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N° 1451

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 novembre 2018.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés
hors Union européenne,

 

TOME I

AVANT-PROPOS, COMMENTAIRE D’ARTICLE ET ANNEXES

 

 

Par M. Julien BOROWCZYK,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  1386.



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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

Commentaire de l’article unique

Article unique Sécurisation de l’exercice des praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne

I. Les procÉdures d’autorisation d’exercice des praticiens titulaires de diplÔmes obtenus hors union europÉenne

1. L’autorisation de plein exercice obtenue après concours (« liste A ») est la procédure de droit commun

2. Le dispositif dérogatoire dit « liste C » accorde à certains praticiens une autorisation temporaire d’exercer et la possibilité de passer un examen spécifique pour l’obtention d’une autorisation de plein exercice

II. La prorogation jusqu’au 31 dÉcembre 2020 du dispositif dÉrogatoire d’autorisation temporaire d’exercice rÉpond à une situation d’urgence

Annexes

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées

ANNEXE N° 2 : texte susceptible d’êTRE modifiÉ À l’occasion de l’examen de la proposition de loi


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   Avant-propos

Confrontés à la désertification médicale et à l’inégale répartition sur le territoire des praticiens médicaux, de nombreux établissements de santé ont recruté des praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE), pour occuper des postes restés vacants. Afin de sécuriser l’exercice de ces praticiens, le IV de l’article 83 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007 a instauré un dispositif d’autorisation temporaire, accompagné d’une procédure dérogatoire d’autorisation de plein exercice sur examen.

Grâce à cet examen dérogatoire, plusieurs milliers de PADHUE ont été intégrés de manière pérenne au système de santé français depuis 2007. Cependant, quelques centaines d’entre eux n’ont pas obtenu, à ce jour, d’autorisation de plein exercice, et continuent d’exercer sous le régime de l’autorisation temporaire prévu par la LFSS pour 2007. Ce dispositif d’autorisation temporaire, initialement prévu jusqu’au 31 décembre 2011 et prorogé à deux reprises, doit prendre fin au 31 décembre 2018.

En l’absence de mesure législative avant cette échéance, les quelques centaines de praticiens exerçant sous le régime de l’autorisation temporaire ne rempliraient plus les conditions légales pour exercer dans les établissements de santé français, et se verraient en conséquence dans l’obligation de cesser immédiatement leurs fonctions à compter du 1er janvier 2019.

Une telle cessation brutale d’activité aurait d’importantes conséquences en termes de santé publique, car ces praticiens se sont souvent rendus indispensables dans les établissements de santé au sein desquels ils exercent, en particulier dans les zones de notre territoire souffrant d’un grave déficit de médecins, ou au sein de spécialités particulièrement en tension.

Compte tenu de l’urgence, l’article 42 de la loi n° 2018-1778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une immigration réussie visait à proroger de deux ans le dispositif d’autorisation temporaire prévu par la LFSS pour 2007 afin de sécuriser les conditions d’exercice des PADHUE bénéficiant d’une autorisation temporaire d’exercice. Or, dans sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 ([1]), le Conseil constitutionnel a censuré comme « cavalier législatif » cette mesure, provoquant une vive inquiétude des praticiens concernés et des établissements de santé qui les emploient.

Cette proposition de loi, composée d’un article unique, vise donc à sécuriser sans attendre la situation des praticiens titulaires d’un diplôme hors Union européenne ne disposant pas d’une autorisation temporaire d’exercice, en prorogeant jusqu’au 31 décembre 2020 l’expiration de ce dispositif, afin de garantir la continuité de fonctionnement des établissements français de santé dans lesquels exercent ces praticiens.

Votre rapporteur est bien conscient que cette réponse législative a pour unique objectif de répondre à une situation d’urgence. Elle ne saurait se substituer, dans un second temps, à l’engagement d’une réflexion concertée sur la mise en place d’un dispositif pérenne, visant à intégrer durablement dans notre système de santé les praticiens diplômés en dehors de l’Union européenne exerçant à ce jour dans les établissements de santé français et répondant aux exigences professionnelles requises.

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*     *

 


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   Commentaire de l’article unique

La Commission des Affaires sociales a adopté la proposition de loi. En conséquence, elle demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport (http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta-commission/r1451-a0.asp).

Article unique
Sécurisation de l’exercice des praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne

Adopté par la commission sans modification

Cet article vise à prolonger de deux ans, jusqu’au 31 décembre 2020, le dispositif dérogatoire d’autorisation temporaire d’exercice qui permet à certains praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne (PADHUE) d’exercer dans les établissements de santé français, dans l’attente de l’obtention d’une autorisation pérenne de plein exercice.

I.   Les procÉdures d’autorisation d’exercice des praticiens titulaires de diplÔmes obtenus hors union europÉenne

Aux termes des articles L. 4111-1 et L. 4221-1 du code de la santé publique, tout médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme ou pharmacien doit pouvoir justifier de trois conditions pour exercer en France :

la détention d’un diplôme, certificat ou titre reconnu par le code de la santé publique ;

la détention de la nationalité française ou d’un État membre de l’Union européenne ([2]) ;

l’inscription au tableau de l’ordre de la profession concernée.

Toutefois, les professionnels de santé titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne (UE) peuvent, sous certaines conditions, être autorisés à exercer en France, à titre temporaire ou pérenne, et avec ou sans plein exercice dans ce dernier cas, les praticiens sont alors contraints d’exercer sous la responsabilité d’un praticien de plein exercice.

1.   L’autorisation de plein exercice obtenue après concours (« liste A ») est la procédure de droit commun

Pour exercer en France, les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne doivent, en principe, obtenir une autorisation de plein exercice, grâce à la procédure de droit commun dite « liste A » définie à l’article L. 4111-2 du code de la santé publique (CSP), et à l’article L. 4221-12 du même code pour les pharmaciens.

Selon cette procédure, non modifiée par la présente proposition de loi, les praticiens doivent, d’une part, réussir un concours comportant des épreuves de vérification des connaissances, organisé par profession, discipline ou spécialité et, d’autre part, justifier d’un niveau de maîtrise suffisante de la langue française.

Le nombre maximal de candidats susceptibles d’être reçus aux épreuves de concours est fixé par voie réglementaire pour chaque profession, discipline ou spécialité, et nul ne peut être candidat plus de trois fois à ces épreuves.

Les praticiens ayant réussi le concours doivent ensuite effectuer une période d’exercice probatoire d’une durée d’un an (pour les candidats aux professions de chirurgien-dentiste, pharmacien ou sage-femme) ou de trois ans (pour les candidats à la profession de médecin) dans un service ou organisme agréé pour la formation des internes, ou dans l’unité d’obstétrique d’un établissement public de santé ou d’un établissement privé participant au service public, pour les sages-femmes.

Au terme de cette période probatoire, les praticiens peuvent recevoir du ministre chargé de la santé, après avis de la commission compétente pour chaque profession, une autorisation de plein exercice.

Notons que les praticiens ayant la qualité de réfugié, d’apatride, de bénéficiaire de l’asile territorial ou de la protection subsidiaire ainsi que les Français ayant regagné le territoire national à la demande des autorités françaises en considération de la situation de crise dans leur pays de résidence bénéficient d’une procédure dérogatoire d’autorisation sur examen, dite « liste B » : le nombre maximum de candidats susceptibles d’être reçus au concours de la liste A ne leur est pas applicable.

2.   Le dispositif dérogatoire dit « liste C » accorde à certains praticiens une autorisation temporaire d’exercer et la possibilité de passer un examen spécifique pour l’obtention d’une autorisation de plein exercice

En parallèle de la procédure de droit commun dite « liste A », plusieurs dispositifs législatifs dérogatoires permettent à certains praticiens titulaires d’un diplôme hors UE d’exercer dans les établissements de santé français, sans autorisation de plein exercice.

● Le premier dispositif permet à des médecins recrutés dans des établissements de santé français avant la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle d’exercer de manière pérenne, mais sans autorisation de plein exercice.

● Le second dispositif, dit « liste C », est l’objet de la présente proposition de loi. Il s’agit d’un dispositif d’autorisation temporaire, accessible sous condition de date de recrutement et de durée d’exercice, qui arrive à échéance le 31 décembre 2018.

Afin de pallier des besoins médicaux non pourvus, en particulier dans des zones en désertification ou dans certaines spécialités médicales, certains établissements hospitaliers ont en effet recruté, sous des statuts divers praticien attaché associé, assistant associé ou faisant fonction d’interne (FFI) des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes ou pharmaciens détenteurs d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne (PADHUE) et ne disposant pas d’autorisation pérenne d’exercice.

Ces praticiens ont été recrutés dans un cadre juridique précaire, mais ils ont souvent permis d’assurer la continuité des soins dans des établissements de santé confrontés à d’importantes difficultés de recrutement de personnels médicaux. En conséquence, pour sécuriser leur exercice, le IV de l’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007 a prévu un dispositif dérogatoire permettant aux médecins et chirurgiens-dentistes, sous certaines conditions, de se voir délivrer une autorisation temporaire d’exercice, et de passer en parallèle un examen professionnel dérogatoire au concours de la « liste A », dans l’objectif d’obtenir une autorisation de plein exercice.

L’article 83 de la LFSS pour 2007 définit strictement les critères d’éligibilité à ce dispositif dérogatoire d’autorisation temporaire.

Ainsi, les praticiens éligibles à ce dispositif doivent être titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans un État non membre de l’UE ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen, et permettant l’exercice dans le pays d’obtention de ce diplôme, certificat ou titre.

Ils doivent également avoir été recrutés avant le 3 août 2010 dans un établissement public de santé ou un établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC).

En outre, ils doivent justifier de l’exercice de fonctions rémunérées pendant au moins deux mois continus entre le 3 août 2010 et le 31 décembre 2011, ainsi que de l’exercice, pendant trois années en équivalent temps plein (ETP), dans des services agréés pour la formation des internes.

Les praticiens répondant à ces critères peuvent exercer leur activité, mais sans plein exercice, jusqu’à une date butoir, fixée initialement au 31 décembre 2011 par la LFSS pour 2007, et prorogée depuis à deux reprises par le législateur, jusqu’au 31 décembre 2016 ([3]), d’abord, puis jusqu’au 31 décembre 2018 ([4]).

Afin d’obtenir une autorisation pérenne de plein exercice et de sortir de ce dispositif temporaire d’autorisation, ces praticiens sont invités à se présenter à un examen aménagé, dit « liste C », prévu par la LFSS pour 2007 et modifié par la loi n° 2012-157 du 1er février 2012 relative à l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne.

Cet examen se compose d’épreuves de vérification des connaissances, à l’instar du concours de droit commun (« liste A »). Toutefois, contrairement à ce dernier, les candidats à l’examen de la liste C sont réputés avoir réussi cet examen dérogatoire dès lors qu’ils ont validé ces épreuves en obtenant la moyenne : la limitation du nombre de postes ouverts ne leur est en effet pas opposable.

Les praticiens ayant satisfait à cet examen de vérification des connaissances doivent ensuite effectuer des fonctions rémunérées durant une année probatoire, au cours de laquelle ils continuent d’exercer sous des statuts d’exercice restreint.

À l’issue de cette période probatoire, les praticiens se voient délivrer une autorisation de plein exercice par le ministre chargé de la santé, qui se prononce après avis de la commission d’autorisation d’exercice compétente, mentionnée au I de l’article L. 4111-2 du code de la santé publique.

II.   La prorogation jusqu’au 31 dÉcembre 2020 du dispositif dÉrogatoire d’autorisation temporaire d’exercice rÉpond à une situation d’urgence

Depuis sa mise en place par la LFSS pour 2007, la procédure d’autorisation sur examen de la « liste C » a permis à plusieurs milliers de praticiens d’obtenir une autorisation pérenne de plein exercice. Toutefois, quelques centaines de praticiens – entre 300 et 350 selon les estimations de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère de la Santé continuent d’exercer grâce à la seule autorisation temporaire d’exercice, faute d’avoir passé l’examen de la « liste C », ou parce qu’ils y ont échoué. Notons à ce titre que la dernière session de cet examen a eu lieu en 2017 ; aucun nouvel examen n’a été organisé depuis.

Or, l’autorisation temporaire d’exercer doit prendre fin le 31 décembre 2018 : cela signifie qu’à compter du 1er janvier 2019, les praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne (PADHUE) exerçant grâce à cette autorisation temporaire ne pourront plus légalement exercer dans les établissements de santé français.

Pour ne pas fragiliser la continuité de fonctionnement des établissements au sein desquels exercent ces praticiens, en particulier les établissements confrontés à d’importantes difficultés de recrutement de personnel médical, et dans l’attente de l’élaboration d’un dispositif pérenne d’intégration de ces praticiens, il est aujourd’hui urgent de modifier la date définissant l’échéance au-delà de laquelle les professionnels concernés ne pourront plus exercer dans les établissements de santé.

Le présent article propose donc de prolonger de deux ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2020, la procédure dérogatoire mise en place par le IV de l’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006. Les praticiens concernés pourront dès lors continuer d’exercer, sans autorisation de plein exercice, au-delà du 1er janvier 2019.

Par coordination, cet article modifie également la condition de présence des praticiens concernés au sein des établissements de santé qui les recrutent : l’autorisation temporaire d’exercice sera ainsi valide pour les praticiens remplissant l’ensemble des critères de date de recrutement et de durée d’exercice précités, et présents dans ces établissements au 31 décembre 2018, et non plus au 31 décembre 2016.

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*     *

 

 


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   Annexes

annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées

 

                   Direction générale de l’offre de soins (DGOS) M. Mathias Albertone, sous-directeur des ressources humaines du système de santé, M. Marc Reynier, adjoint au sous-directeur des ressources humaines du système de santé, et Mme Sylvie Moureaux Philibert, adjointe au chef du bureau « Exercice, déontologie, et développement professionnel continu des professions de santé »

 


—  1  —

ANNEXE N° 2 :
texte susceptible d’êTRE modifiÉ À l’occasion de l’examen
de la proposition de loi

 

Proposition de loi

Disposition en vigueur modifiée

Article

Code et loi

Numéro d’article

Unique

Loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007

83

 


([1]) Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 relative à la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une immigration réussie.  

 

([2]) Valent également : la nationalité d’un pays partie à l’accord sur l’Espace économique européen, la nationalité marocaine ou tunisienne ainsi que la citoyenneté andorrane. En outre, les professionnels détenteurs d’un diplôme français d’État de la profession concernée sont dispensés de la condition de nationalité.

([3]) Loi n° 2012-157 du 1er février 2012 relative à l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne.

([4]) Article 92 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.