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N° 3579

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 novembre 2020.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu,

 

 

Par M. Paul CHRISTOPHE,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale :  3422.

 

 


 


–  1  –

SOMMAIRE

___

 Pages

avant-propos

commentaire d’article

Article unique Ouvrir la possibilité de doubler effectivement le congé et l’allocation journalière de présence parentale

travaux de la commission

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 9 heures 30

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

II. EXAMEN DE L’article unique

Article unique

Après l’article unique

ANNEXE : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur


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   avant-propos

 

« Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage,

Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. »

 

Nicolas Boileau, L’Art poétique, 1674.

 

Il y a bientôt deux ans, le 29 novembre 2018, l’Assemblée nationale adoptait la proposition de loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques portée par Mme Nathalie Elimas (groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés) ([1]). Ce texte, qui fut adopté en termes identiques par le Sénat dès la première lecture, repose sur une approche globale, allant du financement de la recherche au soutien aux aidants familiaux, en passant par le développement de la formation des professionnels de santé et la promotion d’un droit à l’oubli protégeant les personnes ayant connu une pathologie cancéreuse.

La mise en œuvre de cette loi a fait l’objet d’une évaluation présentée par le rapporteur à la commission des affaires sociales le 23 septembre dernier ([2]). Les auditions des associations mobilisées sur ce sujet ont toutefois permis de constater que la loi n’a pas atteint tous ses objectifs, en particulier l’allongement effectif de la durée du congé de présence parentale (CPP) et de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP), pourtant nécessaire pour aider les parents confrontés à des pathologies lourdes comme les cancers pédiatriques. Il fallait donc, pour emprunter l’expression popularisée par Nicolas Boileau, remettre l’ouvrage sur le métier.

 Le recours en forte croissance au congé et à l’allocation journalière de présence parentale

Le CPP et l’AJPP permettent d’apporter un soutien aux actifs ayant un enfant à charge atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants.

Ces dispositifs, qui restent encore largement méconnus, bénéficient à 10 000 personnes chaque année. Ce chiffre est en constante progression (+ 6 % en 2019), ce qui traduit sans doute une meilleure information du public, même si le rapporteur estime qu’il reste beaucoup à faire en la matière.

Le recours au congé de présence parentale, qui permet à l’un des parents de réduire voire de suspendre son activité professionnelle, et à l’AJPP pourrait se développer dans les années à venir grâce à la possibilité, consacrée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, de fractionner le CPP et de le rendre compatible avec une activité professionnelle à temps partiel.

Bien souvent, la dégradation de l’état de santé d’un enfant, qu’elle soit liée à un accident ou une maladie, conduit l’un des parents, souvent la mère, à arrêter son activité professionnelle au bout de quelques semaines. L’objectif de cette mesure est donc de favoriser, autant que possible, le maintien de l’activité professionnelle et ainsi de préserver le niveau de vie des foyers concernés.

Il convient de rappeler que l’AJPP s’élève actuellement à 52 euros pour une personne seule et 44 euros pour une personne en couple. L’allocation ne peut être versée que sur vingt-deux jours par mois, ce qui correspond au nombre de jours ouvrés. Un bénéficiaire de l’AJPP reçoit en moyenne 780 euros par mois à ce titre. L’arrêt de l’activité professionnelle peut donc représenter un sacrifice financier non négligeable, en particulier pour les familles monoparentales.

 Des avancées liées à la loi du 8 mars 2019 encore insuffisantes

L’examen de la proposition de loi de Mme Nathalie Elimas sur la prise en charge des cancers pédiatriques a introduit des améliorations à plusieurs niveaux des dispositions relatives au CPP et à l’AJPP.

L’Assemblée nationale avait porté de six mois à un an maximum la fréquence du nouvellement du certificat médical qui conditionne le bénéfice du CPP et de l’AJPP afin de simplifier les démarches des familles. Elle avait fixé une obligation d’information à la charge des organismes débiteurs des prestations familiales quant aux critères et conditions d’attribution de l’AJPP, aux modalités de demande de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), dont la prestation de base est cumulable avec l’AJPP, et la prestation de compensation du handicap (PCH). Par ailleurs, la durée du CPP est désormais prise en compte en totalité, et non plus pour moitié, dans la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté dans l’entreprise.

Alors que la rédaction initiale de la proposition de loi visait à supprimer le plafond du CPP et de l’AJPP de 310 jours, cette possibilité n’avait pas été retenue et l’adoption d’un amendement gouvernemental a conduit à étendre la possibilité, déjà ouverte aux cas de rechute ou de récidive, de renouveler les droits au CPP et à l’AJPP aux cas où la gravité de la pathologie nécessite une présence soutenue et des soins contraignants seulement plus de trois ans après l’ouverture des droits.

Bien que représentant un progrès, le nouveau dispositif n’est pas véritablement en phase avec les réalités que connaissent les parents confrontés à une pathologie impliquant un accompagnement soutenu de l’enfant. En effet, s’agissant des 2 500 cas de cancers pédiatriques dénombrés chaque année, après deux ou trois années de traitement, l’enfant est souvent soit guéri, soit, dans 20 % des cas, décédé malheureusement. Dans ces conditions, il n’apparaît pas nécessairement pertinent d’accorder de nouveaux droits trois ans après le début de la maladie.

Actuellement, le CPP et l’AJPP permettent de répondre à la plupart des besoins puisque le taux de consommation moyen de l’AJPP est de 173 jours, soit un niveau nettement inférieur au plafond en vigueur. Néanmoins, 6 % des bénéficiaires de l’AJPP, soit environ 600 personnes, utilisent entièrement leurs droits, ce qui laisse à penser que le dispositif n’est pas suffisant pour eux. Il est donc proposé d’apporter une réponse appropriée à ces familles qui ont besoin de plus de 310 jours sur les trois premières années.

 Doubler la durée des droits au CPP et à l’AJPP afin de permettre un accompagnement plus long

L’article unique de la présente proposition de loi prévoit d’ouvrir la possibilité de renouveler, avant son terme, la première période de trois ans lorsque le nombre maximal de jours du CPP et de l’AJPP est atteint. Par conséquent, un parent ayant utilisé les 310 jours de son CPP et de l’AJPP pourrait bénéficier de manière continue de deux fois plus de jours de CPP et d’AJPP pour poursuivre l’accompagnement de son enfant, soit un total de 620 jours. Ce dispositif, dont le coût ne devrait pas dépasser 5 millions d’euros par an, permettrait de faire passer de quatorze à vingt‑huit mois la durée continue maximale du CPP et de l’AJPP à temps plein.

Si elle était adoptée, cette proposition de loi permettrait ainsi d’assouplir un dispositif qui demeure encore perfectible. Le rapporteur souhaite appeler l’attention sur d’autres problèmes que rencontrent certaines familles : elles ne sont pas toujours bien informées de leurs droits et, lorsque c’est le cas, il peut arriver qu’elles ne reçoivent l’AJPP que deux ou trois mois après l’envoi de leur dossier, posant pour les plus précaires d’entre elles des difficultés financières. Ces questions, qui relèvent davantage du niveau réglementaire, doivent également retenir toute l’attention des responsables politiques et en particulier du Gouvernement.

 

 

 


–  1  –

   commentaire d’article

Article unique
Ouvrir la possibilité de doubler effectivement le congé et l’allocation journalière de présence parentale

Adopté avec modifications

Le présent article prévoit la possibilité de renouveler une fois la durée maximale du congé de présence parentale (CPP) et de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) – 310 jours – avant la fin de la troisième année suivant l’ouverture des droits. Un parent pourrait ainsi bénéficier en continu de 620 jours de CPP et d’AJPP. Ces nouveaux droits pourraient être consommés sur une nouvelle période de trois ans. Il s’agit ainsi de mieux répondre aux besoins des familles confrontées à des situations exigeant un accompagnement soutenu d’un enfant souffrant, par exemple, d’un cancer.

I.   LE congÉ et l’allocation journaliÈre de prÉsence parentale : des dispositifs encore insatisfaisants

A.   DES droits Étroitement encadrÉs

Les actifs comme les salariés et les agents publics ([3]) ayant un enfant à charge atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants, peuvent bénéficier de deux droits complémentaires :

– le congé de présence parentale (CPP) mentionné à l’article L. 1225-62 du code du travail ;

– l’allocation journalière de présence parentale (AJPP), prévue à l’article L. 544-1 du code de la sécurité sociale, dont le montant s’élève, à ce jour, à 52,08 euros pour une personne seule et à 43,83 euros pour une personne en couple ([4]).

La durée initiale du congé de présence parentale (CPP) et de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) est égale à la durée prévisible du traitement de l’enfant, qui est précisée par un certificat médical du médecin qui le suit. En tout état de cause, ces droits sont doublement limités : non seulement les droits sont ouverts pour une période fixée par décret à trois ans, mais ils sont plafonnés légalement à 310 jours, conformément à l’article L. 1225-62 du code du travail et à l’article L. 544-3 du code de la sécurité sociale.

Le CPP peut être utilisé dans la limite de 22 jours par mois, soit le nombre de jours ouvrés par mois, à la condition que l’employeur en soit informé au moins 48 heures à l’avance. Le droit à l’AJPP est également ouvert dans la limite de 22 jours par mois. Au terme de son congé de présence parentale, le bénéficiaire du CPP retrouve son emploi ou un emploi similaire ainsi qu’une rémunération au moins équivalente (article L. 1225-64 du code du travail).

Depuis le 1er octobre dernier, le CPP peut, avec l’accord de l’employeur, être fractionné ou transformé en période d’activité à temps partiel en fonction des besoins des parents, conformément à l’article 69 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 (article L. 1225‑62 précité). En conséquence, l’AJPP peut également être modulée (article L. 544-6 du code de la sécurité sociale) ([5]).

 L’ouverture des droits au CPP et à l’AJPP est conditionnée à :

– la présentation d’un certificat du médecin qui suit l’enfant attestant non seulement le caractère particulièrement grave de la maladie, du handicap ou de l’accident, mais aussi le « caractère indispensable d’une présence soutenue et de soins contraignants » (article L. 544-2 du code de la sécurité sociale). Le certificat médical doit préciser la durée prévisible du traitement ;

– un avis favorable du service du contrôle médical prévu à l’article L. 315‑1 ou du régime spécial de sécurité sociale.

B.   LE renouvellement des droits : des avancÉes encore insatisfaisantes

Comme indiqué plus haut, les droits au CPP et à l’AJPP prennent fin au terme de la durée prévisible du traitement indiquée par le médecin qui suit l’enfant.

 Les droits au CPP et à l’AJPP peuvent toutefois être rouverts avant ou après la fin de la période de trois ans suivant l’ouverture des droits.

Avant son terme, les droits peuvent être rouverts en cas de rechute ou de récidive de la pathologie, sous réserve de ne pas avoir déjà atteint le plafond de 310 jours. Ils ne peuvent alors dépasser le reliquat du nombre de jours de CPP et d’AJPP, soit 310 jours moins les jours déjà consommés, jusqu’à la fin de la période initiale de trois ans. Par conséquent, un parent qui aurait consommé la totalité de ses droits ne pourrait plus bénéficier du CPP ou de l’AJPP jusqu’à l’arrivée à échéance de cette période.

En revanche, à l’issue des trois premières années, une nouvelle période de trois ans peut être ouverte ainsi qu’un maximum de 310 jours de CPP et d’AJPP dans deux hypothèses (articles L. 1225-62 et L. 544-3 précités) :

 en cas de rechute ou de récidive de la pathologie de l’enfant ;

– lorsque la gravité de la pathologie de l’enfant nécessite toujours une présence soutenue et des soins contraignants, depuis la loi du 8 mars 2019 relative à la prise en charge des cancers pédiatriques ([6]).

Il convient d’insister sur le fait que le nombre de 310 jours est un plafond légal : la durée maximale des droits correspond en pratique à la durée prévisionnelle du traitement indiquée par le médecin au moment du réexamen de l’enfant. Ce réexamen intervient désormais au plus tard dans un délai d’un an (article L. 544-2), et non plus de six mois, depuis la loi du 8 mars 2019 précitée. Cet allongement de la durée de réexamen vise à simplifier les démarches des familles.

 Le droit actuel n’est toutefois pas pleinement satisfaisant, comme l’a montré l’évaluation de la loi du 8 mars 2019 ([7]). En effet, il existe des situations impliquant un accompagnement long et continu de l’enfant au-delà de 310 jours pendant les trois premières années de la maladie de l’enfant, comme dans le cas des cancers pédiatriques.

La proposition de loi initiale portée par Mme Nathalie Elimas, qui a abouti à la loi du 8 mars 2019, envisageait d’apporter une réponse à ce problème en supprimant le plafond de 310 jours en cas de cancer pédiatrique. Toutefois, l’article 5 de la loi, issu d’un amendement du Gouvernement adopté lors de la discussion à l’Assemblée nationale, a simplement permis d’élargir les possibilités de réouverture des droits au CPP et à l’AJPP à l’issue de la période initiale des trois ans, en ajoutant à l’hypothèse de la rechute ou de la récidive de la pathologie de l’enfant celle où « la gravité de la pathologie de l’enfant [...] nécessite toujours une présence soutenue et des soins contraignants » (voir supra), et non pas d’allonger la durée des droits au cours de la période initiale de trois ans.

La présente proposition de loi vise donc à assouplir le dispositif actuel de manière à permettre de répondre aux besoins des familles ayant un enfant dont la pathologie implique un accompagnement soutenu sur les trois premières années.

II.   ComplÉter les dispositifs existants

A.   ALLonger les droits AU congÉ et À l’allocation journaliÈre de prÉsence parentale...

La présente proposition de loi prévoit d’ouvrir la possibilité de renouveler avant son terme, au titre de la même maladie, du même handicap ou du même accident dont l’enfant a été victime, la période de référence de trois ans lorsque le nombre maximal de jours du CPP et de l’AJPP est atteint. En conséquence, un parent ayant utilisé les 310 jours de CPP et d’AJPP pourrait bénéficier de manière continue de deux fois plus de jours de CPP et d’AJPP pour poursuivre l’accompagnement de son enfant, soit un total de 620 jours.

Le renouvellement, qui aurait lieu « à titre exceptionnel », serait conditionné, comme aujourd’hui, par la production d’un nouveau certificat médical établi par le médecin qui suit l’enfant, « attestant le caractère indispensable, au regard du traitement de la pathologie ou du besoin d’accompagnement de l’enfant, de la poursuite des soins contraignants et d’une présence soutenue », et un « accord explicite » du service du contrôle médical ou du régime spécial de sécurité sociale.

Le I et le II de l’article unique de la proposition de loi complètent respectivement l’article L. 544-3 du code de la sécurité sociale s’agissant de l’AJPP et l’article L. 1225-62 du code du travail s’agissant du CPP.

Le III et le IV portent sur les gages financiers permettant d’assurer la recevabilité de la proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution. Ils prévoient que les charges pour les organismes de sécurité sociale et l’État liées à la mise en œuvre des dispositions de la proposition de loi sont compensées, à due concurrence, par une majoration des droits sur les produits du tabac.

À l’initiative du rapporteur, la commission des affaires sociales a adopté six amendements rédactionnels, dont un amendement tendant à corriger une erreur de référence à l’article L. 544‑1 du code de la sécurité sociale.

B.   ... pour permettre un accompagnement plus soutenu des enfants

Dans la mesure où le CPP et l’AJPP peuvent être utilisés dans la limite de 22 jours par mois, soit le nombre moyen de jours ouvrés, le nouveau dispositif permettrait de faire passer de 14 à 28 mois – soit 2 ans et 4 mois – la durée continue maximale du CPP et de l’AJPP. Cette extension permettrait ainsi d’améliorer sensiblement l’accompagnement des parents confrontés à des situations difficiles, en particulier des cancers pédiatriques.

Ce dispositif ne devrait concerner – fort heureusement – qu’une petite minorité des 10 000 bénéficiaires du CPP et de l’AJPP ([8]). En effet, seuls 6 % des bénéficiaires de l’AJPP, soit environ 600 personnes, atteignent le plafond des 310 jours, la prestation étant versée en moyenne sur 173 jours sur trois ans. Si l’on considère que seule cette partie des bénéficiaires de l’AJPP est susceptible d’utiliser le nouveau dispositif, le coût associé à la présente proposition de loi pourrait s’élever, au maximum, autour de 5,6 millions d’euros par an, compte tenu du montant moyen versé à un bénéficiaire de l’AJPP, qui est d’environ 780 euros chaque mois.

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   travaux de la commission

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 9 heures 30

Lors de sa réunion du mercredi 18 novembre 2020, la commission des affaires sociales examine la proposition de loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu (n° 3422) (M. Paul Christophe, rapporteur) ([9]).

I.   DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Fadila Khattabi, présidente. Mes chers collègues, la proposition de loi dont nous sommes saisis fait partie des textes dont le groupe Agir ensemble a demandé l’inscription à l’ordre du jour des séances publiques qui lui seront réservées le 26 novembre. Monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles, M. Adrien Taquet, nous fait l’honneur de sa présence.

M. Paul Christophe, rapporteur. Il y a près de deux ans, le 29 novembre 2018, notre assemblée adoptait la proposition de loi de notre collègue Nathalie Elimas visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques. Ce texte, qui fut adopté en des termes identiques par le Sénat dès la première lecture, reposait sur une approche globale. Il prévoyait notamment de renforcer le financement de la recherche, de soutenir les aidants familiaux, de développer la formation professionnelle de santé et de promouvoir le droit à l’oubli pour mieux protéger les personnes ayant été atteintes d’un cancer.

Afin de nous assurer de la bonne application de cette loi, nous avons réalisé, avec Nathalie Elimas, un travail d’évaluation à partir de l’été 2019, dont je vous ai présenté les résultats le 23 septembre dernier. L’audition des associations, notamment la fédération Grandir sans cancer, le collectif GRAVIR et l’Union nationale des associations de parents d’enfants atteints de cancer ou leucémie (UNAPECLE), nous a permis de constater que la loi n’avait pas atteint tous ses objectifs. Le nouveau dispositif, en effet, n’a pas permis l’allongement effectif de la durée du congé de présence parentale (CPP) et de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP), qui est pourtant nécessaire pour soutenir les parents confrontés à des pathologies lourdes comme les cancers pédiatriques.

Pour mémoire, le CPP et l’AJPP permettent d’apporter un soutien aux actifs ayant un enfant à charge atteint d’une maladie, d’un handicap ou ayant été victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants. Il nous fallait donc remettre l’ouvrage sur le métier, et la proposition de loi que je défends aujourd’hui, qui vise à doubler la durée du congé et de l’allocation journalière de présence parentale lorsque les circonstances l’exigent, s’inscrit dans le prolongement de la loi du 8 mars 2019.

Permettez-moi de revenir brièvement sur les dispositions relatives au congé et à l’allocation journalière de présence parentale contenues dans cette loi. Les débats que nous avions eus il y a deux ans avaient permis plusieurs avancées.

Premièrement, nous avions porté de six mois à un an maximum la fréquence du renouvellement du certificat médical qui conditionne le bénéfice du congé et de l’allocation de présence parentale, afin de simplifier les démarches des familles.

Deuxièmement, nous avions étendu la possibilité de renouveler les droits au CPP et à l’AJPP, déjà ouverte aux cas de rechute ou de récidive, aux cas où la gravité de la pathologie nécessite une présence soutenue et des soins contraignants plus de trois ans après l’ouverture des droits. Je reviendrai dans quelques instants sur ce point, qui sera au cœur de notre discussion.

Par ailleurs, la durée du congé de présence parentale est désormais prise en compte en totalité, et non plus pour moitié, dans la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté dans l’entreprise.

Enfin, il existe désormais une obligation d’information à la charge des organismes débiteurs des prestations familiales quant aux critères et conditions d’attribution de l’AJPP et aux modalités de demande de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, dont la prestation de base est cumulable avec l’AJPP, et de la prestation de compensation du handicap.

Nos débats avaient rappelé l’importance de ces dispositifs, qui bénéficient à 10 000 personnes chaque année. Je souligne que ce chiffre est en constante progression – il a augmenté de 6 % en 2019 –, ce qui traduit sans doute une meilleure information de nos concitoyens, même s’il reste encore beaucoup à faire en la matière.

Le recours à l’AJPP et au congé de présence parentale, qui permet à l’un des parents de réduire, voire de suspendre son activité professionnelle, pourrait se développer dans les années à venir grâce à la possibilité, consacrée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, de fractionner le CPP et de le rendre compatible avec une activité professionnelle à temps partiel.

Trop souvent, la dégradation de l’état de santé d’un enfant, qu’elle soit liée à un accident ou à une maladie, conduit l’un des parents, souvent la mère, à arrêter son activité professionnelle au bout de quelques semaines. L’objectif de cette mesure est donc de favoriser, autant que possible, le maintien de l’activité professionnelle et de préserver ainsi le niveau de vie des foyers concernés.

Je rappelle que l’AJPP s’élève à 52 euros pour une personne seule et à 44 euros pour une personne en couple et qu’elle ne peut être versée que sur vingt-deux jours par mois, ce qui correspond au nombre de jours ouvrés. Un bénéficiaire de l’AJPP reçoit donc, en moyenne, 780 euros par mois à ce titre. L’arrêt de l’activité professionnelle peut donc représenter un sacrifice financier non négligeable, en particulier pour les familles monoparentales.

J’en viens maintenant à l’objet de la présente proposition de loi, qui est d’allonger effectivement la durée du CPP et de l’AJPP.

Comme vous vous le rappelez sans doute, la proposition de loi de Nathalie Elimas visait à supprimer le plafond de 310 jours sur trois ans, afin que la durée du CPP et de l’AJPP corresponde à la durée du traitement de l’enfant. Cette rédaction n’a pas été retenue et le plafond de 310 jours sur trois ans a été maintenu. Un amendement du Gouvernement adopté en séance a toutefois permis d’élargir la possibilité de renouveler les droits au CPP et à l’AJPP, déjà prévue pour les cas de rechute ou de récidive de la maladie, aux cas où la gravité de la pathologie nécessite une présence parentale soutenue et des soins contraignants à l’issue de la période de trois ans suivant l’ouverture des droits.

Même si cette disposition représente un progrès sur le papier, elle n’est pas tout à fait en phase avec les réalités que connaissent les parents qui sont confrontés à une pathologie nécessitant un accompagnement soutenu de leur enfant. Pour le dire de manière claire, dans le cas des cancers pédiatriques – on en compte 2 500 chaque année en France –, au bout de deux ou trois ans de traitement, soit l’enfant est guéri, soit, hélas, il est décédé – dans 20 % des cas. Il n’est donc pas très utile d’accorder de nouveaux droits trois ans après le début de la maladie.

Aujourd’hui, le CPP et l’AJPP répondent à la majorité des besoins, puisque le taux de consommation moyen de l’AJPP est de 173 jours, soit un niveau nettement inférieur au plafond en vigueur. Néanmoins, 6 % de ses bénéficiaires, soit 600 personnes environ, utilisent entièrement leurs droits, ce qui laisse à penser que le dispositif n’est pas suffisant pour eux. Je vous propose donc d’apporter une réponse appropriée aux familles qui ont besoin de plus de 310 jours sur les trois premières années.

L’article unique de la proposition de loi introduit la possibilité de renouveler avant son terme la première période de trois ans lorsque le nombre maximal de jours de CPP et de versement de l’AJPP est atteint. Par conséquent, un parent ayant utilisé les 310 jours pourrait bénéficier de manière continue de deux fois plus de jours de CPP et d’AJPP pour poursuivre l’accompagnement de son enfant, soit un total de 620 jours.

Ce renouvellement se ferait bien entendu au titre de la même maladie, du même handicap ou du même accident, étant précisé qu’en cas de nouvelle pathologie, le droit actuel permet d’ores et déjà l’ouverture de nouveaux droits. Il serait subordonné, comme aujourd’hui, à la production d’un nouveau certificat médical établi par le médecin qui suit l’enfant, qui devra attester « le caractère indispensable, au regard du traitement de la pathologie ou du besoin d’accompagnement de l’enfant, de la poursuite des soins contraignants et d’une présence soutenue », et par un accord explicite du service du contrôle médical ou du régime spécial de sécurité sociale.

Dans la mesure où le CPP et l’AJPP peuvent être utilisés dans la limite de vingt-deux jours par mois, ce dispositif permettrait de faire passer de quatorze à vingt-huit mois la durée continue maximale du CPP et de l’AJPP à temps plein.

En tout état de cause, le coût de la proposition de loi ne devrait pas dépasser 5 millions d’euros par an, compte tenu du nombre potentiel de bénéficiaires, évalué à 600 personnes, et du montant moyen versé chaque mois au titre de l’AJPP – 780 euros. Cette dépense demeure relativement limitée au regard du coût annuel de l’AJPP, qui était de 94 millions en 2019.

En résumé, cette proposition de loi vise à compléter le dispositif existant, sans remettre en cause l’édifice législatif, pour répondre effectivement aux besoins des familles confrontées à des pathologies lourdes impliquant un accompagnement continu de leur enfant.

J’ai bien conscience que tout n’est pas encore parfait : les associations que j’ai auditionnées m’ont fait part d’autres difficultés rencontrées par les familles qui, par exemple, ne sont pas toujours bien informées de leurs droits ou ne reçoivent l’AJPP que tardivement, alors qu’elles en ont un besoin urgent. Ces questions, qui ne relèvent pas directement du domaine législatif, mais plutôt du domaine réglementaire, doivent néanmoins retenir toute notre attention, comme celle du Gouvernement. Je me réjouis d’ailleurs de la présence parmi nous du secrétaire d’État Adrien Taquet : c’est la preuve de l’attention qu’il porte à cette question.

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Je tenais à être présent dès l’examen de cette proposition de loi en commission, afin de pouvoir échanger avec vous sur un sujet qui me tient à cœur. C’est un enjeu essentiel pour de nombreuses familles, qui suivent probablement nos débats ce matin.

Je vous remercie d’avoir adopté, il y a deux ans, la proposition de loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli et d’avoir continué à travailler sur ce sujet, en lien avec les familles concernées et les associations, mais aussi avec les administrations et les caisses de sécurité sociale. Cela vous a permis de repérer certaines failles dans le dispositif, que cette proposition de loi va combler.

Elle va compléter un dispositif déjà très dense, que le rapporteur a présenté. L’AJPP est une prestation qui peut être versée aux parents bénéficiant de jours de congé de présence parentale pour s’occuper d’un enfant malade, d’un enfant ayant été victime d’un accident ou en situation de handicap. Le nombre maximal de jours de CPP et d’AJPP dont peuvent bénéficier les parents est fixé à 310, dans la limite d’une durée de trois ans. Ce droit à 310 jours peut être renouvelé en cas de rechute ou de récidive de la maladie, dès lors que la période de trois ans est écoulée. Ce dispositif permet de traiter 95 % des situations, mais vous avez identifié une faille dans la loi de 2019, puisque le droit au renouvellement de l’AJPP ne peut être ouvert qu’après l’expiration de ce délai de trois ans, ce qui n’est pas adapté pour les traitements longs, qui nécessitent un arrêt total d’activité de la part de l’un des parents. Ce cas de figure ne concerne que 5 à 6 % des bénéficiaires de l’AJPP, soit, 560 des 10 300 foyers recensés en février 2020, mais il est essentiel de prendre en compte leur situation, souvent très difficile.

L’approche retenue par le rapporteur permet de résoudre parfaitement le problème identifié. La proposition de loi prévoit que l’AJPP puisse être versée au-delà de 310 jours quand la situation le justifie. À titre exceptionnel, et par dérogation au dispositif actuel, il sera désormais possible, sans attendre la fin de la première période de trois ans, d’ouvrir droit à un nouveau compteur maximal de 310 jours de congé et d’AJPP, dans la limite de trois années, sous réserve de la transmission d’un nouveau certificat médical établi par le médecin qui suit l’enfant et d’un accord explicite du service du contrôle médical. Les parents pourront ainsi bénéficier de deux fois 310 jours d’AJPP dans les cas les plus difficiles.

Nous avons besoin de ce texte pour compléter le dispositif de soutien et d’accompagnement des parents ; il améliorera la situation des familles dont les enfants sont atteints d’un cancer ou souffrent d’une autre pathologie nécessitant des soins lourds et de longue durée, avec un accompagnement renforcé ; il donnera de la visibilité à des familles et à des associations pleinement mobilisées.

Il était extrêmement important, je le répète, que le Gouvernement soit présent dès l’examen du texte en commission, à la fois pour lui apporter son soutien et pour donner quelques précisions sur deux points : la question des délais d’attribution et de gestion du versement de l’allocation, d’une part ; la question de l’information, d’autre part.

Les situations dont nous parlons relèvent de l’urgence et il est impensable – pour ne pas dire inadmissible – que les parents doivent attendre longuement la réponse de l’administration. Les textes réglementaires évoquent un délai de trois mois, correspondant à deux « sous-délais », au terme duquel le silence de l’administration vaut accord : un délai de deux mois pour validation complète de la demande d’AJPP, d’abord – il est dû au fait que la demande doit obligatoirement être complétée par un certificat médical, transmis dès sa réception par la caisse d’allocations familiales (CAF) ou de mutualité sociale agricole (MSA) à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) ; un délai d’un mois pour l’activation effective du versement de l’allocation. Fort heureusement, ces délais sont généralement bien moindres et la pratique montre que les CPAM, bien conscientes que les refus du contrôle médical sur ces dossiers sont rarissimes, procèdent la plupart du temps à des avances.

Une autre difficulté allonge également les délais. Pour procéder au versement de l’allocation, les caisses doivent attendre d’avoir reçu l’attestation indiquant le nombre de jours de congé pris au cours du mois. La procédure de validation de cette attestation est d’un autre âge, puisqu’elle repose sur une transmission par courrier entre la caisse, l’employeur et le salarié. Outre que la procédure n’est pas dématérialisée, cette prestation, qui ne concerne qu’un peu plus de 10 000 familles, est peu connue des responsables des ressources humaines et des gestionnaires de paie dans les entreprises. Pour toutes ces raisons, des difficultés et des retards ont malheureusement été constatés. On peut aisément comprendre qu’un tel système suscite l’incompréhension des familles concernées, des associations et de la représentation nationale.

Je tiens à vous assurer que ce problème est pris en compte et qu’il trouvera une solution naturelle dans les tout prochains mois, quand les données du dispositif de ressources mensuelles (DRM), alimenté par les déclarations mensuelles des employeurs aux URSSAF via les logiciels de paie, seront utilisées pour servir l’AJPP : cela supprimera, de fait, les attestations mensuelles. Cette mesure, attendue de longue date, va simplifier le quotidien de centaines de familles et nous pouvons nous en réjouir. Il était temps !

Soyez convaincus que je suivrai de très près ce chantier informatique, qui symbolise la volonté du Gouvernement de moderniser une administration dont nous souhaitons tous qu’elle soit pleinement au service des citoyens.

J’en viens, enfin, à la question de l’information. Vous savez combien je suis soucieux de faire connaître au plus grand nombre les politiques d’accompagnement à la parentalité et, plus globalement, les politiques familiales. Je pense par exemple à celle des 1 000 premiers jours, qui a vocation à se déployer sur l’ensemble du territoire. Dans ce cadre, une application « 1 000 jours » est en cours de développement, qui devrait être opérationnelle dès l’année prochaine. Elle complétera un paysage déjà très riche. Le site monenfant.fr, par exemple, qui est géré par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), recense déjà un grand nombre d’informations utiles aux parents, et il est très fréquenté. L’offre d’information existe et elle est en constante expansion.

Dans ce contexte, est-il préférable de nourrir l’existant ou de créer un système d’information nouveau, au risque de créer un doublon ? Pour qu’une nouvelle plateforme fonctionne et soit consultée, il faut la faire connaître : cela a un coût et cela prend du temps. Pour ma part, je suis favorable à l’option qui consiste à nourrir l’existant : je pense qu’il vaut mieux utiliser les sites que les parents ont déjà l’habitude de consulter. Je suis très heureux, en tout cas, que les parlementaires partagent cet objectif d’information et je souhaite que nous réfléchissions collectivement non seulement à l’outil, mais aussi au contenu des messages qu’il convient d’adresser aux parents et aux enfants qui vivent des situations difficiles. Croyez que je veillerai, d’où je suis et avec les moyens dont je dispose, à ce que les informations relatives au CPP et à l’AJPP soient largement diffusées.

Mme Michèle Peyron. Monsieur le ministre, je vous remercie d’être présent parmi nous et des propos que vous avez tenus.

Composée d’un article unique, la proposition de loi que nous examinons renforce les dispositions de la loi du 8 mars 2019 qui prévoit, pour les parents, le droit à des jours de congé de présence parentale et à une allocation journalière de présence parentale de 310 jours, dans la limite d’une durée de trois ans. Ce droit peut être renouvelé en cas de rechute ou de récidive de la maladie après ces trois années. En effet, pour prendre en compte les maladies qui durent plus de trois ans, la loi du 8 mars 2019 a rendu possible le renouvellement de cette allocation pour 310 jours lorsque la pathologie pour laquelle les droits ont été ouverts nécessite toujours une présence soutenue et de nombreux soins, à condition que la première période de trois ans soit écoulée.

Plus d’un an après l’adoption de cette loi, son évaluation a montré qu’un élément avait été négligé, à savoir que la maladie, et les soins qu’elle nécessite, sont souvent continus. Attendre la fin des trois premières années pour demander le renouvellement de l’allocation était donc une source de frustration pour les parents, notamment pour ceux dont l’enfant est atteint d’un cancer.

Je me réjouis donc que notre rapporteur nous propose une solution permettant, par dérogation au dispositif actuel, d’enclencher le renouvellement des droits avant l’expiration du délai de trois ans, sous réserve, bien sûr, d’un certificat médical détaillé, établi par le praticien qui suit l’enfant, et de l’accord explicite du service du contrôle médical. Peu de parents seraient concernés par ce mécanisme, dont le coût s’élèverait à 5,6 millions d’euros au maximum, le montant moyen versé chaque mois étant de 785 euros.

J’ai cosigné à titre personnel la présente proposition de loi, qui se situe dans la continuité de tous les travaux que nous avons menés depuis le début du quinquennat pour faciliter autant que possible la présence des parents auprès de leur enfant malade.

Le groupe La République en Marche la votera et la soutiendra énergiquement.

M. Alain Ramadier. C’est un texte de bon sens qui nous est soumis, bienvenu et qui aidera, je l’espère, les familles qui en bénéficieront.

En l’état actuel du droit, le nombre maximal de jours de congé de présence parentale et de perception de l’AJPP est fixé à 310 dans la limite d’une durée de trois ans. Ce droit peut être renouvelé une fois cette durée écoulée en cas de rechute ou de récidive de la maladie. Depuis la loi du 8 mars 2019, le droit à l’AJPP peut également l’être lorsque la gravité de la pathologie de l’enfant continue de nécessiter une présence soutenue et des soins contraignants.

Il arrive cependant, hélas, que la maladie et les soins se poursuivent sans interruption et nécessitent une présence et des soins contraignants pour une durée supérieure à 310 jours pendant trois ans. La présente proposition de loi vise donc à corriger le mécanisme afin de mieux l’adapter aux situations que vivent certaines familles : elle tend à autoriser, à titre exceptionnel et par dérogation au dispositif actuel, le renouvellement du versement de l’allocation pour un maximum de 310 jours pendant une nouvelle période de trois ans. Elle peut ainsi permettre à des parents, dans certaines situations exceptionnelles, d’accompagner leurs enfants dans une période douloureuse.

Le groupe Les Républicains y est favorable et soutiendra le texte, issu d’une initiative que je tiens à saluer.

M. Philippe Vigier. Le groupe Mouvement Démocrate (MODem) et Démocrates apparentés soutiendra bien sûr sans réserve la proposition de loi. Dans des moments comme celui que nous vivons, de belles pages de l’histoire de l’Assemblée nationale s’écrivent : des textes comme celui-là abolissent les barrières politiques parce qu’ils sont frappés au coin du bon sens, sont empreints d’humanisme et prennent en considération les familles affectées.

Je me rappelle l’époque, il y a un peu plus de trente ans, où j’exerçais à l’hôpital Necker-Enfants malades. Je peux vous assurer que, par ce texte, vous envoyez un message fort. À la communauté médicale, d’abord, à qui il est toujours plus difficile d’assurer la prise en charge des patients sans le soutien des familles. Ensuite, naturellement, aux familles elles‑mêmes : leur présence et leur soutien font partie de l’arsenal thérapeutique, ainsi laissé incomplet par les lacunes du dispositif actuel, de sorte que l’extension de la limite de durée qui nous est proposée représente une avancée extraordinairement importante. Mais aussi aux aidants, que Paul Christophe et Nathalie Elimas défendent depuis longtemps, des hommes et femmes généreux, qui arrêtent tout lorsque leur entourage est en difficulté pour leur donner leur présence, leur chaleur, leurs mots, de la confiance.

Toutes les conditions sont donc réunies pour que nous puissions aller plus loin. À cet égard se pose une vraie question, que vous avez mentionnée, monsieur le secrétaire d’État : l’information des familles et de l’ensemble du personnel soignant, qu’il convient d’améliorer pour qu’un texte d’une telle portée ne soit pas limité dans son application faute d’être connu.

Merci à Paul Christophe d’avoir pris le relais, et à vous, monsieur le secrétaire d’État, de votre bienveillance.

M. Boris Vallaud. Nous sommes très honorés de la présence du secrétaire d’État, preuve de l’importance qu’il attache à l’examen de la proposition de loi. Celle-ci s’appuie avec une grande justesse sur l’expérience des familles confrontées à de très violentes épreuves et sur un travail d’évaluation que je salue, pertinent, exigeant, minutieux et humain.

Ce texte de bon sens ouvre de nouveaux droits ; il fait preuve de justice et de solidarité envers les parents d’enfants handicapés ou gravement malades. Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra cette démarche.

La récente évaluation de la loi du 8 mars 2019 a mis en évidence certaines frustrations nées du droit en vigueur, lequel ne permet pas le renouvellement des 310 jours avant expiration du délai de trois ans. Notre groupe avait d’ailleurs demandé que le dispositif de l’AJPP soit réévalué. Il est donc heureux que le présent texte vienne en discussion et puisse bénéficier d’un large soutien – incluant le nôtre, je le répète.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Le groupe Agir ensemble salue l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée de la proposition de loi de bon sens que défend Paul Christophe. Je remercie Adrien Taquet d’être présent dès le stade de son examen en commission.

Le texte renforce la mobilisation dont notre assemblée, toutes tendances politiques confondues, a fait preuve depuis le début de la législature au sujet des cancers pédiatriques. Depuis 2018, 5 millions d’euros supplémentaires sont attribués chaque année à l’Institut national du cancer (INCa) afin de financer le lancement d’appels d’offres visant à développer la recherche dans ce domaine. En outre, nous avons adopté, toujours à l’unanimité, deux propositions de loi ambitieuses à ce sujet. En 2020, un travail transpartisan sur une proposition de loi de Guy Bricout a permis de mieux prendre en considération la douleur des parents confrontés au décès de leur enfant. Auparavant, celle défendue par Nathalie Elimas avait permis de repenser le cadre applicable à la prise en charge du cancer de l’enfant.

Le rapport d’information sur l’évaluation de la loi du 8 mars 2019, dû à Paul Christophe et Nathalie Elimas, inspire directement le texte qui nous est soumis. Voilà qui montre, s’il en était besoin, l’importance des missions de contrôle et d’évaluation dévolues au Parlement : le travail des parlementaires ne s’arrête pas à la sortie de l’hémicycle, et il est indispensable de veiller à la bonne application des lois que nous votons. Le danger, ce sont les effets d’annonce qui ne débouchent sur aucun vrai changement dans la vie des gens : ils sont désastreux pour la confiance dans l’action publique.

Le groupe Agir ensemble salue donc le travail effectué par le rapporteur au plus près du terrain, en concertation avec les associations. La proposition de loi corrige un aspect perfectible de la loi de 2019 en ce qui concerne la prise en charge des jours de congé permettant de s’occuper d’un enfant malade : son article unique autorise le renouvellement des droits au CPP et à l’AJPP dès l’épuisement des 310 jours qui correspondent à la limite actuellement en vigueur ; il portera ainsi cette dernière à 620 jours en continu, sans attendre l’expiration du délai de trois ans.

Nous considérons que la proposition de loi doit être complétée par un travail spécifique sur les délais d’attribution de ces prestations : les dossiers à remplir pour en bénéficier sont trop contraignants et chronophages, alors que les parents sont légitimement pris à 100 % par la maladie et la vie de leur enfant. Notre commission s’honorerait donc en consacrant une mission spécifique à ce sujet.

Notre groupe soutient entièrement une proposition de loi pleine d’humanité, petite étape qui nous rapproche de l’objectif de développement durable numéro 3 de l’Agenda 2030, consacré au droit à la santé.

Mme Valérie Six. La proposition de loi que nous examinons est attendue depuis longtemps par les parents d’enfants dont la maladie nécessite un accompagnement soutenu : l’un des deux parents – plutôt la mère – doit alors cesser son activité pour être au côté de son enfant handicapé, malade ou accidenté. Dans 6 % des cas, la maladie dure plus de 310 jours ; les parents se trouvent alors démunis et l’un d’entre eux est contraint d’arrêter définitivement son activité professionnelle.

Le problème a déjà été soulevé au sein de notre commission, notamment en septembre, lors de la présentation de votre rapport d’information, cher Paul Christophe, sur l’évaluation de la loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques. Je partage votre analyse : le dispositif actuel ne convient pas à toutes les familles ; le droit au congé de présence parentale et au versement de l’allocation journalière devrait être lié à la durée réelle de la maladie de l’enfant. J’avais donc déposé, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un amendement qui a malheureusement été frappé d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution ; il visait à supprimer la limite des 310 jours pour lui substituer un délai fixé non pas de façon forfaitaire, mais en fonction de la durée de la maladie.

Le groupe UDI et Indépendants votera donc bien sûr pour la proposition de loi, non sans insister sur les autres difficultés que rencontrent les familles et que M. le secrétaire d’État a évoquées – la complexité des dossiers à monter, la longueur excessive des délais d’instruction, le manque d’information des familles au sujet des aidants. Elles relèvent certes du domaine réglementaire ; je me réjouis donc que le Gouvernement annonce des propositions en ce sens en vue de notre débat dans l’hémicycle. Merci, monsieur le secrétaire d’État, des pistes d’amélioration que vous avez dessinées, et merci à Paul Christophe d’avoir défendu la proposition de loi.

Mme Jeanine Dubié. Au nom du groupe Libertés et Territoires, je salue le travail réalisé par Paul Christophe ; il montre l’intérêt qu’il y a à suivre l’application concrète des textes que nous votons pour déceler les situations non encore traitées.

Nous avions déjà modifié le congé de présence parentale dans le cadre de la loi du 8 mars 2019, en simplifiant le dispositif : le certificat médical doit désormais indiquer la durée prévisible du traitement, dont le délai de réexamen a été porté à un an au maximum, au lieu de six mois ; de plus, aux motifs de réouverture des droits après trois ans – la rechute et la récidive –, nous avions ajouté la gravité de la pathologie justifiant la présence soutenue des parents, mais à condition que trois ans soient écoulés. Or cette dernière condition écartait environ 7 % des familles concernées.

La présente proposition de loi corrige ce défaut en autorisant le renouvellement du CPP et du versement de l’AJPP à l’expiration des 310 premiers jours et sans attendre la fin des trois premières années, pour un nouveau maximum de 310 jours pendant une seconde période de trois ans.

Le groupe Libertés et Territoires votera bien sûr le texte, qui améliore ainsi les dispositifs que nous avons précédemment votés.

M. Adrien Quatennens. C’est l’honneur de la représentation nationale que de chercher les moyens de faciliter la vie de ceux qui souffrent – et quelle souffrance que celle de parents confrontés à la maladie de leur enfant !

La présente proposition de loi vise à combler un vide juridique quant à l’aide apportée aux parents qui cessent leur activité professionnelle pour accompagner leur enfant malade. Actuellement, le nombre maximal de jours de congé et de versement de l’allocation journalière est fixé à 310 en trois ans, renouvelables en cas de rechute ou de récidive, mais seulement après que les trois ans sont écoulés. La proposition de loi permet, à titre exceptionnel et par dérogation, de les renouveler une seule fois, pour 310 jours au maximum pendant une nouvelle période de trois ans : le compteur pourrait ainsi être relancé sous réserve de la production d’un nouveau certificat détaillé établi par le médecin qui suit l’enfant et de l’accord explicite du service du contrôle médical.

Le groupe La France insoumise sera bien sûr favorable au texte, mais défendra un amendement demandant un rapport sur l’éventualité de permettre plus d’un renouvellement, le partage de l’accompagnement entre hommes et femmes et l’évaluation des inégalités de carrière qui pourraient en résulter.

M. Pierre Dharréville. Je salue à mon tour le travail accompli par Paul Christophe. Le sujet est très sensible, des situations de détresse sont en jeu : la puissance publique se doit de permettre aux parents d’être disponibles pour accompagner leurs enfants et mener la bataille à leurs côtés.

La proposition de loi vise à prendre en considération le cas de toutes les familles et, ainsi, à améliorer la situation concrète des aidants ; par petites touches, nous faisons dans ce domaine des progrès qui vont aider des femmes et des hommes, et c’est important.

La possibilité de fractionner le versement de l’AJPP est une bonne chose. Ce n’est pas l’objet du texte, mais cette allocation est celle dont le montant est le plus faible ; il faudra peut-être y réfléchir à l’avenir.

J’alerte enfin sur la nécessité de faciliter le recours aux droits, dans le cas qui nous occupe comme de manière plus générale.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutiendra la proposition de loi.

M. Bernard Perrut. Pour garantir le soutien des familles dans les moments difficiles de la vie, nous devons améliorer les mécanismes permettant aux parents d’être aux côtés de leur enfant malade, handicapé ou victime d’un accident. Je salue donc naturellement l’initiative à l’origine de la proposition de loi.

Cette possibilité se combine à une disposition du code de la sécurité sociale sur l’AJPP attribuée aux parents demandant la suspension de leur contrat de travail et qui compense en partie leur perte de salaire. Le dispositif a été renforcé par la loi du 8 mars 2019 s’agissant des cancers pédiatriques, qui nécessitent fréquemment des traitements longs pour lesquels la durée initialement prévue de 310 jours en trois ans est insuffisante.

Mais la possibilité de réouverture des droits en cas de rechute ou de récidive n’est pas toujours garantie aux familles, qui se heurtent parfois au refus des CAF, le versement de la prestation étant soumis à l’avis favorable du service du contrôle médical, à la différence du congé, qui, lui, est de droit. Pourtant, les rechutes sont fréquentes en oncopédiatrie : elles concernent 35 % des enfants, notamment au cours des deux premières années.

Les formalités sont en outre assez lourdes, la prestation étant, de l’avis même de la Caisse nationale des allocations familiales, complexe à mettre en œuvre. Mme Agnès Buzyn, lorsqu’elle était présidente de l’INCa, avait d’ailleurs appelé l’attention du directeur de la CNAF sur ce point et, de l’avis des associations de parents, la situation n’a pas évolué depuis.

La question essentielle est la durée du congé et du versement de l’allocation : 310 jours en trois ans, c’est insuffisant s’agissant d’enfants qui, de rechute en rechute, vivent de plus en plus longtemps, parfois plusieurs années, avec leur cancer et leur traitement.

Nous ne pouvons donc que soutenir la mesure de bon sens qui autorise le renouvellement du versement de l’allocation pour un maximum de 310 jours pendant une nouvelle période de trois ans et permet dans certains cas aux parents d’accompagner leur enfant dans une période douloureuse. C’est le devoir de l’Assemblée nationale que de l’adopter.

Mme Mireille Robert. Le CPP et l’AJPP permettent aux salariés de s’occuper d’un enfant à charge dont l’état de santé nécessite une présence soutenue et des soins contraignants. Mais de nombreuses familles font état d’une inégalité dans l’accès à l’information et aux droits. Il paraîtrait donc judicieux de créer une plateforme de service public regroupant tous les droits ouverts aux parents d’un enfant gravement malade, accidenté ou handicapé.

Toutefois, cela a été dit, il existe des sites comme monenfant.fr, géré par la CNAF ; surtout, l’application « 1 000 jours » que le secrétaire d’État vient de nous proposer devrait recenser beaucoup d’informations. Or mieux vaut travailler sur les offres qui existent déjà et sont en constante expansion, afin de ne pas multiplier les dispositifs au risque de les rendre invisibles.

Je me réjouis donc de la proposition de M. le secrétaire d’État ; il faudra adapter le portail « 1 000 jours » afin de mieux accompagner dans leurs démarches les parents d’enfants malades, handicapés ou accidentés.

M. Thibault Bazin. Je salue à mon tour l’initiative de Paul Christophe. Faciliter une présence auprès de ceux qui en ont besoin va dans le bon sens. Permettez-moi d’étendre la réflexion au cas des aidants. Les dispositifs prévus sont complexes et longs à mettre en œuvre : comment faire quand on apprend que son conjoint n’a plus que quelques semaines à vivre et que l’on travaille ? Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué des simplifications et des améliorations. L’augmentation du montant de l’AJPP, dont a parlé Pierre Dharréville, pourrait-elle également concerner l’allocation journalière du proche aidant (AJPA) ?

Mme Isabelle Valentin. Aider les parents à rester auprès d’un enfant malade, leur permettre de l’accompagner dans une période douloureuse est une mesure de bon sens qu’il faut bien entendu soutenir. Nous sommes souvent démunis devant la détresse et l’épuisement des familles que nous rencontrons. La maladie d’un enfant ne laisse personne insensible ; tous ici, nous souhaitons aider au mieux les enfants, les familles, les aidants.

La prise en compte de la durée réelle de la maladie dans l’évaluation de l’indisponibilité parentale et dans le calcul de l’AJPP permettrait de soulager les familles en leur épargnant la constitution d’interminables dossiers administratifs. Il appartiendrait alors au médecin d’estimer cette durée en réexaminant annuellement la pathologie de l’enfant et en fournissant aux organismes de sécurité sociale un certificat médical pour en attester. La procédure serait simple et rapide.

Je voterai pour la proposition de loi, mais nous avons encore beaucoup à faire pour accompagner les familles : je pense à celles vivant en zone rurale, qui doivent se rendre dans de grands centres éloignés de leur domicile et dont il faudrait prendre en charge les transports et les hébergements. J’espère donc que nous pourrons progresser également, de manière consensuelle, vers un vrai statut et une vraie reconnaissance des aidants.

M. le rapporteur. Je voudrais vous remercier du soutien unanime que vous avez apporté à ce texte qui, vous l’avez compris, n’a pas pour ambition de résoudre tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Il est le fruit d’une réflexion conduite dans le cadre de la mission d’évaluation de la loi du 8 mars 2019, à laquelle plusieurs d’entre vous ont fait référence. Il est réconfortant d’entendre que notre travail est reconnu, en ces temps où nous sommes parfois un peu malmenés dans l’exécution de nos missions. Nous traitons de sujets très sensibles, qui touchent particulièrement nos concitoyens. Il faut rappeler que notre rôle consiste aussi à évaluer l’application de la loi et à corriger les petits défauts qu’on peut relever.

Je suis très heureux de pouvoir présenter la proposition de loi au nom de la commission. Je vous invite toutes et tous à vous approprier le texte, car il est l’émanation des travaux de notre mission : si vous ne m’aviez pas confié le soin de la conduire, conjointement avec Nathalie Elimas, je n’aurais pas décelé les difficultés auxquelles le texte vise à remédier. Je me réjouis de ce travail collaboratif et de la belle unanimité qui se dégage sur les questions touchant les plus fragiles d’entre nous : hier, les proches aidants, aujourd’hui, les enfants gravement malades. Cela correspond aux attentes de nos concitoyens. J’associe tout particulièrement à ce texte Nathalie Elimas, qui aurait été fatalement à nos côtés si elle n’avait pas relevé d’autres défis.

II.   EXAMEN DE L’article unique

La commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de loi.

Article unique

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS7 et AS8 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement AS3 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. L’administration est confrontée à un grand nombre de dossiers. Pour accélérer le traitement des demandes de versement de l’AJPP, je vous propose d’inverser la règle actuelle. L’accord serait donné par principe aux familles, avant que l’administration n’instruise le dossier et, le cas échéant, ne revienne sur la décision. On présumerait la bonne foi des parents. Cela contribuerait à rassurer les familles, qui sont souvent prises par les délais. En effet, elles attendent parfois le dernier moment pour constituer leur dossier, après avoir épuisé tous les droits à congé et à RTT.

M. Paul Christophe, rapporteur. Mon avis vaudra pour les amendements AS3 et AS4, qui visent à apporter la même modification aux alinéas 2 et 4 de l’article unique.

Je partage votre préoccupation, monsieur Viry. Lors des auditions, auxquelles vous avez participé, les associations de parents ont en effet souligné la longueur des délais. J’ai aussi entendu vos propos, monsieur le secrétaire d’État, et pris note des dispositions qui seront introduites pour fluidifier la procédure déclarative et la mise en paiement. La CNAF nous a précisé que les délais moyens de traitement pour le paiement des AJPP sont de vingt jours. Le délai de transmission du formulaire, qui doit être complété et signé par l’employeur, est peu compatible avec les exigences actuelles. On a compris que le DRM accroîtrait l’efficacité du dispositif. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour faire en sorte que le traitement des demandes soit accéléré.

Si je vous rejoins sur le fond, mon cher collègue, j’estime, en revanche, que la rédaction de vos amendements n’est pas appropriée. En effet, ils visent à modifier des dispositions relatives au certificat médical et ne remplissent donc pas l’objectif défini dans l’exposé des motifs. Je vous demande donc de les retirer ; à défaut, je donnerais un avis défavorable.

M. le secrétaire d’État. Monsieur le député, votre constat est juste et partagé. Les cas auxquels vous faites référence sont fort heureusement très minoritaires mais n’en demeurent pas moins insupportables. Nous souscrivons naturellement aux objectifs que vous visez par vos deux amendements. À l’heure actuelle, la CNAF et la MSA versent l’AJPP dès le traitement de la demande – sans attendre le retour du service du contrôle médical des caisses primaires. Toutefois, pour verser l’allocation, les caisses ont besoin de connaître le nombre de jours pris au cours du mois civil. Elles adressent chaque mois, à cette fin, une attestation à l’allocataire. Le versement de la prestation est conditionné au renvoi de ce document par les salariés, complété et signé préalablement par l’employeur. Or l’attestation est parfois transmise avec retard, ce qui conduit aux situations que vous évoquez et qui ne sont pas admissibles pour les familles.

Je réitère l’engagement pris par le Gouvernement. Nous souhaitons remédier à cette difficulté et simplifier les démarches administratives des parents grâce à l’utilisation, à compter du second semestre de 2021, du dispositif de ressources mutualisées, alimenté par les déclarations mensuelles des employeurs aux organismes sociaux. Les CAF ou les caisses de la MSA pourront connaître automatiquement, chaque mois, le nombre de jours de congé de présence parentale pris au titre du mois en cours. L’attestation mensuelle ne sera plus transmise au salarié et n’aura plus à être renseignée par l’employeur, puis retransmise par le salarié à la caisse. Cela devrait réduire significativement les délais de versement de l’AJPP.

S’agissant de l’amendement AS4, relatif au CPP, le code du travail prévoit qu’en cas de dégradation de l’état de l’enfant ou lorsque la situation exige la présence d’un parent sans délai, le salarié peut bénéficier d’un congé immédiatement. Ces dispositions permettent de déroger, de manière bien légitime, au droit commun.

Je vous invite à retirer vos amendements AS3 et AS4 ; à défaut, mon avis serait défavorable.

M. Stéphane Viry. Ces amendements sont le fruit des auditions conduites par M. le rapporteur. Il me paraissait utile d’avoir une réponse du secrétaire d’État à ce sujet. J’ai pris note de l’avis de M. le rapporteur sur la rédaction des amendements, comme des propos de M. le secrétaire d’État sur la politique publique qu’il entend voir menée par son administration. Je retire donc mes amendements.

Les amendements AS3 et AS4 sont retirés.

M. Thibault Bazin. Dans les 20 % de cas les plus graves, la longueur des délais ajoute encore aux difficultés. Au-delà du cas des enfants malades, monsieur le secrétaire d’État, les mesures que vous annoncez concerneront-elles aussi l’AJPA ?

M. le secrétaire d’État. Le dispositif de ressources mutualisées bénéficiera aussi aux proches aidants.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS9, AS10, AS11 et AS12 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article unique modifié.

Après l’article unique

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements AS13 du rapporteur et AS5 de M. Stéphane Viry.

M. le rapporteur. Cet amendement a trait à deux sujets connexes au texte en discussion, qui ressortissent au domaine réglementaire. Le premier d’entre eux est le manque d’information des familles – problème identifié lors des auditions. Le second concerne les délais excessifs de traitement des dossiers, qui sont dus, on l’a compris, au processus de transmission de la déclaration à l’organisme compétent. Compte tenu de vos propos, monsieur le secrétaire d’État, je retire l’amendement. Cela étant, madame la présidente, il me paraîtrait judicieux d’instituer une mission visant à expertiser la situation dans la durée et à faire des propositions dans les mois à venir.

M. Stéphane Viry. Si la proposition de loi améliore les dispositifs existants, elle n’épuise pas le sujet. Il reste encore des progrès à aller chercher. L’amendement a pour objet d’améliorer les choses dans la durée, en demandant au Gouvernement la remise d’un rapport sur « l’accès au droit pour les parents d’enfants qui souffrent de pathologies conséquentes, ainsi que sur la possibilité de mettre en place une campagne nationale d’information sur cet accès au droit ». Je maintiens l’amendement pour montrer notre volonté de faire avancer cette cause au-delà des progrès législatifs que nous sommes en train d’accomplir.

M. le rapporteur. Nous sommes parfaitement en phase sur le fond. Quant à la forme, je m’interroge sur plusieurs termes employés dans l’amendement, notamment l’« accès au droit » et les « pathologies conséquentes », qui sont relativement imprécis. Par ailleurs, j’ai la faiblesse de penser que nous trouverons des solutions avant l’expiration du délai de six mois que vous prévoyez pour la remise du rapport.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente Fadila Khattabi. J’ai bien pris note, monsieur le rapporteur, de votre demande de création d’une mission d’information, qui sera étudiée lors de la prochaine réunion du bureau de la commission.

M. le secrétaire d’État. Je partage les propos du rapporteur. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoit qu’un rapport sur l’indemnisation du congé de proche aidant vous soit remis au plus tard le 1er janvier 2022. Je m’engage devant vous à ce que les questions soulevées au travers de vos demandes de rapport soient intégrées dans ce document. Il ne me semble ni nécessaire ni pertinent de multiplier les rapports et de compartimenter les approches. Je vous invite à retirer les amendements demandant la remise d’un rapport.

Mme Annie Vidal. Je rappelle que nous avons lancé, l’an dernier, la stratégie de mobilisation et de soutien des proches aidants, qui constitue un travail interministériel d’envergure. Malgré la crise, près de la moitié des actions proposées ont été mises en œuvre. Nombre d’entre elles ont pour objet de simplifier les démarches dans le cadre du congé de proche aidant. Cela concerne les personnes en situation de handicap, les jeunes enfants malades, les personnes âgées...

Par ailleurs, un comité de suivi de cette stratégie a été institué. Il me semblerait intéressant que la commission des affaires sociales – au sein de laquelle nous sommes plusieurs à avoir porté le sujet des proches aidants – suive de très près les conclusions de cette instance et s’assure du caractère opérationnel des mesures prises. Un numéro de téléphone unique a d’ores et déjà été créé pour les personnes en situation de handicap et les aidants dans le cadre de la crise. Par ailleurs, les « communautés 360 » répondent très finement aux besoins. Il ne paraît pas utile de demander d’autres rapports, car beaucoup de personnes travaillent déjà sur ces questions.

L’amendement AS13 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS5.

Elle en vient à l’amendement AS6 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Adrien Quatennens. Par cet amendement, le groupe La France insoumise demande un rapport évaluant, d’une part, les conséquences de l’accompagnement d’un enfant sur la carrière professionnelle et, d’autre part, le partage de l’accompagnement entre les femmes et les hommes, ainsi que les inégalités de carrière qui en découlent. Nous proposons d’étudier la possibilité de renouveler plus d’une fois le versement des allocations journalières.

M. le rapporteur. Vous souhaitez un rapport qui aborderait de nombreux sujets, comme les inégalités entre les femmes et les hommes dans l’accompagnement des enfants gravement malades, les disparités de carrière qui en découlent et la nécessité de déplafonner totalement l’AJPP, pour qu’elle corresponde à la durée effective de la maladie.

S’agissant de la durée de l’AJPP, votre demande rejoint celle que nous avions étudiée en 2019, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de Nathalie Elimas. Finalement, ce n’est pas l’option qui avait été retenue. C’est pourquoi je vous propose une solution qui peut certes apparaître plus modeste mais qui devrait couvrir la plupart des besoins non encore satisfaits par le droit en vigueur.

Concernant les inégalités entre hommes et femmes dans l’accompagnement des enfants, je crois qu’il n’y a pas besoin d’un rapport pour le démontrer : oui, les femmes sont de très loin celles qui sacrifient le plus leur carrière professionnelle. Pour illustrer mon propos, je prendrai simplement quelques chiffres tirés des informations que m’a communiquées la CNAF : fin 2019, sur 2 300 parents isolés bénéficiant de l’AJPP, plus de 2 200 étaient des femmes, contre 83 hommes. De manière générale, lorsqu’on parle de « proches aidants », on devrait plutôt parler de « proches aidantes », car il s’agit très souvent de femmes.

Aussi, même si je partage vos préoccupations, je vous invite à retirer l’amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.

M. le secrétaire d’État. Je rejoins les propos du rapporteur et je réitère mon engagement à ce que plusieurs de ces questions soient traitées dans le rapport sur l’indemnisation du congé de proche aidant.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je remercie M. le secrétaire d’État de sa présence parmi nous et félicite M. le rapporteur de la qualité de son travail – hommage auquel j’associe Mme Elimas. Je me réjouis que notre commission ait adopté ce beau texte de manière consensuelle.

*

*     *

La commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi. En conséquence, elle demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport (http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3579_texte-adopte-commission#).

 

 


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   ANNEXE :
Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

(Par ordre chronologique)

     Table ronde avec les associations

 Fédération Grandir Sans Cancer – Mme Stéphanie Ville, présidente de Grandir Sans Cancer & d’Aidons Marina, et M. Stéphane Vedrenne, co‑fondateur de Grandir Sans Cancer & d’Eva pour la vie

 Collectif GRAVIR – M. Frédéric Brochard, Association Hubert Gouin, Mme Rose Fromont, Association Appel, et Mme Virginie CoussyCharret, Association Lisa for ever

– Union nationale des associations de parents d’enfants atteints de cancer ou leucémie (UNAPECLE)Mme Catherine Vergely, secrétaire générale

     Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)  Mme Mariette Daval, responsable du département Solidarité, insertion et cadre de vie, et Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires

     Ministère des solidarités et de la santé, direction de la sécurité sociale (DSS), 2e sous-direction – M. Denis Le Bayon, sous-directeur, Mme Nina Vassilieff, cheffe du bureau des prestations familiales et des aides au logement, et Mme Caroline Lefebvre, adjointe à la cheffe du bureau


([1]) Loi n°2019-180 du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli.

([2]) Paul Christophe, rapport d’évaluation de la loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli, septembre 2020.

([3]) D’autres catégories d’actifs peuvent bénéficier d’un congé et d’une allocation journalière de présence parentale : les travailleurs non salariés, les travailleurs en formation professionnelle rémunérée, les demandeurs d’emploi indemnisés par Pôle emploi, etc.

([4]) Soit un montant maximum mensuel de 1 145,76 euros pour une personne seule et de 964,26 euros pour une personne en couple (sur 22 jours). À l’AJPP peut s’ajouter un complément qui est attribué, sous conditions de ressources, si l’état de santé de l’enfant implique que la famille engage des dépenses, supérieures à 112,68 euros, non remboursées par la sécurité sociale ou par la mutuelle.

([5]) Ces dispositions ont été récemment précisées par le décret n° 2020-1208 du 1er octobre 2020 relatif à l’allocation journalière du proche aidant et l’allocation journalière de présence parentale.

([6]) Loi n° 2019-180 du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli.

([7])  Paul Christophe, rapport d’évaluation de la loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli, septembre 2020.

([8]) Ce chiffre a fortement progressé au cours de ces dernières années puisqu’il est passé de près de 6 000 en 2014 à un peu plus de 10 000 en 2019, soit une hausse de 70 % en cinq ans.

([9]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9893809_5fb4d98e27a7c.commission-des-affaires-sociales--amelioration-des-conditions-de-presence-parentale-aupres-d-un-enf-18-novembre-2020