérique) et de l’imprimerie ;

––  dans le cadre de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP) gérée par le service de l’emploi pénitentiaire (SEP) rattaché à la Chancellerie ([21]).

Le travail des détenus s’exerce dans un cadre juridique dérogatoire au droit du travail puisque les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail ([22]). L’article 33 de la loi du 24 novembre 2009 précitée a néanmoins prévu la signature, par le chef d’établissement et la personne détenue, d’un « acte d’engagement ». Ce dernier, déterminé par l’administration pénitentiaire, « énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération ».

La constitutionnalité du régime dérogatoire du travail en prison

Le Conseil constitutionnel a confirmé, à deux reprises, la constitutionnalité du régime dérogatoire du travail en prison.

En 2013 ([23]), il a estimé que l’absence de contrat de travail ne portait, en elle-même, aucune atteinte aux principes énoncés par le Préambule de 1946, ni au principe d’égalité ou à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

En 2015 ([24]), le Conseil a confirmé sa jurisprudence et précisé que l’acte d’engagement, prévu à l’article 33 de la loi pénitentiaire de 2009, était conforme à la Constitution et notamment au Préambule de 1946 en ce qu’il énonçait « les droits et obligations professionnels du détenu, dans des conditions qui respectent les dispositions de l’article 22 de la loi du 24 novembre 2009 et sous le contrôle du juge administratif ». L’absence de contrat de travail au profit de l’acte d’engagement (qui constitue un acte soumis au contrôle du juge administratif) n’est donc pas contraire à la Constitution.

Il résulte de ce régime dérogatoire des seuils spécifiques de rémunération.

L’article 32 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a créé un seuil minimum de rémunération ([25]) qui implique que la rémunération du travail ne peut être inférieure à 45 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour les activités de production (entreprises privées ou service de l’emploi pénitentiaire), 33 % pour le service général classe I, 25 % pour le service général classe II et 20 % pour le service général classe III. S’agissant du service général, les budgets alloués de 2018 à 2020 (37,1 millions en 2018, 42,2 en 2019 et 43,7 millions en 2020) devraient permettre de verser des rémunérations conformes à la réglementation.

Les groupes de travail ont pu néanmoins constater que la rémunération à la pièce restait souvent appliquée, les concessionnaires ne souhaitant pas mettre en place une rémunération horaire compte tenu de la faible productivité du travail en détention. De ce fait, les rémunérations pratiquées restent largement inférieures au seuil minimum de rémunération.

En 2017, les rémunérations horaires moyennes étaient les suivantes :

––  au service général : 2,23 euros en moyenne mensuelle pour les trois classes (2,08 euros en 2016, 1,95 euros en 2015) ;

––  s’agissant de la production en concession : 4,17 euros en moyenne mensuelle (4,38 euros en 2016, 4,30 euros en 2015) ;

––  s’agissant des ateliers du service de l’emploi pénitentiaire : 5,26 euros en moyenne mensuelle (5,45 euros en 2016, 4,68 euros en 2015).

En concession, la durée moyenne de travail est de 6h08 par jour. Au service général, la durée moyenne de travail est de 24h45 par semaine en 2016.

Il semble difficile d’appliquer les règles du droit du travail en prison, compte tenu des contraintes intrinsèques qui pèsent sur les employeurs (faible productivité des détenus, contraintes organisationnelles …). Cependant, une réflexion pourrait être utilement menée pour trouver un meilleur équilibre entre les garanties apportées au détenu qui travaille et les contraintes spécifiques de l’employeur.

      La baisse de la proportion de détenus exerçant une activité professionnelle

En 2017, 19 704 personnes détenues ont travaillé en moyenne mensuelle.

LE NOMBRE DE PERSONNES DÉTENUES TRAVAILLANT EN DÉTENTION

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Nombre total de personnes détenues (au 1er janvier)

61076

62252

60978

60544

64787

66572

67075

66270

66678

68432

Nombre de personnes détenues ayant travaillé (1)

Service général

6610

7661

7496

8399

8637

8544

8391

9351

9807

10160

Concession

8379

7265

7515

8065

7535

7072

7132

9544

8880

8328

SEP-RIEP

1148

1021

1112

1281

1215

1192

983

1155

1031

1216

Total

16137

15947

16123

17745

17387

16808

16506

20050

19718

19704

(1) moyennes des 12 états mensuels.

Source : direction de l’administration pénitentiaire.

Ces dernières années ont été marquées par une faible progression de l’offre de travail en prison. Si les activités du service général et de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires ont connu une faible progression, en revanche, les offres proposées par les concessionnaires ont stagné. Sur une plus longue période, compte tenu de l’augmentation importante de la population carcérale, la part de détenus exerçant une activité rémunérée a diminué, passant de 39,2 % des détenus en 2006 à 28,5 % en 2016. Ce taux d’activité était compris entre 40 et 43 % entre 1992 et 1999 ([26]).

PROPORTION DE DÉTENUS BÉNÉFICIANT DUNE ACTIVITÉ RÉMUNÉRÉE (1)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

39,2

38,2

36,4

35,7

39,1

39,1

37,7

29,5

28,5

(1) en %, l’activité rémunérée comprend le travail et la formation professionnelle.

Source : projets annuels de performance Justice.

En 2017, le service général a regroupé 51,6 % des actifs rémunérés écroués, soit environ 10 160 postes de travail en moyenne mensuelle. Le service de l’emploi pénitentiaire a géré cette même année 47 ateliers de production employant 6,2 % des actifs rémunérés écroués, soit 1 216 personnes détenues en moyenne mensuelle. Enfin, le travail en concession a employé 42,3 % des actifs rémunérés écroués, soit une moyenne mensuelle de 8 328 personnes détenues.

La situation n’est pas la même selon le type d’établissement pénitentiaire. Ce sont dans les établissements de longues peines, où l’administration pénitentiaire et les entreprises disposent de temps pour former les détenus à leur poste de travail, que le travail s’est davantage développé. Il est beaucoup plus difficile de favoriser le travail et les activités en prison pour les courtes peines (manque de temps pour former les détenus, turn over important sur les postes de travail…).

Plusieurs causes peuvent être évoquées pour expliquer la faible progression de l’offre de travail en prison :

––  la crise économique a touché depuis 2008 le travail en prison comme le reste de l’économie française, et ce d’autant plus que le travail pénitentiaire reste encore concentré sur des métiers peu qualifiés du secteur industriel qui ont été particulièrement affectés par les délocalisations ;

––  le manque de qualification des détenus et une productivité insuffisante constituent un frein important pour les entreprises, comme en ont témoigné les représentants de l’Association des concessionnaires et prestataires de France durant leur audition ;

––  les locaux pénitentiaires sont souvent peu adaptés au développement du travail en prison. La qualité des locaux de travail, en termes d’équipement et d’accessibilité, est très variable. Dans les établissements anciens, notamment dans les petites maisons d’arrêt, les dispositions architecturales rendent bien souvent très difficiles l’installation d’ateliers et la mise en place de moyens d’accès pratiques pour les matériaux. Certains établissements n’ont pas la place nécessaire pour mettre en place des ateliers. C’est le cas des maisons d’arrêt de Chaumont ([27]) et de Coutances dans lesquelles les détenus travaillent en cellule ;

––  l’organisation des établissements pénitentiaires – qui est rendue encore plus rigide en raison de la surpopulation carcérale – limite la durée de la journée de travail et constitue un frein pour le recrutement de détenus ;

––  une priorité accordée à la gestion de la surpopulation carcérale et aux questions de sécurité et une formation des surveillants axée sur ces questions ;

––  la mauvaise réputation de la détention explique également les réticences des employeurs qui ne veulent pas voir l’image de leur entreprise associée à celle, dégradée, des prisons françaises.

B.  Développer le travail pénitentiaire comme outil d’insertion

Si les freins sont nombreux, les groupes de travail ont cependant identifié quatre pistes qui seraient susceptibles de favoriser le développement du travail en prison : la mise en place d’un véritable bilan de compétences à l’arrivée du détenu en détention, le développement de chantiers d’insertion par l’activité économique et de dispositifs susceptibles de favoriser la coordination entre les différents acteurs. Compte tenu du faible niveau de qualification des détenus, le développement de la formation professionnelle des détenus est un préalable indispensable et prioritaire.

      Développer la formation professionnelle : un préalable indispensable

Comme en matière de travail, l’administration est tenue à une obligation de moyens en vue de répondre aux demandes de formation professionnelle. Le premier alinéa de l’article D. 438 du code de procédure pénale précise en effet qu’« au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer la formation professionnelle des personnes incarcérées qui le souhaitent ».

Cette formation est un préalable indispensable à la fois pour développer le travail en prison mais aussi pour envisager l’insertion professionnelle des détenus à leur sortie de détention. En effet, le niveau de qualification des personnes détenues demeure faible. Le taux d’illettrisme de la population carcérale est d’environ 10,9 %, ce qui est supérieur à la moyenne nationale ([28]). En 2014, 43,4 % des détenus sont sans diplôme et 76,2 % ne dépassent pas le niveau CAP.

Dans un rapport récent consacré au travail en prison, l’Institut Montaigne rappelle l’intérêt majeur que représente la formation professionnelle des détenus. Il cite une analyse effectuée en 2013 sur la base de l’ensemble des études américaines publiées entre 1980 et 2011 procédant à l’évaluation de l’efficacité d’actions de formation ([29]). Cette étude montre que le fait de bénéficier d’une action de formation diminue en moyenne de 43 % la probabilité de retourner en détention et qu’un euro investi dans un programme de formation réduit le coût global de l’incarcération de 4 à 5 euros dans les trois années suivant la libération, et encore plus au-delà ([30]).

Des dispositifs de formation adaptés aux besoins des personnes détenues et du marché du travail ont été mis en place de manière efficace dans certains établissements. C’est le cas de la maison centrale de Poissy dans laquelle une boulangerie permet à la fois aux détenus de produire du pain frais pour la consommation de la prison le matin et de suivre une formation professionnelle sur le métier de la boulangerie certains après-midis. De même, M. Thierry Marx, chef cuisinier, a présenté aux groupes de travail les formations qu’il a mises en place pour les métiers de la restauration et de la boulangerie, ouvertes notamment à des personnes sortant de prison et qui présentent des résultats particulièrement satisfaisants en matière d’accès à l’emploi.

Pourtant, le développement de la formation professionnelle en prison reste encore limité puisque seules 19 000 personnes ont été inscrites en formation pour une population de 66 678 personnes écrouées en 2016, soit moins de 29 %.

Ces dernières années ont été marquées notamment par des incertitudes sur le financement de la formation professionnelle de détenus, liées au transfert de cette compétence aux régions.

La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et la démocratie sociale ([31]) a confié l’organisation et le financement de la formation professionnelle en prison aux régions. Elle est effective depuis le 1er janvier 2015 pour les prisons en gestion publique et depuis le 1er janvier 2016 pour 28 établissements en gestion déléguée. Cette compétence a été définitivement transférée aux régions le 1er janvier 2018 ([32]).

Dans un avis du 22 décembre 2016 relatif au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires ([33]), la contrôleure général des lieux de privation de liberté a regretté l’interruption des actions de formation professionnelle dans certaines régions au moment du transfert de compétence. Par exemple, en juin 2015, aucune formation n’était proposée au centre pénitentiaire de Baie-Mahault et à la maison d’arrêt de Basse-Terre (Guadeloupe) car aucun financement n’avait été mis en place par le conseil régional. Il en a été de même entre janvier et octobre 2016 dans l’ensemble des établissements pénitentiaires d’Île-de-France ([34]).

Interrogé à ce sujet par les groupes de travail, la direction de l’administration pénitentiaire a répondu que certaines régions s’étaient montrées parfois « réticentes  (…) à envisager des formations dans des établissements ou pour des publics spécifiques (exemple de maison centrale, ou pour des détenus n’ayant pas pour ambition de préparer une sortie sur le territoire de la région) » et que des échanges étaient en cours « pour dépasser ce qui pouvait parfois relever de la méconnaissance des enjeux et des publics du service public pénitentiaire. »

Interrogée sur le même sujet, l’association Régions de France s’est montrée plus réservée sur le sujet en considérant que si certains points de désaccord ont été  tranchés dans le cadre d’une convention signée par Régions de France et la direction de l’administration pénitentiaire, il demeure des désaccords sur les modalités de calcul des dépenses d’investissement.

Le financement de la formation professionnelle par les régions

Les groupes de travail ont souhaité interroger l’ensemble des présidents de conseils régionaux sur les dépenses consacrées à la formation professionnelle des détenus. Quatre d’entre deux ont répondu et communiqué les éléments suivants :

– la région Grand Est a financé 25 actions de formation professionnelle concernant 433 détenus en 2017 pour un budget de 677 634 euros. Parmi les formations financées peuvent être citées : la préprofessionnalisation aux métiers de bouche au quartier de femmes de la maison d’arrêt de Châlons-en-Champagne, la professionnalisation au métier d’agent de propreté à la maison d’arrêt de Colmar et des actions de qualification d’agent de fabrication industrielle au centre de détention d’Oermigen ;

– la région Centre-Val-de-Loire a financé 84 places pour un budget de 191 579 euros. En 2018, 97 places devraient être financées pour un montant de 598 013 euros ;

– la région Hauts-de-France a indiqué que, dans le cadre de la convention de partenariat avec la direction interrégionale des services pénitentiaires, un budget de 3,5 millions d’euros devrait être consacré à la formation et à la rémunération des personnes détenues avec un objectif de formation de 1 500 personnes par an ;

– et la région Auvergne-Rhône-Alpes devrait financer 87 sessions pour 769 stagiaires en 2018.

Il résulte de ces incertitudes sur le financement – et peut-être aussi d’un manque de volonté politique de certaines régions – une baisse du pourcentage de détenus bénéficiant d’une formation professionnelle, qui est passé de 15,94 % en 2014 à 14,5 % en 2016.

Proposition n° 2 :

Clarifier le financement de la formation professionnelle des détenus, développer les actions de valorisation des acquis de l’expérience (VAE)  des détenus et les actions de formation en lien avec les partenaires locaux (centres de formation des apprentis, instituts de formation des chambres des métiers ….).

      Mettre en place un véritable parcours d’insertion pour les détenus

Comme l’a souligné l’Institut Montaigne ([35]), la procédure d’affectation d’un détenu dans un établissement pénitentiaire ne prend pas suffisamment en compte la perspective d’insertion professionnelle.

Ainsi, dans les critères d’affectation énumérés par la circulaire du 21 février 2012 relative à l’orientation en établissement pénitentiaire des personnes détenues, celui de la « demande de la personne détenue relative à l’accès au travail, à la formation professionnelle » arrive en quatrième position, derrière la dangerosité, le maintien des liens familiaux et la prise en charge des troubles psychologiques et psychiatriques. De même, au moment de leur affectation, les détenus ne connaissent pas la liste des formations proposées dans chaque établissement.

L’Institut constate également que si le repérage de l’illettrisme des personnes détenues est réalisé de manière systématique dans les quartiers dits « arrivants » par les personnels de l’Éducation nationale, le parcours prévu pour les nouveaux détenus reste insuffisamment tourné vers les aspects d’employabilité et de montée en compétences, notamment en raison de l’absence d’outils dédiés, en dehors des tests scolaires de base.

Un bilan de compétence des détenus approfondi devrait être réalisé et généralisé afin de faciliter une démarche d’insertion professionnelle au cours de la détention. À titre d’exemple, lors de leur déplacement à la prison de Horserød au Danemark, les groupes de travail ont pu constater qu’une évaluation approfondie de plusieurs jours de la situation du détenu était réalisée par des travailleurs sociaux dans une unité dédiée.

De même, dans l’avis précité du 22 décembre 2016 ([36]), le contrôleur des lieux de privation de liberté recommande de renforcer l’évaluation des besoins professionnels des personnes détenues, à l’instar de ce qui se pratique dans certains établissements, où les personnes détenues ont la possibilité de bénéficier d’un entretien individuel donnant lieu à l’établissement d’un bilan d’évaluation et d’orientation avec le responsable des formations professionnelles. Le contrôleur considère que « la réalisation d’un bilan plus complet comprenant des tests sur le lieu de travail (bilan d’évaluation et d’orientation avec évaluation en situation de travail) mériterait d’être généralisée afin d’affecter les personnes détenues à des programmes de formation adaptés ».

Proposition n° 3 :

Systématiser et développer les bilans de compétences des détenus lors de leur arrivée en détention afin de déterminer un programme de formation ou une orientation vers un travail.

      Développer les chantiers d’insertion par l’activité économique

L’article 33 de la loi pénitentiaire prévoit la possibilité pour les personnes détenues – dans les conditions adaptées à leur situation et nonobstant l’absence de contrat de travail – de bénéficier des dispositions relatives à l’insertion par l’activité économique.

Après une adaptation du cadre réglementaire ([37]) qui a été assez longue, une phase d’expérimentation de trois ans s’est ouverte en 2016 avec la mise en place de plusieurs chantiers d’insertion ([38]) :

––  au centre de détention d’Oermingen (Bas-Rhin), porté par l’association Emmaüs ;

––  au centre de détention de Saint-Denis (La Réunion), porté par l’association Ti Tang Recup ;

––  à la maison d’arrêt de Moulins (Allier), porté par l’association Avenir ;

––  au centre pénitentiaire de Perpignan (Pyrénées-Orientales), porté par l’association de recyclage catalan insertion (ARCI).

De même, une entreprise d’insertion a été mise en place depuis le 1er juillet 2017 au quartier nouveau concept (QNC) de Meaux-Chauconin. Deux projets devraient être finalisés prochainement : un atelier chantier d’insertion porté par l’association La Remise à la maison d’arrêt de Grenoble-Varces ([39]) et un atelier chantier d’insertion de menuiserie (travail sur la revalorisation de palettes de bois et objets décoratifs) à la maison d’arrêt de Metz.

Ces différents chantiers concernent 70 équivalents temps plein.

M. Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France, a présenté aux groupes de travail le chantier d’insertion mis en place par son association au centre de détention d’Oermingen. Il a souligné que ce type de chantier était particulièrement adapté au public des détenus car il permet l’acquisition de compétences et de savoirs-êtres professionnels, par un encadrement technique (livret de compétence, journées de formation…) ainsi qu’un accompagnement socioprofessionnel adapté. Deux anciens salariés du chantier d’Oermingen ont ainsi été recrutés par Emmaüs dès leur sortie.

 

L’atelier d’insertion porté par Emmaüs au centre de détention d’Oermingen

Le projet « Emmaüs Inside », porté par l’association Emmaüs Mundolsheim, en partenariat avec le centre de détention d’Oermingen concerne la réparation, la rénovation et la customisation de meubles. Emmaüs Mundolsheim collecte en effet chaque année 500 tonnes de meubles, dont une partie était jetée. Les meubles sont donc collectés par Emmaüs Mundo’, rénovés au sein du centre de détention, puis vendus en salle des ventes.

L’atelier a ouvert le 23 mai 2016, avec cinq personnes détenues. L’objectif est d’ouvrir aux personnes détenues les plus en difficulté un parcours d’insertion initié en détention et pouvant se poursuivre à l’extérieur. Dix personnes détenues – recrutées par une commission pluridisciplinaire –- bénéficient ainsi d’un contrat de 24,5 heures hebdomadaires, pour une durée de 6 mois renouvelable.

Les personnes détenues sont encadrées par un encadrant technique salarié d’Emmaüs Mundo’ et bénéficient d’un accompagnement socioprofessionnel réalisé par une conseillère en insertion professionnelle, avec la mise en place d’un projet individualisé. Les personnes peuvent bénéficier d’un suivi par la conseillère en insertion professionnelle à leur sortie et certaines d’entre elles pourront poursuivre leur parcours d’insertion au sein de l’atelier chantier d’insertion extérieur.

En 2017, 19 personnes ont intégré l’atelier (sur 53 demandes reçues). 15 personnes sont sorties (3  déclassements, 4 non-prolongation de collaboration et 8 sorties de détention). 

Il paraît intéressant de généraliser les expérimentations d’ateliers et chantiers d’insertion en détention ; ils présentent, en effet, une réelle plus-value par rapport au travail habituellement proposé en détention.

Proposition n° 4 :

Généraliser les expérimentations des ateliers et chantiers d’insertion en détention.

      Améliorer la coordination entre les différents acteurs

Le développement du travail pénitentiaire souffre d’une difficile coordination entre les différents acteurs intervenant dans ce domaine : Justice, entreprises, Pôle emploi, missions locales, administration pénitentiaire et services pénitentiaires d’insertion et de probation.

La signature d’une convention cadre entre le ministère de la Justice et Pôle emploi sur la période 2017-2019 a eu pour objectif d’améliorer la prise en charge des personnes condamnées détenues en fin de peine notamment par la prise en charge à moins de six mois de la sortie ([40]). Elle prévoit l’intervention de 145 conseillers de conseillers Pôle emploi auprès des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires.

Un des objectifs de la convention est une mobilisation plus volontariste de la certification professionnelle CléA mise en place par les partenaires sociaux et qui est particulièrement adaptée aux personnes détenues dont la moitié ne dispose d’aucun diplôme ([41]).

La mise en place de structures telles que le GREP (Groupement pour l’emploi des probationnaires) – qui intervient dans les établissements pénitentiaires des départements du Rhône, de la Loire et de l’Ain – apparaît particulièrement pertinente pour améliorer la coordination entre les différents acteurs. Cet organisme a pour objectif de bâtir les projets de sortie en fin de peine et d’aménagement de peine et d’aider le détenu à construire son parcours d’insertion professionnelle. Les signalements vers le GREP sont faits par les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation que ce soit en milieu ouvert ou fermé et les juges d’application des peines sont informés de la mise en œuvre du parcours professionnel. Des groupements patronaux (Medef Lyon Rhône Alpes, association nationale des directeurs de ressources humaines…)  ainsi que de nombreuses entreprises (Aldes, Pizzorno, Mersen, Volvo, Vinci, Sanofi, Alstom…) sont présents au conseil d’administration du GREP. 801 personnes ont été ainsi prises en charge en 2017 – auxquelles se rajoutent 297 personnes rencontrées en 2016 et toujours suivies en 2017.

Proposition n° 5 :

Mener une expérimentation de structures telles que le GREP dans plusieurs ressorts de tribunaux avant une éventuelle généralisation de ce dispositif.

C.  Développer le lien entre les établissements pénitentiaires et le tissu économique local

      Faire mieux connaître le travail pénitentiaire au monde de l’entreprise

Le travail pénitentiaire reste largement méconnu par les employeurs qui craignent soit de ne pas trouver des détenus ayant les compétences professionnelles nécessaires soit de porter atteinte à l’image de leur entreprise compte tenu de l’image dévalorisante des prisons.

Ainsi selon une enquête réalisée par TNS Sofres en janvier 2016 auprès de 600 entreprises du secteur privé ([42]), une grande majorité d’entreprises sont peu disposées à embaucher des personnes confiées par l’autorité judiciaire à l’administration pénitentiaire (69 % n’envisageraient pas d’en embaucher, dont 33 % certainement pas) et seules 42 % des entreprises voient un intérêt à de tels recrutements en termes d’image ([43]). Un peu moins d’une entreprise sur deux a connaissance de la possibilité d’embaucher des personnes condamnées en contrat d’insertion (45 %) et 88 % des entreprises se déclarent mal informées sur ce sujet (dont 64 % très mal informées).

Lors de leur audition par les groupes de travail, les représentants de l’Association des concessionnaires et prestataires de France ont ainsi constaté que certaines entreprises qui avaient recours au travail pénitentiaire préféraient que leur nom ne soit pas publié et qu’il n’existait ainsi aucune liste des entreprises recrutant des détenus en France. De même, il n’existe aucune liste des prisons qui peuvent proposer du travail pénitentiaire aux entreprises.

Pourtant, l’exemple des ateliers des entreprises Safran et Liebherr de la prison de Muret, que les groupes de travail ont visités, montre qu’il est possible de développer des activités qualifiées pour le détenu dans des domaines de la mécanique et de l’aéronautique. De même, la maison d’arrêt de Poissy a développé, en partenariat avec l’INA et certaines directions régionales des affaires culturelles, des ateliers de numérisation de documents photographiques, cartographiques et sonores, qui offrent des activités qualifiantes et valorisantes pour les détenus.

Certes, ces activités sont citées comme étant exemplaires et peu représentatives des activités généralement proposées aux détenus qui sont répétitives et peu qualifiantes. Cependant une meilleure connaissance par les entreprises de la réalité du travail pénitentiaire serait probablement de nature de susciter la création de nouveaux ateliers. Plusieurs personnes entendues par les groupes de travail ont préconisé la mise en place de « journées découverte » à l’attention des chefs d’entreprise pour mieux faire connaître le travail pénitentiaire. De telles journées permettraient aux prisons de se faire connaître des entreprises de proximité qui pourraient avoir un intérêt à recourir au travail pénitentiaire. Ces journées pourraient être suivies de rencontres avec les chefs d’entreprise pour connaître leurs besoins.

De même, les établissements pénitentiaires doivent tisser des liens avec les chambres de commerce et d’industrie et les chambres des métiers et de l’artisanat pour mieux se faire connaître des entreprises locales.

Proposition n° 6 :

Mettre en place des « journées découverte » à l’attention des entreprises pour faire mieux connaître le travail pénitentiaire, assurer un suivi de ces journées et développer les partenariats avec les chambres de commerce et les chambres des métiers et de l’artisanat.

      Rendre le travail en prison plus attractif pour les entreprises

L’enquête précitée réalisée par TNS Sofres ([44]) montre qu’il existe des freins importants pour rendre le travail plus attractif pour les entreprises. Ainsi, même après une explication sur les possibilités offertes par les contrats d’insertion, deux entreprises sur trois n’envisagent toujours pas d’embaucher des personnes condamnées. Les freins à l’embauche tiennent essentiellement aux interrogations des entreprises sur le profil psychologique des personnes condamnées (dans 84 % des réponses) et sur le danger qu’ils représentent pour les salariés (71 %) et aux craintes quant à leur fiabilité (69 %).

Cependant plusieurs autres freins à l’embauche pourraient être levés, notamment ceux relatifs à l’existence de locaux adaptés à l’installation d’ateliers.

L’existence de locaux adaptés pour l’installation d’ateliers doit faire partie des critères prioritaires pour la construction de nouvelles prisons. Les membres du livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire, remis au garde des Sceaux par M. Jean-René Lecerf en avril 2017 ont ainsi considéré qu’il était essentiel que « l’implantation de chaque futur établissement soit accompagnée d’une prospection active des ressources du territoire, afin d’identifier les partenaires potentiels et de concevoir des espaces d’ateliers compatibles avec les activités du secteur » ([45]).

Des prisons mêmes récemment construites n’ont pas toujours des locaux suffisamment grands pour accueillir plusieurs ateliers. Dans le rapport précité sur la surpopulation carcérale, Mme Adeline Hazan souligne que la pénurie d’activité « n’est pas toujours liée à la surpopulation et s’inscrit parfois dès l’origine dans la conception de certains établissements pénitentiaires, y compris récents. Ainsi le centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse, mis en service en février 2010, prévu pour 690 places (dont 360 en quartier maison d’arrêt) dispose d’une “ zone ateliers ” ne permettant qu’à 90 personnes détenues de travailler. Même en ajoutant à ce nombre les 117 personnes employées au sein du service général, il apparaît que le projet de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice n’a pas prévu de proposer à chaque personne détenue de travailler lors de son incarcération. » ([46])

Il faut aussi que l’organisation de la journée en prison soit compatible avec l’exercice d’une activité professionnelle en permettant un nombre d’heures de travail suffisant.

Proposition n° 7 :

Faire du travail en prison un critère prioritaire dans la construction de nouvelles prisons et dans l’organisation de la journée carcérale.

Plus globalement, une réflexion sur la valorisation du travail pénitentiaire notamment par la responsabilité sociale de l’entreprise pourrait utilement être menée.

En effet, l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ([47]) permet une meilleure prise en compte des préoccupations sociales et environnementales des entreprises en permettant d’insérer des critères et des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics ou dans les contrats de concession. Il peut s’agir par exemple de la faculté de réserver des contrats aux opérateurs économiques employant au moins 50 % de personnes handicapées ou défavorisées. La mise en place de critères relatifs au recrutement de personnes détenues pourrait donc être envisagée.

Proposition n° 8 :

Mener une réflexion sur la mise en place d’outils incitatifs pour les entreprises, notamment dans le cadre de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE).

De même, il faut envisager la mise en place de dispositifs incitatifs, par exemple sous forme d’incitations fiscales. Ils pourraient s’inspirer des dispositifs de mécénat dont bénéficient les entreprises qui permettent à leurs employés, sapeurs-pompiers volontaires ([48]) ou réservistes ([49])  d’accomplir ces missions sur leur temps de travail.

      Développer la prospection d’entreprises

Plusieurs interlocuteurs entendus par les groupes de travail ont souligné la nécessité de développer les activités de prospection des entreprises. Ainsi, M. Philippe Auvergnon, directeur de recherche au CNRS, a préconisé la création d’une agence nationale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle pénitentiaire. Cette agence, qui serait l’employeur des personnes détenues, aurait également une mission de protection auprès des entreprises. L’Institut Montaigne, dans son rapport précité, fait la même préconisation.

Pour les groupes de travail, la création d’une telle structure ne doit pas être totalement exclue et mérite une réflexion approfondie surtout si elle traite à la fois la question de l’emploi et de celle de la formation professionnelle. Néanmoins à ce stade, si cette piste apparaît très intéressante, le risque existe que la mise en place d’une structure supplémentaire soit de nature à créer de nouveaux cloisonnements et des lourdeurs administratives.

Le renforcement des moyens de prospection des directions interrégionales des services pénitentiaires et de ceux de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP) pour permettre une nouvelle dynamique au service d’une ambition réaffirmée en faveur de l’emploi semble un préalable nécessaire.

Proposition n° 9 :

Renforcer les moyens de prospection des directions interrégionales des services pénitentiaires et de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires.

Cette prospection pourrait s’orienter vers de nouvelles activités, notamment dans le secteur tertiaire. Ainsi, des centres d’appel ont été installés dans certaines prisons comme celle de Muret et présentent des résultats tout à fait satisfaisants. De même, cette prospection pourrait aussi concerner davantage les commanditaires publics. Le responsable des ateliers de numérisation de documents photographiques et cartographiques de Poissy a ainsi évoqué les partenariats mis en place avec certaines communes et certains organismes culturels et regretté que le travail pénitentiaire ne soit pas connu de toutes directions régionales des affaires culturelles.

En tout état de cause, le développement des partenariats avec les acteurs locaux – association Régions de France, association des départements de France, association des maires de France, association des maires ruraux de France – semble indispensable.

*

*        *

Victimes de la surpopulation carcérale, du manque de personnel et de l’image dégradée des prisons, les activités et le travail pénitentiaire concernent une minorité de détenus et ne remplissent pas leur rôle d’insertion sociale et professionnelle. S’agissant plus particulièrement du travail, la création de nouveaux ateliers en détention repose trop souvent sur des initiatives ponctuelles de chefs d’entreprise sensibilisés à la question carcérale ou sur l’action de directeurs d’établissements qui en ont fait une priorité. Pourtant les visites, par les groupes de travail, des prisons de Poissy et de Muret ont montré que des activités professionnelles qualifiées et diversifiées en prison étaient possibles. Compte tenu du frein que représente aujourd’hui le faible niveau de qualification des détenus, la priorité doit être accordée aujourd’hui au développement de la formation professionnelle en détention.


—  1  —

 

II.   LA PRISE EN CHARGE DES DÉTENUS SOUFFRANT DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES

M. Stéphane Mazars

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

La problématique de la santé mentale en prison est au cœur de nombre des tensions à l’œuvre dans le système pénal et pénitentiaire. Quiconque est entré en prison –comme avocat pour assister un prévenu, comme bénévole associatif pour apporter un soutien aux détenus, ou encore comme parlementaire pour effectuer une visite – en est ressorti stupéfait par la présence, en nombre, de personnes y souffrant de pathologies psychiatriques.

La question des troubles psychiatriques se retrouve également lorsque sont évoqués la notion de « responsabilité », principe fondateur du droit pénal, et le concept de « dangerosité », élément d’appréciation psychiatrique et criminologique du comportement d’une personne.

Avant d’être condamnée, la personne déférée devant un magistrat doit être déclarée pénalement responsable des faits qu’elle a commis.

La question de la prise en compte des troubles mentaux dans la détermination de la responsabilité pénale ne relevait pas du champ d’étude du groupe de travail. Elle a toutefois constitué un thème récurrent des échanges que nous avons eus, tant elle influe sur le nombre et les pathologies des personnes souffrant de troubles psychiatriques en détention.

Le concours de médecins est décisif pour pouvoir juger du discernement d’une personne souffrant de tels troubles. Or l’expertise psychiatrique traverse une crise profonde, en raison, tout à la fois, du nombre insuffisant d’experts dotés des compétences criminologiques et pénales idoines, de la multiplication des demandes d’expertise qui en dévalorise l’intérêt, du manque de formation des professionnels sur le sujet, de l’absence de spécialité de psychiatrie légale dans le domaine universitaire, qui empêche une mise en ordre des pratiques, et de la faible attractivité financière de cet exercice.

L’expertise psychiatrique avant un procès, obligatoire seulement pour les personnes poursuivies pour les infractions les plus graves, présentant un caractère sexuel ([50]) ou faisant l’objet d’une protection juridique ([51]), est en pratique systématique en matière criminelle mais fait le plus souvent défaut en matière correctionnelle, en particulier dans les procédures de jugement rapide comme les comparutions immédiates.

Cette situation conduit à placer en détention des personnes dont le comportement et les pathologies justifieraient qu’elles ne s’y trouvent pas et soient plutôt prises en charge par des structures médicales adaptées.

Il faudra tôt ou tard réexaminer la pertinence des dispositions relatives à la responsabilité pénale dans les situations d’abolition ou d’altération du discernement. Il pourra être utile, notamment, d’évaluer les effets de la loi relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions de 2014 qui a fait de l’altération du discernement une cause légale d’atténuation de la peine privative de liberté prononcée ([52]), alors que, par le passé, la détection d’un trouble mental chez l’accusé conduisait, en pratique, à une aggravation de celle-ci.

Après avoir été condamnée, la personne peut présenter des troubles psychiatriques en détention pour plusieurs raisons. Sa pathologie, préexistante à l’incarcération, a été jugée sans incidence sur sa responsabilité pénale ou a conduit à une reconnaissance de culpabilité avec altération du discernement. Par ailleurs, ses troubles, sous-jacents mais « compensés » en milieu libre, ont pu se développer et s’aggraver en détention du fait de la « décompensation » liée au choc carcéral.

Quoi qu’il en soit, la personne doit pouvoir prendre conscience des motifs ayant justifié sa condamnation et préparer sa réintégration dans la société. La peine privative de liberté n’a pas seulement pour objet de protéger la société ; elle doit aussi revêtir un sens pour le détenu, a fortiori lorsqu’il est malade. Elle doit donc lui permettre de se soigner. Or la prise en charge de ces pathologies dans un cadre pénitentiaire est un exercice délicat car la prison, par sa nature même, peut ne pas être compatible avec les exigences requises par les soins.

D’importants progrès ont été réalisés ces vingt-cinq dernières années en la matière.

Avec la loi du 18 janvier 1994 ([53]), l’organisation et la mise en œuvre de la prise en charge sanitaire des personnes détenues ont été transférées au service public hospitalier, dans l’objectif d’assurer une qualité et une continuité des soins équivalentes à celles offertes à l’ensemble de la population.

Entre 1997 et 2012, les équipes des unités sanitaires présentes en détention ont presque doublé ([54]).

Enfin, la loi de programmation pour la justice de 2002 ([55]) a prévu l’hospitalisation à temps complet des détenus souffrant de troubles psychiatriques dans des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA).

Force est toutefois de constater que patients détenus et libres ne sont pas égaux dans l’accès aux soins. Car ces progrès ont été freinés par un contexte général défavorable, marqué par une progression préoccupante de la population détenue, une démographie médicale en crise ainsi que, dans le secteur de la psychiatrie générale, un mouvement historique de « désinstitutionalisation » et des difficultés budgétaires ayant conduit à privilégier les soins ambulatoires et à réduire le nombre de lits en hôpital. Comment s’étonner, dans ces conditions, que la prison soit utilisée comme la solution de dernier recours pour la prise en charge de personnes qui auraient davantage leur place dans une structure médicale ?

Le groupe de travail a mené de nombreuses auditions – des représentants des personnels pénitentiaires, magistrats, avocats, praticiens de santé exerçant en prison mais aussi du secteur associatif – et s’est déplacé aux centres pénitentiaires de Fresnes et Château-Thierry ainsi qu’à l’UHSA de Villejuif. Ces auditions et déplacements ont confirmé le grand professionnalisme des personnels pénitentiaires, des praticiens de santé et des personnels paramédicaux intervenant en détention. Bien souvent, ils suppléent, par leur dévouement et parfois au prix de « bricolages », à l’insuffisance des moyens humains et matériels, dans le contexte de surpopulation carcérale que nous connaissons tous.

Au terme de ces travaux, se dégagent trois priorités qui devraient s’imposer aux pouvoirs publics dans les prochaines années :

––  mieux connaître, d’abord, les pathologies psychiatriques en détention ;

––  améliorer, ensuite, l’organisation de la prise en charge des détenus souffrant de ces pathologies ;

––  garantir, enfin, une réelle continuité des soins en détention et à la sortie de prison.

1.   Mieux connaître les pathologies psychiatriques en détention

Les pathologies psychiatriques en détention sont méconnues : tel est le premier constat dressé à l’issue des travaux du groupe de travail.

Si leur proportion est souvent estimée à un quart des détenus, aucune étude récente n’est venue corroborer ce chiffre. En la matière, ce sont donc les constats empiriques établis par les équipes médicales au sein de chaque établissement qui prédominent aujourd’hui.

Une certitude existe toutefois : les pathologies mentales sont surreprésentées en milieu carcéral (taux de recours aux soins psychiatriques, nombre de psychoses ou de troubles dépressifs, risque suicidaire…) ([56]), l’ensemble des pays industrialisés observant quatre à dix fois plus de pathologies psychiatriques dans les établissements pénitentiaires que dans la population générale ([57]).

La dernière enquête épidémiologique nationale de référence, publiée en 2006 ([58]), permet cependant d’avoir une vue globale, quoique datée, de la prévalence des troubles psychiatriques en milieu carcéral :

––  8 hommes sur 10 et plus de 7 femmes sur 10 présentaient au moins un trouble psychiatrique, la grande majorité cumulant plusieurs troubles (troubles anxieux, dépressions, troubles bipolaires, psychoses…) ainsi que des dépendances ;

––  35 % à 42 % des hommes étaient considérés comme manifestement malades, gravement malades ou parmi les patients les plus malades, 25 % des détenus de métropole, hommes ou femmes, présentant un trouble psychotique ([59]) ;

––  42 % des hommes et la moitié des femmes en métropole présentaient des antécédents personnels et familiaux d’une gravité manifeste ;

––  40 % des hommes et 62 % des femmes présentaient un risque suicidaire.

Si aucune étude nationale de référence n’a été conduite depuis lors, une enquête régionale, menée entre 2015 et 2017 dans le Nord-Pas-de-Calais, a confirmé ces données ([60]) et mis en lumière les comorbidités très fréquentes observées chez les détenus, puisque 45 % des arrivants présenteraient au moins deux troubles psychiatriques et plus de 18 % au moins quatre troubles.

Au-delà du caractère daté et partiel des éléments épidémiologiques disponibles, il manque une analyse qualitative fine de la souffrance psychique, de l’évolution des troubles au cours de la détention et de l’effet pathogène potentiel de l’incarcération. Comme le relevait le professeur Frédéric Rouillon dans son enquête épidémiologique de 2006, « dans un contexte d’emprisonnement (privation de liberté, de l’environnement familial, de sexualité, etc.), [la] souffrance psychique ne relève (…) pas nécessairement d’un état pathologique ». Le constat, évident pour les troubles anxio-dépressifs, se vérifie aussi pour les troubles psychotiques car « la perte de contact avec la réalité est un élément central de tout trouble psychotique » et « la vie carcérale est un facteur de risque majeur de déréalisation ».

Dans le cadre de la nouvelle stratégie santé des personnes placées sous main de justice engagée en 2017, le Gouvernement a indiqué réfléchir au lancement, à court terme, d’une enquête se concentrant sur les troubles psychiatriques les plus graves, la nature des prises en charge proposées ainsi que les demandes, octrois ou refus d’aménagements de peine propres à ce public pénitentiaire spécifique.

Ce premier pas est à saluer mais il apparaît nécessaire de lancer sans attendre une enquête épidémiologique de plus grande ampleur, recensant tous les troubles psychiatriques et les comorbidités, analysant leur gravité, répertoriant les soins prodigués et comportant une vision longitudinale du parcours des personnes de leur entrée à leur sortie de détention, voire même avant leur incarcération. Une telle enquête devrait permettre d’orienter les détenus malades vers des prises en charge adaptées et de déterminer l’impact de l’incarcération sur la naissance ainsi que le développement des troubles psychiques.

Proposition n° 1 :

Mener une nouvelle enquête épidémiologique permettant de connaître le nombre de détenus souffrant de troubles psychiatriques, leurs pathologies, les soins prodigués et comportant une analyse longitudinale du parcours des personnes de l’entrée à la sortie de détention.

2.   Améliorer l’organisation de la prise en charge

Les soins psychiatriques en détention sont organisés en trois niveaux selon une logique d’offre de soins diversifiée et graduée :

––  les soins ambulatoires de premier niveau – consultations et actes externes psychiatriques – sont dispensés par des psychiatres intervenant dans les unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP), ou, dans les maisons d’arrêt et centres pénitentiaires les plus importants de chaque région pénitentiaire, un service médico-psychologique régional (SMPR) ;

––  les soins de deuxième niveau, requérant une hospitalisation de jour, sont réalisés à titre principal par les SMPR ou, dans certains cas, par une USMP non dotée de SMPR ;

–– les soins de troisième niveau, impliquant une hospitalisation à temps complet, sont opérés, avec ou sans consentement, au sein d’une unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) rattachée à un établissement de santé ou, à défaut et en hospitalisation d’office, dans l’hôpital psychiatrique du secteur, voire au sein d’une unité pour malades difficiles (UMD) si les critères cliniques le justifient.

La structuration en trois niveaux de cette offre de soins est jugée globalement pertinente et adaptée à la multiplicité des pathologies. En particulier, l’hospitalisation en UHSA a permis d’améliorer la qualité des soins prodigués aux personnes détenues et de recourir dans une moindre mesure à des hospitalisations en chambre d’isolement dans l’hôpital psychiatrique du secteur, rapprochant ces soins du niveau de ceux proposés à la population générale.

En revanche, l’organisation pratique de cette offre de soins, qui s’articule autour de 179 USMP, 26 SMPR pour 371 places d’hôpital de jour, et 9 UHSA pour 440 places d’hospitalisation à temps complet souffre d’importantes disparités géographiques et de moyens. Les constats sont les suivants :

––  une offre incomplète de soins ambulatoires dans les USMP et SMPR : pourtant, la prise en charge ambulatoire constitue le premier et principal niveau de soins, la très grande majorité des malades suivis par la psychiatrie générale étant désormais suivie en ambulatoire ;

––  des disparités importantes de personnels, y compris entre USMP d’une même région, et la sous-occupation des postes médicaux par rapport aux besoins de la population pénale : en 2016, 22 % des postes de médecins psychiatres n’étaient pas pourvus et, lorsqu’ils l’étaient, c’était souvent sur la base de vacations ou de temps partiels ;

––  des problèmes de transport pénitentiaire, liés à l’éloignement géographique de la structure médicale de prise en charge la plus proche ou aux difficultés plus générales posées par les extractions pénitentiaires ;

––  un nombre de places en hospitalisation en UHSA insuffisant et géographiquement déséquilibré, notamment à l’égard des territoires d’outre-mer, seules 9 des 17 unités initialement prévues, soit 440 des 705 places, ayant été construites ([61]) ;

––  une hétérogénéité des pratiques au sein des UHSA, chaque unité ayant été conçue autour d’un projet médical spécifique ;

––  des difficultés liées à la gestion de la mixité des publics au sein des UHSA, détenues femmes et détenus mineurs pouvant être hospitalisés, au même titre que des détenus hommes, dans ces unités ;

––  une collaboration variable des équipes sanitaires et pénitentiaires au sein des établissements pénitentiaires et des UHSA, la question des pratiques professionnelles à suivre et du secret médical partagé constituant certainement des sources récurrentes de conflit.

De nombreux facteurs sont à l’origine de cette situation :

––  le déclin de la démographie médicale en secteur psychiatrique ;

––  le manque d’attractivité de l’exercice psychiatrique en prison ;

––  l’éloignement géographique de certains établissements pénitentiaires construits à partir des années 1990 ;

––  le défaut de coordination régionale des SMPR et l’ineffectivité de leur compétence régionale, certains SMPR refusant d’accueillir d’autres détenus que ceux écroués dans leur établissement de rattachement ;

––  les retards accumulés dans la construction de la première tranche des UHSA, repoussant d’autant leur évaluation et le lancement de la seconde tranche.

Unités et services médicaux psychiatriques dédiés aux personnes détenues

Cette situation conduit à une offre de soins dégradée :

––  détenus hommes et détenues femmes ne sont pas égaux dans l’accès aux soins ambulatoires – tous les SMPR ne peuvent pas accueillir de détenues femmes en hospitalisation de jour – et à l’hospitalisation en UHSA – les problèmes de mixité peuvent conduire à écourter leur séjour ;

––  les hospitalisations d’office dans les hôpitaux psychiatriques de rattachement, dépourvus d’aménagements de sécurité appropriés, demeurent le mode principal d’hospitalisation, ce qui conduit au placement quasi-systématique de la personne détenue en chambre d’isolement pour des motifs de sécurité alors que son état de santé ne le justifie pas ;

––  des retards très longs, pouvant aller jusqu’à plusieurs semaines, sont constatés avant l’hospitalisation, allongeant les listes d’attente avant admission en UHSA ou prolongeant les soins en hospitalisation complète sans que l’état médical le requiert.

Face à ce constat, plusieurs évolutions organisationnelles devraient être mises en œuvre afin de consolider et d’homogénéiser les moyens consacrés à la prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiatriques :

––  au niveau 1, définir un ratio de personnel (médecins psychiatres, infirmières, psychologues…) par détenu à respecter à moyen terme et mettre en œuvre un plan pluriannuel destiné à parvenir à cet objectif ;

––  au niveau 2, renforcer le rôle des agences régionales de santé dans la définition d’une offre de soins cohérente, notamment par la désignation claire, pour chaque lieu de détention, d’un lieu de référence de prise en charge afin que chaque SMPR remplisse sa mission régionale ;

––  au niveau 3, procéder sans tarder à l’évaluation de la première tranche en analysant les projets médicaux et le mode de fonctionnement de chaque unité, notamment au regard des questions de mixité (hommes-femmes et majeurs‑mineurs) puis lancer la construction de la deuxième tranche pour parvenir au total des 17 unités et 705 places initialement prévues en vue de rééquilibrer les moyens et la répartition de ces unités sur l’ensemble du territoire en fonction de la population détenue effective ([62]).

Proposition n° 2 :

Consolider et homogénéiser les moyens consacrés aux trois niveaux de prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiatriques, par la définition d’un ratio minimal d’encadrement médical dans les USMP, d’une offre de soins cohérente et régionalisée dans les SMPR et le lancement de la seconde tranche des UHSA en tirant les conclusions de l’évaluation de la première tranche.

Dans ce paysage, le centre pénitentiaire de Château-Thierry occupe une place singulière. Construit en 1850 et doté d’un quartier maison centrale de 101 places qui ne peut en accueillir, en pratique, que 75 environ, il a vocation à recevoir des personnes détenues considérées comme inadaptées à la détention ordinaire, pour un séjour temporaire destiné à leur permettre de restaurer leurs liens sociaux et de se réadapter à la détention ordinaire. Le centre pénitentiaire n’est pas un établissement médical et l’orientation des détenus ne se fait pas sur décision médicale mais de l’administration pénitentiaire.

Toutefois, au fil des années, l’usage de cet établissement a été peu à peu modifié par l’administration pénitentiaire. Il a en pratique vocation à « gérer » les personnes détenues dont les établissements pénitentiaires ne se sentent plus en mesure d’assurer la prise en charge. Les personnes accueillies souffrent en grande majorité de troubles psychotiques sévères et récurrents (peur ou refus de l’isolement de longue durée, manque d’hygiène grave, régression, état de prostration, retrait par rapport à la collectivité, ingestions répétitives de corps étrangers, automutilations fréquentes, tentatives répétées de suicide, personnalité passive entraînant des sévices ou agressions renouvelées de la part d’autres codétenus, agressivité constante et incontrôlable…). Le séjour d’une grande partie de la population pénale peut être prolongé et répété.

Nous avons pu constater, lors de notre visite, que des enseignements avaient été tirés des critiques formulées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté sur le fonctionnement de cette structure ([63]), en particulier à l’égard des pratiques d’injections forcées.

Toutefois, même si l’architecture de type panoptique est particulièrement adaptée à l’accueil de ce public, les locaux demeurent vétustes et appellent la mise en œuvre rapide d’un plan de rénovation. De plus, l’unité sanitaire reste sous-dotée en personnel médical et paramédical compte tenu de l’état de santé psychiatrique des personnes détenues, l’établissement ne disposant pas d’un médecin psychiatre présent sur place à tous les moments de la journée.

C’est pourquoi il est recommandé de procéder sans tarder à la rénovation du centre pénitentiaire de Château-Thierry, afin de rendre les conditions de détention compatibles avec les normes de dignité de la personne et d’habitabilité des cellules, et de renforcer les effectifs des équipes médicales et paramédicales de cet établissement, notamment en créant les conditions d’une présence continue d’un médecin psychiatre sur place.

Proposition n° 3 :

Conforter le rôle du centre pénitentiaire de Château-Thierry :

––  procéder sans tarder à sa rénovation ;

––  mettre les dispositions réglementaires relatives à l’affectation des détenus en conformité avec les pratiques suivies ;

––  le doter des personnels médicaux et paramédicaux suffisants et compatibles avec l’état de santé psychiatrique des personnes incarcérées.

Les personnes qui y sont détenues bénéficient, grâce à un taux d’encadrement élevé et des personnels dévoués et expérimentés, d’une surveillance personnalisée, d’une prise en charge médicale spécifique et d’activités socioculturelles variées. Le fonctionnement de l’établissement permet l’accueil en détention d’un public difficile et produit des résultats prometteurs sur certains détenus, facilitant la sortie de l’isolement, réduisant de manière significative les passages à l’acte et propices à une resocialisation.

Cet établissement a été jugé utile par l’ensemble des personnes auditionnées, qui ont salué son expertise dans la prise en charge d’un public particulier. Toutes ont également souligné la spécificité de cette prison, où les problématiques médicales donnent une coloration particulière à un environnement qui n’en demeure pas moins carcéral. Nombre d’entre elles ont aussi regretté que des établissements similaires à Château‑Thierry n’existent pas ailleurs en France, alors que la capacité d’accueil limitée de ce centre empêche d’accueillir d’autres détenus pourtant susceptibles d’être réceptifs à la prise en charge qui y est proposée.

Dans le même temps, il convient de veiller à ce que la construction d’autres établissements similaires à Château-Thierry ne se fasse pas au détriment d’une prise en charge médicale de qualité et adaptée aux pathologies des détenus, les personnes détenues souffrant de troubles psychiatriques devant relever prioritairement de structures dédiées telles que les UHSA.

Dans ces conditions, il pourrait être utile, comme le proposait le livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire remis au garde des Sceaux par M. Jean-René Lecerf en avril 2017 ([64]), de compléter notre parc carcéral par quelques établissements pour peines semblables à ChâteauThierry, dotés de personnels volontaires et spécialement formés aux spécificités de la prise en charge du public écroué. Une telle évolution pourrait passer par la transformation d’établissements existants, de petite taille et dotés d’une architecture – par exemple de type panoptique – adaptée et propice à une veille constante des détenus. En tout état de cause, seuls des détenus souffrant de troubles tels qu’ils ne peuvent être ni accueillis en détention ordinaire, ni pris en charge dans des conditions satisfaisantes en USMP, SMPR ou UHSA, devraient être affectés dans ces établissements.

Proposition n° 4 :

Diffuser l’expertise développée par le centre pénitentiaire de Château-Thierry en matière de prise en charge de détenus souffrant de troubles psychiatriques :

––  compléter le parc pénitentiaire par deux ou trois établissements pour peines similaires à Château-Thierry ;

––  doter ces établissements de personnels spécialement formés et recrutés sur la base du volontariat ;

––  affecter dans ces établissements des détenus dont la spécificité des troubles psychiatriques rend impossible leur prise en charge en détention ordinaire ou dans l’une des unités pénitentiaires médicalisées.

3.   Garantir la continuité des soins en détention et à la sortie de prison

Une dernière question a émergé, celle de la continuité de la prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiatriques, qui soulève deux séries de problèmes.

      En premier lieu, l’organisation actuelle des soins aux détenus peut entraîner des arrêts fréquents de traitement pour des patients de retour en détention alors qu’ils étaient « stabilisés » en UHSA. Cela génère des retours récurrents en hospitalisation et accroît les délais d’attente avant admission pour d’autres détenus.

En l’état du droit, les personnes détenues ne peuvent faire l’objet de soins sans consentement que sous la forme d’une hospitalisation complète.

Cette situation diffère du droit commun où, depuis 2011 ([65]), des soins sans consentement peuvent être délivrés en dehors d’une hospitalisation complète, sous la forme d’un programme de soins. Établi par un psychiatre de l’établissement accueillant le patient, ce programme repose sur des soins ambulatoires obligatoires ainsi que des soins à domicile et des séjours en établissements psychiatriques. S’il ne se conforme pas à ses obligations, le patient pourra être de nouveau hospitalisé d’office. Juridiquement, le programme de soins, obligatoire et mis en œuvre sans le consentement de la personne, qui n’est pas en état de le donner, n’autorise toutefois pas l’usage de la contrainte, sauf à transformer la prise en charge proposée en hospitalisation complète.

L’opportunité d’étendre au milieu pénitentiaire le programme des soins soulève de vifs débats dans le milieu de la psychiatrie pénitentiaire.

Pour les partisans d’une telle évolution, que nous avons rencontrés à l’UHSA de Villejuif, elle serait particulièrement adaptée à la prise en charge médicale des personnes souffrant de troubles psychotiques, dont la pathologie repose sur une perte de contact avec la réalité. Par définition, ces personnes ne reconnaissent pas leur maladie et cessent donc leur traitement médical de retour en détention. Parmi eux, seraient surtout concernés les patients les plus fragiles, dont l’état de santé est compatible avec une détention classique mais dont les risques médicaux encourus par l’arrêt du traitement seraient importants.

Ce suivi renforcé contribuerait à freiner le recours à l’hospitalisation en UHSA, seul moyen aujourd’hui disponible pour éviter l’arrêt des soins en détention en recourant à l’hospitalisation sous contrainte de la personne. La continuité des soins entre l’UHSA et la détention ne peut reposer, à leurs yeux, sur la seule coordination ou la communication entre praticiens, ni être conditionnée au consentement de la personne, qui est souvent incapable de le donner.

À l’inverse, les syndicats et associations de professionnels de santé intervenant en détention s’opposent à une telle évolution. Pour eux, le programme de soins en milieu libre s’inscrit dans un dispositif de soins sous contrainte au détour d’une hospitalisation complète. Si le consentement de la personne n’est pas nécessaire, il repose malgré tout sur une adhésion de celle-ci et une forme de contrainte à son égard. Or « les soins en milieu pénitentiaire doivent exclure toute contrainte » médicale s’ajoutant à la situation de contrainte que constitue l’enfermement en milieu carcéral. Par ailleurs, « une telle mesure augmenterait le risque de rupture de soins, de passages à l’acte auto et hétéro-agressif et in fine entravera les possibilités d’inscrire les patients concernés dans une authentique démarche de soin, aggravant encore un peu plus le pronostic psychiatrique à long terme » ([66]).

La sensibilité particulière du sujet, sa complexité juridique et ses implications médicales excèdent manifestement les limites imparties à ce groupe de travail. C’est pourquoi il est recommandé de poursuivre la réflexion et la concertation avec les acteurs concernés.

Proposition n° 5 :

Poursuivre la réflexion et la concertation avec les professionnels de santé intervenant en prison sur l’opportunité d’étendre en détention le programme de soins instauré en milieu libre par la loi du 5 juillet 2011.

Une autre solution pourrait résider dans l’application effective des dispositions relatives à la suspension de peine ([67]) et à la libération conditionnelle assouplie ([68]) pour motif psychiatrique. La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines ([69]) a précisé que l’état de santé durablement incompatible avec la détention, qui justifie, sauf en cas de risque grave de renouvellement de l’infraction, la suspension de peine ou la libération, comprenait non seulement les problèmes physiques mais également les troubles mentaux.

Ces dispositions sont toutefois peu utilisées – seules 216 suspensions de peine pour raison médicale étaient suivies par les services pénitentiaires d’insertion et de probation au 1er janvier 2017 – pour au moins trois raisons.

D’une part, l’absence de définition dans la loi de l’incompatibilité durable de l’état de santé mentale conduit les magistrats à apprécier cette incompatibilité en prenant en compte la possibilité d’hospitalisations répétées sous contrainte au sein d’une UHSA, où la prise en charge médicale est satisfaisante. Or la répétition de séjours en UHSA ne saurait constituer un mode de prise charge pérenne pour les détenus souffrant de graves troubles psychiatriques, a fortiori compte tenu du nombre limité de places dans ces unités. Les magistrats devraient donc apprécier cette incompatibilité en tenant également compte des conditions de détention ordinaires dans l’établissement pénitentiaire, qui, elles, sont peu satisfaisantes.

D’autre part, les personnes admises en soins psychiatriques sans leur consentement ne peuvent bénéficier de ces dispositions. En droit, cette exclusion peut se justifier par la nécessité de comptabiliser la période de soins sous contrainte, exécutée dans un cadre pénitentiaire, sur le temps de la peine. En pratique toutefois, elle est préjudiciable à une bonne prise en charge médicale : elle oblige à multiplier les allers-retours en hospitalisation d’office en UHSA ou dans un hôpital psychiatrique dans des conditions inadaptées à son état, ce qui entraîne de multiples ruptures de soins.

Enfin, pour certaines organisations syndicales, leur mise en œuvre se ferait au détriment du renforcement des dispositifs de prise en charge médicale en détention et réduirait le pouvoir d’appréciation des juges d’application des peines.

Toutefois, le renforcement des moyens dédiés aux équipes sanitaires présentes en détention est parfaitement conciliable avec l’application des dispositions relatives aux suspensions de peine et libérations pour motif psychiatrique. Force est de constater que l’aggravation, en cours de détention, de la situation médicale de certains détenus ne les rend plus capables de comprendre le sens de leur peine. Ces personnes, qui ne peuvent plus relever, au moins temporairement, du champ carcéral, devraient donc pouvoir bénéficier de suspensions de peine et des mécanismes de libération conditionnelle assouplis comme l’autorise la loi, en contrepartie d’une prise en charge hors de la détention renforcée et protégeant la société comme tout risque de récidive.

Pour faciliter la mise en œuvre de ces dispositions, le ministère de la justice a piloté l’élaboration d’un guide méthodologique avec le ministère des solidarités et de la santé, à destination des professionnels relatif aux aménagements de peine et à la mise en liberté pour raison médicale, qui devrait être publié prochainement. Au-delà, il pourrait être opportun de clarifier le critère de l’incompatibilité durable de l’état de santé mentale avec le maintien en détention et d’examiner l’opportunité d’étendre le bénéfice de la suspension de peine pour motif psychiatrique aux personnes détenues admises en soins psychiatriques sans leur consentement.

Proposition n° 6 :

Assouplir les conditions d’application des articles 720-1-1 (suspension de peine pour motif psychiatrique) et 729 (libération conditionnelle assouplie pour même motif) du code de procédure pénale :

––  clarifier le critère de l’incompatibilité durable de l’état de santé mentale avec le maintien en détention ;

––  examiner l’opportunité d’étendre le bénéfice de la suspension de peine aux personnes admises en soins psychiatriques sans leur consentement.

      En second lieu, la sortie de détention peut constituer une autre source de rupture de la prise en charge.

La continuité des soins passe aujourd’hui par la systématisation de la consultation « sortant » par les équipes des USMP, qui doivent anticiper et préparer la sortie de la personne, en identifiant un médecin référent en milieu libre et en facilitant la transmission du dossier médical à ce médecin.

Ce dispositif n’est pas pleinement opérationnel pour au moins trois raisons :

––  il est peu compatible avec l’état de surpopulation carcérale et les sous‑effectifs des équipes médicales intervenant en détention ;

––  la transmission du dossier médical, aisée pour les détenus dont la situation sociale est relativement stable ou bénéficiant d’un suivi en milieu libre, n’est souvent pas possible pour ceux dont la situation est particulièrement dégradée, comme les personnes sans lien avec l’extérieur ou dépourvues de domiciliation ;

––  de manière générale, les freins à la continuité des soins ambulatoires sont nombreux : délais d’attente pour la prise en charge au centre médico‑psychologique de secteur, manque de structures d’accueil et d’hébergement adaptées…

Deux évolutions peuvent être explorées pour remédier à ces lacunes.

Tout d’abord, la construction des quartiers de préparation à la sortie ou, comme le recommande le groupe de travail sur la diversification des conditions de détention par le recours aux établissements ouverts, des « centres pénitentiaires de réinsertion », pourrait être l’occasion d’inscrire dans le cahier des charges et les projets d’établissement de ces structures des dispositions relatives au projet de soins des détenus. La réinsertion ne doit en effet pas s’analyser uniquement sous l’angle de la formation, de l’activité économique et des lieux familiaux mais aussi sous celui de la prise en charge médicale de la personne qui en a besoin.

Proposition n° 7 :

Prévoir un volet relatif au projet de soins dans le cahier des charges et les projets d’établissement des futures structures orientées vers la préparation à la sortie.

Par ailleurs, les personnes qui souffrent de troubles psychiatriques et sont sans domicile fixe, pour lesquelles la problématique de la continuité des soins à la sortie de détention est la plus aiguë, devraient faire l’objet d’un travail de repérage et de prise en charge spécifique le plus en amont possible.

C’est l’objet d’un projet d’expérimentation initié par Médecins du monde à Marseille, qui a retenu l’attention et suscité l’intérêt du groupe de travail. Le programme expérimental, dénommé Alternative à l’incarcération par le logement et le suivi intensif dans la cité (AILSI), a vocation à concerner les personnes sans logement, vivant avec des troubles psychiatriques sévères et déférées en comparution immédiate devant le tribunal de grande instance de Marseille. Il s’inspire des programmes de jail diversion (évitement des incarcérations) développés aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en Australie.

L’expérimentation vise à résoudre une contradiction qui, si elle est n’est pas prise en compte tôt dans la chaîne pénale, génère des problèmes de prise en charge médicale en détention et de continuité des soins à la sortie de prison.

En effet, alors que les troubles psychiatriques sont nombreux dans la population des sans-abri et en prison, les magistrats manquent d’information sur l’état de santé mentale de la personne déférée en comparution immédiate et ont tendance à ordonner un mandat de dépôt à l’issue de l’audience compte tenu des faibles garanties de représentation de ce public. L’objectif est d’évaluer, d’ici 2021, l’efficacité d’un accompagnement sanitaire et médico-social pénalement ordonné ([70]) en alternative à une incarcération, reposant sur un accès facilité à un logement en bail de sous‑location, un suivi intensif en milieu libre orienté vers le rétablissement et un programme d’accès à l’emploi.

Cette expérimentation a fait l’objet d’un protocole d’engagement signé en mai 2017 avec les ministères de la santé, de la justice et du logement, qui devra se concrétiser par la mobilisation de crédits de paiement dans le courant de l’année 2021. Dans l’intervalle, il importe d’encourager et d’accompagner, sur le plan politique et administratif, ce genre d’initiatives afin que la banalisation de la détention de ce public ne constitue pas un facteur aggravant de risque sanitaire et de précarisation sociale.

Proposition n° 8 :

Encourager l’expérimentation de programmes d’alternatives à l’incarcération pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques et dont la situation personnelle est très dégradée.

 

 


—  1  —

III.   LA DIVERSIFICATION DES CONDITIONS DE DÉTENTION PAR LE RECOURS AUX ÉTABLISSEMENTS OUVERTS

Mme Yaël Braun-Pivet

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Barreaux aux fenêtres, caillebotis, murs d’enceinte, clôtures, barbelés, glacis, filets anti-projection ou anti-hélicoptère, miradors… Saturées de moyens de sécurité, qui sont autant de rappels de l’enfermement, gangrénées par la surpopulation et les violences de tous ordres, les prisons françaises sont propices aux tensions aussi bien entre les détenus qu’avec les personnels.

De ce modèle, il résulte nécessairement des conditions de détention inadaptées, s’appliquant de manière homogène à des personnes qui n’ont théoriquement rien à faire ensemble. L’individualisation de la prise en charge des détenus est difficile, et la récidive probable.

Pourquoi, à la différence d’autres pays, la France n’est-elle pas davantage parvenue à se doter d’établissements pénitentiaires différenciés, incluant des établissements à sécurité allégée destinés à accueillir certaines personnes condamnées en vue de préparer leur réinsertion mais aussi, car ils sont également nécessaires, des établissements à « haute sécurité » réservés aux détenus les plus dangereux ?

Pourquoi les programmes immobiliers ont-ils jusque-là été pensés à travers le prisme du coût de construction de la place de prison, sans s’intéresser suffisamment aux objectifs assignés à cet emprisonnement et aux avantages comparés du recours à telle ou telle forme d’incarcération ?

Pourquoi les politiques pénales et pénitentiaires ne sont-elles pas régulièrement évaluées à l’aune de leurs résultats en termes de réinsertion des personnes détenues et de prévention de la récidive ? Les lacunes de l’appareil statistique du ministère de la justice n’y sont sans doute pas pour rien.

Tout est à faire. Il n’existe pas d’étude statistique territorialisée du parcours des détenus à leur sortie d’établissement. Aucune évaluation du coût global de la récidive, dans ses implications pénales et sociales, n’a été réalisée, alors même que les taux de récidive légale ([71]) et de réitération ([72]) atteignaient, en 2016, respectivement 39,6 % et 41,5 % pour les personnes condamnées à de l’emprisonnement ferme ([73]). Si certains déterminants de la récidive ont été identifiés (nature de l’infraction initiale, caractéristiques sociodémographiques de la personne et antécédents pénaux), le poids d’autres variables, comme les critères géographiques (région d’implantation de l’établissement, différences socio-économiques…) et les conditions de détention (surpopulation, activités, suivi des personnes…), demeure largement méconnu, comme l’ont souligné la Conférence de consensus sur la prévention de la récidive en 2013 et l’Observatoire de la récidive et de la désistance en 2017.

Dans ces conditions, comment croire encore que le service public pénitentiaire puisse contribuer efficacement, comme la loi le prévoit, « à l’insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique » ([74]) ?

Pour remédier à cette situation, le Président de la République a annoncé une refonte en profondeur de notre système carcéral « afin de briser (…) l’espèce de fatalité pénale qui renforce une forme de fatalité sociale ». Ce système serait rebâti à partir de deux piliers, d’une part, « celui de l’effectivité, qui garantit que la peine a du sens pour les victimes, pour la société et pour les coupables eux-mêmes dans un processus de rédemption dont ils saisissent la portée symbolique et physique », et, d’autre part, « celui de dignité, qui ne se confond pas avec la simple reconnaissance de quelques droits mais qui consiste bien (…) à se rappeler que le détenu est un individu simplement privé de liberté mais pas privé de ses autres droits et qui a vocation à se réintégrer pleinement dans la vie de la société » ([75]).

Cette ambition peut être prolongée par une plus grande diversification des conditions de détention, afin de permettre une prise en charge pénitentiaire plus individualisée et mieux adaptée à la personne détenue, à ses problématiques, à ses besoins ainsi qu’aux risques et à la dangerosité qu’elle présente. La peine de prison se trouverait ainsi réinvestie dans ses fonctions de prévention, de réparation et de rétribution, devenant utile pour la société, la victime et la personne condamnée.

Telle est la conclusion à laquelle est parvenu ce groupe de travail à l’issue de nombreuses auditions (représentants des personnels pénitentiaires, des magistrats, des avocats et du secteur associatif intervenant en détention, Agence publique pour l’immobilier de la justice…) et de plusieurs déplacements (aussi bien en France – au centre de détention de Casabianda en Corse, au quartier pour peines aménagées de Villejuif, au sein du régime « respect » de la maison d’arrêt de Villepinte… qu’à l’étranger, au Danemark).

La mise en place des centres pénitentiaires de réinsertion supposera de mieux évaluer les personnes à leur arrivée en détention, ce qui permettra, dans le même temps, de différencier davantage les régimes de détention à l’intérieur des autres établissements, en particulier les maisons d’arrêt.

Le prochain projet de loi de programmation et d’orientation pour la justice devrait être l’occasion de lever les obstacles qui ont fait échec, jusqu’à aujourd’hui, à ces orientations, et de contribuer, selon les vœux du Président de la République, à « changer ce système qui ne protège plus suffisamment, qui mine le personnel pénitentiaire et empêche ceux qui le pourraient de se réinsérer et de sortir de la délinquance » ([76]).

1.   Doter notre parc carcéral de centres pénitentiaires de réinsertion

Depuis de nombreuses années, certains plaident pour que notre pays fasse évoluer son modèle carcéral. Celui-ci présente, en effet, en matière de diversification des conditions de détention, une lacune majeure : il ne dispose quasiment pas de structure intermédiaire entre, d’une part, l’établissement pénitentiaire classique, où le niveau de sécurité est aligné sur la dangerosité d’une minorité de détenus, et, d’autre part, les structures pour peines courtes ou aménagées, réservées à un petit nombre de personnes condamnées au profil spécifique et sous-utilisées.

L’idée est ancienne puisque, dès 1955, l’Organisation des Nations Unies recommandait l’extension du régime ouvert de détention au plus grand nombre possible de détenus en considérant qu’il « représente l’une des applications les plus heureuses du principe de l’individualisation de la peine en vue d’une réadaptation sociale » et « peut contribuer à diminuer les inconvénients que présentent de courtes peines d’emprisonnement » ([77]).

En France également ce modèle a été défendu : M. Jean-Marie Bockel, notamment, alors Secrétaire d’État à la Justice, avait commandé, en 2010, à M. Paul-Roger Gontard, une étude de faisabilité sur le régime ouvert de détention ([78]).

Le groupe de travail considère qu’il est temps, aujourd’hui, de « passer à l’action » en dotant notre pays de centres pénitentiaires de réinsertion, à sécurité adaptée.

      De nombreux pays d’Europe se sont dotés de prisons dites « ouvertes »

Notre pays ne connaît pas, ou peu, ce que la plupart de nos voisins européens désignent sous l’appellation de « prison ouverte », oxymore désignant un régime de détention assoupli par rapport au modèle carcéral traditionnel.

Ces établissements, où, en principe, « les mesures préventives contre l’évasion ne résident pas dans des obstacles matériels tels que murs, serrures, barreaux ou gardes supplémentaires » ([79]), reposent sur trois règles qui se différencient de celles qui régissent l’enfermement classique :

1)  la limitation au strict nécessaire des moyens de sécurité par la suppression des moyens passifs comme les barreaux aux fenêtres, les murs d’enceinte, les miradors ou les barbelés ;

2)  l’autonomisation et la responsabilisation accrues des détenus dans la gestion de la vie quotidienne, au travers d’une libre circulation en journée et d’une autogestion des tâches d’entretien, de rénovation et de restauration ;

3)  l’imposition d’obligations particulières d’activités, qu’il s’agisse du travail, de la formation ou de soins…

Le bon ordre dans l’établissement est maintenu grâce à un « contrat de confiance » liant l’administration pénitentiaire au détenu, par lequel ce dernier s’engage à respecter certaines règles en contrepartie d’un régime de détention plus favorable, ce qui favorise l’autodiscipline et réduit les sources d’animosité entre détenus et personnels et entre détenus eux-mêmes. En procurant un environnement moins éloigné des réalités de la vie libre, ces prisons donnent aux détenus les moyens de réellement préparer leur réinsertion. À la différence du régime « respect » qui sera ultérieurement évoqué, le principe de libre circulation s’applique à l’ensemble de l’établissement – entre les bâtiments d’hébergement, les lieux de travail ainsi que les aires dédiées aux activités socio-éducatives et sportives – et non à un seul quartier.

Ces établissements n’en demeurent pas moins de véritables prisons. Les personnes condamnées y purgent une peine privative de liberté. La privation de liberté est double : elle résulte d’une limitation de la liberté de déplacement au périmètre pénitentiaire, sous peine d’un retour pouvant intervenir à tout moment dans un établissement classique, mais procède aussi de « l’obéissance à des règles que l’on ne s’est pas choisi, d’autant plus oppressantes qu’aucune contrainte matérielle ne vient les imposer », ainsi que l’a exposé M. Garspard Koenig devant le groupe de travail.

Plusieurs pays européens ont fait le choix de diversifier leur parc pénitentiaire afin de proposer cette modulation des conditions de détention selon le profil des détenus ou le stade d’exécution de la peine d’emprisonnement.

Au Danemark notamment, où l’incarcération en « prison ouverte » est la règle pour sanctionner les infractions punies d’une peine d’emprisonnement inférieure à cinq ans, l’administration pénitentiaire conçoit la réponse carcérale comme « l’art d’équilibrer une approche stricte, fondée sur la sécurité et le contrôle, et une approche douce, fondée sur l’aide et l’encouragement ». Il n’est pas anodin que la probation y soit née beaucoup plus tôt qu’en France : dès 1843, des organismes privés commençaient à porter assistance aux prisonniers, et, en 1905, un travail de probation était mené auprès des auteurs d’infractions.

 

 

 

Prison de Horserød (Danemark) : entrée de l’établissement, espace pavillonnaire,
cuisine d’un pavillon d’hébergement, aire de jeux d’un pavillon pour familles et atelier de travail
(de gauche à droite et du haut vers le bas).

Dans ce pays, le parc pénitentiaire se compose ainsi de « prisons fermées », de « prisons ouvertes » et de « maisons de semi-liberté », l’affectation en « prison ouverte » étant le principe pour certaines peines d’emprisonnement.

Les « prisons ouvertes » au Danemark

Au Danemark, 8 « prisons ouvertes », d’une capacité de 1 100 places, accueillent environ 25 % de la population carcérale.

La loi sur l’exécution des peines danoise dispose que « la peine d’emprisonnement se fait habituellement en prison ouverte » et énumère les exceptions à ce principe : les peines supérieures à cinq ans d’emprisonnement, sauf dans les cas où le comportement du détenu permet l’application du régime ouvert ; les cas de risques d’agression envers le personnel ou les autres détenus ; si l’infraction commise et le comportement du détenu font apparaître des risques d’évasion ou entraînent des mesures disciplinaires ; s’il est préférable de placer le détenu en « prison fermée » pour sa propre sécurité ou pour des soins spécifiques ; sur la demande du détenu aux fins de rapprochement familial ou pour d’autres raisons personnelles.

L’affectation dans ce type d’établissements fait suite à une évaluation individuelle du détenu durant une dizaine de jours.

Les portes des cellules sont fermées entre 21h et 7h, les détenus circulant librement à l’intérieur de l’établissement le reste de la journée, sous réserve de travailler, de se former ou de suivre des soins entre 8h et 15h. L’établissement est entouré de clôtures.

D’autres pays peuvent être cités, parmi lesquels :

––  l’Angleterre et le Pays de Galles, où la classification des établissements de catégories A à D laisse la place à des prisons en régime « ouvert » ;

––  la Belgique, qui ne compte pas moins de quatre prisons « ouvertes » ;

––  la Finlande, où il existe des prisons « fermées » et « ouvertes » entre lesquelles les détenus exécutent progressivement leurs peines ;

––  la Norvège, qui possède aussi des prisons « fermées » et « ouvertes », ces dernières étant adaptées à la prise en charge des détenus en fin de peine ;

––  la Suède, qui s’est dotée d’une classification allant de A à F, la dernière correspondant aux établissements « ouverts » qui ne comportent aucun moyen conçu pour éviter les évasions à l’exception de la présence de surveillants ;

Proportion de places et d’établissements à régime « ouvert »
de détention en Europe en 2010

Source : Gontard P.-R., op.cit., p.57.

      La France ne s’est pas inspirée de ces modèles étrangers

Comme le montre le graphique ci-dessus reproduit, la France, pour sa part, a très peu recours à ce type d’établissements.

Notre modèle de prison, philosophiquement conçue comme la forme essentielle de la punition, est historiquement et architecturalement marqué par des préoccupations sécuritaires visant, pour l’essentiel, à prévenir les évasions et maintenir l’ordre en détention. La probation ne s’est implantée dans la culture judiciaire française que tardivement, en 1958, lorsqu’ont été créés le juge de l’application des peines, le sursis à l’emprisonnement avec mise à l’épreuve, les comités de probation et d’assistance aux libérés et les mesures d’aménagement de peine. La typologie des établissements pénitentiaires du code de procédure pénale ne fait d’ailleurs plus mention d’établissements ouverts depuis les années 2000 ([80]).

Seuls deux centres de détention sont susceptibles de recevoir cette qualification au regard de leur organisation et de leur mode de fonctionnement ([81]) : celui de Casabianda en Corse, d’une capacité de 194 places, et celui de Mauzac en Dordogne ([82]), d’une capacité de 369 places. Les 563 places en régime « ouvert » de détention ne représentent donc que 0,9 % du parc carcéral et accueillent, en pratique, un public spécifique constitué, en grande majorité, d’auteurs d’infractions sexuelles.

L’exemple de Casabianda, qui a été visité par le groupe de travail, illustre le caractère exceptionnel de l’application de ce régime en France, eu égard à la configuration de l’établissement, aux détenus accueillis et aux activités proposées.

Centre de détention de Casabianda (Corse) : entrée de l’établissement et champ de culture
(de gauche à droite)

Le centre de détention de Casabianda

Le centre, situé sur la côte est de la Corse, a été créé en 1948 à l’initiative de Paul Amor, directeur de l’administration pénitentiaire, Pierre Cannat, contrôleur général des services pénitentiaires, et André Perdriau, magistrat affecté à l’administration pénitentiaire.

D’une superficie de près de 1 500 hectares, il a aujourd’hui une capacité de 194 places pour un niveau moyen d’occupation de 70 %. Il ne dispose pas de murs d’enceinte ni de barreaux aux fenêtres et la sécurité périmétrique des bâtiments est assurée par des barrières hyperfréquences, une patrouille de nuit, des détecteurs de véhicules et diverses alarmes.

Initialement prévu pour accueillir des condamnés pour faits de collaboration, le centre héberge aujourd’hui majoritairement des auteurs d’infractions sexuelles intrafamiliales.

Les affectations au centre de détention reposent sur plusieurs critères : le volontariat du détenu, sa bonne condition physique et mentale, un comportement exemplaire en détention, l’indemnisation des éventuelles parties civiles, l’absence de période de sûreté en cours, ne pas être originaire de Corse et n’avoir jamais été écroué à Casabianda.

Les détenus participent à une activité agricole et d’élevage (activité porcine, sylvestre et ovine, oliveraies…) auxquelles vient s’ajouter un atelier mécanique. Les activités proposées se font en cohérence avec la micro‑économie locale afin de ne pas être en concurrence avec les activités présentes sur l’île, de proposer des services par la vente de produits et de déboucher sur des activités rentables, adaptées au marché local.

Les rares structures françaises qui sont propices à une diversification des conditions de détention sont celles destinées à l’exécution de peines courtes ou aménagées, principalement les centres ou quartiers de semi-liberté ou pour peines aménagées. Leurs caractéristiques en freinent toutefois l’utilisation par les services d’insertion et de probation ainsi que les magistrats.

Pour y être affectée, la personne condamnée doit bénéficier, sur décision d’un magistrat, d’un aménagement de peine avant le début d’exécution ou en cours d’exécution de celle-ci, sous la forme d’un placement en semi-liberté ou à l’extérieur, dès lors que le quantum de peine restant à exécuter, ou le reliquat, est égal ou inférieur à deux ans d’emprisonnement, ou, pour une personne en état de récidive légale, à un an. Il peut aussi s’avérer nécessaire de la prendre en charge de manière spécifique si elle présente une vraie volonté et de réelles capacités à construire un projet de sortie mais demande un accompagnement particulier durant sa détention, impossible en maison d’arrêt compte tenu des taux actuels d’occupation et de la brève durée de détention.

Ces structures devraient se caractériser par des contraintes sécuritaires limitées et être prioritairement tournées vers l’insertion socioprofessionnelle, afin que la personne puisse quitter, à certains moments de la journée, l’établissement pour travailler, suivre un enseignement ou une formation professionnelle, rechercher un emploi, participer à sa vie de famille ou subir un traitement médical. Tel n’est toutefois pas toujours le cas :

––  ces deux catégories d’établissements restent souvent architecturalement marquées par des contraintes sécuritaires importantes ;

––  les centres ou quartiers de semi-liberté souffrent parfois d’une implantation géographique inadaptée – en raison d’un éloignement des zones d’emploi et de formation professionnelle – et d’une amplitude des horaires d’ouverture insuffisante ;

––  une problématique indépendante des conditions d’écrou se pose s’agissant du placement à l’extérieur, dont le développement est freiné par la précarité des financements destinés aux associations partenaires.

Il en résulte une relative stagnation du recours au placement en semi-liberté ou à l’extérieur et une sous-occupation des structures concernées. À titre d’exemple, au 1er février 2018, le taux d’occupation des centres ou quartiers de semi-liberté était de 68 % et celui des centres ou quartiers pour peines aménagées de 73 %. Entre 2017 et 2018, le nombre de personnes écrouées en semi-liberté avait baissé de 2,2 % et de 0,6 % pour les placements à l’extérieur.

Évolution de la population écrouée détenue et des taux d’occupation
des centres et quartiers de semi-liberté de 2007 à 2016

Au 1er janvier

Détenus (hébergés)

Capacité opérationnelle

Taux d’occupation en %

2007

521

572

91 %

2008

543

572

95 %

2009

573

629

91 %

2010

620

659

94 %

2011

677

768

88 %

2012

735

911

81 %

2013

692

896

77 %

2014

761

1007

76 %

2015

774

1078

72 %

2016

829

1254

66 %

Évolution du nombre de personnes en placement à l’extérieur
et en semi-liberté de 2007 à 2016

Au 1er janvier

Placement à l’extérieur

Placement en semi-liberté

2007

705

1339

2008

805

1632

2009

872

1643

2010

1138

1665

2011

1023

1677

2012

947

1857

2013

976

1785

2014

1022

1765

2015

970

1689

2016

810

1602

Source : Statistiques mensuelles des personnes écrouées et détenues.

Le paysage d’ensemble souffre, enfin, d’un manque de lisibilité, préjudiciable à la bonne compréhension par les magistrats, les personnels pénitentiaires et les détenus eux-mêmes des dispositifs et des établissements existants.

Se sont multipliées, ces quinze dernières années, des structures aux désignations diverses avec la création, en 2002, des centres ou quartiers pour peines aménagées et des quartiers « courtes peines », puis, en 2011, des quartiers « nouveau concept ». Pas moins de quatre dénominations, en comptant les centres ou quartiers de semi-liberté, se sont succédées et continuent de coexister pour désigner des structures aux objets très proches, sans compter la création prochaine de quartiers de préparation à la sortie.

Au 1er janvier 2018, il est ainsi dénombré un quartier « nouveau concept » ([83]), quatre quartiers « courtes peines » ([84]) et huit centres ou quartiers pour peines aménagées ([85]). Les illustrations de cette complexité ne manquent pas : à titre d’exemple, d’après les données de l’administration pénitentiaire, un quartier « courtes peines » existerait à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, information qui a été infirmée par la direction de l’établissement, interrogée sur ce point… Elles contrastent avec la typologie des établissements établie par le code de procédure pénale, qui ne connaît que les centres ou quartiers de semi-liberté ou pour peines aménagées ([86]).

      La nécessité de doter le parc carcéral de centres pénitentiaires de réinsertion

Face à ce double constat, il est proposé de doter notre pays de centres pénitentiaires de réinsertion, disposant d’une sécurité adaptée.

Trois avantages, notamment, peuvent être attendus d’une telle évolution :

1)  une façon de mieux préparer la sortie de prison et de prévenir la récidive, en permettant à des personnes condamnées d’exécuter leur peine autour d’un programme fondé sur l’autonomisation, la responsabilisation et la formation ou les activités professionnelles, et en amoindrissant, dans certains cas, la violence d’un choc carcéral déstructurant ;

2)  une opportunité de mieux valoriser le métier de surveillant pénitentiaire, dont le rôle serait davantage tourné vers l’évaluation et l’accompagnement des personnes détenues ;

3)  sur le plan financier, des coûts de construction et fonctionnement significativement allégés, en raison du moindre recours aux moyens passifs de sécurité et de la participation active des détenus au fonctionnement de l’établissement : à titre d’exemple, les autorités danoises estiment que les coûts de construction de ces établissements sont réduits de moitié par rapport à ceux d’une prison classique et que leur coût journalier de fonctionnement est de 180 euros par détenu, contre 260 euros dans le cas d’une prison classique.

Plusieurs personnalités politiques ont, par le passé, apporté leur soutien au développement, en France, de telles prisons, démontrant qu’une démarche transpartisane sur ce sujet est possible. Durant le quinquennat de M. Nicolas Sarkozy, M. Jean‑Marie Bockel, secrétaire d’État à la Justice, avait plaidé, en vain, comme cela a été mentionné, pour le développement progressif de ce régime, soutien qu’il a réitéré récemment de façon publique ([87]) et devant le groupe de travail. En 2011, M. Éric Ciotti, dans un rapport consacré au renforcement de l’efficacité de l’exécution des peines, préconisait lui aussi de « créer immédiatement des places dans des structures pénitentiaires légères » ([88]).

Cette évolution a récemment recueilli le soutien public de Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice – « nous avons besoin de prisons à sécurité adaptée, sur le modèle des prisons ouvertes (…), qui permettent effectivement de prendre en charge des condamnés dans des conditions différentes » ([89]) – ainsi que celui du Barreau de Paris ([90]).

Il est donc recommandé de créer une nouvelle catégorie d’établissements pénitentiaires autonomes, désignés « centres pénitentiaires de réinsertion », dont le niveau de sécurité serait allégé et adapté aux objectifs de réinsertion de la personne écrouée.

Cette nouvelle catégorie d’établissements devrait s’intégrer dans un travail de classification des établissements pénitentiaires français en fonction du niveau de sécurité à appliquer, au sein de laquelle pourraient s’insérer de nouveaux établissements à « haute sécurité » sur le modèle de la prison de Vendin-le-Vieil.

Proposition n° 1 :

Créer, au sein d’une classification des établissements pénitentiaires établie en fonction du niveau de sécurité, une nouvelle catégorie d’établissements à sécurité adaptée et à vocation de réinsertion, désignés « centres pénitentiaires de réinsertion ».

Dici 2022, 18 nouveaux centres pénitentiaires de réinsertion pourraient être construits, à raison de deux centres par direction interrégionale des services pénitentiaire hexagonale ([91]), sous réserve des ajustements rendus nécessaires par l’ampleur de la population carcérale en Île‑de‑France. L’implantation de tels établissements pourrait également être envisagée dans les outre-mer.

L’ensemble des personnes auditionnées ayant recommandé de conserver une « taille humaine » à ces centres, ces nouvelles constructions pourraient accueillir chacune 150 places maximum, soit un total de 2 700 places.

Proposition n° 2 :

Construire, d’ici 2022, 18 centres pénitentiaires de réinsertion de 150 places maximum chacun.

La mise en place de ces 18 centres pénitentiaires de réinsertion sera l’occasion de simplifier et de clarifier les dénominations des nombreuses structures pour peines courtes et aménagées existantes – quartiers pour peines aménagées, quartiers « courtes peines » et quartiers « nouveau concept ». La création prochaine de 28 quartiers de préparation à la sortie (QPS) devait initialement permettre de regrouper l’ensemble de ces structures sous la désignation de QPS. Toutefois, la direction de l’administration pénitentiaire a indiqué au groupe de travail que cinq structures resteraient distinctes de ces QPS : deux quartiers ou centres pour peines aménagées, deux quartiers « courtes peines » et le quartier « nouveau concept » de Meaux‑Chauconin ([92]).

Il est ici proposé de regrouper les 13 quartiers ou centres pour peines courtes ou aménagées existants, représentant 610 places environ (8 quartiers pour peines aménagées, 4 quartiers « courtes peines » et un quartier « nouveau concept »), sous la nouvelle dénomination générique de « centres pénitentiaires de réinsertion ». Ce regroupement aurait l’avantage de donner une visibilité forte à des dispositifs certes différents mais qui reposent sur des principes ayant en commun et poursuivent un objectif similaire, sans pour autant faire disparaître la spécificité des publics qui y sont accueillis ni la particularité des programmes qui y sont mis en œuvre.

Demeureraient distincts, toutefois, les centres ou quartiers de semi-liberté, dont les particularités justifient de continuer à en faire une catégorie autonome.

Proposition n° 3 :

Regrouper les 8 quartiers pour peines aménagées, les 4 quartiers « courtes peines » et l’unique quartier « nouveau concept » sous la dénomination commune de « centres pénitentiaires de réinsertion ».

En définitive, notre pays pourrait ainsi se doter d’un nombre de places de prison à sécurité allégée de 3 300 places environ.

Ces nouvelles constructions sont réalisables à court terme. Elles peuvent en effet bénéficier de la transformation rapide de bâtiments désaffectés (casernes, hôpitaux, écoles…) ou de la construction de nouvelles structures sur des emplacements d’ores et déjà identifiés par la direction de l’administration pénitentiaire dans le cadre du programme de construction des 28 QPS et par certaines directions d’établissements pénitentiaires. À titre d’exemple, à Villepinte, un terrain proche de la maison d’arrêt pourrait accueillir ce type d’établissements, la proximité de la maison d’arrêt pouvant être utile pour gérer les éventuels incidents.

Surtout, ces constructions sont cohérentes avec les prospections réalisées par les pouvoirs publics en préparation du programme de création des 28 QPS, puisqu’il était prévu de parvenir à cet objectif par la conversion et la réhabilitation de 12 structures existantes et la construction de 16 nouveaux établissements. Si la répartition géographique envisagée pour ces 16 nouveaux établissements ne respecte pas totalement le critère de deux établissements par région pénitentiaire, elle s’en approche dans la mesure où cinq QPS étaient programmés en Île‑de‑France, deux dans les régions de Lille, Lyon, Marseille et Rennes et un dans celles de Strasbourg, Toulouse et Dijon.

Il est préconisé de veiller à une localisation adaptée de ces centres, au sein de zones urbaines ou péri-urbaines à proximité de bassins d’emploi dynamiques (missions locales, Pôle Emploi…) et d’un réseau de transports efficient, sur l’exemple du quartier pour peines aménagées de Villejuif, ou dans des régions plus rurales à condition qu’y existent des perspectives d’activités.

Chaque centre devrait reposer sur un projet d’utilité sociale pensé par rapport à son lieu d’implantation et défini en lien avec les acteurs locaux afin d’inscrire les activités proposées aux détenus en cohérence et non en concurrence avec les filières locales (restauration et mise en valeur de bâtiments historiques, entretien de plages ou d’espaces naturels à l’abandon, travail agricole...), à l’image de ce qui se pratique dans les centres de détention de Casabianda et Mauzac.

Ses règles de fonctionnement devraient être établies afin de permettre l’amendement de la personne condamnée, sa resocialisation et la préparation de sa réinsertion, notamment par :

––  la liberté de circulation des détenus dans l’ensemble de l’établissement en journée mais la fermeture des cellules la nuit ;

––  la responsabilisation des détenus dans la gestion de la vie quotidienne (entretien de l’établissement, préparation des repas…) ;

––  des obligations particulières d’activité sur un volume horaire minimum de sept heures par jour (travail, formation, soins) ;

––  la prohibition de toute addiction en procédant régulièrement à des tests aléatoires ou systématiques.

Proposition n° 4 :

Fonder les centres pénitentiaires de réinsertion sur un projet d’utilité sociale pertinent, garantissant leur bonne intégration dans le territoire, et des règles de fonctionnement propices à l’amendement de la personne condamnée, à sa resocialisation et à la préparation de sa réinsertion.

Enfin, il convient de ne pas définir a priori le champ des personnes condamnées susceptibles d’exécuter, en tout ou partie, leur peine d’emprisonnement au sein de ces centres. C’est l’évaluation pluridisciplinaire rigoureuse de la personne détenue, de ses problématiques, de ses besoins et des risques qu’elle présente qui devra déterminer l’affectation dans ces établissements, dans le cadre d’un parcours d’exécution de la peine cohérent.

Si les personnes exécutant une courte peine de prison peuvent constituer un public intéressant, certaines d’entre elles présentent un niveau de dangerosité et d’ancrage dans la délinquance augmentant le risque d’évasion et de passage à l’acte, incompatible avec leur accueil dans ce type d’établissements. De même, s’il peut paraître opportun, dans le cadre d’un parcours d’exécution de la peine, de prévoir que les personnes en fin de peine seront affectées dans ces centres, certaines d’entre elles pourraient être mieux prises en charge dans d’autres types de structures, telles que les centres de semi-liberté.

Pourraient être prioritairement orientées vers ces centres les personnes adhérant au projet de l’établissement et présentant des risques mineurs d’évasion ou de violence. En revanche, pourraient en être systématiquement exclus, compte tenu de l’éventuelle violence dont ils ont déjà fait preuve et des risques d’évasion qu’ils présentent :

––  les détenus particulièrement signalés, faisant l’objet d’un mandat de dépôt dans le cadre d’une procédure relative à une infraction terroriste ainsi que les détenus signalés par l’administration pénitentiaire comme radicalisés ou en voie de radicalisation violente ;

––  les auteurs d’infractions sexuelles ou de mœurs qui devraient continuer à faire l’objet d’une prise en charge spécifique, notamment dans les centres de détention de Casabianda et de Mauzac.

Proposition n° 5 :

Orienter, au sein des centres pénitentiaires de réinsertion, les détenus ayant préalablement fait l’objet d’une évaluation pluridisciplinaire rigoureuse, adhérant au projet de l’établissement, réceptifs au programme mis en place et dans le cadre d’un parcours d’exécution de la peine cohérent.

2.   Mieux évaluer les personnes à leur arrivée en détention

Pour que la mise en place des centres pénitentiaires de réinsertion atteigne ses objectifs, la France doit se donner les moyens de procéder à une évaluation approfondie, rigoureuse et pluridisciplinaire des personnes détenues : c’est un préalable indispensable à leur orientation et, de manière plus générale, une exigence à laquelle notre pays devrait davantage se conformer.

Notre retard est avéré. Ce n’est qu’en 2009, en effet, que le législateur a consacré, à l’article 717-1 du code de procédure pénale, trois dispositifs visant à permettre, en théorie, une prise en charge réactive et individualisée du détenu, des suivis différenciés et l’intervention de divers professionnels afin de garantir la continuité de l’accompagnement tout au long de l’incarcération et de favoriser la réinsertion ([93]) :

––  le jour de son arrivée, le détenu est placé dans le « quartier arrivants » où un premier entretien d’accueil est réalisé, suivi de rencontres régulières d’évaluation entre le détenu et les membres de la commission pluridisciplinaire unique ([94]) (CPU) afin de dresser un bilan de personnalité : ce bilan constitue un diagnostic sur le parcours de vie de l’intéressé, son positionnement par rapport à sa condamnation et à la victime, ses compétences et forces pour construire sa détention et les points d’attention pour les personnels ;

––  un parcours d’exécution de la peine est élaboré par les directeurs de l’établissement et du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) sur la base des informations recueillies et échangées au sein de la CPU par les personnels du SPIP, les autres personnels pénitentiaires, les acteurs de la formation professionnelle et du travail ainsi que les équipes soignantes : il formalise et structure le travail mené auprès des détenus en vue de construire un projet d’insertion individualisé ;

––  le bilan de personnalité et le contenu du parcours d’exécution de la peine permettent de définir le régime de détention de la personne et son éventuelle évolution : cela exige une différenciation des régimes de détention afin d’accompagner les détenus vers une plus grande autonomie, gage d’une meilleure réinsertion sociale, notamment par une modulation des horaires d’ouverture des portes de la cellule durant la journée et des modalités de circulation au sein de l’établissement ainsi qu’un assouplissement des conditions d’accès aux postes téléphoniques ou aux salles d’activités non encadrées.

Ces dispositifs n’ont fait l’objet, à ce jour, d’aucun bilan quantitatif ou qualitatif. Ils sont méconnus, parfois même ignorés, par de nombreux professionnels de la justice, en particulier les juges d’application des peines, comme l’a reconnu devant le groupe de travail l’Union syndicale des magistrats. Ils présentent enfin plusieurs limites.

La première de ces limites est la brièveté de la phase d’évaluation du détenu lors de son passage au « quartier arrivants », qui varie de quatre à sept jours dans le meilleur des cas. D’importants progrès ont été réalisés dans le fonctionnement de ces quartiers, notamment par la labellisation de 168 établissements développant de bonnes pratiques en matière d’accueil des arrivants. Toutefois, la capacité de ces quartiers en maison d’arrêt reste trop faible, ce qui conduit, compte tenu des flux quotidiens d’incarcération, à raccourcir le temps consacré à l’évaluation des détenus. La commission du livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire, remis au garde des Sceaux par M. Jean-René Lecerf en avril 2017, relevait aussi que « la taille des quartiers arrivants ne permet pas de remplir totalement la fonction d’évaluation approfondie qu’on pourrait attendre d’eux ». Elle recommandait que le temps d’évaluation initiale soit « prolongé sur une période de deux semaines minimum et que la taille des quartiers arrivants [soit] augmentée », en proposant que celle-ci atteigne 12 % à 15 % de la capacité de l’établissement ([95]).

Il apparaît donc nécessaire d’approfondir l’évaluation des détenus arrivant en détention, préalable indispensable à une plus grande diversification des conditions de détention et à une meilleure orientation de ceux-ci vers une prise en charge adaptée. Cela vaut surtout pour les personnes condamnées mais aussi pour les prévenus impliqués dans des procédures susceptibles d’entraîner une détention provisoire longue ou dont la peine d’emprisonnement prononcée sera en quasi-totalité couverte par la période de détention provisoire, impliquant de mener très tôt, auprès d’eux, un travail d’évaluation.

Dans le prolongement des recommandations du livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire, il est proposé d’augmenter la capacité d’accueil des « quartiers arrivants » afin d’accroître consécutivement la durée d’évaluation, pour la porter à 15 jours minimum, hors les cas dans lesquels une telle durée ne se justifierait pas au regard de la situation pénale du détenu.

Proposition  6 : 

Augmenter la capacité d’accueil des « quartiers arrivants » et accroître la durée de séjour pour la porter à 15 jours minimum.

L’augmentation de la capacité et de la durée d’évaluation doit s’accompagner d’un enrichissement de son contenu. Car la plupart des personnes condamnées à de l’emprisonnement ferme et soumises à un mandat de dépôt font l’objet d’une évaluation jugée insuffisante, sauf lorsqu’elles sont transférées dans l’un des établissements du Centre national d’évaluation (CNE).

Cette situation s’explique, en partie, par la surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt, qui empêche de mener un travail individualisé avec le détenu.

Est aussi mis en cause le temps consacré par les agents des SPIP à l’instruction des nombreuses demandes de réduction supplémentaire de peine au titre des efforts sérieux de réadaptation sociale, tâche jugée chronophage par certaines personnes auditionnées et qui se fait au détriment du travail d’évaluation des personnes détenues.

Cette situation trouve enfin son origine dans le défaut de structuration et d’harmonisation des méthodes d’évaluation, sans doute lié à l’implantation récente de la culture probationnaire dans notre pays. Plusieurs personnes ont ainsi regretté le retard qu’accuserait la France en la matière par rapport à d’autres pays, notamment le Canada qui a développé un modèle d’évaluation des détenus fondé sur les principes du risque, des besoins et de la réceptivité.

Les modèles d’évaluation post-sentencielle en Europe et au Canada

Les évaluations interdisciplinaires (Allemagne, Espagne, Italie)

En Allemagne, l’évaluation, menée par l’administration pénitentiaire, consiste à établir le plan d’application de la peine et à orienter le placement dans un établissement. Elle se fonde sur un programme défini en lien avec le condamné autour d’actions pouvant être mises en œuvre dans les domaines ayant favorisé le passage à l’acte.

En Espagne, les condamnés sont classés dans l’un des quatre degrés correspondant à un niveau de sécurité et de contrôle plus ou moins allégé. Chaque détenu fait l’objet d’une évaluation aboutissant à un programme de « traitement pénitentiaire » et comportant une approche juridique (données pénales et pénitentiaires, pronostic éventuel des risques de récidive …), psychologique et sociale (chances d’intégration sociale du détenu).

En Italie, l’évaluation de la dangerosité et le « traitement de réhabilitation » se fondent sur l’observation scientifique du détenu par une équipe pluridisciplinaire. Doivent être identifiés les besoins liés à d’éventuelles carences qui ont pu contribuer à la désocialisation du délinquant. L’observation se poursuit jusqu’à la fin de la mesure d’incarcération.

Les méthodes spécifiques et standardisées d’évaluation (Pays-Bas et Royaume-Uni)

Aux Pays-Bas, toute personne condamnée à une peine de prison ferme fait l’objet d’une évaluation de son « profil de risque » par des fonctionnaires spécialisés afin d’être affectée dans l’un des cinq types d’établissements pénitentiaires. La détermination du « profil de risque » est principalement fondée sur l’évaluation du risque social (degré d’émotion et du trouble à l’ordre public causé par l’infraction, préjudice causé aux victimes) et du risque d’évasion ainsi que sur le déroulement des éventuelles détentions antérieures.

Au Royaume-Uni, l’Offender assessment system évalue le niveau de dangerosité du détenu dans le cadre de son affectation dans l’un des établissements pénitentiaires en demandant à l’intéressé de déterminer les raisons qui l’ont conduit à commettre une infraction (habitat, éducation, formation, état de dépendance…).

Le Canada, un modèle mixte

Au Canada, les agents des services correctionnels réalisent un échange d’informations avec différents services (police, tribunaux…). L’évaluation de la personnalité du délinquant et du niveau de risques repose notamment sur une étude des rapports pré-sentenciels, des pièces du dossier pénal, du casier judiciaire et d’une évaluation psychologique de l’intéressé réalisée au travers de différents entretiens avec des psychiatres, des psychologues et des sexologues. Par ailleurs, des méthodes actuarielles, moins chronophages, se développent de plus en plus : il s’agit d’outils combinant des échelles d’évaluation classiques fondées sur l’âge, les antécédents judiciaires, les liens avec la victime, la catégorie de risque, et des outils plus dynamiques élaborés sur la base d’entretiens cliniques.

Source : Étude de droit comparé réalisée par le bureau du droit comparé du ministère de la justice, « La prévention de la récidive (Allemagne, Canada, Espagne, États-Unis, Italie, PaysBas, Roumanie, RoyaumeUni) », décembre 2012.

La France pourrait utilement s’inspirer des pratiques d’évaluation éprouvées à l’étranger en vue d’enrichir le contenu des techniques mises en œuvre dans ses établissements pénitentiaires.

Proposition  7 : 

Tirer le bilan des techniques éprouvées par d’autres pays européens et le Canada en matière d’évaluation des personnes détenues afin d’enrichir le contenu et les méthodes d’évaluation mises en œuvre en France.

D’autres personnes auditionnées ont suggéré de s’inspirer des méthodes développées par le CNE.

Établi dans les centres pénitentiaires de Fresnes, Sud‑Francilien ainsi que de Lille‑Loos-Sequedin et, bientôt, d’Aix-Luynes, le CNE développe des techniques reconnues en matière d’évaluation des personnes condamnées, fondées sur l’observation par des surveillants spécialement recrutés (rapport à l’autorité, entretien de la cellule…) ainsi que des entretiens avec des conseillers d’insertion et de probation (rapport à la condamnation, parcours de vie…) et des psychologues cliniciens (analyse de la personnalité, caractère naissant ou préexistant d’une maladie mentale…), sur une période de six semaines.

Seules sont obligatoirement soumises à l’évaluation du CNE certaines personnes condamnées avant leur affectation dans un établissement pour peines ([96]) et celles condamnées à de longues peines afin de déterminer l’existence ou la persistance d’une dangerosité éventuelle dans le cadre d’une demande d’aménagement de peine ou d’une mesure de sûreté pour éclairer l’autorité judiciaire  ([97]), les autres détenus n’y étant orientés qu’en opportunité.

Pourtant, de nombreux autres détenus purgent des peines d’emprisonnement dont la durée peut constituer une rupture brutale dans un parcours de vie : ainsi, au 1er janvier 2017, 42 956 personnes purgeaient des peines de 6 mois à 10 ans, soit 72 % des personnes condamnées écrouées. Pour que ces périodes de détention soient utiles, encore faut-il qu’elles fassent l’objet d’une évaluation approfondie, débouchant sur une affectation à un régime de détention adapté à leur situation.

Répartition des personnes écrouées condamnées
par quantum de peine au 1er janvier 2017

Quantum de peine d’emprisonnement

Effectif

Part sur le total des personnes condamnées

Inférieur ou égal à 6 mois

7 251

12,2 %

De plus de 6 mois à 1 an

10 277

17,3 %

De plus d’1 an à 2 ans

11 692

19,7 %

De plus de 2 ans à 5 ans

13 357

22,5 %

De plus de 5 ans à 10 ans

7 630

12,9 %

De plus de 10 ans à 20 ans

6 526

11,0 %

Plus de 20 ans

2 068

3,5 %

Perpétuité

497

0,8 %

Total

59 298

100 %

Source : Infocentre pénitentiaire.

Il pourrait donc être nécessaire de transposer le savoir-faire développé en la matière par le CNE pour l’appliquer, selon des modalités allégées, à un champ plus large de personnes détenues.

Cette évolution pourrait passer par l’adoption de pratiques professionnelles communes établies au travers de référentiels ou le développement de structures d’évaluation régionales similaires au CNE.

Elle devra s’accompagner d’un renforcement des équipes participant à cette évaluation. Les efforts significatifs entrepris ces dernières années pour augmenter les effectifs des SPIP – 1 000 nouveaux postes entre 2014 et 2017 – et réduire le nombre de personnes prises en charge en moyenne par chaque personnel – passé, entre 2013 et 2017, de 93 à 75 – devraient se poursuivre avec la création annoncée par le Président de la République de 1 500 postes supplémentaires au sein des SPIP dans les prochaines années.

Proposition  8 : 

Transposer à l’ensemble des personnes exécutant une peine d’emprisonnement ferme, selon des modalités spécifiques, le savoir-faire développé en matière d’évaluation par le Centre national d’évaluation en établissant des référentiels de bonnes pratiques communes ou en développant des structures d’évaluation régionales similaires à ce centre.

3.   Différencier davantage les régimes de détention à l’intérieur des maisons d’arrêt

La création des centres pénitentiaires de réinsertion, associée à la mise en œuvre d’une politique ambitieuse d’évaluation des personnes détenues, permettra, enfin, de donner toute sa portée au parcours d’exécution de la peine au sein des maisons d’arrêt où s’applique bien souvent un seul régime de détention à une grande diversité de personnes détenues.

L’administration pénitentiaire n’a en effet défini que deux régimes de détention où les détenus peuvent être affectés sur décision administrative :

––  un régime « de contrôle », correspondant au mode de détention ordinaire et majoritaire dans les maisons d’arrêt, conduisant la personne à passer un temps très important isolée dans sa cellule, porte fermée ;

––  un régime « de responsabilisation », dit « respect », inspiré des « módulos de respeto » espagnols, où le détenu bénéficie d’une plus grande autonomie et peut librement circuler durant une partie de la journée.

Le second régime n’en est qu’au stade de l’expérimentation dans notre pays, seuls 18 établissements l’ayant à ce jour mis en œuvre, pour 2 431 places. Lorsqu’il n’est pas conçu comme un outil de régulation de la population carcérale, il présente pourtant un réel intérêt, tout particulièrement dans les maisons d’arrêt. Au sein de ces établissements, la coexistence de plusieurs catégories de détenus – prévenus, condamnés à une peine d’emprisonnement inférieure à deux ans ou à de plus longues peines mais en attente de transfèrement dans un établissement pour peine – conduit, selon les termes de la directrice de la maison d’arrêt de Villepinte, à une « juxtaposition de personnes aux problématiques très différentes auxquelles on applique un régime de détention unique et indifférencié ».

Cette situation, en partie imputable à la surpopulation carcérale, procède aussi des choix, ci-dessus évoqués, de construction du parc carcéral, fondés sur un nivellement par le haut du niveau de sécurité.

L’expérimentation en cours à la maison d’arrêt de Villepinte illustre les atouts de ce régime qui, loin de se résumer à l’ouverture des portes des cellules et à une relative libre circulation durant la journée, est fondée sur une autonomisation et une responsabilisation accrues des détenus.

La mise en œuvre du régime « respect » à la maison d’arrêt de Villepinte

La mise en œuvre du régime « respect » s’articule autour de six lignes directrices :

––  la poursuite de trois objectifs : la diminution des violences, la lutte contre les incivilités et la disparition des objets interdits en détention ;

––  l’ouverture large du dispositif : il peut accueillir 200 détenus, sans évaluation préalable mais à condition de n’être à l’origine d’aucun d’incident au cours des trois derniers mois, à l’exclusion de ceux particulièrement signalés ou sous mandat de dépôt terroriste ;

––  l’engagement du détenu : un contrat d’engagement signé entre l’administration et le détenu recense les règles à suivre, dont le non-respect entraîne soit un avertissement, soit une exclusion directe dans les cas les plus graves ;

––  la responsabilisation du détenu : les portes des cellules sont ouvertes de 7h à 17h sauf pour le déjeuner et l’accès à la cour de promenade ainsi qu’au sport est libre ; diverses commissions, animées par les détenus, organisent la vie commune (commissions « hygiène », « repas » et « activités »), parmi lesquelles une commission d’accompagnement chargée d’accueillir et d’accompagner les nouveaux entrants, de proposer une médiation des conflits et de prendre en charge les détenus aux comportements imparfaits ;

––  un programme intensif d’activités : un programme de 25 heures par détenu et par semaine est proposé, comprenant un socle de trois activités obligatoires, spécifiques au régime « respect » ([98]), et plusieurs activités optionnelles à visée éducative ([99]), culturelle ([100]) ou de réinsertion sociale ([101]) ;

––  l’encouragement du détenu : un comité technique sanctionne les manquements aux règles (absence à une activité, incivilités…) et récompense l’investissement particulier des détenus (parloirs supplémentaires ou en visio‑conférence pour les détenus étrangers, possibilité de recevoir un colis alimentaire, bon de cantine gratuit…).

Certaines personnes auditionnées ont émis des réserves à l’égard des conditions de déploiement de ce régime, lui reprochant son caractère infantilisant pour les détenus gratifiés de « bons » ou de « mauvais points ». En pratique, les détenus y trouvent au contraire des repères structurants et un cadre stimulant, parfois même les premiers signes de reconnaissance positive et d’encouragement qu’ils aient eus depuis longtemps…

En avril 2017, la commission du livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire considérait que ce régime « permet de mieux vivre ensemble, tant pour les personnes détenues que pour les personnels », en favorisant « une participation active à la vie collective et une diminution notable des incidents », « un épanouissement manifeste des personnels » et « l’émergence d’une nouvelle forme d’autorité pour les surveillants, qui deviennent des acteurs essentiels du parcours d’exécution de la peine, des régulateurs de la vie en collectivité et sont présents dans les instances décisionnelles » ([102]).

Le 14 mars 2018, le Contrôleur général des lieux de privation a également salué le « bilan globalement positif, particulièrement en maison d’arrêt », du régime « respect » et appelé à en faire le régime de principe dans ces établissements, sous réserve d’y apporter les améliorations nécessaires. Il a estimé qu’il facilitait l’exercice des droits fondamentaux des détenus, « tels que le droit d’expression, la liberté d’aller et venir, la protection de l’intégrité physique et morale, le droit au respect de la dignité et le droit à une vie sociale » ([103]).

Comme la plupart des personnes auditionnées l’ont également appelé de leurs vœux, il est nécessaire de différencier davantage les régimes de détention dans les maisons d’arrêt, par le développement du régime « respect », sous réserve d’en préciser les conditions d’accès et les règles de fonctionnement :

––  en premier lieu, procéder à une sélection objective des détenus susceptibles d’intégrer ce régime, sur la base des éléments d’évaluation recueillis par la CPU et permettant aux détenus d’être informés et de présenter leurs observations, en tentant d’inclure dans le dispositif d’autres détenus que ceux qui, facilement, en comprennent les prérequis et adoptent le comportement attendu ;

––  en deuxième lieu, imposer aux détenus un programme d’activités effectif dont le volume horaire réel est conforme avec celui théorique mentionné dans le contrat d’engagement signé par l’administration et le détenu ;

––  en troisième lieu, veiller à une évaluation rigoureuse et régulière, par les personnels pénitentiaires, des détenus ;

––  en dernier lieu, ne pas négliger les autres régimes de détention de l’établissement, notamment les activités proposées aux autres détenus.

Proposition  9 : 

Différencier davantage les régimes de détention dans les maisons d’arrêt en développant le régime « respect », sous réserve d’en préciser les conditions d’accès et les règles de fonctionnement.

Loin d’être redondant avec la création de centres pénitentiaires de réinsertion, le développement de la différenciation des régimes de détention au sein des établissements permettrait de multiplier les outils à la disposition de l’administration pénitentiaire pour personnaliser le mode d’exécution de la peine d’emprisonnement et offrirait un premier sas de test et d’évaluation en continu pour les détenus aspirant à être affectés au sein de ces centres.


Schéma simplifié du nouveau parcours d’exécution de la peine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


—  1  —

   SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

I. L’ACTIVITÉ EN DÉTENTION ET LE LIEN AVEC LE TISSU ÉCONOMIQUE LOCAL DANS UNE PERSPECTIVE DE RÉINSERTION (propositions communes)

Proposition n° 1 :

S’appuyer sur le réseau local des associations pour développer leur intervention en prison et renforcer, dans le cadre de la mise en place du service national universel et du développement du service civique, les moyens humains de ces associations.

Proposition n° 2 :

Clarifier le financement de la formation professionnelle des détenus, développer les actions de valorisation des acquis de l’expérience (VAE)  des détenus et les actions de formation en lien avec les partenaires locaux (centre de formation des apprentis, institut de formation des chambres des métiers …).

Proposition n° 3 :

Systématiser et développer les bilans de compétence des détenus lors de leur arrivée en détention afin de déterminer un programme de formation ou une orientation vers un travail.

Proposition n° 4 :

Généraliser les expérimentations des ateliers et chantiers d’insertion en détention.

Proposition n° 5 :

Mener une expérimentation de structures telles que le GREP dans plusieurs ressorts de tribunaux avant une éventuelle généralisation de ce dispositif.

Proposition n° 6 :

Mettre en place des « journées découverte » à l’attention des entreprises pour faire mieux connaître le travail pénitentiaire, assurer un suivi de ces journées et développer les partenariats avec les chambres de commerce et les chambres des métiers et de l’artisanat.

Proposition n° 7 :

Faire du travail en prison un critère prioritaire dans la construction de nouvelles prisons et dans l’organisation de la journée carcérale.

Proposition n° 8 :

Mener une réflexion sur la mise en place d’outils incitatifs pour les entreprises, notamment dans le cadre de la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE).

Proposition n° 9 :

Renforcer les moyens de prospection des directions interrégionales des services pénitentiaires et de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires.

iI. LA PRISE EN CHARGE DES DÉTENUS SOUFFRANT DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES

Proposition n° 1 :

Mener une nouvelle enquête épidémiologique permettant de connaître le nombre de détenus souffrant de troubles psychiatriques, leurs pathologies, les soins prodigués et comportant une analyse longitudinale du parcours des personnes de l’entrée à la sortie de détention.

Proposition n° 2 :

Consolider et homogénéiser les moyens consacrés aux trois niveaux de prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiatriques, par la définition d’un ratio minimal d’encadrement médical dans les USMP, d’une offre de soins cohérente et régionalisée dans les SMPR et le lancement de la seconde tranche des UHSA en tirant les conclusions de l’évaluation de la première tranche.

Proposition n° 3 :

Conforter le rôle du centre pénitentiaire de Château-Thierry :

––  procéder sans tarder à sa rénovation ;

––  mettre les dispositions réglementaires relatives à l’affectation des détenus en conformité avec les pratiques suivies ;

––  le doter des personnels médicaux et paramédicaux suffisants et compatibles avec l’état de santé psychiatrique des personnes incarcérées.

Proposition n° 4 :

Diffuser l’expertise développée par le centre pénitentiaire de Château-Thierry en matière de prise en charge de détenus souffrant de troubles psychiatriques :

––  compléter le parc pénitentiaire par deux ou trois établissements pour peines similaires à Château-Thierry ;

––  doter ces établissements de personnels spécialement formés et recrutés sur la base du volontariat ;

––  affecter dans ces établissements des détenus dont la spécificité des troubles psychiatriques rend impossible leur prise en charge en détention ordinaire ou dans l’une des unités pénitentiaires médicalisées.

Proposition n° 5 :

Poursuivre la réflexion et la concertation avec les professionnels de santé intervenant en prison sur l’opportunité d’étendre en détention le programme de soins instauré en milieu libre par la loi du 5 juillet 2011.

Proposition n° 6 :

Assouplir les conditions d’application des articles 720-1-1 (suspension de peine pour motif psychiatrique) et 729 (libération conditionnelle assouplie pour même motif) du code de procédure pénale :

––  clarifier le critère de l’incompatibilité durable de l’état de santé mentale avec le maintien en détention ;

––  examiner l’opportunité d’étendre le bénéfice de la suspension de peine aux personnes admises en soins psychiatriques sans leur consentement.

Proposition n° 7 :

Prévoir un volet relatif au projet de soins dans le cahier des charges et les projets d’établissement des futures structures de préparation à la sortie ou les « centres pénitentiaires de réinsertion ».

Proposition n° 8 :

Encourager l’expérimentation de programmes d’alternatives à l’incarcération pour les personnes souffrant de troubles psychiatriques et dont la situation personnelle est très dégradée.

iiI. LA DIVERSIFICATION DES CONDITIONS DE DÉTENTION PAR LE RECOURS AUX ÉTABLISSEMENTS OUVERTS

Proposition n° 1 :

Créer, au sein d’une classification des établissements pénitentiaires établie en fonction du niveau de sécurité, une nouvelle catégorie d’établissements à sécurité adaptée et à vocation de réinsertion, désignés « centres pénitentiaires de réinsertion ».

Proposition n° 2 :

Construire, d’ici 2022, 18 centres pénitentiaires de réinsertion de 150 places maximum chacun.

Proposition n° 3 :

Regrouper les 8 quartiers pour peines aménagées, les 4 quartiers « courtes peines » et l’unique quartier « nouveau concept » sous la dénomination commune de « centres pénitentiaires de réinsertion ».

Proposition n° 4 :

Fonder les centres pénitentiaires de réinsertion sur un projet d’utilité sociale pertinent, garantissant leur bonne intégration dans le territoire, et des règles de fonctionnement propices à l’amendement de la personne condamnée, à sa resocialisation et à la préparation de sa réinsertion.

Proposition n° 5 :

Orienter, au sein des centres pénitentiaires de réinsertion, les détenus ayant préalablement fait l’objet d’une évaluation pluridisciplinaire rigoureuse, adhérant au projet de l’établissement, réceptifs au programme mis en place et dans le cadre d’un parcours d’exécution de la peine cohérent.

Proposition  6 :

Augmenter la capacité d’accueil des « quartiers arrivants » et accroître la durée de séjour pour la porter à 15 jours minimum.

Proposition  7 : 

Tirer le bilan des techniques éprouvées par d’autres pays européens et le Canada en matière d’évaluation des personnes détenues afin d’enrichir le contenu et les méthodes d’évaluation mises en œuvre en France.

Proposition  8 : 

Transposer à l’ensemble des personnes exécutant une peine d’emprisonnement ferme, selon des modalités spécifiques, le savoir-faire développé en matière d’évaluation par le Centre national d’évaluation en établissant des référentiels de bonnes pratiques communes ou en développant des structures d’évaluation régionales similaires à ce centre.

Proposition  9 : 

Différencier davantage les régimes de détention dans les maisons d’arrêt en développant le régime « respect », sous réserve d’en préciser les conditions d’accès et les règles de fonctionnement.

iV. propositions communes aux quatre groupes de travail

Proposition commune n° 1 : 

Renforcer l’appareil statistique du ministère de la justice afin de pouvoir mieux apprécier le parcours des détenus, leur affectation, le choix des activités proposées, le risque de récidive et la prise en charge sanitaire des détenus.

Proposition commune n° 2 : 

Concevoir davantage les établissements pénitentiaires en fonction des besoins de la population carcérale, des personnels pénitentiaires et des intervenants extérieurs – économiques ou associatifs – en vue de faciliter l’activité en détention et le suivi des soins et d’améliorer l’accompagnement des personnes détenues tout au long de leur peine.

 


—  1  —

   personnes entendues par les Groupes de travail ([104])

Jeudi 8 février 2018

    Association pour la formation et l’aide à la réinsertion (FAIRE) : Mme Nathalie Roturier, directrice du pôle accompagnement ;

    Fédération citoyens et justice : MM. Denis L’Hour, président, et Alain Chabo, administrateur ;

    Fédération des associations de réflexion action prison et justice (FARAPEJ) : M. Alexis Saurin, président ;

   Observatoire international des prisons (OIP) – section française : M. François Bès, coordinateur du pôle enquête, et Mme Marie Crétenot, directrice adjointe, responsable du plaidoyer ;

   Association nationale des visiteurs de prisons (ANVP) : M. Paul Marconot, président, et Mme Laurence Fayet, déléguée générale ;

   Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI) : M. Martin Mellion, délégué régional Île-de-France, et Mme Naomi Chaussat, présidente chargée de la communication et de la voix politique ;

Mercredi 14 février 2018

    Chambre des métiers et de l’artisanat : M. Jacques Garau, directeur général de l’assemblée permanente et Mme Florence Robert, chargée de mission à la direction des relations institutionnelles de l’assemblée permanente ;

    Pôle Emploi : Mme Nicole Bréjou, adjointe à la direction des partenariats et de la territorialisation, et M. Pascal Coyo, correspondant national Pôle Emploi Justice ;

    GEPSA – Engie Cofely : M. Hervé Dubost-Martin, président, et Mme Elise Maury, directrice générale ; Mme Valérie Alain, directrice Institutions France et Territoires auprès du directeur général, Engie Cofely ;

    Sodexo Justice : M. Nicolas Thomazo, président ;

    Association des concessionnaires et prestataires de France : MM. Jean-Luc Noll, président, Vincent Heuchel, vice-président, Stéphane Soutra, secrétaire, et Yvan Franchet, trésorier.

Jeudi 15 février 2018

Vendredi 16 février 2018

    Conseil national des barreaux ([105]) : MM. Etienne Lesage et Vincent Penard, membres de la commission « Libertés et droits de l’Homme », Mmes Françoise Louis-Tréfouret, directrice des relations institutionnelles et Elisa Abherve‑Gueguen, chargée de mission relations institutionnelles ;

    Barreau de Paris : M. Emmanuel Daoud, membre du conseil de l’ordre ;

    Conférence des bâtonniers : M. Michel Farraud, membre du bureau ;

Mercredi 21 février 2018

    Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire : MM. Michel David, président, et Marc Fedele, vice-président ;

    Syndicat des praticiens exerçant en prison : Mme Emeline Chaigne, présidente ;

    Association des professionnels de santé exerçant en prison : MM. Damien Mauillon, président, Patrick Serre, médecin responsable, et Fadi Meroueh, responsable de l’unité de consultation et de soins ambulatoires de Villeneuve‑Lès-Maguelone.

Mardi 6 mars 2018

    M. Jean-Marie Bockel, sénateur ;

    M. Gaspard Koenig, président fondateur de GénérationLibre, philosophe ;

    M. Paul-Roger Gontard, avocat, auteur du rapport de la mission d’étude de faisabilité « Le régime ouvert de détention peut-il être étendu dans le champ pénitentiaire français ? ».

Mercredi 7 mars 2018

    Emmaüs France : M. Thierry Kuhn, président, Mmes Anne Dorsemaine, déléguée générale adjointe à la communication et au plaidoyer, et Elsa Pietrucci, responsable plaidoyer ;

    Vinci ([106]) : M. Yann Nicolas, directeur de projets ;

    Grep Intérim : MM. François Lapierre, président, et Guy Dubrez, directeur.

Mardi 13 mars 2018

Jeudi 15 mars 2018

 

   dÉplacements effectuÉs par les groupes de travail

Déplacement au Danemark (vendredi 2 février 2018)

    M. Thorkild Fodge, directeur général ;

    M. Peter Larsen, responsable de l’unité chargée de l’activité et du travail en détention ;

    M. Kasper Buus Lundbye, agent administratif ;

    Mme Lene Møller-Nielsen, directrice de la prison.

Visite du quartier pour peines aménagées de Villejuif (jeudi 8 février 2018)

    Mme Souad Benchinoun, directrice du quartier pour peines aménagées ;

    M. Jean-Paul Nyob, adjoint à la directrice du quartier pour peines aménagées ;

    Mme Virginie Nouaille, adjointe au directeur fonctionnel du service pénitentiaire d’insertion et de probation du Val-de-Marne ;

    Mme Marie-Laure De Rohan Chabot, juge de l’application des peines chargée du quartier pour peines aménagées.

Visite du centre de détention de Casabianda (vendredi 9 février 2018)

    Mme Laura Abrani, cheffe d’établissement ;

    M. Franck Leloup, directeur fonctionnel du service pénitentiaire d’insertion et de probation de Corse.

Visite du centre pénitentiaire de Château-Thierry (vendredi 9 février 2018)

    M. Frédéric Lopez, chef d’établissement ;

    Mme Laetitia Ruch, cheffe de détention ;

    M. Renald Champrenaut, gradé sécurité ;

    Mme Nathalie Longuet, psychologue clinicienne ;

    M. Kamal Benane, médecin psychiatre ;

    M. Cyril Crepin surveillant de l’unité sanitaire et représentant syndical local du Syndicat des personnels de surveillance ;

    M. Michel Duvauchelle, surveillant de détention et représentant local de l’UFAP‑UNSA.

Visite du centre pénitentiaire de Fresnes (mardi 13 février 2018)

    M. Philippe Obligis, chef d’établissement.

Visite de l’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) Paul Verlaine de Villejuif (mardi 13 février 2018)

    Mme Magali Bodon-Bruzel, cheffe du pôle SMPR-UHSA à l’hôpital Paul Guiraud ;

    M. David Touitou, médecin responsable de l’UHSA ;

    M. Paul Émile Manijean, responsable pénitentiaire de l’UHSA.

Visite du centre pénitentiaire de Nouméa Camp Est (lundi 19 et vendredi 23 février 2018)

    M. Régis Baudouin, chef d’établissement.

Visite du centre de détention de Muret (mardi 6 mars 2018)

    M. Jean-Luc Ruffenach, chef d’étanblissement ;

    M. François-Noël Sechet, directeur technique, responsable local du Travail et de la Formation professionnelle (RLFP) ;

    M. Christophe Usanos, responsable du développement du Travail et Emploi au département des politiques d’insertion, de probation et de prévention de la récidive à la Direction interrégionale des services pénitentiaires de Toulouse ;

    M. Pascal Peyrusson, directeur commercial au SEP-RIEP à Tulle ;

    M. Jean-Luc Maigne, directeur général LIEBHERR Toulouse ;

    M. David Lopez, responsable production SAFRAN Toulouse.

Visite du module « respect » de la maison d’arrêt de Villepinte (jeudi 8 mars 2018)

    Mme Léa Poplin, cheffe d’établissement ;

    Mme Marie-Rolande Martins, directrice fonctionnelle du service pénitentiaire d’insertion et de probation de Seine-Saint-Denis ;

    M. Romain Emelina, directeur d’insertion et de probation ;

    Mme Ingrid Chemith, directrice des services pénitentiaires.

Visite de la maison centrale de Poissy (jeudi 8 mars 2018)

    Mme Isabelle Lorentz, directrice adjointe chargée des activités, du travail et de la formation ;

    Mme Elise Theveny, adjointe au chef d’établissement ;

    Mme Jeanne Pochan, responsable locale atelier RIEP ;

    M. Jérémie Frémont, commercial RIEP ;

    M. Thierry Lefur, contremaître civil de l’atelier LISI AUTOMOTIVE


 


([1])  Rapport (n° 2521, XIe législature) fait par M. Jacques Floch au nom de la commission d’enquête sur la situation dans les prisons françaises présidée par M. Louis Mermaz, juin 2000.

([2])  Didier Paris, David Layani, Les leviers permettant de dynamiser le travail d’intérêt général, mars 2018.

([3])  Voir la liste des personnes auditionnées et des déplacements effectués à la fin de ce rapport.

([4])  Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5722529_5ab278a3944ba.commission-des-lois--conditions-de-detention-en-france-21-mars-2018

([5]) Annie Kensey, Abdelmalik Benaouda, « Les risques de récidive des sortants de prison. Une nouvelle évaluation », Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques, n° 36, mai 2011.

([6]) Un prélèvement obligatoire sur les revenus (salaires et autres) des détenus, instauré par le décret n° 2004‑1072 du 5 octobre 2004, permet en effet d’alimenter leur épargne et de préparer leur sortie.

([7]) Au-delà de la provision alimentaire mensuelle insaisissable, fixée à 200 euros, le prélèvement « parties civiles » (PPC) s’applique progressivement selon trois seuils : 20 % de 200 à 400 euros, 25 % de 400 à 600 euros et jusqu’à 30 % sur la part supérieure à 600 euros.

([8]) « L’histoire familiale des hommes détenus », INSEE, 2000.

([9]) Rapport (n° 2521, XIe législature) précité.

([10]) Loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire.

([11]) Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

([12]) Rapport d’information n° 629 (2011-2012) de M. Jean-René Lecerf et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, fait au nom de la commission des lois et de la commission pour le contrôle de l’application des lois du Sénat, déposé le 4 juillet 2012.

([13]) Rapport au Parlement sur l’encellulement individuel, Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la Justice, 20 septembre 2016.

([14]) La médiation animale en milieu carcéral a pour but d’apporter un apaisement et de créer ou recréer des liens sociaux, en utilisant l’animal comme médiateur. L’animal apaise, met en confiance, responsabilise et facilite la réinsertion des détenus. Cette médiation en milieu carcéral peut être mise en place avec des chiens visiteurs, avec des petits animaux (rongeurs, furets, hamsters...) et avec des chevaux.

([15]) « Les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation carcérale », Contrôleur général des lieux de privation de liberté (Dalloz, février 2018).

([16]) Surveillants pénitentiaires ayant bénéficié d’une formation complémentaire.

([17]) « Les droits fondamentaux à l’épreuve de la surpopulation carcérale », Contrôleur général des lieux de privation de liberté (Dalloz, février 2018).

([18]Ibid.

([19]) Article D. 433-3 du code de procédure pénale.

([20]) La gestion déléguée est une forme de gestion mixte dans laquelle l’administration pénitentiaire externalise à des prestataires privés, regroupés le cas échéant sous la responsabilité d’un mandataire, le fonctionnement courant d’un établissement pénitentiaire. Les missions régaliennes (direction, surveillance, greffe) relèvent toujours de l’administration.

([21]) Les 47 ateliers gérés par le SEP-RIEP interviennent dans les secteurs d’activité suivants : métallerie et mécanique générale ; menuiserie, boissellerie, palettes et emballage bois ; confection ; cuir et matériaux souples ; imprimerie et reliure ; information, son et images ; façonnage. Un  centre d’appels permet de mener des actions de prospection commerciale (basé au centre pénitentiaire de Nantes).

([22]) Article 717-3 du code de procédure pénale.

([23]) Décision n° 2013-320/321 QPC du 14 juin 2013, M. Yacine T.

([24]) Décision n° 2015-485 QPC du 25 septembre 2015, M. Johny M.

([25]) Article 717-3 du code de procédure pénale.

([26]) Rapport (n° 2521, XIe législature) précité.

([27]) Le projet de construction d’un bâtiment avec une surface dédiée à un atelier est en cours.

([28]) Selon l’INSEE, le taux d’illettrisme est de 7 % en France.

([29]Evaluating the effectiveness of correctional education: a meta-analysis of programs that provide education to incarcerated adult. https://www.rand.org/pubs/research_reports/RR266.html

([30]) « Travail en prison : préparer (vraiment) l’après », Institut Montaigne, février 2018, Ibid, p. 43.

([31]) Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

([32]) Sauf pour les établissements en partenariat public-privé.

([33]) Avis du 22 décembre 2016 relatif au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires, contrôleur général des lieux de privation de liberté, Journal officiel, 9 février 2017.

([34]) En effet, alors que le plan de formation pour l’année 2016 avait été élaboré avec la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris et les établissements pénitentiaires, le conseil régional d’Ile-de-France a pris la décision début 2016, d’interrompre toutes les formations professionnelles dans les établissements pénitentiaires de la région au motif d’une transformation du mode de financement avec un passage du mode de financement par subventions à un mode de financement par la passation de marchés publics.

([35]) « Travail en prison : préparer (vraiment) l’après », Institut Montaigne, février 2018.

([36]) Avis du 22 décembre 2016 relatif au travail et à la formation professionnelle dans les établissements pénitentiaires, contrôleur général des lieux de privation de liberté, Journal officiel, 9 février 2017.

([37]) Notamment par l’adoption du décret n° 2016-531 du 27 avril 2016 relatif à l’insertion par l’activité économique en milieu pénitentiaire et du décret n° 2016-1853 du 23 décembre 2016 relatif à l’implantation de structures d’insertion par l’activité économique en milieu pénitentiaire permettant l’accès des personnes détenues à l’insertion par l’activité économique.

([38]) Les ateliers et chantiers d’insertion (ACI) proposent un accompagnement et une activité professionnelle aux personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières. Ces ateliers sont conventionnés par l’État et bénéficient d’aides pour accomplir leurs missions.

([39]) Le démarrage est prévu à la fin du premier semestre 2018.

([40]) Depuis 1993, la direction de l’administration pénitentiaire et Pôle Emploi facilitent, grâce à leur coopération, le retour à l’emploi des personnes détenues, en préparant leur réinsertion dans la vie active pendant la période de détention.

([41]) Le Socle de connaissances et de compétences professionnelles, appelé CléA, est une certification. Il s’adresse à tout actif pas ou peu qualifié souhaitant développer et faire reconnaître ses compétences acquises dans les sept domaines de compétences identifiés par l’ensemble des branches professionnelles.

([42]) Dans le cadre de l’évaluation des politiques interministérielles d’insertion des personnes confiées à l’administration pénitentiaire par l’autorité judiciaire, l’institut TNS Sofres a réalisé, à la demande du SGMAP, une enquête quantitative auprès de 600 entreprises du secteur privé (dirigeants et DRH), en janvier 2016, avec pour objectif d’identifier les freins et les leviers à leur embauche.

([43]) « Les freins et leviers à l’embauche des personnes confiées par l’autorité judiciaire à l’administration pénitentiaire », TNS-Sofres, SGMAP, janvier 2016.

([44]Ibid.

([45]) Lecerf J.-R., Livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire, avril 2017, p. 37.

([46]Ibid.

([47]) Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

([48]) La mise à disposition des salariés sapeurs-pompiers volontaires durant le temps de travail effectif à titre gratuit, tout en maintenant la rémunération et toutes les charges sociales afférentes pour exercer réellement et effectivement une mission opérationnelle, constitue un don en nature ouvrant droit à réduction d’impôt égale à 60 % de leur salaire brut dans la limite de 5 % du chiffre d’affaire.

([49]) De même, la mise à disposition de personnel réserviste au profit des forces armées ou de la gendarmerie nationale est éligible à la réduction d’impôt en faveur du mécénat d’entreprise.

([50])  Troisième alinéa de l’article 706-47-1 du code de procédure pénale.

([51])  Article 706-115 du même code.

([52])  Le quantum légal est réduit d’un tiers en matière correctionnelle et, en cas de crime puni de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à perpétuité, la peine est ramenée à trente années.

([53])  Loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale.

([54])  Cour des comptes, Rapport public annuel 2014, « La santé des personnes détenues : des progrès encore indispensables », février 2014, p. 254.

([55])  Loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice.

([56])  Drees, « La santé mentale et le suivi psychiatrique des détenus accueillis par les services médico‑psychologiques régionaux », Études et résultats, n° 181, juillet 2002.

([57])  Fazel S., Danesh J., “Serious mental disorder in 23 000 prisoners : a systematic review of 62 surveys”, Lancet, 2002.

([58])  Rouillon F., Duburcq A., Fagnani F., Falissard B., « Étude épidémiologique sur la santé mentale des personnes détenues en prison », Expertise psychiatrique pénale, 2007.

([59])  La psychose est un terme générique qui regroupe un ensemble de maladies se caractérisant par un trouble à la réalité, comme la schizophrénie, et entraînant des difficultés d’adaptation à la vie sociale et des déficits cognitifs importants.

([60])  Rouillon F., Duburcq A., Fagnani F., Falissard B., op. cit..

([61])  À titre d’exemple, 60 lits à l’UHSA de Paris-Villejuif pour 13 700 détenus dans la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Paris, 60 lits à l’UHSA de Lyon pour 6 400 détenus dans la DISP de Lyon et 40 lits à l’UHSA d’Orléans pour 4 350 détenus dans la DISP de Dijon.

([62])  À ce jour, le lancement d’une deuxième tranche de construction des UHSA n’est pas inscrit dans le budget pluriannuel 2018-2022.

([63])  Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Rapport de la deuxième visite du centre pénitentiaire de Château-Thierry, juillet 2017.

([64])  Lecerf J.-R., op. cit., p. 46.

([65])  Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

([66])  Contribution écrite de l’Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire.

([67])  Article 720-1-1 du code de procédure pénale.

([68])  Article 729 du même code.

([69])  Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

([70])  Possible à droit constant, cet accompagnement pourrait prendre la forme d’un contrôle judiciaire, d’un aménagement de peine ab initio, d’une contrainte pénale, d’une convocation par procès-verbal avec ajournement de peine ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

([71])  En matière délictuelle, le premier terme de la récidive doit être un délit, et le deuxième terme le même délit, ou un délit assimilé par la loi, commis dans le délai de cinq ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine (article 132-10 du code pénal).

([72])  Il y a réitération d’infractions pénales lorsqu’une personne a déjà été condamnée définitivement pour un crime ou un délit et commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale (article 132‑16-7 du code pénal).

([73])  Source : ministère de la justice, fichier statistique du casier judiciaire national.

([74])  Article 2 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009.

([75])  Discours du Président de la République à l’École nationale d’administration pénitentiaire le 6 mars 2018.

([76])  Idem.

([77])  Recommandation A/CONF.6/L.2 du 25 août 1955, « Les établissements ouverts ».

([78])  Gontard P.-R., Mission d’étude de faisabilité : « Le régime ouvert de détention peut-il être étendu dans le champ pénitentiaire français ? », mai 2010.

([79])  Définition donnée par le Congrès pénal et pénitentiaire international de La Haye de 1950.

([80])  Jusqu’en 2000, l’article A. 39 du code de procédure pénale établissait une distinction « entre les centres de détention fermés, les centres de détention à régime ouvert et les centres de détention pour jeunes condamnés ».

([81])  Deux autres centres à sécurité allégée ont existé par le passé : la prison école d’Oermingen, dans le Bas‑Rhin, ouverte en 1947 et fermée dans les années 1980 ainsi que le fort de La Prée, sur l’île de Ré, ouvert en 1981 et fermé en 1987.

([82])  Le centre de détention de Mauzac est constitué d’un ancien centre, au régime de détention ordinaire, et d’un nouveau centre, composé de 21 pavillons de 12 cellules individuelles fonctionnant selon le régime de détention « ouvert » et lié à une ferme-école où les détenus travaillent la journée.

([83])  À Meaux-Chauconin.

([84])  À Rennes, Nantes, Toulouse-Seysses et Fleury-Mérogis.

([85])  À Metz-Queuleu, Villejuif, Aix-Luynes, Bordeaux Gradignan, Poitiers-Vivonne, Alençon-Condé-sur-Sarthe, Longuenesse et Nouméa.

([86])  Article D. 70 du code de procédure pénale.

([87])  Communiqué de presse de M. Jean-Marie Bockel du 9 février 2018 en faveur d’un régime ouvert de détention, dit « prisons ouvertes », dans le champ pénitentiaire français.

([88])  Ciotti É., Pour renforcer l’efficacité de l’exécution des peines, rapport remis en conclusion des travaux d’une mission confiée par le Président de la République, juin 2011, pp. 15-16.

([89])  Compte rendu intégral de la séance du mercredi 7 mars 2018, réponse de Mme Nicole Belloubet à une question de M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

([90])  Potier C., Koenig G., « Prisons ouvertes : une réponse à la situation carcérale française et à la récidive » (note commune du Barreau de Paris et de Generationlibre), février 2018

([91])  Les directions interrégionales de Lille, Rennes, Lyon, Paris, Strasbourg, Bordeaux, Dijon, Marseille et Toulouse.

([92])  Réponses au questionnaire adressé par les groupes de travail à la direction de l’administration pénitentiaire.

([93])  Cet article prévoit que, « dès leur accueil dans l’établissement pénitentiaire et à l’issue d'une période d’observation pluridisciplinaire, les personnes détenues font l’objet d’un bilan de personnalité », qu’« un parcours d’exécution de la peine est élaboré (…) pour les condamnés, en concertation avec ces derniers » et que « leur régime de détention est déterminé en prenant en compte leur personnalité, leur santé, leur dangerosité et leurs efforts en matière de réinsertion sociale ».

([94])  La CPU réunit, au sein de chaque établissement, les acteurs intervenant auprès des personnes incarcérées : le directeur de l’établissement, le directeur du SPIP, les responsables du secteur de détention, du service du travail, de la formation professionnelle et de l’enseignement, un psychologue et un représentant des équipes soignantes.

([95])  Lecerf J.-R., Livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire, avril 2017, p. 43.

([96])  L’article 717-1-A du code de procédure pénale rend cette évaluation obligatoire pour les personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle d’une durée égale ou supérieure à quinze ans pour l’un des crimes aggravés visés à l’article 706-53-13 (infractions relevant du champ de la rétention de sûreté).

([97])  L’article 730-2 du même code rend cette évaluation obligatoire pour les personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle à perpétuité, égale ou supérieure à 15 ans pour une infraction pour laquelle le suivi socio‑judiciaire est encouru et égale ou supérieure à 10 ans pour une infraction mentionnée à l’article 706‑53-13 (infractions relevant du champ de la rétention de sûreté).

([98])  Une première sur « les valeurs de la République » délivrée par un enseignant de l’éducation nationale, une deuxième sur « la communication non-violente » délivrée par un intervenant extérieur et une troisième sur « le rôle de la loi et du droit » animée par une avocate.

([99])  Gestion du stress, citoyenneté, stage de prévention à la sécurité routière…

([100])  Slam, écriture, cinéma…

([101])  Rédaction d’un CV, construction d’un projet professionnel.

([102])  Lecerf J.-R., op. cit., pp. 55-56.

([103])  Avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 12 décembre 2017 relatif aux modules de respect dans les établissements pénitentiaires, publié au Journal officiel du 14 mars 2018.

([104])  Les auditions des groupes de travail sont indiquées par ordre chronologique.

([105])  Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

([106])  Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.