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N° 4870

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 janvier 2022

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT,

 

relative au monde combattant ( 3954)

PAR M. Philippe MICHEL-KLEISBAUER

Député

——

 

 Voir les numéros :

Sénat : 241 (2019-2020), 420, 421 et T.A. 73 (2020-2021).

Assemblée nationale : 3954.


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. L’ONACVG, un établissement centenaire au cœur de la politique nationale en faveur du monde combattant

A. L’action de l’Office s’articule autour de trois grandes missions

B. Une organisation unique conjuguant gouvernance paritaire et maillage territorial dense

II. Le changement de nom de l’Office, un pas symbolique en direction des nouveaux ressortissants

A. Les inéluctables évolutions du monde combattant

B. Les dispositions de la proposition de loi

Examen des articles

Travaux de la commission


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   introduction

 

« Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous. Ils veulent qu’aucune de nos pensées ne se détourne d’eux, qu’aucun de nos actes ne leur soit étranger.

Nous leur devons tout, sans aucune réserve. »

Georges Clemenceau, président du Conseil, ministre de la Guerre

Discours devant la Chambre des députés, 20 novembre 1917

 

Mesdames, Messieurs,

Adoptée par le Sénat le 9 mars 2021, la proposition de loi relative au monde combattant procède au changement de dénomination de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), en supprimant l’adjectif « anciens ». Elle vient ainsi concrétiser une évolution sémantique préconisée de longue date – et d’abord par nombre d’associations du monde combattant – et renouer avec l’histoire même de l’Office. En effet, l’ONACVG est l’héritier de trois structures créées pendant et à la suite de la Première Guerre mondiale : l’Office national des mutilés et réformés, créé en 1916 ; l’Office des pupilles de la Nation, créé en 1917 ; et l’Office du combattant, créé en 1926. En 1935, la fusion de ces trois organismes a donné naissance à l’Office national des mutilés, combattants, victimes de la guerre et pupilles de la Nation, qui prendra son appellation actuelle en 1946, au sortir de la Seconde Guerre mondiale.

Depuis lors, l’ONACVG n’a eu de cesse de s’adapter, afin notamment de prendre en compte les dizaines de milliers d’appelés des guerres et conflits de décolonisation – et en particulier de la guerre d’Algérie – comme, depuis trente ans, les victimes du terrorisme. Au cours des deux dernières années, l’ONACVG a poursuivi sa transformation au travers de l’adoption et la mise en œuvre d’un nouveau contrat d’objectifs et de performance (COP) pour la période 2020 à 2025 ([1]). Ce document ambitieux traduit la volonté d’adaptation de l’action, des missions et de l’identité de l’ONACVG promues par Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, ainsi que par le monde combattant.

Car comme le rapporteur l’indiquait lui-même dans son avis budgétaire sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation » proposés par le projet de loi de finances pour 2020, l’ONACVG se trouve « à la croisée des chemins » ([2]). Il lui faut en effet faire face aux mutations du monde combattant, qui se contracte inéluctablement à mesure de la disparition des anciens combattants. Dans son avis précité, le rapporteur estimait ainsi que « la forte baisse du nombre de ses ressortissants doit conduire à s’interroger sur le juste positionnement de l’Office, alors que l’une de ses principales missions est vouée à disparaître. Si les engagements des armées françaises en opérations extérieures alimenteront naturellement le flux de demandes de nouveaux titres et cartes, le volume n’atteindra jamais celui du temps des appelés. D’une certaine manière, l’Office renouera avec ses origines : créé pour accompagner des jeunes gens, poilus blessés dans les tranchées, veuves de vingt ans à peine et pupilles, l’ONACVG devra de plus en plus prendre en charge les « néo » anciens combattants et leurs familles, c’est-à-dire la génération post-Afghanistan ». Le COP actuel tire d’ailleurs déjà les conséquences de ces évolutions, et prépare l’Office de demain.

C’est au regard de ce contexte que doit être appréhendée la proposition de loi aujourd’hui soumise à l’examen de l’Assemblée nationale. Car l’évolution sémantique proposée est loin d’être uniquement symbolique : elle soutient la mutation de l’Office en direction de l’avenir du monde combattant. Le rapporteur y est ainsi tout à fait favorable, et appelle à sa large adoption lors de la séance du 17 janvier 2022.

I.   L’ONACVG, un établissement centenaire au cœur de la politique nationale en faveur du monde combattant

A.   L’action de l’Office s’articule autour de trois grandes missions

La politique de reconnaissance de la Nation envers celles et ceux qui se sont battus pour elle est née des tranchées de la Première Guerre mondiale, avec la création, le 2 mars 1916, d’un Office national des mutilés et réformés de guerre. La rationalisation de l’administration du monde combattant et l’approfondissement de la politique de reconnaissance et de réparation se sont poursuivis tout au long du XXe siècle, l’Office survivant à l’importante réforme des administrations du monde combattant conduite à la fin des années 1990 et, surtout, à la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui a entraîné la disparition de la direction ministérielle des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale.

Aujourd’hui, l’action de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre ([3]) s’articule autour de trois grandes missions :

– une mission de reconnaissance et de réparation, qui prend essentiellement la forme de l’instruction et de la délivrance de l’ensemble des cartes et titres ainsi que des mentions à l’état civil et portées sur les monuments commémoratifs. Mise en œuvre par le département de reconnaissance et de réparation situé à Caen, cette mission historique de l’ONACVG a peu évolué dans ses modalités au fil des ans, même si le nombre de personnes éligibles à de telles cartes, titres et mentions a sensiblement crû depuis le début des années 2000 sous l’effet de l’extension de la carte du combattant – simplification de l’octroi aux militaires déployés en OPEX, carte « à cheval » et extension aux militaires déployés en Algérie entre 1962 et 1964 – de la création de nouvelles mentions ainsi que de l’extension du champ de compétences de l’ONACVG dans la gestion des aides destinées aux rapatriés et aux harkis. Sur ce dernier point, le rapporteur rappelle qu’un projet de loi actuellement en navette a pour ambition d’accroître le rôle de l’Office auprès des harkis et de leurs descendants ([4]) ;

– une mission de solidarité, l’action sociale constituant la seconde mission historique de l’Office. À ce titre, l’action de l’ONACVG est dorénavant prioritairement orientée vers l’accompagnement des plus démunis, tandis qu’il a été décidé d’améliorer les conditions d’accueil et d’accompagnement, notamment en matière de reconversion professionnelle, des « nouveaux » ressortissants – quatrième génération du feu, militaires blessés et victimes d’actes de terrorisme ;

– une mission mémorielle, enfin, dans le cadre de laquelle l’Office assure l’entretien, la rénovation et la valorisation des dix hauts lieux de la mémoire nationale et des quelques 265 nécropoles nationales. Les actions conduites par l’Office dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de mémoire comprennent également de nombreuses activités pédagogiques à destination des publics scolaires.

À ce stade, le rapporteur tient à mettre en lumière le bilan de l’action conduite depuis 2017 en faveur du monde combattant. Sous l’impulsion du Président de la République et de la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, Mme Geneviève Darrieussecq, le droit à reconnaissance et à réparation a connu des avancées majeures, venues répondre à des revendications formulées de longue date par les associations représentatives du monde combattant. C’est ainsi qu’en cinq ans, sans compter les nombreuses mesures en faveur des harkis et de leurs descendants, le Gouvernement et la majorité parlementaire ont décidé :

– d’élargir le bénéfice de la carte du combattant aux anciens combattants présents en Algérie entre le 1er juillet 1962 et le 1er juillet 1964, mesure ayant bénéficié à plus de 37 500 anciens combattants ;

– d’étendre le bénéfice de la demi-part fiscale à toutes les veuves de plus de 74 ans dont le conjoint a bénéficié de la retraite du combattant, quel que soit l’âge auquel il est décédé ;

– de rehausser de 360 points « PMI » les pensions pour des conjoints survivants d’un grand invalide de guerre, à hauteur de 450 euros par mois ;

– d’accroître le nombre de points de retraite du combattant de 50 à 52 points dès 2017.

B.   Une organisation unique conjuguant gouvernance paritaire et maillage territorial dense

Pour la mise en œuvre de ses missions, l’Office s’appuie sur une organisation robuste et éprouvée, reposant sur deux piliers d’égale importance : son mode de gestion paritaire et la densité de son maillage territorial, lui permettant d’intervenir au plus près de ses ressortissants.

En premier lieu, le mode de gestion paritaire de l’ONACVG garantit la prise en compte des intérêts et des revendications du monde combattant. Le conseil d’administration de l’Office associe ainsi des représentants de l’État ainsi que des associations nationales du monde combattant et des victimes d’actes de terrorisme. Le rapporteur tient d’ailleurs à saluer la mémoire de Robert Créange, disparu quelques jours avant Noël ; pilier du conseil d’administration de l’ONACVG, il y représentait en tant que fils de déporté la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP).

Par ailleurs, il convient de noter que la dimension paritaire est déclinée à tous les stades : au sein du conseil d’administration mais aussi des conseils départementaux et de l’ensemble des commissions spécialisées. Cette gouvernance repose sur un dialogue entretenu avec les autorités de tutelle dans le cadre du pilotage stratégique, notamment avec le contrat d’objectifs et de performance.

En second lieu, la richesse de l’Office tient à son maillage territorial, dont l’existence est d’ailleurs prévue par la loi puisque l’article L. 613-1 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) indique que « l’Office dispose de services départementaux ou territoriaux ».

L’ONACVG dispose d’un réseau composé de 104 services déconcentrés, dont deux sont implantés en Afrique du nord, en Algérie et au Maroc. Ces services départementaux assurent des missions variées : réparation, reconnaissance, politique d’action sociale, animation de la vie du monde combattant sur les territoires et conseil auprès des préfets, le tout dans une logique d’accompagnement de proximité. Ils jouent un rôle particulièrement précieux en matière de conseil et d’accompagnement des ressortissants, comme en matière mémorielle, au travers notamment de l’action des conseillers mémoire et communication. Plus largement, les directeurs des services départementaux jouent le rôle de conseillers des préfets pour toutes les questions touchant au monde combattant. Ils sont dans ce cadre régulièrement amenés à représenter l’autorité préfectorale lors de congrès ou de cérémonies patriotiques.

II.   Le changement de nom de l’Office, un pas symbolique en direction des nouveaux ressortissants

A.   Les inéluctables évolutions du monde combattant

Le monde combattant fait face à des mutations importantes et s’il rassemble encore plus de deux millions de femmes et d’hommes, il se contracte inéluctablement à mesure de la disparition des anciens combattants au titre de la Seconde guerre mondiale, de la guerre d’Indochine, de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc. Il faut donc s’attendre à une accélération de la diminution du nombre de ressortissants de l’Office. Les associations elles-mêmes en conviennent, et nombre d’entre elles se préparent d’ailleurs à la préservation de leur inestimable patrimoine mémoriel. Par ailleurs, si l’engagement militaire de la France demeure important, le nombre de militaires déployés en opérations extérieures (OPEX), dans le cadre d’une armée constituée de professionnels – et non plus d’appelés – reste largement inférieur à celui des engagements passés.

Au 1er juillet 2021, l’ONACVG avait attribué 6 372 cartes du combattant au cours des premiers mois de l’année. À l’exception de l’année 2019 marquée par l’attribution d’un nombre record de cartes du combattant (51 208 cartes) à la suite à la mise en œuvre des dispositions permettant la délivrance de la carte aux militaires déployés en Algérie durant une durée de 4 mois entre le 3 juillet 1962 et le 1er juillet 1964, le nombre d’attributions ne cesse de diminuer depuis 2016.

Conjuguée à sa forte décroissance, la population des anciens combattants connaît des évolutions sociologiques importantes. En particulier, elle voit l’émergence de nouveaux profils de ressortissants avec une proportion plus importante de « jeunes » ou « néo » anciens combattants, comprenant davantage d’actifs ou de femmes et moins d’invalides de guerre. Le profil « traditionnel » du combattant laisse progressivement place à celui du combattant des opérations extérieures (OPEX), blessé – notamment psycho traumatisé – de ces mêmes opérations, victimes d’actes de terrorisme ou encore pupilles de la Nation, dont le nombre a fortement cru à la suite des attentats commis à Paris en janvier et le 13 novembre 2015 et à Nice le 14 juillet 2016.

En outre, ces « nouveaux » ressortissants expriment des besoins souvent assez différents de ceux des générations du feu les ayant précédés. Surtout, ils semblent davantage tournés vers les associations « régimentaires » et moins engagés dans les associations du monde combattant plus traditionnelles qui, à leurs yeux, les représentent souvent moins justement.

L’évolution de la structure du monde combattant a fait l’objet de diverses études, dont l’une conduite par le Contrôle général dès 2014. Les tendances qu’elle dessinait à l’époque demeurent aujourd’hui pertinentes pour évaluer l’évolution du nombre des ressortissants de l’ONACVG au cours des dix dernières années.

Évolution prospective 2013-2023 du nombre de ressortissants de l’ONACVG

 

2013

2018

(estimation rapport CGA)

2018

(estimation actualisée)

2019

(estimation actualisée)

2023

Combattants

1 419 300

1 187 400

1 195 108

1 186 061

922 400

PMI et pensions de victimes civiles (PVC) hors double titre & VG non pensionnées ([5])

131 500

93 000

93 000

87 240

64 200

Total des ayants droit

1 550 800

1 280 400

1 288 108

1 273 301

986 600

Ayants cause PMI et PVC ([6])

80 200

72 300

72 300

67 000

45 800

Veuves de ressortissants

1 128 400

799 500

799 500

770 660

655 300

Orphelins de guerre

222 700

200 600

200 600

189 900

147 100

Total des ayants cause

1 431 300

1 072 400

1 072 400

1 027 560

848 200

Total des ressortissants

2 982 100

2 352 800

2 360 508

2 300 861

1 834 800

Source : étude prospective réalisée par le contrôle général des armées au 1er semestre 2014.

B.   Les dispositions de la proposition de loi

Dans ce contexte, la proposition de loi propose une évolution de la dénomination de l’ONACVG afin de supprimer le mot « anciens ». Dans sa version initiale, la proposition de loi procédait à un changement plus marqué, puisque le texte déposé en janvier 2020 proposait le nom d’« Office national du monde combattant et des victimes de guerre ». La dénomination finalement retenue par le Sénat – outre le fait qu’elle semble davantage recueillir les faveurs des associations – permet de conserver le sigle de l’Office et sa sonorité.

Cette évolution sémantique est sans incidence sur les missions de l’Office, qui continuera à entretenir la mémoire des conflits passés et à accompagner les « anciens » combattants. À ce sujet, le rapporteur rappelle d’ailleurs que les « anciens » combattants sont titulaires de « la carte du combattant », et non d’une carte de l’ancien combattant…

En revanche, elle permettra de moderniser son image auprès de la quatrième génération du feu, et d’adresser clairement à ses membres le message selon lequel l’ONaCVG constitue bel et bien la maison de tous les combattants. Elle concrétise également le nouveau contrat d’objectif et de performance de l’ONACVG, qui ouvrait la voie à une telle évolution.

Le rapporteur se félicite de ce rééquilibrage au profit des nouveaux ressortissants de l’ONACVG, qu’il préconisait lui-même dans son avis budgétaire de 2020 – voir à ce sujet la partie de son avis intitulée « Vers un Office national des combattants ? ».

Toutefois, le rapporteur met en garde contre une évolution qui ne serait que sémantique. Indispensable au regard des défis qu’il lui faudra relever, la transformation de l’Office ne pourra en effet être couronnée de succès que si lui sont donnés les moyens – financiers et humains – de poursuivre son action au service du monde combattant.

 


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   Examen des articles

Article unique
Changement de nom de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre

● Dans sa rédaction issue des travaux du Sénat, la proposition de loi n° 3954 comporte un article unique composé de deux paragraphes :

– le I. procède à la modification de la dénomination de l’ONACVG dans l’ensemble des dispositions législatives en vigueur, en substituant au nom « Office national des anciens combattants et des victimes de guerre », celui d’« Office national des combattants et des victimes de guerre ». L’adjectif « anciens » est ainsi supprimé, sans que les missions de l’Office en soient pour autant changées ;

– le II. fixe au 1er janvier 2023 la date d’entrée en vigueur de cette évolution sémantique.

● Souscrivant à la préconisation du rapporteur, la commission de la Défense a soutenu le changement de nom de l’Office, qui adresse un message d’inclusion à l’ensemble de la communauté combattante : l’ONACVG constitue bel et bien la maison de tous les combattants, d’hier et d’aujourd’hui.

Elle a toutefois adopté les deux amendements de précision technique proposés par le rapporteur.

En effet, dans sa rédaction actuelle, le texte issu des travaux du Sénat désigne l’Office sous un nom erroné, le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) fixant sa dénomination de la manière suivante : « Office national des anciens combattants et victimes de guerre » ([7]).

Le premier amendement du rapporteur adopté par la commission entend donc réparer cette erreur. On retrouve toutefois la formulation erronée figurant dans le texte du Sénat dans plusieurs dispositions de nature législative, ce qui explique qu’elle ne soit pas supprimée du texte adopté par la commission.

En outre, le second amendement du rapporteur procède, quant à lui, à l’évolution sémantique proposée par le Sénat à l’article L. 1113-1 du code de la santé publique, qui ne fait référence qu’à un « Office national des anciens combattants », oubliant les victimes de guerre. Du reste, les dispositions de cet article relatives à l’ONACVG auraient également pu être supprimées, celui-ci ayant cédé à des repreneurs l’ensemble de ses établissements médicaux-sociaux, parmi lesquels les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), depuis le 31 décembre 2017.

En définitive, la commission a adopté cet article unique modifié par ces deux amendements et, ce faisant, la proposition de loi.

 


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   Travaux de la commission

La commission de la défense nationale et des forces armées examine la proposition de loi de M. Philippe Michel-Kleisbauer, adoptée par le Sénat, relative au monde combattant (n° 3954), au cours de sa réunion du mercredi 5 janvier 2022.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au monde combattant, dont le rapporteur est M. Philippe Michel-Kleisbauer.

Cette proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le lundi 17 janvier, à seize heures, fera l’objet d’une procédure d’examen simplifiée, ce qui rend notre réunion de ce matin d’autant plus importante. Elle a pour objet de modifier le nom de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) en supprimant le mot « anciens ». Ce n’est pas une proposition nouvelle, puisque vous l’aviez vous-même préconisé, Monsieur le rapporteur, dans l’un de vos avis budgétaires sur les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation.

Sans préjuger de l’issue de nos débats, il me semble qu’une telle évolution va dans le bon sens, puisqu’elle clarifie le fait que l’ONACVG s’adresse à l’ensemble des combattants, en particulier à ceux qui représentent ce que nous avons pour habitude d’appeler la quatrième génération du feu. Le changement de nom de l’ONACVG tend également à traduire les évolutions du monde combattant, qui se contracte inéluctablement, à mesure de la disparition de nos chers anciens combattants. Loin d’être anodine, cette évolution est nécessaire et attendue.

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur. Merci pour vos propos, Madame la présidente, et merci à vous, chers collègues, pour la confiance que vous m’avez faite en me désignant rapporteur de cette proposition de loi. Fruit d’une concertation avec les douze grandes associations du monde combattant et fédérations mémorielles, que nous avons l’habitude d’appeler le G12, elle a été adoptée par le Sénat le 9 mars 2021.

Elle vient concrétiser une évolution sémantique préconisée de longue date, d’abord par nombre d’associations du monde combattant. Elle renoue aussi avec l’histoire même de l’office. En effet, l’ONACVG est l’héritier de trois structures créées pendant et à la suite de la Première guerre mondiale : l’Office national des mutilés et réformés, créé en 1916 ; l’Office des pupilles de la Nation, créé en 1917 ; l’Office du combattant, enfin, créé en 1926. En 1935, la fusion de ces trois organismes a donné naissance à l’Office national des mutilés, combattants, victimes de la guerre et pupilles de la Nation, qui prendra son appellation actuelle en 1946, au sortir de la Seconde guerre mondiale. Depuis lors, l’ONACVG n’a pas cessé de s’adapter, afin notamment de prendre en compte les dizaines de milliers d’appelés des guerres et conflits de décolonisation, en particulier de la guerre d’Algérie, ainsi que, depuis les années 1990, les victimes du terrorisme.

Depuis le début de cette législature, sous l’impulsion de Mme Geneviève Darrieussecq, d’abord secrétaire d’État, puis ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, et des deux directrices successives de l’ONACVG, Mme Rose-Marie Antoine puis, à partir de l’été 2019, Mme Véronique Peaucelle-Delelis, l’office a poursuivi sa transformation. Grâce à elles, l’ONACVG a retrouvé une trajectoire qui sécurise l’ensemble du monde combattant.

L’immense travail de ces trois femmes a conduit à l’adoption et à la mise en œuvre d’un nouveau contrat d’objectifs et de performance pour la période 2020-2025. Ce contrat a marqué un tournant, en accentuant l’action de l’ONACVG en direction de celles et ceux que nous appelons les « nouveaux » anciens combattants.

L’Office doit faire face aux mutations du monde combattant, en raison notamment de l’accélération de la diminution du nombre de ses ressortissants, dont la moyenne d’âge est chaque année plus élevée – c’est ce que l’on appelle l’attrition naturelle. Les associations elles-mêmes en conviennent et nombre d’entre elles préparent d’ailleurs la préservation de leur inestimable patrimoine mémoriel.

En outre, la population des anciens combattants connaît des évolutions sociologiques importantes. Nous assistons ainsi à l’émergence de nouveaux profils de ressortissants, avec une proportion plus importante de « jeunes » ou « néo » anciens combattants, comprenant davantage d’actifs ou de femmes, et moins d’invalides de guerre.

Le profil « traditionnel » du ressortissant laisse progressivement place à celui du combattant des opérations extérieures (OPEX), blessé, notamment psycho-traumatisé, de la victime d’actes de terrorisme ou encore des pupilles de la Nation, dont le nombre a fortement crû à la suite des attentats commis à Paris en 2015 et à Nice le 14 juillet 2016 – la partie thématique de mon dernier avis budgétaire leur est d’ailleurs consacrée. Et n’oublions pas que rien qu’en Afghanistan, plus de 27 000 cartes du combattant ont été attribuées par l’ONACVG : c’est à cette nouvelle génération qu’il faut aussi s’adresser.

Or ces nouveaux ressortissants expriment des besoins souvent assez différents de ceux des générations du feu qui les ont précédés.

Dans ce contexte, le changement de nom de l’ONACVG – qui n’aura aucune incidence sur son organisation ou ses missions – permettra de moderniser son image auprès de la quatrième génération du feu, et d’adresser clairement à ses membres le message selon lequel l’office constitue bel et bien la maison de tous les combattants, d’hier, mais aussi d’aujourd’hui. Il concrétise également le nouveau contrat d’objectifs et de performance de l’ONACGV, qui ouvrait la voie à une telle évolution.

Il me paraît d’ailleurs utile de rappeler que celles et ceux que nous appelons les « anciens » combattants sont titulaires de la carte du combattant, et non d’une carte de l’ancien combattant ! Il est temps de mettre le nom de l’office en conformité avec son action. Du reste, c’est aussi une manière, pour l’office, de renouer avec ses origines, puisqu’il fut créé pour accompagner des jeunes gens : poilus blessés dans les tranchées, veuves de vingt ans à peine et pupilles.

Pour toutes ces raisons, le rapporteur que je suis vous recommande l’adoption de cette proposition de loi, sous réserve du vote de deux amendements purement techniques que je vous présenterai tout à l’heure. Ils visent à dissiper une confusion sémantique que l’on note dans le texte du Sénat, et que j’avais moi-même faite dans certains de mes rapports.

M. Christophe Lejeune. Cette proposition de loi est l’aboutissement d’un long cheminement, visant à prendre en compte les évolutions du monde combattant au cours du siècle dernier. Il s’adresse, malheureusement, non pas seulement aux anciens combattants, mais aussi à de jeunes combattants, qui servent notamment dans nos OPEX. Nous ne pouvons qu’être favorables à ce changement de nom de l’ONACVG, qui a déjà été adopté par nos collègues du Sénat. C’est donc très logiquement que nous voterons en faveur de ce texte, après avoir adopté les deux amendements du rapporteur.

M. Jean-Jacques Ferrara. Nous n’avons aucune raison de nous opposer à cette proposition de loi, qui a une portée essentiellement symbolique. Ce qui nous importe, c’est que l’ONACVG ait les moyens financiers et humains de continuer de mener son action, notamment sociale, aussi bien à Paris qu’à Caen et dans tous nos départements. Le budget de l’action sociale stagne autour de 25 ou 26 millions d’euros depuis des années : au moins ne diminue-t-il pas. Mais nous devons rester très vigilants et veiller à la préservation du maillage territorial de l’ONACVG, auquel nous sommes très attachés.

Mme Josy Poueyto. Je vous souhaite à tous une bonne année, en particulier une santé bien solide !

Le rapporteur vient de nous présenter l’évolution sémantique de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre depuis sa création. Je salue son implication dans son rôle de rapporteur pour avis du budget des anciens combattants. Ce texte répond à l’une des recommandations qu’il avait émises en 2020.

Pour autant, cette évolution ne doit pas être uniquement sémantique. La poursuite des objectifs de l’Office au sein du monde combattant ne sera possible que si les moyens humains et financiers dont il a besoin lui sont accordés jusqu’en 2025 afin qu’il puisse inscrire son action dans la durée.

En effet, si la majorité a eu à cœur de maintenir, durant cette législature, les moyens nécessaires au bon fonctionnement des différents services de l’Office, qui ont ainsi pu relayer les associations du monde combattant, il est primordial que cet objectif reste une priorité malgré les échéances électorales. Ainsi, Mme Darrieussecq a maintenu les efforts tout au long du quinquennat. Je salue le travail remarquable qu’elle accomplit. Cela fait bien longtemps qu’un ministre n’avait pas été aussi présent sur le terrain.

Le deuxième axe du contrat d’objectifs et de performance de l’Office, l’ancrage de la politique de mémoire et de citoyenneté dans les territoires, impose de conserver ses relais au sein des collectivités, qui permettent aux élus locaux d’entretenir des liens forts entre les circonscriptions et le monde combattant. Elles doivent ainsi être informées des dispositifs d’accompagnement installés par le ministère ou l’Office. De même, alors que leurs compétences augmentent à chaque nouvelle mesure de décentralisation, leur expertise doit être confortée par des mesures de soutien. Seule une politique aussi engagée que celle menée ces dernières années, permettra d’atteindre ces objectifs.

D’autre part, nous devons soutenir la perspective de l’Office de s’inscrire dans les enjeux contemporains de citoyenneté en dynamisant les outils traditionnels de transmission pour s’adresser à tous les publics et en accompagnant la montée en puissance du service national universel.

L’évolution sémantique ne peut donc se résumer à un simple changement d’appellation. Elle doit prendre en compte les changements qu’elle suppose dans nos territoires, auprès de la jeunesse et des militaires blessés. C’est pourquoi notre groupe est favorable à cette proposition de loi.

M. Jean-Michel Jacques. Je remercie le rapporteur et Mme la ministre déléguée, Geneviève Darrieussecq, d’avoir pris cette initiative que la quatrième génération du feu, dont je fais partie, ne manquera pas d’apprécier. Elle a combattu dans différents théâtres d’opérations, parfois méconnus de nos concitoyens. Il est important de la mettre en valeur car ces militaires, encore jeunes, ne se considèrent pas comme appartenant au monde des anciens combattants. Surtout, quelqu’un qui a été combattant un jour, le demeure toute sa vie.

M. Fabien Gouttefarde. Je représente notre institution au sein du conseil d’administration de l’ONACVG, qui regroupe les principales associations des anciens combattants et des victimes de guerre. Cette évolution sémantique est dans les esprits depuis de nombreuses années. Sans me permettre de parler à la place du conseil d’administration, qui présente la singularité d’être présidé par un membre du Gouvernement, en l’espèce Mme Darrieussecq, je pense que l’idée a fait son chemin et que les dernières réticences ont été vaincues.

Enfin, que ceux qui restent attachés à l’acronyme de l’ONACVG, se rassurent : il pourra être conservé malgré le changement de nom, en gardant le petit a de « national ».

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur. Je reviendrai simplement sur les propos de M. Jean-Jacques Ferrara : la départementalisation, sacralisée par Mme Geneviève Darrieussecq, répond à la volonté du monde combattant. Notre commission l’a soutenue à l’unanimité et nous espérons que nos successeurs en feront de même.

Article unique

Amendements DN1 et DN2 de M. Philippe Michel-Kleisbauer.

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur. Ces deux amendements tendent à apporter une simple précision de nature rédactionnelle et technique afin de réparer deux oublis des sénateurs, pour ne pas dire deux erreurs – que nous avons pu commettre nous aussi.

Au fil du temps, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre a été désigné sous diverses appellations au sein de notre droit. C’est ainsi que la formulation retenue par le Sénat ne correspond pas exactement à sa dénomination dans le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Elle n’est pourtant pas fausse puisque cette appellation erronée figure dans d’autres codes.

Il s’agit donc d’harmoniser les dispositions législatives en ne mentionnant que le nouveau nom de l’Office national des combattants et des victimes de guerre, y compris dans le code de la santé publique, objet du second amendement.

La commission adopte successivement les amendements.

 

Elle adopte l’article unique modifié.

L’ensemble de la proposition de loi est ainsi adopté.

 

 


([1]) Document accessible à partir de ce lien.

([2]) Avis budgétaire accessible à partir de ce lien.

([3]) Rapport d’activité 2020 de l’Office accessible à partir de ce lien.

([4]) Projet de loi, adopté, par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d’accueil sur le territoire français. Dossier législatif accessible à partir de ce lien.

([5])  Il s’agit des titulaires de pensions militaires d’invalidité (PMI) et de pensions de victimes civiles (PVC), hors détention de CC ou TRN, et des autres victimes de guerre non pensionnées.

([6])  Conjoints survivants, ascendants et orphelins de titulaires d’une PMI et PVC.

([7]) Et non « Office national des anciens combattants et des victimes de guerre ».