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N° 1055

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juin 2018

RAPPORT

FAIT

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017 (n° 980),

 

PAR M. Joël GIRAUD,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 4
 

 

agriculture, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES :

 

POLITIQUES DE L’AGRICULTURE, FORÊT, PÊCHE ET AQUACULTURE

 

 

DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL

 

 

 

Rapporteurs spéciaux : Mme Émilie CARIOU et M. Hervé PELLOIS

 

Députés

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SOMMAIRE

___

Pages

I. MISSION AAFAR : UNE SUR-EXÉCUTION IMPORTANTE ET UNE SINCÉRITÉ IMPARFAITE

A. Un exercice qui dÉpasse le plafond de la lpfp

1. Une consommation finale supérieure de 1,3 milliard d’euros à la LFI

2. Des fluctuations conséquentes sur moyenne période

3. L’importance des crédits européens et des dépenses fiscales

B. Programme 149 Économie et dÉveloppement durable des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestiÈres

1. Une architecture désormais plus lisible

2. Des crédits initiaux toujours insuffisants

3. Une multitude de petites dépenses fiscales

C. Programme 215 Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

II. COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL

III. LES POINTS D’ALERTE DES RAPPORTEURS spÉciaux

A. L’agriculture biologique

1. Une dynamique économique nette et une ambition politique claire

2. Des interrogations sur les financements nationaux et locaux

3. Deux préconisations en vue du projet de loi de finances pour 2019

B. Les refus d’apurement par la Commission europÉenNe des aides versÉes au titre de la politique agricole commune

1. Une difficulté récurrente

2. Une nouvelle dotation en 2018, qu’il s’agira d’évaluer

3. Un doute persistant quant à l’avenir de la PAC

Travaux de la commission

PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX


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L’exécution particulièrement tendue de la mission du budget général de l’État Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (AAFAR) tranche avec la hausse des recettes et la baisse des dépenses du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (CAS-DAR).

I.   MISSION AAFAR : UNE SUR-EXÉCUTION IMPORTANTE ET UNE SINCÉRITÉ IMPARFAITE

L’autorisation initiale est dépassée de près de 40 %, en sachant que le nouveau programme 149 compte pour 72 % des crédits de la mission.

A.   Un exercice qui dÉpasse le plafond de la lpfp

La mission AAFAR est composée des trois programmes 149 Économie et développement durable des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières, 206 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation et 215 Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture.

En 2017, 4,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) ont été consommés. Dès lors, tant la LFI que la loi de règlement (LR) dépassent le cadre de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2014-2019 (2,5 milliards d’euros).

La présente analyse ne porte pas sur le programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation, dont l’exécution est détaillée dans le rapport spécial de notre collègue Michel LAUZZANA.

1.   Une consommation finale supérieure de 1,3 milliard d’euros à la LFI

Les crédits de la mission ont évolué à la hausse en cours de gestion, principalement via deux décrets d’avance et la loi de finances rectificative (LFR) pour 2017.

ExÉcution 2017 DES CRÉDITS DE LA MISSION

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes

LFI 2017

LR 2017

Taux d’exécution

LFI 2017

LR 2017

Taux d’exécution

P 149 Économie et développement durable des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières

2 221,8

3 328,8

150 %

2 187,9

3 357,7

153 %

P 206 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

508,2

634,2

125 %

505,7

625,5

124 %

P 215 Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

653,7

653,5

< 100 %

652,7

653,1

> 100 %

Totaux

3 383,6

4 616,5

136 %

3 346,3

4 636,4

139 %

Source : rapport annuel de performances pour 2017.

2.   Des fluctuations conséquentes sur moyenne période

Les importants changements de périmètre, depuis le début de la précédente législature, entre le champ et l’intitulé des programmes invitent à ne comparer l’évolution des crédits qu’à l’échelle de la mission dans sa globalité.

La progression de 19 % en AE et 21 % en CP par rapport à 2012 masque d’importantes fluctuations à la hausse ou à la baisse entre presque chaque exercice.

ÉVOLUTION DES crÉdits de la mission

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

 

LR 2012

LR 2013

LR 2014

LR 2015

LR 2016

LR 2017

Évolution 2012-17

Total des programmes

3 721,4

3 066,1

3 491,9

4 091,1

3 306,6

4 616,5

19 %

 

 

Crédits de paiement

 

LR 2012

LR 2013

LR 2014

LR 2015

LR 2016

LR 2017

Évolution 2012-17

Total des programmes

3 838,8

3 315,3

3 616,3

3 995,9

3 157,4

4 636,4

21 %

Source : rapports annuels de performances de 2012 à 2017.

3.   L’importance des crédits européens et des dépenses fiscales

Les rapporteurs spéciaux rappellent que la mission continue à ne constituer qu’une part minoritaire des concours publics à l’agriculture, dans la mesure où s’y ajoutent ceux de l’Union européenne, à hauteur de 9 milliards d’euros.

En outre, 36 dépenses fiscales lui sont rattachées, toutes portées par le programme 149, pour un montant estimé à 2,7 milliards d’euros.

B.   Programme 149 Économie et dÉveloppement durable des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestiÈres

1.   Une architecture désormais plus lisible

Les cinq actions de l’ancien programme 154 Économie et développement durable de l’agriculture et des territoires ont été intégrées au programme 149. Cette fusion a entraîné la suppression de trois actions qui figuraient auparavant dans ce dernier : Gestion des forêts publiques et protection de la forêt, Développement économique de la filière et gestion durable et Fonds stratégique de la forêt et du bois. Ainsi, le nouveau programme 149 compte pour 72 % des AE et des CP de la mission.

2.   Des crédits initiaux toujours insuffisants

Au regard du résultat, force est de constater que le Gouvernement avait en 2017, d’une part, fondé ses prévisions sur des hypothèses clairement optimistes (malgré une hausse de 61 % par rapport aux 12,1 milliards d’euros en AE et de 75 % par rapport aux 1,9 milliard d’euros en CP consommés en 2016) et, d’autre part, fait le choix de ne pas inscrire au budget l’intégralité des refus d’apurement européens alors déjà connus et/ou prévisibles.

La sur-exécution spectaculaire de l’action Gestion des crises et des aléas de la production agricole (2 644 % en CP) apparaît particulièrement préoccupante (lire infra en partie II. du rapport spécial).

Taux d’ExÉcution 2017 DES CRÉDITS DU PROGRAMME 149

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2017

LR 2017

Taux d’exécution

LFI 2017

LR 2017

Taux d’exécution

Adaptation des filières à l’évolution des marchés

204,4

228,7

112 %

205,1

241,2

118 %

Gestion des crises et des aléas de la production agricole

3,8

144,1

3 792 %

5,5

145,4

2 644 %

Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles

154,8

127,8

83 %

119,8

109,9

92 %

Gestion équilibrée et durable des territoires

389,8

596,6

153 %

380,6

638,2

168 %

Protection sociale

915,9

988,3

108 %

915,9

988,5

108 %

Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois

268,5

245,8

92 %

276,4

241,3

87 %

Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions

284,6

997,4

350 %

284,6

993,4

349 %

Totaux après mouvements
(y compris FDC et ADP ([1])

2 221,8

3 328,8

150 %

2 187,9

3 357,7

153 %

Source : rapport annuel de performances pour 2017.

3.   Une multitude de petites dépenses fiscales

Les 36 dépenses fiscales de la mission sont toutes rattachées au programme 149. 30 d’entre elles portent sur des impôts d’État, pour un montant total de 2,6 milliards d’euros (contre 2,5 milliards d’euros en 2016).

Les rapporteurs spéciaux attirent l’attention sur le fait que :

– le montant de chacune d’entre elles progresse par rapport à celui de l’exercice précédent ;

– 2 ont été supprimées, à savoir (a) l’exonération plafonnée de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les esters méthyliques d’huiles végétales, les esters méthyliques d’huiles animales ou usagées, les biogazoles de synthèse, les esters éthyliques d’huile végétale incorporés au gazole ou au fioul domestique, le contenu en alcool des dérivés de l’alcool éthylique et l’alcool éthylique d’origine agricole incorporé directement aux supercarburants ou au superéthanol E85 et (b) l’exonération sur l’impôt sur le revenu (IR) des bénéfices forfaitaires issus de la culture d’arbres truffiers pendant quinze ans à compter de la plantation ;

– 5 correspondent à moins de 0,5 million d’euros, à savoir (a) l’amortissement exceptionnel sur l’impôt sur les sociétés (IS) égal à 50 % du montant des sommes versées pour la souscription de parts de sociétés d’épargne forestière, (b) la taxation au taux réduit de 6 % libératoire de l’IR ou de 8 % libératoire de l’IS des plus-values réalisées à l’occasion d’apports à un groupement forestier, (c) l’exonération d’IR sur les intérêts des sommes inscrites sur un compte épargne d’assurance pour la forêt (CIFA) ouverts jusqu’en 2013, (d) la réduction d’IR au titre des cotisations versées aux associations syndicales autorisées ayant pour objet la réalisation de travaux de prévention en vue de la défense des forêts contre les incendies sur des terrains inclus dans les bois classés et (e) la réduction d’IR à raison des intérêts perçus au titre du différé de paiement accordé à des exploitants agricoles, ce qui suscite des interrogations quant à leur maintien ;

– 5 sont indiquées comme « non chiffrables » et nécessitent une évaluation plus rigoureuse par le Gouvernement, à savoir (a) le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 10 % pour les travaux sylvicoles et d’exploitation forestière réalisés au profit d’exploitants agricoles, (b) le report d’IR pour l’indemnité destinée à couvrir les dommages causés aux récoltes par des événements climatiques à l’exercice de constatation de cette perte, (c) le rattachement au titre de l’IR du revenu exceptionnel d’un exploitant agricole soumis à un régime réel d’imposition par fractions égales aux résultats de l’exercice de sa réalisation et des six exercices suivants, (d) la déduction d’IR pour aléas et (e) la déduction spécifique d’IR pour l’investissement.

6 niches concernent la taxe foncière sur les propriétés non-bâties (TFPNB, impôt local) et sont prises en charge par l’État, pour un montant total de 170 millions d’euros, ce qui équivaut à une diminution de moitié en comparaison avec 2016 (326 millions d’euros). La dernière dépense du tableau ci-dessous pose question compte tenu de son faible rendement.

 

 

 

DÉpenses fiscales du programme 149 sur la seule TFPNB

(en millions d’euros)

 

2016

2017

Évolution

Exonération de la part communale et intercommunale en faveur des terres agricoles à concurrence de 20 %

138

124

– 10 %

Pertes de récoltes ou de bétail

174

34

– 80 %

Dégrèvement d’office pour les jeunes agriculteurs

9

9

=

Exonération totale en faveur des terres agricoles situées en Corse

2

2

=

Exonération en faveur des terrains plantés en bois

3

1

– 67 %

Association foncière pastorale

ε

ε

=

Total des dépenses fiscales

326

170

– 48 %

« ε » : coût inférieur à 0,5 M€ ; « - » : niche supprimée ou non encore créée ; « n. c. » : non chiffrable. 

Source : rapport annuel de performances pour 2017.

C.   Programme 215 Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

56 % des crédits financent les services déconcentrés du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, ainsi que les directions départementales de la mer, qui relèvent, dans les premiers mois de l’exercice, du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer et, dans ses derniers mois, du ministère de la transition écologique et solidaire. La sous-exécution de l’action n° 2, pourtant peu coûteuse, semble traduire le manque de priorité accordé à l’évaluation des politiques publiques agricoles.

Taux d’ExÉcution 2017 DES CRÉDITS DU PROGRAMME 215

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2017

LR 2017

Taux d’exécution

LFI 2017

LR 2017

Taux d’exécution

Moyens de l’administration centrale

207,5

197,9

95 %

206,4

202,9

98 %

Évaluation de l’impact des
politiques publiques
et information économique

20,3

17,3

85 %

20,3

16,9

83 %

Moyens des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, des directions départementales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et des directions départementales des territoires (et de la mer)

363,6

368,7

101 %

363,6

368,2

101 %

Moyens communs

73,8

69,5

94 %

73,9

65,1

88 %

Totaux après mouvements
(y compris FDC et ADP)

653,7

653,5

< 100 %

652,7

653,1

> 100 %

Source : rapport annuel de performances pour 2017.

Aucune dépense fiscale n’est rattachée au programme 215.

II.   COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL

Le compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (CAS‑DAR) retrace, en recettes, 100 % du produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles prévue à l’article 302 bis MB du code général des impôts (CGI) et, en dépenses, les opérations relatives au développement agricole et rural.

En 2017, son excédent de 4,5 milliards d’euros vient alimenter un solde cumulé de 62,3 millions d’euros depuis sa création.

Ses recettes augmentent de 2 % par rapport à 2016, passant de 130,8 millions d’euros à 133,4 millions d’euros, tandis que ses dépenses augmentent de 4 % en AE, passant de 126 millions d’euros à 131,7 millions d’euros, mais diminuent de 0,2 % en CP, passant de 129,2 millions d’euros à 128,9 millions d’euros.

Le CAS-DAR est composé des deux programmes 775 Développement et transfert en agriculture et 776 Recherche appliquée et innovation en agriculture, dont le volume justifie une analyse commune.

Le premier finance les chambres d’agriculture, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), Coop de France et d’autres organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR), des actions d’accompagnement portant sur des thématiques innovantes et des programmes en faveur de la génétique animale, ainsi que des appels à projets régionalisés au bénéfice de l’assistance technique agricole. Le second soutient essentiellement les instituts techniques agricoles et l’association de coordination technique agricole (ACTA).

Concrètement, les orientations sont déterminées par le programme national de développement agricole et rural (PNDAR), décliné en contrats d’objectifs avec les principales catégories d’organismes citées supra.

À ce titre, les rapporteurs spéciaux saluent le fait que plus de la moitié des crédits soit orientée vers la recherche et l’innovation.

ExÉcution 2017 DES CRÉDITS Du CAS-DAR

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes et actions

LFI 2017

LR 2017

Taux d’exécution

LFI 2017

LR 2017

Taux d’exécution

P 775 Développement
et transfert en agriculture

70,6

64,8

92 %

70,6

61

86 %

Développement et transfert

70,5

64,7

92 %

70,5

61

87 %

Fonction support

100 000 €

29 716 €

30 %

100 000 €

33 356 €

33 %

P 776 Recherche appliquée
et innovation en agriculture

76,9

66,9

87 %

76,9

68

88 %

Recherche appliquée
et innovation

76,5

66,8

87 %

76,5

67,8

89 %

Fonction support

400 000 €

103 901 €

26 %

400 000 €

139 068 €

35 %

Totaux

147,5

131,7

89 %

147,5

128,9

87 %

Source : rapport annuel de performances pour 2017.

 


III.   LES POINTS D’ALERTE DES RAPPORTEURS spÉciaux

Dans le cadre des commissions d’évaluation des politiques publiques, les rapporteurs spéciaux ont tenu à remettre deux thèmes en perspective quant à l’exécution des crédits correspondants en 2017, à leur actualité en 2018 et à leurs pistes d’évolution en 2019 : les soutiens à l’agriculture biologique et la gestion des refus d’apurement par la Commission européenne des aides versées au titre de la politique agricole commune (PAC).

A.   L’agriculture biologique

La filière, porteuse au plan économique, s’interroge sur son soutien public.

1.   Une dynamique économique nette et une ambition politique claire

● Le secteur de l’agriculture biologique connaît une croissance importante, que résument les données suivantes de l’Agence bio (fin 2016) :

– à l’aval, 10 600 transformateurs (+ 9 % par rapport à 2015), 4 017 distributeurs (+ 11 %) et 223 importateurs (+ 40 %) ;

– à l’amont, 32 264 producteurs (+ 12 %) ;

– 7,3 % des exploitations et plus de 10,8 % de l’emploi agricole.

● Cette progression est souhaitée par les pouvoirs publics : le président de la République a fixé un objectif de 8,5 % de surface agricole exploitée sur le mode biologique d’ici à 2020 et de 50 % de produits issus de l’agriculture biologique ou sous signe de qualité en restauration collective d’ici 2022.

Le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, en discussion à la date de remise du présent rapport spécial, met en avant des cibles plus élevées, avec par exemple un passage à 15 % de ce premier seuil.

Les rapporteurs spéciaux soutiennent cette tendance et souhaitent que l’articulation de l’agriculture biologique avec l’agriculture conventionnelle et à haute valeur environnementale (HVE) prenne la forme d’une complémentarité plutôt que d’une concurrence.

● De nombreuses initiatives de terrain sont intéressantes, comme la création de l’association Manger bio ici et maintenant (MBIM), la campagne de communication « Manger bio et local » ou les sites pilotes « Eau et bio ».

Les rapporteurs spéciaux espèrent que la convention entre la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) et la direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l’agriculture et de l’alimentation aboutira rapidement.

2.   Des interrogations sur les financements nationaux et locaux

● L’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, dite « Agence bio », opérateur de l’État sous la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP), perçoit au titre du programme 149 des subventions pour charges de service public (SCSP) en légère diminution.

Subventions À l’Agence bio

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Catégories

2016

2017

Évolution

2016

2017

Évolution

SCSP

1,48

1,45

 2 %

1,4

1,37

 2 %

Transferts

4

4

=

4

4

=

Totaux

5,48

5,45

 0,5 %

5,4

5,37

 0,5 %

Source : rapports annuels de performances pour 2016 et 2017.

● Le Gouvernement a fait le choix de mettre fin aux aides au maintien des exploitations en agriculture biologique, afin de concentrer l’effort sur les aides à la conversion. La mesure des conséquences de cette décision ne peut pas encore être effectuée, puisque le versement des aides accuse un retard de deux ans et que les conseils régionaux, autorités de gestion des fonds structurels européens, pourront adopter des stratégies différentes.

Il conviendra cependant de veiller à ce que les critères de priorisation retenus par les régions soient moins un outil de régulation budgétaire qu’un instrument au service d’une stratégie de développement agricole local ([2]) .

● Par ailleurs, des garanties doivent être apportées sur les points suivants :

– le transfert de 4,2 % du 1er pilier de la PAC (aides à l’hectare et aides couplées) vers le 2e pilier (développement rural) à partir de 2018 doit permettre de financer ces aides au titre du plan de développement « Ambition bio », mais seulement 45 millions d’euros sur 625 sont fléchés vers le bio (soit 0,7 %) ;

– des discussions sont conduites avec les régions en vue d’un financement par les agences de l’eau ou par le redéploiement de crédits de la maquette régionale du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) à hauteur de 25 %, mais la capacité financière des agences de l’eau pose question ;

– la suppression des aides au maintien engendrera probablement un report vers le crédit d’impôt bénéficiant aux exploitants bio, pour une hausse estimée à 58 % (de 51,80 millions d’euros en 2017 à 81,60 millions d’euros en 2019).

● Avant le 1er juin 2018, le gouvernement devait remettre au Parlement un rapport étudiant les modalités de financement des indemnités compensatrices de handicap naturel, des mesures agroenvironnementales et climatiques, des aides au maintien et des aides à la conversion en agriculture biologique pour 2019 et 2020, prévu par l’article 122 de la LFI pour 2018. Ce document n’était pas disponible à la date de remise du présent rapport spécial, ce que ses auteurs regrettent.

3.   Deux préconisations en vue du projet de loi de finances pour 2019

Indemniser les exploitants de la filière bio dont la production est contaminée par la chimie de synthèse des parcelles conventionnelles voisines.

La contamination de produits bio peut en effet entraîner leur déclassement, donc à la fois des pertes pour les producteurs et une moindre crédibilité pour la filière auprès des consommateurs. Peuvent être examinées les voies d’une taxation sur les pesticides les plus volatils ou d’un encadrement des franchises pratiquées par les assureurs.

Doubler la redevance pour pollution diffuse (RDP) et la flécher vers l’agriculture biologique.

Cette augmentation, en faveur de laquelle s’est prononcé le ministère de la transition écologique et solidaire, permettra aux agences de l’eau de mieux affecter les crédits du plan « ambition bio ».

B.   Les refus d’apurement par la Commission europÉenNe des aides versÉes au titre de la politique agricole commune

1.   Une difficulté récurrente

Le montant du refus d’apurement engagé et payé en 2017 est de 721,1 millions d’euros, soit le deuxième plus important depuis 2009 (par exemple, 357,6 millions d’euros en 2016). Ce montant intègre la tranche 2017 de la décision ad hoc 47 (359,4 millions d’euros) ainsi que trois nouvelles décisions notifiées en cours d’année et devenues exécutoires. Le Parlement et la Cour des comptes déplorent depuis plusieurs années que ces charges, dont une proportion élevée est connue avec certitude dès la préparation de la LFI, fassent systématiquement l’objet d’une sous-budgétisation.

 

Une procédure comptable complexe

La procédure d’apurement de conformité consiste en la vérification, par la Commission européenne, que les États membres ont utilisé correctement les ressources mises à leur disposition par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), c’est-à-dire que les organismes payeurs nationaux examinent chaque demande avec diligence avant le versement de l’aide, sous l’égide, en France, de l’Agence des services de paiement (ASP).

Ce dernier opérateur est financé par le programme 149 pour 0,94 million d’euros en 2017 et 0,97 million d’euros en 2018. En cas d’irrégularité, la Commission récupère auprès de l’État le montant indûment payé, sur la base soit des pertes occasionnées, soit d’une extrapolation, soit d’un taux forfaitaire.

Afin de compenser cette correction, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation redéploie des crédits en cours de gestion et/ou demande en loi de finances rectificative (LFR) l’abondement du programme 149 Économie et développement durable des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières.

2.   Une nouvelle dotation en 2018, qu’il s’agira d’évaluer

Pour la première fois, une provision de 300 millions d’euros a été inscrite en LFI pour 2018 sur le budget de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales. Elle doit permettre de gérer les refus d’apurement qui seront notifiés par la Commission en 2018 ainsi que les aides de crise, imparfaitement anticipables.

Les rapporteurs spéciaux saluent cet effort de sincérisation.

Les informations sur la gestion en cours communiquées par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation font état, toutes choses égales par ailleurs, d’une dotation qui semble correctement calibrée au 31 mai 2018. En effet, les refus d’apurement notifiés devraient atteindre entre 230 et 290 millions d’euros.

En l’absence de crise sanitaire majeure, le solde pourrait être affecté au grand plan d’investissement (GPI) de 5 milliards d’euros pour l’agriculture et la forêt annoncé en septembre 2017, auquel manquent 25 millions d’euros sur chacune des années 2018 et 2019. L’affectation du GPI doit être équilibrée entre les secteurs biologique et conventionnel, en vue d’améliorer la compétitivité de l’agriculture tout entière.

Des incertitudes demeurent toutefois, justifiant des études précises.

Le doute doit d’abord être de mise sur le montant des refus d’apurement. Ensuite, il faut rappeler que la crise d’influenza aviaire de 2017 a coûté 62 millions d’euros au titre des mesures sanitaires et 170 millions d’euros au titre de l’indemnisation des filières en amont et en aval.

La reconduction de cette dotation pour aléas en LFI pour 2019 est souhaitable, selon des modalités de calcul sans doute améliorées par l’expérience acquise pendant sa première année de mise en œuvre.

3.   Un doute persistant quant à l’avenir de la PAC

Il est hautement souhaitable que les négociations menées par le Gouvernement français au sein du Conseil de l’Union européenne et auprès de la Commission européenne aboutissent à une limitation de la baisse envisagée des crédits de la PAC, qui pourrait atteindre 5 % dans le prochain cadre financier pluriannuel, notamment en raison du Brexit. Les rapporteurs spéciaux seront aussi attentifs à l’éventuel report des discussions après les élections de 2019.


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   Travaux de la commission

Lors de sa réunion de 21 heures 30, le mercredi 6 juin 2018, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Stéphane TRAVERT, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Le compte rendu de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

 

La vidéo de cette réunion peut être consultée sur le site de l'Assemblée nationale.

 

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   PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) : M. Guillaume RIOU, président, Mme Sophia MAJNONI D’INTIGNANO, déléguée générale, et M. Félix LEPERS, chargé de mission « réglementation et politiques agro‑environnementales »

Ministère de l’agriculture et de l’alimentation : Mme Valérie METRICH‑HECQUET, secrétaire générale, M. Christian LIGEARD, directeur du service des affaires financières, sociales et de la logistique (SAFSL), Mme Marie‑Agnès VIBERT, sous-directrice des affaires budgétaires et comptables au SAFSL, et M. Philippe DUCLAUD, chef du service de gouvernance et de gestion de la politique agricole commune à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)

Cour des comptes : MM. Didier GUÉDON, conseiller-maître, président de section à la 2e chambre, et Jérôme PERDREAU, auditeur, rapporteurs de la note d’analyse de l’exécution budgétaire (NEB)


([1]) Fonds de concours et attributions de produits.

([2]) Des difficultés pèsent également sur le financement d’organismes à vocation sanitaire (OVS), tels les fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (FREDON) ou les groupements de défense sanitaire (GDS), historiquement liés aux conseils départementaux, au détriment de l’activité reconnue de ces acteurs pourtant essentiels à la sécurité sanitaire, en particulier après les redélimitations de compétences qui ont suivi la loi n° 2015-991 du 7 août 2015, dite « NOTRe ».