N° 4520

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 octobre 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
SUR LES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE :

 (N° 4077), DE M. JULIEN AUBERT ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,
visant à faire du français l’unique langue de travail
de l’Union européenne,

 

 (N° 4223) DE M. FABRICE BRUN ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,
visant à favoriser l’utilisation de la langue française
dans le cadre de la présidence française
de l’Union européenne de janvier à juin 2022,

PAR Mme Aude BONO-VANDORME

Députée

 

 

 

 

 

(1)    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 


 

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, viceprésidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M. Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Patrice ANATO, Philippe BENASSAYA, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, M. Julien DIVE, Mmes Coralie DUBOST, Frédérique DUMAS, MM. Pierre-Henri DUMONT, Jean-Marie FIEVET, Alexandre FRESCHI, Mmes Maud GATEL, Valérie GOMEZ-BASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, M. Christophe JERRETIE, Mme Chantal JOURDAN, MM. Jérôme LAMBERT, Jean-Claude LECLABART, Mmes Constance Le GRIP, Martine LEGUILLE-BALOY, Nicole Le PEIH, MM. David LORION, Ludovic MENDES, Thierry MICHELS, Jean-Baptiste MOREAU, Xavier PALUSZKIEWICZ, Damien PICHEREAU, JeanPierre PONT, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, M. Benoit SIMIAN, Mme Michèle TABAROT.

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

I. Au sein de l’Union européenne, Un multilinguisme préservé dans le droit mais en déclin dans les faits

A. Le Français, comme l’ensemble des langues officielles, bénéficie d’une forte protection en droit

1. Le multilinguisme : une valeur européenne désormais fondamentale

2. Des langues procédurales pour tenter de « conjurer Babel »

3. Le rôle des autorités françaises pour préserver l’usage du français dans les institutions européennes

B. Un déclin du multilinguisme et donc de l’usage du français au sein des institutions européennes

1. Un recul documenté du multilinguisme européen, conduisant à une marginalisation de l’utilisation du français

2. Des budgets de traduction en baisse continue au sein des institutions européennes

3. Un déclin illustré par plusieurs exemples récents qui accroissent l’urgence d’agir

II. Face à des obstacles de plus en plus nombreux à l’usage du français au sein de l’Union, la nécessité d’une réaction rapide des autorités nationales et européennes

A. Des obstacles de plus en plus importants au multilinguisme et une réaction encore insuffisante des institutions européennes

B. Une proposition de résolution européenne pour agir en faveur du français et du multilinguisme au sein des instiTutions européennes

1. Rénover les concours européens et en faire la promotion

2. Inciter à l’apprentissage du français et des autres langues européennes

3. Saisir l’occasion de la présidence française du Conseil

4. Garantir une traduction et une interprétation efficaces

5. S’assurer du respect des règles liées au multilinguisme

Conclusion

travaux de la COMMISSION

proposition de résolution initiale

amendement examiné par la commission

proposition de rÉsolution européenne

Annexe : liste des personnes auditionnées par la rapporteure


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   Introduction

 

 

« L’amour en général passe par l’amour de la langue, qui n’est ni nationaliste ni conservateur, mais qui exige des preuves. Et des épreuves. On ne fait pas n’importe quoi avec la langue, elle nous préexiste, elle nous survit. (…) Une histoire singulière a exacerbé chez moi cette loi universelle : une langue, ça n’appartient pas. »

Jacques Derrida (1996)[1]

 

Mesdames, Messieurs,

Si l’Europe des six Etats membres fondateurs travaillait presque intégralement en français[2], l’Union européenne, au cours de sa construction, a rapidement valorisé le concept de multilinguisme, en mettant en avant la diversité linguistique comme une force européenne à préserver. Paradoxalement, les dernières années ont été, au sein de l’Union européenne, celles d’un appauvrissement linguistique considérable, résultant d’un monopole de plus en plus flagrant de la langue anglaise. Celle-ci est en effet vue comme plus simple, plus connue et permettant un échange direct entre les différents interlocuteurs, dont l’anglais n’est souvent pas la langue maternelle. En réalité, la langue parlée s’apparente plutôt à un anglais fortement simplifié et empreinte d’autres langues européennes. 

Selon le linguiste Claude Hagège, cette tendance est à l’œuvre dans le monde entier. Il estime en effet que le monde comptait encore environ 5000 langues parlées au début du XXIe siècle mais qu’au rythme en cours de disparition des langues, nous n’en compterons plus que 2500 en 2100. Selon lui, environ 25 langues meurent chaque année dans le monde[3].

Face à ce constat alarmant, la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale a été saisie de deux propositions de résolution européenne portant sur cette thématique. La première a été déposée le 13 avril 2021 par M. Julien Aubert et plusieurs de ses collègues et vise à « faire du français l’unique langue de travail de l’Union européenne »[4]. La seconde, déposée par M. Fabrice Brun et plusieurs de ses collègues le 4 juin 2021, vise quant à elle à « favoriser l’utilisation de la langue française dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne de janvier à juin 2022 ».[5] Sans qu’il soit possible de les assimiler, ces deux propositions portent sur une thématique commune et c’est pourquoi votre rapporteure a l’honneur d’avoir été nommée pour travailler sur ces deux propositions. Votre rapporteure a souhaité, pour cela, associer, tout au long de ses travaux, les députés auteurs de ces propositions.

Les travaux conduits dans ce cadre montrent que deux difficultés marquent la politique linguistique européenne : le « nombre exceptionnellement élevé de langues officielles »[6] (24) et la nécessité pratique d’utiliser une langue d’intercommunication. Or, le sujet de l’utilisation des différentes langues dans l’Union européenne est central car la langue n’est pas un véhicule neutre. Des « effets d’asymétrie »[7] peuvent être constatés d’une langue à une autre pour une même notion juridique, notamment entre le droit dit continental et la « common law » anglo-saxonne. 

Le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, sans impact juridique sur le statut de l’anglais comme langue officielle[8], a pour conséquence que les citoyens européens dont la langue maternelle est l’anglais ne comptent désormais plus que pour environ 1,1 % de la population totale de l’Union européenne.[9]

Loin d’être né avec le Brexit, ce problème est ancien et a déjà été traité dans plusieurs rapports parlementaires, en particulier celui de M. Michel Herbillon en 2003.[10] Toutefois, dans la perspective de la présidence française du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022, le Secrétaire d’État en charge des Affaires européennes et le Secrétaire d’État en charge de la Francophonie ont mis en place en avril 2021 un « groupe de travail sur la langue française et la diversité linguistique au sein des institutions européennes », présidé par le chercheur M. Christian Lequesne[11]. Composé de personnalités d’origines et aux parcours divers, engagées pour la Francophonie, ce groupe a formulé des propositions concrètes et opérationnelles.

Complémentaires à ces travaux, ceux de votre rapporteure ont documenté le constat inquiétant d’un recul non seulement du français au sein des institutions européennes mais aussi du multilinguisme en tant que valeur fondatrice, malgré une protection juridique de haut niveau (I)

Après avoir analysé les causes de cette situation, votre rapporteure propose une résolution européenne formulant des recommandations réalistes, qui pourraient être mises en place au moment de la présidence française du Conseil, moment historique pour tenter d’enrayer le déclin du multilinguisme au sein de l’Union (II).

I.   Au sein de l’Union européenne, Un multilinguisme préservé dans le droit mais en déclin dans les faits

A.   Le Français, comme l’ensemble des langues officielles, bénéficie d’une forte protection en droit

1.   Le multilinguisme : une valeur européenne désormais fondamentale

À ses débuts, l’Europe n’encourageait pas nécessairement le plurilinguisme. Créé en 1949, le Conseil de l’Europe ne possède que l’anglais et le français pour langues officielles et la Communauté européenne du charbon et de l’acier, sans régime linguistique déterminé, valorisait largement le français[12] qui était, dans les faits, la langue de travail des administrations, « l’anglais [étant] toléré mais inhabituel ». [13]

Le traité de Rome, signé le 25 mars 1957, ne prévoit pas de règles spécifiques en la matière mais précise que « le régime linguistique des institutions de la Communauté est fixé (…) par le Conseil statuant à l’unanimité »[14], faisant ainsi le choix d’une procédure strictement intergouvernementale, sans consultation de l’Assemblée parlementaire.

Ainsi, le premier texte de droit dérivé adopté par les institutions européennes, le règlement n°1/58 du 15 avril 1958, fixe le régime linguistique européen. Il définit les langues officielles de l’Union, dont seul le nombre a été adapté mécaniquement lors des élargissements successifs. L’article premier précise ainsi que les 24 « langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont le bulgare, l’espagnol, le tchèque, le danois, l’allemand, l’estonien, le grec, l’anglais, le français, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le hongrois, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le finnois, le croate et le suédois »[15].

Ce règlement indique également que les documents adressés aux institutions peuvent être rédigés, au choix de l’expéditeur, dans l’une des langues officielles et que la réponse est rédigée dans la même langue. En outre, les textes adressés à un État membre doivent être rédigés dans la langue de celui-ci. Les règlements et textes de portée générale sont quant à eux rédigés dans les 24 langues officielles, condition indispensable pour assurer l’impératif de sécurité juridique.[16]

L’Union européenne est donc désormais fondée sur le multilinguisme. Les traités exigent que l’Union « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen » (article 3§2 du traité sur l’Union européenne).

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), reprenant presque in extenso la formulation présente depuis le traité de Rome[17], précise que le régime linguistique des institutions est fixé à l’unanimité des Etats membres par voie de règlements, preuve du consensus qui s’y applique (article 342 TFUE). En outre, l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose que l’Union « respecte la diversité religieuse, culturelle et linguistique ».

L’ensemble de ces dispositions doit préserver le multilinguisme, condition indispensable à la construction d’un espace public européen, en permettant à chaque citoyen de s’exprimer et d’être compris dans sa langue.[18]

2.   Des langues procédurales pour tenter de « conjurer Babel »[19]

Conformément à l’article 1 du règlement n° 1/58 du 15 avril 1958, les 24 langues officielles de l’Union sont également les langues de travail des institutions. L’article 6 du règlement pourrait permettre aux institutions de limiter le nombre de langues utilisées à des fins internes (c’est-à-dire la communication avec leur propre personnel), si cela vise à garantir leur capacité à remplir les missions qui leur sont conférées par les traités. Jusqu’à présent, aucune institution n’a formellement fait usage de cette possibilité.

Toutefois, pour leur fonctionnement interne quotidien, les institutions ont choisi d’appliquer un « multilinguisme rationalisé », c’est-à-dire un nombre restreint de langues de travail. Cet usage restreint de langues ne repose sur aucun fondement juridique précis ; il s’agit davantage de langues d’usage (dites « procédurales »).

S’agissant du Conseil européen, des Conseils des Ministres et du COREPER, le français est systématiquement utilisé. Une interprétation dans toutes les langues est prévue au niveau du Conseil européen et du Conseil des Ministres ; le COREPER fonctionne, dans un système qui lui est propre, selon un régime trilingue français-allemand-anglais.

Trois régimes existent s’agissant des groupes de travail au sein du Conseil[20] :

-         un régime avec interprétation dans toutes les langues officielles de l’Union ;

-         un régime « à la demande » avec interprétation dans les langues des États membres l’ayant demandé. Dans la limite d’une certaine enveloppe, le Conseil met à disposition ce service d’interprétation sur demande. Au-delà, les frais sont pris en charge par l’État membre qui en fait la demande ;

-         un régime sans interprétation, c’est-à-dire selon l’usage en français ou en anglais.

Par ailleurs, l’article 14 du règlement intérieur du Conseil indique que celui-ci ne peut délibérer que sur la base des documents traduits dans toutes les langues officielles. Un État membre est donc en mesure de bloquer un texte s’il n’est pas traduit dans sa langue ou même si un amendement n’a pas été traduit. Pour les amendements présentés au sein du Conseil, la traduction peut se faire oralement par le président.

Au sein de la Commission européenne, selon une règle non écrite, le collège des commissaires et les services de la Commission travaillent en trois langues : l’anglais, le français et l’allemand.

En outre, au sein de la Cour de justice de l’Union européenne, le français est la langue du délibéré dans le système juridictionnel européen, même si la CJUE est théoriquement multilingue comme toutes les institutions[21]. Les arrêts et les avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et du Tribunal de première instance sont ainsi rendus en français, des traductions étant ensuite disponibles dans toutes les autres langues. La nécessité pour tous les juges et collaborateurs de maîtriser le français est à l’origine, selon certains analystes, d’une qualité de travail remarquable qui pourrait être amoindrie par l’utilisation plus massive d’un anglais appauvri.[22] Toutefois, il faut rappeler que l’utilisation de la seule langue française au sein de la CJUE en tant que langue de délibéré relève uniquement de la pratique et n’est pas gravée dans des textes. Cela invite à une prudence extrême quant à une possible détérioration de cette situation favorable au français.

Enfin, au sein du Parlement européen, les travaux font l’objet d’une interprétation multilingue s’agissant des réunions formelles. Il incombe en effet à cette institution d’assurer le multilinguisme le plus large possible afin de garantir la transparence de ses travaux et d’assurer leur accessibilité à tous les citoyens européens. La place du français, comme celle des autres langues officielles, y est donc restée importante. Les traducteurs constituent ainsi près d’un tiers des effectifs du Parlement européen (environ 1500 personnes).[23]

3.   Le rôle des autorités françaises pour préserver l’usage du français dans les institutions européennes

Les autorités françaises ont un rôle central pour faire respecter la place du français dans les institutions européennes, d’abord par un travail de veille et d’alerte auprès de ces dernières. La représentation permanente de la France est particulièrement impliquée pour cela. Ce fut le cas au moment de la crise du Covid : à la demande de la France, un système d’interprétation des réunions ministérielles informelles ayant lieu par visioconférence a été mis en place.

L’administration française rappelle régulièrement à ses agents et au public les règles applicables au sein des institutions européennes en matière de multilinguisme et de francophonie en particulier. Des fiches d’information et de procédure sont mises à disposition des agents, disponibles sur le site du SGAE, et cette question est systématiquement abordée lors de l’entretien préalable au départ des experts nationaux détachés par la France. Ces derniers sont d’ailleurs invités à donner des informations sur la pratique du français au sein de l’institution au sein de laquelle ils sont affectés à l’occasion des rapports intermédiaires et finaux qu’ils remettent à la représentation permanente et au SGAE. 

Enfin, le SGAE a publié en 2017 un vadémécum sur les conditions d'usage de la langue française au sein de l’Union européenne[24]. Ce document présente les conditions d’usage de la langue française au sein des institutions européennes, en rappelant le cadre juridique, l’application pratique, et l’action menée dans ce domaine par la France.

En termes budgétaires, la France consacre d’ores et déjà des crédits substantiels pour promouvoir sa langue dans les institutions européennes. À titre d’exemple, ces dix dernières années, le SGAE a contribué chaque année à hauteur de 1,8 million d’euros en moyenne aux frais d’interprétation en langue française pour les réunions des groupes de travail du Conseil.

Le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères finance un programme de formation (appelé « Millefeuille »), portée à 200 000 euros en 2021, ensuite réalimenté par une enveloppe de 350 000 euros dans la perspective de la présidence française.

Enfin, la France est le premier contributeur au budget de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et soutient les programmes d’IFN (initiatives francophones nationales)[25] et IFE (initiatives francophones d’établissement).[26]

Ainsi, le droit européen protège, au plus haut niveau, les 24 langues officielles de l’Union européenne, en faisant du multilinguisme une valeur européenne fondamentale. Le français devrait ainsi être d’autant plus préservé qu’il fait également partie des langues dites « procédurales » que les agents des institutions européennes utilisent au quotidien. Toutefois, une tendance à la réduction du nombre de langues utilisées au profit de l’anglais ne cesse de s’accroître, au point de menacer la diversité linguistique au sein de l’Union européenne.

B.   Un déclin du multilinguisme et donc de l’usage du français au sein des institutions européennes

1.   Un recul documenté du multilinguisme européen, conduisant à une marginalisation de l’utilisation du français

Les craintes liées au déclin du français dans les institutions européennes ont véritablement débuté à partir des années 1970, le président de la République M. Pompidou demandant à ce moment-là que le français reste la « première langue de travail » de la Communauté économique européenne. La presse française s’est fait l’écho de cette inquiétude tout au long des années 1970.[27]

Jusqu’au début des années 1990, le français reste toutefois dominant, mais est peu à peu remplacé par l’anglais pour « les relations avec le public et les experts ».[28] La langue anglaise ne domine dans les institutions européennes qu’à partir du milieu des années 1990.

Aujourd’hui, ce recul peut être documenté par l’analyse du nombre de documents dits « sources » rédigés dans cette langue. Il s’agit de mesurer la proportion de documents qui sont, dans leur première version, écrits en français.

PROPORTION DES LANGUES UTILISÉES PAR LES INSTITUTIONS EUROPÉENNES
POUR LA RÉDACTION DES DOCUMENTS

Langue de production des documents

Anglais

Français

Autres langues

Commission européenne (2019)

85,5 %

3,7 %

4,9 %

Conseil (2018)

95 %

2 %

3,1 %

Parlement européen (2016)

68,6 %

14,4 %

17 %

Service européen d’action extérieure (2019)

98,7 %

0,9 %

0,4 %

Source : Rapporteure

En ce qui concerne la Commission européenne[29], en 2019, 3,7 % des documents envoyés pour traduction avaient le français comme langue source, contre 85,5 % pour l’anglais et 1,5 % pour l’allemand, ne laissant que 3,4 % des documents écrits originellement dans les autres langues. En 1999, encore 34 % des documents avaient pour langue source le français. En outre, si certaines pages internet de la Commission européenne sont bien traduites dans toutes les langues, les situations varient fortement en fonction des différentes directions générales. Pour certaines d’entre elles, seules les premières pages sont traduites, et le reste des informations est disponible uniquement en anglais.

En parallèle, sur les 69 000 documents produits par le Secrétariat général du Conseil en 2018, 1 215 étaient des originaux en français, c’est-à-dire environ 2 %. 65 908 documents sont produits en anglais (soit 95 % des documents). Les 3,1 % restants représentent l’ensemble des autres langues officielles de l’Union. En outre, comme indiqué à votre rapporteure par le Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, lorsque les textes sont en cours de négociation, les versions discutées sont le plus souvent en anglais, tout comme les amendements transmis par les délégations nationales.

Au Parlement européen, en revanche, la place du français, comme de l’ensemble des langues officielles, reste très importante dans les travaux du Parlement européen. En 2016, 14,3 % des documents étaient produits en français. Une tendance à la baisse est toutefois à l’œuvre, puisque cette proportion n’était plus que de 11,7 % en 2019.

Situation particulièrement inquiétante, le Service européen d’action extérieure produit 98,7 % de ses documents en anglais, contre 0,9 % en français et 0,3 % en allemand. La domination de l’anglais y est donc quasi-totale[30]

Enfin, la Banque centrale européenne (BCE) fonctionne presque exclusivement en anglais, contrairement aux autres institutions majeures de l’Union européenne. Cette situation peut s’expliquer par le fait que la BCE est née plus tardivement, dans un environnement où la langue anglaise dominait déjà largement. De plus, son emplacement à Francfort en fait la seule grande institution européenne qui ne se situe pas dans une ville francophone.

2.   Des budgets de traduction en baisse continue au sein des institutions européennes

Selon une phrase attribuée à Umberto Eco, « la langue de l’Europe, c’est la traduction ».[31] Il s’agit là en effet d’une condition nécessaire, même si elle reste insuffisante, pour faire vivre le multilinguisme. Or, on constate un recul de l’utilisation des services d’interprétation dans les réunions européennes.

Au sein de la Commission européenne, entre 2012 et 2018, la réduction générale de 5 % des effectifs s’est couplée à une réduction spécifique de 5 % de plus au Service commun d’interprétation et de conférence. L’effectif de la Direction générale de l’interprétation a mécaniquement été réduit de 10 % pendant cette même période[32]

Une même tendance est à l’œuvre au sein du Conseil[33] : on note une baisse de 86,7 millions d’euros de crédits à 80 millions d’euros entre 2012 et 2021. L’exécution du budget pour 2020 et 2021 devrait se révéler particulièrement faible en raison de la situation liée à la pandémie, qui a conduit à une baisse d’ensemble du nombre de réunions organisées au Conseil (avec ou sans interprétation).

Plusieurs explications peuvent être avancées :

-         des limitations logistiques empêchent les institutions de fournir une interprétation à toutes leurs réunions. La Commission européenne manque en particulier de salles équipées de cabines pour assurer un nombre suffisant d’interprétations pour une même réunion. En effet, c’est l’institution qui accueille une réunion dans ses locaux qui prend en charge le coût de l’interprétation, ce qui peut jouer comme un facteur inhibant ;

-         une limitation supplémentaire vient de la durée maximale de travail des interprètes, qui est strictement encadrée. Ces derniers quittent les salles lorsqu’ils ont atteint leur nombre d’heures, ce qui peut entraîner une absence d’interprétation si les députés ou les Etats membres qui prennent la parole ont eu du retard.

Au total, la traduction et l’interprétation dans toutes les institutions européennes représentent moins de 1 % du budget annuel de l’Union, soit à peine deux euros par personne et par an[34].

Toutefois, malgré cette baisse continue des budgets de traduction, des progrès ont été réalisés en matière de traduction automatique, notamment pour la traduction des pages Internet. Le système de traduction automatique dont l’usage se généralise au sein des institutions, « e-translation », est un outil de travail pour les traducteurs et au service des utilisateurs du site Internet. Depuis la fin de l’année 2020, un système proposant à tous les utilisateurs la traduction automatique des pages non-manuellement traduites est en cours de déploiement. Il est désormais possible de traduire automatiquement les pages qui auparavant n’étaient généralement proposées qu’en anglais.

La très importante production de pages par la Commission[35] justifie que la Direction générale de la Traduction (DGT) ne puisse pas toutes les gérer. À l’avenir, deux types de pages existeront : celles traduites manuellement (avec un choix fait en fonction de la nature du texte), et celles traduites automatiquement.

3.   Un déclin illustré par plusieurs exemples récents qui accroissent l’urgence d’agir

La construction d’un espace public européen, condition indispensable à l’avancée du projet européen, ne pourra pas se faire sans un multilinguisme préservé. Pourtant, le débat entre les têtes de liste lors de la campagne pour les élections européennes de 2014 s’est tenu exclusivement en anglais, à l’exception de M. Tsipras. Cette raison a pu être invoquée, en particulier en France, pour refuser la retransmission en direct de ce débat.[36]

Signe du déclin de l’attachement des institutions au multilinguisme, au début de la crise de la Covid-19 en mars 2020, les institutions n’ont pas pu immédiatement fournir une interprétation lors des réunions à distance, faute d’équipement technique adapté.

Enfin, le Parquet européen, qui a pris ses fonctions le 1er juin 2021, a restreint son régime linguistique. Le collège des procureurs a en effet voté pour que l’anglais soit la langue exclusive de communication et de travail de l’institution. Pour ses échanges avec les autres institutions, et notamment avec les procureurs délégués chargés de mener les enquêtes dans chaque État membre, les 24 langues seront utilisées, conformément au règlement 1/58.

II.   Face à des obstacles de plus en plus nombreux à l’usage du français au sein de l’Union, la nécessité d’une réaction rapide des autorités nationales et européennes

A.   Des obstacles de plus en plus importants au multilinguisme et une réaction encore insuffisante des institutions européennes

La France fait d’abord le constat d’un nombre de plus en plus faible de fonctionnaires français ou francophones dans les institutions européennes. Le départ à la retraite dans les prochaines années d’une part importante de fonctionnaires ayant une pratique courante du français présente également un risque à anticiper.

De plus, les élargissements des années 1990 et 2000, qui ont étendu l’Union européenne vers les pays du Nord et de l’Est, pour la plupart moins coutumiers du français, ont également aggravé cette situation. Cela a en effet profité au développement de l’anglais comme langue d’usage dans les institutions européennes. Les ressortissants des pays scandinaves, baltes et est-européens[37] ont une tradition d’apprentissage du français moins élevée que dans d’autres pays comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce ou l’Allemagne. Ces ressortissants ont pu préférer l’anglais à leurs propres langues par peur d’être mal compris ou incompris, ou en raison d’un niveau insuffisant dans une langue comme le français ou l’allemand. Cette remarque est également valable pour les fonctionnaires d’origine espagnole, italienne ou portugaise, chez lesquels une certaine rupture générationnelle est constatée dans l’apprentissage du français au profit de l’anglais.

L’apprentissage des langues étrangères contribue à leur rayonnement. À ce titre, il est notable qu’au sein de l’Union européenne, en 2014, plus de 18 millions d’élèves de l’enseignement primaire (soit 84 % de l’ensemble des élèves de ce niveau) étudiaient au moins une langue étrangère, dont quelque 1 million (environ 5 %) apprenaient deux langues étrangères ou plus.[38]

Source : Eurostat, 2016

Toutefois, l’apprentissage du français et de l’allemand comme première langue vivante a baissé dans les États membres au profit de l’anglais ces dernières années. Ainsi, l’anglais est la langue étrangère la plus répandue au niveau de l’enseignement primaire dans tous les États membres, à l’exception de la Belgique et du Luxembourg, pays multilingues.

Langue étrangère la plus enseignée au Luxembourg, l’allemand était la deuxième langue étrangère étudiée par les élèves de l’enseignement primaire dans huit autres États membres, en particulier en Hongrie (20,1 %) et en Croatie (20 %). Le français occupait cette position à l’échelle européenne et dans sept États membres, les plus forts pourcentages étant relevés au Luxembourg (83,5 %), en Grèce (16,1 %) et en Roumanie (13,2 %).[39] Au total, l’allemand et le français se situent dans le même étiage en ce qui concerne la proportion d’élèves apprenant ces langues dans l’Union en 2014, loin derrière l’anglais.

Source : Eurostat, 2016

En parallèle, la multiplication des réunions considérées comme « informelles » tend à favoriser l’usage de l’anglais, puisqu’un service de traduction n’est pas nécessairement assuré, pouvant contraindre les participants à utiliser l’anglais.

Enfin, l’utilisation de plus en plus massive de l’anglais est souvent justifiée par un argument de pragmatisme. Cela a été le cas lors de l’introduction de l’anglais dans les briefings quotidiens de la Commission européenne, alors que seul le français était utilisé jusqu’en 1995.[40]

B.   Une proposition de résolution européenne pour agir en faveur du français et du multilinguisme au sein des instiTutions européennes

Votre rapporteure propose une résolution européenne de synthèse, qui formule et défend des propositions ambitieuses pour éviter une langue hégémonique au sein de l’Union européenne.

1.   Rénover les concours européens et en faire la promotion

Votre rapporteure propose d’abord d’intervenir sur les concours administratifs à la fois français et européens. Les concours européens, appelés EPSO, exigent la maîtrise parfaite d’une des 24 langues de l’Union (niveau C1) ainsi que d’une autre langue au niveau B2 (et C1 pour certains concours)[41].

Dans le double objectif d’accroître le nombre de Français au sein des institutions européennes et de favoriser l’usage de la langue française, il pourrait être possible de :

-         diversifier le recrutement des fonctionnaires européens en prêtant une attention particulière aux candidats maîtrisant au moins deux langues en sus de l’anglais ;

-         promouvoir beaucoup plus fortement les concours européens auprès des ressortissants français ;

-         favoriser un stage de moyenne durée au sein des institutions européennes pour l’ensemble des élèves fonctionnaires français ;

-         améliorer le suivi des carrières des Français dans les institutions européennes.

2.   Inciter à l’apprentissage du français et des autres langues européennes

Un autre axe majeur consiste à favoriser une montée en puissance des formations au français. Des programmes existent d’ores et déjà, au sein de la Commission européenne, comme dans le cadre du « Programme Millefeuille »[42], renforcé dans la perspective de la présidence française. Il importe de continuer à amplifier ces programmes.

Votre rapporteure veut également souligner qu’à l’exception de la BCE, les institutions européennes ont leurs sièges dans des villes francophones, avec des lycées français très attractifs. Il est primordial de pérenniser voire de renforcer les places dans ces établissements, qui constituent une forte incitation pour les fonctionnaires européens de tous les Etats membres à apprendre le français.

Même si la culture et l’éducation ne sont que des compétences d’appui de l’Union européenne, l’apprentissage des langues européennes doit également être renforcé et diversifié, au travers d’un plan spécifique proposé par la Commission européenne en ce sens. L’anglais a pu asseoir sa domination au détriment des autres langues du fait d’un apprentissage massif en tant que première langue étrangère.

3.   Saisir l’occasion de la présidence française du Conseil

Au-delà de ces propositions qu’il faut soutenir et amplifier, la prochaine présidence française du Conseil de l’Union européenne est une occasion majeure pour promouvoir l’usage du français et le multilinguisme. Pour cela, certaines actions concrètes s’imposent :

-         favoriser la rédaction de documents préparatoires en français ;

-         demander que les réunions informelles se déroulent en français, en proposant des services de traduction au moins en anglais ;

-         faire en sorte que le site internet de la présidence française favorise une lecture initiale des articles en français ;

-         proposer aux commissaires européens francophones de s’exprimer en français durant les réunions du Conseil.

4.   Garantir une traduction et une interprétation efficaces

La protection du multilinguisme nécessite un investissement budgétaire. Il implique en effet un allongement de certains délais, notamment des procédures législatives, et un budget conséquent.[43] À ce titre, l’Union européenne doit, par l’intermédiaire de toutes ses institutions, garantir un budget constant pour la traduction.

En outre, il importe de continuer à investir dans les innovations technologiques en matière de traduction. Des améliorations considérables sont déjà constatées, mais il faut aller plus loin et les institutions européennes devraient prêter une attention particulière à cet enjeu.  

5.   S’assurer du respect des règles liées au multilinguisme

Les règles liées au multilinguisme sont insuffisamment suivies. Il faut, pour y remédier, garantir que la communication avec les citoyens fasse l’objet d’un multilinguisme intégral. Or, ce n’est pas le cas aujourd’hui, en particulier en ce qui concerne les documents préparatoires (livres blancs) ou certaines pages Internet de certaines institutions.[44] Pour y remédier, une première solution pourrait être de prescrire aux commissaires européens de s’exprimer dans leurs langues (et non en anglais comme cela est le cas aujourd’hui par habitude), en particulier lorsqu’ils s’adressent à un public.[45] On veillera également à la signalétique multilingue des bâtiments et des réunions, afin que le paysage linguistique reflète également cette diversité européenne.

Au niveau parlementaire, l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) réalise un travail crucial pour faire connaître et promouvoir l’apprentissage et l’utilisation du français. En 2019, l’APF a notamment réalisé un important rapport sur la place du français dans les institutions européennes.[46] Les relations entre l’AFP et les institutions européennes, en particulier le Parlement européen, pourraient être renforcées, dans le but de favoriser une attention particulière à l’utilisation du français.

Il pourrait également être judicieux de dédier une équipe au dispositif de veille, d’alerte et d’action en faveur de la langue française au sein des institutions européennes afin que le maximum d’aspects et de secteurs soient couverts (les réunions, les publications, les événements, etc.). Plus largement, il pourrait être pertinent de créer un observatoire européen du multilinguisme[47], chargé de s’assurer du respect du règlement 1/58.

 


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   Conclusion

La résolution européenne n°4077 de M. Aubert et plusieurs de ses collègues, qui préconise de faire du français la langue unique de travail des institutions européennes, apparaît comme une résolution d’appel à la réflexion et à l’action. La proposition de résolution européenne n°4223 de M. Brun et plusieurs de ses collègues demande, quant à elle, à faire que, lors de la prochaine présidence française du Conseil de l’Union européenne, au premier semestre 2022, la promotion et le renforcement du multilinguisme constituent un enjeu central.

En effet, la domination de l’anglais dans les institutions européennes, constatée et largement documentée depuis les années 1990, constitue une violation d’une valeur fondamentale sur laquelle l’Union européenne se fonde : le multilinguisme. Si elle n’est pas irrémédiable, cette situation désormais ancienne a des causes bien identifiées : la diminution ou la stagnation des budgets alloués aux services d’interprétation, la massification de l’apprentissage de l’anglais dans les États membres, la nécessité pratique de dialoguer dans une langue commune et les élargissements successifs qui ont réduit le nombre d’États membres dont les ressortissants ont une connaissance suffisante du français.

Pour faire face à ce constat inquiétant, il n’est pas réaliste de promouvoir un autre monolinguisme, fondé sur un usage du seul français. En effet, il ne serait pas envisageable de remplacer la domination d’une langue par une autre. La défense du français dans les institutions européennes, qui constitue un combat majeur pour les autorités nationales, doit passer par une promotion du multilinguisme.

C’est pourquoi votre rapporteure propose des mesures qui visent à changer non pas le droit, déjà suffisamment protecteur de la diversité linguistique, mais plutôt certaines pratiques. Il s’agit en effet d’accroître le nombre de ressortissants français présents dans les institutions européennes et de systématiser une offre massive de cours de français pour l’ensemble des fonctionnaires européens qui le souhaitent. La formation est indispensable pour s’assurer qu’un nombre plus important d’agents européens maitriseront la langue française et pourront concrètement l’utiliser dans leur travail.

Ensuite, votre rapporteure considère qu’il faut faire de la future présidence française du Conseil de l’Union européenne au premier semestre de l’année 2022 une occasion majeure pour sensibiliser à ce sujet et s’assurer d’une pratique plus importante du français, en particulier au sein du Conseil. De plus, des actions spécifiques s’imposent en ce qui concerne les services de traduction et d’interprétation.

Enfin, votre rapporteure souhaite alerter sur le fait que le combat pour la place du français dans les institutions européennes ne doit pas apparaître comme un plaidoyer pro domo. Il faut, au contraire, montrer que la revalorisation du français s’inscrit dans le cadre de la préservation de toutes les langues officielles, joyaux culturels du continent et valeur fondatrice de l’Union européenne.


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   travaux de la COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 6 octobre 2021, sous la présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.

 

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Nous passons à l’examen, sur le rapport de notre collègue Aude Bono-Vandorme de deux résolutions : l’une de Fabrice Brun et plusieurs de ses collègues visant à favoriser l’utilisation de la langue française dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne ; l’autre de Julien Aubert et plusieurs de ses collègues visant à faire du français l’unique langue de travail de l’Union européenne.

Nous procéderons à cette discussion en présence de membres du groupe de travail constitué par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères sur l’usage du français au sein des institutions européennes. Est ainsi présent M. Christian Lequesne, président du groupe de travail sur la Francophonie et le multilinguisme au sein des institutions européennes, expert reconnu de l’Union européenne, professeur de science politique à Sciences Po et ancien directeur du Centre d'études et de recherches internationales (CERI). M. Gaël de Maisonneuve, délégué aux affaires francophones du ministère des Affaires étrangères est également présent. Enfin, Mme Michaela Wiegel, journaliste allemande francophone et Mme Olga Cosmidou, ancienne directrice générale de l’interprétation et des conférences au Parlement européen assistent à notre réunion à distance.

Comme nous l’avions précédemment fait lors de l’examen de propositions de résolution sur les questions agricoles, notre rapporteure va soumettre à notre examen une proposition de résolution qui est la synthèse des deux propositions de résolution déposées par nos collègues Fabrice Brun et Julien Aubert sur le sujet. Cette procédure simplifie le déroulement de nos travaux tout en nous évitant de devoir rejeter l’une ou l’autre des propositions de résolution déposées par nos collègues puisqu’il ne saurait bien entendu être question pour notre commission d’adopter deux textes sur le même sujet.

Mme Aude BonoVandorme, rapporteure. J’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui le résultat des travaux que j’ai conduits, en collaboration avec Julien Aubert, sur l’usage de la langue française dans les institutions européennes.

Notre commission a été saisie, en avril et juin derniers, de deux propositions de résolutions européennes déposées par Julien Aubert et Fabrice Brun et cosignées par plusieurs de nos collègues. Ces deux résolutions portent sur des objectifs différents mais ont toutes les deux pour ambition de remédier au recul de l’usage du français dans les institutions européennes. La résolution de M. Aubert propose de « faire du français la langue unique de travail des institutions européennes », en particulier à la suite du Brexit. La seconde résolution, celle de M. Brun, demande, quant à elle, à favoriser l’usage du français dans le cadre de la prochaine présidence française du Conseil.

Ces deux résolutions appellent clairement à l’action sur un sujet connu de longue date : la place du multilinguisme dans l’Union européenne.

Je remercie pour leur présence M. Gaël de Maisonneuve, délégué aux affaires francophones du quai d’Orsay, et M. Christian Lequesne, chercheur, spécialiste des sujets européens, qui a coordonné le groupe de travail dédié à ce sujet en prévision de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.

Le multilinguisme est une valeur fondamentale de l’Union européenne, inscrite dans les traités et dans la Charte des droits fondamentaux. Surtout, le premier règlement européen jamais adopté, numéro 1/58, a permis de fixer le régime linguistique européen. Il définit les langues officielles de l’Union, dont seul le nombre a été mécaniquement adapté lors des élargissements successifs.

Désormais, les 24 langues officielles constituent les langues de travail des institutions européennes. Il s’agit là d’un principe fondamental : c’est dans ces 24 langues que les institutions doivent s’adresser aux citoyens européens et que les textes doivent être rédigés ou traduits. Toutefois, afin de permettre une communication plus fluide, les institutions ont fixé des régimes de langues dites « procédurales » dont le nombre est plus restreint. Ce système ne repose sur aucun fondement juridique précis. Ainsi, la Commission européenne, selon une règle non écrite, travaille en trois langues : l’anglais, le français et l’allemand.

Au sein du Conseil, les réunions ministérielles se font dans toutes les langues officielles et le COREPER se déroule dans un régime trilingue en français, anglais et allemand. Les groupes de travail du Conseil disposent de régimes différents, certains ayant une interprétation dans toutes les langues et d’autres se faisant sans interprétation.

La Cour de justice de l’Union européenne rend, quant à elle, ses délibérés en français uniquement, selon une règle qui n’est pas gravée dans les textes. Enfin, au Parlement européen, le multilinguisme est mieux respecté pour garantir la transparence de ses travaux et assurer leur accessibilité à tous les citoyens européens.

Ces règles étant posées, la situation du multilinguisme en Europe est loin d’être idéale, comme le soulignent les auteurs des propositions de résolution. On constate en effet, depuis le milieu des années 1990, un recul sans précédent de l’utilisation du français et, parallèlement, de la plupart des langues officielles, au profit de l’anglais.

Ainsi, en ce qui concerne la Commission européenne, en 2019, seulement 3,7 % des documents envoyés pour traduction avaient le français comme langue source, contre 85,5 % pour l’anglais. En 1999, la proportion de documents initialement rédigés en français était encore de 34 %.

Le même problème se retrouve au sein du Conseil, où à peine 2 % des documents étaient rédigés en français en 2018, contre 95 % en anglais. Dans ce panorama, seul le Parlement européen fait figure d’exception, puisque 11 % des documents sont encore produits en français. Vous trouverez en page 13 du rapport un tableau qui résume ces éléments.

Comment expliquer cette situation ? D’abord, les budgets alloués à la traduction ne cessent de baisser depuis 2010. Au total, la traduction et l’interprétation dans toutes les institutions européennes représentent moins de 1 % du budget annuel de l’Union, soit à peine deux euros par personne et par an.

Ensuite, les différents élargissements ont fortement favorisé l’anglais, souvent mieux maitrisé que le français ou l’allemand par les ressortissants des nouveaux États membres, en particulier Scandinaves, Baltes ou est-Européens.

De plus, l’apprentissage du français et de l’allemand comme première langue vivante n’a cessé de reculer au sein de l’Union. Aujourd’hui, l’anglais est appris par 17 millions d’élèves dans le secondaire, contre moins de 5 millions pour le français et à peine 3 millions pour l’allemand.

La crise du COVID n’a pas amélioré la situation, puisque dans un premier temps, les réunions en visioconférence se faisaient sans traduction, avant que la France n’exige qu’une solution soit trouvée. Enfin, le nouveau Parquet européen, mis en place depuis juin 2021, a décidé que l’anglais serait sa seule langue de travail.

Il y a donc urgence à agir.  Pour cela, j’ai travaillé, en étroite coopération avec les auteurs des deux PPRE, à une résolution de synthèse, qui permette de formuler des recommandations réalistes et ambitieuses.

Cinq axes de travail ont été définis. 

Les auditions menées ont d’abord montré à quel point il est crucial de revaloriser les concours européens, afin de permettre à un plus grand nombre de ressortissants francophones d’intégrer les institutions européennes. Ces concours, encore peu connus, nécessitent la maîtrise parfaite de l’une des 24 langues de l’Union (niveau C1) ainsi que d’une autre langue, au niveau B2 ou C1 selon les concours.

Il paraît donc nécessaire de diversifier le recrutement des fonctionnaires européens, en prêtant une attention particulière aux candidats maîtrisant au moins deux langues à l’exception de l’anglais. Cela permettra de valoriser les candidats ayant une maîtrise de langues moins pratiquées dans les institutions européennes. Cela obligera aussi les différents services administratifs à ne pas utiliser automatiquement l’anglais comme langue de travail.

Il faut aussi promouvoir beaucoup plus fortement ces concours auprès des ressortissants français et inciter à des stages au sein des institutions européennes pour l’ensemble des élèves fonctionnaires français. En 2020, sur 27 000 candidats aux concours européens, à peine 2 000 étaient français ! Compte tenu du poids démographique de la France au sein de l’Union européenne, cette situation n’est pas acceptable. Il est donc urgent qu’une promotion massive en soit faite auprès du public français, et en particulier des étudiants.

Second axe de travail : l’apprentissage du français et de toutes les langues européennes. Il faut remédier à la domination sans partage de l’anglais dans les langues apprises par les jeunes européens, au risque de voir la situation empirer.

Pour cela, il faudrait d’abord amplifier les programmes déjà existants de formation au français pour les fonctionnaires européens. Ces programmes existent déjà et ont été renforcés en amont de la présidence française. La formation la plus importante a pour nom « Millefeuilles » et a été dotée d’un budget de 550 000 euros pour 2021 et 2022. Ces formations doivent être systématisées au-delà de cette période et renforcées dans leurs moyens, afin de permettre de toucher toutes les personnes qui souhaiteraient se former au français.

En outre, un plan de diversification de l’apprentissage des langues doit être demandé à la Commission européenne. Il ne s’agit certes pas d’une compétence de l’Union européenne, mais il pourrait être bénéfique que la Commission fasse un état des lieux plus régulier des langues apprises par les jeunes européens, car le dernier a été réalisé sur des données datant de 2014. La Commission pourrait aussi formuler des recommandations aux États en la matière, dont le Conseil « Éducation, jeunesse, culture et sport » pourrait se saisir.

Troisième axe de travail : la présidence française. Il est clair que le 1er semestre 2022 est une occasion unique pour faire du retour du français une exigence absolue et il faudra que la France soit exemplaire en la matière. Les secrétaires d’État chargés des Affaires européennes et de la Francophonie, Clément Beaune et Jean-Baptiste Lemoyne, se sont engagés dès le mois d’avril dernier, à faire de la présidence française une occasion de « porter haut ce combat vital pour le plurilinguisme ». 

Pour cela, durant cette période, il faudra d’abord favoriser la rédaction de documents préparatoires en français. Il s’agira d’aller à l’encontre de la logique que j’ai décrite il y a quelques minutes et qui fait de l’anglais la langue dans laquelle les documents sont initialement rédigés. Bien entendu, des traductions seront proposées. Mais écrire les textes d’abord en français comporte une dimension symbolique et pratique très forte.

Il faudra aussi que les réunions informelles se déroulent en français, en proposant des services de traduction. En effet, les réunions informelles constituent des moments importants, dans lesquels la traduction n’est souvent pas disponible. L’anglais y domine alors sans partage. La présidence française doit éviter à tout prix cet écueil.

Le site internet de la présidence française devra quant à lui favoriser une lecture initiale en français. Des traductions seront évidemment proposées, mais il ne faut pas que le français soit relégué à une position plus difficile d’accès que l’anglais. Au contraire, le français doit absolument y être mis en valeur.

Enfin, il pourrait être proposé aux commissaires européens francophones de s’exprimer en français durant les réunions du Conseil.

Toutes ces propositions pourront contribuer, à mon sens, à faire de la présidence française une vitrine à la fois de la francophonie mais aussi de la richesse qu’est le multilinguisme pour l’Europe.

Avant dernier axe de travail : les services de traduction. Il importe de garantir un budget constant pour la traduction et d’investir dans les innovations technologiques en la matière, afin d’être le plus efficace possible. Sans budget conséquent pour la traduction et l’interprétation, les règles européennes en matière de multilinguisme resteront lettre morte. Des traductions doivent être proposées dans un maximum de formats de réunion, même de niveau technique. Un meilleur partage des coûts entre les institutions européennes et les États membres devrait aussi être envisagé.

Enfin, dernier axe de travail : le respect des règles du multilinguisme. Le rapport adossé à la proposition de résolution européenne qui vous est soumise montre à quel point le droit protège, en théorie, le multilinguisme. Mais il souligne aussi à quel point ces règles sont aujourd’hui mises à mal par une pratique qui tarit le multilinguisme au profit d’un d’anglais peu littéraire. Il importe désormais de trouver les moyens de mieux faire respecter ces règles.

Pour cela, il faudrait d’abord que les commissaires européens montrent l’exemple, en ayant pour consigne, dans les conférences de presse notamment, de s’adresser au public dans leur langue d’origine et non pas systématiquement en anglais, comme c’est le cas aujourd’hui.

Il pourrait aussi être possible de créer un « observatoire européen du multilinguisme », qui serait chargé de s’assurer du respect du règlement 1/58. Il manque en effet une « tour de contrôle » du multilinguisme, qui soit un organe à la fois interne au système européen et en même temps avec une certaine indépendance. La Médiatrice assure déjà en partie ce rôle, mais ne peut évidemment se consacrer à cette question. Un organe pourrait donc être créé pour donner à cet enjeu une plus grande visibilité.

Les deux propositions de résolution soumises à notre commission doivent nous servir d’appel à la vigilance et à l’action, pour endiguer la domination de l’anglais dans les institutions européennes. Elles nous ont servi de base pour préparer une nouvelle proposition de résolution, que je vous soumets. Pour faire face à la domination de l’anglais dans les institutions européennes, il ne serait pas réaliste de promouvoir un autre monolinguisme, fondé sur l’usage du seul français. En effet, il ne faut pas remplacer la domination d’une langue par une autre. La défense du français dans les institutions européennes doit passer par une promotion du multilinguisme. Les cinq axes de travail que je vous propose doivent nous permettre de commencer à passer à l’action.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Cette résolution européenne et le rapport qui l’accompagne attirent notre attention sur plusieurs sujets. Je pense en particulier à la question de la représentation du français au sein des institutions européennes, de l’administration européenne. Des États membres comme l’Allemagne ont su investir ces postes, peut-être peu visibles mais pourtant clés. La France gagnerait à suivre cette voie afin de mieux promouvoir notre langue, nos intérêts, notre vision.

De même, je suis convaincue que le multilinguisme est une richesse et non une faiblesse pour l’Union. Penser dans deux langues qui ont des structures différentes peut changer la logique de la pensée. Recourir à une autre logique permet d’approcher les problèmes d’une autre manière et trouver des solutions alternatives, peut-être plus innovantes. Connaître l’autre passe par la langue, par une autre logique, d’une connaissance de son histoire, de sa culture qui se reflètent dans la langue.

Nous devons être nuancés dans notre approche. La Présidence française de l’Union doit être l’occasion de promouvoir le français et le multilinguisme. Je crois même que l’anglais perd de sa richesse lorsqu’il est utilisé comme langue de dernier recours lors des échanges internationaux.

M. Christian Lequesne, président du groupe de travail sur la Francophonie et le multilinguisme au sein des institutions européennes. Bien des points que vous évoquez convergent avec le rapport que je remettrai aux deux secrétaires d’État des affaires européennes et de la francophonie le 20 octobre prochain. Je voudrais saluer votre initiative, dans le cadre de la préparation de la présidence française. Il y a eu une volonté de faire appel à une expertise extérieure de la société. Cette démarche pourrait être développée davantage dans notre pays.

Le rapport que notre groupe présentera comporte vingt-six recommandations opérationnelles. Avant de vous exposer les points importants, je dois souligner que vous avez mentionné des points qui nous semblent essentiels. Je pense par exemple au lien entre la diversité linguistique et la citoyenneté. N’oublions pas que la diversité linguistique fait partie de la citoyenneté européenne. Dès lors, dans un monde où nous avons cette coupure entre les élites et le peuple, exploitée politiquement, il ne faut pas oublier que la diversité linguistique a une signification pour les peuples.

De la même manière, vous avez dit qu’il ne fallait pas remplacer un monolinguisme par un autre. Notre groupe partage cette approche. La promotion du français passe par la promotion de la diversité linguistique. Le travail d’auditions et d’entretiens que j’ai mené montre que cette préoccupation de la diversité linguistique est réelle chez nos voisins espagnols, italiens mais aussi polonais.

J’ai récemment eu l’occasion d’assister à un colloque en Allemagne sur les langues romanistiques, j’en retiens un grand questionnement sur la diversité linguistique et des inquiétudes sur la baisse de l’enseignement de ces langues. Nous trouvons l’équivalent en France avec la diminution de l’enseignement de l’allemand.

Concernant nos recommandations, elles se divisent en deux groupes. D’un côté, celles qui évoquent un renouveau du multilinguisme dans l’Union européenne et de l’autre, des recommandations pour améliorer l’environnement multilingue au niveau européen.

Le premier groupe de recommandations relève de nombreux points que vous avez mis en avant. Nous pensons qu’il ne faut pas réviser le règlement 1/58 : il garantit le multilinguisme. La pratique déroge au droit dans les faits. En outre, une révision suppose l’unanimité, ce qui complique sa mise en œuvre. Nous demandons à ce que la Commission européenne commence par produire un rapport annuel sur la pratique du multilinguisme, cela nous permettrait d’avoir des éléments quantifiés car nous manquons de données. Nous sommes d’accord avec la systématisation de l’interprétation d’autant que des équipes performantes de traducteurs sont installées à Bruxelles. Nous constatons aussi une baisse des budgets. Certains États membres ne sont pas favorables à la relance du multilinguisme pour éviter une hausse du budget.

Aujourd’hui plus de 85 % des documents produits par les institutions européennes sont en anglais, nous pourrions envisager une limite de 50 %. Nous proposons de systématiser une troisième langue au concours européen. J’ai bien noté les difficultés que vous évoquez pour les Français dans le cadre des concours européens. Nous ne sommes pas les seuls à rencontrer des difficultés : la Tchéquie par exemple a soulevé les mêmes interrogations concernant les concours, qui sont en outre extrêmement sélectifs.

La Cour de justice, de son côté, reste fidèle à la langue française mais de grands débats existent sur le bilinguisme pour la langue de délibéré. Ma crainte est que l’anglais finisse par s’imposer. Les juges que nous avons auditionnés demandent des formations renforcées sur le français juridique. À mon sens, les universités françaises pourraient le fournir.

Enfin, il y a un vrai enjeu à mieux exploiter le potentiel de l’intelligence artificielle. Elle pourrait faciliter l’information des citoyens dans leur langue lorsqu’ils se rendent sur les sites internet des institutions européens. Un outil existe déjà, nommé e-translation, nous portons une réflexion pour améliorer sa performance. Les start-up européennes pourraient par exemple y contribuer.

La deuxième partie, sur l’environnement multilingue, peut être résumée en trois points. Le premier consiste à promouvoir la recommandation du Conseil des ministres de l’éducation sur l’apprentissage obligatoire de deux langues vivantes durant la scolarité, en plus de la langue maternelle. Actuellement, seulement 11 États sur 27 en ont fait une obligation. Par ailleurs, il faut concrétiser les engagements de soutien à la langue partenaire prévus par le traité sur la coopération et l'intégration franco-allemandes d'Aix-la-Chapelle. Enfin, il nous paraît très important de réaffirmer l’importance, pour les États membres, d’investir dans l’apprentissage des langues étrangères dès la petite enfance. Citons notamment le « Plan français » lancé en Sarre par Mme Kramp-Karrenbauer, qui consiste à introduire l’apprentissage du français en jardin d’enfants.

Pour terminer, nous pourrions faire des efforts particuliers dans les zones frontalières. Aujourd’hui, il n’y a plus que 25 % des élèves du Bade-Wurtemberg qui apprennent le français, tandis que l’apprentissage de l’allemand diminue drastiquement en Alsace et en Moselle malgré la proximité du marché du travail allemand.

M. Gaël de Maisonneuve, délégué aux affaires francophones du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Nous sommes heureux de cette proposition de résolution commune qui montre une énergie positive de défense et de valorisation, plutôt qu’une approche passéiste. Nos remarques sur le texte sont plutôt techniques mais suivent trois axes.

Le premier point porte sur l’interprétation et la traduction, techniques qui doivent être distinguées mais dont l’apport est majeur. Le deuxième point porte sur les nouvelles technologies, parfois décriées mais qui doivent au contraire voir leur accès facilité. Dans le cadre de la présidence française de l’Union, des expérimentations sont conduites avec des jeunes pousses françaises de nouveaux dispositifs qui pourraient se développer en lien avec ce que fait la Commission européenne. Enfin, nous avons voulu préciser la question de la veille. Il existe déjà un dispositif de veille français en lien avec les parlementaires européens et avec l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). La secrétaire générale, Louise Mushikiwabo, a relancé un dispositif de veille active pour signaler tous les manquements dans les organisations internationales et notamment dans les institutions européennes. Notre représentant permanent à Bruxelles écrit systématiquement aux institutions qui ne respectent pas le plurilinguisme.

Le Gouvernement se saisira de ce sujet prochainement. Des propositions seront soumises durant la présidence française, sur le plurilinguisme des individus comme des institutions. Au niveau de la délégation aux affaires francophones du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, nous accompagnerons ces recommandations dans le cadre de la francophonie multilatérale : l’OIF, mais aussi l’Agence universitaire de la francophonie, qui peut notamment accompagner la refonte des concours européens pour avoir plus de candidats francophones.

Mme Liliana Tanguy. Le multilinguisme est une valeur fondamentale de l’Union européenne. La préservation des langues est fondamentale pour garantir l’union dans la diversité, car chaque citoyen européen a droit à la reconnaissance de sa langue maternelle. La domination croissante de l’anglais nous oblige à réagir en faveur du multilinguisme à travers la promotion du français. C’est mon engagement personnel quand je suis en situation de représenter notre commission. La défense du français est une cause importante pour la représentation nationale et le groupe LaREM.

À l’occasion de mon rapport d’observation sur le Parquet européen, j’avais également relevé le fait que cette institution ne s’exprime qu’en anglais alors qu’aucun des États participant n’est principalement anglophone. La procureure générale et le procureur français avaient tous deux évoqué les difficultés liées aux délais de traduction, aux coûts et à la difficulté de recruter des candidats à la fois opérationnels et multilingues.

Votre proposition de créer un observatoire européen du multilinguisme me semble particulièrement intéressante car elle permettrait d’encourager la protection des langues européennes. Je souhaite apporter mon soutien à votre proposition de résolution.

Dans le cadre de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, j’ai constaté que la traduction n’était pas systématique disponible sur la plateforme qui centralise les contributions soumises par les citoyens. Avez-vous pu aborder ce problème, et plus largement la thématique des travaux organisés dans le cadre de la Conférence ? 

M. Fabrice Brun. La présidence française de l’Union européenne présente de nombreux enjeux : taxe sur les transactions financières, aide au développement, taxe carbone… Les défis globaux ne manquent pas pour une Europe qui protège. Certaines mesures peuvent paraître symboliques mais sont pleines de sens. Proposer le français comme langue officielle en fait partie. Cette idée a été enrichie et nuancée par le travail, important, de la rapporteure, que je remercie pour cette collaboration.

Le recul de la langue française dans les institutions européennes n’est pas nouveau. Il y a du travail et il y a urgence à agir. Vous avez insisté, madame la rapporteure, sur les actions en direction des étudiants ; je crois que c’est particulièrement important. C’est une clé de la représentation de notre culture et de notre façon de voir l’Europe et la société.

M. Julien Aubert. Ma proposition de résolution européenne a débuté sur un fait curieux : après le Brexit, l’Union européenne utilisait la langue anglaise alors que parmi les 24 langues officielles, plus aucun pays n’avait l’anglais comme seule langue officielle. En ce qui concerne Malte et l’Irlande, il faut préciser que l’anglais n’est pas la seule langue officielle car le maltais et l’irlandais sont également des langues officielles. Ces pays avaient la possibilité de garder l’une de leurs deux langues sans passer par l’anglais. Les auditions réalisées nous ont conduits à évoluer sur notre position car la proposition de faire du français la seule langue officielle était un « produit d’appel ». Un appauvrissement culturel majeur est en train de se produire parce que la langue est une richesse. Je l’ai vu en tant qu’auditeur au sein de l’Organisation des Nations unies. J’ai constaté comment au nom de l’efficacité nous avions sacrifié le multilinguisme. Cela a débouché sur une Direction de l’interprétariat et de la traduction composée uniquement de traducteurs ayant l’anglais pour langue maternelle. De ce fait, une institution qui parle au monde, produisait des rapports sur les violences faites aux femmes publiés uniquement en anglais.

La diversité linguistique est une complexité. La simplification au nom de l’utilité conduit à une Conférence sur l’avenir de l’Europe ouverte à tous les citoyens mais qui est un appauvrissement car elle leur parle dans une langue qui n’est pas forcément compréhensible pour eux. Il s’agit également d’un problème d’identité européenne car l’identité de l’Union européenne comprend le multilinguisme. De plus, l’anglais utilisé dans les institutions européennes n’est pas l’anglais utilisé en Grande-Bretagne. C’est le langage de la mondialisation et la raison pour laquelle les étudiants n’apprennent pas le français ou l’allemand, c’est peut-être parce que la jeune génération rêve davantage de Tokyo, de Brasilia ou de New-York que de Berlin, de Barcelone ou de Paris. L’horizon a changé avec la nouvelle génération et nous avons besoin que la nécessité de langue coïncide avec le besoin d’Europe. La langue est également un véhicule de culture et de pensée, de droit et de concept. Je me souviens d’un mot qui était utilisé aux Nations Unies et que je n’ai pas pu traduire, gender mainstreaming. Dans le dictionnaire publié par les Nations Unies dans toutes les langues, le gender mainstreaming signifie « politique sexo-spécifique », ce qui en français ne veut rien dire. Le problème est qu’un concept intellectuel et politique, pensé dans une langue, ne résonne pas dans le milieu culturel de ces voisins. Nous avons le même problème au sein de l’Union européenne avec le service public. Ce concept traduit dans les autres langues ne donne pas exactement la même chose.

Pour ces raisons, la France ne doit pas hésiter à oser son langage. En effet, il y a trop souvent une forme de défaitisme intériorisé des Français qui ne sont pas forcément les premiers à défendre leur langue. Ce sont plutôt des Belges, des Luxembourgeois, des Allemands ou des Grecs qui nous rappellent que notre langue est belle et qu’elle mérite d’être défendue. La langue est aussi le reflet d’un rapport de force et de sa propre influence car c’est un véhicule de puissance.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Au sein du Mouvement démocrate la protection de la diversité linguistique nous tient particulièrement à cœur. Cela est vrai également pour les institutions européennes qui sont soumises à une influence de plus en plus importante de l’anglais. Le contexte dans lequel se déroulera la Présidence française de l’Union européenne sera marqué par le Brexit dont les conséquences continueront d’occuper une place importante dans l’actualité. Sur le plan linguistique, l’organisation de la Présidence française de l’Union européenne sera l’occasion de renouer avec la valeur du multilinguisme qui jouit d’une protection inscrite dans le droit de l’Union mais qui est souvent mal appliquée. Les observations que vous faites sur les régimes linguistiques dans certains organismes qui favorisent largement l’anglais sont également vraies pour des institutions comme le Service européen pour l’action extérieure, la Banque centrale européenne ou le Parquet européen sont édifiantes.

La langue n’est pas un simple outil de communication neutre. Au sein des organisations internationales et des institutions européennes, elle véhicule des valeurs ainsi qu’une culture politique et juridique. Elle est donc aussi un vecteur d’influence. Au vu du recul de la pratique du français et du multilinguisme en général au sein de l’Union européenne, vos propositions pour promouvoir le français et la diversité linguistique à l’échelle de l’Union vont dans le bon sens car elles sont mesurées et pragmatiques. Il ne peut pas s’agir de remplacer un monolinguisme par un autre. Il faut que la défense de l’usage de la langue française s’insère dans une promotion plus globale du multilinguisme.

Nous saluons les préconisations très concrètes de la résolution. Certaines d’entre elles, comme le renforcement de la visibilité des concours européens, la promotion des stages dans les institutions européennes pour les élèves fonctionnaires français ou le soutien aux lycées français à l’étranger auront un effet bénéfique au-delà de la promotion de la langue française et du plurilinguisme. Ces mesures représentent également un investissement important dans l’éducation et la mobilité qui sont indispensables pour approcher l’Europe des citoyens. Contenu de ces éléments, le groupe Démocrate et apparentés est favorable à votre proposition de résolution.

M. Thierry Michels. La devise de l’Union européenne est « unis dans la diversité » et cette diversité passe par celle des langues. Elle est le contraire de l’homogénéité, de l’uniformisation et de la domination d’une langue par une autre. Vous connaissez notre combat pour la défense du siège de Strasbourg, capitale européenne. L’idée est ici la même. En portant ce combat, nous nous battons pour une Europe des peuples, une Europe qui associe tous les citoyens et non pas une Europe technocratique.

J’ai deux questions pour nos intervenants : d’abord, quels sont les moyens modernes disponibles pour faire des traductions automatiques ? J’ai également noté votre alerte sur la baisse de l’apprentissage de la langue du voisin. C’est un problème en Alsace mais aussi dans d’autres régions et vous avez raison de dire que nous nous privons de certaines opportunités. Ensuite, quels seraient les axes prioritaires à privilégier pour donner envie à nos concitoyens d’apprendre la culture de l’autre au travers de l’apprentissage de la langue et comment la Conférence sur l’avenir de l’Europe peut-elle contribuer à ce débat ?

Mme Christine Hennion. Comme M. Aubert qui a cité cette traduction de certains termes qui peuvent nous paraître complètement incompréhensibles, l’une de nos premières remarques que nous pouvons faire au moment d’examiner le texte du « Digital market Act » concerne la mauvaise qualité de la traduction et les incompréhensions qu’elle apportait. Est-ce que vous avez abordé aussi la question de la qualité de la traduction et des compétences des traducteurs ? Il ne suffit pas d’avoir des compétences linguistiques mais aussi des compétences en droit et connexes.

Mme Dominique Bilde, députée européenne. Je constate également au Parlement européen que la situation n’est pas satisfaisante. Les rapports publiés uniquement en anglais, du moins initialement, et qui arrivent très tardivement posent aussi un véritable problème. Les négociations informelles se font sur des textes qui sont rarement traduits ou des missions à l’étranger sans interprétation.

J’aurais voulu revenir sur un point qui n’est pas abordé dans votre résolution mais qui me semble crucial s’agissant de l’apprentissage des langues, celle du programme Erasmus. Est-ce qu’il ne serait pas nécessaire de rendre obligatoire l’apprentissage de la langue du pays d’accueil ?

Par ailleurs, il y avait une rumeur qui circulait en 2018 et qui concernait le changement de la langue de délibéré de la Cour de Justice de l’Union européenne pour introduire l’anglais au lieu du seul français. Quel est l’état d’avancement de ce dossier ?

Mme Michaela Wiegel, journaliste allemande francophone. L’essentiel ayant été dit, je me contenterai de suggérer de faire de ce rapport un laboratoire de la coopération franco-allemande pour la mise en œuvre de ses recommandations. La situation me semble idéale avec la formation en cours d’un nouveau gouvernement en Allemagne. Je rappelle quand même cette incongruité que le traité d’Aix-la-Chapelle a été élaboré en anglais.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Je précise que l’accord parlementaire franco‑allemand a, lui, bien été élaboré dans les deux langues.

Mme Olga Cosmidou ancienne directrice générale de l’interprétation et des conférences au Parlement européen. Une langue n’est pas seulement un moyen de communication mais porte également en elle ses propres concepts. En d’autres termes, s’il n’y a qu’une seule langue, ce sont ses concepts qui prévaudront. De plus, Eurostat nous apprend que 70 % des citoyens européens ne comprennent pas ou pas bien l’anglais. S’en tenir à la seule langue anglaise est donc antidémocratique et contre-productif puisque l’Union européenne dépense beaucoup d’argent pour faire connaître les intérêts et réalisations, mais sans utiliser la langue de la majorité des citoyens européens.

Le Brexit a laissé un trou dans le budget européen et obligé les institutions européennes à faire des économies, lesquelles ont commencé par le plus facile : les dépenses de traduction. Ce n’est pas tolérable pour les citoyens européens ni même légal car en contradiction avec les règles européennes sur le multilinguisme. Toutefois, il est difficile de changer les choses. La présidence française peut permettre certains progrès mais c’est un travail de longue haleine car il s’agit de renverser une situation bien établie. 

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. Pour répondre à Mme Liliana Tanguy, la Conférence sur l’avenir de l’Europe se heurte malheureusement aux réalités budgétaires. Il est par ailleurs vrai, comme vous l’avez dit, que la langue de travail du parquet européen est l’anglais, bien que cette institution soit, comme toutes les autres, soumise aux règles européennes en matière de multilinguisme. Quant à la BCE, le fait qu’elle ne soit pas installée dans une bille francophone n’aide évidemment pas la cause du français.

Pour répondre à Mme Deprez-Audebert, nous avons travaillé ensemble sur le programme Erasmus. Il faut que les jeunes s’impliquent dans les langues étrangères. Erasmus, qui est un beau programme, peut les y aider.

M. Christian Lequesne, président du groupe de travail sur la Francophonie et le multilinguisme au sein des institutions européennes. Pour répondre à M. Thierry Michels, les moyens technologiques à disposition aujourd’hui ont fait énormément de progrès mais essentiellement pour la traduction écrite ; pour l’interprétation orale, celle-ci reste tributaire des compétences humaines. De même, malgré ces progrès, la traduction écrite ne peut pas encore se passer de l’intervention humaine, ce qui a des conséquences sur le métier de traducteur. En effet, à l’écrit, celui-ci devient de plus en plus un métier de réviseur. Les institutions européennes doivent donc réfléchir à leur politique en matière de ressources humaines, afin de recruter des linguistes qui aient cette capacité à revoir les textes et à les formater dans une langue convenable. 

Une des forces de l’anglais, outre son rayonnement mondial, est que cette langue a réussi à s’imposer en donnant l’impression qu’un niveau moyen suffit à l’utiliser. Elle a laissé de côté le perfectionnisme qui est à mon sens l’un des préjugés défavorables au français et à l’allemand. Nombreux sont ceux qui croient, notamment les jeunes, qu’il faut maîtriser parfaitement ces langues, ce qui est décourageant.

S’agissant de l’Alsace et des zones frontalières, les jumelages avec des villes allemandes constituent un élément essentiel et positif. Sur ce point, même si la France n’a pas ratifié la charte européenne des langues régionales, il est possible de se retrouver entre français et allemand autour des langues régionales, par exemple l’alsacien et l’allemand alémanique. Il y aurait une réflexion à mener pour promouvoir nos deux langues autour de cet héritage commun que sont les langues régionales.

Je partage idée que la langue n’est pas seulement un instrument utilitaire mais pour promouvoir l’allemand, insister sur les opportunités professionnelles en Allemagne est un argument qui peut facilement être entendu. 

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. Pour répondre à Mme Hennion sur la qualité des traducteurs, il me semble difficile de faire des généralités. Mme Bilde, vous parlez de l’obligation de maîtriser la langue du pays d’accueil dans le cadre des échanges Erasmus. En réalité, cela me semble aller de soi après plusieurs mois dans le pays.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Pour répondre à Mme Wiegel, c’est bien l’objectif de l’Assemblée parlementaire franco-allemande que de renforcer la coopération entre la France et l’Allemagne.

En matière d’apprentissage des langues, il y a des préjugés sur le français mais aussi sur l’allemand, qui est perçu comme réservé aux bons élèves à même de le maîtriser parfaitement. Or, cette exigence de perfection peut être source de blocage pour les élèves français. De même, du côté allemand, le français est perçu comme une langue difficile. Nous devons travailler à enlever, de part et d’autres du Rhin, nos peurs respectives sur la langue de l’autre. 

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. Je reprendrai le mot de la fin de Mme Cosmidou : il faut avancer avec tous les moyens vers l’objectif du multilinguisme. Il y aura des obstacles budgétaires et d’autres, mais les efforts que nous devons mener doivent perdurer, car il faut renverser la tendance. À nous d’œuvrer dans ce sens, c’est notre petite pierre à l’édifice.

 

La commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de résolution européenne.

Article unique

La commission examine l’amendement n°1 de Mme Aude Bono-Vandorme.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure. Cet amendement a été travaillé en lien avec M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Il s’agit d’ajouter un alinéa rédigé ainsi : « Considérant que la langue n’est pas un véhicule neutre et que par conséquent la promotion du multilinguisme est une nécessité ». Cette nécessité n’est pas seulement culturelle, mais il existe bien des concepts pensés dans une langue. Par conséquent, adopter une langue revient aussi importer ses concepts. Il y a un enjeu d’indépendance économique, juridique et culturelle vis-à-vis d’une mondialisation largement anglo-saxonne et développant un certain nombre de concepts qui nous sont parfois étrangers.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’article unique modifié.

La proposition de résolution est donc ainsi adoptée modifiée.

 


—  1  —

   proposition de résolution initiale

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vus les articles 151-4 et 151-5 du règlement de l’Assemblée nationale,

Vus l’article 3 du traité sur l’Union européenne,

Vu l’article 342 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux,

Vu le règlement n°1/58 du 15 avril 1958 portant fixation du régime linguistique de la Communauté européenne, modifié par les règlements n°920/2005 du Conseil du 13 juin 2005, n°1791/2006 du 20 novembre 2006 et n°517/2013 du 13 mai 2013,

Vues les propositions résolutions européennes n°4077 visant à faire du français l’unique langue de travail de l’Union européenne de M. Julien Aubert et plusieurs de ses collègues et n°4223 visant à favoriser l’utilisation de la langue française dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne de janvier à juin 2022 de M. Fabrice Brun et plusieurs de ses collègues,

Considérant que les traités font du multilinguisme l’une des valeurs fondatrices de l’Union européenne,

Considérant qu’à ce titre les 24 langues officielles de l’Union européenne doivent être utilisées par les institutions européennes afin de communiquer efficacement en leur sein, entre elles et avec les citoyens européens,

Considérant que le français fait partie des trois langues les plus enseignées dans l’Union européenne et qu’il bénéficie d’un statut spécifique assurant son utilisation dans de nombreuses organisations internationales,

Considérant que le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne a pour conséquence que les citoyens européens dont la langue maternelle est l’anglais ne comptent désormais plus que pour environ 1,1 % de la population totale de l’Union européenne,

Considérant que l’anglais constitue, depuis les années 1990, la langue la plus utilisée par les institutions européennes (dans une moindre mesure par le Parlement européen et à l’exclusion de la Cour de justice de l’Union européenne), en particulier pour la rédaction des différents documents européens, et que ce phénomène ne cesse de s’aggraver chaque année un peu plus,

Considérant que les budgets européens dédiés à l’interprétation et à la traduction sont en baisse, notamment au sein de la Commission européenne et du Conseil, rendant ainsi de plus en plus difficile de disposer de traduction dans les délais impartis et d’un service d’interprétation pour l’ensemble des réunions européennes,

Considérant que les différents élargissements ont entraîné une réduction certaine de la maîtrise et la pratique de la langue française,

Considérant que le nombre de ressortissants français en tant qu’agents des institutions européennes sera affecté par les départs en retraite et en particulier dans l’encadrement intermédiaire et supérieur,

Considérant que la présidence française du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022 devra être une occasion majeure pour promouvoir le multilinguisme et prendre des actions fortes en vue de mettre un terme à la tendance vers le monolinguisme,

Pour rénover les concours européens et en faire la promotion

1. Propose de diversifier le recrutement des fonctionnaires européens en prêtant une attention particulière aux candidats maitrisant au moins deux langues en dehors de l’anglais,

2. Demande au Gouvernement et aux institutions européennes d’assurer une plus grande promotion auprès du public français des concours de la fonction publique européenne, afin de remédier au départ à la retraite dans les prochaines années d’une part importante de fonctionnaires ayant une pratique courante du français,

3. Suggère de favoriser un stage de moyenne durée au sein des institutions européennes pour l’ensemble des élèves fonctionnaires français,

4. Demande au Gouvernement d’améliorer le suivi des carrières des ressortissants français au sein des institutions européennes,

Pour inciter à l’apprentissage du français et des autres langues européennes

5. Propose de favoriser une forte montée en puissance des formations à la langue française pour les agents des institutions européennes,

6. Met en garde sur la nécessité de pérenniser les investissements publics dans les lycées français, en particulier ceux présents dans les villes qui accueillent des institutions européennes, car il s’agit de vecteurs importants du rayonnement de la langue française,

7. Suggère que la Commission européenne propose un plan dédié au renforcement et à la diversification des langues étrangères apprises au sein de l’Union européenne,

Pour saisir l’occasion de la présidence française du Conseil

8. Souhaite que, durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, l’ensemble des documents émanant de cette institution soient initialement rédigés en français, avant d’être traduits,

9. Estime que le site internet de la future présidence française du Conseil devra favoriser une lecture initiale en français,

10. Juge indispensable que les réunions informelles durant la présidence française se déroulent en français, en proposant un service de traduction,

11. Propose que les commissaires européens francophones s’expriment en français durant les réunions du Conseil sous présidence française,

Pour garantir une traduction et une interprétation efficaces

12. Demande l’augmentation progressive du budget que chaque institution européenne consacre au service de traduction et d’interprétation,

13. Juge indispensable que les institutions européennes augmentent leurs investissements dans le développement et l’accompagnement des innovations technologiques en matière de traduction et d’interprétation,

Pour s’assurer du respect des règles liées au multilinguisme

14. Préconise que, dans leurs relations avec la presse et le public, les commissaires européens s’expriment de préférence dans leurs langues,

15. Demande à veiller à la signalétique multilingue des bâtiments et des réunions, afin que le paysage linguistique reflète également cette diversité européenne,

16. Reste vigilante quant à la mobilisation toujours intensive des services de l’État pour faire respecter le multilinguisme au sein des institutions européennes,

17. Demande la création d’une équipe de fonctionnaires français chargés d’un dispositif de veille, d’alerte et d’action en faveur de la langue française au sein des institutions européennes,

18. Juge indispensable de créer un observatoire européen du multilinguisme chargé de s’assurer du respect du règlement

 


—  1  —

   amendement examiné par la commission

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

6 octobre 2021


Proposition de rÉsolution europÉenne relative À
la promotion du multilinguisme et À l’usage de la langue française
au sein des institutions europÉennes, en particulier durant
la prÉsidence française du Conseil de l’Union europÉenne en 2022

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 13, introduire un nouvel alinéa ainsi rédigé :

« Considérant que la langue n’est pas un véhicule neutre et que par conséquent la promotion du multilinguisme est une nécessité, »

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement a été travaillé en lien avec M. Julien Aubert, auteur de la proposition de résolution européenne n°4077, en cohérence avec le rapport qui y est adossé.

 

 

 

Cet amendent est adopté.


—  1  —

   proposition de rÉsolution européenne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vus les articles 151-4 et 151-5 du règlement de l’Assemblée nationale,

Vus l’article 3 du traité sur l’Union européenne,

Vu l’article 342 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux,

Vu le règlement n°1/58 du 15 avril 1958 portant fixation du régime linguistique de la Communauté européenne, modifié par les règlements n°920/2005 du Conseil du 13 juin 2005, n°1791/2006 du 20 novembre 2006 et n°517/2013 du 13 mai 2013,

Vues les propositions résolutions européennes n°4077 visant à faire du français l’unique langue de travail de l’Union européenne de M. Julien Aubert et plusieurs de ses collègues et n°4223 visant à favoriser l’utilisation de la langue française dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne de janvier à juin 2022 de M. Fabrice Brun et plusieurs de ses collègues,

Considérant que les traités font du multilinguisme l’une des valeurs fondatrices de l’Union européenne,

Considérant qu’à ce titre les 24 langues officielles de l’Union européenne doivent être utilisées par les institutions européennes afin de communiquer efficacement en leur sein, entre elles et avec les citoyens européens,

Considérant que le français fait partie des trois langues les plus enseignées dans l’Union européenne et qu’il bénéficie d’un statut spécifique assurant son utilisation dans de nombreuses organisations internationales,

Considérant que le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne a pour conséquence que les citoyens européens dont la langue maternelle est l’anglais ne comptent désormais plus que pour environ 1,1 % de la population totale de l’Union européenne,

Considérant que l’anglais constitue, depuis les années 1990, la langue la plus utilisée par les institutions européennes (dans une moindre mesure par le Parlement européen et à l’exclusion de la Cour de justice de l’Union européenne), en particulier pour la rédaction des différents documents européens, et que ce phénomène ne cesse de s’aggraver chaque année un peu plus,

Considérant que la langue n’est pas un véhicule neutre et que par conséquent la promotion du multilinguisme est une nécessité,

Considérant que les budgets européens dédiés à l’interprétation et à la traduction sont en baisse, notamment au sein de la Commission européenne et du Conseil, rendant ainsi de plus en plus difficile de disposer de traduction dans les délais impartis et d’un service d’interprétation pour l’ensemble des réunions européennes,

Considérant que les différents élargissements ont entraîné une réduction certaine de la maîtrise et la pratique de la langue française,

Considérant que le nombre de ressortissants français en tant qu’agents des institutions européennes sera affecté par les départs en retraite et en particulier dans l’encadrement intermédiaire et supérieur,

Considérant que la présidence française du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022 devra être une occasion majeure pour promouvoir le multilinguisme et prendre des actions fortes en vue de mettre un terme à la tendance vers le monolinguisme, 

Pour rénover les concours européens et en faire la promotion

1. Propose de diversifier le recrutement des fonctionnaires européens en prêtant une attention particulière aux candidats maitrisant au moins deux langues en dehors de l’anglais,

2. Demande au Gouvernement et aux institutions européennes d’assurer une plus grande promotion auprès du public français des concours de la fonction publique européenne, afin de remédier au départ à la retraite dans les prochaines années d’une part importante de fonctionnaires ayant une pratique courante du français,

3. Suggère de favoriser un stage de moyenne durée au sein des institutions européennes pour l’ensemble des élèves fonctionnaires français,

4. Demande au Gouvernement d’améliorer le suivi des carrières des ressortissants français au sein des institutions européennes,

Pour inciter à l’apprentissage du français et des autres langues européennes

5. Propose de favoriser une forte montée en puissance des formations à la langue française pour les agents des institutions européennes,

6. Met en garde sur la nécessité de pérenniser les investissements publics dans les lycées français, en particulier ceux présents dans les villes qui accueillent des institutions européennes, car il s’agit de vecteurs importants du rayonnement de la langue française,

7. Suggère que la Commission européenne propose un plan dédié au renforcement et à la diversification des langues étrangères apprises au sein de l’Union européenne,

Pour saisir l’occasion de la présidence française du Conseil

8. Souhaite que, durant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, l’ensemble des documents émanant de cette institution soient initialement rédigés en français, avant d’être traduits,

9. Estime que le site internet de la future présidence française du Conseil devra favoriser une lecture initiale en français,

10. Juge indispensable que les réunions informelles durant la présidence française se déroulent en français, en proposant un service de traduction,

11. Propose que les commissaires européens francophones s’expriment en français durant les réunions du Conseil sous présidence française,

Pour garantir une traduction et une interprétation efficaces

12. Demande l’augmentation progressive du budget que chaque institution européenne consacre au service de traduction et d’interprétation,

13. Juge indispensable que les institutions européennes augmentent leurs investissements dans le développement et l’accompagnement des innovations technologiques en matière de traduction et d’interprétation,

Pour s’assurer du respect des règles liées au multilinguisme

14. Préconise que, dans leurs relations avec la presse et le public, les commissaires européens s’expriment de préférence dans leurs langues,

15. Demande à veiller à la signalétique multilingue des bâtiments et des réunions, afin que le paysage linguistique reflète également cette diversité européenne,

16. Reste vigilante quant à la mobilisation toujours intensive des services de l’État pour faire respecter le multilinguisme au sein des institutions européennes,

17. Demande la création d’une équipe de fonctionnaires français chargés d’un dispositif de veille, d’alerte et d’action en faveur de la langue française au sein des institutions européennes,

18. Juge indispensable de créer un observatoire européen du multilinguisme chargé de s’assurer du respect du règlement 1/58.

 

 


—  1  —

   Annexe :
liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 


[1] Derrida, Jacques, Le Monolinguisme de l’autre, Éditions Galilée, 1996 (p. 18), cité dans : Cassin, Barbara, « La langue de l’Europe ? ». Po&sie 2017/2-3, 160-161, 2017.

[2] Source : réponses de l’organisation internationale de la francophonie à votre rapporteure.

[3] Hagège, Claude, Halte à la mort des langues, Odile Jacob, 2000.

[4] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4077_proposition-resolution-europeenne

[5] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4223_proposition-resolution-europeenne

[6] Scheidhauser, Christophe, « Les langues de l’Europe, un régime paradoxalement durable », Langage et société, n°125, 2008/3.

[7] Pingel, Isabelle, « Le régime linguistique de l’Union européenne. Enjeux et perspectives », Revue de l’Union européenne, n°579, juin 2014.

[8] Il n’est pas précisé dans les textes qu’une langue déclarée par un État membre, et intégrée de ce fait au règlement n°1/1958, puisse perdre son statut de langue officielle lorsque l’État qui l’a déclarée se retire de l’Union européenne. Par ailleurs, l’anglais reste l’une des deux langues officielles de l’Irlande et de Malte. Le fait que ces deux Etats n’aient pas déclaré l’anglais comme langue officielle ne semble pas avoir d’incidence sur le statut de langue officielle de l’anglais. En effet, une langue officielle déclarée par un État membre et partagée par d’autres ne semble pas devoir être doublement déclarée. Par analogie, l’Autriche n’a pas déclaré l’allemand comme langue officielle en 1995 lors de son entrée dans l’Union européenne car l’allemand figurait déjà parmi les langues officielles.

[9] 5,5 millions d’habitants pour l’Irlande et Malte réunies, sur un total d’environ 447 millions d’habitants.

[10] Assemblée nationale, rapport d’information déposé par la délégation pour l’Union européenne sur la diversité linguistique dans l’Union européenne et présenté par M. Michel Herbillon, 11 juin 2003.

[11] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/francophonie-et-langue-francaise/actualites-et-evenements-lies-a-la-francophonie-et-a-la-langue-francaise/actualites-et-evenements-2021-lies-a-la-francophonie-et-a-la-langue-francaise/article/francophonie-et-union-europeenne-lancement-d-un-groupe-de-travail-sur-la

[12] Scheidhauser, Christophe, « Les langues de l’Europe, un régime paradoxalement durable », Langage et société, n°125, 2008/3.

[13] Scheidhauser, Christophe, « Les langues de l’Europe, un régime paradoxalement durable », Langage et société, n°125, 2008/3.

[14] Article 217 du traité CEE et 190 du traité CECA.

[15] Les premières langues officielles étaient l’allemand, le français, l’italien et le néerlandais. Se sont ensuite ajoutés le danois et l’anglais (1973), le grec (1981), le portugais et l’espagnol (1986), le suédois et le finlandais (1995), le tchèque, l’estonien, le letton, le lituanien, le hongrois, le maltais, le polonais, le slovaque le slovène (2004), le roumain, le bulgare et l’irlandais (2007) et le croate (2013).

[16] CJUE, 11 décembre 2007, Skoma-Lux, affaire C-161/06.

[17] Pingel, Isabelle, « Le régime linguistique de l’Union européenne. Enjeux et perspectives », Revue de l’Union européenne, n°579, juin 2014.

[18] Timmerman, Virginie, « Quelle(s) langue(s) pour l’Union européenne », Notre-Europe-Institut Delors, 23 septembre 2014.

[19] Scheidhauser, Christophe, « Les langues de l’Europe, un régime paradoxalement durable », Langage et société, n°125, 2008/3.

[20] Conformément à la décision 16/21 du Secrétaire général du Conseil.

[21] Article 29§1 du règlement de procédure de la Cour. La même règle s’applique au Tribunal.

[22] Pingel, Isabelle, « Le régime linguistique de l’Union européenne. Enjeux et perspectives », Revue de l’Union européenne, n°579, juin 2014.

[23] Pingel, Isabelle, « Le régime linguistique de l’Union européenne. Enjeux et perspectives », Revue de l’Union européenne, n°579, juin 2014.

 

[24] https://sgae.gouv.fr/files/live/sites/SGAE/files/contributed/SGAE/01_SGAE/documents/Vade-mecum-Le%20fran%C3%A7aisUE.pdf

[25] L’IFN a pour objectif la formation linguistique au français des relations internationales, la tenue de séminaires de formation techniques, la certification au DFP-RI et la tenue de séjours en immersion pour environ un millier de fonctionnaires et diplomates d’Etats membres de l’OIF et de l’UE ou non membres de l’UE par an.

[26] L’IFE offre la même formation à destination des élèves ou agents d’établissements publics de formations de pays membres de l’OIF et de l’UE ou non membres de l’UE.

[27] Scheidhauser, Christophe, « Les langues de l’Europe, un régime paradoxalement durable », Langage et société, n°125, 2008/3.

[28] Scheidhauser, Christophe, « Les langues de l’Europe, un régime paradoxalement durable », Langage et société, n°125, 2008/3.

[29] Source des données sur l’ensemble des institutions européennes : réponses du SGAE à votre rapporteure.

[30] Source : réponses de l’organisation internationale de la francophonie à votre rapporteure.

[31] Cassin, Barbara, « La langue de l’Europe ? ». Po&sie 2017/2-3, 160-161, 2017.

[32] Source : réponses du SGAE à votre rapporteure.

[33] Source : réponses du SGAE à votre rapporteure.

[34] Source : réponses de l’organisation internationale de la francophonie à votre rapporteure.

[35] e-translation est également disponible sur les sites du Comité des régions et du Comité économique et social européen, avec cependant moins de mises en garde ou d’avertissements sur le fait que la traduction proposée est automatique. Les agences spécialisées de l’UE utilisent aussi e-translation. Le Conseil de l’UE et le Parlement européen n’ont pas déployé e-translation, mais devraient y recourir.

[36] Timmerman, Virginie, « Quelle(s) langue(s) pour l’Union européenne », Notre-Europe-Institut Delors, 23 septembre 2014.

[37] À l’exception de la Roumanie.

[38] Eurostat, « Plus de 80% des élèves de l’enseignement primaire dans l’UE étudiaient une langue étrangère en 2014 », communiqué de presse, 23 septembre 2016.

[39] Eurostat, « Plus de 80% des élèves de l’enseignement primaire dans l’UE étudiaient une langue étrangère en 2014 », communiqué de presse, 23 septembre 2016.

[40] Scheidhauser, Christophe, « Les langues de l’Europe, un régime paradoxalement durable », Langage et société, n°125, 2008/3.

[41] https://epso.europa.eu/how-to-apply/eligibility_fr

[42] Chaque année, la Représentation française propose à une vingtaine de personnalités d’influence des Institutions (Commissaires, membres de cabinets, directeurs généraux, Représentants permanents…) des cours individuels de langue, ainsi qu’un séjour linguistique de cinq jours à Millefeuille en Provence. L’opérateur est l’Alliance française (budget annuel de 30 à 50.000 €). Depuis le mois de janvier 2021, le programme Millefeuille a été déployé en direction des diplomates des Représentants permanentes auxquels il est proposé 20 heures de cours particuliers gratuits (30 heures de cours collectifs pour les débutants). 550 personnes ont ainsi bénéficié de ces formations.

[43] Pingel, Isabelle, « Le régime linguistique de l’Union européenne. Enjeux et perspectives », Revue de l’Union européenne, n°579, juin 2014.

[44] https://www.lacomeuropeenne.fr/2016/01/13/degradation-du-multilinguisme-pour-les-directions-generales-de-la-commission-europeenne-sur-internet/

[45] Timmerman, Virginie, « Quelle(s) langue(s) pour l’Union européenne », Notre-Europe-Institut Delors, 23 septembre 2014.

[46] Assemblée parlementaire de la francophonie, région Europe, rapport de la mission parlementaire, « 31 recommandations pour promouvoir le français et le multilinguisme dans les institutions européennes », 14 et 15 novembre 2019 http://apf.francophonie.org/Rapport-de-la-mission.html

[47] Médiateur européen, « Le multilinguisme au sein des institutions de l’Union européenne », rapport sur la consultation publique, février 2019.