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N° 1055
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juin 2018
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017 (n° 980),
PAR M. Joël GIRAUD,
Rapporteur général
Député
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ANNEXE N° 5
agriculture, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES :
SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
Rapporteur spécial : M. Michel LAUZZANA
Député
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SOMMAIRE
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Pages
II. L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2017 EST MARQUÉE PAR L’AUGMENTATION du coÛt des crises sanitaires
III. LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE DU PROGRAMME
B. L’objectif 2 Prévenir et réduire les risques sanitaires à tous les stades de la production
C. L’objectif 3 S’assurer de la réactivité et de l’efficience du système de contrôle sanitaire
IV. UN ENCHEVÊTREMENT des compÉtences QUI NUIT A LA gestion des crises
B. Les leçons de la crise Lactalis
C. Le point de vue du rapporteur spécial
Personnes auditionnÉEs par le rapporteur spÉcial
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Le programme 206 Sécurité et qualité sanitaire de l’alimentation a pour objet de garantir la qualité et l’état de salubrité des végétaux, des animaux et des aliments destinés à la consommation humaine. L’exécution de ce programme est confiée à la direction générale de l’alimentation (DGAL).
La politique de la sécurité alimentaire en France relève, elle, d’un protocole de coopération entre la DGAL sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui relève du ministère des finances, et de la direction générale de la santé qui agit pour le compte du ministère de la santé.
Dans le cadre des règlements européens applicables, la DGAL a une compétence exclusive pour la certification des produits animaux et denrées contenant des produits ainsi que pour les aliments pour animaux et les sous-produits animaux. La DGCCRF contrôle quant à elle les eaux autres que conditionnées, les compléments alimentaires, les aliments particuliers comme les laits infantiles, et les produits végétaux ou d’origine végétale hors production primaire.
Le rapporteur spécial rappelle que les alertes portant sur l’alimentation inquiètent la population, et sont immédiatement propagées dans les médias et sur les réseaux sociaux. Que ce soit en cas de maladie d’animaux consommés par l’homme, comme l’influenza aviaire, ou de soupçons sur les produits transformés, les services compétents pour assurer la sécurité sanitaire sont soumis à une obligation constante de réactivité. La crise des laits pour enfants produits par la société Lactalis survenue en décembre 2017, qui a conduit à la création d’une commission d’enquête parlementaire à l’Assemblée nationale, l’a très récemment illustré. Cette commission d’enquête devrait rendre ses travaux le 18 juillet 2018.
En ce qui concerne l’exécution des crédits votés, l’action de l’administration s’opère dans un contexte budgétaire particulier, et largement décorrélé depuis quelques années du montant des crédits votés en loi de finances initiale. En réalité, les crédits votés correspondent à un plancher de dépenses de contrôle et les crédits consommés fluctuent à la hausse en suivant les crises sanitaires, avec, depuis plusieurs années, des crises d’influenza aviaire qui ont donné lieu à indemnisation pour l’abattage des élevages, un reste de fièvre catarrhale ovine et la lutte contre la bactérie Xylella fastidiosa en région PACA.
D’autre part, des erreurs d’imputation importantes se renouvellent depuis trois ans dans les services déconcentrés, qui nuisent à la lisibilité des documents budgétaires, et contre lesquelles le ministère a réagi par la diffusion d’un guide comptable.
Pour ces raisons, la soutenabilité du programme est vivement critiquée par la Cour des comptes dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire. L’exécution 2017 est allée très au-delà des crédits ouverts en loi de finances initiale. À cette surexécution importante, s’ajoute une forte progression des restes à payer pour l’exercice 2017 (+ 9 millions d’euros), soit une hausse de 18 % par rapport à 2016.
I. lES CRÉDITS VOTÉS en LOI DE FINANCES INITIALE anticipent de moins en moins le poids de crises sanitaires pourtant rÉcurrentes
Les crédits du programme 206 prévus en projet de loi de finances initiale pour 2017 étaient de 505,6 millions d’euros. Finalement, ce sont 625,5 millions d’euros qui ont été consommés, le tableau ci-dessous précise la surconsommation des crédits en 2017.
SYNTHÈSE DE LA GESTION DU PROGRAMME 206 EN 2017
(en millions d’euros)
|
AE |
CP |
LFI |
508,18 |
505,69 |
LFR |
0,00 |
0,00 |
Total des mouvements de crédits dont : |
131,95 |
134,48 |
reports |
7,51 |
8,15 |
virements |
10,00 |
10,00 |
transferts |
0,10 |
0,10 |
décrets d’avances |
110,70 |
112,59 |
Fonds de concours et attributions de produits |
3,64 |
3,64 |
Total des crédits disponibles |
643,76 |
643,80 |
Crédits consommés |
634,22 |
625,50 |
Source : ministère de l’agriculture.
Alors qu’en exécution 2016 la différence entre les crédits votés et consommés s’élevait à + 13,6 % des crédits votés, l’augmentation 2017 se chiffre cette fois à 119,8 millions d’euros (+ 24 % des crédits votés). En réponse aux questions du rapporteur, l’administration a indiqué que l’exercice 2017 n’avait pu être exécuté dans les conditions prévues par la loi de finances initiale pour les raisons suivantes :
– épizootie liée au virus de l’influenza aviaire hautement pathogène, H5N8 ;
– mesures de lutte contre la bactérie phytopathogène Xylella fastidiosa, apparue en 2015 ;
– gestion des foyers de tuberculose bovine et de salmonellose aviaire ;
– conséquences financières du contentieux des retraites des vétérinaires sanitaires (actes de prophylaxie réalisés par les vétérinaires sanitaires avant le 31 décembre 1990) ;
– contentieux relatif aux mesures de lutte contre le virus de la Sharka et la découverte du sérotype 4 de la fièvre catarrhale ovine en Haute-Savoie, apparue elle aussi en 2015 dans le Massif central.
Dès la première conférence budgétaire et à l’occasion du compte-rendu de gestion au 30 avril 2017, l’attention des autorités budgétaires a été appelée sur la situation d’impasse que le programme allait connaître très tôt dans l’année, au-delà des mesures de redéploiement et d’économies qui ont pu être décidées par le responsable de programme.
Dans ces conditions, un décret d’avances (décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017) a été accordé à hauteur de 98,869 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 101,402 millions d’euros en crédits de paiement
La Cour des comptes, dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire, souligne le caractère excessivement optimiste et insincère de la programmation. Le programme 206 avait ainsi reçu un avis défavorable du contrôleur budgétaire et comptable ministériel. En effet, sans même prendre en compte des événements imprévisibles survenus lors de l’exercice, certaines dépenses inéluctables n’ont fait l’objet d’aucune prévision d’ouvertures de crédits dans la LFI.
À titre d’exemple, aucun crédit n’a été ouvert pour le contentieux sur les retraites des vétérinaires sanitaires, le nombre de dossiers concernés était pourtant connu ; ainsi la Cour des comptes fait remarquer que « depuis le règlement de ces dossiers, 66,6 millions d’euros ont été réglés sur le budget du programme 206 sans avoir fait l’objet d’ouvertures en LFI » et que d’autre part, ce procédé fait peser une charge de dette indue sur la CCMSA.
II. L’EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2017 EST MARQUÉE PAR L’AUGMENTATION du coÛt des crises sanitaires
Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire sur l’ensemble de la mission AAFAR (Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales), la Cour des comptes met en avant la surexécution substantielle du programme 206 par rapport aux crédits ouverts en LFI (119,8 millions d’euros de CP). Cette exécution tendue dépasse largement celle de l’exercice 2016 (+ 65,2 millions d’euros en CP).
La Cour des comptes souligne également la forte progression des restes à payer qui ont connu une augmentation constante depuis 2014, passant de 42,7 millions d’euros (2014) à 59,0 millions d’euros (2017), soit une augmentation de + 38,20 %.
sÉcuritÉ et qualitÉ sanitaires de l’alimentation – programme 206
crÉdits de paiement
(en euros)
Numéro et intitulé de l’action / sous-action |
Titre 2 |
Titre 3 |
Titre 5 |
Titre 6 |
Titre 7 |
Total |
Total |
Prévision LFI 2017 |
|||||||
01 – Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale |
0 |
11 798 006 |
|
13 521 994 |
|
25 320 000 |
25 420 000 |
|
9 876 160 |
201 775 |
17 300 988 |
0 |
27 378 923 |
|
|
02 – Lutte contre les maladies animales et protection des animaux |
|
65 655 873 |
|
24 561 426 |
|
90 217 299 |
94 387 814 |
|
116 128 494 |
244 056 |
64 342 511 |
|
180 715 061 |
|
|
03 – Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires |
|
13 306 066 |
|
3 000 934 |
|
16 307 000 |
18 882 000 |
|
13 311 793 |
10 445 |
9 422 828 |
|
22 745 066 |
|
|
04 – Actions transversales |
|
66 838 198 |
|
2 294 126 |
|
69 132 324 |
69 132 324 |
|
67 938 291 |
2 683 219 |
2 928 747 |
1 000 000 |
74 550 257 |
|
|
05 – Élimination des cadavres et des sous-produits animaux |
|
3 869 000 |
|
|
|
3 869 000 |
3 869 000 |
|
2 600 240 |
|
|
|
2 600 240 |
|
|
06 – Mise en œuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l’alimentation |
296 336 424 |
794 000 |
|
|
|
297 130 424 |
297 130 424 |
312 455 219 |
935 289 |
|
33 976 |
|
313 424 484 |
|
|
08 – Qualité de l’alimentation et offre alimentaire |
|
570 357 |
|
3 140 143 |
|
3 710 500 |
3 710 500 |
|
1 089 159 |
|
2 997 301 |
|
4 086 460 |
|
|
Total des CP prévus en LFI |
296 336 424 |
162 831 500 |
|
46 518 623 |
|
505 686 547 |
512 532 062 |
Ouvertures par voie de FDC et ADP |
0 |
+17 261 593 |
+17 261 593 |
|
|||
Ouvertures/annulations (hors FDC et ADP) |
+18 213 388 |
+112 624 558 |
+130 837 946 |
|
|||
Total des CP ouverts |
314 549 812 |
339 236 274 |
653 786 086 |
|
|||
Total des CP consommés |
312 455 219 |
211 879 426 |
3 139 495 |
97 026 351 |
1 000 000 |
625 500 491 |
|
Source : rapport annuel de performances 2017.
Cette action, dotée de 25,4 millions d’euros, a consommé 27,3 millions d’euros de crédits en 2017 (+ 1,9 %). Les mesures de lutte contre certains organismes nuisibles sont imposées par la réglementation européenne et la Convention internationale pour la protection des végétaux ratifiée par la France en 1958.
La mission des services déconcentrés concerne la surveillance du capricorne asiatique, de la bactérie Xylella fastidiosa, ou du charançon rouge du palmier, qui continuent néanmoins à s’étendre. Par ailleurs les erreurs d’imputation des dépenses des conventions avec les FREDON (fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles), sont renouvelées par les services du ministère depuis plusieurs années, alors que ces organismes ne sont pas des opérateurs de l’État. Le rapporteur spécial s’interroge sur la prise en compte du guide de comptabilité publique édité par le ministère par les directions régionales.
L’action 2 concerne la gestion des maladies animales autres que les encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles (ESST, et la lutte contre les maladies zoonotiques (transmissibles à l’homme). La surconsommation en 2017 (180 millions de crédits de paiement) est le double des 94 millions d’euros votés en loi de finance initiale, (+ 91,5 %). Elle correspond principalement aux conséquences des deux crises sanitaires majeures qui se sont renouvelées depuis 2 ans : la fièvre catarrhale ovine (FCO) et l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) due au virus H5N8 (62 millions d’euros), auxquelles s’ajoute l’apparition d’un nouveau sérotype, le sérotype 4.
L’année budgétaire 2017 a été fortement impactée par l’épizootie d’IAHP due au virus H5N8, déclarée dans le Sud-Ouest en décembre 2016 et par les conséquences de la précédente crise d’influenza aviaire de 2015-2016, qui ont nécessité le décret d’avance n° 2017-1182 du 20 juillet 2017.
Les dépenses, exécutées en services déconcentrés, concernent principalement les visites vétérinaires, les analyses de laboratoires, ainsi que les dépenses nécessaires à la gestion technique des foyers. Évaluées à 62 millions d’euros, les dépenses liées à l’influenza aviaire H5N8 se répartissent ainsi :
● Dépenses de fonctionnement courant :
– 27 millions d’euros pour les frais opérationnels en services déconcentrés (analyses de laboratoire, nettoyage et désinfection) ;
– 10 millions d’euros en administration centrale pour les opérations d’urgence d’euthanasie, de transport et d’élimination.
● Dépenses de transfert aux entreprises :
– 25 millions d’euros pour l’indemnisation aux producteurs de la valeur marchande des animaux euthanasiés.
Ces dépenses comprennent aussi, pour la lutte contre la FCO, les visites vétérinaires, les prélèvements et analyses de laboratoire, ainsi que les frais de vaccination. En particulier, l’épisode de FCO de sérotype 4 survenu fin 2017 a nécessité la vaccination en urgence des ruminants situés dans les périmètres de lutte. Cette stratégie s’est traduite par l’achat de vaccins, leur stockage et leur distribution et la réalisation de la vaccination par les vétérinaires sanitaires. Les premiers coûts, environ 1 million d’euros ont été traités sur 2017 et le reste des crédits porteront sur la gestion 2018 pour un total d’environ 10 millions d’euros.
Les dépenses en services déconcentrés, hors dépenses liées aux crises IAHP et FCO, correspondent également au suivi des suspicions et à la gestion des foyers (visites de vétérinaires sanitaires, prélèvements, analyses de laboratoire) des autres maladies animales réglementées (tuberculose et brucellose bovines, brucellose ovine et caprine, maladie d’Aujeszky des porcins etc.).
Une partie des crédits de l’action 2 est également consacrée à la protection des animaux, 345 009 euros de crédits en LFI pour 2017 et 883 562 euros exécutés. Cette augmentation significative de 156 % résulte notamment des difficultés économiques des éleveurs conduisant à un plus fort placement d’animaux.
Auditionné par le rapporteur spécial, la DGAL a rappelé que ces crédits financent les actions menées au titre de la Stratégie globale pour le bien-être des animaux. La DGAL a indiqué qu’une partie des dépenses a permis de subventionner la création d’une chaire sur le bien-être animal à VetAgroSup (315 000 euros en crédits de paiement).
Les crédits de l’action 3 sont consacrés à la rémunération de l’inspection sanitaire, la lutte contre les zoonoses, la surveillance de la contamination des denrées et l’appui à la gestion des risques sanitaires dans le secteur alimentaire. La loi de finances initiale pour 2017 avait prévu un montant de 18,8 millions d’euros, ces crédits ont été exécutés à hauteur de 22,7 millions d’euros, soit une hausse de 20,7 %.
L’augmentation, déjà constatée en 2015 et en 2016, des dépenses d’intervention liées à l’indemnisation des éleveurs de troupeaux de volailles en raison d’un abattage sanitaire suite à la détection de salmonelles, se confirme sur l’exercice 2017. Cette hausse de 3 millions de crédits votés à 9,2 millions de crédits consommés est notamment liée à la réglementation européenne prescrivant de procéder à un abattage dès la première détection, sans attendre la réalisation d’un contrôle officiel. La hausse des coûts de gestion des foyers de salmonelles résulte tant d’une augmentation du nombre de foyers concernés que de la forte valeur marchande des élevages de reproducteurs ayant fait l’objet d’un abattage.
Sur ce point, la Cour des comptes relève dans sa note d’analyse d’exécution budgétaire qu’après un recul de 3 % en 2016, le programme 206 connaît une augmentation d’1,4 % de ses ETPT (+ 66 ETPT), cette hausse correspond à la dernière tranche des 180 ETPT supplémentaires accordés sur la période 2015-2017 afin de renforcer les effectifs du contrôle sanitaire dans les abattoirs.
Les crédits de cette action sont essentiellement consacrés aux dépenses de fonctionnement comme la subvention pour charge de service public de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail) ou l’équipement de la brigade nationale d’enquête vétérinaire et phytosanitaire. Ces crédits de paiement inscrits en LFI (69,1 millions d’euros) ont été consommés à hauteur de 74,5 millions d’euros, ce qui représente une hausse de 7,8 %.
En tant qu’opérateur du programme 206, l’agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a reçu 61 millions d’euros du ministère de l’agriculture en 2017. Le plafond d’emploi de 1 279 ETPT a été respecté.
Lors de leur audition par le rapporteur spécial, les représentants de l’ANSES ont indiqué que la capacité d’autofinancement de l’agence s’élève à 8,51 millions d’euros, ce qui lui permet de financer près de 10 millions d’euros d’investissement par an.
En 2017, l’ANSES poursuit la mise en œuvre des nouvelles missions qui lui ont été transférées en 2014 : gestion des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et mise en place d’un dispositif de pharmacovigilance, puis en 2016, les activités de vigilances des Centres antipoison (CAP) et l’évaluation des produits de tabac et de vapotage. Les représentants de l’ANSES ont précisé, lors de leur audition, que cette dernière mission était une conséquence d’une directive européenne sur les produits du tabac 2014/40/UE transposée en droit français par l’ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016.
Lors de leur audition par le rapporteur spécial, les représentants de l’ANSES ont précisé que « la situation financière de l’ANSES est saine, l’exécution budgétaire est conforme aux prévisions, l’agence dispose d’un soutien financier réel » même si « le poids des missions est en augmentation constante » Le résultat d’exploitation 2017 est de 2,93 millions d’euros.
Le tableau ci-dessous retrace le total des subventions pour charge de service public de l’exercice 2017, soit 92,2 millions d’euros qui représentent 67,7 % des recettes globales de l’ANSES.
Total des Subventions pour charge de service public 2017
(en euros)
Ministère chargé de l’agriculture (prog 206) Arrêté complémentaire |
59 522 304 1 566 340 |
Ministère chargé de la santé (prog 204) Arrêté complémentaire |
13 315 992 1 345 000 |
Ministère chargé de l’écologie (prog 181) |
6 801 159 |
Ministère chargé de l’écologie (prog 190) |
1 507 135 |
Ministère chargé du travail (prog 111) |
8 175 588 |
TOTAL SUBVENTIONS SCSP |
92 233 519 |
Source : ANSES.
Les taxes et redevances représentent, en 2017, 31,25 millions d’euros soit 23 % des recettes globales de l’ANSES. Par rapport à 2016, les taxes ont fait un bond de plus de 20 %.
Les autres recettes fiscales, les redevances biocides, la taxe phytopharmacovigilance ainsi que la taxe radiofréquences sont stables et conformes à la prévision.
Les recettes issues de conventions sont majoritairement contractualisées avec l’État, l’Union européenne (4,1 millions d’euros), les collectivités territoriales (2,93 millions d’euros) ainsi que les organismes publics et divers représentants (2,5 millions d’euros , qui regroupent une soixantaine de financeurs comme l’INSERM (L’Institut national de la santé et de la recherche médicale), pour le financement du Plan Cancer, et des organismes de recherche comme l’ANR (Agence nationale de la recherche), France Agrimer, l’ONEMA (Office national de l’eau et des milieux aquatiques), l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), GDS (Groupement de défense sanitaire) ou ITAVI (Institut technique de l’aviculture).
Le résultat d’exploitation 2017 est de 2,93 millions d’euros. La capacité d’autofinancement 2017 est de 8,51 millions d’euros. Le niveau de fonds de roulement au 31/12/2017 intègre l’abondement de 1,14 million d’euros et s’élève à 25,06 millions d’euros. Le solde budgétaire est quasiment à l’équilibre
(– 198 000 euros).
Les crédits de paiement disponibles s’élèvent à 3,8 millions d’euros, contre 4,3 millions d’euros en 2016, et n’ont été exécutés qu’à hauteur de 2,6 millions d’euros. Ces crédits permettent de financer le service public de l’équarrissage (SPE) qui correspond aux coûts de traitement des cadavres d’animaux. La faible utilisation des crédits résulte de la diminution du nombre d’actions menées.
L’action 6 est l’action la plus dotée du programme 206 avec des crédits de paiements inscrits en LFI pour un montant de 297,1 millions d’euros. Elle a été exécutée à hauteur de 313,4 millions d’euros, soit une hausse de 5,4 %.Ces crédits permettent de financer les actions sanitaires et sociales mises en œuvre par les services chargés de l’alimentation.
D’après la Cour des comptes la LFI n’a pas non plus été respectée en ce qui concerne les crédits de titre 2 : 868,50 M€ avaient été ouverts (dont 296,30 M€ sur le programme 206 et 572,10 M€ sur le programme 215) et 883,80 M€ ont été consommés, soit une sur-exécution de 1,8 %. Si elle apparaît moindre que celle observée en 2016 (+ 2,2 %), cette surexécution s’explique principalement par les dépenses de personnel entraînées par les crises sanitaires (programmes 149 et 206) et le contentieux relatif aux retraites vétérinaires (programme 206)
Les crédits de paiement disponibles (3,7 millions d’euros) ont été exécutés à hauteur de 4,08 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de 10,2 %.
Les dépenses de fonctionnement sont marquées par un écart de 518 802 euros entre la LFI et l’exécution. Cet écart résulte principalement d’une hausse des crédits affectés à l’appel à projets dans le cadre du programme national pour l’alimentation (PNA).
Au niveau local, les dépenses d’intervention permettent de soutenir les actions menées par la section nutritionnelle de l’Observatoire de l’alimentation qui s’articulent autour de la restauration scolaire et collective ainsi que de l’aide aux populations les plus démunies.
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III. LA DÉMARCHE DE PERFORMANCE DU PROGRAMME
Le programme 206 est couvert par trois objectifs et cinq indicateurs de performance, dont les résultats sont contrastés.
Dans sa note d’analyse de l’exécution budgétaire, la Cour des comptes rappelle que le taux de couverture des crédits du programme s’élève à seulement 62 % en 2017. Cependant cette difficulté devrait être réglée pour le prochain exercice, en effet, la LFI 2018 a tenu compte de cette carence en dotant le programme de deux nouveaux indicateurs relatifs au risque sanitaire. Ces deux indicateurs portent sur l’activité de l’Anses qui représente plus de 25 % des crédits du programme, le manque de couverture du programme devrait donc être réglé.
A. L’objectif 1 Favoriser le changement de pratiques afin de préserver la santé publique et l’environnement
Cet objectif est évalué par deux indicateurs, l’indicateur 1.1 Maîtrise de l’utilisation des pesticides et des antibiotiques et l’indicateur et 1.2 Promotion de comportements favorables à une alimentation diversifiée et équilibrée.
L’indicateur 1.1 présente notamment l’évolution du plan Ecophyto, lancé en 2008 à la suite du Grenelle de l’Environnement, ce plan vise à réduire progressivement l’utilisation des produits phytosanitaires ou pesticides en France. Ainsi, en 2017, le nombre de doses unités de pesticides s’élève à 94,2 millions (84 millions en prévision), soit un écart de 10,2 millions. Le recours aux produits phytosanitaires continue malheureusement de croître, en hausse de 7 % par rapport à 2016 (88 millions de doses). L’année 2017 a notamment été marquée par l’augmentation significative de l’utilisation des substances de protection contre les maladies fongiques.
L’exercice 2017 marque également le début de la mise en œuvre du plan Ecophyto 2 dont l’objectif est une réduction de 25 % du recours aux produits phytopharmaceutiques d’ici 2020, ce plan connaît cependant des difficultés dans sa mise en œuvre. Par contre ; les résultats du plan Ecoantibio sont au rendez-vous, la baisse du traitement des animaux diminuant de 3,94 % en 2015 à 1 % en 2017.
L’indicateur 1.2 cible le taux d’élèves bénéficiant de l’action « un fruit pour la récré ». Le résultat de l’exercice 2017 confirme la baisse progressive, constatée depuis 2013, du taux d’élèves inscrits avec 4 % en réalisation face à une prévision de 13 %. Cette différence de 9 % résulte des difficultés de gestion administrative que représente le programme pour les écoles. À la baisse du nombre de nouvelles inscriptions s’ajoute le départ de certaines écoles et collectivités du programme.
B. L’objectif 2 Prévenir et réduire les risques sanitaires à tous les stades de la production
L’objectif 2 est mesuré par un indicateur unique 2.1 Suivi des non-conformités constatées lors des inspections. Alors que cet indicateur n’avait pas été renseigné pour le « taux de recontrôle suite à une mise en demeure » en 2016, l’exercice 2017 fait état d’une réalisation s’élevant à 70 % pour une prévision de 95 %. Cet écart substantiel de 25 % résulte de difficultés liées à la mise en place du nouveau système d’information d’enregistrement des inspections (RESYTAL).
Cet indicateur 2.1 fait également état du taux de suivi renforcé des établissements agréés ayant fait l’objet d’une inspection défavorable. Si le taux prévu initial était de 95 %, la réalisation 2017 présente un taux de 80 % ; là encore le déploiement du RESYTAL a été source de difficultés.
Enfin le troisième taux est lié aux prélèvements de végétaux révélant une non-conformité est de 7,4 % (6 % en prévision), il était de 7,6 % en 2016. Ce taux est obtenu à partir de 1 118 prélèvements de végétaux. La différence de 1,4 % par rapport à la prévision initiale résulte de la hausse importante du taux de non-conformité des prélèvements du plan de surveillance.
C. L’objectif 3 S’assurer de la réactivité et de l’efficience du système de contrôle sanitaire
L’objectif 3 est renseigné par deux indicateurs, d’une part l’indicateur 3.1 Préparation à la gestion d’épizootie et gestion des maladies animales, et d’autre part, l’indicateur 3.2 Coût d’une inspection.
Pour l’exercice 2017, le coût moyen d’une inspection s’élève à 1 331 euros, la prévision initiale était de 1 200 euros. Cet écart de 131 euros résulte d’une part des coûts supplémentaires engendrés par la gestion de la crise de l’influenza aviaire, qui inclut le coût de l’indemnisation des éleveurs, et d’autre part de la gestion des foyers de salmonelloses.
Le coût moyen d’une inspection est en hausse constante, en 2016 il avait connu une hausse de 12 % (1 265 euros), l’exercice 2017 marque une hausse moins importante de l’ordre de 5 %.
IV. UN ENCHEVÊTREMENT des compÉtences QUI NUIT A LA gestion des crises
Le rapporteur spécial s’inquiète de la complexité de l’enchevêtrement des compétences administratives et scientifiques en matière de sécurité alimentaire. Il ajoute que l’éclatement des responsabilités en trois ministères nuit à l’efficacité des actions menées dans la gestion des crises, en dépit de l’existence d’une instance de coordination. L’institution d’un chef de file ou le passage à une direction unique apparaît nécessaire.
A. Le rapport du Sénat : un diagnostic mitigé sur l’enchevêtrement des tâches au sein de l’administration
Le rapport n° 442 du Sénat du 23 février 2017 (2016-2017) a déjà tiré la sonnette d’alarme en évoquant dans le détail les protocoles réglant les compétences conjointes des directions de trois ministères de tutelle au niveau national : ministère de l’agriculture (DGAL), ministère des finances (DGCCRF), ministère de la santé (DGS), ainsi que les principaux opérateurs et organismes scientifiques concernés, comme l’Anses, Ifremer et le Cirad. Cette imbrication se retrouve au niveau local ou bien sur le plan du contrôle des denrées aux frontières.
Le rapport du Sénat souligne le fractionnement de la responsabilité du contrôle de la sécurité sanitaire, les administrations compétentes intervenant à plusieurs reprises tout au long de la chaîne alimentaire. La répartition des compétences n’est pas fondée sur des considérations fonctionnelles mais est le simple produit de « l’histoire administrative » ce qui ne permet pas de garantir l’optimisation des moyens déployés. Cet enchevêtrement de compétences est source de « ruptures informationnelles » lourdes en conséquence dans le cadre de la gestion de crises. La simple mise en place de processus de coordinations n’apparaît pas suffisante ; ces dispositifs sont en outre coûteux et ne permettent pas de limiter les hiatus dans la transmission d’informations entre les services des trois ministères concernés.
B. Les leçons de la crise Lactalis
Jusqu’à nos jours, le système a correctement fonctionné, mais la sensibilité du public à la recrudescence des crises sanitaires a parallèlement augmenté. Dans le cas de la crise Lactalis de décembre 2017, qui fait actuellement l’objet d’une commission d’enquête parlementaire « chargée de tirer les enseignements de l’affaire Lactalis et d’étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d’information », l’extrait du compte–rendu n° 6 ci-dessous rend compte avec éloquence de la complexité d’un système en « mille-feuille » ([1]).
« La compétence en matière de sécurité sanitaire de l’alimentation est partagée principalement avec les ministères de la santé et de l’agriculture et les missions de contrôle sont exercées en articulation entre les services de la DGCCRF et ceux du ministère de l’agriculture. Le partage des compétences est organisé par le plan national de contrôles officiels pluriannuel (PNCOPA) qui précise clairement la répartition des compétences entre les différents types de produits ou les établissements à contrôler. Au niveau national, la coordination est assurée par des échanges entre la DGCCRF, la DGAL et la DGS, et au niveau local pour les missions de contrôle entre les services de la DGAL, les services vétérinaires et ceux de la DGCCRF au sein des directions départementales de protection des populations (DDPP) ou des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) – cela dépend principalement de la taille des départements, même si ce n’est pas exactement la règle. Pour l’outre-mer, l’organisation est un peu différente puisqu’il y a d’une part des directions de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF), et d’autre part des directions des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). La coordination se fait dans des missions interministérielles, puisque les services vétérinaires ne sont pas dans les mêmes services que la DGCCRF. Pour ce qui concerne le cas particulier des aliments de nutrition infantile, la DGCCRF n’est pas chargée du suivi de l’hygiène dans les établissements de fabrication. Il s’agit là d’une compétence de la DGAL. S’agissant des denrées d’origine animale, les usines de fabrication disposent d’agréments sanitaires instruits par les services vétérinaires, donc ceux du ministère de l’agriculture. Ce sont eux qui assurent les contrôles en matière d’hygiène qui correspondent à ces agréments. »
S’agissant des laits infantiles, en commission d’enquête, compte rendu n° 4, Monsieur Patrick Dehaumont, directeur général de l’alimentation (DGAL), a estimé que le partage des compétences entre les services concernés « mériterait d’être réexaminé, car assez peu lisible et compréhensible depuis l’extérieur », ainsi la DGAL, la DGCCRF et la DGS devraient selon lui procéder à un réexamen du protocole organisant la répartition des compétences entre leurs services.
C. Le point de vue du rapporteur spécial
Cette révision du protocole ne devrait pas pour autant conduire à la création d’une direction unique, le directeur général de l’alimentation considérant que les sujets de sécurité sanitaire ne devraient pas être traités « de manière isolée » tout en préconisant la mise en place d’« un vrai chef de file » ayant « autorité sur l’ensemble du dispositif ».
En matière de sécurité sanitaire « l’État doit être le garant et l’arbitre », l’organisation des services doit permettre d’une part de définir la règle, et d’autre part d’assurer son respect de manière efficace, d’autant plus qu’au sujet la question de la répartition des compétences se superpose la question des moyens.
Autre domaine ponctuel d’imbrication des compétences les autorisations de mise sur le marché des OGM au niveau européen, qui relèvent de l’évaluation conjointe de l’ANSES (sécurité alimentaire) et du Haut Conseil des biotechnologies (risque environnemental).
La politique de la sécurité alimentaire gagnerait en réactivité et en transparence par la publication d’un jaune budgétaire qui recense l’ensemble des moyens consacrés à cette politique, et par une réflexion d’ensemble sur l’unification et le rôle des administrations de contrôle et d’expertise scientifique.
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Lors de sa réunion de 21 heures 30, le mercredi 6 juin 2018, la commission des finances, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, a entendu M. Stéphane TRAVERT, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Le compte rendu de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.
La vidéo de cette réunion peut être consultée sur le site de l’Assemblée nationale.
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Personnes auditionnÉEs par le rapporteur spÉcial
ANSES
– Mme Caroline GARDETTE, Directrice générale adjointe,
– Mme Charlotte GRASTILLEUR, Directrice adjointe à la direction de l’évaluation des risques, santé-alimentation,
– Mme Alima MARIE, Directrice de Cabinet
DGAL
– M. Patrick Dehaumont, Directeur Général de l’Alimentation
– M. Benjamin GENTON, Sous-Directeur du pilotage des ressources et des actions transversales
– Mme Isabelle PAYSANT, cheffe du bureau du pilotage du programme 206
– Mme Marie LUCCIONI, Adjointe
COUR DES COMPTES
– M. Didier GUÉDON, conseiller-maître, président de section à la Cour des comptes,
– M Jérôme PERDREAU, auditeur, rapporteur de la note d’exécution budgétaire (NEB)
([1]) Compte rendu N’6 du mercredi 11 avril 2018, Commission d'enquête chargée de tirer les enseignements de l’affaire Lactalis et d’étudier à cet effet les dysfonctionnements des systèmes de contrôle et d’information, de la production à la distribution, et l’effectivité des décisions publiques.