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N° 4895

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 janvier 2022.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi d’urgence contre la désertification médicale,

 

 

 

Par M. Guillaume GAROT,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro :  4784. 

 

 


 

 


 

 

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

I. Une offre de soins en diminution

II. Sans actions volontaristes, des inégalités territoriales qui iront croissant

1. Une densité de médecins généralistes en diminution et une consommation de soins en augmentation

2. Des inégalités territoriales de plus en plus importantes dans l’offre de soins

III. Les réformes menées restent très insuffisantes pour faire face au problème des déserts médicaux

1. Des aides à l’installation et des contrats incitatifs qui n’ont pas démontré leur pleine efficacité

2. Les structures d’exercice pluriprofessionnel : une évolution dynamique

3. Un partage des tâches entre professionnels de santé à perfectionner

4. Les réformes de la loi du 24 juillet 2019 : des efforts à poursuivre mais insuffisants pour faire face à l’urgence

Commentaire dES articles

Article 1er Instauration d’un conventionnement sélectif pour les médecins

Article 2 Obligation de présence en zones sous-denses pour les internes en médecine au cours de leur dernière année d’internat puis dans les deux années qui suivent l’obtention du diplôme

Examen en commission

ANNEXE  1 : Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur

Annexe  2: textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

 

 

 


—  1  —

   Avant-propos

La désertification médicale est, depuis plusieurs années, un sujet majeur d’inquiétude pour une grande partie de nos concitoyens, comme l’a montré le Grand débat national en 2018. En effet, la situation est grave. D’après l’indicateur le plus complet, 11,6 % des Français vivent aujourd’hui dans un désert médical ([1]). Pas moins de 10 millions de personnes, dans notre pays, vivent dans une zone dans laquelle la qualité des soins est de qualité inférieure à la moyenne nationale ([2]). 11 % des Français n’ont pas de médecin traitant ([3]).

La situation, déjà très difficile, continue de s’aggraver chaque année. Ainsi, le ministère des solidarités et de la santé indique clairement en décembre 2021 qu’il « est indéniable que l’évolution de la démographie médicale en France, notamment pour la médecine générale, a accru les tensions dans les territoires qui étaient déjà les moins bien desservis » et que les tendances à l’œuvre « risquent de dégrader encore l’accessibilité dans les zones les moins attractives ». ([4])

Or, les conséquences de la désertification médicale sur la santé publique sont immenses, face à un vieillissement de la population qui nécessitera, dans les années à venir, un plus grand nombre d’actes de soins. Sans réaction des pouvoirs publics, on doit alors par exemple anticiper une moindre prévention en matière de dépistages, de vaccination, de maladies professionnelles ou de grossesses précoces.

De nombreuses propositions ont été formulées pour répondre à cet enjeu central. Récemment, la commission d’enquête sur l’égal accès aux soins des Français sur l’ensemble du territoire et sur l’efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain, créée à l’Assemblée nationale en 2018 ([5]), a formulé des constats clairs et alarmants et a demandé à agir de manière déterminée avec des solutions volontaristes. Une précédente proposition de loi déposée par votre rapporteur avait été adoptée en 2019, mais vidée de son contenu : les leviers d’action les plus puissants avaient été supprimés ([6]). En décembre 2021, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine avait déposé une proposition de loi sur ce sujet, à nouveau rejetée. Celle-ci comprenait des dispositifs tels que le conventionnement sélectif pour les médecins et une réforme des hôpitaux de proximité ([7]).

Or, le droit à la santé, « droit fondamental » d’après le code de la santé publique, dont la valeur constitutionnelle a été reconnue dès 1991 ([8]) et qui est garanti par plusieurs textes internationaux ([9]), est remis en cause par la raréfaction croissante de médecins généralistes et spécialistes dans certaines zones. Il ne s’agit plus uniquement de territoires ruraux : ce phénomène touche aussi des métropoles et des territoires péri-urbains.

Il faut enfin rappeler que ces inégalités territoriales ne sont pas spécifiques à la France, mais sont présentes dans tous les pays, à des degrés divers. Ainsi, « partout, l’accès aux services de santé est plus difficile à assurer dans certains territoires, tels que les zones rurales, notamment éloignées ou isolées, ou les zones urbaines défavorisées » ([10]).

Le présent rapport vise à dresser un bilan de l’état de la démographie médicale en France (I), de sa répartition sur le territoire (II) et des mesures déjà engagées (III), afin de déterminer en quoi une action complémentaire plus volontariste s’avère indispensable pour endiguer ce problème central de la désertification médicale.

I.   Une offre de soins en diminution

De nombreuses publications officielles font état de la raréfaction de l’offre de soins en France. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des solidarités et de la santé a ainsi publié en mars 2021 un état des lieux de la démographie médicale ([11]). En 2021, la France compte 214 000 médecins de moins de 70 ans en activité. En 2016, ils étaient 216 000.

Il faut toutefois noter des évolutions opposées du nombre de médecins généralistes par rapport aux spécialistes. Si le nombre de médecins généralistes a baissé depuis 2012 de 5,6 % (94 500 en 2021), celui des médecins spécialistes a augmenté sur cette même période de 6,4 %, portant leur nombre à 120 000. Une évolution démographique doit également être soulignée, d’abord dans la mesure où la profession de médecin se rajeunit. La moyenne d’âge est ainsi de 49,3 ans en 2021, contre 50,7 ans en 2012, du fait notamment d’une augmentation du numerus clausus au milieu des années 2000. La France reste toutefois l’un des États où les médecins sont les plus âgés de l’OCDE : la proportion de médecins âgés de plus de 55 ans y est de 45 %, contre 34 % en moyenne dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ([12]). La profession connaît également un important phénomène de féminisation : les générations entre 40 ans et 50 ans sont paritaires et les nouvelles générations seront majoritairement féminines.

Enfin, l’exercice libéral de la médecine apparaît de moins en moins attractif. En 2012, 109 000 médecins exerçaient en libéral exclusivement ; en 2021, ils ne sont plus que 93 000, soit une diminution de 15 %. Les médecins exclusivement libéraux ne sont plus majoritaires, contrairement à la situation de 2012. La montée en puissance du salariat et de l’exercice mixte explique ce phénomène, qui ne va cesser de s’accentuer. En effet, la DREES prévoit que l’exercice salarié ne va cesser de progresser dans les prochaines années chez les médecins. Ainsi, dès la fin de la décennie 2020, il devrait y avoir davantage de médecins salariés que de médecins libéraux ou ayant un exercice mixte. À l’horizon 2050, la profession serait ainsi salariée à 55 %. Les pouvoirs publics doivent prendre en considération de changement majeur dans l’exercice de la médecine afin de favoriser les modes de travail qui conviennent le mieux aux nouvelles générations de médecins.

II.   Sans actions volontaristes, des inégalités territoriales qui iront croissant

1.   Une densité de médecins généralistes en diminution et une consommation de soins en augmentation

Du fait de la raréfaction de l’offre de soins, la France souffre d’une densité de médecins généralistes insuffisante sur son territoire. Celle-ci a, en effet, diminué entre 2012 et 2021, passant de 153 à 140 médecins généralistes pour 100 000 habitants, alors même que la population française augmentait et vieillissait. Ce constat n’est pas valable pour les médecins spécialistes, dont la dynamique démographique a plus que compensé l’augmentation de la population. La France est ainsi passée entre 2012 et 2021 de 172 à 178 médecins spécialistes pour 100 000 habitants. La France n’est pas particulièrement bien située par rapport aux autres États de l’OCDE, dans la mesure où sa densité médicale était en 2017 de 3,2 médecins pour 1 000 habitants, quand la moyenne de l’OCDE se situait à 3,5. La densité médicale en Allemagne était même de 4,3 ([13]).

Il ne faut cependant pas s’arrêter à la seule densité médicale, mais prendre en compte la consommation de soins, pour déterminer ce que le ministère des solidarités et de la santé nomme la « densité médicale standardisée ». Celle-ci a diminué entre 2012 et 2021, passant de 331 à 312 pour 100 000 habitants. Du fait du vieillissement de la population, la consommation de soins médicaux ne va cesser d’augmenter. À ce titre, la DREES indique clairement qu’entre 2012 et 2021, « les besoins de soins de la population ont crû plus vite que le nombre de médecins » ([14]).

Les projections démographiques faites par le ministère ne sont pas rassurantes. En effet, même en prenant en compte la dernière réforme de 2019, le nombre de médecins généralistes devrait continuer à diminuer jusqu’au plus tôt en 2026 (passant de 95 400 à 92 300), du fait notamment de l’introduction de deux nouvelles spécialités en 2017 (gériatrie et médecine d’urgence). Enfin, en raison du vieillissement de la population, la densité médicale pondérée par la consommation de soins ne devrait retrouver son niveau de 2021 qu’en 2035. Toutefois, comme l’a indiqué l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) lors des auditions de votre rapporteur, toute la solution ne réside pas dans l’augmentation du nombre de médecins, dans la mesure où rien ne garantit qu’à partir de 2030, les médecins nouvellement formés iront s’installer dans les zones dans lesquelles la population a le plus urgemment besoin d’eux.

 

Source : DREES, 2021.

2.   Des inégalités territoriales de plus en plus importantes dans l’offre de soins

Cette densité médicale n’est toutefois pas la même pour l’ensemble du territoire. L’offre de soins est, en outre, très inégale en fonction des régions, des départements et même des bassins de vie. En 2012, le ministère des solidarités et de la santé a créé un indicateur, dit d’« accessibilité potentielle localisée » (APL), qui doit rassembler une batterie complète de critères permettant de déterminer si une commune est située dans un « désert médical » ([15]). L’indicateur d’APL reflète ainsi le niveau d’activité des médecins pour mesurer l’offre de soins et le taux de recours différencié par âge des habitants pour mesurer la demande. Il s’agit d’un indicateur local, calculé au niveau de chaque commune, mais qui considère également l’offre de médecins et la demande des communes environnantes.

 

Source : Données transmises par la DREES à votre rapporteur.

 

Il dessine la carte d’une France dans laquelle le taux de personnes résidant dans une commune ayant accès à moins de 2,5 consultations de médecine générale par an et par habitant (quand la moyenne nationale est de 4) est passé de 8,6 % en 2015 à 11,6 % en 2019. Ce taux varie fortement en fonction des territoires. Il est par exemple de seulement 4,1 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur, contre 24 % en Centre-Val de Loire.

 

C:\Users\amaybon\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.MSO\7FA1399D.tmp

Source : Observatoire des territoires, Agence nationale de la cohésion des territoires, 2021.

 

Le seul indicateur de la densité médicale pour les médecins permet de comprendre la gravité du problème. Ainsi, pour les médecins généralistes, « entre 2012 et 2021, le rapport entre la densité des 25 % de Français les mieux dotés et celle des 25 % les moins bien lotis est passé de 1,07 à 1,21 et la part de population résidant dans une région dont la densité est inférieure de plus de 20 % à la moyenne nationale a progressé pour atteindre 4 % en 2021, contre 1 % en 2012 » ([16]).

Ainsi, treize départements présentent une densité de médecins généralistes inférieure de 25 % à la moyenne nationale ([17]) et cinq ont une densité supérieure de 25 % à la moyenne nationale ([18]). L’IRDES a indiqué à votre rapporteur qu’en se fondant sur l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée, le rapport de densité entre les régions les moins bien dotées et celles les mieux dotées en termes de médecins était de 3,5 !

La raréfaction médicale, qui concerne certes la plupart des territoires, ne s’est donc pas faite dans les mêmes proportions sur l’ensemble de la France, conduisant à relativiser fortement l’idée que la totalité du territoire français pourrait être considérée comme un désert médical. L’IRDES montre même qu’en 2017, la densité de médecins généralistes pour 100 000 habitants, dans les espaces les mieux dotés, était en moyenne de 112 médecins généralistes libéraux, alors que pour les moins bien dotés, ce chiffre était de 68 pour les zones périurbaines et de 69 pour les zones rurales. Cette inégalité s’est aggravée depuis dix ans, puisqu’en 2007, ces densités étaient pour les espaces les mieux dotés de 105, pour les zones rurales de 80 et pour les zones périurbaines de 73 ([19]).

Ainsi, tous les départements, à l’exception de ceux de la Bretagne, sont concernés par la diminution de la densité de médecins généralistes, même si d’importantes inégalités continuent à exister. La densité moyenne est par exemple de 161 médecins généralistes pour 100 000 habitants en Provence-Alpes-Côte d’Azur et dans l’ancienne région Aquitaine ou encore 156 en Bretagne, contre 110 dans l’ancienne région Centre ou 116 en Picardie.

Les médecins généralistes comme spécialistes sont concernés par ce phénomène de répartition inégale sur le territoire, malgré des dynamiques démographiques opposées. Au total, ce sont en effet 52 départements qui disposent d’une densité de médecins spécialistes inférieure de plus de 25 % à la moyenne nationale. 15 d’entre eux ont même une densité de médecins spécialistes inférieure à 100 pour 100 000 habitants, alors que la moyenne nationale est de 189 ([20]). À l’inverse, 11 départements ont une densité de médecins spécialistes supérieure de plus de 25 % à la moyenne nationale ([21]). L’Île‑de‑France concentre 24 % des médecins spécialistes, alors que seuls 18 % de la population française y réside. La Ville de Paris dispose, à elle seule, d’une densité de médecins spécialistes représentant deux fois la densité du deuxième département le mieux doté (le Rhône) et trois fois la densité nationale ([22]).

Enfin, la densité médicale standardisée, c’est-à-dire la densité de médecins libéraux pour 100 000 habitants pondérée par la consommation de soins, est également très variable en fonction des territoires. Alors que la génération dite du « baby-boom » constitue aujourd’hui une population dont la demande de soins médiaux augmente, les difficultés pour les médecins généralistes à trouver des remplaçants vont créer des obstacles encore plus massifs à l’accès aux soins pour les populations qui en ont le plus besoin. Ainsi, de ce point de vue, les régions Aquitaine et Provence‑Alpes-Côte d’Azur représentent les régions les mieux pourvues. À l’inverse, l’ancienne région Centre reste celle qui dispose de la densité médicale standardisée la plus faible, tout comme les régions limitrophes de l’Île‑de‑France.

 

Source : DREES, mars 2021.


 

 

Les médecins remplaçants, un vivier de professionnels pour faire face à la désertification médicale

Selon l’article L. 4131-2 du code de la santé publique (modifié par l’article 10 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé), un médecin ne peut se faire remplacer dans son exercice que temporairement et par un confrère inscrit au tableau de l’Ordre ou par un étudiant ayant suivi et validé la totalité du deuxième cycle des études médicales en France ou bien qui serait titulaire d’un titre sanctionnant une formation médicale de base équivalente, délivré par un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen et ayant validé au titre du troisième cycle des études médicales en France un nombre de semestres déterminé. Outre le code de la santé publique, le remplacement est encadré par le code de déontologie médicale ([23]), notamment ses articles 66 ([24]) et 86 ([25]).

Ainsi, un médecin peut se faire remplacer soit par un confrère thésé et inscrit au tableau de l’Ordre, soit par un étudiant en médecine remplissant les conditions de l’article L. 4131-2 du code de la santé publique, soit par un médecin d’une autre spécialité, voisine ou complémentaire. Dans le cas d’un remplacement par un confrère non thésé, une autorisation doit être délivrée pour une durée limitée par le conseil départemental de l’Ordre des médecins, qui informe l’agence régionale de santé.

D’après l’Ordre des médecins, l’activité intermittente (essentiellement représentée par celle des médecins remplaçants) a augmenté de 48,9 % depuis 2010 et de 2,1 % depuis 2020 ([26]). Les médecins remplaçants représentent ainsi 4,8 % de l’ensemble des médecins inscrits, soit environ 14 984 praticiens. Si l’âge moyen de ces médecins est de 49 ans, 39 % ont moins de 40 ans ([27]). Il est difficile d’évaluer la durée moyenne durant laquelle un médecin va exercer en activité intermittente, la durée de dix ans ayant été avancée par des sénateurs lors du débat sur la loi n° 2019‑774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ([28]). Les auditions de votre rapporteur ont mis en lumière le fait que cette activité fortement rémunératrice pourrait constituer un frein à l’installation et donc constituer une perte d’effectifs potentiels pour les territoires sous-dotés.

C’est pourquoi certains acteurs ont proposé de limiter la durée dans laquelle les médecins pourraient réaliser des remplacements au cours de la totalité de leur carrière ([29]), notamment dans le cadre du débat parlementaire autour de la loi de 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ([30]).

Nous constatons donc clairement que si l’offre médicale s’est tarie pour les médecins généralistes durant les dernières décennies, cette raréfaction ne s’est pas faite dans les mêmes proportions en fonction des régions. Les inégalités territoriales ne cessent de se creuser, en particulier pour les régions du centre et du nord de la France, à la fois pour les médecins généralistes et spécialistes. Agir sur le seul nombre des médecins apparaît donc comme très insuffisant pour endiguer la désertification médicale et peut même avoir pour conséquence une augmentation des inégalités territoriales, « les médecins continuant à affluer vers les spécialités attractives et vers les zones urbaines prospères » ([31]).

Certes, des réactions ont témoigné d’une prise de conscience de la part des pouvoirs publics, mais celles-ci restent insuffisantes et encore majoritairement axées sur l’incitation financière, dont la très faible efficacité a été démontrée.

III.   Les réformes menées restent très insuffisantes pour faire face au problème des déserts médicaux

1.   Des aides à l’installation et des contrats incitatifs qui n’ont pas démontré leur pleine efficacité

De nombreuses réformes ont tenté de pallier ce problème central des déserts médicaux. Les analystes constatent toutefois que ces mesures relèvent d’un « empilement historique, au coup par coup, sans réelle vision d’ensemble » ([32]). Elles prennent ainsi plusieurs formes, et d’abord celle de l’incitation. De nombreux contrats ont ainsi été mis en place pour inviter en particulier les jeunes médecins à s’installer en zones sous-denses.

Créé par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (« HPST »), le contrat d’engagement de service public (CESP) permet de rémunérer des étudiants durant leur scolarité, en contrepartie d’une installation en zones sous-denses. Son efficacité est très contestée, les données tendant à montrer « un succès, semble-t-il, modeste » ([33]). En effet, le nombre cumulé de postes offerts en médecine entre les campagnes 2010‑2011 (première année universitaire d’entrée en vigueur du CESP) et 2019‑2020 s’établit à 4 794 CESP. Ce contrat a été ouvert en 2013 aux étudiants en odontologie. Au total, pour la médecine et l’odontologie, ce sont donc seulement 5 575 CESP qui ont été conclus depuis la création du dispositif en 2010 ([34]). Il faut rappeler qu’en 2019, 9 314 places ont été ouvertes en deuxième année alors que, pour cette même année universitaire, 700 CESP ont été offerts. Cela représente donc seulement 7,5 % des effectifs ([35]). Ainsi, en 2019, 426 signataires du CESP en médecine et 102 signataires en odontologie étaient en exercice dans les zones en difficulté identifiées par les ARS ([36]). Ces chiffres s’avèrent très insuffisants pour faire face à la désertification médicale.

 

C:\Users\amaybon\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.MSO\7F0663B.tmp

Source : Centre national de gestion.

Ces CESP sont aussi très inégalement répartis sur le territoire. Par exemple, pour la campagne 2019/2020, 17,5 % des CESP sont proposés pour la seule région d’Île‑de‑France.

La démocratisation des études de médecine : un enjeu central et sous-estimé en France pour faire face à la désertification médicale

Étant donné qu’il est conclu au cours des études médicales, le contrat d’engagement de service public ne peut pas réellement permettre d’attirer en amont des étudiants issus de milieux modestes ou provenant de zones rurales ou périurbaines. En effet, l’une des rares études menées sur ce sujet montre clairement qu’en 2015, quatre étudiants en étude de santé sur dix avaient des parents cadres supérieurs ou exerçant une profession libérale, contre trois sur dix pour l’ensemble des étudiants, concluant ainsi que les études de santé sont parmi « les formations les plus clivées socialement, derrière les classes préparatoires aux grandes écoles » ([37]). En outre, cette même étude précise qu’un enfant de cadre a deux fois plus de chance qu’un enfant d’ouvrier d’intégrer une deuxième année et 2,5 fois plus d’accéder à la filière de médecine.

Les dernières données du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation confirment cette tendance pour l’année 2020-2021 ([38]). En effet, plus d’un étudiant sur deux (50,6 %) inscrit dans un cursus de médecine-odontologie a des parents « cadres et professions intellectuelles supérieures », contre seulement 5,2 % d’enfants d’ouvriers, 9,5 % d’enfants d’employés et 8,7 % d’enfants d’agriculteurs. Les enfants de cadres y sont plus nombreux que dans les autres filières universitaires (30,4 %) et que dans les écoles de commerce (48,6 %). Seules les classes préparatoires aux grandes écoles ont un taux supérieur (52,1 %). Globalement, 48,3 % des étudiants en études de santé sont enfants de cadres ou de professions intellectuelles supérieures.

Bien que les études sur la relation entre origines géographiques des étudiants et choix de localisation manquent, certaines comparaisons internationales « montrent partout l’importance du milieu d’origine du médecin dans son choix de localisation », comme l’a indiqué la DREES en 2021 ([39]). Sur cette base et contrairement au choix fait par la France, certains États ont fait le choix de mettre en place des politiques dédiées à l’augmentation de la proportion d’étudiants issus de zones moins bien dotées. C’est le cas des expériences concluantes menées dans plusieurs universités aux États-Unis, dont la plus ancienne date de 1974 ([40]). Des études synthétiques menées en 2008 sur plusieurs programmes de sélection aux ÉtatsUnis ([41]) montrent qu’en moyenne, 57 % des étudiants formés dans le cadre de programmes dédiés à la démocratisation de l’accès aux études de médecine pratiquent en zone rurale ([42]). La Norvège et le Canada ont également lancé des initiatives visant à inclure plus massivement dans les études médicales des étudiants provenant de zones sous-médicalisées. L’Australie est même allée jusqu’à imposer aux universités un quota de 25 % d’étudiants d’origine rurale.

La France devrait donc agir dans le sens d’une démocratisation de l’accès aux études de médecine dès le choix d’orientation au lycée.

D’autres contrats existent, notamment le « contrat de début d’exercice », créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Il remplace quatre autres contrats : ceux de praticien territorial de médecine ambulatoire (PTMA), de médecine générale (PTMG), de remplacement (PTMR) et de praticien isolé à activité saisonnière (Pias). En outre, de nombreuses aides conventionnelles avec l’assurance maladie ont aussi été mises en œuvre (contrats d’aide à l’installation pour les médecins, contrats de stabilisation et de coordination des médecins, contrats de transition pour les médecins et contrats de solidarité territoriale médecin).

Concernant les contrats proposés par l’État pour l’installation des jeunes médecins, le rapport du Dr Augros les qualifie de « succès assez mitigé ». L’Organisation mondiale de la santé (OMS) formule un constat identique, comme le rapporte la DREES : « les incitations financières sont mentionnées comme recommandation conditionnelle. La faiblesse des preuves sur leur efficacité, même si elles sont fréquemment utilisées, conduit l’OMS à formuler une recommandation prudente, insistant sur la nécessité de bien comprendre les coûts d’opportunité associés à la pratique en milieu rural éloigné pour concevoir des dispositifs adaptés. » ([43]) Il faut donc mesurer les effets d’aubaine engendrés par des tels dispositifs, dont l’évaluation financière reste difficile à réaliser.

Les collectivités territoriales sont aussi fortement mobilisées pour attirer les médecins dans les territoires sous-dotés : prêt de logement, primes d’installation, participation aux frais de déplacement, aides à recherche d’emploi pour le conjoint, construction d’équipements dédiés à un exercice collégial, salariat, etc. Toutefois, la multiplication des dispositifs locaux crée le risque d’une concurrence entre les territoires, pouvant conduire à une surenchère de demandes de la part de certains médecins, comme cela a été le cas récemment dans une commune de la Manche. Celui-ci demandait notamment « une prime de délocalisation et d’installation, un logement et une voiture de fonction ainsi qu’un terrain permettant d’envisager une construction, une assurance de maintenir un salaire de 6 770 euros par mois après impôts » ([44])...

Les dispositifs incitatifs et la multiplication des initiatives locales ont montré toutes leurs limites pour endiguer rapidement et efficacement la désertification médicale dont souffrent certains territoires.

2.   Les structures d’exercice pluriprofessionnel : une évolution dynamique

Afin de faciliter l’exercice coordonné de la médecine, l’État et les collectivités territoriales ont également favorisé la création de structures dédiées, notamment les maisons de santé pluriprofessionnelles et les centres de santé. Encadrés par l’article L. 6323-1 du code de la santé publique, les centres de santé ont pour objectif de délivrer des soins de premier voire de second recours, parfois sous la forme d’une prise en charge pluri-professionnelle. Les professionnels qui y exercent sont salariés (article L. 6323-1-5 du code de la santé publique). Selon le Gouvernement, il existe aujourd’hui 2 237 centres de santé, dont 455 sont pluri‑professionnels. Ce chiffre était de 2 140 en 2018 et 1 750 en 2014. Toutefois, un peu plus de 40 % de ces structures sont des centres dentaires ([45]).

Les maisons de santé pluriprofessionnelles, dont les missions sont définies par l’article L. 6323-3 du code de la santé publique et qui peuvent être notamment créées par des collectivités territoriales, ont vu leur nombre augmenter encore plus rapidement. Elles sont en effet passées de 240 en 2013 à 1 889 en juin 2021 ([46]). La plupart des maisons de santé sont aujourd’hui gérées par des organismes associatifs (52 %) ou mutualistes (25 %). Les collectivités territoriales gèrent 10 % de ces structures (contre 7,6 % en 2016) ([47]).

Source : IRDES, 2020 ([48]).

 

 

Source : IRDES, 2020.

La carte réalisée par l’IRDES en 2020 ([49]) montre que les régions Bretagne, Pays de la Loire, Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes disposent du maillage le plus important en maisons de santé. Celles-ci sont majoritairement implantées dans les zones sous-dotées, que ce soient les zones rurales (35,5 %) ou les espaces périurbains (25,8 %). Surtout, l’IRDES estime qu’en moyenne, l’implantation d’une maison de santé dans un territoire donné augmente de 3,4 la densité pour 100 000 habitants de médecins libéraux de moins de 45 ans. L’IRDES conclut donc que les espaces périurbains et zones rurales avec maisons de santé sont plus attractives auprès des jeunes généralistes.

Parmi les autres initiatives locales visant à faire face à la désertification médicale, il faut souligner l’exemple du département de la Saône-et-Loire, qui a créé en 2018 le premier centre de santé départemental. Ont suivi la Corrèze, l’Orne et la Dordogne.

3.   Un partage des tâches entre professionnels de santé à perfectionner

La loi a également permis d’étendre les compétences de certaines professions mieux réparties sur le territoire que les médecins, afin de pallier leur absence dans certaines zones. L’objectif est de permettre à des professionnels de santé de réaliser des actes médicaux ou paramédicaux. La situation est tellement grave qu’au cours des dernières années, « des glissements de tâches plus ou moins légaux se sont produits » ([50]), en particulier en ce qui concerne les interventions d’auxiliaires médicaux en autonomie, la formation « sur le tas » d’infirmiers, des ordonnances pré-rédigées, comme cela était signalé depuis 2003 ([51]).

Pour y faire face, des avancées législatives ont permis d’encadrer le partage des tâches entre les professionnels de santé. Après un premier décloisonnement des compétences permis par la loi « HPST », par la mise en place des protocoles de coopération, l’article L. 4301-1 du code de la santé publique a, depuis la loi du 26 janvier 2016 ([52]), défini les « pratiques avancées » pour les professions paramédicales. C’est le cas en particulier des sages-femmes, pour lesquelles la loi du 26 janvier 2016 a permis, par exemple, qu’elles puissent réaliser des interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse, prescrire des vaccins et vacciner la femme et le nouveau-né. Elles peuvent également vacciner les enfants depuis la loi du 24 juillet 2019. Les orthoptistes peuvent dépister et évaluer les troubles de la vision et prescrire des lunettes et des lentilles. Une expérimentation a également été initiée en vue de permettre un accès direct, sans ordonnance, aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes exerçant en structures de soins coordonnés, afin d’en faciliter l’accès ([53]).

Les infirmiers peuvent également exercer en pratique avancée, en justifiant d’une durée d’exercice minimal de leur profession et d’un diplôme de master de deux ans délivré par une université habilitée. Ces réformes semblent toutefois, à ce stade, insuffisantes, dans la mesure où les infirmiers en pratique avancée n’exercent qu’en équipe coordonnée par un médecin, majoritairement à l’hôpital. L’objectif est, lui aussi, insuffisant, puisque le Gouvernement prévoit de former 5 000 infirmiers d’ici 2024, soit moins de 0,5 % des effectifs en 2020 ([54]).

En outre, dans un rapport rendu public en janvier 2022 ([55]), l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a indiqué que, selon elle, « le statu quo n’est aujourd’hui plus envisageable » et qu’il faudrait donc « accompagner une refonte de l’articulation et du partage des connaissances entre toutes les professions de santé ». L’IGAS considère en particulier qu’il faudrait envisager des mesures de « revalorisation et de financement » afin d’assurer la « viabilité » de la profession et de mieux rétribuer les infirmiers de pratique avancée. Ces derniers pourraient également voir leurs compétences élargies, afin que les patients puissent les consulter de leur propre initiative et qu’ils soient autorisés à prescrire certains médicaments ou des arrêts de travail, selon un protocole encadré par un médecin. Les travaux concernant le partage des compétences entre professions de santé et les pratiques avancées ne sont donc pas clos.

4.   Les réformes de la loi du 24 juillet 2019 : des efforts à poursuivre mais insuffisants pour faire face à l’urgence

La loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé (« OTSS »), traduisant le plan « Ma Santé 2022 », a permis de mettre en place des mesures complémentaires en fixant des objectifs ambitieux tels que :

– le recrutement de 400 médecins salariés ;

– le déploiement de 4 000 assistants médicaux dès 2019, en vue de libérer du temps de travail pour les médecins. Toutefois, ce sont uniquement 2 505 contrats qui étaient signés ou en cours de signature à la fin du mois de septembre 2021, représentant 1 233 équivalents temps plein ([56]) ;

– la généralisation obligatoire du stage en stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée (Saspas) pour les étudiants de dernière année de médecine générale, pour au moins six mois et en priorité dans les zones sous‑denses ;

– l’obligation pour les conventions médicales entre l’assurance maladie et les médecins de « déterminer les conditions dans lesquelles les médecins participent à la réduction des inégalités territoriales dans l’accès aux soins » (article L. 162-5 du code de la sécurité sociale).

D’autres actions importantes ont été menées durant cette législature, en particulier la transformation du numerus clausus. Celui-ci a été instauré par la loi en juillet 1971 ([57]). À partir de cette date, l’État fixait par décret le nombre d’étudiants admis à poursuivre des études de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique au-delà de la première année commune des études de santé (PACES). Ce numerus clausus a fortement varié entre 1971 et 2020. En diminution entre 1971 et 1993 (passant de 8 671 à 3 500), il n’a été augmenté qu’à partir de 1994.

 

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Source : Observatoire national de la démographie des professions de santé.

Critiqué pour l’absence à la fois de concertation dans sa définition et de corrélation avec les besoins de santé des territoires et à la suite du rapport relatif à l’adaptation des formations aux enjeux actuels du système de santé ([58]), le numerus clausus a été réformé par l’article 1er de la loi « OTSS ». Ainsi, l’accès en première année est intégré à Parcoursup et, conformément au décret du 4 novembre 2019, l’accès en deuxième année est désormais ouvert, à compter de l’année universitaire 2020‑2021, aux étudiants relevant principalement de trois types de parcours : étudiants en parcours accès santé spécifique (PASS) ; étudiants inscrits en licence accès santé (L.AS) ; étudiants titulaires d’un titre ou d’un diplôme d’État d’auxiliaire médical.

Désormais, cet accès se fait en fonction des capacités d’accueil de ces formations, définies annuellement au regard d’objectifs pluriannuels d’admission. Ces objectifs doivent tenir compte à la fois des capacités de formation et des besoins de santé des territoires, après la tenue d’une conférence nationale. La première s’est tenue le 26 mars 2021. Pour la période 2021-2015, cet objectif pluriannuel s’élève à 51 505 ([59]).

Ainsi, la réforme du numerus clausus n’a pas supprimé tout dispositif de régulation quantitative des professionnels formés, ce qui existe dans la plupart des États de l’OCDE ([60]). En outre, l’ensemble des acteurs s’accordent sur le fait qu’une telle réforme, si elle est à même de répondre peu à peu à la pénurie de médecins dont souffre la France, ne saurait porter ses premiers fruits avant au moins une dizaine d’années. Encore faut-il également que les universités aient les moyens humains et matériels d’accueillir l’ensemble de ces nouveaux étudiants. Sans actions complémentaires et malgré cette réforme, la DREES montre bien que ce n’est qu’à partir de 2030 que la tendance baissière de la démographie médicale pourra être stoppée.

De plus, le cadre juridique applicable aux hôpitaux de proximité a été renouvelé, avec l’objectif d’en labelliser 500 d’ici 2022. En effet, les hôpitaux de proximité, ayant remplacé depuis 2015 les anciens « hôpitaux locaux », doivent permettre de préserver un maillage territorial en matière hospitalière, en leur offrant un cadre dérogatoire de financement par rapport à la tarification à l’activité. Or, selon les dernières données disponibles, seuls 240 hôpitaux de proximité ont été labellisés ([61]), ce qui est très insuffisant pour atteindre l’objectif d’un accès satisfaisant aux soins en hôpital. En outre, il faut rappeler que les activités de chirurgie et d’obstétrique sont toujours interdites aux hôpitaux de proximité, alors que, selon les travaux du géographe Emmanuel Vigneron, le nombre de femmes en âge de procréer se trouvant à plus de 45 minutes d’une maternité a plus que doublé en vingt ans, passant de 290 000 en 1997 à 716 000 en 2019, soit 430 000 de plus. Il faut également rappeler que la France est passée de la quatrième à la vingtdeuxième place en matière de mortalité infantile entre la fin des années 1990 et 2021 ([62]).

En 2020, ont commencé à se mettre en place des « services d’accès aux soins », devant « permettre d’accéder à distance à un professionnel de santé pouvant fournir un conseil médical, proposer une téléconsultation, orienter selon la situation vers une consultation non programmée en ville, vers un service d’urgence ou déclencher l’intervention d’un SMUR, par exemple » ([63]). Une phase pilote a été déployée au cours de l’année 2021, après un appel à projet diffusé via les ARS en juillet 2020. Vingt‑deux projets ont ainsi été retenu, représentant treize régions de métropole et d’outre-mer et couvrant 40 % de la population.

La loi du 26 janvier 2016 avait, par ailleurs, créé les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Celles-ci ont pour objectif d’assurer une meilleure coordination des professionnels de santé de la ville et de l’hôpital, de structurer les parcours de santé et de réaliser les objectifs du projet régional de santé. L’objectif est louable. Le plan « Ma Santé 2022 » a précisé le rôle des CPTS, qui doivent assurer six missions ([64]) :

– des actions de prévention ;

– la garantie d’accès à un médecin traitant ;

– l’obtention d’un rendez-vous auprès d’un médecin généraliste dans la journée en cas de nécessité ;

– l’accès à des consultations de médecins spécialistes dans des délais appropriés ;

– la sécurisation des passages entre les soins de ville et l’hôpital, notamment pour anticiper une hospitalisation ou préparer la sortie de l’hôpital après une hospitalisation ;

– le maintien à domicile des personnes fragiles, âgées ou polypathologiques.

Les CPTS semblent toutefois à des niveaux inégaux de développement, peinant, dans certains cas, à trouver une véritable plus-value sur le terrain ([65]). Alors que le plan « Ma Santé 2022 » prévoyait la création de 1 000 CPTS d’ici 2022, en octobre 2021, seules 159 avaient vu le jour ([66]), même si 700 projets de CPTS seraient en cours de déploiement d’après le Gouvernement ([67]).

*

Au total, de nombreuses actions ont été entreprises mais leur lisibilité et leur efficacité restent fortement contestées. La Cour des comptes indique ainsi qu’« à ce jour, la portée de ces évolutions reste [...] en-deçà de leurs potentialités » ([68]). C’est pourquoi il paraît aujourd’hui indispensable de compléter ces mesures par des dispositifs plus volontaristes et plus à même de faire face à l’urgence de la situation, sans attendre encore plusieurs années.

En effet, une action sur le seul nombre de médecins serait insuffisante pour s’assurer que les nouvelles générations formées iront s’installer là où la population a le plus besoin d’eux. La réforme du numerus clausus devrait permettre un rebond de la démographie médicale aux alentours de l’année 2030. Toutefois, il faut non seulement agir en urgence pour corriger la situation déjà intenable pour certains territoires, mais aussi nous assurer que ces nouvelles générations formées se répartiront plus équitablement sur le territoire.

Alors que les mesures incitatives jusqu’ici privilégiées apparaissent comme très coûteuses et peu efficaces, le conventionnement sélectif pour les médecins ainsi qu’une période d’installation obligatoire en zones sous-denses, après des stages dans ces mêmes zones, paraissent à même, au moins pour une période transitoire, de lutter efficacement contre la pénurie de médecins que connaissent certains territoires.

 

 


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   Commentaire dES articles

Article 1er
Instauration d’un conventionnement sélectif pour les médecins

 

Supprimé par la commission

Le présent article propose l’instauration d’un conventionnement sélectif négocié entre l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et les médecins généralistes et spécialistes. A défaut, le présent article prévoit l’instauration d’un conventionnement sélectif par la loi, en laissant la possibilité d’en renégocier ensuite les termes.

 

I.   La démographie médicale très inégalitaire sur le territoire invite à mettre en œuvre des dispositifs de régulation plus VOLONTARISTES, sur le modèle d’autres États

1.   Une répartition très inégale des médecins conduisant à des difficultés sanitaires majeures

a.   Une situation particulièrement contrastée des départements français en matière de densité médicale

● Le constat d’une raréfaction et d’une distribution de plus en plus inégalitaire des médecins sur le territoire est connu et documenté depuis plusieurs années. Le creusement des inégalités entre régions est réel et massif : entre 2012 et 2021, le rapport entre la densité des 25 % de Français les mieux dotés et celle des 25 % les moins bien lotis est passé de 1,07 à 1,21, soit une augmentation de 13,1 %. Comme indiqué plus haut, l’IRDES a indiqué à votre rapporteur qu’en se fondant sur l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée, le rapport de densité entre les régions les moins bien dotées et celles les mieux dotées en termes de médecins était de 3,5 ! L’argument selon lequel la France tout entière constituerait un désert médical est donc fortement relativisé par ce constat. Certaines régions bénéficient d’un dynamisme de la densité médicale, certes insuffisant, mais plus fort que dans d’autres territoires.

En prenant par exemple la densité médicale en activité totale pour 100 000 habitants en 2021, fournie par le Conseil national de l’Ordre des médecins ([69]), il est possible de remarquer que si la moyenne nationale est de 279,8, certains départements ont une densité largement supérieure à ce chiffre. C’est le cas notamment des Hautes-Alpes (442,5), des Alpes-Maritimes (415,5), des Bouches‑du-Rhône (408,4), du Calvados (353,7), de la Corse-du-Sud (382), de la Gironde (422,1), de l’Hérault (427,3) et de la Ville de Paris (765,2). D’autres départements, à l’inverse, ont une densité très inférieure à la moyenne nationale. À ce titre, les collectivités d’outre-mer sont particulièrement concernées, notamment Mayotte (87,1), la Guyane (225,9), mais également d’autres départements tels que l’Ain (170,9), la Seine-Seine-Denis (226,9) ou la Mayenne (173,7).

● Cette disparité est particulièrement forte pour la médecine libérale de spécialité, comme la Cour des comptes l’avait constaté dès 2017 ([70]). Ainsi, la densité de médecins spécialistes est près de quatre fois plus forte dans le deuxième département le plus dense, les Alpes‑Maritimes (275 spécialistes pour 100 000 habitants), que dans le deuxième département le moins dense, l’Eure (71). La DREES ([71]) a constaté que certaines spécialités étaient particulièrement concernées par ce constat, notamment la pédiatrie et la psychiatrie.

b.   Les conséquences en cascade des disparités territoriales d’accès aux soins

● La situation ainsi décrite a des répercussions majeures et concrètes pour les patients. Tout d’abord, une corrélation nette peut être faite entre une densité médicale supérieure à la moyenne nationale et la proportion de médecins libéraux en secteur autorisé à pratiquer des dépassements d’honoraires. À Paris, par exemple, cette proportion est de 62 %, dans les Alpes-Maritimes de 42 % et en Gironde de 31 %. Le coefficient de corrélation entre ces deux variables est de 0,58 ([72]), sachant que celui‑ci se situe entre – 1 (lorsqu’aucune corrélation n’est constatée) et + 1 lorsqu’une parfaite corrélation est constatée). La Cour des comptes avait alerté sur ce constat, en indiquant clairement que « les zones de densités élevées de médecins et de nouvelles installations majoritaires en secteur 2 se superposent » et que par conséquent « la faiblesse et parfois la quasi-inexistence de l’offre de secteur 1 est alors de nature à compromettre l’accès aux soins pour des raisons financières » ([73]).

D’autres conséquences sont également bien établies, en particulier en ce qui concerne les délais de rendez-vous. La DREES a montré en 2018 ([74]) que, pour certaines spécialités, le délai d’attente est de plus de deux mois (61 jours en dermatologie, 80 jours en ophtalmologie). Le délai dépasse même 189 jours dans un cas sur dix !

● L’état de la démographie médicale et la répartition très inégale des médecins sur le territoire ont également de graves conséquences pour nos services d’urgence. En effet, en 2003, l’obligation de participer aux permanences pour les médecins a été supprimée. Cela entraîne des difficultés structurelles, dans la mesure où seuls 38,1 % des médecins ont participé à la permanence des soins ambulatoires (PDSA) en 2019. Ce chiffre est en légère diminution par rapport à 2018 (39,8 %) ([75]). Le Conseil national de l’Ordre des médecins parle même de « désengagement des médecins libéraux ». En conséquence, la désertification médicale entraîne logiquement une surcharge des services d’urgence. Selon la Cour des comptes, « environ un patient sur cinq qui recourt aux services d’urgence des établissements de santé aurait pu, sinon dû, être pris en charge par un médecin de ville » ([76]). Pour résoudre ce problème central, la Fédération hospitalière de France propose qu’une obligation de participation à la permanence de soins soit introduite dès le 1er janvier 2023 ([77]).

● Face à ce constat alarmant, nous ne pouvons pas rester sans agir. Les quelques études menées sur ce sujet ont fait apparaître que les aides et les dispositifs incitatifs, s’ils n’étaient pas inutiles, n’avaient pas d’efficacité avérée et n’étaient pas en mesure de répondre à l’urgence de la situation. Ces aides peuvent aussi faire l’objet d’un important effet d’aubaine. En outre, la réforme du numerus clausus, décidée en 2019, ne pourra porter ses fruits en termes strictement quantitatifs que dans une dizaine d’années au plus tôt. Il faut également rappeler que rien ne garantit que l’augmentation du nombre de médecins s’accompagnera, sans dispositif de régulation, d’une meilleure répartition territoriale. C’est pourquoi de nouvelles mesures doivent absolument être mises en œuvre.

2.   Certains pays ont soumis les médecins à un conventionnement sélectif, comme le sont déjà certaines professions de santé en France

Le conventionnement sélectif se définit comme la règle selon laquelle le conventionnement avec l’assurance maladie d’un professionnel de santé qui souhaite s’installer dans un territoire donné est subordonné à la cessation définitive d’activité dans la même zone d’un autre praticien de la même profession. Ce dispositif existe d’ores et déjà en France pour certaines professions de santé, a été mis en œuvre dans de nombreux États comparables à la France et est régulièrement recommandé par plusieurs autorités publiques pour faire face à la pénurie de médecins dans certaines zones.

a.   Un conventionnement sélectif déjà mis en œuvre en France pour certaines professions paramédicales

Cette mesure de limitation de la liberté d’installation existe déjà pour plusieurs professions de santé.

● Les infirmiers ont été les premiers concernés, d’abord à titre expérimental en 2008, puis de façon plus pérenne en 2011, par l’intermédiaire d’un avenant à la convention entre l’assurance maladie et les infirmiers. Cette convention est encadrée depuis 2007 par l’article L. 162-12-2 du code de la sécurité sociale, qui dispose que celle-ci doit définir « les conditions à remplir par les infirmiers pour être conventionnés et notamment celles relatives [...] à la zone d’exercice définie par l’agence régionale de santé en application de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique ».

En outre, depuis la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016, le 8° de l’article L. 162-9 du code de la sécurité sociale prévoit que ces conventions doivent également comprendre « les conditions à remplir par les sagesfemmes et les chirurgiens-dentistes pour être conventionnés, notamment [...] celles relatives aux zones d’exercice définies par l’agence régionale de santé en application de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique ». Ainsi, les sages‑femmes libérales ont également bénéficié du même dispositif, par un avenant à la convention de 2012.

Cette même LFSS 2016 avait également réformé le 3° de l’article L. 162-12-9 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les conventions entre l’assurance maladie et les masseurs-kinésithérapeutes. Cette réforme a été rendue nécessaire par l’annulation par le Conseil d’État d’une première tentative d’introduction du conventionnement sélectif pour les masseurs-kinésithérapeutes par l’avenant n° 3 à la convention nationale approuvé en 2012. Or, le Conseil d’État a considéré qu’une base législative était nécessaire pour entreprendre une telle réforme ([78]).

● Nous disposons donc désormais d’un certain recul pour analyser l’application de cette mesure pour les professions concernées. En 2019, la DREES a conclu que, pour les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les sages‑femmes, « l’accessibilité s’améliore » ([79]) en 2016 et 2017, respectivement de 2,3 %, de 2,8 % et de 5,4 %. L’indice de Gini, permettant de mesurer les inégalités de répartition, est ainsi passé de 0,649 à 0,624 pour les sages‑femmes, et de 0,465 à 0,459 pour les infirmiers. Une évolution inverse a toutefois été constatée pour les masseurs-kinésithérapeutes, avec un indice passant de 0,424 à 0,431 sur la même période, sachant toutefois que le conventionnement sélectif n’a été mis en place qu’en 2017, soit plus tardivement que pour les deux autres professions.

La DREES a également produit une analyse plus précise de la répartition territoriale des sages-femmes, dans laquelle elle indique que « les disparités de répartition des sages-femmes au niveau régional sont relativement limitées par rapport à celles que l’on peut observer pour d’autres professions » ([80]). Cette répartition est encore plus équitable lorsque l’on prend en compte la densité médicale standardisée.

Ainsi, il est clair que les professions de santé soumises à cette règle de conventionnement sélectif sont mieux réparties sur le territoire que les professions que ce conventionnement sélectif ne concerne pas. Ce constat ne peut que nous inviter à étendre ce dispositif aux médecins.

b.   De nombreux États disposent de mesures équivalentes à un conventionnement sélectif pour les médecins

Le conventionnement sélectif pour les médecins n’a jamais existé en France mais est appliqué dans d’autres États, comme l’a rappelé la DREES en décembre 2021 ([81]).

● Au Danemark, les médecins libéraux doivent conclure un contrat avec les autorités régionales qui régulent la distribution de l’offre médicale. À ce titre, les patients doivent disposer d’au moins deux cabinets à moins de 15 kilomètres. Si un médecin a plus de 1 600 patients, un nouveau poste peut être ouvert. Les régions ont des compétences très étendues puisqu’elles peuvent non seulement négocier avec les médecins pour qu’ils prennent de nouveaux patients mais aussi installer des cabinets avec des médecins salariés. Un système similaire existe en Norvège, où les municipalités passent des contrats avec les médecins libéraux en vue d’une installation régulée.

Au Royaume-Uni, depuis la création du National Health Service (NHS) en 1948, la distribution géographique des médecins généralistes est encadrée. Celle‑ci a été opérée jusqu’en 2002 par un organisme national. Depuis, ce sont des autorités décentralisées, les « groupes de soins primaires », qui ont cette responsabilité. En Allemagne, ce type de régulation a été mis en place depuis les années 1990 : le nombre de médecins pouvant être conventionnés y est fixé dans chaque zone géographique. Le dispositif a été révisé en 2013, pour prendre en compte l’évolution de la part de la population âgée. En Autriche, les caisses d’assurance maladie et les chambres régionales des médecins ont la compétence de déterminer le nombre et la répartition des médecins conventionnés, en tenant compte des données locales. Enfin, plusieurs provinces du Canada ont également mis en place des dispositifs similaires, notamment le Québec, où des effectifs cibles par région sont déterminés depuis les années 1990.

● Le conventionnement sélectif des médecins est donc déjà mis en place, parfois depuis plusieurs dizaines d’années, dans des États comparables à la France. L’effet de cette mesure est difficile à mesurer mais la DREES indique bien que « ces quelques exemples montrent une distribution plus homogène dans certains pays qui régulent l’installation, sans que l’on puisse en tirer une conclusion générale, faute de pouvoir systématiser les comparaisons » ([82]). En particulier, en Allemagne, il est admis par certains experts que le conventionnement sélectif a permis d’améliorer la situation. Au Québec également, le ministère de la santé a constaté une meilleure répartition des médecins. Au Royaume-Uni, où le processus centralisé de régulation a été abandonné en 2002, les analystes constatent la différence de situation depuis la territorialisation de ce système : « il semble bien que l’abandon d’une planification stricte des effectifs ait eu un impact négatif sur l’équité territoriale » ([83]).

Le conventionnement sélectif n’est toutefois pas, comme tous les autres dispositifs, une solution unique. Il doit être couplé avec des mesures incitatives, pour former une politique globale.

c.   Un conventionnement sélectif recommandé par de nombreuses études

● De nombreux rapports et études, provenant de différents organismes, ont recommandé, depuis plusieurs années, la mise en place du conventionnement sélectif pour les médecins en France. Cette option est ainsi promue par la Cour des comptes ([84]), le Sénat ([85]), l’Assemblée nationale ([86]) et la direction générale du Trésor ([87]). Même le Conseil national de l’Ordre des médecins avait, en 2012 ([88]), envisagé la mise en place d’une telle mesure.

● En outre, le sénateur du groupe Les Républicains, M. Stéphane Sautarel, a déposé, avec plusieurs de ses collègues de divers groupes politiques, en juin 2021, une proposition de loi « tendant à lutter activement contre les déserts médicaux » ([89]). Celle-ci prévoit l’application, à titre expérimental pendant trois ans, d’un conventionnement sélectif pour les médecins.

● Enfin, une nouvelle fois en décembre 2021, la Cour des comptes, dans l’une de ses notes sur les « enjeux structurels pour la France », a clairement indiqué que « l’acuité des inégalités territoriales dans la répartition des médecins de ville par rapport aux besoins invite à mettre en place un conventionnement sélectif en fonction de leur densité géographique, comme c’est le cas pour les infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes. Pour être efficace, ce dispositif devrait couvrir non seulement les médecins installés, mais aussi les médecins remplaçants. » ([90])

II.   Le droit proposé : encadrer la liberté d’installation pour conditionner le conventionnement des médecins dans des zones denses à la cessation d’activité d’un autre médecin

● Le présent article vise à introduire un 20° bis au sein de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale. Ce dernier définit le contenu des conventions conclues entre l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et les médecins, qu’ils soient généralistes ou spécialistes. Le 20° bis que le présent article permettrait d’ajouter précise que ces conventions comprennent « les conditions à remplir pour être conventionné, notamment celles relatives aux zones d’exercice définies par l’agence régionale de santé en application de l’article L. 1434‑4 du code de la santé publique ». Sur le modèle de ce qui a été mis en place pour les professions de santé déjà soumises au conventionnement sélectif, cette disposition vise à permettre aux organisations représentatives de médecins de négocier les conditions de ce conventionnement sélectif avec les organismes de l’assurance maladie.

À défaut d’un accord dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi, cet article introduit un conventionnement sélectif directement par la loi. Ainsi, le directeur général de l’agence régionale de santé définit des zones dans lesquelles « l’offre de soins est particulièrement élevée », sur le modèle des dispositions prévues par l’article L. 1434-4 du code de la santé publique. Une fois ces zones déterminées, un médecin souhaitant s’y installer ne peut être conventionné avec l’assurance maladie qu’à la condition qu’un autre médecin exerçant dans cette zone cesse définitivement son activité.

Enfin, le présent article laisse ouverte la possibilité d’une négociation, même après l’entrée en vigueur du conventionnement sélectif par la loi, entre l’Assurance maladie et les médecins, dans les conditions prévues par le nouveau 20° bis de l’article L. 162‑5 du code de la sécurité sociale.

● Il est à noter que cette mesure peut être temporaire, du fait d’une situation exceptionnelle, et complémentaire des incitations et des mesures en direction de la formation, qui restent indispensables pour assurer une bonne répartition des professionnels de santé et notamment des médecins, sur le territoire. Il faut également préciser que le conventionnement sélectif constitue un encadrement de la liberté d’installation, sans totalement la remettre en cause. Il s’agit plutôt d’une « troisième voie » entre incitations financières et coercition ([91]), sur le modèle de ce que d’autres États comparables à la France ont déjà mis en œuvre.

 

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Article 2
Obligation de présence en zones sous-denses pour les internes en médecine au cours de leur dernière année d’internat puis dans les deux années qui suivent l’obtention du diplôme

 

Supprimé par la commission

Le présent article propose d’instaurer un dispositif transitoire, négocié avec les représentants des médecins, afin de permettre aux étudiants de réaliser des stages en zones sous-denses durant leur dernière année d’internat et ensuite d’exercer dans ces zones pendant deux ans.

I.   Les étudiants rencontrent d’importantes difficultés pour réaliser des stages en zones sous-denses, ce qui ne permet pas d’inciter à leur installation dans ces territoires

1.   L’état de la démographie médicale remet en cause la possibilité pour les étudiants de réaliser des stages de pratique ambulatoire

● Les étudiants en médecine doivent régulièrement réaliser des stages pratiques. Dès la deuxième année, ces derniers doivent en effet effectuer un stage d’initiation aux soins infirmiers d’une durée de quatre semaines, dans un établissement hospitalier. En deuxième et troisième années, ils doivent réaliser des stages cliniques d’initiation aux fonctions hospitalières, afin d’appliquer des connaissances théoriques et d’acquérir des compétences, notamment dans les liens avec les patients.

C’est au cours du deuxième cycle, après la licence, que les étudiants deviennent « étudiants hospitaliers » et partagent donc leur temps de travail entre l’hôpital et la faculté. Pendant trois années, ils réalisent quatre stages de trois mois dans plusieurs services spécialisés. En deuxième cycle, deux types de stages peuvent être distingués. D’abord, des stages sont réalisés en unités hospitalières de soins, pour une durée de six à huit semaines à temps plein. Chaque étudiant réalise un stage en chirurgie ainsi que dans une unité d’accueil des urgences, de réanimation ou de soins intensifs.

Ensuite, les étudiants doivent réaliser un stage obligatoire de médecine générale, auprès de médecins généralistes agréés maîtres de stage des universités (MSU). Ce stage revêt une importance particulière car il s’agit de l’une des seules périodes de formation mettant les étudiants au contact de praticiens généralistes en ambulatoire, donc potentiellement dans des zones sous-denses. Ainsi, d’après une enquête de l’Ordre des médecins citée par la direction générale du Trésor ([92]), le stage de médecine générale favorise le choix d’exercice de cette spécialité : 68 % des enquêtés en deuxième cycle et 83 % de ceux en troisième cycle ont ainsi affirmé que ce stage leur avait donné envie de faire de la médecine générale.

Or, en raison de l’état de la démographie médicale, le stage de médecine générale n’est pas toujours réalisé ([93]). Cette situation est notamment due à la difficulté que rencontrent les étudiants pour trouver des maîtres de stage, en particulier en médecine libérale et dans les zones sous-denses. Les médecins font également état d’un manque de disponibilité, surchargés par le nombre de patients à recevoir. Les étudiants en médecine témoignent ainsi régulièrement de ces difficultés, sans que des mesures d’ampleur soient prises pour y remédier. L’arrêté du 4 février 2011 ([94]) précise les conditions dans lesquelles les médecins généralistes peuvent être agréés par le directeur général de l’agence régionale de santé concernée, après avis d’une commission de subdivision ([95]). Le praticien doit ensuite se former à la pédagogie, par l’intermédiaire d’un cursus de maître de stage. Selon le Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG) et le Collège national des généralistes enseignants (CNGE), 11 064 praticiens étaient agréés MSU en 2020, soit une progression de 3 % par rapport à 2019 et de 70 % en sept ans ([96]). Ce dynamisme ne semble toutefois pas suffisant pour permettre à l’ensemble des étudiants de réaliser les stages obligatoires de médecine générale : les médecins agréés MSU ne représentent en effet que 11,7 % de l’ensemble des médecins généralistes en France.

● En outre, le code de l’éducation prévoit depuis 2019, dans son article L. 632-2, que les étudiants de médecine générale doivent réaliser un stage au cours de la dernière année du troisième cycle, dénommé stage ambulatoire en soins primaires en autonomie supervisée (Saspas). D’une durée de six mois, celui-ci doit être réalisé chez un praticien généraliste mais aussi au sein de services de protection maternelle et infantile, en médecine scolaire, humanitaire, pénitentiaire etc. Surtout, la loi précise, depuis 2019, que ce stage doit être réalisé « en priorité » dans les zones classées comme sous-denses, au sens de l’article L. 1334-4 du code de la santé publique. Or, à ce jour, aucun décret d’application n’a été publié par le Gouvernement. Le premier ministre a indiqué, en novembre 2021, que cela serait fait « d’ici le printemps prochain » ([97]).

● Enfin, l’article L. 632-5 du code de l’éducation concerne plus précisément le troisième cycle, c’est-à-dire l’internat, et indique que notamment que les internes « exercent des fonctions rémunérées hospitalières ou extra-hospitalières, soit dans les centres hospitaliers universitaires, soit dans des établissements hospitaliers, y compris militaires ou privés , liés à ces centres par convention, soit dans des organismes agréés extra-hospitaliers ou des laboratoires agréés de recherche, soit sous forme de stage auprès de praticiens, de centres de santé ou de structures de soins alternatives à l’’hospitalisation agréés ».

Ainsi, les internes, à l’issue des épreuves classantes nationales (ECN), choisissent leur centre hospitalier universitaire d’affectation ainsi que leur spécialité en fonction de leur classement. À l’occasion de leur troisième cycle, les étudiants effectuent au moins six stages de six mois chacun, en suivant également des cours théoriques. Comme l’indique l’article L. 632-5, ces stages peuvent être hospitaliers, en structures de soins extrahospitalières ou effectués auprès de praticiens en ambulatoire. Or, dans la situation actuelle, les stages tout au long des études médicales et en particulier durant le troisième cycle, sont trop tournés vers les centres hospitalo-universitaires et insuffisamment vers la médecine de ville, en particulier dans les zones sous-denses. En effet, les étudiants qui s’orientent vers d’autres spécialités que la médecine générale peuvent n’avoir effectué, au cours de leurs études, que des stages au sein de structures hospitalières. Seul le Saspas, réalisé uniquement par les étudiants en médecine générale, permet un contact avec la médecine de ville. C’est pourquoi la présente proposition de loi formule des solutions temporaires plus volontaristes afin de remédier à cette situation.

2.   En France, des dispositifs souples pour inciter à l’installation et au maintien en zones sous-denses, contrairement à d’autres États qui ont opté pour des mesures plus volontaristes

● En ce qui concerne l’incitation à l’installation et au maintien en zones sous-denses, des dispositifs ont été créés et régulièrement révisés ([98]). Ainsi, par un avenant de 2007 à la convention médicale de 2005, des incitations financières ont été mises en place pour les médecins exerçant en zones sous-denses, se traduisant par une majoration de 20 % de leurs honoraires. En 2011, ce dispositif a été modifié, afin de majorer de 10 % les honoraires des médecins exerçant en groupe et de 5 % ceux des médecins exerçant en pôle de santé, tout en introduisant des plafonds à ces montants. Une rémunération complémentaire était également prévue pour les médecins n’exerçant pas en zone sous-dotée, mais acceptant de dégager une partie de leur temps médical pour prêter main-forte à leurs confrères. En 2016, ces incitations ont été remplacées par quatre contrats :

– le contrat d’aide à l’installation pour les médecins (Caim), permettant d’offrir une aide à l’installation en zone sous-dense d’un montant d’un montant maximal de 50 000 euros, avec engagement d’y exercer pendant cinq ans consécutifs. En juin 2019, 859 contrats de ce type étaient actifs ([99]) ;

– les médecins préparant leur sortie d’exercice et s’engageant à accompagner un nouveau confrère installé dans leur cabinet pendant trois ans peuvent signer un contrat de transition (Cotram) et bénéficier d’un complément de rémunération de 10 % des honoraires. 66 de ces contrats étaient actifs en juin 2019 ([100]) ;

– le contrat de stabilisation et de coordination médecins (Coscom) récompense le maintien dans un territoire sous-dense sous condition d’exercice coordonné, avec des majorations possibles en cas d’activité dans un hôpital de proximité et/ou d’accueil de stagiaires ou internes ;

– les médecins non installés en zone sous-dotée sont incités, par des bonifications d’honoraires, à apporter leur aide aux confrères qui y sont installés.

● La France ne va donc pas jusqu’à mettre en œuvre une obligation temporaire d’exercice en zones sous-denses, même si cette mesure est régulièrement proposée dans le cadre des débats parlementaires. Certains États ont toutefois mis en place une telle obligation. Dans certains pays, ce dispositif concerne spécifiquement les médecins diplômés à l’étranger. Ainsi, en Australie, ces derniers doivent exercer dans une zone rurale sous-dense pendant dix ans. Aux États-Unis, ces médecins peuvent être recrutés dans des territoires où l’offre de soin manque, pendant trois ans. En contrepartie, ils sont dispensés de l’obligation de retourner au moins deux ans dans leur pays d’origine avant de pouvoir revenir. En outre, « d’autres pays, notamment à revenu faible ou moyen, obligent les médecins à exercer pendant une période dans des zones défavorisées avant de pouvoir accéder à une spécialisation » ([101]).

Si cette politique fait débat, « des experts font remarquer que, pour les zones concernées, qui sont typiquement rurales, sous-médicalisées, peu attractives, il est malgré tout préférable d’avoir des médecins dont le turnover est prévisible que pas de médecin du tout, et que ce type de programme est une réponse pragmatique aux défis qui se posent dans ces zones dans de nombreux pays » ([102]).

L’OMS recommande depuis 2010 plusieurs solutions pour améliorer l’accès aux soins ([103]). Parmi elles, figure l’obligation, pour les médecins ou autres professionnels, d’exercer dans des zones sous-médicalisées pendant une certaine période. Ce dispositif doit permettre, même sur une durée limitée, « d’assurer un service à la population », en complément de dispositifs d’accompagnement et de soutien. L’OCDE a fait le même constat en 2014 ([104]), en indiquant que les dispositifs de régulation à l’installation « ont d’autant plus de chances d’être efficaces qu’il n’y a pas d’échappatoire » ([105]), prenant notamment l’exemple de l’Allemagne.

II.   le Droit proposé : obliger les internes à réaliser un stage en zones sous-denses et les diplômés à exercer durant deux ans dans ces zones

L’article 2 de la proposition de loi vise à instaurer un dispositif transitoire, négocié avec les représentants des médecins, afin de permettre aux étudiants de réaliser des stages en zones sous-denses durant leur dernière année d’internat et ensuite d’exercer dans ces zones pendant deux ans.

Ainsi, le présent article introduit d’abord un nouvel alinéa au sein de l’article L. 632-5 du code de l’éducation, qui encadre les stages réalisés durant le troisième cycle des études médicales (I). Ce nouvel alinéa permet de préciser que, lorsque la dernière année de ce cycle est réalisée dans le cadre d’un internat, celle‑ci est consacrée à un stage en zones sous-denses. Ces zones sont définies au sens de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique. Cette obligation doit permettre d’assurer une formation qui ne soit pas intégralement tournée vers les centres hospitalo-universitaires, mais également vers la pratique de la médecine générale en zones sous-denses. Cette nouvelle obligation devrait également permettre d’enclencher un dynamisme plus fort dans l’agrément des médecins généralistes comme maîtres de stage des universités.

Ensuite, le présent article crée un article L. 4131‑6‑1 du code de la santé publique dans l’objectif d’introduire l’obligation pour les nouveaux diplômés d’exercer, s’ils souhaitent être conventionnés avec l’assurance maladie, dans des zones considérées comme sous-denses au sens de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique (II). Cette obligation, qui doit être considérée comme transitoire, ne concerne que l’exercice et non l’installation, et doit permettre de faire face dans l’urgence à la situation extrêmement difficile que connaissent certains territoires du point de vue de la démographie médicale.

Enfin, il faut bien noter qu’une diversité de modalités d’exercice pourra être proposée aux jeunes diplômés et internes, prenant en compte leurs nouvelles aspirations professionnelles telles que décrites plus haut. Ainsi, ils pourront non seulement exercer à titre libéral, mais aussi salarié et en exercice mixte alliant le libéral et le salariat, par exemple sous la forme d’une activité à la fois à l’hôpital et en médecine de ville.


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   Examen en commission

Au cours de sa réunion du mercredi 12 janvier 2022, la commission a examiné la proposition de loi ([106]).

 

Mme la présidente Fadila Khattabi. Six des amendements déposés sur cette proposition de loi ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution, car ils n’avaient pas de lien, même indirect, avec les dispositions du texte. Celui-ci comporte deux articles et son champ s’avère moins large, par construction, que celui de la proposition de loi déposée par M. Jumel sur le même thème en novembre dernier, qui en comptait sept. Certains des amendements que nous avions alors pu examiner ne peuvent donc pas l’être aujourd’hui.

M. Guillaume Garot, rapporteur. En 2019, j’avais déjà défendu devant vous une proposition de loi alors que 6 millions de Français vivaient dans ce qu’on appelle communément un désert médical. Aujourd’hui, en 2022, ils sont 8 millions. La désertification a des effets directs sur l’hôpital : dans de nombreux territoires, les urgences craquent sous l’afflux de nouveaux patients. La nécessité est donc plus forte que jamais. Les solutions qui ont été conçues et mises en œuvre jusqu’à présent n’ont pas produit les effets attendus. C’est un terrible échec collectif.

Bien sûr, notre démographie médicale est en souffrance depuis plusieurs décennies. Nous avons perdu depuis dix ans 7 000 généralistes libéraux, et le nombre total de médecins en activité stagne, alors que la population française continue à croître et à vieillir. Bien sûr, il aurait fallu agir plus tôt, et plus fort – mais nous avons laissé le nombre de soignants diminuer et, surtout, les inégalités s’aggraver entre les territoires, et donc entre les Français, avec ici des concentrations et là des déserts.

Car il existe en France des zones largement dotées en présence médicale : il y a, rapportés à la population, trois fois plus de médecins généralistes dans certains départements que dans d’autres. Prétendre que le pays entier serait en pénurie médicale est faux. Dans certains territoires, notamment dans le sud de la France et sur les côtes, méditerranéenne ou atlantique, il est très facile de prendre un rendez‑vous chez un médecin, même si ce n’est pas votre médecin traitant. Pour les 8 millions de Français qui vivent dans un désert médical, la réalité est complètement autre : dans ces zones sous‑dotées, il faut en moyenne 180 jours – six mois ! – pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologue. Mais dans d’autres territoires, comme à Paris, j’en ai fait l’expérience moi-même, il vous faut deux heures. Voilà l’inégalité, l’injustice, dans le pays de la sécurité sociale pour tous !

Comment donc garantir le droit d’accès à la santé, à un médecin près de chez soi ? Je ne prétends pas qu’il y aurait un remède miracle : je crois plutôt à une combinaison de réponses. Toutes les incitations qui ont été développées depuis des années en font partie, mais elles ne sont pas à la hauteur du problème. Je ne suis pas le seul à l’affirmer : des députés de toutes les sensibilités politiques le disent aussi, et des rapports très savants, très documentés, très argumentés de la Cour des comptes, du Conseil économique, social et environnemental ou encore de la direction générale du Trésor le confirment. Ils montrent que les incitations coûtent cher à la collectivité publique et ne sont pas suffisamment efficaces.

On nous dit, en particulier la majorité en place depuis 2017, que des mesures ont été prises. En effet, mettre fin au numerus clausus est une manière de former davantage de médecins – mais à quel horizon seront-ils en activité ? Dix ans ! Quelle réponse cela apporte‑t‑il à ceux qui n’ont pas de médecins aujourd’hui ? Par ailleurs, même si la fin du numerus clausus est inscrite dans les textes, les universités ne sont pas en mesure d’accueillir bien plus d’étudiants.

On nous dit aussi qu’on a créé les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour inciter à mieux travailler ensemble. C’est très bien, et nous avons soutenu cette évolution sur tous les bancs. Mais elle est très progressive : elle ne produit pas à l’heure actuelle d’effets concrets concernant la présence des médecins, qui sont les pivots des CPTS.

Au‑delà des mesures ponctuelles, le moment est venu de refonder le contrat entre la nation et nos médecins. Quand on y réfléchit bien, la nation finance leurs études – elles sont gratuites. Certes, les jeunes internes en médecine donnent beaucoup de leur temps à la société, pour une rémunération faible, il faut le dire. Mais soyons justes : la nation garantit les revenus des médecins, à travers nos cotisations à l’assurance maladie. Qu’y aurait-il donc de choquant à dire à nos médecins qu’il faut se mettre autour d’une table pour travailler à la meilleure répartition possible dans tous les territoires, en particulier ceux où il y a un manque ?

C’est en ces termes que je veux poser le problème, ceux d’un contrat refondé entre la nation et les médecins. Je crois profondément à l’idée d’une régulation pour l’installation. Ce mot de « régulation » ne doit pas nous effrayer. Il ouvre la porte à une nouvelle politique, volontariste, qui s’appuie sur deux piliers qui font les deux articles de cette proposition de loi.

Le premier pilier est ce que nous appelons le conventionnement sélectif, qui vise à stopper la progression des inégalités. De quoi s’agit-il ? On n’autoriserait plus l’installation d’un médecin, généraliste ou spécialiste, dans les zones où l’offre de soins est considérée comme suffisante, sauf, bien sûr, en cas de départ à la retraite d’un autre médecin, qu’il est parfaitement légitime de vouloir remplacer. C’est la première mesure forte que nous devons adopter.

La seconde mesure que je vous propose, pour résorber les inégalités, est une obligation de présence et d’exercice des jeunes médecins en zone sous‑dotée pendant trois années au total : la dernière année d’internat et les deux années suivant l’obtention du diplôme. Il faudra naturellement être souple quant à l’application de cette disposition. Les formes, les statuts d’exercice et de présence médicale doivent répondre aux aspirations professionnelles des jeunes médecins d’aujourd’hui, sur le travail en équipe, la possibilité d’être salarié ou, pourquoi pas, un exercice mixte entre l’hôpital et le cabinet, là où il n’y a plus de médecin. Il faut être ouvert.

Puisqu’il s’agit d’un contrat, je suis prêt à mettre toutes les questions sur la table. Parlons aussi de la rémunération des internes, des allégements administratifs, des assistants médicaux ! Tous ces sujets doivent être traités, autour de l’idée fondamentale, progressiste, nécessaire, de la régulation de la présence médicale.

J’ajoute une troisième disposition, que je vous proposerai d’introduire dans le texte par amendement : il s’agit de donner la capacité aux jeunes, en particulier ceux qui viennent des milieux populaires, d’embrasser la carrière médicale. C’est aussi une réponse à la désertification. En effet, beaucoup de lycéens s’interdisent même d’envisager la possibilité de faire des études médicales et de devenir médecins, parce que leur famille ne peut pas les soutenir financièrement. Or on sait que l’attachement à un territoire, l’origine géographique sont un déterminant du choix du lieu d’installation. Si le contrat d’engagement de service public (CESP), qui s’adresse aux étudiants déjà engagés dans un parcours universitaire, était ouvert aux lycéens qui veulent choisir cette orientation, en contrepartie de quoi ils s’engageraient à revenir ensuite exercer dans leur région d’origine, ce serait de nature à élargir la diversité des origines sociales et géographiques et à susciter l’installation d’une nouvelle génération de médecins. Bien sûr, les effets s’en verront dans dix ans, mais notre responsabilité est aussi de préparer l’avenir.

Ces questions dépassent de loin les étiquettes politiques. Je me réjouis de voir que des amendements viennent de presque tous les bancs, et je donnerai un avis favorable à tous ceux qui vont dans le sens de l’action volontariste que je défends.

À ceux qui trouvent que cette proposition de loi est dérangeante, je réponds qu’à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. On me dit que les médecins, leurs organisations professionnelles, ne sont pas d’accord. Mais, chers collègues, nous sommes là pour défendre l’intérêt général, pour répondre aux inquiétudes, aux angoisses des Français qui n’ont plus de médecin ! C’est maintenant qu’ils attendent des réponses, pas demain.

Voilà comment nous devons traiter le problème : au nom de l’intérêt général. Notre responsabilité est de trouver des solutions et d’adapter les règles pour rester fidèles à cette magnifique idée de la Résistance qu’est la santé pour tous. Nous devons lutter contre ce sentiment d’abandon qui a gagné tellement de Français qui ne croient plus en la politique, qui se désintéressent de l’action publique, de la démocratie et de la République.

Il nous revient de donner un coup d’arrêt à la désertification médicale. Beaucoup de Françaises et de Français comptent sur nous. Ne les décevons pas.

Mme Stéphanie Rist (LaREM). Si, depuis plusieurs années, la nécessité de renforcer l’accessibilité à des soins de qualité est collectivement ressentie, nous ne partageons pas votre acharnement à voir par le seul prisme de l’obligation d’installation des jeunes médecins le problème des déserts médicaux. Nous pensons que la question de l’accès aux soins ne doit pas se résumer à celle de l’accès à un médecin mais concerne plus généralement l’accès à une offre de soins.

En effet, s’il convient de former plus de médecins, ce que nous avons permis avec la suppression, dès 2019, du numerus clausus, qui portera ses fruits dans plusieurs années, c’est aussi grâce à une meilleure coopération entre les professionnels et à de véritables délégations de tâches que nous relèverons le défi de l’accès aux soins.

Cette proposition de loi prévoit, en son article 1er, un conventionnement sélectif pour inciter les médecins à s’installer en zones sous‑denses. Cela aboutirait à des effets pervers non négligeables pour nos concitoyens : le nombre de médecins étant trop faible en France, l’absence de disponibilité d’un médecin conventionné conduirait à un recours forcé à un médecin non conventionné, et donc non remboursé, ce qui ferait peser la contrainte financière sur nos concitoyens. Par ailleurs, ce type de mesure coercitive a déjà montré son inefficacité : les pays qui l’ont adopté décident d’y mettre fin.

Le texte comprend un second article, qui crée une obligation de présence en zone sous‑dense au cours de la dernière année d’internat de médecine, puis dans les deux années suivant l’obtention du diplôme. Si nous comprenons l’objectif, nous ne pensons pas qu’une telle mesure soit réellement applicable. Au‑delà de la rédaction, qui ne semble pas prendre en compte les dernières réformes des études médicales, notamment les avancées liées au statut de docteur junior, certaines spécialités ne peuvent s’apprendre que dans des établissements qui n’existent pas forcément dans les zones sous‑denses.

Cette proposition de loi vise à atteindre un objectif primordial : il est effectivement nécessaire d’accélérer, et d’aller plus loin pour améliorer l’accès aux soins. Cependant, notre groupe ne rejoint pas le rapporteur, dont les réponses sont centrées sur le médecin : nous pensons qu’elles seraient inefficaces et qu’elles aggraveraient même la situation. Nous défendrons donc des amendements de suppression.

Mme Marine Brenier (LR). Merci, monsieur le rapporteur, de nous permettre de débattre à nouveau de cette question. Nous savons à quel point votre groupe est attaché à ce sujet, puisque c’est déjà le quatrième texte que vous lui consacrez.

Nous partageons les mêmes constats que vous dans les territoires concernés : le rapport défavorable entre le nombre de professionnels de santé et le nombre d’habitants, l’accès limité aux professionnels de santé et le nombre plus élevé de personnes âgées ou ayant une affection de longue durée. Cependant, force est de constater que votre texte, qui repose avant tout sur une approche géographique, ne répond pas pleinement aux enjeux. Vous situez principalement le problème dans les zones rurales et périurbaines. Pourtant, les déserts médicaux n’affectent pas uniquement ces territoires : selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, un quart des personnes qui ont un niveau d’accessibilité limité aux soins ne vivent pas dans les zones rurales. Nous ne pouvons donc pas exclure les zones urbaines des mesures à prendre.

En outre, les déserts médicaux ont plusieurs causes structurelles. D’abord, le numerus clausus : nous n’y reviendrons pas, mais il a entraîné un défaut de recrutement et un vieillissement évident des professionnels de santé. Le nouveau mode de sélection ne semble pas vraiment améliorer la situation. Ensuite, l’abandon de plusieurs spécialités qui étaient pourtant essentielles au bon fonctionnement de notre système de santé, comme la santé publique, la médecine générale et la psychiatrie. Enfin, le changement de mentalité des nouvelles générations de médecins, qui souhaitent de plus en plus pouvoir concilier vie professionnelle et vie privée et ne plus forcément exercer en solitaire.

En tant qu’élus et gouvernants, nous devons viser plusieurs objectifs : revaloriser la médecine de ville, développer le travail pluridisciplinaire et proposer aux jeunes médecins des conditions de travail plus adaptées aux nouveaux modes de vie. Votre texte, malheureusement, exclut certains de ces enjeux. Vous proposez en quelque sorte de mettre fin à la liberté d’installation dans des zones où l’offre est déjà suffisante, et vous souhaitez obliger, certes temporairement, des internes et de jeunes médecins à être présents en zones sous‑denses. Ces mesures contraignantes risquent d’avoir un effet contreproductif sur nos futurs professionnels de santé. La liberté d’installation doit rester le maître‑mot.

Il faudra trouver ailleurs des solutions efficaces, en accompagnant les professionnels dans ces zones. C’est la raison pour laquelle, même si nous partageons votre préoccupation, monsieur le rapporteur, le groupe Les Républicains votera contre ce texte.

Mme Pascale Fontenel-Personne (Dem). Une nouvelle fois, notre commission est saisie d’une proposition de loi visant à lutter contre la désertification médicale par des mesures radicales : le conventionnement sélectif et l’obligation d’exercice en zones sous‑denses pour les jeunes médecins. La récurrence de ces textes – c’est le troisième de la part de M. le rapporteur – constitue, à n’en pas douter, un signal important au sujet des difficultés d’accès aux soins que connaissent des territoires de plus en plus nombreux. Le phénomène, constaté depuis déjà trop longtemps, s’aggrave en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation des pathologies chroniques.

Le présent texte a donc un objectif très louable mais, à ce stade, ne nous semble ni souhaitable ni réalisable.

Tout d’abord, alors que seulement 8 % des jeunes médecins s’installent en libéral, les obliger à aller là où ils ne veulent pas ne fera que réduire ce taux déjà très faible. Imposer des obligations dont ni les étudiants en médecine ni les médecins ne veulent induirait sans aucun doute des effets pervers, tels qu’un déconventionnement massif ou un recentrage vers le salariat à l’hôpital, qui ne feraient qu’accroître la concurrence avec la médecine de ville.

Par ailleurs, si les effets de la suppression du numerus clausus font l’objet de beaucoup de réserves, encore fallait-il avoir le courage de prendre cette mesure. Je ne crois pas que c’était envisagé lorsque vous étiez membre du gouvernement sous la précédente législature, monsieur le rapporteur. Évidemment, il faudra du temps pour voir la présence médicale se densifier, mais nous avons hérité de la question – et il va de soi que les méthodes et les analyses peuvent diverger.

Je ne crois pas qu’imposer des règles à des médecins qui n’existent pas encore soit très opportun. C’est simplement mathématique. En attendant, la prochaine décennie doit permettre d’innover en engageant une réelle montée en compétences de toutes les professions médicales et paramédicales – le dernier rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, faisant suite à la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, la « loi Rist », est d’ailleurs éclairant sur ce point – ou en facilitant l’accès direct à certains professionnels de santé, comme nous l’avons fait dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Attirer de jeunes médecins dans nos campagnes mais aussi dans nos petites villes doit être le combat de tous, Gouvernement, parlementaires, élus des collectivités territoriales. De nombreuses initiatives venues du terrain fonctionnent autour des CPTS et des maisons de santé, dont le nombre ne cesse d’augmenter depuis 2019. Dotons-nous, dans un premier temps, de médecins, et ensuite nous agirons si les zones sous‑dotées subsistent – en l’état, peu de territoires sont bien dotés.

La pratique du « hâte-toi lentement » semble adaptée. Aussi notre groupe, dans une très large majorité, ne soutiendra-t-il pas cette proposition de loi.

M. Joël Aviragnet (SOC). Comme le rapport l’explique, notre pays connaît depuis plusieurs années une situation aussi paradoxale qu’inquiétante. Avec le pouvoir d’achat, la santé reste la préoccupation principale des Français. Cependant, l’accès aux soins se détériore année après année et les inégalités en matière de santé ne cessent de croître, comme en témoignent les indicateurs relatifs à la densité de médecins. Rappelons que l’accès équitable aux soins est un droit garanti constitutionnellement. C’est pour rétablir ce principe juridique et pour répondre aux attentes des Français que le présent texte nous est soumis.

La désertification médicale est une réalité dont nous devrions avoir honte. Il est anormal que Paris compte deux fois plus de médecins généralistes pour 100 000 habitants que le département voisin, plus pauvre, de la Seine‑Saint‑Denis. Il est tout aussi scandaleux que Paris accueille neuf fois plus de spécialistes pour 100 000 habitants que le département de l’Eure et vingt fois plus que Mayotte, sans parler des zones rurales – je pense évidemment au Comminges et au Savès.

La proposition de loi que nous examinons a pour objectif de casser cette dynamique néfaste et dangereuse : néfaste car elle rompt la promesse d’égalité républicaine, et dangereuse, chaque jour, pour nos concitoyens qui résident dans des déserts médicaux.

La pénurie de spécialistes peut trouver une solution temporaire grâce à l’implantation de maisons de santé pluridisciplinaires dans les zones sous‑dotées, comme nous l’avons fait dans ma circonscription. Quant à la médecine générale, les politiques incitatives appliquées depuis des années n’ont pas été efficaces : elles n’ont pas pu empêcher l’augmentation continue des inégalités en matière de santé. Je nous appelle donc, collectivement, à cesser nos atermoiements et à soutenir cette proposition de loi.

Celle-ci veut instaurer un double mécanisme. D’une part, la mise en place du conventionnement sélectif dans les zones sur‑denses vise à désinciter les médecins à s’installer dans les territoires déjà bien dotés. D’autre part, l’obligation pour les internes en médecine à exercer durant les premières années de leur carrière dans les zones sous‑denses permettra de répondre concrètement à la pénurie de médecins. Ce mécanisme doit s’accompagner de conditions de travail exemplaires favorables à un exercice moderne de la médecine, comme les jeunes médecins le demandent.

Cette proposition de loi m’apparaît donc nécessaire pour résoudre la crise que notre système de santé subit au quotidien. Quoi qu’en disent le Gouvernement et sa majorité, la simple suppression du numerus clausus ne suffira pas à rétablir l’égalité entre les différents territoires de la République en matière de santé.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (Agir ens). Pour la seconde fois en quelques semaines, notre commission examine une proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux. Notre groupe partage bien sûr l’ambition du rapporteur, alors que ce fléau n’épargne désormais aucun territoire, rural ou urbain. Nous sommes tous confrontés, dans nos circonscriptions respectives, à des citoyens qui ne parviennent pas à trouver un généraliste près de chez eux ou à prendre rendez‑vous chez un spécialiste. Il ne s’agit pas de nier les faits. Oui, nous avons un problème de démographie médicale en France. Oui, la médecine de ville a perdu en attractivité par rapport à l’hôpital.

Face à cela, nous disposons de deux leviers pour agir. D’abord, accroître le nombre de médecins : c’est ce qui a été fait par la suppression du numerus clausus, mais c’est une décision qui portera ses fruits sur le temps long, on le sait. Ensuite, renforcer l’attractivité de l’offre libérale : là encore, beaucoup a été fait, notamment avec la loi « Ma santé 2022 ». Au‑delà des incitations financières, dont on a bien vu les limites, je rappelle les mesures tendant à développer l’exercice coordonné, à créer 4 000 postes d’assistants médicaux pour libérer du temps médical, ou à instaurer des stages obligatoires pour les étudiants en médecine. J’insiste sur ce dernier point, car il est essentiel de rapprocher la formation des zones sous‑denses, pour susciter chez les nouveaux de médecins l’envie de s’installer dans ces territoires. Nous avons aussi agi sur le développement de la télémédecine, qui fait partie de la réponse à très court terme dans les territoires les plus carencés.

Néanmoins, il n’y a pas de solution miracle, et je ne crois pas à l’efficacité du conventionnement sélectif. D’une part, cela ne fonctionne que pour les professions dont le vivier est suffisamment vaste pour couvrir l’ensemble des territoires. Or, il n’y a pas, ou plus, d’endroits en France où les médecins seraient trop nombreux. D’autre part, nous nous exposons au risque de voir certains médecins choisir d’exercer hors convention, ce qui créerait une médecine à deux vitesses.

Notre système de médecine libérale est un bon système. Préservons-le. Vous l’aurez compris, le groupe Agir ensemble votera majoritairement contre ce texte.

M. Yannick Favennec-Bécot (UDI-I). La Mayenne, département que je partage avec notre rapporteur, est le troisième désert médical français. Le service des urgences de l’hôpital de Laval ferme en moyenne quatre nuits par mois depuis novembre. Cette situation est d’autant plus intenable qu’il absorbe déjà la fermeture des urgences des villes alentour, dont Vitré et Fougères, en Ille‑et‑Vilaine. L’État a abandonné nos concitoyens dans ces territoires. Pourtant, la protection de la santé est un principe fondamental de notre République.

Aux fermetures des services d’urgences s’ajoute un renoncement aux soins de plus en plus répandu, dû à l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous médical dans un délai raisonnable. Il faut parcourir des dizaines de kilomètres ou attendre des mois pour consulter un généraliste ou un spécialiste. Huit millions de Français vivent dans un désert médical. Cette situation est inacceptable et insupportable. Et le pire est à venir, selon les mutuelles de santé.

L’heure n’est plus au diagnostic, au rejet de la faute sur telle ou telle majorité, à l’accumulation de dispositifs financiers incitatifs qui ont démontré toutes leurs limites. L’heure n’est plus à la préservation d’un modèle qui déraille. La situation est trop grave, et il y a urgence à agir – à réagir.

La liberté d’installation du médecin ne peut plus être placée au-dessus de la santé de nos concitoyens. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre encore dix ans que de nouveaux médecins soient formés, sans être assurés, d’ailleurs, qu’ils s’installeront bien dans les territoires désertés. Nous n’avons pas d’autre choix que d’instaurer un système de régulation de l’installation des médecins pour garantir une répartition équilibrée dans l’ensemble du territoire.

C’est la raison pour laquelle nous soutenons cette proposition de loi de Guillaume Garot, qui s’ajoute à celle que notre groupe avait déposée en novembre dernier, à l’initiative de Thierry Benoit, et à celle qui a été examinée en séance le 2 décembre dans le cadre de la niche parlementaire du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. C’est en effet un sujet transpartisan, qui dépasse les clivages politiques traditionnels.

M. Jean-Hugues Ratenon (FI). La désertification médicale est également un sujet préoccupant en outre‑mer. Je profite de l’examen de ce texte pour appeler encore une fois l’attention sur une question précise à laquelle le Gouvernement n’a jamais donné de réponse.

Il peut être très difficile de faire établir un certificat de décès le week‑end ou en soirée. Outre qu’il faut des heures à n’en plus finir pour que les décès soient constatés, il y a tous les papiers administratifs que les familles endeuillées doivent remplir. Tout cela aggrave leur peine, leur douleur.

Le manque de médecins le week‑end et après la fermeture des cabinets en semaine est la principale cause du problème. À La Réunion, beaucoup vivent qui plus est dans les hauteurs de l’île, ce qui aggrave encore la situation. Ne serait‑il pas utile d’augmenter le nombre de médecins de garde afin d’établir les certificats de décès et de soulager les familles ?

De plus, pourquoi seuls les médecins seraient-ils aptes à délivrer ces certificats ? Ne pouvons‑nous accorder à d’autres professions de santé l’autorisation de le faire lorsqu’un médecin de garde n’est pas disponible ? Les pompes funèbres ne peuvent rien faire sans certificat de décès. Cela serait une solution à ce problème qui se pose chaque semaine, et cela permettrait aux familles de passer des heures précieuses aux côtés de leurs défunts. En bref, il s’agit de ne pas ajouter de la peine à la peine.

Par ailleurs, nous soutenons cette proposition de loi, qui est nécessaire.

Mme Jeanine Dubié (LT). La question de la désertification médicale nous aura beaucoup occupés au cours de ce quinquennat, preuve qu’elle devient primordiale pour nos concitoyens, partout sur le territoire, à mesure que le phénomène s’aggrave. Le groupe socialiste, par la voix de Guillaume Garot, que je remercie pour sa pugnacité, propose une nouvelle fois l’instauration d’un conventionnement sélectif, dont nous avons déjà débattu à plusieurs reprises.

J’entends bien les arguments de ceux qui s’y opposent, mais je crois qu’on ne peut plus reculer. Il faut avoir le courage de bousculer un peu la sempiternelle liberté d’installation. Nous avons épuisé toutes les solutions incitatives, toutes majorités confondues : elles n’ont pas eu les effets attendus. Il faut donc envisager des mesures de régulation, comme il en existe pour d’autres professions. Il faut aussi accompagner l’évolution de la profession, qui se tourne de plus en plus vers le salariat pour l’exercice de la médecine de ville. C’est un phénomène récent mais qui concerne de plus en plus les jeunes médecins, attirés par une activité dans les centres de santé en tant que salariés des collectivités locales. On voit fleurir de tels centres de santé dans les départements ruraux qui sont confrontés à la désertification médicale.

La réforme du numerus clausus était nécessaire, mais ses résultats ne se verront pas avant plusieurs années. Par ailleurs, outre augmenter le nombre de médecins, il faut assurer une meilleure répartition sur le territoire. Si l’arrêté ministériel publié en septembre dernier prévoit une augmentation générale du nombre d’étudiants de 20 %, dans certaines académies, comme celles de Poitiers et de Rouen, elle n’est que de 1 ou 2 %. La seule augmentation des effectifs ne suffira donc pas. C’est pourquoi l’obligation de présence en zones sous‑denses pour les internes et les jeunes diplômés est intéressante, sachant que 75 % des médecins généralistes s’installent dans la région où ils ont soutenu leur thèse.

Monsieur le rapporteur, les décrets d’application de la loi « santé » de 2019 ont-ils enfin été pris ? Je pense en particulier à la disposition prévoyant un stage d’un semestre en pratique ambulatoire, à effectuer prioritairement dans les zones sous‑denses.

Soucieux de trouver un équilibre entre liberté d’installation et protection de la santé, laquelle doit être garantie à chacun, le groupe Libertés et Territoires votera majoritairement en faveur de cette proposition de loi.

M. Pierre Dharréville (GDR). Merci, monsieur le rapporteur, pour cette proposition de loi. Il est des clous sur lesquels il faut taper plusieurs fois pour les enfoncer.

Je recevais vendredi dernier, dans ma circonscription, les représentants d’un collectif de la ville d’Istres, qui compte 50 000 habitants. Il avait recueilli 3 000 signatures sur le sujet des déserts médicaux, et en particulier de la pénurie de médecins à Istres. Un peu partout, des gens se mobilisent parce qu’ils s’inquiètent de la situation. Au moins 11 % des Françaises et des Français sont concernés par cette pénurie, et nous connaissons les inégalités de santé qui frappent les territoires.

Un certain nombre d’entre nous ne veulent pas toucher au modèle existant, ne veulent rien changer, parce qu’ils ont sans doute en tête une conception de la médecine adossée à une sorte de liberté d’entreprendre. Ce n’est pas notre vision des choses, et je pense que c’est une conception assez minoritaire parmi les médecins eux-mêmes. Il faut entendre les nouvelles aspirations, ainsi que celles des médecins qui sont là depuis longtemps et qui demandent à exercer la médecine dans d’autres conditions.

Certains d’entre nous disent qu’il est urgent d’attendre. Pourtant, le droit à la santé existe dans notre pays, et il est menacé, bafoué : des femmes et des hommes n’y ont pas accès dans des conditions raisonnables. Nous soutiendrons donc cette proposition de loi. Nous avions nous‑mêmes proposé, avec Sébastien Jumel, il y a quelques semaines, un texte qui allait dans la même direction.

Des propositions, des solutions sont mises sur la table. Nous ne pouvons en rester à la situation actuelle, il faut agir. La puissance publique doit prendre ses responsabilités. Nous avons le devoir d’organiser l’accès aux soins, nous ne pouvons pas nous contenter de regarder la situation en disant qu’il est urgent d’attendre.

M. le rapporteur. Ces quelques interventions vont dans des sens très différents. Pour ma part, je défends le conventionnement sélectif avec conviction depuis 2016. On nous dit que toute mesure de régulation serait inefficace. Regardons pourtant ce que font certains pays proches : y atil des systèmes de régulation, en particulier dans les États membres de l’Union européenne ? La réponse est oui. Au Danemark, comme d’ailleurs en Norvège, les médecins ne peuvent pas s’installer comme ils le souhaitent. Une régulation permet de garantir la présence d’un médecin aux habitants de toutes les régions, notamment celles dont le climat est rude. Et cela fonctionne. L’Allemagne a aussi adopté un système de régulation, qui a bien entendu fait l’objet d’adaptations – ce qui est normal pour toute politique publique. Il faut tirer les leçons de ce qui est fait d’intéressant ailleurs.

Certains collègues disent aussi, pour simplifier, que la régulation est une abomination et que les médecins ne peuvent pas être soumis à des règles qui contreviendraient à la liberté d’installation. Il existe pourtant une régulation pour d’autres professions de santé, comme les infirmiers, les kinésithérapeutes ou les pharmaciens. Un pharmacien ne peut pas ouvrir une officine comme il le souhaite. Il y a des règles à respecter, afin de tenir compte des bassins de population – et l’on peut constater qu’il y a des pharmacies partout en France. Je voudrais qu’on m’explique pourquoi ce qui fonctionne pour ces professions de santé ne fonctionnerait pas pour la médecine libérale. En quoi la logique est-elle si différente que cela empêcherait toute régulation ? J’ai beau chercher depuis des années, je ne trouve pas de réponse à cette question et j’attends toujours des arguments convaincants.

On nous dit ensuite que nous allons tuer la médecine libérale et décourager les vocations. Mais combien y a‑t‑il chaque année de jeunes étudiants qui, hélas, ne sont pas admis à poursuivre leurs études de médecine ? Les vocations existent ! Il y a des vocations pour la médecine libérale bien sûr, et c’est tant mieux, car elle fait la force de notre système d’offre de soins, même s’il faut désormais l’adapter et l’encadrer. Mais les jeunes générations de médecins souhaitent aussi d’autres formes d’exercice, et c’est ce que nous proposons avec ce texte. La présence en zones sous‑denses qui est prévue par l’article 2 pour la dernière année d’internat et les deux premières années qui suivent l’obtention du diplôme peut prendre des formes extrêmement diverses, comme la collaboration, le salariat, qui constitue une demande de plus en plus forte, ou l’exercice mixte entre l’hôpital et le cabinet. Il faut réfléchir particulièrement sur ce dernier point : l’accès au plateau technique de l’hôpital est désormais demandé par de très nombreux jeunes médecins.

C’est en ce sens qu’il faut travailler, plutôt qu’adopter la posture idéologique trop souvent défendue par les opposants à la régulation. Soyons pragmatiques. Il faut trouver des solutions. Comment voulez‑vous faire accepter aux Français qui n’ont pas de médecin qu’il leur suffit de serrer les dents et que cela ira beaucoup mieux dans dix ans, en espérant que les choses s’amélioreront d’elles-mêmes ? Ce n’est pas sérieux. Nous devons leur dire que nous comprenons leur angoisse et que nous cherchons des solutions, rapides et réalistes. C’est ce que nous proposons avec ce texte.

M. Bernard Perrut. Les efforts et les projets menés depuis un certain nombre d’années n’ont pas permis d’enrayer la désertification médicale. Sept à dix millions de Français continuent de vivre dans un désert médical, alors que le droit à la santé est considéré comme un droit constitutionnel. Mais il semble qu’il ne soit pas appliqué de la même manière partout. Il s’agit donc d’un véritable enjeu. Lorsqu’on entend que sept Français sur dix auraient renoncé à se soigner au moins une fois, il y a de quoi s’interroger sur les politiques publiques menées.

Je ne peux que soutenir les objectifs de la proposition de loi, tant l’égal accès aux soins et la lutte contre la perte de chance doivent être l’affaire de tous. Toutefois, apportez‑vous les bonnes solutions, monsieur le rapporteur ? En choisissant une approche géographique, vous excluez de fait les territoires urbains, où il peut aussi y avoir des difficultés d’accès aux soins. Les déserts médicaux sont partout, et pas seulement dans les campagnes. Les villes et les grandes métropoles sont concernées, et l’Île‑de‑France ou le Grand Lyon n’échappent pas à ce phénomène. Que proposez-vous réellement pour leurs habitants ?

Le problème est que le nombre de médecins est sous‑dimensionné par rapport aux besoins de santé de la population. Alors que la médecine générale fait partie des dernières spécialités choisies par les étudiants, comment agir à la racine, dès l’entrée en faculté de médecine ? En effet, la contrainte lors de l’installation n’est pas très bien acceptée.

Les pistes doivent être envisagées en concertation avec les collectivités locales, qui s’investissent beaucoup pour créer des maisons de santé et des centres de soins et pour accompagner l’installation de médecins dans les zones sous‑denses, notamment en développant la salarisation. Pour répondre aux enjeux de la transformation des pratiques et aux attentes de ces nouveaux médecins, qui souhaitent travailler avec une équipe stable et sécuriser leur installation, nous devons porter l’effort sur une approche territoriale menée en lien avec les départements et les régions – qui peuvent apporter des soutiens financiers importants.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Nous partageons deux constats : la difficulté d’accès aux soins pour nombre de nos concitoyens dans beaucoup de zones rurales ou urbaines ; et une pénurie médicale liée à la gestion comptable menée depuis trente ans par tous les gouvernements, de droite comme de gauche, républicains ou socialistes.

Depuis cinq ans, nous avons pris des mesures, en supprimant le numerus clausus, en réformant les études médicales, en favorisant l’exercice de groupe, en réduisant la partie administrative de la pratique pour rendre du temps à la médecine, grâce aux assistants médicaux.

Vous voulez réguler, avec un conventionnement sélectif qui ne fera qu’aggraver la situation, comme l’ont montré les exemples étrangers. Pour notre part, nous voulons poursuivre le travail que nous faisons depuis cinq ans, en rendant plus attractif l’exercice de la médecine libérale et donc de la médecine générale – seulement 8 % des étudiants choisissent cette spécialité –, en accroissant les possibilités d’effectuer des stages, surtout pour la médecine générale dans les zones sous‑denses, et en associant les collectivités territoriales. Treize étudiants lyonnais vont bientôt s’installer en Ardèche à la suite de gardes réalisées chez les pompiers, qui leur ont fait découvrir ce département. Il faut aussi faire monter en compétence les professionnels paramédicaux – nous avons commencé avec les orthoptistes et les kinésithérapeutes. J’avais déposé des amendements allant dans ce sens, qui ont malheureusement été déclarés irrecevables.

Vos propositions seraient inefficaces. Il existe déjà un système régulé en France : l’hôpital public. Mais, bien qu’il soit public et régulé, il y manque 3 000 médecins, généralement dans les zones sous‑denses... CQFD. Enfin, vous faites référence au modèle de l’installation des pharmaciens, qui doivent acheter leur officine. Est‑ce celui que vous voulez imposer aux médecins généralistes ?

Mme Monique Iborra. Comme souvent, les questions posées par la proposition de loi que nous examinons sont pertinentes. Le problème est la réponse qui est apportée. La vôtre n’est pas nouvelle, monsieur le rapporteur : elle avait été proposée bien des années avant cette législature et n’a jamais été adoptée, alors que les déserts médicaux étaient déjà une réalité. Elle pourrait certes apparaître comme une solution, mais les expériences de ce type menées dans d’autres pays montrent que tel n’est pas le cas.

Pour autant, faut-il ne rien faire ?

La stratégie « Ma santé 2022 » prévoit la mise en place des CPTS, créées en 2016 mais qui n’avaient été soutenues politiquement ni par les collectivités territoriales, ni à l’échelon national. Ma circonscription a la chance d’accueillir deux CPTS, qui regroupent vingt‑six communes. Les médecins s’organisent en leur sein pour assurer l’accès aux soins dans ce désert médical. Cette solution peut être difficile à concrétiser, car elle suppose l’adhésion des médecins libéraux, mais je pense que nous devons tous davantage soutenir ce type de démarche – très peu de députés s’en occupent – pour mettre en pratique ce que nous avons voté.

M. Jean-Pierre Door. Ce n’est pas par idéologie mais par pragmatisme que je m’oppose aux contraintes figurant dans cette proposition de loi. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois, puisque c’est un sujet que nous avons vu revenir régulièrement au cours de cette législature et des précédentes, auxquelles nous avons tous deux participé, monsieur le rapporteur.

La médecine générale est l’une des plus belles spécialités médicales – et je sais de quoi je parle. Malheureusement, elle est en déficit. Moins de 10 % des étudiants choisissent la médecine générale à la fin de leur internat : ils préfèrent d’autres spécialités, aussi bien dans les grandes métropoles que dans les territoires ruraux. Les médecines à exercice particulier se sont développées depuis de nombreuses années, ce qui entraîne une désaffection à l’égard de la médecine générale.

Les jeunes médecins ont 30 ou 32 ans lorsqu’ils doivent décider de leur parcours professionnel, après l’internat et la thèse. À ce moment, ils vivent à proximité d’un centre hospitalier universitaire (CHU), donc d’une métropole, et ils sont en ménage ; la décision doit donc être prise à deux, ce qui est plus difficile aujourd’hui qu’il y a trente ou quarante ans, quand le conjoint travaillait moins souvent. Bref, savoir pourquoi les étudiants ne choisissent plus la médecine générale est une question compliquée, qui nécessite réflexion. En tout cas, ce n’est pas avec la contrainte qu’on la résoudra. Vous risquez de créer deux secteurs, une médecine libérale conventionnée et une médecine libérale libre, indépendante et privée.

M. Philippe Vigier. Je soutiens la proposition de loi de Guillaume Garot. J’en avais déposé une sur le même sujet en 2010 : le gouvernement de l’époque m’avait expliqué que c’était impossible. En 2016, c’était une camarade de Guillaume Garot qui m’expliquait que c’était impossible. Et j’ai récidivé en 2018 en tant que rapporteur de la commission d’enquête sur l’égal accès aux soins des Français.

Un ancien Président de la République a dit : « Dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé ». Cette phrase avait laissé des traces. Pour l’accès aux soins en tout cas, on n’a pas tout essayé. Les mesures défendues par Guillaume Garot font partie des vingt et une propositions de la commission d’enquête. Cyrille Isaac-Sibille répond que seulement 8 % des jeunes médecins s’installent dans le privé, mais, cher ami, c’était déjà comme ça il y a cinq ans ! La désertification médicale est devant nous et, quoi qu’on en dise, il y a un nombre d’heures de médecin disponibles.

Je ne dis pas que les solutions sont faciles. Aujourd’hui même, le président de la région Centre‑Val de Loire essaye de reprendre l’initiative contre la désertification médicale. Dix propositions sont sur la table, que nous avons écrites ensemble avec Stéphanie Rist. La proposition de rendre possible l’accès direct aux orthoptistes et aux kinésithérapeutes se heurte à ceux qui ont toujours de bonnes raisons pour remettre le médecin au centre de tout.

Arrêtons ! Vous verrez dans quelques semaines que le pouvoir d’achat et l’accès aux soins figurent parmi les premières attentes des Français. Ce sont des sujets majeurs et transpartisans, sur lesquels nous pouvons nous réunir.

Quant aux contraintes, n’y en a‑t‑il pas dans l’internat national classant ? En fonction de votre résultat, vous allez dans une faculté ou un autre ! Ce fut le cas pour mes enfants, qui sont partis à 400 kilomètres pour suivre des spécialités qui n’existaient pas dans leur région.

Essayons de faire œuvre utile. Je rencontre régulièrement les jeunes internes de ma région ; eux-mêmes se rendent compte qu’on est au bout d’un système. Au lendemain de la pandémie, il faut le refonder, en s’appuyant sur l’intelligence collective. Je rêve que nous soyons un jour capables d’écrire une proposition de loi transpartisane : nous y gagnerions en crédibilité et en efficacité politique.

Mme Isabelle Valentin. La question de l’accès aux soins est de plus en plus prégnante dans le débat public. Beaucoup trop de Français renoncent aux soins car les délais d’attente sont trop longs. Ce renoncement a une incidence négative sur l’espérance de vie. La désertification médicale est un véritable enjeu public et elle pose la question de l’équité de l’aménagement du territoire. Huit millions de Français vivent dans un désert médical. Dans mon département, 47 communes, soit 8 000 habitants, cumulent les trois difficultés d’accès aux soins de premiers secours. La Haute‑Loire fait partie des vingt départements français qui comptent le plus de communes classées en désert médical.

Nous faisons bien face à un problème sanitaire de grande ampleur, qui va s’accentuer avec le vieillissement des professionnels médicaux. L’augmentation du numerus clausus portera ses fruits dans dix ans. Les élus et les collectivités territoriales sont mobilisés et font preuve d’ingéniosité en créant des maisons médicales pluridisciplinaires, des maisons des internes ou des bus itinérants, ou en favorisant la télémédecine. Mais est‑ce bien leur rôle ? Ne devrions-nous pas faciliter la formation et l’insertion des infirmiers en pratique avancée, développer la formation et l’emploi des assistants médicaux ?

Notre système de santé doit être revu dans sa globalité. Il faut décloisonner. Dans les départements ruraux, la crise sanitaire a démontré combien l’hôpital public a su travailler avec la médecine de ville : des partenariats peuvent être créés.

M. Guillaume Chiche. La désertification médicale représente une ségrégation absolument insupportable. Huit millions de femmes, d’hommes et d’enfants sont privés d’accès aux soins car ils vivent dans les déserts médicaux, 70 % des Françaises et des Français déclarent renoncer à des soins par impossibilité de consulter. Les premières victimes résident dans les territoires ruraux et périurbains. Le renoncement aux soins conduit à des diagnostics tardifs, à des pertes de chance, à des souffrances accentuées, à des drames.

Je suis convaincu qu’une discrimination sociale s’ajoute à cette discrimination territoriale. En effet, ceux qui n’ont pas accès à un généraliste ou un spécialiste dans leur département doivent en chercher un dans les départements voisins : cela a un coût, insupportable pour beaucoup de nos concitoyens.

Beaucoup a été fait en matière d’incitation, et je salue la pugnacité des élus locaux qui se démènent pour attirer des praticiens. Mais le constat est sans appel : les déserts médicaux perdurent, et cela sera vrai encore pour les dix prochaines années. Si l’on veut garantir un accès universel au système de santé, il faut piloter l’installation des médecins. Des orientations politiques ont été adoptées en faveur du maintien à domicile ou de la prise en charge hospitalière en ambulatoire, mais tout cela ne peut pas fonctionner sans un maillage homogène des professionnels de santé. C’est la raison pour laquelle je soutiens cette proposition de loi.

 

M. Stéphane Viry. Je rejoins les propos tenus depuis le début de cette réunion ; les Vosgiens subissent la même situation. De nombreux travaux parlementaires ont eu lieu sur ce sujet depuis le début de la législature et il existe manifestement une volonté partagée pour aller de l’avant. Sur les vingt et une recommandations qui ont été évoquées, pourquoi n’en avoir retenu que deux, monsieur le rapporteur, pour votre proposition de loi ? Quel raisonnement vous a conduit à écarter les autres pistes ?

M. Thomas Mesnier, rapporteur général. Ce n’est pas la première fois que nous débattons de vos propositions, et ce n’est pas la première fois que nous allons nous y opposer. Stéphanie Rist a déjà commencé à vous expliquer pourquoi.

Vous ne nous avez pas convaincus. J’observe que vous n’avez pas davantage convaincu votre candidate à l’élection présidentielle, qui a fait ses premières propositions en matière de santé il y a quelques jours et qui s’oppose à toute mesure autoritaire pour l’installation des médecins dans les zones qui manquent de médecins traitants. Ces mesures ne fonctionnent pas. Certains pays qui les avaient instaurées ont fait marche arrière.

Au contraire, il faut poursuive dans la voie choisie depuis 2017, en allant plus vite et plus fort. Grâce à la suppression du numerus clausus, plus de 10 000 étudiants sont inscrits en deuxième année de médecine. À plus court terme, nous nous appuyons sur tous les professionnels de santé – pharmaciens, kinésithérapeutes, sages‑femmes et infirmiers. Il faut développer encore le partage de compétences, probablement en donnant plus d’autonomie aux infirmiers et en déployant plus vite les infirmiers en pratique avancée. La création au cours du quinquennat du métier d’assistant médical permet d’augmenter le nombre de consultations réalisées par les médecins.

C’est bien simple, là où toutes les mesures que nous avons prises sont déployées, la patientèle moyenne d’un médecin généraliste passe de 970 patients à plus de 2 000. Avec près de 100 000 médecins généralistes en exercice, le déploiement complet de ces mesures apportera des solutions à bien des Français.

C’est donc bien dans ce sens qu’il faut aller, tout en généralisant le recours au numérique ainsi que le service d’accès aux soins.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. L’accès à la santé est à juste titre une préoccupation des Français, et on voit bien leur inquiétude.

Je me trompe peut-être, mais certaines descriptions peuvent donner le sentiment que les médecins forment une profession de nantis, à qui on laisse faire ce qu’ils veulent, comme ils le veulent. Cela mérite quelques éléments de contexte.

Pléthore de mesures, qui ont été décrites, permettent une répartition plus adéquate des médecins. Comme on le voit dans les territoires, ça bouge, même si cela prend du temps. Les études de médecine durent plus de dix ans. Ce n’est pas facile : on ne sort pas tous les soirs ! À partir de la troisième année, on est en stage tous les jours, et à partir de la cinquième année, on coopère pleinement à l’accès aux soins dans les hôpitaux. Pendant la crise sanitaire, beaucoup a été demandé aux jeunes internes, parfois jusqu’à l’épuisement, pour que le système de soins fonctionne. Je voudrais qu’on pense à eux.

Monsieur le rapporteur, quelles ont été les discussions avec ces jeunes durant vos travaux ? Comment appréhendent-ils vos propositions ? Il serait dommage de ne pas pouvoir tenir compte de leur avis.

M. le rapporteur. Certains s’inquiètent de ce qu’un système de régulation fragiliserait les vocations pour la médecine générale. Je vous rassure : le dispositif que je vous propose concerne tous les spécialistes. En effet, dans certains territoires, la désertification peut être pire encore s’agissant des médecins spécialistes, et donc les inégalités entre citoyens encore plus grandes. Il faut donc s’adresser à l’ensemble des spécialités, la médecine générale en étant une.

Pour résumer à grands traits, vous dites oui à l’incitation, et non à la régulation. Mais cette régulation est la meilleure chance à donner à l’incitation ! Parce qu’on peut raconter tout ce qu’on veut sur les avantages des CPTS et des maisons de santé, et appeler à les multiplier : tous les élus locaux s’y sont lancés, toutes les communautés de communes financent des maisons de santé, avec Yannick Favennec-Bécot nous pouvons en témoigner... sauf qu’il n’y a pas de médecins ! Dès lors, votre solution n’en est plus une. Soyez réalistes, tenez compte de la situation. Ne soyez pas crispés face à la régulation, voyez‑la comme une solution qui n’a pas été expérimentée pour les médecins alors qu’elle existe pour quasiment toutes les autres professions de santé.

S’agissant des réactions des jeunes médecins à mes propositions, j’ai auditionné tout le monde : les représentants des jeunes internes, des médecins, des élus, des usagers. Si l’on veut être efficace, il faudra travailler avec l’ensemble des partenaires pour que les nouvelles règles tiennent compte des aspirations professionnelles des jeunes médecins, mais aussi, voire d’abord, des besoins de nos concitoyens. C’est à ces besoins qu’il faut répondre, avec les élus, les usagers et bien sûr les professionnels de santé.

Nous savons à quel point leur engagement est décisif, dans la période que nous traversons et pour les années qui viennent. Nous savons la difficulté du métier, le temps qu’ils y passent. C’est avec eux, et même pour eux que nous voulons trouver des solutions. Car la pression sur les médecins est immense dans les zones où les départs à la retraite ne sont pas remplacés : tous les jours, ils doivent refuser de nouveaux patients. Ce sont eux qui nous demandent de trouver des solutions, ils n’en peuvent plus. Quittons donc les postures et les préjugés idéologiques pour essayer de trouver des solutions pragmatiques pour améliorer la vie de l’ensemble de nos concitoyens.


Article 1er : Instauration d’un conventionnement sélectif pour les médecins

Amendement de suppression AS10 de Mme Stéphanie Rist.

Mme Stéphanie Rist. Cet article instaure le conventionnement sélectif des médecins libéraux. Je vais revenir sur les quatre raisons pour lesquelles nous demandons sa suppression.

Je suis étonnée que votre côté de l’échiquier politique ne soit pas inquiet de la charge que le déconventionnement des médecins ferait peser sur les malades. Ils n’auraient pas d’autre choix que d’aller consulter un médecin non conventionné sans être remboursés.

Deuxième point : vous dites que le dispositif n’est pas un frein au choix de la spécialité. Mais quand vous êtes étudiant, vous devez choisir, d’une part, votre spécialité et, d’autre part, si vous allez la faire à l’hôpital ou en ville. Si l’on instaure une obligation d’installation pour les médecins libéraux, spécialistes ou généralistes, beaucoup de ceux qui n’ont pas envie de la subir vont choisir la médecine hospitalière. Avec 30 000 postes vacants à l’hôpital, ils pourront s’installer à l’endroit où ils le désirent. C’est donc un frein au choix de la spécialité de médecine générale.

Vous indiquez que des pays ont fait le choix de l’obligation d’installation. Certes, mais les Allemands sont en train de revenir sur cette obligation car ils se sont rendu compte que les médecins s’installaient en périphérie des zones sous‑dotées : cela ne marche donc pas. Et au Danemark, il ne s’agit pas d’une obligation d’installation des médecins, mais d’une obligation de prise en charge des soins non programmés. C’est un autre débat et nous sommes ouverts à la discussion sur ce point.

Enfin vous relevez que les pharmaciens ne peuvent pas s’installer n’importe où. C’est vrai, mais le gradient du nombre de pharmacies va de zéro à sept entre une zone sous‑dotée et une zone sur‑dotée, alors que l’écart est seulement de 0,5 pour les médecins généralistes. Bref, si l’on enlève des généralistes dans les zones sur‑dotées, cela créera de la pénurie partout en France. C’est un choix politique, mais ce n’est pas le nôtre.

Encore une fois, nous préférons faire confiance au sens de la responsabilité des jeunes médecins et avancer dans le développement et le partage des compétences : voilà les mesures efficaces.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La façon dont la majorité envisage la réponse à la désertification médicale est désolante. Il faut prendre la mesure de ce que c’est de vivre dans un territoire sans médecin. Les solutions que vous proposez auront un effet dans dix ans, pas à court terme. Même si elle va dans le bon sens, l’évolution des pratiques demande du temps.

Pour aller plus vite, il faut adopter des mesures de régulation, afin de s’assurer de la présence de médecins partout sur le territoire national. Il n’y a aucune raison d’accepter que certains Français n’aient pas le droit à un médecin à proximité.

M. Philippe Vigier. Stéphanie Rist a fait part d’un écart de 0,5 pour les médecins généralistes. Ce n’est pas vrai : en Eure‑et‑Loir on compte 70 médecins pour 100 000 habitants ; à Paris, c’est 380.

Pour les pharmaciens, il y avait une règle : une pharmacie pour 2 500 habitants. Ne l’a‑t‑on pas changée un jour, pour la porter à 5 000 habitants ? Cela a‑t‑il provoqué des remous particuliers ? C’est la vérité, et Jean-Pierre Door le sait très bien. Et si les dépassements d’honoraires existent à l’hôpital, depuis 1982, c’est parce qu’on s’est aperçu qu’autrement, les médecins manquaient d’appétence pour y exercer. Des mesures de régulation existent donc depuis longtemps, en ville comme à l’hôpital.

Par ailleurs, pour répondre à Thomas Mesnier, régulation d’un jour n’est pas régulation toujours ! Nous faisons face à un cap difficile. Le numerus clausus n’a pas été supprimé, il a été augmenté. D’ailleurs, soyons honnêtes, il l’a été continûment depuis 2001 : alors qu’il avait 3 500 médecins formés par an à cette date, on arrive à 8 500, et on va passer à 10 000. Ne faisons pas comme si le ciel bleu arrivait d’un coup après la grisaille, alors que les choses vont rester très compliquées pendant sept ou huit ans. Je le dis avec beaucoup de calme et de détermination.

Un dernier mot sur les délégations de tâches. Lors de la pandémie de covid‑19, on a demandé aux pharmaciens de vacciner, puis aux infirmiers, puis aux pompiers. Ils ont été formés pour cela. Cela marche très bien. La délégation de tâches constitue une véritable avancée. Le problème est qu’il y a toujours des tentatives de revenir sur ce qui a été décidé dans l’hémicycle, comme la loi de Stéphanie Rist en est une belle illustration.

M. Pierre Dharréville. Dans la situation actuelle, les collectivités locales et les maires sont en concurrence pour essayer d’attirer les médecins. C’est à qui construira la plus belle maison de santé, à qui donnera un terrain au médecin pour qu’il s’installe... – cela existe. Ce ne sont pas de véritables solutions. Cela ne veut pas dire que chaque collectivité ne doit pas essayer de créer les meilleures conditions pour l’installation des médecins, mais cela ne peut pas produire des miracles.

Certains prétendent que la proposition de loi créerait plus d’effets de bord délétères que d’effets positifs. Je n’y crois absolument pas. Au contraire, nous avons besoin de régulation : s’il faut l’accompagner de mesures complémentaires, nous les trouverons. Mais nous devons agir.

Certains disent aussi que la régulation créerait de la pénurie partout. Sauf que la pénurie est déjà là, c’est pour cela qu’il faut réguler ! Ils passent alors à l’argument de la coercition. Mais par les temps qui courent, je crois qu’on a une bonne illustration de ce qu’est vraiment la coercition...

Non, il ne s’agit que de réguler. Nous avons besoin d’une puissance publique qui s’en occupe.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il existe un système public régulé en France : c’est l’hôpital. Si la régulation marche, l’hôpital devrait marcher. Alors pourquoi y compte‑t‑on 30 000 postes vacants, notamment dans les petits hôpitaux ? Comment voulez-vous que la régulation améliore le système de médecine libérale alors qu’elle ne donne pas de solution à l’hôpital ?

La régulation ne fonctionne pas parce que nous sommes en situation de pénurie ; celle-ci joue aussi bien sur le système régulé public que sur la médecine libérale.

M. Didier Martin. Si l’on raisonne uniquement à partir du rapport entre le nombre de médecins, généralistes et spécialistes, et le nombre d’habitants pour réguler l’offre de soins, on a tout faux. L’accès aux soins de premier recours est indépendant de cette variable numérique sur laquelle vous vous fondez. Il faut évaluer la situation plus finement, sans se lancer à la tête des clichés sur les suppressions de lits ou les déserts médicaux. La chambre régionale des comptes de Bourgogne‑Franche‑Comté se penchera prochainement sur l’accès aux soins de premier recours et ce sera l’occasion d’évaluer un dispositif mis en place par le département de Saône‑et‑Loire, qui semble assez efficace.

Dans les zones très denses, où il n’y a plus de médecins en secteur 1, votre proposition risque d’aggraver les choses. Les médecins partant à la retraite demanderont de l’argent pour céder leur patientèle. À rebours de vos idées, vous allez relancer un processus de marchandisation de la médecine.

Enfin, votre système ne prend pas en compte l’état de santé de la population dans un territoire donné. Or il existe des départements où les besoins en spécialistes et en généralistes, rapportés à la population, sont plus importants.

Vous avez pris un marteau énorme pour enfoncer le clou, monsieur le rapporteur. Il faut être plus fin et plus intelligent que cela.

M. Thierry Benoit. Les centristes, qui aiment à dire « liberté autant que possible, régulation autant que nécessaire », souhaitent bien évidemment le maintien de l’article 1er.

En attendant que la suppression du numerus clausus porte ses fruits, il faut imaginer d’autres solutions, co‑construites avec les médecins. Certes, les syndicats sont vent debout contre le conventionnement sélectif, mais je constate que les jeunes internes en médecine ne sont pas insensibles aux arguments des députés qui, à l’image de Guillaume Garot, de Yannick Favennec‑Bécot, de Philippe Vigier ou de moi‑même, se battent pour l’accès aux soins de leurs concitoyens.

Ceux qui s’opposent par principe à la régulation et au conventionnement sélectif n’ont pas de propositions qui fassent avancer le débat. Les mesures incitatives prises depuis plusieurs années ne suffisent plus : les maisons pluridisciplinaires, c’est bien, mais encore faut‑il que des professionnels de santé s’y installent !

M. Julien Borowczyk. Monsieur le rapporteur, il n’y a pas, d’un côté, ceux qui n’écoutent pas les Français, et de l’autre, les grands sauveurs de l’humanité. Je regrette que votre propos introductif soit aussi clivant. Nous sommes tous ici des représentants de la nation, qui n’ont pas forcément la même vision des choses, mais qui peuvent en débattre.

Monsieur Benoit, je serai très franc : les professionnels de santé, et parmi eux les plus jeunes, se fichent bien du conventionnement sélectif. Ils vous disent que ce n’est pas la question, que, de toute façon, ils auront bien d’autres possibilités pour s’installer là où ils le veulent. Pour le coup, vous perdrez des médecins libéraux. Pensez-vous vraiment que, d’un claquement de doigts, les médecins iront visser leur plaque dans des endroits reculés et peu attractifs où ils devront travailler tous seuls ? Non, il se passera la même chose que pour les infirmiers : ils iront simplement s’installer en périphérie des zones très denses, et vous n’y aurez rien gagné.

Nous ne sommes pas ici pour faire du lobbying, mais pour démontrer que cette solution est inopérante. Ça ne peut pas marcher, tous les professionnels de santé le disent. Beaucoup de mesures incitatives ont été mises en œuvre, sur le partage du travail ou la délégation des tâches par exemple. C’est cela qui marche. J’étais hier au téléphone avec une neurologue qui souhaite s’installer dans une des maisons de santé pluridisciplinaires de ma circonscription : elle ne vient pas parce qu’elle y est contrainte, mais parce qu’elle veut exercer au sein d’une équipe qui fonctionne. C’est aux élus de terrain de faire ce travail de conviction.

M. Jean-Pierre Door. Je suis opposé au conventionnement sélectif, pour une seule raison : le faible nombre d’étudiants qui optent pour la médecine générale. Les chiffres qu’a cités Philippe Vigier concernant le nombre de généralistes installés à Paris sont biaisés, car la majorité d’entre eux sont en secteur 2 et exercent aussi comme acupuncteurs ou homéopathes. La réalité, c’est que le nombre de médecins généralistes a baissé de 25 %.

Il faut comprendre les raisons de cette désaffection. Elles tiennent sans doute à la formation, au fait que la maîtrise de stage, mal rémunérée, n’est pas développée. Il faudrait aussi, dès la deuxième année, informer les étudiants en médecine sur leurs possibilités d’orientation et sur l’état de la cartographie nationale pour chaque spécialité. Ce n’est pas à la sortie des études, quand ils ont 30 ans, qu’on peut leur ordonner d’aller à un endroit et pas ailleurs !

M. le rapporteur. Le conventionnement sélectif concerne autant les généralistes que les spécialistes. Il ne sera opérant qu’à la condition qu’il soit fondé sur une vision objective de la situation sanitaire, une connaissance fine des besoins de chaque territoire. C’était le sens de ma proposition de loi de 2019.

Je ne vois aucune difficulté à faire des distinctions entre le secteur 1 et le secteur 2. Le conventionnement sélectif peut être appliqué au secteur 2, en laissant aux médecins la liberté de s’installer en secteur 1. La réalité, c’est que, dans certaines villes des Alpes‑Maritimes, la concentration de médecins est telle que la seule façon de tirer un revenu est de s’installer en secteur 2 – ou de faire de la télémédecine, pour des patients à 1 000 kilomètres de là.

Vous voulez supprimer l’article sans même envisager une expérimentation. Vous affirmez que cela ne marchera jamais, mais qu’en savez-vous ? Proposez par amendement d’expérimenter le conventionnement sélectif, nous ne demandons que ça ! Si vous ne le faites pas, c’est par posture idéologique, au nom d’une supposée liberté d’installation qui ne souffrirait aucune régulation. Or celle‑ci est nécessaire pour donner aux mesures d’incitation toute leur force. Nous sommes tous d’accord sur l’utilité de ces dernières, mais je rejoins Pierre Dharréville : elles risquent d’exacerber encore la concurrence entre les territoires, et coûtent une fortune aux contribuables.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est supprimé.

 

Après l’article 1er

Amendement AS2 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Nous proposons que les agences régionales de santé (ARS) déterminent chaque année les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou des difficultés d’accès aux soins – zones d’intervention prioritaire, zones d’action complémentaire ou zones de vigilance – ainsi que celles où le niveau de l’offre est particulièrement élevé. Le zonage est aujourd’hui décalé de deux ans : cette actualisation améliorerait notre connaissance des réalités du terrain.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. le rapporteur général. Nous en avons parlé lors de l’examen du PLFSS : pour avoir travaillé sur cette question et participé aux concertations au niveau local, en Charente, je crains qu’une révision annuelle du zonage ne soit contreproductive, en termes de temps et de lisibilité. En revanche, il serait intéressant de prévoir, dans l’intervalle des trois ans, une clause de retour à meilleure fortune qui permettrait d’adapter le zonage de façon vraiment fine.

Il serait en outre souhaitable de traiter de manière distincte les quartiers de veille active, comme c’est déjà le cas pour les quartiers de la politique de la ville (QPV). Ces évolutions pourraient intervenir par la voie réglementaire.

M. Philippe Vigier. J’invite Jean-Pierre Door à venir à Châteaudun, il pourra constater que sur les douze médecins généralistes installés dans la ville, pas un n’est en secteur 2. Dire une contre-vérité n’en fait pas une vérité.

Certes, il ne serait pas simple d’actualiser chaque année le zonage. Mais ce dernier pourrait prendre en compte les départs à la retraite, qui sont connus à l’avance, et être adapté lorsqu’on sait que la réalité a changé. Dans ma circonscription, selon le zonage qui datait de 2019, deux communes distantes de 3 kilomètres étaient l’une en zone sur‑dense, l’autre en zone sous‑dense. Il a suffi à un médecin de déménager de l’une à l’autre pour toucher 50 000 euros, comme au Monopoly ! Dans le département, ce sont douze médecins qui sont allés récupérer des aides de l’État en s’installant dans les zones sous‑denses. J’ai dû me bagarrer avec l’ARS pour faire changer le zonage. Je vous invite à lire le rapport de la Cour des comptes sur cette question, il est incendiaire !

M. Thierry Benoit. Les ARS sont capables d’actualiser toutes les semaines les données relatives à la vaccination contre le covid‑19, par tranche d’âge qui plus est. Les technologies modernes nous permettent de disposer de données statistiques actualisées, qui peuvent être reportées sur des documents lisibles et compréhensibles du plus grand nombre. Aujourd’hui, les cartographies sont affaire de spécialistes. Mais chacun doit pouvoir savoir quelle est la densité de médecins sur son territoire.

M. le rapporteur général. Le zonage prend déjà en compte les évolutions prévisibles sur trois ans, notamment les départs à la retraite et les désinstallations. Bien sûr, la cartographie doit être lisible et compréhensible par tous. Mais c’est la concertation entre les départements, les intercommunalités, les parlementaires et les élus, en lien avec les professionnels de santé, qui permet d’affiner le zonage : les statistiques sont indispensables, mais elles ne remplacent pas la connaissance du terrain.

M. le rapporteur. Les besoins en santé doivent être objectivés, pour devenir un outil de pilotage des politiques publiques. On a besoin de données certes démographiques, mais aussi sur l’évolution des pathologies dans un territoire donné, en fonction des caractéristiques de la population. C’est ainsi que la politique sanitaire gagnera en efficacité.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement AS1 de M. Thierry Benoit et sousamendement AS16 de M. Guillaume Garot.

M. Thierry Benoit. Dans ma circonscription, en l’espace de trois semaines, 1 500 patients se sont retrouvés sans solution après qu’un médecin collaborateur, tout de suite suivi par le médecin titulaire, qui ne voulait pas rester seul, ont décidé de quitter la maison médicale où ils exerçaient.

Inspiré par cette expérience, je propose qu’en zone sous‑dotée, les professionnels de santé avertissent l’ARS et le conseil de l’Ordre au moins un an avant leur départ, afin que le conseil départemental, les élus locaux et les professionnels de santé puissent se mobiliser et trouver une solution de remplacement.

M. le rapporteur. Nous sommes tous confrontés dans nos circonscriptions à de tels départs, dont l’annonce crée généralement un choc chez les patients. Je propose de sous‑amender cette excellente proposition en prévoyant une dérogation en cas de circonstances exceptionnelles – maladie ou mutation du conjoint par exemple.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

 

Amendement AS9 de Mme Delphine Bagarry.

M. Guillaume Chiche. L’amendement est défendu.

M. le rapporteur. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 : Obligation de présence en zones sousdenses pour les internes en médecine au cours de leur dernière année d’internat puis dans les deux années qui suivent l’obtention du diplôme

Amendement de suppression AS11 de Mme Stéphanie Rist.

Mme Stéphanie Rist. Nous proposons de supprimer cet article, qui instaure l’obligation d’effectuer dans une zone sous‑dense la dernière année de l’internat et les deux premières années d’exercice.

Nous l’avons expliqué, nous préférons l’incitation à la coercition. C’est ainsi que le CESP a été renforcé et que les quatre contrats incitatifs proposés par l’État aux jeunes médecins ont été regroupés en un contrat unique, le contrat de début d’exercice. Ces mesures sont efficaces.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Door. Je suis depuis longtemps favorable à l’idée d’un stage obligatoire d’un an dans les zones en difficultés, en fin d’internat ou tout de suite après, en cabinet ou à l’hôpital. Cela donnerait une expérience en ambulatoire, et en milieu rural. En revanche, je ne suis pas favorable à ce que cette obligation s’étende sur trois ans.

M. Philippe Vigier. Quand je parle d’intelligence collective ! L’article 2 fixe une durée de trois ans, Jean-Pierre Door est favorable à un an, j’avais proposé à une époque trois semestres et je crois savoir que Stéphanie Rist n’est pas opposée à l’idée d’imposer des stages dans d’autres CHU... Nous devrions y arriver !

Le drame, c’est l’hospitalo‑centrisme : les internes restent dans les murs de leur CHU parce qu’on leur explique que c’est là que tout se passe. Mais c’est faux : on peut passer une ou deux merveilleuses années ailleurs, à apprendre son métier, en étant rémunéré pour cela.

En adoptant cet amendement, vous viderez le texte de sa substance. Je vous propose de laisser ouverte cette belle voie, au moins sur ce sujet.

M. le rapporteur. Nous avons déjà introduit dans la loi l’obligation d’effectuer, au cours de la dernière année d’études, un stage d’un semestre en pratique ambulatoire dans les zones sous‑denses. Étrangement, le Gouvernement n’a pas mis en œuvre cette disposition – comme s’il pouvait s’opposer à une mesure votée par les parlementaires ! Cela ne va pas sans poser un problème démocratique.

Selon nos collègues La République en Marche, c’est le CESP qui est la solution pour endiguer la désertification médicale. Mais enfin, seulement 4 700 CESP ont été proposés depuis 2010, et on ne compte aujourd’hui que 426 médecins, installés en zone sous‑dense, qui en ont bénéficié. Ce dispositif ne répond donc qu’à une faible part des besoins.

Quant à la suppression du numerus clausus, elle a certes permis de faire sauter une barrière mais elle n’a pas entraîné une augmentation du nombre d’étudiants, car on ne dispose pas des capacités pour les accueillir, en tout cas à hauteur des besoins. En outre, rien ne garantit que ces étudiants supplémentaires iraient s’installer, à l’issue de leurs études, là où on a besoin d’eux. En supprimant cet article, vous vous privez d’un moyen d’action publique.

M. le rapporteur général. Revenons sur certaines contre‑vérités. Oui, nous avons voté en 2019, avec la loi « Ma santé 2022 », la suppression du numerus clausus. Désormais, le nombre d’étudiants de deuxième année est fixé selon les capacités de formation et les besoins du territoire, en lien avec l’ARS et les universités. Pas moins de 10 000 étudiants supplémentaires, soit une hausse de 19 %, sont ainsi entrés en deuxième année de médecine. C’est sans commune mesure avec ce qui a été fait jusqu’à présent.

S’agissant du stage qui doit être effectué en priorité dans une zone sous‑dense, disposition qui est le fruit d’un dialogue avec le Sénat, le Premier ministre a indiqué il y a quelques semaines que la sortie du décret était prochaine. Elle a été retardée par la crise sanitaire, ce qu’on peut comprendre. Mais, en fin de compte, cela ne résout pas le problème principal, puisque nous ne disposons pas de maîtres de stage en nombre suffisant : tant que les médecins en zone sous‑dense n’accepteront pas d’accueillir des stagiaires, ces stages ne pourront pas être effectués !

M. Philippe Vigier. Si l’on divise le nombre d’étudiants supplémentaires par le nombre d’années d’études, on voit que l’augmentation, sur les cinq dernières années, est parfaitement dans la ligne de ce qu’elle était auparavant. Thomas Mesnier le sait, c’est le nombre d’heures de médecins disponibles qui est insuffisant ; en dépit des réformes, il le restera ces dix prochaines années, parce que la population augmente et que la demande croît plus vite que l’offre de soins.

C’est désormais la capacité de formation qu’il faut augmenter. Nous attendons le fameux double arrêté du ministre de la santé et de la ministre de l’enseignement supérieur. Sans cette double décision – cela vaut pour la faculté de médecine à Orléans, madame Rist – on n’y arrivera pas !

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il est bien beau de prévoir un stage obligatoire, encore faut-il trouver des maîtres de stage ! Ils ne sont pas suffisamment nombreux chez les généralistes, surtout en zone rurale. Et, quelle que soit la spécialité, les professionnels doivent aussi accepter que les stages ne se déroulent pas uniquement au sein des CHU : il faut aller voir dans les hôpitaux périphériques ou dans les cabinets de spécialistes exerçant en libéral.

M. Pierre Dharréville. Le sujet fait encore débat : peut-être que la majorité n’est‑elle pas si sereine qu’elle le dit, ce qui est une bonne nouvelle.

Par ailleurs, Thomas Mesnier explique le retard du décret par la crise sanitaire. Mais c’est bien parce qu’il y a une crise sanitaire que le Gouvernement ne doit pas tarder à prendre ce type de décision ! Il me semble que notre rôle est de contrôler l’exécutif, qui doit appliquer les dispositions que nous votons. Nous nous honorerions à adopter cette proposition de loi qui va plus loin que ce que le Gouvernement souhaiterait.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

 

Après l’article 2

Amendement AS4 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Nous proposons que le stage de dernière année en pratique ambulatoire ne soit pas effectué en zone sous‑dense « en priorité », mais de façon obligatoire. Depuis les QPV de Marseille jusqu’aux villages ruraux de Mayenne, décrétons la mobilisation générale ! Les professionnels de santé doivent accueillir les internes afin qu’ils apprennent l’exercice de la médecine en zone sous‑dense, aussi bien dans les hôpitaux de proximité que dans les cabinets médicaux.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS15 de M. Guillaume Garot.

M. le rapporteur. Le CESP – une rémunération pendant les études en contrepartie d’une installation en zone sous-dense – ne concerne pour l’heure que les étudiants à partir de la deuxième année. Je propose que soit étudiée la possibilité de l’élargir, dès la première année, aux étudiants issus de zones où le taux d’accès aux études de médecine est particulièrement faible ou dans lesquelles l’offre de soins est insuffisante. Diversifier les origines sociales et géographiques des étudiants serait une bonne solution pour lutter contre la désertification.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement AS5 de M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Il serait opportun qu’un rapport recense et évalue tous les dispositifs que nous avons instaurés, pour savoir où nous en sommes : il me semble qu’en matière d’incitation, presque tout a été essayé !

M. le rapporteur. Avec Philippe Vigier, nous avons déjà fait une partie de ce travail dans le cadre de la commission d’enquête sur l’égal accès aux soins des Français sur l’ensemble du territoire et sur l’efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain, mais il serait en effet utile de refaire le point sur ces dispositifs d’incitation fort coûteux et si peu efficaces.

La commission rejette l’amendement.

La commission ayant supprimé tous ses articles et rejeté les amendements portant article additionnel, l’ensemble de la proposition de loi est rejeté.

M. le rapporteur. Je ne suis pas surpris du sort qui a été réservé à ce texte. Je le défendrai avec ardeur dans l’hémicycle, le jeudi 20 janvier. Je note que le soutien qui m’a été apporté aujourd’hui est large et dépasse les étiquettes politiques, et je déplore que les résistances à toute régulation l’aient emporté. Je le répète, nous ne pouvons pas rester les bras croisés et nous en remettre à des solutions qui n’auront d’effet que dans dix ans. C’est aujourd’hui que le problème se pose, c’est aujourd’hui qu’il faut y répondre.

*

*     *

 

L’ensemble des articles de la proposition de loi et des amendements ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.


–  1  –

ANNEXE  1 :
Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur

(Par ordre chronologique)

     Table ronde :

 Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES)  M. Fabrice Lenglart, directeur

 Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES)  M. Julien Mousquès, directeur de recherche, Mme Véronique Lucas-Gabrielli, directrice de recherche, et M. Guillaume Chevillard, chargé de recherche

 Ministère des solidarités et de la santé  Direction générale de l’offre de soins (DGOS) – Mme Katia Julienne, directrice générale (DGOS), Dr Sophie Augros, conseillère médicale sur les projets d’accès territorial aux soins, et M. Marc Reynie, adjoint au sous‑directeur des ressources humaines du système de santé

     Table ronde avec les associations d’élus et d’usagers :

 Association de citoyens contre les déserts médicaux (ACCDM)  M. Maxime Lebigot, président, M. Michel Carreric, secrétaire, Mme Laure Artru, vice‑présidente en charge de la Sarthe, Mme Claudine Lebarbier, vice‑présidente en charge de la Dordogne, M. Patrick Aufrere, vice‑président en charge de l’Allier, Mme Sandrine Marchand, vice‑présidente en charge du Tarn, et Mme Nathalie Delacotte, secrétaire adjointe

 Audace 53  M. Pascal Grandet, président, et Mme Brigitte Chaplet-Grandet, secrétaire adjointe

 Association des maires ruraux de France (AMRF) – M. Gilles Noël, président des maires ruraux de l’Amr58

 Association des maires de France (AMF) M. Michel Gabas, maire d’Eauze

 Intercommunalités de France  M. Jean-François Soto, président de la Communauté de communes Vallée de l’Hérault, M. Romain Briot, conseiller cohésion, et Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement

 Association nationale Nouvelles Ruralités (ANNR) – M. Patrice Joly, sénateur, président

 

     Table ronde avec les syndicats de médecins et d’étudiants en médecine :

 Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG)  Mme Mathilde Renker, présidente, et M. Victor Vanderberghe, chargé de mission CME

 Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) M. Nicolas Lunel, président, et M. Maxence Roulliat, viceprésident chargé des perspectives professionnelles

 Avenir Spé-Le Bloc – Dr Patrick Gasser, président

 Syndicat des médecins libéraux (SML) Dr Philippe Vermersch, président, Dr Sophie Bauer, secrétaire générale et Dr William Joubert, secrétaire général

 Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR)  Dr Mathilde Chouquet, vice-présidente remplaçants du bureau national, et Dr Caroline Di Lorenzo-Kas, chargée de mission « rencontres nationales »

 Confédération des syndicats médicaux français (*)  Dr Jean-Paul Ortiz, président, Dr Franck Devulder, président spécialistes, et Dr Luc Duquesnel, président généralistes

 Fédération des médecins de France (FMF) – Dr Corinne Le Sauder, présidente

 Syndicat des médecins généralistes (MG France)  Dr Jacques Battistoni, président

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


–  1  –

   Annexe n° 2:
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1ER

Code de la sécurité sociale

L. 162-5

2

Code de l’éducation

L. 632-5

2

Code de la santé publique

L. 4131-6-1 [nouveau]

 


([1]) D’après l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée : https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/outils/cartographie-interactive/#c=indicator&i=apl.apl_mg_65_hmep&s=2018&view=map36

([2]) Association des maires ruraux de France, « Accès aux soins en milieu rural : la bombe à retardement ? », septembre 2021.

([3]) Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi pour une santé accessible à tous et contre la désertification médicale, par M. Sébastien Jumel, député, 24 novembre 2021 (n° 4711).

([4]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), « Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques. Les leçons de la littérature internationale », Les dossiers de la DREES n° 89, décembre 2021 (synthèse).

([5]) Assemblée nationale, Commission d’enquête sur l’égal accès aux soins des Français sur l’ensemble du territoire et sur l’efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain, M. Alexandre Freschi (président) et M. Philipe Vigier (rapporteur), juillet 2018 (rapport n° 1185).

([6]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-soc/l15b2443_rapport-fond

([7]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/sante_accessible_tous

([8]) Conseil constitutionnel, décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme (considérant n° 15).

([9]) Déclaration universelle des droits de l’Homme, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ou encore Constitution de l’Organisation mondiale de la santé.

([10]) Les dossiers de la DREES n° 89, op. cit.

([11]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), « Quelle démographie récente et à venir pour les professions médicales et pharmaceutiques. Constat et projections démographiques », Les dossiers de la DREES n° 76, mars 2021.

([12]) Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Panorama de la santé, 2019 (page 177).

([13]) Ibid. (page 175).

([14]) Les dossiers de la DREES n° 76, op. cit.

([15]) Barlet, Coldefy, Collin, Lucas-Gabrielli, « L’accessibilité potentielle localisée (APL) : une nouvelle mesure de l’accessibilité aux médecins généralistes libéraux », DREES, Études et Résultats, n° 795, mars 2012.

([16]) Les dossiers de la DREES n° 76, op. cit.

([17]) Mayotte, l’Eure, la Seine-et-Marne, l’Eure-et-Loir, le Val-d’Oise, l’Aisne, l’Ain, le Cher, l’Oise, la Seine-Saint-Denis, le Loiret, l’Essonne, la Mayenne et l’Yonne. Source : données transmises par la DREES à votre rapporteur.

([18]) Les Hautes-Alpes, Paris, la Savoie, les Pyrénées-Atlantiques et les Hautes-Pyrénées. Source : données transmises par la DREES à votre rapporteur.

([19]) Données transmises par l’IRDES lors de son audition par votre rapporteur.

([20]) Mayotte, la Meuse, l’Eure, l’Ain, la Mayenne, la Guyane, la Haute-Loire, la Lozère, la Creuse, l’Indre, le Gers, la Haute-Saône, la Vendée, les Deux-Sèvres et l’Orne. Source : données transmises par la DREES à votre rapporteur.

([21]) Paris, le Rhône, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, l’Hérault, le Val-de-Marne, la Gironde, la Haute-Garonne, la Côte-d’Or, les Hauts-de-Seine et la Meurthe-et-Moselle.

([22]) Données transmises par la DREES à votre rapporteur.

([23]) https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/codedeont.pdf

([24]) « Le remplacement terminé, le remplaçant doit cesser toute activité s’y rapportant et transmettre les informations nécessaires à la conformité des soins. »

([25]) « Un médecin ou un étudiant qui a remplacé un de ses confrères pendant trois mois, consécutifs ou non, ne doit pas, pendant une période de deux ans, s’installer dans un cabinet où il puisse entrer en concurrence directe avec le médecin remplacé et avec les médecins qui, le cas échéant, exercent en association avec ce dernier, à moins qu’il n’y ait entre les intéressés un accord qui doit être notifié au Conseil départemental. »

([26]) Conseil national de l’Ordre des médecins, « Atlas de la démographie médicale », 2021 (page 25).

([27]http://www.macsf.fr/exercice-liberal/Remplacer/remplacement-exercice-en-expansion

([28]) https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/le-senat-renonce-a-limiter-a-3-ans-la-duree-d-exercice-pour-les-medecins

([29]) https://www.lequotidiendumedecin.fr/liberal/exercice/pas-dethique-les-remplacants-un-medecin-suggere-macron-de-les-contraindre-sinstaller

([30]) Cf. l’amendement de M. Alain Milon, rapporteur, adopté en commission des affaires sociales en première lecture au Sénat : http://www.senat.fr/amendements/commissions/2018-2019/404/Amdt_COM-292.html

([31]) Les dossiers de la DREES n° 89, op. cit. (page 22).

([32]) Rapport du Dr Sophie Augros, déléguée nationale à l’accès aux soins, « Évaluation des aides à l’installation des jeunes médecins », septembre 2019 (page 17).

([33]) Direction générale du Trésor, « Comment lutter contre les déserts médicaux ? », Trésor-Eco n° 247, octobre 2019 (page 4).

([34]) Centre national de gestion, « Données sur les contrats d’engagement de service public (CESP) conclus avec les étudiants et internes en médecine et odontologie. Campagnes 2010/2011 à 2019/2020 » https://www.cng.sante.fr/sites/default/files/Fichiers/Statistiques,%20%C3%A9tudes%20et%20publications/Bilan_CESP2021_VF.pdf

([35]) Assemblée nationale, rapport n° 4711 précité.

([36]) Rapport précité du Dr Sophie Augros.

([37]) DREES, Laurent Fauvet, Steve Jakoubovitch et Fanny Mikol, « Profil et parcours des étudiants en première année commune aux études de santé », Études et Résultats, n° 927, juillet 2015.

([38]) https://www.education.gouv.fr/reperes-et-references-statistiques-2021-308228

([39]) Les dossiers de la DREES n° 89, op. cit. (page 22).

([40]) Ibid. (page 23).

([41]) Ces programmes sont : Rural Physician Associate Program (RPAP), University of Minnesota Medical School, Duluth ; Upper Peninsula Program (UPP), College of Human Medicine, Michigan State University ; Physician Shortage Area Program (PSAP), Jefferson Medical College, Thomas Jefferson University ; Rural Medical Education Program (RMED), Upstate Medical University, State University of New York (SUNY) ; Rural Medical Education Program (RMED), University of Illinois, College of Medicine at Rockford.

([42]) Les dossiers de la DREES n° 89, op. cit. (page 23).

([43]) Ibid. (page 46).

([44]) Le Point, « Les folles exigences d’un médecin pour s’installer dans le Cotentin », 11 novembre 2021.

([45]) Assemblée nationale, rapport n° 4711 précité.

([46]) Ibid.

([47]) Ibid.

([48]) IRDES, Chevillard G. et Mousquès J., « Les maisons de santé attirent-elles les médecins généralistes dans les zones sous-dotées en offre de soins ? », Question d’économie de la santé, n° 247, mars 2020 (page 2).

([49]) Ibid. (page 3).

([50]) Dr N. Bohic, A. Josselin, A.-C. Sandeau-Gruber, H. Siahmed, avec la contribution de C. d’Autume (IGAS), « Trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé », novembre 2021 (page 27) https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article842

([51]) Pr Yves Berland, « Coopération des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences », 2003.

([52]) Modifié par l’ordonnance n° 2018-20 du 17 janvier 2018 relative au service de santé des armées et à l’Institution nationale des invalides puis par la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.

([53]) Article 73 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022

([54]) Cour des comptes, « Santé : garantir l’accès à des soins de qualité et résorber le déficit de l’assurance maladie », Les enjeux structurels pour la France, décembre 2021 (page 23).

([55]) Dr N. Bohic, A. Josselin, A.-C. Sandeau-Gruber, H. Siahmed, avec la contribution de C. d’Autume (IGAS), op. cit.

([56]) Assemblée nationale, rapport n° 4711 précité.

([57]) Loi n° 71-5557 du 12 juillet 1971 aménageant certaines dispositions de la loi n° 68-978 du 12 novembre 1968 d’orientation de l’enseignement supérieur.

([58]) Antoine Tesnière, Stéphanie Rist et Isabelle Riom, « Adapter les formations aux enjeux du système de santé », rapport final, septembre 2018.
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/masante2022_rapport_adaptation_des_formations.pdf

([59]) Arrêté du 13 septembre 2021 définissant les objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé à former pour la période 2021-2025 (article 2).

([60]) Panorama de l’OCDE, 2015.

([61]) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-582 du 12 mai 2021 relative à la labellisation, à la gouvernance et au fonctionnement des hôpitaux de proximité.

([62]) https://factsory.org/2021/mortalite-infantile-augmente-en-france/

([63]) https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/segur-de-la-sante/article/service-d-acces-aux-soins-garantie-d-un-acces-aux-soins-partout-a-toute-heure

([64]) Cour des comptes, décembre 2021, op. cit. (page 22).

([65]) Assemblée nationale, rapport n° 4711 précité.

([66]) Cour des comptes, décembre 2021, op. cit. (page 23).

([67]) Assemblée nationale, première séance du 2 décembre 2021, discours de Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2021-2022/premiere-seance-du-jeudi-02-decembre-2021#2705082

([68]) Cour des comptes, décembre 2021, op. cit. (page 23).

([69]) https://demographie.medecin.fr/#c=indicator&i=demo_med.dens_tte_act&s=2021&view=map10

([70])  Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, chapitre V, « La médecine libérale de spécialité : contenir la dynamique des dépenses, améliorer l’accès aux soins », septembre 2017.

([71]) Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), « Déserts médicaux : comment les définir ? Comment les mesurer ? », Noémie Vergier et Hélène Chaput, Les dossiers de la DREES n° 17, mai 2017.

([72]) Assemblée nationale, rapport n° 4711.

([73]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale précité, septembre 2017.

([74]) DREES, « La moitié des rendez-vous sont obtenus en 2 jours chez le généraliste, en 52 jours chez l’ophtalmologiste », Études et Résultats, n° 1085, octobre 2018.

([75]) https://www.conseil-national.medecin.fr/publications/communiques-presse/bilan-permanence-soins-2019

([76]) Cour des comptes, décembre 2021, op. cit. (page 22).

([77]) https://xn--ambitionsant2022-mqb.fhf.fr/30-propositions/axe-1/un-pacte-pour-lacces-aux-soins-de-tous

([78]) Conseil d’État, 1re et 6e sous‑sections réunies, 17 mars 2014, Syndicat des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs des Landes, n° 357594.

([79]) DREES, « Infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et sages-femmes : l’accessibilité s’améliore malgré des inégalités », Études et Résultats, n° 1100, janvier 2019.

([80]) Les dossiers de la DREES n° 76, op. cit. (page 32).

([81]) Les dossiers de la DREES n° 89, op. cit.

([82]) Les dossiers de la DREES n° 89, op. cit. (page 39).

([83]) Ibid. (page 40).

([84]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale précité, septembre 2017.

([85]) Sénat, rapport d’information fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable par le groupe de travail sur les déserts médicaux, par MM. Hervé Maurey et Jean‑François Longeot, sénateurs, 29 janvier 2020.

([86]) Assemblée nationale, rapport n° 1185 précité (pages 184 et suivantes).

([87]) Trésor-Eco n° 247, op. cit. (page 10).

([88]) Conseil national de l’Ordre des médecins, « Accès aux soins : recommandations du CNOM », 2012.

([89]) http://www.senat.fr/leg/ppl20-675.html

([90]) Cour des comptes, décembre 2021, op. cit. (page 23).

([91]) Sénat, rapport d’information précité de MM. Hervé Maurey et Jean-François Longeot (page 52).

([92]) Trésor-Eco n° 247, op. cit. (page 11).

([93]) Ibid.

([94]) Arrêté du 4 février 2011 relatif à l’agrément, à l’organisation, au déroulement et à la validation des stages des étudiants en troisième cycle des études médicales.

([95]) https://www.conseil-national.medecin.fr/medecin/carriere/devenir-maitre-stage

([96]) https://www.snemg.fr/post/21

([97]) https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/stage-des-internes-dans-les-deserts-medicaux-le-decret-sera-applique-d-ici-le

([98]) Les dossiers de la DREES n° 89, op. cit. (pages 52 et 53).

([99]) Rapport précité du Dr Sophie Augros.

([100]) Ibid.

([101]) Les dossiers de la DREES n° 89, op. cit. (page 33).

([102]) Ibid. (page 34).

([103]) OMS, « Increasing Access to Health Workers in Remote and Rural Areas Through Improved Retention: Global Policy Recommendations », 2010.

([104]) Ono, T., Schoenstein, M., Buchan, J. (2014). Geographic Imbalances in Doctor Supply and Policy Responses. OECD Health Working Papers, 69. https://doi.org/10.1787/5jz5sq5ls1wl-en

([105]) Ministère des solidarités et de la santé, direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), « Remédier aux pénuries de médecins dans certaines zones géographiques. Les leçons de la littérature internationale », Les dossiers de la DREES n°89, décembre 2021 (page 47).

([106])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11726782_61de8eec6ea75.commission-des-affaires-sociales--urgence-contre-la-desertification-medicale--augmentation-du-sala-12-janvier-2022