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N° 1451

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 novembre 2018.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés
hors Union européenne,

 

 

 

 

Par M. Julien BOROWCZYK,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  1386.


 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

Commentaire de l’article unique

Article unique Sécurisation de l’exercice des praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne

I. Les procÉdures d’autorisation d’exercice des praticiens titulaires de diplÔmes obtenus hors union europÉenne

1. L’autorisation de plein exercice obtenue après concours (« liste A ») est la procédure de droit commun

2. Le dispositif dérogatoire dit « liste C » accorde à certains praticiens une autorisation temporaire d’exercer et la possibilité de passer un examen spécifique pour l’obtention d’une autorisation de plein exercice

II. La prorogation jusqu’au 31 dÉcembre 2020 du dispositif dÉrogatoire d’autorisation temporaire d’exercice rÉpond à une situation d’urgence

Annexes

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées

ANNEXE N° 2 : texte susceptible d’êTRE modifiÉ À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

compte rendu des débats sur l’examen de l’article unique

Article unique Sécurisation de l’exercice des praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne


—  1  —

   Avant-propos

Confrontés à la désertification médicale et à l’inégale répartition sur le territoire des praticiens médicaux, de nombreux établissements de santé ont recruté des praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE), pour occuper des postes restés vacants. Afin de sécuriser l’exercice de ces praticiens, le IV de l’article 83 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007 a instauré un dispositif d’autorisation temporaire, accompagné d’une procédure dérogatoire d’autorisation de plein exercice sur examen.

Grâce à cet examen dérogatoire, plusieurs milliers de PADHUE ont été intégrés de manière pérenne au système de santé français depuis 2007. Cependant, quelques centaines d’entre eux n’ont pas obtenu, à ce jour, d’autorisation de plein exercice, et continuent d’exercer sous le régime de l’autorisation temporaire prévu par la LFSS pour 2007. Ce dispositif d’autorisation temporaire, initialement prévu jusqu’au 31 décembre 2011 et prorogé à deux reprises, doit prendre fin au 31 décembre 2018.

En l’absence de mesure législative avant cette échéance, les quelques centaines de praticiens exerçant sous le régime de l’autorisation temporaire ne rempliraient plus les conditions légales pour exercer dans les établissements de santé français, et se verraient en conséquence dans l’obligation de cesser immédiatement leurs fonctions à compter du 1er janvier 2019.

Une telle cessation brutale d’activité aurait d’importantes conséquences en termes de santé publique, car ces praticiens se sont souvent rendus indispensables dans les établissements de santé au sein desquels ils exercent, en particulier dans les zones de notre territoire souffrant d’un grave déficit de médecins, ou au sein de spécialités particulièrement en tension.

Compte tenu de l’urgence, l’article 42 de la loi n° 2018-1778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une immigration réussie visait à proroger de deux ans le dispositif d’autorisation temporaire prévu par la LFSS pour 2007 afin de sécuriser les conditions d’exercice des PADHUE bénéficiant d’une autorisation temporaire d’exercice. Or, dans sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 ([1]), le Conseil constitutionnel a censuré comme « cavalier législatif » cette mesure, provoquant une vive inquiétude des praticiens concernés et des établissements de santé qui les emploient.

Cette proposition de loi, composée d’un article unique, vise donc à sécuriser sans attendre la situation des praticiens titulaires d’un diplôme hors Union européenne ne disposant pas d’une autorisation temporaire d’exercice, en prorogeant jusqu’au 31 décembre 2020 l’expiration de ce dispositif, afin de garantir la continuité de fonctionnement des établissements français de santé dans lesquels exercent ces praticiens.

Votre rapporteur est bien conscient que cette réponse législative a pour unique objectif de répondre à une situation d’urgence. Elle ne saurait se substituer, dans un second temps, à l’engagement d’une réflexion concertée sur la mise en place d’un dispositif pérenne, visant à intégrer durablement dans notre système de santé les praticiens diplômés en dehors de l’Union européenne exerçant à ce jour dans les établissements de santé français et répondant aux exigences professionnelles requises.

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*     *

 


—  1  —

   Commentaire de l’article unique

La Commission des Affaires sociales a adopté la proposition de loi. En conséquence, elle demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport (http://www.assemblee-nationale.fr/15/ta-commission/r1451-a0.asp).

Article unique
Sécurisation de l’exercice des praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne

Adopté par la commission sans modification

Cet article vise à prolonger de deux ans, jusqu’au 31 décembre 2020, le dispositif dérogatoire d’autorisation temporaire d’exercice qui permet à certains praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne (PADHUE) d’exercer dans les établissements de santé français, dans l’attente de l’obtention d’une autorisation pérenne de plein exercice.

I.   Les procÉdures d’autorisation d’exercice des praticiens titulaires de diplÔmes obtenus hors union europÉenne

Aux termes des articles L. 4111-1 et L. 4221-1 du code de la santé publique, tout médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme ou pharmacien doit pouvoir justifier de trois conditions pour exercer en France :

la détention d’un diplôme, certificat ou titre reconnu par le code de la santé publique ;

la détention de la nationalité française ou d’un État membre de l’Union européenne ([2]) ;

l’inscription au tableau de l’ordre de la profession concernée.

Toutefois, les professionnels de santé titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne (UE) peuvent, sous certaines conditions, être autorisés à exercer en France, à titre temporaire ou pérenne, et avec ou sans plein exercice dans ce dernier cas, les praticiens sont alors contraints d’exercer sous la responsabilité d’un praticien de plein exercice.

1.   L’autorisation de plein exercice obtenue après concours (« liste A ») est la procédure de droit commun

Pour exercer en France, les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne doivent, en principe, obtenir une autorisation de plein exercice, grâce à la procédure de droit commun dite « liste A » définie à l’article L. 4111-2 du code de la santé publique (CSP), et à l’article L. 4221-12 du même code pour les pharmaciens.

Selon cette procédure, non modifiée par la présente proposition de loi, les praticiens doivent, d’une part, réussir un concours comportant des épreuves de vérification des connaissances, organisé par profession, discipline ou spécialité et, d’autre part, justifier d’un niveau de maîtrise suffisante de la langue française.

Le nombre maximal de candidats susceptibles d’être reçus aux épreuves de concours est fixé par voie réglementaire pour chaque profession, discipline ou spécialité, et nul ne peut être candidat plus de trois fois à ces épreuves.

Les praticiens ayant réussi le concours doivent ensuite effectuer une période d’exercice probatoire d’une durée d’un an (pour les candidats aux professions de chirurgien-dentiste, pharmacien ou sage-femme) ou de trois ans (pour les candidats à la profession de médecin) dans un service ou organisme agréé pour la formation des internes, ou dans l’unité d’obstétrique d’un établissement public de santé ou d’un établissement privé participant au service public, pour les sages-femmes.

Au terme de cette période probatoire, les praticiens peuvent recevoir du ministre chargé de la santé, après avis de la commission compétente pour chaque profession, une autorisation de plein exercice.

Notons que les praticiens ayant la qualité de réfugié, d’apatride, de bénéficiaire de l’asile territorial ou de la protection subsidiaire ainsi que les Français ayant regagné le territoire national à la demande des autorités françaises en considération de la situation de crise dans leur pays de résidence bénéficient d’une procédure dérogatoire d’autorisation sur examen, dite « liste B » : le nombre maximum de candidats susceptibles d’être reçus au concours de la liste A ne leur est pas applicable.

2.   Le dispositif dérogatoire dit « liste C » accorde à certains praticiens une autorisation temporaire d’exercer et la possibilité de passer un examen spécifique pour l’obtention d’une autorisation de plein exercice

En parallèle de la procédure de droit commun dite « liste A », plusieurs dispositifs législatifs dérogatoires permettent à certains praticiens titulaires d’un diplôme hors UE d’exercer dans les établissements de santé français, sans autorisation de plein exercice.

● Le premier dispositif permet à des médecins recrutés dans des établissements de santé français avant la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle d’exercer de manière pérenne, mais sans autorisation de plein exercice.

● Le second dispositif, dit « liste C », est l’objet de la présente proposition de loi. Il s’agit d’un dispositif d’autorisation temporaire, accessible sous condition de date de recrutement et de durée d’exercice, qui arrive à échéance le 31 décembre 2018.

Afin de pallier des besoins médicaux non pourvus, en particulier dans des zones en désertification ou dans certaines spécialités médicales, certains établissements hospitaliers ont en effet recruté, sous des statuts divers praticien attaché associé, assistant associé ou faisant fonction d’interne (FFI) des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes ou pharmaciens détenteurs d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne (PADHUE) et ne disposant pas d’autorisation pérenne d’exercice.

Ces praticiens ont été recrutés dans un cadre juridique précaire, mais ils ont souvent permis d’assurer la continuité des soins dans des établissements de santé confrontés à d’importantes difficultés de recrutement de personnels médicaux. En conséquence, pour sécuriser leur exercice, le IV de l’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007 a prévu un dispositif dérogatoire permettant aux médecins et chirurgiens-dentistes, sous certaines conditions, de se voir délivrer une autorisation temporaire d’exercice, et de passer en parallèle un examen professionnel dérogatoire au concours de la « liste A », dans l’objectif d’obtenir une autorisation de plein exercice.

L’article 83 de la LFSS pour 2007 définit strictement les critères d’éligibilité à ce dispositif dérogatoire d’autorisation temporaire.

Ainsi, les praticiens éligibles à ce dispositif doivent être titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans un État non membre de l’UE ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen, et permettant l’exercice dans le pays d’obtention de ce diplôme, certificat ou titre.

Ils doivent également avoir été recrutés avant le 3 août 2010 dans un établissement public de santé ou un établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC).

En outre, ils doivent justifier de l’exercice de fonctions rémunérées pendant au moins deux mois continus entre le 3 août 2010 et le 31 décembre 2011, ainsi que de l’exercice, pendant trois années en équivalent temps plein (ETP), dans des services agréés pour la formation des internes.

Les praticiens répondant à ces critères peuvent exercer leur activité, mais sans plein exercice, jusqu’à une date butoir, fixée initialement au 31 décembre 2011 par la LFSS pour 2007, et prorogée depuis à deux reprises par le législateur, jusqu’au 31 décembre 2016 ([3]), d’abord, puis jusqu’au 31 décembre 2018 ([4]).

Afin d’obtenir une autorisation pérenne de plein exercice et de sortir de ce dispositif temporaire d’autorisation, ces praticiens sont invités à se présenter à un examen aménagé, dit « liste C », prévu par la LFSS pour 2007 et modifié par la loi n° 2012-157 du 1er février 2012 relative à l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne.

Cet examen se compose d’épreuves de vérification des connaissances, à l’instar du concours de droit commun (« liste A »). Toutefois, contrairement à ce dernier, les candidats à l’examen de la liste C sont réputés avoir réussi cet examen dérogatoire dès lors qu’ils ont validé ces épreuves en obtenant la moyenne : la limitation du nombre de postes ouverts ne leur est en effet pas opposable.

Les praticiens ayant satisfait à cet examen de vérification des connaissances doivent ensuite effectuer des fonctions rémunérées durant une année probatoire, au cours de laquelle ils continuent d’exercer sous des statuts d’exercice restreint.

À l’issue de cette période probatoire, les praticiens se voient délivrer une autorisation de plein exercice par le ministre chargé de la santé, qui se prononce après avis de la commission d’autorisation d’exercice compétente, mentionnée au I de l’article L. 4111-2 du code de la santé publique.

II.   La prorogation jusqu’au 31 dÉcembre 2020 du dispositif dÉrogatoire d’autorisation temporaire d’exercice rÉpond à une situation d’urgence

Depuis sa mise en place par la LFSS pour 2007, la procédure d’autorisation sur examen de la « liste C » a permis à plusieurs milliers de praticiens d’obtenir une autorisation pérenne de plein exercice. Toutefois, quelques centaines de praticiens – entre 300 et 350 selon les estimations de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère de la Santé continuent d’exercer grâce à la seule autorisation temporaire d’exercice, faute d’avoir passé l’examen de la « liste C », ou parce qu’ils y ont échoué. Notons à ce titre que la dernière session de cet examen a eu lieu en 2017 ; aucun nouvel examen n’a été organisé depuis.

Or, l’autorisation temporaire d’exercer doit prendre fin le 31 décembre 2018 : cela signifie qu’à compter du 1er janvier 2019, les praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne (PADHUE) exerçant grâce à cette autorisation temporaire ne pourront plus légalement exercer dans les établissements de santé français.

Pour ne pas fragiliser la continuité de fonctionnement des établissements au sein desquels exercent ces praticiens, en particulier les établissements confrontés à d’importantes difficultés de recrutement de personnel médical, et dans l’attente de l’élaboration d’un dispositif pérenne d’intégration de ces praticiens, il est aujourd’hui urgent de modifier la date définissant l’échéance au-delà de laquelle les professionnels concernés ne pourront plus exercer dans les établissements de santé.

Le présent article propose donc de prolonger de deux ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2020, la procédure dérogatoire mise en place par le IV de l’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006. Les praticiens concernés pourront dès lors continuer d’exercer, sans autorisation de plein exercice, au-delà du 1er janvier 2019.

Par coordination, cet article modifie également la condition de présence des praticiens concernés au sein des établissements de santé qui les recrutent : l’autorisation temporaire d’exercice sera ainsi valide pour les praticiens remplissant l’ensemble des critères de date de recrutement et de durée d’exercice précités, et présents dans ces établissements au 31 décembre 2018, et non plus au 31 décembre 2016.

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*     *

 

 


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   Annexes

annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées

 

                   Direction générale de l’offre de soins (DGOS) M. Mathias Albertone, sous-directeur des ressources humaines du système de santé, M. Marc Reynier, adjoint au sous-directeur des ressources humaines du système de santé, et Mme Sylvie Moureaux Philibert, adjointe au chef du bureau « Exercice, déontologie, et développement professionnel continu des professions de santé »

 


—  1  —

ANNEXE N° 2 :
texte susceptible d’êTRE modifiÉ À l’occasion de l’examen
de la proposition de loi

 

Proposition de loi

Disposition en vigueur modifiée

Article

Code et loi

Numéro d’article

Unique

Loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007

83


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compte rendu des débats sur l’examen de l’article unique

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.7002873_5bfe50cfa6207.commission-des-affaires-sociales--examen-de-diverses-propositions-de-loi-28-novembre-2018

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle ce matin l’examen de trois propositions de loi. Il s’agit de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants, de celle visant à améliorer la santé visuelle des personnes âgées en perte d’autonomie, et de celle visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne.

La commission en vient à la discussion de la proposition de loi n°1386, visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne (M. Julien Borowczyk, rapporteur), lors de sa séance du mercredi 28 novembre 2018.

M. Julien Borowczyk, rapporteur. Depuis plusieurs années, nos concitoyens sont confrontés quotidiennement à des difficultés d’accès aux soins, tant en ville qu’à l’hôpital, en raison du manque de praticiens médicaux et de leur inégale répartition sur le territoire. Face à ce constat bien connu de notre commission, il convient de transformer en profondeur notre système de santé, d’une part, pour proposer de nouvelles synergies entre les professionnels de ville, du secteur médico-social et de l’hôpital et, d’autre part, pour mieux prendre en compte les impératifs que sont la coopération entre les métiers et la qualité des soins.

Cette transformation, que notre majorité soutient, a été annoncée par le Président de la République le 18 septembre dernier et sera mise en œuvre au cours des prochains mois. En attendant, il est essentiel de sécuriser l’exercice de l’ensemble des professionnels de santé qui interviennent chaque jour auprès de nos concitoyens. Or, il existe une catégorie de professionnels dont la pratique est aujourd’hui menacée, celle des Praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE).

Pendant plusieurs années, de nombreux établissements de santé ont recruté, pour pourvoir les postes vacants, des praticiens dont le diplôme a été obtenu dans un État non membre de l’Union européenne. Il s’agit principalement de médecins, mais également de chirurgiens-dentistes, de sages-femmes ou de pharmaciens. Lorsqu’ils ont été recrutés, ces praticiens ne disposaient pas d’autorisation de plein exercice car ils n’avaient pas passé ou pas obtenu le concours dit de la « liste A », qui constitue la procédure de droit commun permettant aux professionnels de santé à diplôme hors Union européenne d’exercer de manière pérenne.

Pourtant, ces PADHUE se sont très vite rendus indispensables dans les établissements où ils exercent. C’est pourquoi, afin de sécuriser leur recrutement, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a instauré un dispositif temporaire d’autorisation d’exercice. Ainsi, tous les praticiens recrutés avant le 3 août 2010 et ayant exercé au moins trois ans dans un établissement de santé public ou privé d’intérêt collectif peuvent, grâce à cette autorisation temporaire, exercer leur activité sous la responsabilité d’un professionnel de plein exercice.

Ces praticiens sont invités à passer ensuite un examen professionnel composé d’épreuves de vérification des connaissances et de maîtrise de la langue française, qui leur permet, en cas de réussite et à l’issue d’une période probatoire d’un an, d’obtenir une autorisation de plein exercice et de s’inscrire à l’ordre. Cet examen dérogatoire, dit « liste C », a permis, depuis 2007, à plusieurs milliers de praticiens d’obtenir une autorisation de plein exercice. Cependant, plusieurs centaines d’entre eux continuent d’exercer sous le régime de l’autorisation temporaire, faute d’avoir passé l’examen en question ou de l’avoir réussi.

C’est le sort de ces quelques centaines de PADHUE qui est en jeu aujourd’hui, puisque leur autorisation temporaire, qui a déjà été renouvelée à deux reprises par la loi, en 2012 et 2016, doit prendre fin au 31 décembre 2018. Un amendement à la loi « Asile et immigration » du 10 septembre 2018 devait permettre de sécuriser leur situation en repoussant de deux ans l’échéance de la fin de l’autorisation temporaire. Mais, considérant l’amendement comme un cavalier législatif, le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, suscitant à juste titre l’inquiétude des professionnels et des établissements de santé qui les emploient.

La situation présente donc un caractère d’urgence : si nous ne légiférions pas avant le 31 décembre de cette année, plusieurs centaines de praticiens médicaux devraient cesser d’exercer dès le 1er janvier 2019, ce qui mettrait en grande difficulté les dizaines d’établissements de santé où ces professionnels exercent et poserait un véritable problème de santé publique.

Ma proposition de loi vise donc à remédier rapidement à cette situation en sécurisant l’exercice de ces praticiens avant la fin de l’année 2018. Son article unique tend en effet à proroger de deux ans, donc jusqu’au 31 décembre 2020, le dispositif temporaire d’autorisation d’exercer. Certains d’entre vous déploreront sans doute le caractère temporaire de cette mesure, qui n’offre pas de solution pérenne aux PADHUE. Mais je tiens à vous rassurer sur ce point : ce délai de deux ans donne précisément au Gouvernement le temps de construire un dispositif qui permette d’intégrer de manière pérenne ces praticiens dans notre système de santé, sous réserve qu’ait été vérifiée au préalable leur aptitude à exercer.

Du reste, Mme la ministre Agnès Buzyn s’est engagée, il y a un an, devant nos collègues sénateurs, à trouver une solution pour ces professionnels. Cette promesse n’est pas restée lettre morte puisque, lors des échanges que j’ai eus avec la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère de la santé, il m’a été confirmé qu’un dispositif était en cours d’élaboration et devrait être inséré, après concertation avec les praticiens concernés, dans le futur projet de loi de santé, qui sera examiné par notre assemblée dans les prochains mois. Il s’agit d’une avancée très importante puisque, depuis dix ans, aucun gouvernement n’est parvenu à proposer une solution appropriée à la situation particulière des praticiens à diplôme hors Union européenne.

Dans l’attente de ce dispositif pérenne et compte tenu de l’urgence liée à l’expiration de l’autorisation temporaire au 31 décembre 2018, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi.

Mme Laëtitia Romeiro Dias. Depuis plusieurs décennies, notre pays accueille des praticiens étrangers à diplôme hors Union européenne. Diplômés et souvent originaires de pays francophones, ils sont indispensables au bon fonctionnement du service public hospitalier. Bien qu’exerçant parfois depuis de nombreuses années, ils ne bénéficient pas du même statut que les autres praticiens et ne jouissent pas d’une complète autonomie dans leur travail. Si la loi a permis à 11 000 professionnels de devenir titulaires depuis 2012, plusieurs milliers de PADHUE exercent encore de façon dérogatoire.

Il importe avant tout de ne pas déséquilibrer le fonctionnement du service public hospitalier. Aussi la proposition de loi de Julien Borowczyk vise-t-elle à prolonger leur droit d’exercer jusqu’en décembre 2020, afin que le ministère de la santé puisse, d’ici là, leur proposer, comme il s’y est engagé, une solution pérenne dans le cadre de la stratégie de transformation du système de soins. Le groupe LaREM est donc favorable à l’adoption de cette proposition de loi.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le rapporteur, nous sommes, dans ce domaine, condamnés à un éternel recommencement puisque, depuis 2012, aucun gouvernement n’a pris les mesures nécessaires pour mettre fin de manière définitive à cette situation. Qu’ils soient médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, voire sages-femmes, les praticiens diplômés hors de l’Union européenne sont actuellement soumis à un statut très précaire. Recrutés dans le cadre de contrats de courte durée, ils ne bénéficient ni de perspectives d’évolution ni de stabilité dans leur carrière. En outre, à travail égal, leur rémunération est très inférieure à celle de leurs confrères diplômés en France ou dans les pays de l’Union européenne. Enfin, les PADHUE doivent bénéficier d’une autorisation d’exercice analogue à celle qui est délivrée aux candidats non résidents en France.

En décembre 2011, j’avais déposé une proposition de loi, n° 4152, votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et au Sénat, qui avait pour objet de sécuriser l’exercice des professionnels en poste dans les établissements de santé en prolongeant le dispositif jusqu’au 31 décembre 2016 et en imposant une nouvelle épreuve de vérification de leurs connaissances, qui se déroulait alors à Strasbourg. Le 2 octobre dernier, j’ai adressé au Gouvernement une question écrite qui va dans le même sens que votre proposition de loi.

Mais celle-ci ne remédie pas, hélas ! à la situation de ces praticiens, au nombre de 3 000 à 4 000 dit-on, qui échappent à tout contrôle de l’État mais qui exercent néanmoins dans nos hôpitaux. De fait, les directeurs d’hôpitaux ont besoin d’eux et les emploient en tant que « faisant fonction d’interne » ou praticiens associés contractuels. Bien que vous ne proposiez pas la solution pérenne que nous appelons de nos vœux, le groupe Les Républicains soutiendra cette nouvelle prorogation de l’autorisation d’exercice. Faute d’une telle mesure, en effet, nos établissements se trouveraient dans une situation catastrophique et ces praticiens pourraient être poursuivis pour exercice illégal de la médecine.

M. Brahim Hammouche. Le texte que nous sommes amenés à examiner aujourd’hui revêt une importance particulière. En effet, il s’agit de prolonger de deux ans l’autorisation d’exercer dans un établissement de santé français de praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne. Une telle mesure est nécessaire, car ces praticiens – essentiellement des médecins – permettent de pallier le manque de personnels dans certains territoires en tension et assurent ainsi la continuité du fonctionnement des services de nombreux hôpitaux de notre pays. Dans un contexte particulièrement compliqué pour l’hôpital, il convient de ne pas fragiliser davantage nos structures de soins. Le groupe MODEM soutient donc cette initiative de notre collègue Julien Borowczyk, car elle répond à une problématique urgente.

Toutefois, il faudra, dans la perspective de la transformation de notre système de santé annoncée par le Président de la République dans le cadre du plan « Ma santé 2022 », trouver des solutions structurantes pour intégrer de manière optimale dans nos établissements de santé ces praticiens étrangers qui représentent non seulement un vivier de ressources humaines, mais aussi un apport culturel et de compétences qui ne doit pas être négligé. À cet égard, l’examen de la liste C, qui permet l’obtention d’une autorisation pérenne de plein exercice, ne devrait-il pas être réformé, dans la mesure où aucun nouvel examen n’a été organisé depuis 2017 ?

Nous voterons cette proposition de loi, tout en appelant de nos vœux une meilleure organisation des dispositifs existants.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Nous examinons une proposition de loi visant à prolonger de deux ans, jusqu’au 31 décembre 2020, le dispositif transitoire autorisant les praticiens diplômés hors de l’Union européenne à exercer sur notre territoire. Nous regrettons la précipitation dans laquelle nous discutons ce texte, un mois seulement avant la date de la fin d’autorisation d’exercice. Mais il est vrai que les marges de manœuvre étaient limitées, le Conseil constitutionnel ayant censuré une première tentative de prolonger cette autorisation dans la loi « Asile et immigration ». Par ailleurs, une telle disposition n’aurait probablement pas eu sa place non plus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Nous voterons donc cette proposition de loi, pour ne pas mettre en difficulté les services des établissements dans lesquels ces praticiens constituent un maillon indispensable de la continuité des soins.

Il est cependant nécessaire d’offrir une solution pérenne aux quelque 300 à 350 praticiens qui ont été recrutés selon des modalités diverses – en tant que praticiens attachés associés, assistants associés ou « faisant fonction d’interne » – et qui n’ont pas pu bénéficier d’une autorisation d’exercice au titre de la liste A. Nous nous réjouissons donc de l’organisation d’une concertation, même si celle-ci se déroule dans l’urgence. Elle devra permettre, dans le cadre de la prochaine loi « Santé », de sortir par le haut de cette situation et de parvenir à une solution pérenne.

En effet, la pénurie de professionnels de santé est telle que les PADHUE jouent un rôle tout à fait essentiel dans le bon fonctionnement de notre système de soins. Nous souhaitons, du reste, l’inscription au tableau de l’Ordre de tous les médecins titulaires d’un diplôme étranger, afin qu’ils puissent exercer en France. Cette évolution est inéluctable, en raison de l’augmentation de la proportion de médecins diplômés à l’étranger parmi les médecins exerçant en France.

M. Pierre Dharréville. Selon leur syndicat national, les praticiens médicaux de nationalité étrangère à diplôme hors Union européenne représentent environ 4 000 personnes dans notre pays. Or, leur situation, il faut le souligner, est extrêmement précaire. Compte tenu de l’évolution inquiétante de la démographie médicale et de la difficulté d’accès aux soins liée au phénomène des déserts médicaux, il paraît essentiel que ces personnels puissent se voir attribuer un statut décent, d’autant plus que, selon le Centre national de gestion, 31 % des praticiens hospitaliers partiront à la retraite d’ici à 2020.

De manière générale, il convient de réfléchir à une solution pérenne car, à l’heure actuelle, ces praticiens sont, pour la plupart, engagés sous des statuts précaires et perçoivent des salaires faibles dans le cadre de contrats de courte durée. De plus, leur situation ne leur permet pas d’envisager une évolution de leur carrière. Puisque la hausse du numerus clausus n’aura pas d’effet immédiat, la pénurie de praticiens risque d’être sévère. Afin de lutter contre ce phénomène, leur syndicat national propose que 1 000 postes soient ouverts chaque année au concours, contre 500 en 2017.

Cette situation d’urgence appelle des mesures, compte tenu du rôle fondamental de ces praticiens. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera cette proposition de loi.

M. Julien Borowczyk, rapporteur. Mes chers collègues, je vous remercie pour le soutien que vous apportez à cette proposition de loi. Je tiens, moi aussi, à saluer le travail de ces professionnels, qui sont au nombre de 500, pour ceux qui relèvent de la liste C, et de 4 000 à 4 500 – leur nombre est difficile à évaluer – pour ceux qui ont échoué trois fois au concours de la liste A et qui pourraient être qualifiés de « hors cadre ». Ceux-ci sont dans une situation très précaire, puisqu’ils sont souvent relégués au statut de faisant fonction d’interne, alors qu’ils sont un maillon indispensable de l’activité de nos hôpitaux.

Au-delà de la proposition de loi – je me permets, ici, de déflorer le dispositif qui devrait voir le jour dans les six prochains mois –, il ressort de l’audition de la DGOS que la liste A, c’est-à-dire le concours, constituerait la voie unique. À ce propos, je précise, monsieur Darrhéville, qu’en 2018, le nombre des postes ouverts au concours était de 650, soit une augmentation de 30 % à 40 %. Nous sommes donc bien conscients de la nécessité d’adapter ce nombre aux besoins de notre système de santé. Quant aux 4 000 à 4 500 praticiens que j’évoquais, ils bénéficieront d’un dispositif d’accompagnement personnel en vue d’une validation de leurs acquis et, surtout, le cas échéant, d’une mise à niveau ; un statut serait créé, de fait, par ce système.

M. Jean-Pierre Door. Si nous avions déposé une proposition de loi il y a quelques années, c’est parce que nous avions constaté que beaucoup de ces praticiens, dont on a un grand besoin, échappaient au contrôle : ils ne veulent pas passer l’examen. C’est ainsi qu’ils se retrouvent dans une situation d’exercice quasiment illégal de la médecine. À cet égard, il faut prendre en compte, et nous sommes tous d’accord sur ce point, deux impératifs : d’une part, la compétence, qui doit faire l’objet d’une validation, et, d’autre part, la connaissance de la langue française. Il faut que nous maintenions ces exigences.

M. Pierre Dharréville. Je dois d’abord remercier notre rapporteur pour la qualité de ses réponses. Je citerai l’exemple d’une jeune oto-rhino-laryngologiste (ORL) d’Île-de-France, diplômée en Algérie, qui a raté le dernier concours, en se classant à la quatrième place avec une moyenne de 18 sur 20… Cet exemple illustre l’« étroitesse » du système actuel. Il importe donc de reconnaître des praticiens diplômés et qualifiés grâce à des procédures adéquates. Le cadre actuel semble juste, mais il doit être étendu et amélioré.

M. Julien Borowczyk, rapporteur. Nous connaissons tous de nombreux exemples de ce type. J’ajoute qu’un certain nombre de praticiens ont même obtenu des diplômes interuniversitaires au cours de leur pratique hospitalière. Si la règle du concours s’impose, le nombre des postes ouverts peut être adapté en fonction des besoins – la discussion reste ouverte.

Monsieur Door, nous avons interrogé la DGOS sur la possibilité de créer un véritable statut afin d’empêcher un chef d’établissement de recruter une personne qui n’aurait pas un « parcours officiel ». Il s’agit d’éviter ainsi de recréer l’« appel d’air » qu’on a connu jusqu’à présent. Le sujet est épineux et très complexe, mais il est pris en compte par la DGOS.

La commission examine l’article unique de la proposition de loi.

Article unique
Sécurisation de l’exercice des praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne

La commission adopte l’article unique sans modification.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, je vous remercie pour la concision de vos interventions. Puisque nous avons achevé l’examen des trois propositions de loi inscrites à notre ordre du jour, nous pourrons nous consacrer, cet après‑midi, à l’examen en séance publique du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

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La commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi. En conséquence, elle demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport (http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/ta-commission/r1451-a0.pdf).

 


([1]) Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 relative à la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une immigration réussie.  

 

([2]) Valent également : la nationalité d’un pays partie à l’accord sur l’Espace économique européen, la nationalité marocaine ou tunisienne ainsi que la citoyenneté andorrane. En outre, les professionnels détenteurs d’un diplôme français d’État de la profession concernée sont dispensés de la condition de nationalité.

([3]) Loi n° 2012-157 du 1er février 2012 relative à l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne.

([4]) Article 92 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.