N° 4923

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 janvier 2022

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE chargée d’identifier les facteurs
qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France
et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie
et notamment celle du médicament,

 

 

 

Président

M. Guillaume KASBARIAN

 

Rapporteur

M. Gérard LESEUL

Députés

 

——

 

 

 

 Voir les numéros : 4282 et 4371.

 

 

 

 

La commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament est composée de :

– M. Guillaume Kasbarian, président ;

M. Gérard Leseul, rapporteur ;

– MM. Brahim Hammouche, Luc Lamirault, Frédéric Barbier, Pierre Cordier, viceprésidents ;

– M. Bertrand Bouyx, Mme Jennifer De Temmerman, M. Pierre Dharréville, Mme Valérie Six, secrétaires ;

– M. Jean-Noël Barrot, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Philippe Berta, Mme Carole Bureau-Bonnard, Mmes Émilie Cariou, Cécile Delpirou, MM. Éric Girardin, Daniel Labaronne, Michel Lauzzana, Mmes Marie Lebec, Véronique Louwagie, MM. Jacques Marilossian, Denis Masséglia, Mmes Cendra Motin, Valérie Rabault, Bénédicte Taurine, MM. Jean-Louis Touraine, Stéphane Viry, Mme Hélène Zannier, M. Jean-Marc Zulesi.

 

 


SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos du prÉsident

1. Un objet d’enquête et un intitulé mal définis et mal pensés

2. Une investigation qui valide la politique industrielle menée au cours du quinquennat

3. Les causes historiques de la désindustrialisation sont connues et confirmées, le présent rapport ne faisant que reprendre un constat déjà fait, rapport après rapport

4. La politique industrielle menée au cours du quinquennat porte aujourd’hui ses fruits

5. La France peut devenir la première nation européenne innovante et souveraine en santé

6. Soixante-seize propositions du rapporteur qui auraient mérité d’être mieux définies

7. Huit propositions personnelles pour accélérer l’essor d’une industrie française conquérante

Introduction

Trente-trois propositions phares du rapporteur pour la rÉindustrialisation

1. Dialogue et concertation : les conditions d’une réindustrialisation réussie

2. Développer une industrie respectueuse de l’environnement et des territoires

3. Mieux financer l’industrie et mieux cibler les aides publiques

4. Renforcer la recherche et la formation pour mieux réindustrialiser

5. L’union européenne comme perspective pour dynamiser la réindustrialisation

6. Tirer les leçons de la crise sanitaire : mutualiser les ressources pour mieux anticiper et protéger les populations

7. Redevenir leader dans l’industrie du médicament : un secteur vital pour la France et sa population

PREMIÈRE PARTIE : UN RECUL GÉNÉRAL DES INDUSTRIES FRANÇAISES, CONSÉQUENCE D’ÉVOLUTIONS STRUCTURELLES MAIS ÉGALEMENT DE CHOIX RÉTROSPECTIVEMENT DISCUTABLES

I. Un affaiblissement des industries nationales, moins en consÉquence de facteurs tenant à la compÉtitivitÉ prix qu’À un dÉficit d’innovation et d’adaptation des entreprises À la concurrence extÉrieure

A. Un investissement insuffisant dans la recherche et dÉveloppement, À peine compensÉ par la mobilisation de ressources publiques consÉquentes

1. L’effort de recherche et de développement en France récemment porté par la recherche privée

a. Un effort de recherche représentant 2,2 % du PIB

b. Une recherche privée polarisée vers quelques branches industrielles

c. Une recherche publique concentrée dans les institutions de recherche

2. Une faiblesse relative des ressources privées dans la recherche et développement

a. Un taux de R&D insuffisant notamment par rapport aux objectifs de la stratégie de Lisbonne

b. Une articulation entre R&D publique et privée insuffisante

c. Investir dans la R&D comme préalable à la relocalisation de la production

3. Des outils de soutien public nombreux dont l’impact doit être mesuré

a. Le crédit d’impôt recherche, principale mesure de soutien public à la R&D privée

b. Les programmes d’investissement d’avenir, des outils au service de la R&D

B. Une concurrence accrue au sein d’une Économie mondialisÉe et de l’Union europÉenne Élargie, porteuse de dÉclassement

1. Une balance commerciale fortement dégradée depuis la fin des années quatre-vingt-dix

2. Une compétitivité prix longtemps déficitaire

3. Une compétitivité hors-prix durablement handicapante

4. L’impossible dévaluation compétitive par le biais de la politique monétaire

C. Des coûts de production et un cadre juridique souvent mis en cause

1. Des écarts de compétitivité prix auparavant sensibles mais en grande partie résorbés

a. Un taux élevé de prélèvements obligatoires

b. Les coûts salariaux unitaires

2. Un environnement juridique et administratif souvent mis en cause

II. Des arbitrages et des positionnements des acteurs Économiques peu propices au maintien ou au dÉveloppement de l’activitÉ industrielle

A. Une inclinaison franÇaise pour la dÉlocalisation et une absence d’anticipation des ruptures transformant les filiÈres Économiques

1. Des causes exogènes : une concurrence exacerbée sur la scène internationale priorisant la compétitivité prix et les délocalisations

2. Des causes endogènes : les choix stratégiques erronés faits par les entreprises et les pouvoirs publics

a. Une responsabilité partagée par les entreprises et les pouvoirs publics

b. Une politique conceptuellement erronée : le rêve d’une France « sans usine »

3. Un facteur culturel : analyse comparée de deux écosystèmes industriels celui de la France et celui de l’Allemagne

a. Une aversion culturelle au risque propre à la France

b. Un écosystème industriel différent pour des raisons culturelles et historiques

c. Une culture de la négociation inexistante en France qui repose sur un manque de représentation des syndicats

B. Des conditions de financement perfectibles, en particulier aux stades les plus critiques du dÉveloppement des entreprises innovantes

1. Une diversité de financements susceptibles de couvrir les besoins dans leur globalité dont l’accès demeure tributaire d’une appréciation du risque parfois restrictive

a. L’absence de mode de financement pérenne : les effets pervers du leverage buy-out (LBO).

b. Un manque de fonds propres des petites et moyennes entreprises (PME), une question controversée

2. L’appui décisif des mécanismes de soutien public au financement des entreprises industrielles : le rôle de la Banque d’investissement publique (Bpifrance).

a. Le financement prioritaire des PME, ETI, et start-ups

b. Un succès indéniable malgré une prise de risque mitigée

3. Le financement de l’amorçage et le passage du capital risque au capital développement : des défis persistants au regard de l’abondance de l’épargne nationale

a. Le financement de l’amorçage, une particularité des business angels

b. Traverser la « vallée de la mort » : le passage du capital risque au capital développement

4. Mobiliser et orienter l’épargne nationale, en réinventant un nouveau Codévi

C. Le manque d’attractivitÉ des mÉtiers de l’industrie : un dÉfi pour les entreprises et les collectivitÉs publiques

1. Un désintérêt ancien qui trouve ses racines dans l’Éducation nationale en France

a. Une sacralisation de la voie générale au détriment des métiers techniques et manuels

b. Une consolidation des connaissances en mathématiques et en sciences

c. Un décalage entre la formation des dirigeants des entreprises et celle des employés et des cadres intermédiaires

d. Des préjugés, par définition, infondés

2. Réenchanter l’industrie, un enjeu pour la transformation du monde de demain

a. Redonner du sens : participer à la transition écologique

b. Communiquer sur l’attractivité des métiers du numérique et de l’industrie : French Tech et French Fab

c. Communiquer sur les salaires, souvent plus élevés que dans le domaine tertiaire

d. Encourager les initiatives privées et créer des synergies avec les pouvoirs publics

e. L’apprentissage, une voie à approfondir

3. Créer un choc de formation pour attirer vers l’industrie de jeunes talents et permettre les reconversions professionnelles

a. Un dispositif original : le volontariat territorial en entreprises (VTE)

b. Mettre l’accent sur la formation continue avec le compte de formation professionnelle

c. Penser l’offre de formation professionnelle au plus près du terrain

d. Créer de nouvelles écoles de formation qualifiantes

III. L’action des collectivitÉs publiques en question

A. Les interventions de la puissance publique auprÈs des entreprises industrielles

1. Des compétences et des modes d’action des collectivités chefs de file encore à préciser

2. Le retour de l’État stratège : de la construction des filières aux 10 objectifs du plan France 2030

a. Des filières aux contrats stratégiques de filière

b. La politique des filières, une politique à repenser ?

c. Une politique de filière qui doit également prendre en compte les sous-traitance

d. Des 34 plans industriels aux 10 objectifs du plan France 2030

3. Une nouvelle politique de plans d’investissement

a. Le programme d’investissement d’avenir (PIA).

4. Le plan de relance : une politique industrielle de soutien et de sécurisation des filières industrielles

5. Le plan France 2030 : un changement de paradigme pour l’avenir des filières

6. La nouvelle gouvernance du secrétariat général pour l’investissement (SGPI)

B. de nouvelles modalitÉs d’action en coopération avec les collectivitÉs territoriales et les acteurs Économiques

1. Un rapprochement progressif entre collectivités et filières industrielles locales

2. L’opération « Territoires d’industrie » : une démarche innovante de financement par l’État des initiatives locales

C. Le bilan de l’État actionnaire

1. Des critiques anciennes sur l’impossible État actionnaire

2. La nouvelle doctrine d’investissement de l’Agence des participations de l’État

3. De nouvelles modalités d’action à l’occasion de la crise sanitaire : la création de fonds d’intervention sectoriels

4. Une politique d’intervention en voie de restructuration

DeuxiÈme partie : une politique industrielle dont les objectifs et les moyens doivent être redÉfinis à l’aune des dÉfis environnementaux et des nouvelles conditions de production

I. Accompagner les mutations nÉcessaires au regard des enjeux de la transition ÉnergÉtique et de la lutte contre le dÉrÈglement climatique

A. Des entreprises confrontÉes à l’obligation de renouveler leurs produits et leurs modes de fabrication face aux exigences d’une Économie dÉcarbonÉe et soutenable

1. La transition énergétique et climatique affecte en profondeur le tissu industriel français

a. Le défi de la transition énergétique

b. Vers une industrie écoresponsable

c. Des modes de transport plus écoresponsables pour l’industrie

d. Des secteurs industriels tenus de réaliser des transitions face à un renchérissement de leurs coûts de production et des contraintes réglementaires nouvelles

2. L’accompagnement de la transition par les pouvoirs publics

3. Des activités et produits parfois mis en cause à raison d’une évolution de leur acceptabilité sociale

B. Une industrie nationale appelÉe À relever les dÉfis inhÉrents à l’Émergence de nouvelles activitÉs plus respectueuses de l’environnement

1. L’exemple des filières fondées sur l’exploitation de nouvelles énergies

2. Une industrie française tirant bénéfice d’une source d’énergie électrique sûre et abordable

3. La perspective d’une économie du recyclable

a. L’économie du recyclable : une opportunité de réindustrialisation dans un contexte de transition

b. La structuration de la filière du recyclage

c. Une activité exportatrice en raison du manque de filières de débouchés

d. Une consolidation récente du soutien à la filière du recyclage

C. Les atouts en faveur d’une rÉindustrialisation dÉcarbonÉe

1. Le bilan carbone, un atout pour la localisation en France des activités productives

2. La nécessité d’un ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne et les difficultés de sa mise en place

3. Le captage et stockage géologique du carbone (CSC) en France : un potentiel à confirmer pour atteindre l’objectif de neutralité carbone

II. la recherche et le dÉveloppement au cœur de la COMPÉTITIVITÉ ET de la rÉussite de « l’industrie du futur »

A. Stimuler l’innovation et la recherche et dÉveloppement

1. L’évaluation des investissements décidés dans le cadre des plans

2. Créer les conditions d’une amélioration de l’effort en faveur de la R&D

a. Améliorer l’effort de R&D

b. L’ouverture d’une réflexion sur le crédit d’impôt recherche

3. Favoriser le développement d’écosystèmes et le partenariat entre pôles de recherche publique et applications privées

a. Faire des territoires des espaces de coopération entre acteurs

b. Les organisations en écosystèmes en France

4. Rénover la gouvernance et les moyens des agences de promotion de l’innovation

a. Tirer les enseignements des forces du modèle américain

b. Rationaliser les actions des agences de promotion de l’innovation

B. CrÉer les conditions d’une montÉe en gamme

1. Redonner aux entreprises industrielles les moyens de dégager de la valeur ajoutée pour l’investissement économique

2. Approfondir la politique de structuration des filières et de dynamisation des sites d’activités

a. Assurer l’efficacité de la gouvernance organisée sur le fondement du Conseil national de l’Industrie et des comités stratégiques de filière

b. Mieux associer les syndicats et les TPE et PME à la définition des objectifs et des moyens inclus dans les différents contrats de filière

c. Veiller au fonctionnement optimal des pôles de compétitivité, en cohérence avec les objectifs nationaux de la politique industrielle

3. Ordonner les efforts publics dans le cadre d’une politique industrielle rénovée en vue de l’émergence de « l’industrie du futur »

a. Des solutions en faveur de « l’industrie du futur » à évaluer et à traduire en acte

b. Des innovations et des procédés à diffuser

C. Favoriser un Équilibre de la gouvernance des entreprises plus conformes aux intÉrÊts de long terme des industries franÇaises

1. Se donner les moyens de l’émergence d’une culture de la codétermination sur le modèle allemand

2. Mieux associer les salariés à la marche des entreprises

3. Tirer les enseignements des expériences du modèle coopératif dans l’industrie

4. Créer les conditions d’un investissement de long terme au capital des entreprises industrielles

III. Garantir la souverainetÉ Économique du pays

A. Une indispensable identification des secteurs d’importance vitale

1. Établir une cartographie des secteurs d’activités et produits exposant le Pays à une dépendance vis-à-vis de ses concurrents

a. Le besoin de souveraineté industrielle

b. Le nécessaire travail de cartographie

2. Déterminer la pertinence et les conditions d’une relocalisation de certaines capacités de production

3. Proposer une réflexion par écosystème sur l’organisation des chaînes de valeur

B. Une nÉcessaire protection des intÉrÊts stratÉgiques

1. Définir les secteurs et entreprises présentant un caractère stratégique pour l’avenir de l’industrie française

2. Planifier l’action en faveur du maintien de capacités productives sur le territoire national

3. Construire un cadre de politique pluriannuelle autour d’un consensus national en faveur des filières à soutenir

4. Ordonner les efforts des collectivités publiques en faveur de l’industrie

a. Organiser une meilleure coordination des actions de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements

i. Un ministère de l’industrie fort

ii. Un pilotage par le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) à clarifier

iii. Une fragmentation de l’organisation administrative préjudiciable aux entreprises

b. Assurer l’efficacité du plan de relance et du plan France 2030

c. Veiller à l’accès des entreprises aux différents dispositifs de soutien à l’industrie

d. Mieux assurer que les aides publiques soient effectivement utilisées pour le développement de la production en France

5. Garantir l’efficacité des mécanismes encadrant les prises de participation au capital des entreprises stratégiques

C. Des correctifs à apporter dans le fonctionnement du marchÉ unique et les politiques de l’union europÉenne

1. Vers une politique industrielle européenne

a. Une ambition française longtemps peu partagée pour une politique ne relevant pas nécessairement des compétences de l’Union européenne

b. Une nouvelle approche favorisée par les répercussions économiques de la crise sanitaire

c. Des instruments de coopération à conforter

i. Les alliances industrielles européennes

ii. Les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC)

2. La convergence des conditions fiscales et sociales au sein du marché unique : un chantier à poursuivre

a. L’harmonisation fiscale au sein du marché unique

b. Travailler à un agenda social ambitieux

3. La préservation d’une concurrence libre et non faussée : une approche du droit européen à reconsidérer

a. Pérenniser l’assouplissement du régime de contrôle des aides d’État

b. Redéfinir les objectifs du droit européen de la concurrence en adéquation avec les nouvelles orientations de la politique industrielle européenne

TROISIÈME PARTIE : LES INDUSTRIES DE SANTÉ – UNE TRADITION D’EXCELLENCE À RENOUVELER, DES FLEURONS À PRÉSERVER

I. Un secteur encore florissant mais confrontÉ aux défis du renouvellement de l’offre et de la demande de produits de santÉ

A. Un recul des positions franÇaises et des dÉpendances nouvelles À l’Égard du reste du monde

1. Un tableau contrasté laissant apparaître une érosion du dynamisme des entreprises nationales face à leurs principaux concurrents

2. Une balance commerciale nettement excédentaire mais affectée par de nouveaux déséquilibres, dans le contexte d’une concurrence exacerbée au sein de l’Union européenne

B. Une segmentation de la chaîne de production contribuant À la disparition de certaines activitÉs et À l’amoindrissement des capacitÉs d’approvisionnement

1. Une nouvelle division du travail à l’international et sur le marché domestique source de fragilités

a. Une position intermédiaire peu valorisante dans la répartition de la production pharmaceutique

b. Un mouvement d’externalisation contribuant à l’éclatement des chaînes de production

2. Des risques de pénuries accrues dans la fourniture des produits de santé

a. Une multiplication des épisodes de pénurie en produits médicamenteux

b. Des manques en dispositifs médicaux sans doute préexistants mais mis en lumière par la crise sanitaire liée à la Covid-19

c. Une disponibilité compromise par des fragilités industrielles et l’étirement des chaînes de production

C. Une spÉcialisation quelque peu datÉe au regard des innovations les plus rÉcentes DANS LES PRODUITS DE SANTÉ

1. Un retard sensible dans la conception et la commercialisation des bio-productions et des produits innovants

2. L’enjeu renouvelé de l’accueil et de la réalisation des essais cliniques

II. Des industries appelÉes À rÉtablir leurs capacitÉs d’innovation et de production afin de contribuer À l’Établissement d’une vÉritable autonomie sanitaire

A. Un effort de recherche À renouveler, des savoir-faire À entretenir

1. Des dépenses de recherche et développement à soutenir

2. Une nécessaire attention aux modalités d’industrialisation des innovations

3. L’exploitation des données de santé : une activité ouvrant des perspectives nouvelles pour les industries françaises

4. Des compétences à préserver et le défi renouvelé de l’attractivité des métiers

B. Un dÉveloppement conditionnÉ par la prÉservation de la compÉtitivitÉ des entreprises et la conduite d’une politique de filiÈre

1. Des adaptations de l’environnement fiscal et normatif sans doute nécessaires dans le contexte d’une internationalisation des industries de santé

2. Un indispensable soutien et encouragement à l’émergence de nouveaux champions de l’industrie de santé en France

C. Une politique de sÉcurité globale des approvisionnements À concevoir en considÉration des vulnérabilitÉs inhÉrentes à une dÉpendance extÉrieure excessive

1. L’établissement d’obligations déclaratives et de stockage : une action nécessaire mais non suffisante face aux risques de tensions et de pénuries

2. Une indispensable planification des moyens et ressources participant à la continuité d’approvisionnement en produits sanitaires indispensables à la vie de la Nation

3. Des opportunités de coopération à saisir à l’échelle de l’Union européenne

4. Un développement de l’usage des médicaments génériques et des biosimilaires à valoriser au plan industriel

III. Une rÉgulation publique tenue de favoriser un environnement propice à la localisation de l’activitÉ sur le territoire national

A. Des exigences renouvelÉes de simplification rÈglementaire et d’efficacitÉ administrative

1. Un cadre juridique étoffé parfois source de contraintes et de complexités

2. L’optimisation des délais d’instruction des autorisations de mise sur le marché : un objectif à maintenir et invitant à s’interroger sur la fragmentation des procédures entre acteurs administratifs

B. Un encadrement du prix des mÉdicaments et des dispositifs de santÉ devant accorder davantage de place aux enjeux de dÉveloppement industriel et d’autonomie sanitaire

1. Une maîtrise des dépenses de médicament ayant pu affecter l’équilibre économique des industries de santé

2. Des inflexions possibles et souhaitables pour une valorisation des investissements réalisés en France

C. La commande publique : un instrument de stimulation des industries franÇaises de santÉ insuffisamment employÉ

1. Une politique d’achat des établissements hospitaliers n’assurant pas nécessairement des débouchés suffisants et réguliers aux entreprises nationales

2. Des inflexions nécessaires et possibles dans le cadre du droit de la commande publique

RÉcapitulatif de l’ensemble des propositions du rapporteur

Examen du rapport en commission

Contributions des membres de la commission d’enquÊte

Contribution de Mme ValÉrie Rabault, dÉputÉe de Tarn-et-Garonne, au nom des dÉputÉs membres du groupe Socialistes et apparentÉs

Contribution de Mme Cendra Motin, dÉputÉe de l’IsÈre

Contribution de Mme BÉnÉdicte Taurine, dÉputÉe de l’AriÈge

Liste des personnes auditionnÉes et liens vers les comptes rendus des auditions

Mercredi 22 septembre 2021

Mercredi 29 septembre 2021

Jeudi 30 septembre 2021

MERCREDI 6 OCTOBRE 2021

JEUDI 7 OCTOBRE 2021

MERCREDI 20 OCTOBRE 2021

jeudi 28 OCTOBRE 2021

MERCREDI 3 NOVEMBRE 2021

JEUDI 4 NOVEMBRE 2021

MERCREDI 10 NOVEMBRE 2021

MERCREDI 17 NOVEMBRE 2021

jeudi 18 NOVEMBRE 2021

MERCREDI 24 NOVEMBRE 2021

jeudi 25 NOVEMBRE 2021

mardi 30 NOVEMBRE 2021

Liste des personnes rencontrÉes lors du dÉplacement À Bruxelles

Lundi 29 NOVEMBRE 2021

Liste des Contributions Écrites reÇues

 


   Avant-propos du prÉsident

Dans le cadre du « droit de tirage » permettant à chaque groupe politique minoritaire ou d’opposition d’obtenir, une fois au cours de chaque session ordinaire annuelle, la création d’une commission d’enquête, le groupe Socialistes et apparentés a fait le choix de demander la création d’une commission d’enquête chargée « d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament ».

Chargé de rapporter cette demande devant la commission des Affaires économiques, je n’ai pu que constater, dans mon rapport ([1]), qu’elle respectait les conditions de forme prévues par l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et le Règlement de l’Assemblée nationale. À aucun moment nous n’avons eu à juger sur le fond le choix du groupe Socialistes, seul responsable en droit de définir les termes et le champ de l’enquête qui doit, selon les termes de l’article 6 de l’ordonnance précitée, « recueillir des éléments d’information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l’assemblée ».

1.   Un objet d’enquête et un intitulé mal définis et mal pensés

Cependant, les termes de la résolution et le libellé enserrant notre enquête ont pu interroger les députés membres et les personnes entendues. Quels étaient les faits, les scandales, les éléments dissimulés pour lesquels les pouvoirs exceptionnels d’enquête sur pièce et sur place des commissions d’enquête étaient mis en œuvre ? Alors que le parti que représente le groupe Socialistes et apparentés a exercé le pouvoir la moitié des dernières quarante années, quelles conspirations contre l’industrie française justifiaient de revenir sur le bilan industriel des derniers gouvernements, dont ceux de MM. Lionel Jospin et François Hollande ?

Les commissions d’enquête sont des instruments d’information et de contrôle parlementaires dotés de réels pouvoirs d’investigation afin de faire la lumière sur un sujet, en exigeant notamment toute information utile, notamment des administrations ; les conclusions des rapports d’enquête ont ainsi permis de tirer des leçons utiles pour modifier des pratiques voire infléchir l’action gouvernementale.

Dans notre histoire récente, ces commissions ont été l’occasion de révéler au grand public des dysfonctionnements importants et formuler des propositions qui ont marqué l’action publique. Pour ne citer que quelques exemples parmi les commissions d’enquête les plus marquantes de ces dernières années, on se souviendra :

– des deux commissions d’enquête sur la situation dans les prisons françaises en 2000 ([2]), qui ont abouti à de nombreuses propositions qui ont irrigué les textes et la politique pénitentiaire pendant une décennie ;

– de la commission d’enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule, présidée par Claude Évin en 2003 ([3]), qui a posé les bases d’une nouvelle politique du grand âge ;

– de la commission d’enquête sur les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau, présidée en 2005 par André Vallini ([4]), qui a permis de refonder les conditions de l’exercice de l’instruction en France ;

– plus récemment, de la commission d’enquête sur l’utilisation du chlordécone, présidée par Serge Letchimy en 2019, dont le rapport de notre collègue Justine Bénin ([5]) a permis de faire la lumière sur les causes et le déroulement d’un scandale sanitaire qui a touché la Guadeloupe et la Martinique et qui a encore des répercussions aujourd’hui.

Cependant, le présent rapport d’enquête risque peu d’avoir droit au même retentissement et à la même postérité en termes de refondation de l’action publique. Vous n’y trouverez aucune révélation fracassante, puisqu’aucune de nos auditions n’a révélé de dysfonctionnement marquant dans la politique industrielle menée notamment depuis le début du quinquennat en cours et de la présente législature. Mieux : aucune de ses recommandations ne propose de revenir en arrière sur les actions menées depuis une dizaine d’années et notamment depuis 2017.

En effet, les conclusions de ce rapport sont d’autant plus limitées que le sujet d’enquête aurait mérité d’être plus précisément travaillé et défini. Comme le montre le graphique en introduction, la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France, déplorée dans la résolution, a commencé dès 1951, dans une France en pleine reconstruction, où l’industrie représentait plus de 30 % de la valeur ajoutée, et a continué de manière tendancielle pour être divisé par deux en 2017. De son côté, l’emploi industriel a connu un pic en 1974, où un quart des travailleurs français, 5,72 millions de personnes, travaillaient dans l’industrie. Ce mouvement a été constaté dans la plupart des pays au fur et à mesure de leur développement économique. C’est pourquoi la plupart des économistes entendus par la commission d’enquête ont souligné les limites de la définition d’un champ d’étude qui n’avait pas cherché à définir ni l’étendue temporelle de l’enquête, ni la recherche d’une spécificité française, ni si cette chute de l’industrie française était la conséquence de conditions économiques particulières ou de la politique industrielle menée par les gouvernements successifs.

Ce manque de réflexion dans la définition du sujet et de ses termes, dans le choix d’un libellé volontairement vaste et imprécis, a pu laisser beaucoup de personnes auditionnées interrogatives : s’agissait-il d’une enquête sur les contraintes de l’industrie française, sur la politique industrielle en général, ou sur l’industrie du médicament en particulier ? Entendus par la commission d’enquête, les principaux ministres en charge de l’industrie ces dix dernières années ont, chacun à leur manière, fait part de leur étonnement de se retrouver ainsi sur le banc des accusés sans qu’un acte d’accusation n’ait été préalablement établi.

J’ai eu l’honneur d’être appelé à présider ses travaux : j’ai assuré cette tâche en essayant de respecter le droit applicable aux commissions d’enquête et les droits des commissaires, notamment ceux issus de l’opposition, c’est-à-dire en garantissant que chacun des membres de cette commission d’enquête, à commencer par son rapporteur M. Gérard Leseul, puisse librement entendre tous les interlocuteurs de leur choix. J’ai également tenu à garantir que chaque député présent aux auditions dispose d’un temps personnel pour interroger chaque personne auditionnée, exiger des réponses et répliquer aux discours tenus, plutôt que de laisser les intervenants choisir les questions auxquelles ils souhaitent répondre.

C’est ainsi que nous avons tenu au total 48 auditions, qui nous ont permis de consacrer 70 heures à entendre successivement 135 personnes : anciens ministres, économistes, experts et auteurs de rapports, représentants de l’industrie et notamment des différentes fédérations intervenant dans le champ de l’industrie de santé, responsables syndicaux, industriels de terrain. Nous nous sommes également rendus à Bruxelles, pour rencontrer des responsables de la politique industrielle de l’Union européenne, dont M. Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur, ainsi que des acteurs en charge du développement industriel en Belgique. Les personnes qui n’ont pas pu être entendues pour des raisons de disponibilité ont été appelées à faire part de leurs observations dans une contribution écrite.

2.   Une investigation qui valide la politique industrielle menée au cours du quinquennat

Le présent rapport d’enquête montre bien qu’il y a moins eu des inflexions dans la politique industrielle française qu’un renouvellement des conceptions du rôle de l’État dans l’économie et des outils à mettre en œuvre pour mener une vraie politique industrielle : en 2001, certains pouvaient ouvertement envisager une France à l’avenir sans usine, sans industrie, développant une économie fondée sur les loisirs et les services. Ce n’est qu’avec les maigres résultats économiques et la crise financière qui a touché le monde en 2008 que les réflexions ont commencé à reprendre : la France ne peut avoir un avenir économique sans industrie, et cela passe par une politique industrielle qui assume son nom.

Je tiens en cela à saluer l’honnêteté intellectuelle du rapporteur qui, malgré la proximité de l’élection présidentielle, n’a pas utilisé le présent rapport d’enquête pour remettre profondément en cause la politique industrielle du quinquennat qui s’achève, ou pour porter une idéologie qui serait totalement en rupture avec celle qui a été portée par la majorité pendant près de cinq ans.

Depuis 2017, la politique industrielle et ses instruments ont pris une tout autre dimension. Sous l’impulsion du président M. Emmanuel Macron, la France assume dorénavant de mener à la fois une politique d’attractivité, visant à favoriser l’implantation d’activités productives partout sur le territoire en apprenant aux filières à travailler ensemble, en facilitant la vie des industriels et en formant les jeunes à exercer des missions toujours plus qualifiées et technologiquement avancées, et une politique de compétitivité, qui assume de faire des choix afin que les industries stratégiques pour l’avenir se développent dans notre pays, en s’appuyant sur les filières d’excellence et les atouts préexistants au sein du tissu économique.

Le quinquennat qui s’achève a bien été celui d’une renaissance d’une politique industrielle conquérante, après des décennies de recul.

3.   Les causes historiques de la désindustrialisation sont connues et confirmées, le présent rapport ne faisant que reprendre un constat déjà fait, rapport après rapport

La France est la seconde économie européenne et une des grandes puissances économiques du monde. Pendant des années, elle a cependant délaissé son industrie.

En 1974, année de l’apogée de l’emploi industriel dans notre pays, l’industrie manufacturière à aujourd’hui, le nombre d’emplois dans l’industrie manufacturière française a été pratiquement divisé par deux. Même si une part de cette évolution rend compte d’un biais statistique, résultant du transfert d’emplois anciennement décomptés comme industriels vers les services en raison de l’externalisation croissante de certaines missions d’appui pratiquée par les entreprises industrielles, la désindustrialisation est une réalité prégnante depuis plusieurs décennies. Ce mouvement de recul de l’industrie a été constant depuis près de quarante ans.

La désindustrialisation n’est certes pas un phénomène propre à la France. D’autres vieux pays industriels la connaissent, mais pas tous avec la même ampleur : en 2000, l’industrie allemande pesait déjà deux fois plus que l’industrie française ; aujourd’hui, c’est trois fois plus. La part de l’industrie manufacturière dans la richesse nationale reste deux fois plus élevée dans des pays tels que l’Allemagne, le Japon ou la Suisse qu’en France. Par ailleurs, l’économie des pays qui ont gardé une base industrielle solide se porte généralement mieux que celle des pays désindustrialisés, avec moins de chômage ou de sous‑emploi et de confortables excédents commerciaux. La présence de l’industrie est également déterminante pour les grands équilibres sociaux et territoriaux, aussi bien que pour la capacité d’innovation : c’est le secteur qui concentre la plus grande part de l’effort de recherche des entreprises.

Les causes de la désindustrialisation ont fait l’objet de nombreux rapports parlementaires, dont les plus récents ont été salués par le rapporteur dans son introduction. Je rappellerai simplement qu’en 2017, le groupe Les Républicains avait demandé la création d’une commission d’enquête sur « les décisions de l’État en matière de politique industrielle, notamment dans les cas d’Alstom, d’Alcatel et de STX ». Dans le rapport que j’ai eu l’honneur de présenter en conclusion de ses travaux, le constat des limites des politiques menées au cours des dernières décennies précédentes était clair et partagé par la quasi-totalité des groupes parlementaires ([6]).

Un État qui a laissé se développer le mythe du fabless, d’un pays sans usine, sans production, sans ouvriers. Une industrie trop souvent dénigrée comme synonyme d’emplois laborieux, rendant difficile la formation et l’embauche de personnes qualifiées. Une industrie dénoncée à tort comme nuisible à l’environnement. Un encouragement insuffisant des investisseurs qui choisissent de créer ou conserver des lignes de production en France. Une épargne mise au service du financement de la dette publique et insuffisamment dirigée vers les investissements productifs. Un État actionnaire qui souffre d’objectifs contradictoires. Une défiance forte vis-à-vis des nouvelles technologies et de la robotisation, accusée de concurrencer l’emploi. Un processus de contrôle de la prise de contrôle des fleurons industriels stratégiques par les capitaux étrangers perfectible. Une gouvernance de l’intelligence économique peu performante. Une politique industrielle insuffisamment offensive, notamment à l’échelle européenne.

Près de cinq années plus tard, le rapporteur Gérard Leseul élargit aujourd’hui dans son rapport le diagnostic des causes de la désindustrialisation en mettant l’accent sur les choix des entreprises françaises, dont il déplore « le déficit d’innovation et d’adaptation à la concurrence extérieure » et dont il juge que « les arbitrages et les positionnements économiques ont été peu propices au maintien de l’activité industrielle ».

À titre personnel, je me garderais bien d’émettre un jugement critique sur les choix stratégiques des acteurs économiques privés : d’une part car je sais en connaissance de cause à quel point ils peuvent être complexes et difficiles pour eux, d’autre part parce que l’État doit regarder en face ses propres responsabilités et limites en matière de politique industrielle plutôt que de se défausser sur les agents économiques.

Il me semble qu’en la matière, l’État devrait éviter de s’ériger en tribunal moral des choix de ses concitoyens – que ce soient les industriels, les investisseurs ou les consommateurs. Il est en revanche beaucoup plus utile quand il offre un cadre propice au développement de l’industrie : c’est exactement la politique qui a été menée au cours du quinquennat qui s’achève.

4.   La politique industrielle menée au cours du quinquennat porte aujourd’hui ses fruits

La politique industrielle menée au cours de ce quinquennat s’est attachée à répondre à de multiples défis. Si l’on voulait synthétiser cette action, elle pourrait être résumée à dix chantiers, menés de front tout au long du quinquennat.

En premier lieu, le défi de la compétitivité, pour que produire dans notre pays soit une opportunité. Dans une économie de marché, ouverte sur le monde, un investisseur regarde d’abord la rentabilité à terme de son outil industriel. Quand un investissement n’est pas rentable, quand ses coûts de production sont trop élevés, quand la fiscalité et les contraintes administratives sont trop importantes, il renonce à investir ou investit ailleurs. Plutôt que de nier la rationalité des choix des agents économiques, le quinquennat qui s’achève a été celui des décisions qui permettent d’améliorer la compétitivité des investissements industriels dans notre pays : en réduisant et en rendant prévisible la fiscalité sur les revenus du capital, en engageant une baisse de l’impôt sur les sociétés, ainsi qu’en diminuant récemment les impôts de production et les taxes locales sur les activités productives. Ce sont au total 50 milliards d’euros d’impôts qui ont été supprimés, pour moitié au profit les entreprises. Une telle baisse est inédite. Le rapport qui vous est présenté ne conteste d’ailleurs pas ces baisses d’impôts et leur intérêt pour le développement de l’économie productive.

Ensuite, le défi de la formation, pour répondre aux besoins en recrutement. En 2018, avant la crise sanitaire, une étude du cabinet de recrutement américain Korn Ferry indiquait que d’ici à 2030, la France pourrait manquer de 1,5 million de salariés très qualifiés, ce qui représenterait un manque à gagner de près de 175 milliards d’euros pour l’économie française ([7]). Alors que tant d’entreprises cherchent désespérément des salariés qualifiés, notamment des chaudronniers et des soudeurs, ce quinquennat a été celui de la montée en compétence : création d’une nouvelle université des métiers du nucléaire, réforme de la formation professionnelle ([8]) et de l’apprentissage pour encourager les jeunes et les entreprises à y avoir recours. À la mi-décembre 2021, environ 650 000 contrats d’apprentissage avaient été signés en 2021 contre 280 000 en 2017, soit 2,3 fois plus. Tous les territoires participent à la dynamique de l’apprentissage.

Le défi de la flexibilité du marché du travail : grâce à la signature des ordonnances pour la réforme du code du travail dès le 22 septembre 2017, après des décennies de rigidité et de complexité pour les salariés et les employeurs, ce quinquennat a donné plus de liberté et plus de sécurité au monde du travail. Grâce à la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE », la multiplicité des seuils d’effectifs a été remplacée par trois seuils harmonisés dont le franchissement a des conséquences progressives, permettant ainsi aux entreprises de grandir sans crainte.

Le défi du partage de la valeur : avec la loi PACTE, la majorité parlementaire a facilité l’accès à l’intéressement et à la participation, grâce à la suppression du forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés, la suppression du forfait social sur la participation et l’abondement pour les entreprises de moins de 50 salariés, ainsi que la possibilité d’intégrer des projets internes à l’intéressement de projet. La loi PACTE organise la généralisation de l’intéressement, en prévoyant un accord adapté aux entreprises de moins de 50 salariés.

Le défi de l’innovation a été mis au service de l’accélération, de la transformation numérique et écologique de l’industrie. M. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la relance, et Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie, ont mis à profit les différents plans d’investissements pour lancer des appels à projets et des appels à manifestations d’intérêt permettant de relancer la machine à innover partout dans notre industrie. Que ce soit pour digitaliser, numériser, robotiser, décarboner, le plan de relance a été au rendez-vous de la réindustrialisation de notre pays, avec 35 milliards d’euros consacrés à l’industrie sur l’enveloppe globale de 100 milliards d’euros. Le plan France 2030 vient amplifier cette stratégie d’innovation dans des filières stratégiques, que ce soit les biotechnologies, l’intelligence artificielle, l’hydrogène, les semi-conducteurs, le nucléaire : des investissements qui permettront de regagner notre indépendance et relocaliser la production et la création de valeur. Là encore, le présent rapport valide la démarche engagée par le Gouvernement : les plans France Relance et France 2030 sont aujourd’hui de puissants outils pour les emplois industriels de demain.

Le défi de la simplification administrative a été lancé, pour qu’ouvrir une ligne de production ne soit plus une contrainte. À la suite du rapport que j’avais remis au Premier ministre M. Édouard Philippe en septembre 2019 ([9]), un projet de loi a été déposé, discuté par le Parlement et promulgué en tant que loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique. En rationalisant les procédures administratives, cette loi a permis de réduire significativement les délais et les complexités liés aux implantations industrielles, ce qui n’a pas manqué de séduire les investisseurs étrangers.

Le défi de l’attractivité vis-à-vis des investisseurs étrangers a consisté à montrer que la France avait changé et désormais était en ordre de marche pour accueillir les entrepreneurs étrangers. À travers l’initiative « Choose France » par les services d’accompagnement mis en œuvre par Business France, notre pays a réussi à attirer de nombreux investisseurs étrangers. Le baromètre Ernst & Young le montre : pour la seconde année consécutive, la France était en 2021 le premier pays d’accueil des investissements étrangers en Europe ([10]).

Le défi de l’aménagement du territoire a obligé à repenser les modalités de l’action industrielle de l’État en faisant confiance aux territoires. Le dispositif « Territoires d’industrie » a notamment été l’occasion de fédérer tous les acteurs locaux autour de la table pour imaginer et mettre en œuvre des projets industriels locaux. Pour la première fois, l’État soutient des initiatives conçues et pilotées localement par un binôme composé d’un élu local et d’un industriel. 1,3 milliard d’euros de crédits ont ainsi été débloqués avec la mobilisation du plan de relance et du fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires, pour soutenir 1 400 projets d’entreprises et des projets collectifs comme la création de centres de formation, d’écoles de production, de plateformes logistiques ou d’écologie industrielle.

Le défi de la protection des fleurons stratégiques a justifié un renforcement de notre arsenal normatif. L’article 55 de la loi PACTE a renforcé la protection des entreprises stratégiques, et le décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019 relatif aux investissements étrangers en France a élargi le champ des activités stratégiques dont la prise de contrôle par des capitaux étrangers est soumise à autorisation, pour permettre au ministre de l’Économie et des finances de mieux surveiller certains investissements étrangers dans notre pays.

Le défi de la coopération européenne, celui d’un continent qui affirme sa stratégie industrielle face à ses concurrents chinois et américains, est désormais en train d’être gagné, nos partenaires se ralliant à une stratégie plus offensive de défense de l’industrie européenne. L’Union européenne a adopté en 2019 un premier mécanisme européen de filtrage des investissements directs étrangers, une coopération permettant la protection des actifs stratégiques européens, avancée encore inimaginable il y a encore quelques années. La politique de concurrence a connu des assouplissements. La présidence française du Conseil de l’Union Européenne au premier semestre 2022 sera également l’occasion pour notre pays de porter des thèmes qui lui sont chers sur le plan de la souveraineté industrielle, comme :

– le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, faisant partie du paquet législatif Fit for 55 – « Ajustement à l’objectif 55 % », qui permettra de conduire cette transition pour l’ensemble des industries européennes tout en préservant la compétitivité de l’Union ;

– les sujets de finance verte, de transition industrielle, de verdissement des politiques de soutien public à l’export, qui seront évoqués lors d’une conférence ministérielle en mars 2022 ;

– l’objectif de mise en place d’un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) en santé, afin de renforcer la politique industrielle de santé et le positionnement stratégique de l’Union européenne dans ce secteur en favorisant l’innovation dans les différents segments des industries de santé.

Ces politiques ont été menés simultanément pendant cinq ans, sans revirement, virage ou atermoiement, garantissant ainsi de la visibilité aux agents économiques vis-à-vis de l’évolution de leur environnement réglementaire et institutionnel.

Cette politique industrielle a été payante. Alors qu’un million d’emplois industriels nets a été détruit entre 2000 et 2016, l’industrie recrée de l’emploi en France : de 2017 à 2019, 30 000 emplois industriels nets ont été créés ([11]). Au troisième trimestre 2021, le taux d’emploi est au plus haut (67,5 %) et le taux de chômage au plus bas depuis 13 ans (8,1 %) ([12]). La croissance est à son plus haut niveau depuis 50 ans. Les créations de sites et d’emplois industriels ont battu des records et notre pays n’a jamais autant attiré d’investisseurs. Selon des données provisoires communiquées par le cabinet Trendeo, sur la période du 1er janvier au 2 décembre 2021, la France compte un solde positif d’une centaine de sites supplémentaires comparés à l’année dernière. Alors que l’Hexagone avait perdu près de 400 usines au total sur la période 2010-2015, le pays enregistre, à l’inverse, un gain net de plus de 120 sites entre 2016 et 2021.

5.   La France peut devenir la première nation européenne innovante et souveraine en santé

Le Président de la République M. Emmanuel Macron a lancé en 2021 une stratégie d’innovation dans le secteur de la santé, issue des travaux du Conseil stratégique des industries de santé. Ce plan Santé 2030 vise à s’appuyer sur les atouts de notre pays, telles que les universités, les organismes de recherche, les laboratoires, les hôpitaux, les personnels soignants, les industriels et les start-ups, pour devenir la première nation européenne innovante et souveraine en santé.

Doté de plus de 7 milliards d’euros, les investissements massifs de ce plan permettront de soutenir la prise de risque et d’amplifier l’innovation. Quatre piliers sont au cœur de ce plan : le renforcement de notre capacité de recherche biomédicale, l’investissement dans les domaines en santé de demain, le soutien à l’industrialisation des produits de santé, et enfin la création d’une agence d’innovation en santé comme structure d’impulsion et de pilotage stratégique de l’innovation en santé.

Aucune des personnes auditionnées n’a remis en cause l’intérêt et le caractère essentiel des orientations stratégiques de ce plan.

La crise sanitaire a agi comme un révélateur : face à une situation d’urgence, la France et l’Europe ne disposent pas d’une industrie de santé à même de fournir dans les meilleurs délais les produits de santé nécessaires à leur population. Il y a donc un enjeu de souveraineté et de sécurité sanitaire qui impose de repenser ce que nous devons produire chez nous et comment nous ne pouvons pas laisser les traitements indispensables, mais également les traitements innovants de demain, être conçus et produits hors d’Europe, et donc disponibles uniquement quand leurs producteurs le voudront bien. Ce changement de paradigme a été pris en compte dans la stratégie industrielle révisée ([13]) et la nouvelle stratégie pharmaceutique ([14]) de l’Union européenne. Elle doit désormais mettre en place les outils pour contrôler les productions de principes actifs et de médicaments indispensables aux populations européennes.

Au sein de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, le Parlement a adopté le principe d’une prise en compte de l’empreinte industrielle dans la fixation des prix des produits de santé, visant à garantir les approvisionnements au moyen d’un soutien à une localisation européenne des unités de production.

Les représentants et spécialistes interrogés au cours de nos travaux valident les orientations du plan Innovation santé 2030 issu des conclusions du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) 2021. Toutefois, certains alertent à juste titre sur sa mise en œuvre opérationnelle. Un meilleur pilotage interministériel semble nécessaire pour réussir le déploiement de cet outil, afin de réussir à concilier politique du médicament et enjeux industriels. La prise en compte du critère de la fabrication en France ou en Europe est une avancée significative, mais il faut aussi rappeler que ces unités de production ont vocation à alimenter un marché qui s’étend bien au-delà de nos frontières.

Pour que la sécurité que procure la production en Europe des principes actifs et des médicaments essentiels soit assurée, il importe que l’Union européenne, notamment par sa nouvelle Autorité de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire – Health Emergency preparedness and Response Authority (HERA) – élabore et tienne à jour, au niveau européen, une liste des productions dont le caractère vital pour les populations européennes justifie l’intervention publique.

6.   Soixante-seize propositions du rapporteur qui auraient mérité d’être mieux définies

Le rapporteur a fait le choix de vous présenter 76 propositions, d’inégale portée, qui auraient mérité d’être moins nombreuses et mieux définies.

Parmi celles-ci, certaines mériteraient d’aller au-delà du simple vœu pour détailler les moyens de leur mise en œuvre : « réaffirmer la volonté et l’ambition industrielle de la France dans le cadre d’un pacte productif national » ne peut que faire consensus, mais que met-on derrière ces mots ? Comment se donne-t-on les moyens d’arriver à un consensus, alors que les acteurs politiques n’ont pas tous la même vision de l’avenir économique du pays ?

D’autres proposent de poursuivre des chantiers déjà largement engagés. « Améliorer l’effort en faveur de la R&D avec pour objectif de dépasser les 3 % du PIB en développant en parallèle recherche publique et privée » est un des objectifs de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030. « Renforcer l’enseignement scientifique et technique et renouveler les approches pédagogiques dans le parcours scolaire et supérieur, afin que tous les élèves disposent de bases plus solides en mathématiques et en sciences » est un objectif soutenu depuis cinq ans par le ministre de l’Éducation nationale M. Jean-Michel Blanquer. « Développer l’offre publique d’accompagnement des dirigeants des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) dans la définition des compétences nécessaires au développement et à la transformation numérique de leur activité » est une action déjà menée avec succès par la Banque publique d’investissement (Bpifrance).

D’autres ne relèvent pas de la compétence soit du législateur, ni même de la France. Ainsi, « imposer la présence des représentants des salariés lors des discussions relatives aux contrats de filière et faire prendre en charge au titre des frais de fonctionnement du Conseil national de l’industrie les frais de déplacement pour que les représentants des salariés puissent assister aux réunions » relève du pouvoir réglementaire qui a mis en place cette instance consultative ([15]), voire du règlement intérieur du Conseil national de l’industrie.

Plusieurs propositions se font fort de trouver un accord des partenaires européens, telle l’instauration d’un taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réduit pour les produits issus du recyclage, « Renforcer le projet de directive européenne pour aller vers un salaire minimum harmonisé sur les pays les mieux-disant, d’ici à 2030 », ou « Modifier l’article 67 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 pour rendre systématique une "clause environnementale et sociale" dans les critères d’attribution des marchés publics et consacrer la possibilité d’une attribution de marchés publics fondés sur le respect de standards élevés de production ». Cependant, aucune méthode n’est proposée pour aboutir à un tel consensus européen. J’observe que le salaire minimum varie fortement au sein des 21 États membres qui en ont un : de 332 euros mensuels brut en Bulgarie à 2 202 euros au Luxembourg au 1er juillet 2021, selon les données d’Eurostat, la France étant au sixième rang avec 1 555 euros mensuels. Multiplier par six le salaire minimal bulgare et augmenter de 30 % le SMIC français en huit ans ne sont pas des évolutions réalistes.

Enfin, un nombre limité de mesures précises seraient impossibles à mettre en œuvre voire contre-productives pour l’industrie française.

« Conditionner l’attribution d’aides publiques et le crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche (CIR) à la localisation des chaînes de production » ou « Conditionner les aides des différents plans d’investissement à des engagements en termes de localisation d’activités, d’emploi, de compétences, de partage équitable de la valeur » représentent des idées impossibles à mettre en œuvre. Du fait de la disparition de certaines filières en France, l’élaboration d’un produit rend parfois nécessaire de faire appel à des productions à l’étranger, notamment pour faire face à des afflux de commandes ; aucun chef d’entreprise ne sera prêt à s’engager dans un projet industriel cofinancé par l’État si celui-ci peut demain réclamer le reversement des aides, sans examen de ses contraintes. En ce qui concerne le crédit d’impôt recherche, le délai de prescription fiscale de quatre ans est bien trop court pour que les activités de recherche se déclinent dans les activités de production et on ne peut que plaindre celui qui cherchera à identifier, dans un nouveau produit innovant, quelles sont toutes les recherches qui ont abouti à sa mise au point depuis l’origine.

Si « favoriser le rapprochement des sièges sociaux des lieux de production » est un vœu que l’on peut soutenir, le faire « en incitant fiscalement à la localisation des sièges sociaux au sein des établissements employant le plus de salariés dans l’entreprise » rend cette mesure vaine et inutile dans la mesure où le siège social d’une entreprise n’est pas forcément le lieu où travaille son état-major.

Le rapporteur reprend également une proposition défendue par M. Louis Gallois dans son rapport remis en 2012 ([16]) d’ouvrir plus largement les conseils d’administration aux représentants des salariés. Cependant, là où M. Gallois proposait de le faire dans les grandes entreprises (de plus de 5 000 salariés), le rapporteur propose de le faire dans les entreprises de taille intermédiaire, qui sont souvent des entreprises dont le capital est détenu par un groupe familial ou quelques investisseurs ; exiger de réserver un quart des sièges pour les salariés montre une méconnaissance du fonctionnement de ces entreprises.

J’observe que ces mesures sont donc souvent des propositions qui ont agrémenté des programmes politiques, sans que les responsables politiques les aient mis en place une fois au pouvoir.

À titre personnel, je crois que les agents économiques ont besoin de stabilité et de visibilité dans le temps : changer le cadre fiscal et réglementaire tous les ans va à l’encontre de l’attractivité de notre pays. À l’inverse, la continuité dans les choix stratégiques permet de gagner en compétitivité et en attractivité. Nous devons continuer dans la voie dans laquelle nous sommes engagés, pour définitivement ancrer la France dans le rang des grandes puissances économiques du XXIème siècle.

7.   Huit propositions personnelles pour accélérer l’essor d’une industrie française conquérante

Je souhaite ainsi contribuer au débat en formulant huit propositions.

La première proposition sera de poursuivre la baisse des impôts de production que nous avons engagée dans le cadre de la loi de finances pour 2021, afin de combler l’écart de compétitivité qui ne peut subsister avec nos voisins.

Selon le rapport sur les impôts de production du groupe de travail présidé par MM. Yves Dubief et Jacques Le Pape ([17]), la France était l’un des pays européens dans lequel le poids des impôts sur la production payés par les entreprises est le plus élevé. Seule la Suède se situait à un niveau supérieur. En 2016, les impôts de production représentaient près de 3 % du PIB français, contre 1,6 % en moyenne dans la zone euro – et 0,4 % en Allemagne, même si la structure de l’imposition était différente et l’écart total de prélèvements sur les entreprises entre France et Allemagne plutôt situé entre 0,8 et 1,6 point de PIB. En réduisant de 10 milliards par an les impôts de production, la France a rejoint la moyenne européenne, mais elle pourrait aller beaucoup plus loin.

La seconde proposition viserait à rendre plus compétitif le coût du travail pour les entreprises industrielles en élargissant la réduction des cotisations patronales. La réduction générale des cotisations patronales permet à l’employeur de baisser le montant de ses cotisations patronales. Cet allègement concerne les salaires qui ne dépassent pas 1,6 fois le Smic brut, soit 2 564,99 euros bruts par mois. Alors qu’en raison du nombre limité d’ingénieurs qui rejoignent l’industrie et de la concurrence des entreprises de services, un ingénieur industriel peut coûter beaucoup plus cher en France qu’en Allemagne, il serait utile d’envisager un rehaussement de ce plafond vers 2 fois le Smic.

La troisième proposition cherche à favoriser l’emploi des seniors. De nombreux salariés expérimentés, cumulant des années de savoir-faire industriel, se retrouvent à partir de 55 ans sur le marché du travail. Or le taux d’emploi des seniors pourrait être plus élevé qu’il ne l’est aujourd’hui. 54 % des Français âgés de 55 à 64 ans sont en emploi : néanmoins, si les chiffres semblent indiquer que les seniors sont de plus en plus nombreux à travailler, ils démontrent également que le chômage les touche plus fortement qu’auparavant ([18]). Alors qu’il pourrait être nécessaire de travailler plus longtemps pour assurer la pérennité de notre système de retraite dans les années à venir, il serait utile de rendre le travail des seniors plus attractif, en prévoyant un taux de cotisation retraite réduit, et en incitant les industries à recruter des seniors par des primes à l’embauche.

La quatrième proposition favoriserait la transmission des entreprises industrielles en revoyant le dispositif fiscal relatif aux conditions de transmission. Il en va de notre capacité à conserver des fleurons français. Nous pourrions rendre plus attractif la cession de parts de capital au sein des familles, à travers une baisse de la fiscalité sur les transmissions, notamment en ligne indirecte. Selon le cabinet KPMG ([19]), les transmissions d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) familiales s’inscrivent pour l’essentiel dans un cadre légal particulier, celui du « pacte Dutreil » introduit par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique et mis en œuvre dans 90 % des cas. Si le « pacte Dutreil » a vocation à favoriser la transmission intrafamiliale du capital, sa mise en œuvre est complexe et son interprétation par l’administration évolutive. La transmission d’une ETI patrimoniale prend en moyenne 10 ans. Il apparaît nécessaire de simplifier et d’élargir ce régime à la transmission, notamment en ligne indirecte.

La cinquième proposition vise à inciter à la mobilité professionnelle en améliorant son accompagnement. Dans un contexte de faible chômage, il devient très difficile pour les entreprises de recruter. C’est encore plus vrai dans des agglomérations où le taux de chômage est encore plus faible que la moyenne nationale, par exemple en Vendée, alors que des salariés dans des agglomérations à quelques dizaines ou centaines de kilomètres peuvent être en situation de chômage élevé. Encourageons la mobilité des demandeurs d’emploi qui le souhaitent en proposant aux entreprises de leur offrir un accompagnement supplémentaire quand ils décident de déménager : prise en charge des frais de déménagement, accompagnement professionnel du conjoint, priorité dans la prise en charge scolaire des enfants, allocation logement majorée. Cet accompagnement, gagnant pour tout le monde, pourrait être financé conjointement par les collectivités territoriales, les entreprises et l’État, notamment en défiscalisant les sommes utilisées pour attirer les talents que les entreprises ne trouvent pas dans leur bassin d’emploi.

Une sixième proposition serait de renforcer les dispositifs de transition professionnelle, afin que chaque salarié puisse prendre en compte les évolutions industrielles pour planifier l’évolution de ses compétences. Selon une étude publiée en décembre 2020 par l’Association européenne des fournisseurs automobiles (CLEPA), la politique actuelle d’électrification de l’automobile à marche forcée pourrait détruire d’ici à 2040 jusqu’à un demi-million d’emplois chez les équipementiers automobiles dans l’Union européenne. Face à ce défi, les salariés devront évoluer. Le projet de transition professionnelle est une modalité particulière de mobilisation du compte personnel de formation, permettant aux salariés souhaitant changer de métier ou de profession de financer des formations certifiantes en lien avec leur projet. Dans ce cadre, le salarié peut bénéficier d’un droit à congé et d’un maintien de sa rémunération pendant la durée de l’action de formation. Le plan de relance a abondé de 100 millions d’euros pour financer, en 2021, des actions de reconversion en direction des métiers à forte perspective d’emploi sur le territoire et des salariés en emploi dans des secteurs dont le taux d’emploi diminue. Il serait utile que la transition professionnelle puisse être quantifiée et organisée pour que les salariés des secteurs qui seront impactés par une transition écologique ou technologique puissent organiser leur reconversion dans les nouvelles filières, avec une prise en charge des filières connaissant une rupture technologique ou devant s’adapter à une évolution réglementaire majeure.

La septième proposition vise à organiser une meilleure appréciation des besoins en composants stratégiques, en confiant cette mission au Conseil national de l’industrie (CNI). Nous voyons aujourd’hui des pénuries sur certaines matières premières, comme les semi-conducteurs. Demain, nous pourrions être confrontés à d’autres pénuries, qui toucheraient plusieurs secteurs simultanément, par exemple dans les terres rares ou du lithium. Certains économistes, qui ont été auditionnés par cette commission d’enquête, s’attachent ainsi à identifier les éléments clés de la chaîne de valeur, comme Xavier Jaravel et Isabelle Méjean ([20]).

Afin d’éclairer les choix de politique industrielle, il conviendrait d’ajouter une dimension relative aux « approvisionnements transverses » aux instances de pilotage. Au sein du CNI, la structuration par filières verticales ne permet pas nécessairement d’anticiper des pénuries qui risquent d’impacter plusieurs filières. Une instance de veille et de proposition sur les approvisionnements stratégiques transverses pourrait donc être mise en place au sein du Conseil national de l’industrie.

La dernière proposition concerne les plans d’investissement, en plaidant pour la simplification des dispositifs d’accompagnement et de leur gouvernance. Aujourd’hui, nombre d’industriels constatent l’empilement des dispositifs : France 2030, France Relance, programme d’investissements d’avenir (PIA), fonds pour le recyclage des friches… Cet enchevêtrement rend difficile la lisibilité pour les acteurs économiques. Un regroupement de ces dispositifs, ou un pilotage davantage centralisé, aiderait les industriels, et notamment les PME, à se saisir pleinement des outils, et augmenterait la puissance de frappe de l’État.

À l’occasion de la présentation du plan France 2030, le Président de la République a annoncé la mise en place d’une gouvernance avec un « esprit commando » et une équipe pilote qui puisse faire appel à tous les talents : universitaires, membres de la recherche, entrepreneurs, investisseurs, grands groupes privés.

J’appelle à ce que les différents plans d’investissements de l’État dans le futur de l’industrie soient rationalisés et confiés à une cellule de taille limitée et dont le mode de fonctionnement pourrait être inspiré de l’Autorité de recherche et de développement biomédical avancés – Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA) et de l’Agence pour les projets de recherche avancée de défense – Defense Advanced Research Projets Agency (DARPA) mises en place au sein du gouvernement fédéral américain.

*

La commission d’enquête a ainsi adopté le présent rapport d’enquête, en reconnaissant au groupe d’opposition qui en est à l’origine et au rapporteur le droit de tirer ses conclusions et de les présenter au public.

Cependant, je reste circonspect sur les propositions tirées par le rapporteur. Ce rapport est une opportunité manquée, celle de prendre en compte les défis et les opportunités que la crise sanitaire a révélé, notamment en ce qui concerne la nécessité de développer une politique industrielle et une politique d’innovation et de production en santé garantissant la souveraineté et la sécurité des Européens. Cette nouvelle stratégie industrielle a été pensée à Paris et à Bruxelles.

Jusqu’à la fin de leur mandat, les députés de la XVème législature resteront attentifs à ce qu’elle soit mise en œuvre par des politiques énergiques et efficaces et des méthodes de gouvernance fondées non sur l’accumulation des contraintes mais sur la démonstration, jour après jour, que la France et les travailleurs français sont les meilleurs atouts pour concevoir et développer les industries du futur.

Guillaume Kasbarian
Député de l’Eure-et-Loir
Président de la commission d’enquête

 


   Introduction

La commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament est issue d’une proposition de résolution de notre collègue Mme Valérie Rabault et les membres du groupe Socialistes et apparentés, déposée le 25 juin 2021 ([21]).

Lors de la Conférence des présidents du 29 juin 2021, en tant que présidente du groupe, Mme Rabault a fait usage, pour cette proposition de résolution, du « droit de tirage » prévu par le deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale, donnant le droit aux groupes minoritaires ou d’opposition d’obtenir, une fois par session ordinaire annuelle, la création d’une commission d’enquête sur le sujet de leur choix.

Sur le rapport de notre collègue M. Guillaume Kasbarian, la commission des affaires économiques a constaté le 13 juillet 2021 que les conditions requises pour la création de cette commission d’enquête étaient réunies ([22]). La Conférence des présidents a pris acte de la création de la commission d’enquête le 20 juillet 2021.

Composée de trente députés issus de tous les groupes de l’Assemblée nationale, la commission d’enquête a désigné le 14 septembre 2021 M. Guillaume Kasbarian, député LaREM de l’Eure-et-Loir, comme président et M. Gérard Leseul, député socialiste de la Seine-Maritime, comme rapporteur.

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La présente commission d’enquête fait suite à plusieurs rapports rédigés par des organes de l’Assemblée nationale qui, dans le cadre de leurs travaux de contrôle, se sont penchés sur la question de l’industrialisation et de l’industrie du médicament, qui ont alimenté les réflexions de la commission :

– le comité d’évaluation et de contrôle (CEC) a publié le 21 janvier 2021 un rapport d’information sur l’évaluation de la politique industrielle présenté par nos collègues MM. Olivier Marleix et Thierry Michels ([23]), faisant suite au rapport sur ce sujet commandé à France Stratégie en octobre 2019 et remis en novembre 2020, intitulé Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales ([24]) ;

– la commission des affaires sociales a autorisé le 23 juin 2021 la publication d’un rapport d’information en conclusion des travaux d’une mission d’information sur les médicaments ([25]), présidée par notre collègue M. Pierre Dharréville et dont Mme Audrey Dufeu et M. Jean‑Louis Touraine, étaient les rapporteurs.

Suivant l’exposé des motifs de la proposition de la résolution, la commission a été conduite à la fois à établir un constat rétrospectif, en cherchant à « identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France » et à définir des propositions de manière prospective, afin de « définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament ».

En tenant 48 auditions ([26]) et en envoyant à Bruxelles une délégation afin de rencontrer les responsables de l’Union européenne et les acteurs de l’attractivité industrielle et de la politique du médicament, la commission d’enquête s’est efforcée d’examiner :

– l’évolution de la place de l’industrie dans la production de richesses en France ;

– les politiques menées dans le passé, qui ont favorisé ou handicapé l’implantation d’activités industrielle sur le territoire national ;

– les politiques et moyens qui permettraient d’influencer favorablement le développement industriel.

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Dans son acception la plus large, la notion d’« industrie » désigne l’ensemble des activités économiques « qui combinent des facteurs de production (installations, approvisionnements, travail, savoir) pour produire des biens matériels destinés au marché » ([27]). Ces activités ont donc pour objet l’exploitation des sources d’énergie et des richesses minérales du sol, ainsi que la fabrication de biens matériels à partir de matières premières ou de matières ayant déjà subi une ou plusieurs transformations. En pratique, le secteur (qualifié de « secteur secondaire » dans la classification ordinaire des activités économiques) – se caractérise par la mécanisation et l’automatisation des facteurs de travail, ainsi que par la centralisation des moyens de production – ce qui le distingue de l’artisanat. De manière usuelle et suivant l’objet des activités, on distingue les industries manufacturières des industries d’extraction.

Au total, l’Insee considère qu’en 2019, l’industrie française rassemble 34 secteurs et 250 200 entreprises dont 176 900 relèvent du régime du micro-entrepreneur ou du régime fiscal de la micro-entreprise. Ces entreprises industrielles emploient 3,1 millions de salariés en équivalent temps plein (ETP), soit 25,1 % des salariés de l’ensemble des entreprises des secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers. Les entreprises industrielles réalisent un chiffre d’affaires de 1 234 milliards d’euros et dégagent une valeur ajoutée de 319 milliards d’euros. Elles génèrent 31 % du chiffre d’affaires et 28 % de la valeur ajoutée de l’ensemble des secteurs, alors qu’elles ne représentent que 8 % des entreprises ([28]).

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Les statistiques relatives à l’évolution de la part de l’industrie dans le produit intérieur brut et dans la population active peuvent être nuancées au regard des questions de classification et des effets du mouvement d’externalisation des services.

De manière générale, la distinction entre industrie et services apparaît de plus en plus floue.

France Stratégie mentionne une étude selon laquelle près d’un quart des entreprises « industrielles » produiraient plus de services que de biens. Certaines grandes entreprises mêlent inextricablement les deux productions : par exemple, des motoristes d’avions vendent des heures d’utilisation de leurs moteurs, ou un fabricant d’imprimantes facture au nombre d’impressions, de sorte que la vente et l’après‑vente (maintenance) sont indissolublement liées pour mettre en avant un rapport qualité-prix global.

Non seulement l’industrie vend des services, mais elle en achète également beaucoup, ces achats correspondant en partie à des activités réalisées autrefois en interne. À partir des années 1970, les entreprises industrielles se sont progressivement recentrées sur leur cœur de métier afin de gagner en efficacité. Ceci les a amenées à confier à des sociétés spécialisées – en général classées dans le secteur des services – toutes les tâches s’en éloignant, comme la restauration du personnel, le gardiennage, l’informatique ou encore la comptabilité.

Le mouvement de numérisation à l’œuvre dans l’industrie, qui renvoie aux concepts d’usine du futur ou d’industrie 4.0., ne fait qu’amplifier cette interpénétration entre industrie et services.

Le Conseil d’analyse économique invite ainsi à dépasser la définition classique d’une industrie uniquement dédiée à la fabrication d’objets et conclut que « l’industrie change de nature et ne fait plus qu’une avec les services » ([29]), relativisant le constat d’une disparition de l’industrie.

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Il n’en demeure pas moins qu’au-delà des débats sur la classification statistique, la France a effectivement connu un déclin industriel particulièrement marqué, que détaille le panorama présenté par France Stratégie dans son rapport.

Le nombre d’emplois industriels et la part de la valeur ajoutée industrielle dans le produit intérieur brut (PIB) ont été divisés par deux en 50 ans. L’emploi industriel connaît son apogée en 1974, occupant 5,4 millions d’actifs, soit près du quart du total des emplois. Alors que cette part était globalement stable depuis 1949, les décennies suivantes marquent un recul continu de la part de l’industrie dans l’emploi total et un effondrement de ses effectifs. Hormis quelques années d’embellie à la fin des décennies 1980, 1990 et 2010, le recul de l’emploi industriel est saisissant : entre 1974 et 2018 les branches industrielles ont perdu près de la moitié de leurs effectifs (2,5 millions d’emplois), l’industrie ne représentant plus aujourd’hui que 10,3 % du total des emplois.

La part de la valeur ajoutée industrielle dans la valeur ajoutée totale, à prix courants, s’est également progressivement réduite avec un pic atteint dès 1952. En 2018, la part de l’industrie dans la valeur ajoutée s’établissait ainsi à 13,4 %.

Nombre d’emplois industriels (milliers)
et part de l’industrie dans l’emploi et la valeur ajoutÉe (prix courants), 1949-2018

Source : Insee, Comptes nationaux annuels – base 2014 ; emploi intérieur total par branche en nombre de personnes ; valeur ajoutée brute par branche à prix courants, Cité par France Stratégie, op. cit., p 44

Dans le détail, on constate que les branches industrielles ont connu des évolutions différenciées. Les branches « industries extractives » et « fabrication de textiles, industries de l’habillement, industrie du cuir et de la chaussure » ont perdu plus de 80 % de leurs effectifs entre 1974 et 2018. La part de cette dernière branche dans la valeur ajoutée industrielle s’est effondrée – de 7,5 % à 1,7 %. En effectifs absolus, les deux tiers des destructions nettes d’emplois industriels sont concentrés dans les branches « fabrication de textiles, industries de l’habillement, industrie du cuir et de la chaussure » (– 705 000), « métallurgie et fabrication de produits métalliques, hors machines et équipements » (– 438 000), « autres industries manufacturières » (– 280 000) et « fabrication de matériel de transport » (– 269 000). Néanmoins, la part de ces branches dans la valeur ajoutée industrielle s’est globalement maintenue et a même sensiblement augmenté dans le cas de la fabrication de matériel de transport.

À l’opposé, l’emploi dans la branche « production et distribution d’eau ; assainissement, gestion des déchets et dépollution » a enregistré une progression de 115 % et les effectifs dans les branches « industrie pharmaceutique » et « fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac » se sont accrus de respectivement 4,5 % et 10,8 %. Le poids de ces branches dans la valeur ajoutée industrielle s’est également nettement accru entre 1974 et 2017.

Poids des branches industrielles dans la valeur ajoutÉe industrielle en 1974 et 2017

Source : Insee, Comptes nationaux annuels – base 2014, valeur ajoutée brute par branche à prix courants ; calculs France Stratégie, Cité par France Stratégie, op. cit., p 48

Comme plusieurs économistes auditionnés par la commission d’enquête l’ont rappelé, ce déclin de la part occupée par l’industrie est un phénomène historique corrélé avec le développement économique, qu’ont connu la plupart des économies développées dans la même période.

Cependant, cette évolution globale vers la désindustrialisation est bien plus marquée en France que dans les économies comparables. La part occupée par l’industrie dans la production de richesses en France se révèle inférieure à la moyenne européenne (15,9 %) : l’industrie compte pour 25,8 % du PIB en Allemagne (dont 21,1 % pour l’industrie manufacturière), 19,7 % du PIB en Italie, 16,1 % en Espagne. La France se présente comme l’économie la plus désindustrialisée du G7 avec celle du Royaume-Uni.

Part de la valeur ajoutÉe industrielle (prix courants) dans l’Économie, 1991-2018

Source : OCDE (STAN database), cité par France Stratégie, op. cit., p. 48

Au sein de la zone euro, la part de la France dans la valeur ajoutée de l’industrie s’est sensiblement contractée, passant de 17,8 % en 2000 à 14,1 % en 2019. Seule l’année 2019 marque réellement une légère embellie vis-à-vis de nos partenaires de la zone euro. En volume, ce déclin est moins prononcé, passant de 15,7 % à 14,2 %, soit un niveau inférieur au déclin connu par l’industrie italienne et espagnole.

part de la valeur ajoutÉe de l’industrie en valeur (base 100 en 2000)

 

part de la valeur ajoutÉe de l’industrie en volume (base 100 en 2000)

Source : Eurostat, calculs France Stratégie, cité par France Stratégie, op. cit., p 50

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Toute proportion gardée, l’état de l’appareil productif dans le champ des filières des industries et technologies de santé peut lui aussi inspirer des inquiétudes. Celle-ci regroupe les activités de recherche, de fabrication et de commercialisation de médicaments, d’instruments de diagnostics in vitro, d’équipements d’imagerie médicale, d’instruments de diagnostic (hors in vitro) et de dispositifs médicaux. À n’en pas douter, la filière des industries et technologies de santé s’impose comme un pôle économique de premier plan pour la France, au regard du dynamisme renouvelé de sa production, de l’importance des dépenses de recherche et développement, ainsi que de sa contribution positive au commerce extérieur. En 2018, elle générait un chiffre d’affaires global de près de 75 milliards d’euros et emploie aujourd’hui, au sens large, près de 340 000 personnes.

Néanmoins, l’évocation des difficultés rencontrées dans la prise en charge des premiers patients atteints par la Covid-19, du fait de l’insuffisance de certains matériels et produits de santé et des retards dans la conception d’un vaccin contre l’épidémie, a justifié que la commission d’enquête ne se focalise pas sur les seuls médicaments mais également sur la situation de l’ensemble de la filière des industries et technologies de santé. La démarche implique aussi d’appréhender l’évolution d’activités au-delà de la seule chaîne de fabrication du médicament, telles que la chimie fine, la bio-production ou l’industrie mécanique.

Au sein de ce constat, le secteur de l’industrie de la santé apparaît comme un pôle économique de premier plan, justifiant que la commission d’enquête consacre de nombreuses auditions à étudier la situation de cette filière.

L’activité se répartit entre la production de médicaments (56 %), d’instruments de diagnostic in vitro (20 %), d’équipements d’imagerie médicale (11 %) ([30]), d’instruments de diagnostic (hors in vitro, 8 %) et des dispositifs médicaux (5 %).

La filière emploie près de 340 000 personnes au sens large, dont 148 000 dans les officines, 110 000 dans les entreprises productrices, 40 000 dans les entreprises de technologie médicale (medtech), 33 000 dans la recherche et développement (soit 3,5 % de l’emploi industriel français). Les emplois se localisent d’abord dans les unités de production (34 %), la distribution et la commercialisation occupant 28 % des effectifs, la recherche et développement employant 13 %.

L’industrie pharmaceutique s’impose aujourd’hui comme l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie française. Après une phase de stagnation de 2004 à 2014, la production a retrouvé une forte croissance (+ 34 % entre 2014 et 2019). Le secteur employait en 2019 près de 78 568 salariés dans la production. Le nombre des établissements enregistre une diminution constante (– 9 % entre 2009 et 2019).

Avec un chiffre d’affaires de 44,5 milliards d’euros en 2018, la France occupait la troisième place parmi les producteurs de produits pharmaceutiques en Europe (derrière la Suisse et l’Allemagne). L’excédent commercial tend à augmenter, à raison d’importations contenues (27,4 milliards d’euros en 2019) et d’exportations dynamiques (33,7 milliards d’euros en 2019).

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Or, suivant un constat qui ne peut pas être contesté, la disparition de pans entiers de l’industrie française joue un rôle décisif dans le déséquilibre du commerce extérieur, ainsi que dans la perte de pouvoir d’achat ressentie localement et au niveau européen.

La dégradation de la balance courante française s’explique par un déficit commercial structurel depuis le début des années 2000. La balance courante française était excédentaire jusqu’à la fin des années 1990, avec un excédent significatif de 3,4 % du PIB en 1999, puis s’est détériorée dans les années 2000 pour laisser place à un déficit croissant à partir de 2007 et atteindre un point bas de 1,3 % du PIB en 2014. L’excédent relativement stable de la balance des échanges de services ne permet plus depuis 2006 de compenser le déclin des exportations de biens, et le solde commercial de la France est ainsi devenu structurellement déficitaire à partir de 2006.

L’industrie contribue également aux équilibres sociaux, car elle est une grande pourvoyeuse de salaires attractifs, généralement supérieurs à la moyenne.

On observe un niveau général très supérieur à la moyenne des salaires dans la plupart des grands secteurs industriels : à près de 3 000 euros mensuels, le salaire net moyen était en 2016 supérieur de 34 % à la moyenne nationale tous secteurs confondus dans la fabrication de matériels de transports (aéronautique, automobile…) ; à 2 800 euros, il était supérieur de 25 % à cette moyenne dans les secteurs eau-énergie, le machinisme et les industries électriques et électroniques. Le seul secteur industriel aux salaires inférieurs à la moyenne d’ensemble était l’agro‑alimentaire, tandis que c’était le cas des grands secteurs des services les plus pourvoyeurs d’emplois (hôtellerie-restauration, services sociaux, commerce, transports…).

SALAIRES MENSUELS NETS MOYENS PAR SECTEUR D’ACTIVITÉ

(pour 2016, en équivalents temps plein, en euros)

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Source : comité d’évaluation et de contrôle, rapport d’information sur l’évaluation de la politique industrielle (n° 3794), 21 janvier 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cec/l15b3794_rapport-information à partir de la base de données de l’Insee.

Le niveau moyen élevé des salaires de l’industrie peut être dû en partie à la structure des emplois (avec notamment la présence de nombreux techniciens, ingénieurs et chercheurs dans les secteurs de haute technologie), mais pas seulement, car les salaires de l’industrie sont également supérieurs à catégorie socio‑professionnelle égale. Ainsi, le salaire moyen des cadres de l’industrie dans son ensemble était-il en 2014, selon les statistiques de l’Insee, supérieur de 9 % à la moyenne nationale tous secteurs confondus pour cette catégorie professionnelle, celui des « professions intermédiaires » supérieur de 13 %, celui des ouvriers qualifiés supérieur de 8 %, enfin celui des ouvriers non qualifiés supérieur de 13 %. Dans le secteur des équipements électriques, électroniques et informatiques et des machines, l’écart positif à la moyenne générale était même de 11 % pour les ouvriers qualifiés et de 20 % pour les ouvriers non qualifiés. Dans l’industrie automobile, cet écart atteignait 11 % pour les ouvriers qualifiés et 24 % pour les ouvriers non qualifiés ([31]).

L’industrie offre bien globalement à l’ensemble des catégories de salariés des rémunérations nettement supérieures à la moyenne.

L’industrie est également déterminante pour les équilibres territoriaux.

Alors que le cœur des grandes métropoles est de plus en plus tertiarisé, l’industrie reste relativement répartie sur le territoire national, contribuant à l’équilibre des territoires. Une étude publiée par La Fabrique de l’industrie ([32]) et portant sur les 304 zones d’emploi de France métropolitaine met en lumière la relative déconcentration du tissu industriel : les petits bassins d’emplois (comptant moins de 100 000 emplois), qui regroupent 40 % de l’ensemble des emplois, totalisent 57 % des emplois industriels. L’industrie apparaît donc particulièrement importante pour les territoires qui ne font pas partie des grandes métropoles.

Diverses études économiques ont été consacrées à l’effet de cluster industriel, c’est-à-dire aux externalités positives consécutives à l’implantation sur un territoire d’entreprises industrielles en nombre suffisant, externalités qui conduisent à l’arrivée de nouvelles entreprises. Cet effet peut être sectoriel – du fait notamment de l’implantation rapprochée d’entreprises formant des chaînes de sous-traitance –, mais il existe aussi des bassins industriels peu spécialisés dont le dynamisme repose sur différents facteurs plus généraux, tels que la présence d’une main-d’œuvre abondante formée aux métiers de l’industrie et l’appétence des collectivités à favoriser l’urbanisme industriel.

C’est pourquoi la commission d’enquête s’est penchée notamment sur l’apparition de tels clusters ou pôles d’innovation en matière d’industrie de santé notamment avec les deux exemples wallon et flamand en Belgique.

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Face à une dégradation continue de la situation de l’industrie dans l’emploi comme dans la valeur ajoutée depuis 1974, le rapporteur de la commission d’enquête a eu pour moins objectif de rechercher et désigner à la vindicte des responsables d’une inflexion qui n’apparaît pas à la lecture des statistiques. Il ne lui est ainsi apparu pas pertinent d’enfermer les travaux rétrospectifs dans une période déterminée.

Le présent rapport d’enquête a pour ambition de participer à l’établissement d’un diagnostic partagé, première étape nécessaire à l’élaboration d’une feuille de route en faveur d’une nouvelle industrialisation de la France. Au terme des travaux de la commission d’enquête, il apparaît que si la France constate un recul général de ses industries, conséquence d’évolutions structurelles mais également de choix rétrospectivement discutables ; aussi il importe de redéfinir une politique industrielle dont les objectifs et les moyens doivent être redéfinis à l’aune des défis environnementaux et de nouvelles conditions de production ; celle-ci devra accorder une place particulière aux industries et technologies de santé, tradition d’excellence à renouveler.

La reconquête de la souveraineté dans ces secteurs si essentiels pour l’économie française et le bien-être de nos populations ne peut qu’être fondée sur quatre piliers à restaurer pour une nouvelle politique industrielle :

– innover, car l’industrie française ne pourra répondre à la compétition internationale avec un effort de recherche estimé à 2,36 % du PIB en 2020 ([33]) ;

– produire, car le concept d’une industrie sans usine apparaît comme dépassé dans un monde où la sécurité et le caractère stratégique de certaines productions demandent qu’elles soient localisées sur le territoire national ;

– former, car l’industrie peut seule fournir des emplois qualifiés à forte rémunération dans l’ensemble des bassins d’emploi du territoire ;

– protéger, car les salariés de l’industrie ne peuvent être la variable d’ajustement d’une politique de transition environnementale et technique qui doit également prendre en compte la transition professionnelle des travailleurs des filières en voie de bouleversement.

Créer un nouveau pacte productif français est à la fois possible et nécessaire, mais assorti de deux conditions :

– un impératif : il faut auparavant renouer le dialogue dans les entreprises pour favoriser un pacte social associant les salariés au développement de long terme de l’entreprise et à sa rétribution ;

– une interrogation : face à l’urgence, il est nécessaire de mettre en place les conditions d’un consensus transpartisan et durable sur les voies et moyens d’un renouveau industriel national, permettant qu’une politique industrielle nationale soit focalisée sur le développement à long terme de l’appareil productif français. Ce pacte pourrait être contractualisé sous la forme d’un document de consensus, élaboré et discuter entre forces politiques, acteurs économiques, syndicats, représentants de la société civile.

Proposition n° 1 : Réaffirmer la volonté et l’ambition industrielle de la France dans le cadre d’un pacte productif national.

Afin de créer de véritables synergies avec l’ensemble des acteurs industriels le rapporteur préconise d’organiser une grande conférence industrielle nationale qui réunisse l’ensemble des parties prenantes pour faciliter la réindustrialisation et l’implantation des filières d’avenir : État (Gouvernement et Parlement), régions et intercommunalités, entreprises, fédérations professionnelles, organisations syndicales et représentants de la société civile et des milieux associatifs.

Proposition n° 2 : Organiser une grande conférence industrielle nationale réunissant l’ensemble des partenaires sociaux (entreprises, organisations syndicales) et le Gouvernement, le Parlement et les représentants des collectivités territoriales et de la société civile.

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Ainsi la France constate un recul général de ses industries, conséquence d’évolutions structurelles mais également de choix rétrospectivement discutables ; aussi il importe de redéfinir une politique industrielle dont les objectifs et les moyens doivent être redéfinis à l’aune des défis environnementaux et de nouvelles conditions de production ; celle-ci devra accorder une place particulière aux industries et technologies de santé, tradition d’excellence à renouveler.

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   Trente-trois propositions phares du rapporteur pour la rÉindustrialisation

1.   Dialogue et concertation : les conditions d’une réindustrialisation réussie

Proposition n° 1 : Réaffirmer la volonté et l’ambition industrielle de la France dans le cadre d’un pacte productif national.

Proposition n° 2 : Organiser une grande conférence industrielle nationale réunissant l’ensemble des partenaires sociaux (entreprises, organisations syndicales) et le Gouvernement, le Parlement et les représentants des collectivités territoriales et de la société civile.

Proposition n° 40 : Élaborer une loi de programmation stratégique de développement de l’industrie, avec un débat démocratique au Parlement sur les paris industriels et technologiques de la collectivité.

Proposition n° 35 : Assurer la présence d’au moins 25 % de représentants de salariés au sein des conseils d’administration des entreprises de taille intermédiaire (de 250 à 4 999 salariés) et 30 % dans les grandes entreprises (employant plus de 5 000 salariés).

Proposition n° 41 : Créer un ministère de l’industrie, de l’énergie et de la recherche technologique de plein exercice.

2.   Développer une industrie respectueuse de l’environnement et des territoires

Proposition n° 8 : Faire un bilan de l’organisation des filières actuelles au sein du Conseil national de l’industrie et mettre en place une mission d’accompagnement à la structuration des filières.

Proposition n° 18 : Mieux prendre en compte les besoins de l’industrie dans la définition des politiques de planification de l’énergie.

Proposition n° 17 : Amorcer rapidement la constitution d’une filière européenne de production et d’utilisation des énergies renouvelables.

Proposition n° 19 : Développer le recyclage par la création de filière de valorisation alimentant l’industrie localement.

Proposition n° 20 : Prévoir l’inscription d’un « score de recyclage » sur les produits manufacturés et obtenir un assouplissement de la directive européenne sur la TVA permettant d’appliquer un taux réduit de TVA sur les produits recyclés en les incluant dans l’annexe III de la directive.

Proposition n° 23 : Sur le modèle développé par les industriels de l’axe Seine, conduire les industries européennes émettant plus de 100 kilotonnes de dioxyde de carbone par an à envisager le recours à la capture et au stockage du carbone d’ici à 2035 si elles ne sont pas parvenues entre-temps à réduire leur empreinte carbone.

3.   Mieux financer l’industrie et mieux cibler les aides publiques

Proposition n° 11 : Renouveler la doctrine d’intervention de l’État actionnaire pour l’ouvrir à des prises de participation dans les secteurs stratégiques ou vitaux.

Proposition n° 4 : Mettre en place un instrument d’épargne populaire garanti destiné à l’investissement industriel national et européen.

Proposition n° 43 : Conditionner les aides des différents plans d’investissement à des engagements en termes de localisation d’activités, d’emploi, de compétences et de partage équitable de la valeur.

Proposition n° 69 : modifier l’article 67 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 pour rendre systématique une « clause environnementale et sociale » dans les critères d’attribution des marchés publics et consacrer la possibilité d’une attribution de marchés publics fondée sur le respect de standards élevés de production.

4.   Renforcer la recherche et la formation pour mieux réindustrialiser

Proposition n° 25 : Améliorer l’effort en faveur de la R&D avec pour objectif de dépasser les 3 % du PIB en développant en parallèle recherche publique et privée.

Proposition n° 7 : Soutenir l’effort des régions et de l’éducation nationale en vue de la valorisation des métiers de l’industrie dans le cadre de la formation initiale et continue, ainsi que des dispositifs de reconversion professionnelle.

Proposition n° 3 : Développer la recherche en créant un statut de groupement d’employeurs spécifique dédié à l’embauche de doctorants dans le cadre d’une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE).

Proposition n° 26 : Moduler le taux du crédit d’impôt recherche en fonction de la taille de l’entreprise plutôt qu’en proportion des dépenses de recherche et développement engagées.

Proposition n° 27 : Conditionner l’attribution d’aides publiques et le crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche (CIR) à la localisation des chaînes de production.

5.   L’union européenne comme perspective pour dynamiser la réindustrialisation

Proposition n° 44 : Défendre, à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, la création d’un service d’intelligence économique au sein de la Commission européenne, qui permettrait de mieux définir les intérêts stratégiques de l’Union européenne.

Proposition n° 46 : Renforcer le projet de directive européenne pour aller vers un salaire minimum harmonisé sur les pays les mieux-disant, d’ici à 2030.

Proposition n° 47 : Pérenniser les assouplissements mis en place pour le contrôle des aides d’État dans le cadre de la crise sanitaire.

Proposition n° 48 : Réformer les règlements d’application du droit européen de la concurrence et des concentrations pour les rendre compatibles avec la nouvelle stratégie industrielle européenne.

6.   Tirer les leçons de la crise sanitaire : mutualiser les ressources pour mieux anticiper et protéger les populations

Proposition n° 56 : Faire de l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA) la garante de la sécurité sanitaire collective :

a) En lui confiant l’organisation d’une coopération à l’échelle de l’Union européenne destinée à prévenir et lutte contre les risques de pénurie ou de rupture d’approvisionnement de produits de santé et de dispositif médicaux ;

b) En lui confiant l’élaboration d’une liste des principes actifs et dispositifs médicaux indispensables car vitaux pour la population de l’Union européenne ;

c) En la dotant d’un statut d’agence et d’un budget propre, lui permettant en cas d’urgence sanitaire de lever rapidement des fonds nécessaires au lancement des recherches thérapeutiques ou vaccinales.

Proposition n° 12 : Renforcer le contrôle français des investissements étrangers en pérennisant dans la loi le seuil d’acquisition de 10 % des droits de vote susceptible de déclencher le contrôle dans les sociétés françaises exerçant des activités sensibles, et élargir le champ de ces activités à l’ensemble des industries de l’énergie et du médicament, pour conserver les technologies et savoir-faire français.

7.   Redevenir leader dans l’industrie du médicament : un secteur vital pour la France et sa population

Proposition n° 49 : Augmenter les financements publics de la recherche :

a) En renforçant les financements publics dans la recherche fondamentale et appliquée en matière de santé et de biotechnologies, notamment dans le cadre d’une accélération de la trajectoire budgétaire de la loi de programmation sur la recherche pour les années 2021 à 2030, aboutissant à un doublement des crédits de l’Agence nationale de la recherche en direction de la santé ;

b) En dédiant une partie de ces crédits supplémentaires à la recherche en matière de vaccins et de thérapeutiques innovants.

Proposition n° 57 : Développer le dispositif Fab UE pour relocaliser la production des médicaments et produits de santé essentiels à la consommation européenne, en prenant en charge une partie des investissements en échange d’un droit de réquisition des capacités industrielles.

Proposition n° 66 : Revoir la pertinence des normes de dépenses définies au sein de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) par catégorie de produits de santé pour permettre une gestion consolidée, proactive et pluriannuelle des dépenses de médicaments, par un rapport réalisé par les commissions compétentes dans le cadre de la préparation de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Proposition n° 61 : Encadrer la durée d’instruction des demandes d’autorisation de mise sur le marché, sur le modèle du règlement du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain.

Proposition n° 64 : Optimiser la répartition des compétences entre acteurs chargés de la régulation des industries de santé et définir précisément le rôle de la future Agence nationale de l’innovation en santé comme guichet unique du financement et de l’accompagnement de l’innovation en matière de produits de santé.

Proposition n° 65 : Assurer une meilleure sécurité des approvisionnements en médicaments vitaux :

a) En garantissant la bonne application des dispositions légales et conventionnelles tendant à la prise en compte de la sécurité d’approvisionnement inhérente à l’implantation des sites de production dans la fixation des prix des produits de santé objet d’un remboursement, avec la production périodique de rapports sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ;

b) En prenant en compte le caractère indispensable des produits au regard des besoins de santé publique, en particulier dans le contexte d’une crise sanitaire, en échange de garantie d’approvisionnement.

Proposition n° 70 : Interdire la participation aux marchés publics des producteurs dont les conditions de production sont déloyales, notamment en raison de soutiens publics extérieurs à l’Union européenne.

 


   PREMIÈRE PARTIE : UN RECUL GÉNÉRAL DES INDUSTRIES FRANÇAISES, CONSÉQUENCE D’ÉVOLUTIONS STRUCTURELLES MAIS ÉGALEMENT DE CHOIX RÉTROSPECTIVEMENT DISCUTABLES

I.   Un affaiblissement des industries nationales, moins en consÉquence de facteurs tenant à la compÉtitivitÉ prix qu’À un dÉficit d’innovation et d’adaptation des entreprises À la concurrence extÉrieure

La situation de la France se caractérise par une désindustrialisation plus marquée que celle de ses voisins européens.

Outre des causes endogènes bien établies, comme la mondialisation, l’absence de politique de change du fait de la création de l’euro, le déficit de compétitivité prix et hors-prix, il importe de relever des causes endogènes telles que les erreurs stratégiques opérées par la puissance publique et les entreprises, sans oublier un facteur culturel indéniable, une absence de propension au risque.

Absence de propension au risque qui se caractérise par un sous-investissement chronique en termes de recherche et développement (R&D), notamment de la part des investisseurs privés, sous-investissement qui n’est pas sans conséquences sur l’innovation. Si la puissance publique a essayé de pallier cette insuffisance, le niveau d’investissement en termes de R&D demeure néanmoins toujours trop bas par rapport à nos principaux concurrents.

A.   Un investissement insuffisant dans la recherche et dÉveloppement, À peine compensÉ par la mobilisation de ressources publiques consÉquentes

L’investissement en R&D permet de mesurer la capacité d’une économie à innover.

La stratégie de Lisbonne, décidée les 23 et 24 mars 2000, lors du Conseil européen de Lisbonne, visait à faire de l’Union européenne, en 2010, « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale » ([34]).

Force est de constater qu’en matière d’investissements en R&D, ces objectifs, pour la France, n’ont pas été tenus.

1.   L’effort de recherche et de développement en France récemment porté par la recherche privée

L’effort de recherche français fait l’objet de statistiques détaillées et harmonisées publiées par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ([35]).

a.   Un effort de recherche représentant 2,2 % du PIB

Entre 2008 et 2018, la dépense intérieure de recherche et développement expérimental (DIRD) a progressé de 1,6 % par an, soit à un rythme très supérieur à celui du PIB (+ 0,9 %). Ce dynamisme a été porté par les entreprises (+ 2,0 % en moyenne annuelle) alors que la DIRD ne progresse que de 0,8 % en moyenne annuelle dans les administrations. La DIRD représente 2,20 % du PIB en 2018, soit 51,8 milliards d’euros. Les entreprises effectuent 66 % des travaux de R&D réalisés sur le territoire national. Les entreprises présentes sur les territoires français ne finançaient en 2018 que 57 % de la DIRD, contre 63 % en moyenne dans l’ensemble des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 62 % aux États-Unis, 66 % en Allemagne et 79 % au Japon.

En 2018, le financement de travaux de R&D par des entreprises ou des administrations françaises ou la dépense nationale de recherche et développement expérimental (DNRD), atteint 56,3 milliards d’euros (Md€). En réalisant 62 % de la DNRD, les entreprises sont les principaux financeurs des activités de R&D.

En 2018, les travaux de recherche et développement expérimental (R&D) effectués sur le territoire national, soit la dépense intérieure de R&D (DIRD) représentent une dépense de 51,8 Md€, correspondant à 2,20 % de la richesse nationale (PIB). En volume, c’est-à-dire corrigée de l’évolution des prix, la DIRD augmente de 1,7 % entre 2017 et 2018.

La dépense intérieure de recherche et développement des entreprises (DIRDE) s’élève à 34 milliards d’euros (Md€) et celle des administrations (DIRDA) à 18 Md€. Par rapport à 2017, l’évolution en volume de la DIRD (+ 1,7 %) résulte surtout de la hausse des dépenses des entreprises (+ 1,8 %), celles des administrations progressant de 1,3 %. En 2019, la DIRD devrait augmenter de 1,3 % en volume, suivant celles des dépenses de R&D des entreprises (+ 1,6 %) et des administrations (+ 0,7 %).

Entre 2008 et 2018, la croissance annuelle moyenne en volume de la DIRD est de 1,6 %, soit une progression très supérieure à celle du PIB (+ 0,9 %). Le dynamisme est plus important pour les entreprises (+ 2,0 %) que pour les administrations (+ 0,8 %). L’écart d’évolution entre les entreprises et les administrations est encore plus important s’agissant de l’évolution de la DNRD avec, pour les entreprises, une progression de 3,5 % en moyenne annuelle, contre 0,3 % pour les administrations.

Depuis 1995, la contribution financière des entreprises au financement de la R&D est supérieure à celle des administrations. L’investissement public dans la recherche publique civile stagne à environ 0,8 % du PIB depuis plusieurs décennies, soit un déficit annuel d’environ 4,5 milliards d’euros par rapport aux objectifs de la stratégie de Lisbonne où 1 % du PIB devait être dédié à la recherche publique civile.

Plusieurs pays européens ont pourtant atteint cet objectif et continuent de renforcer leur investissement dans la recherche publique.

Ainsi en Allemagne, dans le cadre d’un pacte pour l’innovation et la recherche conclu en 2005 et renouvelé tous les cinq ans entre le gouvernement fédéral et les Länder (États), les quatre grandes organisations allemandes de recherche (Association Helmholtz, Société Max Planck, Société Fraunhofer et Association Leibniz) et son organisme central de financement de la recherche, la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG) – Fondation allemande pour la recherche, cofinancée par État fédéral et Länder, ont bénéficié d’une augmentation annuelle garantie du financement de la recherche de 5 % pour les 10 ans jusqu’en 2015. L’augmentation annuelle de 2015 à 2030 est fixée à 3 % ([36]).

En comparaison, en France, la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 prévoit optiquement une augmentation de 39 % du budget annuel de la recherche sur 10 ans, mais les calculs de la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication du Sénat ont déterminé que l’effort réel, une fois déduit l’inflation, devrait plutôt de l’ordre de 1,3 à 1,4 % par an ([37]).

En outre, une transformation structurelle du financement des recherches des laboratoires hors salaires permanents et infrastructures est observable sur les quinze dernières années. Le système de financement par dotation d’État, qui représentait 78 % du financement de la science publique en 2005 ([38]), n’en représente plus que 51 % en 2018, étant progressivement remplacé par un système de financement par contrats attribués par appels à projets ([39]).

Évolution de la dÉpense intÉrieure de recherche et dÉveloppement des entreprises (DIRDE), des administrations (DIRDA)
et de la dÉpense nationale de recherche et dÉveloppement des entreprises (DNRDE) et des administrations (DNRDA) (1981-2019)

(en millions d’euros aux prix 2014)

Source : L’état de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France 14ème édition, op. cit.

L’écart entre le montant de la DIRD et celui de la DNRD représente le solde des échanges en matière de R&D entre la France et l’étranger, y compris les organisations internationales. Il signifie que la France a davantage financé de recherches dans d’autres pays qu’elle n’a reçu de financements du reste du monde. En 2018, les financements reçus de l’étranger et des organisations internationales (4,0 Md€) représentent 7,7 % du financement de la DIRD. Ils sont inférieurs aux dépenses des administrations et des entreprises françaises vers l’étranger (8,5 Md€). Pour les administrations comme pour les entreprises, le solde avec l’étranger est largement négatif (respectivement – 2,0 Md€ et – 2,5 Md€). Les principaux intervenants internationaux, hormis les grands groupes industriels comme Airbus Group, sont l’Agence spatiale européenne (ESA), l’Union européenne (UE) et le Centre européen pour la recherche nucléaire (CERN).

Avec 2,20 % du PIB consacré à la recherche intérieure en 2018, la France est en deçà de l’objectif de 3 % fixé par l’Union européenne dans le cadre de la stratégie Europe 2020. Ce ratio diminue régulièrement depuis 2014 où il avait atteint son maximum (2,28) et retrouve ainsi le niveau observé dans les années 2009‑2013. La France se situe en cinquième position parmi les six pays de l’OCDE les plus importants en termes de volume de DIRD, derrière la Corée du Sud (4,53 %), le Japon (3,28 %), l’Allemagne (3,13 %), et les États-Unis (2,83 %). La France se situe devant le Royaume-Uni (1,73 %), l’Italie (1,43 %) et l’Espagne (1,24 %). Au sein de l’Europe, ce sont des pays de taille économique moyenne qui consacrent la part la plus importante de leur PIB à la R&D, notamment la Suède (3,32 %) et la Finlande (2,76 %).

b.   Une recherche privée polarisée vers quelques branches industrielles

En 2018, la dépense intérieure de recherche et développement des entreprises (DIRDE) s’élève à 34 milliards d’euros (Md€).

La répartition de la DIRDE dans les principales branches bénéficiaires de la recherche témoigne d’une concentration importante dans l’industrie. Six branches de recherche sur 32 totalisent plus de la moitié du potentiel de R&D : l’industrie automobile (13 % de la DIRDE), la construction aéronautique et spatiale (10 %), l’industrie pharmaceutique (8 %), l’industrie chimique (6 %), ainsi que les activités spécialisées, scientifiques et techniques (9 %) et les activités informatiques et services d’information (8 %). Les dépenses de R&D de l’industrie automobile sont erratiques (+ 1,8 % en 2018 en volume, après – 0,3 % en 2017) ; celles de l’industrie pharmaceutique diminuent régulièrement et les dépenses de la construction aéronautique et spatiale progressent légèrement (+ 0,5 %) après la forte baisse constatée en 2017 (– 4,3 %).

Les branches de services concentrent un quart de la DIRDE, soit 9 Md€. Entre 2014 et 2018, elles ont été très dynamiques, leur DIRDE progressant de 6,5 % en volume en moyenne annuelle. Sur la même période, la DIRDE des branches des industries manufacturières ont reculé de 0,1 % et celle des branches du primaire, de l’énergie et de la construction de 0,8 %.

En 2018, la part des entreprises dans l’exécution des travaux de R&D en France s’élève à 65 %. Ce pourcentage est inférieur à celui observé au Royaume-Uni (68 %) et en Allemagne (69 %) et est proche du niveau de la moyenne des pays de l’Union européenne à 28 (66 %). En revanche, il est nettement inférieur à celui observé aux États-Unis (73 %), en Corée du Sud (80 %) et au Japon (79 %).

Néanmoins, la recherche des entreprises françaises ne couvre pas tout le champ technologique et industriel national : une part non négligeable de la R&D technologique de haut niveau est assurée par les organismes publics de recherche ou les fondations.

c.   Une recherche publique concentrée dans les institutions de recherche

En 2018, la dépense intérieure de recherche et développement des administrations (DIRDA) s’élève à 18 milliards d’euros (Md€).

La recherche publique, qui représente 35 % de la DIRD, est effectuée dans les organismes de recherche (53 % de la DIRDA en 2018), les établissements d’enseignement supérieur et de recherche et les CHU (41 %), le secteur associatif (5 %) et les ministères et autres établissements publics (1 %).

En 2018, les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) réalisent 31 % de la DIRDA. Ils sont de taille très hétérogène : le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) multidisciplinaire, exécute 18 % de la DIRDA, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) 5 %, les autres EPST représentant ensemble 3 % de la DIRDA. Les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) réalisent, pour leur part, 22 % de la DIRDA. L’activité de recherche est aussi très concentrée dans les EPIC, avec 15 % de la DIRDA pour le CEA civil et 3 % pour le CNES, les autres EPIC représentant ensemble 5 % de la DIRDA.

La R&D effectuée dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche représente 33 % de la DIRDA pour un montant de 5,8 Md€, tandis que celle effectuée dans les CHU et les CLCC représente 9 % de la DIRDA pour un montant de 1,6 Md€.

Enfin, les associations contribuent pour 800 M€ à la DIRDA.

2.   Une faiblesse relative des ressources privées dans la recherche et développement

a.   Un taux de R&D insuffisant notamment par rapport aux objectifs de la stratégie de Lisbonne

L’industrie est le secteur qui nécessite le plus d’investissements en matière de recherche et développement (R&D), car l’innovation est au cœur des processus industriels, et à la source de nouveaux débouchés commerciaux. En effet, les pays européens qui investissent le plus en R&D sont également ceux dans lesquels le secteur industriel est le plus développé. Comme le rappelle M. Mathieu Plane, directeur-adjoint du département analyses et prévisions de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), « le secteur de l’industrie est à l’origine d’une grande partie de l’innovation et de la R&D » ([40]).

Selon Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie « près de 70 % des dépenses privées de recherche et développement viennent de l’industrie manufacturière, qui ne représente pourtant qu’environ 10 % du PIB » ([41]). Dans les faits, c’est 74 % de la recherche intérieure qui est faite par l’industrie manufacturière ([42]).

La stratégie de Lisbonne prévoyait pour l’ensemble des pays membres de l’Union européenne, d’investir à l’horizon 2010, 3 % du PIB en R&D, investissement public et privé confondus.

Si la France s’avère encore aujourd’hui loin d’atteindre cet objectif, au regard des performances de nos voisins européens, l’objectif n’est pourtant pas inatteignable. En effet, selon Louis Gallois, co-président de La Fabrique de l’Industrie, « il convient de revenir à un effort d’environ 3 % du PIB, soit vingt milliards d’euros par an, à l’instar de l’Allemagne et des États-Unis. En Corée du Sud et en Israël (où la recherche est très liée à la défense), l’effort de recherche atteint 4,5 % du PIB » ([43]).

L’effort de recherche de la Chine atteint 3,35 % du PIB. Pour Matthieu Crozet, professeur d’économie à l’université Paris-Saclay, ce taux s’explique par le fait que « cela fait un certain nombre d’années que la Chine investit davantage dans l’innovation par rapport à son PIB – PIB qui est d’ailleurs bien plus élevé que celui de la France » ([44]).

Le taux de R&D explique en partie le décrochage industriel de la France par rapport aux autres membres de l’Union européenne mais également par rapport aux autres pays industrialisés. Comme l’a rappelé, M. Mohamed Harfi, expert référent chez France Stratégie : « La France représente seulement 3 % de la recherche mondiale, domaine dans lequel les États-Unis restent premiers et où la Chine a dépassé l’UE (23 % versus 21 %) » ([45]).

Cette insuffisance française s’explique notamment par une relative faiblesse des ressources privées dans la R&D, ainsi que par une mauvaise articulation entre recherche publique et recherche privée.

b.   Une articulation entre R&D publique et privée insuffisante

La qualité de la recherche publique en France n’est pas en cause, puisqu’à titre d’exemple, l’université Paris-Saclay est classée à la 13ème place au classement universitaire des universités mondiales par l’université Jiao Tong de Shanghai dit classement de Shanghai, et que la recherche académique française est en troisième place mondiale derrière les États-Unis et le Royaume-Uni ([46]).

Il n’en demeure pas moins que les dépenses en la matière restent inférieures à celles des autres pays du G7. Selon M. Matthieu Crozet « en France, en 2012, les dépenses publiques dans l’enseignement supérieur représentaient 1,24 % du PIB contre 1,32 % en Allemagne et 1,36 % au Royaume-Uni et aux États-Unis – où les universités privées sont pourtant largement implantées » ([47]).

Ce sous-investissement chronique pourrait également, à terme, porter préjudice au secteur et à son attractivité, comme le souligne Mme Anne Perrot, inspectrice générale des finances : « Les salaires des chercheurs sont également très inférieurs en France à la moyenne de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) » ([48]).

Si la recherche privée est relativement peu développée en France, c’est surtout la relation entre recherche publique et privée qui s’avère défaillante.

Les relations sont rendues plus difficiles par le recours croissant aux personnels contractuels dans la recherche et l’enseignement supérieur. 26 % des enseignants permanents et 26 % des personnels non-enseignants de l’enseignement supérieur public sous tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) sont des contractuels ([49]) – sans compter les 130 000 enseignants vacataires.

M. Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d’investissement (Bpifrance), fait un constat similaire : « la valorisation économique de la recherche française est beaucoup trop faible en comparaison de la situation du Royaume-Uni, des pays d’Europe du Nord, de l’Allemagne, de la Belgique et des États-Unis » ([50]). M. Christian Charpy, président de la première chambre à la cour des comptes, ne dit pas autre chose : « en 2021, la Cour des comptes a recommandé […] de renforcer la circulation des compétences entre recherche publique et secteur privé » ([51]). Cette collaboration s’avère, en effet, essentielle à l’émergence des innovations futures, puisque « les chercheurs des deux bords se comprennent mieux. Le modèle de la Silicon Valley est fondé sur ces partenariats […] la recherche publique financée par le privé est très prolifique pour les chercheurs et permet d’importants bénéfices » ([52]), selon M. Guirec Le Lous, président d’Urgo Médical et de Medtech in France. Les entreprises peuvent ainsi générer un effet d’entraînement en matière de recherche : plus une organisation investit dans la R&D, plus elle bénéficie des rendements de ces investissements et plus elle cherche à développer un écosystème favorable de recherche avec des partenaires publics et privés.

Le financement de la recherche publique par des fonds privés reste insuffisant. Ainsi, « la moyenne européenne de financement privé de la recherche publique est de 7 %. La moyenne en Allemagne s’élève à 13 % contre 5 % en France. Le crédit d’impôt recherche doublé à 60 % avait permis une nette amélioration ces dix dernières années, mais il disparaîtra en 2022. Il est urgent de trouver des dispositifs de substitution pour permettre aux entreprises de continuer à travailler avec la recherche publique » ([53]). Dans le domaine des biotechnologies par exemple, Mme Anne Perrot nous confirme que l’on observe, en France, « une faible proximité entre la recherche fondamentale et le développement de « jeunes pousses» (start-ups) » ([54]), largement préjudiciable au développement entrepreneurial.

Pour M. Didier Véron, directeur des affaires corporate du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) et président du G5 Santé, les causes sont à rechercher du côté de l’absence d’un guichet unique permettant de davantage « travailler avec les différents organismes de recherche publique » ([55]). Autre cause structurelle néfaste à une meilleure collaboration entre recherche publique et privée : « les partenariats menés par les chercheurs avec le privé et le secteur industriel ne sont pas valorisés dans leurs carrières à l’heure actuelle car l’essentiel est ce qu’ils produisent en termes de publications » ([56]).

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, a souligné l’importance du travail interministériel « pour coordonner avec cohérence ce qui est en amont de l’industrie, à savoir la recherche publique, la recherche appliquée, la recherche privée, les transferts vers l’industrie et l’énergie, essentielle à la compétitivité de nos entreprises » ([57]).

c.   Investir dans la R&D comme préalable à la relocalisation de la production

Enfin, si l’objectif d’un taux de dépenses en termes de R&D de 3 % s’avère important à respecter, il n’en demeure pas moins important de réaliser des investissements de qualité, ce qui passe par des arbitrages entre différents secteurs d’avenir. C’est la réflexion que porte Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM, pour qui « il est nécessaire d’être attentif à éviter le "saupoudrage", à adopter une stratégie pour les investissements. Nous avons des domaines d’excellences sur les territoires et des filières très prometteuses que nous devons soutenir. La crise sanitaire a été un révélateur et nous incite à décloisonner la recherche académique et la recherche industrielle » ([58]).

Cet « écosystème technologique et scientifique […], la proximité entre la recherche et la production, ou encore la fluidité des partenariats entre les acteurs privés et les institutions publiques » ([59]) sont en effet, selon M. Laurent Fompeyrine, directeur ingénierie globale santé animale et projets d’investissements de Boehringer Ingelheim France, les principaux critères regardés par les entrepreneurs et investisseurs à l’heure d’implanter, ou non, une usine en France. Ainsi, soutenir la recherche publique, la recherche privée et la recherche publique privée, c’est soutenir l’implantation industrielle.

Le doctorat étant encore mal reconnu dans les entreprises, notamment au sein des TPE et PME alors qu’au-delà de compétencs pointues, les doctorants bénéficient de qualités et atouts indispensables en entreprise : compétences managériales, esprit critique et synthétique.

À ce titre, il faut saluer le dispositif des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) qui permet à l’entreprise de bénéficier d’une aide financière pour recruter un jeune doctorant dont les travaux de recherche, encadrés par un laboratoire public de recherche, conduiront à la soutenance d’une thèse.

Plébiscité aussi bien par les entreprises que par les laboratoires et les doctorants, ce dispositif de la recherche partenariale constitue un levier pour initier et renforcer les coopérations public-privé en R&D et favoriser l’emploi des docteurs. Il concourt au processus d’innovation des entreprises françaises et à leur compétitivité. Les CIFRE sont intégralement financées par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) qui en a confié la mise en œuvre à l’Association nationale de la recherche et de la technologie.

Selon le MESRI, plus de 70 % des doctorants CIFRE rejoignent ou poursuivent leur carrière professionnelle dans le secteur privé, contre moins de 50 % de l’ensemble des docteurs ; Près des trois quarts des docteurs CIFRE en début de carrière, soit un an après la fin de la convention, sont recrutés sur des missions de R&D ; 70 % travaillent toujours en R&D cinq ans après la fin de leur CIFRE (contre 20 % de l’ensemble des docteurs) ([60]).

La loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur prévoit une montée en puissance du dispositif avec une augmentation de 50 % du nombre de thèses CIFRE pour passer de 1 400 CIFRE en 2017 à 2 150 CIFRE par an en 2027.

Cet outil est reconnu par la CPME dans sa contribution comme « un bon outil qui permet d’améliorer la recherche et le potentiel d’innovation dans les TPE-PME » ([61]). On peut à cet égard observer que les PME sont les entreprises qui recourent le plus aux CIFRE : elles représentent 45 % des thèses CIFRE, contre 38 % pour les grandes entreprises, 9 % pour les ETI et 8 % pour les collectivités territoriales. ([62])

Il serait donc utile de promouvoir ce dispositif auprès des entreprises qui n’y ont encore pas suffisamment recours, ce qui participerait en outre à la reconnaissance des compétences et de la qualification du doctorat dans les conventions collectives des branches professionnelles.

Ce dispositif pourrait concerner plus d’entreprises dans le cadre de la mise en place d’un groupement d’employeurs spécifique doctorants.

Le groupement d’employeurs permettrait de favoriser l’insertion professionnelle des doctorants, qui rencontrent parfois des difficultés d’insertion et, parallèlement, de limiter les engagements pour les entreprises ont des besoins de recrutement mais hésitent à augmenter leur masse salariale. Ce dispositif pourrait proposer à un groupement de plusieurs employeurs (entreprises, administrations publiques), de former des chercheurs, dans une démarche stratégique et prospective pour développer de nouvelles compétences, et ce sur une ou plusieurs années, à partir du master, en les accompagnant jusqu’à la fin de la thèse, avant embauche.

Proposition n° 3 : Développer la recherche en créant un statut de groupement d’employeurs spécifique dédié à l’embauche de doctorants dans le cadre d’une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE).

3.   Des outils de soutien public nombreux dont l’impact doit être mesuré

Le constat d’un déficit de soutien à la R&D est documenté et ancien.

Pour pallier le manque d’investissements privés en matière de R&D, l’État a mis en place un certain nombre d’outils de soutien public à la recherche. Les conclusions de la commission d’enquête n’ont pas pour objectif d’en faire un recensement exhaustif mais d’analyser les deux plus importants d’entre eux, le crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR), ainsi que les outils mis en place dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir (PIA).

a.   Le crédit d’impôt recherche, principale mesure de soutien public à la R&D privée

Créé en 1983, le crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR) a connu une réforme majeure dans la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008. Depuis cette date, ce crédit, déductible de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur les bénéfices industriels ou commerciaux, représente 30 % des dépenses en R&D des entreprises jusqu’à 100 millions d’euros de dépenses, et 5 % au-delà.([63]). Quelle que soit leur taille, toutes les entreprises peuvent bénéficier du CIR dès lors qu’elles réalisent des activités de R&D.

La prise en charge par la puissance publique des dépenses privées de recherche et développement par le CIR est souvent considérée comme un atout de compétitivité. Pour autant, elle demeure soumise à controverse, et semble pouvoir être mieux orientée et dimensionnée, notamment en fonction de la taille de l’entreprise bénéficiaire.

Si l’existence de cet outil, dont le coût « représente six milliards et demi par an », selon M. Mohamed Harfi, expert référent chez France Stratégie ([64]) s’avère plébiscitée par les entrepreneurs, l’efficacité du CIR au regard de son objectif principal – l’augmentation de la dépense de recherche et développement des entreprises – est à ce jour difficile à établir.

Au titre de ses activités de contrôle, la commission des Finances de l’Assemblée nationale a décidé la création d’un groupe de travail pour étudier l’impact économique du CIR et a rendu publics ses travaux dans un rapport le 21 juillet 2021 ([65]).

Dans chaque catégorie de société, la part des entreprises engageant des dépenses de R&D augmente avec la taille de l’entreprise. D’après la Cour des comptes, 10 % des déclarants totalisent 77 % de la dépense totale de CIR.

PART DES ENTREPRISES BÉNÉFICIAIRES DU CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE
DANS CHAQUE CATÉGORIE EN 2017

Catégorie d’entreprise

Nombre d’entreprises (1)

Nombre de bénéficiaires du CIR (2)

Pourcentage ((2) / (1) * 100)

Très petites entreprises (TPE)

3 701 363

10 826

0,29

Petites et moyennes entreprises (PME)

147 767

9 909

6,71

Entreprises de taille intermédiaire (ETI)

5 722

1 661

29,03

Grandes entreprises (GE)

257

189

73,54

Source : Rapport d’information n° 4402, op. cit.

Les grandes sociétés présentent une intensité en R&D plus élevée (rapport entre les dépenses intérieures de R&D (DIRD) et la valeur ajoutée) : 2,67 % pour les grands groupes contre 0,92 % pour les PME.

Le rapport note par ailleurs la stabilité du nombre de sociétés déclarant plus de 100 M€ de dépenses et souligne ainsi l’absence de stratégie optimisante de la part des groupes – qui consisterait en la création de filiales pour contourner le plafond de 100 M€ au-delà duquel le taux du CIR est porté de 30 % à 5 %.

Après une forte augmentation entre 2013 et 2014, suivi d’un nouveau bond d’environ 25 %, le coût fiscal du CIR s’est stabilisé depuis 2017 à un niveau de plus de 6 milliards d’euros par an. Il représente à lui seul près de 60 % de l’ensemble des aides publiques à l’innovation.

La France est le pays qui propose le dispositif fiscal d’aide à la R&D le plus avantageux et le plus élevé par rapport à son PIB. Le CIR est équivalent à environ 9 % du montant total de l’impôt sur les sociétés (IS) prélevé chaque année. Rapporté au nombre d’entreprises déclarantes, il s’élève à environ 255 000 euros par bénéficiaire pour la période 2014-2019.

Dans une évaluation du CIR de juin 2021, la commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI) relatif au CIR ([66]) dénote des gains de performance économique (investissement, chiffre d’affaires et exportations). Mais pour ces entreprises, l’étude ne peut confirmer le lien entre ces gains et le CIR (analyse de nature descriptive et non causale), soulignant un impact positif mais modéré du CIR sur les activités de R&D et d’innovation, ces effets positifs se concentrant principalement sur les TPE et les PME.

Selon ce même rapport, depuis une quinzaine d’années, les multinationales françaises ont proportionnellement accru davantage leurs dépenses de R&D en France plutôt qu’à l’étranger, et le CIR y a probablement contribué. Leur niveau d’effort en R&D est toutefois faible au regard du fort dynamisme des grandes entreprises qui investissent le plus en R&D dans le monde, y compris pour celles implantées dans des pays ne disposant pas d’une aide fiscale aussi généreuse.

Le rapport souligne également que sans la réforme du CIR en 2008, les dépenses de R&D des entreprises auraient été inférieures de plus de 20 % dix années plus tard ([67]).

SIMULATION DE L’ÉVOLUTION DE L’INVESTISSEMENT EN R&D
AVEC OU SANS LA RÉFORME DE 2008

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Source : Benoît Mulkay et Jacques Mairesse, cité in rapport d’information n° 4402, op. cit.

Le dispositif participe donc aux bonnes performances de la France en termes d’attractivité. En effet, depuis une quinzaine d’années, les multinationales françaises ont proportionnellement accru davantage leurs dépenses de R&D en France qu’à l’étranger.

Le CIR permet aussi de réduire le coût du travail pour l’emploi du personnel de recherche et induit, à ce titre, un effet positif sur l’emploi des personnels de recherche avec une augmentation de 2 % en moyenne du nombre d’ingénieurs pour les entreprises entrées dans le dispositif peu de temps avant la réforme de 2008. Ce constat corrobore l’analyse faite sur la part croissante des dépenses de personnel dans l’assiette globale des dépenses des déclarants.

Le CIR constitue aussi pour les sociétés engageant de la R&D un moyen de réduire leur fiscalité : il diminue de 5 à 15 points le taux implicite d’IS. Le rapport précise ainsi que le CIR atténue le coût d’utilisation du capital recherche pour une entreprise.

ÉVOLUTION DU COÛT MOYEN DE LA R&D DE 1994 À 2012

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Source : Benoît Mulkay et Jacques Mairesse, cité in rapport d’information n° 4402, op. cit

S’appuyant sur leurs travaux, nos collègues de la commission des Finances formulent trois préconisations :

 renforcer le CIR en fonction des secteurs d’activité ou de la taille des entreprises déclarantes,

 soutenir la recherche publique, en instaurant un mécanisme de compensation de la suppression de la double assiette dont bénéficiait la sous-traitance publique,

 améliorer la cohérence et la lisibilité des contrôles menés par les administrations.

Du côté des entrepreneurs, le CIR est souvent considéré comme un « écart favorable de compétitivité pour notre pays », comme l’indique M. Luc Chatel, ancien député, ancien secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, et actuel président de la Plateforme de la filière automobile. Selon lui, « ce sont quatre mille entreprises qui le plébiscitent au quotidien » ([68]).

Le CIR a également permis, selon M. Alexandre Saubot, président de France industrie et vice-président du Conseil national de l’industrie, « d’enrayer une certaine dégradation » ([69]) de la part consacrée à la R&D. C’est un constat que partage M. Philippe d’Ornano, président du directoire de Sisley et coprésident du METI qui précise « qu’à titre personnel, le CIR a généré une multiplication de nos investissements de recherche par près de quatre en dix ans » ([70]). Le CIR peut être vu comme un dispositif original, un dispositif que « beaucoup de pays ont copié » ([71]) selon M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF).

Le premier objectif du CIR, inciter les entreprises à augmenter leurs dépenses en R&D, semble, dès lors, atteint. Selon M. Mohamed Harfi, expert référent chez France Stratégie, et co-auteur du rapport de la CNEPI relatif au CIR, « sans ce crédit, les recherches qu’il finance ne seraient pas réalisées. Le surcroît de R&D pratiqué par les entreprises s’avère globalement commensurable avec le CIR » ([72]).

Cependant, l’efficacité globale du CIR doit être nuancée, dès lors que, concernant l’effet d’additionnalité, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a récemment montré ([73]) que les aides fiscales à la R&D se traduisent par un surcroît de dépenses de R&D relativement plus faibles en France que pour les pays de comparaison, dans lesquels l’aide fiscale est moins généreuse et ciblée en général sur les entreprises de taille modeste.

De nombreuses critiques s’élèvent également concernant le ciblage du CIR, qui privilégierait davantage certaines catégories d’entreprises, ciblage qui semblerait pouvoir être amélioré. Pour M. Frédéric Collet, président de Novartis France et président de la fédération professionnelle Les Entreprises du médicament (LEEM), « le CIR a été efficace, mais il peut être adapté et amélioré » ([74]). À ce titre, le LEEM, dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), demande « l’extension du CIR au développement préindustriel puisqu’il n’existe pas aujourd’hui » ([75]).

Les effets du CIR profitent beaucoup plus aux grandes entreprises qu’aux PME. Une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) ([76]) montre ainsi qu’en 2015, les PME payaient un impôt sur les sociétés représentant 23,7 % de leurs bénéfices en moyenne. À l’inverse, les grandes entreprises (celles qui ont plus de 5 000 salariés et un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard d’euros) versaient en 2015 des impôts représentant 17,8 % de leurs profits. La facture est plus réduite pour les entreprises avec la prise en compte du crédit d’impôt recherche (CIR) et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Le premier bénéficie ainsi surtout aux grands groupes, tandis que le second touchait plus fortement les PME. Au final, en 2015, pour l’ensemble des entreprises, la déduction du CIR faisait baisser le taux implicite moyen de 21 % à 18,9 %, et la déduction supplémentaire du CICE réduirait le taux implicite à 12,2 %. Avec ces deux crédits d’impôt, le taux implicite passait de 23,7 % à 13,9 % pour les PME et de 17,8 % à 7,7 % pour les grandes entreprises.

Le débat porte essentiellement sur l’efficacité du dispositif vis-à-vis des petites et moyennes entreprises (PME) pour les aider à augmenter leurs investissements en R&D.

Selon l’étude de l’OCDE précitée ([77]), l’impact des incitations fiscales en faveur de la R&D serait inversement proportionnelle à la taille des entreprises. Pour chaque euro d’aide fiscale reçue, les petites entreprises (moins de 50 salariés) investissent plus de 1,40 euro dans la R&D, les moyennes entreprises (50-249 salariés) 1 euro et les grandes entreprises (250 salariés ou plus) seulement 0,4 euro. Cependant, ces disparités disparaissent dès lors que les dépenses initiales de R&D réalisées par chaque entreprise sont prises en compte dans l’analyse. Il y a lieu d’en conclure que si les incitations fiscales à la R&D stimulent l’activité de R&D des petites entreprises, ce n’est pas seulement en raison de leur taille, mais aussi parce qu’elles sont généralement moins actives dans ce domaine.

Pour M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie « en France, une PME innovante bénéficie d’un régime social et fiscal favorable et du CIR qui représente un soutien à l’innovation avec un impact particulièrement favorable sur les petites entreprises. Le CIR a également aidé des ETI et de grandes entreprises dans leur développement » ([78]).

Le CIR bénéficierait d’ailleurs à beaucoup de PME selon M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) : « 90 % des bénéficiaires du CIR sont des PME. Ce dispositif couvre 30 % de leurs dépenses alors qu’en moyenne, le CIR couvre 15 % des dépenses de R&D en France […] À l’inverse, pour les grandes entreprises, le CIR ne couvre que 14 % de leurs dépenses de R&D, alors que ces grandes structures représentent 60 % de l’effort effectué dans ce domaine en France. En volume, ce sont ainsi les grandes entreprises qui représentent la part la plus importante de cet effort » ([79]).

À l’inverse, pour M. Matthieu Crozet, professeur d’économie à l’université Paris-Saclay, « le CIR vise à encourager l’investissement privé mais semble peu efficace car n’est pas suffisamment ciblé vers les entreprises les plus désireuses d’effectuer de la recherche mais n’en ont pas les moyens » ([80]).

Outre cela, un écueil majeur semble caractériser le CIR, crédit d’impôt non ciblé et non conditionné à un certain type de dépenses. En effet, selon Mme Nadine Levratto, directrice de recherche au CNRS, « ce crédit est principalement utilisé pour de l’innovation de processus, de marketing ou d’organisation. L’innovation de produit, qui porte la conquête de segments de marché de plus haute qualité, reste extrêmement minoritaire. Le CIR y a poussé. Il a en partie financé la délocalisation des unités de recherche dans les groupes automobiles et aéronautiques vers l’Europe de l’Est » ([81]). Non seulement le CIR s’est éloigné de son objectif, mais il aurait contribué, par des effets d’aubaine, à la délocalisation industrielle qu’il était censé éviter.

La relation entre octroi du CIR et industrialisation sur le territoire français semble alors non prouvée. D’après M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, « la recherche privée est parfois réalisée en France grâce au crédit impôt recherche, mais l’industrialisation de la recherche s’effectue à l’étranger » ([82]).

Cette absence de conditionnalité mènerait, parfois, à une faible incidence en termes d’emplois en matière de R&D, voire à des situations contre-productives. Ainsi, l’entreprise Sanofi, selon Mme Nadia Salhi, membre de la direction confédérale de la CGT, bénéficierait d’un crédit impôt recherche de « 110 à 130 millions d’euros chaque année « alors même que l’entreprise aurait « supprimé 3 000 emplois en R&D et fermé 8 de ses 11 centres de recherche » ([83]) ces dernières années.

b.   Les programmes d’investissement d’avenir, des outils au service de la R&D

Le programme des investissements d’avenir (PIA) est issu des conclusions du rapport Investir pour l’avenir : priorités stratégiques d’investissement et emprunt national issu de la commission coprésidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard remis à la présidence de la République le 19 novembre 2009, dit rapport « Juppé-Rocard » ([84]).

Parmi les priorités définies dans le rapport figuraient la recherche, l’enseignement supérieur ainsi que l’innovation en entreprise.

Initié en 2010, le programme est toujours en cours en 2021 : les gouvernements successifs ont investi, à hauteur de 35 milliards (premier PIA dit PIA 1), 12 milliards (PIA 2), 10 milliards (PIA 3) et 20 milliards (PIA 4). Une petite partie de cette somme est directement versée sous forme de subventions, le reste étant des prêts ou des placements dont seuls les intérêts sont consommables.

Les différents PIA (PIA 1, PIA 2, PIA 3) ont permis de renforcer l’enseignement supérieur et la recherche. Dans leur totalité ils représentaient au 30 juin 2021 un montant de 56,5 milliards d’euros ouverts depuis 2010 en autorisations d’engagement. Au 31 décembre 2020, les autorisations d’engagement sont consommées à hauteur de 48,3 milliards d’euros et les crédits de paiement à hauteur de 26,9 milliards d’euros ([85]).

Les crÉdits des programmes d’investissement d’avenir –
cumul au 31 dÉcembre 2020 (en millions d’euros)

Source : Cour des comptes (les décaissements concernant les dotations non consommables correspondent aux intérêts décaissés pour financer des projets)

Quant au quatrième PIA (PIA 4), doté de 20 milliards d’euros, il participe tout autant au financement de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais se trouve plus précisément centré sur l’innovation, et abonde à hauteur de 11 milliards d’euros le plan de relance. En effet, si le PIA 3 est réparti au sein de trois programmes, le programme 421 « Soutiens des progrès de l’enseignement supérieur et de la recherche », le programme 422 « Valorisation de la recherche », le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises », le PIA 4 comprend deux programmes qui correspondent à deux volets de financement de l’innovation, le programme 424 « Financement des investissements stratégiques » et le programme 425 « Financement structurel des écosystèmes d’innovation ».

Les deux volets du PIA 4 permettent deux logiques d’intervention différentes :

– un volet dit « dirigé » doté d’un volume de 12,5 milliards d’euros, qui finance des investissements exceptionnels dans quelques secteurs stratégiques ou des technologies émergentes prioritaires, c’est le cas par exemple des stratégies d’accélération pour l’hydrogène décarboné ou la batterie par exemple ;

– un volet dit « structurel », doté d’un volume de 7,5 milliards d’euros qui garantit un financement structurel pérenne et prévisible aux écosystèmes d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation.

L’originalité du PIA consiste en une doctrine d’investissement particulière. Outre le fait que les projets financés doivent être innovants, ils sont également co-financés. L’objectif associé aux financements issus des PIA étant d’offrir un effet de levier important.

La doctrine d’investissement des PIA

1. Les projets financés sont innovants, destinés à augmenter le potentiel de croissance de l’économie, accélérer la transition écologique et augmenter la résilience de l’organisation socio-économique du pays ;

2. Les procédures de sélection des projets sont ouvertes et objectives, favorisent la concurrence entre ceux-ci et font appel à des experts indépendants ou à des jurys, internationaux lorsque cela est possible. En effet, la gouvernance de chaque action, décrite dans les conventions entre l’État et l’opérateur, est soumise préalablement pour avis au Parlement, et les critères de sélection des projets sont publiés. Sauf quand cela se justifie, les projets sont soumis à concurrence. Ils sont évalués, dans leur potentiel comme dans leurs risques, par des jurys ou experts indépendants. Les décisions individuelles sont motivées sur le fondement de cette évaluation.

En outre, parmi les critères appréciés lors de la sélection, les projets doivent montrer une capacité d’entraînement, en contribuant à structurer la coopération entre acteurs tout au long de la chaîne de valeur enseignement-recherche-innovation. Dans cette logique, le PIA peut financer des expérimentations ou des démonstrateurs, ayant vocation à être déployés ensuite dans le cadre des politiques ministérielles ou des activités normales des associations et entreprises, hors soutien du PIA.

Enfin, les processus de sélection et de suivi des projets sont régulièrement revus, afin d’optimiser leur efficacité, notamment en termes de délais.

3. Les décisions d’investissement sont prises en considération d’un retour sur investissement, financier ou non financier. Au-delà de l’appui à l’enseignement, qui constitue un investissement d’avenir en soi, les actions du PIA doivent donner lieu à la constitution d’actifs financiers, matériels, ou incorporels ou d’externalités positives bénéficiant à toute la société (propriété intellectuelle, réduction des gaz à effet de serre, contribution à la résilience de notre économie…), lorsque cela est possible. Les actifs financiers sont privilégiés. Les subventions et avances remboursables octroyées aux entreprises sont exclusivement réservées à la phase la plus amont de l’innovation, et donnent lieu à un retour financier vers l’État en cas de succès. Lorsque la constitution d’actifs tangibles n’est pas envisageable, la pérennité du projet, au-delà du soutien du PIA, doit être assurée grâce à l’engagement à long terme des porteurs.

4. Les projets sont cofinancés. L’origine de ces cofinancements est privée, publique ou européenne.

5. Les décisions d’investissement sont rendues publiques, ainsi que les éléments ayant contribué à leur sélection, dans le respect des dispositions relatives au secret des affaires.

Source : Projet annuel de performances « investissements d’avenir », document annexé au projet de loi de finances pour 2022 https://www.budget.gouv.fr/documentation/documents-budgetaires/exercice-2022/le-projet-de-loi-de-finances-et-les-documents-annexes-pour-2022

Outre des financements apportés aux pôles de compétitivité, créés en 2004, au nombre de 54 aujourd’hui, qui rassemblent sur un même territoire un écosystème de recherche et d’industrie – les financements issus du PIA ont permis la création des sociétés d’accélération du transfert des technologies (SATT). Au nombre de 13, leur rôle consiste à permettre de financer le développement technologique des innovations issues de la recherche publique ; les SATT ont pour objectif de permettre la valorisation industrielle de la recherche issue du public.

Les financements issus des PIA 1, 2 et 3 ont également permis de renforcer l’écosystème en matière de recherche, avec la création de LabEx – laboratoires d’excellence – et d’EquipEx – équipements d’excellence – dans les laboratoires publics. Afin de créer en France des ensembles pluridisciplinaires d’enseignement supérieur et de recherche de rang mondial ont été mis en place des IdEX – Initiatives d’excellence. Ces dispositifs, attribués par appels à projets, ont cependant complexifié davantage la présentation des dossiers des projets de recherche, entraînant un taux d’échec élevé et un coût temporel non négligeable pour les équipes de recherche.

Selon M. Mohamed Harfi, le rapport de France Stratégie, de M. Philippe Maystadt, en 2016([86]), sur l’évaluation du programme d’investissement d’avenir, porte une appréciation globale positive sur les financements issus de ce programme, notamment en ce qui concerne l’excellence et la sélection des projets par des jurys internationaux. En revanche, les critiques formulées, bien qu’anciennes, demeurent toujours d’actualité. Selon ce rapport, « les PIA avaient conduit à la complexification du paysage par la création de nombreux dispositifs, notamment dans le domaine de la recherche et de l’innovation. Le comité considérait également que l’évaluation demeurait insuffisante, malgré une progression de la culture de l’évaluation en France » ([87]).

En effet, selon M. Christian Charpy, président de la première chambre à la Cour des Comptes, et M. Marc Fosseux, auteur du référé de la Cour des comptes sur La mise en œuvre du programme d’investissements d’avenir (2010-2022) ([88]), ces critiques sont toujours en partie fondées. En effet, pour la Cour des comptes, la culture de l’évaluation était encore lacunaire. Construit en réponse aux critiques antérieurement formulées, le PIA 4 devrait permettre une meilleure évaluation des outils déployés – il est possible dorénavant de faire une évaluation in itinere, autrement dit en cours d’attribution d’un projet. Ainsi « le suivi et le pilotage du PIA obéissent davantage à une approche budgétaire qu’à une mesure de la performance et des risques », et « plus de dix ans après le lancement du programme, l’évaluation reste partielle et inégale selon les actions et les opérateurs » ([89]).

Concernant les outils spécifiquement dédiés à la valorisation de la recherche, pour M. Christian Charpy, « en 2021, la Cour des comptes a recommandé de resserrer le périmètre des outils financés par les PIA, notamment les SATT, les consortiums de valorisation thématique (CVT), les instituts de recherche technologique (IRT), ou encore les instituts hospitalo-universitaires (IHU), mais également de renforcer l’insertion de ces structures dans l’écosystème de l’innovation, de mieux mesurer leur impact socio-économique et de renforcer la circulation des compétences entre recherche publique et secteur privé.» ([90]). Pour la Cour des comptes, en effet, « la simplification des dispositifs constitue en effet un enjeu massif de renforcement des liens entre la recherche, l’université et l’industrie » ([91]).

Selon M. Marc Fosseux, si le Comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA) « porte une appréciation assez favorable sur les LabEx, les EquipEx, et sur les équipements d’excellence qui ont contribué à structurer l’écosystème universitaire français, nous ne sommes pas certains pour autant que leur impact soit mesuré ni même mesurable dans la remontée de nos universités au sein des classements internationaux ». En outre, « son adéquation avec l’innovation est plus difficilement mesurable » ([92]).

Le rapport de la Cour des comptes ([93]) mentionne clairement « la valorisation insuffisante de la recherche. Un indicateur se révèle à ce propos assez intéressant : les cofinancements privés pour les LabEx et EquipEx se sont avérés assez faibles ». En outre, la Cour des comptes avait déjà publié en mars 2018 un rapport sur les outils du PIA consacrés à la valorisation de la recherche publique et mis en évidence une « difficulté dans le passage vers un financement privé, ce qui traduit probablement un problème de valorisation de la recherche » ([94]).

Néanmoins, si l’évaluation est à parfaire, il n’y a pour la Cour des comptes pas de remise en cause de la nécessité d’investir pour une meilleure valorisation de la recherche. Il s’agit plutôt de simplifier les outils, de rationaliser les différents dispositifs de l’État et des collectivités territoriales et de rationaliser l’articulation des dispositifs entre acteurs publics afin de les rendre plus accessibles aux entreprises et de permettre une valorisation de la recherche efficiente.

B.   Une concurrence accrue au sein d’une Économie mondialisÉe et de l’Union europÉenne Élargie, porteuse de dÉclassement

Outre un manque d’investissements dans l’innovation, la désindustrialisation a pour cause ce qu’il est convenu d’appeler la « mondialisation », globalisation des échanges qui a conduit à une mondialisation de la chaîne de valeurs, et une externalisation de l’industrie vers les territoires les plus compétitifs en termes de coûts.

Aujourd’hui, il apparaît que la compétitivité prix a participé à la dégradation de la compétitivité hors-prix, handicapant durablement l’économie française, d’autant que la politique de change, du fait de la création de l’euro, ne pouvait plus être utilisée comme une arme pour effectuer une dévaluation compétitive.

1.   Une balance commerciale fortement dégradée depuis la fin des années quatre-vingt-dix

Premier constat, la situation de la France est caractérisée par une balance commerciale lourdement déficitaire depuis plus de quinze ans, reflétant la perte d’avantages comparatifs.

Conséquence de la disparition de pans de l’industrie, la France est confrontée à la dégradation de la balance commerciale et à la perte de pouvoir d’achat, ressenties localement et au niveau européen.

La dégradation de la balance courante française s’explique par un déficit commercial structurel depuis le début des années 2000. La balance courante française était excédentaire jusqu’à la fin des années 1990, avec un excédent significatif de 3,4 % du PIB en 1999, puis s’est détériorée dans les années 2000 pour laisser place à un déficit croissant à partir de 2007 et atteindre un point bas de 1,3 % du PIB en 2014. Ce déficit persistant de la balance courante depuis 2007 peut être décomposé en un déficit structurel du solde commercial des biens depuis 2005, un excédent des services, un déficit des revenus secondaires (transferts courants entre résidents et non-résidents) et un excédent des revenus primaires (revenus nets des investissements à l’étranger). La dégradation de la balance courante française est principalement liée au passage d’un excédent à un déficit de la balance des échanges de biens au début des années 2000, puis à un accroissement notable de ce déficit entre 2005 et 2008. Le point bas de ce déficit de la balance des biens a été atteint en 2011, où ce dernier s’élevait à 3,2 % du PIB. L’excédent relativement stable de la balance des échanges de services ne permet plus depuis 2006 de compenser le déclin des exportations de biens, et le solde commercial de la France est ainsi devenu structurellement déficitaire à partir de 2006.

DÉcomposition du compte courant et position extÉrieure nette de la France, en pourcentage du PIB

Source : OCDE, balance des paiements BPM6, calculs France Stratégie

La dégradation de la balance commerciale française résulte de pertes de parts de marché des exportateurs de biens. La part de marché des exportations mondiales de marchandises de la France est ainsi passée de 5,1 % en 2000 à 3,0 % en 2019 proche des trajectoires suivies par l’Italie ou le Royaume-Uni, passés respectivement de 3,7 % et 4,4 % à 2,8 % et 2,5 % du commerce de marchandises mondial. Ce déclin des parts de marché françaises s’est effectué jusqu’en 2012, date à partir de laquelle la France est parvenue à stabiliser sa part de marché. Sur la même période, l’Allemagne a conservé une part de marché quasi stable, passant de 8,5 % à 7,9 %.

Désindustrialisation et balance commerciale sont deux questions intimement liées : une dégradation de l’activité industrielle se répercute indéniablement sur les exportations. C’est ce qu’affirment tant M. Frédéric Sanchez, président du groupe Fives, président de l’Alliance industrie du futur (AIF), pour lequel « notre balance commerciale est déficitaire en raison de la désindustrialisation massive que la France a vécue » ([95]), que Mme Nadia Salhi, membre de la confédération nationale des travailleurs (CGT), pour laquelle « cette situation de désindustrialisation conduit à un déficit structurel de la balance commerciale » ([96]).

Parts de marchÉ dans les exportations mondiales de marchandises
en pourcentage

Source : OMC, calculs France Stratégie, Cité par France Stratégie, op. cit., p 60

M. Xavier Ragot, professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, et président de l’OFCE compare cette dégradation à celle de l’Allemagne, alors que les deux situations étaient similaires, l’Allemagne a su bâtir un modèle industriel exportateur, au point d’occuper aujourd’hui la première place. Ainsi, « alors que la balance courante française était en même niveau qu’en Allemagne en 2000, l’Allemagne est devenue en 2016 le premier exportateur mondial, devant la Chine, en dépit de l’écart de population entre les deux pays (80 millions d’Allemands contre 1,3 milliard de Chinois) » ([97]). Les secteurs d’activités français les plus excédentaires à l’export en 2019 sont l’aéronautique, la chimie, parfums et cosmétiques, les produits agricoles et agroalimentaires ainsi que la pharmacie. La diversification des exportations françaises est donc limitée ([98]).

Le succès de l’Allemagne repose en particulier sur son Mittelstand, c’est-à-dire son écosystème industriel qui repose sur des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui sont par nature fortement exportatrices. M. Philippe d’Ornano, président du directoire de Sisley, et coprésident du METI, rappelle ainsi la forte contribution des ETI françaises à l’export, malgré leur faible nombre : « en outre, elles assurent un tiers des exportations nationales, ce qui montre l’impact du tropisme industriel sur ce point ainsi que sur la balance des paiements » ([99]).

Aussi l’écosystème industriel français, caractérisé par une forte densité de PME d’une part, et de multinationales influentes d’autre part, pourrait expliquer en partie la dégradation du solde commercial. Cette érosion progressive mais persistante a abouti à une balance commerciale actuellement fortement déficitaire.

M. Arnaud Montebourg, ancien ministre de l’Économie, du redressement productif et du numérique, en tire un bilan amer : « aujourd’hui, nous présentons la balance commerciale la plus déficitaire de la zone euro, à hauteur de 85 milliards d’euros » ([100]) d’autant que les secteurs dans lesquels la France avait une balance commerciale historiquement excédentaire tendent à se réduire. Ainsi, « la balance agricole, qui a toujours été excédentaire sans les vins et spiritueux, est désormais annoncée comme déficitaire » ([101]).

Pour M. Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School, la particularité du déficit de la balance commerciale française réside dans une situation dégradée vis-à-vis de ses partenaires européens. « En 2019, la France affichait un excédent de sa balance commerciale des biens industriels avec les pays hors UE : 36 milliards d’euros. La France se classe au quatrième rang européen derrière l’Allemagne, l’Italie et l’Irlande. En revanche, la situation est désastreuse vis-à-vis des autres pays européens : la France ne souffre donc pas d’un problème de compétitivité industrielle vis-à-vis des pays extracommunautaires mais bel et bien au sein de l’UE. Nous sommes le pays de l’Union où le poids des exportations des biens industriels (exprimé en pourcentage du PIB) pour le commerce intracommunautaire est le plus faible : 12 % seulement » ([102]).

Même dans les secteurs de pointe comme l’aéronautique, mais également de la chimie et de la pharmacie, où la France dispose d’un excédent commercial, des vulnérabilités peuvent conduire à un inversement rapide de la tendance. Comme le souligne M. Xavier Jaravel, professeur associé à la London School of Economics, membre du Conseil d’analyse économique (CAE), « la France est très performante en chimie et en pharmacie, sa balance commerciale est excédentaire dans ce domaine, mais c’est en même temps le secteur où il y a le plus de vulnérabilité et de dépendance sur les produits pris individuellement. L’analyse microéconomique est donc clé » ([103]).

2.   Une compétitivité prix longtemps déficitaire

Ce déclassement progressif mais néanmoins significatif de la compétitivité de la France repose sur une diversité de causes. Comme évoqué supra, la dégradation des termes de l’échange de la France se place dans le contexte de l’affirmation de nouveaux centres de production économique tant sur les marchés internationaux et au sein du marché unique, et s’explique en partie par des choix économiques divergents, notamment vis-à-vis de l’Allemagne.

Le rapport de France Stratégie ([104]) rappelle notamment que les choix opérés par la puissance publique, augmentation des coûts des impôts de production, de l’impôt sur les sociétés, ainsi que choix d’une politique de demande au moment où l’Allemagne faisait un choix inverse, une politique d’offre, ont permis cet écart de compétitivité prix entre pays européens, qui ont conduit à une accentuation des délocalisations, notamment à l’Est de l’Europe dans laquelle le coût du travail était moins cher.

Dans un rapport récent qui compare la compétitivité de la France à celle de ses principaux partenaires européens ([105]), le Conseil national de productivité s’interroge sur les causes des difficultés de notre pays dans la compétition internationale, difficultés manifestées notamment par une dégradation assez constante de son équilibre extérieur durant la décennie 2000-2010, avant une stabilisation. S’il ne parvient pas à des conclusions définitives, il met en lumière un problème de compétitivité par les coûts.

Selon cette analyse, la dégradation du commerce extérieur français depuis 2000 ne serait pas imputable à une mauvaise spécialisation sectorielle de nos exportations (cette spécialisation serait même plutôt favorable, c’est-à-dire que les points forts de la France correspondraient plutôt à des secteurs dynamiques), non plus qu’à une mauvaise orientation géographique.

En revanche, la compétitivité coût semble s’être plutôt dégradée (d’environ 5 %) par rapport à la moyenne de nos partenaires de la zone euro dans les années 2000‑2010, avant une stabilisation depuis lors. Par rapport à l’ensemble des partenaires de l’OCDE, on aurait eu d’abord une nette dégradation, puis une relative amélioration dans un contexte de dépréciation relative de l’euro après la crise financière de 2008.

S’agissant des coûts, qui ont donc plus dérapé en France que chez la moyenne de nos partenaires, le rapport précité observe pourtant qu’en tenant compte des mesures d’allégement des prélèvements sur le travail, les salaires ont progressé́ en ligne avec la productivité́ en France. Sur la période 2000-2018, l’augmentation moyenne des coûts salariaux unitaires pour la France apparaît très proche de celle de la zone euro ; si elle est supérieure à celle de l’Allemagne, elle est inférieure à celle de l’Italie.

M. Xavier Ragot, explique ainsi le succès allemand qui fait, selon lui, de l’Allemagne la première puissance industrielle mondiale. Ainsi, « le pays industriel le plus puissant au monde n’est pas la Chine, ce ne sont pas les États-Unis, mais l’Allemagne, notre voisin. Toute la politique économique allemande est orientée vers l’industrie : le prix de l’énergie – inférieurs à ceux payés par les consommateurs allemands –, la formation qui est fortement orientée vers les filières industrielles, la fiscalité, l’exportation comme moteur de la croissance. Ils ont réussi à faire cela malgré un coût social, qui a été accepté, compte tenu du modèle de cogestion » ([106]). La situation géographique de l’Allemagne, avec l’élargissement de l’Union européenne à l’Est du continent à partir de 2004, a également favorisé son dynamisme industriel en offrant un nouveau levier sur ses coûts de production.

Outre ce modèle de la cogestion, héritage de la structure fédérale allemande, l’un des paramètres essentiels de différenciation serait celui des coûts salariaux unitaires, significativement divergents entre les deux pays. C’est ce que met en exergue M. Emmanuel Jessua, directeur des études au sein de Rexecode, expliquant qu’« au début des années 2000, les deux principales économies de la zone euro ont mis en place des politiques radicalement opposées : l’Allemagne a mis en place des réformes du marché du travail pour diminuer le coût du travail et des cotisations – notamment par la négociation – tandis que la France appliquait une politique de réduction du temps de travail, entraînant une hausse du coût horaire. Des allégements du coût du travail sous le mandat de François Hollande ont permis de ralentir la tendance alors qu’outre-Rhin, les salaires augmentaient » ([107]).

Pour M. Xavier Ragot, la réduction du coût du travail n’est plus un enjeu dans la mesure où « nous ne pouvons plus guère jouer sur le coût du travail dans la mesure où le coût du travail allemand est revenu à la hauteur du coût en France » ([108]).

Cependant, en raisonnant cette fois en termes de compétitivité prix, la situation de notre pays se serait plutôt améliorée, tendanciellement, entre 2000 et 2018 par rapport au reste de la zone euro. Par rapport à l’ensemble des membres de l’OCDE, l’évolution serait plus contrastée, avec une dégradation dans un premier temps, puis un retour au niveau du tout début des années 2000 après la crise financière de 2008, l’euro s’étant déprécié.

Une situation dans laquelle la compétitivité-coût évolue moins favorablement que la compétitivité prix peut traduire un effort de compression de leurs marges par les exportateurs français plus important que chez leurs concurrents étrangers : l’effort relatif de marge à l’exportation est le rapport de la compétitivité prix à la compétitivité-coût.

Toutefois, un taux de marge élevé résulte en général de la mise en œuvre d’un capital d’exploitation important : il n’implique pas nécessairement une rentabilité économique forte mais peut permettre de financer les investissements. Ainsi, l’industrie a un taux de marge de 29,3 % et un taux d’investissement de 20,0 % pour une rentabilité économique de 6,6 % ([109]). L’augmentation des investissements peut donc servir à orienter le taux de marge à la hausse : les entreprises françaises pourraient davantage intégrer cet élément dans leurs stratégies.

TAUX DE MARGE COMPARÉS DANS LES SECTEURS EXPOSÉ ET ABRITÉ EN FRANCE

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Source : Conseil national de productivité, Productivité et compétitivité : où en est la France dans la zone euro ?, 10 juillet 2019 https://www.strategie.gouv.fr/publications/productivite-competitivite-france-zone-euro

TAUX DE MARGE DANS L’INDUSTRIE EN FRANCE, ALLEMAGNE ET ITALIE

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Source : Conseil national de productivité, op. cit.

Les données font effectivement apparaître :

– une tendance à la dégradation du taux de marge moyen (rapport de l’excédent brut d’exploitation à la valeur ajoutée) des entreprises françaises du secteur « exposé » depuis deux décennies, alors que, dans le secteur « abrité », ce taux avait augmenté jusqu’à la crise de 2008 ;

– des taux de marge des industriels français durablement plus faibles que ceux de leurs concurrents allemands (depuis 2005) et italiens.

Par ailleurs, la comparaison entre l’évolution des parts de marché de la France à l’export et celle des parts de marché de nos principaux voisins européens montre une dégradation relative de la situation de notre pays : entre 2000 et 2016, la variation annuelle moyenne des parts de marché françaises a été inférieure de 2,6 points à la variation allemande, de 2,5 points à la variation espagnole et de 1,6 point à la variation italienne. Cette moindre performance ne s’explique pas par un défaut de compétitivité prix (nous l’avons vu, celle-ci n’a pas évolué défavorablement pour la France) ; il s’agit donc d’un problème de compétitivité « hors‑prix » ; mais celui-ci pourrait être lié à une compression excessive des marges des industriels français, qui auraient en conséquence réduit leurs investissements et efforts d’innovation.

Le coût du capital ne semble pas non plus être un facteur déterminant pour expliquer les différences de compétitivité́ entre les pays européens.

Enfin, concernant le prix des intrants, en particulier importés, les entreprises françaises n’ont selon le Conseil national de productivité pas connu une évolution défavorable par rapport à leurs partenaires européens depuis 2005.

3.   Une compétitivité hors-prix durablement handicapante

Surtout, l’industrie française semble, selon les mots de Louis Gallois, « prise en étau » ([110]) entre la compétitivité prix et la compétitivité hors-prix, son positionnement sur des segments de moyenne gamme l’exposant à une double concurrence préjudiciable.

Les causes de ce positionnement sur des segments de moyenne gamme sont multiples et composites. France Stratégie, dans son rapport, Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales ([111]), remis à l’Assemblée nationale, en novembre 2020, établit qu’une des premières causes serait à rechercher dans la préférence pour les grands groupes français un premier de délocaliser plutôt que d’opérer pour une montée en gamme. Mme Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au centre de recherche sur les économies et sociétés des arts et des techniques de l’Université de Haute Alsace, confirme la responsabilité des entreprises dans ce choix : « les positionnements en gamme et les erreurs stratégiques ne sont pas de la responsabilité de l’État et des acteurs publics, que l’on a tendance à fortement incriminer, en oubliant la responsabilité des entreprises. Le positionnement en gamme des automobiles, c’est aussi un choix des entreprises. Le raté du tournant du véhicule électrique c’est aussi le choix des constructeurs et des entreprises » ([112]).

À l’inverse, dans les années 1970 et 1980, face à la baisse de sa compétitivité coût en lien avec les dévaluations compétitives de l’Italie et de la France, l’industrie allemande a durablement opté pour une montée en gamme.

En proposant des produits généralement positionnés dans le milieu de gamme, donc peu différenciant, les industriels français se sont plus exposés à une concurrence par les prix des pays émergents et d’une partie de l’Union européenne. C’est un constat partagé par Louis Gallois, qui considère la moyenne gamme comme « celle qui expose le plus à la concurrence des pays hors d’Europe » ([113]).

Une telle position se traduit en effet par une spirale négative entre absence de compétitivité globale et désindustrialisation, phénomène autoentretenu, comme le confirme M. Philippe Frocrain, chef de projet chez France stratégie et co-auteur du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales : « cette désindustrialisation inquiétante s’explique avant tout par le déficit de compétitivité-coût qui est apparu au début des années 2000. Elle a engendré un cercle vicieux, identifié dans le rapport Gallois, à savoir que, face à l’augmentation de leurs coûts de production et pour résister à la concurrence internationale, les entreprises industrielles ont préféré comprimer leurs marges plutôt que d’augmenter leurs prix, au détriment de leurs investissements et de leur montée en gamme. Dès lors, ce déficit de compétitivité-coût aurait contribué à générer un déficit de compétitivité hors coût en parallèle d’insuffisances sur la R&D » ([114]). D’autant que, comme l’expose Mme Sonia Bellit, cheffe de projet à la Fabrique de l’industrie, « le milieu de gamme est plus sensible à la variation des prix et donc aux coûts » ([115]).

Selon Mme Nadine Levratto, les exonérations de cotisation sociales patronales ont également et paradoxalement conduit à des baisses de performance à l’exportation. Elles ont en effet favorisé indirectement le positionnement des entreprises industrielles sur les produits de basse et moyenne gamme pour optimiser leurs gains en matière de coût du travail ([116]).

Outre les conséquences délétères actuelles d’un tel positionnement en gamme, la sortie de cette impasse semble périlleuse. Pour M. Philippe Portier, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) : « le moyen ou bas de gamme nous conduit à une situation de compétition avec des pays contre lesquels nous ne pouvons lutter», ([117]) dès lors que des rigidités à la baisse existent sur les coûts du travail en France, du fait notamment du salaire minimum. En effet, pour M. Frédéric Bizard, professeur d’économie associé à l’école supérieure de commerce de Paris et à l’université Paris-Dauphine, « il est antinomique de produire des produits pharmaceutiques bas ou milieu de gamme dans un pays avec un modèle social qui nécessite un coût du travail relativement élevé » ([118]).

Le positionnement sur la compétitivité prix ne semble alors que très peu pertinent, ce qui plaide en creux pour des investissements pérennes et de long terme à même d’enclencher une montée en gamme. C’est une vision partagée par M. Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School : « vu qu’il est impossible de rivaliser sur le plan des coûts, la deuxième stratégie possible consiste à viser la montée en gamme en proposant des produits à forte valeur ajoutée, ce qui requiert des investissements de recherche et développement et le développement de technologies avancées. Or entre 2008 et 2019, le taux de dépenses de R&D est resté légèrement supérieur à 2 % du PIB […] Nos efforts restent à ce jour insuffisants » ([119]).

4.   L’impossible dévaluation compétitive par le biais de la politique monétaire

L’intégration communautaire s’est traduite par l’impossibilité d’utiliser la politique de change comme instrument d’ajustement compétitif depuis la création de l’euro et l’indépendance de la banque centrale européenne qui a conduit à la mise en place d’une Union économique et monétaire.

En effet, la création de l’euro ne permet plus, dans une Europe qui n’est pas une zone monétaire optimale, d’utiliser l’arme de change pour jouer sur la compétitivité prix, élément largement sous-estimé par les décideurs publics, et qui explique que la délocalisation des facteurs de production ait pu se faire en partie vers l’Est de l’Europe, dans des pays, où le prix du facteur de travail, à qualification égale, était largement inférieur à celui du marché français du travail.

M. François Geerolf, professeur assistant à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) et conseiller scientifique au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), n’hésite pas à dire que l’euro apparaît comme un « problème, car il ne permet plus les dévaluations. En outre, il facilite paradoxalement les déséquilibres commerciaux en faisant disparaître le risque de change pour les exportateurs et les investisseurs. Il risque donc de renforcer les forts et d’affaiblir les faibles. Or, l’industrie française a toujours eu besoin historiquement des dévaluations pour regagner de la compétitivité » ([120]).

La France serait donc relativement davantage défavorisée par la monnaie commune que certains pays de l’Europe de l’Est, qui ont su sortir leur épingle du jeu en termes de compétitivité prix. Cet affranchissement des considérations d’effets de change, couplé à une « incomplétude institutionnelle communautaire », ([121]) ne peut ainsi guère être négligé.

C.   Des coûts de production et un cadre juridique souvent mis en cause

Aujourd’hui la question de la compétitivité prix n’est plus signifiante, la France ayant retrouvé un coût unitaire du travail équivalent à celui de l’Allemagne. Seraient selon un certain nombre de personnes auditionnées davantage en cause la question des coûts de production ainsi qu’un environnement juridique peu porteur. Ces causes restent toutefois à nuancer, elles ne sauraient être un facteur explicatif suffisant pour expliquer les écarts de compétitivité, d’autant que le coût unitaire du travail n’est plus aujourd’hui un facteur explicatif de ce déficit de compétitivité.

  1. Des écarts de compétitivité prix auparavant sensibles mais en grande partie résorbés

Les évolutions des écarts de compétitivité prix s’expliquent soit par des choix de politique économique divergents de nos partenaires et concurrents, soit sont la résultante d’une différence de niveau en termes de fiscalité ou de coût du travail.

Force est de constater que les entreprises françaises sont confrontées à des coûts du travail et une fiscalité sensiblement plus élevée que dans des économies comparables. Bien que le taux élevé de prélèvements obligatoires en France résulte de choix historiques dont celui d’un système social très protecteur, il peut être le facteur d’une altération de la compétitivité coût des entreprises françaises.

a.   Un taux élevé de prélèvements obligatoires

La fiscalité française est souvent décriée dans la mesure où elle empêcherait les entreprises à constituer des marges solides à même d’être utilisée pour leur trésorerie ou leurs investissements. Cette fiscalité englobe les impôts de production, les impôts sur les bénéfices, l’imposition de la transmission ainsi que les impositions sectorielles.

France Stratégie a calculé que les prélèvements obligatoires représentaient dans l’industrie manufacturière 27,9 % de la valeur ajoutée, contre 24 % pour les autres entreprises non financières (données de 2016). Cet écart de 3,9 points de ponction sur la valeur ajoutée se répartirait ainsi : 0,8 point pour les cotisations sociales « employeur », 1,6 point pour l’ensemble des « impôts de production » (voir infra) et 1,4 point pour l’impôt sur les sociétés. L’écart se réduit néanmoins à 2,1 points de valeur ajoutée en prenant en compte les crédits d’impôts tels que le crédit d’impôt recherche (CIR), qui concerne plus fortement les entreprises industrielles.

En Allemagne, comparativement, le taux cumulé de prélèvements obligatoires sur la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière n’est que de 17,2 %. L’écart de 10,7 points entre les deux pays représente un « surprélèvement » annuel de 25 milliards d’euros sur les industriels opérant en France par rapport à leurs concurrents en Allemagne (la différence étant ramenée à 18 milliards après déduction des crédits d’impôt tels que le CIR).

France Stratégie, dans son rapport, Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, évoque en effet le fait que l’industrie française a souffert d’une dégradation de sa compétitivité coût en lien avec une fiscalité particulièrement élevée sur les facteurs de production et qui, jusqu’à récemment était en hausse. Comme le rappelle M. Emmanuel Jessua, directeur des études au sein de Rexecode, « notre taux de prélèvement obligatoire est le plus élevé » ([122]) de la zone euro. Pour M. Philippe Frocrain, chef de projet chez France stratégie et co-auteur du rapport, ce choix d’une fiscalité élevée « représente environ vingt-cinq milliards d’euros supplémentaires qui pèsent sur l’industrie » ([123]) française, en comparaison avec l’industrie allemande.

Toujours selon M. Philippe Frocrain, surtout, la fiscalité française s’avère relativement plus lourde sur l’activité industrielle que sur le reste de l’économie dès lors que « la part de valeur ajoutée représentée par les prélèvements obligatoires est plus élevée dans l’industrie que dans les autres secteurs de l’économie française (28 % versus 24 %) » ([124]).

La fiscalité de la transmission, en particulier, semble obérer les stratégies de long terme de certaines entreprises, et tendrait à réduire les marges d’investissement des entreprises nouvellement acquises. C’est le constat effectué par M. Philippe d’Ornano, président du directoire de Sisley et coprésident du METI : « Le coût de la transmission dans notre pays représente aujourd’hui le double du coût de la transmission en Europe. Néanmoins, la transmission est possible et organisable, si on s’organise en avance – avec un surcoût. Cela a eu un impact important car il faut bien garder à l’esprit que les projets industriels nécessitent du temps long […] Une entreprise peut avoir à payer l’équivalent de six à dix ans de ses profits afin d’assurer sa transmission » ([125]).

Enfin, certaines filières industrielles ont fait remonter que la variation fréquente de certaines taxes sectorielles pouvait être source d’incertitudes. C’est ce que rapporte notamment, M. Frédéric Collet, président de Novartis France et président du LEEM, qui nous fait part que l’industrie du médicament « est porteu[se] de huit taxes spécifiques » ([126]), nombre qui varie de manière trop récurrente selon lui.

Cependant, l’État n’a pas été sans rien faire et ce point peut être discuté compte tenu des réformes successives.

Dénoncés comme étant des « impôts de production », pesant sur la compétitivité des entreprises, la contribution économique territoriale et la taxe sur les propriétés bâties des entreprises imposables ont fait l’objet d’une baisse de 10 milliards d’euros par an, prévue par le plan de relance et décidée par la loi de finances pour 2021. Cette réforme comprend :

 la réduction de 50 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) :

La CVAE (héritière de la taxe professionnelle) constitue avec la cotisation foncière des entreprises (CFE), la contribution économique territoriale (CET). Elle est calculée sur la valeur ajoutée réalisée par l’entreprise et cette valeur ajoutée correspond à la différence entre le chiffre d’affaires réalisé et les achats de biens et charges déductibles. Il s’agit d’un impôt local dû par les personnes physiques ou morales exerçant une activité professionnelle, non-salariée, lucrative et à titre habituel. Les entreprises concernées sont celles dont le chiffre d’affaires hors taxes est supérieur à 500 000 euros.

Dans le cadre du plan de relance, le gouvernement a procédé à la baisse de moitié du taux d’imposition de la CVAE à hauteur de la part affectée aux régions. Ainsi, le taux d’imposition est passé de 1,5 à 0,75 % à compter de l’acompte du 15 juin 2021.

Une cotisation minimum de 125 euros est due par les entreprises redevables de la CVAE.

 la baisse de 50 % de la CFE (cotisation foncière des entreprises) et de la taxe sur les propriétés bâties :

La cotisation foncière des entreprises (CFE) est due au titre de la contribution économique territoriale par les entreprises propriétaires. Elles sont redevables de la CFE dans chaque commune où elles disposent de locaux qui leur appartiennent, qui sont loués en crédit-bail ou utilisés à titre gratuit.

Elle est calculée sur la valeur locative des biens imposables à la taxe foncière (terrains, constructions, installations) utilisés par l’entreprise pour les besoins de son exploitation au cours de l’année de référence (année N-1).

Les micro-entreprises dont le montant de chiffres d’affaires ou de recettes n’excède pas 5 000 euros sur une période de 12 mois, sont exonérées de cotisation minimum CFE.

Quant à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), elle est due par les entreprises propriétaires ou ayant un droit équivalent tel que l’usufruit, au 1er janvier de l’année d’imposition. Elle concerne certains biens notamment les bâtiments commerciaux, industriels ou professionnels, les installations industrielles ou commerciales, les terrains et parkings.

Ces deux impôts locaux (CFE et TFPB) sont réduits de moitié à compter du 15 juin 2021 pour les locaux industriels des entreprises qui sont redevables.

Les nouveaux taux d’intérêt applicables à la base d’imposition selon la loi des finances pour 2021 sont de 4 % au lieu de 8 % pour les sols et terrains ; 6 % au lieu de 12 % pour les constructions et installations foncières.

 l’abaissement d’un point du taux de plafonnement de la CET :

Afin d’éviter de pénaliser les entreprises dont la contribution économique territoriale (CET) est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée qu’elles réalisent, le taux de plafonnement a été abaissé de 3 % à 2 %. Cette mesure évite la neutralisation d’une partie du gain de la baisse de la CVAE et des impôts fonciers.

Les entreprises concernées sont désormais celles dont la différence entre le montant de la cotisation est supérieure à 2 % de la valeur ajoutée produite. Ces entreprises peuvent alors faire l’objet d’un dégrèvement dont le montant est égal à cette différence.

L’impôt sur les sociétés a également connu une baisse tendencielle depuis plusieurs années.

Ainsi, l’impôt sur les sociétés connaît aujourd’hui un taux réduit à 15 % pour les petites et moyennes entreprises (PME), qui s’applique sur la tranche inférieure à 38 120 euros de bénéfices pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,63 millions d’euros, et le capital entièrement libéré détenu à au moins 75 % par des personnes physiques (ou par une société appliquant ce critère). Au-delà de 38 120 euros de bénéfice, les bénéfices sont soumis au taux normal, qui est passé de 50 % en 1985 à 2022 aujourd’hui.

Évolution du taux standard de l’impôt sur les sociÉtÉs

 

Taux standard d’IS

1er janvier 1985

50,0 %

1er janvier 1986

45,0 %

1er janvier 1988

42,0 %

1er janvier 1989

39,0 %

1er janvier 1990

37,0 %

1er janvier 1991

34,0 %

1er janvier 1993

33 13 %

1er janvier 2019

31 %

1er janvier 2020

28 %

1er janvier 2021

26,5 %

1er janvier 2022

25 %

b.   Les coûts salariaux unitaires

Un second élément fondamental de la compétitivité prix est celui des coûts salariaux unitaires. À ce titre, la France s’est largement différenciée de l’Allemagne, cette dernière mettant en place, au tournant des années 2000, une modération salariale, lorsque la France se distinguait à travers la réduction du temps de travail.

France Stratégie, dans son rapport, Les politiques industrielles en France. Évolutions et comparaisons internationales, ajoute que le déficit de compétitivité-coût français s’explique notamment par une nette augmentation des coûts salariaux dans le secteur abrité de la concurrence internationale (+ 35 % entre 2000 et 2016, contre + 5 % dans les secteurs exposés), fournisseur important de l’industrie, dont les prix ont augmenté, ce qui a contribué à renchérir les coûts de production de l’industrie.

Évolutions des coûts salariaux unitaires (1999-2019)

Source : France Stratégie, Les politiques industrielles en France– Évolutions et comparaisons internationales, novembre 2021

Ces salaires relativement généreux font dire à M. Pierre-André Buigues que, pour la France, « la stratégie coût est condamnée. Le coût horaire du travail représente entre 36 et 40 euros de l’heure en France contre 10 euros dans les pays de l’Est. Et il s’agit là de pays au sein de l’UE » ([127]).

Enfin, la France se caractérise par des rigidités à la baisse des salaires, du fait notamment du salaire minimum et de fortes cotisations sociales, ce qui entraînerait à première vue une absence de solutions dans l’alignement vers le bas des salaires et des régimes de protection sociale. C’est à ce titre, selon M. Xavier Ragot, qu’avait été instaurée en 2007, sur le modèle allemand, une « taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sociale […] : la TVA augmente et le coût du travail diminue » ([128]).

Lors du quinquennat suivant, cette problématique fut traitée autrement, comme le rapporte François Geerolf, avec l’instauration du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) : « le CICE a voulu imiter la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sociale défendue par Nicolas Sarkozy. L’idée était de reproduire en France la TVA sociale, en considérant qu’elle fonctionnait en Allemagne, après avoir été établie par Angela Merkel en 2007 et déjà par Schröder en 1998, et coïncidait avec une amélioration du surplus commercial allemand. Mais les évaluations du CICE estiment ses effets de compétitivité très faibles sur l’exportation et sur l’emploi. Si la TVA sociale allemande fonctionne selon nous, ce n’est pas grâce à l’effet du coût du travail, mais grâce à l’effet de la demande interne. L’augmentation de la TVA fait diminuer la consommation et accroît les profits des entreprises, car la contribution sociale généralisée (CSG) et les charges diminuent » ([129]).

Au-delà de l’instrument utilisé pour combler ces écarts de compétitivité, notamment vis-à-vis de l’Allemagne, ces différentes réformes expriment la volonté des gouvernements français successifs à gagner en compétitivité par le levier des coûts salariaux unitaires.

Néanmoins, force est de constater que les disparités vis-à-vis de nos homologues ont été atténuées dans la période récente.

Ce rattrapage semble s’expliquer par une pluralité de causes. Si les effets du CICE semblent limités sur les emplois industriels et demeurent soumis à controverses, l’adoption du salaire minimal en Allemagne constitue un élément essentiel de ce rééquilibrage en termes de compétitivité coût.

Selon France Stratégie et l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), « dans l’industrie (échantillon de 23 389 entreprises ou groupes fiscaux), les effets sur l’emploi ressortent moins : des effets significativement différents de zéro n’apparaissent que sur l’emploi en équivalent temps plein sur les troisième et quatrième quartiles en 2013 et 2014, mais pas sur les effectifs physiques. Bien que fragiles, ces résultats tendraient à souligner un effet sur l’emploi plus net ou important dans les services que dans l’industrie, ce qui serait cohérent avec l’analyse plus macroéconomique » ([130]). France Stratégie, dans son rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, précise que les branches les plus exposées à la concurrence internationale auraient réussi à modérer leurs prix grâce au CICE. Il n’y a cependant pas encore de démonstration robuste d’un effet significatif du CICE sur les exportations, peut-être en raison des limitations des évaluations micro-économétriques qui se concentrent sur les effets directs uniquement.

Pour M. Mathieu Plane, directeur-adjoint du département analyses et prévisions de l’OFCE, « à la suite du rapport Gallois de 2012 […] la France a mis en place une politique d’offre – CICE pour 20 milliards d’euros, pacte de responsabilité et de solidarité pour 15 milliards d’euros – et nous avons observé de nombreux transferts fiscaux », sans pour autant que les effets escomptés concernant le secteur industriel soient atteints : « Ces aides ont en réalité peu profité au secteur industriel […]. Cette politique assez coûteuse a pu créer des emplois, mais n’a guère amélioré la situation de l’industrie. Les parts de marché ont certes arrêté de se dégrader. Nous avons recouvré des marges mais au prix d’un effort fiscal relativement important. Nous avons observé, avant la crise, la reprise de la création d’emplois dans l’industrie, y compris dans les filières qui avaient beaucoup perdu. Peut-être que la politique de l’offre a fini par fonctionner. Les baisses des impôts sur la production sont peut-être mieux ciblées » ([131]). Pour Louis Gallois, si « le CICE n’a pas eu d’effet sur l’emploi massif, il a amélioré la capacité d’investissement des entreprises » ([132]). La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels – en rendant plus flexible le marché du travail – semble également constituer une part d’une logique de politique horizontale pour gagner en compétitivité.

Malgré les effets encore difficilement évaluables de ces différents dispositifs, force est de constater un rattrapage vis-à-vis de l’Allemagne. Cette réduction de l’écart de compétitivité s’explique en partie, selon M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, par des « gains de productivité accélérés » qui a permis d’absorber « le surcoût des trente-cinq heures » ([133]). Pour M. François Geerolf, la convergence des coûts du travail français et allemand résulte du fait « que les syndicats allemands ont obtenu des augmentations de salaire, ce que la France réclamait depuis longtemps à l’Allemagne » ([134]).

Les données chiffrées issues du rapport de France stratégie confirment ce constat. En effet, le décalage avec l’Allemagne s’est fortement atténué dans les années 2010 : alors que l’écart de coûts salariaux unitaires entre la France et l’Allemagne s’était dégradé́ de 17 points entre 1999 et 2008 dans l’ensemble de l’économie et de 5 points dans l’industrie, il s’est réduit de 7 points entre 2008 et 2019 dans l’ensemble de l’économie et de 5 points dans l’industrie.

2.   Un environnement juridique et administratif souvent mis en cause

Lors des auditions, la question d’un environnement juridique et administratif préjudiciable en France à l’implantation des entreprises a été soulevée, à plusieurs reprises, pour expliquer – outre les raisons de délocaliser – les doutes tenaillant les entrepreneurs quant à la volonté d’investir.

Le rapporteur ne souscrit pas à l’ensemble de ces critiques, d’autant que certaines obligations administrative et juridique peuvent s’avérer utiles, voire indispensables, notamment pour certaines entreprises représentant un risque pour leur environnement. L’incendie survenu le 26 septembre 2019 à l’usine Lubrizol, à Rouen, est là pour le rappeler. Les propositions de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur cette catastrophe montrent qu’une culture du risque industriel reste encore à développer en France ([135]).

Le nombre d’accidents sur les sites industriels classés a augmenté de 34 % en France, et leur impact sur l’environnement est croissant. Le Bureau des risques et pollutions industriels (Barpi) a déterminé qu’il y a avait eu 1 112 accidents en 2018 dans des sites classés, contre 798 en 2017 et 827 en 2016, soit une hausse de 34 % entre 2016 et 2018, comme l’a relevé le président de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’incendie de Lubrizol à Rouen, M. Christophe Bouillon. Les seuls sites Seveso (1 312 en France, dont Lubrizol), les installations classées les plus dangereuses, ont connu une hausse de 25 % des accidents en 2018 (22 % en 2017 et 15 % en 2016), précise le Barpi. De plus, les accidents ont un impact environnemental beaucoup plus fréquent, constaté dans 35 % des cas en 2018 au lieu de 25 % en 2017. Le ministère dénombre 18 196 visites d’inspection en 2018, contre 20 000 en 2014, chiffre en baisse de 34 % par rapport à 2006 ([136]). L’industrie reste un secteur où les risques et donc les normes et leurs contrôles restent indispensables.

Outre une bureaucratie trop lourde, voire trop tatillonne, ont été évoqués devant la commission d’enquête, la surrèglementation, le millefeuille administratif ou les seuils réglementaires concernant une représentation syndicale comme autant de freins à l’implantation des usines en France voire expliquant leur délocalisation.

Pour M. Louis Gallois, « la bureaucratie est trop lourde. Le délai d’obtention d’une autorisation d’implantation d’une usine est trop long » ([137]). L’ancien ministre M. Éric Besson ne dit pas autre chose en encourageant à « lutter contre notre bureaucratie et notre système d’autorisation ultrasophistiqué. Les créations d’usines et de bâtiments industriels sont devenues trop lentes et incertaines, ce qui décourage les investisseurs, français comme étrangers » ([138]).

Selon M. Frédéric Viguié, président de Didactic, « la pression réglementaire est, de plus, beaucoup plus forte en Europe et en France qu’en Asie. Le domaine des dispositifs médicaux est de plus en plus encadré par des instances comme les organismes notifiés ou l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) » ([139]).

Si le rapporteur souscrit à la nécessité d’un choc de simplification, il ne cautionne pourtant pas ces propos, même si une amélioration dans les rapports entre les entreprises, l’administration et les agences doit être encouragée. Toute la partie réglementaire qui concerne le contrôle des autorisations en matière de médicaments, l’implantation des établissements industriels classés « Seveso », doit être conservée, pour mettre toujours en premier lieu la sauvegarde de la santé des populations.

Pour M. Alain Sainsot, cet environnement administratif inutile serait porteur de coûts indirects. Ainsi « la problématique actuelle ne concerne pas un formulaire en particulier, mais l’accumulation des formulaires. […] Par exemple, une de mes filiales comportant douze salariés alloue deux collaborateurs à des tâches administratives, ce qui reste cependant insuffisant. Cette situation se répercute sur le coût de revient industriel et donc notre compétitivité. Ainsi, même la Sécurité sociale nous encourage à produire les médicaments génériques en Asie parce que les principes actifs y sont moins onéreux qu’en France. Il ne s’agit donc pas de citer un formulaire en particulier, mais plutôt de dénoncer l’accumulation de déclarations et de contrôles contraignants » ([140]).

La question des contraintes réglementaires croissantes avec la taille de l’entreprise reste un élément souvent cité, malgré les assouplissements adoptés dans le cadre de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE », comme le rappelle M. Vincent Fanon, directeur général associé de Systech, « lorsqu’une entreprise dépasse la barre de la cinquantaine d’employés, elle se heurte à une forme de barrière. […] Le dépassement de ce seuil implique la mise en place de nombreuses actions, ce qui n’encourage pas les entreprises à embaucher » ([141]).

Pour M. Philippe d’Ornano, président du directoire de Sisley, coprésident du METI, c’est « la sur-réglementation, estimée à 60 milliards d’euros dans un rapport récent, [qui] constitue un handicap supplémentaire – même si l’on dispose de moins de mesures. Il nous est plus difficile également de fournir des chiffres comparatifs entre les pays européens mais il existe un impact sur la production française. À la différence de nos voisins, nous avons donc en quelque sorte créé des conditions qui, malgré l’ensemble de nos atouts, pénalisent l’industrie française et ont progressivement favorisé la désindustrialisation » ([142]).

Une étude de l’Organisation de coopération et de développements économiques (OCDE) publiée en 2010 proposait une estimation du « coût total des charges administratives pesant sur les entreprises », et non d’un seul excès de réglementation, à partir d’une estimation des coûts standards. À partir de données recueillies entre 2006 et début 2008, l’OCDE évalue ce coût total à 60 milliards d’euros annuels, soit 3 % du PIB de l’époque ([143]). Depuis lors, d’autres études de l’OCDE sont beaucoup plus prudentes : en 2019, elle écrivait que « L’application de différents seuils réglementaires et d’imposition pourrait rester un frein à la croissance des entreprises, dans la mesure où les petites entreprises pourraient hésiter à les dépasser. Selon certaines études, le coût de telles réglementations représenterait entre 0.3 et 4 % du PIB […], selon le degré de rigidité à la baisse des salaires, bien qu’une étude antérieure ne laisse entrevoir qu’un faible impact sur la distribution de la taille des entreprises » ([144]).

Quant à M. François Bayrou, Haut-commissaire au Plan, il a évoqué les difficultés et le millefeuille administratif que la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe » n’a pas suffi à rationaliser, notamment dans les régions fusionnées à la suite de la loi nᵒ 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Pour M. Éric Besson, les avancées permises par la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « loi ASAP », qui a significativement réduit les procédures, en donnant des pouvoirs de dérogations locales aux préfets, pour retrouver un niveau administratif semblable à celui de pays européens, ne sont pas suffisantes, car « en comparaison avec nos principaux concurrents, les délais d’implantation d’une activité industrielle en France sont toujours beaucoup plus longs. Cela ne touche pas que l’industrie, mais nos infrastructures de façon générale » ([145]).

Plus que les procédures administratives, la France reste victime de sa réputation de pays sur-réglementé, même si les exemples précis présentés par les personnes auditionnées restent d’ampleur limitée.

II.   Des arbitrages et des positionnements des acteurs Économiques peu propices au maintien ou au dÉveloppement de l’activitÉ industrielle

Selon M. Matthieu Crozet, professeur d’économie à l’université Paris-Saclay, la désindustrialisation, « c’est-à-dire la décroissance de la contribution de l’industrie à la production de richesse nationale, est […] un phénomène continu et visible partout, même si l’intensité peut varier ».([146]) Cette observation conduit à relativiser l’importance du phénomène de désindustrialisation, qui n’est pas uniquement un tropisme français, même si les industriels français ont pu davantage jouer la carte de la désindustrialisation en comparaison avec leurs homologues européens et ceci, notamment pour des raisons souvent socio-culturelles.

En outre, toujours selon M. Matthieu Crozet, aujourd’hui la frontière entre industrie et services est souvent floue « dans la mesure où une partie du secteur tertiaire correspond à des services autrefois intégrés à des usines et qui ont été externalisés. Je pense par exemple à la maintenance, qui est fréquemment externalisée à l’heure actuelle. Inversement, de nombreuses entreprises industrielles vendent des services voire y consacrent toute leur activité. Amazon est considérée comme une entreprise de services mais son organisation est profondément industrialisée : transport, gestion des flux, approvisionnement en énergie des fermes de serveurs, etc » ([147]).

Poser la question de la désindustrialisation peut donc s’entendre dans une acception relativement large, celle de la perte d’entreprises créant de la richesse sur un territoire donné, entreprises qui contribuent à l’activité et à l’aménagement de ce territoire.

À ce titre, force est de constater que la désindustrialisation en France est particulièrement marquée. Ainsi, selon les chiffres présentés par M. Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School, malgré une augmentation du poids de l’industrie dans le PIB à l’échelle de l’Union européenne, qui « passe de 19 % en 2000 à 19,7 % en 2019 », on observe une disparité au sein de l’Union européenne : « la France est parmi les pays où ce taux est le plus faible (13,5 % en 2019) et les pays d’Europe de l’Est (Tchéquie, Slovaquie, Pologne, Hongrie, Roumanie) affichent les taux les plus élevés »([148]).

Pour lui, entre 2000 et 2019, le « centre de gravité de l’industrie européenne s’est donc décalé vers l’est. Le taux d’augmentation [de la production industrielle] atteint 350 % en Slovaquie, 300 % en Pologne et 200 % en Hongrie » ([149]).

France Stratégie, dans son rapport, Les politiques industrielles en France. Evolutions et comparaisons internationales, remis à l’Assemblée nationale, en novembre 2020, établit un constat similaire([150]). Comme l’a rappelé M. Philippe Frocrain, l’un des auteurs du rapport, « la France est le pays du groupe des sept (G7) le plus désindustrialisé, à égalité avec le Royaume-Uni »([151]).

A.   Une inclinaison franÇaise pour la dÉlocalisation et une absence d’anticipation des ruptures transformant les filiÈres Économiques

Si la France affiche un taux de désindustrialisation supérieur à celui de ses voisins européens, même si le phénomène de désindustrialisation est consubstantiel à celui d’industrialisation, ce n’est qu’en partie dû à des facteurs exogènes désormais bien identifiés par les économistes, les acteurs industriels et les décideurs publics.

En effet, la désindustrialisation massive des pays industrialisés est un phénomène daté, qui apparaît dès le premier choc pétrolier de 1974, et s’accentue à la fin des années quatre-vingt-dix, avec l’apparition de la mondialisation des échanges. Pour autant, ce phénomène touche l’ensemble des pays industrialisés et ne suffit pas à expliquer l’écart en termes de désindustrialisation entre la France et les autres pays européens.

Néanmoins, des facteurs endogènes, tenant à la particularité de l’écosystème industriel français ainsi qu’au rapport socio-culturel que les Français entretiennent avec l’industrie et le monde industriel, peuvent expliquer cette spécificité française, le choix de désindustrialiser reposant principalement sur des choix stratégiques erronés opérés par les entreprises françaises et les pouvoirs publics, à partir de l’an 2000.

La désindustrialisation s’est ainsi traduite en France par une importante délocalisation des usines de production, ce qui n’a pas été sans conséquences sur l’emploi et les territoires.

Comme l’a rappelé Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie ([152]) : « En vingt ans, plus d’un million d’emplois industriels nets ont été détruits : des pans entiers de notre industrie ont été délocalisés et des territoires se sont retrouvés abandonnés. Au début des années 2000, près de 70 000 emplois nets disparaissaient chaque année. Entre 2010 et 2017, la France a perdu en moyenne, chaque année, 28 000 emplois industriels nets ».

Quant à M. Arnaud Montebourg, ancien ministre de l’Économie, du redressement productif et du numérique, il n’a pas hésité à employer le terme « d’hémorragie » ([153]) pour qualifier l’ampleur du phénomène de délocalisation et fermetures d’usines lorsqu’il était aux responsabilités.

1.   Des causes exogènes : une concurrence exacerbée sur la scène internationale priorisant la compétitivité prix et les délocalisations

Parmi les causes exogènes bien identifiées par l’ensemble de la communauté des économistes se trouve, outre la mondialisation des échanges, la financiarisation de l’économie qui accentue le phénomène de désindustrialisation en priorisant la compétitivité prix sur la compétitivité hors-prix.

L’émergence de capacités industrielles en Asie, notamment, a amplifié également le phénomène de délocalisations des entreprises vers un marché où le prix du facteur travail est le moins cher.

En outre, au sein de l’Union européenne, la création de l’euro ne permet plus, dans une Europe qui n’est pas une zone monétaire optimale, d’utiliser l’arme de change pour jouer sur la compétitivité prix, élément largement sous-estimé par les décideurs publics, et qui explique que la délocalisation des facteurs de production ait pu se faire en partie vers l’Est de l’Europe, dans des pays, où le prix du facteur de travail, à qualification égale, était largement inférieur à celui du marché français du travail.

M. Philippe Portier, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) a ainsi précisé devant la commission d’enquête que la financiarisation de l’économie avait conduit à des choix de court terme qui s’étaient traduits par des délocalisations. Or, « les délocalisations sont responsables d’au moins un tiers de la baisse des emplois dans l’industrie »([154]).

En effet, pour lui, « La compétitivité n’est abordée, notamment par les dirigeants et organisations patronales, que par la dimension des coûts. Les demandes de baisse d’impôts et de charges ont été régulières ces dernières années. Elles n’ont pourtant pas enrayé le phénomène de baisse de l’industrie dans notre pays » ([155]).

Pour M. Emmanuel Jessua, directeur des études au sein de Rexecode, le constat est similaire. Ainsi, « il semble par ailleurs que les grands groupes aient eu tendance à produire au niveau des marchés de destination plutôt que sur le territoire français. La divergence de la dynamique du coût du travail a pu inciter ces grands groupes à délocaliser et à produire à proximité des marchés de destination et à moindre coût » ([156]).

M. Philippe Frocrain, co-auteur du rapport de France Stratégie précité, observe ainsi que la perte d’emplois industriels en France due aux délocalisations s’est traduite pour les multinationales par des créations d’emplois dans leurs filiales à l’étranger : « Dès lors, les multinationales ont en partie compensé cette augmentation des coûts de production par des délocalisations à l’étranger. En effet, pour cent emplois industriels sur le sol français, on compte en moyenne soixante-deux emplois industriels dans les filiales à l’étranger (versus cinquante-deux au Royaume-Uni, trente-huit en Allemagne et vingt-six en Italie) » ([157]).

2.   Des causes endogènes : les choix stratégiques erronés faits par les entreprises et les pouvoirs publics

a.   Une responsabilité partagée par les entreprises et les pouvoirs publics

Pour M. Eric Besson, ancien député, ancien ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, président de Sicpa Maroc, les responsabilités sont partagées : « Qui en est responsable ? Pour partie personne. Pour partie tout le monde. […], ce déclin résulte tant des pouvoirs publics que des entreprises et du secteur bancaire, ainsi que des acteurs de la vie sociale. Nous sommes tous responsables, qu’il s’agisse des prélèvements obligatoires, des insuffisances de notre système de formation, des choix stratégiques des entreprises, du retard de notre adaptation à la révolution numérique, du manque de solidarité interentreprises (sachant que les logiques de « grappes » et de « chaîne de PME » étaient déjà évoquées dans les années 1970, respectivement en Italie et en Allemagne). Nous sommes également tous responsables de nos difficultés à orienter l’épargne et le financement vers l’industrie ou des carences de notre dialogue social » ([158]).

Ce constat posé est développé par plusieurs personnes auditionnées par la commission d’enquête.

Selon M. Eric Besson, la solidarité interentreprises en Allemagne n’a jamais fait défaut, alors qu’il a fallu inventer, en France, les filières et les contrats de filière pour permettre aux entreprises de coopérer. Cela s’est traduit par des choix stratégiques opérés par les entreprises, en grande partie dirimant : « La responsabilité des entreprises résulte également de l’incapacité des organisations syndicales patronales et salariées à s’accorder. Les entreprises sont aussi responsables de plusieurs mauvais choix stratégiquesbien qu’il soit aisé de juger a posteriori. Ainsi, la politique de désengagement de certains secteurs s’est avérée une erreur stratégique fondamentale lorsque de nouveaux acteurs sont apparus sur la scène internationale » ([159]).

Mme Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au centre de recherche sur les économies et sociétés des arts et des techniques de l’Université de Haute Alsace, et consultante, fait un constat similaire. Pour elle, ces erreurs stratégiques reposent essentiellement sur les choix stratégiques erronés opérés par les entreprises. Ainsi, « tous les pays n’ont pas réagi de la même manière. L’Allemagne a par exemple mis en place le plan Industrie 4.0, qui avait pour but de répondre à ces nouvelles menaces » ([160]).

M. Vincent Vicard, responsable du programme Analyse du commerce international au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), souligne également le rôle particulier joué par les multinationales françaises, notamment dans le secteur automobile, qui contrairement à leurs homologues allemandes ont préféré délocaliser : « Les constructeurs automobiles français font assembler leurs véhicules à l’étranger pour ensuite les importer et les vendre en France. […] Nous n’avons pas vu de maintien d’emplois dans l’industrie automobile même lorsque l’État était actionnaire » ([161]).

Le rapport de France Stratégie ([162]) rappelle également que les choix opérés par la puissance publique, augmentation des coûts des impôts de production, de l’impôt sur les sociétés, ainsi que choix d’une politique de demande au moment où l’Allemagne choisissait une politique d’offre ont conduit à cet écart de compétitivité prix entre pays européens, ce qui a accentué les délocalisations, notamment à l’Est de l’Europe où le coût du travail était moins cher.

Outre ces choix stratégiques erronés opérés essentiellement par les grands groupes, une certaine idéologie n’a pas permis d’anticiper les ruptures technologiques qui auraient nécessité de garder un terreau industriel, sur lequel fructifie l’innovation. Un consensus est apparu sur cette question lors de l’ensemble des auditions : la disparition du tissu industriel a conduit à la perte de la R&D qui lui était associée.

b.   Une politique conceptuellement erronée : le rêve d’une France « sans usine »

Le 26 juin 2001, lors d’un colloque à Londres, Serge Tchuruk, président – directeur général d’Alcatel de l’époque, déclare : « Nous souhaitons être très bientôt une entreprise sans usine ». Il donne ainsi le coup d’envoi à la cession ou à la fermeture de la majorité des 120 usines de son groupe. Cette stratégie du « fabless », consistant pour les entreprises à se concentrer sur la conception des produits tout en déléguant leur fabrication à des sous-traitants, s’est avérée être une utopie coûteuse en termes de perte d’emplois et de souveraineté.

M. Alain Sainsot, président de GTP-Bioways, a rappelé qu’il « avait eu l’occasion d’affirmer que la France était « fâchée » avec ses usines. Lorsque j’étais étudiant en pharmacie, certains intervenants me conseillaient de me diriger vers le marketing ou la vente plutôt que vers la production industrielle, presque régressive car nous traversions alors la grande époque du fabless » ([163]).

Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, directrice de recherche au CNRS, chargée d’enseignements à l’université de Paris-Nanterre et à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, a dénoncé un choix assumé de renoncement à l’économie productive : « Pendant des années, une désindustrialisation triomphante a été menée, chacun se rappelle des propos de Serge Tchuruk qui se réjouissait de voir une France sans usine et des usines sans salariés. Plusieurs rapports, y compris parlementaires, jugeaient que le recul de l’industrie représentait l’entrée dans la modernisation, et que de même que la révolution industrielle avait causé le retard de l’agriculture, l’avenir résidait dans la tertiarisation et la dématérialisation de l’économie » ([164]).

Le choix de la rentabilité à court terme a primé sur l’investissement sans tenir compte du fait que la délocalisation conduirait à des pertes en termes d’innovation et notamment dans la capacité des usines à créer de l’innovation de rupture.

Non seulement la spécialisation attendue entre des pays développés concepteurs en termes de R&D et des pays en voie de développement dont la Chine, ateliers du monde, n’a pas eu lieu, mais la délocalisation a conduit à une montée en gamme de ces mêmes pays en voie de développement et à un déclassement relatif des pays industrialisés.

Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, a rappelé que « des économistes comme Jean-Hervé Lorenzi en 2004 puis le rapport Gallois de 2012 après la crise financière de 2009 ont remis la question de la désindustrialisation au centre des enjeux de la puissance publique. Une partie des services, notamment ceux à forte intensité en connaissance, sont extrêmement dépendants de l’industrie. Il était illusoire de croire que l’Europe et la France pourraient garder l’amont et l’aval des filières de la production, de la recherche et développement (R&D) et du marketing et délocaliser le reste. Les pays où nous avons délocalisé, la Chine en tête, ont très bien su s’approprier le segment amont de la filière([165]).

M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), a également précisé que la stratégie de Lisbonne telle que définie par l’Union européenne au début des années 2000 avait conduit à une impasse : « Les activités à faible valeur ajoutée devaient s’installer dans des pays à bas coût de production qui devenaient les fournisseurs et sous-traitants de l’industrie française et européenne. Parallèlement, l’industrie française et européenne devait se réserver les productions à forte valeur ajoutée. Or la Chine ne fabrique plus uniquement des t-shirts, elle produit également des avions et des satellites. Parallèlement, les employés du secteur de la chaussure ne sont pas pour autant devenus des ingénieurs électronucléaires. Un découplage s’est effectué entre une stratégie qui se voulait haut de gamme et applicable à l’ensemble des forces de travail européennes, mais la différenciation ne s’est pas déroulée comme prévu » ([166]).

M. Luc Chatel, ancien secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, président de la Plateforme de la filière automobile, fait un constat similaire : « La France a longtemps distingué entre la recherche fondamentale, la recherche appliquée et la production. Or les trois dimensions sont imbriquées et obtenir des avancées rapides demande de les conjuguer. Disposer d’un site de production au Maroc impose d’y avoir également une partie de R&D directement reliée à celui-ci. Par ailleurs, la France n’a plus cet attrait supplémentaire pour attirer la R&D par rapport aux autres pays. D’une part, parce que les ingénieurs étrangers ont un haut niveau de qualité et d’autre part, parce que leur coût est moindre que celui des ingénieurs français. Les nouveaux modes de production et les écarts de compétitivité font peser un risque de localiser de la R&D dans d’autres pays, indépendamment de la seule volonté des constructeurs » ([167]).

M. François Bayrou, Haut-commissaire au Plan, l’a particulièrement souligné. « C’est une loi à laquelle on ne pense jamais assez : la perte de la production d’un produit ne signifie pas seulement la perte d’emplois et de bénéfices au présent ; elle représente surtout une perte pour l’avenir. Cela signifie que la recherche et développement (R&D) n’est plus menée dans le secteur en question ; que l’on ne travaille plus sur le design et le développement du produit. Et, progressivement, on se retrouve exclu de l’avenir d’un secteur de production, des potentiels que comporte l’évolution d’un produit » ([168]).

M. Christophe Beaux a également mis en exergue les conséquences délétères de n’avoir pris en considération dans les choix opérés que la compétitivité prix, car elle n’est pas sans conséquences sur la compétitivité hors-prix. Ainsi, « il existe un cercle vicieux entre la compétitivité prix et la compétitivité hors-prix par le biais des marges. Dès lors que nos prix ne sont pas satisfaisants, les marges sont restreintes. Or ceci constitue un frein évident à l’investissement. Ainsi entre 2003 et 2015, les investissements en machines-outils en France ont baissé de 21 % quand ils ont augmenté de près de 20 % en Allemagne. L’écart se creuse entre les appareils productifs de ces deux pays » ([169]).

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, a quant à elle rappelé que la délocalisation a des effets délétères, en termes de perte d’emplois, mais également sur la polarisation du marché du travail en France, les emplois industriels étant en général des emplois intermédiaires. Ainsi : « dans l’industrie, 5 % des salariés sont rémunérés au SMIC, contre 13 % dans le secteur privé en moyenne » ([170]).

La Chapelle-Darblay : un site dont l’avenir industriel doit être préservé

En septembre 2019, le papetier finlandais United Paper Mills (UPM) a annoncé la cession de la papeterie Chapelle-Darblay de Grand-Couronne (Seine-Maritime), dont il est propriétaire. L’avenir de ce site industriel hautement symbolique, étant historiquement le premier site national de recyclage de papier, fait l’objet d’intenses tractations autour de sa relance ou de son arrêt. Avec une capacité de traitement de 40 % des papiers et cartons à recycler collectés en France, l’usine constitue le premier débouché de la collecte française. Secoué par de multiples crises et plusieurs grèves, le site a été notamment la victime du déclin structurel de la presse imprimée.

En 2020, le site est fermé et les 230 salariés sont licenciés.

Suite à la mise en vente du site par UPM, deux projets industriels se sont portés candidats :

– Veolia a proposé de relancer la production de 400 000 tonnes de carton ondulé issu de papier pour ondulé. Ce projet correspond à peu près à la vocation première du site, spécialisé dans le papier journal ;

– Paprec et Samfi ont souhaité développer une activité de tri de papiers et de carton usagers, sans recyclage sur place, tout en mettant en place d’ici trois à cinq ans une unité de production d’hydrogène. L’activité envisagée de tri de papier et de carton usagé, impliquerait un recyclage ou un brûlage sur un autre site que le site industriel de la Chapelle Darblay.

Le 15 octobre, UPM indique avoir choisi la solution portée par Paprec. Estimant que ce choix ne respecte pas le caractère industriel du site, la métropole de Rouen envisage de préempter le site pour en maintenir le caractère industriel. Les ministres Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher estiment, eux, que l’offre alternative de Veolia mérite d’être examinée dans le détail, dès lors que cette proposition industrielle de reprise n’a été déposée que le 14 octobre, veille du choix par UPM en faveur de la solution portée par Samfi et Paprec. L’examen de la deuxième offre a pu alors s’avérer bien plus lapidaire que celui de l’offre de Samfi et Paprec.

Les causes des difficultés de ce site industriel sont multiples et composites. La survie des filières papiers et cartons semble également structurellement dépendante du marché de la presse.

M. Stéphane Panou, directeur Recyclage et valorisation matières au sein de Paprec Group, président de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (FEDEREC) filière papiers-cartons, évoque en effet « la crise importante que traverse depuis quelques années la consommation de papier et en particulier de papier journal ». Il précise que « depuis une dizaine d’années, nous observons une baisse régulière de l’ordre de 5 % à 6 % de la consommation de papier journal issu du recyclage, ainsi qu’une accélération de cette tendance ces dernières années puisqu’une baisse de l’ordre de 14 % a été observée en 2019, et de l’ordre de 20 % en 2020 » ([171]). Selon lui, la problématique serait structurelle, et commune à l’ensemble du secteur, puisque la France se révèle aujourd’hui « excédentaire de 1,3 million de tonnes en termes de collecte par rapport à la consommation des entreprises papetières ». Il existerait donc théoriquement des débouchés pour une autre papeterie mais difficilement pour un papetier qui fabriquerait du papier journal issu de papier recyclé. S’ajoute à cela une dimension conjoncturelle déterminante dès lors que le marché des matières recyclées est soumis à une fluctuation des cours qui influence considérablement cette industrie.

La ministre déléguée à l’Industrie, Mme Agnès Pannier-Runacher, assure qu’une solution territoriale a été trouvée, dès lors que l’usine d’Alizay, à une vingtaine de kilomètres du site de la Chapelle Darblay va « probablement prendre une partie des volumes de papier à recycler et qu’il faut une répartition raisonnable sur le territoire » ([172]).

Si la filière de recyclage du papier journal va devoir s’adapter à une diminution drastique des volumes, le maintien d’une activité industrielle sur le site de la Chapelle-Darblay nécessite que l’État et les collectivités territoriales s’impliquent pour défendre un projet viable et porteur d’emplois.

Source : Auditions de la commission d’enquête.

3.   Un facteur culturel : analyse comparée de deux écosystèmes industriels celui de la France et celui de l’Allemagne

Il ressort des auditions de la commission d’enquête qu’un certain nombre d’interlocuteurs n’ont pas hésité à mettre en évidence un facteur culturel pour expliquer l’ampleur du phénomène de délocalisation en France.

Outre une aversion au risque propre aux investisseurs institutionnels et aux entrepreneurs français, ce facteur culturel apparaît essentiellement lorsque l’on compare l’écosystème industriel allemand à l’écosystème industriel français et explique en partie la préférence pour la délocalisation à celle pour l’investissement dans un territoire. Mais elle explique également le succès allemand en matière industrielle ainsi que l’écart de production entre les deux pays aujourd’hui.

a.   Une aversion culturelle au risque propre à la France

Concernant l’aversion au risque, M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, n’a pas hésité à reconnaître que, par le passé, l’industriel avait pu avoir un comportement « conservateur » ([173]). Cette aversion au risque se traduit notamment par une difficulté culturelle à penser et accompagner l’innovation.

Même si pour lui il faut conjuguer ce comportement au passé, pour M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, il est toujours prégnant. En effet, « notre pays aime le succès, déteste l’échec et n’aime pas beaucoup le risque. En France, l’échec est coupable. Dans les grands pays du capital-développement, un échec ne prive pas d’une possibilité de financement d’un nouveau projet enthousiasmant. La France affiche une attitude timorée vis-à-vis des risques et la capacité de prise de risques des personnes publiques est extrêmement limitée. Dès lors, il serait vain d’imaginer que nous serons capables d’imiter l’Agence pour les projets de recherche avancée de défense – Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) américaine. La DARPA agit dans un domaine où elle peut engager des tickets considérables et échouer sans en être blâmée. Elle sera toujours accompagnée d’investisseurs privés qui auront investi dix fois la mise – ce que nous n’avons pas non plus en France –, auront perdu leur investissement, et tout le monde considérera que le défi méritait d’être relevé. En France, ce ne serait pas possible » ([174]).

À cela pourrait s’ajouter une préférence pour le court terme. Une étude ([175]) a montré que les pays disposant « collectivement » d’une vision partagée à long terme disposeraient d’un PIB par tête plus élevé. Ils se différencieraient des autres par une vision et une réflexion prospective qui les conduit souvent à encourager et accompagner l’investissement du secteur privé dans l’innovation et les secteurs stratégiques. L’Allemagne est ainsi classée comme première puissance selon ce critère de vision et d’orientation de long terme, et la France est classée cinquième ([176]).

Il est ainsi possible que la France dispose d’une difficulté propre à penser l’innovation de rupture, l’avancée qui va révolutionner tout un marché et rebattre durablement les cartes entre ses acteurs.

La situation d’ArianeGroup, soumise à une concurrence renouvelée de la part d’un nouveau secteur privé du lancement spatial aux États-Unis, et qui n’a pas anticipé la demande de mise en orbite de constellations de petits satellites et l’arrivée de lanceurs réutilisables à bas coût, pourrait être emblématique.

Le site d’ArianeGroup à Vernon, victime d’arbitrages politiques au sein de l’Union européenne dans un contexte de révolution de l’industrie spatiale

Le site de Vernon, dans l’Eure, fait face à une double difficulté : une concurrence féroce notamment de l’entreprise américaine Space X, ainsi que des arbitrages intra-européens défavorables à l’emploi dans l’Eure.

Cette problématique s’est transformée en impasse : le 24 septembre 2021, le groupe annonce qu’il s’apprête à supprimer 600 postes en France et en Allemagne d’ici à la fin de l’année 2022.

Le point de départ de cette situation délicate semble être un indéniable écart de compétitivité avec le concurrent américain Space X, qui bénéficie des contrats de la NASA et s’avère fortement accompagné par les pouvoirs publics américains, ce qui lui permet de développer des innovations de rupture.

Contrairement aux Falcon de SpaceX, l’Ariane 6 ne sera qu’en partie réutilisable et le prix de ses vols commerciaux devrait être deux fois plus élevé que ceux de la société conçue par Elon Musk. La baisse de compétitivité du géant européen s’observe aussi dans le ciel. En 2020, seules quatre fusées européennes, Ariane 5 ou Vega, italienne, ont été placées en orbite, contre 35 fusées chinoises et 40 américaines. Parmi ces dernières, 25 provenaient de chez SpaceX. En effet, l’entreprise californienne a réussi à attaquer le fleuron européen sur le secteur privé – dont elle était dépendante. « SpaceX a ravi à la société Arianespace la position de leader sur le marché commercial en 2017 », indique la Cour des comptes dans son rapport public annuel pour 2019 ([177]).

Selon Bank of America, l’industrie spatiale mondiale passera d’environ 400 milliards de dollars en 2019 à 1400 milliards de dollars d’ici à 2030. « Quand Arianegroup, l’ESA et les agences spatiales nationales ont entrepris de développer Ariane 6 [en 2014], ils ont sous-estimé à quel point le marché des lancements spatiaux commerciaux serait compétitif d’ici à 2020 » ([178]), souligne auprès du Financial Times Caleb Henry, analyste chez Quilty Analytics, un groupe de recherche de l’industrie spatiale. Depuis le décollage du Falcon 9 de SpaceX il y a dix ans, l’avenir s’est donc obscurci pour Arianegroup. Selon un rapport de la Nasa en 2018, le coût de lancement moyen de 18 500 dollars par kilogramme entre 1970 et 2000 a été divisé par sept avec le Falcon 9.

Dans ce marché en forte mutation, la tendance est aux satellites plus petits, qui coûtent beaucoup moins cher à lancer. Euroconsult estime qu’en moyenne 990 satellites de toutes tailles seront lancés chaque année au cours de la prochaine décennie, soit plus de quatre fois le volume de la précédente. La plupart seront de petits satellites de moins de 500 kilos, un marché sur lequel l’entreprise d’Elon Musk a su faire main basse. Le 24 janvier 2021, SpaceX a déployé 143 petits satellites en une seule mission, pulvérisant le record précédent indien qui en comptait 104. Lancé en 2019, ce nouveau service de Space X permet des lancements à des prix très compétitifs : le ticket de transport s’affiche à 1 million de dollars pour des engins de moins de 200 kilos.

Les arbitrages intra-européens d’ArianeGroup doivent cependant interpeller : un accord franco-allemand, négocié par M. Bruno Le Maire et signé en juillet 2021, prévoit un financement supplémentaire de 140 millions d’euros par an pour assurer la viabilité économique d’Ariane 6 et comprend le transfert de la production de Vinci, le moteur réallumable de l’étage supérieur du lanceur Ariane 6 de Vernon, activité dont la France assurait la maîtrise depuis des décennies, vers le site d’ArianeGroup à Ottobrunn, en Allemagne.

Ce transfert représente 40 emplois, selon la direction du groupe. Vernon recupèrera cependant, en contrepartie de la perte de l’assemblage du Vinci, la production des turbopompes (actuellement fabriquées en Italie) des moteurs des premier et deuxième étages d’Ariane 6, Vulcain et Vinci.

Vernon a également été choisi pour être le lieu du développement du futur mini-lanceur réutilisable, équivalent de la fusée Falcon 9 développée par Space X.

L’État souhaite plus que préserver les emplois existants sur le site : « Aujourd’hui, il y a un peu plus de 800 emplois sur le site de Vernon, à l’horizon 2025 il y en aura près de 1 000 » ([179]) (950 exactement) assure M. Bruno Le Maire.

La mobilité du facteur travail au sein de l’Union européenne étant néanmoins difficile, « le groupe s’est engagé à ce qu’il n’y ait aucun départ contraint » ([180]), selon Mme Agnès Pannier-Runacher. 50 millions d’euros d’investissement sont alors prévus, afin de mener à bien une « réorganisation du portefeuille produits, qui ne porte pas sur les fonctions critiques et qui s’accompagne d’investissements et d’un ajustement des emplois qui sera conduit de manière exemplaire » ([181]).

Enfin, un accord a également été trouvé entre ArianeGroup et ses maisons mères, Airbus et Safran, afin de développer des activités de propulsion hydrogène pour l’aéronautique à Vernon, ce qui laisse entrevoir des perspectives industrielles de moyen et long termes, perspectives en accord avec le plan France 2030, qui fait de l’industrie spatiale une priorité.

M. Rémi Lallement, co-auteur du rapport de France Stratégie, a également mis en exergue la frilosité des décideurs publics en termes de marché public, ce qui explique pour lui le retard français en matière d’innovation. Pour lui, « les freins semblent davantage relever du cadre mental de ceux qui passent les marchés publics et de leur capacité à prendre des risques. Il n’existe aucun frein à l’innovation à l’échelle européenne et nous nous heurtons probablement davantage à un problème d’acculturation des décideurs publics qui limitent leur capacité à prendre des risques et privilégient de facto une logique traditionnelle de moins-disant sur le plan des coûts » ([182]).

b.   Un écosystème industriel différent pour des raisons culturelles et historiques

L’une des causes principales de la délocalisation industrielle en France pourrait reposer en partie sur un facteur culturel : la composition particulière de son écosystème industriel en comparaison avec celui de l’Allemagne. Cette thèse a été avancée comme une cause explicative par la plupart des personnes auditionnées par la commission d’enquête.

Il y a une dimension structurelle entre les deux pays, observables par la part de l’emploi dans l’industrie depuis 30 ans.

Évolution de la Part des emplois dans l’industrie manufacturiÈre

Source : Observatoire des territoires, L’industrie dans les territoires français : après l’érosion, quel rebond ? Fiche d’analyse de l’Observatoire des territoires 2018, https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/kiosque/2018-fiche-industrie-lindustrie-dans-les-territoires-francais-apres-lerosion-quel-rebond

M. Gille de Margerie, commissaire général de France Stratégie, a notamment souligné devant la commission d’enquête, notamment à propos de l’industrie automobile, que la France avait un écosystème particulier, composé essentiellement de grands groupes opérants par définition à l’international et que cette structure particulière explique l’importance de la délocalisation par rapport au tissu industriel italien et allemand, davantage composés de petites et moyennes entreprises (PME) et d’entreprises de taille intermédiaires (ETI) qui n’ont pas par définition, vocation à créer de l’emploi à l’étranger ou dans leurs filiales. Ainsi, « La France est donc un des pays européens qui a le plus délocalisé. Une des raisons réside dans le fait que la France compte de grands groupes très internationaux dont la vocation consiste à créer des emplois hors de France. Les économies allemande et italienne reposent sur des entreprises moyennes qui se délocalisent beaucoup moins parce qu’elles ne disposent pas d’une profondeur suffisante de ressources humaines et de cadres expatriables. La structure industrielle de la France, portée par de très grands groupes, n’a pas favorisé le maintien de l’emploi industriel en France » ([183]).

M. Jean-Michel Pourteau, représentant au sein du comité stratégique de filière mines et métallurgie (CFE-CGC), fait un constat similaire : « L’écosystème industriel en France est particulier, car il regroupe de grands groupes mondialisés et un tissu de PME et de TPE (très petites entreprises) qui concentrent la majorité des emplois, notamment 90 % des emplois dans la métallurgie. Pourtant, ce sont les grands groupes qui imposent leurs vues » ([184]).

Pour M. Xavier Ragot, professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire des conjonctures économiques (OFCE), ce déséquilibre, et surtout la quasi absence d’ETI, est un facteur explicatif d’une désindustrialisation conduisant à des délocalisations : « nous sommes dotés de très grands groupes, de petites et moyennes entreprises (PME), mais quasiment pas d’entreprises de taille intermédiaire (ETI), ces dernières étant la force du Mittelstand allemand – les entreprises détenues par des actionnaires familiaux avec un long horizon d’investissement. Le tissu industriel du nord de l’Italie est également très fort, avec de PME fonctionnant en interaction, de manière efficace » ([185]).

La force de l’Allemagne réside ainsi dans un écosystème industriel différent, ce qui explique qu’elle n’est pas eue à souffrir de la délocalisation. Selon M. Christophe Beaux, directeur général du MEDEF, « En premier lieu, nous manquons d’un véritable Mittelstand français. Nous disposons en France de 6 000 ETI, alors qu’il en existe 13 000 en Allemagne et 10 000 en Italie et au Royaume-Uni. […] Le Mittelstand permet un ancrage local des entreprises et une transmission familiale ou une organisation de la transmission du capital qui font défaut dans l’organisation française » ([186]).

Cet argument est souvent avancé, mais empiriquement peu justifié en raison des difficultés à définir statistiquement le Mittelstand. En Allemagne, le terme de Mittelstand est une notion courante pour désigner tant l’artisan que l’entreprise de plus de 1 000 salariés. La définition du Mittelstand repose sur des critères avant tout qualitatifs : l’autonomie juridique et commerciale des entités juridiques indépendantes que sont les PME allemandes, et le mode de gouvernance orienté sur le long terme qu’induit la situation patrimoniale d’entreprises généralement familiales. Ce mode de gouvernance est considéré comme nettement plus durable qu’une stratégie visant une rentabilité sur le court terme plus commune dans les grandes sociétés par actions. Le Mittelstand renvoie à l’idée d’entreprises familiales, indépendantes avec un attachement fort à leur territoire et une inscription dans la durée : il s’agit donc une catégorie finalement plus culturelle que statistique ([187]).

Aussi chiffrer la prédominance du Mittelstand dans l’industrie allemande est malaisé. Il existe des données sur le statut juridique des entreprises, mais elles n’informent pas sur la structure patrimoniale ni sur l’influence des propriétaires sur la gouvernance des entreprises. Quoi qu’il en soit, la part des sociétés par actions (y compris celles qui ne sont pas cotées en bourse) parmi toutes les entreprises industrielles s’élevait à 15 % en Allemagne en 2009 – autant qu’en France. Mais il n’est pas possible de savoir combien d’entre elles sont pilotées par un entrepreneur possédant une part déterminante de leur capital et disposant d’une influence décisive sur leur stratégie opérationnelle ([188]).

Par ailleurs, la force de l’industrie française, les grands groupes, « sur les 500 plus grande fortunes mondiales, 31 sont des grands groupes sur le territoire français » est également sa faiblesse puisqu’ils ne réalisent que 15 à 20 % de leur chiffre d’affaires sur le sol français. Ainsi « leur tropisme en termes d’investissement ou d’effort managérial est tourné vers la chaîne de valeur où qu’elle se trouve, y compris en dehors du territoire français. Leur stratégie est mondiale. La place de la France a tendance à être minoritaire dans leur activité » ([189]).

M. Christophe Beaux soulève le caractère historique et culturel de cette différence, qui pourrait néanmoins être remise en cause par les conséquences de la crise due à la Covid-19 – les Français semblant aujourd’hui avoir plus d’appétence pour la périphérie que pour les tours de la Défense – ce qui reste encore à confirmer. Ainsi pour lui, « historiquement, notre pays a toujours été très centralisé. Il est logique que les ETI soient plus nombreuses dans un pays fédéral tel que l’Allemagne, ou de nature plus polycentrique comme l’Italie. Cette forte dichotomie entre des petites entreprises sous-traitantes de grands groupes s’explique aisément dans notre pays jacobin. Cette mise en réseau d’ETI plus familiales, de taille moyenne et plus stables dans le long terme se retrouve plus aisément dans des pays polycentriques comme l’Allemagne et l’Italie. Il s’agit également d’un aspect culturel : ainsi, nos jeunes diplômés ont une faible appétence pour l’industrie. Les étudiants rêvent davantage des tours de la Défense que des usines à Valenciennes » ([190]).

M. Mathieu Plane, directeur-adjoint du département analyses et prévisions de l’OFCE, porte une analyse similaire à propos des choix opérés par les grands groupes. Il observe, en effet, « sur la même période 2000-2010, […] une forte augmentation des investissements directs français à l’étranger. Les fonctions de conception et de recherche ont tendance à être maintenues en France mais la production est ailleurs, souvent rapprochées de leurs marchés finaux, puis les dividendes sont rapatriés. Et on remarque qu’au fur et à mesure que la balance commerciale se dégrade, ces revenus versés de l’étranger ont tendance à augmenter. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas compétitifs, et on a eu la naissance de champions internationaux. Quelle est leur contribution à l’économie française et à l’industrie ? » ([191]).

Pour M. Édouard Martin, ancien délégué syndical CFDT d’ArcelorMittal Florange, cette prégnance des grands groupes dans l’écosystème industriel, a des conséquences indéniables sur l’investissement dans le tissu industriel. Contrairement aux Länder qui sont souvent actionnaires d’entreprises stratégiques, les grands groupes, en tant que multinationales privilégie les dividendes à l’investissement dans les entreprises, qu’il s’agisse de la formation professionnelle ou des outils de production. Selon lui, « lorsqu’une entreprise allemande fait des bénéfices, elle en réinvestit en moyenne 80 % et en distribue 20 % aux actionnaires. En France, c’est l’inverse. Je pense que c’est l’une des causes du recul de notre industrie » ([192]).

Et de conclure néanmoins sur une note positive, le fait que la crise actuelle a fait comprendre la nécessité de réhabiliter l’industrie : « cette crise pourrait finalement avoir comme vertu de faire prendre conscience aux grands patrons de l’industrie qu’il n’est plus possible de marcher sur la tête. Nous avons plutôt intérêt à consolider les bases industrielles indispensables » ([193]).

S’il ne s’agit pas de dénoncer les grands groupes en eux-mêmes, il apparaît donc que l’importance des grands groupes industriels dans notre appareil productif a pu conduire à un recours plus massif à la délocalisation.

Aussi un enjeu serait pour la France de construire un Mittelstand français d’ETI, à côté des grands groupes industriels, pour lequel l’ancrage territorial garantira un choix pérenne de son implantation.

La question de la gouvernance des entreprises et des conditions de leur financement se trouve donc être un préalable pour y parvenir.

c.   Une culture de la négociation inexistante en France qui repose sur un manque de représentation des syndicats

Le succès industriel allemand repose aussi sur la présence de syndicats de salariés mobilisés qui, en termes de gouvernance, participent à une forme de co-gestion des entreprises. Le faible taux de syndicalisation en France ne permet pas à ce jour de dupliquer le modèle.

Xavier Ragot, explique ainsi le succès allemand qui fait, selon lui, de l’Allemagne la première puissance industrielle mondiale. Ainsi, « le pays industriel le plus puissant au monde n’est pas la Chine, ce ne sont pas les États-Unis, mais l’Allemagne, notre voisin. Toute la politique économique allemande est orientée vers l’industrie : le prix de l’énergie – inférieurs à ceux payés par les consommateurs allemands –, la formation qui est fortement orientée vers les filières industrielles, la fiscalité, l’exportation comme moteur de la croissance. Ils ont réussi à faire cela malgré un coût social, qui a été accepté, compte tenu du modèle de cogestion » ([194]).

Sans copier l’Allemagne, les raisons tenant à la différence d’écosystème étant essentiellement culturelles et historiques, centralisation française versus système fédéraliste, culture de la négociation versus culture de la polarisation, pour ne reprendre que quelques différences parlantes, accroître la représentation des salariés dans la gouvernance des entreprises demeure néanmoins une piste que le rapporteur entend explorer.

B.   Des conditions de financement perfectibles, en particulier aux stades les plus critiques du dÉveloppement des entreprises innovantes

1.   Une diversité de financements susceptibles de couvrir les besoins dans leur globalité dont l’accès demeure tributaire d’une appréciation du risque parfois restrictive

À leur création, les start-ups connaissent une première année florissante, épaulées par un système français solide favorisant le financement des jeunes entrepreneurs. En revanche, dès le début de leur deuxième année et jusqu’à leur troisième anniversaire environ, ces jeunes pousses font face à de sérieuses carences en termes de financements disponibles au moment même où elles auraient besoin de capital pour accélérer leur développement commercial.

Si elles ne sont pas dotées d’un capital solide à la création, on constate de nombreux abandons sur cette période, illustrés par un taux de défaillance des entreprises de croissance. La probabilité de défaillance atteint son maximum à l’âge de deux ans. On note ainsi que, même si le volume des levées de fonds est raisonnablement maintenu sur la période, la valeur des capitaux engagés est bien moindre : on passe en effet de 2,5 millions d’euros levés entre un et trois ans d’existence à près de 8.2 millions d’euros pour les entreprises de plus de trois ans en moyenne.

Il ressort des auditions de la commission d’enquête que le problème n’est pas l’accès au crédit – tout au moins pour les entreprises déjà assises, la question est autre pour les start-ups qui souffrent de difficultés dans l’accès au financement à l’amorçage, puis dans la phase de développement souvent appelée « vallée de la mort » – mais plutôt la question d’un financement pérenne qui ne repose pas sur une demande de rentabilité à court-terme avec les effets pervers que cela peut induire.

a.   L’absence de mode de financement pérenne : les effets pervers du leverage buy-out (LBO).

La spécialisation de la place financière de Paris sur des structures comme la banque d’affaires ou le rachat avec effet de levier, leveraged buy-out (LBO), qui permet d’augmenter la rentabilité des groupes industriels, induit comme effet pervers principal, une demande de rentabilité accrue sur le court terme pour rembourser la dette liée à l’achat, rentabilité difficilement compatible avec le besoin d’investissement des entreprises sur un temps long.

Pour M. François Geerolf, « quand on demande à un groupe industriel de réaliser des performances de 15 %, il ne peut travailler sur le long terme. La structure actionnariale en France conduit à une vision à court terme à l’anglo-saxonne » ([195]). Mme Nadine Levratto porte un constat similaire : « les LBO en cascade ont tendance à épuiser les entreprises puisque la cible doit rembourser l’acquéreur, ce qui ne favorise pas l’investissement à long terme des entreprises » ([196]). La France avait une structure de financement similaire à celle existant en Allemagne – à savoir une forme de capitalisme familial, qui par définition nécessite des investissements sur le long terme, or un tournant s’est opéré dans les années quatre-vingt, avec la financiarisation de l’économie française. Ainsi, « la France […] s’est mise à ressembler à la Grande-Bretagne. Cette bifurcation très marquée au moment de la financiarisation de l’économie française se poursuit aujourd’hui avec l’arrivée d’une partie de la City de Londres à Paris » ([197]).

M. Alexandre Saubot porte une analyse identique mais néanmoins plus nuancée. « Pendant de nombreuses années, seule la fiscalité de la dette était plus avantageuse que nos grands voisins. Ce constat a généré une propension à disposer de fonds financés par la dette, tels que les rachats à effet de levier ou Leverage Buy Out (LBO), qui étaient devenus en France, l’un des grands acteurs de la gestion de la transmission et du développement » ([198]). Pour autant, « si le LBO n’avait pas existé, la situation aurait été pire encore. Il a pris la place qui fut la sienne parce qu’il était compatible avec l’ensemble des règles imposées à notre environnement. Néanmoins, plus l’industriel est financé à travers le capitalisme familial ou un actionnariat de très long terme, plus il a de chances de réussir » ([199]).

C’est donc bien la structure du tissu industriel qui rend les entreprises à recourir à l’endettement ou au LBO plutôt qu’à un développement de leurs fonds propres par le recours à des investisseurs de long terme.

b.   Un manque de fonds propres des petites et moyennes entreprises (PME), une question controversée

Corollaire de la financiarisation de l’économie, les PME souffrirait d’un manque de fonds propres empêchant leur développement. C’est ce qu’affirme Mme Nadia Salhi de la CGT : « Les PME, TPE et ETI ont la caractéristique de manquer de fonds propres. Elles ne disposent pas des moyens de progresser en innovation et en R&D et souffrent de difficultés à exporter, à transmettre les entreprises lors du départ du fondateur et à capter les bonnes compétences qui sont absorbées par les autres groupes » ([200]).

M. Xavier Ragot ne partage pas ce constat, pour lui « globalement les entreprises françaises ont un fort accès au crédit, si bien que leur taux d’endettement figure parmi les plus élevés. Nos PME sont assez fortement endettées mais leur taux d’accidents de crédit est parmi les plus faibles en Europe. Je suis donc relativement dubitatif par rapport au discours selon lequel les entreprises industrielles manqueraient structurellement de sources de financement » ([201]). Ce que confirme, M. Christophe Beaux, directeur général du mouvement des entreprises de France, « nous n’observons aucune difficulté de financement, ni dans les crédits d’investissement ni dans les crédits de trésorerie. Qu’il s’agisse de maturités courtes ou longues, l’irrigation des entreprises françaises est positive. Indépendamment du PGE et de la distorsion à court terme liée à la crise, l’accès à la ressource financière demeure correct. La véritable tension dans les entreprises concerne les délais de paiement interentreprises et les phénomènes de rapport de force entre donneur d’ordre et sous-traitant. La relation du financement de bas de bilan avec les financeurs demeure fluide. On peut regretter qu’elle ne soit que bancaire. Contrairement à d’autres économies, ce financement demeure intermédié par le secteur bancaire et est moins tourné vers des financements directs tels que la bourse ou des investisseurs de fonds » ([202]).

Pour M. Xavier Ragot, la cause d’une absence de culture du capital risque pour expliquer le moindre développement des PME, en France, serait largement exagérée : « Cela fait une dizaine d’années que l’on dit qu’il manque dix milliards de fonds propres aux PME. Quand on interroge les investisseurs ils disent que le problème c’est Bpifrance (la Banque publique d’investissement), quand on interroge la BPI, ils parlent de l’absence en France de culture de l’investissement. Donc tout le monde se renvoie la balle » ([203]).

En Allemagne, on peut constater que les banques régionales jouent un rôle important dans le financement des entreprises mais sont également des actionnaires actifs. De plus, les liens entre les entreprises d’un même bassin d’emplois sont importants, ce qui stabilise globalement le système productif : par exemple à Stuttgart, les familles actionnaires de référence de Porsche ou de Mercedes se retrouvent dans les conseils d’administration des sous-traitants de ces groupes automobiles.

2.   L’appui décisif des mécanismes de soutien public au financement des entreprises industrielles : le rôle de la Banque d’investissement publique (Bpifrance).

La Banque publique d’investissement (Bpifrance) apparaît comme un acteur incontournable – avec 42 milliards d’actifs de gestion – en termes de financement des PME, ETI ou de start-ups. Néanmoins, si son rôle paraît utile et incontesté, un meilleur ciblage de ses interventions et un meilleur accès à son guichet de financement serait souhaitable.

a.   Le financement prioritaire des PME, ETI, et start-ups

L’action de Bpifrance vise à accompagner les entreprises, à toutes les étapes de leur développement qu’il s’agisse de transition écologique et énergétique, d’innovation ou de développement à l’international. Les principaux leviers d’actions mobilisés sont financiers (accompagnement en crédit, en garantie, en aide à l’innovation, en fonds propres) – « sa doctrine d’investissement mise en œuvre lors de sa création en 2012 par le Parlement l’amène à intervenir pour développer les fonds propres des entreprises en partenariat avec d’autres acteurs financiers » ([204]), – et relatif à la formation des entrepreneurs. Néanmoins Bpifrance cible dans son action certaines entreprises start-ups, TPE, PME et ETI, et se positionne dans la croissance durable de leur activité.

Comme l’a rappelé M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État, l’action de Bpifrance concerne un profil d’entreprises particuliers : « La BPI a vocation à intervenir de préférence sur des ETI, des grosses PME, des entreprises industrielles plus petites et des PME à travers les fonds de fonds. Les doctrines de l’APE et de BPI ne se confondent donc pas. BPI a conservé des participations dans de grandes entreprises pour des raisons historiques. En effet, à sa création, un apport par le fonds stratégique d’investissement a doté BPI dans ses actifs de très grandes participations qui pourraient se réduire dans le futur » ([205]).

Concernant le financement, M. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, précise que BPI intervient « en tant qu’investisseur minoritaire aux côtés d’autres actionnaires familiaux, industriels ou financiers » ([206]) La doctrine de Bpifrance est simple : un actionnaire toujours minoritaire qui privilégie le long terme pour favoriser la consolidation des entreprises innovantes ou encore le passage à l’industrialisation, qui exige une forte intensité́ capitalistique. Comme l’explique M. Nicolas Dufourcq, « BpiFrance n’investit jamais si elle n’est pas présente dans les conseils d’administration, que l’entreprise concernée soit cotée ou non. Elle investit en outre pour de nombreuses années. Elle ne gère pas des actifs, mais des capitaux propres » ([207]).

b.   Un succès indéniable malgré une prise de risque mitigée

L’action de BPI est saluée comme indispensable au soutien financiers des PME, ETI et jeunes pousses ou start-ups.

Pour Louis Gallois, c’est un succès, car « Bpifrance a créé un marché de l’innovation et du financement des jeunes pousses (start-ups). Bpifrance a animé les fonds d’investissement de sorte à soutenir le développement des start-ups en France et à assurer leur financement de façon de plus en plus efficace. Elle a créé un effet d’entraînement : quand Bpifrance rentre dans un fonds, d’autres investisseurs la rejoignent. En outre, Bpifrance tient un discours global très optimiste dont la France a besoin » ([208]). Les critiques, « quant à l’insuffisance de la prise de risques. Le taux de défaillance de ses prêts est d’ailleurs extrêmement faible, ce qui pourrait signifier qu’elle "ne prête qu’aux riches" » ([209]), lui semblent secondaires.

Pour Mme Florence Richardson, présidente de Femmes Business Angels, « Bpifrance est en effet une institution majeure pour le financement de nos start-ups que nous envient les autres pays. Néanmoins, certains financements sont soumis à des règles liées à la définition européenne d’une entreprise en difficulté. Or les start-ups sont souvent dans des ratios financiers difficiles et cumulent souvent des pertes avant de commencer à gagner de l’argent. Ces règles sont donc une limite pour nous » ([210]). Quant à M. Alain Pujol, consultant au sein d’APHC Consulting, co-président de France Angels, membre d’Angels Santé, il précise qu’il souhaiterait « travailler davantage avec Bpifrance sur des relais de financement. […] Nous souhaiterions discuter avec Bpifrance de la question des fonds secondaires, pour permettre aux premiers investisseurs de sortir et réinvestir dans d’autres start-ups » ([211]).

Consolider l’action de Bpifrance tout en autorisant une prise de risque plus grande ainsi que mieux cibler les interventions – en particulier au-delà de la phase d’amorçage des start-ups – est pour le rapporteur un préalable à une meilleure allocation du capital auprès des entreprises innovantes.

Une réflexion sur le périmètre d’action de Bpifrance, dont le portefeuille pourrait être élargi, dans un objectif de consolidation des jeunes entreprises, reste à mener.

3.   Le financement de l’amorçage et le passage du capital risque au capital développement : des défis persistants au regard de l’abondance de l’épargne nationale

Le financement des start-ups est un enjeu en termes de financement de l’innovation. Les PIA y participent, tout comme Bpifrance et un acteur particulier, fondamental pour le financement de l’amorçage : les business angels ou « investisseurs providentiels » qui sont des personnes physiques qui investissent à titre individuel au capital d’une entreprise innovante, à un stade précoce de création ou en début d’activité (à « l’amorçage »), et mettent à disposition ses compétences, son expérience, ses réseaux relationnels et une partie de son temps pour accompagner un entrepreneur.

La difficulté majeure, apparue lors des auditions, est la question du passage de capital-risque au capital développement, passage que les créateurs de start-ups qualifient familièrement de « vallée de la mort ».

a.   Le financement de l’amorçage, une particularité des business angels

Si les business angels sont un partenaire essentiel des start-ups pour financer l’amorçage, leur rôle n’est pourtant pas suffisant car le nombre de start-ups ayant besoin d’un financement est supérieur à celui des business Angels en capacité d’investir.

M. Alain Pujol a retracé la chaîne de financement des start-ups devant la commission d’enquête. « Les fonds de capital-risque reçoivent trois à quatre cents dossiers et en investissent une dizaine au plus. Par comparaison, nous investissons dans plus de sociétés. Cependant, sur cent dossiers reçus, nous en investissons cinq ou six. Ainsi, quand une start-up démarre, la probabilité qu’elle bénéficie de nos investissements est faible. Il faudrait 10 000 ou 20 000 business angels pour accompagner au mieux les start-ups. Les Business Angels doivent également savoir se retirer lorsque la société ne marche pas » ([212]).

Dans l’écosystème des start-ups, les business angels pallient le défaut de capital risque de la puissance publique. À titre d’exemple, si Bpifrance participent également à l’amorçage des start-ups, le montant minimal à réunir ou « ticket d’entrée » est trop élevé pour certaines start-ups.

Ainsi, si M. Benjamin Brehin, délégué général de France Angels, considère que le prêt investissement amorçage de Bpifrance très intéressant, « il nécessite que l’entrepreneur ait déjà levé 200 000 euros. Ce seuil peut limiter l’accès à ce prêt non dilutif qui s’avère très important pour un entrepreneur qui ouvre pour la première fois son capital. Les business angels sont les premiers investisseurs. Le ticket-type de tour de table se situe autour de 350 000 euros. Or certaines entreprises méritent d’être accompagnées sur des tours de table de 100 000 ou 150 000 euros et ne peuvent bénéficier de ce prêt » ([213]).

Selon M. Alain Pujol, « le tour de table peut rassembler dix à trente business angels qui co-investissent ensemble sur plusieurs tours, à hauteur de sommes variant de 300 000 euros à 2 millions d’euros » ([214]). D’après Mme Fabienne Berthet, membre d’Angels santé, le ticket moyen « est fixé assez librement par chaque réseau. Il est toutefois demandé de mobiliser au moins 10 000 euros par investissement. Les investissements peuvent être de 20 000 ou 30 000 euros par individu, et d’un montant inférieur pour les réseaux régionaux. Il s’agit de l’ordre de grandeur du risque d’investissement pris par chaque business angel » ([215]).

M. Alain Pujol a avancé le chiffre de « 50 millions d’euros investis par la communauté des business angels regroupés au sein de l’unique fédération française, France Angels. Nous fournissons un effet d’entraînement à ces jeunes entreprises à leur démarrage, qui représente la période de prise de risque la plus importante et qui nécessite par conséquent un accompagnement majeur. Cet effet d’entraînement est d’un pour trois : en effet, quand les business angels apportent 100 en capital, l’entreprise récupère par la suite 300 en capitaux. Nous entraînons à notre suite des fonds bancaires et d’autres acteurs du financement qui n’investiraient pas dans ces entreprises innovantes sans l’analyse préalable réalisée par les business angels » ([216]).

L’évaluation de l’action de France Angels à partir d’une analyse comparative d’entreprises soutenues par le réseau et d’entreprises semblables non-soutenues met cependant en évidence des résultats assez mitigés sur le chiffre d’affaires, l’emploi, l’investissement corporel et l’innovation ([217]). Par ailleurs, le montant total des investissements de l’ensemble des adhérents de France Angels, soit 50 millions d’euros, apparaît comme très limité, par rapport aux autres modes de financement dont notamment ceux de Bpifrance ([218]).

L’amorçage peut également être financé par le PIA, comme l’a rappelé M. Christian Charpy. En effet, le PIA a permis « de financer la création et le développement de start-ups françaises : il y a beaucoup d’exemples dans ce domaine, notamment avec le rôle joué par des entreprises de capital-investissement, Bpifrance ou l’ADEME » ([219]). Le PIA « joue surtout un rôle de catalyseur en envoyant un signal de participation à d’autres investisseurs » ([220]).

À titre d’exemple, le Fonds Ecotech a été utilisé pour l’amorçage de start-ups relevant de plusieurs domaines.

Souscrit par la Caisse des Dépôts et doté de 225 millions d’euros dans le cadre de la mise en œuvre des actions du programme d’investissements d’avenir (PIA) confiées à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), le fonds est géré par Bpifrance Investissement. Il investit des « tickets », des prises de participation de 2 à 10 millions d’euros, en recherchant systématiquement un co-investissement avec des acteurs privés dans une logique d’investisseur avisé. Il cible des opérations en fonds propres et quasi fonds propres pour des prises de participation minoritaires dans des PME innovantes actives dans les domaines des énergies renouvelables décarbonées et chimie verte, de l’économie circulaire, des réseaux électriques intelligents ou smart grids et des véhicules du futur.

Les entreprises financÉes par le fonds Ecotech
gÉrÉ par Bpifrance Investissement

b.   Traverser la « vallée de la mort » : le passage du capital risque au capital développement

La difficulté à traverser la vallée de la mort, c’est-à-dire à passer du capital risque au capital investissement explique que certaines start-ups financées par des fonds publics puissent être revendus à des investisseurs étrangers, avec les risques que cela induit en termes de transfert d’innovation.

M. Christian Charpy a précisé que la cour des comptes entamait un travail sur « le contrôle des investissements étrangers en France, notamment pour vérifier que la crise n’a pas été propice à des captations problématiques de start-ups françaises par des acteurs étrangers » ([221]).

M. Benjamin Bréhin a précisé que les business angels pouvait accompagner les entreprises, sur une durée moyenne de cinq à sept ans. Ainsi « Un tiers des investissements que nous réalisons concernent des entreprises que nous refinançons. En outre, nous investissons dans la durée. Nous restons en moyenne 7 à 8 ans dans les entreprises en fonction des secteurs d’activité. Lorsque nous investissons, nous nous attendons à devoir remettre de l’argent une deuxième ou une troisième fois pour pallier les problématiques du marché ou accompagner le développement de l’entreprise » ([222]).

Cette durée moyenne est insuffisante pour les investisseurs qui ont besoin de davantage de stabilité. M. Benjamin Bréhin, délégué général de France Angels, a fait plusieurs propositions concernant le capital risque : « une certaine épargne est nécessaire pour investir 5 % à 10 % de son patrimoine liquide personnel dans ces activités à risque. Bpifrance pourrait envisager un fonds secondaire ou un produit financier qui permettrait de flécher une partie de l’épargne dans une entreprise déjà financée par les business angels et coinvesties avec des fonds, sur des entreprises plus matures, pour produire du cash et réinjecter de l’argent pour le développement et la création d’emploi d’autres entreprises accompagnées » ([223]).

4.    Mobiliser et orienter l’épargne nationale, en réinventant un nouveau Codévi

La question du financement des entreprises industrielles par des capitaux français ne peut se limiter à l’apport des fonds et investisseurs, mais devrait mobiliser également les particuliers.

Comme il est nécessaire de créer de la liquidité, M. Benjamin Bréhin estime que « l’argent de l’épargne des particuliers pourrait ainsi être fléché concrètement dans ces entreprises à fort potentiel de croissance et donc créatrices d’emplois. Ces entreprises sont installées dans l’ensemble des bassins économiques de notre pays. Ces emplois s’en verraient consolidés. Ces mesures font partie de ce que nous proposons en termes de fléchage de mobilisation de l’épargne » ([224]).

Pour M. Emmanuel Jessua, directeur d’études au sein de Rexecode, l’insuffisance de capital risque nécessite d’orienter l’épargne de Français pour financer des secteurs en forte croissance. « Les Français détiennent une épargne financière très importante mais les placements sans risque en représentent une part prépondérante compte tenu de leur aversion au risque. Il faudrait trouver un mécanisme qui permette de lever des fonds chez les épargnants pour pouvoir investir en fonds propres dans des entreprises prometteuses » ([225]). Il propose également « la création d’un système permettant d’orienter l’épargne vers le financement en fonds propres des petites et moyennes entreprises innovantes. Les rendements des fonds propres pourraient être assortis d’une garantie d’État » ([226]).

On rappellera que le compte pour le développement industriel ou Codévi a été créé par la loi n° 83-607 du 8 juillet 1983 portant diverses dispositions relatives à la fiscalité des entreprises et à l’épargne industrielle. Ce produit d’épargne administrée distribué par l’ensemble des banques sur le territoire français était totalement défiscalisé.

Le 10 octobre 2006, le premier ministre Dominique de Villepin a annoncé le relèvement du plafond du Codévi de 4 600 euros à 6 000 euros et l’extension de l’utilisation des ressources Codévi au financement des équipements d’économies d’énergie, d’énergies renouvelables à destination des particuliers et éligible au crédit d’impôt ciblées sur ces équipements, créant ainsi le Livret de développement durable. Depuis le 9 décembre 2016, sa dénomination est « Livret de développement durable et solidaire », car les banques doivent annuellement proposer à leurs clients d’affecter une partie des gains du Livret sous forme de don à des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Depuis le 1er octobre 2012, son plafond de dépôt est fixé à 12 000 euros pour les particuliers.

Selon le rapport de l’Observatoire de l’épargne réglementée pour 2018 ([227]), les encours de livrets de développement durable et solidaire (LDDS) détenus par les ménages atteignent 107,2 milliards fin 2018, leur plus haut historique.

Environ 40,5 % restent de ces encours restent au sein des banques, qui doivent consacrer 80 % de ces fonds à des prêts pour les PME, 10 % à des « travaux d’économies d’énergie dans les bâtiments anciens », l’utilisation des 10 % restants n’étant pas encadrée ([228]). Les 59,5 % restants sont centralisés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). De fait, la CDC centralise environ 245 milliards d’euros au titre du Livret A, du LDDS et du Livret d’épargne populaire, selon son rapport annuel du fonds d’épargne. Elle ajoute dans ce « fonds d’épargne » 20 milliards de fonds propres. De là, 185 milliards (environ 70 % du total) sont consacrés à des prêts d’intérêt général, majoritairement pour la politique de la ville, ou la construction ou réhabilitation de logements sociaux. Et le reste, un tiers, va à des actifs financiers, c’est-à-dire des obligations ou des actions.

Ainsi, seul un tiers des sommes collectées par le LDDS sont effectivement utilisées pour le financement des PME, loin des objectifs initiaux d’un livret pour le développement industriel inventé en 1983.

Il apparaît ainsi nécessaire pour le rapporteur de réinventer un nouveau Codévi, instrument d’épargne populaire réglementée, permettant une réallocation vers le développement industriel d’une partie de l’épargne des Français, en en garantissant le capital et le rendement.

Les investissements réalisés par cet instrument pourraient servir spécifiquement au développement de l’industrie, en France comme dans le reste de l’Union européenne.

Proposition n° 4 : Mettre en place un instrument d’épargne populaire garanti destiné à l’investissement industriel national et européen.

C.   Le manque d’attractivitÉ des mÉtiers de l’industrie : un dÉfi pour les entreprises et les collectivitÉs publiques

Dire que les métiers de l’industrie demeurent peu attractifs relève aujourd’hui de l’euphémisme tant les filières industrielles ont du mal à recruter. Avec un taux de chômage autour de 8 %, ce sont plus de 70 000 postes qui se trouvent à pourvoir dans l’industrie. Le recrutement, avec la reprise économique, post-crise de la Covid-19, se trouve être l’un des défis les plus importants pour les employeurs.

Ce déficit d’intérêt pour l’industrie est ancien, voire historique, il apparaît nécessaire de le combler, d’autant que l’industrie d’aujourd’hui représente un vivier d’emplois d’avenir notamment pour les métiers liés à la transition écologique. Pour le rapporteur, redonner ses lettres de noblesse aux métiers de l’industrie est un préalable pour permettre une réindustrialisation de la France tournée vers l’avenir.

1.   Un désintérêt ancien qui trouve ses racines dans l’Éducation nationale en France

Le désamour entre l’Éducation nationale et le monde de l’entreprise est ancien. L’orientation par l’échec a longtemps servi de variable d’ajustement au détriment des métiers techniques et manuels. Seule la voie générale, conceptuelle, était valorisée, contrairement aux choix éducatifs faits par notre voisin d’outre-Rhin. Ce tropisme culturel français n’a fait que s’accentuer avec la crise industrielle, qui s’est traduite par des pertes d’emplois dans les usines françaises, et un désintérêt croissant des familles pour un secteur qui n’employait plus, et devenait synonyme de chômage ou licenciements.

Pourtant, comme l’a rappelé M. Guillaume Basset ([229]), c’est un emploi sur deux que l’industrie a du mal à recruter sans compter que le niveau des recrutements dans l’industrie nécessite, contrairement aux préjugés bien ancrés, un solide niveau de connaissances en sciences.

Réconcilier l’école et le monde de l’entreprise apparaît donc comme un préalable.

a.   Une sacralisation de la voie générale au détriment des métiers techniques et manuels

Sans refaire l’histoire du baccalauréat général, premier degré d’accès à l’Université, et donc à l’enseignement supérieur, l’Éducation nationale n’a jamais su, comme l’a parfaitement souligné dès 1925 Edmond Goblot dans son ouvrage La barrière et le niveau ([230]), sortir de l’ambiguïté qui consistait à juger d’un niveau, et instaurer une barrière, une distinction entre ceux qui étaient jugés dignes d’entrer à l’université et les autres. Cette ambiguïté s’est retrouvée dans la création des baccalauréats techniques et professionnels sur le modèle du baccalauréat général, mais qui n’ont jamais reçus la sacralisation apportée à la voie générale.

Ce n’est donc pas sans provocation que M. Frédéric Sanchez, président du groupe Fives et de l’Alliance industrie du futur (AIF), a considéré que pour revaloriser les métiers industriels il n’y aurait pas d’autre choix que « la remise en cause de l’inattaquable bac général ». Comme il le rappelle avec justesse – même si c’est davantage la population qui s’en convainc elle-même –, cette orientation par l’échec est source de frustrations mais surtout d’échecs « en convainquant la population qu’il n’existe pas d’autre issue que le bac général, nous oublions que d’autres métiers sont possibles et nous engendrons des échecs. Je suis atterré d’apprendre que dans tous les classements internationaux, à la sortie de l’école primaire, nos enfants figurent parmi ceux qui ont acquis le moins de compétences générales en mathématiques et dans la compréhension de la langue française. Nous le constatons au quotidien dans nos entreprises. Il est fréquent que des jeunes que nous recrutons ne parviennent pas à lire des instructions de sécurité. Il faut donc travailler sur la formation de base » ([231]).

M. Christophe Beaux, souligne les difficultés pour rapprocher l’Éducation nationale du monde de l’entreprise. Si les formations organisées par les entreprises, car intégrées dans une filière fonctionnent bien, il n’en va pas de même « lorsqu’il s’agit de rapprocher l’école du monde de l’entreprise, on constate des difficultés d’ordre culturel. L’enseignement des sciences économiques et sociales au lycée concerne peu l’industrie et l’entreprise. […] Si ce phénomène s’explique sociologiquement, il n’engage pas à une meilleure compréhension des deux univers » ([232]).

Cette remarque peut paraitre étonnante, car le taux d’étudiants en contact avec le monde de l’entreprise est élevé et croissant. En moyenne, la part des étudiants ayant fait un stage en France entre 2018 et 2019 est de 32 %. Elle varie bien sûr selon le cursus à l’université (faible en première année), et du temps d’acquisition des fondamentaux qui semblent défaut aux élèves français.

Évolution de la proportion d’Étudiants ayant effectuÉ un stage entre les annÉes universitaires 2009-2010 et 2018-2019 selon le cursus, en pourcentage

Source : Ministère de l’Education nationale, Repères et références statistiques 2021 https://www.education.gouv.fr/reperes-et-references-statistiques-2021-308228

De plus, les acteurs de la relation école-entreprise n’ont jamais été aussi nombreux ([233]). Enfin, les entreprises mécènes interviennent principalement dans le financement de projets éducatifs ([234]).

Ce constat sur l’impasse à laquelle cette sacralisation de la voie générale conduit se répercute sur la voie professionnelle : « [elle] engendre un taux élevé de formations ne débouchant pas sur une employabilité réelle. Dans les classements PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), il est frappant de constater le nombre d’étudiants français qui sortent du système, sans adhésion à un projet professionnel concret et identifié. Il existe beaucoup d’emplois non pourvus et de nombreuses formations qui débouchent sur peu d’offres d’emploi » ([235]).

Selon l’étude Regards sur l’éducation de l’Organisation de coopération et de développement économiques de 2016 ([236]), en France, la formation professionnelle attire moins les jeunes que dans les autres pays de l’Union europénne et les Français qui ont choisi cette voie s’en sortent moins bien, en termes d’emploi, que les autres. On peut y constater que le taux de jeunes scolarisés dans ces filières (bac professionnel, certificat d’aptitude professionnel et brevet d’études professionnelles) était inférieur à la moyenne des pays européens chez les 15-19 ans : il s’élèvait à 24 % en France, contre 28 % pour les pays de l’Union européenne recensés. Parmi les 15-19 ans, 6 % suivaient des formations professionnelles combinant études et emploi, contre 7 % pour les pays européens comparés.

b.   Une consolidation des connaissances en mathématiques et en sciences

Les faibles résultats, de la France, en français et en mathématiques, que l’on retrouve dans le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) établi par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ne sont pas sans inquiéter les différents interlocuteurs de la commission d’enquête, d’autant que les métiers de l’industrie demandent un certain niveau de compétences en sciences.

Depuis des années, les classements mondiaux du niveau en mathématique des élèves confirment la même tendance. La France est devenue la lanterne rouge de l’enquête Trends in International Mathematics and Science Study (Timss), qui mesure les performances en CM1 et en quatrième. Et en 2018 dans la dernière étude Pisa de l’OCDE, qui teste la capacité des jeunes de 15 ans de 79 États à mobiliser leurs connaissances pour résoudre un problème, la France n’est plus que dans la moyenne, alors que, en 2003, elle faisait partie des pays les plus performants.

La régression du niveau des jeunes Français en maths préfigure une difficulté supplémentaire. A l’heure de la digitalisation et du développement des algorithmes, jamais la maîtrise de calculs et d’équations complexes n’a été aussi nécessaire dans tous les secteurs.

Même l’élite de l’enseignement supérieur est touchée : plusieurs études montrent que les meilleurs d’aujourd’hui sont au niveau des élèves moyens d’il y a trente ans, et ils sont de moins en moins nombreux. Selon l’étude Pisa, ils ne sont plus que 1,8 % à atteindre le niveau d’excellence – moins que la moyenne dans l’OCDE (2,4 %).

Aujourd’hui, certains économistes établissent une corrélation entre niveau en maths d’une population et niveau d’industrialisation du pays. C’est le cas de Patrick Artus, de Natixis, qui fait le lien entre les compétences scientifiques insuffisantes des Français, le faible taux d’emploi des jeunes et le recul de l’industrie dans l’Hexagone. Face aux dernières enquêtes Timss, il prédit une « dégradation de l’employabilité de la population », alors que les besoins de l’économie en scientifiques vont s’intensifier. Au risque de nouvelles délocalisations : professeur d’économie à Harvard, Xavier Gabaix va plus loin : « La France a fait le choix d’un nivellement par le bas de l’éducation […] Le risque pour le pays est de se retrouver avec une main-d’œuvre moins qualifiée et une baisse généralisée de son niveau de vie » ([237]).

En effet, les futurs métiers de la transition écologique nécessiteront un excellent niveau en science, notamment en chimie si l’on pense aux filières relatives à l’hydrogène décarboné ou à la filière sur les batteries.

Selon Ingénieurs et scientifiques de France (IESF), le nombre de bacheliers scientifiques serait passé en 5 ans de 193 000 à 79 000, montrant une désaffection des études scientifiques en France ([238]). M. Louis Gallois fait le même constat alarmant : « J’en profite pour évoquer un point qui me taraude, à savoir la diminution des mathématiques dans le secondaire. Nous asséchons le vivier dans lequel nous cherchons les ingénieurs et les titulaires de brevets de technicien supérieur (BTS) : il convient d’y être vigilant » ([239]).

M. Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School, fait, en effet, un constat désarmant concernant le niveau actuel et appelle à une prise de conscience sur la formation. Ainsi, « l’industrie française manque de personnes formées pour opérer cette montée en gamme. La recherche et développement et la formation sont les deux facteurs essentiels. Or la situation française est dramatique pour la formation. Dans les années 2000, l’Allemagne a provoqué un choc en mettant en place un ensemble de mesures pour moderniser son enseignement. La Pologne et les pays nordiques sont en tête de classement [PISA]. Ils ont réussi grâce à la décentralisation de la formation – les directeurs d’école ont une plus grande autonomie – et la formation des enseignants – pour les préparer aux nouvelles technologies. […] En Allemagne, le pourcentage d’étudiants en université est inférieur à celui de la France mais ses filières de formation des techniciens et des ingénieurs sont d’un excellent niveau, et ce sont ces profils dont l’industrie a besoin » ([240]).

Pour M. François Bayrou, Haut-commissaire au Plan, « ces technologies ne sont pas hors d’atteinte », et il faudrait revenir à une formation en sciences moins conceptuelle et plus pratique, sur le modèle initié, lorsqu’il était ministre de l’Éducation nationale, avec Georges Charpak, avec le programme « La main à la pâte» ([241]).

Il conviendrait ainsi de développer de nouvelles formes éducatives pour travailler les mathématiques, avec des apprentissages plus « pratiques » des mathématiques et des sciences, à travers l’apprentissage du codage, des activités, des sorties et des projets. L’enjeu est ainsi de donner envie aux élèves et aux étudier d’aimer les mathématiques en sortant d’une approche purement livresque.

Proposition n° 5 : Renforcer l’enseignement scientifique et technique et renouveler les approches pédagogiques dans le parcours scolaire et supérieur, afin que tous les élèves disposent de bases plus solides en mathématiques et en sciences.

c.   Un décalage entre la formation des dirigeants des entreprises et celle des employés et des cadres intermédiaires

Le décalage entre la formation des dirigeants des entreprises et celui des employés et des cadres intermédiaires – outre qu’il explique pour une part les erreurs stratégiques qui ont pu être faites par le passé, notamment la conceptualisation de la notion d’entreprises « sans usine » – a surtout pour conséquence de ne pas insuffler un esprit industriel à l’ensemble du corps social, de ne pas être « inspirant » pour reprendre un tropisme à la mode.

Les dirigeants d’entreprises française, issue d’un petit nombre de grandes écoles, ne dispose pas d’une culture d’entreprise nécessaire pour insuffler un esprit d’industrie.

M. Pierre-André Buigues a rappelé cet écart de formation entre dirigeants français et dirigeants allemands. « Nous avons réalisé une étude il y a une vingtaine d’années à la Commission européenne, qui consistait à comparer les parcours des présidents-directeurs généraux (PDG) français et allemands. Les grands PDG français passent généralement par des cabinets ministériels et sont issus d’un nombre limité de grandes écoles. En Allemagne, ils séjournent beaucoup plus longtemps à l’intérieur de l’entreprise » ([242]).

Dit autrement, l’École polytechnique, l’École nationale d’administration et l’École des Hautes études commerciales sont le principal vivier des grandes écoles dans lesquelles sont recrutés les cadres dirigeants. Leur connaissance de l’entreprise est souvent faible – car ils ne sont pas recrutés sur ces compétences-là – ce sont leurs capacités managériales qui sont privilégiées, contrairement à leurs homologues allemands qui sont directement issus de l’industrie, voire peuvent avoir eu une formation manuelle sans que cela ne soit dirimant pour accéder à la direction de l’entreprise.

Les carrières types des cadres supérieurs restent ainsi très différentes entre la France et l’Allemagne. En Allemagne, les cadres dirigeants commencent encore souvent leur vie professionnelle à la base et changent peu souvent (ou pas) d’entreprise. La carrière type d’un cadre français, en revanche, passe par une formation académique et au sein des grandes écoles (privées et publiques), des postes à responsabilités dès l’entrée dans la vie professionnelle, et des changements d’employeurs et de postes fréquents ([243]).

M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), a ainsi rappelé que « la reproduction des élites dépasse la seule industrie. Il s’agit d’un tropisme français bien connu. Le président allemand du Bundesverband der deutschen industrie (BDI, fédération des industries allemandes) est diplômé de mécatronique. Ceci est improbable en France. L’industrie n’est pas la seule responsable, il s’agit de notre sociologie. Le président de la République n’est pas issu des métiers manuels » ([244]).

Néanmoins malgré ce vivier étroit pour les cadres dirigeants, l’industrie n’attire plus les mêmes talents que par le passé eu égard à l’attrait pour les salaires offerts. Comme l’a souligné Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, « Dans les grandes écoles, y compris les écoles d’ingénieurs, environ 30 à 40 % des élèves partent vers la finance, car les écarts de salaire des métiers très qualifiés sont défavorables à l’industrie » ([245]).

M. Matthieu Crozet, professeur d’économie à l’Université Paris Sud-Saclay, confirme ce constat : « Nous formons bien des chercheurs par l’intermédiaire de filières d’élite mais beaucoup ne travailleront pas dans l’industrie. Les secteurs des services sont attrayants et absorbent des statisticiens, des physiciens et des mathématiciens formés dans les grandes écoles françaises » ([246]).

Les ingénieurs sont également de plus en plus nombreux dans les secteurs de la finance et de l’assurance qui offrent les rémunérations les plus élevées, surtout en début de carrière. En 2017, sur 843 234 ingénieurs français en activité de moins de 65 ans, seuls 324 252, soit 38,5 %, travaillaient dans l’industrie ; chez les moins de 30 ans, cette proportion était à peine de 33 % ([247]).

Dit autrement, notre enseignement forme une élite qui n’a plus d’appétence pour l’industrie, attirée par les débouchés et les salaires du monde de la finance, et ne qualifie ni ne forme plus suffisamment aux compétences intermédiaires et pointues, nécessaires aux entreprises industrielles.

Dans certains secteurs industriels en croissance, elles sont alors contraintes d’employer des travailleurs détachés, comme le faisait remarquer Louis Gallois devant la commission d’enquête à propos des chantiers à Saint-Nazaire, alors qu’un nombre important de personnes sans qualification, et sans employabilité, sortent du système scolaire chaque année dans le même bassin d’emploi.

Il est donc temps de revaloriser les métiers industriels qui souffrent à tort – souvent pour des raisons culturelles et historiques – d’un déficit de notoriété.

d.   Des préjugés, par définition, infondés

Ce qui nuit au recrutement dans l’industrie, outre la faiblesse de la formation, c’est la mauvaise image que celle-ci véhicule notamment au niveau des jeunes.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, a fait réaliser une analyse de la perception de l’industrie par les Français. Les résultats sont éloquents : « Un véritable hiatus existe : l’industrie est considérée comme polluante, comme mal payée et comme offrant des environnements de travail absolument pas désirables. Par ailleurs, il y a un mélange entre les activités, le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) étant considéré comme industriel, par exemple. On trouvera toujours des usines où les conditions de travail ne sont pas formidables, mais cette image ne correspond pas à l’essentiel de l’industrie et à la modernisation des conditions de travail » ([248]).

Ainsi, le taux d’accident du travail à l’origine d’arrêt de quatre jours ou plus sur l’année reste cependant beaucoup plus élevé dans l’industrie que dans les services, mais moins que dans la construction ([249]).

Pour M. Christophe Beaux, parmi les préjugés se trouve aussi une faible appétence des Français pour le progrès scientifique plus marquée que chez nos voisins européens. Pour lui, « la controverse actuelle au sujet du vaccin en est la représentation. Toute distanciation ou résistance au concept de progrès génère des effets de ralentissement, voire de recul du progrès dans l’industrie ». ([250]).

M. Édouard Martin a rappelé sa passion pour l’industrie et les préjugés dont elle souffre : « je suis rentré dans la sidérurgie à dix-huit ans. J’y suis rentré par accident et j’y suis resté trente-quatre ans par passion. J’ai découvert un monde que j’ignorais et que j’ai aimé. L’industrie souffre parfois d’une image dégradée alors qu’elle s’est modernisée en profondeur ». Il précise que pour lutter contre ses préjugés infondés : « Il faut aussi faire connaître les métiers de l’industrie, parfois bien éloignés des représentations. L’industrie offre des métiers valorisants et de réelles perspectives de carrière. En outre, les salaires y sont souvent plus élevés qu’ailleurs » ([251]).

2.   Réenchanter l’industrie, un enjeu pour la transformation du monde de demain

a.   Redonner du sens : participer à la transition écologique

M. Xavier Ragot a souligné devant la commission d’enquête que « Pour développer une bonne image de l’industrie, notamment vis-à-vis des jeunes, nous devrons démontrer qu’elle permet de régler des problématiques sanitaires et environnementales tout en contribuant à l’aménagement du territoire. Le positionnement de l’industrie vis-à-vis de la question environnementale est un enjeu clé » ([252]).

Pour M. Christophe Beaux du MEDEF, les nouvelles générations sont en attente de sens, à ce titre le contenu des filières industrielles n’est pas sans attrait pour eux et peut les convaincre de rejoindre les filières industrielles. C’est pourquoi « les industries doivent accentuer leurs efforts en termes de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). La jeune génération est soucieuse du sens, de la qualité sociétale et du contenu de travail proposé » ([253]).

Mme Sonia Bellit ne dit pas autre chose, et souhaite également une revalorisation de la filière professionnelle qui se heurte à des préjugés culturels et historiques infondés. « Pour la réindustrialisation, il faut prendre le problème de la formation à la racine afin de redonner de l’attractivité à l’industrie en sensibilisant professeurs et parents à la réalité de l’industrie. Il faut aborder l’industrie sous l’angle des technologies, leur rappeler que c’est par l’industrie qu’on pourra répondre aux nouvelles préoccupations écologiques. La filière professionnelle devrait être revalorisée en prenant exemple sur le modèle suisse où beaucoup de dirigeants de grandes entreprises viennent de cette filière([254]).

b.   Communiquer sur l’attractivité des métiers du numérique et de l’industrie : French Tech et French Fab

Les métiers liés aux technologique du numérique, ou tech, apparaissent également comme étant une filière attractive pour les jeunes. Le gouvernement a fait un effort de communication en ce sens qu’a notamment rappelé M. Nicolas Dufourq, directeur général de la Banque publique d’investissement (Bpifrance) ([255]). Lancée le 27 novembre 2013, la secrétaire d’État au numérique, Mme Fleur Pellerin, a lancé l’opération de communication French Tech ([256]), une opération de communication visant à revaloriser les métiers industriels en lien avec le numérique, et surtout à attirer les start-ups au sein d’un écosystème particulier.

Comme l’a expliqué M. Nicolas Dufourcq : « grâce aux moyens mis en œuvre par l’État, des capitales French Tech ont émergé dans tous les territoires. Le coq rouge est désormais populaire et la France est reconnue comme « start-up nation ». ([257]).

Sur le modèle de la French Tech, l’État a lancé la French Fab afin de revaloriser l’industrie française. M. Nicolas Dufourcq a précisé les contours de cette opération de communication en faveur de l’industrie française. « Nous avons créé le coq bleu de la French Fab. Il s’agit d’une pure déclinaison de la recette à succès de la French Tech, appliquée à l’industrie française. La French Fab s’appuie sur le symbole du coq, des ambassadeurs, un drapeau de l’industrie français, un hymne, des événements physiques, un tour de France, des groupes Whatsapp, un site Internet, du digital en masse, la présence dans les salons et l’inscription dans l’architecture de la marque France. Le coq bleu est présent dans tous les salons à l’étranger. […] Il faut une puissance de communication positive de l’industrie, allant jusqu’à changer la sémantique pour parler de French Fab plutôt que d’industrie » ([258]).

c.   Communiquer sur les salaires, souvent plus élevés que dans le domaine tertiaire

Contrairement aux idées reçues, les salaires dans l’industrie sont souvent bien plus élevés que dans le secteur tertiaire. Comme le précisait M. Xavier Ragot « le salaire moyen dans l’industrie est de 1,9 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) contre 1,3 SMIC dans les services » ([259]).

Plus généralement, la communication positive sur l’industrie et les métiers industriels est nécessaire. Lors de la « Semaine de l’Industrie », ([260]) initiative gouvernementale prise en 2011, et pilotée par la Direction générale des entreprises (DGE), de nombreuses actions ont été entreprises pour donner un contenu positif et combattre les préjugés. Comme l’a rappelé M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, la Semaine de l’Industrie est « une action de communication spécialement dédiée aux jeunes à travers une campagne sur un réseau social [qui] doit contribuer à combattre les clichés sur le travail dans l’industrie partagés par un certain nombre de jeunes et leurs familles et à redonner de l’attractivité à ce secteur » ([261]).

M. Éric Besson a insisté également sur la nécessité de cette communication : « Il nous faut continuer de communiquer en faveur de l’industrie et de ses apports à la vie quotidienne pour la faire aimer. Il est crucial que la France soit et soit perçue comme une nation d’entrepreneurs et d’investisseurs. Former et attirer des chercheurs est primordial pour l’attractivité, l’attrait et l’image d’un pays. Or de ce point de vue, la France a encore beaucoup à accomplir » ([262]).

d.   Encourager les initiatives privées et créer des synergies avec les pouvoirs publics

Au-delà des initiatives gouvernementales, il existe un certain nombre d’initiatives privées en faveur de la revalorisation des métiers de l’industrie, au nombre desquelles les Worldskills ou le prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main.

M. Christophe Beaux a également rappelé qu’il existait des « initiatives patronales telles que Worldskills qui honorent les métiers manuels et les compétences concrètes. Elle met en valeur ces filières. Les fondations d’initiatives privées, comme celle du prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main, valorisent ces métiers et leurs attraits » ([263]). Les Wordskills ([264]), sont une compétition, une Olympiade des métiers, qui contribue à faire connaître les métiers manuels, notamment les métiers industriels.

Si le rapporteur salue ces initiatives, elle demeure des initiatives privées à encourager mais sur laquelle la commission d’enquête n’a pas en soi à se prononcer. Le choc de formation attendue doit venir de l’État en liaison avec les entreprises privées, sur le modèle de la Semaine de l’Industrie ou de la French Lab, ou de CampusFab pour créer des synergies seules à même de permettre une véritable revalorisation de l’industrie et créer un choc de formation nécessaire à la réindustrialisation.

M. Frédéric Sanchez, président de l’Alliance industrie du futur (AIF), a également présenté d’autres initiatives venant du monde de l’entreprise, en lien avec les territoires et les acteurs publics, CampusFab ([265]), « Au cœur des territoires » ([266]), « Osons l’industrie » ([267]) : « CampusFab résulte d’une collaboration publique privée mobilisant la région et des entreprises. Nous offrons du travail à des jeunes que nous formons à Bondoufle, souvent issus de quartiers difficiles. […] Il s’agit à la fois d’une mini-usine et d’un centre d’apprentissage exceptionnel qui permet d’intégrer l’ensemble des connaissances. […] CampusFab réunit plusieurs grands groupes dont Safran et Fives. Des apprentis issus de quartiers difficiles accèdent à une formation qui leur offrira la compréhension des outils digitaux et de leur utilisation au service de la maintenance prédictive » ([268]).

« Au cœur des territoires », en partenariat avec le Conservatoire national des arts et des métiers (CNAM) est une opération permettant de recenser les besoins en formation et en main d’œuvre des territoires afin de proposer une offre de formation idoine.

Le programme « Osons l’industrie » est partenariat public-privé, entre notamment l’union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), l’office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP) ou l’Institut Mines-Telecom qui a pour objet de revaloriser les métiers de l’industrie.

L’Association pour l’industrie du futur (AIF) a également créé en partenariat avec l’Institut Montaigne pour la création de 10 à 20 centres d’accélération pour l’industrie de futur afin de former les dirigeants de demain, en lien avec les grandes filières industrielles et les territoires.

Pour M. Frédéric Sanchez, « ces initiatives privées pallient la faiblesse de l’initiative publique. Il faut désormais que le monde éducatif accepte davantage ce type de démarches. Le problème est ici d’ordre culturel » ([269]).

Le rapporteur tenait à souligner une initiative originale qui lui a été présentée lors des auditions, intitulée « Industrie magnifique » présentée par M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Industrie magnifique est une initiative « créée par des industriels alsaciens en partenariat avec toutes les collectivités mobilise des artistes dans les entreprises, avec les salariés, pour créer une œuvre qui permet de restituer aux jeunes leur activité. Ces créations sont exposées sur l’ensemble des places de Strasbourg et rassemblent énormément de jeunes et de parents » ([270]). Cette initiative inspirante qui s’appuie sur le mécénat d’une trentaine de PME mériterait d’être dupliquée sur l’ensemble du territoire.

e.   L’apprentissage, une voie à approfondir

La revalorisation de l’apprentissage lors de l’actuel quinquennat a été positivement saluée par toutes les personnes entendues par la commission d’enquête. Ce constat est la conséquence des analyses propres au système éducatif français ainsi qu’à ses manques.

M. Guillaume Basset a ainsi, souligné, que la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a eu des effets notables sur le développement de l’apprentissage. Ainsi, « dans l’ensemble des territoires d’industrie, l’évolution du nombre d’apprentis, lié à ce renforcement des branches, est notable » ([271]).

Néanmoins, pour M. Christophe Beaux, cette voie doit être amplifiée et poursuivie. « L’apprentissage en France n’est pas suffisamment développé. Il a connu une croissance récente grâce à la prime à l’embauche des apprentis. Cette croissance doit être maintenue et prolongée et en ce sens, nous apprécions que cette prime soit prorogée jusqu’à l’année prochaine. Néanmoins, la question reste posée pour la mandature suivante. Le système de l’apprentissage permet de donner une meilleure image des métiers de l’industrie et il offre aux jeunes la possibilité d’y effectuer leur première expérience professionnelle » ([272]).

Pour M. Laurent Fompeyrine, directeur ingénierie globale santé animale et projets d’investissements de Boehringer Ingelheim France, il en est de même « l’apprentissage et les contrats d’alternance, ainsi que l’aide de 8 000 euros qui y est allouée, sont décisifs dans le plan de relance industrielle. Environ 120 apprentis travaillent au sein de Boehringer Ingelheim afin d’accéder à des carrières techniques et industrielles. Cette stratégie nous permet de pallier le manque de main-d’œuvre dans ces secteurs. Je me réjouis donc que le gouvernement s’intéresse à ce sujet » ([273]).

3.   Créer un choc de formation pour attirer vers l’industrie de jeunes talents et permettre les reconversions professionnelles

a.   Un dispositif original : le volontariat territorial en entreprises (VTE)

Le volontariat territorial en entreprises est un dispositif original qui consiste à rapprocher des PME et des ETI avec des jeunes issus de formation de l’enseignement supérieur qui sont peu enclins à aller travailler dans ce type d’entreprises, souvent par méconnaissance de leur existence.

Il permet d’aider les petites et moyennes entreprises à recruter de jeunes diplômés ou des alternants, dans les 148 Territoires d’industrie. Cette taille d’entreprises comme les régions éligibles sont généralement peu prisées de ces jeunes diplômés.

Les PME-ETI reçoivent une aide de 4 000 euros pour le recrutement de jeunes diplômés (à partir de bac +2), les étudiants en alternance ou les jeunes diplômés accèdent à des postes à responsabilité, pour les alternants, une aide de 1200 euros leur est versée pour qu’ils s’installent près des entreprises.

Des déclinaisons ont été mises en place, comme des VTE « verts » mis en place dans le cadre du plan de relance : une aide d’un montant maximum de 8000 euros, financée par le ministère du Travail, de l’emploi et de l’insertion et l’ADEME, sera versée par Bpifrance pour le recrutement de 1 000 jeunes en alternance ou jeunes diplômés embauchés pour une mission ou un projet de développement structurant pour la transition énergétique et écologique de l’entreprise.

Comme l’a rappelé M. Jean-Baptiste Gueusquin, délégué adjoint au programme Territoires d’industries, « il s’agit de relier ces deux mondes : d’un côté, permettre aux recrues d’avoir des postes intéressants et des responsabilités plus rapidement que dans de grands groupes et de l’autre, attirer de nouveaux talents pour les PME et ETI. Si nous sommes aujourd’hui à 377 VTE, notre objectif est d’atteindre les 1 000 en territoires d’industrie. L’offre s’est enrichie au fur et à mesure, puisqu’un financement a été mis en place avec une aide de 4 000 euros à l’embauche pour les entreprises en « Territoires d’industrie ». Les régions complètent parfois le dispositif avec un financement » ([274]).

Si certains territoires proposent des aides financières ([275]), Il serait utile que ce financement soit concentré au profit des territoires les plus désindustrialisés qui concentrent chômage et pauvreté, afin de favoriser la réindustrialisation par l’embauche de jeunes dans les PME de ses territoires.

Proposition n° 6 : Concentrer les aides financières à l’embauche des volontaires territoriaux en entreprises dans les zones les plus désindustrialisées.

b.   Mettre l’accent sur la formation continue avec le compte de formation professionnelle

Pour le Mouvement des entreprises (MEDEF), si la formation initiale est indispensable, notamment pour former des ingénieurs, des cadres supérieurs et des chercheurs, la formation continue l’est tout autant.

L’industrie du futur, parce qu’elle est attractive, parce qu’elle se trouve être un vivier d’emplois, doit pouvoir également s’appuyer sur la formation continue, et le reconversion professionnelle grâce à cette même formation continue.

À ce titre, le compte de formation professionnelle (CPF) revêt une importance cruciale dans le cadre de ce tournant de l’innovation et de la montée en gamme. Pour M. Alexandre Saubot, président de France industrie, « il est donc impératif d’initier une réflexion autour du compte personnel de formation (CPF) et de son utilisation de sorte que l’effort collectif attribué à un droit individuel – qu’il n’est pas question de remettre en cause – soit bien aligné avec les réels besoins du monde économique, en particulier celui qui est exposé à la concurrence internationale » ([276]).

Si le rapporteur soutient l’importance de la question de la formation continue et du compte de formation professionnelle, il tient à rappeler que ce droit à la formation est bien un droit individuel et que ce dialogue construit entre employeur et salarié ne doit pas conduire à une limitation de ce droit.

c.   Penser l’offre de formation professionnelle au plus près du terrain

Depuis 1983, les différentes lois de décentralisations ont transféré aux Conseils régionaux diverses compétences en matière de formation professionnelle. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, notamment, a marqué un moment important dans le cadre de ce processus.

La loi du 5 mars 2014 a permis un nouveau transfert de compétences aux régions, pour en faire de véritables autorités organisatrices en matière de formation professionnelle. Ces compétences sont désormais inscrites dans le code du travail, qui précise que les régions sont chargées « de la politique régionale d’accès à l’apprentissage et à la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi ou d’une nouvelle orientation professionnelle ».

Chargées de financer et de coordonner les financements des actions de formation en direction de ces publics, les régions voient également renforcée leur mission de pilotage et de mise en cohérence de l’ensemble des acteurs et des dispositifs intervenant dans le domaine de la formation professionnelle initiale et continue et de l’orientation professionnelle.

Ces compétences renforcées s’exercent dans un cadre renouvelé, avec la création par la loi du 5 mars 2014 du service public régional de la formation professionnelle (SPRFP) et du service public régional de l’orientation (SPRO), ainsi que d’un nouvel outil de programmation : le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles (CPRDFOP).

Le rôle de la région en matière d’orientation est renforcé par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018. Elle coanime déjà, avec l’État, le SPRO. Elle doit désormais organiser des actions d’information sur les métiers et les formations au niveau régional, national et européen en direction des élèves, de leurs familles, des apprentis et des étudiants.

Le rapporteur souhaiterait cependant que les régions n’hésitent pas à décentraliser la définition d’une partie de leur offre de formation, afin qu’elle corresponde exactement aux besoins des entreprises du bassin d’emploi.

d.   Créer de nouvelles écoles de formation qualifiantes

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, a également fait part devant la commission d’enquête de la nécessité de revoir la manière de former les futurs cadres et employés de l’industrie du futur. « Des enveloppes dans le plan de relance et dans le plan France 2030 sont prévues à cet effet ». ([277]).

Pour elle, les écoles 42 ou les écoles Simplon ([278]) peuvent être des modèles sur lesquels réfléchir, plus adaptées à l’apprentissage de nouvelles technologies.

L’offre de formation continue et professionnelle doit être particulièrement développée notamment du fait de la révolution de l’intelligence artificielle qui nécessitera des reconversions importantes.

Selon Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, « l’objectif est de doubler le nombre d’écoles de production d’ici à 2023. Elles font partie de la palette des types de formation auxquelles les jeunes doivent pouvoir accéder. Seuls 1 000 élèves sont inscrits dans ces écoles. Elles sont, pour le moment, de petits contributeurs à la formation mais les résultats en matière d’insertion sont très bons, notamment pour les mineurs non accompagnés ou sortis du système scolaire, qui y retrouvent le goût de l’apprentissage et du travail. Un sur deux souhaite poursuivre ses études. L’encadrement et l’enseignement y sont pour beaucoup » ([279]).

L’orientation doit également être renforcée, et le gouvernement réfléchit à améliorer l’information sur Affelnet (Affectation des élèves sur le net) en fin de troisième, ainsi qu’à réunir sur une seule plateforme l’ensemble des dispositifs accessibles, dit autrement créer un guichet unique de l’information sur les débouchés et formation dans l’industrie.

Le rapporteur soutient cette dernière proposition et appelle en effet à la création d’un guichet unique en termes d’offres de formation aux métiers de l’industrie.

Proposition n° 7 : Soutenir l’effort des régions et de l’éducation nationale en vue de la valorisation des métiers de l’industrie dans le cadre de la formation initiale et continue, ainsi que des dispositifs de reconversion professionnelle.

III.   L’action des collectivitÉs publiques en question

Pour M. Philippe Portier, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), « l’État est responsable du déficit de politique industrielle » ([280]). Cette responsabilité pour lui n’est pas celle d’un gouvernement en particulier mais résulte de la carence de tous les gouvernement en termes d’absence de politique industrielle. Si lui considère que l’absence de politique industrielle est antérieure aux années 2000, le rapporteur fait un constat différent. Le retour timide d’une politique industrielle est à dater de la crise financière de 2008 qui a revalorisé l’intervention de l’État dans la sphère publique notamment pour éviter les faillites systémiques des banques mais également d’entreprises industrielles emblématiques, telles que PSA-Citroën, en 2014.

En revanche, le rapporteur souscrit à l’analyse portée par M. Philippe Portier, à propos du rapport remis par Benoît Potier, le président directeur général d’Air Liquide, intitulé Faire de la France une économie de rupture technologique ([281]), publié le 7 février 2020 avant la crise sanitaire, qui a inspiré le dernier plan d’investissements présenté par le gouvernement, doté de 30 milliards d’euros, France 2030, qui marque un tournant dans la politique industrielle de l’État. De prêteur en dernier ressort, l’État redevient stratège et décideur, anticipant la France industrielle de demain.

A.   Les interventions de la puissance publique auprÈs des entreprises industrielles

Si la puissance publique a pu paraître en retrait lors de la délocalisation massive d’un certain nombre d’entreprises, excepté pour accompagner la restructuration des territoires, ou sauvegarder l’emploi dans le cadre des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), depuis la crise financière de 2008 et ses conséquences systémiques, on peut considérer que l’État soutient à nouveau le développement industriel, essentiellement sous la forme de plans d’investissements, dont les modalités d’intervention ont pu différer au fur et à mesure que la doctrine de l’État sur la qualité et la quantité de son soutien évoluait.

Ainsi, l’absence de politique industrielle des premières années 2000 a-t-elle laissé la place à une nouvelle politique industrielle qui a mis un certain temps à s’assumer en tant que telle – tirant un trait sur le fait que la politique de la concurrence telle que définie par les traités européens ne pouvait plus être l’alpha et l’oméga d’une politique industrielle. Pour autant, ce chemin lent et sinueux n’a pas encore permis de redonner entièrement ses lettres de noblesse à l’industrie et les retours d’investissements dans les territoires demeurent encore timides.

Face à l’interdiction de subventionner directement les entreprises excepté dans des cas limitativement énumérés par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), obligeant l’État à notifier toute aide à la Commission européenne, la politique française d’intervention publique s’en est alors trouvée plus que limitée. Pour autant, en réinventant d’autres formes d’intervention de la puissance publique, ce qu’il conviendrait d’appeler aujourd’hui une nouvelle politique industrielle, permet davantage d’anticiper l’avenir que d’empêcher les « destructions créatrices » pensées par Joseph Schumpeter.

Cette nouvelle politique industrielle a trois dimensions :

– une dimension de sauvegarde – celle qui a été mise en place lors de la crise de la Covid-19 ;

– une dimension planificatrice avec le retour de l’État stratège,

– et une dimension financière de soutien à l’investissement pour les secteurs d’avenir.

Bien que répondant à des logiques différentes d’intervention, ces différentes dimensions peuvent parfois se retrouver confondues au sein d’une même appellation. Pour plus de clarté, le rapporteur a choisi de les présenter dans leur dimension historique afin de montrer l’évolution sémantique historique du concept de politique industrielle et les différences dans ses modalités d’intervention.

Il convient également de rappeler, en propos liminaire, que l’ensemble des personnes auditionnées par la commission d’enquête, se sont montrées entièrement convaincues par la nécessité d’une politique industrielle à l’échelle nationale mais également à l’échelle européenne, seuls les périmètres d’intervention ou les contours de cette politique pouvant être nuancés.

À titre d’exemple, M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a rappelé son attachement à toute forme de politique industrielle, qu’il s’agisse d’une baisse des impôts de production ou d’une politique d’investissements ciblés, mais surtout son attachement à un temps long : « Nous souhaiterions disposer d’une visibilité sur la durée d’une mandature, avec une trajectoire dessinée et respectée, année après année, sans altérer le principe d’annualité budgétaire ni la souveraineté de Parlement. Cette visibilité permettrait aux entreprises de calculer le taux de rentabilité interne (TRI) d’un investissement à moyen et à long terme, sans attendre que chaque projet de loi de finances confirme les engagements de la veille » ([282]). M. Arnaud Montebourg ne dit pas autre chose lorsqu’il précise « que toute politique industrielle digne de ce nom doit pourtant être transpartisane » ([283]).

Le retour de l’État dans le grand jeu industriel a largement dépassé les oppositions partisanes : depuis 2008, on observe une certaine continuité dans son esprit, à défaut dans son action, qu’il s’agisse de la construction des filières en 2008, en passant par les 34 « plans industriels » de M. Arnaud Montebourg, en 2013 aux « 10 solutions » de M. Emmanuel Macron pour la Nouvelle France industrielle, alors ministre de l’Économie, de l’industrie et du numérique, aux « 10 objectifs » du plan France 2030, présenté le 12 octobre 2021.

1.   Des compétences et des modes d’action des collectivités chefs de file encore à préciser

La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, avait pour ambition de clarifier la répartition des compétences en désignant, pour certaines compétences partagées, des chefs de file. En d’autres termes, la capacité, pour une collectivité cheffe de file, de coordonner l’action des autres, mais sans prérogative de décision.

Ainsi, la région a pour compétence exclusive la formation professionnelle et comme compétence partagée avec l’État le développement économique. Mais l’article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales prévoit qu’elle « est chargée d’organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l’exercice des compétences relatives :

« 1° A l’aménagement et au développement durable du territoire ;

« 2° A la protection de la biodiversité ;

« 3° Au climat, à la qualité de l’air et à l’énergie ;

« 4° A la politique de la jeunesse ;

« 7° Aux mobilités, notamment à l’intermodalité, à la complémentarité entre les modes de transports et à l’aménagement des gares ;

« 8° Au soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche. »

Il semblerait malheureusement que les choses aient été mal interprétées par les intéressées, qui privilégient encore le « faire » au « faire faire ». Sur de nombreux sujets, les collectivités développent ainsi leurs propres stratégies, que les acteurs impliqués (entreprises, associations, autres collectivités…) sont invités à partager, voire à mettre en œuvre, un peu à la manière de prestataires.

Au contraire, l’idée du chef de filat consistait à animer un réseau d’acteurs compétents et de les aider à développer de façon coordonnée une stratégie concertée, et orientée vers un principe de subsidiarité et non de concurrence entre les territoires. Pour le rapporteur, l’esprit de cette disposition mériterait d’être retrouvé pour gagner en efficacité.

2.   Le retour de l’État stratège : de la construction des filières aux 10 objectifs du plan France 2030

a.   Des filières aux contrats stratégiques de filière

Les États généraux de l’industrie (EGI), qui se sont tenus en 2009, « ont montré qu’une des faiblesses de l’industrie française était le manque de solidarité entre les entreprises d’une même chaîne de valeur » ([284]). La notion de filière, apparue dans les années cinquante pour qualifier la structuration de secteur industriel agro-alimentaire, a donc été remise au goût du jour pour permettre une plus grande solidarité entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants d’une même chaîne de valeur. Utilisé dans les années quatre-vingt pour parler de la planification, le terme de filière signifie, aujourd’hui, un outil de la politique industrielle qui permet de structurer un dialogue au sein d’une chaîne de valeur identifiée comme telle.

Cette construction d’une chaîne de dialogue en vue d’une plus grande solidarité a néanmoins nécessité d’aller plus loin avec l’instauration de la Conférence de l’industrie (2010) pour permettre un dialogue entre comités de filières et pouvoirs publics, conférence qui s’est transformée en Conseil national de l’industrie (CNI), en 2013, instance conservée à ce jour. En 2013, le CNI comprend 14 filières. Les 34 plans industriels présentés par M. Arnaud Montebourg sont en partie issus des travaux des comités de filières.

Pour faciliter néanmoins le dialogue, la structuration doit aller plus loin. L’instauration des contrats stratégiques de filières (CSF), en 2018, répond à cet objectif.

Pour M. Vincent Moulin Wright, directeur général de France industrie, ils sont une réussite malgré l’hétérogénéité des filières : « les contrats stratégiques de filière existent depuis 2018. Ils sont donc récents. Ils représentent dix-neuf contrats stratégiques, près de deux cents projets contractualisés et plusieurs centaines d’actions ou d’engagements volontaires réciproques. Des bilans sont établis régulièrement. La dynamique de ces contrats montre la mobilisation des industriels. Cet outil est déjà une réussite. Les dernières analyses réalisées sont plutôt favorables, mais elles montrent une certaine hétérogénéité selon les filières » ([285]).

M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, dresse un constat similaire : « Nous bénéficions de plusieurs niveaux de contacts. Nous avons structuré les relations avec 19 filières au travers du Conseil national de l’industrie (CNI), qui organise la relation entre les pouvoirs publics et les filières industrielles. Ce modèle existe depuis quelques années et a récemment été rénové. Son bon fonctionnement permet un partage du diagnostic de la situation dans les différentes filières. Actuellement, nous travaillons étroitement avec le CNI sur l’identification fine des conséquences des pénuries et des difficultés de recrutement. C’est aussi l’instance qui permet d’élaborer, de définir puis de conduire des sujets structurants pour différentes filières. Dans la filière sur l’industrie du futur, l’un des projets phares est la création de plateformes rassemblant toute l’offre française afin de la rendre accessible aux PME » ([286]).

En outre, « un contrat de filière pour l’industrie du futur a été signé en septembre 2021 et France 2030 permettra de financer le développement de cette offre d’innovation » ([287]).

b.   La politique des filières, une politique à repenser ?

La politique des filières, nouvel outil de la politique industrielle, apparaît être une novation intéressante dont l’objectif est de répondre au défaut de solidarité au sein d’une même chaîne de valeur entre donneurs d’ordre et sous-traitants. Cependant, force est de constater qu’à ce jour, elle n’a pas entièrement rempli ses objectifs concernant notamment la filière automobile au sein de laquelle subsistent des tensions fortes dues à la pénurie de semi-conducteurs. Des critiques s’élèvent également concernant leur manque de moyens et d’ancrage au sein des territoires.

En outre, pour certains, au sein des filières, seraient surreprésentée la voix des grands donneurs d’ordre au détriment de celles des PME ou des salariés.

Des tensions apparaissent clairement au sein des filières, en particulier de la filière automobile, car les deux donneurs d’ordre comme l’a rappelé justement M. Luc Chatel sont concurrents. Pour lui, « il ne faut pas oublier que l’exemple de la filière aéronautique tient aussi au fait que les deux donneurs d’ordres ne sont pas concurrents entre eux, mais engagés dans une relation client-fournisseur. À l’inverse, les deux donneurs d’ordre du secteur automobile sont frontalement en concurrence, de même que les équipementiers. Travailler collectivement en est d’autant plus compliqué. Il est toutefois possible de remédier à cette situation. Des avancées ont déjà été obtenues en la matière, avec l’adoption d’un code de bonnes pratiques. Sa mise en œuvre et son respect sont un combat quotidien […] Les tensions au sein de la filière n’en restent pas moins une réalité au regard de la situation actuelle » ([288]).

Pour lui, néanmoins ces tensions ne sont pourtant pas aussi visibles sur tous les segments de la filière, ainsi « alors que Renault et PSA sont concurrents sur le projet de batterie, ils travaillent conjointement sur la 5G. De tels exemples sont nombreux » ([289]).

Quant à M. Philippe Portier, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), il soutient clairement les contrats stratégiques de filière mais considère qu’ils manquent de moyens et ne sont pas suffisamment ancrés dans les territoires. « Si les contrats stratégiques de filière (CSF) étaient dotés de moyens supérieurs et d’une gouvernance différente, ils pourraient devenir des appuis essentiels à cet égard. Il est par ailleurs indispensable de croiser l’aspect filière et territoire, pour maintenir l’emploi et développer les activités industrielles » ([290]).

Pour Mme Nadia Salhi, membre de la direction confédérale de la CGT, les politiques de filières ne sont pas efficaces, car au sein des filières, les grandes entreprises ont trop de pouvoir. À ce titre, la critique apportée au fonctionnement de la filière automobile est emblématique du déséquilibre des rapports entre donneurs d’ordre – grands groupes – et sous-traitants qui est source de tensions non négligeables.

Ainsi « concernant la gouvernance et le développement de politiques de filières avec le Conseil national de l’industrie (CNI), nous considérons que cette institution reproduit l’organisation industrielle actuelle en laissant le pouvoir aux grandes entreprises. Les PME (petites et moyennes entreprises) n’ont pas leur mot à dire du fait de leur dépendance économique. Les comités stratégiques fonctionnent en silo, sans réfléchir à la cohérence de nos systèmes productifs. L’exemple de la pénurie des composants est frappant. Les CSF automobile et électronique pourraient travailler ensemble pour répondre aux problématiques. Cependant, chacun travaille pour son propre intérêt. Quant à la place laissée à la représentation des salariés, elle est variable selon les comités. Plusieurs mandatés de la CGT n’ont jamais été invités aux réunions malgré plusieurs relances de notre organisation au Premier ministre. […] Le CNI pourrait être un bon outil pour une politique industrielle efficace, mais il ne l’est pas aujourd’hui » ([291]).

Pour M. Jean-François Le Bos, président de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), la situation actuelle est très particulière en ce qui concerne les tensions entre constructeurs, équipementiers et sous-traitants au sein de la filière automobile. « Cela a déjà été le cas précédemment lors de la crise de 2008, qui a abouti notamment à l’instauration du code de performance et de bonnes pratiques avec Luc Chatel, alors secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, et à la mise en place de la plateforme de la filière automobile (PFA) dont j’ai été le premier président. Nous avons cherché un espace de coopération et de concertation pour apaiser les tensions. […] Face à la montée actuelle des tensions, la FIEV a immédiatement réagi par l’ouverture de négociations techniques avec Renault-Nissan et Stellantis pour résoudre les difficultés actuelles. Nous demandons en premier lieu davantage de visibilité. Nos relations avec les constructeurs sont régies par des commandes ouvertes. Or les composants électriques demandent des commandes fermes au regard de notre faible part sur ce marché mondial, ce qui met nos adhérents dans une situation d’ajustement très difficile » ([292]).

Selon M. Jacques de Heere, président d’Acome, ces tensions au sein de la filière automobile sont emblématiques du mauvais fonctionnement des filières contrairement au modèle allemand, plus vertueux en termes de solidarité au sein d’une chaîne de valeur. Pour lui, « en France, nous ne savons pas défendre nos filières, à la différence de l’Allemagne par exemple. L’industrie automobile française se porte mal alors qu’elle emploie plus d’un million de personnes. Cette mauvaise santé financière est due à l’absence d’approche en termes de filière. Le constructeur impose des prix à son fournisseur de premier rang, qui fait de même avec son propre équipementier, ce qui entraîne une destruction de toute la filière. Au contraire, l’Allemagne agit de manière totalement inverse en intégrant ses filières et en défendant une fourniture locale, avec une prestation de qualité et un juste prix bénéfique à tous les acteurs » ([293]).

Les difficultés d’accompagnement de la nécessaire transition des fournisseurs de l’industrie automobile

Les difficultés que connaissant les fournisseurs de l’industrie automobile sont tant structurelles que conjoncturelles.

La transition écologique, qui impose le passage du moteur thermique dont la production sera interdite en Europe dès 2035, au moteur électrique, révolutionne l’organisation de la filière et s’avère être un enjeu majeur. M. Claude Cham, président d’honneur et trésorier de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), résume la situation et la pluralité des enjeux du secteur de la sorte : « l’industrie automobile fait face, dans un contexte extrêmement concurrentiel, à une révolution technologique de très grande ampleur avec l’électrification de la chaîne de traction, la digitalisation et la modification des usages de la mobilité » ([294]).

Pour Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, « ces transformations créent des risques puisque les pièces sont moins nombreuses dans un moteur électrique que dans un moteur thermique » ([295]), ce qui devrait nécessairement se répercuter sur les emplois des équipementiers automobiles. Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au centre de recherche sur les économies et sociétés des arts et des techniques de l’Université de Haute Alsace, évoque, un « raté du tournant du véhicule électrique » qui est tant « le choix des constructeurs et des entreprises ([296])» que le résultat d’une politique de filière insuffisante.

Ce constant est partagé par Jacques de Heere, président d’Acome, qui précise qu’au sein de la filière, « le constructeur impose des prix à son fournisseur de premier rang, qui fait de même avec son propre équipementier, ce qui entraîne une destruction de toute la filière. Au contraire, l’Allemagne agit de manière totalement inverse en intégrant ses filières et en défendant une fourniture locale, avec une prestation de qualité et un juste prix bénéfique à tous les acteurs ».

En outre, ce secteur, qui peine à recruter des techniciens, tant sur de la main-d’œuvre qualifiée que peu qualifiée depuis quelques années, connaît une situation conjoncturelle particulièrement difficile, en raison de la baisse des volumes, des stocks qu’ils doivent supporter, du refus d’augmentation des coûts matière et des révisions de prix qui les place dans une situation extrêmement fragile.

Bien que le secteur ait bénéficié du plan de relance de l’État, qui a consacré environ 8 milliards d’euros à la filière automobile, « de nombreuses entreprises de la filière automobile sont obligées d’arrêter leurs lignes de fabrication en raison de la pénurie qui frappe certains composants, notamment les semi-conducteurs » ([297]), note Édouard Martin, ancien député européen.

Face à la crise sanitaire, le plan France Relance, à travers le fonds de modernisation automobile notamment, a accompagné un grand nombre d’entreprises dans leurs projets de diversification. Sur 403 projets d’ores-et-déjà soutenus, 55 % concernent la diversification vers la mobilité décarbonée (véhicules électriques, hydrogène, allègement des matériaux, etc.), 30 % visent une diversification vers d’autres types de pièces ou de technologies, et enfin 15 % concernent une diversification vers de nouveaux marchés porteurs hors automobile.

Selon M. Louis Gallois, ancien commissaire général à l’investissement : « dans l’industrie automobile, le virage de la voiture électrique nécessite et nécessitera un dialogue social intense parce qu’il ne se produira pas sans de profondes difficultés sociales » ([298]).

La filière automobile est ainsi confrontée à deux défis majeurs :

– d’une part, la crise sanitaire et ses conséquences qui ont considérablement réduit le niveau d’activité dans la filière et risquent de fragiliser durablement la trésorerie et les capacités d’investissement de ses acteurs ;

– d’autre part, la transition vers les véhicules électrifiés qui entraîne un besoin de diversification pour un nombre croissant de sous-traitants.

Mme Nadine Levratto, directrice d’Economix, quant à elle, propose une organisation et une insertion plus transversale, qui expliquerait le succès des territoires industriels à l’ouest du pays. Ainsi, « plus que les secteurs, il faut identifier des filières ou groupements de secteurs. Il existe des indices de variété permettant de mesurer à l’intérieur de l’industrie, ou entre industrie et services, les relations qui s’opèrent entre les composantes du tissu productif. Par exemple, le photovoltaïque fait intervenir les secteurs de l’électronique, de l’agriculture, des transports, ou encore la filière silicium. Le tableau d’échanges interindustriels français est plein de vides. C’est ce qui explique l’insertion importante de la France dans les chaînes globales de valeur et ces aller-retours de produits pour l’assemblage de composants avant d’obtenir le produit final. Toutefois, cela accroît la dépendance aux transports et à la logistique et expose donc à d’éventuelles ruptures dans les chaînes d’approvisionnement » ([299]).

A contrario, la filière du luxe, qui a connu des difficultés similaires, notamment dues à la menace récurrente de la contrefaçon, a choisi d’adopter une charte de bonne conduite pour renforcer le fonctionnement de sa filière. Ainsi, l’objectif de cette charte est-il de rapprocher les sous-traitants des donneurs d’ordre et de lutter contre les délocalisations des façonniers.

Le gouvernement a signé, en janvier 2019, le programme triennal de la filière « mode et luxe » avec le comité stratégique de filière (CSF). Parmi les axes prioritaires figurent les formations techniques et la promotion des métiers de la filière, et notamment la création d’un nouvel Institut français de la mode qui a accueilli 800 étudiants en 2020. Ainsi la création d’écoles de formation au sein de la filière est un moyen de fidéliser les sous-traitants auxquels les donneurs d’ordre peuvent offrir des formations avec un haut niveau d’employabilité.

Pour le rapporteur si la politique de filières ne doit pas être remise en cause car elle reste une instance de dialogue entre industriels au sein d’une même chaîne de valeurs, il lui semble intéressant néanmoins d’amender la politique de filière actuelle.

Ainsi le découpage des filières pose parfois problème, comme pour les entreprises de la filière papetière qui sont membres de deux comités stratégiques de filière : la filière chimie, très structurée et le papier n’est pas sa préoccupation quotidienne, et la filière bois, qui peine à organiser un véritable travail de synergie pour constituer une filière intégrée allant de la production de bois jusqu’à la fabrication de produits finis, par exemple dans les deux départements forestiers importants que sont les Vosges et les Landes.

En premier lieu, il propose donc de faire un bilan, tous les trois ans, avec les parties prenantes, au sein du CNI, pour voir si les 19 filières existantes sont toujours pertinentes, au regard des évolutions rapides de l’innovation.

En second lieu, il souhaite qu’une mission d’accompagnement à la structuration des filières soit mise en place par l’État.

Proposition n° 8 : Faire un bilan de l’organisation des filières actuelles au sein du Conseil national de l’industrie et mettre en place une mission d’accompagnement à la structuration des filières.

Le rapporteur propose également de conduire une réflexion au sein de chaque filière sur les offres de formation – création d’écoles spécialisées sur les compétences attendues des sous-traitants que pourraient proposer les donneurs d’ordre afin de fidéliser leurs sous-traitants de manière à éviter les délocalisations.

c.   Une politique de filière qui doit également prendre en compte les sous-traitance

Outre ces propositions, le rapporteur souhaite une meilleure organisation des relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants sous la forme de contrats d’objectifs par exemple. Ce qui permettra également un rééquilibrage des relations entre les grands groupes et les PME et ETI au sein des filières.

Depuis 2017, l’obligation de vigilance des entreprises donneuse d’ordre a été renforcée. En effet, la loi n°2017-399 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a été promulguée le 27 mars 2017.

Ce texte vise à obliger les entreprises à mieux maîtriser les risques juridiques liés à la sous-traitance tels que le travail dissimulé ou les impacts négatifs sur l’environnement, la santé et la sécurité des personnes.

Un événement précis est à l’origine de la loi du 27 mars 2017. Ainsi, suite à l’effondrement de l’immeuble Rana Plaza au Bangladesh en 2013, plus de 1 000 travailleurs engagés par des sous-traitants de vêtements ont trouvé la mort. Certains de ces sous-traitants étaient français. Ce drame a mis en lumière l’ampleur des risques existant dans le cadre de la sous-traitance et a donné naissance à de nombreuses propositions de loi pour réglementer le recours à la sous-traitance.

L’obligation de vigilance est une obligation ancienne puisqu’elle a été initialement créée par la loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991 renforçant la lutte contre le travail clandestin et la lutte contre l’organisation de l’entrée et du séjour irréguliers d’étrangers en France.

Cette loi contraint les entreprises donneuses d’ordre à être vigilantes quant à l’identité de leurs partenaires commerciaux en vérifiant l’identité et la régularité de leur situation juridique.

L’obligation de vigilance impose à l’entreprise donneuse d’ordre de vérifier que son cocontractant s’acquitte des formalités légales obligatoires telles que les déclarations sociales et fiscales, les déclarations d’activités, les déclarations des salariés travaillant pour lui ainsi que toutes les obligations légales afférentes à son activité (délivrance d’un bulletin de paie, déclarations des salaires et cotisations sociales etc.).

Cette obligation de vigilance s’impose à la condition principale que le contrat conclu soit d’un montant minimum de 5 000 euros hors taxe. En outre, l’entreprise donneuse d’ordre est tenue de procéder à ces vérifications tous les 6 mois jusqu’à la fin de l’exécution du contrat.

La loi n°2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre vient dans le prolongement de la loi de 1991 sur l’obligation de vigilance. Elle précise les sociétés concernées par le devoir de vigilance et accentue la responsabilité des entreprises concernées.

Ce devoir de vigilance tend à prévenir, notamment, les risques d’atteinte à l’environnement liés à l’activité de ces sociétés, ainsi que celle de leurs filiales, sous-traitants ou fournisseurs (articles 225-102-4-1 et 225-102-5 du code de commerce).

La loi vise les sociétés mères et les entreprises donneuses d’ordre de grande taille dont la responsabilité peut être engagée en cas de manquement à leur devoir légal de vigilance. Plus précisément, il s’agit de :

– toute société dont le siège est en France et qui emploie dans l’entreprise ainsi que dans ses filiales directes et indirectes au moins 5 000 salariés ;

– toute société dont le siège est en France ou à l’étranger (et ayant des activités en France) qui emploie dans l’entreprise et dans ses filiales directes et indirectes au moins 10 000 salariés au total.

Le texte impose par ailleurs la mise en place d’un plan de vigilance par les entreprises donneuses d’ordre. Ce plan comporte des mesures de vigilance précises visant à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation (article L. 225-102-4 du code de commerce).

Mais le rapporteur souhaite que le devoir de vigilance s’applique également à la situation économique et financière des sous-traitants, dans le cadre d’un devoir de vigilance étendu afin de veiller au strict respect des délais de paiement, d’éviter les pratiques malsaines comme les ruptures brutales de contrat, les conditions contractuelles déséquilibrées et les pénalités abusives.

Proposition n° 9 : Mieux organiser les relations entre donneurs d’ordres et ses sous-traitants, allant au-delà du devoir de vigilance.

d.   Des 34 plans industriels aux 10 objectifs du plan France 2030

Pour M. Rémi Lallement, co-auteur du rapport de France Stratégie précité, « l’État affiche également une ambition d’État stratège avec des dispositifs tels que le Conseil national de l’industrie, la politique des filières, le programme d’investissements d’avenir (PIA), le Fonds pour l’innovation et l’industrie » ([300]).

Les 34 plans industriels de M. Arnaud Montebourg, ainsi que les 10 solutions de M. Emmanuel Macron, son successeur au ministère de l’Économie, puis les 10 objectifs du plan France 2030, s’inscrivent dans la même politique de continuité industrielle : une forme de planification stratégique de l’industrie afin de pouvoir affronter les défis du futur, notamment dans le cadre de la Nouvelle France industrielle, présentée par M. Arnaud Montebourg, puis continuée par M. Emmanuel Macron.

Des 34 plans de la Nouvelle France industrielle de 2013 aux 9 solutions de 2015

Le 12 septembre 2013, le président de la République M. François Hollande lançait la nouvelle France industrielle à travers 34 plans au service de l’effort de redressement industriel du pays.

Alors que l’industrie est composée de filières rassemblant elles-mêmes des grands groupes et des PME qui ne sont pas toujours en contact entre eux, les 34 plans avaient pour but de fédérer, structurer les acteurs économiques et industriels et de créer des synergies. Cette union autour d’un objectif commun a pour but de construire une offre industrielle française nouvelle et compétitive, capable de gagner des parts de marché en France et à l’international et de créer des emplois nouveaux.

Les dispositifs soutenus ou lancés par l’État tels que le plan d’investissements d’avenir, la Banque publique d’investissement, la Caisse des dépôts, les pôles de compétitivité ont été mobilisés.

Après un an de travail, l’État a identifié des secteurs d’innovations dans lesquels la France doit être à la pointe : TGV, voiture du futur, avion électrique, textiles innovants, biocarburants, usine du futur, objets connectés, réalité augmentée, filière bois… autant de domaines dans lesquels la France dispose d’atouts compétitifs qu’elle doit renforcer pour répondre à une demande actuelle ou future.

Articulée autour de 34 plans, la nouvelle politique industrielle répondait à 3 grands enjeux : la transition énergétique, la révolution numérique et l’économie du vivant.

Des critères ont également été retenus pour ces plans industriels : la capacité à s’incarner autour d’un produit bien identifié, l’appui sur les capacités technologiques des entreprises françaises et d’abord françaises et l’intégration des plans dans un environnement local, universitaire et technologique.

En mai 2015, les 34 plans de la Nouvelle France industrielle ont été rassemblés sous une dizaine de thèmes par son successeur, M. Emmanuel Macron. Les 9 solutions industrielles françaises (plus la numérisation du processus industriel) prennent la suite des 34 plans.

M. Emmanuel Macron a annoncé le déblocage de 3,4 milliards d’euros d’investissements publics supplémentaires pour la construction de la Nouvelle France industrielle.

Il a été décidé dans une nouvelle phase de les rendre plus lisibles, plus en phase avec les attentes des consommateurs et de les tourner vers l’international, en les regroupant en neuf solutions regroupant produits et services avec un accent mis sur la numérisation du processus industriel.

L’alimentation intelligente, la ville durable, la mobilité écologique, les transports de demain, les nouvelles ressources, la médecine du futur, l’économie des données, les objets intelligents et la confiance numérique sont ces 9 solutions.

La nouvelle phase qui commence a promis un investissement de 3,4 milliards d’investissement public. 1,4 milliard a déjà été investi depuis 2013, permettant de déclencher 1,5 milliard d’investissement privé en faveur de potentiels leaders mondiaux.

Pour M. Arnaud Montebourg, l’originalité de sa politique industrielle tenait à la spécificité de ses 34 « plans industriels », qui reposaient davantage sur une politique microéconomique que macroéconomique. Ainsi, « j’avais essayé de proposer des analyses par produit et métier. Nous avions appelé cette procédure les "34 plans industriels". Ainsi dans l’automobile, la conduite autonome constituait un service » ([301]). Pour lui l’action de son successeur, en passant de 34 plans industriels à 10 solutions serait un retour à une politique macroéconomique, moins ancrée sur le terrain. Aussi, « j’aurais apprécié que mon successeur poursuive ma tâche. Dans mon "testament", lors du passage de pouvoir au ministère, je lui avais indiqué que ce point devrait être poursuivi. Il était notamment question d’un plan batterie. Nous l’avions étudié avec le commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), en identifiant les cinq à six éléments manquants pour assembler une batterie en France. Mme Florence Lambert du CEA-Liten en était chargée, car il s’agissait de sourcing et de modèles économiques sous-brique par sous-brique. Or ce projet a été abandonné » ([302]).

M. Frédéric Sanchez, président du groupe Fives, président de l’Alliance industrie du futur (AIF), observe davantage une continuité dans la politique industrielle conduite sous les deux derniers quinquennats : « Sous M. Montebourg a émergé l’idée d’une nouvelle France industrielle et 34 plans ont été proposés. La plupart de ces plans relevaient d’une seule et même initiative, qui était l’industrie du futur. Cette dernière ne réside pas seulement dans la digitalisation. Il s’agit aussi de nouvelles technologies, de nouveaux matériaux et de nouveaux procédés pour décarboner l’industrie. […] En 2017, nous avons créé en France des emplois nets dans l’industrie, après de nombreuses années de suppressions. Les mesures prises à la fin du quinquennat de François Hollande et leur accélération au début du quinquennat d’Emmanuel Macron ont permis un rebond de l’industrie, dont l’élan a été freiné par la crise sanitaire. Le plan de relance et France 2030 ont toutefois permis d’atténuer ce choc exogène et permettront de poursuivre cette dynamique » ([303]).

En effet le plan France 2030 – outre la question du financement – s’inscrit dans la même logique de sécurisation des filières, avec, cependant, une originalité, sécuriser les filières d’avenir, qui constituent donc la structuration de filières non encore véritablement existantes telles que la stratégie d’accélération sur les batteries ou celle sur l’hydrogène décarboné qui visent à anticiper le tournant des nouveaux produits.

Si la puissance publique est également intervenue dans les restructurations et les évolutions sectorielles notamment pour permettre l’émergence de « champions nationaux », la nouvelle politique industrielle – le retour de l’État stratège – s’inscrit surtout dans une politique générale de relance commencée avec le programme des investissements d’avenir, le grand plan d’investissements, le plan de relance et le plan France 2030. L’ensemble de ces plans participent également au financement ainsi qu’à la structuration des filières.

3.   Une nouvelle politique de plans d’investissement

a.   Le programme d’investissement d’avenir (PIA).

Issu des priorités du rapport dit Juppé-Rocard, « Investir pour l’avenir : priorités stratégiques d’investissement et emprunt national » ([304]) de MM. Alain Juppé et Michel Rocard remis à la présidence de la République le 19 novembre 2009, le programme d’investissement d’avenir (PIA) a permis d’investir dans l’enseignement supérieur, la recherche mais également dans la structuration des filières.

Le montant des trois premiers programmes s’élève à 56,5 milliards d’euros.

Le 4ème programme d’investissement d’avenir, doté de 20 milliards d’euros, a été présenté par le Premier ministre, le 3 septembre 2020, en tenant compte des critiques formulées aux trois plans précédents : saupoudrage des crédits, manque d’évaluation sur les projets financés, voire financement de projets n’entrant pas dans le champ de la doctrine des PIA, à savoir un couplage de financement public-privé pour permettre un effet de levier en termes de financement.

La particularité de ce quatrième programme est double, il est davantage tourné vers l’industrie du fait de la création des stratégies d’accélération pilotées par le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI), il peut être évalué en cours de projet (évaluation in itinere).

Ainsi le « PIA 4 introduit une véritable nouveauté en mettant l’accent sur les secteurs d’importance stratégique du point de vue de la souveraineté économique française, cohérente avec l’assouplissement – temporaire ou durable – de la doctrine de la Commission européenne en matière d’aides d’État. Nous notons par ailleurs la création du fonds d’investissement Ace Aéro Partenaires, mis en œuvre par un organisme privé » ([305]).

Les PIA ont permis une modernisation des outils de la recherche publique, facilité l’innovation et la prises de risque, financé les start-ups et la valorisation de la recherche.

Pour autant sans revenir sur les leur utilité, pour le rapporteur il apparaît utile d’évaluer véritablement leur apport par secteur et de mieux piloter leur attribution. En effet, comme l’a relevé M. Christian Charpy, le PIA 3 a permis en grande partie de financer le Grand plan d’investissement (GPI), ainsi que le plan de relance (11 milliards d’euros) et le plan France 2030, la mission budgétaire « Investissements d’avenir » étant transformée en mission « Plan d’investissements France 2030 » à compter du projet de loi de finances pour 2022, par amendement du Gouvernement du 9 novembre 2021.

M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes, a ainsi rappelé que « le Grand plan d’investissement (GPI), engagé en 2018, a intégré le PIA 3 et a ensuite été lui-même intégré au plan de relance, ce qui peut susciter des confusions.[…] La plupart de ces plans poursuivent en effet des objectifs très proches, mobilisent des moyens qui s’empilent les uns sur les autres et s’appuient sur des opérateurs en général identiques : la Caisse des dépôts et consignations, la Banque publique d’investissement (Bpifrance), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).» ([306]).

M. Christian Charpy propose pour améliorer le suivi et le pilotage du PIA, outre, « la création d’outils d’évaluation internes » pour « suivre et retracer l’impact des PIA sur l’actif de la Nation afin de vérifier si celui-ci a une incidence sur la croissance effective et potentielle » ([307]), de :

– renforcer l’évaluation ;

– préciser davantage le rôle du PIA dans la stratégie globale d’investissement de l’État et de conforter les fonctions stratégiques du SGPI ;

– préciser l’articulation du PIA avec les autres programmes nationaux d’investissement : le GPI, le Fonds pour l’innovation et l’industrie (FII).

4.   Le plan de relance : une politique industrielle de soutien et de sécurisation des filières industrielles

Le plan de relance, annoncé le 3 septembre 2020 et adopté par le Parlement dans le cadre de la loi de finances pour 2021, se distingue des autres plans d’investissements. Outre son montant, 100 milliards d’euros, dont 40 milliards en provenance de l’Union européenne, ce qui le distingue c’est à la fois son aspect transversal, il ne s’agit plus de mesures uniquement sectorielles mais d’un plan qui s’adresse à l’ensemble du tissu productif, mais également ses objectifs, en trois volets :

– un volet écologie et transition énergétique doté d’une enveloppe de 30 milliards d’euros ;

– un volet compétitivité des entreprises, doté d’une enveloppe de 34 milliards d’euros ;

– un volet cohésion des territoires, doté de 36 milliards d’euros.

Selon M. Olivier Scalabre, directeur associé senior au Boston consulting group (BCG), le plan de relance est un succès indéniable en comparaison des plans de nos voisins européens. Ainsi, « le plan de relance a contribué à ce que la France reste dans la course, voire à ce qu’elle gagne une certaine avance. 30 % des 100 milliards d’euros du plan ont été consacrés à l’industrie du futur, pour partie afin de combler des retards. En comparaison des plans de relance d’autres pays, la France fait partie de ceux qui ont le plus dépensé pour l’industrie au moment du plan de relance. Elle a investi 1,5 fois plus que l’Italie, 2 fois plus que l’Espagne et également davantage que l’Allemagne » ([308]).

Pour M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, si les résultats sont également là, il faut aller plus loin en termes de renforcement de la sécurité économique. « L’investissement, y compris financier, de soutien à l’industrie que nous avons réalisé dans le cadre de France Relance et que nous réaliserons dans France 2030 doit s’accompagner d’une politique de sécurité économique renforcée » ([309]).

Outre ces bons résultats, ce qui le distingue également, ce sont les relocalisations d’industries que le plan de relance a permis d’accompagner.

Ainsi, Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, a précisé quels étaient les secteurs critiques identifiés : « l’électronique, la santé, la 5G, l’agroalimentaire, les entrants critiques et le nucléaire » ([310]). Pour la ministre déléguée, « au total, 624 projets de relocalisation ont été rendus possibles depuis septembre 2020 grâce au plan de relance et près de 77 000 emplois ont été créés ou confortés partout en France. À titre de comparaison, c’est six fois plus que durant le quinquennat du président Sarkozy, au cours duquel une politique de relocalisation avait été tentée » ([311]).

5.   Le plan France 2030 : un changement de paradigme pour l’avenir des filières

Le plan France 2030, annoncé le 12 octobre 2021, et doté de 30 milliards d’euros de subventions sur cinq ans, est un pari sur l’avenir. Une politique industrielle qui ne vise plus à stabiliser ou à consolider des filières mais, à l’inverse, « à créer et à financer des filières d’avenir ou des produits qui n’existent pas actuellement » ([312]).

Ainsi en est-il de l’hydrogène bas-carbone ou du moteur décarboné.

Le plan France 2030

Le plan France 2030 poursuit 10 objectifs, regroupés au sein de trois volets :

 Mieux produire, doté de 12 milliards d’euros :

– Faire émerger en France des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants et avec une meilleure gestion des déchets ;

– Devenir le leader de l’hydrogène vert ;

– Décarboner notre industrie ;

 Produire près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides ;

– Produire le premier avion bas-carbone.

 Mieux vivre, doté de 5 milliards d’euros :

– Investir dans une alimentation saine, durable et traçable ;

 Produire 20 biomédicaments contre les cancers, les maladies chroniques dont celles liées à l’âge et de créer les dispositifs médicaux de demain ;

– Placer la France à nouveau en tête de la production des contenus culturels et créatifs.

 Mieux comprendre le monde, doté de 2 milliards d’euros :

– Prendre toute notre part à la nouvelle aventure spatiale ;

– Investir dans le champ des fonds marins.

Source : site internet du Gouvernement https://www.gouvernement.fr/france-2030-un-plan-d-investissement-pour-la-france-de-demain

Pour Mme Agnès Pannier-Runacher, France 2030, est la traduction de « deux convictions majeures résultant de la crise. D’abord, l’industrie doit être renforcée, car elle est la colonne vertébrale de notre économie. C’est là qu’on fait les exportations et la recherche et développement. La crise a mis fin, pour beaucoup de décideurs et de leaders d’opinion, à certains mythes : celui du Fabless, celui d’une recherche et développement se déployant sans usines – cela ne marche pas : les entreprises qui ont servi d’ateliers du monde ont remonté la chaîne de valeur et font désormais de la recherche et développement – et le mythe d’une France qui serait définitivement déclassée. Le nombre de projets qui nous sont remontés et dans lesquels les industriels prennent des risques importants témoigne du fait qu’on peut produire dans notre pays et qu’on peut être compétitif, à condition d’investir massivement dans la digitalisation des chaînes de production, d’être positionné sur un certain niveau de valeur ajoutée et d’avoir de l’innovation » ([313]).

M. Alexandre Saubot rappelle que le plan a été co-construit par des représentants de l’industrie : « Le plan France 2030 a été également inspiré par le rapport du collège d’experts présidé par Benoît Potier Faire de la France une économie de rupture technologique et les priorités d’innovation qu’il proposait » ([314]).

M. Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d’investissement (Bpifrance), salue également les décisions annoncées dans le plan France 2030 qui s’appuient sur le rapport de Benoît Potier. Le volet industriel lui paraît conséquent dans la mesure où il intègre, à la demande de Bpifrance, « un compartiment sur les nouvelles usines et les start-ups industrielles. Il s’agit d’une nouvelle classe d’actifs, d’une nouvelle classe d’investissement. Bpifrance y procédera grâce à son activité fonds de fonds, avec de nouvelles équipes privées. […] Il s’agit d’une grande nouveauté de France 2030 par rapport aux plans précédents » ([315]).

Si pour Mme Agnès Panier-Runnacher, ministre déléguée, cette politique porte déjà ses fruits « le nombre de sites industriels est en augmentation. […] Ernst & Young […] qui classe chaque année les pays européens en fonction de leur attractivité pour les investissements industriels, place pour la deuxième année consécutive la France au premier rang des pays européens sur l’investissement industriel avec 341 projets, soit plus que la somme des projets au Royaume-Uni, en Allemagne et en Espagne », pour le rapporteur la question de la gouvernance et de l’articulation entre ces différents plans d’investissement reste un enjeu, pour les finances publiques, les industriels, et in fine les citoyens. ([316]).

Pour M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, « il sera donc nécessaire d’articuler efficacement les actions du secrétariat général pour l’investissement (SGPI), du programme d’investissements d’avenir (PIA), et de l’ensemble des dispositifs que nous avons progressivement sédimentés de sorte que les entreprises qui portent un projet ne se perdent pas dans le labyrinthe des guichets, des autorisations et des demandes. Force est de constater en effet que la France a développé un certain talent pour la complexité administrative » ([317]).

6.   La nouvelle gouvernance du secrétariat général pour l’investissement (SGPI)

Le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) a pour fonction de surveiller la mise en œuvre du programme d’investissement d’avenir.

Sa gouvernance a été récemment améliorée, comme l’a rappelé le Premier ministre dans sa lettre en date du 30 septembre 2021 ([318]) en réponse au référé de la Cour des comptes ([319]), de manière à tenir compte non seulement des critiques antérieurement formulées par la Cour, mais également pour mieux associer et suivre les projets financés ou méritants de l’être dans le cadre d’investissements stratégiques.

Pour le Premier ministre, le PIA 4 est devenu « un PIA plus stratégique » avec un « SGPI coordinateur interministériel de la politique de soutien à l’innovation » ([320]).

En effet, le SGPI est une petite structure, acteur indispensable du pilotage du PIA, notamment pour les stratégies d’accélération financées par le PIA 4, qui ont par définition une vocation interministérielle. Le SGPI peut assurer réactivité et rapidité pour suivre et financer des projets innovants.

Dans son référé, la Cour des comptes souligne également l’amélioration de la gouvernance avec « la création d’un nouvel échelon de supervision ([321]) » : le Comité interministériel de l’innovation présidé par le Premier ministre.

La Cour des comptes salue également le nouveau rôle dévolu, par le décret n° 2021-9 du 7 janvier 2021 modifiant le décret n° 2010-80 du 22 janvier 2010 relatif au secrétaire général pour l’investissement, au comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA), qui a désormais pour mission d’éclairer et de conseiller le Gouvernement.

Le comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA)

Prévu par la loi, le comité de surveillance des investissements d’avenir a pour missions d’éclairer et de conseiller le Gouvernement dans l’élaboration et la conduite des politiques d’innovation et de donner un avis consultatif sur l’identification et la qualification de nouvelles priorités d’investissement, tout en conservant sa mission d’évaluation de l’exécution des programmes des investissements d’avenir.

Les nouveaux membres du CSIA ont été nommé en janvier 2021. Ce comité est composé de 18 membres : 10 personnalités qualifiées, dont la présidente du comité (Mme Patricia Barbizet), désignées par le Premier ministre ainsi que 4 députés désignés par le président de l’Assemblée nationale et 4 sénateurs désignés par le président du Sénat.

Le Premier ministre a souligné le rôle majeur aujourd’hui joué par le SGPI, en assurant la président du comité exécutif du conseil interministériel de l’innovation « qui représente la totalité des directions d’administration centrales concernées, et qui assure le pilotage global de l’ensemble des moyens alloués aux stratégies d’accélération ([322])», conseil interministériel de l’innovation présidé par le Premier ministre.

Loin d’être seulement « le secrétaire général de l’instrument PIA que la Cour identifie à juste titre », le SGPI « devient le coordinateur de la politique d’innovation dirigée de l’État » ([323]).

Ce nouveau rôle est appelé à s’intensifier puisque le SGPI a aujourd’hui vocation à piloter le plan France 2030, répondant au souhait de M. François Bayrou, Haut-commissaire au plan, « partisan d’un petit commando qui assume la responsabilité de ces plans » ([324]).

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, s’est engagée devant la représentation nationale à renforcer la participation des parlementaires au Comité de surveillance des investissements d’avenir appelé à devenir le comité de surveillance du plan France 2030. Pour le rapporteur, il est en effet essentiel que les parlementaires soient associés le plus en amont des décisions d’investissements industriels. À ce titre, il souhaite formuler une proposition, que le nombre de parlementaires soit doublés et que toutes les composantes de la représentation nationale soit associées, le redressement économique de la France et sa politique industrielle, étant par définition « transpartisans » pour reprendre le terme employé par M. Arnaud Montebourg.

Proposition n° 10 : Doubler le nombre de parlementaires nommés au comité de surveillance des investissements d’avenir et assurer une représentation proportionnée de toutes les composantes de la représentation nationale.

B.   de nouvelles modalitÉs d’action en coopération avec les collectivitÉs territoriales et les acteurs Économiques

1.   Un rapprochement progressif entre collectivités et filières industrielles locales

L’ensemble des personnes auditionnées par la commission d’enquête se sont accordées pour rappeler la nécessité d’être au plus près du terrain et des acteurs industriels pour construire un écosystème solide.

Pour M. Louis Gallois, le rôle des régions est clé. Car, « elles associent proximité et hauteur de vue, ce qui leur permet d’être des opérateurs intéressants. Elles sont plus proches et entretiennent un contact plus direct avec le tissu économique et industriel que l’État. Les régions peuvent donc tenir un rôle vraiment très utile dans le développement économique du pays. Si les grands problèmes, les grandes filières et les grandes technologies relèvent de la responsabilité de l’État, l’animation des territoires, l’animation de la vie économique, la formation, le développement des compétences, de l’apprentissage, sont du ressort des régions » ([325]).

Mme Agnès Pannier-Runnacher a confirmé que les régions sont associées avec les services de l’État et les chambres de commerce et d’industrie. Être au plus près du terrain est un préalable pour toucher directement les entreprises car « la situation reste compliquée pour certaines entreprises. Elles ont beau être lauréates, elles doivent présenter, pour être payées, des pièces justificatives dont la liste ne leur semble pas claire. […] Nous devons améliorer ce fonctionnement. Il conviendrait ainsi de s’appuyer sur les territoires pour relayer les informations : les chambres de commerce et d’industrie, les structures locales de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), voire celles du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) même si le secteur d’activité des services est plus représenté localement que celui de l’industrie » ([326]).

2.   L’opération « Territoires d’industrie » : une démarche innovante de financement par l’État des initiatives locales

M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a mentionné lors de son audition des travaux conduits par les économistes Denis Carré, Nadine Levratto et Philippe Frocrain dans l’objectif d’analyser les facteurs concernant l’évolution de l’emploi industriel ([327]) : ils considèrent qu’environ 52 % de l’évolution de cet emploi industriel est lié à des conditions macroéconomiques et que l’effet local de l’ordre de 38 %. Le local signifie le capital social des territoires, c’est-à-dire « la capacité des acteurs industriels à travailler ensemble, public notamment ; la disponibilité du foncier productif, de plus en plus rare sur nos territoires ; la présence de laboratoires et d’universités ».

Ce diagnostic a conduit le Gouvernement à lancer le programme « Territoires d’industrie » à la fin de l’année 2018. Il vise à donner une nouvelle impulsion à des territoires souvent en difficulté.

La gouvernance, originale s’appuie sur un binôme élu local et industriel avec un pilotage assuré par les régions.

Un territoire pionnier à l’origine du programme « Territoires d’industrie »

« Le territoire d’industrie de Nord Franche-Comté est souvent cité en exemple, comme pionnier, avec l’hydrogène. Le succès vient d’investissements très importants et d’acteurs locaux – l’université de Franche-Comté et des industriels – qui ont investi dans l’hydrogène. Cet effet local qui est estimé à 38 % au niveau national peut atteindre, selon ces économistes, jusqu’à 70 % à Figeac, Longwy, Lunéville ou Issoire. L’effet local est donc essentiel. […] Nous avons constaté que, depuis 2008, les territoires industriels qui avaient le mieux résisté étaient ceux qui avaient ce capital social, cette capacité à coopérer, à construire des projets communs, et que c’était assez peu lié à la spécialisation sectorielle ».

Audition de M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, 6 octobre 2021.

2 milliards d’euros de crédits ont été engagés : 884 millions d’euros sont portés par l’État, 480 millions par les opérateurs publics (Banque des territoires, Business France, ADEME, Pôle emploi et Bpifrance) et 569 millions d’euros environ par les conseils régionaux.

L’État soutient leurs projets avec une enveloppe de 1,36 milliard d’euros issus principalement du plan d’investissement dans les compétences, du PIA et des opérateurs nationaux dont la Banque des territoires. Le plan de relance a complété cette enveloppe de 500 millions d’euros. « Territoires d’industrie » représente aujourd’hui un peu moins de deux millions d’emplois.

Le programme « Territoires d’industrie », qui représente près de deux millions d’emplois, pour 110 projets locaux, repose sur les principes suivants.

– cibler les territoires les plus industriels du pays ;

– assurer une gestion décentralisée et déconcentrée, avec un pilotage « confié aux conseils régionaux en lien avec les services de l’État, et à un binôme élu local et industriel » ; ([328]).

– proposer une approche dite « bottom-up », qui consiste à « donner carte blanche aux territoires d’industrie. Il ne s’agit donc pas de fonctionner avec des appels à projets thématiques ou sectoriels, mais de signifier aux territoires qu’ils sont les plus à même de construire des projets qui correspondent à leurs spécificités » ([329]).

Pour M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), « Territoires d’industrie est avant tout une méthode, non pas conçue comme un nouveau dispositif financier ou comme un nouvel appel à projets, mais qui repose sur la confiance entre les acteurs et leurs capacités à élaborer des projets » ([330]).

On recense 146 territoires d’industrie, dont environ 110 effectifs et dynamiques sur la durée. La différence de dynamisme s’explique selon M. Guillaume Basset pour des raisons culturelles, mais également deux causes principales, « la confiance entre les élus locaux et les industriels peut être source de difficultés », et il peut y avoir un défaut d’ingénierie, raison pour laquelle « le gouvernement a décidé de soutenir le déploiement de cinquante chefs de projet. Ce sont des développeurs économiques en capacité de discuter avec les industriels et les élus locaux » ([331]).

Ce programme a permis à l’État de développer un volet territorial complémentaire à la politique de filière sur l’industrie. Les projets sont élaborés en local en fonction de nos diagnostics et sur les difficultés rencontrées par les industriels et les atouts du territoire. Chaque territoire animé par un élu local et un industriel assisté d’un technicien se dote d’un plan d’actions. Une relation s’établit ensuite avec le conseil régional, la préfecture et les opérateurs sur la recherche de financement ([332]).

M. Guillaume Basset a évoqué lors de son audition que le Premier ministre avait annoncé 1,3 milliard d’euros de crédit de l’État d’ici à la fin de l’année 2022, notamment au travers de la mobilisation du plan de relance et du fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires, piloté dans le cadre du programme « Territoires d’industrie ». Ce fonds a déjà permis de soutenir 1 400 projets d’entreprises ainsi que des projets collectifs comme la création de centres de formation, d’écoles de production, de plateformes logistiques ou d’écologie industrielle ([333]).

Bien que l’initiative soit jeune, ces effets concrets commencent à être perçus et évaluables. Selon les acteurs du programme, la plus-value du dispositif « se retrouve à plusieurs niveaux. Pour les territoires, la démarche permet d’avoir une logique de projet, partenariale qui réunit tous les acteurs, soient-ils publics ou privés ce qui n’était pas évident. Ainsi, une dynamique est insufflée en ayant carte blanche sur les projets à traiter et en ayant un accès facilité aux différents outils, parfois dédiés, de chaque intervenant » ([334]), selon M. Jean-Baptiste Gueusquin, adjoint au délégué de programme.

Carte des territoires d’industrie

Source : Agence nationale de la cohésion des territoires https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/territoires-dindustrie-44

M. Louis Gallois en tire également un bilan positif : « les Territoires d’industrie relèvent d’une initiative très intéressante qui permet d’associer le dynamisme des territoires et l’initiative publique. […] Je ne suis pas un décentralisateur forcené, mais je crois en l’énergie des territoires et je pense que l’action publique y trouve un support remarquable » ([335]).

Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, dresse un constat similaire : « les Territoires d’industrie produisent des résultats visibles et coûtent peu cher : environ 700 millions d’euros avec l’abondement récent supplémentaire. Je pense aux projets d’usines géantes (gigafactories) de batteries à Béthune et de panneaux solaires en Moselle. L’ancrage des entreprises aux territoires et ces politiques collectives de soutien à l’activité industrielle sont parfois plus performantes et à moindre coût que les politiques de soutien individuel aux entreprises à coup d’exonérations variées. Il faut donc les favoriser » ([336]).

Pour l’Assemblée des communautés de France (ADCF), les effets positifs du dispositif sont indéniables, notamment l’effet de reconnaissance des initiatives prises dans les territoires et la mise en avant d’une cartographie des spécificités de ces territoires et de leur savoir-faire. Nicolas Portier, délégué général de l’ADCF précise ainsi que « les territoires apprennent à se connaître, cela crée aussi des rapprochements entre industriels et élus locaux » ([337]).

Pour autant, il importe d’éviter que ce recentrage aboutisse à une concurrence entre territoires.

Dans le cadre du fédéralisme belge, la compétence en matière de développement économique revient aux seules régions. Ainsi, la délégation de la commission d’enquête qui a rencontré l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers (AWEX) le 29 novembre 2021, s’est étonnée que la Flandre soit présentée comme le troisième investisseur international en Belgique ; dans les faits, les investisseurs flamands peuvent bénéficier de l’ensemble des mesures destinées à attirer les investisseurs internationaux (participation aux investissements, aides à la R&D, déductions sur les taxes relatives aux emplois créés, prise en charge des formations nécessaires), comme les investisseurs wallons en Flandre, pouvant aboutir à une certaine concurrence entre territoires.

Au contraire, les Territoires d’industrie qui ont le mieux réussis sont ceux où une synergie s’est mise en place entre entreprises, salariés et société civile : « les territoires plus dynamiques, sur le plan de projets et d’emplois industriels, sont ceux où sont présents un certain nombre d’indicateurs liés à un capital social, par exemple un taux élevé d’adhésion à une association. C’est le cas en Vendée par exemple. Sont présents également des déterminants culturels comme le sentiment de responsabilité du dirigeant vis-à-vis de son territoire » ([338]).

Le redressement de Luxfer : un exemple à suivre

L’usine Luxfer à Gerzat, dernier fabricant européen de bouteilles à oxygène, notamment pour le secteur médical, a fermé et licencié les 136 salariés au printemps 2020.

Avec la fermeture du site de Gerzat, la France devenait dépendant des bouteilles étrangères. Le groupe anglo-américain Luxfer Gas Cylinders, propriétaire de l’usine, avait en effet décidé de rapatrier la production au Royaume-Uni et aux États-Unis.

Les difficultés ayant mené à la faillite du site industriel sont nombreuses. Le site de Gerzat a notamment été victime des arbitrages financiers de la maison mère. Selon notre collègue Mme Christine Pirès-Beaune, « sans doute ont-ils voulu maximiser leurs profits pour rémunérer leurs actionnaires» ([339]). Le siège évoque lui une mauvaise gestion et des efforts insuffisants sur place pour sauver la production.

Un projet alternatif de reprise de l’activité de production de bouteilles d’oxygène sous forme coopérative a été élaboré de la part de la Confédération générale du travail (CGT) et des salariés de l’entreprise Luxfer, précise Mme Nadia Salhi ([340]), membre de la Direction confédérale de la CGT, au cours d’une table ronde des organisations salariales représentées au sein du Conseil national de l’industrie. Plutôt que d’accepter le plan de sau­vegarde de l’emploi (PSE) proposé par Luxfer, à peine licenciés, une soixantaine des anciens salariés du site ont passé trois mois à travailler sur le projet de SCOP, projet alimenté par leurs indemnités, mais aussi des prêts et des subventions.

Mais trois ans après, ces salariés, épaulés par l’État et les élus locaux, ont réussi à convaincre un industriel français de relancer leur activité – « un repreneur solide, avec un vrai projet industriel » ([341]), selon Mme Agnès Pannier-Runacher.

Réunis autour du préfet du Puy-de-Dôme le 7 janvier 2022, l’industriel Europlasma, les représentants de l’État, de Clermont-Métropole et du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes ont confirmé leurs engagements financiers, qui devraient permettre à la nouvelle société, Les Forges de Gerzat, de lancer sa production de contenants en aluminium à l’horizon 2024. Deux cents emplois directs doivent être créés d’ici à 2028.

Europlasma apportera 50 millions d’euros, dont 25 millions en fonds propres ; l’État accordera un prêt de 15 millions d’euros et une subvention de 4,5 millions d’euros ; Clermont-Métropole fera l’acquisition du foncier et construira la future usine sur la commune voisine de Cébazat pour un montant de 34 millions d’euros ; le conseil régional accordera de son côté 3 millions d’euros, notamment pour la formation et l’acquisition de machines, ce qui représente au total un investissement de 100 millions d’euros ([342]).

Pour Europlasma, groupe français créé en 1992, spécialisé dans les technologies dites de rupture pour l’inertage et le traitement de déchets dangereux, cette nouvelle entreprise permettra de valoriser l’alumine issue de leurs unités de traitement des déchets d’aluminium.

C’est bien cette synergie et cette recherche d’un projet qui fasse consensus que le rapporteur souhaite développer au niveau local mais également au niveau national.

C.   Le bilan de l’État actionnaire

L’État intervient également dans l’industrie par sa participation au capital d’entreprises nationales, principalement au travers de l’Agence des participations de l’État (APE).

En 2021, l’Agence des participations de l’État gère un portefeuille de 83 entreprises pour une valeur de 125 milliards d’euros, dont 75 milliards d’euros sont des entreprises cotées à travers des participations. Le secteur de la défense, l’aéronautique et l’automobile représente un peu plus de 30 % du secteur coté et 19 % de l’ensemble du portefeuille à travers d’autres participations. Le secteur de l’énergie représente quasiment la moitié du portefeuille coté avec des entreprises telles qu’EDF, Engie, Orano et Eramet. Ainsi la valeur de la participation de l’APE dans EDF s’élève à 34 milliards d’euros, sur un portefeuille de valeur totale boursière de 76 milliards d’euros.

Critiqué, le rôle de l’État actionnaire n’en demeure pourtant pas moins important, notamment depuis la nouvelle doctrine d’intervention, en 2017, de l’Agence des participations de l’État (APE).

Ce changement de doctrine, notamment en termes de clarté et de transparence quant aux objectifs d’interventions de l’APE, est une réponse aux critiques formulées par la Cour des comptes dans son rapport du 25 janvier 2017, L’État actionnaire ([343]), ainsi qu’à celles de M. David Azema, ancien commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’APE, dans sa note pour l’Institut Montaigne, L’impossible État actionnaire ? ([344]), parue également en janvier 2017.

Si certaines critiques demeurent, elles doivent rester mesurées pour le rapporteur au regard de l’importance du rôle de l’État actionnaire, en termes de désindustrialisation, quant à sa participation, à la fois, dans des secteurs stratégiques, quant à son rôle dans la crise due à la Covid-19, quant à l’évolution à venir de sa doctrine en termes d’investissements.

1.   Des critiques anciennes sur l’impossible État actionnaire

Parmi les critiques anciennes et renouvelées de l’État actionnaire figure la question des injonctions contradictoires. L’État, contrairement à un investisseur privé, doit prendre en compte des considérations exogènes au seul intérêt de l’entreprise telles que les conséquences de la faillite d’une entreprise qui pourrait avoir des répercussions systémiques. L’État a, en effet, une responsabilité sociale, celle des bassins d’emplois par exemple, même si le critère de l’emploi n’est pas directement pris en compte dans la doctrine de l’APE, comme l’a rappelé M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), lors de son audition devant la commission d’enquête.

M. Rémi Lallement, co-auteur du rapport de France Stratégie, Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, a également rappelé que le rapport de la Cour des comptes précité, critiquait également l’absence « d’une doctrine claire de l’État quant à l’usage de ses participations dans le capital des entreprises ; participations au demeurant fortement concentrées dans le domaine des services, hormis les domaines du nucléaire et du transport ferroviaire » ([345]).

Le portefeuille de l’APE est limité à des participations dans certains secteurs, en cohérence avec les cinq missions définies par l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique. Figurent donc au nombre des missions de l’APE :

– incarner les intérêts patrimoniaux de l’État dans sa politique de gestion ;

– favoriser la performance économique des entreprises, leur rentabilité et leur valorisation sur le long terme ;

– promouvoir le rôle d’actionnaire avisé de l’État dans les instances de gouvernance des entreprises ;

– gérer le portefeuille de participations à travers les opérations d’acquisition, de fusion ou de rapprochement actionnariaux ;

– encourager l’exemplarité en matière de rémunération, d’égalité et de responsabilité sociale et environnementale.

Cependant le rôle de l’État dans la gestion des entreprises dans lesquelles il prend des participations n’est-il pas limité par son statut même d’actionnaire ? Si, en application de droit européen encadrant les aides d’État, présenté dans la deuxième partie du présent rapport, les participations publiques ne peuvent être maintenues ou prises que si l’État peut garantir une création de valeur comparable à celle d’un actionnaire privé – sauf à désigner clairement et à compenser dûment le coût d’obligations particulières qu’il leur imposerait – sa capacité d’intervention reste alors très contrainte.

M. Martin Vial a précisé le rôle crucial qu’avait pu jouer l’Agence des participations en matière notamment de fusions et acquisitions pour des acteurs essentiels dans le domaine de l’énergie, des transports, de l’aéronautique et de l’automobile et surtout de la défense, secteurs qui représentent également des secteurs stratégiques pour la France.

Outre le fait que l’APE intervient dans des domaines limités, au regard de sa doctrine, il importe de préciser également que sa doctrine d’intervention l’amène à privilégier davantage les grandes entreprises ou les grands groupes. Pour lui, « l’État actionnaire a joué un rôle de contributeur important dans la politique industrielle française, notamment lors de structurations et restructurations de filières industrielles » ([346]).

Et de citer de nombreux exemples de restructuration, telle qu’en 2005, la fusion de Snecma et Sagem qui a donné Safran, Thales et la direction des constructions navales (DCN) devenue Naval Group, en 2015, KDNS, issue de la fusion des arsenaux terrestres français et de Krauss-Maffei Wegmann (KMW), Airbus et Safran qui ont donné naissance à ArianeGroup.

2.   La nouvelle doctrine d’investissement de l’Agence des participations de l’État

La nouvelle doctrine d’intervention de l’État, établie et publiée en 2017, n’a fait que mettre en cohérence, et rendre plus transparente l’intervention de l’APE, notamment pour éviter la faillite d’entreprises qui représentaient un risque systémique, l’exemple de PSA, en 2014, est à ce titre particulièrement éclairant.

La nouvelle doctrine d’interventions de l’APE prévoit que l’État a vocation à investir dans trois types d’entreprises :

 les entreprises stratégiques qui contribuent à la souveraineté de notre pays (défense et nucléaire) ;

 les entreprises participant à des missions de service public ou d’intérêt général national ou local pour lesquelles la régulation serait insuffisante pour préserver les intérêts publics et assurer les missions de service public ;

 les entreprises en difficulté dont la disparition pourrait entraîner un risque systémique.

Cette nouvelle doctrine a conduit également à investir pour sécuriser certaines filières, au-delà de la défense et de la filière nucléaire.

Un exemple emblématique d’intervention dans une entreprise dont la disparition pourrait entraîner un risque systémique : le cas de PSA

Dans la politique industrielle, nous avons participé à des transitions délicates, comme dans le cas de Peugeot SA (PSA) en 2014, à travers une prise de participation dans Peugeot-Citroën à hauteur de 800 millions d’euros, à côté de la famille Peugeot et de l’industriel chinois Dongfeng. Ce sauvetage de l’entreprise s’est traduit par un succès. En 2017, nous avons revendu notre participation à la BPI, qui est actionnaire de Stellantis, et a permis la fusion de Fiat Chrysler Automobiles et de PSA. Cette participation vaut aujourd’hui plus de 3 milliards d’euros. L’État actionnaire intervient lorsque la situation d’une entreprise au poids systémique dans un secteur le réclame.

Source : audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’APE.

Comme l’a rappelé M. Martin Vial, s’il n’existe pas de fonds dédié à la santé, « mais la question de sa création se pose en raison des difficultés d’approvisionnement au plus fort de la crise en 2020. Nous n’avons qu’une seule participation dans ce secteur, au travers du LFB. BPI a des participations dans la biotechnologie, et de manière marginale dans le domaine de la santé. Nous devons nous demander s’il faut systématiquement créer un fonds sectoriel lorsqu’un secteur a révélé certaines fragilités liées à la souveraineté économique ou à l’approvisionnement. L’État actionnaire devra se poser cette question durant la prochaine législature » ([347]).

Le rapporteur soutient cette idée ; il semble nécessaire que l’État puisse prendre des participations dans les entreprises dont le caractère vital serait reconnu, notamment pour assurer la sécurité des approvisionnements en matière de produits de santé.

Ce renouvellement du rôle de l’État actionnaire devrait se faire dans le respect des règles européennes relatives aux aides d’État (voir infra. en deuxième partie) en étant des prises de participation gérées comme un investisseur avisé.

Proposition n° 11 : Renouveler la doctrine d’intervention de l’État actionnaire pour l’ouvrir à des prises de participation dans les secteurs stratégiques ou vitaux.

3.   De nouvelles modalités d’action à l’occasion de la crise sanitaire : la création de fonds d’intervention sectoriels

La création de divers fonds sectoriels, depuis mars 2020, a permis de « soutenir des entreprises sous-traitantes de grands donneurs d’ordre dans différents domaines » ([348]).

La crise sanitaire a donc permis de répondre indirectement à une partie des critiques adressées à l’APE sur le fait que ses interventions concernent essentiellement les très grandes entreprises même si cela correspond à sa doctrine d’investissement, la Banque publique d’investissement (BPI) dont elle est partenaire, ayant elle vocation à intervenir auprès des PME et ETI. Néanmoins, dans le cadre de la crise les fonds structurels ainsi que le fonds de transition ont eu vocation à répondre également à la demande des PME et ETI qui faisaient partie des filières industrielles impactées par la crise.

Les interventions en matière de fonds se sont essentiellement faites par le biais de fonds sectoriels, ce qui pose évidemment la question du choix des secteurs aidés.

Le Fonds avenir automobile 2 (FAA 2) s’élève ainsi à 525 millions d’euros. Cela correspond à une situation exceptionnelle et inédite : « pour la première fois dans l’histoire de ce secteur, des usines du monde entier se sont arrêtées alors qu’elles avaient toujours été sollicitées, y compris en période de guerre. Pendant plusieurs semaines, l’activité de Stellantis ou de Renault a été contrainte de s’interrompre sous l’effet des mesures de confinement. Les sous-traitants ont été immédiatement frappés. Le fonds a donc pour objectif de soutenir cette filière » ([349]).

Quant au fonds aéronautique, doté d’1 milliard d’euros, il sera géré par un fonds privé, la participation publique au fonds s’élevant à 200 millions d’euros. « Il vise à intervenir dans des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et d’importantes petites et moyennes entreprises (PME) du secteur » ([350]).

Un fonds dédié à la crise nucléaire a également été créé en partenariat avec Électricité de France (EDF). L’État contribue à ce fonds à hauteur de 100 millions d’euros.

Quant au fonds transversal, appelé fonds de transition, avec une participation des fonds publics à hauteur d’1,8 milliard d’euros, « doté de 3 milliards d’euros, [il vise à soutenir les entreprises frappées par la crise de la Covid-19, mais qui ne pouvaient bénéficier entièrement des fonds de solidarité ou des aides directes sur les charges fixes en raison de leur taille » ([351]).

4.   Une politique d’intervention en voie de restructuration

Comme l’a précisé M. Martin Vial, et cela est évidemment en lien, avec la nouvelle politique industrielle de la France mais également de l’Europe, qui sans être autarcique, tend à retrouver une forme de souveraineté sur les secteurs pensés comme stratégiques.

Politique commencée en 2005 avec le décret du 30 décembre 2005 pris par Dominique de Villepin puis étendue par le décret du 14 mai 2014 dit « décret Montebourg », et à nouveau étendue avec le décret du 31 décembre 2019 relatif aux investissements étrangers en France, ([352]) dit « décret Bruno Le Maire » organise le contrôle de la prise de participation extra-européennes dans des entreprises considérées comme sensibles. La politique de filtrage des investissements étrangers en France est une réponse défensive à la sauvegarde d’entreprises stratégiques ou sensibles. Étendue durant la crise relative à la Covid-19 pour éviter que des entreprises sensibles, parce que stratégiques et souveraines, ne fassent l’objet d’un rachat par des investissements étrangers, la doctrine de l’État, en matière de participations et donc de rachat d’entreprises, en est le corollaire.

Le renforcement du contrôle des investissements directs étrangers (IDE)
en Europe et en France

L’entrée en application du premier mécanisme européen de filtrage des investissements directs étrangers : une coopération permettant la protection des actifs stratégiques européens

Le règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union a été adopté le 19 mars 2019 et est entré en application le 11 octobre 2020.

Sans contraindre les États membres à se doter d’un dispositif national de contrôle des investissements étrangers, ce règlement a pour but d’encadrer les mécanismes nationaux de contrôle existants ainsi que d’assurer une coordination à l’échelon européen. Il vise en outre à introduire un droit de regard de la Commission sur les IDE au sein d’actifs ou d’entreprises stratégiques, sans toutefois lui conférer de pouvoir décisionnel.

Ces nouvelles dispositions introduisent un système de coopération entre l’ensemble des États membres et la Commission. Il est applicable à l’ensemble des IDE en provenance de pays tiers à l’Union européenne, que ces IDE fassent ou non l’objet d’un contrôle au niveau national, afin que les États membres et la Commission puissent faire état de leurs préoccupations sur la réalisation potentielle ou effective de certains investissements en provenance d’États tiers.

Il n’est prévu aucun seuil minimal pour l’application du règlement, qui peut trouver à s’appliquer à une opération dont la valeur financière est relativement limitée, mais dont l’importance stratégique est majeure (comme en matière de recherche et technologies).

Le règlement identifie une série de facteurs susceptibles d’être pris en considération par les États membres ou la Commission afin de déterminer si un IDE est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à l’ordre public, qui tiennent aux effets potentiels de l’IDE ou à l’investisseur.

Ce dispositif n’introduit cependant aucun mécanisme contraignant. En effet, l’État membre procédant au filtrage, ou dans lequel un IDE est prévu ou a été réalisé, devra dûment tenir compte des commentaires des autres États membres et de l’avis de la Commission, qui n’ont cependant qu’un caractère consultatif. Ainsi, la décision finale incombe in fine à l’État membre concerné.

Une procédure de coopération est encadrée par des délais prévus par le règlement afin de permettre l’échange d’informations entre les États et la Commission tout en prenant en compte, notamment, les délais déjà prévus par les procédures nationales.

Le règlement fixe par ailleurs un cadre commun minimal à suivre par les États membres qui maintiennent ou adoptent un mécanisme de filtrage au niveau national :

– les règles et procédures nationales doivent être transparentes et ne pas créer de discrimination entre les pays tiers ;

– les États membres doivent appliquer des délais dans le cadre de leurs mécanismes nationaux, tout en permettant de prendre en compte les commentaires des autres États membres et les avis de la Commission formulés dans le cadre du dispositif européen ;

– les investisseurs étrangers et les entreprises concernées doivent avoir la possibilité de former un recours contre les décisions de filtrage des autorités nationales.

Le règlement introduit enfin la possibilité pour les États membres et la Commission de coopérer avec les autorités compétentes des pays tiers sur des questions liées au filtrage des IDE. En outre, un groupe d’experts sur le filtrage des IDE dans l’Union européenne a été constitué afin, notamment, de fournir des conseils et une expertise à la Commission, de partager les bonnes pratiques ainsi que d’échanger sur les sujets liés aux IDE.

La réforme du contrôle français des investissements étrangers

Impulsée par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, qui a notamment renforcé les pouvoirs de police et de sanction du ministre chargé de l’économie et étendu la liste des secteurs concernés par le dispositif de contrôle des IDE, l’évolution de notre cadre national a été poursuivie par le décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019 ainsi que par un arrêté du même jour.

La version révisée du contrôle national des investissements étrangers est pleinement entrée en vigueur pour les demandes d’autorisation formées à compter du 1er avril 2020.

Cette évolution s’est traduite par une réécriture en profondeur de la partie réglementaire du dispositif de contrôle des investissements étrangers qui, pour ce qui est du droit français, concerne à la fois les investissements en provenance de l’UE et des pays tiers.

Conformément à l’article R.151-2 du code monétaire et financier (CMF), est désormais constitutif d’un investissement étranger soumis à contrôle « le fait pour un investisseur mentionné au I de l’article R.151-1 :

 d’acquérir le contrôle, au sens de l’article L.233-3 du code de commerce, d’une entité de droit français ; ou

 d’acquérir tout ou partie d’une branche d’activité d’une entité de droit français ; ou

 de franchir, directement ou indirectement, seul ou de concert, le seuil de 25 % de détention des droits de vote d’une entité de droit français ».

Alors qu’auparavant la réglementation déclenchait le processus d’autorisation lorsqu’un investisseur prenait une participation d’au moins 33,33 % du capital ou des droits de vote d’une entreprise française, les dispositions précitées soumettent désormais au contrôle tout investissement conduisant à franchir le seuil de 25 % des droits de vote.

Il convient toutefois de noter que le franchissement du seuil de 25 % des droits de vote déclenchant un contrôle ne s’applique qu’aux investisseurs provenant de pays tiers à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen (CMF, art. R.151-2).

Les activités soumises à contrôle figurent au nouvel article R.151-3 du CMF, qui s’applique désormais quelle que soit la nationalité de l’investisseur.

Le décret élargit le champ des activités entrant dans le dispositif de contrôle : la presse écrite et les services de presse en ligne d’information politique et générale, la sécurité alimentaire, le stockage d’énergie et les technologies quantiques (CMF, art. R.151-3).

Ainsi, les activités visées par l’article R. 151-3 incluent désormais les secteurs suivants :

– armes, munitions et substances explosives,

– biens et technologies à double usage,

– activités exercées par les entités dépositaires de secret de la défense nationale,

– sécurité des systèmes d’information,

– interception des communications, captation de données informatiques,

– activités exercées par les entités ayant conclu un contrat au profit du ministère de la défense pour la réalisation d’un bien ou service relevant d’une activité sensible,

– cryptologie,

– jeux d’argent – à l’exception des casinos,

– activités destinées à faire face à l’utilisation illicite d’agents pathogènes ou toxiques,

– traitement, transmission ou stockage de données dont la compromission ou la divulgation est de nature à porter atteinte à l’exercice des activités sensibles,

– activités de R&D portant sur les technologies critiques (cybersécurité, intelligence artificielle, robotique, fabrication additive, semi-conducteurs, technologies quantiques, stockage d’énergie et biotechnologies) ;

Activités portant sur des infrastructures, biens ou services essentiels pour garantir :

– l’approvisionnement en énergie ou en eau,

– l’exploitation des réseaux et services de transport,

– l’exploitation des réseaux et des services de communications électroniques,

– les opérations spatiales,

– l’exercice des missions de la police nationale, la gendarmerie, des services de sécurité civile, ainsi que l’exercice des missions de sécurité publique de la douane et de celles des sociétés agréées de sécurité privée,

– l’exploitation des établissements, installations et ouvrages d’importance vitale (et leurs systèmes d’information),

– la protection de la santé publique,

– la sécurité alimentaire,

– l’édition, l’impression ou la distribution des publications de presse d’information politique et générale.

Désormais, la procédure d’autorisation suit un processus en deux phases encadrées par des délais précis.

La phase 1 s’ouvre avec la réception de la demande d’autorisation d’un investissement. Dans un premier délai de 30 jours ouvrés, dont le point de départ est fixé au jour de la réception d’un dossier complet et pour lequel l’administration a toute latitude afin de statuer sur la complétude. Dans l’hypothèse d’un examen complémentaire, l’article R.151-6 du CMF semble indiquer qu’une phase 2, destinée à négocier des engagements, peut être ouverte.

La décision finale doit en toute hypothèse intervenir dans un délai de 45 jours ouvrés à compter de la date de réception par l’investisseur ayant déposé la demande de la décision du ministre l’informant d’un examen complémentaire.

Les mesures de police et sanctions énoncées aux articles L. 151-3-1 et L. 151-3-2 du CMF sont précisées aux articles R.151-12 à R.151-15 du même code. Elles incluent, pour mémoire :

– injonctions, assorties le cas échéant d’une astreinte ;

– mesures conservatoires (suspension des droits de vote, interdiction ou limitation de la distribution de dividendes, restrictions temporaires à la libre disposition de tout ou partie des actifs liés aux activités sensibles, désignation d’un mandataire chargé de veiller à la protection des intérêts nationaux au sein de la cible) ;

– retrait de l’autorisation ;

– amende dont le montant s’élève au maximum à la plus élevée des sommes suivantes : le double du montant de l’investissement irrégulier, 10 % du chiffre d’affaires annuel hors taxes de la cible, cinq millions d’euros pour les personnes morales et un million d’euros pour les personnes physiques.

L’application renforcée du contrôle des investissements étrangers en temps de crise : un durcissement nécessaire à la protection des actifs stratégiques nationaux et européens

Dès les premiers impacts de la crise sanitaire, la Commission européenne a adopté une communication publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 26 mars 2020 avec des orientations à l’attention des États membres dans la perspective de l’application du règlement (UE) 2019/452.

Tout en fournissant des lignes directrices relatives à l’application du règlement, ces orientations ont été l’occasion, pour la Commission, de revenir sur la situation d’urgence liée à la pandémie, ses effets sur l’économie et les industries européennes, ainsi que sur les réponses à apporter au regard des investissements étrangers dans l’UE.

À cette occasion, la Commission a appelé les États membres à la vigilance, particulièrement en période de crise, afin d’éviter des cessions massives d’actifs d’entreprises et industries européennes. Ainsi, elle les a encouragés plus que jamais à faire pleinement usage de leurs mécanismes nationaux de contrôle des IDE, ou à mettre en place un mécanisme complet de filtrage pour les États qui n’en disposaient pas et, dans l’intervalle, à envisager toutes les options en vue de traiter les situations dans lesquelles un IDE engendrerait un risque pour la sécurité sanitaire, la sécurité ou l’ordre public dans l’Union européenne.

En France, ces orientations européennes se sont traduites par l’annonce, à la fin du mois d’avril 2020, par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, du renforcement du dispositif national. En substance, il a été procédé à une extension du champ des activités protégées et des investissements soumis à la procédure de contrôle.

Ainsi, un arrêté du 27 avril 2020 a étendu le champ des activités protégées aux biotechnologies.

Quelques mois plus tard, le décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020 a temporairement abaissé, initialement jusqu’au 31 décembre 2020, de 25 % à 10 %, le seuil d’acquisition des droits de vote susceptible de déclencher le contrôle dans les sociétés françaises exerçant des activités sensibles et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé.

Une procédure allégée a également été introduite par le décret lorsque l’investisseur franchit le seuil de 10 % afin de limiter les freins à la liquidité des marchés.

Ce dispositif qui devait initialement cesser fin décembre 2020 a été prorogé au moins jusqu’au 31 décembre 2021.

Ces événements récents traduisent la volonté accrue de la France et de l’Europe de préserver des actifs considérés comme stratégiques en étendant le champ du contrôle des investissements étrangers. Ils sont aussi le reflet de l’attractivité de nos entreprises pour les investisseurs du monde entier, qui contribuent à leur croissance et à leur succès. C’est pourquoi l’investissement doit être encouragé en veillant, lorsque cela est nécessaire, à l’encadrer dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité gouvernant notre contrôle des investissements étrangers.

Proposition n° 12 : Renforcer le contrôle français des investissements étrangers en pérennisant dans la loi le seuil d’acquisition de 10 % des droits de vote susceptible de déclencher le contrôle dans les sociétés françaises exerçant des activités sensibles, et élargir le champ de ces activités à l’ensemble des industries de l’énergie et du médicament, pour conserver les technologies et savoir-faire français.

Sans en faire une intervention systématique, M. Martin Vial a expliqué comment pourrait évoluer la nouvelle doctrine de l’APE dans ce sens : « dans la réflexion de préparation de la prochaine législature, nous soutenons qu’il existe des entreprises cotées où nous n’avons pas de participation, dont le capital est dispersé, et qui peuvent faire l’objet d’intérêts financiers au vu de la masse de capitaux disponibles sur les marchés européen, américain et asiatique. L’APE ne peut intervenir chaque fois qu’une entreprise cotée voit son capital fragilisé. […] Dans le cadre de la crise de la Covid-19, où des revalorisations d’entreprises françaises dégradées par la crise ont été réalisées, M. Bruno Le Maire a abaissé le niveau de participation nécessaire pour utiliser ce levier [le décret de filtrage des investissements directs en France] » ([353]).

Cette évolution resterait prudentielle car ce n’est pas l’objet de la doctrine principale de l’APE : « les interventions capitalistiques auprès de nouvelles entreprises de l’État actionnaire ne peuvent qu’être exceptionnelles. Il doit s’agir de sauvetages d’entreprises qui souffrent des problèmes systémiques plus que de défense capitalistique, sauf en dernier recours. Le premier levier est le levier d’investissement à l’étranger, qui doit être manié avec beaucoup de précautions. La France est devenue un pays très attractif et il ne faut pas briser cette dynamique » ([354]).

M. Martin Vial a précisé quelle serait l’évolution de la politique d’intervention de l’État. Quatre nouveaux critères permettront de penser l’intervention de l’État au capital des entreprises.

Premier critère, « l’État actionnaire continuera d’intervenir en secours auprès des entreprises, que la crise a profondément marquées, notamment dans le domaine du transport. Cette mission restera importante, pour les entreprises présentes dans notre portefeuille, mais également pour des entreprises sans participation qui pourraient faire appel à l’État dans des conditions sélectives » ([355]).

Le deuxième critère est clairement un renouveau en matière de politique industrielle qui consiste à prendre en compte la souveraineté économique. « Cette crise a montré la dépendance de certains secteurs industriels envers des approvisionnements étrangers, dans le secteur de la santé, mais également dans le domaine des microprocesseurs ou des matières premières. Le maintien d’actionnaires publics ou privés français dans le pilotage des entreprises est déterminant pour conserver des centres de décision et de R&D en France ainsi que pour sécuriser les centres de production ».

Quant au troisième, il concerne essentiellement le renforcement des exigences environnementales. « Votre parlement a pris un certain nombre de dispositions législatives afin que des exigences soient demandées aux entreprises en contrepartie des investissements de l’État actionnaire. Ces exigences bouleversent le modèle économique des entreprises. Dans le secteur automobile, la crise rapide du secteur des fonderies s’explique notamment par la demande de la Commission européenne envers les industriels de ne plus vendre de voitures à moteur thermique à horizon d’une quinzaine d’années. Dans le secteur de l’industrie aéronautique, l’évolution de la motorisation des avions s’accélère. D’immenses changements de procédures, de technologies, et de R&D surviennent dans une période réduite. Il sera nécessaire pour tous ces secteurs de pouvoir s’appuyer sur des actionnaires stables, qui les accompagnent dans la durée pour faire face à ces changements économiques ».

Un quatrième critère serait la prise en compte de « la disruption numérique et technologique » ([356]) qui nécessite que les entreprises soient accompagnées par un actionnaire stable, l’État.

L’APE est un investisseur stable, qui peut rester longtemps au capital d’une entreprise, contrairement à d’autres investisseurs tels que des actionnaires privés. C’est à cette aune qu’il faut juger son action. Le renouvellement de la doctrine d’investissement devrait permettre de prendre en compte le facteur de localisation des entreprises dans la mesure où la question du maintien des centres de R&D dans les secteurs stratégiques paraît essentielle.

Pour le rapporteur, l’importance du rôle de l’APE comme instrument d’une politique industrielle renouvelée de l’État ne fait aucun doute, d’autant que ces actions sont complémentaires de celles de Bpifrance dont il est par ailleurs actionnaire. Il faudrait ainsi que la question de la protection des activités stratégiques soit reliée à l’action de l’APE, afin d’envisager le sauvetage d’entreprises stratégiques par une prise de participation de l’Agence des participations de l’État.

Pour autant, il apparaît nécessaire de renouveler sa doctrine d’intervention en prenant plus explicitement en compte la question du maintien des entreprises sur les territoires afin de pouvoir garder des centres de R&D en place, d’organiser un débat annuel tant sur le rôle de l’État actionnaire que sur sa doctrine dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, et de créer un nouveau fonds souverain dédié à la participation dans les secteurs d’avenir, sachant que pour se développer ses secteurs ont besoin d’un actionnariat stable.

L’activité de ce fonds souverain devra s’inscrire dans le respect des règles européennes relatives aux aides d’État (voir infra. en deuxième partie) en étant des prises de participation gérées comme un investisseur avisé.

Proposition n° 13 : Ouvrir un nouveau compartiment (fonds souverain) dédié à la participation aux secteurs d’avenir comme investisseur avisé.

Ce renouvellement du rôle de l’État actionnaire justifiera que le Gouvernement rende compte devant le Parlement, de manière annuelle, de ses choix et de ses opérations en termes d’investissement.

Proposition n° 14 : Mieux rendre compte au Parlement de la politique actionnariale de l’État, par un débat annuel dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

 


   DeuxiÈme partie : une politique industrielle dont les objectifs et les moyens doivent être redÉfinis à l’aune des dÉfis environnementaux et des nouvelles conditions de production

L’industrie française fait aujourd’hui face à trois principaux enjeux. En effet, elle est confrontée à des mutations rendues nécessaires par la conduite de la transition énergétique et la lutte contre le dérèglement climatique. Dès lors, elle doit réinventer son modèle de compétitivité face à la transformation de la concurrence mondiale. L’augmentation de l’effort de recherche et développement (R&D), dans le cadre d’une stratégie résolument tournée vers l’industrie de demain, peut permettre de positionner favorablement la France dans la réponse à ce défi. Enfin, l’industrie a un rôle clé à jouer dans la garantie de la souveraineté économique du pays et de l’Union européenne (UE). À ce titre, l’association des acteurs publics et privés sera déterminante pour l’actualisation du pacte productif national et européen.

I.   Accompagner les mutations nÉcessaires au regard des enjeux de la transition ÉnergÉtique et de la lutte contre le dÉrÈglement climatique

Face à la dégradation de l’environnement et du renforcement de la régulation pour en prévenir les conséquences, les entreprises ont aujourd’hui à engager des investissements importants pour renouveler leur mode de production et répondre aux exigences d’une économie soutenable.

L’industrie française peut contribuer à relever les défis de la transition climatique et énergétique en s’appuyant sur ses atouts historiques, ainsi qu’en favorisant la création de nouvelles filières au service de l’émergence d’un pacte productif plus respectueux de l’environnement.

Ainsi, la France a l’opportunité de valoriser ses avantages comparatifs et de se positionner sur les technologies d’avenir afin de prendre le chemin de la réindustrialisation. Dans ce contexte de changement des modes de production, l’action et l’engagement des pouvoirs publics sont essentiels pour permettre à l’industrie française de réussir sa consolidation et sa transition.

A.   Des entreprises confrontÉes à l’obligation de renouveler leurs produits et leurs modes de fabrication face aux exigences d’une Économie dÉcarbonÉe et soutenable

Publiée en août 2021, la première partie du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ([357]) expose des prévisions climatiques pessimistes et un constat alarmant pour la planète. Alors que la température de la planète devrait augmenter de 1,5 °C dès 2030, soit une décennie plus tôt que la précédente prévision du GIEC, la responsabilité de l’activité humaine dans le réchauffement climatique est reconnue sans équivoque.

À la lumière de ce constat, l’adaptation du tissu productif à la réalité du changement climatique est inévitable. Ainsi, France Stratégie note dans sa contribution transmise à la commission d’enquête le besoin de refondation et d’élargissement des politiques industrielles afin de changer en profondeur les modes de production et de consommation ([358]).

Par son impact sur l’environnement mais également par sa faculté à porter des innovations décisives, la transformation de l’industrie apparaît comme un impératif face à l’enjeu de préservation de la civilisation humaine. Toutefois, les conséquences de cette transition sur les entreprises doivent être anticipées afin de les accompagner dans l’adaptation de leur modèle de production.

1.   La transition énergétique et climatique affecte en profondeur le tissu industriel français

a.   Le défi de la transition énergétique

L’industrie a un rôle clé à jouer pour bâtir une économie résiliente. En effet, comme évoqué par M. Éric Keller, secrétaire fédéral de la Fédération FO Métaux lors de la table ronde des organisations salariales représentées au sein du Conseil national de l’industrie (CNI), renforcer l’industrie « c’est lui donner les moyens de relever les grands défis de l’humanité » ([359]).

L’Europe est devenue le premier continent à s’engager sur la neutralité carbone en 2050, notamment grâce à un soutien de long terme de la France pour cette initiative. Le 14 juillet 2021, la Commission européenne a ainsi présenté douze textes législatifs pour un « paquet » intitulé « Fit for 55 » – « Ajustement à l’objectif 55 ». L’objectif poursuivi est d’adapter les politiques de l’Union européenne en vue de réduire d’au moins 55 % les émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 puis d’atteindre un solde d’émissions net nul d’ici à 2050. Parmi les mesures principales de ces propositions, le passage à 100 % de voitures et véhicules utilitaires légers neufs « zéro émissions » à partir de 2035 illustre un fort niveau d’ambition avec des conséquences industrielles directes.

La plupart des entreprises sont aujourd’hui déjà mobilisées sur les questions environnementales. M. Nicolas de Warren, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), affirme que « la neutralité carbone en 2050 est le véritable enjeu stratégique pour notre industrie » ([360]).

L’UNIDEN a partagé auprès de la commission d’enquête les résultats de sa contribution au travail du rapport du Réseau de transport d’électricité sur les « futurs énergétiques 2050 » ([361]) : le scénario étudié par l’UNIDEN conclut que la consommation électrique de l’industrie en France devrait passer de 115 térawattheures (TWh) en 2019 à un point médian de 385 TWh à horizon 2050. Le facteur de disponibilité des besoins d’électricité pour la seule industrie dans son ensemble s’élève donc à 3,3.

Pour M. Nicolas de Warren, « l’articulation entre une politique énergétique volontariste, en particulier sur l’électricité, associée au gaz "bas carbone" avec l’utilisation de la biomasse, sera une des conditions essentielles de la réussite de la future politique industrielle » ([362]). Ainsi, la politique industrielle des trente prochaines années ne pourra pas faire l’économie d’une intégration profonde de la politique énergétique. Le rôle de l’État sera déterminant pour « accompagner ces investissements importants » ([363]) comme l’appelle de ses vœux M. Stéphane Lepeu, président de CDMO France, les industries étant contraintes de s’engager au plus vite sur le chemin de la transition énergétique.

b.   Vers une industrie écoresponsable

L’industrie est aujourd’hui engagée dans une épreuve de réduction des émissions de dioxyde de carbone et des déchets non recyclables. Comme l’affirme M. Louis Gallois, l’exigence d’une industrie écoresponsable signifie que « les processus de production et les produits devront être faiblement émetteurs de dioxyde de carbone (CO2) » et qu’il sera nécessaire « de s’orienter vers des produits qui bénéficieront à l’avenir d’un monde moins gaspilleur, plus économe en ressources et moins émetteur de CO2 ». ([364])

Les secteurs concernés par cette nouvelle exigence sont potentiellement nombreux : M. Louis Gallois évoque ainsi « la santé, l’agroalimentaire, les plastiques biodégradables, les systèmes de régulation électrique, les matériaux isolants ou encore les nouveaux matériaux, liste à laquelle j’ajouterai le nucléaire, bien qu’on puisse en débattre ».

La décarbonation de l’industrie est un enjeu important puisqu’elle représente 18 % de la totalité des émissions de gaz à effet de serre, c’est-à-dire plus que sa part relative dans le PIB de la France ([365]). Lors de son audition, Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Economie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, a affirmé que « si on veut réussir la transition écologique, ce sera en réindustrialisant notre pays » ([366]). En effet, une démarche d’écologie responsable consiste à assumer de produire en France en respectant les précautions requises plutôt que d’envoyer des productions polluantes dans des pays aux contraintes socio-environnementales minimales.

Afin de parvenir à l’objectif de neutralité carbone en 2050 affiché par la Commission européenne, la décarbonation doit être conduite pour tous les procédés industriels. Ainsi, le chercheur M. Sylvain Pichetti a relevé devant la commission d’enquête que « chaque filière industrielle doit avoir sa propre feuille de route de décarbonation » sur le fondement de « ruptures technologiques à préparer et à mener » ([367]).

À ce titre, la direction générale des entreprises (DGE) a établi avec les principales filières qui émettent 60 % des émissions totales du secteur industriel « des stratégies communes de décarbonation, reposant sur des engagements réciproques ». Le directeur général des entreprises M. Thomas Courbe a évoqué lors de son audition le financement de 141 projets de co-investissement pour décarboner la production, ce qui représenterait un gain de « 2,8 millions de tonnes carbone équivalentes chaque année » ([368]).

c.   Des modes de transport plus écoresponsables pour l’industrie

Dans le même ordre d’idée, il importe de prendre en compte l’empreinte carbone du transport de marchandises industrielles.

En 2019, le transport est le secteur émettant le plus de gaz à effet de serre (GES) en France avec 136 Mt de CO2, soit 31 % de l’inventaire national de GES. En 1990, la part des transports, deuxième des secteurs les plus émetteurs, représentait 22 % du total national. Les poids lourds, bus et cars, réalisent 6 % de circulation en 2019 (en véhicules-kilomètres) et assurent 80 % des marchandises transportées.

En 2019, 86 % du transport intérieur terrestre de marchandises (exprimé en tonnes.kilomètres) s’effectue par la route. 34 % du transport de marchandises est réalisé par des véhicules routiers étrangers, et 7 % par des véhicules utilitaires légers sous pavillon français. L’augmentation du trafic intérieur de marchandises (+ 36 % depuis 1990) s’est essentiellement réalisée au profit du transport international sous pavillon étranger qui a été multiplié par plus de 3 depuis 1990.

Le transport ferroviaire de fret représente 9 % du transport intérieur de marchandises mais l’ensemble des émissions de GES des trains est négligeable : 0,3 % des émissions du secteur des transports. Le transport ferroviaire de fret régresse : – 38 % de tonnes.kilomètres depuis 1990 ([369]).

Il est donc nécessaire de revaloriser les modes de transport par rail et par route, en finançant mieux la rénovation et l’entretien de ces infrastructures.

Proposition n° 15 : Pour décarboner la circulation des marchandises, valoriser les infrastructures françaises existantes, en renforçant le financement de la rénovation et de l’entretien des voies de fret ferroviaire et fluvial.

d.   Des secteurs industriels tenus de réaliser des transitions face à un renchérissement de leurs coûts de production et des contraintes réglementaires nouvelles

L’accès à l’écoresponsabilité aura toutefois des conséquences sur la compétitivité « en raison des investissements et des surcoûts » ([370]) générés.

La régulation du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE) est aujourd’hui visée par les acteurs de l’industrie concernés : le prix de la tonne de carbone sur le marché du dioxyde de carbone (CO2) a augmenté de 23 euros par tonne en janvier 2021 à 65 euros par tonne en octobre 2021. Cette volatilité du marché, influencée par l’objectif politique fixé par la Commission européenne d’augmenter le prix de la tonne de carbone, s’avère problématique pour les industriels. En effet, M. Nicolas de Warren a rappelé lors de son audition devant la commission d’enquête que « les industriels ont besoin de visibilité pour investir dans la décarbonation » ([371]). Il se prononce à ce titre en faveur d’une banque européenne du carbone qui viendrait compléter le SEQE-UE : elle « ne consisterait pas en une autorité de régulation, mais assurerait l’équilibrage du marché et le lissage des cours au quotidien comme le fait une banque centrale sur le marché monétaire ». L’objectif serait ici de s’assurer que le coût du carbone ne devienne pas excessif pour les entreprises et n’entrave pas leur capacité à dégager des marges pour innover et donc décarboner leurs usines.

Depuis ces deux dernières années, M. Claude Cham, président d’honneur de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV) note que « les conditions des marchés ont été particulièrement bouleversées » ([372]). La pandémie liée à la Covid-19 a entraîné un arrêt des usines en avril 2020. Elle a été suivie par une crise des composants électroniques provoquant des arrêts de production, tant au niveau des équipementiers que des constructeurs, et un renchérissement du prix des matières premières, de l’énergie et des coûts de transport. Ainsi les sociétés adhérentes de la FIEV ont réalisé un chiffre d’affaires d’environ 19 milliards d’euros en 2019, qui a chuté de 28 % pour s’établir à 13 milliards d’euros en 2020 avec la crise de la Covid-19. ([373])

La transition énergétique rapide aura des conséquences d’autant plus lourdes sur le secteur automobile et en particulier les sous-traitants que « le moteur thermique représentait un domaine d’excellence de la France, ce qui n’est pas encore le cas de la batterie » ([374]). M. Louis Gallois affirme ainsi être préoccupé par l’avenir des fournisseurs et sous-traitants de la filière automobile directement impactés par la transition énergétique. En effet, la transition vers l’électrique « supprimera environ 100 000 emplois dans la filière et l’électrification en créera entre 20 000 et 25 000 » avec un solde négatif qui sera donc massif, alors que l’industrie automobile française a déjà perdu 100 000 emplois en dix ans, passant de 500 000 à 400 000 emplois ([375]).

La transition du véhicule électrique au véhicule thermique est une révolution pour la filière automobile et lui impose de réinventer son modèle de fonctionnement. M. Luc Chatel, président de la Plateforme de la filière automobile (PFA), a ainsi indiqué lors de son audition que « la principale barrière à l’entrée dans l’automobile a longtemps résidé dans le coût du développement du moteur, de l’ordre de 5 milliards d’euros ». Or, celui du développement d’un moteur électrique ne devrait bientôt plus s’élever qu’à quelques centaines de milliers d’euros, ouvrant donc le marché de la construction automobile à de nouveaux acteurs en capacité de maîtriser cette technologie bien plus accessible ([376]). Il importe donc d’anticiper les problèmes qui s’élèveront en matière de formations et de mobilité à la suite du déplacement de ces nouvelles productions sur le territoire.

La FIEV demande à ce que « la neutralité technologique soit la règle fondamentale avant toute prise de décision et toute réglementation » et souhaite que « la persistance de véhicules hybrides rechargeables soit sanctuarisée au moins à l’horizon 2040 » dans le cadre de l’introduction de véhicules 100 % électrique ([377]). Enfin, la FIEV relève qu’il est nécessaire de permettre « une transition écologique acceptable pour les entreprises fortement engagées dans les moteurs à combustion interne, dont la demande restera importante dans de nombreux pays et pour les véhicules poids lourds ». L’accélération des objectifs fixés est une source de préoccupation : la FIEV défend un objectif de véhicules 100 % électrique en 2040, plutôt qu’en 2035 voire en 2030 comme l’envisagerait la Commission européenne, cette trajectoire présentant le risque de perdre le savoir-faire dont l’industrie automobile française dispose aujourd’hui.

L’objectif de production de 2 millions de véhicules électriques ou hybrides d’ici à 2030, annoncé par le Président de la République le 12 octobre 2021, est considéré comme n’étant « pas facile à atteindre » par la FIEV. En effet, le point de départ de la production française est aujourd’hui d’1,3 million de véhicules, contre 3,5 millions en 2005. En outre, le rythme de production devrait stagner pour les années prochaines à 1,5 million de véhicules produits par an en France.

Il est également impératif de tendre vers un prix accessible pour le consommateur des biens nécessaires à la transition comme le véhicule électrique. Le véhicule électrique affiche aujourd’hui un surcoût de 9 000 euros sur son prix de revient de fabrication (PRF) par rapport à un véhicule thermique selon la FIEV, l’objectif étant de parvenir à lisser cet écart pour le consommateur final à l’horizon 2030. Ces économies pourront être atteintes par la massification et l’optimisation du parc de batteries, mais aussi par un investissement dans des outils industriels de pointe qui pourrait être soutenu par les pouvoirs publics.

Enfin, le développement du véhicule électrique est dépendant de la politique énergétique et du déploiement des bornes de recharge. À titre d’exemple, France Stratégie estimait en 2016 qu’un parc automobile français composé uniquement de véhicules électriques consommerait près de 90 TWh par an ([378]). Ce surplus de consommation serait gérable, puisqu’il correspond à 20 % de la consommation d’électricité française ou à la quantité d’électricité exportée par la France en 2015. Le principal problème évoqué est le risque de concomitance des recharges : 30 millions de véhicules électriques se rechargeant en même temps à 3 kW nécessiteraient une puissance supplémentaire de 90 GW, soit un quasi-doublement de la demande de pointe actuelle. France Stratégie en conclut qu’une gestion intelligente devrait prévoir l’étalement de la recharge. Cette transition technologique est donc une politique systémique qui va au-delà du seul secteur automobile et implique l’action de l’État et de l’Union européenne.

2.   L’accompagnement de la transition par les pouvoirs publics

L’accompagnement des pouvoirs publics est essentiel afin de permettre aux entreprises de répondre aux nouvelles contraintes nécessaires à l’atteinte de la neutralité carbone en 2050.

Selon une étude réalisée par PricewaterhouseCoopers Strategy ([379]) à la demande de l’Association européenne des équipementiers automobiles (Comité de liaison européen des fabricants d’équipements et de pièces automobiles – CLEPA), le choix unique de l’électrique pour la propulsion des véhicules de demain entraînerait la perte d’un demi-million d’emplois dans l’Union européenne :

– 226 000 nouveaux emplois sont attendus dans la production de propulsion électrique (en faisant l’hypothèse que l’UE dispose d’une filière de batteries), ce qui signifie une perte nette de 275 000 emplois (– 43 % d’emplois) d’ici à 2040 ;

– 501 000 emplois au sein des équipementiers motoristes ou fabricants de composants pour moteurs devraient devenir obsolètes si la technologie thermique est progressivement écartée d’ici à 2035 ;

– sur ce demi-million d’emplois, 70 % (359 000) seront très probablement perdus en seulement 5 ans, de 2030 à 2035, ce qui met en relief la brièveté des délais pour gérer des impacts sociaux et économiques considérables.

PwC Strategy a également évalué l’impact de trois scénarios différents du Pacte vert européen (Green Deal) sur l’emploi et la valeur ajoutée chez les équipementiers automobiles à travers l’Europe au cours de la période 2020-2040.

Ces scénarios comprennent une approche technologique mixte, l’approche « véhicules électriques uniquement » proposée par le paquet législatif Fit for 55, et un scénario de montée en puissance radicale des véhicules électriques.

Les trois scénarios supposent une électrification accélérée pour atteindre les objectifs climatiques, avec une part de marché élevée pour les véhicules électrifiés (véhicules électriques à batterie, véhicules électriques hybrides rechargeables et véhicules électriques hybrides complets) d’ici 2030 de plus de 50 %, près de 80 % et près de 100 %, respectivement.

Alors que les constructeurs automobiles ont une plus grande capacité à céder ou à internaliser des activités pour compenser une perte d’activité dans le domaine des moteurs thermiques, les équipementiers automobiles ne peuvent pas agir avec autant d’agilité, car ils sont liés par des contrats à long terme avec les constructeurs.

L’étude montre que les opportunités offertes par les véhicules électrifiés (véhicules électriques à batterie, véhicules électriques hybrides rechargeables et véhicules électriques hybrides complets) dépendent de la mise en place d’une filière d’approvisionnement en batteries profondément ramifiée dans l’Union européenne, dont le calendrier et la faisabilité sont encore incertains.

La France semble cependant parmi les pays les mieux placés pour être les foyers de la production de moteurs et systèmes de transmission pour véhicules électrifiés. L’emploi total dans le domaine de la sous-traitance automobile en France pourrait ainsi passer de 28 000 employés en 2020 à un nombre compris entre 31 000 et 42 000 employés en 2040 selon les scénarios. Au contraire, l’emploi dans les pays d’Europe centrale et orientale restera fortement dépendant du moteur à combustion.

M. Luc Chatel avance le chiffre de 17 milliards d’euros dans les cinq années à venir afin de « se donner une chance de devenir attractif pour de grands projets structurants » et « pour réussir à mobiliser des capitaux privés avec accompagnement public dans les technologies de demain (batterie, hydrogène, électronique de puissance, véhicule connecté) » ([380]). Ces estimations comprennent 8 milliards d’euros consacrés aux infrastructures de recharge, nécessaires au succès du véhicule électrique. D’après l’estimation présentée par M. Luc Chatel, le soutien financier de la sphère privée devrait s’élever à environ 30 % de cette enveloppe de 17 milliards d’euros.

M. Alexandre Saubot, président de France Industrie et vice-président du Conseil national de l’industrie (CNI), souligne que la contrainte temporelle est un facteur supplémentaire de contrainte pour les entreprises : la disparition du moteur thermique en Europe en 2035 représente une « échéance extraordinairement proche parce que le temps de l’industrie est très différent du temps politique et de celui du ressenti de l’opinion publique » ([381]).

Afin de répondre aux inquiétudes du secteur, Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie a rapporté à la commission d’enquête que « le plan de relance automobile a permis d’accompagner 349 sous-traitants vers la modernisation et la diversification, dont une vingtaine de fonderies », en plus de la création d’un « fonds spécifique pour celles-ci, afin de soutenir les salariés dans leur rebond professionnel et d’anticiper les besoins en compétences » ([382]). Le Fonds avenir automobile 2 (FAA 2), créé par le ministère de l’économie, des finances et de la relance et géré par la Banque publique d’investissement (Bpifrance), a pour objectif de soutenir la filière automobile. Les données communiquées à la commission d’enquête par le directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE) M. Martin Vial indiquent que la taille cible du FAA 2 s’élève à 525 millions d’euros ([383]). L’État et Bpifrance ont déjà participé à deux levées de fonds successives.

En outre, le directeur général des entreprises M. Thomas Courbe a indiqué que 402 projets d’investissement chez les sous-traitants automobiles ont été financés à travers le plan de relance « pour favoriser la diversification, la transition écologique ou la numérisation », « aider ces entreprises à rester compétitives et à accélérer leur transition » ([384]). Ces actions correspondraient chez ces sous-traitants à 1 milliard d’euros d’investissements de transformation.

Le plan d’accompagnement des sous-traitants, des salariés et des territoires dans la transition de la filière automobile

La filière automobile est confrontée à deux défis majeurs :

– d’une part, la crise sanitaire et ses conséquences ont considérablement réduit le niveau d’activité dans la filière et risquent de fragiliser durablement la trésorerie et les capacités d’investissement de ses acteurs ;

– d’autre part, la transition vers les véhicules électrifiés entraîne un besoin de diversification pour un nombre croissant de sous-traitants.

Dans ce cadre, le Gouvernement a annoncé le 16 décembre 2021 le lancement d’un plan d’accompagnement des sous-traitants, des salariés et des territoires dans la transition de la filière automobile, dans le cadre du plan d’investissement France 2030.

Un fonds de soutien à la diversification des sous-traitants de la filière automobile doté de 300 millions d’euros

Un fonds de soutien à la diversification des sous-traitants automobile sera mis en place et doté de 300 millions d’euros. Ce fonds a vocation à soutenir des projets de diversification visant à développer ou industrialiser de nouveaux produits et procédés de fabrication, en lien avec le véhicule électrifié et ses composants, ou vers des segments porteurs en dehors de l’automobile.

Cette nouvelle enveloppe de 300 millions d’euros pourra être complétée par les prochains dispositifs de soutien de France 2030, visant à soutenir la R&D et la production des composants nécessaires à la fabrication des prochaines générations de véhicules.

100 millions d’euros seront consacrés à l’accompagnement des territoires affectés par les mutations de la filière

Les mutations de la filière automobile se concentrent sur des territoires souvent déjà fragilisés, avec le risque de voir une entreprise en restructuration impacter l’ensemble du bassin d’emploi.

Pour accompagner ces territoires dans les situations où des restructurations ne seraient pas évitables, une enveloppe de 100 millions d’euros sera mobilisée pour favoriser localement l’émergence d’industries de demain en collaboration avec les acteurs locaux, comme cela a été expérimenté ces derniers mois sur 11 territoires.

Cette enveloppe permettra d’accompagner une trentaine de territoires, avec un double objectif : élaborer une stratégie de retournement pour le territoire d’une part, identifier et accélérer des projets porteurs d’autre part.

Les dispositifs d’accompagnement stratégique et opérationnel des sous-traitants automobile de la Plateforme automobile (PFA) et de Bpifrance renforcés

Pour aider les entreprises concernées, la PFA a mis en place un dispositif d’accompagnement individuel, à la fois de nature stratégique – pour identifier les marchés de diversification dans et en dehors de la filière – et opérationnelle pour définir des plans d’actions et en assurer la mise en œuvre. Ce dispositif, soutenu financièrement par l’État, a déjà permis d’accompagner plus de 70 entreprises de la filière.

Au regard des mutations en cours, la PFA a décidé, avec le soutien de l’État, de renforcer ce programme d’accompagnement et de l’ouvrir dès janvier 2022 à plus de 200 nouvelles entreprises industrielles.

En complément des missions de conseil déployées par la PFA, les dispositifs d’accompagnement Bpifrance seront également mobilisés en soutien des entreprises de la filière automobile, avec l’objectif de moderniser la filière et de l’accompagner vers l’industrie du futur.

Enfin, la PFA nomme deux personnalités qualifiées, Didier Sépulchre de Condé et Patrick Thollin, pour assurer, en lien étroit avec l’UIMM et les services de l’État, un travail de sensibilisation à la transition industrielle des sous-traitants automobile vers les marchés d’avenir.

Des outils pour la transition et la reconversion des salariés

Les instruments du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, pour favoriser la reconversion professionnelle des salariés pourront être mobilisés dans le cadre des constats qui seront dressés à la suite de la mission menée par MM. Sépulchre de Condé et Thollin.

En particulier, le dispositif « Transitions collectives », co-construit avec les partenaires sociaux, a pour objectif de faciliter la reconversion professionnelle des salariés dont l’emploi est menacé vers des métiers qui recrutent sur ce même territoire.

Par ailleurs, le plan France 2030 prévoit que 2,5 milliards d’euros seront mobilisés sur le capital humain pour soutenir l’émergence de talents et accélérer l’adaptation des formations aux besoins de compétences des nouvelles filières et des métiers d’avenir. L’appel à manifestation d’intérêt « Compétences et métiers d’avenir », lancé par le Premier ministre, vise à répondre aux besoins des entreprises en matière de formation et de compétences nouvelles pour les métiers d’avenir. Il permettra d’élaborer des formations innovantes, initiales ou continues, avec les branches professionnelles, les organismes de formation ou encore les universités qui répondront aux besoins des nouvelles filières industrielles.

Enfin, pour les salariés licenciés dans le cadre de restructurations, l’État mobilisera le fonds d’accompagnement et de reconversion des salariés de la filière automobile, créé en juillet 2021 et cofinancé par les constructeurs. Pour rappel, ce fonds permet de financer des mesures d’accompagnement à la suite des plans de sauvegarde de l’emploi (formations financées jusqu’à 15 000 euros, création d’entreprises soutenues jusqu’à 15 000 euros, aide à la mobilité et à la recherche d’emploi jusqu’à 5 000 euros, etc.).

Le rapporteur suggère qu’une évaluation soit réalisée par un groupe de personnalités qualifiées indépendantes : ce travail permettrait de chiffrer les besoins estimés pour préparer la transition rapide du secteur automobile prévue par le paquet législatif européen « Fit for 55 », afin que le FAA2 puisse être abondé chaque année ou des sources de financement déterminées.

D’autres secteurs fragilisés par la crise sanitaire et déterminants dans la réussite de la transition écologique du pays ont fait l’objet de fonds créés par le ministère de l’économie, des finances et de la relance :

– un fonds aéronautique géré par un fonds privé, qui vise à intervenir dans des ETI et des PME du secteur, pour lequel l’APE a contribué à hauteur de 200 millions d’euros aux côtés de Tikehau Capital ;

– un fonds dédié à la filière nucléaire doté de 200 millions d’euros en partenariat avec EDF, pour une contribution de l’État de 100 millions d’euros.

En outre, l’État actionnaire a participé à hauteur de 1,8 milliard d’euros au fonds de transition créé par le Gouvernement. Doté de 3 milliards d’euros, ce fonds vise à soutenir les entreprises frappées par la crise de la Covid-19, mais qui ne pouvaient bénéficier entièrement des fonds de solidarité ou des aides directes sur les charges fixes en raison de leur taille.

Les démarches d’écologie industrielle et territoriale peuvent également servir de moteurs de la compétitivité et de la réindustrialisation. À ce titre, la confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) salue dans sa contribution à la commission d’enquête les dispositifs mis en place par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dans le cadre du plan de relance à destination des TPE-PME. Le « Tremplin pour la transition écologique » aurait ainsi bénéficié « à plus d’un millier de PME via des aides au diagnostic de gaz à effet de serre ou encore la modification de la chaîne du froid » ([385]).

Enfin, M. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, a souligné lors de son audition devant la commission d’enquête que l’un des axes de transformation des entreprises réside « dans le conseil et l’accompagnement humain des entreprises » ([386]). En effet, les dispositifs de financement seuls ne suffiront pas à répondre aux défis de la transition industrielle. D’après lui, « 60 % des PME ne possèdent même pas la base d’une gestion rationalisée ou lean management » qui constitue pourtant un préalable à la numérisation : il est donc pertinent que les entreprises puissent disposer d’une offre publique de conseil, notamment parce que les tarifs pratiqués par les grands cabinets sont hors de portée de la plupart des TPE et PME. À ce titre, Bpifrance a créé une société de conseil regroupant aujourd’hui 400 consultants, tout en renforçant en parallèle ses partenariats avec des sociétés externes. Les missions de conseil proposées par Bpifrance sont des interventions d’une durée variable, qui peuvent aller d’une journée à deux ans selon les besoins de l’entreprise et sont en principe facturées à la moitié du prix. Elles peuvent porter sur des sujets variés comme la refonte d’un plan stratégique, la formation au lean management, la numérisation ou la cybersécurité. L’offre de conseil de Bpifrance présente un taux de satisfaction de 98 %, selon son directeur général.

Dans la même logique, un parcours de formation en ligne gratuit intitulé « Bpifrance université » a été mis en place à destination des entrepreneurs. Cette formation permet de mesurer la « maturité industrielle » avec un outil d’autodiagnostic, de transformer le modèle économique d’une entreprise, ou encore de bénéficier des offres d’accompagnement de Bpifrance ([387]).

Le rapporteur propose de s’inspirer de ces exemples, particulièrement bienvenus dans un contexte de transition, et de renforcer l’accompagnement des TPE et PME dans la définition des compétences nécessaires au développement et à la transformation numérique de leur activité.

Proposition n° 16 : Développer l’offre publique d’accompagnement des dirigeants des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) dans la définition des compétences nécessaires au développement et à la transformation numérique de leur activité.

3.   Des activités et produits parfois mis en cause à raison d’une évolution de leur acceptabilité sociale

Les implantations industrielles prennent en compte l’attractivité d’un territoire : au nom de la relance des activités industrielles, la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « loi ASAP » a introduit d’importants aménagements aux dispositions relatives aux procédures environnementales et aux enquêtes publiques.

Les principales simplifications des procédures environnementales et de participation du public prévues par la loi ASAP

Changements réglementaires en cours d’instruction

La loi aménage les règles et prescriptions en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). L’article 34 offre une sécurité aux porteurs de projets face aux changements réglementaires intervenant pendant l’instruction du dossier. Si une norme environnementale nouvelle entre en vigueur après le dépôt d’un dossier de demande d’autorisation complet, l’instruction se poursuit selon le régime antérieur. L’installation, traitée comme un site industriel existant, sera soumise aux conditions de mise en conformité de celui-ci. De plus, le principe jurisprudentiel de non-rétroactivité des normes constructives touchant au gros œuvre (murs coupe-feu, distances d’éloignement, etc.) est explicitement introduit : elles ne peuvent pas faire l’objet d’une application aux ICPE existantes et aux projets en cours d’instruction, sauf dans les rares cas où des directives européennes l’obligent, ou pour des motifs de santé, sécurité ou salubrité publiques. Une logique similaire est adoptée pour les prescriptions en matière d’archéologie préventive : c’est la norme en vigueur lors du dépôt du dossier qui s’appliquera (article 36).

Droit d’option sur la concertation préalable au titre du code de l’urbanisme et du code de l’environnement

L’article 39 permet au maître d’ouvrage, lorsqu’un projet doit faire l’objet d’une concertation obligatoire en partie au titre du code de l’urbanisme et en partie au titre du code de l’environnement, de soumettre avec l’accord de l’autorité compétente en matière d’urbanisme l’ensemble du projet à concertation préalable au titre du code de l’environnement – qui vaudra alors concertation obligatoire au titre du code de l’urbanisme.

Consultation du public par voie électronique

L’article 44 modifie les conditions de consultation du public sur certains projets ayant des incidences sur l’environnement. L’enquête publique n’est obligatoire que dans les cas listés à l’article L. 123-2 du code de l’environnement. Pour les autres projets, le préfet est libre de recourir à une consultation du public par voie électronique. Cette disposition s’inscrit dans une tendance d’affaiblissement du champ de l’enquête publique au profit de la consultation dématérialisée. Cependant, ces procédures ne sont pas entièrement substituables et ne s’adressent pas au même public.

Compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations) : autorisation environnementale accélérée pour travaux urgents

L’article 48 prévoit une procédure allégée d’autorisation environnementale pour les opérations réalisées dans le cadre de l’exercice de la compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations). Elle est circonscrite aux « situations d’urgence à caractère civil » et s’applique aux seuls travaux d’urgence absolument nécessaires pour la sécurité des personnes. Le même article 48 ouvre la possibilité, dans le cas d’un danger grave et immédiat, d’entreprendre des travaux de façon anticipée sans que soient présentées les demandes d’autorisation ou les déclarations auxquelles ils sont en principe soumis au titre de la loi sur l’eau, sous réserve que le préfet en soit immédiatement informé.

Exécution anticipée de travaux avant délivrance de l’autorisation environnementale

L’article 56 permet, sur décision spéciale motivée du préfet et lorsque le public en a été informé, de débuter certains travaux de construction, aux frais et risques du demandeur, sans attendre l’autorisation environnementale, dès lors que le permis de construire a été délivré et la consultation du public achevée, et sous réserve que ces travaux ne nécessitent pas d’autorisation spécifique (dérogation aux espèces protégées, zones Natura 2000, défrichement, etc.). Cette possibilité offerte au préfet est strictement encadrée, ce qui a conduit le Conseil constitutionnel à écarter les griefs réclamant sa suppression, en précisant que « le législateur a défini une procédure entourée de garanties adaptées ».

Évaluation environnementale des documents d’urbanisme

Dans le cadre d’une mise en conformité avec le droit européen, les plans locaux d’urbanisme (PLU) intègrent la liste des plans et programmes soumis à évaluation environnementale. De plus, la loi étend le champ de la concertation obligatoire à toutes les procédures PLU, schémas de cohérence territoriale (SCOT) et cartes communales qui nécessitent une évaluation.

Certaines technologies n’existent pratiquement plus en Europe, comme « la fluoration, la nitration et la chloration – car elles requièrent des processus chimiques sales, odorants et générateurs de déchets », alors qu’elles constituent les premiers maillons des constituants assemblés par les laboratoires pharmaceutiques ([388]). Le professeur M. Philippe Mioche rappelle que « les élus locaux qui souhaiteraient développer l’industrie sur leur territoire se heurtent parfois à leurs administrés, qui ne souhaitent pas que des usines envahissent leur cadre de vie » ([389]). L’enjeu autour de l’acceptabilité de l’implantation est donc essentiel dans l’objectif de réindustrialisation, mais demeure sensible parce que « l’acceptabilité des usines passe par l’acceptation des risques inhérents à l’industrie » comme soulevé par la chercheuse Mme Anaïs Voy-Gillis ([390]).

À cet égard, les territoires dynamiques sur le plan des projets et des emplois industriels « sont ceux où sont présents un certain nombre d’indicateurs liés à un capital social » ([391]). M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), souligne ainsi devant la commission d’enquête que « la poursuite et l’intensification de la politique de relocalisation sont étroitement liées à l’acceptabilité sociale de l’industrie qui varie fortement entre les territoires » ([392]). L’histoire industrielle du territoire peut alors jouer comme un facteur favorable à l’implantation de nouvelles industries. Un devoir de pédagogie, de recours à la participation citoyenne, d’échange avec des associations et des organisations non gouvernementales (ONG) sur les projets d’industrialisation peuvent être nécessaires pour renforcer l’adhésion autour d’une implantation.

M. Nicolas de Warren a par ailleurs partagé son expérience en tant que dirigeant au sein du groupe chimique Arkema, qui possède 27 usines en France, dont 15 sites « Seveso seuil haut ». D’après ses observations, « la question de l’acceptabilité est vécue au quotidien en matière de maîtrise et de prévention des risques chimiques ». Il affirme qu’il est « incontestable que le niveau d’acceptabilité des riverains a diminué » : l’exemple du bassin de Lacq, qui bénéficiait « d’une forte acceptabilité malgré une très mauvaise empreinte carbone », a vu son lien avec les riverains se dégrader alors que les emplois se sont maintenus au même niveau ([393]).

Ces constats invitent à revoir les modalités de contact et d’échange avec les citoyens et à sortir d’un discours institutionnel figé. M. Nicolas de Warren propose de s’appuyer sur le dialogue citoyen et à « revisiter les modes de dialogue de manière moins institutionnelle, avec des retours d’expérience ». Il note que la conduite de différents plans de prévention des risques technologiques (PPRT) a suscité une « très forte adhésion », parce que « la population a compris que la connaissance de la nature même du risque et des dispositifs de prévention que nous envisagions dans le cadre prévu par la loi apportaient un degré de protection supplémentaire ». À l’appui de cette proposition, l’ancien député européen M. Édouard Martin souligne qu’il est nécessaire que « chaque citoyen qui le souhaite puisse être un acteur de la vie économique et industrielle de son territoire [...] même si la décision finale revient à l’État » ([394]).

Toutefois, on peut relever que l’évolution des modes de production et du niveau de contrainte des normes rend les usines « moins impactantes, plus faciles à accepter » selon M. François Blouvac, responsable du programme Territoires d’industrie à la Banque des territoires ([395]). M. Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement, note ainsi que « quand il y a un problème d’acceptabilité sur le territoire, c’est qu’il n’y a pas eu d’information, que les citoyens ont été prévenus d’un projet au dernier moment » ([396]).

Le renforcement de la sécurité dans l’industrie, notamment par le biais des inspections des ICPE, pourrait être un facteur supplémentaire d’acceptabilité des implantations industrielles. Les industriels de la « Vallée de la chimie », territoire de neuf communes au sud de Lyon qui représente 26 % des émissions de gaz à effet de serre de la métropole et un quart de sa consommation énergétique, ont entrepris depuis plusieurs années de réduire leurs émissions de polluants, d’améliorer leur efficacité énergétique et de renforcer la sécurisation de leur risque industriel. Cet exemple est représentatif de la prise en compte par des industries polluantes des exigences de la transition écologique sous l’impulsion des acteurs publics locaux. Toutefois, ces impératifs sont à concilier avec le temps long industriel et la mise en œuvre des projets ambitieux de transformation s’envisage selon un horizon pluriannuel ([397]).

Ainsi, l’adaptation des entreprises aux exigences de la transition écologique peut contribuer à renforcer l’acceptabilité des projets de réindustrialisation dans les territoires sous réserve d’une inclusion des parties prenantes, au premier titre les citoyens, dans le cadre d’une consultation globale sur le développement de leur territoire.

B.   Une industrie nationale appelÉe À relever les dÉfis inhÉrents à l’Émergence de nouvelles activitÉs plus respectueuses de l’environnement

1.   L’exemple des filières fondées sur l’exploitation de nouvelles énergies

L’industrie doit être abordée sous l’angle des technologies afin de répondre aux nouvelles préoccupations écologiques. En effet, comme le considère le directeur général des entreprises M. Thomas Courbe, l’industrie est « la solution pour la transition écologique de l’économie » ([398]). En outre, le professeur M. Xavier Jaravel souligne que les technologies de la transition énergétique représentent une opportunité « concernant la spécialisation des industries de demain et les gains à l’export » ([399]).

Ces secteurs sont des marchés presque entièrement nouveaux, mais qui seront très structurants pour la souveraineté nationale et européenne. Ainsi, l’hydrogène figure parmi les grands projets d’alliances industrielles européennes à l’étude. Ces investissements dans les transformations énergétiques de demain sont aussi le signe d’une politique industrielle plus volontariste et verticale, qui cherche à orienter les acteurs économiques vers les transformations nécessaires à la résilience de notre modèle social, économique et environnemental.

La décarbonation de l’industrie peut donc passer par le développement de filières fondées sur l’exploitation de nouvelles énergies. À ce titre, la filière hydrogène bas-carbone constitue un véritable pari industriel. Deux milliards d’euros seront ainsi engagés d’ici 2022 dans le cadre du quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA 4) lancé en janvier 2021, en articulation avec les financements du plan de relance et du plan France 2030.

Toutefois, l’hydrogène demeure une technologie coûteuse qui n’est pas encore mature. Le commissaire général de France Stratégie M. Gille de Margerie considère ainsi que « ce véhicule de stockage deviendra extrêmement intéressant dès lors que nous saurons produire un hydrogène vert de sorte qu’il devienne concurrentiel avec d’autres formes de stockage d’énergie », mais que « nous en sommes encore extrêmement loin » ([400]).

L’exploitation de l’hydrogène est particulièrement présente dans la vallée de la Seine : Air Liquide produit par exemple à Port-Jérôme 96 tonnes par jour d’hydrogène. Cependant, l’hydrogène de la vallée de la Seine est produit à partir de méthane au cours d’un procédé fortement émetteur de CO2 : 1 kilogramme (kg) d’hydrogène est produit pour 10 kg de CO2 émis. Cet hydrogène « gris » coûte 1,50 euro le kg, alors que l’hydrogène « vert », produit à partir de l’électrolyse de l’eau et qui nécessite des installations nouvelles et des quantités importantes d’électricité décarbonée s’échange entre 3,50 et 5 euros le kg. ([401])

Toutefois, le véritable enjeu est de « de produire sur notre territoire les différentes briques technologiques qui permettront de produire de l’hydrogène » afin de ne pas rester « dépendants de pays tiers pour des éléments clés de ce procédé comme l’électrolyseur » comme le souligne M. Frédéric Sanchez, président de l’Alliance industrie du futur (AIF) ([402]). Il s’agit donc de produire mais aussi de développer les utilisations de l’hydrogène. Le niveau européen semble le plus pertinent pour poursuivre cet objectif face à la concurrence d’acteurs comme les Américains qui ont choisi de disposer d’énergies fossiles à bas coût. À ce titre, le rapporteur préconise de poursuivre le développement à l’échelle européenne d’une filière de production des énergies renouvelables en s’appuyant sur la dynamique créée par les grandes alliances industrielles européennes.

Proposition n° 17 : Amorcer rapidement la constitution d’une filière européenne de production et d’utilisation des énergies renouvelables.

2.   Une industrie française tirant bénéfice d’une source d’énergie électrique sûre et abordable

Afin de permettre au tissu industriel actuel de continuer à exister, d’être compétitif, et de favoriser le déploiement de nouvelles industries, il est nécessaire d’assurer un approvisionnement fiable et accessible en électricité : le Haut-commissaire au plan François Bayrou considère que « la transition verte peut être une immense chance pour la France, grâce à sa production d’électricité décarbonée » ([403]).

La capacité à s’appuyer sur une énergie compétitive est essentielle afin de placer l’industrie française dans une position favorable pour aborder la transition écologique. Pour M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), « il est nécessaire de ne pas renoncer à nos atouts compétitifs » car « l’énergie d’origine nucléaire est un avantage majeur pour le pays » ([404]).

En effet, les industries françaises électro-intensives se sont d’abord construites sur l’hydroélectricité et se sont développées ensuite avec l’émergence du parc électronucléaire durant les cinquante dernières années. M. Nicolas de Warren cite à l’appui de cette idée l’exemple de la plus grande unité d’aluminium d’Europe, Aluminium Dunkerque, « construite sur une articulation profonde avec le parc électronucléaire associé, grâce à un contrat spécifique signé avec Électricité de France (EDF) » ([405]).

Ainsi, la question de l’énergie est déterminante pour la capacité de l’industrie française à relever les défis de la transition écologique. Le Haut-commissaire au plan M. François Bayrou relève que « nous sommes dans l’obligation de disposer d’une énergie abondante, pilotable et sans émission de gaz à effet de serre si nous voulons respecter nos engagements » ([406]). À ce titre, il « n’y a pas de production d’électricité pilotable sans émission de gaz à effet de serre sans le nucléaire […] même si l’usage de cette énergie soulève des problèmes de coûts, du fait de la reconversion et de l’organisation de la fin de vie des centrales, du traitement des déchets ». Le développement des énergies renouvelables intermittentes peut donc se faire en parallèle de l’appui sur l’énergie pilotable d’origine nucléaire. En effet, notre capacité à défendre une énergie bon marché est un levier de participation à la réindustrialisation : les industries du futur exigeront un accès privilégié à une ressource électrique décarbonée et la France dispose d’un avantage comparatif dans ce domaine.

En outre, il est nécessaire d’anticiper la construction du nouveau cadre contractuel pour de futures relations avec le parc nucléaire historique en vue de la sortie de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) le 31 décembre 2025. Aujourd’hui, Électricité de France (EDF) doit céder aux fournisseurs alternatifs depuis 2012 100 TWh, c’est-à-dire 25 % de la production de son parc nucléaire historique, pour un prix de 42 euros par MWh.

Le sujet de l’accès à une énergie sûre et accessible est d’autant plus important que les tensions sur les prix pénalisent aujourd’hui les industriels. M. Nicolas de Warren a indiqué à la commission d’enquête que, depuis le début de l’année 2021, « le prix du gaz a été multiplié par cinq ou six, le prix de l’électricité par trois, ce qui revient à une évolution des prix moyens d’approvisionnement de l’ordre de 50 % » ([407]). Le rapporteur appelle donc à consolider la prise en compte des besoins de l’industrie dans la définition des politiques de planification de l’énergie.

Proposition n° 18 : Mieux prendre en compte les besoins de l’industrie dans la définition des politiques de planification de l’énergie.

3.   La perspective d’une économie du recyclable

Dans un contexte de raréfaction des matières premières et de cohérence avec l’objectif de transition écologique, il convient d’étudier la possibilité de faire des matières tirées de la filière du recyclage et de la valorisation un atout pour la localisation d’industries sur le territoire.

a.   L’économie du recyclable : une opportunité de réindustrialisation dans un contexte de transition

Afin de s’inscrire dans la démarche européenne engagée au travers des différents textes et initiatives européennes, comme le paquet économie circulaire de la Commission européenne publié le 30 mai 2018, il est en premier lieu essentiel de « considérer le déchet comme une ressource » ([408]), dans la logique renforcée notamment par la loi n° 2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015. Rapporteur d’une résolution adoptée par le Parlement européen le 16 décembre 2015 sur le développement d’une industrie européenne durable des métaux de base ([409]), M. Édouard Martin a soutenu cette logique lors de son audition afin de « faire de nos déchets les matières premières et les richesses de demain » ([410]).

Recyclage, réemploi et réutilisation

L’article L. 541-1-1 du code de l’environnement donne les définitions suivantes :

– recyclage : toute opération de valorisation par laquelle les déchets, y compris les déchets organiques, sont retraités en substances, matières ou produits aux fins de leur fonction initiale ou à d’autres fins ;

– réemploi : toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus ;

– préparation en vue de la réutilisation : toute opération de contrôle, de nettoyage ou de réparation en vue de la valorisation par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont préparés de manière à être réutilisés sans autre opération de prétraitement ;

– réutilisation : toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau.

Le réemploi et la réutilisation se distinguent donc par le passage ou non du bien en fin de vie par le statut de déchet. À la différence de la notion de réemploi, les activités de réutilisation se distinguent par l’utilisation d’un produit usagé en tant que « déchet ».

Source : ADEME, https://www.ademe.fr/expertises/dechets/passer-a-laction/eviter-production-dechets/reemploi-reutilisation

Le recyclage des déchets suit généralement en France le schéma suivant : ils sont ramassés pour le compte de la collectivité territoriale, puis envoyés dans un centre de tri où, après séparation, les produits confiés par erreur sont incinérés comme les déchets ménagers classiques et les déchets recyclables triés selon leur matière avant d’être vendus à des repreneurs. Ces derniers ont vocation à transformer les déchets pour qu’ils puissent de nouveau servir à la production.

Or certains déchets plastiques au recyclage à la fois peu complexe et coûteux font l’objet d’une forte demande en France, tandis que des plastiques de moindre qualité intéressent moins les repreneurs ([411]). Ainsi, 27 % des emballages plastiques français seraient envoyés en Europe et 2 % dans le reste du monde pour être recyclés selon l’éco-organisme Citeo. D’après la base de données de l’Organisation des Nations unies sur les échanges commerciaux, 385 000 tonnes de plastiques usagés français auraient été envoyées à l’étranger en 2019, dont 60 000 en Asie.

Si l’exportation de déchets est autorisée par la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et leur élimination de 1989 ([412]), elle doit néanmoins répondre à un cahier des charges strict et la présence de matériaux dangereux doit être indiquée en amont. En pratique, il s’avère que de nombreux déchets non recyclables et pollués quittent la France en étant déclarés frauduleusement comme du plastique recyclable, alors que celui-ci fait l’objet d’une simple procédure d’information auprès du pays de destination.

En janvier 2018, la Chine, principal destinataire des plastiques usagés mondiaux, a abaissé le taux d’impuretés accepté dans les déchets reçus de 5 % à 0,5 %. Cette décision, assortie de contrôles renforcés, a dirigé les exportations mondiales de déchets usagés vers d’autres pays d’Asie du Sud-Est au cadre réglementaire moins restrictif. Certains pays de la région ont alors pris des mesures au regard de la dégradation de leur environnement causée par le traitement des déchets extérieurs : la Malaisie a ainsi restreint l’octroi de permis d’importation de déchets plastiques sur son territoire et a même renvoyé en mai 2019 150 conteneurs de déchets plastique, dont 43 vers la France, en raison de problèmes relatifs à la qualité des plastiques envoyés et à l’absence de permis valides.

Selon la Banque mondiale, la quantité de déchets produits par l’humanité devrait augmenter de 70 % d’ici à 2050 ([413]). Dès lors, une grande filière industrielle de gestion des déchets et des matières premières peut être une réponse à ce défi. Elle doit jouer un rôle vertueux face au caractère inadmissible de l’export de déchets ne respectant pas les normes internationales en vigueur. Il est donc souhaitable que le recyclage des déchets produits en France ait lieu sur le territoire national ou, à défaut, au sein de l’Union européenne. En effet, la proximité est la meilleure garantie pour responsabiliser le producteur de déchets.

En outre, le recyclage de déchets peut être une opportunité pour l’industrie française : il convient d’éviter de prélever dans la nature des matières vierges dont le stock n’est pas inépuisable et de favoriser l’économie circulaire par l’utilisation des matières recyclées et par l’identification de produits à manufacturer qui les incorporent. En effet, l’extraction des matières premières par le secteur minier représente 10 % de la consommation mondiale d’énergie. Les matières premières issues du recyclage (MPiR) sont des matériaux issus des collectes de déchets ménagers et déchets industriels, triés et préparés selon les cahiers des charges des industries consommatrices en aval. Ces MPiR sont utilisées pour produire des matériaux intermédiaires, comme les lingots d’aluminium, ou de nouveaux biens de consommation tels que des bouteilles en verre.

Dans le domaine de la sobriété productive, la directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) Mme Nadine Levratto indique que les technologies de production additive « permettent d’économiser énormément de matière » ([414]). En effet, la sobriété sur l’énergie, le numérique et les matières premières, peut être une source de gains pour les entreprises, par exemple sur leurs frais de fonctionnement. À l’appui de ce constat, le ministère fédéral allemand de l’économie et de la protection du climat (Bundesministerium für Wirtschaft und Klimaschutz – BMWi) organise depuis 2011 un prix Deutsche Rohstoffeffizienz-Preis pour la sobriété en matières premières qui récompense des entreprises allemandes s’étant distinguées dans le développement de procédés, de produits ou de services sobres en matériaux afin d’avancer dans la perspective d’une économie circulaire. Sous la supervision de l’Agence allemande des matières premières (Deutschen Rohstoffagentur – DERA), jusqu’à quatre entreprises et une institution de recherche reçoivent chaque année ce prix ([415]).

L’audition de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (FEDEREC) a permis à la commission d’enquête de mieux saisir les enjeux des activités de collecte, tri et valorisation des matières. La FEDEREC constitue un maillon important de l’économie circulaire, avec 1 200 entreprises membres pour plus de 30 000 emplois : en outre, ces emplois sont peu « délocalisables » puisqu’ils dépendent directement de l’activité du territoire national. Le chiffre d’affaires du secteur se situe entre 8 et 9 milliards d’euros sur les huit dernières années, avec une forte dépendance à la volatilité des cours ([416]).

M. François Excoffier, président de la FEDEREC, considère que « la véritable mine de matières premières encore existante se situe désormais autour de nous, à ciel ouvert » ([417]). Cette « mine de surface » est constituée tout d’abord par la production industrielle historique : le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 a ainsi étendu l’obligation de tri et de valorisation du papier/carton, métal, plastique, verre et bois pour toute implantation produisant ce type de déchets, sauf celles produisant moins de 1 100 litres de déchets par semaine. Ce flux continu de matières à recycler est également alimenté par la consommation et par l’importation. Alors que peu de mines de métaux stratégiques se situent sur le territoire français, la France a l’occasion de s’enrichir grâce au recyclage en métaux stratégiques à la suite de l’importation de cartes électroniques, de composants et d’aimants.

Une étude publiée en avril 2017 sur l’évaluation environnementale du recyclage en France entre l’ADEME et FEDEREC met en évidence les bénéfices environnementaux générés par le recyclage : l’économie potentielle de CO2 liée au recyclage sur le territoire français s’élèverait en 2014 à 22,5 millions de tonnes d’équivalent CO2 ([418]).

Au niveau européen, le paquet « économie circulaire » de la Commission européenne, publié le 30 mai 2018, vient notamment renforcer les objectifs européens de recyclage et initie la mise en œuvre d’une stratégie sur les plastiques à usage unique. Ainsi, les objectifs de recyclage sont de 60 % pour les déchets municipaux et 70 % pour les déchets d’emballages recyclés d’ici à 2030. Les objectifs relatifs aux déchets d’emballages se déclinent par matériaux : papiers et cartons (85 % d’ici à 2030), métaux ferreux (80 %), verre (75 %), aluminium (60 %), plastiques (55 %) et bois (30 %).

Une étude publiée en février 2020 par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ([419]) donne une vision globale de plusieurs filières, des quantités collectées pour recyclage, du taux de collecte par rapport au gisement, ainsi que le taux d’incorporation des matériaux. Ce rapport a été établi notamment avec les données du bilan national du recyclage et de FEDEREC. Selon cette étude, 64,26 millions de tonnes de déchets sont collectées en vue du recyclage.

analyse de la collecte de matériaux destinés au recyclage

Source : CGEDD, Les filières de recyclage de déchets en France métropolitaine op. cit., p.47.

b.   La structuration de la filière du recyclage

Plusieurs acteurs interviennent dans la chaîne de valeur du recyclage :

– les metteurs en marché sont chargés de l’écoconception, l’intégration de matières recyclées dans les produits manufacturés, et le financement des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) via les éco-organismes dont le rôle a évolué avec la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite « loi AGEC » ;

– les recycleurs préparent des matières premières pour l’industrie à partir des déchets postproduction et postconsommation ;

– les consommateurs ;

– les pouvoirs publics, qui donnent des conditions de développement du recyclage et de l’incorporation des matières recyclées par des incitations ou des obligations.

Sous l’égide du Conseil national de l’industrie (CNI) et au sein des comités stratégiques de filière (CSF), la FEDEREC joue un rôle d’interface entre le secteur du recyclage et les industries consommatrices de matières recyclées telles que la verrerie, la papeterie ou encore la sidérurgie. À travers le CSF, M. Manuel Burnand, directeur général de la FEDEREC, indique à la commission d’enquête que « différents axes sont développés en ce qui concerne l’intégration du numérique dans nos installations, la robotisation et l’innovation » ([420]).

c.   Une activité exportatrice en raison du manque de filières de débouchés

La réponse de la FEDEREC au questionnaire de la commission d’enquête indique que la totalité du recyclage, c’est-à-dire la production des MPiR et la consommation, n’est pas toujours réalisable en France ([421]) :

– la production manufacturière s’est progressivement délocalisée dans d’autres pays d’Europe ou hors de l’Union européenne ;

– certaines filières sont saturées en France, à l’image du nombre de papeteries insuffisant pour consommer la totalité de la production de déchets papier et cartons ;

– de nombreux critères économiques conditionnent la vente des MPiR aux clients : qualités des MPiR acceptées, proximité, coûts de transport, prix d’achat, bilan carbone, concurrence entre les MPiR et la matière première extractive.

L’enjeu pour les MPiR consiste donc en l’adéquation de la quantité et la qualité des matières préparées avec les débouchés possibles, en tenant compte des besoins des entreprises consommatrices. Lorsque le besoin qualitatif ne peut être satisfait ou la quantité est trop importante, l’export est réalisé au-delà de la région, hors France voir hors Europe. Selon M. François Excoffier, « les seules ressources qui quittent nos pays voisins sont exportées en raison de l’absence de filière, très souvent pour des produits à faible valeur recyclée ou des produits composites » ([422]).

Les données communiquées à la commission d’enquête par la FEDEREC indiquent par exemple que les métaux non-ferreux, qui rassemblent notamment l’aluminium, le cuivre, le plomb et l’étain sont vendus à 45 % en France, à 51 % en Europe et à 4 % hors de l’UE. 64 % de la consommation des papiers cartons est réalisée en France, 32 % en Europe, et 4 % essentiellement en Asie. Les exportations hors de l’Union européenne sont donc très minoritaires.

Exportations de la filière recyclage

Source : Réponses écrites de la FEDEREC aux questions de la commission d’enquête, 3 décembre 2021.

Le rapporteur estime qu’il est nécessaire de penser l’économie du recyclage à partir du cycle de vie du produit : la création de filières de valorisation alimentant l’industrie localement peut permettre de contribuer à la réindustrialisation et à la transition écologique.

Proposition n° 19 : Développer le recyclage par la création de filière de valorisation alimentant l’industrie localement.

d.   Une consolidation récente du soutien à la filière du recyclage

La ministre de la transition écologique Mme Barbara Pompili et la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance chargée de l’industrie Mme Agnès Pannier-Runacher ont annoncé au mois de septembre 2021 l’investissement de 370 millions d’euros supplémentaires sur la période 2021-2027, en plus des 200 millions d’euros déjà engagés pour l’économie circulaire afin de dynamiser l’ensemble du secteur.

Le plan de relance a suscité « une grande satisfaction au sein du secteur » pour la FEDEREC. M. François Excoffier a néanmoins annoncé devant la commission d’enquête qu’il « sera nécessaire de mettre aussi en place quelques mesures d’accompagnement pour les PME et les ETI » ([423]).

Cet effort vise à développer des filières de recyclage performantes et compétitives pour optimiser le recyclage et réincorporer des matériaux (plastiques, composites, textiles, métaux stratégiques, papiers et cartons) via un nouvel appel d’offres lancé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

Ces soutiens visent toutes les étapes de la chaîne de valeur du recyclage :

– la conception des produits, selon le principe que la mise sur le marché de produits plus facilement recyclables permet de produire des matières premières de recyclage de meilleure qualité et moins coûteuses ;

– la collecte, le tri des déchets et leur démantèlement, car ces étapes permettent de réduire le coût de mise à disposition de la matière aux industriels situés plus en aval dans la chaîne de transformation des déchets en nouvelles matières premières ;

– la préparation des matières premières de recyclage, pour qu’elles puissent répondre aux besoins des filières industrielles qui vont les utiliser ;

– l’incorporation de ces matières premières de recyclage dans de nouveaux produits, pour adapter l’outil productif national.

Enfin, pour M. Manuel Burnand, « un « recyscore » analogue au Nutriscore des produits alimentaires […] rendrait les enjeux plus lisibles pour le consommateur » ([424]). Le rapporteur estime qu’un débat sur la « recyclabilité » des produits pourrait être utilement engagé : un « score de recyclage », prenant en compte à la fois l’incorporation de matières recyclées et la recyclabilité du produit, permettrait de mieux informer les consommateurs et de soutenir l’économie du recyclage.

Les produits obtenant les meilleurs scores pourraient se voir appliquer un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), assouplissement qui devrait préalablement être autorisé par l’Union européenne. Cette négociation avec nos partenaires de l’Union européenne pourrait entrer dans le cadre de la révision en cours de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

Proposition n° 20 : Prévoir l’inscription d’un « score de recyclage » sur les produits manufacturés et obtenir un assouplissement de la directive européenne sur la TVA permettant d’appliquer un taux réduit de TVA sur les produits recyclés en les incluant dans l’annexe III de la directive.

C.   Les atouts en faveur d’une rÉindustrialisation dÉcarbonÉe

1.   Le bilan carbone, un atout pour la localisation en France des activités productives

Selon l’Agence européenne de l’environnement, les émissions industrielles françaises représentaient en 2020 environ 65 mégatonnes de dioxyde de carbone (Mt CO2) pour un total de 454,8 Mt CO2 équivalent, contre 839,7 Mt CO2 pour l’Allemagne. Ce bilan carbone plutôt favorable constitue un atout pour la localisation des industries dans le contexte de la transition énergétique.

D’après M. Emmanuel Jessua, directeur des études au sein de Rexecode, « la France représente moins de 1 % des émissions de gaz à effet de serre » : à ce titre, l’enjeu principal est « de développer sur notre sol des technologies qui contribueront à la croissance économique française et à la résolution de l’équation environnementale mondiale » ([425]). Ce positionnement favorable peut donc permettre à la France d’attirer des industries en quête d’une énergie accessible, décarbonée, et donner un avantage comparatif aux industries françaises.

M. Alexandre Saubot, président de France industrie, note que « ces dernières années, en France, nous avons réduit les émissions de carbone, mais augmenté notre empreinte carbone » ([426]). À cet égard, selon l’étude commandée par l’UNIDEN à Deloitte et transmise à la commission d’enquête ([427]), la désindustrialisation s’est traduite entre 1995 et 2015 par une dégradation corrélative de l’empreinte carbone de la France. Ainsi, les émissions nationales auraient « diminué de plus de 17 % entre 1995 et 2015 (passant de 554 à 457 Mt CO2) », alors que l’empreinte carbone de la France aurait « augmenté de 18 % (passant de 623 à 731 Mt CO2), du fait des importations ». La substitution de la production nationale par des flux commerciaux d’importation majoritairement intra-européens, mais pas uniquement, aurait donc conduit à une dégradation de l’empreinte carbone.

Ainsi, la perspective d’une réindustrialisation ambitieuse mais réaliste pourrait contribuer à une réduction de l’empreinte de carbone de la France.

2.   La nécessité d’un ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne et les difficultés de sa mise en place

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) est un sujet porté par la France depuis au moins 2007. La Commission européenne en a fait une proposition concrète dans le cadre du paquet « Fit for 55 », à la demande de la France et avec l’assentiment d’autres États membres. L’objectif serait de taxer des produits fortement carbonés à l’importation en Europe. En effet, un produit consiste en un ensemble de pièces qui peuvent venir de pays différents. Or, la France bénéficie d’un mix énergétique avantageux en termes de CO2 par rapport à de nombreux pays concurrents. Le MACF permettrait donc d’égaliser les conditions de concurrence au niveau international pour que chacun intègre la contrainte carbone dans ses coûts et ses prix.

Le projet de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières

Peu de temps après sa prise de fonction fin 2019, la Présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, a annoncé la mise en place d’un Pacte vert européen, dont l’objectif est de faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone à l’horizon 2050, avec un point d’étape en 2030 (date à partir de laquelle les émissions de gaz à effet de serre devront être réduites de 55 % par rapport à leurs niveaux de 1990).

Le 14 juillet 2021, la Commission a dévoilé 12 projets de directives et règlements européens. Parmi les outils de la Commission, un projet de règlement établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ([428]) a pour but de diminuer voire de neutraliser l’écart de compétitivité existant entre les industriels européens et leurs concurrents étrangers soumis à des normes environnementales souvent moins strictes.

Effectivement, depuis 2005, les industriels européens sont soumis au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre prévu par la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté. Ce dispositif consiste à contingenter les émissions de gaz à effet de serre d’entreprises dont l’activité principale est qualifiée d’industries lourdes (secteurs de l’énergie, métallurgie, minéralogie, ciment, fabrication de papier et de carton) afin d’encourager le verdissement de leurs procédés.

Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières devrait soumettre à de telles contraintes les productions tierces à l’Union européenne.

Dans un premier temps, seules les importations de fer, d’acier, de ciment, d’engrais, d’aluminium et la production d’électricité devraient supporter ce prélèvement. Cette sélection de secteurs correspond globalement aux activités déjà soumises au marché ETS.

Plus concrètement, les importateurs de ces marchandises devront, soit individuellement, soit par l’intermédiaire d’un représentant s’enregistrer auprès des autorités nationales pour acheter des certificats carbones dont le prix sera calculé en fonction de la moyenne hebdomadaire du prix de vente aux enchères des quotas du marché carbone européen.

Ce dispositif entrera en vigueur le 1er janvier 2023, mais comportera une période transition de trois ans durant laquelle les importateurs de marchandises ne seront tenus qu’à la déclaration du contenu carbone sans obligation d’achat des certificats carbone correspondants.

Pour pouvoir importer des marchandises, les opérateurs devront déclarer au plus tard le 31 mai de chaque année la quantité de marchandises et les émissions intégrées dans ces marchandises introduites dans l’Union.

En complément, l’Union européenne propose également de refondre le régime de taxation des produits énergétiques, actuellement prévu par la directive 2003/96/CE restructant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

La ministre déléguée chargée de l’industrie a précisé lors de son audition que « sous la direction de Mme Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, s’engagera une réflexion autour du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour appliquer, en particulier aux importations d’acier, de ciment, d’engrais, d’aluminium, un prix du carbone équivalent à celui pratiqué sur le marché carbone européen » ([429]).

La FIEV souligne devant la commission d’enquête que le succès de ce mécanisme en faveur de la décarbonation des mobilités dépend de la « prise en compte des émissions sur l’ensemble du cycle de vie des véhicules, c’est-à-dire "du gravier à la tombe" et non pas seulement à la sortie des émissions des véhicules » ([430]).

M. Nicolas de Warren attire toutefois l’attention de la commission d’enquête sur les risques d’exécution de ce mécanisme. Certains États de l’Union, au premier titre l’Allemagne, pourraient se satisfaire d’un succès diplomatique entérinant la création de ce dispositif tout en le contournant d’un point de vue juridique pour le rendre ineffectif. En effet, des mesures de rétorsion commerciale visant l’industrie européenne pourraient être utilisées par les pays affectés significativement par le MASF.

En outre, ce dispositif sera déféré à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) par des États tiers qui pourraient revendiquer une présomption d’effet équivalent entre leurs systèmes en place et le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (SEQE-UE). L’Union européenne devra donc administrer devant l’OMC la preuve que le dispositif SEQE-UE est plus performant que les dispositifs visés. Or la Chine a déjà pris en compte la perspective de cette compensation carbone en Europe : elle possède un marché carbone national en place depuis le 1er juillet 2021. Ainsi, le « contrôle (monitoring) doit être au cœur des négociations politiques » ([431]).

Dans le domaine de la chimie et du médicament, M. Vincent Touraille, président du Sicos biochimie, souligne qu’il « n’est pas possible de continuer à ignorer que certains principes actifs arrivent de pays où les critères environnementaux sont moins exigeants » ([432]) et plaide pour le renforcement du contrôle qualité par des inspecteurs nationaux sur les sites étrangers en contrepartie de leur accès au marché. Il ajoute qu’un « système qui vérifierait que nos contractants respectent un certain nombre d’obligations qualitatives, sociales ou environnementales serait une mesure favorable pour établir des coûts comparables avec nos concurrents ». Cette forme de « MACF élargi » à des critères sociaux et qualité pourrait être mise à l’étude en fonction des premiers résultats du MACF.

Proposition n° 21 : Défendre, à l’occasion de la présidence française du conseil de l’Union européenne, l’adoption de mécanismes de préférence européenne (défense économique, sociale et environnementale) comprenant une taxe carbone aux frontières et un corpus européen de normes sociales et environnementales compensé pour les importations.

Enfin, M. Manuel Burnand, directeur général de la FEDEREC, souligne que « la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE pourrait engendrer des difficultés de mesure » ([433]) : en effet, le rassemblement des informations et leur objectivisation sur une chaîne de valeur complexe sera une tâche difficile et source de contestations. Ces réserves sont partagées par M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), qui considère que « cette taxe serait aisément calculable pour des produits simples comme le ciment, mais son calcul serait plus ardu pour des produits complexes semi-finis, car il faudra alors identifier la quantité de carbone pour chaque composant » ([434]). Des comportements d’optimisation de la part des producteurs localisés dans des pays hors de l’Union européenne sont à prévoir. En outre, compte tenu de la complexité du MACF, le rapporteur estime indispensable de prévoir la mise en place de mesures d’accompagnement spécifiques pour les TPE-PME afin de ne pas leur ajouter des tâches supplémentaires disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

Proposition n° 22 : Prévoir la mise en place de mesures d’accompagnement spécifiques pour les TPE-PME dans le cadre de la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).

3.   Le captage et stockage géologique du carbone (CSC) en France : un potentiel à confirmer pour atteindre l’objectif de neutralité carbone

Lors de la révision de la « stratégie nationale bas carbone » (SNBC) en 2020, le captage et stockage géologique du CO2 (CSC) a fait son apparition pour contribuer à l’équilibre entre les émissions résiduelles et le puits de carbone français. L’objectif affiché de réduction des émissions de CO2 lié au CSC est de 15 Mt CO2 par an, dont 5 Mt CO2 par an dans le secteur industriel pour une mise en œuvre à partir de 2030 car la solution n’est pas encore pleinement mature et présente des inconvénients.

En effet, selon un avis de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) publié en 2020 sur le captage et stockage géologique du CO2 en France, celui-ci présente « un potentiel limité » ([435]). D’après cet avis, « en considérant le développement d’une infrastructure de transport de CO2, la mise en place de sites de stockage géologique de CO2 et une faible opposition sociétale, le potentiel de captage et stockage de CO2 serait de 24 Mt CO2/an ».

Au regard des contraintes techniques, géologiques et économiques, l’ADEME identifie trois zones industrielles où le CSC pourrait être mis en place grâce à la présence d’infrastructures favorables, comme des canalisations de transport, la concentration de sites industriels et des capacités de stockage géologique. Une première estimation de l’ADEME conduit ainsi à un gisement « pouvant aller jusqu’à 24 MtCO2/an d’émissions qui pourraient être captées sur trois zones autour de Dunkerque, Le Havre et Lacq, dont 90 % seraient stockées en mer hors du territoire français ».

Émissions nationales et potentiel de captage et stockage gÉologique du carbone en France

Source : ADEME

Pour l’ADEME, le CSC doit être envisagé sur les émissions de CO2 incompressibles résultant d’une politique de réduction à la source : il est donc préférable de « commencer par les actions les plus matures et les plus performantes ». En outre, le coût du CSC est encore loin d’être compétitif avec un coût de 100 à 150 euros par tonne de CO2 évité, pour un coût entre 20 et 25 euros par tonne pour les technologies les moins chères dans le secteur industriel. Ainsi, l’ADEME souligne que « le CSC restera une solution coûteuse car elle n’est adaptée qu’aux sites très fortement émetteurs, en nombre limité, et nécessite des adaptations au cas par cas ». Tous les sites émetteurs inférieurs à 100 kt CO2/an sont donc écartés du gisement, c’est-à-dire plus de 90 % des sites français.

Enfin, le CSC doit relever le défi de l’acceptabilité au regard des risques technologiques et sanitaires potentiels : en Europe, l’intégralité des projets CSC onshore ont été arrêtés à cause d’une forte contestation des habitants proches des sites de stockage géologique. Les territoires devront donc être impliqués au plus haut niveau pour développer cette technologie, en partenariat étroit avec la société civile. Malgré les limites exposées, le rapporteur appelle à s’inspirer du projet de captage de carbone en cours de développement par les industriels de l’axe Seine en ce qu’il représente une solution en faveur de la décarbonation de l’industrie.

Le projet de captage de carbone mis en œuvre par des industriels de l’axe Seine

L’axe Seine concentre 15 % des émissions industrielles françaises de CO2. Les industriels de l’axe Seine les plus émetteurs ont décidé de s’engager afin de capturer le CO2 produit par leurs fumées d’usines et de le stocker avant que celui-ci ne soit relâché dans l’atmosphère. L’objectif est de mettre en œuvre une chaîne de captage et de stockage de CO2 depuis les activités industrielles jusqu’au stockage final en mer du Nord.

Pour les onze industriels implantés entre Le Havre et Rouen, cette décarbonation serait estimée à un coût de plusieurs centaines de millions d’euros. Ce projet est essentiel afin de rendre durable le tissu industriel de l’axe Seine.

Sur les 70 points d’émissions de CO2 que totalisent ces industriels, l’objectif est de se concentrer sur les 40 points les plus faciles à adapter – soit 7 millions de tonnes d’ici 2040 – en se focalisant notamment sur les plus concentrés, générés par la production d’hydrogène. Dans un avis publié en juillet 2020, l’ADEME avait estimé que le potentiel de l’axe Le Havre-Rouen était de 6 Mt CO2/an.

Air Liquide, Total, Esso, Yara et Borealis ont signé fin octobre 2021 au Havre un « mémorandum » par lequel ils s’engagent à capter collectivement jusqu’à 3 millions de tonnes de CO2 par an à l’horizon 2030. Chaque industriel captera le CO2 dans ses unités et les équipements nécessaires à la décarbonation seront mutualisés. Chaque site choisira sa technologie, avec une possibilité de captage par le froid ou d’utilisation de la technologie chimique d’absorption dans des solvants.

Source : Les Échos, ADEME.

Proposition n° 23 : Sur le modèle développé par les industriels de l’axe Seine, conduire les industries européennes émettant plus de 100 kilotonnes de dioxyde de carbone par an à envisager le recours à la capture et au stockage du carbone d’ici à 2035 si elles ne sont pas parvenues entre-temps à réduire leur empreinte carbone.

II.   la recherche et le dÉveloppement au cœur de la COMPÉTITIVITÉ ET de la rÉussite de « l’industrie du futur »

L’innovation et la recherche et développement (R&D) sont deux processus exigeant un effort de long terme. Il convient de poursuivre l’évaluation des dispositifs mis en place en leur faveur à l’aune de l’objectif de réindustrialisation, mais également de renforcer les dynamiques d’écosystèmes industriels à partir de synergies entre les acteurs publics et privés, ainsi que de rénover le rôle des agences chargées de promouvoir l’innovation en s’inspirant des succès étrangers.

Le positionnement de gamme de l’industrie française a été identifié en première partie de ce rapport comme un des facteurs de la désindustrialisation de la France. Une montée en gamme est nécessaire afin de prendre le chemin de « l’industrie du futur » et de redonner aux entreprises industrielles les moyens d’investir. Enfin, l’approfondissement de la structuration des filières peut permettre de conforter la transition et la modernisation de l’industrie française.

L’industrie étant une activité du temps long, il apparaît nécessaire au rapporteur de rééquilibrer leur gouvernance dans un sens favorable à la défense de leur avenir plutôt que de leur rentabilité immédiate, notamment en cherchant à inventer un nouveau modèle de gestion laissant une plus grande place aux salariés dans la détermination des grandes orientations des entreprises.

A.   Stimuler l’innovation et la recherche et dÉveloppement

1.   L’évaluation des investissements décidés dans le cadre des plans

Compte tenu de l’ampleur des financements mobilisés, à savoir 57 milliards d’euros sur l’ensemble de la période hors quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA 4), l’évaluation des plans d’investissement est indispensable.

Lors de leur audition devant la commission d’enquête, M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes et M. Marc Fosseux, conseiller référendaire à la première chambre de la Cour des comptes et auteur du référé sur la mise en œuvre du PIA, ont relevé plusieurs difficultés dans l’articulation des plans. En effet, ceux-ci poursuivent « des objectifs très proches, mobilisent des moyens qui s’empilent les uns sur les autres et s’appuient sur des opérateurs en général identiques : la Caisse des dépôts et consignations, Bpifrance, l’ADEME » ([436]). Le perfectionnement du PIA passe par « une amélioration de son suivi et de son pilotage, aujourd’hui encore trop marqués par une approche administrative et budgétaire et insuffisamment par des outils de performance et de contrôle interne ».

Au sujet de l’évaluation des investissements, la Cour des comptes considère comme « positif » le renforcement du rôle du comité de surveillance des investissements d’avenir dans le cadre de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. Le référé de la Cour des comptes ([437]) propose plusieurs pistes afin de renforcer l’évaluation qui, bien qu’inscrite dès le départ au cœur des PIA, reste encore partielle et inégale. Il est nécessaire de généraliser les évaluations à mi-parcours, notamment parce que les projets s’avèrent souvent plus longs qu’envisagés et peuvent nécessiter des réorientations en cas d’échec.

L’articulation du PIA avec les autres programmes nationaux d’investissement pourrait être clarifiée : le grand plan d’investissement, le Fonds pour l’innovation et l’industrie (FII) ou encore le plan France 2030 s’ajoutent aux plans d’investissement pour l’Europe (« plan Juncker ») et le programme InvestEU. En effet, selon la Cour des comptes, « la notion d’investissement stratégique, considérée comme vertueuse par principe, risque de se diluer si la poursuite du PIA et la juxtaposition de nouveaux plans ne sont pas précédées par la définition d’une doctrine globale d’investissement ».

En outre, MM. Christian Charpy et Marc Fosseux regrettent devant la commission d’enquête de ne pas disposer de « suivi détaillé, à jour, effectif, des investissements et des risques portés par l’État ainsi que des retours financiers lorsque celui-ci finance directement, ou par le biais de fonds ou de fonds de fonds, des entreprises ou des start-ups ». Le rapporteur partage la recommandation n° 5 du rapport de la Cour des comptes sur le PIA qui pourrait être utilement reprise dans le présent rapport ([438]).

Proposition n° 24 : Renforcer le suivi des investissements d’avenir en fonds propres dans des fonds et fonds de fonds et fournir au Parlement une information documentée plus détaillée et plus homogène.

Le SGPI a une mission d’évaluation socio-économique des investissements publics de l’État, des collectivités territoriales et des opérateurs de l’État. Pour tout projet d’investissement public d’un montant supérieur à cent millions d’euros, le secrétariat général pour l’investissement est chargé, au nom du Premier ministre, d’émettre un avis sur la pertinence du projet en termes de retombées socio-économiques. Lors de son audition, Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe du SGPI, a indiqué à la commission d’enquête que « l’effet de levier moyen est un rapport de 1,2 entre les montants apportés par le PIA et ceux levés par ailleurs » ([439]).

La question de l’utilisation des financements et de leur contrôle par le SGPI peut se poser : les financements portent sur des projets précis et non sur la stratégie globale des entreprises. Comme souligné par Mme Géraldine Leveau, « une fois le projet terminé, le SGPI ne peut pas intervenir sur les autres décisions des bénéficiaires. Il n’y a pas de corde de rappel ». La présence de jalons opérationnels ou technologiques aux projets financés a néanmoins permis d’arrêter « des structures créées dans le cadre du premier PIA qui se sont avérées en échec ».

L’amélioration récente de l’évaluation est une perspective à encourager. Le rapport d’évaluation remis en décembre 2019 au Premier ministre par Mme Patricia Barbizet, présidente du comité de surveillance des investissements d’avenir, préconisait déjà de procéder à des évaluations en cours de mise en œuvre des stratégies. Mme Géraldine Leveau rappelle que le SGPI a « défini une dizaine d’indicateurs par stratégie, nous permettant de dresser un état à date de l’écosystème français sur telle ou telle thématique, et de suivre cet état dans la durée » : le suivi annuel de ces indicateurs sera ensuite rapporté dans le rapport annuel de performance au Parlement dans le cadre de l’examen de la loi de règlement.

2.   Créer les conditions d’une amélioration de l’effort en faveur de la R&D

a.   Améliorer l’effort de R&D

Pour M. Louis Gallois, « l’effort de recherche représente un point clé » ([440]). Avec 2,20 % du PIB consacré à la recherche intérieure en 2018, la France est cependant en dessous de la moyenne de 2,38 % du PIB des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et encore loin de l’objectif de 3 % fixé par l’Union européenne dans le cadre de la stratégie Europe 2020. Ce taux de 2,20 % se répartit pour 1,4 % à l’industrie et pour 0,8 % au secteur public, où il était de 1,3 % en 1995, soit une diminution de dix milliards d’euros chaque année.

Entre 2008 et 2019, le taux de dépenses de R&D est resté légèrement supérieur à 2 % du PIB, alors que ce taux est aujourd’hui de 3,5 % en Suède et de 3,2 % en Allemagne. L’Allemagne a continué à accroître ses crédits en R&D à hauteur de 11 % entre 2011 et 2018. Dans la même période, la France a diminué ses crédits alloués pour les sciences de la vie de 28 % alors qu’ils étaient déjà deux fois inférieurs à ceux de l’Allemagne ([441]). Pour atteindre un niveau d’investissement comparable à l’Allemagne, M. Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School, estime qu’il faudrait « dépenser 25 milliards d’euros de plus chaque année » et « se tourner vers les technologies avancées » ([442]). Pourtant, d’après la contribution de France Stratégie à la commission d’enquête ([443]), la France est deuxième parmi les pays de l’OCDE dans le total des aides avec une dépense équivalente à 0,4 % du PIB en faveur de la R&D.

Le rôle de l’industrie en matière de contribution à la R&D est essentiel. Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie, rappelle que « près de 70 % des dépenses privées de recherche et développement viennent de l’industrie manufacturière, qui ne représente pourtant qu’environ 10 % du PIB » ([444]). D’après la schématisation présentée par M. Mohamed Harfi de France Stratégie, pour cent euros de valeur ajoutée dans l’industrie, l’industrie dépense onze euros en R&D. L’intensité de la R&D a augmenté de près de 25 % depuis le début des années 2000 ([445]). Si l’industrie pesait le même poids qu’au début des années quatre-vingt, soit 24 % du PIB, l’objectif de la stratégie de Lisbonne fixé en 2000 aurait été dépassé avec 3,5 % du PIB.

Ce surcroît de R&D pourra en retour contribuer à la montée en gamme nécessaire de l’industrie française. M. Pierre Luzeau, président du comité exécutif du groupe Seqens, note qu’il est nécessaire « d’accélérer la recherche, le développement et l’industrialisation de technologies clés qui favorisent les standards de qualité, de sécurité et de respect de l’environnement » : elles sont un atout pour la France et permettent également de créer une barrière à l’entrée pour les industriels concurrents qui suivraient des réglementations moins exigeantes ([446]).

La Cour des comptes a publié le 29 juillet 2021 un « audit flash » critique sur l’utilisation des deniers publics dans le financement de la recherche publique dans la lutte contre la pandémie de Covid-19 ([447]). Si cet audit révèle une dispersion excessive des financements et un défaut d’organisation, il relève que les « efforts financiers exceptionnels ne sauraient compenser le déficit de financement antérieur à la crise ». En effet, « les réussites et les échecs de la recherche s’inscrivent dans la durée ». De surcroît, Mme Anne Perrot rapporte que « la Banque mondiale a montré que la France se classait 32e sur les liens entre universités et industries, derrière la Suisse, l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou les États-Unis » ([448]).

Au regard de ce constat, le rapporteur préconise d’améliorer l’effort en faveur de la R&D avec pour objectif de dépasser le seuil de 3 % du PIB en développant les synergies entre recherche publique et privée.

La France doit donc améliorer l’efficacité de ses dispositifs de soutien à la recherche et développement :

 en renforçant la sélectivité dans le choix des projets et des programmes aidés ;

 en améliorant la coordination de ses politiques de soutien à la R&D avec les programmes européens.

Proposition n° 25 : Améliorer l’effort en faveur de la R&D avec pour objectif de dépasser les 3 % du PIB en développant en parallèle recherche publique et privée.

b.   L’ouverture d’une réflexion sur le crédit d’impôt recherche

Prévu à l’article 244 quater B du code général des impôts (CGI), le crédit d’impôt recherche (CIR) permet aux entreprises industrielles et commerciales ou agricoles qui sont imposées d’après leur bénéfice réel de jouir d’un avantage fiscal assis sur certaines dépenses exposées dans le cadre d’opérations de recherche scientifique et technique.

La Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI) a achevé en 2021 un cycle d’études consacrées à l’évaluation du CIR sous l’égide de France Stratégie ([449]). Le premier rapport publié de la CNEPI sur l’évaluation du CIR « constatait que les six milliards d’euros atteignaient leur cible. Sans ce crédit, les recherches qu’il finance ne seraient pas réalisées. Le surcroît de R&D pratiqué par les entreprises s’avère globalement commensurable avec le CIR » ([450]). Dans le second rapport, paru en juin 2021, il est constaté que le CIR modifie avant tout la trajectoire de développement des PME plutôt que celle des ETI et des grandes entreprises.

Au regard des dépenses générées par le CIR, d’un montant de 7,46 milliards d’euros en 2020 pour une prévision de 6,52 milliards d’euros en 2021 ([451]), le rapporteur estime nécessaire de s’assurer que le soutien public à la R&D favorise le développement de la production en France. Mme Nadine Levratto rapporte à la commission d’enquête que « la France a le dispositif le plus généreux » en matière de soutien à l’innovation et que « l’innovation de produit, qui porte la conquête de segments de marché de plus haute qualité, reste extrêmement minoritaire » dans l’utilisation de ce crédit d’impôt par les entreprises ([452]). À cet égard, « il convient donc d’améliorer le rendement de l’aide à la R&D non seulement en termes de valeur ajoutée, mais également en termes de localisation des emplois en France » selon M. Mohamed Harfi de France Stratégie ([453]).

Le rapporteur préconise d’engager une réflexion sur le recentrage du CIR sur les PME, dont la propension à réaliser des innovations de rupture est plus importante et la dépendance aux aides publiques est plus grande.

Selon l’étude de l’OCDE précitée ([454]), l’impact des incitations fiscales en faveur de la R&D serait inversement proportionnelle à la taille des entreprises. Pour chaque euro d’aide fiscale reçue, les petites entreprises (moins de 50 salariés) investissent plus de 1,40 euro dans la R&D, les moyennes entreprises (50-249 salariés) 1 euro et les grandes entreprises (250 salariés ou plus) seulement 0,4 euro. Cependant, ces disparités disparaissent dès lors que les dépenses initiales de R&D réalisées par chaque entreprise sont prises en compte dans l’analyse. Il y a lieu d’en conclure que si les incitations fiscales à la R&D stimulent l’activité de R&D des petites entreprises, ce n’est pas seulement en raison de leur taille, mais aussi parce qu’elles sont généralement moins actives dans ce domaine.

Une modulation du taux de CIR en fonction de la taille de l’entreprise plutôt qu’en proportion des dépenses de R&D engagées permettrait, à enveloppe budgétaire constante, de réallouer la dépense publique vers les entreprises qui en ont le plus besoin.

Proposition n° 26 : Moduler le taux du crédit d’impôt recherche en fonction de la taille de l’entreprise plutôt qu’en proportion des dépenses de recherche et développement engagées.

Comme le note notre collègue Mme Christine Pires Beaune dans sa contribution au rapport du groupe de travail de la commission des Finances sur le CIR ([455]), le caractère attractif du CIR pour la France est à nuancer : il « n’a pas suffi à contrecarrer le recul de notre pays comme destination des entreprises étrangères pour la localisation de leur R&D ».

Par ailleurs, comme décrit en première partie, l’efficacité globale du CIR doit être nuancée, dès lors que son effet d’additionnalité n’est pas toujours au rendez-vous. Afin d’éviter que le CIR ne finance des lieux de production à l’étranger, des conditions pourraient être posées visant à la réunification de la production et de la recherche.

M. Christophe Beaux du MEDEF indique que « nous ne sommes pas hostiles à des évolutions correspondant à la réalité du terrain » mais qu’« en matière de fiscalité, il existe une prime à la stabilité » ([456]). Il est favorable au CIR mais souhaiterait le recentrer « sur la recherche appliquée à des sites de production industrielle », car en effet « la recherche et les laboratoires de R&D n’ont que peu de chances de déboucher sur un résultat, s’il n’existe pas parallèlement des lignes de production pour mettre en application leurs découvertes ».

Conditionnaliser l’octroi du CIR à un critère de localisation de la R&D en France pose une double question. Pour le directeur général des entreprises M. Thomas Courbe, si des conditions à l’octroi du CIR auraient « beaucoup d’effets dissuasifs », elles ont parfois été mises en place avec un effet bénéfique : « dans certains cas, des conditionnalités ont été mises en place dans le financement des 7 800 projets d’industries du futur dans les entreprises françaises. Selon ces conditions, si l’entreprise acquiert des équipements, mais ne les installe pas en France, elle devra les rembourser et payer une pénalité » ([457]).

La conditionnalité demeure donc une question en suspens au regard de ces éventuels effets dissuasifs. Du point de vue des industriels, le CIR paraît être un outil instable, jamais véritablement acquis. Selon M. Louis Gallois, co-président de La Fabrique de l’Industrie : « L’instabilité de la réglementation financière et fiscale s’avère dirimante. Chaque année, le CIR génère un débat, au demeurant parfaitement légitime. Pour autant, du point de vue des industriels, ce débat signifie que le CIR n’est jamais considéré comme définitivement stabilisé » ([458]).

Le CIR pourrait être renforcé en direction de secteurs d’activité ou d’entreprises pour lesquelles son utilité est la plus proche, et diminué en direction de secteur qui ont moins besoin de R&D comme le secteur financier. Concernant la conditionnalité du CIR, il pourrait être étudié la possibilité de fixer un objectif temporel et de choisir des secteurs dans lesquels on peut aller jusqu’à l’industrialisation en France.

Toutefois, selon M. Gilles de Margerie, « la mise en œuvre opérationnelle d’un lien direct entre un dispositif d’aide à l’innovation et la localisation des emplois s’avérerait complexe » ([459]), car il est difficile de juger de l’incorporation d’un effort de recherche dans une production, notamment en l’absence de dépôt de brevet.

Par ailleurs, le recouvrement de la créance pourrait être rendu difficile juridiquement : en effet, en tant que mécanisme fiscal, le CIR fait l’objet d’une prescription quadriennale. Sans disposition expresse, au bout d’un délai de quatre ans, il n’est pas possible de revenir sur le bénéfice du crédit d’impôt accordé : or ce délai est relativement court pour la mise en production des innovations nées de ces travaux de recherche.

Le rapporteur propose à cet égard qu’une réflexion puisse être engagée sur l’instauration d’un dispositif de conditionnalité du CIR à la localisation des chaînes de production sur le territoire français – qui pourrait consister à une vérification du nombre d’emplois dans la production située en France ou de l’absence de délocalisation de la production – en veillant à rendre le dispositif lisible et à évaluer les effets potentiellement contre-productifs.

Plus largement, les aides publiques, que ce soit de l’État, dans le cadre du plan de relance ou le plan France 2030, mais également les subventions et aides des régions et autres collectivités territoriales, pourraient faire l’objet de conditions d’attribution similaires, afin de garantir l’installation pérenne d’activités de production sur le territoire national.

Proposition n° 27 : Conditionner l’attribution d’aides publiques et le crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche (CIR) à la localisation des chaînes de production.

3.   Favoriser le développement d’écosystèmes et le partenariat entre pôles de recherche publique et applications privées

a.   Faire des territoires des espaces de coopération entre acteurs

Les territoires doivent être compris comme des lieux de gestion en coopération des mutations économiques nécessaires pour « concevoir une politique industrielle pour la croissance soutenable ». Ainsi, « les territoires doivent devenir ou redevenir les principaux acteurs économiques du renouveau industriel en articulant les stratégies des entreprises et les objectifs de développement durable dans la création et l’essor des systèmes d’innovation » ([460]).

Les territoires apportent des externalités positives par les effets d’agglomération et de réseaux. Auditionné par la commission d’enquête, M. Jacques Biot, président du conseil d’administration de Huawei France, a expliqué le choix de cette entreprise d’implanter des unités de production en Europe, avec un premier investissement de 200 millions d’euros en Alsace. En effet, il était important pour le groupe « de limiter les transferts de produits finis et de faire en sorte de ramener des étapes de production plus près des marchés ». Le site alsacien a été choisi en raison de « sa bonne localisation, en termes de transports, de transit, de capacité d’extension ». L’existence d’un écosystème de compétences dans le Grand Est a également été déterminante dans ce choix d’implantation ([461]).

Le support à des projets qui relient les grandes entreprises et les petites et moyennes entreprises (PME), ou qui relient les entreprises, la formation et la recherche, sont porteurs parce qu’ils ont un effet au niveau de l’écosystème productif et pas seulement sur les résultats d’une firme individuelle selon Mme Nadine Levratto ([462]).

Le programme « Territoires d’industrie », présenté supra., est une première étape qu’il conviendrait de renforcer.

b.   Les organisations en écosystèmes en France

Les travaux d’évaluation menés par France Stratégie offrent des résultats globalement positifs, « notamment quant à la capacité de la politique des pôles de compétitivité à susciter auprès des entreprises bénéficiaires un surcroît d’effort de R&D » ([463]). À titre d’illustration, la filière automobile dispose de quatre pôles de compétitivité, qui « fonctionnent extrêmement bien » d’après M. Luc Chatel et qui lient constructeurs, équipementiers et PME des territoires ([464]). Toutefois, les conclusions de ces études économétriques sont à nuancer en raison d’une difficulté à identifier l’impact en aval de la R&D, c’est-à-dire l’innovation et l’activité économique proprement dite des entreprises.

M. Rémi Lallement indique à la commission d’enquête qu’il est « probable que les pôles de compétitivité jouent un rôle important, notamment dans la structuration des écosystèmes territoriaux d’innovation, dans une logique ascendante, qui complète la politique nationale » ([465]).

Dans le milieu de la santé, des lieux comme les centres hospitaliers universitaires peuvent constituer un cadre pour un écosystème plus dynamique et partenarial. Ainsi, Mme Agnès Audier remarque que « les CHU constituent une interface entre les hôpitaux, le milieu hospitalo-universitaire, les chercheurs, le public et le privé. Ce sont les interactions entre ces différents acteurs qui constituent aujourd’hui la recherche tournée vers les innovations » et « doivent être identifiés comme des lieux clés pour l’innovation en santé » ([466]).

Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, a indiqué à la commission d’enquête que « la valorisation économique de la recherche française est beaucoup trop faible en comparaison de la situation du Royaume-Uni, des pays d’Europe du Nord, de l’Allemagne, de la Belgique et des États-Unis ». Toutefois, « l’opportunité de croissance du nombre d’entreprises, des emplois et de la culture entrepreneuriale en France est néanmoins très importante » : l’existence d’outils à cet effet en France doit aujourd’hui être encouragée ([467]).

Le professeur M. Matthieu Crozet mentionne également « la mise à disposition de chercheurs issus des instituts de recherche ou des universités » afin d’encourager la recherche privée et créer des synergies ([468]). Les sociétés d’accélération du transfert des technologies (SATT) constituent des structures intéressantes à cet égard. Les SATT opèrent le transfert technologique, mais exercent également une activité de maturation de start-ups sous forme de « start-ups studios ». Elles incluent une fonction juridique et sont le lieu important où le chercheur devient entrepreneur. Pour Nicolas Dufourcq, « il s’agit d’un lieu de transformation culturelle majeure » ([469]).

Proposition n° 28 : Favoriser la mise en réseau des recherches publique et privée en développant les dispositifs de contractualisation entre pôles de compétitivité et institutions de recherche universitaire.

4.   Rénover la gouvernance et les moyens des agences de promotion de l’innovation

a.   Tirer les enseignements des forces du modèle américain

Il semble nécessaire au rapporteur de tirer les enseignements du modèle américain de financement de la recherche et de l’innovation par les agences publiques.

Ainsi, l’écosystème de financement des États-Unis a été fréquemment cité comme référence par les personnes auditionnées par la commission d’enquête. Mme Anne Perrot mentionne que « les agences comme la Biomedical advanced research and developement authority (BARDA) ou la Defense advanced research projects authority (DARPA) dans le secteur de la défense ont fait leurs preuves en allouant des moyens et en laissant beaucoup de liberté à la recherche, mais aussi en centralisant et en permettant de voir d’un seul bloc la recherche fondamentale et ses applications industrielles » ([470]).

Ces agences interviennent avec pour mission de financer des projets de recherche menés par des laboratoires universitaires ou des entreprises. Chaque projet a pour objectif de produire un prototype : si ce dernier est probant, il peut être soutenu par des financements issus du capital-risque ou directement par des partenaires industriels qui ont un intérêt à participer au développement. Les projets qui ne parviennent pas à produire de prototype ou de démonstration fonctionnelle de leur innovation sont éliminés du processus de sélection. Ce modèle d’agence peut donc permettre d’anticiper les pistes de recherche prometteuses et le développement industriel à suivre.

La BARDA

L’Autorité de recherche et de développement biomédical avancés – Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA) est un bureau du département américain de la Santé et des services sociaux, responsable de l’achat et du développement de contre-mesures médicales, principalement contre le bioterrorisme, y compris les menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, ainsi que la grippe pandémique et les maladies émergentes. La BARDA a été créée en 2006 par la loi sur la préparation aux pandémies et à tous les risques – Pandemic and All-Hazards Preparedness Act (PAHPA) – et relève du bureau du secrétaire adjoint à la préparation et à la réponse.

Le bureau gère le projet BioShield, qui finance la recherche, le développement et le stockage de vaccins et de traitements que le gouvernement pourrait utiliser lors d’urgences de santé publique, telles que des attaques chimiques, biologiques, radiologiques ou nucléaires.

En plus de préparer et de maintenir des réponses et des contre-mesures au bioterrorisme, elle prépare et maintient un système intégré de contre-mesures médicales pour les types d’urgences de santé publique connus ou inconnus et ré-émergents ou nouveaux. Ceux-ci comprennent des outils de diagnostic, des produits thérapeutiques tels que des antibiotiques et des antiviraux, et des mesures préventives telles que des vaccins. La BARDA est une interface officielle établie entre le gouvernement fédéral américain et l’industrie biomédicale. Elle travaille avec l’industrie biomédicale, en utilisant des subventions et d’autres formes d’assistance, pour promouvoir la recherche de pointe, l’innovation et le développement de dispositifs médicaux, de tests, de vaccins et de produits thérapeutiques.

La BARDA achète et maintient également des stocks de matériel, tels que des médicaments, des équipements de protection individuelle (EPI) et des vaccins, pour le stock stratégique national (SNS).

En 2021, la BARDA dispose d’un budget de 1,6 milliard de dollars pour ses missions normales, augmenté de 3,5 milliards de dollars pour la réponse à la Covid-19.

 

La DARPA

L’Agence pour les projets de recherche avancée de défense – Defense Advanced Research Projets Agency (DARPA) a été créée en 1958 en réplique au lancement de Spoutnik par l’URSS. L’énoncé de la mission de la DARPA est de « faire des investissements cruciaux dans les technologies révolutionnaires pour la sécurité nationale des États-Unis ». Depuis, cette agence du département de la Défense, très indépendante, a contribué à la création d’inventions qui ont révolutionné la technologie dans le monde militaire et civil comme l’Arpanet qui est devenu Internet ou encore le GPS.

Aujourd’hui, cette agence cherche à positionner les Américains au premier rang dans le développement technologique des armes de demain dans les domaines de la cyberguerre, de la robotique, des nanotechnologies, du spatial.

Il s’agit d’une structure dédiée à l’innovation de rupture avec un fonctionnement horizontal très souple (2 niveaux hiérarchiques seulement) composée d’un petit effectif (environ 120 personnes), avec une rotation des personnels tous les 5 ans environ.

Composé de scientifiques de très haut niveau, on exige de leur part une culture entrepreneuriale forte.

Ils reprennent le « catéchisme de Heilmeir » – du nom d’un ancien directeur – afin de favoriser l’innovation de rupture :

 Quels problèmes résolvez-vous et comment ?

 Comment le problème est-il traité aujourd’hui et quelles sont les limites de ce traitement ?

 Quelle est votre différence et qu’est-ce qui vous prouve que votre projet va réussir ?

 En cas de réussite : quel impact et comment le mesurer ?

 Comment organiserez-vous le développement du programme ?

Les gestionnaires de programmes pour la DARPA doivent donc répondre à des critères mêlant excellence technique et grande confiance en l’avenir. La culture de cette agence du département de la Défense (DoD) repose la recherche d’innovation révolutionnaire et non pas incrémentale, la collaboration et la multidisciplinarité, un goût développé du risque et une forte tolérance à l’échec.

Disposant d’un budget élevé d’environ 3,4 milliards de dollars, la DARPA consacre une très faible part de son budget à ses coûts de fonctionnement. Toutefois, la DARPA fait peu par elle-même et sous-traite à de multiples laboratoires universitaires et à des entreprises.

Enfin, les contrats de la DARPA prévoient la possibilité d’une reprise d’applications dans la technologie civile, ce qui permet aux entreprises bénéficiaires d’avoir un grand avantage en termes de financement de leurs recherches. Ce processus permet de favoriser l’innovation duale, aux retombées militaires et civiles.

M. Gilles de Margerie note que la France « affiche une attitude timorée vis-à-vis des risques et la capacité de prise de risques des personnes publiques est extrêmement limitée » ([471]). Dès lors, il considère que le modèle de la DARPA est difficile à imiter : elle agit dans un domaine où elle peut engager des montants importants et sera « toujours accompagnée d’investisseurs privés » qui auront largement investi sur la mise initiale, ce qui est rare en France.

Ainsi, la chercheuse Mme Nathalie Coutinet souligne que « pour lutter contre la concurrence de la puissance financière américaine de la BARDA, il faut agir au niveau européen » ([472]). La création de l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire – Health Emergency Preparedness and Response Authority (HERA) pour prévenir et mobiliser rapidement en cas d’urgence sanitaire est un premier signe de la réaction des pouvoirs publics européens que salue le rapporteur. La nouvelle autorité devrait permettre de repérer, dans la chaîne du médicament, des maillons manquants qui, en cas de pandémie, pourraient entraîner des difficultés.

L’HERA devrait être un service de la Commission européenne est non une agence. Son budget évoqué serait de 30 milliards d’euros sur cinq ans, entre 2022 et 2027, à mettre en perspective avec les 10 milliards de dollars dont a bénéficié la BARDA américaine pendant la crise sanitaire pour développer et fabriquer des médicaments avant même qu’ils ne soient approuvés par les autorités réglementaires.

b.   Rationaliser les actions des agences de promotion de l’innovation

La difficulté en R&D consiste à travailler avec les différents organismes de recherche publique sans disposer d’un guichet unique.

La future Agence de l’innovation en santé (AIS) est considérée par M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, comme « une matérialisation de l’effort de simplification nécessaire pour favoriser les étapes, depuis les premières innovations, souvent dans les laboratoires publics, pour aboutir à la production en France d’un médicament innovant » ([473]). Le rôle de guichet unique et de soutien aux innovateurs en santé à toutes les étapes de leurs parcours sera déterminant pour assurer la réussite de cette agence. En outre, pour M. Philippe Lamoureux du LEEM, l’AIS peut « donner du sens à la politique de recherche en fixant ses axes » et se charger de la prospective ([474]).

Cette agence pourrait constituer un guichet facilitateur pour les industriels de santé avec les différentes autorités de santé de ce pays, mais aussi avec des organismes de recherche publique. Sa composition devrait « inclure des membres du milieu industriel et de l’administration publique afin de rapprocher ces deux mondes » ([475]) pour M. Didier Véron.

L’Agence nationale de la recherche (ANR) créée en 2005 avait vocation à sélectionner les projets en dehors des institutions du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) pour éviter des conflits d’intérêts avec des experts et permettre à des chercheurs innovants d’accéder à des financements assez rapidement. Toutefois, pour le professeur M. Frédéric Bizard, l’ANR, qui devait avoir un budget de 1,3 milliard d’euros, a été « en quelque sorte absorbée depuis par les deux autres institutions » et a désormais un budget de 600 millions d’euros. Surtout, l’ANR « est tombée dans une bureaucratie qui ne lui a pas permis d’apporter l’élan qu’elle promettait » ([476]). En outre, l’ANR fait des appels à projets avec des financements sur temps court qui ne permettent pas aux chercheurs de développer les recherches qu’ils souhaiteraient.

Le rapporteur considère que l’action de l’ANR pourrait être renforcée. L’agence finance des programmes qui visent à favoriser la mise en commun des compétences et des moyens de différentes équipes, pour accélérer le développement des recherches proposées. Ainsi, elle propose trois instruments de recherche collaborative :

– l’instrument PRC pour soutenir des projets de recherche collaborative entre des entités publiques dans un contexte national ;

– l’instrument PRCI pour soutenir des projets de recherche collaborative dans un contexte international ;

– l’instrument PRCE pour soutenir des projets de recherche collaborative entre un ou des laboratoire(s) de recherche académique(s) ou public(s) et une ou des entreprise(s) impliquée(s) en R&D.

Cependant, le faible taux de projets retenus ne permet pas de développer suffisamment les énergies et les projets de recherche.

Ainsi, dans le cadre de l’appel à projets génériques 2021, 1 589 projets de recherche JCJC, PRC et PRCE ont été sélectionnés pour financement. Le taux de sélection pour ces trois instruments s’élève ainsi à 22,9 % au 21 septembre 2021.

Les projets financés sont répartis comme suit :

– 972 projets de recherche collaborative (PRC) retenus, soit un taux de succès de 22,1 %, pour un financement ANR total de 489,40 M€ ;

– 469 projets de jeunes chercheuses et jeunes chercheurs (JCJC) retenus, soit un taux de succès de 26,4 %, pour un financement ANR total de 124,80 M€ ;

– 148 projets de recherche collaborative – entreprise (PRCE) retenus, soit un taux de succès de 19,1 %, pour un financement ANR total de 85,30 M€.

Les projets JCJC, PRC et PRCE sélectionnés représentent un financement ANR global de 699,50 M€.

Le rapporteur estime que l’énergie que doivent déployer les chercheurs dans le cadre des dossiers et du parcours de sélection est gâchée par le faible taux de projets retenus, taux qui devrait être revu à la hausse pour stimuler les projets de recherche. Enfin, des projets peuvent faire l’objet de rapports favorables ou très favorables pour n’être finalement pas retenus et financés par l’ANR : ils sont alors souvent abandonnés par les chercheurs, ce qui représente un temps important de recherche non valorisé. L’ANR devrait donc également accompagner les équipes porteuses des projets qui n’ont pas été retenus mais présentent un intérêt potentiel, afin qu’ils puissent améliorer leur dossier et candidater à nouveau.

Proposition n° 29 : Fixer à l’Agence nationale de la recherche un objectif de financement d’un tiers des projets de recherche collaborative (PRC) et des projets de recherche collaborative – entreprise (PRCE) qui lui sont soumis.

B.   CrÉer les conditions d’une montÉe en gamme

1.   Redonner aux entreprises industrielles les moyens de dégager de la valeur ajoutée pour l’investissement économique

Le positionnement de gamme constitue un problème bien identifié. Comme l’évoque M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, « nous sommes pris en étau entre le haut de gamme à forte marge et l’entrée de gamme sur laquelle nous ne sommes pas compétitifs » ([477]). L’accumulation de capital permet d’investir dans l’image de marque et le marketing afin de positionner une entreprise dans le haut de gamme sur le fondement de la maîtrise de la qualité de ses produits. Ce besoin d’investissement nécessite pour les entreprises de recréer des marges.

Le statut de jeune entreprise innovante (JEI) constitue pour M. Alain Sainsot, président de GTP-Bioways, un « outil incitatif intéressant » ([478]). Il pourrait être intéressant de prolonger ces avantages fiscaux jusqu’au 31 décembre 2023, sous condition de créations nettes d’emploi à partir du 1er janvier 2022.

Le statut de jeune entreprise innovante

Une JEI peut bénéficier d’exonérations en matière d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés. Pendant le premier exercice (ou la première période d’imposition bénéficiaire), l’exonération est totale. Pour la période ou l’exercice suivant, l’exonération est de 50 %.

L’exonération d’impôt sur les bénéfices est cumulable avec le CIR.

Elle est exonérée de la cotisation économique territoriale et de la taxe foncière pendant 7 ans si la collectivité territoriale a voté une délibération dans ce sens.

Une JEI ou une JEU peut aussi, sous conditions, obtenir les avantages suivants : une exonération des plus-values de cession de parts ou d’action et une restitution immédiate de la créance de CIR.

Les avantages fiscaux s’appliquent aux entreprises créées jusqu’au 31 décembre 2022.

Source : Economie.gouv.fr

Au-delà de la montée en gamme, la réindustrialisation « réside aussi dans la création de nouveaux gisements de valeur » comme le considère Mme Sonia Bellit du laboratoire d’idée la Fabrique de l’industrie ([479]). L’Union européenne peut par exemple sensibiliser les entreprises sur le choix de solutions françaises ou européennes pour stocker leurs données sensibles, plutôt que d’exposer ces dernières aux risques et à l’arbitraire de l’extraterritorialité de la réglementation américaine.

La recherche de nouveaux gisements de valeur est également partagée par M. Luc Chatel, président de la Plateforme de la filière automobile. Ainsi, dans la filière automobile où les constructeurs français ont acquis un savoir-faire sur les véhicules milieu de gamme, « il faut, plutôt que bouleverser complètement leurs stratégies, déployer des « poches de croissance » entraînant des créations de valeur plus élevée » ([480]). Il mentionne l’exemple de Stellantis avec la création de la marque DS qui a permis au constructeur de s’insérer sur un marché plus haut de gamme.

2.   Approfondir la politique de structuration des filières et de dynamisation des sites d’activités

a.   Assurer l’efficacité de la gouvernance organisée sur le fondement du Conseil national de l’Industrie et des comités stratégiques de filière

La structuration de l’industrie en filière est un concept datant des années 1960 et 1970, relancé lors de la crise de 2008-2009. La filière automobile étant alors « l’illustration de l’incapacité de l’industrie française à travailler en écosystèmes » ([481]) selon M. Luc Chatel, l’État a réuni le Comité d’avenir de l’automobile puis des États généraux de l’automobile, qui ont donné lieu à la création du Comité stratégique de la filière automobile. Cette organisation en filière a ensuite été étendue à l’ensemble de l’industrie lors des États généraux de l’industrie organisés en 2010. Depuis lors, tous les gouvernements successifs ont repris cette logique de filière.

L’ancien ministre chargé de l’industrie M. Éric Besson souligne dans sa contribution à la commission d’enquête le « manque de solidarité interentreprises françaises, en France ou à l’international, alors que dès les années 1970 ou 1980, on évoquait déjà les logiques de grappes en Italie ou de chaînes de PME en Allemagne ». Face à ce constat, le ministre de l’économie, des finances et de la relance M. Bruno Le Maire appelait à « plus de solidarité » au sein de la filière automobile lors du salon de la PFA le 26 octobre 2021.

Le Conseil national de l’industrie (CNI) est présidé par le Premier ministre et le ministre de l’économie, des finances et de la relance, et vice-présidé par M. Alexandre Saubot, président de France Industrie. Cette instance interministérielle réunit les pouvoirs publics et les représentants des entreprises et salariés de l’industrie afin d’assurer collectivement la « reconquête industrielle » de la France. C’est aussi l’instance qui permet d’élaborer, de définir puis de conduire des sujets structurants pour différentes filières. Sa force d’entraînement autour de projets concrets repose sur sa structuration par filières industrielles réparties en 19 comités stratégiques de filière (CSF).

Les comités stratégiques de filière (CSF) ont pour objectif d’instaurer un dialogue régulier entre l’État, les entreprises et les représentants des salariés selon les filières. Le terme de « filière » peut également désigner un ensemble d’activités puisque toutes les industries ne fonctionnent pas en filières, avec des donneurs d’ordres et des sous-traitants. Chaque CSF conclut un contrat de filière depuis 2018 afin de s’entendre sur une définition des problèmes et les moyens de les résoudre. Pour M. Alexandre Saubot, la réindustrialisation de la France représente « un projet collectif » et « le contrat stratégique de filière constitue un outil pour atteindre cet objectif dans une filière donnée » ([482]). Il y a eu depuis sa création près de 200 projets contractualisés et plusieurs centaines d’actions ou d’engagements volontaires réciproques.

M. Guillaume Basset souligne devant la commission d’enquête que les problématiques de filières « dont le bon fonctionnement et la préservation du tissu dépendent de la puissance et de la rentabilité des têtes de filières ». Les filières sont animées par des dynamiques différentes, à l’image de la filière aéronautique qui « présente une culture centrée sur la collaboration et un faible niveau de concurrence frontale entre les grands acteurs » ([483]) alors que M. Jean-Michel Pourteau, représentant CFE-CGC au sein du comité stratégique de filière mines et métallurgie, souligne que les CSF de l’agroalimentaire, de la santé et de l’électronique « sont moins efficaces » ([484]).

M. Olivier Bogillot, président de Sanofi France, président du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé, note certains points à améliorer dans le fonctionnement des CSF. Il regrette que « le ministère des solidarités et de la santé ne semble disposer ni des ressources, ni des profils adéquats pour participer à ces groupes » et qu’il « semble y avoir une distance culturelle vis-à-vis de l’industrie » ([485]).

Le rapporteur estime essentiel de soutenir les initiatives visant à améliorer l’équilibre des rapports entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants, grâce à une contractualisation claire et des objectifs partagés sur des sujets concrets et stratégiques. Au-delà du code de bonnes pratiques signé par les donneurs d’ordre en mai 2020, il propose de systématiser la recommandation du directeur général des entreprises M. Thomas Courbe visant à l’adoption d’une labellisation relations fournisseurs et achats responsables (RFAR) qui « porte des engagements encore plus forts dans les relations avec leurs sous-traitants » ([486]).

Proposition n° 30 : systématiser les labellisations « relations fournisseurs et achats responsables » (RFAR).

b.   Mieux associer les syndicats et les TPE et PME à la définition des objectifs et des moyens inclus dans les différents contrats de filière

La table ronde organisée par la commission d’enquête rassemblant des organisations salariales représentées au sein du Conseil national de l’industrie a été l’occasion de comprendre les améliorations envisageables quant au rôle des syndicats au sein des filières ([487]).

Les instances du CNI sont perçues comme jouant un rôle utile en termes de structuration de la filière et d’établissement d’un état des lieux. Toutefois, la place laissée à la représentation des salariés est considérée comme variable selon les filières par plusieurs intervenants. Pour M. Jean-Michel Pourteau de la CFE-CGC, « dans certains CSF, les syndicats sont associés et donnent leur avis sur l’élaboration du contrat de filière », tandis que « dans d’autres CSF, les syndicats ne sont pas invités aux réunions ».

Mme Nadia Salhi, membre de la direction confédérale de la CGT, déplore le fonctionnement « en silo » des comités stratégiques, « sans réfléchir à la cohérence de nos systèmes productifs ». Des améliorations demeurent nécessaires en matière de transversalité et la gestion en filière isolée des pénuries de composants illustre ce déficit alors que le CNI pourrait constituer un cadre adéquat de résolution des difficultés. Mme Nadia Salhi attire en outre l’attention de la commission d’enquête sur le fait que « les représentants des salariés manquent de moyens pour assister aux réunions du CNI lorsqu’ils en ont l’occasion » : la convocation à une réunion de l’institution devrait permettre de s’absenter de son poste de travail, et les frais de déplacement pour assister à la réunion pourraient être pris en charge.

Proposition n° 31 : Imposer la présence des représentants des salariés lors des discussions relatives aux contrats de filière et faire prendre en charge au titre des frais de fonctionnement du Conseil national de l’industrie les frais de déplacement pour que les représentants des salariés puissent assister aux réunions.

De la même manière, Mme Nadia Salhi a jugé que « concernant la gouvernance et le développement de politiques de filières avec le Conseil national de l’industrie (CNI), nous considérons que cette institution reproduit l’organisation industrielle actuelle en laissant le pouvoir aux grandes entreprises. Les PME (petites et moyennes entreprises) n’ont pas leur mot à dire du fait de leur dépendance économique ».

Le rapporteur juge donc utile de revoir le mode de nomination et la répartition des membres au sein de la formation plénière et du comité exécutif du CNI, mais également au sein des CSF, afin de garantir une meilleure place aux TPE et PME.

Proposition n° 32 : Augmenter la représentation des très petites, petites et moyennes entreprises au sein du Conseil national de l’industrie et des comités stratégiques de filière.

c.   Veiller au fonctionnement optimal des pôles de compétitivité, en cohérence avec les objectifs nationaux de la politique industrielle

Les pôles de compétitivité avaient été conçus dès 2004 comme des pôles d’innovation ou clusters à l’allemande, avec un centre technique local. Il en existe aujourd’hui 74. Ces pôles diffèrent toutefois de l’ambition initiale : ils relèvent plutôt de lieux de création d’un collectif entre entrepreneurs jusqu’alors tournés vers l’individualisme. Les crédits de gouvernance ont aujourd’hui été transférés aux régions, qui démontrent une implication variable dans la gestion des pôles.

Les pôles de compétitivité réunissent sur un territoire bien identifié des entreprises de toutes tailles, des établissements d’enseignement supérieur, ainsi que des centres de recherche et de formation publics et privés. Cette synergie a pour but de stimuler l’innovation dans les filières d’excellence du territoire, autour de projets soutenus par des financements régionaux, nationaux voire européens. D’après le ministère de l’économie, des finances et de la relance, 11 000 entreprises et 1 300 organismes de recherche et de formation seraient impliqués dans l’un des 56 pôles répartis sur tout le territoire, y compris outre-mer. D’après une étude publiée en 2017 du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et de la Direction générale des entreprises (DGE), les pôles sont « performants » et « structurants pour le territoire », avec des effets qualifiés de « largement positifs » au global malgré des disparités régionales.

Le directeur général des entreprises M. Thomas Courbe partage l’idée d’une efficacité des pôles de compétitivité. Il mentionne un effet de levier de pôles à 2,5 pour la R&D en innovation dans les entreprises entre 2009 et 2013 selon une étude de France Stratégie ([488]).

Sur le sujet des pôles de compétitivité, MM. Christian Charpy et Marc Fosseux rappellent que « la recommandation permanente de la Cour des comptes sur ce sujet reste la fixation d’un nombre limité de priorités, leur maintien dans la durée et la mise en place d’une gouvernance qui assure ce maintien » ([489]).

En termes de financement, 46 % des ressources des pôles viennent du secteur privé. Entre 2005 et 2018, les 4 000 projets de R&D passés par les pôles ont été financés à hauteur de 4,5 milliards d’euros par des participations privées, de 1,8 milliard d’euros par l’État via le Fonds unique interministériel (FUI) et de 1,3 milliard d’euros par les régions.

Jusqu’en 2020, l’État versait également une enveloppe pour le fonctionnement des associations qui gèrent les pôles. D’un montant de 18 millions d’euros en 2019, celle-ci couvrait environ 50 % de leur budget, le reste provenant des collectivités locales et de la cotisation de leurs membres.

En 2019, il a été décidé de transférer aux régions le financement du fonctionnement des pôles, en leur allouant 15 millions d’euros.

Le rôle des pôles dans le développement des écosystèmes justifierait qu’un financement pérenne leur soit accordé, sur la base d’une évaluation de leurs résultats concrets.

Proposition n° 33 : Promouvoir le modèle et la pérennité des pôles de compétitivité, en évaluant leurs effets en termes de création d’écosystèmes d’innovation.

3.   Ordonner les efforts publics dans le cadre d’une politique industrielle rénovée en vue de l’émergence de « l’industrie du futur »

a.   Des solutions en faveur de « l’industrie du futur » à évaluer et à traduire en acte

L’enjeu n’est aujourd’hui pas seulement de réindustrialiser, mais bien de « faire renaître une industrie nouvelle pour laquelle la France dispose d’atouts majeurs pour se positionner de façon unique dans la décennie à venir » comme le soutient M. Sébastien Massart, directeur de la stratégie de Dassault Systèmes ([490]). Ces atouts sont les chefs de file mondiaux que possède la France et sa capacité à faire croître des entreprises et à reconsidérer les écosystèmes productifs traditionnels. À cet effet, il préconise des connexions « en plateforme » entre les différentes filières en fonction de l’expérience qu’elles apportent plutôt que du savoir-faire sur lesquelles elles s’appuient. L’industrie du futur permettrait selon lui « des gains de productivité de 10 % à 20 % » alors que l’industrie française n’a pas connu de gains de productivité depuis une décennie. Il est désormais nécessaire de miser sur les technologies de rupture, la décarbonation de l’industrie, la digitalisation des systèmes de production et la transition énergétique dans le cadre du projet d’industrie du futur. Le plan de relance est salué à cet égard par les personnes auditionnées membres de l’Alliance pour l’industrie du futur (AIF), puisque la France « a investi 1,5 fois plus que l’Italie, 2 fois plus que l’Espagne et également davantage que l’Allemagne » avec un effet de rattrapage jugé « plutôt salutaire » ([491]).

Comme l’explique la chercheuse Mme Anaïs Voy-Gillis à la commission d’enquête, l’industrie du futur « ne renvoie pas à l’idée de créer des métiers complètement nouveaux » ([492]). L’intégration de nouvelles technologies dans les entreprises telles que la robotique ou l’internet des objets leur permettront de « produire de manière plus efficace, mieux connaître leurs équipements et faire de la maintenance prédictive ». La chercheuse Mme Sonia Bellit souligne en outre que cette intégration permettra de se différencier des autres entreprises « en produisant des biens personnalisés à des coûts aussi rentables que la production de masse » grâce aux données collectées sur les usages des consommateurs ([493]).

Le Haut-commissaire au plan M. François Bayrou mentionne également « un temps de basculement technologique » où la robotisation permettrait d’accéder « à des modes de production qui nous mettent à égalité avec les pays lointains à plus bas coûts » ([494]). La ministre déléguée en charge de l’industrie Mme Agnès Pannier-Runacher considère ainsi nécessaire de se « projeter dans le futur en nous positionnant sur des maillons qui seront critiques demain » : le secteur de la 5G, de la connectivité et des semi-conducteurs ont ainsi fait l’objet d’appels afin de constituer des solutions industrielles à l’échelle de l’Europe ([495]).

Dans le cadre du plan de relance, « près d’une entreprise industrielle sur quatre aura engagé une étape de numérisation de son outil de production grâce à ce soutien » selon le directeur général des entreprises M. Thomas Courbe ([496]).

Les données communiquées par M. Thomas Courbe concernant les projets financés par le guichet de l’industrie du futur sont les suivantes :

– les ETI représentaient 10 % des projets en nombre et 11,3 % en valeur ;

– les entreprises moyennes de 50 à 250 salariés ont porté 20 % des projets en nombre et 28,9 % en valeur ;

– les petites entreprises de moins de 50 salariés représentaient 70 % des projets en nombre et 59,8 % en valeur : près de 90 % de la valeur se concentre par conséquent sur les PME.

L’Alliance pour l’industrie du futur

L’Alliance pour l’industrie du futur (AIF) a été créée en 2015 sous l’impulsion de M. Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Sa création faisait suite aux 34 plans industriels annoncés par M. Arnaud Montebourg pour simplifier l’organisation et soutenir la montée en gamme des petites et moyennes entreprises (PME) vers l’industrie du futur.

En septembre 2020, le plan de relance a été annoncé et comptait un volet industrie du futur. Il proposait un guichet industrie du futur « qui a très bien fonctionné » selon M. Frédéric Sanchez, président de l’AIF, et a permis le soutien de 9 000 entreprises avec 900 millions d’euros.

Selon les données communiquées à la commission d’enquête, 7 231 entreprises ont bénéficié du dispositif « Industrie du futur » pour des subventions à hauteur de 769 millions d’euros ayant entraîné des investissements d’un montant de 2,602 milliards d’euros.

Les nouveaux besoins liés à l’industrie du futur sont générateurs d’activité car de nouvelles solutions sont à inventer. Cette nouvelle filière représenterait 500 000 emplois en France et une valeur ajoutée de 36 milliards d’euros contre 136 milliards d’euros en Allemagne. Le CSF de la filière a été signé lors du CNI plénier à Lyon lors de Global Industrie : l’objectif est de « mieux travailler avec les filières pour qu’elles s’appuient davantage sur l’offre française » ([497]). Le plan France 2030 permettra de financer le développement de cette offre d’innovation et comporte un volet robotique et machines intelligentes.

Afin de favoriser et d’accélérer l’adoption par les entreprises du modèle de l’industrie du futur, il convient donc d’accompagner les PME avec le soutien de l’AIF, de procéder à la mise à niveau des compétences et de poursuivre le financement nécessaire pour moderniser l’outil productif. L’AIF est la seule filière transversale du CNI et peut à ce titre générer un effet d’entraînement auprès des autres filières : le président de l’AIF M. Frédéric Sanchez appelle ainsi à ce que les membres des filières verticales s’engagent à poser leurs demandes d’investissement sur la plateforme de l’AIF plutôt que d’aller chercher leurs solutions ailleurs. M. Frédéric Sanchez a mentionné lors de son audition le concept de « vitrines de l’industrie du futur » et sa volonté de délivrer ce label « à la condition que ces usines exemplaires s’appuient sur des solutions françaises, voire européennes, et non étrangères » est saluée par le rapporteur.

Les pays les plus utilisateurs de robots et d’intelligence artificielle (Allemagne, Japon, Corée du Sud), sont aussi ceux qui connaissent les taux de chômage les plus faibles. En effet, bien que 4 à 5 fois plus robotisée que la France, l’industrie de la Corée du Sud représente 30 % de son PIB. Le Plan France 2030 a bien un volet robotique qu’il convient de développer. En réalité, la révolution robotique est aussi une révolution qualitative : de plus en plus de robots utilisés dans l’industrie sont des « cobots », qui travaillent avec des humains.

Au sein du comité stratégique de filière « Solutions industrie du futur » du Conseil national de l’industrie, il apparaît nécessaire d’étudier non seulement ce qui permet de moderniser les sites industriels, d’améliorer la maîtrise des processus, mais aussi de bâtir un plan des vulnérabilités et d’accompagner les entreprises dans les ruptures et les transitions à opérer.

Pour le rapporteur, il est aussi nécessaire d’intégrer dans les négociations sociales en entreprise la question de l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle et de robots et de leur impact sur les conditions de travail.

Proposition n° 34 : Confier une mission transverse au comité stratégique de filière « Solutions industrie du futur » du Conseil national de l’industrie et intégrer dans les négociations sociales la question de l’utilisation de l’intelligence artificielle et des robots et de leur impact sur les conditions de travail.

b.   Des innovations et des procédés à diffuser

MM. Christian Charpy et Marc Fosseux de la Cour des comptes notent que les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) ont « bénéficié de près de 5,6 milliards d’euros, soit près de 10 % du PIA sur la période ». ([498]) Le référé de la Cour des comptes de 2021 note toutefois des résultats en matière de transfert insuffisants malgré une augmentation de l’effort en faveur de l’innovation. La Cour des comptes recommande ainsi :

– de resserrer le périmètre des outils financés par les PIA, notamment les SATT, les consortiums de valorisation thématique (CVT), les instituts de recherche technologique (IRT), ou encore les instituts hospitalo-universitaires (IHU) ;

– de renforcer l’insertion de ces structures dans l’écosystème de l’innovation et de mieux mesurer leur impact socio-économique.

La simplification des dispositifs est évoquée à ce titre comme « un enjeu massif » de renforcement des relations entre recherche, université et industrie.

Concernant les SATT, Mme Johanna Michielin, directrice générale de CNRS Innovation, indique que la doctrine du CNRS est de s’appuyer sur les SATT « dès lors que le besoin de financement excède ce que nous avons pu investir au stade de la prématuration », afin que les SATT puissent investir « dans la maturation et qu’elles amènent les résultats encore plus loin dans leur niveau de maturité technologique » ([499]). 275 millions d’euros ont été investis par les SATT depuis leur création sur des projets issus des laboratoires du CNRS.

Enfin, le rapporteur estime intéressante la notion de « puissance de communication positive de l’industrie » exposée par Nicolas Dufourcq et illustrée notamment par les marques French Tech et French Fab ([500]). Elles permettent d’afficher l’ambition collective de réindustrialiser la France et de créer un effet d’entraînement entre acteurs publics et privés derrière un objectif commun.

Les clusters d’innovation en santé en Belgique

La commission d’enquête a envoyé une délégation en Belgique, et en particulier à Louvain, afin d’étudier les particularités du modèle belge de clusters ou pôles d’innovation en matière pharmaceutique, le « système de biotechnologies absolument remarquable » de la Belgique ayant notamment été salué par M. Olivier Bogillot, président de Sanofi France, lors de son audition.

D’autres modèles existent, comme l’ecosystème constitué autour de Grenoble en France ([501]).

En Belgique, deux modèles de clusters coexistent.

Louvain est le siège des plusieurs instituts de recherche, qui mettent fortement l’accent sur le transfert de technologie et sont les moteurs de l’innovation écosystème et des sociétés spin-offs réussies :

– L’Institut de micro-électronique et composants (IMEC), un institut de recherche inter-universitaire flamand en micro-électronique et nanotechnologies avec 550 millions de chiffre d’affaires ;

– La Katholieke Universiteit Leuven, classée par Reuters comme l’université la plus innovante d’Europe ;

– Le Vlaams Instituut voor Biotechnologie, qui comporte 1 500 chercheurs en biotechnologie.

Les investissements dans des projets d’infrastructure ont été très déterminants dans la réalisation : l’IMEC, Gasthuisberg (le campus de la santé), le campus universitaire d’Arenberg ont été d’importants projets d’infrastructure qui ont favorisé la création et la croissance de nouvelles entreprises. Au cours des cinq dernières années, plus de 2,5 milliards d’euros ont été investis dans des installations d’envergure mondiale sur ces trois sites. Le développement du Vaartkom (projet Vaartopia) est important pour le développement futur de l’industrie créative et constitue l’un des piliers de Leuven MindGate, en parallèle de la santé et de la haute technologie. Hertogensite, laboratoire vivant pour l’avenir des soins de santé, et Leuven Noord sont les nouveaux projets qui alimenteront davantage la naissance et le développement de nouvelles entreprises.

La force et l’unicité de l’écosystème Leuven MindGate réside également dans l’établissement d’une forte collaboration entre la « triple hélice » composée du gouvernement, des entreprises et des instituts de connaissance, mais aussi avec le secteur financier.

Leuven MindGate est une structure associative qui vise à créer un réseau intégré d’entreprises, de collectivités locales et d’institutions de connaissances visant à garantir le développement durable, l’innovation et la richesse, ainsi qu’à renforcer les activités principales de chaque partenaire à Louvain. En tant qu’organisation, elle peut être considérée comme faisant partie de « l’infrastructure » nécessaire au développement de la région. Leuven MindGate a été fondé et est financé par les acteurs de l’écosystème et représente cet écosystème vis-à-vis du monde extérieur. Au sein de Leuven MindGate, les besoins de la région, également en termes d’infrastructure, sont définis sur la base des contributions des membres.

Le Biopark de Charleroi, créé en 1999 par l’Université libre de Bruxelles, regroupe près de 50 entreprises de pointe, trois instituts de recherche, un incubateur adossé à deux hôpitaux ainsi que différents acteurs du monde pharmaceutique. Il a pour mission d’accompagner les entreprises tout au long de leur croissance, depuis leur création jusqu’à leur maturité en tant qu’acteurs globaux.

Il compte actuellement plus de 2 500 collaborateurs expérimentés provenant de plus de 30 pays, 80 sociétés actives dans le domaine des sciences de la vie, 15 sites d’essais cliniques, et trois instituts de recherche universitaire de renommée internationale.

Cet écosystème scientifique et économique comptait en 2020 environ 70 acteurs des secteurs de la biotechnologie et la biopharmacie. Depuis janvier 2019, la nouvelle structure Biopark Dev, anciennement l’i-Tech Incubator, est dédiée spécifiquement à son développement. Le « Plan Catch » a pour objectif de continuer à favoriser la croissance du BioPark, de développer les connexions autour des deux hôpitaux présents et de positionner Charleroi dans le domaine de l’e-santé grâce au développement du RSW (Réseau Santé Wallon).

Aux côtés de l’Université libre de Bruxelles, les actionnaires du BioPark sont :

– Sambrinvest, entreprise publique locale d’investissement adossée à un partenariat public-privé, qui compte 30 ans d’expérience, plus de 200 sociétés en portefeuille et 150 M€ d’actifs sous gestion ;

– Theodorus, un fonds de capital-risque basé à Bruxelles ;

– Igretec, une entreprise publique intercommunale de développement local active dans divers domaines, dont le développement économique et territorial de Charleroi ;

– Charleroi Entreprendre, le Business Innovation Center (BIC) de Charleroi.

Les deux modèles de Louvain et Charleroi sont ainsi différents dans leur apparition – spontanée à Louvain, organisée par l’université et la puissance publique à Charleroi – mais permettent de tirer des enseignements communs.

En premier lieu, les universités belges, fondations de droit privé, jouent un rôle clé dans la dynamique d’écosystèmes. L’université de Louvain a investi environ 15 millions d’euros dans des filiales sur les dix dernières années, pour un investissement extérieur dans l’écosystème de 1,1 milliards d’euros. Elle a réinvesti les revenus de sa valorisation de sa recherche dans l’écosystème : les récents incubateurs destinés à des start-ups ont été financés à hauteur d’un quart par l’université.

La formation belge en sciences de la vie est reconnue comme une source de compétences pour les clusters : 1,7 % des diplômés belges de l’université ont un diplôme en sciences de la vie, contre 1,3 % en France. La Belgique compte 12 chercheurs pour 1 000 employés en 2018, contre 10,88 en France.

En outre, les clusters sont pensés comme un lieu d’innovation autour d’une vision commune et permettent d’améliorer l’effort collaboratif de R&D, ainsi que la visibilité internationale de la Belgique sur le secteur. Le cluster Biowin a ainsi connu depuis sa création une augmentation de l’emploi de 13 %, avec des fonds levés à hauteur de presque 3 milliards d’euros en 2020 contre 33 millions d’euros à sa création. L’investissement en R&D du secteur pharmaceutique belge a augmenté de 14 % par an entre 2015 et 2020 pour un investissement total de 5 milliards d’euros en 2020.

La force de l’écosystème belge réside également dans la présence en parallèle des clusters d’incubateurs, de centres de recherche, mais aussi d’un fort tissu industriel avec la présence de plus de 300 firmes en biotechnologies et de chefs de file mondiaux comme Johnson&Johnson, UCB et Pfizer. L’aménagement du territoire et des chaînes d’approvisionnement est clé dans ce succès : l’aéroport de Liège a ainsi été choisi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme plateforme logistique pour les vaccins contre la Covid-19 en Europe.

Enfin, le soutien des pouvoirs publics et des autorités de régulation est essentiel dans ce modèle. Il combine des incitations fiscales à l’embauche, avec une réduction moyenne évaluée par l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers (AWEX) à 11 % des coûts salariaux après quatre ans d’une nouvelle embauche, et un soutien direct à la R&D privée à hauteur d’environ 0,37 % du PIB légèrement inférieur à la France. La régulation est jugée efficace : la Belgique approuve les essais cliniques entre 15 et 20 jours, alors que la procédure de fast-track française prend 40 jours. Elle a le deuxième nombre d’autorisations d’essais cliniques européen rapporté à sa population.

La commission d’enquête estime donc que le modèle belge peut représenter une source d’idées afin de créer des conditions adaptées à la concentration des énergies, en harmonie avec les objectifs des collectivités publiques en France.

Sources : documents transmis à la commission d’enquête par l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers (AWEX) et par LeuvenMindgate.

C.   Favoriser un Équilibre de la gouvernance des entreprises plus conformes aux intÉrÊts de long terme des industries franÇaises

1.   Se donner les moyens de l’émergence d’une culture de la codétermination sur le modèle allemand

La codétermination institue un collectif englobant actionnaires et salariés, qui désigne et évalue solidairement les dirigeants chargés de la conduite commune des affaires de l’entreprise. Elle consiste en la participation de représentants désignés par les salariés au sein du conseil d’administration ou de surveillance de l’entreprise.

La codétermination représente une voie pertinente vers une meilleure prise en compte des intérêts de long terme des industries françaises. Les salariés, « parties constituantes » de l’entreprises, investissent leurs temps et leurs compétences dans l’entreprise tout en subissant son risque, tandis que les actionnaires, « parties prenantes », en supportent le risque en investissant leur argent. Leur participation à la gouvernance de l’entreprise est donc pertinente et complémentaire : à la vision davantage financière des actionnaires répond un intérêt plus fort des salariés aux problématiques sociales et environnementales de l’entreprise. Si la prise de décision au sein de l’entreprise peut demander davantage de négociations, elle peut également bénéficier d’un consensus solide et donc d’une mise en œuvre plus efficace.

À ce titre, le rapport de Nicole Notat et Jean-Dominique Senard sur « l’entreprise, objet d’intérêt collectif », remis aux ministres de la transition écologique et solidaire, de la justice, de l’économie et des finances, et du travail le 9 mars 2018 considère que « la présence de salariés permettrait de tempérer le court-termisme et la tendance à la financiarisation » et « fournirait une compréhension concrète de l’entreprise de l’intérieur, une mémoire des projets passés et une plus grande connaissance des métiers exercés dans l’entreprise ». ([502]) En outre, selon M. Vincent Vicard, chercheur au CEPII, des études démontrent que ce mode de gouvernance aurait conduit « à moins d’externalisations et donc à moins de délocalisations » et aurait influencé « plutôt positivement » la productivité ([503]). En effet, des analyses économétriques montrent une augmentation de la productivité jusqu’à 22 % chez les entreprises où un système de codétermination est en place ([504]), voire même une productivité du travail supérieure de 11 % dans les entreprises où la codétermination existe depuis 5 à 9 ans par rapport aux entreprises qui viennent de l’adopter ([505]).

En France, la présence d’administrateurs salariés a d’abord été généralisée à la sortie de la Seconde Guerre mondiale dans les entreprises nationalisées ou les banques de dépôt. Elle a ensuite été élargie à l’ensemble des entreprises publiques par la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, où un tiers des sièges du conseil d’administration était réservé aux administrateurs salariés.

La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a rendu obligatoire la présence de représentants des salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance des sociétés d’au moins 5 000 salariés en France et d’au moins 10 000 salariés dans le monde. Ces seuils ont été abaissés à 1 000 salariés pour les sociétés et leurs filiales dont le siège social est fixé sur le territoire français, et à 5 000 salariés pour les sociétés et leurs filiales dont le siège social est fixé sur le territoire français et à l’étranger, par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

La loi prévoit par ailleurs la présence d’un administrateur représentant les salariés actionnaires dans toutes les sociétés dont les salariés détiennent au moins 3 % du capital.

Enfin, la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE », a introduit deux modifications principales en matière de présence d’administrateurs salariés en conseil d’administration ou de surveillance des entreprises :

– l’obligation de représentation des salariés actionnaires s’applique désormais non plus aux seules sociétés cotées qui respectent les critères de détention minimale du capital, mais également aux sociétés non cotées ;

– deux administrateurs devront représenter les salariés dès que le conseil d’administration comporte plus de huit administrateurs non salariés, au lieu de douze auparavant.

Toutefois, la codétermination pourrait encore progresser en France. M. Christophe Beaux du MEDEF note que dans les entreprises françaises de plus de 2000 salariés, « les salariés ne représentent en moyenne que 15 % des administrateurs au sein des conseils d’administration » ([506]). Si le rapport d’information fait au nom de la délégation aux entreprises du Sénat en juin 2020 sur la valorisation des entreprises responsables et engagées relève que le nombre des administrateurs salariés a triplé depuis 2013, il souligne dans le même temps que le poids des administrateurs salariés dans les conseils d’administration des entreprises membres du SBF 120 « devrait passer de 7 % à 8 %, alors que le rapport Gallois avait fixé un objectif de 30 % en 2012 » et que « dans les 110 principaux groupes allemands, 38 % des sièges sont réservés aux salariés » ([507]).

Le système allemand de codétermination (« Mitbestimmung ») constitue une référence intéressante. Il bénéficie d’un important soutien, à la fois populaire et largement transpartisan : alors que ce système avait fait l’objet de tentatives de remises en cause au début des années 2000, son rôle dans la résilience de l’économie allemande face aux crises socio-économiques a conforté l’attachement de l’Allemagne à son modèle de codétermination. Le chercheur allemand Sébastian Sick notait à cet égard en 2013 que « ce modèle de capitalisme coopératif marqué par un fort partenariat social a contribué à la stabilité de l’économie allemande en période de crise économique » ([508]).

La codétermination allemande prévoit qu’un nombre égal de représentants des salariés et des actionnaires siègent au conseil de surveillance des entreprises de plus de 2 000 salariés. Son président est élu par une majorité des deux tiers et possède deux voix pour permettre la décision. Dans les entreprises entre 500 et 2 000 salariés, le conseil de surveillance est composé d’un tiers d’administrateurs salariés. Il revient notamment au conseil de surveillance de nommer et de révoquer les membres du conseil de direction de l’entreprise.

Le modèle allemand de codétermination (« Mitbestimmung »)

S’il existe dès le début du XXème siècle des formes de codétermination en France et en Allemagne, la codétermination ne se développe véritablement qu’après la Seconde Guerre mondiale. C’est ainsi dans l’Allemagne de l’après-guerre que naît un système généralisé de codétermination dans les entreprises privées.

La première loi de la République fédérale d’Allemagne sur la codétermination est votée en 1951. Son champ d’application est limité aux sociétés de plus de 1 000 salariés des secteurs du charbon et de la sidérurgie mais la codétermination prévue est intégralement paritaire :

– les représentants au conseil de surveillance sont désignés à 50 % par les actionnaires et à 50 % par les salariés ;

– les actionnaires et les salariés désignent conjointement le président du conseil de surveillance qui aura voix prépondérante en cas de partage et n’est ni actionnaire, ni salarié ;

– les représentants des salariés disposent d’une faculté de véto sur la désignation du directeur du travail de l’entreprise ;

– deux à quatre représentants des salariés, en fonction de la taille du conseil de surveillance, peuvent être extérieurs à l’entreprise, soit en général des membres des principaux syndicats allemands (comme l’IG Metall et le DGB).

En 1952, la codétermination est étendue aux entreprises de plus de 500 salariés, tous secteurs d’activité confondus. Les représentants des salariés constituent pour ces entreprises le tiers des membres du conseil de surveillance.

Dans les années 1970, deux lois donnent sa forme contemporaine à la codétermination allemande. Dans le système allemand, la codétermination existe dans les conseils de surveillance mais également dans les conseils d’entreprise.

La loi de 1972 augmente le pouvoir de codétermination au niveau des conseils d’entreprise : la gestion du personnel fait l’objet d’une codétermination renforcée qui inclut par exemple le temps de travail, les heures supplémentaires, le système de rémunération, ou encore la négociation de compensations financières en cas de plans sociaux.

En 1976, une nouvelle loi consolide la codétermination en organisant une représentation paritaire au sein du conseil de surveillance des sociétés de plus de 2 000 salariés. Toutefois, le droit de vote du président, nommé par les actionnaires, est prépondérant en situation de partage de voix.

Source : Christophe Clerc, « La codétermination, un modèle européen ? », Revue d’économie financière n° 130, 2018 https://www.cairn.info/revue-d-economie-financiere-2018-2-page-181.htm

La codétermination dans les entreprises allemandes serait aussi à l’origine de choix productifs plus favorables à l’investissement. Ce point était déjà souligné dans le rapport Gallois de 2012. Il existe également des études montrant les liens entre codétermination et innovation qui montrent que le nombre de brevets ne diminue pas dans les entreprises codéterminées : il a au contraire tendance à être plus élevé, même si cette augmentation reste modeste ([509]).

Si le rapporteur considère que l’exemple allemand n’est pas transférable à l’identique aujourd’hui en France, ce modèle suggère que c’est bien à partir d’une conception plus équilibrée de l’entreprise que l’on peut espérer un dialogue social véritable.

Le rapporteur estime donc souhaitable d’avoir pour horizon le modèle de codétermination allemand, tout en adoptant une trajectoire conforme à la réalité du modèle social actuel. En effet, Louis Gallois a souligné lors de son audition que « notre pays n’est pas prêt à s’aligner sur le modèle de codétermination allemand, soit 50 % de représentation des salariés » ([510]).

Ainsi, le rapporteur appelle à reprendre l’esprit du rapport Gallois de 2012 qui consistait à « introduire dans les conseils d’administration ou de surveillance des entreprises de plus de 5 000 salariés, au moins 4 représentants des salariés, sans dépasser le tiers des membres, avec voix délibérative, y compris dans les comités des conseils » ([511]).

En prévoyant que 30 % des droits de vote sont reconnus aux représentants du personnel au sein des conseils d’administration des grandes entreprises, et 25 % au sein des conseils d’administration des entreprises de 250 à 4 999 salariés, les salariés seraient véritablement impliqués dans les choix stratégiques de l’entreprise, notamment en termes de choix de localisation industrielle.

Cette présence des administrateurs salariés est pertinente à condition que ces salariés soient formés correctement en termes de stratégie et de finance : le doublement du temps de formation des administrateurs salariés prévu par la loi PACTE est un premier pas en ce sens ([512]). La pérennisation de formations communes aux dirigeants et salariés serait un gage de qualité de la discussion autour des enjeux de l’entreprise.

Proposition n° 35 : Assurer la présence d’au moins 25 % de représentants de salariés au sein des conseils d’administration des entreprises de taille intermédiaire (de 250 à 4 999 salariés) et 30 % dans les grandes entreprises (employant plus de 5 000 salariés).

Cependant, Mme Anaïs Voy-Gilis relève que « les syndicats français ne sont plus représentatifs » ([513]) en raison d’un taux de syndicalisation de 10,8 % dont 8,4 % seulement dans le secteur privé. Le mode de désignation par l’élection permettrait ainsi d’assurer une mobilisation des salariés en faveur de la syndicalisation. Une représentation de salariés non adhérents à un syndicat au sein des conseils d’administration des entreprises pourrait également être considérée.

2.   Mieux associer les salariés à la marche des entreprises

Si la présence accrue des salariés au sein des conseils d’administration peut être utile dans la compréhension des stratégies de localisation des activités et de choix d’investissement, il convient d’utiliser l’ensemble des leviers par lesquels les salariés peuvent apporter une contribution active aux perspectives de l’entreprise.

M. Louis Gallois note ainsi que « le dialogue social est insuffisant » ([514]) : à la veille de transformations profondes de l’industrie française, un dialogue entre salariés et décideurs est nécessaire dans une recherche de perspectives communes. Les salariés sont une partie prenante essentielle de l’entreprise et doivent pouvoir s’exprimer davantage sur ses orientations. Pour le président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) M. Xavier Ragot, la différence avec l’Allemagne « se joue donc au niveau du dialogue social » dans la mesure où « le coût du travail allemand est revenu à la hauteur du coût en France » ([515]).

Des évolutions récentes sont à souligner. Le recours aux accords d’intéressement facilité par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE », est ainsi une voie susceptible de mobiliser les salariés vers un objectif commun aux parties prenantes de l’entreprise.

En termes de gouvernance, l’implantation des centres de décision des grands groupes loin des centres de production constitue une faiblesse. Comme l’évoque M. Christophe Beaux, « en Allemagne, le siège de Mercedes et celui de Volkswagen sont à côté de leurs sites de production : respectivement à Munich et dans la Ruhr. Cette implantation contribue à une meilleure osmose entre la production, le corps social et le siège social qui se préoccupent de l’investissement et de l’économie dans sa dimension réelle » ([516]). M. Vincent Vicard souligne devant la commission d’enquête que les sièges sociaux des sociétés allemandes sont « beaucoup plus proches des sites de production », ce qui a pour conséquence d’inciter les dirigeants « à mettre en place des politiques favorables aux salariés plutôt qu’à délocaliser » ([517]).

Le rapporteur propose d’inciter au rapprochement des sièges sociaux des lieux de production par des mesures fiscales visant à inciter à la localisation des sièges sociaux au sein des établissements employant le plus de salariés dans l’entreprise.

Proposition n° 36 : Favoriser le rapprochement des sièges sociaux des lieux de production, en incitant fiscalement à la localisation des sièges sociaux au sein des établissements employant le plus de salariés dans l’entreprise.

M. Jean-Michel Pourteau de la CFE-CGC propose de permettre aux salariés de présenter leurs observations « lors des réunions de présentation des orientations stratégiques sur le long terme » ([518]). Lorsque les grandes orientations stratégiques sont présentées dans les comités sociaux et économiques (CSE), les salariés pourraient obtenir davantage de précisions sur les investissements à venir et leurs conséquences sur leur emploi. Le rapporteur salue l’initiative de la ministre déléguée chargée de l’industrie de faire de l’attribution d’un financement du plan de relance un élément du dialogue social exposé devant le comité social et économique (CSE) de l’entreprise concernée ([519]). Cette idée gagnerait à être systématisée pour l’ensemble des aides publiques versées aux entreprises.

Proposition n° 37 : Informer et recueillir l’avis du comité social et économique sur l’utilisation des aides publiques perçues par l’entreprise.

3.   Tirer les enseignements des expériences du modèle coopératif dans l’industrie

Le rapporteur considère que le modèle coopératif est une solution à étudier pour le maintien ou le développement de l’activité industrielle.

M. Jacques de Heere est venu présenter à l’occasion d’une table ronde l’activité du groupe Acome, dont il est le président. Acome est spécialisée dans la fabrication de fils et câbles à destination des secteurs des télécommunications et de l’automobile ([520]). La maison-mère d’Acome a la forme juridique d’une société coopérative de production (SCOP). Cette SCOP réalise un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros pour 12 000 salariés. Ces derniers sont tous actionnaires de l’entreprise, ce qui signifie que chaque salarié dispose d’une voix lors de l’assemblée générale et « favorise l’engagement et le management participatif ». En outre, le statut de coopérative est un atout pour le recrutement « à une époque où les nouvelles générations recherchent du sens dans leur métier ». Cette stratégie tournée vers le moyen et long terme, avec l’objectif « de défendre la pérennité de l’entreprise et de ses emplois en nous appuyant sur notre ancrage territorial », est un modèle qui peut inspirer une stratégie de développement industriel, en particulier dans les territoires en reconversion à la suite des transformations liées à la transition.

Les sociétés coopératives de production (SCOP)

La société coopérative de production (SCOP) est une entreprise qui a pour particularité de disposer d’une gouvernance démocratique. Les salariés ayant le statut d’associé sont obligatoirement associés majoritaires de la société. Ils possèdent donc au minimum 51 % du capital social. Ainsi, aucun associé ne peut détenir plus de la moitié du capital. En cas de départ d’un salarié ayant le statut d’associé, le capital qu’il a investi lui est remboursé. Tous les salariés d’une SCOP n’en sont pas associés, mais ils ont vocation à le devenir.

Les salariés-associés d’une SCOP détiennent 65 % des droits de vote au conseil d’administration selon le principe 1 salarié = 1 vote, sans considération relative au montant du capital social détenu. Il leur appartient donc d’élire les dirigeants de la société.

Les bénéfices d’une SCOP sont redistribués de 3 manières :

– une part pour tous les salariés qui complète leur rémunération, sous forme de participation et d’intéressement (en général entre 40 % et 45 % et obligatoirement au moins 25 % du bénéfice) ;

– une part pour les salariés-associés sous forme de dividendes (en général entre 10 % et 15 % et obligatoirement inférieure à la part « salariés » et la part « réserves ») ;

– une part pour les réserves de l’entreprise (en général entre 40 % et 45 %, et au minimum 15 % des bénéfices).

4.   Créer les conditions d’un investissement de long terme au capital des entreprises industrielles

L’industrie nécessite un investissement sur le temps long pour fonctionner : la stabilité du capital et les conditions d’exercice des droits de vote des actionnaires sont donc des conditions pour assurer que les décisions influant sur l’entreprise sont prises à l’aune d’une stratégie de long terme.

La loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange », impose la recherche obligatoire d’un repreneur pour les entreprises de plus de 1 000 salariés et confère un droit de vote double aux actionnaires de long terme.

L’application de cette loi a permis « de sauver certaines entreprises » selon M. Édouard Martin ([521]), par exemple avec une obligation de recherche de repreneur qui a obtenu des résultats pour les entreprises KME à Givet et FerroGlobe. Toutefois, il note que cette loi a pour limite de ne concerner que les entreprises de plus de 1 000 salariés. Ce critère d’effectifs pourrait être remplacé par un critère lié au chiffre d’affaires.

Travailleur à Florange, M. Jean-Michel Pourteau de la CFE-CGC affirme que cette loi marque « une avancée très positive » mais qu’il est nécessaire d’améliorer le pouvoir de vérification par les pouvoirs publics « de la robustesse financière du repreneur » ([522]). Cette loi a également pour vertu selon M. Philippe Portier de la CFDT d’amener les entreprises à reconsidérer leurs choix de fermeture ([523]). Enfin, la capacité des pouvoirs publics à faire respecter leurs engagements aux repreneurs est essentielle pour la crédibilité de l’action publique.

Ces éléments invitent le rapporteur à envisager que la « loi Florange » puisse être complétée à l’avenir si cela apparaît nécessaire au regard de l’évolution des mouvements de délocalisation et de désindustrialisation.

III.   Garantir la souverainetÉ Économique du pays

La souveraineté est un idéal dont la réalisation ne doit pas conduire à une approche étroite, mais davantage à la prise en considération des interdépendances raisonnables et acceptables. L’identification des secteurs vitaux pour le pays doit à ce titre servir de fondement à la définition des priorités de réindustrialisation, voire de relocalisation de certaines activités.

La réindustrialisation est aussi un levier de défense des intérêts stratégiques du pays. Une organisation rationalisée de l’action des pouvoirs publics autour d’un consensus national construit sur une trajectoire de long terme peut permettre d’accompagner l’industrie française dans les mutations profondes qu’elle doit réaliser.

Enfin, l’échelon européen est un élément indispensable de la stratégie de réindustrialisation de la France au regard des équilibres économiques mondiaux. Si la politique industrielle européenne amorce aujourd’hui un infléchissement après les constats partagés avec la crise sanitaire, la réflexion doit être poursuivie au sein de l’Union européenne autour de l’harmonisation fiscale et sociale et de la révision des règles de concurrence.

A.   Une indispensable identification des secteurs d’importance vitale

1.   Établir une cartographie des secteurs d’activités et produits exposant le Pays à une dépendance vis-à-vis de ses concurrents

a.   Le besoin de souveraineté industrielle

La commission d’enquête partage l’observation de M. Pierre Luzeau, président de Sequens : « sans une industrie amont performante et compétitive, il n’existe pas de souveraineté à l’aval » ([524]). Cette conception est également partagée par M. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la relance, qui a affirmé que « le rôle de l’État est de protéger un certain nombre de secteurs stratégiques, c’est un impératif de souveraineté économique pour notre pays » ([525]).

La souveraineté industrielle revient pour M. Louis Gallois à « redevenir relativement autosuffisants sur un certain nombre de produits et sur d’autres, de créer les conditions de sorte à ne pas être dans des dépendances excessives » ([526]). La crise sanitaire a montré que les pays les plus désindustrialisés pouvaient se trouver en incapacité de répondre à des besoins essentiels : les pénuries de masques, de réactifs pour les tests de réaction de polymérisation en chaîne – polymerase chain reaction (PCR) et de respirateurs ont été critiques au début de la pandémie au printemps 2020. Aujourd’hui, des pénuries sur des matériaux à forte valeur ajoutée comme les semi-conducteurs paralysent de nombreuses filières comme l’automobile. Dans sa contribution à la commission d’enquête, la CPME souligne que les résultats de sa dernière enquête réalisée entre le 18 et le 31 août 2021 auprès de 1 153 dirigeants de TPE-PME révèlent que 33 % des entreprises interrogées « éprouvent des difficultés pour s’approvisionner en matières premières » et que « parmi elles, 21 % ont dû renoncer à des marchés ».

L’industrie européenne et française doit contribuer à garantir l’approvisionnement de l’économie et plus globalement du pays dans les biens essentiels à son bon fonctionnement. À ce titre, la ministre déléguée chargée de l’industrie a évoqué devant la commission d’enquête « un objectif de souveraineté économique et industrielle dans des secteurs tels que l’agroalimentaire, l’énergie et la santé, qui sont indispensables pour la vie des Français » ([527]).

En outre, le contexte a évolué et de nouvelles idées sont aujourd’hui plus consensuelles : comme le mentionne M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, « le concept révolutionnaire d’autonomie stratégique est aujourd’hui accepté, y compris au niveau européen ». Il s’agit d’un enjeu de résilience, mais également de positionnement de l’industrie dans les secteurs d’avenir ([528]). Le rapporteur estime important de capitaliser sur cet accord autour de l’objectif de souveraineté industrielle.

b.   Le nécessaire travail de cartographie

Le travail de cartographie est essentiel pour avoir une vision claire, partagée et exhaustive de la structure du tissu industriel en France, ainsi que d’étudier les ressources « dont nous avons prioritairement besoin et progressivement, soit d’étudier des alternatives à ces ressources, soit de les diversifier et de constituer des stocks » comme l’affirme M. Louis Gallois ([529]).

En parallèle de la souveraineté, la notion de résilience est évoquée dans la note du Conseil d’analyse économique (CAE) ([530]), dont l’un des auteurs, M. Xavier Jaravel, a été auditionné par la commission d’enquête ([531]). Il ressort de ce travail que 4 % des importations françaises concernent des échanges de biens où la France est dépendante d’un petit nombre de pays extra-européens. Selon M. Xavier Jaravel, « plutôt que penser une relocalisation dans son ensemble, il faut identifier des situations précises de vulnérabilité ». L’analyse microéconomique est donc clé pour comprendre les vulnérabilités de l’industrie française. La résilience passe selon lui « par la réduction des vulnérabilités, à partir d’une liste de produits très fine ».

644 produits ont été identifiés par le CAE en situation de « vulnérabilité d’approvisionnement », car la France dépend d’un faible nombre de producteurs extra-européens pour une grande partie de ses importations. 122 de ces produits, sont en situation de « vulnérabilité renforcée », car un très petit nombre d’entreprises en France est en charge de l’importation, et une seule entreprise peut mettre à mal la chaîne d’approvisionnement.

M. Xavier Jaravel regrette qu’il n’existe pas de « diagnostic partagé dans l’administration », ni d’instance « ayant l’objectif à long terme de résoudre toutes les vulnérabilités d’ici cinq ou dix ans ». Une stratégie plus offensive pourrait être portée sur la réduction des vulnérabilités, en se plaçant sur une portion de la chaîne de valeurs « comme les Pays-Bas le font pour les semi-conducteurs avec des machines de dernière génération » afin de créer les conditions d’une dépendance mutuelle. L’interdépendance deviendrait alors un remède à la dépendance : comme le rappelle M. Alexandre Saubot, « la souveraineté consiste à faire suffisamment de choses suffisamment bien pour que personne n’ait envie de vous couper les vivres ou d’interrompre une chaîne d’approvisionnement : c’est l’interdépendance » ([532]).

La stratégie à long terme proposée par le CAE pour réduire ces vulnérabilités passe parfois par la relocalisation, mais aussi par la diversification des sources d’approvisionnement ou par le stockage lorsque c’est possible. Cette cartographie sectorielle française pourrait s’articuler avec une cartographie sectorielle européenne, afin de se concentrer sur les vulnérabilités partagées par les grands pays européens.

L’approche retenue dans la note du Haut-commissariat au plan ([533]) a été présentée par le Haut-commissaire M. François Bayrou lors de son audition par la commission d’enquête ([534]). Comme dans la démarche du CAE, une approche plus microéconomique a été retenue afin de prendre du recul vis-à-vis des agrégats macroéconomiques dont le niveau de détail n’est pas suffisant pour identifier les faiblesses réelles des chaînes de valeur françaises.

Plus que des secteurs en tant que tels, il convient d’identifier des filières ou des groupements de secteurs à l’aide d’indices de variété permettant de mesurer à l’intérieur de l’industrie, ou entre industrie et services, les relations qui s’opèrent entre les composantes du tissu productif. M. François Bayrou mentionne ainsi l’exemple du photovoltaïque qui « fait intervenir les secteurs de l’électronique, de l’agriculture, des transports, ou encore la filière silicium ». Une analyse précise est ainsi requise : comme le souligne la chercheuse Mme Nadine Levratto, la France comptait douze titulaires de spécialités à base de corticoïdes oraux avant la crise de la Covid-19 mais il n’existait qu’un seul et même fournisseur de matières premières, exposant l’ensemble du secteur à une dépendance ([535]).

La note du Haut-commissariat au plan propose une stratégie de relocalisation originale, fondée sur l’analyse des 914 produits qui faisaient l’objet d’un déficit commercial supérieur à 50 millions d’euros en 2019. Cette étude définit trois critères justifiant une relocalisation : une demande nationale pérenne, des débouchés à l’export et l’existence d’atouts de production ou d’innovation. Le Haut-commissariat au Plan propose notamment comme « signe d’une réelle capacité de production nationale » d’un bien le fait que le taux d’auto-approvisionnement soit de l’ordre de 25 %.

Afin de poursuivre ce travail et de le traduire en actions, le rapporteur suggère de confier au Haut-commissariat au plan l’animation d’une politique publique de réduction des vulnérabilités critiques à l’horizon 2030, notamment en identifiant les conditions de création des dépendances mutuelles sur les chaînes de valeur, donnant lieu à un rapport remis annuellement au Parlement.

Proposition n° 38 : Confier au Haut-commissariat au plan l’animation d’une politique publique de réduction des vulnérabilités critiques à l’horizon 2030, notamment en identifiant les conditions de création des dépendances mutuelles sur les chaînes de valeur, donnant lieu à un rapport remis annuellement au Parlement.

La Commission européenne a publié sa propre liste de 137 produits vulnérables en prenant en compte les critères de diversification des importations et de capacité de production, en se limitant à des domaines liés à la sécurité, la santé ou aux intrants essentiels ([536]).

Le directeur général des entreprises M. Thomas Courbe a indiqué à la commission d’enquête mener des discussions avec la Commission européenne « pour proposer des listes partagées au niveau européen » et évoquer « des listes de technologies critiques que l’UE souhaite maîtriser » ([537]). L’instauration « d’un observatoire des technologies et des produits critiques qui permettra de se doter d’une vision européenne commune » apparaît comme une idée pertinente pour guider la politique industrielle et répondre aux enjeux de souveraineté.

2.   Déterminer la pertinence et les conditions d’une relocalisation de certaines capacités de production

L’observation de M. Pierre Luzeau lors de son audition est partagée par le rapporteur : « la meilleure manière de réduire la vulnérabilité consiste à produire près du lieu de consommation, là où la souveraineté doit être assurée » ([538]).

Depuis 2009, moins de 9 000 emplois auraient été rapatriés, soit 0,5 % de l’emploi créé. Depuis septembre 2020, 115 sociétés auraient relocalisé des activités en France, dont une cinquantaine de projets auraient fait l’objet de financements par l’État ([539]). Le secteur automobile illustre l’ampleur des délocalisations qui ont touché l’industrie française : en 2019, moins de 40 % des véhicules produits par les constructeurs français pour le marché européen l’étaient sur le territoire national, contre 60 % pour les véhicules produits par les constructeurs allemands ([540]).

Un axe partagé par la commission d’enquête et de nombreuses personnes auditionnées est que « la relocalisation ne doit pas consister à revenir à l’industrie telle que nous la pratiquions il y a vingt ans, mais à construire l’industrie de demain » comme l’affirme M. Louis Gallois ([541]). À cet égard, le terme de « redéploiement industriel » est préféré à celui de « réindustrialisation » par M. Nicolas de Warren, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), « car il inclut les nouvelles industries » ([542]).

La réflexion autour des relocalisations fait désormais l’objet d’une approche stratégique présentée par la ministre déléguée chargée de l’industrie auprès de la commission d’enquête ([543]). Cette stratégie de relocalisation poursuit deux objectifs : « la maîtrise de la chaîne de production des produits critiques, afin d’éviter d’avoir un maillon faible », ainsi que « la capacité à retrouver de la compétitivité grâce à l’innovation ». Cette démarche doit aujourd’hui monter en puissance et certains exemples auditionnés par la commission d’enquête montrent que des relocalisations viables et économiquement rationnelles sont possibles :

– M. Alexandre Williams, président d’Athena pharmaceutiques, a décidé de relocaliser une usine de fabrication de médicaments et considère que « le calcul entre le prix de la matière première, le transport et le e-release montre que la France peut presque être compétitive » ([544]). En outre, la France est considérée comme un territoire « bien plus intéressant que l’Inde » en tant que base industrielle pour le marché français et les marchés d’exports ;

– la relocalisation de l’usine de production de paracétamol de Seqens a reposé sur l’accès « à un écosystème favorable », où l’unité pourrait être localisée « sur une plateforme multi-opérateurs qui offrait un accès immédiat à de l’énergie décarbonée, à des utilités, à de la logistique d’approche » selon son président M. Pierre Luzeau ([545]). En outre, le soutien de l’État, par le biais du plan France relance, « compense le différentiel sur les investissements par rapport à la Chine et l’Inde ».

3.   Proposer une réflexion par écosystème sur l’organisation des chaînes de valeur

Les questions d’approvisionnement en matières premières et de détermination des modalités de leur financement sont cruciales pour garantir la souveraineté économique. Une réflexion par écosystème est à considérer dans le cadre des stratégies à mettre en place en matière de sécurité d’approvisionnement.

L’un des aspects les plus marquants de la crise sanitaire est la perturbation des chaînes d’approvisionnement et les pénuries causées. Cette crise a exposé la vulnérabilité des économies développées. Cette vulnérabilité doit être corrigée afin de rester dans la compétition internationale qui va s’intensifier : les effets de la transition énergétique et de la numérisation accélérée des activités ajoutent un « défi géopolitique supplémentaire pour sécuriser les besoins des pays européens et leurs accès à nombre de matières premières » ([546]). La multiplication des ruptures d’approvisionnement dans le cadre de la pandémie a en outre conduit les acheteurs publics à adapter leurs pratiques selon M. Renaud Cateland, directeur de l’Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS) de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris ([547]), avec des demandes de plans de pénuries dans les cahiers des charges ou expérimentations de marché.

Les pénuries de caractère industriel sont liées à une difficulté soit d’approvisionner la matière première, soit d’effectuer sa transformation. Dans la chaîne de production du médicament, qui fait intervenir de nombreux acteurs selon des séquences, la rupture survient parce que « l’une des séquences a été confiée à des opérateurs en situation de monopole ou d’oligopole très resserré et qui, pour des raisons multiples, ont rencontré des difficultés de nature industrielle » ([548]).

M. Vincent Touraille, président du Sicos Biochimie, a présenté à la commission d’enquête plusieurs critères de vulnérabilité, spécifiques au secteur du médicament, mais qui peuvent être adaptés à la plupart des chaînes de valeur industrielles ([549]) :

– l’approvisionnement en intrants fragile est caractérisé par le manque de matières premières ;

– une rupture de chaîne peut entraîner une forte vulnérabilité lorsque la production est longue et complexe ;

– des productions avec une grande quantité d’éléments polluants à traiter ont amené ces fabrications à quitter l’Europe, pour aller plutôt vers l’Asie ;

– un prix trop faible qui pousse l’industriel à ne plus fabriquer un produit en forte concurrence sur lequel ses marges sont faibles ;

– des demandes extrêmement instables sur certains produits, comme lors de la pandémie, avec des pics de consommation non prévisibles.

La logique d’écosystème industriel peut dès lors contribuer à sécuriser l’approvisionnement. La flexibilité de l’appareil industriel doit lui permettre de s’adapter : les capacités productives peuvent être réorientées en cas de crise afin d’éviter les causes de ruptures et se concentrer sur la fabrication de produits critiques. M. Olivier Scalabre, du Boston consulting group, souligne également que « les industriels révisent aujourd’hui leur empreinte industrielle pour parvenir à faire en sorte que dans chaque région une usine puisse prendre le relais d’une autre ». ([550])

Enfin, M. Laurent Fompeyrine, du laboratoire Boehringer Ingelheim France, note que « l’enjeu de la diversification importe davantage que celui de la localisation » en ce qui concerne les chaînes d’approvisionnement ([551]). Il convient donc de s’assurer de limiter les approvisionnements auprès de fournisseurs vulnérables, soit pour des motifs économiques ou géopolitiques, soit parce qu’ils n’offrent pas de garanties suffisantes en termes de sécurité de l’approvisionnement.

B.   Une nÉcessaire protection des intÉrÊts stratÉgiques

1.   Définir les secteurs et entreprises présentant un caractère stratégique pour l’avenir de l’industrie française

Pour la chercheuse Mme Nadine Levratto, « l’État doit redevenir stratège dans les politiques industrielles et orienter les politiques publiques et les choix prioritaires » ([552]). Dès lors, il convient d’assumer que ceux-ci peuvent représenter un pari sur l’avenir et accepter les possibilités d’échecs.

La crise sanitaire a montré la dépendance de certains secteurs industriels envers des approvisionnements étrangers, dans le secteur de la santé, mais également dans le domaine des microprocesseurs ou des matières premières. Le quatrième programme d’investissement d’avenir (PIA 4) traduit à cet égard selon MM. Christian Charpy et Marc Fosseux de la Cour des comptes « un véritable changement » ([553]), avec 12,5 milliards d’euros sur l’innovation dirigée, permettant de conduire une politique sectorielle affirmée. Ce travail s’appuie notamment sur le rapport Faire de la France une économie de rupture technologique du collège d’experts présidé par Benoît Potier, dit « rapport Potier », remis en octobre 2020, qui fixe un certain nombre d’orientations sur des marchés clés ([554]). Le PIA 4, adopté par le Parlement dans le cadre de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, vise au financement d’une vingtaine de secteurs stratégiques sélectionnés par le Gouvernement.

Dans le cadre du plan de relance, six secteurs critiques ont été identifiés comme pouvant faire l’objet d’une démarche de relocalisation : l’électronique, la santé, la 5G, l’agroalimentaire, les entrants critiques et le nucléaire. Ces secteurs doivent faire l’objet d’une véritable stratégie de maintien des capacités productives sur le territoire et d’une exigence de réindustrialisation. À ce titre, le besoin d’un « lieu de dialogue social national » est évoqué par M. Xavier Ragot, président du l’OFCE, afin de discuter des choix technologiques pour le futur ([555]). Il pourrait donc être envisagé de créer un conseil à la réindustrialisation qui recueillerait l’ensemble des parties prenantes, avec la participation de citoyens, afin de débattre des choix stratégiques et des paris sur l’avenir que la Nation souhaiterait engager.

2.   Planifier l’action en faveur du maintien de capacités productives sur le territoire national

Le Haut-commissariat au plan a été créé en septembre 2020 en conséquence des enseignements tirés de la crise sanitaire : il est « chargé d’animer et de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l’État et d’éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels » ([556]).

Si le retour d’une dimension prospective forte dans l’éclairage des choix de l’État est un premier pas, il est désormais nécessaire de consolider les efforts de prospective et de parangonnage dans les instances de suivi pour anticiper les innovations de rupture. Mme Agnès Audier, chargé de la préparation du Conseil stratégique des industries de santé 2021, souligne ainsi devant la commission d’enquête que « nous avons constaté que l’État n’est pas équipé pour voir arriver les innovations » et déplore que « la France ne dispose pas de tour de contrôle » pour voir arriver les innovations ([557]).

Le mécanisme de balayage d’horizon ou « horizon scanning » mis en place par l’Institut national du cancer (INCa) lui a par exemple permis d’anticiper les innovations dans le secteur du cancer. Comme l’indique Mme Agnès Audier, « il est urgent de faire travailler ensemble les acteurs et de diffuser l’information » sur cette prospective. Des scénarios pourraient être établis afin d’envisager des moyens de financements de ces innovations et les économies qu’elles permettraient de réaliser. Ces actions de veille et de prospective, qui demandent un investissement en ressources humaines important, pourraient être mutualisées entre les différentes agences en charge de la politique d’innovation d’un secteur.

Une entité cheffe de file pourrait être désignée selon les secteurs afin de piloter la prospective : ce pourrait être le cas de l’Agence d’innovation de la défense (AID) ou de la future Agence d’innovation en santé (AIS) dans leurs domaines respectifs. Le Haut-commissariat au plan pourrait jouer un rôle d’animation et de diffusion de l’information parmi les entités publiques sectorielles chargées de la prospective.

Proposition n° 39 : Consolider les capacités prospectives de l’État en confiant un rôle d’expertise, d’animation et de diffusion de l’information par le Haut-commissariat au plan.

3.   Construire un cadre de politique pluriannuelle autour d’un consensus national en faveur des filières à soutenir

Le rapporteur appelle à organiser un consensus politique autour des priorités de politique industrielle dépassant le cadre de la mandature, afin d’assurer une stabilité des décisions et de permettre de soutenir sur le temps long les filières désignées comme stratégiques.

Pour le professeur M. Michel Aglietta, le retour à la planification stratégique est important car il peut permettre d’« orienter les stratégies de l’ensemble des acteurs économiques et financiers dans un contexte de forte incertitude » ([558]). La visibilité de stratégie industrielle de l’État est nécessaire à la mobilisation des industriels : M. Christophe Philibert, du groupe de dispositifs médical B. Braun Médical, demande ainsi « davantage de visibilité multi-annuelle » ([559]).

Ainsi, le chercheur M. François Geerolf propose qu’à chaque mise en œuvre d’une politique publique il soit nécessaire de « prendre en compte ses effets sur l’industrie » ([560]). C’est particulièrement le cas de la politique macroéconomique, dont fait partie la politique fiscale qui a « des effets sur les déséquilibres et les arbitrages entre services et industries ».

Lors de son audition par la commission d’enquête, M. Arnaud Montebourg, ancien ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, a souligné que « l’enjeu est de réunifier la Nation autour de son appareil productif, industriel, agricole, serviciel, numérique » ([561]). Cette démarche requiert un « diagnostic partagé » qui doit servir de fondement à un large compromis politique autour de la reconstruction industrielle du pays.

Un débat pourrait être organisé au Parlement sur les priorités industrielles de la prochaine décennie, en cohérence avec les lois de programmation relatives aux domaines comme la recherche, les compétences et l’énergie. La ministre déléguée chargée de l’industrie note « l’intérêt à fixer à moyen terme des lignes directrices en matière industrielle » tout en affirmant l’avantage d’un cadre plus souple permettant de « transférer les crédits d’une filière à l’autre » lorsque « les occasions se présenteront » ([562]).

Au-delà de la fonction de contrôle du Parlement sur les choix effectués en matière de politique industrielle, le rapporteur préconise d’orienter les choix dans le cadre d’une loi de programmation stratégique de développement de l’industrie. Cette loi permettrait de donner une visibilité aux acteurs économiques et d’assurer une meilleure cohérence temporelle des choix de l’État. Un programme pluriannuel de financement de projets industriels de rupture pourrait être voté et la doctrine d’investissement de l’État débattue par le Parlement dans le cadre de cette loi.

Proposition n° 40 : Élaborer une loi de programmation stratégique de développement de l’industrie, avec un débat démocratique au Parlement sur les paris industriels et technologiques de la collectivité.

En outre, la gouvernance trop fragmentée de la politique industrielle conduit M. Xavier Ragot de l’OFCE à défendre la planification puisqu’il « manque une phase d’intégration à plus haut niveau pour faire émerger de grands projets » ([563]). Ce constat est partagé par M. Louis Gallois, pour qui la réindustrialisation nécessite un investissement politique fort : pour piloter ce projet, il évoque un « conseil du plan » ([564]) qui se réunirait à échéances régulières.

À défaut de constitution d’un ministère de l’industrie et de la recherche, ce « Haut-conseil du plan », auquel serait adossé le Haut-commissariat au plan en tant qu’organe prospectif, pourrait être piloté par le Premier ministre afin d’assurer la cohérence de l’action de réindustrialisation au regard de l’ensemble des politiques publiques. Ce conseil serait l’organe permanent de la grande conférence industrielle nationale réunissant l’ensemble des partenaires sociaux (entreprises, organisations syndicales), le Gouvernement, le Parlement et les représentants des collectivités territoriales proposée dans le cadre de l’introduction du présent rapport. Il serait chargé de mettre en cohérence les politiques publiques avec la politique de planification industrielle définie par la loi de programmation.

4.   Ordonner les efforts des collectivités publiques en faveur de l’industrie

a.   Organiser une meilleure coordination des actions de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements

i.   Un ministère de l’industrie fort

La politique industrielle transverse est sous la responsabilité du ministère de l’économie, des finances et de la relance, principalement de la direction générale des entreprises (DGE) et de son service de l’industrie. Les autres ministères sectoriels comportent eux aussi des directions dédiées. Le ministère de la transition écologique possède notamment une direction générale des infrastructures de transport et de mobilité, chargée d’une partie de la politique industrielle touchant à l’automobile, aux transports ferroviaires et maritimes. La responsabilité de la conduite de la politique industrielle est donc partagée.

Il apparaît nécessaire de tisser des liens entre les différents outils de gouvernance afin d’appréhender toutes les dimensions de la politique industrielle : le professeur associé M. Xavier Jaravel souligne notamment que « la stratégie nationale bas-carbone n’est pas articulée avec des priorités industrielles » ([565]). En outre, Mme Agnès Audier a indiqué à la commission d’enquête que la « réglementation en santé n’est parfois pas cohérente avec la réglementation de l’environnement » ([566]) : si ces situations s’expliquent, elles créent néanmoins des complexités administratives pour les entreprises.

Les principales INSTITUTIONS PUBLIQUES CHARGÉES DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE transverse EN France

Source : commission d’enquête.

M. Louis Gallois se déclare « favorable à la création d’un ministère de l’industrie, de l’énergie et de la recherche technologique » afin d’associer la recherche technologique à l’industrie et de mieux tenir compte du facteur énergétique dans le soutien à l’industrie ([567]). Le rapporteur soutient également que la création d’un ministère de l’industrie et de la recherche, distinct et autonome vis-à-vis du ministère de l’économie et des finances, pourrait être pertinente au regard des besoins et des implications du maintien des capacités industrielles nationales.

Proposition n° 41 : Créer un ministère de l’industrie, de l’énergie et de la recherche technologique de plein exercice.

ii.   Un pilotage par le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) à clarifier

Le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) est un service du Premier ministre créé en 2010, dont les principales missions portent sur la politique d’investissement de la France, ainsi que sur la gestion du programme d’investissements d’avenir (PIA). C’est une instance interministérielle, responsable de la gestion de crédits par périodes de cinq ans. Il intervient en collaboration avec les ministères et les quatre opérateurs de l’État : la Banque publique d’investissement (Bpifrance), l’Agence nationale de la recherche, la Caisse des dépôts et consignations et l’ADEME.

Pour MM. Christian Charpy et Marc Fosseux de la Cour des comptes, il conviendrait de « préciser davantage le rôle du PIA dans la stratégie globale d’investissement de l’État et de conforter les fonctions stratégiques du SGPI » ([568]). La prolongation du PIA d’une part et le développement parallèle d’outils nouveaux nationaux et européens de soutien à l’investissement, d’autre part, « font peser un risque sur la cohérence globale de l’action publique, sur l’adéquation aux priorités collectives du pays et sur l’efficience de l’effort financier consenti par la collectivité nationale en matière d’investissement ».

La Cour des comptes considère également que « le pilotage est plutôt bien assuré par le SGPI » et qu’il est « assez souple ». En outre, les opérateurs chargés de la mise en œuvre du PIA ont désormais acquis un savoir-faire, qu’il convient sans doute de capitaliser, et dont il faudrait surtout assurer la transition vers les administrations qui devront prendre en charge le dispositif. Pour Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe du SGPI, « placer les investissements sous la responsabilité de Matignon permet d’éviter des investissements sectoriels qui ne seraient pas croisés ou cohérents » ([569]).

Toutefois, M. Xavier Ragot, président de l’OFCE, préconise de confier au ministère en charge de l’économie, des finances et de la relance une tutelle sur le SGPI en renforçant par ailleurs ses prérogatives de pilotage et de suivi de l’utilisation des crédits d’investissement. Il faudrait dès lors lui conférer les moyens « de mettre en place, en concertation avec les différentes parties prenantes – la recherche, les industriels – par un dialogue social, un programme pluriannuel de financement de projets industriels de rupture » ([570]). Le rapporteur considère que ce choix serait en cohérence avec les recommandations précédentes et pertinent au regard de la nécessité d’orienter les investissements selon les besoins de la politique industrielle.

Proposition n° 42 : En attendant la création d’un ministère de l’industrie de plein exercice, confier la tutelle du SGPI au ministère en charge de l’Économie, des finances et de la relance en parallèle d’un renforcement de ses pouvoirs d’animation de la politique industrielle.

iii.   Une fragmentation de l’organisation administrative préjudiciable aux entreprises

Pour Mme Agnès Audier, la « fragmentation du paysage dans l’organisation de l’administration et dans les relations du public et du privé » entraîne des conséquences « sur les délais et sur le manque d’adaptation des acteurs entre eux » qui peuvent être préjudiciables à l’activité industrielle ([571]). MM. Christian Charpy et Marc Fosseux appuient ce constat en relevant que « la connexion ne se fait pas toujours très bien, voire très mal, entre des priorités politiques industrielles sectorielles que peuvent partager les services du ministère de l’économie, des finances et de la relance et les préoccupations propres des autres ministères » ([572]).

Comme le mentionne M. Louis Gallois, « les régions ont vocation à développer l’économie ». Il convient dès lors de distinguer « les grands problèmes, les grandes filières et les grandes technologies » qui relèvent de la responsabilité de l’État et « l’animation des territoires, l’animation de la vie économique, la formation, le développement des compétences, de l’apprentissage » qui sont du ressort des régions ([573]).

La ministre déléguée en charge de l’industrie souligne néanmoins que « les acteurs territoriaux attendent une action de la part de l’État central » et qu’il est nécessaire de travailler « au niveau de la granularité », c’est-à-dire d’associer le bon échelon de collectivité territoriale pour l’action nécessaire à l’implantation industrielle. Pour la ministre, une organisation efficace serait de partir du niveau de l’agglomération en s’appuyant sur la région, qui jouerait un rôle d’animation du développement économique, avec une articulation avec l’État, à travers par exemple la Team France Export et Business France, en s’appuyant sur les atouts spécifiques des territoires. Les régions ont un rôle actif et il est nécessaire d’éviter le « risque de surenchère » entre acteurs publics afin de conserver la lisibilité des dispositifs et la maîtrise des dépenses publiques. L’objectif affiché est de faire en sorte « que les projets d’investissement se concrétisent le plus rapidement possible » ([574]). À cet égard, le directeur général des entreprises M. Thomas Courbe souligne que ses services travaillent « en étroite relation avec les services économiques déconcentrés de l’État en région » ([575]).

b.   Assurer l’efficacité du plan de relance et du plan France 2030

L’efficacité du plan de relance et du plan France 2030 est conditionnée à l’établissement d’une gouvernance efficace et d’une clarification des financements, comme formulé récemment par la Cour des comptes ([576]). Cette démarche suppose pour l’État de se donner les moyens de déterminer la doctrine de financement, le responsable des choix des investissements, l’objet des investissements, ainsi que le contrôleur de l’utilisation des deniers publics par rapport à leur objet.

Lors de son audition par la commission d’enquête, la ministre déléguée chargée de l’industrie a établi la distinction suivante entre les démarches des plans : « le plan de relance visait à stabiliser et à consolider des filières, tandis que France 2030 tend à créer et à financer des filières d’avenir ou des produits qui n’existent pas actuellement » ([577]). En outre, la ministre s’est engagée à ce que « des parlementaires devront participer à la nouvelle gouvernance de France 2030, sur le modèle du comité de surveillance des investissements d’avenir du SGPI ».

Dans le cadre du plan de relance, qui représente un budget global d’environ 100 milliards d’euros sur deux ans, plus d’un tiers de ce budget s’adresse à l’industrie avec notamment des programmes en faveur des technologies vertes, de la numérisation et de la relocalisation des entreprises industrielles.

Le plan France 2030 comporte 30 milliards d’euros investis, sur cinq ans, dans une dizaine de secteurs, complétés par 4 milliards d’euros investis en fonds propres, à travers des prises de participation au capital d’entreprises en croissance. Le plan France 2030 comporte certains aspects positifs pour M. Nicolas de Warren, qui estime que « la massification est nécessaire sur les grands projets car il faut tenir compte des effets d’entraînement et des effets de diffusion » ([578]).

Sur le volet recherche, 12 stratégies d’accélération ont été présentées en septembre 2020 sur les mêmes thèmes et disposent de leur propre gouvernance. Le plan de relance a également sa propre gouvernance et la gouvernance de France 2030 reste indéterminée à ce jour. Une gouvernance harmonisée et cohérente sur ces trois composantes est essentielle.

c.   Veiller à l’accès des entreprises aux différents dispositifs de soutien à l’industrie

Le contentieux et l’uniformisation de l’accompagnement des projets, la formation de certains référents locaux de l’État, l’harmonisation des démarches entre services et la nécessité d’adopter une démarche proactive, en particulier vis-à-vis des grands groupes industriels, doivent faire l’objet d’un effort particulier pour assurer un meilleur accès des entreprises aux dispositifs.

Pour M. Alexandre Saubot, président de France industrie, il est « nécessaire d’articuler efficacement les actions du SGPI, du PIA, et de l’ensemble des dispositifs que nous avons progressivement sédimentés, de sorte que les entreprises qui portent un projet ne se perdent pas dans le labyrinthe des guichets, des autorisations et des demandes » ([579]).

Des avancées ont néanmoins été concrétisées récemment. Il a été mis en place à Bercy une Mission interministérielle pour l’accélération des implantations industrielles. La facilitation à l’implantation industrielle s’est concrétisée par la création de « 127 sites industriels clé en main » ([580]), notamment grâce aux dispositifs prévus par la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « loi ASAP ».

Au regard du déploiement du plan de relance, le directeur général des entreprises M. Thomas Courbe a indiqué à la commission d’enquête que « des mesures concrètes ont renforcé la lisibilité des dispositifs pour les entreprises » ([581]). Un guide assez complet a été publié en septembre 2020 pour présenter les dispositifs du plan France Relance. En lien avec les services déconcentrés en région, les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et les chambres de commerce, 70 % des projets, et non des montants, ont concerné des entreprises de moins de 50 salariés, 20 % des entreprises de 50 à 250 salariés et 10 % des ETI. Pour M. Thomas Courbe, « le fait que les plus petites entreprises aient bénéficié en grand nombre de ces dispositifs montre que les actions de communication ont été efficaces ».

Certains succès peuvent également être salués par la commission d’enquête : M. Stéphane Lepeu, directeur général délégué de Delpharm, a notamment indiqué que « sur le site de Saint-Rémy-sur-Avre, où nous produisons le vaccin pour BioNTech et avons recruté une soixantaine de personnes et continuons de recruter, nous avons reçu un soutien exceptionnel tant de l’État que du local » ([582]).

d.   Mieux assurer que les aides publiques soient effectivement utilisées pour le développement de la production en France

Le rapporteur partage l’idée du commissaire général de France Stratégie M. Gilles de Margerie selon laquelle il n’est pas « illégitime de s’interroger » quant aux modalités d’action de la politique publique afin que l’investissement à risque de l’argent public bénéficiant à des entreprises « puisse faire l’objet d’un taux de retour, notamment quand un énorme succès est assis sur de la dépense publique » ([583]).

Il propose donc de conditionner les différents plans d’investissement à des engagements concrets en faveur de la réindustrialisation qui pourront être définis selon la situation propre à chaque entreprise et chaque territoire, à partir d’un référentiel unique prévoyant que :

– les unités de production seront situées sur le territoire national, sauf impossibilité technique ;

– les aides doivent aboutir à une augmentation des emplois et de la valeur ajoutée produite en France ;

– l’entreprise doit participer à la formation de ses salariés ;

– l’entreprise doit prévoir un dispositif d’intéressement de ces salariés en cas de bénéfices.

Proposition n° 43 : Conditionner les aides des différents plans d’investissement à des engagements en termes de localisation d’activités, d’emploi, de compétences et de partage équitable de la valeur.

5.   Garantir l’efficacité des mécanismes encadrant les prises de participation au capital des entreprises stratégiques

Le thème de la souveraineté industrielle et économique conduit à aborder la question de l’intelligence économique et de la structuration du capital des entreprises. À ce titre, le rapporteur appelle à rompre avec un certain laisser-faire dont participe la relative indifférence quant à l’impact des prises de participation étrangères au capital des entreprises françaises et aux transferts de technologie. Ainsi, le 13 mai 2021, le fonds d’investissement chinois Wise Road Capital a déposé une offre de rachat sur l’entreprise française Unity Semiconductor (SC) SAS spécialisée dans les semi-conducteurs ([584]).

La puissance publique n’est aujourd’hui pas dépourvue de leviers pour défendre les intérêts de la politique industrielle et des entreprises stratégiques. L’article 55 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE », a par exemple renforcé les mesures de protection sur des secteurs stratégiques envers des investisseurs malveillants. Le pouvoir de police du ministre a été augmenté pour donner à l’exécutif des outils plus importants. En outre, au printemps 2019, l’Union européenne a annoncé la mise en place d’un mécanisme de filtrage accru, avec l’obligation pour les États membres de signaler tout investissement étranger dans des technologies sensibles ([585]).

Pour M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, « ces leviers de protection des intérêts industriels français et européens doivent être utilisés de façon prioritaire avant de mobiliser les questions actionnariales » ([586]). En effet, les interventions capitalistiques de l’État actionnaire auprès de nouvelles entreprises ne peuvent qu’être exceptionnelles. Il doit s’agir de sauvetages d’entreprises qui souffrent des problèmes systémiques plus que de défense capitalistique, sauf en dernier recours, afin de pas porter atteinte à l’attractivité de la France.

Toutefois, la capitalisation des entreprises françaises est un enjeu stratégique. Ainsi, la chercheuse Mme Anaïs Voy-Gillis souligne qu’en « l’absence d’actionnaires français, les arbitrages ont alors tendance à être opérés au détriment de la France » ([587]). La Cour des comptes relève que le rachat de jeunes entreprises financées par le PIA par des acteurs étrangers « peut aussi poser problème ». À cet égard, M. Christian Charpy a annoncé que la Cour des comptes abordait un travail sur le contrôle des investissements étrangers en France, « notamment pour vérifier que la crise n’a pas été propice à des captations problématiques de start-ups françaises par des acteurs étrangers » ([588]).

Le directeur général des entreprises M. Thomas Courbe note que l’investissement de soutien à l’industrie « doit s’accompagner d’une politique de sécurité économique renforcée ». Lorsqu’un rachat étranger n’est pas inacceptable, des conditions sont posées pour permettre que le siège social, la R&D et la production restent en France. Ces engagements classiques peuvent être demandés à un acheteur étranger en vertu des dispositions réglementaires sur les investissements étrangers en France renforcées ces dernières années ([589]).

Le rapporteur considère nécessaire d’éviter que les interventions de fonds étrangers dans les industries françaises soient à l’origine de fermetures de sites industriels. Lors de son audition devant la commission d’enquête, le directeur général de l’APE M. Martin Vial a indiqué que la réflexion en cours sur le poids de l’État actionnaire dans les entreprises doit conduire à « se protéger d’un transfert de pouvoir dans la gouvernance et la gestion courante de l’entreprise qui mettrait en péril les centres de décision et la valeur ajoutée R&D en France, ainsi que les emplois et les activités sur le territoire » ([590]). Il a également mentionné qu’une réflexion était en cours autour de l’intervention de l’APE « dans d’autres domaines que nos interventions actuelles » et pourrait « donner lieu à des orientations pendant l’année 2022, si le Gouvernement souhaite s’en saisir ».

C.   Des correctifs à apporter dans le fonctionnement du marchÉ unique et les politiques de l’union europÉenne

La nouvelle approche de la politique industrielle par l’Union européenne, favorisée par les répercussions économiques de la crise sanitaire, peut favoriser la réindustrialisation de la France et la construction d’une souveraineté économique européenne. Le marché unique présente néanmoins certains déséquilibres et ses élargissements récents ont pu participer à la détérioration des positions de l’industrie française. Il est aujourd’hui nécessaire de redéfinir les objectifs du droit européen de la concurrence pour le rendre compatible avec les nouveaux objectifs de la politique industrielle européenne.

1.   Vers une politique industrielle européenne

a.   Une ambition française longtemps peu partagée pour une politique ne relevant pas nécessairement des compétences de l’Union européenne

La politique industrielle de l’ Union européenne a jusqu’à récemment été subordonnée aux questions de concurrence : elle trouve ainsi son fondement juridique dans l’article 173 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE) qui stipule que toute mesure de politique industrielle ne saurait « entraîner des distorsions de concurrence ».

Comme le relève M. Christophe Beaux, directeur général du MEDEF, la stratégie économique d’ensemble, définie depuis une trentaine d’années avec l’Union européenne, a d’abord mis l’accent sur la concurrence comme outil principal pour satisfaire le consommateur par des prix bas ([591]). Cependant, cette politique a présenté des défauts puisque les pouvoirs publics ont largement perdu l’outil qu’est la commande publique pour soutenir l’économie et certains grands groupes nationaux.

Pour le professeur M. François Lévêque, l’Union européenne « doit jouer un rôle central dans la coordination des politiques industrielles des États-membres » ([592]). La gestion des chaînes de valeur et la défense de la souveraineté industrielle sont en effet considérées par M. Christophe Philibert, directeur des affaires gouvernementales, publiques et de communication du groupe B. Braun Médical, comme « beaucoup plus aisées à gérer au niveau européen » ([593]). À partir de ce constat, la nécessité de conduire une politique industrielle a été portée par la France au niveau de l’Union européenne.

Le manifeste franco-allemand pour une politique industrielle européenne adaptée au XXIe siècle, signé avec l’Allemagne en février 2019, portait des objectifs de politique industrielle en cours de mise en œuvre grâce notamment à des positions franco-allemandes partagées. Ce manifeste a été repris par la conférence ministérielle des amis de l’industrie, qui réunit treize pays. La ministre déléguée en charge de l’industrie souligne que « nous avons tout intérêt à avoir une vision européenne des maillons critiques de la chaîne et à nous répartir le travail » car la France ne peut être présente sur tous les secteurs clés. Les visions européennes et nationales doivent se compléter ([594]).

b.   Une nouvelle approche favorisée par les répercussions économiques de la crise sanitaire

La mise à jour de la stratégie industrielle de la Commission européenne, par une communication du commissaire européen au marché intérieur M. Thierry Breton le 5 mai 2021, témoigne d’une vision qui tranche avec celle qui était traditionnellement celle de la Commission européenne.

Présentée le 10 mars 2020, la stratégie industrielle de la Commission, s’articulait autour de trois éléments phares :

– le Pacte vert,

– la numérisation,

– la révision du droit de la concurrence.

Le 5 mai 2021, une mise à jour intitulée Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe a fait l’objet d’une communication ([595]). La mise à jour de la stratégie industrielle est accompagnée d’une analyse des dépendances stratégiques de l’Union.

Afin de renforcer la résilience du marché unique, la Commission propose notamment d’adopter un instrument d’urgence pour le marché unique garantissant la libre circulation des biens et des services en temps de crises, de renforcer la surveillance du marché des produits, d’investir dans les PME afin de les soutenir, et de mettre en œuvre des systèmes de règlement extrajudiciaire des litiges en cas de retards de paiement.

Pour réduire les dépendances stratégiques de l’Union, l’industrie peut y contribuer par elle-même en diversifiant ses fournisseurs. Dans certaines situations, la production peut se concentrer dans une seule et unique zone géographique, ce qui constitue une fragilité car une situation d’exception peut d’entraîner une indisponibilité des fournisseurs. Dans ces cas, la Commission s’engage à collaborer avec les parties concernées pour adopter les mesures à prendre et diversifier le commerce extérieur. Elle opte également pour une utilisation plus efficace des ressources afin de renforcer la résilience et l’autonomie. L’Union compte renforcer son marché unique et ses relations commerciales avec ses voisins les plus proches en contractant de nouvelles alliances industrielles.

S’agissant des transitions écologiques et numériques, la Commission souhaite cocréer avec les parties prenantes des parcours de transition pour les écosystèmes, notamment le tourisme et l’énergie. Elle soutiendra la conclusion d’accords d’achat d’électricité renouvelable par les entreprises. Enfin, elle mettra en place le laboratoire de géographie de l’énergie et de l’industrie qui permettra d’informer les entreprises et les infrastructures énergétiques.

La mise à jour de la stratégie industrielle devrait permettre de suivre la compétitivité de l’économie de l’Union européenne grâce à différents indicateurs comme la compétitivité internationale et l’investissement public et privé.

Parallèlement, la Commission a adopté une proposition de règlement concernant les subventions étrangères faussant le marché unique. Ce règlement devrait permettre de veiller à une concurrence égale et un marché unique équitable et compétitif.

Pour M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises, l’Union européenne dans son ensemble, c’est-à-dire à la fois la Commission européenne et les États membres, « a évolué sur ce sujet et montre des orientations très proches de nos vœux ». La stratégie de politique industrielle de l’UE publiée le 5 mai 2021 témoigne d’un meilleur « alignement conceptuel avec nos orientations de politique économique » ([596]). Néanmoins, la ministre déléguée chargée de l’industrie note que « beaucoup de chemin reste à parcourir pour que soit acceptée une forme d’interventionnisme gouvernemental en matière de politique industrielle » ([597]).

M. Martin Vial indique à la commission d’enquête être favorable « à des rapprochements intra-européens de grandes entreprises » ainsi qu’à des opérations de consolidation, car la taille des opérateurs chinois dans beaucoup de secteurs représente un véritable risque ([598]). En outre, la France défend vis-à-vis de la Commission européenne un examen préalable, dans les processus d’instruction anti-concentration, des dispositifs subventionnels publics venant de l’étranger. Elle est favorable à une prise en compte dans les mécanismes d’instruction concurrentielle et anti-concentration des entreprises aidées qui ne sont pas soumises au régime des aides d’État dans leur pays d’origine.

Le rapporteur estime que la création au sein de la Commission européenne d’un service d’intelligence économique permettrait de mieux définir les intérêts stratégiques de l’Union européenne dans le cadre des politiques européennes relatives à la concurrence et l’industrie.

Proposition n° 44 : Défendre, à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, la création d’un service d’intelligence économique au sein de la Commission européenne, qui permettrait de mieux définir les intérêts stratégiques de l’Union européenne.

c.   Des instruments de coopération à conforter

Il est aujourd’hui nécessaire de réfléchir à l’échelle européenne pour atteindre un effet de seuil suffisant pour rivaliser avec les concurrents mondiaux.

i.   Les alliances industrielles européennes

À ce titre, les alliances industrielles européennes constituent un projet nouveau, dont l’originalité est « de ne pas distribuer d’argent public tout en offrant des perspectives d’en obtenir de l’Union et des États membres » ([599]).

Les alliances industrielles sont des partenariats public-privé « d’un genre nouveau » selon la Commission, visant à faciliter la coopération des acteurs publics et privés (institutionnels, industriels et financiers), à l’échelle de l’Union européenne (UE), dans des domaines jugés stratégiques.

L’une des originalités de ce dispositif est son caractère exhaustif. Les alliances industrielles participent de la définition des objectifs, de l’identification des besoins et de la mise en œuvre d’actions à tous les stades de la chaîne de valeur industrielle : recherche, innovation, fabrication, et commercialisation. Elles mobilisent différents instruments, aussi bien réglementaires que financiers, sur fonds privés et publics. Elles permettent de constituer des chaînes de valeur transnationales en favorisant la création de consortiums européens.

Elles offrent en effet un « accès plus facile et plus rapide aux différentes aides pouvant soutenir les projets d’investissement » : l’aide des États avec un contrôle accéléré de leur compatibilité avec les règles de concurrence européennes, l’aide de fonds européens ainsi que les prêts de la Banque européenne d’investissement. Ces alliances mettent en évidence la pertinence de l’échelon européen en matière industrielle, qui permet de coordonner les politiques nationales et de favoriser les rapprochements entre les entreprises du continent sur des projets d’ampleur.

La constitution d’une alliance industrielle européenne sur la batterie électrique représente une chance pour l’Union européenne de se positionner favorablement dans la compétition pour la maîtrise des technologies de la transition énergétique en cours. Selon M. Louis Gallois, le partenariat franco-allemand sur les batteries « se concrétisera par un accord de financement entre les deux pays et par la construction de deux grandes usines, l’une en France et l’autre en Allemagne ».

M. Thomas Courbe a indiqué à la commission d’enquête que « quatre autres grands projets d’alliances industrielles européennes seront très prochainement lancés ». Le premier concerne l’hydrogène, un secteur essentiel à la transition économique et à la mobilité propre. Le deuxième est l’électronique, jugé stratégique par les grandes puissances économiques. Les pénuries sur les semi-conducteurs en ont révélé l’intérêt pour notre autonomie stratégique. La santé est le troisième projet et soulève des enjeux d’innovation et de capacité de production en Europe. Le cloud représente enfin la quatrième grande politique industrielle européenne, qui vise à doter les acteurs européens des capacités autonomes et souveraines pour l’informatique en nuage ou cloud.

M. Louis Gallois note l’intérêt de constituer une industrie européenne du semi-conducteur, notamment en aidant les deux fabricants existants Infineon Technologies et STMicroelectronics à investir ([600]). À cet égard, le Haut-commissaire au plan M. François Bayrou considère que la présidence française du Conseil de l’Union européenne à partir de janvier 2022 « doit être une occasion de bâtir un plan communautaire de reconquête et de garantie d’approvisionnement dans le secteur des semi-conducteurs ».

ii.   Les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC)

Les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC)

Un projet important d’intérêt européen commun est un mécanisme européen visant à promouvoir l’innovation dans des domaines industriels stratégiques et d’avenir au travers de projets européens transnationaux.

Le PIIEC n’est pas un programme de financement de l’Europe, mais une notification à l’Union européenne. En effet, ce mécanisme autorise les pouvoirs publics des États membres à financer des initiatives au-delà des limites habituellement fixées par la réglementation européenne en matière d’aides d’État.

Les opérateurs économiques participants doivent notamment démontrer un projet de leadership technologique et la volonté de coopérer avec d’autres leaders européens de l’innovation sur le secteur concerné dans le but de développer l’ensemble de la chaîne de valeur sur le territoire européen.

Les projets doivent en particulier comporter des innovations significatives allant au-delà de l’« état de la technique » dans le secteur concerné et du développement général, et présenter un intérêt pour la collaboration avec d’autres projets européens dans le cadre de du PIIEC.

La Commission européenne peut accepter un « projet intégré », c’est-à-dire un ensemble de projets distincts qui font partie d’une structure commune, d’une feuille de route commune ou d’un programme commun et qui poursuivent un objectif commun. Les différentes composantes d’un projet intégré peuvent se rapporter à des niveaux distincts d’une chaîne de valeur mais doivent être complémentaires et nécessaires pour atteindre l’objectif européen commun.

Les PIIEC sont des projets thématiques auxquels au moins sept états européens doivent participer. Ce cadre particulier donne lieu à l’application d’un régime d’aides spécifique, nettement plus favorable car hors du cadre du droit européen.

Les PIIEC s’adressent à tous les opérateurs économiques prêts à démontrer un projet de leadership technologique et qui manifestent la volonté de coopérer avec d’autres leaders européens de l’innovation sur le secteur concerné dans le but de développer l’ensemble de la chaîne de valeur sur le territoire européen. Il peut s’agit d’un seul opérateur économique ou d’un consortium.

Un PIIEC permet un financement massif de l’ensemble de la chaîne de valeur, dont l’industrialisation, ce qui favorise la création d’un écosystème industriel favorable. En outre, les PIIEC permettent de financer, outre les grands groupes, des acteurs émergents ou des sous-traitants.

Source : Audition du SGPI par la commission d’enquête.

La définition des PIIEC et de leurs thématiques relève du ministère de l’économie, des finances et de la relance. Des appels à manifestation d’intérêt permettent de sélectionner les projets des entreprises candidates au PIIEC, en fonction des objectifs technologiques et industriels définis. Une sélection nationale est réalisée par la suite. Pour la secrétaire générale adjointe du SGPI Mme Géraldine Leveau, « les PIIEC peuvent contribuer à la relocalisation d’activités en France » ([601]).

Dans le cadre du PIA 4, deux PIIEC seront financés, sur les thèmes de l’hydrogène et de l’électronique. M. Didier Véron, président du G5 Santé, affirme qu’un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) « serait un excellent outil aux mains des pouvoirs politiques afin d’améliorer la filière et renforcer notre indépendance sanitaire » ([602]). La ministre déléguée chargée de l’industrie a en outre annoncé « soutenir le lancement d’un PIIEC en matière de santé » ([603]).

M. Christian Charpy souligne l’attention portée par la Cour des comptes sur « l’équilibre des investissements ou des efforts réalisés par les pays participants » dans le cadre des PIEEC. Ainsi, si les PIIEC sont propices à la coopération, il convient de mobiliser des financements « à la hauteur de nos ambitions » : notre partenaire allemand investit notamment « bien plus d’argent que ne le fait la France » sur le projet d’usine de batterie ([604]).

2.   La convergence des conditions fiscales et sociales au sein du marché unique : un chantier à poursuivre

a.   L’harmonisation fiscale au sein du marché unique

Au regard des infléchissements de la politique industrielle européenne, il est indispensable de « retrouver une concurrence fiscale saine entre pays européens » ([605]) selon le professeur M. Matthieu Crozet. Le professeur associé M. François Geerolf soutient également l’idée que « l’harmonisation fiscale peut participer à la régulation des activités économiques », notamment parce que la fiscalité constitue une des dernières marges d’optimisation pour les entreprises au sein du marché unique ([606]).

Les multinationales sont peu sensibles au principe de territorialité de l’impôt et l’accord trouvé en octobre 2021 par 136 pays et juridictions permettra de garantir l’application d’un taux d’imposition minimum de 15 % aux entreprises multinationales (EMN) à compter de 2023. Cette démarche doit inspirer l’UE, même si le rapport d’information parlementaire sur l’espace fiscal européen rappelle les obstacles existants à l’heure actuelle pour faire aboutir le projet ([607]).

Comme le note M. Gilles de Margerie, l’application de cet accord aboutira certainement au fait que « la fuite vers des endroits à faible fiscalité perdra une partie de son intérêt relatif » et que « la fiscalité ne sera plus un élément déterminant dans les délocalisations » ([608]).

Le régime des sociétés mères et le régime de l’intégration fiscale

L’article 205 du code général des impôts (CGI) dispose que l’impôt sur les sociétés est établi sur l’ensemble des bénéfices de toute nature réalisés par chaque société. Le régime des sociétés mères et le régime de l’intégration fiscale sont deux régimes fiscaux spéciaux permettant aux groupes de sociétés de déroger à une application stricte de cet article.

Le régime des sociétés mères est un régime spécial optionnel introduit par la loi du 31 juillet 1920 qui a pour vocation de faire obstacle à la double imposition entre une société mère et ses filiales et ainsi permettre la remontée de dividendes sans imposition.

Pour être applicable, plusieurs conditions fixées par l’article 145 du CGI doivent être respectées : les titres possédés par la société mère doivent représenter au moins 5 % de la société filiale ou, à défaut d’atteindre ce seuil, 2,5 % du capital et 5 % des droits de vote. Ils doivent avoir été conservés au moins deux ans. Dès lors, les dividendes pourront être remontés de la société filiale vers la société mère en franchise d’impôt. Cela fonctionne pour les filiales françaises et étrangères. Ce régime fiscal des sociétés mères et filiales a été harmonisé par une directive du 30 novembre 2011 entre les États membres de l’UE.

Le régime de l’intégration fiscale, décrit aux articles 223A et suivants du CGI, a été créé en 1988. C’est un régime complexe, plus avantageux que celui des sociétés mères mais également plus contraignant. Il a également pour objectif de neutraliser les opérations entre la société mère et ses filiales.

Il a comme intérêt principal d’offrir à la société mère française de former avec ses sociétés filles françaises un même ensemble fiscal pour le calcul de la base d’imposition et ainsi de pouvoir prendre en compte les bénéfices et les pertes de chacune des sociétés composant le groupe. La société mère va ainsi se constituer redevable de l’impôt dû par toutes les sociétés de son groupe.

Un mécanisme intéressant propre à l’intégration fiscale est que si une société a des déficits, non imposables en année N, elle peut les reporter sur les années suivantes : cela lui permettra de neutraliser les bénéfices de l’année N+1 grâce aux déficits de N.

En revanche, les conditions d’application du régime d’intégration fiscale sont beaucoup plus contraignantes que celles du régime des sociétés mères. En effet, la société mère doit détenir indirectement ou directement 95 % des parts de la filiale pour profiter de ce régime. Toutes ces sociétés sont soumises à l’impôt sur les sociétés, ce qui implique que les sociétés mères comme ses filiales doivent être françaises.

Ce critère de nationalité pour bénéficier du régime de l’intégration fiscale pose plus de difficultés que pour le régime des sociétés mères. En effet, il y a eu un contentieux important sur le fait que ce régime ne devait pas être réservé aux seules entreprises nationales. L’influence du droit européen a ainsi favorisé une ouverture de ce régime à des sociétés non françaises avec la création d’un encadrement du régime de l’intégration fiscale. Le rapporteur préconise de revoir l’opportunité de ce dispositif et de l’adapter à un meilleur souci d’équité fiscale, à défaut de pouvoir procéder à moyen terme à une harmonisation fiscale à l’échelle de l’Union européenne.

Proposition n° 45 : Réexaminer le dispositif d’optimisation fiscale « mère-fille » prévu par l’article 145 du code général des impôts.

b.   Travailler à un agenda social ambitieux

Le chercheur M. François Geerolf a mis en évidence devant la commission d’enquête que « s’agissant de déséquilibres et de son excédent commercial, la procédure de l’Union européenne concernant les déséquilibres macroéconomiques n’est pas utilisée mais l’Allemagne fait figure de mauvaise élève » ([609]). En effet, l’Allemagne possède un surplus commercial autour de 8 % du PIB au détriment de ses partenaires au sein du marché unique. Le CEPII préconise ainsi une « baisse pérenne de la TVA de 3 points en Allemagne, accompagnée d’une augmentation des dépenses sociales de 1 point de PIB, serait suffisante pour ramener le compte courant allemand à sa valeur d’équilibre calculée par le FMI (2,5 % du PIB) » ([610]).

Ces déséquilibres peuvent également être résorbés avec l’inscription au programme de la présidence française de l’Union européenne de la directive sur les salaires minimum dans l’Union européenne, qui définit non pas un SMIC européen comme une moyenne mais vise à augmenter les bas salaires grâce à un salaire minimum décent.

À l’échelle européenne, nombreux sont ceux qui souhaiteraient voir émerger un cadre sur le salaire minimum afin d’assurer une convergence, vers le haut, des économies des pays de l’Union européenne et des protections salariales qu’elles offrent à leurs travailleurs.

Le débat a notamment été relancé à compter du 28 octobre 2020, lorsque la Commission européenne a proposé une directive « relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne » ([611]).

Dans l’Union européenne, 21 États sur 27 ont actuellement fixé une rémunération minimale au niveau national. Dans ces pays, ce dernier s’élève de 332 euros brut par mois en Bulgarie à 2 202 euros brut au Luxembourg au 1er juillet 2021 selon Eurostat. La France, avec un Smic à 1 555 euros brut à la même date, se situait au sixième rang à l’échelle européenne (le salaire minimum français a depuis été revalorisé à 1 589 euros le 1er octobre, pour tenir compte de l’inflation). Au Danemark, en Finlande, en Suède, en Autriche, à Chypre et en Italie, un salaire minimum est défini par branche, c’est-à-dire pour chaque secteur d’activité, à travers des négociations entre partenaires sociaux.

Prenant acte des compétences limitées en matière sociale de l’Union européenne, dont le rôle est relativement restreint, la Commission européenne n’a pas proposé une rémunération minimale unique au niveau européen. Sa mise en œuvre par le biais d’une directive serait en effet contraire aux traités. Par ailleurs, une telle mesure aurait un effet délétère sur l’économie de l’Union, selon le commissaire à l’Emploi et aux droits sociaux Nicolas Schmit. « Si la Bulgarie devait adopter les salaires du Luxembourg, son économie cesserait d’exister du jour au lendemain », avait-il déclaré fin octobre 2020 lors de la présentation de la proposition de directive sur les salaires minimums.

La mise en place d’un même taux plancher applicable dans chaque pays, comme le souhaitaient nombre de candidats français aux élections européennes de mai 2019, n’est pas non plus à l’ordre du jour. La Commission invite ainsi ces pays à atteindre un niveau minimal « adéquat » sans fixer de critères précis, en indiquant simplement que recourir à des indicateurs comme 50 % du salaire brut moyen ou 60 % du salaire brut médian « peut aider ».

Enfin, la Commission européenne n’entend pas imposer la mise en place d’un salaire minimum aux pays qui n’en disposent pas, à savoir ceux où ils sont définis par des conventions collectives. Le but poursuivi par l’institution consiste à faire en sorte que les rémunérations minimales offrent un niveau de vie digne à ceux qui les touchent.

Pour ce faire, la proposition de directive invite les États membres à favoriser les négociations collectives, qui impliquent une importante mobilisation des partenaires sociaux, dans la définition des salaires minimaux. Les pays où les salaires sont couverts pour moins de 70 % par les négociations collectives sont tout particulièrement concernés. Une approche justifiée par le constat suivant, formulé sur le site de la Commission : « dans la majorité des États membres affichant des niveaux élevés de salaires minimaux par rapport au salaire médian, la couverture des négociations collectives dépasse 70 % ».

Selon la proposition de la Commission, le renforcement de la protection offerte par un salaire minimum devrait être suivi par le biais de rapports annuels présentés au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne. Au sein de ce dernier, le Comité de l’emploi, qui conseille les ministres du Travail, s’appuierait sur ces documents afin d’analyser la situation des États membres. Aussi, les progrès effectués dans la mise en œuvre de la mesure seraient surveillés via le semestre européen, outil de coordination des politiques économiques et budgétaires des pays de l’Union européenne.

Si ce projet va dans le bon sens, il importe de développer un agenda social allant bien au-delà du seul salaire minimum, afin que les avancées des pays les plus développés en matière de protection sociale soient progressivement rattrapées par les pays les plus en retard.

Proposition n° 46 : Renforcer le projet de directive européenne pour aller vers un salaire minimum harmonisé sur les pays les mieux-disant, d’ici à 2030.

3.   La préservation d’une concurrence libre et non faussée : une approche du droit européen à reconsidérer

a.   Pérenniser l’assouplissement du régime de contrôle des aides d’État

Le droit européen interdit les aides d’État, au‑delà d’exceptions précises, car elles sont jugées contraires aux règles du marché intérieur.

Selon la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), « afin d’apprécier s’il y a aide, il convient […] de déterminer si l’entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales du marché ». Ainsi, une aide d’État est une aide publique qui confère à l’entreprise visée un avantage sélectif, affectant à la fois la concurrence et les échanges intra‑Union européenne : elle n’est donc pas neutre pour le fonctionnement du marché intérieur.

L’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoit cependant des cas où des aides d’État peuvent être autorisées sous certaines conditions pour des entreprises en vue de soutenir leur économie.

Le paragraphe 3 de l’article 107 § 2 b du TFUE autorise ainsi les aides qui visent à remédier aux dommages dus à des « circonstances extraordinaires » et l’article 107 § 3 b celles liées à des « perturbations graves de l’économie d’un État membre ». Dans ce cadre s’inscrivent la crise financière de 2008 ou des catastrophes naturelles tel le séisme qui a touché plusieurs régions d’Italie en 2016.

L’amplification de la crise sanitaire, frappant l’économie européenne dès le début du printemps 2020, a ainsi justifié le recours à ces mesures d’aides d’État. Le PIB de l’ nion européenne a en effet chuté de – 3,2 % entre le quatrième trimestre 2019 et le premier trimestre 2020, et de – 11,1 % entre le premier et le deuxième trimestre 2020 (PIB en volume, corrigé des variations saisonnières). Cette chute a largement affecté des pays comme l’Espagne (variations à – 5,4 et – 17,8 %) ou encore la France (– 5,8 et – 13,6 %).

Dès mars 2020, au moment de la progression de la pandémie sur le continent européen, la Commission européenne a proposé, comme durant la crise financière de 2008, un cadre temporaire sur la base du TFUE précisant les conditions auxquelles devaient répondre les régimes d’aides d’État dans le contexte de la crise.

Alors que le cadre temporaire adopté lors de la crise de 2008 avait principalement été utilisé dans le secteur financier, il concernait en 2020 largement l’économie réelle, en relation avec le type de choc subi. Toutefois, les cadres de 2008 et 2020 se rapprochent sur les formes d’aides, telles que les subventions ou les prêts à taux d’intérêt bonifié, et sur les conditions d’octroi comme l’existence d’un montant plafond de subvention par entreprise.

Ces ajustements, concomitants des actions de la Banque centrale européenne ont permis à l’Europe d’agir promptement et avec force face aux chocs économiques et financiers induits par la crise sanitaire.

Entre mars et décembre 2020, le cadre temporaire a été amendé quatre fois. Ces modifications successives ont permis, d’une part, d’introduire de nouvelles formes d’aides, à l’exemple de l’amendement d’avril 2020 qui introduit des aides ciblées pour la production d’équipements et la recherche et développement (R&D) liés au coronavirus. D’autre part, elles ont permis de prolonger les mesures en vigueur.

En volume, les aides d’État ainsi autorisées par la Commission représentent des montants considérables : la Commission européenne estime à plus de 3 000 milliards d’euros les montants d’aides autorisés pour les différents États membres à fin décembre 2020, à travers 389 décisions.

Ces montants, mobilisables dans le cadre des régimes d’aides d’État, sont inégalement répartis au sein des membres de l’Union européenne, et profitent principalement à l’Allemagne (plus de 50 %), à l’Italie et à la France (respectivement 14 % et 13 %) ([612]).

RÉpartition des aides d’État « Covid-19 »
autorisÉes par la Commission europÉenne pour les États membres
entre le 19 mars et le 31 dÉcembre 2020

Source : Bulletin de la Banque de France, op.cit.

Le Comité européen du risque systémique (CERS), autorité macroprudentielle de la zone euro, alertait en avril 2021 sur une probable augmentation du nombre d’entreprises insolvables après la fin des mesures de soutien gouvernementales. Pour autant, si les aides étaient maintenues sur le long terme, certaines entreprises non productives pourraient être artificiellement soutenues, ce qui multiplierait le nombre d’entreprises « zombies ». Or, selon plusieurs études, ce risque n’est pas avéré dans certains pays, dont la France. Si les dispositifs d’aides publiques (aides d’État et autres mesures de soutien public) réduisent le nombre d’entreprises fragilisées, ils n’en modifient pas la distribution en matière de productivité.

Si la Commission a fait preuve de réactivité et d’adaptabilité dans sa mise en œuvre du cadre temporaire relatif aux aides d’État dans la crise sanitaire, il lui appartient également de faire en sorte que ces règles facilitent la sortie de crise et notamment la réallocation sectorielle accélérée par la crise, tout en respectant les objectifs liés à la transition écologique et numérique de l’économie européenne, et sans porter préjudice au marché intérieur.

L’encadrement temporaire des aides d’État aux entreprises, décidé suite à la crise sanitaire, devrait prendre fin le 30 juin 2022 et il sera alors plus difficile d’accompagner de nouveaux projets. L’assouplissement du dispositif pour des aides qui ne dépassent pas le seuil fixé par la règle européenne de minimis, soit 1,8 million, cessera d’exister.

Pour M. Christian Charpy, « le PIA 4 introduit une véritable nouveauté » en mettant l’accent sur les secteurs d’importance stratégique du point de vue de la souveraineté économique française, cohérente avec l’assouplissement – temporaire ou durable – de la doctrine de la Commission européenne en matière d’aides d’État ([613]). Dans le contexte d’une compétition mondiale démultipliée, le rapporteur appelle à ce que ces nouvelles marges de manœuvre offertes par la révision du droit européen des aides d’État à la suite de la crise sanitaire soient pérennes afin de permettre un soutien accru à des entreprises stratégiques.

Proposition n° 47 : Pérenniser les assouplissements mis en place pour le contrôle des aides d’État dans le cadre de la crise sanitaire.

b.   Redéfinir les objectifs du droit européen de la concurrence en adéquation avec les nouvelles orientations de la politique industrielle européenne

La politique de concurrence doit servir l’intérêt du consommateur et du producteur européen, de l’Union européenne dans sa globalité et dans l’intérêt de ses membres. Afin de pouvoir lutter à armes égales avec leurs concurrents mondiaux, les entreprises européennes doivent pouvoir bénéficier d’un soutien conforme aux objectifs définis par la stratégie industrielle européenne.

Dans une tribune parue dans Le Monde le 10 décembre 2021 ([614]), l’économiste Mme Nadine Levratto rappelle que « le droit européen pose un principe général d’interdiction des aides d’État – lequel s’étend jusqu’aux collectivités locales – qui procurent un avantage sélectif à une ou quelques entreprises ». Si ce principe s’explique par la volonté de réduire les distorsions de concurrence entre États membres de l’Union européenne et que des exceptions existent, à l’image des aides de faible montant avec la règle dite « de minimis », « cette règle ne vaut plus lorsque des États membres adoptent des mesures applicables à toutes les entreprises remplissant certains critères pour alléger les charges que ces dernières devraient normalement supporter (exonérations d’impôts ou de charges sociales, par exemple) ». Dès lors, la plupart des aides publiques aux entreprises sont à portée générale afin de se conformer aux règles européennes, alors qu’une véritable politique industrielle devrait cibler des secteurs ou des filières. Pour Mme Nadine Levratto, cette règle qui vise à l’égalité entre entreprises européennes « est en fait génératrice d’inégalités qui affectent [l’efficacité des aides] et rejaillit sur la composition du tissu productif ».

La ministre déléguée en charge de l’industrie a affirmé lors de son audition que l’État s’était « pleinement saisi du cadre des aides d’État liées à la crise de la Covid-19 ». Entre l’appel à manifestation d’intérêt Capacity Building et le plan France relance, nous 166 projets de relocalisation développés par les industries de santé ont été soutenus : avec un « soutien public de 680 millions, 1,4 milliard d’euros d’investissements industriels ont été enclenchés, et 6 000 emplois doivent être créés ou confortés » ([615]).

Elle s’est en outre engagée, une fois à la tête du Conseil « compétitivité » de l’Union européenne, « à tenir une ligne de concurrence loyale qui permette de se prémunir contre un protectionnisme qui tairait son nom » ou un repli sur soi, « tout en sortant d’une posture naïve selon laquelle le marché européen serait ouvert à tous les prétendants à des parts de marché, ce qui nous mettrait à la merci d’acteurs non respectueux des règles du jeu ».

M. Martin Vial a évoqué devant la commission d’enquête avoir « défendu auprès de la Commission européenne l’idée que le marché pertinent pour apprécier le risque de concentration n’est plus seulement européen » ([616]). Il faut aussi prendre en compte la position sur le marché mondial, en particulier par rapport aux acteurs chinois et américains et apprécier dans les instructions des dossiers de concentration quels sont les acteurs qui bénéficient de subventions étrangères non-européennes.

Interrogé sur les conséquences de la nouvelle stratégie industrielle en termes de règles applicables au contrôle de la concurrence et aux fusions, le commissaire européen en charge du marché intérieur M. Thierry Breton a confirmé que le changement de paradigme aurait des conséquences sur l’application des règles auparavant fixées, qui privilégiait de manière trop « naïve » le consommateur européen au détriment du producteur européen ([617]).

Plusieurs évolutions en matière de droit européen de la concurrence sont proposées par la France. En matière de fusions-acquisitions, « les opérations menées par des plateformes en situation de monopole doivent être contrôlées de manière particulière, au-delà du simple chiffre d’affaires de l’entreprise rachetée car il ne reflète pas la réalité technologique ». Si la technologie d’une start-up lui permet de se différencier considérablement sur le marché, l’opération doit être contrôlée au regard des règles de la concurrence, quand bien même le chiffre d’affaires ne dépasserait pas 15 millions d’euros.

Concernant les opérations de consolidation européennes, il ne s’agirait plus de s’appuyer sur la répartition des parts de marché « pour s’inquiéter de l’existence d’un oligopole dont le consommateur serait prisonnier, mais d’analyser la manière dont ces parts de marché évoluent ».

Parmi les mécanismes qui seront portés durant la présidence française de l’Union européenne figure le projet de règlement relatif aux subventions étrangères. Il est prévu d’instaurer un contrôle de la Commission européenne sur les marchés publics et sur les opérations de consolidation ou de rachat par une entreprise étrangère d’un actif européen, afin de lutter contre les subventions de pays tiers qui provoquent des distorsions et nuisent à l’égalité des conditions de concurrence au sein du marché unique. Pour le directeur général des entreprises M. Thomas Courbe, le futur règlement sur les subventions étrangères « doit permettre de corriger au niveau européen les situations de concurrence inéquitables avec des entreprises de pays tiers qui bénéficient de subventions » ([618]).

Ainsi, le rapporteur invite à tirer les conséquences de ces évolutions et à réformer les règlements d’application en matière de droit européen de la concurrence et de contrôle des fusions et acquisitions pour les rendre compatibles avec la nouvelle stratégie industrielle européenne.

Proposition n° 48 : Réformer les règlements d’application du droit européen de la concurrence et des concentrations pour les rendre compatibles avec la nouvelle stratégie industrielle européenne.

 


   TROISIÈME PARTIE : LES INDUSTRIES DE SANTÉ – UNE TRADITION D’EXCELLENCE À RENOUVELER, DES FLEURONS À PRÉSERVER

Au sens strict ([619]), la filière des industries et technologies de santé regroupe les entreprises spécialisées dans la production des médicaments, dans les technologies médicales et dans les dispositifs médicaux. Le champ des technologies médicales comprend les instruments de diagnostics in vitro, les équipements d’imagerie médicale, ainsi que les instruments de diagnostic (hors in vitro). Pour leur part, les dispositifs médicaux correspondent à deux types de produits : d’une part, les instruments et fournitures à usage médical et dentaire ; d’autre part, équipements d’irradiation médicale, équipements électro médicaux et électro-thérapeutiques.

Selon le périmètre retenu, la filière des industries et technologies de santé emploie entre 340 000 et 450 000 personnes en France ([620]) et compte 3 000 entreprises. D’après les statistiques reprises publiées par France Stratégie ([621]), la population active se répartit pour l’essentiel entre les officines (148 000 personnes) et les entreprises productrices (110 000 personnes) ; on recense 40 000 emplois dans les entreprises de développement technologique en santé ou medtech et 33 000 dans la recherche et le développement. Les effectifs se localisent ainsi dans les unités de production (34 %), dans la distribution et la commercialisation (28 %) et enfin dans la recherche et le développement (13 %).

Au sein de la filière, l’industrie du médicament possède un poids prépondérant, à raison du nombre de ses employés et de ses entreprises. Ainsi que le souligne France stratégie ([622]), elle présente un faible degré de concentration par rapport à d’autres secteurs économiques, malgré une diminution assez sensible du nombre des entreprises en cinquante ans (1 000 entreprises dans les années 1950 et 5 000 dans les années 1970, contre 324 en 2009). Cette caractéristique tient à la grande variété et au caractère spécifique des médicaments, aux techniques et aux marchés. On constate aussi le fort développement des entreprises de biotechnologies, dont le nombre en France s’élève aujourd’hui à près de 250.

Le secteur de l’industrie des dispositifs médicaux comprend quant à lui 1 502 entreprises en 2019 (contre 1 434 en 2017) ([623]), dont un quart d’entreprises étrangères. Il se compose de 98 % de PME, pour l’essentiel des établissements de moins de 50 salariés ([624]). Le secteur demeure peu concentré : ainsi, d’après le SNITEM, 60 % des entreprises spécialisées dans la production des dispositifs à usage individuel réalisent 50 % du chiffre d’affaires sur ce marché.

Les emplois de la filière des industries et technologies de la santé

Selon le périmètre retenu, l’industrie du médicament employait en 2019 un effectif compris entre 78 568 ([625]) et 125 900 ([626]) salariés. Les entreprises du médicament (LEEM), estimaient le nombre des personnes employées à 98 780 salariés sur la base des déclarations recueillies dans le cadre d’une enquête annuelle réalisée auprès des entreprises (soit 300 entreprises en 2019).

L’industrie pharmaceutique s’appuie par ailleurs sur un nombre important d’emplois indirects :

– 149 700 personnes dans les pharmacies d’officines ;

– 10 800 personnes dans les PME de biotechnologie santé ;

– 10 000 personnes dans les organisations de recherche clinique par contrat  et les sociétés de réseaux de visiteurs médicaux ;

– 9 000°personnes dans les usines de production de principes actifs à usage thérapeutiques ;

– 3 000 chez les dépositaires ;

– 14 200 chez les grossistes répartiteurs.

Après un point bas observé en 2014, la population active du secteur connaît une croissance régulière depuis 2015. Elle a atteint en 2019 son plus haut niveau.

D’après les statistiques fournies par le syndicat national de l’industrie des technologies médicales (SNITEM), le secteur des dispositifs médicaux compte environ 90 000 emplois en France (hors emplois indirects).

On observe une très forte hausse des effectifs salariés du secteur dans la production de d’équipements d’irradiation médicale, d’équipements électro médicaux et électrothérapeutiques (+ 23 % entre 2013 et 2019) et, à un moindre degré, pour le matériel médico-chirurgical et dentaire (+ 5 % sur la même période). Les deux activités occupent respectivement 5 196 et 39 133 salariés.

La filière des industries et technologies de la santé s’impose aujourd’hui comme l’un des secteurs d’activité phare de l’économie française, tant par sa contribution à la richesse nationale et que par les fondements remarquables de son dynamisme.

D’après les statistiques fournies par France Stratégie ([627]), la filière des industries et technologies de la santé générait un chiffre d’affaires global de plus de 75 milliards d’euros en 2018. L’activité se répartit entre la production de médicaments (56 %), d’instruments de diagnostic in vitro (20 %), d’équipements d’imagerie médicale (11 %), d’instruments de diagnostic (hors in vitro, 8 %) et des dispositifs médicaux (5 %). En 2020, selon les chiffres communiqués à la commission d’enquête, le chiffre d’affaires annuel dépasse les 100 milliards d’euros, dont un tiers réalisé à l’exportation.

Sur une période récente et en comparaison du reste des industries françaises, la filière des industries et technologies de santé se distingue, en premier lieu, par la vigueur de son activité.

Dans l’industrie pharmaceutique, après une phase de stagnation de 2004 à 2014, la production a retrouvé une forte croissance (+ 34 % entre 2014 et 2019). Ainsi que l’illustre le graphique ci-après tiré du rapport précité de France Stratégie ([628]), ce rebond s’inscrit dans un mouvement de hausse quasi-ininterrompue sur près de trois décennies.

Un constat similaire prévaut pour l’ensemble du secteur des dispositifs médicaux, même si la progression se révèle plus modérée et contrastée selon les produits. Ainsi, les statistiques disponibles ([629]) rendent compte d’un développement de la production industrielle annuelle relativement soutenu depuis le début de la décennie 2000 en ce qui concerne la fabrication d’instruments et de fournitures à usage médical et dentaire (+ 2,2 %), ainsi que la fabrication d’équipements de radiation médicale, d’équipements électro médicaux et électrothérapeutiques (+ 2,5 %).

Toutefois, ce dernier secteur accuse une baisse de 10 % depuis 2014. À ce titre et en guise d’exemple, le rôle de la composante « imagerie médicale » de Thales ([630]) celui de l’entreprise Trixell, une des cheffes de file des détecteurs radiologiques installée sur le territoire de Moirans dans l’Isère ([631]), pourrait être renforcé.

Production industrielle dans l’industrie pharmaceutique,
en volume, base 100 = 2015

Source : Insee cité in France Stratégie, Les politiques industries en France op. cit., pp. 263.

En second lieu, la filière se signale par l’importance des ressources consacrées à la recherche et au développement. D’après l’estimation de France Stratégie ([632]), elle représente près de 20 % de l’ensemble des dépenses du secteur industriel en ce domaine.

Pour ce qui concerne les entreprises du médicament, le budget total en R&D s’élevait à un plus de 4,45 milliards d’euros, soit en moyenne 9,7 % du chiffre d’affaires en 2017 ([633]). Par comparaison et pour le même exercice, le pourcentage des dépenses en la matière s’élève à 3,9 % pour l’ensemble des secteurs industriels et se limite à 4,8 % dans le secteur automobile. La construction aéronautique et spatiale réalise un investissement d’ampleur similaire (10 % du chiffre d’affaires). Seul le secteur de la « fabrication d’instruments et appareils de mesure, essai et navigation, horlogerie » réalise un investissement supérieur en proportion de son chiffre d’affaires (14,2 %).

Dans le secteur des dispositifs médicaux, la part des dépenses affectées à la recherche représentait 6 % du chiffre d’affaires annuel des entreprises en 2019. En outre, pour 13 % d’entre elles, l’activité porte exclusivement sur la R&D. D’après le panorama établi par les entreprises du dispositif médical, le secteur serait à l’origine du dépôt de près de 3 750 brevets par an ([634]).

Au regard de ses performances et de ses ressources, la filière des industries et technologies de santé se trouve dans une position assurément plus favorable que celles de l’ensemble des industries françaises. Ce satisfecit ne saurait cependant conduire à négliger un risque : celui d’une possible remise en cause, à brève échéance, du statut procuré par une longue tradition d’excellence et d’innovation.

En soi, cette perspective n’a rien de théorique. On en trouve des indices concordants dans le recul que la France enregistre, depuis plusieurs années, dans les classements internationaux et européens relatifs à la production de produits de santé.

De manière plus frappante, l’incapacité des laboratoires et entreprises françaises à concevoir en temps utile un vaccin susceptible d’immuniser contre la Covid-19 et ses variants ne laisse pas d’interroger sur l’état de tout un écosystème. Certes, les orientations de la recherche, le choix de la technologie ou la probabilité de la découverte comportent leur part d’aléas. En l’espèce, l’échec subi par la France peut être expliqué par une surestimation des difficultés inhérentes au développement d’un vaccin fondé sur la nouvelle technique : l’acide ribonucléique ou ARN messager. Dans une certaine mesure, il s’agit d’un pari perdu puisque dès les années 1960, l’Institut Pasteur figurait parmi les premiers laboratoires au monde à avoir œuvré à la découverte du concept ([635]). Mais au-delà, le renoncement de Sanofi à concevoir sa propre plateforme vaccinale met sans doute en lumière la précarité des acquis d’une filière qui, dans son ensemble, doit adapter son offre et son positionnement dans un environnement profondément renouvelé.

Cette prise de conscience a motivé l’annonce d’un certain nombre de mesures annoncées par l’exécutif à l’issue de la réunion du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) du 29 juin 2021, d’abord dans le cadre du plan Innovation santé 2030, publié le 10 juillet 2021, puis dans celui du plan France 2030, présenté le 12 octobre 2021.

Aujourd’hui encore, ces « feuilles de route » appellent des arbitrages et des précisions quant aux moyens nécessaires à leur mise en œuvre. Dès lors, même si elles expriment une ambition nouvelle – au moins sur le papier –, il paraît prématuré de réaliser leur évaluation. En revanche, le rapporteur souscrit volontiers à l’idée d’une indispensable action conjointe des acteurs de la filière et des collectivités publiques, tant au regard de nature des défis à relever que de la spécificité du marché des produits de santé, largement solvabilisé par des dépenses socialisées et à ce titre objet d’une régulation publique.

Si les moyens peuvent donner lieu à des appréciations divergentes, le panorama des forces et faiblesses de la filière française des industries et technologies de santé met en lumière trois enjeux essentiels : en premier lieu, le renouvellement de l’offre de la filière des industries et technologies de santé, compte tenu du risque de déclassement des entreprises françaises dans une économie en pleine transformation ; en second lieu, la préservation de la capacité d’innovation et de production des entreprises françaises, notamment dans l’objectif d’une véritable autonomie sanitaire ; en dernier lieu, une évolution des instruments de régulation publique du secteur du médicament et des dispositifs médium de nature à créer les conditions d’une relocalisation de la filière des industries et technologies de santé sur le territoire national.

De ce point de vue, la commission d’enquête peut partager beaucoup des préconisations adoptées par la toute récente mission d’information sur les médicaments mis en place par la commission des Affaires sociales ([636]). Malgré les approches différentes de réflexions consacrées à la politique du médicament et à l’industrie du médicament, il existe aujourd’hui un diagnostic partagé et des solutions convergentes sur comment la France peut revoir ses moyens d’action afin d’assurer l’avenir d’une filière essentielle pour son économie et le bien-être de sa population.

I.   Un secteur encore florissant mais confrontÉ aux défis du renouvellement de l’offre et de la demande de produits de santÉ

L’ensemble des éléments recueillis par la commission d’enquête portent en effet à renouveler le constat désormais établi quant au positionnement inadéquat des industries nationales face à l’évolution des productions et des consommations. En réalité, le dynamisme de l’activité et l’excédent de la balance commerciale ne prémunissent pas la France contre certaines vulnérabilités et, surtout, contre le risque de rater le virage de la modernité.

La menace d’un déclassement voire d’un affaiblissement mis en exergue par de nombreux observateurs se mesure aujourd’hui au moins sur trois plans : premièrement, l’évolution des échanges commerciaux ; deuxièmement, la place de la filière française dans une chaîne de production de plus en plus éclatée ; troisièmement, le contenu de l’offre notamment au regard des innovations les plus récentes.

A.   Un recul des positions franÇaises et des dÉpendances nouvelles À l’Égard du reste du monde

Ainsi que l’ont souligné l’ensemble des personnes auditionnées, l’ensemble des classements internationaux et européens rendent compte d’un déclin relatif de la filière française des industries et technologies de santé depuis près de deux décennies. Ce constat vaut tout particulièrement dans le champ de l’industrie pharmaceutique.

Sur le plan de la production, la France se classait cinquième au plan mondial en 2020. Notre pays représente aujourd’hui 3,7 % des ventes mondiales de médicament, derrière les États-Unis (45 %), la Chine (8,3 %), le Japon (7,8 %) et l’Allemagne (7,8 %). Toutefois, d’après les chiffres publiés par le LEEM, sa part de marché recule de 2,2 % en dix ans ([637]). D’après des chiffres endossés publiquement par Mme Agnès Pannier-Runacher en sa qualité de ministre déléguée chargée de l’Industrie ([638]), la part de marché des productions de médicaments françaises au plan mondial aura été divisée par deux entre 2005 et 2015.

De même, parmi les pays producteurs européens, l’industrie pharmaceutique française est passée de la première à la quatrième place, avec 23,2 milliards d’euros en 2020 (derrière la Suisse, l’Allemagne et l’Italie depuis 2018) ([639]). D’après M. Didier Véron, président du G5 Santé, groupe de réflexion regroupant les principales entreprises françaises de la santé et des sciences du vivant (BioMérieux, Guerbet, Ipsen, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier et Théa), elle pourrait encore reculer d’un rang à brève échéance. Si l’on ne considère que les nouveaux médicaments, elle rétrograde d’ores et déjà à la sixième place.

Sur le plan du commerce extérieur, la France se classe en 2020 à la sixième place européenne pour le volume et la valeur des exportations et au septième rang du point de vue de l’excédent commercial (derrière le Danemark, les Pays-Bas et la Belgique) ([640]).

Pour ce qui concerne les dispositifs médicaux, un classement établi sur la base des données du Centre de commerce international([641]) accorde à la France la quatorzième place dans le commerce international, au regard du rapport entre ses exportations et importations, ainsi que de sa part dans les exportations mondiales. L’industrie française y recule de deux rangs par rapport à 2019, loin derrière l’Allemagne, l’Irlande, les États-Unis et les Pays-Bas. Du point de vue du solde commercial, elle ne se classe que vingt-sixième (dans un palmarès mondial dominé par l’Allemagne, l’Irlande, les Pays-Bas, la Suisse et le Mexique).

Même si la comparaison des performances économiques n’est pas dénuée d’aléas méthodologiques et conjoncturels à l’échelle internationale, le recul des positions françaises ne peut qu’alerter. Suivant les analyses aujourd’hui admises, il reflète en effet une tendance de fond, source de fragilité pour la filière des industries et des technologies de la santé. Les travaux de la commission d’enquête mettent ainsi en exergue deux motifs de préoccupations renouvelés : en premier lieu, l’érosion du dynamisme de l’activité des entreprises françaises ; en second lieu, des déséquilibres nouveaux dans la balance commerciale.

1.   Un tableau contrasté laissant apparaître une érosion du dynamisme des entreprises nationales face à leurs principaux concurrents

De fait, il ressort des auditions réalisées par la commission d’enquête que la filière des industries et technologies de santé voit ses performances relativisées par deux évolutions défavorables : d’une part, l’approfondissement d’écarts parfois significatifs avec les pays les plus puissants du secteur ; d’autre part, un rattrapage de concurrents autrefois maintenus à une certaine distance.

 Il en va ainsi sur le plan du chiffre d’affaires. Avec 62,1 milliards d’euros en 2020, la France occupe la troisième place parmi les producteurs de produits pharmaceutiques en Europe (derrière la Suisse et l’Allemagne) ([642]). Cette même année, le secteur des dispositifs médicaux a réalisé un chiffre d’affaires de 30 milliards d’euros (dont 9 milliards d’euros à l’exportation) ([643]).

Toutefois, comme le montrent les graphiques ci-après, si la progression du chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique française apparaît régulière et relativement soutenue, elle s’avère par ailleurs assez nettement en deçà de la croissance enregistrée sur le marché de ses principaux concurrents. D’après une étude commandée par la fédération professionnelle Les Entreprises du médicament (LEEM), l’augmentation constatée en France en 2019 et 2020 s’élève à 3 % quand elle atteint sur la même période, 7 % puis 6 % en Allemagne, ainsi que 8 % et 7 % au Royaume-Uni. Seul le Japon enregistre à cette même époque une croissance inférieure qui confine à la stagnation.

En outre, il peut être constaté un fossé relativement important entre le niveau du chiffre d’affaires réalisé en France et celui constaté chez les deux principaux producteurs pharmaceutiques en Europe. D’après les statistiques compilées par France Stratégie ([644]), le chiffre d’affaires des entreprises helvétiques représentait près de 80 milliards d’euros en 2018, contre près de 60 milliards d’euros pour les entreprises allemandes et 42 milliards d’euros pour les opérateurs français.

Évolution du chiffre d’affaireS sur les principaux marchÉs mondiaux
entre 2018 et 2020

Source : Les Entreprises du médicament, d’après une étude réalisée par IQVIA (citée dans le Bilan économique édition 2021).

chiffre d’affaireS de l’industrie pharmaceutique
des principaux pays europÉens en 2018

(en millions d’euros)

Source : Eurostat – Statistiques annuelles détaillées sur l’industrie citées in Rapport de France Stratégie, op. cit., pp. 265

Au vu du graphique ci-après, un déséquilibre assez similaire peut être constaté en ce qui concerne le marché des dispositifs médicaux. Le chiffre d’affaires réalisé par les industriels allemands représente l’équivalent de trois fois le chiffre d’affaires des industriels français pour ce qui concerne la fabrication d’équipements d’irradiation médicale, d’équipements électro médicaux et électro-thérapeutiques. Dans le secteur des instruments et des fournitures à usage médicale et dentaire, la disproportion se révèle encore plus marquée, de l’ordre 4 à 5, entre la France d’une part et, d’autre part, la Suisse et l’Allemagne.

chiffres d’affaires de l’industrie des dispositifs mÉdicaux
dans les principaux pays europÉens en 2018

(en millions d’euros)

Source : Eurostat – Statistiques annuelles détaillées sur l’industrie citées in Rapport de France Stratégie, op. cit., pp. 270

● Sur le plan de la valeur ajoutée et de la place occupée parmi les industries nationales, la filière des industries et technologies de santé occupe une position intermédiaire, voire en retrait par rapport à la situation de ses homologues.

Même si son poids découle de la spécialisation des économies et des régimes fiscaux, on soulignera la relative modestie de la valeur ajoutée dégagée par l’industrie pharmaceutique : d’après les statistiques publiées par Eurostat, cette dernière atteint équivaut 5 % de la valeur de l’industrie manufacturière nationale (contre 14 % en Belgique et 21 % au Danemark). Elle s’établit à un niveau très voisin de celui enregistré en Allemagne (3 %) et, surtout, de l’Italie (4 %) et de l’Espagne (4 %), deux partenaires dont la concurrence grandit.

Au vu du graphique ci-après, il peut être également constaté une progression nettement moins rapide de la création de richesse dans le secteur par rapport au rythme soutenu constaté chez ses principaux concurrents européens. D’après les calculs réalisés par Rexecode ([645]), entre 2000 et 2016, l’augmentation de la valeur ajoutée en France s’élève à 25,2 %, contre 33,2 % en Italie, 44,3 % au Royaume-Uni, 99,0 % en Espagne, 106 % en Allemagne et 303,7 % en Suisse.

Évolution comparÉe de la valeur ajoutÉe des industries pharmaceutiques en europe entre 2000 et 2017

(base 100 en 2000)

Source : Eurostat, données douanières, Rexecode, La compétitivité française en 2018, Document de travail n° 71, juin 2019.

Les chiffres mènent à des conclusions assez similaires en ce qui concerne les dispositifs médicaux : la valeur ajoutée de la fabrication d’instruments et de fournitures à usage médical et dentaire représente 1,7 % de la valeur de l’industrie manufacturière ; ce taux descend à 0,3 % pour la fabrication d’équipements d’irradiation médicale, d’équipements électro-médicaux et électrothérapeutiques au sein des industries nationales. Sur les deux marchés, un fossé très net sépare la France des trois producteurs essentiels dans le champ des dispositifs médicaux que constituent la Suisse, le Danemark et l’Allemagne. En revanche, l’Italie affiche des performances relativement analogues.

place comparÉe de l’industrie pharmaceutique
au sein des principales industrieS europÉennes en 2018

place des secteurs des dispositifs médicaux
au sein des industries nationales europÉennes en 2018

Fabrication d’équipements d’irradiation médicale, d’équipements électro-médicaux et électrothérapeutiques au sein des industries nationales

Fabrication d’instruments et de fournitures à usage médical et dentaire

Source : Eurostat, Statistique annuelles détaillées sur l’industrie citée par France Stratégie, Les politiques industrielles – Évolutions et comparaisons internationales

Dans une certaine mesure, la proximité des industries françaises et italiennes sur le critère de la valeur ajoutée fournit fait écho aux constats dressés par l’ensemble des interlocuteurs de la commission d’enquête quant au dynamisme retrouvé de nos concurrents italiens.

Ainsi que l’a souligné M. Olivier Boguillot, en sa qualité de président de la Fédération française des industries de santé (FEFIS) ([646]), l’Italie se classe aujourd’hui première en Europe pour la production pharmaceutique. D’après les statistiques dont il a fait état, les exportations de son industrie du médicament ont été multipliées par 15 entre 1991 et 2019. L’industrie pharmaceutique s’impose aujourd’hui comme le quatrième secteur d’exportation italien alors qu’elle occupait la 57ème place en 1991 (parmi les 119 secteurs existants). Elle emploie 66 000 personnes (contre 42 000 en France). En 2019, son chiffre d’affaires s’élevait à 33 milliards d’euros, en hausse de 28 % par rapport à 2018. Dans ces conditions, à l’instar de M. Bogillot, nombre des personnes auditionnées n’hésitent pas à présenter l’Italie comme un modèle.

S’ils ne permettent pas nécessairement d’établir avec certitude les origines de ce renouveau industriel, les éléments recueillis par la commission d’enquête invitent nécessairement à prendre la mesure de l’affaiblissement français dans les échanges internationaux de produits de santé.

2.   Une balance commerciale nettement excédentaire mais affectée par de nouveaux déséquilibres, dans le contexte d’une concurrence exacerbée au sein de l’Union européenne

Depuis plusieurs décennies, la filière des industries et des technologies fait partie des tous premiers secteurs d’exportation français. D’après les chiffres fournis par le LEEM, l’industrie pharmaceutique demeure ainsi le quatrième contributeur à la balance commerciale nationale.

● Toutefois, l’apport au commerce extérieur national mérite aujourd’hui plus que jamais d’être nuancé, compte tenu de l’évolution contrastée des échanges générés par les deux pôles de la filière.

Pour sa part, l’industrie des produits pharmaceutiques continue à dégager un excédent commercial relativement volumineux. D’après les statistiques publiées par le LEEM ([647]), celui-ci atteint 8,4 milliards d’euros en 2020 (contre 8,31 milliards d’euros en 2019). Le maintien d’un solde très largement positif résulte d’exportations durablement dynamiques – (31,4 milliards d’euros contre 33,7 milliards d’euros en 2019) –, ainsi qu’une progression des importations contenues (23,16 milliards d’euros contre 27,4 milliards d’euros en 2019). Le léger repli du volume des exportations doit être mis en rapport avec le caractère exceptionnel de l’année 2019, exercice marqué par une hausse tout à fait exceptionnelle (+ 11 %). Au regard de la croissance moyenne constatée entre 2012 et 2018 (soit + 1,9 % en glissement annuel), le bilan de 2020 comporte un nouveau relèvement substantiel du niveau des exportations (+ 5,3 %).

Ainsi que le graphique ci-après en fournit l’illustration, ces résultats s’inscrivent dans un mouvement d’assez longue durée.

ÉVOLUTION DES EXPORTATIONS ET IMPORTATIONS
DE L’industrie pharmaceutique depuis 2011

(en millions d’euros)

Source : Statistiques des Douanes citées par France Stratégie, France Stratégie, Les politiques industrielles – Évolutions et comparaisons internationales, novembre 2020.

En revanche, l’industrie des dispositifs médicaux accuse dans son ensemble un déficit commercial structurellement élevé du fait du secteur des instruments à usage médical, optique et dentaire (– 3,2 milliards d’euros en 2019) ; le déficit apparaît moins élevé mais relativement conséquent pour les équipements électromédicaux de diagnostic et de traitement (– 0,382 million d’euros en 2019).

La commission d’enquête ne dispose pas des chiffres permettant d’établir, pour l’exercice 2020, le montant des exportations et des importations pour chacun des deux secteurs de fabrication. Suivant des données tirées des statistiques du Centre du commerce international ([648]), les exportations de dispositifs médicaux s’élèvent à un peu plus de 11,69 milliards de dollars tandis que les importations dépassent la somme de 8,01 milliards d’euros. Par rapport à l’exercice précédent, ces chiffres traduisent des variations assez mesurées du déficit commercial.

De fait, ainsi que le montrent les graphiques ci-après, le déséquilibre des échanges dans le secteur des dispositifs médicaux constitue de longue date une faiblesse de la filière des industries et des technologies de santé. Néanmoins, des progrès récents peuvent être enregistrés sur le plan des exportations qui, en atteignant 9 milliards d’euros en 2019, bénéficient d’une croissance de près de 10 %.

ÉVOLUTION DES EXPORTATIONS ET DES IMPORTATIONS
DE L’industrie des dispositifs mÉdicaux depuis 2011

Fabrication des équipements électromédicaux de diagnostics et de traitement

(en millions d’euros)

 

Fabrication des instruments à usage médical, optique et dentaire

(en millions d’euros)

Source : Statistiques des Douanes citées par France Stratégie, France Stratégie, Les politiques industrielles – Évolutions et comparaisons internationales, novembre 2020.

● Nonobstant ces performances, l’ensemble des éléments recueillis par la commission d’enquête confirme le risque d’une perte de compétitivité progressivement de la filière des industries et technologies de santé.

Un tel affaiblissement se mesure d’abord à l’aune de l’évolution du volume des exportations françaises par rapport à ses principaux concurrents.

Il ressort ainsi d’une étude réalisée par Rexecode qu’entre 2001 à 2019, la part des exportations nationales de médicaments dans les exportations de la zone euro est passée de 20,8 % à 12,6 % ([649]). Ainsi que le montre le graphique ci-après, le phénomène s’étale sur l’ensemble des deux décennies, avec cependant un recul plus aigu entre 2001 et 2003, 2012 et 2016, 2017 et 2018. Si la part française semble en voie de stabilisation, les derniers chiffres publiés par Rexecode font état d’une nouvelle diminution de 0,3 % en 2020 ([650]).

part des exportations franÇaises
dans les exportations de la zone euro depuis 2001

(en %)

Source : Eurostat cité par Rexecode, La compétitivité française en 2018, document de travail n° 71, juin 2019.

L’affaiblissement de la place de la France dans le commerce des produits médicamenteux peut également s’apprécier du point de vue de la dynamique comparée des balances commerciales.

Certes, comme précédemment indiqué, l’industrie pharmaceutique nationale peut s’enorgueillir d’une balance commerciale nettement positive et dont le solde s’améliore, en conséquence d’une augmentation régulière de ses exportations. Toutefois, leur progression et leur volume n’apparaissent nullement comparables avec les excédents commerciaux spectaculaires dégagés par la Suisse et par l’Allemagne. Dans une certaine mesure, ses résultats commerciaux peuvent même être jugés moyens au regard de ceux obtenus par des acteurs moins connus pour leurs performances dans le secteur pharmaceutique, tels que l’Irlande et la Belgique.

Évolution des balances commerciales en produits pharmaceutiques
en europe de 2000 à 2017

(en milliards d’euros)

Comparaison des exportations rÉalisÉes
par les principales industries pharmaceutiques en europe entre 2000 et 2017

(en milliards d’euros)

Source : Statistique de l’OCDE CIT2ES citées par une étude BIPE, L’effet de la régulation sur les industries de santé et sur la contribution économique du G5 en France, juin 2019 https://g5.asso.fr/wp-content/uploads/2019/06/201904261211-Synthese_G5_contribution_economique_en_France_Effet.pdf

En soi, de telles données statistiques révèlent l’obligation pour la filière des industries et technologies de santé de relever un nouveau défi : celui d’une concurrence accrue et renouvelée, notamment au sein de l’Union européenne. Elles corroborent l’état des lieux dressés devant la commission d’enquête qui met en évidence l’amorce d’une possible redistribution des rôles à la faveur de l’apparition de nouveaux acteurs dans le champ des produits de santé.

Cette évolution apparaît perceptible sur le plan de la localisation de l’activité pharmaceutique, en particulier pour la fabrication des médicaments génériques. Les analyses développées au cours des auditions ([651]) soulignent ainsi la force nouvelle des industries des États de l’Europe de l’Est (Bulgarie, République tchèque, Hongrie), ainsi que l’affirmation d’une industrie espagnole très compétitive par rapport aux industries française et portugaise.

Sur le plan de la rentabilité des investissements, il apparaît aujourd’hui que d’autres industries pharmaceutiques européennes possèdent des atouts pouvant être mis en balance avec ceux de la filière française. Les propos tenus par plusieurs interlocuteurs, dont M. Alexandre Williams, président d’Athena pharmaceutiques, donnent ainsi à penser que certains chefs d’entreprises peuvent être aujourd’hui amenés à comparer les avantages comparatifs d’une implantation au Portugal ou en Italie, voire au Royaume-Uni par rapport à la création d’entreprises ou de filières dans l’Hexagone ([652]).

En soi, l’existence de tels arbitrages fournit l’indice d’un durcissement de la compétition à la faveur de l’ouverture des marchés, ce qui pose la question de l’insertion de la filière des industries et des technologies de la santé dans l’organisation de la production à l’échelle mondiale.

B.   Une segmentation de la chaîne de production contribuant À la disparition de certaines activitÉs et À l’amoindrissement des capacitÉs d’approvisionnement

Depuis plus de vingt ans, on observe un fractionnement croissant des différentes étapes de la fabrication dans le secteur des industries et technologies de santé – phénomène sans doute d’une ampleur inégale entre les produits pharmaceutiques et les dispositifs médicaux. Ce mouvement affecte très directement l’évolution de la valeur ajoutée mais aussi la diversité des produits fournis sur les marchés domestiques. Si la filière française a sans doute connu moins de délocalisations que le reste de l’industrie nationale, elle n’apparaît pas moins confrontée à deux écueils en partie inhérents à l’internationalisation de l’économie de son secteur : en premier lieu, une nouvelle division du travail source de fragilités : en second lieu, des risques de pénuries accrues dans la fourniture des produits de santé.

1.   Une nouvelle division du travail à l’international et sur le marché domestique source de fragilités

Cette nouvelle répartition des rôles peu favorable à l’industrie française concerne tout particulièrement le secteur pharmaceutique. Néanmoins, il ne peut être exclu que le secteur des dispositifs médicaux soit confronté à des problématiques relativement similaires, compte tenu de l’importance prise par les entreprises internationales dans la production sur le marché domestique, ainsi que du déficit chronique précédemment évoqué.

a.   Une position intermédiaire peu valorisante dans la répartition de la production pharmaceutique

● D’une part, les travaux de la commission d’enquête confirment la part plus que prépondérante prise par des industries pharmaceutiques étrangères dans la fabrication de nombreux principes actifs et de molécules, singulièrement celles des pays à bas coût. Pour l’essentiel, l’ensemble des données disponibles montrent une lourde dépendance à l’égard de l’Asie du Sud-Est, singulièrement de la Chine et de l’Inde.

Suivant un chiffre abondement commenté au cours des auditions ([653]), cette région du monde fournit près de 75 % des principes actifs et des molécules incluses dans les médicaments fabriqués en France, en conséquence d’une concentration des producteurs dans certaines classes thérapeutiques.

Il s’agit de produits matures, composés de molécules ou de principes actifs anciens ne faisant plus l’objet d’un brevet et dont la rentabilité exige un volume de production important. Ainsi que le montre l’étude publiée par PricewaterhouseCoopers (Pwc) en juillet 2021 ([654]), la part occupée par les fabricants établis en Asie croit tout au long du cycle de vie jusqu’à représenter de 60 % à 80 % de la production pour des molécules de plus de six ans. On remarquera que pour certains certificats de conformité à la pharmacopée européenne délivrés entre 2009 et 2019, elle peut atteindre d’emblée cette proportion écrasante. Les produits correspondent en l’occurrence à des molécules ou à des médicaments sur le point de devenir des commodités, avec de faibles volumes de production mais des procédés de fabrication complexes.

Dans une large mesure, la domination des fabricants établis en Asie porte sur la production des médicaments génériques, à raison de leur capacité à dégager des économies d’échelles, mais aussi en conséquence de l’expiration de la protection assurée à certains produits par les brevets.

RÉpartition des fabriCants de principes actifs dans le monde en 2020

Source : PricewaterhouseCoopers, Étude des vulnérabilités d’approvisionnement en APIs pour l’industrie pharmaceutique européenne, étude pour le SICOS, le Gemme et Les Entreprises du médicament (LEEM), juillet 2021 https://www.chimiefine-biochimie.fr/ETUDE-DES-VULNERABILITES-D

Devant la commission d’enquête ([655]), M. Vincent Touraille, président du syndicat professionnel de l’industrie chimique organique de synthèse et de la biochimie (Sicos Biochimie), a ainsi évoqué un véritable « generic cliff ». D’après son analyse, le transfert de la production des médicaments génériques en Asie s’explique d’abord par le fait qu’au tournant des années 2000, de nombreux fabricants de médicaments génériques ou « génériqueurs », souvent américains et parfois nouveaux, ont pu s’emparer de brevets expirés afin de produire à un meilleur prix en Asie. Or, l’expiration des brevets peut ouvrir la voie à l’acquisition d’une maîtrise sur les processus de production : selon le président du Sicos biochimie, « un laboratoire qui n’a plus la propriété intellectuelle sur son produit perd souvent 50 à 60 % des volumes ». Dès lors, la concurrence des pays à bas coût porte en elle la menace d’une éviction définitive de la France dans la production de médicaments anciens mais essentiels dans des traitements chroniques.

Pour autant, la nouvelle division du travail qui se dessine expose également la France au risque d’un déclassement dans la conception de produits innovants.

Ainsi que l’ont souligné plusieurs personnes auditionnées, dont M. Olivier Bogillot, président de la Fédération française des industries de Santé ([656]), les médicaments de demain sont souvent produits aux États-Unis ou dans d’autres pays. Or, parmi ces derniers, certains ont pu jouer un rôle décisif dans la prise en charge de personnes atteintes du syndrome de la Covid-19. Il en va ainsi des interleukine-6, molécules qui peuvent participer à la régulation d’inflammations aiguës et chronique du corps humain dans une phase de réaction immunitaire.

b.   Un mouvement d’externalisation contribuant à l’éclatement des chaînes de production

D’autre part, les éléments recueillis par la commission d’enquête tendent à illustrer les conclusions formulées au terme d’un certain nombre de travaux quant à la recomposition du paysage de l’industrie pharmaceutique ([657]).

Au-delà de la spécialisation et de la concentration, les mutations de l’industrie pharmaceutique ont donné lieu à un transfert d’activités des grands groupes vers les petites et moyennes entreprises, ainsi que vers les assembliers (sous-traitants), pour ce qui concerne les produits matures.

Suivant l’état des lieux dressés sur la base de son expérience personnelle par M. Alexandre Williams, président d’Athena pharmaceutiques ([658]), les multinationales se sont séparées de leur outil industriel et l’ont revendu à des acteurs comme Delpharm, Famar, Fareva ou des laboratoires de l’Association des moyens laboratoires et industries de santé (AMLIS). Par ailleurs, le bilan des deux dernières décennies comporte une croissance significative de l’activité confiée aux façonniers par les laboratoires ([659]). D’après les chiffres dont a fait état M. Stéphane Lepeu, président de CDMO France ([660]), les sous-traitants réalisent aujourd’hui la fabrication d’une boîte de médicament sur trois, contre une boîte sur cinq au début des années 2000. Au début des années 1990, cette activité relevait encore à 95 % des laboratoires.

Ainsi qu’il ressort des travaux de la mission d’information sur les médicaments, de tels transferts peuvent répondre à de multiples motifs. Certains participent d’une recherche de profitabilité : la production dans le secteur pharmaceutique étant très intensive en capital, les grands groupes tendent à se concentrer sur la production de médicaments les plus rentables, à se départir de certaines activités ou à les délocaliser ; ils peuvent également s’engager dans des rapprochements et fusions, mouvements à l’origine de l’émergence de groupes pharmaceutiques d’envergure mondiale désignés sous le vocal de « Big pharma » ([661]). Au-delà, des observateurs voient dans les mouvements de réorganisation de l’industrie pharmaceutique les conséquences d’un mouvement de financiarisation.

Quoi qu’il en soit, les transferts d’activités aboutissent à faire peser la charge de la fabrication de certains produits sur les PME et les façonniers et à complexifier l’organisation des chaînes de production.

Or, les analyses développées devant la commission d’enquête donnent à penser que le tissu des sous-traitants peut souffrir de vulnérabilités et, surtout, que les transferts de production déjà l’œuvre vers l’étranger pourraient se poursuivre. À l’instar de M. Alexandre Williams, président d’Athena pharmaceutiques, certaines personnes auditionnées entrevoient même le risque d’une disparition de certains pans de l’activité, à défaut de création d’usines pour la production de médicaments mature et en conséquence de défaillances nouvelles parmi les PME ([662]).

2.   Des risques de pénuries accrues dans la fourniture des produits de santé

De fait, l’ensemble des données disponibles mettent en évidence la multiplication des ruptures d’approvisionnement et/ou de ruptures de stocks, y compris pour des produits essentiels dans la prise en charge des patients. Une telle dégradation peut être déplorée pour les produits pharmaceutiques comme pour les dispositifs médicaux.

a.   Une multiplication des épisodes de pénurie en produits médicamenteux

● Dans le champ des produits pharmaceutiques, les ruptures dans l’approvisionnement des médicaments apparaissent en très nette hausse depuis près de 15 ans.

Suivant les chiffres cités dans la lettre de mission du Premier ministre adressée à M. Jacques Biot, en ouverture des travaux de la mission stratégique visant à réduire les pénuries de médicament essentiel ([663]), les signalements relatifs à des tensions dans l’approvisionnement des médicaments ont été multipliés par vingt entre 2008 et 2018 (de 44 à 868). Ce phénomène connaît depuis lors une très nette aggravation : le nombre des signalements relatifs à des ruptures de stock ou à des risques de rupture enregistrés par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) passe ainsi de 1 500 en 2019 à environ 2 500 en 2020. Il s’agit là d’un chiffre six fois supérieur à celui de 2016. Le graphique ci-après montre une augmentation de ruptures de stock de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) entre 2013 et 2017, puis l’accélération entre 2017 et 2019.

On notera toutefois que les chiffres précédemment ne portent que sur les produits pour lesquels le régulateur a été saisi. Le pic de signalement entre 2012 et 2013 s’explique d’ailleurs par la mise en place de l’obligation de signaler des ruptures de stock à l’ANSM. Devant la commission d’enquête, M. Pierre Luzeau a pour sa part indiqué que sur 4 800 substances disposant d’un certificat de conformité à la pharmacopée européenne – Certificate of suitability of monographs of the European Pharmacopoeia (CEP), il constatait des ruptures régulières d’approvisionnement sur 800 médicaments ([664]).

Évolution des signalements de ruptures de stocks
de mÉdicaments d’intÉrÊt thÉrapeutique majeur entre 2012 et 2019

Source : Jacques Biot, Rapport de la mission stratégique visant à réduire les pénuries de médicaments essentiels, rapport remis au Premier ministre, juin 2020.

Les auditions menées par le rapporteur ne permettent pas d’établir un inventaire précis de l’ensemble des spécialités objet d’une pénurie. En effet, il a été fourni à la commission d’enquête des exemples relativement divers, évoqués pour leur indisponibilité lors de la crise sanitaire provoquée par la Covid-19, tels que les corticoïdes ou le paracétamol.

● Pour autant, au vu des études existantes, il peut être affirmé que les ruptures d’approvisionnement affectent toutes les classes de médicaments et, plus particulièrement, les médicaments cardio-vasculaires, du système nerveux ou encore les anti-infections et anti-cancéreux.

D’après la typologie établie par M. Jacques Biot dans son rapport au Premier ministre ([665]), les pénuries observées portent sur des médicaments possédant cinq caractéristiques. Il s’agit :

 de médicaments « matures », issus de procédés chimiques de fabrication : 60 % au moins des ruptures constatées chaque année affectent des médicaments ayant bénéficié d’une autorisation de mise sur le marché il y a au moins 10 ans ; 65 % ont bénéficié d’une autorisation nationale de mise sur le marché et non d’une AMM européenne. Les médicaments victimes de pénurie appartiennent fréquemment à la classe des anti-infectieux (antibiotiques), des anticancéreux, des traitements du système nerveux central (antiparkinsoniens, antiépileptiques) : ils représentent près de 50 % des ruptures de stock de MITM. Ce constat vaut à l’échelle européenne et internationale.

– de médicaments fréquemment administrés sous une forme injectable, spécialités à plus forte technicité de mise sous forme pharmaceutique et faisant l’objet de normes réglementaires plus élevées : ils représentent 50 % à 60 % des ruptures en moyenne sur la période, suivis des médicaments relevant d’une forme orale sèche (environ 35 % des ruptures) ;

– des médicaments utilisés à l’hôpital (60 % des cas) ;

– des médicaments de gros volume représentant un flux continu de demande, mais aussi des médicaments de petit volume dont la consommation représente à peine un lot.

b.   Des manques en dispositifs médicaux sans doute préexistants mais mis en lumière par la crise sanitaire liée à la Covid-19

Pas plus que pour les produits médicamenteux, la commission d’enquête n’est en mesure de fournir une liste exhaustive des dispositifs et produits à usage médical susceptibles d’avoir fait l’objet d’une rupture d’approvisionnement durable. Les informations disponibles au terme de ses travaux portent néanmoins à conclure que le risque de pénuries existe et peut se matérialiser de manière inégale selon les circonstances, en raison du déséquilibre structurel de la balance commerciale pour ce secteur.

De fait, dans ses plus récents travaux([666]), le Haut-commissariat au plan recense 31 postes ou produits occasionnant chacun un déficit de plus de cinquante millions d’euros et qui, en 2019, représentaient un déficit cumulé de 7 milliards d’euros. Si cette estimation inclut des produits médicamenteux, elle présente cependant l’intérêt d’illustrer la diversité des besoins pas nécessairement satisfaits par l’industrie nationale. Parmi les produits identifiés par le Haut-Commissariat, on trouve ainsi, de manière ordinaire, les aiguilles, les cathéters, les canules, les antisérums, les stimulateurs cardiaques, des articles et appareils de prothèse dentaire, les bandes et pansements, les instruments et appareils d’anesthésie, les prothèses auditives, les pansements adhésifs.

Comme constaté au plus fort de l’épidémie de Covid-19, le champ des dispositifs et de produits à usage médical exposé au risque de rupture d’approvisionnement peut s’étendre très sensiblement. Outre l’exemple souvent cité du manque de masques et de respirateurs, la crise sanitaire a pu mettre en relief les difficultés que pouvait occasionner la délocalisation de certains produits dont la fabrication pouvait incomber à des sous-traitants, tels que les anesthésiants ou les produits stériles ([667]).

Des analyses développées devant la commission d’enquête, il ressort que les ruptures d’approvisionnements ainsi observées peuvent résulter de la fermeture temporaire des frontières. Mais les difficultés d’approvisionnement en masques soulignent au premier semestre soulignent aussi les enjeux qui entourent la présence d’unités de production sur le territoire national, ainsi qu’éventuellement la diversité des fournisseurs. Ainsi que l’a relevé le Haut-commissariat au plan ([668]), jusqu’en 2018, il existait en Bretagne des capacités de production qui, en théorie, pouvait fournir jusqu’à 200 millions de masques par an. Malheureusement, en conséquence de la fermeture du site par son propriétaire américain, la France s’est retrouvée dans l’impossibilité de subvenir à ce besoin à l’éclatement de la crise sanitaire – faute par ailleurs d’avoir maintenu les stocks précédemment constitués.

c.   Une disponibilité compromise par des fragilités industrielles et l’étirement des chaînes de production

De fait, l’ensemble des analyses développées devant la Commission établissent un lien très net entre l’existence de pénuries dans l’approvisionnement en médicament et la survenue de ruptures dans les processus de production. Si les interruptions peuvent intervenir dans des circonstances multiples, deux facteurs déterminants ressortent : d’une part, une mise sous tension généralisée de la chaîne de fabrication ; d’autre part, l’absence de diversité d’approvisionnement suffisante à une étape donnée de la fabrication.

Devant la commission d’enquête, M. Jacques Biot a ainsi souligné que « [l]es pénuries de caractère industriel sont liées à une difficulté soit d’approvisionner des principes actifs, soit d’effectuer la répartition, c’est-à-dire la mise sous forme pharmaceutique (la mise en seringue, par exemple, pour des injectables). Cette rupture survient en général parce que dans la chaîne de production du médicament, qui fait intervenir de très nombreux acteurs en séquences, l’une des séquences a été confiée à des opérateurs en situation de monopole ou d’oligopole très resserré et qui, pour des raisons multiples, ont rencontré des difficultés de nature industrielle. Il peut alors s’agir de problèmes purement matériels (une machine qui explose) ou de problèmes liés à la réglementation industrielle (impuretés qui sont venues se glisser dans le processus) ou de problèmes environnementaux (évolution des réglementations des pays hôtes) ou encore de problèmes d’approvisionnements rencontrés par l’industriel fabricant » ([669]).

Dans les conclusions remises au Premier ministre ([670]), M. Jacques Biot impute aux causes d’origines industrielles deux tiers des ruptures de stock signalées à l’ANSM. Selon son estimation, celles-ci résultent plus précisément :

– de facteurs économiques (dont les augmentations brutales de la demande adressée aux producteurs en activité) dans 20 % des cas ;

– de demandes de mises à jour réglementaires, pour 10 % à 15 % des signalements.

Pour sa part, M. Vincent Touraille, président du Sicos biochimie, a mis en exergue l’impact potentiel d’évènements géopolitiques ou de mesures discrétionnaires prises par certains États disposant d’une place décisive sur un ou plusieurs segments de fabrication des produits médicamenteux. D’après son analyse, le plan drastique de lutte contre la pollution et d’amélioration de la qualité de l’air en trois ans dit « Blue sky », lancé par la Chine en 2018, a ainsi pu occasionner des ruptures dans la fabrication de certains principes actifs, en conséquence des normes environnementales plus exigeantes. En effet, des producteurs intermédiaires ont été confrontés à une réduction de leur approvisionnement en matières premières du fait de la fermeture de certains sites chimiques locaux ou de la diminution de leur production ([671]).

En soi, l’état des lieux dressé devant la commission d’enquête correspond peu ou prou au diagnostic établi par PricewaterhouseCoopers quant aux vulnérabilités d’approvisionnement en principes actifs pour l’industrie pharmaceutique européenne. D’après cette étude, cinq causes peuvent ainsi être identifiées :

– des approvisionnements en intrants fragiles ;

– des chaînes de production complexes difficiles à maîtriser ;

– des productions avec des polluants à traiter, dont le coût de production pour répondre aux standards européens serait prohibitif ;

– des niveaux de prix bas ne permettant pas un positionnement économique soutenable

– une demande instable ne donnant pas la visibilité nécessaire aux fabricants ;

– une absence de production par les industries nationales.

Le rapport remis par Jacques Biot au Premier ministre ne conclut pas à une augmentation excessive du risque de pénurie en raison de la localisation des usines de fabrication de médicaments. Toutefois, du point de vue du rapporteur, la question demeure posée au regard des fragilités que présentent une chaîne de fabrication morcelée, ainsi que la réduction de la présence de certaines activités de production sur le territoire national.

De fait, les chiffres rendus publics démontrent une réduction du poids de la production domestique dans l’approvisionnement en médicaments. Aujourd’hui, 80 % de la production destinée au marché français proviennent de France et 95 % d’Europe, contre respectivement 90 % et 97 % il y a dix ans. Il y a vingt ans, les fabricants français et européens fournissaient respectivement 95 % et 99 % des médicaments destinés au marché français. Ces chiffres traduisent une dégradation progressive de la part des entreprises nationales et européennes dans l’approvisionnement du marché domestique.

Or, ainsi que le démontre le rapport de la mission d’information sur les médicaments ([672]), les délocalisations comptent parmi les facteurs de hausse des pénuries dans ce secteur de production. Les exemples cités par les personnes auditionnées peuvent aussi amener à la conclusion qu’en certaines circonstances, l’absence de diversité dans l’approvisionnement auprès de fournisseurs étrangers expose à des dépendances préjudiciables.

Il en va ainsi pour certains produits tels que les corticoïdes. Ainsi que l’a rappelé M. Olivier Bogillot, président de Sanofi France, la pénurie subie par la France au plus fort de la crise sanitaire constitue ainsi la conséquence directe de la fermeture d’un fournisseur chinois unique auprès duquel sept fabricants de générique achetaient leurs produits.

Bien que des unités de production aient pu être reconstituées, cet épisode n’en illustre pas moins le caractère très problématique d’un abandon de la fabrication d’un certain nombre de produits de santé ou le recentrage de la production française sur une gamme restreinte.

C.   Une spÉcialisation quelque peu datÉe au regard des innovations les plus rÉcentes DANS LES PRODUITS DE SANTÉ

Dans une certaine mesure, la filière des industries et technologies de santé se trouve aujourd’hui confrontée à des problèmes comparables à ceux que l’industrie française peut rencontrer du fait de son positionnement sur des produits de moyenne gamme. De ce point de vue, les éléments recueillis par la commission d’enquête peuvent contribuer à étayer des interrogations pré-existantes quant à la pertinence de l’offre de l’industrie pharmaceutique et à sa capacité à investir des segments porteurs.

De fait, suivant le décompte établi par le LEEM ([673]), sur les 404 médicaments autorisés par l’Agence européenne du médicament – European medecines agency (EMA) entre 2016 et 2020, seuls 33 ont été produits dans l’Hexagone, contre 82 en Allemagne, 68 au Royaume-Uni, 62 en Irlande et 42 en Espagne et 34 en Italie. La proportion se révèle assez stable ces dernières années puisqu’en 2019, selon les mêmes sources, le nombre des médicaments autorisés par l’EMA en provenance de l’Hexagone se limitait à 25 (contre 56 au Royaume-Uni et en Allemagne, 46 en Irlande et 28 en Italie) ([674]).

Ajoutées à l’incapacité à produire un vaccin contre la Covid-19, de telles statistiques ne peuvent qu’alarmer sur le renouvellement du portefeuille de spécialités pharmaceutiques et la place que peuvent y occuper les produits innovants. Sans nécessairement caractériser un décrochage français, les travaux de la commission d’enquête soulignent que l’industrie pharmaceutique pourrait pâtir durablement de deux insuffisances : en premier lieu, une offre française assez restreinte dans le champ des bioproductions et produits innovants ; en second lieu, une attractivité concurrencée en matière d’essais cliniques.

1.   Un retard sensible dans la conception et la commercialisation des bio-productions et des produits innovants

● L’ensemble des éléments recueillis par la commission d’enquête confirment en effet le caractère vieillissant de l’offre de produits pharmaceutiques.

Suivant une statistique couramment admise ([675]), la pharmacopée française se compose à 80 % de molécules chimiques et à 20 % de molécules biologiques. Or, les spécialités appartenant à la première catégorie correspondent à des médicaments anciens. D’après l’estimation de M. Patrick Biecheler, responsable Pharmacie monde au cabinet de conseils Roland Berger ([676]), « [l] es deux tiers des molécules qui composent ces médicaments ont en moyenne vingt ans d’existence depuis la date de publication de leur autorisation de mise sur le marché (AMM) ». Devant la commission d’enquête ([677]), le professeur Frédéric Bizard a précisé que l’industrie pharmaceutique française assure la production de plus de la moitié des médicaments non remboursés par la sécurité sociale qui présentent un service médical rendu faible. De son point de vue, il s’agit de la marque d’un abaissement de la gamme de production française.

Ainsi que le montre le tableau ci-après, la production nationale couvre aujourd’hui les aires thérapeutiques de manière assez inégale. Elle demeure très présente dans la fourniture des antihypertenseurs en cardiologie, des dérivés des opioïdes (douleur), des antidépresseurs ou encore dans les traitements du cholestérol.

part de la consommation de mÉdicaments couverte
par la production pharmaceutique franÇaise en 2020

En pourcentage de la consommation

Source : Hélène Gully, Enrique Moreira, « La relocation de la production de médicaments en cinq questions », Les Échos, 23 juin 2020, (d’après les données fournies par les Entreprises du médicament).

● Les travaux de la commission d’enquête accréditent par ailleurs l’idée selon laquelle l’industrie pharmaceutique française peine encore à s’engager dans le développement des produits innovants, en particulier des bio-productions.

Ainsi que l’a rappelé M. Olivier Bogillot, président de la FEFIS ([678]), les produits à base de molécules biologiques ne représentent aujourd’hui que 20 % des spécialités pharmaceutiques produites en France. D’après les éléments d’analyse communiqués par le LEEM, l’industrie nationale ne possède que 32 sites de bioproduction fabriquant des médicaments biologiques, principalement des vaccins ou des protéines recombinant. Les thérapies géniques ou cellulaires, la production de microbiote ou de tissus biologiques demeurent sous-représentées.

Le retard français se mesure également à l’aune des autorisations de mise sur le marché à l’échelle européenne. D’après les statistiques dont a fait état M. Pascal Le Guyader, directeur général adjoint du LEEM ([679]), sur 8 molécules déposées en 2020 par l’industrie nationale, seules 4 étaient d’origine biologiques (contre 26 déposées par l’Allemagne). Par ailleurs, la France se signale par le faible nombre de biothérapies produites en comparaison de ses concurrents européens : ainsi que le relèvent les documents de présentation du plan Innovation Santé 2030 ([680]), on recense 5 biothérapies en France en 2020, contre 21 en Allemagne et 12 en Italie (sur les 76 autorisées et commercialisées en Europe).

En soi, de telles statistiques démontrent que les innovations, en particulier biothérapeutiques, demeurent aujourd’hui très majoritairement produites à l’étranger. Suivant le constat de M. Patrick Biecheler ([681]), l’offre de l’industrie française reste réduite dans des champs thérapeutiques tels que le traitement des maladies auto-immunes et dégénératives, de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ou encore les anticorps monocolonaux.

Les éléments recueillis par la commission d’enquête donnent à penser que le développement de la filière des biothérapies a pu se heurter à deux obstacles.

Le premier obstacle tient à la perception même des potentialités et implications de ce nouveau champ d’innovation thérapeutique. Selon l’analyse de M. Stéphane Lepeu, président de CDMO France ([682]), « la France n’a pas cru dans ces biotechnologies et les CDMO ne se sont pas développés en ce sens ». Selon lui, en raison de questionnements éthiques, les autorités françaises n’ont pas fait preuve de volontarisme. Ce qui expliquerait que la France ne dispose pas à l’heure actuelle de pôles adossés à un écosystème fort comme à Boston, à Cambridge ou en Suisse.

Le second obstacle réside dans le coût du développement des unités de production. D’après M. Stéphane Lepeu, la construction d’un atelier de fabrication d’anticorps monoclinaux au niveau industriel nécessite un investissement de 150 millions d’euros quand un atelier de fabrication de comprimés ou de remplissage stérile représente une dépense de l’ordre de 5 millions et 25 millions d’euros. Il s’agit là de montants qui dépasseraient très nettement les capacités de financement des façonniers nationaux. Ainsi que le soulignent les documents de présentation du plan Innovation santé 2030 ([683]), la France compte actuellement moins de dix façonniers de taille intermédiaire ou « mid-sized ».

Il n’en demeure pas moins que les retards pris par l’industrie pharmaceutique française dans le champ des biothérapies exposent notre pays à une dévalorisation de son appareil de production, ainsi qu’à de nouvelles dépendances.

Selon les estimations des acteurs de la filière ([684]), les molécules biologiques devraient représenter 50 % de la pharmacopée française à l’horizon de 2030. Même si 75 % des nouvelles molécules validées chaque année pour devenir des médicaments reposent encore sur le procédé de la synthèse chimique ([685]), compte tenu de son retard, la France se prive de la possibilité de développer l’exportation de produits de haute valeur ajoutée et qu’elle doit importer.

Dès lors, l’attention nouvelle portée par les pouvoirs publics au développement des biothérapies ne fait que répondre à une nécessité objective.

Dans le cadre du plan d’investissement France 2030 dévoilé le 12 octobre 2021, le Président de la République a fixé pour objectif, d’ici au début de la prochaine décennie, la production de « 20 biomédicaments contre les cancers, les maladies chroniques dont celles liées à l’âge » ([686]). L’annonce s’inscrit en réalité dans la continuité de mesures inscrites au plan Innovation Santé 2030 présenté le 29 juin 2021, au terme d’une réunion du conseil stratégique des industries de santé (CSIS). Ces dernières visent à accélérer le développement des biothérapies et de la bioproduction de ces biothérapies.

Il reste à définir de manière précise les conditions pratiques de réalisation de l’objectif fixé par le plan France 2030, étant observé que la désignation des 20 biomédicaments devant faire l’objet d’un soutien ne va pas de soi. Devant la commission d’enquête, M. Didier Veron, président du G5 Santé, a ainsi estimé qu’il est encore tôt pour les identifier et que cette démarche pouvait impliquer des arbitrages, par exemple entre la thérapie génique et la thérapie cellulaire ([687]).

Comme il l’a souligné, le développement de la bioproduction donne lieu également à des projets structurants dans le cadre du contrat de filière des industries et technologies de santé. Il fait partie des priorités identifiées par les travaux du CSIS 2021. Une alliance France Bioproduction est en cours de constitution pour structurer l’ensemble de la filière.

L’Alliance France Bioproduction

À l’issue du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé tenu en décembre 2020, une initiative majeure a été annoncée pour renforcer les capacités françaises en matière de production des biomédicaments : la création d’une Alliance dédiée au sujet.

La filière se donne pour mission de porter en 10 ans la part de produits biologiques approuvés par l’Agence européenne du médicament et fabriqués en France de 5 à 20 %, avec à la clé, la création de 10 000 emplois en France d’ici 2030.

Cette future alliance contribuera à structurer la filière et aura pour mission de :

– réaliser la prospection et la facilitation des projets d’investissement ou de recherche en France ;

– assurer la coordination de projets de R&D, en lien avec la recherche académique et les intégrateurs industriels afin de transférer des innovations au service des acteurs privés et biotechs innovantes ;

– simplifier le paysage administratif en assurant le lien avec les territoires pour faciliter l’implantation ou l’extension des sites industriels ;

– assurer un lien fort avec les instances réglementaires locales, nationales et européennes ;

– développer une communication forte pour devenir la vitrine française de la filière de la production de biomédicaments.

À cette fin, deux pilotes ont été missionnés : M. Emmanuel Déquier, directeur du Grand Défi « Biomédicament : améliorer les rendements et maîtriser les coûts de production », et M. Jacques Volckmann, Vice-Président R&D France de Sanofi et président du conseil d’administration de l’initiative Bioproduction du CSF-ITS.

Dès lors, la commission d’enquête ne peut que recommander la plus large association des acteurs de la filière à la conduite des actions de nature à soutenir le développement de la bioproduction et des biothérapies.

Les mesures du plan Innovation santé 2030

relatives aux biothérapies et à la bioproduction

Le plan Innovation santé 2030 prévoit de consacrer près de 800 millions d’euros au développement des biothérapies et de la bioproduction de thérapies innovantes afin que la France devienne un leader en bioproduction pharmaceutique d’ici à 2030.

Dans cette perspective, il assigne trois objectifs intermédiaires à réaliser dans un délai de cinq ans :

– la production d’au moins cinq nouveaux biomédicaments ;

– le doublement du nombre des emplois du secteur (soit de 10 000 à 20 000) ;

– l’émergence d’au moins une nouvelle licorne et de cinq nouvelles entreprises de taille intermédiaire dans le champ des biotechnologies.

En outre, le plan innovation santé pose le principe d’une concentration des financements sur quatre domaines :

– les biotechnologies en oncologie ;

– les innovations en thérapie génique et cellulaire (hors oncologie) ;

– les nouveaux systèmes d’expression ;

– le développement d’unités de productions plus performantes et d’outils d’optimisation des systèmes de culture et de procédés de bioproduction.

Source : dossier de présentation du plan Innovation santé 2030, juin 2021, https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dossier_de_presse-innovation_sante_2030-fr.pdf

2.   L’enjeu renouvelé de l’accueil et de la réalisation des essais cliniques

La France compte aujourd’hui encore parmi les principaux d’Europe sur le plan de l’accueil et de la réalisation des essais cliniques. Cette place privilégiée s’explique par l’existence d’un savoir-faire reconnu et d’un tissu académique de qualité.

Ainsi que l’a rappelé M. Frédéric Collet, président du LEEM ([688]), dans le domaine de la lutte contre le cancer et de l’oncologie, un essai clinique européen sur deux est réalisé en France. Notre pays s’impose également comme une des nations leader dans le champ des essais cliniques à promotion académiques, comme observé au cours de la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19 ([689]).

ESSAIS CLINIQUES : MODES DE FINANCEMENT et mÉthodologie en 2020

Les essais non randomisés ([690])

 

Les essais randomisés

Source : Margaret Kyle et Anne Perrot, Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français, notes du Conseil d’analyse économique, n° 62, janvier 2021.

Cependant, l’attractivité de la France pour l’accueil et la réalisation des essais cliniques se voit remise en question, avec un recul de la troisième à la quatrième place en Europe. Les éléments recueillis par la commission d’enquête mettent en évidence deux difficultés qui, très largement, renvoient aux constats dressés par la mission d’information sur les médicaments de la commission des Affaires sociales ([691]).

● La première difficulté potentielle tient aux délais nécessaires à l’obtention des autorisations relatives à l’organisation des essais.

Il ressort ainsi des propos tenus par plusieurs personnes auditionnées que de manière ordinaire, les délais séparant les premières démarches administratives de l’inclusion des premiers patients peuvent atteindre plusieurs mois en France, contre seulement une quinzaine de jours dans des pays voisins ([692]). Cette appréciation apparaît cohérente avec les statistiques établies par La Banque publique d’investissement (Bpifrance) : en 2019, le délai entre les démarches administratives et le lancement effectif des essais s’élevait à 204 jours en France contre 189 en Espagne ([693]).

DÉMARRAGE D’UN ESSAI CLINIQUE EN FRANCE

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Source : BpiFrance citée par Rapport n° 4275 de Mme Audrey Dufeu et de M. Jean-Louis Touraine en conclusion de la mission d’information sur les médicaments, juin 2021.

Certes, ainsi que l’a expliqué Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ([694]), la comparaison des délais peut présenter des difficultés méthodologiques, compte tenu de la différence des indicateurs utilisés. En France, la computation des délais va du dépôt de la demande jusqu’à la signature de l’autorisation de l’essai clinique. Cette phase inclut par conséquent l’ensemble des courriers et échanges nécessaires à la prise de décision du régulateur. En revanche, à l’instar de l’Espagne ou de l’Allemagne, d’autres États européens prennent en considération la date du premier échange intervenu avec le demandeur. Dès lors, le délai affiché ne correspondrait pas à la date effective de l’autorisation.

Toutefois, les analyses convergentes développées devant la commission d’enquête portent à conclure qu’il existe un consensus sur la longueur des procédures d’autorisation des essais cliniques, malgré la baisse observée entre 2018 et 2019. À cette date, l’engagement d’un essai nécessitait 41 jours pour l’autorisation de l’ANSM (contre 59 jours en 2018).

À la suite du conseil stratégique des industries de santé (CSIS) de 2018, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a développé des procédures d’examen et de délivrance accélérée (ou fast tracking) en ce qui concerne les essais cliniques de traitement innovants, ainsi que les nouveaux essais avec une molécule connue.


Les dispositifs accélérés d’autorisation d’essais cliniques (Fast track) de l’ANSM

L’ANSM a pérennisé les deux dispositifs accélérés d’autorisation d’essais cliniques (Fast track) portant sur le médicament, mis en place le 15 octobre 2018, et élargis aux essais à design complexe et aux médicaments de thérapie innovante (MTI) depuis le 18 février 2019.

Fast Track 1  « accès à l’innovation » :

– essais nouveau médicament de design simple ou complexe : délai d’instruction au maximum de 40 jours ;

– essais nouvel MTI innovant : délai d’instruction au maximum de 110 jours.

Fast Track 2 « soutien au développement » :

– nouveaux essais avec un médicament connu : délai d’instruction au maximum de 25 jours ;

– nouveaux essais avec un MTI connu : délai d’instruction au maximum de 60 jours.

Selon l’analyse de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’ANSM ([695]), la réduction des délais résulterait de la mise en place de procédures accélérées poursuivant deux objectifs : tenir les objectifs assignés dans l’instruction des demandes ; satisfaire les nouvelles exigences formulées par le règlement (UE) n° 536/2014 du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain qui doit entrer en vigueur le 31 janvier 2022 ([696]). Toutefois, on ne peut écarter l’hypothèse que l’Agence ait privilégié l’examen des demandes relatives aux essais qui présentaient le plus d’intérêt au vu des menaces que comportait la diffusion de l’épidémie.

Le règlement EU 536/2014
relatif aux essais cliniques de médicament à usage humain

Le règlement EU 536/2014 relatif aux essais cliniques de médicament à usage humain entrera en vigueur le 31 janvier 2022. À compter de cette date, tous les projets de recherche répondant aux définitions de l’essai clinique ou de l’essai clinique à faible niveau d’intervention figurant à l’article 2 du règlement seront encadrés par ce règlement.

Principal changement, les essais cliniques ne pourront être mis en œuvre en France qu’après avoir fait l’objet de deux décisions favorables. L’une de ces décisions sera systématiquement française, l’autre sera française si l’essai n’est conduit qu’en France et européenne si l’essai est conduit dans plusieurs États membres européens. Comme dans chaque État membre européen, ces deux décisions seront regroupées en France sous la forme d’une décision unique nationale. La décision unique nationale ne pourra être favorable que si les deux décisions qui la constituent sont favorables.

 

Procédures

Chaque essai fera l’objet de deux décisions car le règlement prévoit que chaque dossier d’essai clinique de médicament soit construit en deux parties distinctes :

– la partie I sera un dossier commun à l’ensemble des États membres participants à la recherche. Elle comprendra le protocole de recherche et des documents relatifs aux produits ou à la mise en œuvre du protocole de recherche (brochure investigateur, respect des bonnes pratiques de fabrication, dossiers des médicaments expérimentaux et auxiliaire(s), avis scientifiques, étiquetage).

– la partie II sera un dossier élaboré pour la France spécifiquement. Elle comprendra les éléments concernant les modalités de recrutement, l’information, le consentement et l’indemnisation des participants, l’aptitude du ou des investigateur(s), l’adéquation des équipements et lieux de recherche, l’assurance du promoteur et le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD).

C’est la décision sur la partie I qui peut être française ou européenne. Elle sera émise par la France pour les essais conduits uniquement en France.

Pour les essais conduits dans plusieurs États membres, cette décision sera émise par un des États membres, dit « état rapporteur » et identifié comme tel lors de la soumission de l’essai. Cet État membre rapporteur sera chargé de faire circuler une proposition de décision à l’ensemble des États membres dans lesquels l’essai sera conduit et d’intégrer ensuite leurs observations dans sa décision finale relative à la partie I transmise au promoteur du projet d’essai clinique. Ainsi, pour les essais conduits dans plusieurs États membres européens, cette décision, pourtant constitutive de la décision unique pour la France, sera en réalité une décision européenne consolidée à partir des avis de tous États membres concernés afin que le résultat de l’évaluation de la partie scientifique du dossier soit le même pour tous les États. La France aura contribué à la construction de cette décision européenne. La France pourra également, sous certaines conditions, refuser la mise en œuvre sur son territoire d’un essai clinique qui aurait reçu une décision européenne favorable.

En France, selon l’article L.1124-1 du code de la santé publique, c’est l’ANSM qui est responsable de transmettre les résultats de l’évaluation par la France de la partie I du dossier. Conformément à l’organisation décrite ci-dessus, les résultats de cette évaluation prennent la forme d’une décision conforme transmise aux promoteurs pour les essais conduits en France ; et d’une contribution consultative, à destination de l’État membre rapporteur, pour les essais conduits dans plusieurs États membres.

En France, il est considéré que l’éthique de la recherche s’évalue à partir des deux parties du dossier d’essai clinique. Afin de permettre une évaluation de l’éthique de la recherche par les CPP sur la partie I, il est prévu que les CPP transmettent leurs observations sur la partie I du dossier à l’ANSM sous la forme d’un avis "consultatif" dont l’ANSM tiendra compte lorsqu’elle transmettra la décision (pour les essais cliniques français) ou contribution française (pour les essais cliniques européens) sur la partie I.

Selon le même article L.1124-1 du code de la santé publique, ce sont les CPP qui sont responsables de la décision sur la partie II. Cette décision est conforme dans tous les cas. Un projet d’essai clinique ne peut être conduit en France en cas d’avis défavorable émis par un CPP sur la partie II (même si l’essai a reçu un avis favorable sur la partie I).

Délais maximaux prévus

Pour une procédure standard d’essais médicamenteux, le délai maximal de réponse sera de 60 jours calendaires. Pour les essais plus complexes, des délais spécifiques seront applicables.

Les différentes procédures de gestion des essais cliniques de catégorie 1 portant sur les médicaments

Les différentes procédures de gestion des essais cliniques de catégorie 1 portant sur les médicaments de théraphie innovante

Source : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

Ainsi la question de la compétitivité des délais d’autorisation des essais par rapport à nos voisins européens sera sans objet demain, du fait de la mise en place d’un volet européen et de l’encadrement de chaque procédure dans des délais contraints.

● La seconde difficulté réside dans l’organisation même des essais cliniques, en particulier dans la phase de formalisation de son objet et d’incorporation des premiers patients.

Certes, la lourdeur évoquée par certaines personnes auditionnées ne paraît sans rapport avec la spécialisation de la France dans des essais cliniques complexes. Suivant la remarque de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, en sa qualité de directrice générale de l’ANSM, « il existe de grandes différences entre un essai clinique de pharmacocinétique mobilisant 20 patients et des essais sur des médicaments innovants de design très complexe, adaptatif, nécessitant 1 000 patients et mettant en œuvre des produits différents » ([697]). Des essais de designs complexes ne sauraient être menés aussi facilement que des essais de pharmacocinétique réalisés sur des porteurs sains.

Pour autant, il apparaît que l’engagement des projets de recherche clinique peut être sensiblement plus compliqué par rapport à d’autres États européens du fait des protocoles mis en œuvre, notamment dans un souci éthique. Suivant le constat établi par la mission d’information sur les médicaments ([698]), les éléments recueillis par la commission d’enquête tendent notamment à mettre en cause l’accumulation des étapes dans les processus d’évaluation et d’autorisation.

En l’occurrence, l’engagement des essais cliniques nécessite une notification auprès de la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine (CNRIPH), ainsi qu’un avis des comités de protection de la personne (CPP).

Structures agréées par le ministère de la Santé et comptant chacun 28 membres, les CPP se composent de deux collèges : un collège des professions médicales (médecins, pharmaciens, infirmiers) et un collège formé de non-scientifiques (juristes, spécialistes de l’éthique, représentant des usagers, etc.). Ils peuvent faire appel à des experts et à des spécialistes afin de les aider dans l’exercice de leur mission. Celle-ci consiste à évaluer la recherche engagée dans le cadre d’un essai clinique sur les plans scientifiques et éthiques : les CPP évaluent ainsi les conditions d’information et de consentement des participants aux essais cliniques, le bien-fondé et la pertinence du projet, ainsi que la qualité méthodologique. Ils s’assurent également du respect des droits des patients, notamment de la confidentialité et de la gestion des données personnelles.

Or, des spécialistes en économie de la santé auditionnés par la commission d’enquête estiment qu’une telle procédure peut peser sur les délais d’engagement des essais sans nécessairement améliorer la performance globale de la recherche clinique ([699]). Cette appréciation fait écho à l’analyse de la mission d’information sur le médicament qui, aux termes de ses travaux ([700]), soulignait que dans la période récente, les CPP pouvaient rendre leur avis au-delà de 60 jours après notification au demandeur par la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine (CNRIPH). D’après les chiffres fournis par la mission d’information, la délivrance des avis nécessitait 76 jours en 2019, délai certes en diminution par rapport à 2018 mais assez nettement supérieur à la durée d’évaluation constatée ailleurs en Europe. La mission y voit la conséquence d’un manque considérable de moyens, ainsi que d’un fonctionnement source d’inefficacité.

DURÉE MOYENNE DE L’Évaluation
par les comitÉs de protection des personnes en europe

Source : statistiques présentées au colloque de la conférence nationale des comités de protection des personnes (CNCPP) en juin 2019 par Mme Hansel-Esteller, professeur des universités praticien-hospitalier.

D’après les données rendues publiques, les délais moyens d’instruction s’élèvent désormais au maximum à 40 ou 25 jours selon le type d’essai, contre 60 jours auparavant. S’agissant des essais relatifs à la Covid-19, le rapport d’activité de l’Agence pour 2020 indique un délai moyen de délivrance d’autorisation de 26 jours (dont 7 jours pour l’évaluation des demandes), contre 55 jours pour l’ensemble des essais médicaments ([701]).

Par comparaison, d’autres concurrents européens semblent pouvoir conforter leur attractivité par la mise en place d’un cadre juridique plus propice à la réalisation de projets de recherche clinique.

D’après plusieurs personnes auditionnées, il en irait ainsi de la Belgique. L’attractivité de ce pays dans le champ des essais cliniques reposerait sur la simplicité de ces procédures et à des délais de traitement des demandes de l’ordre d’une quinzaine de jours pour la phase 1.

Interrogé par une délégation de la commission d’enquête ([702]), M. Xavier De Cuyper, administrateur-général de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) de Belgique, a reconnu que les performances en termes de délais de son agence étaient particulièrement bonnes, tout en minimisant l’importance de ce délai, par rapport à d’autres critères comme le milieu médical, dans les centres universitaires hospitaliers et en ville, à même d’accueillir la réalisation de ces essais cliniques.

Cependant, il ressort du point de vue développé par M. Frédéric Bizard que la réduction du temps de traitement des dossiers ne serait pas sans rapport avec des exigences moins étoffées que celles prévalant en France.

● En dernier ressort, il semble que la qualité des essais réalisés en France puisse prêter à discussion et ne pas nécessairement contribuer au dynamisme de la recherche dans le secteur pharmaceutique.

Dans une note récente du Conseil d’analyse économique consacrée à l’innovation pharmaceutique ([703]), Mme Margaret Kyle, professeure d’économie à Mines Paris Tech, et Mme Anne Perrot, inspectrice générale des finances, estiment ainsi que beaucoup d’essais cliniques sont réalisés en France sur la base de normes scientifiques faibles. De leur point de vue, cette situation s’explique par l’importance des essais non aléatoires (ou randomisés) en comparaison des essais menés à l’étranger. Ces essais posséderaient une moindre valeur dans la mesure où ils ne peuvent aboutir la preuve d’un lien de causalité entre la prise d’un produit et l’état de santé des patients inclus dans le protocole.

Si la commission d’enquête n’a pas été en mesure de mener des travaux approfondis sur ce point, la méthodologie et les conditions de réalisation des essais cliniques en France constituent à l’évidence des enjeux cruciaux pour la filière des industries et technologies de santé.

C’est la raison pour laquelle elle ne peut qu’appeler les pouvoirs publics à dégager les ressources nécessaires au développement de l’attractivité du territoire national pour l’accueil et l’organisation des essais cliniques. Dans cette optique, il importe de donner consistance aux annonces faites dans le cadre du plan Innovation santé 2030, notamment en déterminant les financements alloués à une action qui, quoique devant s’inscrire dans une politique globale de soutien à la recherche en produits de santé, nécessite durablement des ressources spécifiques.

Les mesures du plan Innovation santé 2030

portant sur le développement des essais cliniques

Le plan Innovation santé 2030 affiche l’ambition de faire de la France le pays leader en Europe dans le domaine des essais cliniques en prévoyant quatre orientations :

– la simplification et l’accélération du système d’autorisation des essais cliniques dont les comités de protection des personnes ;

– la reconnaissance et la valorisation des experts se mobilisant pour l’évaluation éthique des essais cliniques ;

– le renforcement du pilotage national et mobilisation de l’écosystème autour des établissements de santé pour améliorer la coordination accélérer les inclusions ;

– le développement de notre expertise méthodologique et opérationnelle dans de nouveaux types d’essais cliniques.

Les principales mesures annoncées à cette fin consistent à :

– alléger la charge des comités de protection des personnes (CPP) afin d’optimiser les délais nécessaires à la délivrance des avis, en spécialisant certains comités dans le traitement des dossiers relatifs aux essais de médicaments en provenance de l’Union européenne et en externalisant une partie des dossiers avec moins d’enjeux ;

– simplifier et clarifier le rôle de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ; créer un guichet unique pour la partie scientifique ;

– augmenter considérablement les moyens consacrés aux recherches impliquant la personne humaine – RIPH – (doublement des moyens financiers alloués aux CPP), poursuivre la modernisation du système d’information et finaliser le recrutement des renforts administratifs des CPP ;

– établir un pilotage national des relais RIPH par la direction générale de la santé, avec la transmission régulière des délais et une harmonisation des pratiques des CPP ;

– développer les essais cliniques en ville et travailler à l’intégration des résultats d’essais reposant sur d’autres méthodologies (vie réelle, in silico) ;

– mobiliser les établissements de santé et, notamment des centres hospitaliers universitaires, afin d’inclure plus rapidement les premiers patients dans les essais.

Source : dossier de présentation du plan Innovation santé 2030, juin 2021, https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dossier_de_presse-innovation_sante_2030-fr.pdf

II.   Des industries appelÉes À rÉtablir leurs capacitÉs d’innovation et de production afin de contribuer À l’Établissement d’une vÉritable autonomie sanitaire

À l’occasion de la crise sanitaire due à l’épidémie de la Covid-19, l’existence de pénuries dans l’approvisionnement de certains médicaments et de dispositifs médicaux a révélé au grand jour la place particulière que pouvait occuper la filière des industries et technologies de santé parmi l’ensemble des branches industrielles. Si elle présente tous les attributs d’un secteur économique, la filière répond en effet à des besoins vitaux et la disponibilité de ses produits conditionne la préservation d’un bien public précieux : la santé. En cela, elle fait partie des activités stratégiques non seulement pour le développement industriel, mais aussi pour la vie de la Nation.

Dans cette optique, les pouvoirs publics ont résolu de restaurer le dynamisme et le rayonnement des industries de santé, volonté qui s’affirme aujourd’hui dans le cadre du plan Santé innovation 2030, publié en juin 2021, et du plan France 2030, présenté par le Président de la République en octobre 2021. Indépendamment de l’appréciation portée sur les mesures qu’ils contiennent, l’avenir de la filière nécessite de répondre à trois enjeux : en premier lieu, la compétence, la formation et l’attractivité des métiers ; en deuxième lieu, la préservation de la compétitivité ; en dernier lieu, la contribution à l’objectif de sécurité global des approvisionnements en médicaments et produits médicaux.

A.   Un effort de recherche À renouveler, des savoir-faire À entretenir

L’investissement dans les innovations de demain et dans le développement des compétences constitue en effet des éléments déterminants de la compétitivité et du dynamisme de la filière des industries et des technologies de santé. Au regard de sa spécialisation et de la concurrence à laquelle il doit faire face, le secteur doit dans une certaine mesure relever des défis similaires à ceux auxquels se trouve confrontée l’industrie dans son ensemble afin de maintenir ses activités sur le territoire national et prendre part à une compétition renouvelée.

Suivant un diagnostic qui recueille aujourd’hui un assez large consensus – et qui imprègne les orientations de la feuille de route établie à la suite du conseil stratégique des industries de juin 2021 –, les travaux de la commission d’enquête mettent en exergue quatre besoins :

– le soutien des dépenses de recherche et de développement ;

– une nécessaire attention aux modalités d’industrialisation des innovations ;

– une meilleure exploitation des données de santé ;

– une préservation de l’attractivité des métiers.

1.   Des dépenses de recherche et développement à soutenir

● Comme précédemment observé, la filière des industries et technologies de santé se singularise par l’importance des ressources consacrées à la recherche et au développement (R&D). De fait, le tableau ci-après rend compte d’un quasi parité entre les dépenses publiques et les dépenses privées sur la période 2009-2018 : à cette date, les dépenses de R&D d’origine privée représentaient près de 48,11 % du total du financement en la matière.

Les éléments recueillis par la commission d’enquête peuvent offrir une autre illustration de l’importance de l’effort des entreprises en comparaison du reste de l’industrie française. Ainsi d’après les chiffres cités par M. Didier Veron ([704]), 16 % du chiffre d’affaires total des entreprises du G5 Santé, soit les principales entreprises françaises de la santé et des sciences du vivant ([705]), vont aux dépenses de R&D, ce qui représenterait un investissement total de 7 milliards d’euros. Parmi les 46 000 collaborateurs du G5 santé en France, 10 000 travaillent dans les centres de recherche et de développement.

Même s’ils présentent une portée inégale ou ne s’adressent pas spécifiquement au secteur, les investissements de la filière des industries et technologies de santé peuvent s’appuyer sur des mécanismes de soutien public à l’innovation assez développés. Outre le dispositif fiscal du crédit d’impôt recherche (CIR), il convient de citer notamment :

– les crédits du programme d’investissement d’avenir de quatrième génération (PIA 4) : couvrant la période 2021-2025, le PIA 4 devrait contribuer, outre le soutien à l’innovation et à l’écosystème de recherche, à financer une stratégie d’accélération ayant pour objet le développement de la « biothérapie et de la bio-production de thérapies innovantes » ([706]) ;

– le fonds pour l’innovation et l’industrie de la Banque publique d’investissement (Bpifrance) ;

– les « grands défis » : désignant des actions engagées en 2019 afin de favoriser le développement de filières ou de technologies d’intérêt national, ils sont financés par le Fonds pour l’innovation et l’industrie (F2I) ; il existe un « grand défi » relatif au développement de la bio-production ;

– les financements prévus dans le cadre du plan innovation Santé 2030, avec par exemple : un milliard d’euros destinés à renforcer la capacité de recherche biomédicale ; 800 millions d’euros afin de soutenir le développement de biothérapie et accompagner le développement du tissu industriel nécessaire ; 650 millions d’euros afin de favoriser la transition vers la « médecine 5P » (préventive, personnalisée, prédictive, participative et basée sur les preuves) grâce au numérique.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT PUBLIQUES ET PRIVÉES DANS L’industrie de la santÉ entre 2009 et 2018

(en millions d’euros)

Source : : DREES, Les dépenses de santé en 2018 (édition 2019), cité par France stratégie, Les politiques industrielles en France -Évolutions et comparaisons internationales, novembre 2020.

● Cependant, l’effort en recherche et développement dans le domaine de la santé peut être relativisé au regard en comparaison des investissements réalisés par nos concurrents étrangers, tant dans la sphère publique que privée.

D’une part, les éléments recueillis par la commission d’enquête confirment que les dépenses publiques consacrées au soutien de l’innovation sont plus faibles sur une longue période, plus faible et, de surcroît, accusent une baisse dans des domaines de recherche essentiels pour la filière des industries et technologies de santé.

Dans le champ de la recherche en santé, cette évolution peut être jugée d’autant plus dommageable qu’elle correspond à une baisse des investissements français au moment d’un changement de paradigme technologique où l’on passait de médicaments à base chimique à des médicaments biotechnologiques.

D’après les chiffres cités par le professeur Frédéric Bizard ([707]), le montant des crédits investis dans la recherche médicale et les sciences de la vie a reculé de 28 % par rapport à 2011 (estimés à 2,5 milliards d’euros contre 3,5 milliards d’euros). Par comparaison, le montant des dépenses consacrées à ce domaine en Allemagne s’élève à 6 milliards d’euros. Entre 2011 et 2018, ce pays a accru ses dépenses en recherche et développement de 11 %.

● Les analyses développées devant la commission d’enquête tendent à montrer que la disproportion des moyens alloués à l’innovation dans le domaine de la santé peut également être constatée entre les entreprises nationales et les entreprises françaises. Le classement réalisé par IQVIA ([708]) établit que Sanofi est aujourd’hui le seul groupe français à se classer parmi les plus grands groupes pharmaceutiques du monde. Cette situation influe nécessairement sur les ressources en matière de R&D. De fait, suivant l’exemple donné par M. Stéphane Lepeu, président de CDMO France, « [u]ne entreprise comme Lonza qui peut annoncer investir l’année prochaine à elle seule 950 millions d’euros dans les biotechnologies joue dans une autre catégorie que nous » ([709]).

S’il appartient au secteur privé de prendre toute sa part au développement de l’innovation, de tels constats ne peuvent qu’inviter, en premier lieu, à renouveler l’effort de l’État en faveur des investissements dans la recherche et le développement dans le secteur de la santé.

Du point de vue du rapporteur, une telle démarche pourrait appeler un accroissement des crédits du budget général alloués à l’ensemble des postes contribuant au développement de l’innovation, ce qui pourrait justifier une accélération de la trajectoire budgétaire inscrite dans la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 ([710]). Ce texte réaffirme l’objectif de porter les dépenses intérieures de recherche et développement des administrations et des entreprises à au moins 3 % du produit intérieur brut annuel et les dépenses intérieures de recherche et développement des administrations à au moins 1 % du produit intérieur brut annuel au cours de la décennie suivante. Pour autant, ainsi que l’ont souligné de nombreux observateurs, la hausse des crédits des différents programmes budgétaires entrant dans son périmètre ne devient réellement significative qu’à compter de 2024.

Dans la perspective d’un soutien public renforcé aux entreprises de la filière des industries et technologies de santé, il pourrait être expédient de porter le niveau des crédits prévus à cette échéance, avec un effort particulier en faveur de l’Agence nationale de la recherche (ANR).

En 2020, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) utilise 76,1 % de son budget, soit 736 millions d’euros, pour soutenir les recherches menées par les équipes dans le domaine médical ([711]).

Par ailleurs, en 2020, l’ANR a financé pour 154,7 millions d’euros les sciences de la vie, auquel il faut ajouter 25,9 millions d’euros pour le domaine transverse « santé et numérique », ce qui représente 35 % de ses engagements financiers.

La loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 prévoit une programmation pluriannuelle de la recherche (PPR) sous la forme d’un volume d’investissements pour tendre vers l’objectif de consacrer au moins 3 % du produit intérieur brut (PIB) aux activités de recherche et développement

25 milliards d’euros vont être investis sur les dix prochaines années au profit des organismes de recherche, des universités et des établissements. L’objectif est un budget annuel de 20 milliards d’euros en 2030, soit 5 milliards d’euros de plus qu’actuellement.

Cependant, le rapporteur ne peut considérer que ces montants sont suffisants pour financer tous les projets de recherche présentés par les structures de recherche publique.

Aussi, il souhaiterait que dans le cadre d’une accélération de la trajectoire budgétaire de la loi de programmation sur la recherche, les crédits fléchés vers la recherche en santé soient doublés. Dans ce cadre, il pourrait être envisagé notamment de porter les financements de l’ANR dans ce domaine à 350 millions d’euros par an – moyennant sans doute un exercice moins bureaucratique de ses missions et une évolution des procédures de sélection des projets de recherche.

Proposition n° 49 : a) Renforcer les financements publics dans la recherche fondamentale et appliquée en matière de santé et de biotechnologies, notamment dans le cadre d’une accélération de la trajectoire budgétaire de la loi de programmation sur la recherche pour les années 2021 à 2030, aboutissant à un doublement des crédits de l’Agence nationale de la recherche en direction de la santé.

Il faudrait que cet effort supplémentaire en matière de recherche soit dirigé vers le développement de vaccins et de traitements thérapeutiques d’avenir.

Après des années 2000 en demi-teinte, la dernière décennie a apporté un flux quasiment continu d’innovations, bouleversant notamment le pronostic de l’hépatite C, du mélanome, du lymphome de Hodgkin, de certains cancers du poumon.

D’ici à quelques années, nous assisterons à l’arrivée de vagues d’innovations thérapeutiques sans précédent : plus de 4 000 essais cliniques sont actuellement en cours dans le domaine du cancer. Même dans l’hypothèse où seul un dixième de ces développements conduirait effectivement à un nouveau médicament disponible pour les patients, le nombre et le rythme des innovations seront exceptionnels ([712]).

Cette explosion ne sera pas limitée au cancer : 445 essais cliniques sont en cours dans le domaine des maladies cardiovasculaires et 640 dans le domaine des maladies infectieuses.

Les traitements seront combinés avec des dispositifs médicaux et des applications connectés.

Ce concept de solution thérapeutique globale et intégrée existe déjà. Dans le diabète, différentes insulines peuvent être associées et administrées par une pompe implantée dans le corps, laquelle est pilotée par un dispositif connecté de mesure du taux de sucre dans le sang. Ce dernier est supervisé à distance par un système expert relié au téléphone du patient, qui s’auto-administre son traitement via une application.

Le champ des possibles paraît immense et augmente chaque jour. La richesse de l’arsenal thérapeutique, la capacité à mieux identifier les gènes ou encore la puissance des algorithmes de l’intelligence artificielle rendront les médicaments encore plus personnalisés, et mieux adaptés. Il y aura alors peut-être autant de protocoles de traitement que de personnes malades ; la médecine soignera non pas des maladies mais des personnes, qui pourront imprimer leurs prescriptions de médicaments à la maison, se faire opérer par des robots chirurgiens, se soigner avec des jeux et des dispositifs de réalité virtuelle.

Si la France veut garder une place dans l’innovation en santé qui se prépare, elle doit adopter une vision stratégique de long terme, qui ne peut être limitée aux enjeux réglementaires et financiers de la création et de la diffusion de l’innovation.

En effet, dans la recherche de nouveaux médicaments, comme dans les autres domaines de la recherche, il est crucial de faire une place importante aux créateurs.

Au regard des progrès par pathologie, figure le renouveau d’une approche ancienne intégrant quatre piliers : le progrès de la connaissance et de la compréhension des pathologies ; la prévention et le dépistage (avec des progrès majeurs à accomplir) ; les traitements ciblés ; et l’accompagnement de la qualité de vie du patient (médical, social, psychologique, mise en capacité).

L’innovation doit associer ces différents progrès avec une vue globale : quels sont les points faibles, les leviers. Il s’agit pour les acteurs des écosystèmes d’aller plus loin que les approches translationnelles, et d’intégrer les enjeux et liens vers les autres piliers.

Pour développer cette nouvelle approche thérapeutique, il importe qu’une partie de ces crédits soient fléchés vers les approches et traitements innovants en matière de vaccins et de thérapeutiques.

Proposition n° 49 : b) Dédier une partie de ces crédits supplémentaires à la recherche en matière de vaccins et de thérapeutiques innovants.

En second lieu, il importe de veiller à l’efficacité opérationnelle et à l’accessibilité de veiller à l’efficacité opérationnelle des dispositifs de soutien à l’innovation dans le domaine de la santé et à leur accessibilité pour les entreprises et les chercheurs.

Ainsi que l’ont souligné de nombreux intervenants, outre un relatif cloisonnement entre recherche publique et recherche privée, il manque aujourd’hui à la France un guichet unique susceptible d’assurer l’information et l’orientation des porteurs de projets, ainsi que de centraliser les aides au financement de l’innovation ([713]). Ceci ne rend que plus nécessaire l’établissement de structures susceptibles, à l’exemple du bureau de l’innovation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, d’apporter un accompagnement dans le montage de projets.

Par ailleurs, certains témoignages semblent fournir l’indice de difficultés à accéder à des financements publics dépendant de la participation à des appels à manifestation d’intérêt (AMI). Ainsi, d’après Mme Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du Gemme ([714]), des laboratoires concevant des médicaments génériques n’ont pas été associés au plan France 2030 parce que les critères retenus ne permettaient pas de répondre aux appels à manifestation d’intérêt.

Si la commission d’enquête ne dispose pas d’éléments lui permettant d’apprécier la pertinence des appels d’offres, elle ne peut toutefois qu’attirer l’attention du Gouvernement sur les conditions administratives de mise en œuvre du plan de relance et du plan France 2030.

En dernier lieu, compte tenu notamment de la modestie des ressources budgétaires, il convient de veiller à ce que le soutien à l’innovation bénéficie pleinement aux seules entreprises désireuses de développer leur activité sur le territoire national.

Ainsi que l’a rappelé Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe au sein du secrétariat général pour l’investissement ([715]), en l’état du droit, les conditions d’attribution des aides publiques à l’investissement portent sur l’objet des projets présentés en vue d’un financement, mais nullement sur la stratégie des entreprises. En outre, le droit de l’Union européenne interdit de réserver les financements publics aux seules entreprises nationales. Dans ces conditions, il ne peut être tout à fait exclu que des entreprises puissent s’installer à l’étranger après avoir financé en partie leurs activités de recherche sur fonds publics.

Si les contrôles existent quant à la réalité des projets, le rapporteur estime que, comme pour le dispositif fiscal du crédit d’impôt recherche, il pourrait être envisagé de conditionner l’attribution d’aides publiques à la recherche en matière de santé à un engagement clair que les activités de production subséquentes seront bien implantées sur le territoire national, comme il l’a proposé dans le cadre de la deuxième partie du présent rapport. L’une des conditions retenues pourrait être la durée de l’implantation ou la part du chiffre d’affaires réalisée par la production sur le territoire national, afin de prévenir d’éventuels effets d’aubaine.

2.   Une nécessaire attention aux modalités d’industrialisation des innovations

Au-delà du volume des ressources financières consacrées à la recherche et au développement, le renforcement du dynamisme des entreprises de la filière des industries et technologies de santé suppose d’améliorer les conditions de valorisation des découvertes et leur passage du stade de l’innovation à celui de produits industriels. Ainsi que l’a souligné M. Didier Veron, président du G5 Santé, la France figure encore parmi les premières nations innovantes, classée au 7ème rang mondial pour la production de brevets pharmaceutiques et biotechnologiques. Mais il existe une forte concurrence internationale ([716]).

● À bien des égards, comme observé pour l’industrie, l’identification et l’accompagnement des porteurs de projets innovants, éventuellement vers la création d’entreprises, constituent le premier enjeu.

Il existe aujourd’hui des initiatives publiques et privées destinées à assurer un débouché aux innovations qui peuvent soutenir la recherche et développement au bénéfice de la filière des industries et technologies de santé.

Dans la sphère publique, cette action repose notamment sur les dispositifs de valorisation des activités de recherche publique, développés par les institutions de recherche comme l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) auditionnés par la commission d’enquête. D’après les éléments transmis à la commission d’enquête ([717]), ces derniers visent à :

– « sourcer » et identifier les résultats de recherche susceptibles d’aboutir à des innovations : filiale privée de l’Inserm, Inserm Transfert rencontre à cette fin de 500 à 600 chercheurs ;

– détecter et protéger les inventions existantes : l’Inserm identifierait entre 250 et 300 déclarations par an ;

– favoriser le passage de la preuve de concept au stade de la fabrication industrielle : d’après Mme Pascale Augé, présidente du directoire d’Inserm Transfert, Inserm et Inserm Transfert ont investi plus de 20 millions d’euros depuis 2009 sur plus de 300 projets, afin de favoriser le transfert au monde économique des projets ayant acquis un degré de maturité suffisante pour l’exploitation de l’innovation ; ce transfert peut être opéré par le biais de licences prévoyant les conditions d’usage de l’innovation par les entreprises ;

– accompagner les chercheurs en vue de l’obtention de financements collaboratifs européens ou nationaux (tels que le programme de l’Union européenne Horizon 2020) ;

– accompagner vers la création d’entreprises.

Parmi les dispositifs destinés à permettre la valorisation de la recherche et qui ouvre la perspective d’une création d’entreprise, il convient également d’évoquer le rôle des sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT).

Créées dans le cadre des premiers programmes d’investissement d’avenir (PIA) en 2010, les SATT se présentent comme des structures destinées à favoriser l’exploitation des résultats de programmes de recherche et leur transfert vers le monde économique. Financées par le Fonds national de valorisation (FNV) du PIA, elles prennent la forme de sociétés par actions qui ont pour objet : en premier lieu, le financement des phases de maturation des inventions et de preuve de concept ; en second lieu, l’offre de prestations de services de valorisation auprès des acteurs locaux de la recherche et développement qui créent la valeur ajoutée scientifique et technologique. Le réseau des SATT compte aujourd’hui 14 structures sur le territoire national. Ainsi que l’a indiqué Mme Johanna Michielin, directrice générale de CNRS Innovation, le CNRS est actionnaire de l’ensemble de ces sociétés ([718]).

Les éléments communiqués par la commission d’enquête ne permettent pas de mesurer l’impact des SATT, en particulier dans le domaine de la recherche en santé. Toutefois, les quelques études disponibles tendent à mettre en lumière un impact positif sur les dépenses de recherche et développement des entreprises clientes des sociétés ([719]). Il s’agit donc d’un dispositif qui mérite un approfondissement, sous réserve d’une évaluation de leur fonctionnement dans la durée et de la valeur de leur modèle économique.

Le second enjeu pour le développement de la capacité d’innovation de la filière des industries et technologies de santé touche aux rapports entre les milieux académiques et les milieux industriels.

Ainsi que l’a souligné M. Olivier Bogillot, président de la FEFIS ([720]), la France ne possède pas à ce jour d’écosystème rassemblant unités de recherche et entreprises d’envergure mondiale dans les domaines de l’économie de la santé, à l’exemple de celui créé à Boston ([721]). Cette absence reflète sans doute une absence de moyens mais peut-être également des différences d’organisation et de positionnement. Du point de vue de M. Didier Veron, président du G5 Santé, les rapports entre recherche publique, recherche privée et collectivités publiques manquent en effet de fluidité ([722]).

L’exemple des écosystèmes bâtis autour de l’université catholique flamande de Louvain – Katholieke Universiteit Leuven – et du Biopark mis en place autour des centres de recherche de l’Univerté libre de Bruxelles à Charleroi montre également l’importance du positionnement des établissements d’enseignement supérieur et de la communauté académique.

D’après les constatations de la commission d’enquête lors de son déplacement en Belgique, la valorisation des résultats de la recherche académique est considérée comme une activité à part entière des universités qui, dans cet esprit, tendent à développer des structures destinées à exploiter les retombées économiques des découvertes réalisées. Par ailleurs, les pôles d’innovation ou clusters semblent tirer une certaine force d’un partenariat étroit entre universités, collectivités territoriales et entreprises locales dont les ambitions sont convergentes sur le long terme.

En Belgique, ces établissements universitaires ne sont pas des personnes publiques mais des fondations et donc des « personnes morales de droit privé poursuivant un but d’utilité publique » selon le droit belge. Si ce « modèle » ne paraît pas nécessairement transposable en France, la commission d’enquête estime qu’il ouvre des pistes de réflexion afin de conforter l’apport de la recherche académique au dynamisme de la filière des industries et des technologies de santé.

La Katholieke Universiteit Leuven a un budget de recherche total de 531,8 millions d’euros (hors Hôpitaux universitaires de Louvain), dont 80 % proviennent de sources externes – 46 % de financeurs régionaux ou nationaux sur appels d’offres, 8 % de financements européens et 26,7 % de contrats industriels. Ainsi, l’université a déposé 143 brevets en 2020 et perçu 107 millions d’euros au titre des licences accordées à l’industrie pour valoriser sa recherche ([723]).

Selon les informations recueillies par la délégation de la commission d’enquête à Louvain, les revenus de la valorisation servent notamment à financer le développement de la recherche et de l’innovation issues des travaux des recherches ou de start-ups, notamment en finançant des incubateurs pour les projets d’entreprises de valorisation.

En France, si l’article L. 123-2 du code de l’éducation prévoit que « Le service public de l’enseignement supérieur contribue […] à la croissance et à la compétitivité de l’économie et à la réalisation d’une politique de l’emploi prenant en compte les besoins économiques, sociaux, environnementaux et culturels et leur évolution prévisible », la valorisation de la recherche ne fait partie des missions des universités et institutions d’enseignement supérieur.

Tout en reconnaissant que le modèle d’une université de droit privé n’est pas directement reproductible en France, il semble au rapporteur qu’il serait utile de faire de la valorisation de la recherche une des missions des établissements publics d’enseignement et de recherche.

À défaut, il conviendrait de renforcer, au sein de ces institutions, les dispositifs d’accompagnement à la valorisation de la recherche, afin de créer un continuum entre recherche publique et privée en matière de développement de médicaments.

À titre d’exemple, la faculté de technologie et d’ingénierie de l’université de Louvain prévoit que toutes les thèses déposées pour l’obtention d’un PhD – équivalent du doctorat – devront comporter un chapitre sur un plan de valorisation de la recherche effectuée ([724]).

Il apparaît nécessaire de mieux valoriser les carrières des chercheurs et notamment leurs activités en termes de valorisation de la recherche. Ainsi, outre le nombre et la qualité des publications, le nombre de brevets déposés pourrait être davantage pris en compte dans la valorisation des carrières académiques.

Proposition n° 50 : Organiser le développement commun d’écosystèmes d’innovation, proposant un continuum entre recherche fondamentale et développement des médicaments, par la contractualisation des liens entre centres de recherche universitaire et pôles de compétitivité en santé.

3.   L’exploitation des données de santé : une activité ouvrant des perspectives nouvelles pour les industries françaises

Avec le développement des bio-productions et biothérapies, l’exploitation des données de santé représente un tournant majeur dans l’économie de la santé. Sur un plan thérapeutique, cette nouvelle pratique ouvre en effet la perspective d’une personnalisation des traitements et d’une plus grande efficacité de la pharmoco-vigilance, voire de la veille sanitaire.

Suivant un constat renouvelé par les travaux de la commission d’enquête, la France possède indéniablement des atouts qu’il importe aujourd’hui de capitaliser afin d’assurer le développement de nouvelles activités susceptibles de contribuer au dynamisme de la filière des industries et technologies de santé.

● Ce potentiel national résulte de l’existence d’outils centralisés de collecte des données de santé anonymisées.

Prévue par la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, la Plateforme des données de santé (PDS), également appelée « Health Data Hub » (HDH), a été créée par arrêté du 29 novembre 2019 pour faciliter le partage des données de santé, issues de sources très variées afin de favoriser la recherche.

Sa création a ainsi pour ambition de répondre au défi de l’usage des traitements algorithmiques (dits d’« intelligence artificielle ») dans le domaine de la santé et suit les préconisations du rapport de notre collègue Cédric Villani de mars 2018 ([725]).

Les missions de la Plateforme, fixées par l’article L. 1462-1 du code de la santé publique, consistent à :

– réunir, organiser et mettre à disposition des données, issues notamment du système national des données de santé (SNDS) et promouvoir l’innovation dans l’utilisation des données de santé ;

– informer les patients, promouvoir et faciliter l’exercice de leurs droits ;

– contribuer à l’élaboration des référentiels de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ;

– faciliter la mise à disposition de jeux de données de santé présentant un faible risque d’impact sur la vie privée ;

– contribuer à diffuser les normes de standardisation pour l’échange et l’exploitation des données de santé ;

– accompagner, notamment financièrement, les porteurs de projets sélectionnés dans le cadre d’appels à projets lancés à son initiative et les producteurs de données associés aux projets retenus.

Suivant l’analyse de M. Olivier Bogillot, président de la FEFIS ([726]), la France peut ainsi tirer parti de la qualité du SNDS, ainsi que de la bonne structuration du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) dans les établissements de santé. Du reste, d’après ses informations, la base française est celle qui comporte le plus de patients dans un lieu unique et elle fait partie de celles que les laboratoires consultent avec celles du Danemark et d’Israël.

● La filière des industries et technologies de santé paraît aujourd’hui se positionner afin d’investir ce nouveau champ de croissance.

L’exploitation des données de santé figure ainsi parmi les priorités identifiées dans le cadre du contrat stratégique de filière. Dans le prolongement des orientations affirmées par le conseil stratégique des industries de santé de juin 2021, le plan Innovation santé 2030 prévoit le déploiement d’une stratégie autour de la santé numérique, conçue de manière large et intégrant dans son champ l’exploitation des données de santé ([727]).

Suivant les précisions apportées par Mme Sophie de La Motte de Broöns, secrétaire générale de la FEFIS ([728]), les démarches entreprises en vue du développement de l’exploitation des données aboutissent aujourd’hui à la mise en place d’un premier cas d’usage autour du traitement du cancer.

L’exploitation des données repose sur une coopération public-privé, en entre l’institut national du cancer (INCa) et huit industriels qui ont investi chacun un million d’euros. L’association de filière « Intelligence artificielle et cancer » a été créée en septembre 2021, avec un budget public-privé doté de 16 millions d’euros – ce qui constitue une première. Elle travaille en partenariat avec des associations de patients sur un ensemble de projets et de génération de données afin de développer des prises en charge thérapeutiques plus adaptées.

4.   Des compétences à préserver et le défi renouvelé de l’attractivité des métiers

Il ressort en effet de l’ensemble des analyses développées par les interlocuteurs de la commission d’enquête que la filière des industries et technologies de santé rencontre des difficultés de recrutement, pour un nombre très divers de postes, même si le déficit de main-d’œuvre peut d’abord concerner des profils techniques.

À l’instar d’autres branches industrielles, la filière semble se heurter principalement à un déficit d’image. Selon une étude d’opinion dont a fait état M. Philippe Truelle, vice-président de l’AMLIS ([729]), « moins d’un jeune sur six est désireux de travailler dans l’industrie pharmaceutique, malgré l’élan qu’aurait dû générer la pandémie ». Les métiers proposés dans le secteur demeurent assimilés à des métiers salissants, exigeants et complexes.

Par ailleurs, les conditions de travail ne constituent manifestement pas un facteur d’attractivité bien qu’elles paraissent plus avantageuses que dans d’autres industrielles. Suivant les éléments apportés par M. Pascal Le Guyader, directeur général adjoint du LEEM ([730]), le salaire moyen du secteur du médicament s’élève à plus de 3 000 euros (contre 2 300 euros dans l’ensemble du secteur privé). En outre, toutes les grandes entreprises ont des accords d’intéressements et de participation pour les employés.

Comme pour l’industrie de manière générale, le déficit d’image dont souffre la filière des industries et technologie de santé pose en partie la question de l’orientation professionnelle des jeunes, ainsi que de la place de la culture scientifique dans notre société.

Ainsi que l’a affirmé M. François Bayrou en sa qualité de Haut-Commissaire au plan, le développement dans les années 1960 d’un enseignement des mathématiques davantage fondé sur des abstractions a pu détourner certains jeunes de professions exigeant un bagage scientifique ([731]).

Au-delà, le renouvellement et la pérennité des nécessités d’un renouvellement et d’une pérennité des savoir-faire exigent des mesures ayant pour la valorisation des métiers de la recherche en rapport avec les activités des industries de la santé. Ceci nécessite la poursuite des efforts en faveur de l’apprentissage mais aussi la valorisation de la recherche dans l’accomplissement des missions des établissements supérieurs, comme il a été détaillé infra. dans la deuxième partie.

B.   Un dÉveloppement conditionnÉ par la prÉservation de la compÉtitivitÉ des entreprises et la conduite d’une politique de filiÈre

Si la filière des industries et des technologies de santé peut s’appuyer sur un marché assez largement solvabilisé par la dépense publique, elle n’en demeure pas moins exposée à des contraintes de rentabilité, ainsi qu’à la concurrence européenne et étrangère. Comme précédemment observé, ses performances économiques tendent à s’amenuiser depuis le tournant des années 2000, en conséquence d’une compétition internationale accrue, ainsi que d’un renouvellement insuffisant de son offre.

En conséquence, deux axes de travail, par ailleurs identifié par les acteurs, doivent être approfondis : d’une part, des adaptations de l’environnement fiscal et normatif ; d’autre part, le soutien à l’innovation et à la croissance des entreprises.

1.   Des adaptations de l’environnement fiscal et normatif sans doute nécessaires dans le contexte d’une internationalisation des industries de santé

Opérant dans une économie de la santé très largement internationalisée, la filière des industries et technologies de la santé peuvent subir une concurrence fondée à la fois sur la compétitivité coût et sur la compétitivité hors coût.

● Sur le premier plan, comme précédemment indiqué à propos des médicaments génériques, l’implantation des activités dépend des conditions de production, notamment de la taille du marché et des coûts de fabrication, ainsi que de l’environnement social et de la fiscalité. En cela, la filière des industries et technologies de santé ne se distingue pas fondamentalement des autres branches industrielles.

Ainsi, devant la commission d’enquête, l’ensemble de ses acteurs ont mis en exergue les difficultés qui pouvaient résulter d’une fiscalité plus lourde en général et comportant des impositions spécifiques.

S’agissant des entreprises du médicament, suivant une étude comparative avec d’autres États européens, dont fait état le LEEM ([732]), constitueraient un désavantage pour la France :

– le niveau des taux des impositions générales pesant sur l’ensemble des entreprises, à savoir l’impôt sur les sociétés (IS), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;

– l’existence de taxes additionnelles (telles que la cotisation foncière des entreprises – CFE) et l’application de taxes pesant spécifiquement sur l’activité pharmaceutique ([733]) qui comporteraient des modes de calcul complexe ;

– la complexité de la structure des impositions en général.

Il ressort par ailleurs des auditions de la commission d’enquête que les baisses d’impôts de production réalisée depuis 2017 et accélérées dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2021 sont perçues comme susceptibles d’améliorer la compétitivité des entreprises de la filière des produits de santé, mais insuffisante afin de combler des écarts encore significatifs avec la concurrence.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement les industries du médicament, M. Philippe Lamoureux, directeur général du Leem, a affirmé que les dernières études réalisées rendaient compte d’une amélioration de la fiscalité générale plus que compensée par l’alourdissement de la fiscalité sectorielle ([734]).

● Sur le plan de la compétitivité hors-prix, l’ensemble des analyses développées devant la commission mettent en cause l’exigence des normes, ainsi que leur instabilité.

Du point de vue du LEEM ([735]), le manque de cohérence dans le temps du droit applicable constituerait un facteur extrêmement pénalisant pour les entreprises dans leur choix d’investissement. Une telle appréciation concorde avec celle formulée par M. Philippe Truelle, vice-président de l’AMLIS ([736]) qui a déploré le temps et l’énergie que devaient fournir les personnels de PME pour mettre en œuvre des procédures parfois complexes.

Les éléments transmis à la commission d’enquête ne permettent pas de mesurer l’impact exact de la fiscalité sur le dynamisme des entreprises de la filière des produits de santé. Dans une certaine mesure, la comparaison avec d’autres législations fiscales ne va pas de soi dès lors que le droit national comporte des mécanismes d’exonération et d’exemption ayant pour effet de diminuer l’impact d’un taux facial élevé. Du reste, la situation fiscale des entreprises de la filière doit sans doute être appréhendée en considérant l’évolution globale de la fiscalité des entreprises.

En revanche, l’existence de taxes propres à la filière, comme les taxes pesant sur les industries pharmaceutiques, pourrait mériter un examen afin de s’assurer qu’elles ne causent pas de distorsion de concurrence.

PrÉlÈvements spécifiques supportÉs par les laboratoires pharmaceutiques

Source : Leem, Bilan économique 2021 https://www.leem.org/sites/default/files/2021-10/BilanEco2021.pdf d’après Commission des comptes de la Sécurité sociale, ANSM, CEPS, Gers

Proposition n° 51 : Examiner l’impact des taxes spécifiquement applicables aux industries de santé afin de prévenir les distorsions de concurrence.

Un même souci de préservation de la compétitivité pourrait conduire à examiner la proportionnalité des normes applicables à la fabrication des produits de santé et des dispositifs médicaux, sous réserve de préserver la sécurité des patients et des consommateurs.

Proposition n° 52 : Veiller à la proportionnalité des normes applicables à la fabrication des produits de santé et dispositifs médicaux aux exigences raisonnables de sécurité des patients et consommateurs.

2.   Un indispensable soutien et encouragement à l’émergence de nouveaux champions de l’industrie de santé en France

Le présent rapport n’entend pas trancher le débat sur les avantages comparés d’une politique privilégiant le soutien à l’émergence des start-ups par rapport à celles misant sur la consolidation du tissu des PME de santé.

● De manière générale, la filière des industries et technologies de santé se heurte à des difficultés assez similaires à celles d’autres branches industrielles du point de vue de la capacité des entreprises à se développer et à changer d’échelle. Le problème demeure celui de l’amorçage et de la croissance des « jeunes pousses ». Suivant le mot de M. Michaël Danon, directeur général adjoint Groupe Pierre Fabre ([737]), « les jeunes pousses (start-ups) françaises peinent à devenir des "licornes" dans le domaine de la santé ». Une telle difficulté semble concerner autant le secteur du médicament que celui des dispositifs médicaux. D’après l’état des lieux dressé par le SNITEM ([738]), 53 % des entreprises interrogées affirment avoir constaté un manque de financement post-amorçage.

Certes, dans les évolutions récentes des économies de la santé, le rachat d’une start-up par un grand groupe constitue une pratique relativement répandue, les entreprises établies s’assurant par ce biais le moyen de capter l’innovation et de prévenir une potentielle concurrence. Toutefois, l’ensemble des éléments recueillis par la commission d’enquête portent à conclure en l’existence d’un problème de financement pour des entreprises positionnées sur des innovations de rupture dans le domaine de la santé, suivant l’importance de l’investissement.

Suivant le constat de Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe au sein du SGPI ([739]), il subsiste une faille de marché pour les très gros « tickets » ou apports d’investissement, même si « les fonds mobilisés à la suite au rapport de M. Philippe Tibi ([740]) ont permis de financer l’innovation de rupture et les start-ups dans le cadre des programmes d’investissements d’avenir. À l’avenir, l’État devra continuer à soutenir l’industrialisation, ainsi que les gros tickets d’investissement des start-ups françaises ».

Cet état des lieux rejoint l’analyse de Mme Nathalie Coutinet, maîtresse de conférences à l’Université Sorbonne-Paris Nord ([741]) qui souligne la faiblesse des « tickets » moyens de financement et les aléas du recours au capital-risque. Ce problème se pose notamment dans le financement des biotechnologies. D’après les chiffres dont a fait état Mme Coutinet, « le ticket moyen de financement des biotechnologies est de 8 millions d’euros en France, contre 12 millions d’euros au Royaume-Uni et 25 millions d’euros en Allemagne ». De son point de vue, « l’écosystème de financement qui fonctionne bien est celui des États-Unis, avec des sommes distribuées par l’Autorité de recherche et de développement biomédicaux avancés – Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA) ».

En soi, les difficultés de financement des start-ups dans le domaine de la santé renvoient aux problèmes plus généraux qui peuvent contraindre l’investissement dans l’industrie, à savoir la faible liquidité des marchés boursiers et le développement limité du capital-risque.

Suivant l’état des lieux dressé par Mme Pascale Augé, présidente du directoire d’Inserm Transfert ([742]), « lorsque les montants dépassent 20 millions d’euros, les projets s’inscrivent souvent dans le cadre d’une syndication entre investisseurs français et internationaux puisque les investisseurs français ne sont pas capables de porter seuls des syndications de long terme ». Cependant, ce n’est pas nécessairement un sujet majeur. Les acteurs français et internationaux parviennent sans difficulté à assurer le financement des start-ups spécialisées jusqu’à des investissements de l’ordre de 30 à 50 millions d’euros selon les sous-domaines de la santé humaine. En revanche, pour des tours de table allant au-delà de 100 à 150 millions d’euros, il n’existe pas nécessairement de fonds en France afin de mettre en place une syndication nationale.

● Face à ces défaillances de marché, la puissance publique s’est dotée d’instruments de soutien qui contribuent à financer l’amorçage dans le domaine de l’économe de la santé.

Cette action repose notamment sur les mécanismes de garantie et les fonds mis en place par la Banque publique d’investissement (Bpifrance). Ainsi que l’a rappelé M. Nicolas Dufourcq, directeur général de l’établissement ([743]), Bpifrance est à l’origine de la création, en 2013, du premier et du plus important fonds français de capital croissance, appelé « Large venture » dans le champ des essais cliniques. Une structure de cette sorte a pu contribuer a augmenté le volume des capitaux levée par les entreprises françaises de la biotech.

Il convient également de signaler la création de start-ups par l’Inserm qui, selon les chiffres communiqués à la commission d’enquête aurait levé depuis 15 ans près de 1,150 million d’euros ([744]).

Toutefois, il apparaît que quoique leader mondial dans ce domaine, la France peine à conserver ses start-ups dans la medtech du fait de leur rachat par de grands groupes américains, ce qui freine l’émergence d’entreprises de taille intermédiaires.

Proposition n° 53 : Favoriser un accroissement du soutien public apporté au développement des start-ups, notamment par le biais des fonds et des garanties de la Banque publique d’investissement.

Compte tenu des failles de marché persistantes, la commission d’enquête estime nécessaire un accroissement du soutien public apporté au développement des start-ups, notamment par le biais des fonds et des garanties de Bpifrance. Dans cette optique, il pourrait être envisagé de diminuer le montant à partir duquel la Banque publique peut intervenir dans la constitution de tour de table.

Proposition n° 54 : Diminuer le montant des opérations à partir duquel la Banque publique d’investissement peut intervenir dans la constitution d’un tour de table destiné à financer la croissance des start-ups.

C.   Une politique de sÉcurité globale des approvisionnements À concevoir en considÉration des vulnérabilitÉs inhÉrentes à une dÉpendance extÉrieure excessive

Pour le rapporteur, il importe de mener une réflexion globale sur les moyens de garantir, en toutes circonstances, la continuité de l’approvisionnement du Pays en produits de santé essentiels. Si la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19 a révélé au grand jour des lacunes de l’appareil productif national, elle a également permis de prendre la mesure des risques inhérents à la fragmentation des chaînes de production, à la spécialisation des entreprises, ainsi qu’aux aléas des relations internationales.

Dans le contexte de circonstances exceptionnelles, l’État et les collectivités territoriales ont pu être amenées à prendre des mesures destinées à pallier l’indisponibilité soudaine de produits et de dispositifs à usage médical. Si l’on considère la santé comme un bien public, sa préservation justifie qu’en des temps plus ordinaires, la collectivité s’assure de la capacité de la filière des industries et technologies de santé à répondre aux besoins primordiaux de la population.

Dans cette optique, deux instruments méritent d’être évalués : en premier lieu, l’établissement d’obligations de stockage pour les entreprises de santé ; en second lieu, la planification des moyens et ressources participant à la continuité d’approvisionnement en produits sanitaires indispensables à la vie de la Nation.

1.   L’établissement d’obligations déclaratives et de stockage : une action nécessaire mais non suffisante face aux risques de tensions et de pénuries

Afin de prévenir les conséquences d’une pénurie brutale de médicaments, la France mène depuis plusieurs années une action relativement volontariste qui poursuit deux objectifs : d’une part, disposer d’un état des lieux des capacités de production par le biais de documents déclaratifs nécessaires à la commercialisation sur le territoire ; d’autre part, prévenir les ruptures dans l’approvisionnement de produits jugés indispensables à la santé publique par des obligations faites aux entreprises de provisionner une partie de leur production.

Dans la période récente, l’attention portée par les pouvoirs publics à la continuité de l’approvisionnement en médicaments a donné lieu à la prise de mesures législatives et réglementaires, notamment dans le cadre de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et dans celui de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Elle motive par ailleurs la présentation d’une feuille de route pour la période 2019-2022, intitulée Lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France ([745]).

La traçabilité des produits fabriqués sur le territoire national repose en partie sur trois documents déposés auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) :

– l’autorisation de mise sur le marché (AMM) : le dossier remis à l’ANSM répertorie les sites de production des médicaments et des principes actifs enregistrés au moment de la délivrance de l’AMM ;

– l’état des lieux annuels (EDL) : remis chaque année par les exploitants de médicaments en France, le document présente en annexe la liste des principes actifs utilisés, ainsi que leur localisation ;

– les plans de gestion des pénuries (PGP) : revêtant un caractère confidentiel, ces documents exposent les mesures que les exploitants de médicaments à intérêt thérapeutique majeur (MITM) s’engagent à prendre afin de prévenir les éventuelles ruptures de stock.

Au-delà, la législation française permet d’imposer aux titulaires d’autorisation de mise sur le marché, aux entreprises pharmaceutiques, ainsi qu’aux organismes exploitant ou distribuant un médicament en France, de provisionner un volume donné de produits. En outre, elle comporte la notion fondamentale de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM). L’article L. 5111-4 du code de la santé publique ([746]) les définit comme étant « les médicaments ou classes de médicaments pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients à court ou moyen terme, ou représente une perte de chance importante pour les patients au regard de la gravité ou du potentiel évolutif de la maladie ». D’après les chiffres fournis par Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’ANSM, environ 6 000 des 12 000 spécialités commercialisées entreraient dans la catégorie ([747]).

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ([748]) a notablement renforcé les obligations destinées à garantir la disponibilité des produits médicamenteux.

Dans sa nouvelle rédaction, l’article L. 5121-29 du code de la santé fait ainsi obligation aux opérateurs précités de constituer un stock de sécurité destiné au marché national. Les produits ainsi provisionnés peuvent être entreposés sur le territoire national, sur celui d’un autre État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.

En ce qui concerne les MITM, l’article L. 5121-32-1 du même code autorise le directeur général de l’ANSM à faire procéder par l’entreprise à l’importation de toute alternative médicamenteuse, à proportion de sa part dans la couverture des besoins au cours des six mois précédant la rupture de stock. Cette procédure ne peut être mise en œuvre qu’en cas de rupture ou de risque de rupture présentant pour les patients un risque grave et immédiat, et dès lors qu’il n’existe pas d’alternatives médicamenteuses disponibles sur le territoire national et que les mesures prévues par l’entreprise défaillante ne suffisent pas ([749]).

Pris sur le fondement de la loi du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 et entré en vigueur le 1er octobre 2021, le décret n° 2021-349 du 30 mars 2021 relatif au stock de sécurité destiné au marché national prévoit l’obligation de constituer un stock minimal de sécurité équivalant à au moins deux mois de couverture des besoins. En outre, il confère au directeur de l’ANSM le pouvoir d’augmenter d’office la taille du stock minimal de sécurité, dans la limite de quatre mois de couverture des besoins. Cette prescription ne vaut que pour les spécialités faisait l’objet de risques de ruptures ou de ruptures de stocks réguliers dans les deux années civiles précédentes ([750]).

Par ailleurs, le décret précise le contenu des plans de gestion des pénuries devant être établies pour les MITM. Élaborés sous leur responsabilité par les titulaires d’AMM et les entreprises pharmaceutiques exploitant des médicaments, les plans doivent respecter les lignes directrices fixées par la décision du directeur général de l’ANSM. Ils doivent comporter : des prévisions relatives à la constitution de stocks de sécurité destinés au marché national ; l’identification des spécialités pharmaceutiques pouvant constituer une alternative. Ils peuvent également prévoir d’autres sites de fabrication de matières premières à usage pharmaceutique et d’autres sites de fabrication des spécialités pharmaceutiques.

Sur le strict plan du droit, les autorités sanitaires peuvent donc s’appuyer des obligations et des prérogatives relativement étendues afin de prévenir la survenue de pénurie, au moins dans le champ des médicaments. En pratique cependant, rien n’assure de l’efficacité de ce dispositif.

Devant la commission d’enquête ([751]), M. Gildas Barreyre, secrétaire général du comité exécutif du Groupe Seqens, a ainsi jugé que si l’ANSM et les autorités de santé européenne pouvaient « tracer » les ruptures, elles demeuraient dans l’incapacité d’en déterminer précisément les origines. De son point de vue, leur analyse ne permettrait pas d’appréhender la chaîne de fabrication dans sa globalité et se limiterait au niveau des hôpitaux.

Le rapport remis par M. Jacques Biot en juin 2020 ne livre pas un autre diagnostic ([752]): il met en exergue l’impossibilité de connaître, de manière précise et en temps réel, l’état des capacités de production de médicaments, ainsi que l’existence d’éventuels risques de pénurie (à raison de difficultés des producteurs ou d’évolution de la demande). Le rapport explique cette difficulté par le caractère théorique et non actualisé des données fournies par l’autorisation de mise sur le marché, de l’état des lieux annuels et des plans de gestion des pénuries.

Il relève ainsi que « les dossiers d’AMM comportent des données relatives aux sites de fabrication mais ne renseignent pas sur le ou les sites réellement actifs à un instant donné : les déclarations incluent le plus fréquemment plusieurs sites dont un seul est effectivement mis en fonction (les autres étant validés à titre de « backup » mais pas nécessairement en situation de lancer instantanément une production de lots). Dès lors, les autorisations de mise sur le marché n’offrent pas un aperçu représentatif de la réalité de la production et ne permettent de savoir quelles capacités théoriques pourraient être utilisées.

Même s’ils ne présentent pas de caractère circonstancié, certains témoignages devant la commission d’enquête suggèrent que des opérateurs de l’industrie pharmaceutique ne procèdent pas nécessairement à l’actualisation de documents, tels que les dossiers de modification de produits ([753]). Dès lors, l’obligation de signaler à l’ANSM tout risque de rupture de stock ou toute rupture de stock d’un MITM ([754]) perd nécessairement de sa portée.

Outre le respect des obligations déclaratives, l’efficacité du dispositif de prévention des pénuries de médicaments apparaît tributaire de la capacité de traitement des informations contenues dans les documents adressés aux autorités sanitaires.

Sur ce plan, il ressort du rapport de M. Jacques Biot que des documents transmis à l’ANSM ne peuvent être réellement exploités. Il en va ainsi des états des lieux annuels dans la mesure où ils ne font pas l’objet d’une téléprocédure et demeurent sous format brut dans les serveurs de l’ANSM, sans possibilité de traitement systématique.

La capacité d’anticipation des ruptures d’approvisionnement en produits de santé constitue un enjeu essentiel pour la préservation de la souveraineté sanitaire de la France. Dès lors et sans méconnaître les efforts fournis par l’ANSM, la question des moyens dont disposent les autorités sanitaires afin d’identifier les origines des pénuries peut être posée.

Aussi le rapporteur recommande de travailler à la mise en place d’instruments de suivi des disponibilités et d’anticipation des pénuries et ruptures d’approvisionnement en temps réel.

Au-delà du renforcement des ressources humaines de l’ANSM, il paraît utile de conforter les outils mis en œuvre pour l’accès et le traitement des données relatives à la disponibilité des produits. Dans l’esprit du rapporteur, cette démarche pourrait impliquer : le développement ou l’optimisation des téléprocédures, afin d’améliorer l’accomplissement des obligations déclaratives et l’actualisation des documents dans des délais brefs ; la rénovation des systèmes d’information afin de mieux valoriser les données transmises.

Dans cette optique, il importe d’assurer les mesures retenues par la feuille de route 2019-2022 telles que l’accessibilité de la plateforme DP-Ruptures ([755]) à l’ensemble des distributeurs de médicaments ou la mise en place d’un outil partagé de signalement des indisponibilités de médicaments. Il pourrait aussi expédient de développer l’information et la coordination entre l’ANSM et les agences régionales de santé (ARS) dans l’objectif d’une meilleure gestion des informations relatives aux ruptures d’approvisionnement.

Proposition n° 55 : a) Mettre en place des instruments de suivi des disponibilités et d’anticipation des pénuries et ruptures d’approvisionnement en temps réel.

2.   Une indispensable planification des moyens et ressources participant à la continuité d’approvisionnement en produits sanitaires indispensables à la vie de la Nation

Au cours de la crise sanitaire provoquée par la Covid-19, la filière des industries et technologies de santé a certes pu faire montre d’une certaine capacité d’adaptation. L’état des lieux dressés devant la commission d’enquête tend à rendre compte de la capacité de certaines grandes entreprises à reconvertir leurs chaînes de production afin de fournir les produits dont l’approvisionnement ne pouvait plus être garanti, en conséquence de la fermeture des frontières ou du défaut d’un fournisseur. Il en va ainsi de Sanofi qui, d’après les dires de son président France M. Olivier Bogillot ([756]), a pu contribuer à pallier les manques constatés dans la fourniture en corticoïdes en consacrant à la fabrication de cette substance une partie de ces chaînes de production.

Néanmoins, le bilan de la période souligne tout autant les difficultés à remédier à des ruptures soudaines d’approvisionnement en l’absence d’opérateurs établis sur le territoire national et en mesure de répondre à la demande domestique. Du point de vue de la commission d’enquête, les désordres engendrés par la crise sanitaire due à la Covid-19 démontrent ainsi la nécessité de disposer non seulement de stocks mais aussi de capacités de production mobilisable. Il s’agit là à l’évidence d’une condition primordiale de la souveraineté sanitaire.

La réalisation de cet objectif implique, en premier lieu, une planification et une préservation des ressources indispensables à la fourniture des produits de santé essentiels.

En soi, une telle démarche ne paraît pas hors de propos au vu des initiatives prises par de grands pays et concurrents de la France dans le domaine de l’industrie pharmaceutique. Il ressort ainsi du tableau brossé par M. Pierre Luzeau, président du Groupe Seqens ([757]), que la poursuite de l’objectif de souveraineté sanitaire donne lieu aujourd’hui à l’établissement de véritables stratégies destinées à protéger l’approvisionnement en produits médicaux. Sur ce plan, les États-Unis font figure d’exemples : depuis un décret présidentiel d’août 2020, l’État fédéral peut édicter des mesures visant à garantir que les médicaments essentiels, les contre-mesures médicales et les intrants essentiels sont fabriqués sur leur territoire ([758]). À un moindre degré, la stratégie de double circulation ou dual circulation model prôné par la Chine ([759]) ou la politique pour une Inde auto-suffisante ou self reliant India adoptée par les autorités indiennes ([760]) participent d’une stratégie similaire.

Dans ce contexte, il importe d’établir une cartographie des secteurs d’activités et produits de santé exposant le Pays à une dépendance excessive vis-à-vis de ses concurrents. Du point de vue de la commission d’enquête, un tel exercice pourrait tout à fait s’inspirer du plan de mobilisation préconisé par le Haut-Commissariat au Plan pour l’ensemble de l’industrie française ([761]). Il conviendrait cependant qu’il repose sur une approche large en prenant en considération les enjeux qui s’attachent à la maîtrise des intrants et des matières premières – ce qui indirectement pose la question de l’état de l’industrie chimique.

Ainsi que l’a expliqué M. Antoine Reveilleau, président de Seratec, la conception des principes actifs fait appel à des composés de chimie lourde aujourd’hui indisponibles en Europe, « car certaines technologies n’y existent quasiment plus, telles que la fluoration, la nitration et la chloration ». En effet, ces dernières reposent sur des processus chimiques sales, odorats et générateurs de déchets. Or, il s’agit des premiers maillons des constituants qui sont assemblés et dont la réaction aboutit à la création des principes actifs.

Le volume des matières premières importées constitue un autre paramètre essentiel d’une stratégie de souveraineté sanitaire. Pour ce qui concerne la France, un rapport du Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques établi en 2017 estimait que 35 % des matières premières utilisées dans la fabrication des médicaments en France provenaient de trois pays : l’Inde, la Chine et les États-Unis. La dépendance de l’industrie pharmaceutique nationale se lit également dans le nombre de fabricants de composés ou matières premières établis dans l’hexagone. D’après une étude du LEEM évoquée au cours des auditions ([762]), il n’existe plus que 24 fabricants de matières premières en France contre 350 en Chine et en Inde. Pour 100 substances bénéficiant d’un certificat de conformité à la pharmacopée européenne – Certificates of suitability of Monographs of the European Pharmacopoeia (CEP) et produites en France, 2 000 sont comptés en Chine et en Inde.

Pour des raisons d’efficacité et compte tenu de la diversité des enjeux, la cartographie des secteurs d’activités et produits de santé essentiels devra nécessairement intégrer les réflexions menées dans le cadre du CSIS et des organisations professionnelles à propos de la liste des principes actifs indispensables.

Si le plan Innovation Santé 2030 a identifié des besoins et des domaines appelant des investissements prioritaires, les pouvoirs publics ne disposent pas nécessairement aujourd’hui de tous les éléments qui permettraient d’identifier les produits et capacités de production nécessaires à la préservation de la souveraineté sanitaire. Dès lors que la réalisation de cet objectif exige une connaissance très précise et actualisée du tissu industriel, il paraît utile d’exploiter si nécessaire les travaux sectoriels déjà réalisés par les acteurs de la filière de l’industrie et des technologies de santé, telle que la cartographie de l’ensemble des acteurs des bioproduction réalisée par Les Entreprises du médicament (LEEM) ([763]).

En second lieu, l’élaboration du plan de mobilisation que la commission d’enquête préconise suppose de déterminer la pertinence et les conditions d’une relocalisation de certaines capacités de production, y compris par l’intervention de la puissance publique.

Dans le contexte créé par la crise sanitaire due à la Covid-19, l’État a engagé une politique tendant à la réimplantation d’unités de production de certains médicaments jugés critiques qui repose sur deux instruments :

– d’une part, le plan de relance décidé en septembre 2020 et dont les crédits ont été votés par le Parlement dans le cadre de la loi de finances pour 2021 ;

– d’autre part, les appels à manifestation d’intérêt (AMI) Capacity building dans le domaine de la santé lancé le 18 juin 2020. Ces AMI Capacity building visent à favoriser une croissance très rapide de la production de médicaments impliqués dans la prise en charge des patients atteints de la Covid-19. À cet effet, ils apportent un soutien à la réalisation de projets consistant soit à développer des capacités de production nouvelles dans des usines existantes, soit à implanter des lignes de production des médicaments qui manquent en Europe. Après un premier AMI lancé en juin 2020 et doté de 120 millions d’euros en provenance des crédits du programme d’investissements d’avenir ([764]), un second AMI doté de 300 millions d’euros a été lancé en février 2021 ([765]).

Les financements publics débloqués pour la relocalisation de la production pharmaceutique

Pour faire face à l’urgence sanitaire, la France a mis en place un régime d’aides dérogatoire permettant d’accorder des financements significatifs dans le cadre de deux appels à manifestations d’intérêt (AMI) destinés aux industries de santé :

– à court terme, ces dispositifs doivent assurer la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la chaîne de fabrication de vaccins et de thérapies innovantes, pour accroître significativement les capacités de production en produits de santé contre la Covid-19 ;

– à moyen et long termes, ils doivent permettre la reconstruction du tissu industriel pharmaceutique français et contribuer à la réappropriation de la souveraineté industrielle.

Tous dispositifs confondus depuis juin 2020, le Gouvernement a soutenu 166 projets portés par les industries de santé. Cela a permis de déclencher 1,42 milliard d’euros d’investissement industriel, dont 683 millions de soutien public. Ce sont 6 000 emplois qui ont été créés ou confortés.

Les appels à manifestation d’intérêt « Capacity building»

L’appel à manifestation d’intérêt (AMI) « Capacity building » est un dispositif de l’État découlant du Programme d’investissement d’avenir (PIA) : il vise à financer les projets de recherche et développement, et à accompagner l’industrialisation des produits de santé. Il concerne notamment les réponses immédiates apportées pour restreindre la propagation de la Covid-19 et de ses variants ; à terme, il assurera la résilience et le renforcement de l’industrie.

Sont éligibles à l’AMI « Capacity building» les sociétés qui produisent :

– les médicaments impliqués dans la prise en charge des patients souffrant de Covid-19 (produits de thérapies innovantes ou produits matures, principes actifs ou intermédiaires) ;

– les vaccins contre la Covid-19 (nouvelles générations, multi-cibles, composants indispensables aux opérations de conditionnement, consommables nécessaires aux techniques d’injections des doses) ;

– les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et les outils impliqués dans les stratégies de dépistage et de diagnostic de la Covid-19 (y compris les consommables plastiques, les réactifs, les robots et les automates nécessaires à ces activités) ;

– les dispositifs médicaux impliqués dans la prise en charge des patients.

Juin 2020 : le premier appel à manifestation d’intérêt (AMI)

Le premier appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé le 18 juin 2020 et clôturé en décembre 2020, était destiné à accompagner les projets d’investissements permettant de faire croître très rapidement la production de médicaments impliqués dans la prise en charge des patients atteints de la Covid-19.

Au 8 février 2021, le Gouvernement avait sélectionné 17 projets pour un montant total d’aides octroyées de plus de 160 millions d’euros.

Février 2021 : le deuxième AMI

Suite à ce succès, le Gouvernement a annoncé le 8 février 2021 le lancement d’un deuxième AMI.

Le 26 novembre 2021, 25 nouveaux projets lauréats ont été annoncés par le Gouvernement. Ces nouveaux projets lauréats représentent un investissement industriel de l’ordre de 585 millions d’euros et ont bénéficié d’un montant total d’aide du Gouvernement de près de 365 millions d’euros (soit un taux d’aide de plus de 60 %) versé sous la forme d’avances remboursables. En cas de d’atteinte des objectifs des projets, près de 50 % des aides versées pourront être convertis sous la forme de subventions.

Parmi les lauréats retenus :

– 14 projets portent sur le renforcement de toute la chaîne de production de vaccins contre la Covid-19 et représentent une aide d’État de 184 millions d’euros ;

– 6 projets de production de médicaments, y compris les substances actives et leurs intermédiaires, pour la prise en charge des patients atteints de la Covid-19 (hors vaccin), représentent une aide d’État de 160 millions d’euros ;

– 5 projets couvrent la filière des dispositifs de diagnostic de la Covid-19 et du dispositif médical (composants pour injection) et représentent une aide de 22 millions d’euros.

Résultats des deux AMI

Au total 42 projets contre la COVID-19 ont été soutenus depuis juin 2020, pour un total de 830 millions d’euros d’investissement, dont 519 millions de soutien public. Environ 1 900 emplois ont été créés ou confortés.

Le volet « soutien à l’investissement et la modernisation de l’industrie »
du plan France Relance

Présenté le 3 septembre 2020, le plan France Relance est une feuille de route pour la refondation économique, sociale et écologique du pays. Le Gouvernement y consacre 100 milliards d’euros, soit l’équivalent du tiers du budget annuel de l’État.

Six milliards d’euros du plan France relance pour le secteur de la santé

Cet investissement court sur les cinq années à venir. Trois chantiers ont été identifiés :

– la transformation, la rénovation, l’équipement et le rattrapage numérique dans les établissements médico-sociaux (2,1 milliards d’euros) ;

– l’investissement en santé dans les territoires (2,5 milliards d’euros) ;

– le rattrapage du retard dans l’interopérabilité et la modernisation des outils numériques de santé (1,4 milliard d’euros).

L’appel à projets (AAP) Résilience

En parallèle, la direction générale des entreprises (DGE) et Bpifrance ont mis en œuvre un appel à projet visant à soutenir, à l’échelle nationale, les projets d’investissements industriels dans six secteurs stratégiques. Ouvert dans un premier temps du 31 août au 17 novembre 2020, l’appel à projet a été renouvelé au titre de l’année 2021. Les candidatures étaient ouvertes jusqu’au 1er juin 2021.

Cet AAP a permis de soutenir 11 projets contre la COVID-19 depuis septembre 2020, pour 120 millions d’euros d’investissement, dont 39 millions de soutien public. Au total ce sont près de 850 emplois qui ont été créés ou confortés.

D’après les chiffres communiqués par la ministre déléguée chargée de l’Industrie ([766]), 166 projets de relocalisation présentés par les opérateurs des industries de santé bénéficient aujourd’hui d’un soutien financier, au titre du plan France relance et de l’appel à manifestation d’intérêt. Les projets porteraient sur les médicaments, la fabrication de vaccins sur le plan européen (avec des unités de conditionnement et de finition), les dispositifs médicaux et les dispositifs de diagnostics. Selon l’estimation de Mme Agnès Pannier-Runacher, les financements mobilisés dans ce cadre – soit 680 millions d’euros – permettraient de susciter des investissements industriels d’un montant total de 1,4 milliard d’euros et de créer ou de préserver 6 000 emplois.

Parmi les projets de relocalisation ainsi soutenus figure notamment la réimplantation de la production du principe actif du paracétamol par le groupe Seqens à Roussillon dans l’Isère.

Il ressort des déclarations des représentants du groupe ([767]) que la compétitivité du projet a été appréciée à l’aune de trois paramètres : premièrement, la maîtrise acquise et conservée dans la technologie de fabrication du principe actif, ainsi que le développement d’un procédé technique de nature à réduire les rejets dans l’air et dans l’eau de cinq à dix fois ; deuxièmement, la possibilité de s’implanter dans un écosystème favorable, soit en l’espèce une plateforme multimodales offrant un accès immédiat à de l’énergie décarbonée, à des utilités, à de la logistique d’approche ; troisièmement, la prévisibilité quant à la rentabilité de l’investissement favorisée par les engagements obtenus auprès de Sanofi et d’UPSA, partenaires du Groupe Seqens.

Cela étant, l’obtention d’un soutien de l’État au titre de l’éligibilité du projet aux financements du plan France relance ne paraît pas voir joué un rôle négligeable dans l’arbitrage en faveur de la relocalisation de la production de paracétamol à Roussillon. Suivant les précisions apportées par M. Gildas Barreyre, secrétaire général du comité exécutif du groupe Seqens([768]), le soutien de l’État représente près de 30 % du coût du projet. Il permettrait de financer la recherche dans des innovations de rupture qui permettent d’atteindre un seuil de compétitivité, ainsi que des standards en termes de sécurité, de qualité et de respect de l’environnement. En cela, il ferait plus que compenser le différentiel sur les investissements par rapport à la Chine et à l’Inde.

Les projets de relocalisation de la production
de principes actifs par le groupe Seqens

En 2020, Seqens a exprimé sa volonté d’investir près de 65 millions d’euros sur cinq sites français en vue de la réalisation de trois projets retenus par France relance : la création d’une unité de production d’antiviraux et d’anticancéreux (à Aramon, dans le Gard) ; l’augmentation d’ici 2022 de ses capacités de production d’alcool isopropylique d’ici début 2022 – l’un des principaux solvants utilisés dans la production de principes actifs et de produits de désinfection, comme le gel hydroalcoolique.

En juin 2021, a été annoncée la création d’une usine de paracétamol sur le site que possède le groupe à Roussillon (Isère). Le projet vise la mise en service, à partir de 2023, d’une capacité de production de 10 000 tonnes de paracétamol (soit 30 % de la consommation du marché européen).

Deux laboratoires conditionnant et distribuant le paracétamol (UPSA et Sanofi) se sont engagés à recourir à ce producteur pour fournir le marché européen pendant plusieurs années. L’État, par l’intermédiaire de France Relance, a pris en charge 30 % de l’investissement.

Par ailleurs, Seqens envisagerait la relocalisation de certains intermédiaires et principes actifs (comme le propofol, un anesthésique qui s’est avéré critique pendant la crise sanitaire) sur ses sites de Bourgoin-Jallieu (Isère), de Couterne (Orne), Limay (Yvelines) et Porcheville (Yvelines), également à horizon 2022.

Sans mettre en cause la pertinence du projet, au regard du coût pour les finances publiques, la question se pose des critères retenus dans le choix des opérations de relocalisation. Les analyses développées devant la commission d’enquête tendant à montrer que cet arbitrage ne va pas de soi.

De manière générale, la plupart des personnes auditionnées s’accordent à penser qu’il ne saurait être envisageable de relocaliser l’ensemble des molécules et principes actifs actuellement produits à l’étranger.

La réalisation d’un tel objectif semble devoir se heurter, en premier lieu, aux capacités présentes de l’appareil industriel français.

Il ressort ainsi de l’état des lieux établis par M. Vincent Touraille, président du syndicat professionnel de l’industrie chimique organique de synthèse et de la biochimie (Sicos Biochimie), que même si les sites sont assez agiles et sont capables de fabriquer de nombreuses molécules, ils sont limités dans ce nombre en raison des contraintes en termes de qualité. D’après son estimation, un site de taille moyenne fabrique 20 à 25 principes actifs différents. Sur une quarantaine de sites, ayant une production comprise entre 20 et 25 principes actifs, on ne dépassera pas 800 principes actifs fabriqués en France ([769]).

En second lieu, il convient sans doute de ne pas négliger les réticences et rejets que peuvent susciter l’implantation de sites industriels susceptibles de recourir à des procédés chimiques complexes.

Plusieurs interlocuteurs de la commission d’enquête expriment un certain scepticisme quant à la capacité de la population à accepter la réintroduction de certaines activités industrielles polluantes, telles que la chimie lourde. Suivant le constat de M. Antoine Reveilleau, président de Seratec ([770]), certaines technologies effraient beaucoup, à l’exemple de la phsogénation. Dès lors, la relocalisation de la production de certains principes actifs supposerait par ailleurs le développement de technologies plus modernes comme la chimie en continu, la chimie verte ou la chimie sans solvants.

En dernier lieu, l’ampleur des relocalisations à opérer prête elle-même à discussion suivant la définition donnée au concept de souveraineté sanitaire.

Devant la commission d’enquête, M. Fabien Riolet, directeur général de Polepharma, a ainsi estimé qu’« il n’est pas nécessaire de rapatrier la totalité de la production des molécules stratégiques. 10 à 15 % suffiraient pour affronter une coupure des approvisionnements en cas de crise » ([771]). En réalité, comme précédemment observé pour l’industrie, une telle appréciation peut varier suivant la conception des interdépendances acceptables, ainsi que des besoins dans le champ de la santé.

Il existe aujourd’hui des listes identifiant des produits thérapeutiques d’intérêt majeur ou des principes actifs essentiels. Ainsi que le montre l’étude réalisée par PricewaterhouseCoopers (PwC) ([772]), ces travaux reposent sur des critères qui ne se ne recoupent pas nécessairement. À des degrés divers, ils prennent en considération :

– soit des paramètres quantitatifs (volume de la consommation domestique, part des importations, concentration des approvisionnements auprès d’un fournisseur ou d’une zone géographique, fréquence des ruptures de production, etc.) ;

– soit des paramètres qualitatifs (caractère majeur de l’aire thérapeutique, intérêt thérapeutique des produits, possibilités de substitution dans la prise en charge d’un patient, etc.).

Du point de vue de M. Fabien Riolet ([773]), il conviendrait de se focaliser sur quelques produits, tout en assurant les conditions de marché adéquates, en jouant sur les prix, ou potentiellement par le biais de la commande publique. Aux yeux de la commission d’enquête, une autre option pourrait consister à s’appuyer sur la définition des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et à décliner cette démarche.

Aussi la divergence possible des approches ne rend que plus nécessaire une véritable planification qui permettrait de fixer des critères pertinents et développer une approche prospective susceptible de permettre d’anticiper les pénuries.

Proposition n° 55 : b) Élaborer un plan de mobilisation destiné à garantir la disponibilité des produits de santé et dispositifs médicaux en cas de crise.

3.   Des opportunités de coopération à saisir à l’échelle de l’Union européenne

Au-delà de la légitimité renouvelée de l’État à prendre les mesures nécessaires à la protection des populations, la dimension européenne de la gestion des crises sanitaires constitue l’une des avancées conceptuelles favorisées par l’épidémie de la Covid-19. Si les négociations menées en 2020 en vue de l’achat des vaccins a pu susciter des polémiques, l’Union européenne paraît aujourd’hui fondée à s’emparer, de manière croissante, des enjeux touchant au domaine de la santé.

● De fait, plusieurs initiatives attestent d’un intérêt nouveau et d’une certaine convergence des préoccupations sur l’état de la filière des industries et des technologies de santé à l’échelon européen.

Une première avancée significative réside sans doute dans l’adoption de la stratégie pharmaceutique pour l’Europe par la Commission européenne le 25 novembre 2020 ([774]). De portée programmatique, ce document fixe deux objectifs :

– d’une part, établir un cadre réglementaire applicable sur le long terme ;

– d’autre part, aider l’industrie à promouvoir une recherche et des technologies destinées aux patients afin de répondre à leurs besoins thérapeutiques tout en remédiant aux défaillances du marché.

La Commission européenne y exprime également la volonté de prendre en considération les faiblesses mises en évidence par la pandémie due au coronavirus et de prendre les mesures appropriées afin de renforcer le système de santé. En outre, la stratégie pharmaceutique pour l’Europe doit être conforme aux orientations de la nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe, ainsi qu’aux priorités définies dans le Pacte vert pour l’Europe, le plan européen de lutte contre le cancer et la stratégie numérique européenne.

La stratégie ouvre la perspective d’actions législatives et non législatives qui répondent à quatre orientations :

– garantir l’accès des patients à des médicaments abordables et répondre aux besoins médicaux non satisfaits (par exemple, dans les domaines de la résistance aux antimicrobiens et des maladies rares) ;

– soutenir la compétitivité, l’innovation et la durabilité de l’industrie pharmaceutique de l’Union européenne, ainsi que le développement de médicaments de qualité, sûrs, efficaces et plus respectueux de l’environnement ;

– renforcer les mécanismes de préparation et de réaction aux crises, disposer de chaînes d’approvisionnement diversifiées et sûres et remédier aux pénuries de médicaments ;

– faire entendre la voix de l’Union dans le monde, en promouvant des normes d’un niveau élevé de qualité, d’efficacité et de sécurité.

Une seconde avancée pourrait résulter de la création en cours de l’Autorité de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire – Health Emergency preparedness and Response Authority (HERA) ([775]).

l’Autorité de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire – Health Emergency preparedness and Response Authority (HERA)

Le 16 septembre 2021, la Commission européenne a créé l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA) afin de prévenir, de détecter et de réagir rapidement aux situations d’urgence sanitaire.

L’HERA anticipera les menaces et les crises sanitaires potentielles, grâce à la collecte de renseignements et au renforcement des capacités de réaction nécessaires. En cas d’urgence, l’HERA assurera la mise au point, la production et la distribution de médicaments, de vaccins et d’autres contre-mesures médicales, tels que des gants et des masques, qui ont souvent fait défaut lors de la première phase de la lutte contre la pandémie de coronavirus.

Avant une crise sanitaire, au cours de la « phase de préparation », l’HERA travaillera en étroite collaboration avec d’autres agences de santé européennes et nationales, l’industrie et les partenaires afin d’améliorer la préparation aux urgences sanitaires.

L’HERA procédera à l’évaluation des menaces et à la collecte de renseignements, élaborera des modèles de prévision d’une épidémie et, d’ici début 2022, recensera et agira sur au moins trois menaces de grande portée et comblera d’éventuelles lacunes en matière de contre-mesures médicales.

L’HERA soutiendra également la recherche et l’innovation en vue de la mise au point de nouvelles contre-mesures médicales, notamment par des réseaux d’essais cliniques à l’échelle de l’Union et de plateformes pour le partage rapide des données.

En outre, l’HERA répondra aux défis du marché et stimulera la capacité industrielle. S’appuyant sur les travaux de la task-force pour la production industrielle à plus grande échelle des vaccins contre la COVID-19, l’HERA maintiendra un dialogue étroit avec l’industrie, établira une stratégie à long terme pour la capacité de production et des investissements ciblés, et s’attaquera aux goulets d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement pour les contre-mesures médicales.

L’Autorité encouragera l’approvisionnement des contre-mesures médicales et s’attaquera aux problèmes liés à leur disponibilité et à leur distribution, et augmentera la capacité de stockage afin d’éviter les pénuries et les goulets d’étranglement dans le domaine de la logistique. Elle renforcera également les connaissances et les compétences sur tous les aspects des contre-mesures médicales dans les États membres.

Si une urgence de santé publique est déclarée à l’échelle européenne, l’HERA peut rapidement passer à l’organisation des opérations d’urgence, notamment par la prise rapide de décisions et l’activation de mesures d’urgence, sous l’égide d’un conseil de gestion des crises sanitaires de haut niveau. Elle mobilisera des fonds d’urgence et établira des mécanismes de suivi, de développement de nouveaux produits ciblés, d’approvisionnement et d’achat de contre-mesures médicales et de matières premières.

Les installations Fab UE, un réseau de capacités de production « toujours prêtes» pour la fabrication de vaccins et de médicaments, seront mobilisées pour fournir des capacités de réserve pour l’intensification de la production, ainsi que des plans de recherche et d’innovation d’urgence en concertation avec les États membres.

La production de contre-mesures médicales dans l’UE sera stimulée et un inventaire des installations de production, des matières premières, des consommables, des équipements et des infrastructures sera dressé afin d’avoir une vue d’ensemble claire des capacités.

Les activités de l’HERA s’appuieront sur un budget de 6 milliards d’euros provenant de l’actuel cadre financier pluriannuel pour la période 2022-2027, dont une partie proviendra du complément NextGenerationEU.

D’autres programmes européens, tels que la facilité pour la reprise et la résilience, REACT-EU, le Fonds de cohésion et le programme InvestEU au sein de l’Union européenne, ainsi que l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération en dehors de l’UE contribueront également à soutenir la résilience des systèmes de santé. Ajouté aux 6 milliards d’euros susmentionnés, le soutien total s’élèvera donc à près de 30 milliards d’euros pour la prochaine période de financement.

Afin d’assurer un démarrage rapide de ses activités et en s’appuyant sur l’incubateur HERA lancé en février 2021, l’HERA sera mise en place en tant que structure interne de la Commission. Elle devrait être pleinement opérationnelle au début de l’année 2022. Son fonctionnement sera revu et adapté chaque année jusqu’en 2025, date à laquelle une évaluation complète sera réalisée.

À ce stade, le champ exact d’intervention de la nouvelle autorité reste à définir. Le rapporteur regrette que l’aggravation de la situation sanitaire n’ait pas permis à la délégation de la commission d’enquête de rencontrer les personnes en charge de la mise en place de cette autorité. Toutefois, rien n’interdit de penser que l’HERA pourrait devenir un instrument de relocalisation des productions pharmaceutiques essentielles en Europe, si les compétences requises par la prévention des pénuries sont conçues de manière extensive.

L’ensemble des personnes auditionnées s’accordent en tous cas sur l’intérêt de la création de cette structure, même si elle peut être considérée en l’état comme une réponse incomplète ([776]). Du point de vue de M. Stéphane Lepeu, président de CDMO France ([777]), « l’HERA devrait permettre de repérer, dans la chaîne du médicament, des maillons manquants qui, en cas de pandémie, pourraient poser problème. Nous connaissons à l’heure actuelle des tensions sur les filtres auprès de fournisseurs américains qui alimentent en priorité leur territoire national. Il est donc essentiel de s’assurer que lors de crises sanitaires, l’Europe aura une autonomie stratégique sanitaire ».

La commission d’enquête partage volontiers cette optique. Aussi elle estime que l’installation d’HERA pourrait figurer parmi les actions prioritaires engagées dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne.

L’organisation d’une coopération européenne en vue de prévenir et de lutter contre les risques de pénurie ou les ruptures d’approvisionnement exige toutefois une condition préalable : identifier les molécules et principes essentiels. Ce travail initial se révèle dans l’hypothèse où l’action de l’HERA aboutirait à ménager des capacités de production à l’échelle de l’Union européenne, au vu des contraintes de marché et d’organisation de la production pour certains principes actifs.

Proposition n° 56 : a) Confier à l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA) l’organisation d’une coopération à l’échelle de l’Union européenne destinée à prévenir et lutte contre les risques de pénurie ou de rupture d’approvisionnement de produits de santé et de dispositif médicaux.

Selon M. Olivier Bogillot, président de la Fédération française des industries de santé (FEFIS) ([778]), « la multiplication des actifs de production ne permettra pas d’atteindre une taille critique en volume pour assurer une rentabilité de l’investissement. Il faut absolument une organisation européenne afin de définir où et comment seront produits les principes actifs à relocaliser. La différence de coûts avec la Chine ou l’Inde est trop importante pour que des concurrents européens puissent s’ajouter et se faire face ».

Dès lors, suivant une analyse qui paraît partagée avec celle développée par M. Didier Véron, président du G5 Santé ([779]), il importe d’identifier de manière conjointe les molécules et principes actifs nécessitant une relocalisation sur le sol de l’Union européenne, avant de déterminer les industriels qui pourraient assumer cette production, suivant un modèle d’affaire à définir.

Dans cette optique, un premier pas pourrait être l’élaboration d’une liste des principes actifs et dispositifs médicaux indispensables entre membres de l’Union européenne.

Suivant une proposition qui semble recueillir un certain consensus parmi les personnes auditionnées, elle estime que leur identification pourrait associer l’HERA et l’Agence européenne du médicament – European Medecines Agency (EMA). De fait, ainsi que le rappelle la feuille de route 2019-2022 relative à la lutte contre les pénuries de médicaments ([780]), la task force mise en place par l’EMA dispose d’une feuille de route en vue de l’harmonisation réglementaire des pratiques européennes dans la lutte contre les pénuries de médicament. Par ailleurs, le partage d’une cartographie des sites de production potentiels sur le sol de l’Union européenne fait partie des axes de coopération envisageable avec les autres États membres.

Proposition n° 56 : b) Confier à l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA) l’élaboration d’une liste des principes actifs et dispositifs médicaux indispensables car vitaux pour la population de l’Union européenne.

● Au-delà de l’identification des risques de pénuries et des principes actifs essentiels, il pourrait être envisagé que la contribution apportée par l’Union européenne à la préservation de l’autonomie sanitaire des États membres se matérialise par un soutien plus direct aux capacités de production de la filière des industries et technologies de santé.

Comme précédemment indiqué, le dispositif des projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) autorise les États-membres à soutenir financièrement des projets transnationaux d’importance stratégique pour l’Union européenne et qui contribuent à la réalisation des objectifs qu’elle s’est assignée ([781]). Les dérogations admises au régime des aides d’État procèdent des principes dégagés dans une communication de la Commission européenne de juin 2014.

Ainsi que l’a rappelé Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe pour l’investissement ([782]), le plan France 2030 permettra le financement d’un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) matière de santé, en conséquence des crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 2022.

Le PIIEC pour le développement des innovations en matière de santé

Résultant d’un appel à manifestation d’intérêt lancé le 1er mars 2021 et clos le 15 mai 2021, le projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) vise à contribuer au financement de projets d’entreprises relatifs ayant pour objet le développement de technologies et de procédés industriels transverses susceptibles de transformer et moderniser la filière des industries et technologies de santé. Il se donne ainsi pour cibles :

– le développement et de l’industrialisation d’innovations de rupture technologique destinées à réduire drastiquement les coûts de production et les temps de développement, notamment en matière de bioproduction ;

– la création de capacités de production modulaires, flexibles et respectueuses de l’environnement, susceptibles de concerner des produits de santé matures, et contribuant à l’atteinte des objectifs de l’Union européenne déclinés dans le Pacte vert et/ou sur lesquels sont déployés des procédés de fabrication substantiellement innovants, dans une optique de résilience du tissu industriel français et européen ;

– des technologies médicales innovantes, applicables notamment aux secteurs du dispositif médical et diagnostic in vitro (intelligence artificielle, système de système, constitution de plateformes de partage de données etc.).

Comme précédemment observé, la relocalisation de la production des principes actifs aujourd’hui fournis hors des frontières européennes suppose que les entreprises disposent d’une certaine visibilité quant à la rentabilité de leur production. Du point de vue du rapporteur, il conviendrait à cet effet d’envisager l’usage de deux instruments nouveaux dans les politiques de l’Union européenne.

Dans cette optique, il préconise d’abord d’utiliser le projet de Fab UE aux fins de relocaliser la production des médicaments et produits de santé essentiels à la consommation européenne.

Fab UE constituera un élément clé de la dimension industrielle de l’Autorité européenne de préparation et de réaction aux urgences sanitaires (HERA), comme annoncé dans la communication de la Commission européenne. L’objectif de Fab UE est de créer un réseau de capacités de production mobilisables et « prêts à l’emploi » pour la fabrication de vaccins et de médicaments pouvant être activées en cas de crises futures. Fab UE couvrira de multiples technologies vaccinales et thérapeutiques. Pour être opérationnels à tout moment, les sites de production participants doivent garantir la disponibilité d’un personnel qualifié, des processus opérationnels clairs et des contrôles de qualité, permettant à l’Union européenne d’être mieux préparée et de répondre aux futures menaces pour la santé. Fab UE sera en mesure d’activer rapidement et facilement son réseau de capacités de fabrication pour répondre à la demande de vaccins et/ou de besoins thérapeutiques, jusqu’à ce que le marché ait augmenté ses capacités de production.

La Commission a publié en septembre 2021 un avis de préinformation ([783]), qui fournit aux fabricants de vaccins et de produits thérapeutiques des informations préliminaires sur l’appel à la concurrence pour la mise en place de Fab UE, prévu pour début 2022.

Le rapporteur estime que la réservation de capacités de production mobilisables, mais donc potentiellement inutilisées en dehors de futures crises sanitaires ou difficultés d’approvisionnement, n’est qu’un premier pas. Pour assurer la sécurité des approvisionnements des citoyens européens, il conviendrait que l’HERA contracte avec des laboratoires européens, grands groupes ou ETI, pour financer la relocalisation pérenne de leur production en Europe, moyennant un droit de réquisition en cas de crise sanitaire.

Proposition n° 57 : Développer le dispositif Fab UE pour relocaliser la production des médicaments et produits de santé essentiels à la consommation européenne, en prenant en charge une partie des investissements en échange d’un droit de réquisition des capacités industrielles.

Dans une même optique de préservation des capacités de production contribuant à la souveraineté sanitaire, il pourrait être aussi utile d’envisager la création d’un dispositif d’achat entre membres de l’Union européenne.

Comme précédemment observé, de nombreux opérateurs de la filière des industries et technologies de santé ne peuvent soutenir la concurrence extra-européenne, compte tenu de l’étroitesse de leur marché et de l’incapacité de dégager des économies d’échelle en l’absence d’un volume de production suffisante. Or, il existe des besoins communs en matière de produits médicaments ou de dispositifs médicaux, indépendamment des conditionnements et spécifications propres aux marchés nationaux.

La mise en commun du soutien et de l’achat des vaccins a prouvé que l’échelon européen pouvait être le cadre idéal pour une politique d’achat en matière de produits de santé stratégiques.

Le 17 juin 2020, la Commission européenne a présenté la stratégie européenne en matière de vaccins visant à accélérer la mise au point, la fabrication et le déploiement de vaccins contre la COVID-19 ([784]). La stratégie de l’UE doit assurer la production en Europe de vaccins de qualité, sûrs et efficaces et garantir aux États membres et à leurs populations un accès rapide à ces vaccins. Cette stratégie s’inscrit en outre dans l’effort de solidarité mondial et garantit un accès équitable à un vaccin abordable dès que possible.

Une action conjointe au niveau de l’Union européenne est apparue comme le moyen le plus sûr, le plus rapide et le plus efficient de parvenir à ces objectifs. Aucun État membre n’a la capacité à lui seul de mobiliser les investissements nécessaires pour mettre au point et produire un nombre suffisant de vaccins. Ce n’est que grâce à une action rapide et unifiée de l’UE et de ses États membres qu’un approvisionnement suffisant et rapide en vaccins sûrs et efficaces a pu être garanti. Une stratégie commune permet de mieux se couvrir, de partager les risques et de regrouper les investissements afin d’en accroître la portée et la rapidité et de réaliser des économies d’échelle.

Dans le contexte d’un développement des autorisations de mise sur le marché délivrées par l’EMA, un achat en commun par l’ensemble des États membres pourrait être pertinent dès lors qu’il contribue à assurer les débouchés nécessaires à la rentabilité des produits et dispositifs à usage médicaux produits en Europe. Une telle démarche nécessiterait sans doute des appels d’offres afin de préserver l’équité de la concurrence, ainsi que l’établissement de cahiers des charges. Du point de vue de la commission d’enquête, il ne s’agit toutefois pas d’obstacles techniques insurmontables. Elle estime ainsi que deux critères de sélection pourraient donner lieu à un certain consensus : la sécurité d’approvisionnement ; l’impact sur le financement des systèmes sociaux.

Proposition n° 58 : Déterminer les produits de santé pour lesquels un dispositif d’achat en commun pourrait avoir des effets bénéfiques pour les finances des systèmes sociaux tout en favorisant la sécurité que procure la production en Europe.

En cas d’urgence sanitaire décrétée par le Conseil de l’Union européenne, l’activité de l’HERA sera amenée à évoluer afin de lui permettre de prendre les mesures d’urgence appropriées à la situation économique, dont notamment :

– la mise en place d’un conseil de gestion des crises sanitaires chargé de coordonner les actions urgentes en réponse à la crise ;

– un mécanisme pour le suivi des contre-mesures nécessaires en cas de crise ;

– les marchés publics, l’achat et la fabrication de contre-mesures médicales et matières premières nécessaires en cas de crise ;

– l’activation des installations Fab UE pour mettre à disposition des capacités de réserve pour l’intensification de la production ;

– l’activation de plans de recherche et d’innovation d’urgence et l’utilisation de réseaux d’essais cliniques et de plateformes de partage de données à l’échelle de l’Union ;

– l’activation d’un financement d’urgence ([785]).

Le rapporteur souhaiterait que ce financement d’urgence « pandémie » soit précisé et que l’évolution du statut de l’HERA comprenne la capacité de lever des fonds très rapidement afin de lancer des recherches thérapeutiques ou vaccinales nécessaires, en prévoyant une participation des États membres.

Proposition n° 56 : c) Doter l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA) d’un statut d’agence et d’un budget propre, lui permettant en cas d’urgence sanitaire de lever rapidement des fonds nécessaires au lancement des recherches thérapeutiques ou vaccinales.

4.   Un développement de l’usage des médicaments génériques et des biosimilaires à valoriser au plan industriel

Un médicament générique désigne un médicament fabriqué à partir de la même molécule qu’un médicament déjà autorisé (appelé « princeps ») et dont le brevet est tombé dans le domaine public. Il se caractérise par la similitude du principe actif, du dosage et du mode d’administration. En outre, il se comporte de la même manière dans l’organisme (bioéquivalence) et présente la même efficacité thérapeutique que la spécialité de référence pour un moindre coût. Un médicament bio-similaire se définit comme un médicament biologique produit à partir d’une cellule, d’un organisme vivant ou d’un dérivé de ceux-ci, similaire à un médicament biologique de référence qui a été autorisé en Europe depuis plus de 8 ans et dont le brevet est tombé dans le domaine public.

Suivant un constat renouvelé par les travaux de la commission d’enquête, la fabrication des médicaments génériques se localise très largement en dehors des frontières nationales, voire européennes.

Suivant les chiffres rappelés par les représentants de l’association Générique même médicament (Gemme) ([786]), 35 % des volumes de génériques remboursés destinés au marché français proviennent du territoire national ; 70 % des médicaments génériques commercialisés en France sont produits en Europe. Ainsi que l’a précisé M. Laurent Borel Giraud, directeur des opérations pharmaceutiques et commerciales de Teva Santé, les médicaments génériques, leur fabrication est actuellement réalisée sur soixante sites de production sur le territoire et 400 sites à l’échelle de l’Europe, essentiellement de sous-traitance.

Comme précédemment analysée, la part plus que prépondérante acquise par des fabricants extra-européens dans la fabrication des génériques résulte d’un manque de compétitivité des opérateurs nationaux et européens. De fait, selon les réponses apportées par le Gemme au questionnaire établi par la commission d’enquête, la production en Asie génère en pratique des coûts d’investissement et d’exploitation de principes actifs inférieurs de 20 % à 40 % inférieurs à ceux constatés en Europe.

En outre, les acteurs du secteur invoquent un manque de rentabilité du fait de prix particulièrement bas imposés par les autorités chargées de la régulation du prix des médicaments. D’après les chiffres communiqués par le Gemme, le prix médian des spécialités génériques s’élevait à 11 centimes d’euros par comprimé en 2019.

Cela étant, les éléments recueillis par la commission d’enquête tendent à confirmer que la concurrence étrangère et le niveau des prix sur le marché domestique n’expliquent pas seuls l’effacement des producteurs nationaux de médicaments génériques : il convient tout autant de prendre en considération la relative faiblesse de la consommation intérieure.

De fait, suivant des statistiques couramment admises ([787]), les médicaments génériques ne représentaient en 2020 que 40 % des produits d’officine pouvant faire l’objet d’un remboursement par la sécurité sociale, contre une moyenne supérieure à 50 % au sein des pays membres l’OCDE et une part comprise entre 75 % et 80 % des médicaments remboursables en Allemagne et au Royaume-Uni.

Dès lors, les génériques peuvent être considérés comme un marché dont la croissance potentielle peut offrir une source de développement pour les industriels nationaux, pour autant que ces derniers puissent surmonter le désavantage comparatif inhérent à la faiblesse des volumes produits. Cette condition suppose à l’évidence de favoriser l’accroissement de la consommation, ce qui pose la question du rôle joué par chacun des acteurs du système de santé.

De ce point de vue, les données disponibles amènent au constat que des progrès restent à accomplir dans les prescriptions, notamment du côté de la médecine de ville.

En effet, les médecins ne prescrivent que 48 % de médicaments susceptibles d’être des génériques. S’agissant des biosimilaires, le taux de pénétration en ville plafonne en 2020, à 23 %, contre 69 % à l’hôpital. Ainsi que le montre le graphique ci-après, les prescriptions réalisées par la médecine en ville à la fin de l’exercice 2020 demeurent très en deçà des taux de pénétrations attendus dans le cadre de l’objectif de la stratégie nationale de santé pour 2022.

En revanche, le taux de substitutions aux médicaments « princeps » (soit 84 % en 2020) atteste du rôle décisif joué par les pharmaciens dans le recours aux médicaments génériques. Dès lors, il paraît cohérent d’envisager un élargissement du répertoire des produits pouvant faire l’objet d’une substitution, en plus des incitations à la prescription des génériques.

Ces dernières procèdent en effet de mesure dont les effets peuvent prêter à discussion. Du point de vue du rapporteur, il en va ainsi du reste à charge pouvant être appliqué si, deux ans après la commercialisation d’un médicament générique, un patient choisit le « médicament princeps », dans les conditions fixées par l’article 66 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Si la disposition écarte le reste à charge en cas de mention « non substituable » justifiée ou d’indisponibilité du générique, elle ne responsabilise que les patients.

Or, il semble que les prescripteurs aient à jouer un rôle déterminant dans le développement d’une spécialité pharmaceutique susceptible de contribuer à l’équilibre des comptes de l’Assurance maladie et surtout à la réouverture d’un marché pour l’industrie française.

COMPARAISON ENTRE LA PRESCRIPTION DES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES EN VILLE
ET LES OBJECTIFS DE LA STRATÉGIE NATIONALE DE SANTÉ

Source : Gemme, réponses écrites aux questions de la commission d’enquête, d’après données du GERS.

III.   Une rÉgulation publique tenue de favoriser un environnement propice à la localisation de l’activitÉ sur le territoire national

La décision d’implantation des sites de recherche et de production dans les domaines des industries et technologies de la santé met aujourd’hui le territoire français en concurrence avec les économies proches, mais également avec les pays émergents notamment d’Asie.

Aujourd’hui, seules trois structures à capitaux publics sont actives dans ce champ :

– le laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) détenu par l’Agence des participations de l’État, dont l’activité est essentiellement tournée vers le fractionnement des protéines plasmatiques issues du plasma sanguin humain, car il dispose de l’exclusivité du fractionnement du plasma issu des dons de sang bénévoles, collectés sur le territoire français par l’Établissement français du sang ;

– l’établissement pharmaceutique de l’Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS) de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui est cependant engagé depuis septembre 2018 dans un processus d’externalisation des activités de production et de contrôle qualité au profit des seules activités de recherche et développement de son établissement pharmaceutique ; ce choix doit aboutir à la conclusion d’un marché avec un ou plusieurs sous-traitants chargés du transfert et de la fabrication de 17 produits ([788]) ;

– la Pharmacie centrale des armées, qui a pour mission principale de fabriquer des médicaments spécifiques aux besoins thérapeutiques des combattants en l’absence de spécialités disponibles ou adaptées sur le marché.

Ces trois acteurs ne permettent pas à la puissance publique d’agir seule pour localiser la production de médicaments et de dispositifs médicaux sur le territoire national. Suivant la remarque de M. Philippe Truelle, vice-président de l’Association des moyens laboratoires et industries de santé (AMLIS)([789]), il convient sans doute considérer l’intérêt de disposer d’un tissu industriel diversifié, avec des unités capables de produire de petites séries de médicaments spécifiques et de médicaments injectables peu répandus sur le territoire national.

Comme observé à propos de l’industrie en général, la diversité du tissu productif et la coopération entre les acteurs constituent assurément un gage de résilience. Dans la cadre du conseil stratégique des industries de santé installé en février 2021 puis du contrat stratégique de filière, la filière des industries et technologies de santé a entrepris de se structurer afin de répondre à des questions d’intérêt commun.

Cet effort de structuration – à laquelle l’État a pris toute sa part – ne saurait porter la puissance publique à éluder la responsabilité particulière qui lui incombe : créé les conditions d’un maintien des activités et favoriser les investissements d’avenir. L’établissement d’un environnement propice au développement de la filière des industries et technologies de santé appelle sans doute des évolutions dans la régulation du secteur, avec trois objectifs : en premier lieu, la simplification réglementaire et administrative ; en second lieu, un encadrement des prix des médicaments et des dispositifs médicaux accordant davantage de place à des considérations de développement industriel ; en dernier lieu, une pleine exploitation des ressources de la commande publique.

A.   Des exigences renouvelÉes de simplification rÈglementaire et d’efficacitÉ administrative

Cette nécessité découle très directement du constat qu’en France, l’ensemble des étapes de conception et de commercialisation des produits de santé font l’objet de dispositions législatives ou réglementaires. En pratique, le droit français encadre à des degrés divers la phase de recherche, la mise sur le marché et comporte des prescriptions quant à l’évaluation des produits de santé. Il affecte également les conditions de l’offre et de la demande dans la mesure il détermine les modalités de négociation des prix.

À l’instar d’autres travaux, les conclusions de la commission d’enquête mettent en évidence deux voies de progression dans la régulation des filières et industries de santé au plan juridique : d’une part, le poids du cadre normatif ; d’autre part, les délais des procédures et la répartition des compétences entre autorités administratives.

1.   Un cadre juridique étoffé parfois source de contraintes et de complexités

De fait, l’ensemble des analyses développées devant la commission d’enquête tendent à montrer que le développement des normes de qualité et de sécurité peut affecter défavorablement l’activité et la compétitivité de la filière des industries et technologies de la santé.

À l’instar de M. Pierre Luzeau, président du comité exécutif du groupe Seqens ([790]), les chefs d’entreprises auditionnés s’accordent à souligner la charge croissante que les exigences du droit français exercent sur le fonctionnement des entreprises du secteur. Devant la commission d’enquête, M. Philippe Truelle, président de CDM Lavoisier, vice-président de l’Association des moyens laboratoires et industries de santé (AMLIS) ([791]) a ainsi déploré que « des étapes d’implémentation réglementaire coûteuses s’ajoutent sans cesse aux procédures de production ». Suivant son témoignage, l’augmentation du poids des normes l’aurait conduit à recruter beaucoup de personnel avec un profil les prédisposant à travailler dans le champ du contrôle qualité et de la réglementation. Ces exigences accrues favoriseraient une différenciation entre les grands groupes et des petites et moyennes entreprises qui, opérant davantage sur les marchés domestiques et européens, subiraient davantage la contrainte des standards nationaux. Les petites structures ne posséderaient pas nécessairement des moyens de veille et d’expertise leur permettant d’appliquer le droit sans coût supplémentaire.

En dernier ressort, les standards spécifiquement français en matière sociale ou en droit de l’environnement pourraient être constitutifs de désavantages comparatifs face à la concurrence européenne ou extra-européenne. Selon M. Stéphane Lepeu, président de CDMO France, il en irait ainsi du délit en cas d’atteinte à l’environnement dans la mesure où ils créeraient des obligations applicables sur le territoire national et susceptibles de peser sur les seules entreprises qui y sont implantées ([792]).

S’il ne s’agit pas de transiger avec des exigences de qualité et de sécurité dans le domaine de la santé, les éléments rapportés à la commission d’enquête accréditent l’idée que la conjonction des normes et des obligations déclaratives ne peut demeurer sans conséquence sur les conditions de la recherche et de la production.

Sous réserve d’une évaluation plus précise, la question de l’impact du cadre juridique semble se poser plus particulièrement dans le champ du droit de l’environnement. Ainsi que l’a rappelé M. Gildas Barreyre, secrétaire général du comité exécutif du groupe Seqens ([793]), l’étude réalisée par PricewaterhouseCoopers (PwC) ([794]) établit l’existence d’un surcoût pour les entreprises du médicament de l’ordre de 30 % par rapport à la concurrence asiatique, en conséquence des investissements en capital sur les actifs nécessaires afin de respecter les normes sur les rejets dans l’environnement. Par exemple, la réglementation européenne exige l’installation d’une station d’épuration des eaux usées – ce qui ne constitue pas une obligation en Inde : « La Chine a relevé ses critères environnementaux, mais pas encore l’Inde où les industries peuvent rejeter de nombreux produits dans les rivières » ([795]).

Aussi, le rapporteur de la commission d’enquête juge utile d’évaluer la proportionnalité et la cohérence des normes susceptibles d’encadrer l’activité des unités de production des industries de santé. Même si ces travaux ne comportent pas nécessairement d’identifier des cas précis, trois objectifs pourraient être poursuivis : en premier lieu, garantir la stabilité du cadre juridique ; en second lieu, prévenir les injonctions contradictoires ; en dernier lieu, mesurer la pertinence des coûts d’application au regard des enjeux de qualité et de sécurité.

Proposition n° 59 : Évaluer la proportionnalité et la cohérence des normes susceptibles d’encadrer l’activité des unités de production des industries de la santé.

Compte tenu de la primauté du droit communautaire et de l’intégration du marché unique, une même exigence s’impose dans l’intégration en droit national des normes fixées par les règlements de l’Union européenne. Même si elle tend à harmoniser les conditions de la concurrence, l’application du droit de l’Union peut en effet soulever des problèmes spécifiques pour la compétitivité de la filière des industries et des technologies de santé.

Ainsi, les représentants de Medtech in France et du Syndicat national de l’Industrie des technologies médicales (SNITEM) ([796]) ont alerté la commission d’enquête à propos de la mise en œuvre du règlement européen du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux ou « Medical Device Regulation » dit « règlement MDR » ([797]). Entrant en vigueur à compter du 1er janvier 2021, le règlement couvre l’ensemble des dispositifs médicaux commercialisés sur le sol de l’Union européenne, qu’ils soient fabriqués dans l’Union ou importés. Il impose aux entreprises de faire à nouveau certifier tous les dispositifs qu’elles fabriquent, y compris d’anciens produits, ainsi que d’obtenir une nouvelle certification CE ([798]). Le règlement met également les entreprises dans l’obligation de mettre à niveau et de certifier à nouveau leurs systèmes de gestion de qualité.

Du point de vue de M. Guirec Le Lous, président d’Urgo Médical, président de MedTech in France, sa mise en œuvre comporterait des risques de délocalisation et de perte de compétitivité. Les travaux de la commission d’enquête ne permettent pas d’établir la portée du règlement. Toutefois, on ne peut écarter que les obligations qu’il édicte génèrent des coûts et des difficultés pratiques. D’après les analyses convergentes de plusieurs acteurs du secteur des dispositifs médicaux, le renouvellement des certifications pourrait ainsi impliquer l’établissement d’une documentation technique actualisée. Du reste, la diminution du nombre des organismes de certification ne paraît pas de nature à faciliter les démarches des entreprises.

Aux yeux de la commission d’enquête, cet exemple montre la nécessité de mesurer la portée des obligations découlant des actes de l’Union européenne et de veiller à prévenir la sur-transposition des normes en droit national.

Il s’agit là à l’évidence d’une tâche qui incombe en premier lieu à l’État dès lors qu’il prend part aux négociations à l’origine des règlements et des directives. Pour autant, il pourrait être utile que les acteurs de la filière des industries et technologies de santé soient mieux associés à ce travail de veille, compte tenu de leur expertise technique particulière. C’est la raison pour laquelle la commission d’enquête juge pertinent de confier expressément une mission de veille juridique et de benchmarking en la matière au conseil stratégique des industries de santé (CSIS).

Proposition n° 60 : Mesurer la portée des obligations découlant des actes de l’Union européenne et veiller à prévenir la sur-transposition en droit national, en confiant expressément une mission de veille juridique et de benchmarking en la matière au conseil stratégique des industries de santé (CSIS).

2.   L’optimisation des délais d’instruction des autorisations de mise sur le marché : un objectif à maintenir et invitant à s’interroger sur la fragmentation des procédures entre acteurs administratifs

La pertinence du cadre juridique se mesure non seulement à l’aune de la qualité des normes mais aussi sur le plan de l’efficacité et à la rapidité des procédures. Au-delà de l’organisation des essais cliniques, abordés supra., les éléments recueillis par la commission d’enquête invitent à appréhender, de manière plus globale, les difficultés qui peuvent entourer la mise des produits de santé sur le marché.

Le parcours d’accès au marché pour un médicament en France

Au sens du code de la santé publique, la fabrication, l’importation, l’exportation, la distribution en gros de médicaments, ainsi que l’exploitation des spécialités pharmaceutiques ne peuvent être effectuées que dans des établissements pharmaceutiques, dont l’ouverture est subordonnée à une autorisation délivrée par l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) pour les établissements de distribution en gros.

La mise sur le marché d’un médicament résulte d’un processus encadré, faisant intervenir une variété d’acteurs publics, aux niveaux français et européen.

L’autorisation de mise sur le marché (AMM)

Il s’agit d’une décision qui permet à un produit de santé d’être mis à disposition des patients. Elle est en majorité octroyée par l’Agence européenne du médicament – European Medicines Agency (EMA), ou par l’ANSM en France. L’AMM est en outre la garantie que le médicament possède un profil de qualité, de sécurité et d’efficacité satisfaisant, et qu’il peut être mis à disposition dans des conditions d’utilisation précises. En effet, pour qu’une AMM puisse être octroyée, il convient que les bénéfices apportés par l’innovation excèdent les éventuels risques (effets secondaires) qu’elle pourrait potentiellement entraîner : il est alors considéré que le rapport bénéfices/risques d’un produit de santé est positif.

Par ailleurs, aucune considération économique n’est prise en compte dans la procédure d’AMM, puisque seules les données scientifiques issues des phases de recherche et développement sont considérées dans le dossier déposé auprès de l’autorité compétente. Cette procédure est ainsi très encadrée et définie précisément dans la réglementation française et européenne.

L’admission au remboursement

Une fois l’AMM octroyée par l’agence européenne ou française, toute innovation doit faire l’objet d’une évaluation par une autorité administrative indépendante : la Haute Autorité de santé (HAS), puis une négociation par le Comité économique des produits de santé.

Entre autres missions, la HAS a en charge l’évaluation scientifique et médico-économique des innovations et des produits de santé. Cette évaluation s’opère sur deux critères :

L’évaluation du service médical rendu (SMR), qui détermine ensuite l’accès au remboursement et le taux de remboursement de l’innovation considérée, fixé par l’Assurance maladie.

Le SMR est un critère qui prend en compte plusieurs aspects : d’une part la gravité de la pathologie pour laquelle le médicament est indiqué ; d’autre part des données propres au médicament lui-même dans une indication donnée :

– efficacité et effets indésirables ;

– place dans la stratégie thérapeutique (notamment au regard des autres thérapies disponibles) et existence d’alternatives thérapeutiques ;

– intérêt pour la santé publique.

En fonction de l’appréciation de ces critères, plusieurs niveaux de SMR ont été définis :

– SMR majeur ou important ;

– SMR modéré ou faible, mais justifiant cependant le remboursement ;

– SMR insuffisant (SMRi ou service médical rendu insuffisant) pour justifier une prise en charge par la collectivité.

Le SMR d’un médicament est mesuré à un moment donné. Il peut évoluer dans le temps, notamment lorsque des données nouvelles sur lesquelles son appréciation se fonde sont produites, ou lorsque des alternatives plus efficaces apparaissent.

L’évaluation de l’amélioration du service médical rendu (ASMR), qui participe à la fixation du prix d’un médicament remboursable. L’ASMR correspond au progrès thérapeutique apporté par un médicament, en comparaison avec les traitements disponibles dans une pathologie considérée. En fonction de l’appréciation, plusieurs niveaux d’ASMR ont été définis :

– ASMR I, majeure ;

– ASMR II, importante ;

– ASMR III, modérée ;

– ASMR IV, mineure ;

– ASMR V, inexistante, signifiant « absence de progrès thérapeutique ».

Par ailleurs, certaines innovations (revendiquant une ASMR I à III ou ayant un impact budgétaire estimé élevé) font l’objet d’une évaluation médico-économique. Cette mission confiée à la Commission d’évaluation économique et de santé publique (CEESP) vise à éclairer les décisions de fixation du prix des innovations, avec un avis rendant compte de l’impact économique de celles-ci avant qu’elles n’accèdent au marché. La HAS définit l’évaluation économique comme mettant en regard « les résultats attendus d’une intervention de santé avec les ressources consommées pour la produire. Cela suppose que les interventions de santé soumises à la décision publique soient comparées, sur la base de leurs résultats et de leurs coûts respectifs. L’objectif de l’évaluation économique est de hiérarchiser les différentes options envisageables en fonction de leur capacité à engendrer les meilleurs résultats possibles à partir des ressources à mobiliser, au service des décideurs en vue d’une allocation optimale des ressources. On parle à ce propos de recherche de l’efficience ».

Ainsi, sur la base du SMR, l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie (Uncam) fixe le taux de remboursement d’un produit de santé, compris entre 0 et 100 %.

Le Comité économique des produits de santé a ensuite pour rôle de donner un tarif et un prix au produit avant sa prise en charge par l’Assurance maladie, s’il est inscriptible sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) ;

À la suite d’une négociation entre le laboratoire pharmaceutique et le CEPS, le prix est déterminé en prenant en compte plusieurs dimensions, dont l’ASMR, mais aussi le prix fixé pour les traitements existants pour une pathologie donnée, ou les prix pratiqués à l’étranger pour l’innovation considérée.

Les médicaments non remboursables sont, quant à eux, directement commercialisables après l’AMM, aux prix industriel et officinal libres. Leur publicité auprès du grand public peut être autorisée par l’ANSM si leur prescription n’est pas obligatoire.

Des délais d’accès au marché toujours préoccupants mais en amélioration

Les délais de mise à la disposition des patients, après obtention de l’AMM, demeurent longs et sont préjudiciables aux patients comme aux entreprises.

Ils sont, sur la période 2016-2019, de près de 527 jours en moyenne en France, alors que la directive européenne de 2001 les fixe à 180 jours.

L’amélioration des délais post-AMM est donc prioritaire pour rendre notre pays attractif.

Si les délais d’accès au marché ont globalement été réduits dans tous les pays de l’Union européenne, y compris dans l’Hexagone (la même analyse effectuée sur la période 2015-2018 faisait état de délais d’accès en France de 566 jours), la France demeure au 21ème rang européen.

● Le premier problème mis en exergue par ses travaux porte sur les délais nécessaires à l’instruction de l’ensemble des procédures d’autorisations, des autorisations d’essais cliniques comme des autorisations de mise sur le marché (AMM).

D’après les statistiques établies par les Entreprises du médicament, le délai moyen d’accès au marché des médicaments remboursables atteignait, pour la période 2016-2019, 527 jours (contre 566 jours sur la période 2015-2018) ([799]). Les chiffres cités devant la commission d’enquête par Mme Anne Perrot, inspectrice générale des finances ([800]), font état pour leur part d’une durée de 489 jours entre l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament et sa commercialisation en France, contre une moyenne de 119 jours en Allemagne. Les délais constatés en France apparaissent également supérieurs à ceux observés en Suisse, au Royaume-Uni et en Espagne.

En soi, ses chiffres invitent à s’interroger sur l’organisation de la délivrance des AMM et des autorisations pour les essais cliniques, au regard des efforts récemment constatés.

Dans le contexte de la crise sanitaire provoquée par la Covid-19, les acteurs auditionnés par la commission d’enquête indiquent d’ailleurs avoir observé un raccourcissement de la durée des instructions réalisées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

S’agissant des autorisations de mise sur le marché des médicaments, suivant l’état des lieux dressé par la directrice générale de l’ANSM ([801]), l’Agence a mis en place un dispositif destiné à accélérer le délai de notification des AMM pour ce qui concerne la phase nationale des procédures. En 2020, la notification intervenait 19 jours en moyenne après que l’avis de l’Agence européenne du médicament ou d’une autorité nationale ait été rendu.

On notera toutefois que ce délai ne permet pas nécessairement de mesurer l’efficacité de la délivrance des AMM dans la mesure où il concerne des procédures relevant du droit européen. En effet, ainsi que l’a souligné Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’ANSM, les autorisations de mise sur le marché relevant d’une procédure de niveau européen occupent désormais une place prépondérante dans la commercialisation des médicaments. Ainsi, en 2020, un peu moins de 12 % des 973 AMM enregistrées par l’ANSM relevaient d’une procédure nationale, les industriels trouvant avantage à bénéficier d’une autorisation les assurant de la possibilité d’une commercialisation dans leurs produits à l’échelle de l’Union européenne ou dans plusieurs États membres.

Les procédures d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments

Dans le cadre rénové de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 ([802]), la délivrance d’une autorisation de mise sur le marché d’un médicament humain peut résulter de l’application de trois types de procédure :

 la procédure centralisée : applicable à l’ensemble des médicaments destinés à tous les États membres, elle comporte la délivrance de l’AMM par la Commission européenne après avis de l’Agence européenne des médicaments (EMA) ; l’autorisation est valable pour l’ensemble des États membres, mais le laboratoire peut faire le choix de ne commercialiser son médicament que dans un certain nombre de pays.

La procédure est obligatoire pour certaines classes de médicaments, tels que les médicaments de thérapie innovante, les médicaments issus des biotechnologies, les médicaments innovants contenant une nouvelle substance active et ceux permettant de traiter certaines affections (VIH, cancer, maladies neurodégénératives, diabète, maladies auto-immunes et maladies virales), ainsi que pour les médicaments orphelins indiqués dans le traitement des maladies rares.

la procédure décentralisée : elle s’applique pour les médicaments qui ne sont pas encore autorisés dans l’Union européenne et qui sont destinés à au moins deux États membres. Dans ce cadre, un industriel peut demander une autorisation de mise sur le marché à un État membre reconnus autorité de référence par d’autre États. L’AMM délivrée est valable dans tous les États membres

3° la procédure de reconnaissance mutuelle : elle concerne les médicaments qui ont déjà obtenu une AMM dans un des États membres de l’Union européenne selon une procédure nationale. Le laboratoire désigne les nouveaux pays dans lesquels il souhaite commercialiser son médicament. L’État référent, qui a octroyé l’AMM existante, pilote la procédure. Les AMM sont délivrées par les autorités compétentes des États membres concernés. L’AMM octroyée est valable dans tous les États membres concernés.

Devant ce mouvement de convergence à l’échelle européenne, il apparaît nécessaire de garantir l’attractivité du territoire national par des procédures compétitives. Dans cette optique, la commission d’enquête estime nécessaire d’encadrer la durée d’instruction des demandes d’autorisation de mise sur le marché des produits de santé.

On remarquera par ailleurs qu’elle participe de la même logique d’accélération de l’accès au marché que les objectifs inscrits dans le plan Innovation santé 2030 ([803]). Celui-ci prévoit notamment « la réduction des délais d’accès au marché pour les médicaments et les dispositifs médicaux pour aboutir à des délais inférieurs à ceux de la directive européenne » et « la mise en place d’un mécanisme d’accès immédiat au marché avec une ASMR 1 à 4 post-avis de la Haute autorité de santé, comparable au système allemand d’accès au marché, avec un test pendant 2 ans ».

Proposition n° 61 : Encadrer la durée d’instruction des demandes d’autorisation de mise sur le marché, sur le modèle du règlement du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain.

● Le second problème soulevé par les délais de délivrance d’accès au marché touche à la répartition des compétences entre les différents organismes intervenant dans ce processus.

Il apparaît en effet que la multiplicité des intervenants peut créer une certaine complexité préjudiciable à la commercialisation et du développement des produits de la filière des industries et des technologies de santé.

Devant la commission d’enquête ([804]), M. Philippe Truelle, vice-président de l’AMLIS, a ainsi estimé qu’il pouvait être difficile pour des PME de traiter successivement avec l’ANSM, la Haute autorité de santé et avec le comité économique des produits de santé (CEPS) pour commercialiser un médicament ou modifier une autorisation de mise sur le marché. Il évoque à ce propos un « parcours du combattant » susceptible d’empêcher l’aboutissement de certaines innovations pharmaceutiques.

Il ressort par ailleurs des propos de M. Olivier Bogillot, président de la FEFIS ([805]), que la répartition des compétences apparaît illisible compte tenu de la multiplicité des interlocuteurs possibles pour les industriels. Suivant son constat, « [p] our une biotech, il est déjà difficile de comprendre qui aller voir entre la direction générale de la Santé (DGS), la direction générale de l’Offre de soins (DGOS), le bureau innovation de l’ANSM, la Haute autorité de santé (HAS) ».

Dès lors que la rapidité et l’accessibilité des procédures administratives constituent un élément de compétitivité, il importe de limiter les effets d’un trop grand morcellement des compétences entre les autorités sanitaires.

Dans cette optique, la commission d’enquête préconise, d’une part, d’assurer l’adéquation des ressources humaines et moyens matériels des organismes intervenant dans l’examen et la mise en œuvre des autorisations de mise sur le marché et des essais cliniques.

Cette nécessité vaut tout particulièrement pour l’ANSM. L’Agence dispose aujourd’hui d’un effectif de 912 équivalents temps plein travaillés (ETPT), stable depuis 2019 mais en retrait par rapport à celui de l’exercice 2018 (soit 927 ETPT). Le budget s’élève à 116,3 millions d’euros en 2020 (contre 120,5 millions d’euros en 2019 et 123,5 millions d’euros en 2018). Même si les éléments recueillis par la commission d’enquête ne permettent pas d’établir un déséquilibre entre l’évolution des missions et celle des financements, la stabilisation des moyens alloués parait une nécessité au regard de l’objectif d’une accélération des procédures de délivrances des AMM et des autorisations d’essais cliniques.

Proposition n° 62 : Assurer l’adéquation des ressources humaines et des moyens matériels des organismes intervenant dans l’examen et la mise en œuvre des autorisations de mise sur le marché et des essais cliniques et notamment de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et du Comité économique des produits de santé (CEPS).

En second lieu, la commission d’enquête estime qu’il conviendrait de favoriser une intégration des procédures et l’orientation des porteurs de projets et industriels opérant dans le champ de la filière des industries et technologies de santé.

Dans cette optique, la création en septembre 2020 d’un guichet innovation au sein de l’ANSM constitue une mesure pertinente. D’après les éléments fournis à la commission d’enquête par Mme Christelle Ratignier-Carbonneil ([806]), il vise à permettre aux porteurs de projets de s’adresser à un interlocuteur unique, susceptible de répondre à des questions relatives à la réglementation applicable, de donner des avis scientifiques, d’organiser des réunions de pré-soumisson et de présentation de portfolios. Le guichet innovation de l’ANSM a reçu 345 demandes portant sur les médicaments, les dispositifs médicaux et les dispositifs de diagnostic in vitro.

Proposition n° 63 : Favoriser une intégration des procédures et l’orientation des porteurs de projets et industriels de la santé, en envisageant un rapprochement au sein d’une même structure des décideurs publics de l’accès au marché du médicament.

Toutefois, la mise en place d’un tel dispositif ne répond pas totalement à l’objectif d’une simplification du paysage administratif et à un raccourcissement des procédures, en particulier dans le champ de l’innovation.

Aussi, le rapporteur estime nécessaire d’optimiser la répartition des compétences entre acteurs chargés de la régulation des industries de santé et, en pratique, d’asseoir le rôle de la future Agence nationale de l’innovation en santé comme guichet unique du financement et de l’accompagnement de la recherche en matière de produits de santé.

Les difficultés des entreprises évoquées devant la commission d’enquête montrent en effet la nécessité d’organiser un point d’accès unique à l’information et aux procédures, en particulier dans la phase du montage des projets industriels. Ce besoin existe d’autant plus dans la filière des industries et des technologies de santé que celle-ci fait l’objet d’une régulation obéissant à des logiques économiques et sanitaires, ce qui peut contribuer à la complexité des procédures et normes applicables.

De ce point de vue, la création de l’agence innovation en santé, prévue dans le cadre du plan Innovation santé 2030 ouvre des perspectives qu’il convient d’approfondir.

Suivant les annonces du Gouvernement ([807]), l’Agence aurait vocation à jouer le rôle d’une structure d’impulsion et de pilotage stratégique de l’innovation en santé. Elle recevrait pour mission de :

– définir une stratégie nationale d’innovation en santé et assurer sa mise en œuvre, incluant anticipation et réactivité à court terme et vision stratégique à horizon 2030, ceci en cohérence avec les défis de recherche sur lesquels la France veut investir et afin d’anticiper les futures crises sanitaires ;

– simplifier et clarifier les processus existants pour les accélérer en identifiant les cas d’usages prioritaires avec l’écosystème, le cas échéant proposer au Gouvernement des transformations dans l’organisation de l’État ;

– être l’interlocuteur privilégié et connu des acteurs de l’innovation en santé, permettre la synergie entre eux, orienter les porteurs d’innovation et les accompagne ;

– garantir la mise en œuvre du plan Innovation Santé 2030 et rendre compte au Gouvernement de la bonne exécution de l’ensemble des mesures, le cas échéant proposer des adaptations.

Du point de vue du rapporteur, il importe que le Gouvernement définisse très précisément le positionnement, les compétences et les moyens de la future agence.

Si l’ensemble des acteurs auditionnés saluent sa création, ils soulignent par ailleurs le risque d’un empilement des structures qui ajoute à la fragmentation des autorités chargées de la régulation des filières des industries et technologies de santé ([808]).

Ainsi que l’a relevé M. Didier Veron, président du G5 santé ([809]), « la difficulté en R&D consiste à travailler avec les différents organismes de recherche publique sans disposer d’un guichet unique ». Dès lors, l’agence nationale de l’innovation en santé pourrait apporter une valeur ajoutée si elle constituait pourrait constituer un guichet facilitateur pour les industriels de santé avec les différentes autorités de santé, ainsi que les organismes de recherche publique.

Proposition n° 64 : Optimiser la répartition des compétences entre acteurs chargés de la régulation des industries de santé et définir précisément le rôle de la future Agence nationale de l’innovation en santé comme guichet unique du financement et de l’accompagnement de l’innovation en matière de produits de santé.

B.   Un encadrement du prix des mÉdicaments et des dispositifs de santÉ devant accorder davantage de place aux enjeux de dÉveloppement industriel et d’autonomie sanitaire

Sur le plan de la régulation économique, les travaux de la commission d’enquête portent à conclure en la nécessité d’une évolution des objectifs assignés à la fixation des prix des produits de santé.

Si elle se conçoit d’abord comme un instrument de gestion de l’équilibre des dépenses de l’Assurance maladie, cette politique offre également un levier d’action pour le soutien à la filière des industries et des technologies de santé. De fait, sur un marché solvabilisé par des dépenses publiques, l’évolution du tarif des produits de santé fixé entre l’État et les entreprises, la définition du niveau de remboursement par la Sécurité sociale affectent nécessairement en partie les conditions de production et de rentabilité.

Devant les fragilités mises en lumière par la crise sanitaire due à l’épidémie de Covid-19, les pouvoirs publics ont résolu en 2021 de prendre davantage en considération des enjeux relatifs à l’implantation des industries dans la politique de régulation des dépenses de santé. Cette nouvelle orientation s’est manifestée d’abord sur un plan conventionnel puis législatif, avec l’insertion de nouveaux critères de fixation des prix. Si la commission d’enquête y voit une avancée, elle estime qu’il importe de traduire en actes des intentions et des objectifs inscrits dans les textes.

1.   Une maîtrise des dépenses de médicament ayant pu affecter l’équilibre économique des industries de santé

De fait, sur près de deux décennies, les politiques de maîtrise des dépenses de santé ont accordé une large place à une diminution du prix fixé pour les produits de santé et en particulier, les médicaments.

D’après les statistiques dont ont fait état les représentants du LEEM ([810]), depuis 2011, le recul des prix des médicaments aurait atteint 40 % alors que l’indice des prix augmentait de 15 % ou 20 % sur la même période. Par ailleurs, les médicaments représentent désormais 11,5 % des dépenses de l’objectif national de dépenses d’assurances maladies (ONDAM), en conséquence d’une progression de l’enveloppe allouée aux dépenses de la médecine de ville inférieure. En 2020, le médicament contribuait encore à hauteur de 45 % aux économies réalisées dans ce cadre ([811]).

Pour ce qui concerne les médicaments génériques, les représentants du Gemme estiment qu’en conséquence des négociations avec le comité économique des produits de santé (CEPS), la baisse des prix atteint en moyenne 3,5 % par an sur la dernière décennie ([812]). Ainsi que le montre le graphique ci-après, cette baisse apparaît concomitante d’une diminution régulière du chiffre d’affaires réalisé par les fabricants de cette catégorie de spécialité thérapeutiques.

IMPACT DES BAISSES DE PRIX SUR LE MARCHÉ DU GÉNÉRIQUE entre 2007 et 2021

(chiffre d’affaires PFHT en millions d’euros)

Source : Gemme – réponses écrites au questions de la commission d’enquête.

Outre la baisse de tarifs demandés, les industriels auditionnés par la commission d’enquête mettent en cause la procédure de la clause de sauvegarde de l’ONDAM. En cas de dépassement de l’enveloppe des dépenses annuelles prévues pour une spécialité thérapeutique, la procédure implique le versement par les entreprises d’une somme correspondant à l’écart entre la prévision de dépenses et la prévision effective. Calculée sur la base du chiffre d’affaires, cette « remise » est effectuée au dernier trimestre.

Les analyses développées devant la commission d’enquête montrent que la maîtrise du prix des médicaments n’est pas sans rapport avec la progression très modérée ou la faiblesse comparée de la création de richesse des entreprises de la filière des industries et technologies de santé.

Toutefois, son impact sur la rentabilité doit être apprécié au regard de facteurs extérieurs, tels que la spécialisation des industries françaises sur des molécules plutôt anciennes et donc moins rémunératrices au fil de leur cycle de vie. En outre, ainsi que le relève le rapport de la mission d’information sur les médicaments ([813]), il n’existe pas nécessairement aujourd’hui de transparence sur le prix réel des médicaments, seuls les prix faciaux hors remise étant publics.

Interrogés par la délégation de la commission d’enquête, les responsables de l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers ont ainsi confirmé que la question du prix du médicament en Belgique était totalement décorrélée de celle de l’attractivité du territoire pour l’implantation industrielle des laboratoires. En effet, les capacités productives sont le plus souvent dimensionnées pour desservir l’ensemble du marché européen ; la question de leur tarif de remboursement dans un pays n’est donc pas un élément suffisant pour l’implantation d’une unité de production.

Dès lors, il peut être considéré que l’impact du prix peut varier suivant la composition de l’offre propre à chaque entreprise, ce qui ne signifie pas que des diminutions régulières ne puissent pas fragiliser leur équilibre économique et ne pas avoir d’incidence sur le financement des innovations.

En revanche, dans une économie de la santé marquée par la fragmentation des chaînes de valeur, le prix de vente peut constituer un élément d’arbitrage dans l’implantation des activités, comme précédemment observé à propos de la relocalisation de la production de paracétamol dans le Rhône.

2.   Des inflexions possibles et souhaitables pour une valorisation des investissements réalisés en France

La signature de l’accord-cadre du 5 mars 2021 entre le comité économique des produits de santé (CEPS) et le LEEM ([814]), puis l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ([815]) ont été salués dans la mesure où ces deux textes paraissent de nature à mieux intégrer des considérations de politique industrielle dans la détermination du prix des produits de santé.

● Marquant l’aboutissement de réflexions engagées depuis un certain nombre d’années, l’accord-cadre du 5 mars 2021 tend à renouveler les critères jusque-là pris en compte par le CEPS. Le texte reconnaît ainsi expressément la possibilité ([816]) :

– d’une garantie de stabilité des prix des médicaments pour les entreprises qui investissent en France, y compris pour y établir des bases d’exportation ;

– d’un avantage explicite sur les prix des produits qualifiés d’innovants par la Haute autorité santé et dont les principales étapes de fabrication se déroulent en France : en l’occurrence, le plus haut niveau des prix à l’échelle européenne sera appliqué ou, à défaut, l’industriel bénéficiera d’une liberté totale de fixation du prix facial ;

– d’une hausse des prix dans certaines circonstances, – clause qui pourrait être interprétée comme habilitant le CEPS à prendre en compte des hausses du coût des matières premières, une hausse de coût liée à une relocalisation ou un changement des conditions économiques menaçant la viabilité de la production d’un médicament ou la continuité de son approvisionnement ;

– d’accorder le bénéfice de crédits du conseil stratégique des industries de santé sur le critère de la sécurité d’approvisionnement liée à l’implantation en France de toute ou partie de la chaîne de valeur ;

– de maintenir pendant un an le prix d’un médicament en cas d’entrée sur un marché d’une offre de médicaments sensiblement moins chers (tels que des génériques, hybrides ou bio-similaires) ; des baisses peuvent être appliquées pour des médicaments n’apportant pas ou peu de progrès thérapeutiques.

Par ailleurs, l’accord-cadre reprend le dispositif de la garantie de prix européen. Cette garantie consiste à accorder à certains médicaments un prix fabricant hors taxes qui ne peut être inférieur au plus bas prix pratiqué par un panel de quatre autres pays européens : Allemagne, Espagne, Italie et Royaume-Uni. Le nouvel accord-cadre étend à davantage de médicaments le bénéfice de la garantie de prix européen.

● Pour sa part, l’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 introduit un critère de localisation parmi les critères législatifs de fixation du prix. À cet effet, il modifie l’article L. 162-16-4 et l’article L. 165-2 du code de la sécurité sociale, afin de préciser que la fixation du prix des médicaments et spécialités remboursables par l’Assurance maladie peut tenir compte de « la sécurité d’approvisionnement du marché français que garantit l’implantation des sites de production ».

En soi, les mentions nouvelles apportées au code de la sécurité sociale confortent la démarche engagée dans l’accord-cadre du 5 mars 2021, en conférant au CEPS un mandat express, au-delà des orientations de la lettre d’orientation ministérielle du 19 février 2021 qui ouvrait déjà cette perspective ([817]).

Ainsi que le donnent à penser les éléments recueillis par la commission d’enquête, le CEPS s’en tenait logiquement au respect des prescriptions de l’article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale. Celui-ci prévoit que la fixation du prix des médicaments tient compte principalement de l’amélioration du service médical rendu (ASMR) par le médicament, le cas échéant des résultats de l’évaluation médico-économique, des prix des médicaments à même visée thérapeutique, des volumes de vente prévus ou constatés ainsi que des conditions prévisibles et réelles d’utilisation du médicament.

Toutefois, ainsi que l’a souligné le président du CEPS, la mise en œuvre du nouveau critère fixé par l’article 38 du projet de loi, devenu l’article 65 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, appelle sans doute des précisions dans ses modalités d’application. Par ailleurs, il convient sans doute de ne pas exagérer la portée de certaines stipulations de l’accord-cadre du 5 mars 2021.

Selon M. Philippe Truelle, vice-président de l’AMLIS ([818]), l’article 18 de l’accord-cadre de 2015 prévoyait déjà la prise en compte d’un critère industriel dans la fixation des prix du médicament. Il aurait été pourtant peu appliqué. Par ailleurs, M. Truelle a laissé entendre que la tonalité des négociations avec le CEPS changeait peu à la suite de la conclusion de l’accord-cadre du 5 mars 2021 : de son point de vue, les évolutions de prix proposées demeureraient en deçà du prix de revient industriel.

Le rapporteur ne peut qu’appeler les pouvoirs publics à veiller à la bonne application des dispositions légales et conventionnelles nouvelles qui tendent à une meilleure prise en compte de la sécurité d’approvisionnement dans la fixation des prix des produits de santé. Par ailleurs, il est indispensable de parvenir dans les meilleurs délais à la révision de l’accord-cadre relatif aux dispositifs médicaux, lequel n’a pas été renouvelé.

Proposition n° 65 : a) Garantir la bonne application des dispositions légales et conventionnelles tendant à la prise en compte de la sécurité d’approvisionnement inhérente à l’implantation des sites de production dans la fixation des prix des produits de santé objet d’un remboursement, avec la production périodique de rapports sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Dans une même démarche que celle qui a inspiré la révision de l’accord-cadre du 5 mars 2021 et l’adoption de l’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, le rapporteur estime qu’il pourrait être envisagé d’inclure, parmi les critères de fixation des prix, l’hypothèse d’une crise sanitaire. La mise en œuvre d’une telle disposition pourrait s’appuyer sur la liste des principes actifs et dispositifs médicaux essentiels dont elle préconise l’établissement.

Proposition n° 65 : b) Prendre en compte le caractère indispensable des produits au regard des besoins de santé publique, en particulier dans le contexte d’une crise sanitaire, en échange de garantie d’approvisionnement.

Du point de vue de la commission d’enquête, la fixation du prix des médicaments et dispositifs médicaux doit offrir un instrument de soutien dynamique au maintien et au développement des capacités industrielles. Cet objectif implique nécessairement de prendre en considération les conditions de rentabilité propre à chacun des productions.

Or, les instruments de régulation des dépenses de santé tendent à reposer sur des normes de progression et des enveloppes qui s’appliquent de manière indistincte à des produits pourtant très différents. Il en va ainsi de l’ONDAM et de la mise en œuvre de la clause de sauvegarde.

Ainsi que l’a souligné M. Jérôme Wirotius, vice-président chargé des affaires économiques du Gemme ([819]), les génériques ont été intégrés en 2019 dans le champ de la clause de sauvegarde, au même titre que les médicaments innovants. Dès lors que ces derniers connaissent une croissance soutenue et contribuent au dépassement de l’enveloppe des dépenses prévues, les producteurs de génériques peuvent être astreints aux remises dues en cas de mise en œuvre de la clause de sauvegarde.

Aussi, le rapporteur juge qu’il pourrait être utile d’envisager une adaptation des normes de dépenses de l’ONDAM par catégorie de produits de santé pour permettre une gestion consolidée, proactive et pluriannuelle des dépenses de médicaments. Suivant la proposition de M. Wirotius, il s’agirait de différencier les conditions d’application de la clause de sauvegarde entre médicaments innovants et médicaments génériques.

Le Parlement, dans le cadre de la préparation de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pourrait procéder à cette étude.

Proposition n° 66 : Revoir la pertinence des normes de dépenses définies au sein de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) par catégorie de produits de santé pour permettre une gestion consolidée, proactive et pluriannuelle des dépenses de médicaments, par un rapport réalisé par les commissions compétentes dans le cadre de la préparation de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Afin de préserver l’efficacité de l’ONDAM et la régulation des dépenses de santé, le rapporteur estime qu’il conviendrait de recourir davantage aux données de vie réelle des médicaments dans la fixation des prix.

De fait, il ressort de l’audition du président du Comité économique des produits de santé (CEPS) ([820]) que la fixation des prix ne résulte initialement que des essais cliniques. Si elle prend en considération le service médical rendu en vertu de l’article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale, leur révision ne s’appuie pas nécessairement sur la base d’une évaluation ex-post, sur le modèle de la pratique allemande.

D’après les informations recueillies par la commission d’enquête, la fixation des prix n’intervient qu’un an après la commercialisation, dans le cadre d’une clause de revoyure destinée à mesurer l’intérêt thérapeutique réel d’un produit médicamenteux. Une telle démarche pourrait être sans doute développée afin de dégager de possibles économies et donc ménager une évolution des prix plus conforme aux enjeux du maintien des activités industrielles.

L’existence d’outils centralisés de collecte des données anonymisées de santé, tels que le Health Data Hub précédemment décrit, peut contribuer à cet exercice.

Proposition n° 67 : Pour la fixation et l’évolution des prix des médicaments, recourir davantage aux données de vie réelle anonymisées recueillies pendant l’utilisation des médicaments, permettant d’évaluer ex post leur efficacité et leur intérêt thérapeutiques.

C.   La commande publique : un instrument de stimulation des industries franÇaises de santÉ insuffisamment employÉ

Dans la mesure où elle peut suppléer à des défaillances du marché en soutenant des activités d’intérêt général, la commande publique constitue un levier d’action qu’il convient de ne pas négliger dans l’objectif d’une restauration de la filière des industries et technologies de santé. Par leurs achats, les personnes publiques contribuent nécessairement à façonner l’environnement dans lequel ces entreprises peuvent évoluer. Elles sont des parties prenantes de la demande de santé.

C’est la raison pour laquelle la commission d’enquête a souhaité examiner deux questions : l’impact des achats hospitaliers ; la pertinence du droit des marchés publics au regard de la spécificité de la fourniture des produits de santé. Il en ressort deux constats : d’une part, l’insuffisante contribution des achats hospitaliers au dynamisme de la filière des industries et technologies de santé ; d’autre part, la pertinence d’évolutions dans le droit de la commande publique.

1.   Une politique d’achat des établissements hospitaliers n’assurant pas nécessairement des débouchés suffisants et réguliers aux entreprises nationales

D’après les statistiques dont fait état un rapport de notre collègue Jean-Carles Grelier daté de décembre 2019 ([821]), les achats hospitaliers représentaient, en 2017, près de 24,7 milliards d’euros ([822]). Ainsi que le montre le graphique ci-après, les médicaments constituent le premier poste de dépenses (35,3 % des achats enregistrés), suivis des dispositifs médicaux (12,3 %), de l’hôtellerie (10 %) et de l’équipement biomédical (9,5 %).

Dans le cadre de la régulation des dépenses de santé organisée par l’objectif national des dépenses d’assurance maladie fondée notamment sur la notion de « gains d’achat », la maîtrise des principaux postes d’achats constitue donc un enjeu primordial pour les établissements de santé. En effet, suivant le constat établi par la Cour des comptes, le montant des achats a augmenté de 52 % entre 2005 et 2015, soit une croissance annuelle de plus de 4 % ([823]).

La fonction achats s’exerce désormais largement par le recours à des marchés groupés ou par l’intermédiaire de centrales d’achat, à l’exemple du réseau de l’Union des hôpitaux pour les achats (UniHA). Suivant les éléments communiqués lors des auditions ([824]), ce dernier compte près d’un millier d’établissements de santé, 115 groupements hospitaliers de territoire (GHT). Le portefeuille d’achats assuré pour le compte de ses membres atteint près de 5,6 milliards d’euros en 2021, soit près d’un tiers des achats hospitaliers hors travaux en France. L’achat des médicaments représente près des deux tiers du portefeuille.

RÉpartition des achats hospitaliers en 2017

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Source : Direction générale de l’offre de soins citée par Assemblée nationale, Commission des Affaires sociales, Rapport d’information déposé en conclusion des travaux d’une mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la politique d’achat des hôpitaux, n° 2496, 11 décembre 2019.

L’Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS) représente un cas particulier dans la mesure où elle se présente comme une direction de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) chargée d’assurer les achats des établissements membres de l’AP-HP. D’après les chiffres communiqués par son directeur M. Renaud Cateland ([825]), ses dépenses atteignent un milliard d’euros sur le médicament, 300 millions d’euros sur les dispositifs médicaux implantables et environ 100 millions d’euros sur les consommables de laboratoire. Entre 100 et 200 millions d’euros sont également consacrés aux équipements biomédicaux.

Les éléments recueillis par la commission d’enquête tendent à démontrer que les achats hospitaliers ne contribuent pas nécessairement aujourd’hui à soutenir le dynamisme de la filière des technologies de santé, compte tenu de deux risques inhérents à la passation d’appel d’offres.

● Le premier risque est celui d’une pression déflationniste sur le chiffre d’affaires réalisé avec les hôpitaux à raison de la part qu’occupe le critère des prix parmi les déterminants de l’attribution des marchés hospitaliers. De fait, des études établissent que le libre jeu de la concurrence qui s’exerce au travers de la passation des marchés pèse suffisamment sur les prix à l’hôpital pour permettre un potentiel d’économies significatives par rapport aux prix administrés en ville ([826]).

Certes, la prise en compte du coût complet plutôt que du seul critère pris peut permettre de sortir d’une logique du « moins-disant ». Selon M. Charles Guepratte, président de l’UniHA ([827]), l’utilisation de la notion ferait partie des bonnes pratiques qui permettent de retenir la candidature d’une entreprise moins performante au plan des coûts mais susceptible d’assurer d’autres prestations.

Toutefois, rien n’établit que les centrales d’achat recourent massivement à la notion. En revanche, il apparaît que le critère prix peut occuper une part prépondérante sans être nécessairement majoritaire parmi les déterminants de l’attribution d’un marché. L’état des lieux dressé devant la commission d’enquête fournit l’indice de situations assez variables.

Pour ce qui concerne l’UniHA, il ressort des déclarations de M. Bruno Carrière, son directeur général ([828]), « le critère technique (qualité du produit, continuité d’approvisionnement, service apporté par le fournisseur en accompagnement du produit, etc.) varie entre 40 et 60 %. Le critère économique pèse quant à lui entre 40 % et 50 %. Parfois, 10 % de critères complémentaires de développement durable s’y ajoutent (emballage, éloignement des produits). Le critère économique peut parfois être prépondérant (jusqu’à 70 %) lorsque des produits sont techniquement équivalents et parfaitement substituables », par exemple dans le cas des produits radio-pharmaceutiques. Ce dernier pourcentage correspond à celui que les représentants du G5 santé ont affirmé constater ([829]).

S’agissant de l’AGEPS, M. Renaud Cateland, son directeur, a indiqué que « la pondération du prix ne dépasse jamais les 35 % – 40 % » et que dans le poids accordé à chacun des critères d’attribution des marchés, la poursuite de la qualité primait.

● Le second risque est celui d’une perte d’activité plus ou moins durable des entreprises en raison des modalités d’attribution et d’organisation des marchés d’achats de médicaments et de dispositifs médicaux.

Dans cette hypothèse formulée devant la commission d’enquête, la perte d’un appel d’offres conduirait l’entreprise à se retirer durablement d’un marché, faute de débouchés suffisants. Une telle menace justifierait de privilégier l’organisation de marchés multi-attributaires, lesquels présenteraient l’avantage d’assurer une certaine visibilité aux entreprises soumissionnaires quant aux volumes fournis.

De fait, le développement d’un tel mode d’attribution des marchés d’achats hospitaliers recueille l’adhésion de l’ensemble des représentants de la filière des industries et des technologies de santé. Le plan Innovation Santé 2030 propose des mesures qui favorisent les offres multi-attributaires et la pratique de l’allotissement pour les petites et moyennes entreprises (PME).

Le rapporteur ne méconnaît pas l’intérêt d’une telle organisation des marchés public dans l’objectif de soutenir le secteur. Il estime pour autant qu’il conviendrait plutôt d’inciter les gestionnaires des achats hospitaliers à revoir la pondération de leurs critères d’attribution et de renforcer la prise en compte de la sécurité d’approvisionnement inhérente à l’implantation des sites de production.

La réalisation de ce dernier objectif pourrait se traduire par une évolution de la rédaction du code des marchés publics par un acte réglementaire qui reprendrait l’avancée de l’article 65 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022, en consacrant l’importance de « la sécurité d’approvisionnement du marché français que garantit l’implantation des sites de production ».

Une telle mesure pourrait sans doute conforter des pratiques des centrales d’achats ou direction d’achat qui à l’instar de l’AGEPS, affirment veiller de plus en plus à la continuité et à la sécurité des approvisionnements ([830]).

Proposition n° 68 : Inciter les pouvoirs adjudicateurs à retenir des critères cohérents et renforcer la prise en compte de la sécurité d’approvisionnement inhérente à l’implantation des sites de production parmi les critères des appels d’offres en vue de la fourniture de produits de santé par les hôpitaux publics.

2.   Des inflexions nécessaires et possibles dans le cadre du droit de la commande publique

Au-delà de l’organisation des achats hospitaliers, l’affirmation d’un objectif de souveraineté sanitaire pourrait justifier une évolution de la pratique et du droit de la commande publique.

Il ressort de plusieurs interventions de la commission d’enquête que, sous la réserve de ne pas interdire l’accès à la commande publique, le droit européen de la commande publique ménage une certaine latitude dans l’établissement de critères susceptibles de soutenir l’industrie nationale.

À ce titre, les directives européennes du 26 février 2014 ont pour ambition de faire des marchés publics et des contrats de concession des instruments « pour parvenir à une croissance intelligente, durable et inclusive » ([831]). Ainsi, le droit de la commande publique français prévoit une obligation juridique pour les acheteurs publics de tenir compte des objectifs de développement durable. En effet, l’article L.2111-1 du code de la commande publique dipose que « la nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale ».

Plusieurs outils juridiques peuvent être utilisés par les acheteurs publics pour prendre en compte les considérations sociales et environnementales :

– les critères d’attribution, à la condition qu’ils soient « objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution » (article L. 2152-7 du code de la commande publique) ;

– les spécifications techniques, qui définissent les caractéristiques des services, fournitures ou travaux qui sont l’objet du contrat, « peuvent inclure des caractéristiques environnementales ou sociales » (article R. 2111-10 du code de la commande publique) ;

– les conditions d’exécution du contrat, qui doivent être liées à l’objet du contrat, « peuvent prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations » (article L. 2112-2 du code de la commande publique).

Le droit de la commande publique a fait l’objet de nombreuses modifications récentes qui témoignent de la volonté de faire de la commande publique un levier en faveur des objectifs du développement durable. On peut notamment mentionner la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui développe le concept de commande publique circulaire et incite à la prise en compte du cycle de vie complet des produits ([832]). La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire poursuit cette logique en imposant que « les biens acquis annuellement par les services de l’État ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements soient issus du réemploi ou de la réutilisation ou qu’ils intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit », sauf en cas de contrainte opérationnelle liée à la défense nationale ou en cas de contrainte technique significative liée à la nature de la commande publique ([833]). Un décret fixe la liste des produits concernés et, pour chacun de ces produits, les taux pouvant être issus du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage correspondant à ces produits ([834]).

En outre, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi climat et résilience », a prévu plusieurs mesures pour rendre plus écologiquement responsable la commande publique.

Marchés publics : les avancées de la « loi climat et résilience »

L’objectif de verdissement de la commande public franchit une nouvelle étape avec la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « loi climat et résilience ».

L’article 35 de cette loi comporte ainsi plusieurs dispositions impactant le droit de la commande publique et particulièrement le droit des marchés publics.

Un nouvel objectif pour la commande publique

La loi climat et résilience crée un nouvel article L. 3-1 au sein du code de la commande publique qui prévoit que « La commande publique participe à l’atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale, dans les conditions définies par le présent code ».

Ce principe est traduit concrètement à chaque stade de la procédure de passation.

Spécifications techniques intégrant les objectifs de développement durable

La préoccupation environnementale doit être intégrée dès la définition du besoin. La disposition relative à la formalisation du besoin par des spécifications techniques est ainsi complétée : « les spécifications techniques prennent en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale » (article L. 2111-2 du code de la commande publique).

Les marchés de défense et de sécurité ne sont pas concernés par cette disposition, comme au demeurant par un certain nombre d’innovations de la loi climat et résilience.

Exclusion des candidats pour défaut de plan de vigilance

Désormais l’absence d’élaboration de plan de vigilance par les entreprises relevant de l’article L. 225-102-4 du code de commerce peut être un motif d’exclusion de la procédure de passation. Cette exclusion reste à la discrétion de l’acheteur.

Ce plan de vigilance ne concernera qu’une minorité d’entreprises, ayant au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l’étranger.

Il est en outre prévu qu’une telle prise en compte ne peut être de nature à restreindre la concurrence ou à rendre techniquement ou économiquement difficile l’exécution de la prestation.

Obligation de prévoir un critère environnemental

L’article L. 2152-7 du code de la commande publique impose désormais de prévoir un critère environnemental pour l’analyse des offres. Désormais « au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre ». Il s’agit de la principale nouveauté de la loi climat et résilience en matière de commande publique.

Aucune dérogation n’est prévue, notamment pour les marchés pour lesquels un tel critère ne serait pas pertinent. Il ne semble en conséquence plus possible de recourir désormais au critère unique du prix. Aucune pondération minimale de ce critère n’est prévue.

Pour les marchés publics dont la valeur estimée est supérieure ou égale aux seuils européens, l’article L 2112-2-1 du code de la commande publique prévoit que, l’acheteur aura l’obligation de prévoir des considérations relatives au domaine social ou à l’emploi.

Des dérogations sont prévues (ce qui n’est pas le cas pour le critère environnemental) :

« le besoin est satisfait par une solution immédiatement disponible » ;

– lorsqu’une « telle prise en compte n’est pas susceptible de présenter un lien suffisant avec l’objet du marché » ;

– lorsqu’une « telle prise en compte est de nature à restreindre la concurrence ou rend techniquement ou économiquement difficile l’exécution de la prestation » ;

– lorsqu’il « s’agit d’un marché de travaux inférieur à 6 mois ».

Insertion de clauses de clauses environnementales pour l’exécution du marché

Il est créé un article L. 2312-1-1 du code de la commande publique prévoyant que « Les conditions d’exécution prennent en compte des considérations relatives à l’environnement. Elles peuvent également prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations » ;

Les clauses environnementales, qui seront insérées dans le cahier des clauses administratives particulières ou dans le cahier des clauses techniques particulières sont donc obligatoires. Cela est à rapprocher des nouvelles clauses types des cahiers des clauses administratives générales (CCAG) de 2021 en matière d’environnement.

Schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables

La loi Climat et résilience précise le contenu des schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsable (article L. 2111-3 du CCP). Pour rappel, les SPASER doivent être mis en place par les collectivités territoriales dont le montant total annuel des achats dépasse 100 millions d’euros.

Le SPASER doit désormais comporter des « indicateurs précis, exprimés en nombre de contrats ou en valeur et publiés tous les deux ans, sur les taux réels d’achats publics relevant des catégories de l’achat socialement et écologiquement responsable parmi les achats publics réalisés par la collectivité ou l’acheteur concerné ».

En outre, le SPASER devra définir les « objectifs cibles à atteindre pour chacune de ces catégories » et « notamment ceux relatifs aux achats réalisés après des entreprises solidaires d’utilité sociale agréées au sens de l’article L. 3332-17-1 du code du travail, d’une part, ou auprès des entreprises employant des personnes défavorisées ou appartenant à des groupes vulnérables, d’autre part ».

Enfin, le SPASER devra être rendu public par une mise en ligne.

Si les réformes de ces dernières années marquent donc une avancée, il revient aux acheteurs publics de s’approprier davantage les possibilités offertes par le droit de la commande publique pour inscrire durablement les dimensions sociales et environnementales dans la pratique, mais aussi pour un meilleur recours à des approvisionnements de proximité.

À cet égard, l’article L. 2111-4 du code de la commande publique dispose que « l’acheteur peut imposer que les moyens utilisés pour exécuter tout ou partie d’un marché, pour maintenir ou pour moderniser les produits acquis soient localisés sur le territoire des États membres de l’Union européenne afin, notamment, de prendre en compte des considérations environnementales ou sociales ou d’assurer la sécurité des informations et des approvisionnements ».

Toutefois, un critère d’attribution qui reposerait directement sur l’origine, l’implantation ou la proximité géographique des candidats à l’attribution méconnaîtrait les principes d’égalité de traitement des candidats et de liberté d’accès à la commande publique consacrés aujourd’hui par l’article L.3 du code de la commande publique ([835]). En revanche, si l’implantation de l’opérateur est une condition de bonne exécution du contrat, ce critère est alors en rapport avec l’objet du contrat et sa prise en compte peut être admise ([836]). En outre, le recours à un critère environnemental comme la réduction des émissions de CO2 pourrait être utilisé par un acheteur public sur le fondement du coût du cycle de vie tel que défini à l’article R. 2152-9 du code de la commande publique, puisque ce coût peut notamment « inclure le coût des émissions de gaz à effet de serre et d’autres émissions polluantes ainsi que d’autres coûts d’atténuation du changement climatique ».

Le cadre du droit européen de la commande publique offre donc bien des possibilités d’insertion de clauses environnementales et sociales à la disposition des acheteurs publics, qui y ont désormais davantage recours : en 2020, près de 17 % des marchés publics comprenaient une clause environnementale et 12 % des marchés publics comprenaient une clause sociale, contre respectivement 6,7 % et 6,1 % en 2013 selon l’Observatoire économique de la commande publique ([837]). À cet égard, la troisième édition du plan national d’action pour les achats durables (PNAD) pour les années 2021 à 2025 se fixe comme objectifs d’ici à 2025 que 100 % des marchés notifiés d’ici à 2025 comprennent au moins une considération environnementale et que 30 % des marchés notifiés d’ici à 2025 comprennent au moins une considération sociale ([838]). Il conviendra d’être attentif à la bonne diffusion auprès des acheteurs publics de ce plan, « encore trop méconnu » comme le relève le rapport relatif à la commande publique sociale et environnementale remis le 20 octobre 2021 au Premier ministre par notre collègue Mme Sophie Beaudouin-Hubière et Mme la sénatrice Nadège Havet ([839]).

Afin de garantir l’équilibre de la concurrence pour l’accès aux marchés publics d’autres États membres de l’Union européenne et face à la concurrence extracommunautaire, il pourrait être expédient d’inscrire l’application systématique de clauses sociales et environnementales dans le droit de l’Union européenne. Ainsi que l’a rappelé Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’industrie, « rien n’empêche d’introduire des clauses sociales et environnementales dans les achats et commandes publics européens » ([840]). En l’état, l’article 67 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 ([841]) consacre le principe suivant lequel l’offre économique la plus avantageuse doit être retenue pour l’attribution d’un marché : si la prise en compte de considérations autres que le prix est bien ouverte aux acheteurs publics, elle n’est néanmoins pas obligatoire.

La qualification de l’offre économique la plus avantageuse selon l’article 67 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014

« 2. L’offre économiquement la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur est déterminée sur la base du prix ou du coût, selon une approche fondée sur le rapport coût/efficacité, telle que le coût du cycle de vie, conformément à l’article 68, et peut tenir compte du meilleur rapport qualité/prix, qui est évalué sur la base de critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux et/ou sociaux liés à l’objet du marché public concerné. Il peut s’agir, par exemple, des critères suivants :

« a) la qualité, y compris la valeur technique, les caractéristiques esthétiques et fonctionnelles, l’accessibilité, la conception pour tous les utilisateurs, les caractéristiques sociales, environnementales et innovantes et la commercialisation et ses conditions ;

« b) l’organisation, les qualifications et l’expérience du personnel assigné à l’exécution du marché, lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d’exécution du marché ; ou

« c) le service après-vente, l’assistance technique et les conditions de livraison, telles que la date de livraison, le mode de livraison et le délai de livraison ou d’exécution.

« Le facteur coût peut également prendre la forme d’un prix ou d’un coût fixe sur la base duquel les opérateurs économiques seront en concurrence sur les seuls critères de qualité.

« Les États membres peuvent prévoir que les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent pas uniquement utiliser le prix ou le coût comme seul critère d’attribution ou limiter cette utilisation à certaines catégories de pouvoirs adjudicateurs ou certains types de marchés. »

Or, de telles normes constituent l’une des sources de désavantage comparatif avec la concurrence extra-européenne, notamment pour la filière des industries et technologies de santé. Aussi la commission d’enquête préconise de modifier l’article 67 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 afin de rendre systématique une « clause environnementale et sociale » dans les critères d’attribution des marchés publics, et de consacrer la possibilité d’une attribution de marchés publics fondés sur le respect de standards élevés de production, en matière de protection et de situations sociales des travailleurs et de limitation de l’impact environnemental de la production.

Proposition n° 69 : modifier l’article 67 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 pour rendre systématique une « clause environnementale et sociale » dans les critères d’attribution des marchés publics et consacrer la possibilité d’une attribution de marchés publics fondée sur le respect de standards élevés de production.

Dans une même optique, le rapporteur soutient le projet d’interdire la participation aux marchés publics des producteurs dont les conditions de production sont déloyales, notamment du fait d’un soutien public extérieur à l’Union européenne.

La Commission européenne a présenté le 5 mai 2021 une proposition de règlement visant à remédier aux distorsions de concurrence causées par les subventions étrangères au sein du marché intérieur. Celle-ci fait suite à l’adoption du livre blanc de juin 2020.

Cette proposition comble un vide réglementaire susceptible d’affecter l’égale concurrence sur le marché intérieur ; les subventions de pays tiers à des entreprises exerçant une activité économique dans l’Union européenne ne font actuellement l’objet d’aucun contrôle. En effet, le champ d’application de l’article 107 du TFUE relatif au contrôle des aides d’État est limité aux aides accordées par un État membre et ne saurait dès lors s’appliquer à de telles subventions. Les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l’Union européenne en matière de droits antidumping et antisubventions sont quant à elles restreintes à l’importation des marchandises.

La proposition de règlement offre ainsi à la Commission européenne des outils permettant d’enquêter et de corriger de telles distorsions. Afin de se concentrer sur les subventions les plus sensibles, elle propose une présomption d’absence de distorsion pour les subventions dont le montant est inférieur à 5 millions d’euros.

Le texte s’articule autour de trois outils distincts, un instrument général d’enquête sur le marché et deux mécanismes de notifications ex ante dont le premier est relatif aux concentrations et le second s’applique dans le cadre des procédures de passation de contrats de la commande publique.

L’article 18 du projet de règlement prévoit ainsi une obligation de notifier les concentrations lorsque, d’une part, l’entreprise acquise ou au moins l’une des entreprises qui fusionnent est établie dans l’Union européenne et réalise un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 500 millions d’euros. D’autre part, les entreprises concernées doivent avoir reçu une subvention d’un pays tiers de plus de 50 millions d’euros au cours des trois dernières années.

La proposition de la Commission envisage également d’imposer une obligation de notification pour les opérateurs économiques qui participent à une procédure de passation d’un contrat de la commande publique dont la valeur estimée est supérieure ou égale à 250 millions d’euros : les soumissionnaires devront notifier les subventions étrangères reçues au cours des trois dernières années. À cette occasion, la Commission procédera à un examen préliminaire dans les 60 jours suivant la notification à l’issue duquel elle pourra ouvrir une enquête approfondie et adopter une décision de clôture de l’enquête au plus tard 200 jours après la notification. En cas d’impossibilité d’éliminer la distorsion de concurrence, la Commission adoptera une décision interdisant à l’acheteur d’attribuer le contrat à l’opérateur économique concerné.

En parallèle, toutes les autres situations de marché, incluant les concentrations et les procédures de passation inférieures aux seuils de notification, pourront faire l’objet d’un examen d’office par la Commission européenne, qui pourra proposer des engagements ou des mesures correctives si une potentielle distorsion est identifiée.

La proposition de règlement dote également la Commission du pouvoir de prononcer des amendes et des astreintes à l’encontre des entreprises. Le non-respect des engagements ou l’absence de notification peut ainsi conduire à une amende allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuels de l’entreprise visée.

Une telle procédure marquerait une avancée dans la lutte contre les distorsions de concurrence dont peut être victime l’industrie française en général et, en particulier, la filière des industries et technologie de santé.

Elle mériterait cependant d’être étendu aux produits qui ont été manufacturés dans des conditions ne respectant pas les standards européens en matière de droits sociaux, de salaires minimaux et de protection sociale, ainsi que les normes imposées aux industriels européens pour limiter leur impact environnemental.

Proposition n° 70 : Interdire la participation aux marchés publics des producteurs dont les conditions de production sont déloyales, notamment en raison de soutiens publics extérieurs à l’Union européenne.

En dernier lieu, la commission d’enquête appelle les pouvoirs publics à examiner l’utilité d’une adaptation des exigences et procédures des appels d’offres aux spécificités de la fourniture des produits de santé.

De fait, à l’hôpital, des règles uniformes s’appliquent des médicaments, des dispositifs médicaux et d’autre biens et services dont la fourniture ne soulève pas les mêmes enjeux.

En dehors même des circonstances exceptionnelles et des ruptures constatées du fait de la désorganisation logistique, il conviendrait que le droit de la commande publique prenne en compte que la sécurisation et la fiabilisation de l’approvisionnement justifient que des exigences en termes de localisation des unités de production.

Il a été annoncé devant la commission d’enquête qu’une circulaire était en préparation concernant les spécificités des achats hospitaliers. Si cela était un premier pas, il faudrait sans doute que le caractère spécifique et stratégique de l’approvisionnement hospitalier soit pris en compte dans les directives européennes sur la passation des marchés publics ([842]).

Proposition n° 71 : Adapter les exigences des appels d’offres aux spécificités de la fourniture des produits de santé aux établissements de santé, en permettant de prévoir des clauses valorisant les garanties pouvant être apportées à la continuité de leur approvisionnement.

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   RÉcapitulatif de l’ensemble
des propositions du rapporteur

Proposition n° 1 : Réaffirmer la volonté et l’ambition industrielle de la France dans le cadre d’un pacte productif national.

Proposition n° 2 : Organiser une grande conférence industrielle nationale réunissant l’ensemble des partenaires sociaux (entreprises, organisations syndicales) et le Gouvernement, le Parlement et les représentants des collectivités territoriales et de la société civile.

Proposition n° 3 : Développer la recherche en créant un statut de groupement d’employeurs spécifique dédié à l’embauche de doctorants dans le cadre d’une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE).

Proposition n° 4 : Mettre en place un instrument d’épargne populaire garanti destiné à l’investissement industriel national et européen.

Proposition n° 5 : Renforcer l’enseignement scientifique et technique et renouveler les approches pédagogiques dans le parcours scolaire et supérieur, afin que tous les élèves disposent de bases plus solides en mathématiques et en sciences.

Proposition n° 6 : Concentrer les aides financières à l’embauche des volontaires territoriaux en entreprises dans les zones les plus désindustrialisées.

Proposition n° 7 : Soutenir l’effort des régions et de l’éducation nationale en vue de la valorisation des métiers de l’industrie dans le cadre de la formation initiale et continue, ainsi que des dispositifs de reconversion professionnelle.

Proposition n° 8 : Faire un bilan de l’organisation des filières actuelles au sein du Conseil national de l’industrie et mettre en place une mission d’accompagnement à la structuration des filières.

Proposition n° 9 : Mieux organiser les relations entre donneurs d’ordres et ses sous-traitants, allant au-delà du devoir de vigilance.

Proposition n° 10 : Doubler le nombre de parlementaires nommés au comité de surveillance des investissements d’avenir et assurer une représentation proportionnée de toutes les composantes de la représentation nationale.

Proposition n° 11 : Renouveler la doctrine d’intervention de l’État actionnaire pour l’ouvrir à des prises de participation dans les secteurs stratégiques ou vitaux.

Proposition n° 12 : Renforcer le contrôle français des investissements étrangers en pérennisant dans la loi le seuil d’acquisition de 10 % des droits de vote susceptible de déclencher le contrôle dans les sociétés françaises exerçant des activités sensibles, et élargir le champ de ces activités à l’ensemble des industries de l’énergie et du médicament, pour conserver les technologies et savoir-faire français.

Proposition n° 13 : Ouvrir un nouveau compartiment (fonds souverain) dédié à la participation aux secteurs d’avenir comme investisseur avisé.

Proposition n° 14 : Mieux rendre compte au Parlement de la politique actionnariale de l’État, par un débat annuel dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

Proposition n° 15 : Pour décarboner la circulation des marchandises, valoriser les infrastructures françaises existantes, en renforçant le financement de la rénovation et de l’entretien des voies de fret ferroviaire et fluvial.

Proposition n° 16 : Développer l’offre publique d’accompagnement des dirigeants des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) dans la définition des compétences nécessaires au développement et à la transformation numérique de leur activité.

Proposition n° 17 : Amorcer rapidement la constitution d’une filière européenne de production et d’utilisation des énergies renouvelables.

Proposition n° 18 : Mieux prendre en compte les besoins de l’industrie dans la définition des politiques de planification de l’énergie.

Proposition n° 19 : Développer le recyclage par la création de filière de valorisation alimentant l’industrie localement.

Proposition n° 20 : Prévoir l’inscription d’un « score de recyclage » sur les produits manufacturés et obtenir un assouplissement de la directive européenne sur la TVA permettant d’appliquer un taux réduit de TVA sur les produits recyclés en les incluant dans l’annexe III de la directive.

Proposition n° 21 : Défendre, à l’occasion de la présidence française du conseil de l’Union européenne, l’adoption de mécanismes de préférence européenne (défense économique, sociale et environnementale) comprenant une taxe carbone aux frontières et un corpus européen de normes sociales et environnementales compensé pour les importations.

Proposition n° 22 : Prévoir la mise en place de mesures d’accompagnement spécifiques pour les TPE-PME dans le cadre de la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).

Proposition n° 23 : Sur le modèle développé par les industriels de l’axe Seine, conduire les industries européennes émettant plus de 100 kilotonnes de dioxyde de carbone par an à envisager le recours à la capture et au stockage du carbone d’ici à 2035 si elles ne sont pas parvenues entre-temps à réduire leur empreinte carbone.

Proposition n° 24 : Renforcer le suivi des investissements d’avenir en fonds propres dans des fonds et fonds de fonds et fournir au Parlement une information documentée plus détaillée et plus homogène.

Proposition n° 25 : Améliorer l’effort en faveur de la R&D avec pour objectif de dépasser les 3 % du PIB en développant en parallèle recherche publique et privée.

Proposition n° 26 : Moduler le taux du crédit d’impôt recherche en fonction de la taille de l’entreprise plutôt qu’en proportion des dépenses de recherche et développement engagées.

Proposition n° 27 : Conditionner l’attribution d’aides publiques et le crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche (CIR) à la localisation des chaînes de production.

Proposition n° 28 : Favoriser la mise en réseau des recherches publique et privée en développant les dispositifs de contractualisation entre pôles de compétitivité et institutions de recherche universitaire.

Proposition n° 29 : Fixer à l’Agence nationale de la recherche un objectif de financement d’un tiers des projets de recherche collaborative (PRC) et des projets de recherche collaborative – entreprise (PRCE) qui lui sont soumis.

Proposition n° 30 : systématiser les labellisations « relations fournisseurs et achats responsables » (RFAR).

Proposition n° 31 : Imposer la présence des représentants des salariés lors des discussions relatives aux contrats de filière et faire prendre en charge au titre des frais de fonctionnement du Conseil national de l’industrie les frais de déplacement pour que les représentants des salariés puissent assister aux réunions.

Proposition n° 32 : Augmenter la représentation des très petites, petites et moyennes entreprises au sein du Conseil national de l’industrie et des comités stratégiques de filière.

Proposition n° 33 : Promouvoir le modèle et la pérennité des pôles de compétitivité, en évaluant leurs effets en termes de création d’écosystèmes d’innovation.

Proposition n° 34 : Confier une mission transverse au comité stratégique de filière « Solutions industrie du futur » du Conseil national de l’industrie et intégrer dans les négociations sociales la question de l’utilisation de l’intelligence artificielle et des robots et de leur impact sur les conditions de travail.

Proposition n° 35 : Assurer la présence d’au moins 25 % de représentants de salariés au sein des conseils d’administration des entreprises de taille intermédiaire (de 250 à 4 999 salariés) et 30 % dans les grandes entreprises (employant plus de 5 000 salariés).

Proposition n° 36 : Favoriser le rapprochement des sièges sociaux des lieux de production, en incitant fiscalement à la localisation des sièges sociaux au sein des établissements employant le plus de salariés dans l’entreprise.

Proposition n° 37 : Informer et recueillir l’avis du comité social et économique sur l’utilisation des aides publiques perçues par l’entreprise.

Proposition n° 38 : Confier au Haut-commissariat au plan l’animation d’une politique publique de réduction des vulnérabilités critiques à l’horizon 2030, notamment en identifiant les conditions de création des dépendances mutuelles sur les chaînes de valeur, donnant lieu à un rapport remis annuellement au Parlement.

Proposition n° 39 : Consolider les capacités prospectives de l’État en confiant un rôle d’expertise, d’animation et de diffusion de l’information par le Haut-commissariat au plan.

Proposition n° 40 : Élaborer une loi de programmation stratégique de développement de l’industrie, avec un débat démocratique au Parlement sur les paris industriels et technologiques de la collectivité.

Proposition n° 41 : Créer un ministère de l’industrie, de l’énergie et de la recherche technologique de plein exercice.

Proposition n° 42 : En attendant la création d’un ministère de l’industrie de plein exercice, confier la tutelle du SGPI au ministère en charge de l’Économie, des finances et de la relance en parallèle d’un renforcement de ses pouvoirs d’animation de la politique industrielle.

Proposition n° 43 : Conditionner les aides des différents plans d’investissement à des engagements en termes de localisation d’activités, d’emploi, de compétences et de partage équitable de la valeur.

Proposition n° 44 : Défendre, à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, la création d’un service d’intelligence économique au sein de la Commission européenne, qui permettrait de mieux définir les intérêts stratégiques de l’Union européenne.

Proposition n° 45 : Réexaminer le dispositif d’optimisation fiscale « mère-fille » prévu par l’article 145 du code général des impôts.

Proposition n° 46 : Renforcer le projet de directive européenne pour aller vers un salaire minimum harmonisé sur les pays les mieux-disant, d’ici à 2030.

Proposition n° 47 : Pérenniser les assouplissements mis en place pour le contrôle des aides d’État dans le cadre de la crise sanitaire.

Proposition n° 48 : Réformer les règlements d’application du droit européen de la concurrence et des concentrations pour les rendre compatibles avec la nouvelle stratégie industrielle européenne.

Proposition n° 49 : Augmenter les financements publics de la recherche :

a) En renforçant les financements publics dans la recherche fondamentale et appliquée en matière de santé et de biotechnologies, notamment dans le cadre d’une accélération de la trajectoire budgétaire de la loi de programmation sur la recherche pour les années 2021 à 2030, aboutissant à un doublement des crédits de l’Agence nationale de la recherche en direction de la santé ;

b) En dédiant une partie de ces crédits supplémentaires à la recherche en matière de vaccins et de thérapeutiques innovants.

Proposition n° 50 : Organiser le développement commun d’écosystèmes d’innovation, proposant un continuum entre recherche fondamentale et développement des médicaments, par la contractualisation des liens entre centres de recherche universitaire et pôles de compétitivité en santé.

Proposition n° 51 : Examiner l’impact des taxes spécifiquement applicables aux industries de santé afin de prévenir les distorsions de concurrence.

Proposition n° 52 : Veiller à la proportionnalité des normes applicables à la fabrication des produits de santé et dispositifs médicaux aux exigences raisonnables de sécurité des patients et consommateurs.

Proposition n° 53 : Favoriser un accroissement du soutien public apporté au développement des start-ups, notamment par le biais des fonds et des garanties de la Banque publique d’investissement.

Proposition n° 54 : Diminuer le montant des opérations à partir duquel la Banque publique d’investissement peut intervenir dans la constitution d’un tour de table destiné à financer la croissance des start-ups.

Proposition n° 55 : faire de la continuité des approvisionnements en médicaments une priorité :

a) En mettant en place des instruments de suivi des disponibilités et d’anticipation des pénuries et ruptures d’approvisionnement en temps réel ;

b) En élaborant un plan de mobilisation destiné à garantir la disponibilité des produits de santé et dispositifs médicaux en cas de crise.

Proposition n° 56 : Faire de l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA) la garante de la sécurité sanitaire collective :

a) En lui confiant l’organisation d’une coopération à l’échelle de l’Union européenne destinée à prévenir et lutte contre les risques de pénurie ou de rupture d’approvisionnement de produits de santé et de dispositif médicaux ;

b) En lui confiant l’élaboration d’une liste des principes actifs et dispositifs médicaux indispensables car vitaux pour la population de l’Union européenne ;

c) En la dotant d’un statut d’agence et d’un budget propre, lui permettant en cas d’urgence sanitaire de lever rapidement des fonds nécessaires au lancement des recherches thérapeutiques ou vaccinales.

Proposition n° 57 : Développer le dispositif Fab UE pour relocaliser la production des médicaments et produits de santé essentiels à la consommation européenne, en prenant en charge une partie des investissements en échange d’un droit de réquisition des capacités industrielles.

Proposition n° 58 : Déterminer les produits de santé pour lesquels un dispositif d’achat en commun pourrait avoir des effets bénéfiques pour les finances des systèmes sociaux tout en favorisant la sécurité que procure la production en Europe.

Proposition n° 59 : Évaluer la proportionnalité et la cohérence des normes susceptibles d’encadrer l’activité des unités de production des industries de la santé.

Proposition n° 60 : Mesurer la portée des obligations découlant des actes de l’Union européenne et veiller à prévenir la sur-transposition en droit national, en confiant expressément une mission de veille juridique et de benchmarking en la matière au conseil stratégique des industries de santé (CSIS).

Proposition n° 61 : Encadrer la durée d’instruction des demandes d’autorisation de mise sur le marché, sur le modèle du règlement du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain.

Proposition n° 62 : Assurer l’adéquation des ressources humaines et des moyens matériels des organismes intervenant dans l’examen et la mise en œuvre des autorisations de mise sur le marché et des essais cliniques et notamment de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et du Comité économique des produits de santé (CEPS).

Proposition n° 63 : Favoriser une intégration des procédures et l’orientation des porteurs de projets et industriels de la santé, en envisageant un rapprochement au sein d’une même structure des décideurs publics de l’accès au marché du médicament.

Proposition n° 64 : Optimiser la répartition des compétences entre acteurs chargés de la régulation des industries de santé et définir précisément le rôle de la future Agence nationale de l’innovation en santé comme guichet unique du financement et de l’accompagnement de l’innovation en matière de produits de santé.

Proposition n° 65 : Assurer une meilleure sécurité des approvisionnements en médicaments vitaux :

a) En garantissant la bonne application des dispositions légales et conventionnelles tendant à la prise en compte de la sécurité d’approvisionnement inhérente à l’implantation des sites de production dans la fixation des prix des produits de santé objet d’un remboursement, avec la production périodique de rapports sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ;

b) En prenant en compte le caractère indispensable des produits au regard des besoins de santé publique, en particulier dans le contexte d’une crise sanitaire, en échange de garantie d’approvisionnement.

Proposition n° 66 : Revoir la pertinence des normes de dépenses définies au sein de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) par catégorie de produits de santé pour permettre une gestion consolidée, proactive et pluriannuelle des dépenses de médicaments, par un rapport réalisé par les commissions compétentes dans le cadre de la préparation de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Proposition n° 67 : Pour la fixation et l’évolution des prix des médicaments, recourir davantage aux données de vie réelle anonymisées recueillies pendant l’utilisation des médicaments, permettant d’évaluer ex post leur efficacité et leur intérêt thérapeutiques.

Proposition n° 68 : Inciter les pouvoirs adjudicateurs à retenir des critères cohérents et renforcer la prise en compte de la sécurité d’approvisionnement inhérente à l’implantation des sites de production parmi les critères des appels d’offres en vue de la fourniture de produits de santé par les hôpitaux publics.

Proposition n° 69 : modifier l’article 67 de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 pour rendre systématique une « clause environnementale et sociale » dans les critères d’attribution des marchés publics et consacrer la possibilité d’une attribution de marchés publics fondée sur le respect de standards élevés de production.

Proposition n° 70 : Interdire la participation aux marchés publics des producteurs dont les conditions de production sont déloyales, notamment en raison de soutiens publics extérieurs à l’Union européenne.

Proposition n° 71 : Adapter les exigences des appels d’offres aux spécificités de la fourniture des produits de santé aux établissements de santé, en permettant de prévoir des clauses valorisant les garanties pouvant être apportées à la continuité de leur approvisionnement.

 


   Examen du rapport en commission

Lors de sa réunion du 19 janvier 2022, la commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament procède, à huis clos, à l’examen du projet de rapport de M. Gérard Leseul.

M. le président Guillaume Kasbarian. Chers collègues, nous achevons aujourd’hui les travaux de notre commission d’enquête.

Nous avons mené quarante-huit auditions et consacré soixante-dix heures à entendre 135 personnes – anciens ministres, économistes, experts et auteurs de rapports, représentants de l’industrie et notamment des différentes fédérations intervenant dans le champ de l’industrie de santé, responsables syndicaux, industriels de terrain.

Nous avons également envoyé une délégation à Bruxelles, pour rencontrer des responsables de la politique industrielle de l’Union européenne, dont Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur, ainsi que des acteurs en charge du développement industriel en Belgique.

Je vous remercie de l’honneur qui m’a été fait de présider nos travaux. J’ai assuré cette tâche en essayant de respecter le droit applicable aux commissions d’enquête et les droits de chacun des commissaires, notamment ceux de l’opposition.

Ainsi, chacun des membres de la commission d’enquête, à commencer par son rapporteur, M. Gérard Leseul, a pu entendre tous les interlocuteurs de son choix, dans les contraintes du délai de six mois impartis pour nos travaux : nous n’avons récusé personne.

J’ai également tenu à ce que chaque député présent aux auditions dispose de temps pour interroger les personnes auditionnées et obtienne des réponses personnelles, plutôt que de laisser les intervenants choisir les questions auxquelles ils souhaitent répondre.

Après cette dernière séance, nous présenterons les conclusions de ce travail à la presse.

M. Gérard Leseul, rapporteur. Chers collègues, vous avez pu prendre connaissance de mes conclusions dans le projet de rapport, même si les formes et les délais ne sont pas des plus simples. Je remercie celles et ceux qui ont participé aux auditions et y ont contribué par leurs questions.

Les conclusions peuvent se lire à travers sept thèmes, qui regroupent les trente-trois propositions phares du rapport, parmi les soixante-seize qu’il contient.

La France a indéniablement connu un déclin industriel marqué. Le nombre d’emplois industriels et la part de la valeur ajoutée industrielle dans le produit intérieur brut ont été divisés par deux en cinquante ans. En 2018, la part de l’industrie dans la valeur ajoutée s’établissait ainsi à 13,4 %, faisant de la France l’économie la plus désindustrialisée du G7 avec celle du Royaume-Uni. Cette disparition de pans entiers de l’industrie française est décisive dans la dégradation du solde commercial, structurellement déficitaire depuis 2006.

Cette situation a des conséquences, non seulement économiques, mais également sociales – l’industrie contribue aux équilibres sociaux car elle est grande pourvoyeuse de salaires attractifs, généralement supérieurs à la moyenne – et aussi territoriales, car la répartition relativement équilibrée de l’industrie sur le territoire contribue à la cohésion. La localisation de la production est en effet déterminante. Cette commission d’enquête a d’ailleurs permis de mettre en évidence le rôle de l’industrie dans la souveraineté économique du pays.

La crise sanitaire a montré que les pays les plus désindustrialisés pouvaient se trouver dans une inquiétante incapacité à répondre à des besoins essentiels. Ce constat fait, l’industrie européenne française doit garantir l’approvisionnement de l’économie et plus globalement du pays dans les biens essentiels à son bon fonctionnement.

Depuis 2009, moins de 9 000 emplois ont été rapatriés en France, soit 0,5 % de l’emploi créé. La stratégie de relocalisation doit consister non pas à revenir à l’industrie d’il y a vingt ans mais bien à construire l’industrie de demain. Il faut désormais identifier des situations précises de vulnérabilité, à partir d’une analyse microéconomique fine. L’État doit ainsi redevenir stratège dans les politiques industrielles, afin d’orienter les choix prioritaires.

La commission d’enquête a pu mettre en évidence plusieurs facteurs explicatifs du déclin industriel français, au nombre desquels un déficit structurel en matière de recherche et développement (R&D), les stratégies de certaines multinationales, le mirage d’une société postindustrielle ou les compétitivités prix et hors prix.

La compétitivité prix de la France, longtemps déficitaire, notamment vis-à-vis de l’Allemagne, ne s’est finalement pas traduite par une relocalisation des industries, alors délocalisées vers les pays de l’est de l’Union européenne. Quant à la compétitivité hors prix, elle demeure handicapante. Les choix stratégiques d’une politique industrielle privilégiant le bas ou le milieu de gamme n’ont jusqu’ici pas été véritablement modifiés. Les industries françaises souffrent toujours d’un déficit structurel de recherche et développement.

Il semble donc nécessaire de construire aujourd’hui un nouveau pacte productif français. La réalisation d’un tel objectif ne va pas de soi. Elle suppose de renouveler le dialogue social dans les entreprises, afin d’établir un pacte social qui associe les salariés au développement de long terme de l’entreprise et à sa rétribution. Il faut également parvenir à un consensus transpartisan et durable sur les voies et moyens d’un renouveau industriel national. Cette démarche appelle la définition d’une politique industrielle qui contribue au développement à long terme de notre appareil productif.

Dans cet esprit, je propose d’organiser une grande conférence industrielle nationale, qui réunisse l’ensemble des parties prenantes pour faciliter la réindustrialisation et l’implantation des filières d’avenir – État, régions, intercommunalités, entreprises, fédérations professionnelles, organisations syndicales, représentants de la société civile et des milieux associatifs. J’appelle à organiser un consensus politique autour des priorités de politique industrielle, en dépassant le cadre de la législature, afin d’assurer une stabilité des décisions et de soutenir, sur le temps long, les filières désignées comme stratégiques.

À cet effet, je préconise d’adopter une loi de programmation industrielle pluriannuelle de développement de l’industrie. Un programme pluriannuel de financement de projets industriels de rupture pourrait ainsi être voté. La loi de programmation industrielle offrirait par ailleurs un cadre pour débattre des paris industriels et technologiques.

Dans une approche plus globale, j’invite à rééquilibrer la gouvernance des entreprises, notamment en cherchant à inventer un nouveau modèle de gestion qui laisse une plus grande place aux salariés. Prévoir que 30 % des droits de vote soient reconnus aux représentants du personnel au sein des conseils d’administration des grandes entreprises, 25 % pour les entreprises de taille intermédiaire, permettrait d’associer véritablement les salariés aux choix stratégiques des entreprises, notamment s’agissant de leur localisation.

Cette nouvelle ambition industrielle doit aussi être plus lisible et accessible. Aujourd’hui, la politique industrielle est transverse, placée sous la responsabilité du ministère de l’économie et des finances – les autres ministères sectoriels comportent eux aussi des directions dédiées. La responsabilité de la conduite de la politique industrielle est donc partagée. La création d’un grand ministère de plein exercice, chargé de l’industrie, de l’énergie et de la recherche semble plus pertinente eu égard aux besoins et implications du maintien des capacités industrielles nationales.

Pour conforter la transition et la modernisation de l’industrie française, j’appelle votre attention sur la nécessité d’approfondir la structuration des filières françaises. Les instances du Conseil national de l’industrie (CNI) sont perçues comme jouant un rôle utile pour partager des diagnostics au sein d’une filière. Je regrette toutefois que le dialogue social n’ait pas la même portée dans toutes les filières. Je propose donc de dresser un bilan de l’organisation des filières actuelles au sein du CNI et de créer une mission d’accompagnement à la structuration des filières, en particulier pour améliorer l’équilibre des rapports entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants.

L’industrie française est aujourd’hui confrontée à des mutations rendues nécessaires par la conduite de la transition énergétique et la lutte contre le dérèglement climatique. Dès lors, elle doit réinventer son modèle de compétitivité, face à la transformation de la concurrence. J’ai la conviction que l’industrie française peut contribuer à relever les défis de la transition climatique et énergétique, en s’appuyant sur ses atouts historiques ainsi qu’en favorisant la création de nouvelles filières au service de l’émergence d’un pacte productif plus respectueux de l’environnement. La décarbonation de l’industrie est un enjeu important, puisque cette dernière représente 18 % de la totalité des émissions de gaz à effet de serre françaises, c’est-à-dire plus que sa part relative dans le PIB du pays.

Parmi les principales propositions du paquet législatif sur le climat « Fit for 55 » – « Ajustement à l’objectif 55 % », présenté par la Commission européenne en juillet 2021, le passage à 100 % de voitures et véhicules utilitaires légers neufs zéro émission à partir de 2035 illustre une forte ambition, dont les conséquences industrielles directes pourraient conduire à une perte nette de 275 000 emplois d’ici à 2040 dans le secteur automobile. L’accompagnement des pouvoirs publics est donc essentiel afin de permettre aux entreprises, en particulier celles fragilisées par la crise sanitaire, de répondre aux nouvelles contraintes nécessaires pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Une démarche d’écologie responsable consiste à produire en France, en respectant les précautions requises. Le bilan carbone plutôt favorable constitue un atout pour la localisation des industries en quête d’une énergie accessible et décarbonée, dans le contexte de la transition énergétique. Il pourra en outre être valorisé par l’adoption d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières européennes.

À ce titre, je préconise de poursuivre le développement à l’échelle européenne d’une filière de production des énergies renouvelables, en s’appuyant sur la dynamique créée par les grandes alliances industrielles européennes. Afin de permettre au tissu industriel actuel de perdurer et de favoriser le déploiement de nouvelles industries, il est nécessaire d’assurer un approvisionnement fiable et accessible en électricité : il faut donc consolider la prise en compte des besoins de l’industrie dans la définition des politiques de planification de l’énergie.

Les technologies de la transition énergétique représentent une opportunité au regard de la spécialisation des industries de demain et des gains à l’export. Ainsi, la filière hydrogène bas-carbone constitue un véritable pari industriel, puisqu’il s’agit de produire et de développer les utilisations de l’hydrogène.

Je propose également d’encourager l’adoption par les industriels européens, si les conditions sont réunies, d’un modèle prometteur, celui du recours à la capture et au stockage du carbone par les industriels, notamment ceux de l’Axe Seine.

Dans un contexte de raréfaction des matières premières et en cohérence avec l’objectif de transition écologique, j’insiste sur la possibilité de faire des matières tirées de la filière du recyclage et de la valorisation un atout pour la localisation d’industries dans le territoire. L’inscription d’un score de recyclage sur les produits manufacturés et un assouplissement de la directive européenne sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), afin d’appliquer un taux réduit sur les produits recyclés, seraient des avancées positives en ce sens.

Dans ce déclin industriel, je mets en avant des causes endogènes particulières, notamment certains choix stratégiques opérés par les entreprises et les pouvoirs publics. Le choix de la rentabilité à court terme a plus d’une fois primé sur l’investissement et la capacité des usines à créer de l’innovation de rupture. Le facteur culturel ne doit pas non plus être sous-estimé, tant du point de vue d’une propension à l’aversion au risque qu’en matière de financement des entreprises et de structuration du capital.

Une analyse comparée avec l’Allemagne montre que le capitalisme familial permet de privilégier des investissements sur le long terme. Son écosystème productif, composé de petites et moyennes entreprises à capitaux familiaux, fait la force du tissu industriel de l’Allemagne, alors que la structuration française privilégie les grands groupes, davantage attentifs à une rentabilité à court terme et privilégiant les délocalisations pour obtenir des avantages compétitifs.

Ces faiblesses capitalistiques sont en partie compensées par une intervention publique, notamment dans les territoires, avec des acteurs tels que la Banque publique d’investissement ; en termes d’amorçage pour la création d’entreprises, elles le sont par l’intervention d’acteurs privés. Le manque de stabilisation capitalistique des entreprises françaises ne permet pas toujours de répondre aux enjeux d’une réindustrialisation durable du pays.

Pour cette raison, je préconise d’inciter les Français à engager leur épargne pour financer l’industrie, en inventant une nouvelle de forme de Codévi (compte pour le développement industriel), c’est-à-dire un livret d’épargne garanti destiné au le financement de l’industrie.

Quant au rôle de l’État actionnaire dans la politique industrielle, je préconise d’en discuter régulièrement au Parlement, et de renouveler sa doctrine d’investissement. Dans la continuité de cette logique, il est légitime de s’interroger sur les modalités de l’investissement à risque de l’argent public bénéficiant à des entreprises. Je propose donc de conditionner les différents plans d’investissement à des engagements concrets en faveur de la réindustrialisation, qui pourront être définis selon la situation propre à chaque entreprise et chaque territoire. Cela pourra être fait à partir d’un référentiel unique, prévoyant des engagements en termes de localisation d’activités, d’emplois et de compétences ainsi que de partage équitable de la valeur.

En l’état, le droit de la commande publique ménage une certaine latitude dans l’établissement de critères susceptibles de soutenir l’industrie nationale. En droit interne, plusieurs textes, dont la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience », ont accru les possibilités et les exigences tenant à l’insertion de clauses environnementales dans les marchés publics.

Dans ce cadre, il importe de valoriser une fabrication, de produits de santé notamment, qui réponde à des exigences de sécurité et de proximité. Je préconise ainsi d’engager une réforme du droit européen pour faire du mieux-disant social et environnemental un critère d’attribution des marchés publics et d’interdire la participation aux marchés publics des producteurs dont les conditions de production seraient déloyales.

Bien que largement soutenu par l’effort public, notamment le crédit d’impôt recherche (CIR) ou les programmes d’investissements d’avenir, l’effort de recherche ne s’établit qu’à 2,2 % du produit intérieur brut, loin de l’objectif de 3 % fixé par l’Union européenne il y a trente ans. En outre, la recherche privée se trouve concentrée dans quelques branches industrielles, comme l’industrie automobile, la construction aéronautique et spatiale, l’industrie pharmaceutique et l’industrie chimique.

La transformation industrielle passe par l’investissement et par la montée en gamme. À ce titre, il est nécessaire d’améliorer l’efficacité de l’effort en matière de recherche et développement (R&D), avec pour objectif de dépasser le seuil de 3 % du PIB, en desserrant la sélectivité dans le choix des projets et des programmes aidés et en améliorant la coordination des politiques de soutien à la recherche et au développement avec les programmes européens.

La France est pourtant le deuxième des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) quant au montant total des aides, avec une dépense équivalente à 0,4 % du PIB en faveur de la R&D. Eu égard aux dépenses de crédit d’impôt recherche – 7,46 milliards d’euros en 2020 – il semble nécessaire de s’assurer que le soutien public à la recherche et développement favorise le développement de la production en France. Ainsi, une modulation du taux du CIR en fonction de la taille de l’entreprise plutôt qu’en proportion des dépenses engagées permettrait, à enveloppe budgétaire constante, de réallouer la dépense publique vers les entreprises qui en ont le plus besoin.

Le CIR, qui représente une dépense fiscale importante pour la collectivité, ne doit pas, sauf rare exception, servir à financer des lieux de production à l’étranger : une réflexion doit donc s’engager sur l’instauration d’un dispositif qui le conditionne au regard de la localisation de chaînes de production sur le territoire français. Plus largement, les aides publiques pourraient faire l’objet de conditions d’attribution similaires, afin de garantir l’installation pérenne d’activités de production dans le territoire national.

Par ailleurs, le rêve d’une France sans usine a montré non seulement ses limites, mais sa dangerosité. Dans un cercle vicieux, les délocalisations d’usines ont entraîné une délocalisation de la recherche et du développement, conduisant dans certaines branches à un manque d’innovations technologiques favorisant de nouvelles délocalisations. À ce titre, je préconise de développer davantage les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), en créant un statut de groupement d’employeur spécifique, dédié à l’embauche de doctorants dans les entreprises, de manière conjointe entre plusieurs entreprises.

Afin de redonner le goût de l’industrie, j’appelle également à créer un choc de formation, en renforçant notamment l’enseignement scientifique et technique et les approches pédagogiques dans le parcours scolaire et supérieur. Cette approche renouvelée de la formation devrait tirer les leçons de deux modèles de réseaux d’entreprises, ou clusters, que nous sommes allés étudier en Belgique. Il faut penser le développement d’écosystèmes d’innovation, qui proposent un continuum entre recherche fondamentale et développement des médicaments, par la contractualisation des liens entre les centres de recherche universitaire et les pôles de compétitivité, notamment en santé.

Enfin, l’échelon européen nous apparaît comme un élément indispensable de la stratégie de réindustrialisation de la France, au vu des équilibres économiques mondiaux. Si la politique industrielle européenne amorce aujourd’hui un infléchissement après les constats partagés avec la crise sanitaire, cette réflexion doit être poursuivie autour de l’harmonisation fiscale et sociale, et de la révision des règles de concurrence.

Jusqu’à récemment, la politique industrielle de l’Union européenne a été subordonnée aux questions de concurrence, afin de satisfaire le consommateur par des prix bas. La mise à jour de la stratégie industrielle de la Commission européenne, exposée par M. Thierry Breton lors de notre déplacement à Bruxelles, témoigne d’une vision qui tranche avec les conceptions du passé. J’invite à tirer les conséquences de ces évolutions et à réformer les règlements d’application en matière de droit européen de la concurrence et de contrôle des fusions et acquisitions, pour les rendre compatibles avec la nouvelle stratégie industrielle européenne. Les déséquilibres européens persistants pourraient également être résorbés avec une directive sur le salaire minimum dans l’Union bien plus ambitieuse, qui viserait à faire converger les salaires et les niveaux de protection sociale.

Enfin, j’appelle à ce que les nouvelles marges de manœuvre offertes par la révision du droit européen des aides d’État à la suite de la crise sanitaire soient durables, afin de permettre un soutien accru à des entreprises stratégiques. Dans la reconstruction de sa souveraineté sanitaire, la France ne saurait négliger l’occasion de collaborer de manière fructueuse à l’échelle européenne, et avec les moyens de l’Union. Après l’adoption d’une stratégie pharmaceutique pour l’Europe en novembre 2020, la Commission européenne a créé en septembre 2021 l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire – Health Emergency Preparedness and Response Authority (HERA). Dans une certaine mesure, les compétences de l’Autorité et les moyens mis à sa disposition restent à préciser. Aussi, je recommande de lui accorder un budget propre, de nature à lui permettre, en cas d’urgence sanitaire, de lever rapidement des fonds nécessaires au lancement des recherches thérapeutiques ou vaccinales.

Je plaide en faveur de la reconnaissance de missions de coordination, telles que l’élaboration d’une liste des principes actifs et dispositifs médicaux indispensables car vitaux pour la population de l’Union européenne. De même, il faudrait utiliser le dispositif Fab UE afin de relocaliser la production de médicaments et produits de santé essentiels à la consommation européenne.

Il est aussi souhaitable d’élargir le champ du contrôle en matière d’investissements étrangers à toutes les entreprises du domaine de la santé et de l’énergie.

Si comparaison n’est pas raison, la filière des industries et technologies de santé peut tout de même nous inspirer quelques inquiétudes. Historiquement, il s’agit d’un pôle économique de premier plan pour la France. Cela étant, au plus fort de l’épidémie de la Covid-19, nous avons tous fait le constat des multiples lacunes dont pouvait pâtir le pays si de tels événements se reproduisaient. Conjuguée à l’échec de la mise au point d’un vaccin français, la crise sanitaire aura révélé les problèmes fondamentaux inhérents à l’absence d’opérateurs établis dans le territoire national et en mesure de répondre à la demande domestique.

En réalité, la filière française des industries et technologies de santé vit sous la menace d’un déclassement. Cette situation résulte de trois facteurs qui conspirent à son affaiblissement.

Le premier facteur réside dans une concurrence internationale redoublée. Sur le plan de la production pharmaceutique, la France occupait la cinquième place mondiale en 2020. Sa part de marché aura été divisée par deux entre 2005 et 2015. En Europe, la France est passée de la première à la quatrième place en quelques années. Sur le plan de l’attractivité, la compétition ne se joue plus simplement avec les Suisses, les Allemands ou les Britanniques : dans l’arbitrage des investisseurs, la France doit compter désormais avec la force nouvelle des industries de l’Europe de l’Est.

Le deuxième facteur de déclassement tient à sa place dans une chaîne de valeur dont la fragmentation croissante contribue à la disparition de certaines activités et à de possibles ruptures d’approvisionnement. Dans le champ de la production pharmaceutique, la France occupe ainsi une position intermédiaire peu valorisante, qui l’expose à une double concurrence : celle des pays à bas coût et celle des pays tirant un avantage comparatif de leur capacité d’innovation, tels que les États-Unis. En pratique, 75 % des principes actifs utilisés en France proviennent d’Asie, singulièrement de Chine et d’Inde.

Le troisième facteur de déclassement découle d’une spécialisation quelque peu datée au regard des innovations les plus récentes dans les produits de santé. La production nationale porte sur des médicaments relativement anciens : deux tiers des molécules qui les composent ont en moyenne vingt ans d’existence. L’industrie pharmaceutique française peine encore à s’engager dans le développement des produits innovants, en particulier des bioproductions.

Le plan Innovation santé 2030 du 29 juin 2021 et le plan France 2030, qui fixe pour objectif la production de 20 biomédicaments, marquent une prise de conscience. Reste à traduire leurs orientations en actes. Dans cette démarche d’intérêt public, les travaux de la commission d’enquête incitent à mettre l’accent sur trois défis.

Le premier porte sur le rétablissement et la préservation des capacités d’innovation et de production nécessaires à la construction d’une véritable autonomie sanitaire.

Il nous faut d’abord soutenir le renouvellement de l’effort de recherche des industries de santé et entretenir les savoir-faire. Dans le champ de la recherche en santé, on observe une baisse constante des investissements français. C’est pourquoi je préconise de renforcer les financements publics dans la recherche fondamentale et appliquée en matière de santé et de biotechnologies, notamment avec une accélération de la trajectoire budgétaire de la loi de programmation sur la recherche pour les années 2021 à 2030.

Étant donné le flux actuel des innovations thérapeutiques, le projet de rapport appelle les pouvoirs publics à dédier une partie de ces crédits supplémentaires à la recherche en matière de vaccins et de thérapeutiques innovants.

Le deuxième défi vise à renforcer la compétitivité des entreprises et la conduite d’une politique de filière, en rapport avec les besoins de souveraineté sanitaire.

En premier lieu, il convient d’examiner les adaptations de l’environnement fiscal et normatif que pourrait exiger l’internationalisation de l’économie de la santé.

En second lieu, l’état de l’appareil productif national rend indispensable un soutien et un encouragement à l’émergence de nouveaux champions de l’industrie de santé. Comme ailleurs, le problème de l’amorçage et de la croissance des jeunes pousses, notamment dans le secteur des biotechnologies, demeure.

Tout démontre l’importance d’une politique de sécurité globale des approvisionnements en produits de santé, qui prévienne les conséquences d’une dépendance extérieure excessive.

Au-delà des outils juridiques dont dispose l’autorité administrative sur le fondement d’une législation exigeante, les travaux de la commission d’enquête mettent en évidence le caractère impératif d’une planification des moyens et ressources, qui participe à la continuité d’approvisionnement en produits sanitaires indispensables à la vie de la nation. Dans le contexte créé par la crise sanitaire, l’État a engagé une politique tendant à réimplanter des unités de production de certains médicaments jugés critiques. La relocalisation de la production de paracétamol par le groupe Seqens en fait partie.

L’apport de tels projets à la souveraineté sanitaire du pays ne va toutefois pas de soi et le champ des relocalisations souhaitables prête à discussion. Aussi, je prône d’élaborer un plan de mobilisation destiné à garantir la disponibilité des produits de santé et des dispositifs médicaux en cas de crise.

Le troisième défi a trait à la capacité de la régulation publique à favoriser un environnement propice à la localisation de l’activité dans le territoire national.

En premier lieu, le projet de rapport identifie les exigences renouvelées de simplification réglementaire et d’efficacité administrative. Il invite ainsi à s’interroger sur les effets de la répartition des compétences et l’organisation des procédures.

De fait, les délais nécessaires à l’instruction et à la délivrance des autorisations de mise sur le marché peuvent être très sensiblement supérieurs à ceux observés dans d’autres États européens. À la faveur de la crise sanitaire, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a développé des procédures de traitement accéléré des demandes d’essai clinique et de mise sur le marché, qui ont pu aboutir à des réductions de délais significatives. Aussi, je préconise d’encadrer la durée d’instruction des demandes d’autorisation de mise sur le marché, sur le modèle du règlement européen du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain, qui entre en vigueur à la fin du mois.

Une telle mesure ne dispense pas d’un effort de simplification d’un paysage administratif assez fragmenté : il faut définir précisément le rôle de la future agence nationale de l’innovation en santé comme guichet unique du financement et de l’accompagnement de l’innovation en matière de produits de santé.

Accorder davantage de place aux enjeux industriels dans l’encadrement du prix des produits de santé constitue en second lieu un enjeu primordial pour la régulation publique. Depuis 2011, le prix des médicaments aurait reculé de 40 %, alors que l’indice des prix augmentait de 15 ou 20 %. S’agissant des médicaments génériques, la baisse de leurs prix aurait atteint en moyenne 3,5 % par an sur la dernière décennie. Les auditions de la commission d’enquête ne permettent pas d’établir un lien entre l’évolution des prix des produits de santé et l’attractivité du territoire. En revanche, on ne peut écarter l’hypothèse que la maîtrise du prix des médicaments n’ait pas influé sur la progression très modérée ou la faiblesse comparée de la création de richesse des entreprises de la filière des industries et technologies de santé.

L’accord-cadre du 5 mars 2021 et l’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 prévoient que la fixation du prix des médicaments et spécialités remboursables par l’assurance maladie peut « tenir compte de la sécurité d’approvisionnement du marché français que garantit l’implantation des sites de production ».

Cette orientation suppose d’abord que la politique d’achat des établissements hospitaliers offre des débouchés suffisants et réguliers aux entreprises du secteur. Le recours aux appels d’offres exerce un effet déflationniste, en raison de la part prépondérante pouvant être accordée au prix dans l’attribution des marchés.

Afin de rendre tangibles des avancées qui peuvent se heurter à des difficultés d’application, voire d’interprétation, au vu de l’expérience passée, je préconise d’assurer une meilleure sécurité des approvisionnements en médicaments vitaux, notamment en prenant en compte le caractère indispensable des produits au regard des besoins de santé publique en échange de garanties d’approvisionnement.

En conclusion, il importe d’utiliser toutes les ressources de la commande publique. Le solde des échanges extérieurs de produits industriels est à son plus bas historique – 9 milliards d’euros de déficit le mois dernier ; 100 milliards en rythme annualisé. Entre 2017 et 2022, le déficit de la balance commerciale française aura donc presque doublé. Ce déficit abyssal représente environ 3,7 % du PIB, et nécessite forcément de reconsidérer les politiques publiques menées ces dernières années ainsi que de mener une action résolue pour retrouver une industrie dans notre pays.

La baisse des impôts sur la production et sur le capital ne constitue pas une politique de réindustrialisation. Les économistes spécialistes de l’industrie s’accordent à dire que la France n’a plus de déficit de compétitivité prix. Le rattrapage a été fait et il n’y aurait aucun sens à continuer sur cette voie, qui risquerait d’appauvrir nos salariés et de mettre gravement en danger notre modèle social, déjà mis à rude épreuve.

L’État doit reprendre la main pour une réindustrialisation réussie et durable dans le pays. Nous devons commencer par un grand plan de développement de la recherche publique et privée. Il faut organiser une grande conférence industrielle, fixer des objectifs avec l’ensemble des parties concernées et remettre au cœur le sujet du dialogue social. Pour réindustrialiser, il nous faut concerter, impulser, financer, conditionner et réguler.

Au terme de nos travaux, je remercie les membres de la commission qui nous ont accompagnés dans ces auditions et les membres de son secrétariat. J’espère que nos propositions pourront nourrir utilement les travaux du législateur.

Mme Cendra Motin. Notre commission d’enquête a réalisé un travail considérable et nous avons abondamment de quoi réfléchir aux politiques industrielles qui pourraient être menées, lesquelles sont partie intégrante de nos projets politiques. De ce point de vue, je m’étonne de votre proposition visant en quelque sorte à les reléguer au sein d’une grande conférence nationale alors qu’elles sont au cœur non seulement de l’économie et de l’emploi, mais aussi de l’aménagement du territoire. Les partis politiques doivent donc s’emparer de cette question, y compris dans le cadre de la campagne électorale.

Nous partageons un certain nombre de propositions : le renforcement des CIFRE, le développement des enseignements scientifiques et techniques, dans l’enseignement supérieur mais également en amont, ou encore le changement de modèle au profit d’une industrie plus respectueuse de l’environnement. Nous le faisons déjà dans le cadre du plan France relance, avec notamment la décarbonation de l’industrie, mais aussi dans le cadre du programme d’investissements d’avenir qui, associé avec le plan France 2030, est essentiellement consacré à la réindustrialisation de notre pays dans des domaines stratégiques, ce qui correspond largement à la loi de programmation que vous appelez de vos vœux.

En revanche, nous ne pouvons pas vous suivre à propos de la cogestion des entreprises avec les salariés, qui ne relève pas du modèle français mais bien plutôt du modèle allemand, où la puissance des syndicats est tout autre.

Il faut un ministre de l’industrie ? Nous avons eu le plaisir d’auditionner Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, dont le travail est remarquable, tout comme d’ailleurs celui qu’effectue le Conseil national de l’industrie, avec lequel travaillent les politiques – mais pas seulement eux.

Il faut en effet rappeler le rôle essentiel des territoires. Les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, notamment, font une place particulièrement importante à l’industrie. Je salue à ce propos le travail réalisé par le président de notre commission d’enquête dans le cadre de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « loi ASAP », afin de faciliter l’implantation des industries sur nos territoires.

Je rappelle que la France demeure le premier pays en matière d’investissements industriels étrangers, comme nous l’avons encore vu cette semaine dans le cadre de Choose France avec l’annonce de vingt-et-un nouveaux projets industriels, ce qui est considérable.

Il convient bien entendu de continuer à aider l’actionnariat des petites entreprises, comme nous l’avons fait en diminuant les impôts de production. Je souhaite d’ailleurs que l’on poursuive en ce sens, notamment – mais pas seulement – dans le domaine industriel, où chaque emploi créé en induit d’autres, en particulier dans les services.

Vous souhaitez un livret d’épargne industrie sans risque pour l’épargnant. Alors, qui paiera lorsque les marchés baisseront et que l’industrie rencontrera des difficultés, comme c’est actuellement le cas avec la crise de l’énergie ? Il faut protéger l’épargne des Français.

S’agissant de l’industrie du médicament, si Seqens a pu se réinstaller en France, en Isère, c’est d’abord parce que sa R&D, qui était déjà dans notre pays grâce au crédit d’impôt recherche, a permis à l’entreprise d’innover, et en second lieu grâce aux aides du plan France relance et des différents dispositifs visant à faciliter les installations.

Je ne suis donc pas sûre qu’il soit de bonne politique de tout planifier et de tout réguler. D’ailleurs, dans un environnement aussi strict, il aurait été impossible de disposer de vaccins contre la Covid-19.

J’ajoute, enfin, que le stockage de certains médicaments stratégiques est désormais obligatoire sur le territoire européen afin de lutter contre certaines pénuries.

Sur le vote du rapport, les députés membres du groupe La République en marche abstiendront donc.

M. Pierre Cordier. Depuis la fin des années soixante-dix, date à laquelle la situation industrielle a commencé à se dégrader sérieusement, tous les gouvernements ont essayé de remonter la pente, avec plus ou moins de succès, dans un contexte international dont il convient évidemment de tenir compte.

Il importe également d’évoquer les efforts qui ont été accomplis, parallèlement à l’État, par les collectivités territoriales, au gré de l’évolution de leurs compétences, puisque les intercommunalités et les régions disposent depuis peu de la compétence économique.

Je suis l’élu d’un territoire ardennais qui était, il y a longtemps, très industrialisé – fonderies, forges, estampage – et qui comptait certains de nos fleurons nationaux. En tant qu’élu local, puis député, j’ai vécu des événements particulièrement difficiles : des entreprises de taille mondiale, qui avaient des monopoles, ont dû cesser leur activité. Ce fut le cas en 2006 des Ateliers Thomé-Génot, dans la vallée de la Meuse, qui produisaient le tiers des pôles alternateurs de la planète – il y en a un par voiture ! À Revin, une entreprise de 3 500 ouvriers a fermé voilà une quinzaine d’années, qui fabriquait la quasi-totalité des machines à laver de la planète. Il y a quelques mois, l’État a souhaité relancer sur ce site la production des Cycles Mercier mais le projet, qui pouvait déboucher sur la création de 300 emplois, a échoué. Et, dans un secteur aussi stratégique que celui de l’environnement, le groupe KME Tréfimétaux vient d’annoncer la fermeture de la seule entreprise française fabriquant des tubes en cuivre, au moment où les Français sont incités à changer leur chaudière.

Les Ardennes ne sont certes pas le centre du monde mais je ne peux que constater le formidable décalage entre ce que je vis et les conclusions de ce rapport sous forme de catalogue, si intéressant soit-il. Tous les gouvernements se livrent à des exercices d’autosatisfaction et je ne crache pas sur ce qui a été fait depuis un certain nombre d’années, y compris pour les Ardennes, mais je tiens à vous parler des faits. On peut toujours s’agiter sur sa chaise en disant que tout va bien pour l’industrie, mais c’est loin d’être partout le cas, notamment, pour les industries plus traditionnelles qui ont fait la force de notre pays.

M. Philippe Berta. Les auditions que nous avons réalisées ont été souvent passionnantes et ont permis des rencontres de haut niveau.

Nous sommes confrontés à un problème culturel, ce qui a de quoi inquiéter. En effet, nous sommes censés vivre dans une économie de la connaissance – car, même si nous ne devons pas perdre de vue l’économie de la production, les coûts chez nous sont élevés et la compétition, difficile. C’est donc de « matière grise » qu’il est question. Or, les deux métiers les moins valorisés du pays, et depuis bien longtemps, sont ceux de la transmission des savoirs – l’enseignement – et de la création de savoirs – la recherche notamment. Sans doute conviendra-t-il de réfléchir à ce problème si nous tenons à attirer vers ces métiers créateurs de valeurs et de richesses les meilleurs d’une génération, ce qui, en l’état, n’est pas le cas.

Nous sommes confrontés à un problème dans le domaine de l’éducation. Dans le primaire, 95 % des enseignants sont issus des sciences humaines et sociales. Comment pourraient-ils parler des technologies, des sciences et de l’industrie ? Nous devons réorganiser une véritable force de frappe afin que la culture scientifique et technologique entre dès le plus jeune âge dans les consciences. La plupart de nos interlocuteurs industriels nous ont expliqué qu’ils ne trouvent personne à embaucher ! En tant qu’universitaire, mes efforts restent vains : les amphithéâtres de droit et de psychologie sont bondés, un peu ceux de biologie, pas ceux de chimie et de mathématiques. Une reconquête culturelle s’impose.

Co-président d’une mission préparatoire de la loi de programmation de la recherche, je puis vous dire que, de 2011 à 2018, les investissements ont baissé de 30 %. Mes collègues avaient huit chances sur cent de décrocher un contrat de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ! Je peux vous assurer qu’ils en ont à peu près tous été découragés. Certes, la loi de programmation a prévu un investissement de 25 milliards sur dix ans mais je vous rappelle que, si M. Louis Gallois s’en est félicité, il a également déclaré que cette somme serait bienvenue… tous les ans !

En outre, il conviendrait de s’interroger sur les structures : qui fait quoi ? Ainsi, la politique du médicament relève du ministère de la santé, qui la pilote à travers l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Les médicaments représentent 10 à 12 % de l’ensemble des dépenses de la santé. Or, l’essentiel des économies à réaliser porte sur l’ONDAM. Sortons donc la politique du médicament du ministère de la santé ! Qu’il gère les hôpitaux – le travail ne manque pas ! Le médicament ne se réduit pas à la santé : c’est aussi un objet de recherche – mes collègues ont besoin d’avoir des perspectives et de valoriser leurs travaux – ainsi qu’un outil industriel majeur dans notre PIB. Avec la médecine personnalisée et les biothérapies, le modèle économique du médicament devra être réformé en profondeur et relever à la fois du ministère de l’économie et de l’industrie, du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, et du ministère de la santé. Souvenons-nous que Jean-Pierre Chevènement fut ministre de l’industrie et de la recherche ! Depuis, la politique de l’innovation s’est baladée entre plusieurs ministères… Je propose que la politique du médicament relève d’un ministère de la recherche et de l’innovation plus indépendant.

Vous avez évoqué la création d’une agence de l’innovation en santé. Sans doute serait-il opportun de créer une agence chargée de tout ce qui relève des financements, et de regrouper l’ANR et les programmes hospitaliers de recherche clinique.

Vous êtes-vous demandé combien nous comptons, en France, d’institutions publiques de recherche en virologie, pour rester dans l’actualité ? Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Institut de recherche pour le développement (IRD), Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), direction des sciences du vivant (DSV) du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Institut Curie, Institut Pasteur de Paris, Institut Pasteur de Lille, équipes d’accueil des universités, équipes de centres hospitaliers universitaires (CHU)… Et chacun travaille en silo ! Au début de la pandémie, personne n’est arrivé à savoir si quelqu’un travaillait sur les coronavirus ; il a fallu attendre plusieurs mois pour trouver Bruno Canard et une petite équipe du CNRS au fin fond du chemin Joseph-Aiguier, à Marseille. Cela ne peut pas fonctionner, sans compter que cela représente une dépense budgétaire colossale pour des résultats qui ne sont pas à la hauteur.

Il faut faire des efforts de valorisation. Je quitte à l’instant des collègues de l’Institut Curie. Quand ils veulent créer des start-ups, ils sont confrontés à tellement d’interfaces – CHU, Inserm, universités, sociétés d’accélération du transfert de technologies… – que cela décourage tout projet de valorisation. Nous attendons toujours un guichet unique.

Enfin, s’agissant des relations public-privé, il faudra bien que nous distinguions ce qui relève de l’État et ce qui relève du secteur privé. Il y a quelques années, nous avons voulu bâtir un grand programme France génomique 2025 : sur douze plateformes prévues, deux fonctionnent. Les services attendus ne sont pas au rendez-vous et les patients en paient le prix fort. Si nous avions laissé l’industrie s’occuper de la partie infrastructures sur la base d’une contractualisation intelligente, la partie analyse et protection des données relevant quant à elle du domaine hospitalier, nous n’en serions certainement pas là.

M. Luc Lamirault. En tant que président d’un comité de développement économique en Eure-et-Loir, je sais fort bien que quand la production s’en va, la recherche lui emboîte le pas. J’ai le sentiment que, depuis les années quatre-vingts, le choix stratégique a été fait d’aller fabriquer à l’étranger, en espérant que les brevets et les technologies nous permettraient de demeurer leader. Or, tel n’a pas été le cas. Les pays à qui la production a été confiée ont su se développer et acquérir les brevets nécessaires, comme le montre l’exemple des écrans plats – et pourtant nous disposions auparavant de toutes les technologies en matière de télévision. Nos auditions ont montré que les économistes le reconnaissent.

Contrairement à vous, je crois que le prix du médicament est déterminant pour son industrialisation et sa fabrication. Pour ce qui est des produits innovants, la recherche et les essais cliniques n’ont plus cours en France faute de rentabilité – je vous renvoie aux propos des représentants du Comité économique des produits de santé et des syndicats. Quant aux produits génériques, si la baisse des prix est légère, elle peut être beaucoup plus importante pour certaines catégories. Ces deux types de médicaments, qui, en France, sont répartis à parts égales, nécessitent le même nombre de personnes pour les produire. Sur le plan industriel, ils ont donc la même importance : il n’y a pas à se focaliser sur les produits innovants.

Par ailleurs, certaines propositions me semblent un peu datées, sur la simplification de l’organisation ou les aides à l’industrialisation.

Depuis quatre ans, la France est le premier pays d’Europe pour les implantations d’entreprises. Il s’y ouvre deux fois plus d’usines que l’on en ferme, ce qui montre combien depuis 2017 le problème de la désindustrialisation a été pris en compte. C’est dû à des mesures fortes telles que la diminution des impôts de production, la prime d’activité – qui profite principalement à l’industrie – et le plan de relance.

Le groupe Agir ensemble s’abstiendra donc.

Mme Émilie Cariou. Je salue le travail réalisé par la commission d’enquête, en particulier le rapporteur, qui a procédé à des dizaines d’heures d’audition, toutes d’excellente qualité. Elles nous ont permis de voir différemment des pans entiers de l’industrie, qu’il s’agisse de l’industrie pharmaceutique ou des modèles économiques, et de réfléchir aux causes de la fragilisation de ce secteur ainsi qu’aux moyens d’y remédier.

Les propositions sont nombreuses et variées. Elles concernent tout aussi bien la formation et les filières que la recherche fondamentale ou la composition des conseils d’administration. À cet égard, je soutiens la proposition d’ouvrir plus largement les conseils d’administration aux salariés. En effet, il ressort de l’audition de plusieurs économistes que, du fait de la culture du conseil d’administration à la française, dans une économie polarisée sur les très grands groupes, ces conseils d’administration sont moins sensibles aux conséquences de leurs décisions sur le tissu d’emploi. L’intérêt de l’entreprise et le sujet des emplois concernent aussi les salariés : raisonner uniquement en termes de coûts financiers ou de rentabilité pour l’actionnaire nous a conduits à ce constat partagé qu’en cinquante ans, nous avons perdu la moitié des emplois dans l’industrie.

Je suis favorable, dans l’ensemble, aux propositions du rapport, en particulier celle de lier l’attribution d’aides publiques, comme le crédit d’impôt recherche, à la relocalisation d’unités de production. L’octroi de ces aides, à partir d’un certain montant, doit absolument être subordonné à des contreparties en matière sociale, environnementale ou d’éthique fiscale. À quoi bon nous entêter dans les mêmes discours politiques sans jamais écouter ce que nous disent les experts, à commencer par tous ceux que la commission d’enquête a entendus ? Les aides publiques, distribuées pendant des années sans contrôle et sans condition, n’ont pas permis d’atteindre les objectifs espérés. Il faudra bien finir par reconnaître qu’il n’est pas souhaitable de distribuer l’argent sans condition et que cela n’a pas aidé à maintenir un tissu industriel en France.

En revanche, vous proposez, monsieur le rapporteur, de rattacher le ministère de l’énergie à l’industrie. Entendez-vous retirer l’énergie du ministère de la transition écologique ? Je ne sais pas si c’est une bonne idée au moment où nous devons favoriser des modèles de transition écologique.

M. Bertrand Bouyx. Je crois qu’on ne pourra pas recréer de la valeur ajoutée si on n’oriente pas les jeunes vers des formations scientifiques. J’ai obtenu un diplôme de docteur en pharmacie. Dans les années 1990, j’ai vécu de l’intérieur les effets de la désindustrialisation et le départ de la majorité des élèves des classes scientifiques vers d’autres branches. L’enjeu de la réforme des spécialités et du baccalauréat est, précisément, d’inverser la tendance.

D’autre part, on ne peut pas piloter une politique industrielle sans veille économique. Or, celle-ci est quasiment inexistante en France. C’est notre talon d’Achille.

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, le capital familial et le nivellement de la fiscalité au niveau européen. C’est un des endroits où le bât blesse. Chez nous, il y a un vide entre les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) et les grands groupes : la France manque d’entreprises de taille intermédiaire. Or, c’est cet écosystème qui aurait permis de faire bouillonner notre recherche. S’il n’existe pas, c’est que le capital familial a été détruit dans notre pays par une politique fiscale captatrice de ressources et que nos entrepreneurs sont partis à l’étranger. Tant que nous n’envisagerons pas la fiscalité sur un plan économique, nous aurons du mal à inverser ces flux.

M. Brahim Hammouche. Je salue l’ampleur de ce qui a été fait pour ce rapport, qui s’ajoute à d’autres travaux sur le même sujet. Je reviens sur la question de la prévision : qui dit prévoir dit planifier, qui dit planifier doit dire flexibiliser, sans rigidifier ; il y a un paradoxe à prévoir ce qu’on ne connaît pas encore sans être trop rigide.

Je viens d’un département à l’histoire marquée par la sidérurgie, avec les usines de Gandrange ou de Florange. Pourtant, il n’est pas désindustrialisé aujourd’hui : au contraire, il compte de nombreux territoires d’industrie et un important centre de recherche et développement d’ArcelorMittal. Il est important de réveiller cette mémoire industrielle dans les territoires d’industrie, y compris chez nos concitoyens – les apprentis manquent ! Cela fait partie de ce que le rapport appelle l’écosystème. Depuis cinq ans, nous essayons de corriger la trajectoire et de mettre fin à une fausse croyance, celle que l’on pourrait vivre sans industrie. La France reste une puissance industrielle au sein de l’Europe. À ce propos, je doute de l’efficacité de flécher les crédits en fonction de la localisation : la souveraineté doit être considérée sur le plan européen. C’est la puissance européenne qui permettra de développer les écosystèmes, de rester dans la course et de conserver les compétences, qui sont des richesses demandées par le monde entier : il n’y a pas de frontières pour la recherche.

Les commissaires membres du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés s’abstiendront sur ce travail de qualité, non par refus de ses propositions mais parce que cela doit rester une œuvre ouverte, comme l’entend Umberto Eco.

M. le président Guillaume Kasbarian. Les propos que je vais tenir n’ont rien de personnel, monsieur le rapporteur. J’ai beaucoup apprécié ces heures d’audition à vos côtés, ainsi que notre déplacement en Belgique. Nous avons travaillé de manière constructive, dans la convivialité.

Cependant, une commission d’enquête n’est pas un salon de thé mais une instance dotée de pouvoirs de contrôle étendus et d’un secrétariat dédié composé d’administrateurs pour enquêter, évaluer, identifier des failles ou des dysfonctionnements. Certaines commissions d’enquête, sur l’affaire Outreau, l’utilisation du chlordécone ou la politique pénitentiaire, ont été l’occasion à la fois de révélations et de propositions d’importance.

En l’espèce, nos travaux n’ont pas permis de révélation fracassante et n’ont pas mis en évidence de dysfonctionnement majeur dans la politique industrielle de la France. Ce n’est pas par manque de volonté mais, dès le départ, le titre choisi pour cette commission d’enquête par le groupe Socialistes et apparentés a posé problème. De nombreuses personnes auditionnées se demandaient pourquoi nous les avions invitées : devaient-elles s’exprimer au sujet de la baisse de la part de l’industrie dans le PIB de la France et sur la politique industrielle en général, ou sur l’industrie du médicament et la pharmacie en particulier ? N’avoir pas fait de choix nous conduit à un rapport à la fois transversal et spécifique pour ce qui concerne le médicament, ce qui brouille le propos et empêche de dégager des propositions fortes pour un secteur ou un problème particulier.

D’autre part, contrairement à M. Cordier, je pense que la politique industrielle obéit à des choix idéologiques. Certes, chacun essaie de faire de son mieux dans les circonstances mais à une certaine époque, certains ont pu considérer que l’avenir de notre pays résidait dans les services et non dans l’industrie – c’est la théorie d’une France sans usine ou fabless. Je ne partage pas cette idéologie car une économie forte suppose une industrie forte. Je ne suis pas davantage d’accord avec ceux qui prônent la fermeture des frontières et le protectionnisme pour préserver les entreprises de la concurrence européenne ou internationale. Je revendique au contraire une ouverture vers les marchés européens et mondiaux. De même, je ne partage pas l’avis de ceux qui pensent que nous n’avons pas besoin de faire des efforts en termes de fiscalité et de compétitivité. J’assume mon positionnement libéral : nous devons renforcer la compétitivité de nos industries.

Or, je n’ai pas trouvé, dans le rapport, de rupture idéologique fondamentale. Ainsi, qu’en est-il de la ligne de conduite adoptée durant le quinquennat ? Devons-nous revenir sur certaines choses, sur la réduction des impôts de production, sur la baisse globale de 50 milliards d’euros des impôts payés par les Français ? Aucune de vos propositions ne semblant aller dans ce sens, j’en déduis que vous ne remettez pas en cause la politique que nous menons depuis cinq ans.

Enfin, certaines des soixante-seize propositions auraient mérité d’être approfondies. Vous appelez à réaffirmer la volonté et l’ambition industrielles de la France dans le cadre d’un pacte productif national. Soit, personne ne peut être contre, mais que contient ce pacte, et comment y parvient-on ?

Plusieurs propositions ne relèvent pas du pouvoir législatif, ni même de la France. Prenons le salaire minimum harmonisé entre les pays européens : je ne vois aucun inconvénient à ce que le salaire minimum du Bulgare soit le même que celui du Luxembourgeois, mais nous n’avons pas les moyens de prendre une telle décision ! Cela doit-il être une proposition de la commission d’enquête ? Il en va de même pour la prise en charge, au titre des frais de fonctionnement du Conseil national de l’industrie, des frais de déplacement des représentants des salariés qui doivent assister aux réunions. Je soutiens bien volontiers l’idée, mais peut-on en faire une proposition ? Le remboursement des billets de train ne peut-il être décidé par le CNI ?

D’autres propositions ne sont pas applicables, comme la présence d’au moins 25 % de représentants des salariés au sein du conseil d’administration des entreprises. Certes, l’idée est de Louis Gallois, mais il ne voulait l’imposer qu’aux entreprises d’une certaine taille. Vous fixez le seuil à 250 salariés, ce qui est extrêmement bas et posera des difficultés. Quant à la conditionnalité des aides, je ne suis pas d’accord avec Mme Cariou : verser des aides à l’innovation en menaçant de les reprendre quelques années plus tard si l’entreprise n’a pas industrialisé en France est impensable. Quelle entreprise recourrait à un tel dispositif pour engager des recherches sur un produit dont on ne dispose même pas du prototype et dont on ignore s’il sera possible de le fabriquer en France ? C’est un désaccord fondamental.

Après six mois de travail, soixante-dix heures d’audition et 135 experts, je suis frustré d’aboutir à un tel résultat : pas de révélation, pas de rupture fondamentale, et des propositions dont on se demande comment elles pourront se concrétiser.

Je n’ai aucun motif de rejeter ce rapport, mais je ne peux pas voter pour. Comme le reste des députés membres du groupe La République en marche, je m’abstiendrai.

M. Gérard Leseul, rapporteur. Je vous remercie pour l’ensemble de vos contributions et l’esprit constructif qui vous anime. Mon propos introductif, forcément trop bref, n’a pas permis de mettre en valeur l’intégralité des propositions du rapport.

Une commission d’enquête n’est pas un salon de thé, mais elle n’est pas davantage un tribunal, pour reprendre les propos de M. Olivier Marleix. Nous ne sommes pas là pour jeter l’anathème à l’un ou à l’autre. J’ai accepté cette mission pour éclairer le Gouvernement et ouvrir des pistes de réflexion, conformément à l’objet même des commissions d’enquête, non pas pour mettre à jour un quelconque scandale. Nous avons travaillé dans la plus grande convivialité pour aboutir à une proposition consensuelle, celle de réaffirmer une volonté et une ambition industrielles pour la France.

Mme Motin considère qu’il n’est pas possible de créer un outil financier exempt de risques. Elle n’a pas tort, mais si nous voulons dégager un consensus national autour de la nécessité de réindustrialiser la France, nous devons réconcilier notre pays avec l’industrie.

Bien sûr, nous aurions pu insister sur le fait que le déficit de compétitivité entre la France et l’Allemagne a atteint son apogée entre 2008 et 2012, que les entreprises françaises ne s’installent plus majoritairement en France, contrairement à ce que prétend le Président de la République, que la reprise, selon les analyses de la Banque de France, date de 2015. Mais il m’a semblé plus important de tenter de dégager un consensus pour retrouver une ambition commune, ce qui est davantage possible dans une commission d’enquête qu’au sein des partis politiques.

Vos propos, monsieur le président, m’ont paru un peu inélégants mais peu importe, je ne souhaite pas polémiquer. Nous ne sommes souvent pas d’accord sur les mesures précises à prendre mais nous pourrions trouver un consensus sur de nombreuses orientations. Ne mettons pas d’idéologie là où il ne doit pas y en avoir. Certains ont évoqué la cogestion. Je n’en ai pas parlé : il faut simplement engager tout le monde, les entrepreneurs comme les salariés, dans le projet industriel. Comment pourrait-on convaincre du bien-fondé d’une stratégie si on n’en parle pas ?

Je vous remercie d’avoir annoncé que vous vous abstiendriez et d’avoir pris le temps d’écouter mes arguments. La commission d’enquête a rempli ses missions, même si ses conclusions manquent de précision. Je suis désolé de n’avoir pas la clé du problème mais notre objectif doit être de redéfinir une ambition commune.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous allons donc passer au vote.

La commission adopte le projet de rapport, par trois pour et cinq abstentions.

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   Contributions des membres de la commission d’enquÊte

Contribution de Mme ValÉrie Rabault, dÉputÉe de Tarn-et-Garonne, au nom des dÉputÉs membres du groupe Socialistes et apparentÉs

Sur l’objet de la commission d’enquête

À l’aune de l’avant-propos du président Kasbarian, il nous apparaît utile de rappeler que les commissions d’enquête n’ont pas pour seule vocation, telles les lois de circonstance, de répondre à tel ou tel scandale ou évènement médiatique.

Elles permettent aux parlementaires, dans le cadre de leur mission de contrôle de l’action du Gouvernement, de disposer de pouvoirs étendus, facilitant l’accès à des informations ou à des données qui, autrement, pourraient ne pas être accessibles ou à des témoignages sous serment. La grande majorité des commissions d’enquête de la XVe législature est ainsi dépourvue de lien avec une actualité ou un scandale particulier.

Nous faisons collectivement le constat d’une désindustrialisation de la France, outre quelques secteurs tels que l’aéronautique. De grands groupes tricolores ont délocalisé leurs usines de production ou envisagent, comme Renault, de le faire. Et lorsque les unités de recherche et de développement (R&D) demeurent dans l’Hexagone, c’est n’est qu’une question de temps avant qu’elles ne suivent leurs sites de production, à l’ère des transferts de technologies, contrat après contrat.

La pandémie de Covid-19 a permis de mettre crûment en lumière cette réalité s’agissant de l’industrie médicale et pharmaceutique. Notre groupe avait notamment soulevé le cas de Luxfer, dernier fabricant européen de bonbonnes de gaz haute pression, notamment pour l’oxygène médical, et dont le site de Gerzat avait fermé en juin 2019. Nous avons également pris conscience de notre dépendance à des États extra-communautaires pour la fourniture de certaines molécules ou équipements de protection, tels que les masques FFP2 et chirurgicaux.

C’est dans cet esprit que notre groupe a souhaité profiter d’une focale sur l’industrie du médicament pour illustrer, d’autant plus en temps de crise, la magnitude et les conséquences de cette désindustrialisation. À cet égard, notre proposition de commission d’enquête couvrait un sujet stratégique pleinement inscrit dans son temps.

Notre rapporteur, Gérard Leseul, a souhaité donner à ce rapport une tonalité consensuelle et pondérée, non pas afin d’en atténuer le contenu mais afin de faire émerger un socle de constats et de propositions partagés par le plus grand nombre des membres, condition du succès des propositions formulées.

Il s’est ainsi astreint à un travail mettant de côté les préconceptions idéologiques trop présentes dans les débats économiques pour se concentrer sur une approche empirique des forces et des faiblesses de notre outil industriel.

Nous avons ainsi souhaité, par la présente contribution, compléter ce rapport de grande qualité par des commentaires et propositions spécifiques à notre groupe et tenant compte des échanges formulés lors du travail de notre commission et de la position dogmatique du président.

Sur la compétitivité de l’industrie française au regard du coût du travail

Le groupe majoritaire, par la voix du président de notre commission d’enquête, formule plusieurs propositions dont une relative au coût du travail. Celui-ci serait toujours trop élevé en France et son abaissement continu, à l’aide de réductions de cotisations, une voie nécessaire.

L’édition 2020 du rapport Emploi, chômage, revenus du travail de l’Insee et de la Dares montre qu’en 2019, la France occupe la 5ème position des pays ayant les coûts horaires les plus élevés (37,3 euros), juste devant l’Allemagne (35,9 euros), au sein de l’Union européenne à 28 membres.

Cependant, s’agissant de la main d’œuvre industrielle, pertinente pour notre commission d’enquête, le coût horaire français (39,1 euros) est inférieur à celui de l’Allemagne (41,2 euros) qui est pourtant le champion industriel européen. L’idée selon laquelle la solution se trouverait dans le seul coût du travail est donc biaisée et relève d’une approche principalement idéologique.

C’est au niveau de la productivité en revanche que la France décroche en matière de compétitivité face à ses voisins européens. Selon le rapport 2019 du Conseil national de la productivité Productivité et compétitivité : où en est la France dans la zone euro ?, les retards pris par la France en matière d’innovation et de numérisation pénalisent particulièrement la compétitivité française.

Ainsi notre pays n’a consacré que 2,3 % de son PIB à la R&D en 2019 contre 2,9 % pour l’Allemagne. Cependant, cet écart est exclusivement le fait de l’insuffisance des investissements en R&D du secteur privé (0,6 point de PIB d’écart).

La France connaît également un retard dans la robotisation et l’automatisation de ses process de production et ses machines sont plus anciennes que la moyenne des autres pays. Si la mise en œuvre ponctuelle de dispositifs de suramortissement a permis des rattrapages, ceux-ci restent limités.

La France est également pénalisée, pour des raisons historiques, par l’absence de continuum clair entre enseignement supérieur, recherche fondamentale, puis application technique de cette dernière. De ce point de vue, la création de campus tels que l’Université Paris-Saclay a permis d’entamer une restructuration bienvenue et dont les bénéfices immédiats ont été visibles dans les classements internationaux tels que celui dit « classement de Shanghai », élément de rayonnement mais aussi d’attractivité pour les enseignants-chercheurs comme pour les étudiants internationaux.

Plus largement, le même rapport pointe l’insuffisance voire l’obsolescence des compétences des Français dans leur formation initiale parmi les pays de l’OCDE. Ainsi 28 % des Français auraient un faible niveau de compétence dans le domaine des chiffres contre 19 % en moyenne pour les autres pays. Seulement 32 % des adultes ont suivi une formation liée à l’emploi dans l’année qui précède contre plus de 60 % dans les pays nordiques. Cet écart s’amplifiant parmi les catégories les moins qualifiées.

Comme le propose notre rapporteur, l’effort de formation, initiale et tout au long de la carrière est essentiel pour permettre un rattrapage compétitif de la France. Il implique aussi un effort supplémentaire sur la valorisation des métiers industriels manuels, longtemps stigmatisés dans les parcours scolaires.

Sur les insuffisances de l’État stratège

L’État assure un soutien important à l’industrie au travers de dépenses fiscales dont 66 « niches fiscales » bénéficiant à l’industrie du logement et du bâtiment, pour un coût estimé en 2019 à 18 milliards d’euros. Le crédit d’impôt recherche (CIR) représentait lui un coût de 6,5 milliards d’euros la même année.

La Cour des comptes est particulièrement critique de ces dépenses fiscales car elles sont pour la plupart dépourvues de contreparties mesurables. Ainsi l’éco‑PTZ, le crédit d’impôt pour la transition énergétique (devenu MaPrimRenov’ et une dépense budgétaire) ou encore la TVA réduite pour les travaux de rénovation énergétique sont dépourvues de contreparties en matière d’objectifs de performance énergétique. La Cour est rejointe dans cette critique par la société civile.

Il en va de même s’agissant du CIR qui n’impose aucune contrepartie aux bénéficiaires en matière de localisation de leur production, d’emploi ou de partage de la valeur comme rappelé par notre rapporteur.

L’industrie électrique et électronique ou l’industrie pharmaceutique qui sont les principaux bénéficiaires du CIR, se sont illustrés depuis 10 ans par des plans sociaux en France (Sanofi, STMicroelectronics, Intel, etc.).

Notre groupe considère que la CIR doit permettre à l’État stratège de financer des pactes productifs avec les entreprises bénéficiaires leur fixant des objectifs mesurables de création d’emplois en France, d’investissements dans les outils de production existants et de partage de la valeur au niveau des territoires d’implantation.

Au-delà du seul cas du CIR, notre groupe considère que toute aide de l’État aux entreprises doit faire l’objet d’une conditionnalité en matière de localisation, d’investissements, d’emploi ou encore de transition écologique. Nous l’avons vu avec certaines des aides d’urgence accordées dans le cadre de la pandémie de Covid-19, par exemple au secteur aérien, l’État peut résolument peser sur les choix industriels des entreprises lorsqu’il s’en donne les moyens.

Il en va de même s’agissant du contrôle des investissements étrangers dans certains secteurs stratégiques, tel que prévu par l’article L. 151-3 du code monétaire et financier. Son périmètre n’est que trop limité. Si dans la loi dite « loi PACTE » le Parlement a étendu les cas dans lesquels le ministre de l’Économie doit préalablement autoriser de tels investissements, il n’a pas retenu les propositions de notre groupe sur la préservation des terres agricoles ou d’autres domaines industriels.

Nous l’avons vu avec ArcelorMittal, l’appropriation d’outils industriels par des entreprises étrangères en vue d’en piller le savoir-faire puis d’en abandonner les activités est une dynamique de la mondialisation pour laquelle la France a depuis trop longtemps pratiqué la stratégie des portes ouvertes. Nous devons avoir une politique offensive de protection de nos fleurons industriels et de l’émergence de nouveaux.

L’État doit à cet égard jouer pleinement son rôle d’actionnaire en entrant au capital des entreprises stratégiques pour favoriser leur maintien, leur développement et l’autonomie stratégique de la France dans certains secteurs, tels que le secteur pharmaceutique. Or à l’aune de la nécessaire transition énergétique et écologique de notre pays, c’est le contraire que le Gouvernement met en œuvre si on observe le dossier Suez-Véolia-Engie.

Sur les conséquences de la politique industrielle du Gouvernement

Le président Kasbarian met en avant le bilan du Gouvernement dans la « réindustrialisation » de la France et souligne de ce point de vue, qu’il existerait une forme de décalage entre l’objet du rapport et une dynamique qui rendrait celui-ci obsolète.

Notre commission d’enquête, de par son périmètre et son intitulé, n’a jamais eu pour objet de faire une évaluation du seul bilan du Gouvernement actuel. La situation constatée dans notre rapport tire ses origines de nombreux facteurs depuis les années 1970-1980, quels que soient les gouvernements en responsabilité.

Il convient cependant de souligner que la balance commerciale en produits industriels de notre pays a battu des records historiques de déficit chaque année depuis 2018, pour atteindre 100 milliards d’euros en rythme annualisé fin 2021. C’est d’autant plus inquiétant que cette balance est déjà biaisée en notre faveur du fait de l’intégration de la production d’aéronefs du groupe Airbus, alors que nous partageons en réalité celle-ci avec le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Allemagne.

Selon le rapport de l’Insee sur l’emploi salarié en 2020, le niveau des emplois industriels a retrouvé celui de 2010 avec 57 500 emplois industriels détruits. Si naturellement une part importante de cet effet est la conséquence de la pandémie de Covid-19, la déstabilisation durable des chaines d’approvisionnement et l’annonce en 2021 de plusieurs plans sociaux importants (Bridgestone, Daher, etc.) vont amplifier cette dynamique. 

L’idée d’une réindustrialisation en cours de la France peine encore à se traduire dans les faits.

Si le Gouvernement a annoncé des investissements lourds dans certains secteurs spécifiques au sein du plan France 2030, notamment sur l’hydrogène pour les mobilités lourdes, aucune stratégie industrielle globale ne transparaît.

Notre groupe a proposé plusieurs dispositifs pérennes visant à favoriser la transmission des entreprises industrielles (alliant pacte Dutreil et suramortissement renforcé), à favoriser l’actionnariat de long terme par l’octroi de droits de vote doublés voire triplés selon la durée de détention ou par la mise en œuvre d’un meilleur partage de la valeur au sein de l’entreprise avec la refonte de la formule de la réserve spéciale de participation, qui date de l’après-guerre.

Nous portons également une ambition forte en matière de codétermination, afin que les entreprises s’appuient pleinement sur toutes leurs parties prenantes.

Les propositions de notre rapporteur en la matière tracent un horizon raisonnable et nécessaire mais nous pouvons imaginer pour les très grands groupes un objectif encore supérieur d’administrateurs salariés.

Sur l’absence d’ambition industrielle à l’échelle européenne

La France a pris le 1er janvier 2022, la présidence tournante de l’Union européenne pour six mois, malgré une concordance avec les échéances électorales qui aurait dû commander une inversion avec un autre État membre.

Nous regrettons l’absence de dimension européenne dans les politiques mises en œuvre par la France depuis 2017 en matière industrielle. La compétitivité de nos entreprises se joue pourtant en grande partie aux frontières de notre espace européen et, en matière fiscale, à l’intérieur de ce dernier.

La mise en œuvre de barrières non-tarifaires ou d’une « taxe carbone » européenne permettraient de neutraliser pour partie les avantages concurrentiels des entreprises extra-communautaires et favoriserait la compétitivité de notre industrie et la relocalisation d’activités.

L’harmonisation des règles fiscales au détriment du dumping que pratiquent généreusement certains de nos voisins tels l’Irlande et les Pays-Bas est également une nécessité pour créer un espace économique où la concurrence ne serait pas faussée. À cet égard, le Gouvernement a préféré minorer le niveau de prélèvements obligatoires au détriment des comptes sociaux et alléger la fiscalité locale dite « de production » au détriment des collectivités territoriales.

Le modèle social de notre pays ne peut être sacrifié sur l’autel de l’insuffisance des mesures de compétitivité structurelles et de leadership européen de la France en la matière.

Les propositions complémentaires du groupe Socialistes et apparentés à celles du rapporteur

Stratégie industrielle

1. Définir cinq secteurs stratégiques comme leviers pour la création d’activité économique et pour l’impératif de production nationale et européenne : agriculture, énergie, transports, santé et souveraineté numérique.

2. Pour chacun de ces secteurs, définir des objectifs de souveraineté, c’est à dire ce qu’il est indispensable de produire en France et en Europe afin que la souveraineté du pays ne soit jamais fragilisée (par exemple, produire du paracétamol en France).

3. Se fixer un objectif pour l’industrie de 18 % du PIB en 2027 et 23 % en 2032 (sur la base bien sûr d’un PIB en croissance régulière), contre 13,5 % aujourd’hui (la France est avant-dernière en Europe pour la contribution de l’industrie à son PIB).

4. Intégrer une stratégie de rupture technologique (s’inspirer du rapport Potier de mars 2020), en partenariat avec l’Europe.

5. Afficher le double objectif de réindustrialisation et de réindustrialisation la plus décarbonée.

6. Fixer un objectif d’investissements publics, pour les cinq secteurs stratégiques, entre 50 et 70 milliards d’euros par an.

7. Engager un dialogue constructif avec les acteurs privés pour faire en sorte que les aides publiques et subventions accordées le soient au regard des objectifs définis (en cas de non-respect prévoir leur remboursement).

Mise en œuvre de la stratégie industrielle

1. Avoir un pilotage au plus haut niveau de l’État de l’objectif de réindustrialisation : tous les mois, un suivi par le Président de la République de l’avancée de la mise en œuvre du plan, établie de manière indépendante : réalisation des investissements, décarbonation, etc

2. Inclure tous les secteurs industriels, et notamment l’aéronautique dans le décret dit « Montebourg », prévoir que le ministère de l’Économie présente une fois par an les autorisations données en matière de prise de contrôle de sociétés françaises par des investisseurs hors de l’Union européenne.

3. Revoir les modalités de calcul de la CVAE et de la CFE qui aujourd’hui pénalisent l’industrie, sans pénaliser les collectivités territoriales.

4. Lancer dans les lycées les olympiades de l’innovation industrielle, présidées par le Président de la République.

5. Préserver les corps techniques de l’État qui doivent être sur-mobilisés pour la mise en œuvre du plan.

6. Revoir les modalités d’appel d’offres des hôpitaux sur la commande de médicaments (rapport Biot sur les ruptures de médicament).

7. Réorganiser l’État en intégrant, dans le grand ministère de l’industrie, de l’énergie et de la recherche technologique préconisé par le rapporteur, le commerce extérieur (aujourd’hui aux affaires étrangères) et la partie investissement aujourd’hui logée à l’enseignement supérieur et la recherche.

Valérie Rabault
Députée de Tarn-et-Garonne
Membre de la commission d’enquête

 


Contribution de Mme Cendra Motin, dÉputÉe de l’IsÈre

Le constat sévère mais réel de la désindustrialisation de la France depuis les années 1980 nous interroge tous sur la politique industrielle que la France et l’Europe doivent mener. Car rebâtir un tissu industriel fort et adapté aux contraintes réglementaires, environnementales et sociales d’un pays comme la France, ne peut se faire sans réfléchir aux débouchés sur le marché européen et même mondial.

La crise sanitaire que notre pays traverse a révélé les impacts concrets d’un territoire désindustrialisé. Les pénuries se sont succédé d’abord dans le domaine médical, puis dans celui des composants électroniques et la tension sur certaines matières premières comme le bois nous a montré la fragilité d’un marché livré aux spéculateurs. Ainsi, la conception de la souveraineté économique a changé puisque nous avons pris conscience que la résilience passe par la capacité à être autonome dans ce qui constitue et constituera notre quotidien.

À partir de là, nous avons beaucoup entendu parler de relocalisation de l’industrie en France. Mais quelles industries peuvent réellement être réimplantées en France ?

Pour endiguer la longue tendance de désindustrialisation et répondre aux enjeux environnementaux et sociaux, la politique de réindustrialisation doit à mon sens se fonder sur des industries technologiquement innovantes et non sur une industrie manufacturière telle qu’elle était pensée dans les années 1980.

Prenons l’exemple des véhicules autonomes, futurs objets du quotidien : la politique industrielle d’aujourd’hui et de demain doit rendre possible la production de batteries et de puces électroniques sur notre sol, et non se concentrer sur la production de l’acier du véhicule.

Par conséquent, la question n’est pas tant de relocaliser des industries déplacées en Europe de l’Est ou en Asie, mais de se concentrer sur la localisation des industries de pointe et clefs pour la souveraineté sur le territoire français.

Les rapports de force économiques ont largement évolué et sur la scène internationale la Chine et les États-Unis ont distancé le reste du monde et s’affrontent pour le titre de première puissance industrielle. L’Afrique pourrait devenir la prochaine d’usine du monde, mais l’influence de la France y recule au moment où la Chine y multiplie les investissements industriels.

La différence fondamentale qui permettra à l’Europe et la France d’exister dans cette équation économique mondiale, outre la taille de son marché, est sa conception unique d’une politique industrielle intégrant la nécessaire réponse au défi climatique.

Alors que la Chine et les États-Unis ne se sont pas donné d’objectifs ambitieux pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, l’Europe se projette dans une quasi-neutralité carbone en 2050 avec son programme « Fit for 55 » – « Ajustement à l’objectif 55 % ». Cette réponse aura des répercussions sur les prix de vente de secteurs émetteurs de CO2 puisque ces derniers auront à répondre à une double contrainte.

D’une part, l’Union européenne va appliquer dès 2022 une taxonomie verte aux différentes activités économiques, c’est-à-dire les classer selon leur caractère durable d’un point de vue environnemental. Cette classification aura des conséquences sur le versement d’aides publiques européennes, et vise à mieux orienter les investissements de capitaux vers des activités durables en contraignant les entreprises à publier la part de leurs activités entrant dans la taxonomie verte. Fin 2021, la Commission européenne a présenté un projet d’acte délégué n’excluant pas le nucléaire ni le gaz de la taxonomie, et donc des financements verts. Cependant, cet acte n’est pas encore définitivement adopté par le Conseil et le Parlement, et sa portée pourrait être affaiblie par l’ajout de contraintes fortes entravant de fait le développement du parc nucléaire

D’autre part, la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières d’ici 2023 et son application à certaines marchandises devrait mécaniquement renchérir le prix de certains intrants, et donc avoir des conséquences sur la production de biens à haute valeur ajoutée fabriquée sur le territoire français.

Par exemple, la fabrication du paracétamol, dont le Président de la République a souhaité et encouragé la relocalisation, nécessite une forte consommation d’électricité. La mise en place de l’ajustement carbone aux frontières d’ici 2023 devrait mécaniquement renchérir le prix de l’électricité importée si elle n’est pas issue d’énergies renouvelables, et si la taxonomie européenne n’inclut pas le nucléaire, le prix de l’électricité augmentera sur le long terme du fait des investissements majeurs qui sont à réaliser sur le parc français.

La crise de l’énergie que nous vivons depuis quelques mois, générée à la fois par une forte demande mondiale et par un contexte géopolitique tendu, est une alerte que nous devons prendre au sérieux. Elle nous montre les limites que notre volonté de réindustrialiser la France peut rencontrer quand l’ensemble du processus n’est pas maitrisé.

Sortir des énergies fossiles est un objectif que nous devons atteindre si nous souhaitons réellement retrouver notre souveraineté industrielle. Mais cela nécessite de pouvoir s’appuyer sur une énergie décarbonée et pilotable, le nucléaire, et de développer la production et le stockage d’énergies renouvelables afin de répondre à terme à la demande croissante des usages des industriels et des particuliers.

Ainsi, la définition de la politique industrielle de demain doit être fondée sur les industries de pointe, mais l’adoption définitive de la taxonomie contribuera à définir les secteurs industriels dans lesquels notre pays pourra in fine être souverain tout en respectant les normes environnementales et sociales qu’elle se fixe avec l’Europe.

Cendra Motin
Députée de l’Isère
Membre de la commission d’enquête

 


Contribution de Mme BÉnÉdicte Taurine, dÉputÉe de l’AriÈge

Les auditions menées ont démontré un investissement public largement insuffisant dans la recherche et dans les universités. Au-delà d’être insuffisant, notre dispositif de financement public (crédit d’impôt recherche…) pour la recherche pharmaceutique demeure largement inefficace. Une stratégie gouvernementale doit être basée autour d’un pôle public du médicament afin d’être davantage résilient aux crises sanitaires et aux risques de fracture des chaines de valeur mondiales. Cet établissement scientifique et technique aura vocation à s’assurer de l’approvisionnement de la France ne matière de dispositifs médicaux. En supprimant le crédit d’impôt recherche, le pôle public du médicament sera alimenté de 6 milliards chaque année.

Par ailleurs, l’avant-propos du président de la commission d’enquête préconise la baisse des impôts de production et des cotisations patronales et sociales. Cette politique menée depuis des années ne porte pas ses fruits et augmente le taux de profit sans que celui-ci ne serve essentiellement à l’investissement dans l’appareil productif selon l’Insee et France Stratégie.

Un pôle public du médicament doit être mis en place afin de faciliter l’égal accès aux traitements, protéger la recherche de la finance et supprimer l’influence des entreprises privées dans les activités médicales et hospitalières.

Un des enseignements à tirer de la crise sanitaire est notre incapacité à répondre à la demande de médicaments de base. Depuis des années, nos laboratoires n’en produisent que trop peu, car la marge de ces produits est minime. Par ailleurs, certains produits nécessitent l’ajout de réactifs à leur composition que nous ne produisons plus. En outre, les laboratoires utilisent souvent les outils de la propriété intellectuelle de façon abusive, afin d’empêcher ou de freiner la commercialisation des médicaments sous forme de génériques, ils peuvent ainsi augmenter les prix de médicaments que la collectivité doit payer via la sécurité sociale. Ils peuvent également prolonger la protection de certaines d’entre elles en trouvant de nouvelles utilisations possibles des molécules et permettre ainsi la privatisation de leurs médicaments pendant des décennies.

En effet, les préconisations se placent à l’échelle européenne ; or dans le projet HERA, il n’est pas prévu de doter l’agence d’une capacité productive publique. Dans ce cas, la lutte contre le risque de pénurie et de rupture d’approvisionnement a de fortes chances d’échouer, les États de l’Union européenne resteront dépendants de la volonté des industriels privés.

Quant au droit de réquisition en échange d’investissements, il existe déjà au niveau national pourtant le pouvoir politique ne l’utilise pas.

Enfin, la licence d’office, qui permet au ministre de la Santé de demander une suspension des droits attachés à la propriété intellectuelle d’un dispositif de santé, doit être davantage utilisée.

Bénédicte Taurine
Députée de l’Ariège
Membre de la commission d’enquête

 

 


   Liste des personnes auditionnÉes
et liens vers les comptes rendus des auditions

Les comptes rendus des auditions sont consultables à l’adresse suivante :

https://www2.assemblee-nationale.fr/15/autres-commissions/commissions-d-enquete/commission-d-enquete-sur-la-desindustrialisation/(block)/ComptesRendusCommission/(instance_leg)/15/(init)/0-15

Mercredi 22 septembre 2021

Table ronde de représentants de la recherche universitaire en politique économique et en politique industrielle

M. Michel Aglietta, professeur émérite de sciences économiques à l’Université Paris-Nanterre, ancien membre du Haut Conseil des finances publiques

M. Matthieu Crozet, professeur d’économie à l’université Paris-Saclay

M. Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School, ancien conseiller économique à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne

M. Philippe Mioche, professeur émérite d’histoire économique contemporaine de l’université d’Aix-Marseille

M. Vincent Vicard, responsable du programme Analyse du commerce international au Centre d’études prospectives et d’informations internationales

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu.pdf

 

Table ronde de représentants des cercles de réflexion économique

M. François Lévêque, professeur d’économie au Centre d’économie industrielle (CERNA) de MinesParisTech

M. Emmanuel Jessua, directeur des études au sein de Rexecode

M. Xavier Ragot, professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)

M. Mathieu Plane, directeur-adjoint du département Analyse et prévision de l’OFCE

Mme Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au sein du Centre de recherches sur les économies, les sociétés, les arts et les techniques (CRESAT) de l’université de Haute Alsace et consultante

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu.pdf

Mercredi 29 septembre 2021

France Stratégie

M. Gilles de Margerie, commissaire général

M. Vincent Aussilloux, rapporteur général

M. Philippe Focrain, chef de projet

M. Mohamed Harfi, expert référent

M. Rémi Lallement, chef de projet

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu.pdf

 

La Fabrique de l’Industrie

M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée, co-président de la Fabrique de l’Industrie

M. Vincent Charlet, délégué général

Mme Sonia Bellit, cheffe de projet

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu.pdf

 

M. Jacques Biot, ancien président de l’École polytechnique, président du conseil d’administration de Huawei France et auteur du rapport au Premier ministre Mission stratégique visant à réduire les pénuries de médicaments essentiels

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021006_compte-rendu.pdf

 

Jeudi 30 septembre 2021

Table ronde des jeunes économistes

M. François Geerolf, professeur assistant à l’Université de Californie, Los Angeles (UCLA) et conseiller scientifique au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII)

Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, directrice de recherche au CNRS, chargée d’enseignements à l’université de Paris-Nanterre et à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne

M. Xavier Jaravel, professeur associé à la London School of Economics en détachement à l’Inspection générale des finances et membre du Conseil d’analyse économique

Mme Sonia Bellit, cheffe de projet au sein de La Fabrique de l’Industrie

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu.pdf

 

Table ronde de spécialistes de l’économie de la santé

M. Frédéric Bizard, professeur d’économie associé à l’école supérieures de commerce de Paris et à l’université Paris-Dauphine, président de l’Institut Santé

Mme Nathalie Coutinet, maîtresse de conférence à l’Université Sorbonne Paris-Nord

M. Sylvain Pichetti, maître de recherche à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES)

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021008_compte-rendu.pdf

 

Autrices de la note du Conseil d’analyse économique Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français

Mme Anne Perrot, inspectrice générale des finances

Mme Margaret Kyle, professeure d’économie à Mines Paris Tech

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021009_compte-rendu.pdf

MERCREDI 6 OCTOBRE 2021

Syndicat professionnel de l’industrie chimique organique de synthèse et de la biochimie (Sicos Biochimie)

M. Vincent Touraille, président du Sicos Biochimie, directeur de la stratégie et des fusions et acquisitions au sein de Sanofi EUROAPI

Mme Catherine Lequime, déléguée générale du Sicos Biochimie

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122010_compte-rendu.pdf

 

CDMO France (anciennement syndicat professionnel des industriels sous-traitants de la santé)

M. Stéphane Lepeu, directeur général délégué de Delpharm, président de CDMO France

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122011_compte-rendu.pdf

 

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) – Programme Territoires d’industrie

M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie »

M. Jean-Baptiste Gueusquin, adjoint au délégué au programme « Territoires d’industrie »

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122012_compte-rendu.pdf

 

JEUDI 7 OCTOBRE 2021

Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (SNITEM) et Medtech in France

M. Guirec Le Lous, président d’Urgo Médical, président de Medtech in France

Mme Amandine Fourleignie Duc, directrice générale de Medtech in France,

M. François-Régis Moulines, directeur des affaires gouvernementales au sein du SNITEM

M. Christophe Philibert, directeur des affaires gouvernementales, publiques et de communication du groupe B. Braun Médical

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122013_compte-rendu.pdf

 

Personnalités qualifiées en charge du pilotage du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) 2021

Mme Agnès Audier, ingénieure des Mines, conseil externe du Boston Consulting Group, présidente du laboratoire d’idées l’Impact Tank, présidente du conseil d’administration de SOS Seniors, membre du conseil d’administration du Crédit agricole

Mme Muriel Dahan, docteure en pharmacie, inspectrice générale des affaires sociales

Mme Lyse Santoro, agrégée, docteur en immunologie, directrice générale de la société THAC – The Healthy Aging Company

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122014_compte-rendu.pdf

 

Fédération française des industries de santé

M. Olivier Bogillot, président de Sanofi France, président de la FEFIS, président du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé (CSF-ITS)

Mme Sophie de La Motte de Broöns, secrétaire générale de la FEFIS, déléguée permanente du CSF-ITS

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122015_compte-rendu.pdf

 

MERCREDI 20 OCTOBRE 2021

Association de l’Association des moyens laboratoires et industries de santé (AMLIS)

M. Philippe Truelle, Président de CDM Lavoisier et vice-président de l’AMLIS

M. Alexandre Williams, président d’ATHENA Pharmaceutiques

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122016_compte-rendu.pdf

 

G5 Santé

M. Didier Véron, directeur des affaires corporate du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), président du G5 Santé

Mme Muriel Carroll, directrice des affaires institutionnelles des laboratoires Théa, membre du comité technique du G5 Santé

M. Michaël Danon, directeur général adjoint du Groupe Pierre Fabre, président du pôle de compétitivité Eurobiomed

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122017_compte-rendu.pdf

 

Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN)

M. Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d’Arkema, président de l’UNIDEN

M. Fabrice Alexandre, président de Communication & Institutions

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122018_compte-rendu.pdf

 

Haut-commissariat au Plan

M. François Bayrou, Haut-commissaire au Plan

M. Eric Thiers, secrétaire général

M. Philippe Logak, rapporteur général

M. Baptiste Petitjean, conseiller

Mme Karen Saranga, conseillère

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122019_compte-rendu.pdf

jeudi 28 OCTOBRE 2021

Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI)

M. Philippe d’Ornano, président du directoire de Sisley, co-président du METI

M. Alexandre Montay, délégué général

M. Simon Dufeigneux, directeur des affaires publiques de Sisley

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122020_compte-rendu.pdf

 

Cour des comptes – Auteurs du référé sur la mise en œuvre du programme d’investissement d’avenir

M. Christian Charpy, président de la première chambre

M. Marc Fosseux, conseiller référendaire à la première chambre

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122021_compte-rendu.pdf

 

Polepharma

M. Philippe Ivanes, directeur des opérations antithrombotiques de Sanofi, président du réseau PolePharma

M. Antoine Reveilleau, président de Seratec, administrateur de Polepharma

M Fabien Riolet, directeur général

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122022_compte-rendu.pdf

 

Inserm Transfert et CNRS Innovation

Mme Pascale Auge, présidente du directoire d’Inserm Transfert

Mme Johanna Michielin, directrice générale de CNRS Innovation

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122023_compte-rendu.pdf

 

Table ronde consacrée aux achats hospitaliers

M. Charles Guépratte, directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, président de l’Union des hôpitaux pour les achats (UniHA)

M. Bruno Carrière, directeur général de l’UniHA

M. Renaud Cateland, directeur de l’Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS) de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP‑HP)

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122024_compte-rendu.pdf

 

M. Édouard Martin, ancien délégué syndical CFDT de ArcelorMittal Florange, ancien député européen, président de l’association Bâtir le renouveau industriel sur la démocratie et le génie écologique (BRIDGE)

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122025_compte-rendu.pdf

MERCREDI 3 NOVEMBRE 2021

Secrétariat général pour l’investissement

Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe

M. Emmanuel Dequier, directeur de programme Grand Défi « Biomédicaments : améliorer les rendements et maîtriser les coûts de production »

M. Jean-Christophe Dantonel, directeur du programme santé, biotechnologies

M. Anthony Lelarge, directeur-adjoint du programme industrie et services

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122026_compte-rendu.pdf

 

Comité économique des produits de santé (CEPS)

M. Philippe Bouyoux, président

M. Jean-Patrick Sales, vice-président en charge du médicament

Mme Catherine Rumeau-Pichon, vice-présidente en charge des dispositifs médicaux et prestations

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122027_compte-rendu.pdf

 

JEUDI 4 NOVEMBRE 2021

France Industrie

M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie

M. Vincent Moulin Wright, directeur général

M. Jérôme Breysse, directeur des affaires publiques

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122028_compte-rendu.pdf

 

Groupe Sequens

M. Pierre Luzeau, président du comité exécutif

M. Gildas Barreyre, secrétaire général du comité exécutif

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122029_compte-rendu.pdf

 

Association Générique Même Médicament (Gemme)

M. Jérôme Wirotius, directeur général de Biogaran, vice-président chargé des affaires économiques du Gemme

M. Léopold Berthier, président de Substipharm, représentant des membres fabricants au sein du bureau du Gemme

M. Laurent-Borel Giraud, directeur des opérations pharmaceutiques et commerciales de Teva Santé, représentant des biosimilaires

Mme Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale

M. Michael Bismuth, délégué général adjoint

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122030_compte-rendu.pdf

 

M. Éric Besson, ancien ministre chargé de l’Industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, président de Sicpa Maroc

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122031_compte-rendu.pdf

 

Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV)

M. Jean-François Le Bos, conseiller du président du groupe Financière SNOP Dunois, président de la FIEV

M. Claude Cham, président d’honneur et trésorier de la FIEV

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122032_compte-rendu.pdf

 

M. Luc Chatel, ancien secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de la consommation, président de la Plateforme de la filière automobile

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122033_compte-rendu.pdf

 

MERCREDI 10 NOVEMBRE 2021

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale

Mme Carole Le Saulnier, directrice des affaires juridiques et réglementaires

M. Stéphane Vignot, conseiller médical

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122034_compte-rendu.pdf

 

Agence des participations de l’État (APE)

M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’APE

M. Vincent Le Biez, directeur de participations Industrie

Mme Martine Jumel, cheffe de cabinet et responsable du pôle communication

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122035_compte-rendu.pdf

 

MERCREDI 17 NOVEMBRE 2021

Les entreprises du médicament (LEEM)

M. Frédéric Collet, président de Novartis France, président du LEEM

M. Philippe Lamoureux, directeur général

M. Pascal Le Guyader, directeur général adjoint

M. Antoine Quinette, chargé de mission affaires publiques

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122036_compte-rendu.pdf

 

M. Henri Lagarde, chef d’entreprise, chef d’entreprise, ancien président du groupe Thomson Electroménager et du groupe Guyomarc’h

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122037_compte-rendu.pdf

 

M. Frédéric Visnovsky, médiateur national du crédit, secrétaire général adjoint de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122038_compte-rendu.pdf

jeudi 18 NOVEMBRE 2021

Banque publique d’investissement (Bpifrance)

M. Nicolas Dufourcq, directeur général

Mme Anne-Sophie de Faucigny, directrice des relations institutionnelles et médias

M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122039_compte-rendu.pdf

 

France Angels

M. Alain Pujol, consultant au sein d’APHC Consulting, co-président de France Angels

Mme Fabienne Berthet, membre d’Angels Santé

Mme Florence Richardson, présidente de Femmes Business Angels

M. Benjamin Brehin, délégué général de France Angels

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122040_compte-rendu.pdf

 

M. Pierre Méhaignerie, ancien ministre, ancien député et ancien maire de Vitré

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122041_compte-rendu.pdf

MERCREDI 24 NOVEMBRE 2021

Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (FEDEREC)

M. François Excoffier, président d’Excoffier recyclage, président de la FEDEREC

M. Stéphane Panou, directeur Recyclage et valorisation matières au sein de Paprec Groupe, président de FEDEREC filière papiers cartons

M. Manuel Burnand, directeur général

Mme Géraldine Bulot, secrétaire générale

Mme Caroline Nasr, directrice de la communication

M. Jules Olivereau, chargé de mission relations institutionnelles

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122042_compte-rendu.pdf

 

Table ronde « l’industrie par ceux qui la font »

M. Vincent Fanon, directeur général associé de Systech

M. Laurent Fompeyrine, directeur ingénierie globale santé animale et projets d’investissements de Boehringer Ingelheim

M. Jacques de Heere, président-directeur général d’Acome

M. Jean-Marie Piranda, président de Frial

M. Alain Sainsot, président de GTP-Bioways

M. Frédéric Viguié, président de Didactic

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122043_compte-rendu.pdf

 

jeudi 25 NOVEMBRE 2021

Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

M. Christophe Beaux, directeur général

M. Guillaume Leblanc, directeur du pôle influence & affaires publiques

Mme Gwenaëlle Poilon, directrice économie

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122044_compte-rendu.pdf

 

M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien ministre de l’Économie, du redressement productif et du numérique

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122045_compte-rendu.pdf

 

Direction générale des entreprises (DGE)

M. Thomas Courbe, directeur général

M. Romain Bonenfant, chef du service de l’industrie

Mme Mélanie Przyrowski, cheffe de cabinet et conseillère parlementaire

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046_compte-rendu.pdf

 

Table ronde « l’industrie du futur »

M. Frédéric Sanchez, président du groupe Fives, président de l’Alliance Industrie du Futur (AIF)

M. Jean-Marie Danjou, directeur général de l’Alliance Industrie du Futur (AIF)

M. Sébastien Massart, directeur de la stratégie de Dassault Systèmes

M. Olivier Scalabre, directeur associé senior au Boston Consulting Group

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122047_compte-rendu.pdf

 

Table ronde des représentants des salariés au sein du Conseil national de l’industrie

M. Philippe Portier, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)

M. Xavier Guillauma, secrétaire confédéral en charge des politiques industrielles et de la recherche au sein de la CFDT

M. Eric Keller, secrétaire fédéral de la Fédération métaux de la Confédération générale du travail – Force ouvrière (FO)

M. Pascal Lopez, délégué syndical central FO Sanofi

M. Jean-Michel Pourteau, représentant de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) au sein du comité stratégique de filière mines et métallurgie

M. Pascal Fremont, animateur de branche pharmacie au sein de la Fédération chimie-mines-textile-énergie de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Mme Nadia Salhi, membre de la direction confédérale de la Confédération générale du travail (CGT)

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu.pdf

 

mardi 30 NOVEMBRE 2021

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu.pdf


   Liste des personnes rencontrÉes
lors du dÉplacement À Bruxelles

Lundi 29 NOVEMBRE 2021

Agence wallonne à l’exportation et aux investissements (AWEX)

M. Ludovic Waha, life sciences business developer

M. Mehdy Oozeer, senior industry specialist life sciences

 

Commission européenne

M. Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur, de la politique industrielle, du tourisme, du numérique, de l’audiovisuel, de la défense et de l’espace

 

Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne

M. Michael Bazin, conseiller Compétitivité industrielle, PME, industrie, innovation, tourisme

Mme Léa Boudinet, conseillère Politique industrielle et innovation

 

Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) de Belgique

M. Xavier De Cuyper, administrateur général

 

Leuven MindGate

M. Johan Merlevede, directeur

 


   Liste des Contributions Écrites reÇues

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

Union des entreprises de proximité (U2P)

 

France Chimie (anciennement Union des industries chimiques – UIC)

 

Association française de l’immobilier logistique (Afilog)

Association NèreS (anciennement Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable – Afipa)

 

Intersyndicale MBF aluminium

IVECO Bus

 

M. Jean-Luc Gaffard, professeur émérite de l’Université Côte-d’Azur

 

*

*     *


([1]) Assemblée nationale, commission des Affaires économiques, rapport sur la proposition de résolution de Mme Valérie Rabault et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament (n° 4371), présenté par M. Guillaume Kasbarian, rapporteur, 13 juillet 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-eco/l15b4371_rapport-fond

([2]) Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission d’enquête sur la situation dans les prisons françaises (n°2521), présenté par M. Louis Mermaz, président, et M. Jacques Floch, rapporteur, 28 juin 2000 https://www.assemblee-nationale.fr/rap-enq/r2521-1.asp et Sénat, rapport de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France (n° 449 1999-2000) de M. Jean-Jacques Hyest, président, et M. Guy-Pierre Cabanel, rapporteur, 29 juin 2000 https://www.senat.fr/rap/l99-449/l99-449.html

([3]) Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les conséquences sanitaires et sociales de la canicule (n° 1455), M. Claude Évin, président, et M. François d’Aubert, rapporteur, 25 février 2004 https://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-enq/r1455-t1.asp

([4]) Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement (n° 3125), M. André Vallini, président, et M. Philippe Houillon, rapporteur, 6 juin 2006, https://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-enq/r3125.asp

([5]) Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission d’enquête sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d’une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires (n° 2440), M. Serge Letchimy, président, et Mme Justine Benin, rapporteure, 26 novembre 2019, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cechlordec/l15b2440-ti_rapport-enquete

([6]) Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission d’enquête chargée d’examiner les décisions de l’État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d’entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d’Alstom, d’Alcatel et de STX, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé (n° 897 rect.), M. Olivier Marleix, président, et M. Guillaume Kasbarian, rapporteur, 19 avril 2018, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cepolind/l15b0897-ti_rapport-enquete#

([7]) « Forte pénurie de talents en vue d’ici 2030 pour la France », Les Échos, 4 mai 2018 https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/recrutements-entretiens/forte-penurie-de-talents-en-vue-dici-2030-pour-la-france-1176533

([8]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000037367660/

([9]) Guillaume Kasbarian, 5 chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles – Pacte productif 2025, rapport de mission parlementaire au Premier ministre, 23 septembre 2019, https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2019/09/rapport_kasbarian.pdf

([10]) EY, « Baromètre de l’attractivité de la France 2021 » https://www.ey.com/fr_fr/attractiveness/barometre-de-l-attractivite-de-la-france-2021

([11]) Institut national de la stratistique et des études économiques, Séries chronologiques : Emplois salariés trimestriels – Industrie – Sections B, C, D et E – CVS https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/001577235

([12]) Institut national de la statistique et des études économiques, « Au troisième trimestre 2021, le taux d’emploi est au plus haut (67,5 %) et le taux chômage est quasi stable (8,1 %) », Insee informations rapides n° 295, 19 novembre 2021, https://www.insee.fr/fr/statistiques/5871518

([13]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle de 2020 : construire un marché unique plus solide pour soutenir la reprise en Europe, COM/2021/350 final, 5 mai 2021, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A52021DC0350

([14]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Stratégie pharmaceutique pour l’Europe COM/2020/761 final, 25 novembre 2020 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52020DC0761

([15]) Décret n° 2010-596 du 3 juin 2010 relatif au conseil national de l’industrie, https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000022299089/

([16]) Louis Gallois, Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, Rapport au Premier ministre, 5 novembre 2012, https://www.vie-publique.fr/rapport/32798-pacte-pour-la-competitivite-de-industrie-francaise

([17]) Groupe de travail présidé par MM. Yves Dubief et Jacques Le Pape, La fiscalité de production – Document de consultation, avril 2018 https://www.adcf.org/files/Finances-et-fiscalite/2018-M-025-02.pdf

([18]) Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, Activité des seniors et politiques d’emploi, décembre 2021, https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publications/les-seniors-et-le-marche-du-travail

([19]) KPMG – METI, Agir pour la transmission des ETI familiales en France – Enjeux et clés de succès, novembre 2021 https://m-eti.fr/wp-content/uploads/2021/11/KPMGxMETI_Transmission-des-ETI_Novembre-2021.pdf

([20]) Xavier Jaravel et Isabelle Méjean, « Quelle stratégie de résilience dans la mondialisation », Les notes du Conseil d’analyse économique, n° 64, avril 2021, https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note064.pdf

([21]) Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament (n° 4282) déposée par Mme Valérie Rabault et plusieurs de ses collègues, 25 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4282_proposition-resolution

([22]) Assemblée nationale, commission des Affaires économiques, rapport (n° 4371) sur la proposition de résolution de Mme Valérie Rabault et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête chargée d’identifier les facteurs qui ont conduit à la chute de la part de l’industrie dans le PIB de la France et de définir les moyens à mettre en œuvre pour relocaliser l’industrie et notamment celle du médicament, présenté par M. Guillaume Kasbarian, rapporteur, 13 juillet 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-eco/l15b4371_rapport-fond

([23]) Assemblée nationale, comité d’évaluation et de contrôle, rapport d’information sur l’évaluation de la politique industrielle présenté par MM. Olivier Marleix et Thierry Michels (n° 3794), 21 janvier 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cec/l15b3794_rapport-information

([24]) France Stratégie, Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, présenté par M. Vincent Aussilloux, rapporteur général, novembre 2020 https://www.strategie.gouv.fr/publications/politiques-industrielles-france-evolutions-comparaisons-internationales

([25]) Assemblée nationale, commission des Affaires sociales, rapport d’information déposé en conclusion des travaux de la mission d’information sur les médicaments et présenté par Mme Audrey Dufeu et M. Jean-Louis Touraine (n° 4275), 23 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-soc/l15b4275_rapport-information

([26]) Les comptes rendus de l’ensemble des auditions sont disponibles à https://www2.assemblee-nationale.fr/15/autres-commissions/commissions-d-enquete/commission-d-enquete-sur-la-desindustrialisation/(block)/ComptesRendusCommission/(instance_leg)/15/(init)/0-15

([27]) Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), « définitions, méthodes et qualité » https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1426

([28]) Insee, Les entreprises en France – Insee Références – Édition 2021, 1er décembre 2021, https://www.insee.fr/fr/statistiques/4987235

([29]) Lionel Fontagné, Pierre Mohnen et Guntram Wolff, « Pas d’industrie, pas d’avenir ? », Les notes du Conseil d’analyse économique, n° 13, juin 2014 https://www.cae-eco.fr/Pas-d-industrie-pas-d-avenir

([30]) Selon GTA/IHS Markit cité par l’association French Healthcare,en 2018, la France était le 6ème exportateur mondial et a exporté pour 2 milliards d’euros d’équipements d’irradiation médicale, électromédicaux et électrothérapeutiques ; voir French Healthcare, « l’imagerie médicale française une filière d’avenir », 1er octobre 2020 https://frenchhealthcare-association.fr/2020/10/01/limagerie-medicale-francaise-une-filiere-davenir/

([31])Institut national de la statistique et des études économiques, Tableaux de l’économie française – Édition 2019 https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676648?sommaire=3696937

([32]) Denis Carré, Nadine Levratto et Philippe Frocrain, « L’étonnante disparité des territoires industriels », La Fabrique de l’industrie, 4 novembre 2019, https://www.la-fabrique.fr/fr/publication/letonnante-disparite-des-territoires-industriels/

([33]) Institut national de la statistique et des études économiques, Indicateurs de richesse nationale, https://www.insee.fr/fr/statistiques/3281637?sommaire=3281778#tableau-figure1

([34]) Conseil européen de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000, Conclusions de la présidence, https://www.europarl.europa.eu/summits/lis1_fr.htm

([35]) Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI), L’état de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France – 14ème édition, 22 avril 2021, https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/publication-de-l-edition-2021-de-l-etat-de-l-enseignement-superieur-de-la-recherche-et-de-l-47056

([36]) Ambassade de France en Allemagne, « Les conséquences positives et les défis du pacte allemand pour la recherche et l’innovation », 24 mars 2017, https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-scientifique-et-universitaire/veille-scientifique-et-technologique/allemagne/article/les-consequences-positives-et-les-defis-du-pacte-allemand-pour-la-recherche-et

([37]) « Ces projections montrent que la loi de programmation :

«  représente, en écart à la loi de finances initiale pour 2020, un investissement budgétaire cumulé respectivement de 13,6 milliards d’euros (hypothèse d’un taux d’inflation de 1 %) et de 8,4 milliards d’euros (hypothèse d’un taux d’inflation de 1,4 %) sur dix ans, soit un niveau d’engagement nettement inférieur aux 26,3 milliards d’euros mis en avant par le Gouvernement ;

«  permet, à l’horizon 2030, une augmentation du budget annuel de la recherche, sur le périmètre des programmes 172, 193 et 150, respectivement de près de 2,8 milliards d’euros (hypothèse d’un taux d’inflation de 1 %) et de près de 1,8 milliard d’euros (hypothèse d’un taux d’inflation de 1,4 %), contre les 5 milliards d’euros affichés par le Gouvernement. »

Sénat, Commission de la culture, de l’éducation et de la communication, rapport de Mme Laure Darcos sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur n° 51 (2020-2021), 14 octobre 2020, https://www.senat.fr/rap/l20-051/l20-051.html

([38]) Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI), L’état de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France – 1ère édition, novembre 2007, https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/documents/21533.pdf

([39]) Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI), L’état de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France – 14ème édition, op. cit.

([40])Audition de M. Mathieu Plane, directeur-adjoint du département Analyse et prévision de l’ l’Observatoire français des conjonctures économiques, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu

([41]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([42]) Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI), L’état de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France 14ème édition, 22 avril 2021, https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/publication-de-l-edition-2021-de-l-etat-de-l-enseignement-superieur-de-la-recherche-et-de-l-47056

([43]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, 29 septembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu#

([44]) Audition de M. Matthieu Crozet, professeur d’économie à l’Université Paris Sud-Saclay, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu#

([45]) Audition de M. Mohamed Harfi, expert référent chez France Stratégie et co-auteur du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([46]) Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, « Classement de Shanghai 2021 : la France à la 3e position mondiale », communiqué de presse, 15 août 2021 https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/classement-de-shanghai-2021-la-france-la-3e-position-mondiale-49433

([47]) Audition de M. Matthieu Crozet, professeur d’économie à l’Université Paris Sud-Saclay, op. cit.

([48]) Audition de Mme Anne Perrot, inspectrice générale des finances, co-autrice de la note du Conseil d’analyse économique Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021009_compte-rendu

([49]) Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI), L’état de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France 14ème édition, 22 avril 2021, op. cit.

([50]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de de la Banque publique d’investissement (Bpifrance), op. cit.

([51]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes, 28 octobre 2021. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122021_compte-rendu#

([52]) Audition de M. Guirec Le Lous, président d’Urgo Médical, président de Medtech in France, 7 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122013_compte-rendu

([53]) Audition de M. Guirec Le Lous, président d’Urgo Médical, président de Medtech in France, op. cit.

([54]) Audition de Mme Anne Perrot, inspectrice générale des finances, co-autrice de la note du Conseil d’analyse économique Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français, op. cit.

([55]) Audition de M. Didier Véron, directeur des affaires corporate du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), président du G5 Santé, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122017_compte-rendu

([56]) Ibid.

([57]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, op. cit.

([58]) Audition de de M. Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM, 17 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122036_compte-rendu

([59]) Audition de M. Laurent Fompeyrine, directeur ingénierie globale santé animale et projets d’investissements de Boehringer Ingelheim France, 24 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122043_compte-rendu

([60]) MESRI, « Les CIFRE », https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/les-cifre-46510

([61]) Contribution écrite de la CPME à la commission d’enquête.

([62]) MESRI, « Les CIFRE », op.cit.

([63]) Cour des comptes, L’évolution et les conditions de maîtrise du crédit d’impôt en faveur de la recherche, septembre 2013.

([64]) Audition de M. Mohamed Harfi, expert référent chez France Stratégie et co-auteur du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, op. cit.

([65]) Assemblée nationale, commission des finances, rapport d’information n° 4402 déposé par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur l’application des mesures fiscales et présenté par M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général, M. Francis Chouat, rapporteur spécial des crédits de la recherche et Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale des crédits de remboursements et dégrèvements, membres du groupe de travail « crédit d’impôt en faveur des dépenses de recherche » (CIR), 21 juillet 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b4402-v2_rapport-information

([66]) Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI), Évaluation du crédit d’impôt recherche, juin 2021 https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-rapport-cnepi-cir-juin.pdf

([67]) Voir Benoît Mulkay (MRE, Université de Montpellier) et Jacques Mairesse (CREST-ENSAE, Maastricht University), « Nouveaux résultats sur l’impact du crédit d’impôt recherche », étude pour le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, septembre 2018.

([68]) Audition de M. Luc Chatel, ancien député, ancien secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, président de la Plateforme de la filière automobile, 4 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122033_compte-rendu#

([69]) Audition de M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, 4 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122028_compte-rendu#

([70]) Audition de M. Philippe d’Ornano, président du directoire de Sisley, coprésident du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122020_compte-rendu

([71]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France, 25 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122044_compte-rendu

([72]) Audition de M. Mohamed Harfi, expert référent chez France Stratégie et co-auteur du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, op. cit.

([73]) Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), « Qu’en est-il de l’efficacité des incitations fiscales en faveur de la R-D ? Nouveaux éléments issus du projet microBeRD de l’OCDE », Note sur les politiques STI, septembre 2020 https://www.oecd.org/fr/sti/incitations-fiscales-rd-note.pdf

([74]) Audition de M. Frédéric Collet, président de Novartis France, président du LEEM (Les entreprises du médicament), 17 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122036_compte-rendu

([75]) Ibid.

([76]) Laurent Bach, Antoine Bozio, Clément Malgouyres, « L’hétérogénéité des taux d’imposition implicites des profits en France : constats et facteurs explicatifs », rapport de l’Institut des politiques publiques, mars 2019 https://www.ipp.eu/wp-content/uploads/2019/03/heterogeneite-des-taux-dimposition-implicites-des-profits-en-france-constats-et-facteurs-explicatifs-IPP-mars2019.pdf

([77]) OCDE, op. cit.

([78]) Audition de M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([79]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), op. cit.

([80]) Audition de M. Matthieu Crozet, professeur d’économie à l’Université Paris Sud-Saclay, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu#

([81]) Audition de Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, directrice de recherche au CNRS, chargée d’enseignements à l’université de Paris-Nanterre et à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu

([82]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046_compte-rendu

([83]) Audition de Mme Nadia Salhi, membre de la direction confédérale de la Confédération générale du travail (CGT), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([84]) Rapport « Investir pour l’avenir : priorités stratégiques d’investissement et emprunt national » de MM. Alain Juppé et Michel Rocard remis à la présidence de la République le 19 novembre 2009, https://www.vie-publique.fr/rapport/30784-investir-pour-lavenir-priorites-strategiques-dinvestissement-et-empr

([85]) Cour des comptes, Référé sur la mise en œuvre du PIA (2010-2021), 28 juillet 2021, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-10/20211014-refere-S2021-1738-mise-en-oeuvre-PIA-2010-2020.pdf

([86]) France Stratégie, Programme d’investissements d’avenir ; Rapport du comité d’examen à mi-parcours présidé par Philippe Maystadt, mars 2016 https://www.strategie.gouv.fr/publications/programme-dinvestissements-davenir-rapport-comite-dexamen-mi-parcours

([87]) Audition de M. Mohamed Harfi, expert référent chez France Stratégie, co-auteur du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, op. cit.

([88]) Cour des comptes, Référé sur la mise en œuvre du PIA (2010-2021), 28 juillet 2021, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-10/20211014-refere-S2021-1738-mise-en-oeuvre-PIA-2010-2020.pdf

([89]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122021_compte-rendu#

([90]) Ibid.

([91]) Ibid.

([92]) Audition de M. Marc Fosseux, conseiller référendaire à la première chambre, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122021_compte-rendu#

([93]) Cour des comptes, La mise en œuvre du programme investissements d’avenir, 27 octobre 2021. https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-mise-en-oeuvre-du-programme-dinvestissement-davenir

([94]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes, op. cit.

([95]) Audition de M. Frédéric Sanchez, président du groupe Fives, président de l’AIF, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122047_compte-rendu#

([96]) Audition de Mme Nadia Salhi, membre de la direction confédérale de la Confédération générale du travail (CGT), op. cit.

([97]) Audition de M. Xavier Ragot, Professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu

([98]) Direction générale du Trésor, Rapport 2020 sur le commerce extérieur de la France, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2c7eaae5-7a97-4cbf-9d85-7ae9b05b36fd/files/7cba2edc-fd9a-430c-a92f-12514424b6cb

([99]) Audition de M. Philippe d’Ornano, président du directoire de Sisley, coprésident du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122020_compte-rendu

([100]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien député, ancien ministre de l’Économie, du redressement productif et du numérique, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122045_compte-rendu#

([101]) Ibid.

([102]) Audition de M. Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School, ancien conseiller économique à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu

([103]) Audition de M. Xavier Jaravel, professeur associé à la London School of Economics en détachement à l’Inspection générale des finances et membre du Conseil d’analyse économique, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu

([104]) Vincent Aussillou, Philippe Frocrain, Rémi Lallement, Ghuilhem Tabarly, Mohamed Arfi, Les politiques industrielles en France. Evolutions et comparaisons internationales, rapport de France Stratégie, remis à l’Assemblée nationale, 19 novembre 2020. https://www.strategie.gouv.fr/publications/politiques-industrielles-france-evolutions-comparaisons-internationales

([105]) Conseil national de productivité, Productivité et compétitivité : où en est la France dans la zone euro ? juillet 2019, https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/cnp-premier-rapport-10-juillet2019.pdf

([106]) Audition de M. Xavier Ragot, Professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), op. cit.

([107]) Audition de M. Emmanuel Jessua, directeur des études au sein de Rexecode, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu

([108]) Audition de M. Xavier Ragot, Professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), op. cit.

([109]) Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), Les entreprises en France, édition 2019 https://www.insee.fr/fr/statistiques/4255738?sommaire=4256020

([110]) Louis Gallois, Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, Rapport au Premier ministre, 5 novembre 2012, https://www.vie-publique.fr/rapport/32798-pacte-pour-la-competitivite-de-industrie-francaise

([111]) Rapport de France Stratégie, remis à l’Assemblée nationale, op. cit.

([112]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au sein du Centre de recherches sur les économies, les sociétés, les arts et les techniques (CRESAT) de l’université de Haute Alsace et consultante, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu

([113]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu#

([114]) Audition de M. Philippe Frocrain, chef de projet chez France Stratégie et co-auteur du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([115]) Audition de Mme Sonia Bellit, cheffe de projet au sein de La Fabrique de l’Industrie, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([116]) Nadine Levratto, « Le plan de relance pourra-t-il sauver l’industrie française ? », Revue d’économie industrielle, 3ème trimestre 2020, http://journals.openedition.org/rei/9351

([117]) Audition de M. Philippe Portier, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([118]) Audition de M. Frédéric Bizard, professeur d’économie associé à l’école supérieure de commerce de Paris et à l’université Paris-Dauphine, président de l’Institut Santé, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021008_compte-rendu

([119]) Audition de M. Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School, ancien conseiller économique à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu

([120]) Audition de M. François Geerolf, professeur assistant à l’Université de Californie, Los Angeles (UCLA) et conseiller scientifique au CEPII, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu

([121]) Olivier Jeanne, « Domination monétaire dans la zone euro et défis budgétaires : une perspective théorique », Revue de la stabilité financière, n° 16, avril 2012 https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/revue-de-stabilite-financiere_16_2012-04.pdf

([122]) Audition de M. Emmanuel Jessua, directeur des études au sein de Rexecode, M. Xavier Ragot, Professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), op. cit.

([123]) Audition de M. Philippe Frocrain, chef de projet chez France Stratégie, co-auteur du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, op. cit.

([124]) Ibid.

([125]) Audition de M. Philippe d’Ornano, président du directoire de Sisley, coprésident du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122020_compte-rendu

([126]) Audition de M. Frédéric Collet, président de Novartis France, président du LEEM (Les entreprises du médicament), 17 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122036_compte-rendu

([127]) Audition de M. Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School, ancien conseiller économique à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne, op. cit.

([128]) Audition de M. Xavier Ragot, Professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), op. cit.

([129]) Audition de M. François Geerolf, professeur assistant à l’Université de Californie, Los Angeles (UCLA) et conseiller scientifique au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), op. cit.

([130]) France stratégie, Evaluation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, septembre 2020, https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2020-rapport-cice2020-16septembre-final18h.pdf

([131]) Audition de M. Mathieu Plane, directeur-adjoint du département Analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu

([132]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, op. cit.

([133]) Audition de M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([134]) Audition de M. François Geerolf, professeur assistant à l’Université de Californie, Los Angeles (UCLA) et conseiller scientifique au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), op. cit.

([135]) Assemblée nationale, rapport d’information déposé par la mission d’information sur l’incendie d’un site industriel à Rouen, et présenté par M. Christophe Bouillon, président, et M. Damien Adam, rapporteur, 13 février 2020, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/inceindu/l15b2689_rapport-information

([136]) Agence France Presse, « Sur les sites industriels classés, de plus en plus d’accidents », 26 novembre 2019, https://www.leprogres.fr/france-monde/2019/11/26/sur-les-sites-industriels-classes-de-plus-en-plus-d-accidents

([137])Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, op. cit.

([138])Audition de M. Éric Besson, ancien député, ancien ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, président de Sicpa Maroc, 4 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122031_compte-rendu#

([139]) Audition de M. Frédéric Viguié, président de Didactic, 24 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122043_compte-rendu

([140]) Audition de M. Alain Sainsot, président de GTP-Bioways, 24 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122043_compte-rendu#

([141]) Audition de M. Vincent Fanon, directeur général associé de Systech, 24 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122043_compte-rendu

([142]) Audition de M. Philippe d’Ornano, président du directoire de Sisley, coprésident du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), op. cit.

([143]) Organisation de coopération et de développements économiques, Mieux légiférer en Europe : France, 2010, https://www.oecd.org/fr/gov/politique-reglementaire/mieuxlegiferereneuropefrance.htm

([144]) Organisation de coopération et de développements économiques, Études économiques de l’OCDE : France 2019, https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/fininfra/News/rapport-ocde_avril19.pdf

([145]) Audition de M. Éric Besson, ancien député, ancien ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, président de Sicpa Maroc, op. cit.

([146]) Audition de M. Matthieu Crozet, professeur d’économie à l’Université Paris Sud-Saclay, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu#

([147]) Ibid.

([148]) Audition de M. Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School, ancien conseiller économique à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne, op. cit.

([149]) Ibid.

([150])France Stratégie – Vincent Aussillou, Philippe Frocrain, Rémi Lallement, Ghuilhem Tabarly, Mohamed Arfi, Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, rapport pour l’Assemblée nationale, 19 novembre 2020. https://www.strategie.gouv.fr/publications/politiques-industrielles-france-evolutions-comparaisons-internationales

([151]) Audition de M. Philippe Frocrain, chef de projet chez France Stratégie et co-auteur du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([152]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([153]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien député, ancien ministre de l’Économie, du redressement productif et du numérique, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122045_compte-rendu#

([154]) Audition de M. Philippe Portier, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), 25 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([155]) Ibid.

([156]) Audition de M. Emmanuel Jessua, directeur des études au sein de Rexecode, 22 septembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu#

([157]) Audition de M. Philippe Frocrain, chef de projet chez France Stratégie, co-auteur du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, op. cit.

([158]) Audition de M. Éric Besson, ancien député, ancien ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, président de Sicpa Maroc, 4 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122031_compte-rendu#

([159]) Ibid.

([160]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au sein du Centre de recherches sur les économies, les sociétés, les arts et les techniques (CRESAT) de l’université de Haute Alsace et consultante, 22 septembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu#

([161]) Audition de M. Vincent Vicard, responsable du programme Analyse du commerce international au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu#

([162]) Rapport de France Stratégie, remis à l’Assemblée nationale, op. cit.

([163]) Audition en table rondre de M. Alain Sainsot, président de GTP-Bioways et M. Frédéric Viguié, président de Didactic, 24 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122043_compte-rendu#

([164]) Audition de Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, directrice de recherche au CNRS, chargée d’enseignements à l’université de Paris-Nanterre et à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([165]) Ibid.

([166]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122044_compte-rendu#

([167]) Audition de M. Luc Chatel, ancien député, ancien secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, président de la Plateforme de la filière automobile, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122033_compte-rendu#

([168]) Audition de M. François Bayrou, Haut-commissaire au Plan, 20 octobre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122019_compte-rendu#

([169]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France, op. cit.

([170]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([171]) Audition de M. Stéphane Panou, directeur Recyclage et valorisation matières au sein de Paprec Groupe, président de FEDEREC filière papiers cartons, 24 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122042_compte-rendu

([172]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([173]) Audition de M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122028_compte-rendu#

([174]) Audition de M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([175]) Takao Noguchi,Neil Stewart, Christopher Y. Olivola, Helen Susannah Moat, Tobias Preis, “Characterizing the Time-Perspective of Nations with Search Engine Query Data”, PLoS ONE 9(4): 15 avril 2014, https://doi.org/10.1371/journal.pone.0095209

([176]) Tobias Preis, Helen Susannah Moat, H. Eugene Stanley & Steven R. Bishop, “Quantifying the Advantage of Looking Forward”, Nature Scientific Reports volume 2, 2012, https://www.nature.com/articles/srep00350

([177]) Cour des comptes, Rapport public annuel 2019, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2019

([178]) Peggy Hollinger, “Europe’s Arianespace struggles for relevance in SpaceX era”, Financial Times, 3 novembre 2020, https://www.ft.com/content/24cca993-b249-45a5-8c42-b39c0ec30c5b

([179]) Bulletin quotidien du 7 décembre 2021.

([180]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, op. cit.

([181]) Ibid.

([182]) Audition de M. Rémi Lallement, chef de projet chez France Stratégie, co-auteur du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([183]) Audition de M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, 29 septembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([184]) Audition de M. Jean-Michel Pourteau, représentant de la CFE-CGC au sein du comité stratégique de filière mines et métallurgie, 25 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([185]) Audition de M. Xavier Ragot, Professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu

([186]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122044_compte-rendu#

([187]) Banque publique d’investissement, « Peut-on comparer les Entreprises de Taille Intermédiaire françaises au Mittelstand allemand ? » https://www.bpifrance.fr/nos-actualites/eti-et-mittelstand-allemand-deux-notions-au-contenu-tres-different

([188]) Karl Brenke, « Production industrielle : comparaison France-Allemagne », Regards sur l’économie allemande, octobre 2012, https://doi.org/10.4000/rea.4466

([189]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France, op. cit.

([190]) Ibid.

([191]) Audition de M. Matthieu Plane, directeur-adjoint du département analyses et prévisions de l’OFCE, op. cit.

([192])Audition de M. Édouard Martin, ancien délégué syndical CFDT d’ArcelorMittal Florange, ancien député européen, (Alliance progressiste des socialistes et démocrates), président de l’association Bâtir le renouveau industriel sur la démocratie et le génie écologique, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122025_compte-rendu#

([193]) Ibid.

([194]) Audition de M. Xavier Ragot, Professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), op. cit.

([195]) Audition de M. François Geerolf, professeur assistant à l’Université de Californie, Los Angeles (UCLA) et conseiller scientifique au CEPII, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu

([196]) Audition de Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, directrice de recherche au CNRS, chargée d’enseignements à l’université de Paris-Nanterre et à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu

([197]) Ibid.

([198]) Audition de M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122028_compte-rendu#

([199])Audition de M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, op. cit.

([200]) Audition de Mme Nadia Salhi, membre de la direction confédérale de la Confédération générale du travail (CGT), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([201]) Audition de M. Xavier Ragot, Professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), op. cit.

([202]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), op. cit.

([203]) Audition de M. Xavier Ragot, Professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), op. cit.

([204]) Audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), 10 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122035_compte-rendu#

([205]) Audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), op. cit.

([206]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de de la Banque publique d’investissement, 18 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122039_compte-rendu

([207]) Ibid.

([208]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, 29 septembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu#

([209]) Ibid.

([210]) Audition de Mme Florence Richardson, présidente de Femmes Business Angels, 18 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122040_compte-rendu#

([211]) Audition de M. Alain Pujol, consultant au sein d’APHC Consulting, co‑président de France Angels, membre d’Angels Santé, 18 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122040_compte-rendu#

([212]) Audition de M. Alain Pujol, consultant au sein d’APHC Consulting, co‑président de France Angels, membre d’Angels Santé, op. cit.

([213]) Audition de M. Benjamin Brehin, délégué général de France Angels, 18 novembre 2021. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122040_compte-rendu#

([214]) Audition de M. Alain Pujol, consultant au sein d’APHC Consulting, co‑président de France Angels, membre d’Angels Santé, op. cit.

([215]) Audition de Mme Fabienne Berthet, membre d’Angels Santé, 18 novembre 2021. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122040_compte-rendu#

([216]) Audition de M. Alain Pujol, consultant au sein d’APHC Consulting, co‑président de France Angels, membre d’Angels Santé, op. cit.

([217]) Nadine Levratto, Maarouf Ramadan & Luc Tessier, « Les "business angels", révélateurs, plus que moteurs, de l’engagement des entreprises dans l’innovation », Revue d’économie industrielle, 2017/1, https://www.cairn.info/revue-d-economie-industrielle-2017-1-page-103.htm

([218]) Selon son bilan d’activité, en 2020 Bpifrance a réalisé :

– 6,2 Md€ de crédits garantis à plus de 40 000 entreprises,

– 110,6 Md€ de PGE,

– 50 M€ mobilisés, aux côtés des partenaires régionaux, pour accompagner et financer la création d’entreprise,

– 10,3 Md€ de crédits à moyen et long terme (+27 %) et 7,1 Md€ de financement court terme,

– 3 Md€ en aides et financement à l’innovation (+138 %),

– 3,6 Md€ d’investissement en capital-innovation, en capital-développement et en fonds de fonds et 1,1 Md€ de cessions,

– 14,9 Md€ déployés pour accompagner les entreprises à l’international,

– 430 nouvelles entreprises accélérées.

https://bigmedia.bpifrance.fr/nos-actualites/bilan-dactivite-bpifrance-a-injecte-45-mdeu-dans-leconomie-en-2020

([219]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes, 28 octobre 2021. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122021_compte-rendu#

([220]) Ibid.

([221]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes, op. cit.

([222]) Audition de M. Benjamin Brehin, délégué général de France Angels, 18 novembre 2021. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122040_compte-rendu#

([223]) Ibid.

([224]) Ibid.

([225]) Audition de M. Emmanuel Jessua, directeur des études au sein de Rexecode, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu

([226]) Ibid.

([227]) Observatoire de l’épargne réglementée, Rapport annuel 2018, https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/rapport_oer_2018.pdf

([228]) Arrêté du 4 décembre 2008 relatif aux règles d’emploi des fonds collectés au titre du livret A et du livret de développement durable et solidaire et non centralisés par la Caisse des dépôts et consignations, ainsi qu’aux informations permettant le suivi https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000019872341/

([229]) Audition de M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, 6 octobre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122012_compte-rendu#

([230]) Edmond Goblot, La barrière et le niveau, Étude sociologique sur la bourgeoisie française moderne, 1925.

([231]) Audition de M. Frédéric Sanchez, président du groupe Fives, président de l’AIF, 25 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122047_compte-rendu#

([232]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France, 25 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122044_compte-rendu#

([233]) Eduscol, « Les acteurs de la relation école-entreprise » https://eduscol.education.fr/854/les-acteurs-de-la-relation-ecole-entreprise

([234]) Flavie Deprez, Centre français des fonds et fondations, « Comment l’éducation est-elle financée par les entreprises ? », 7 septembre 2017, https://www.centre-francais-fondations.org/cercles-themes/les-domaines-dengagement/education/news/les-actus-educations/comment-leducation-est-elle-financee-par-les-entreprises

([235]) Ibid.

([236]) Organisation de coopération et de développement économiques, Regards sur l’éducation, 15 septembre 2016, https://www.oecd-ilibrary.org/fr/education/regards-sur-l-education-2016_eag-2016-fr

([237]) Nathalie Silbert, « Mathématiques : une génération qui ne sait plus compter », Les Échos, 2 mars 2021, https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/mathematiques-une-generation-qui-ne-sait-plus-compter-1294464

([238]) IESF, Livre blanc 2021, Face aux défis du XXIe siècle : les propositions et recommandations des Ingénieurs et Scientifiques de France, 22 novembre 2021 https://www.iesf.fr/offres/gestion/actus_752_43118-1766/parution-du-livre-blanc-iesf-2021.html

([239]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, 29 septembre 2021. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu#

([240]) Audition de M. Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School, ancien conseiller économique à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu

([241]) Audition de M. François Bayrou, Haut-commissaire au Plan, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122019_compte-rendu#

([242]) Audition de M. Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School, ancien conseiller économique à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne, op. cit.

([243]) Eric Davoine & Claudio Ravasi, « The relative stability of national career patterns in European top management careers in the age of globalisation : A comparative study in France/Germany/Great Britain and Switzerland” European Management Journal, 2013; https://ideas.repec.org/a/eee/eurman/v31y2013i2p152-163.html

Et Anne Bartel-Radic, « Le système d’apprentissage en Allemagne : un modèle de formation ? », The Conversation, 12 septembre 2021, https://theconversation.com/le-systeme-dapprentissage-en-allemagne-un-modele-de-formation-163682

([244]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du MEDEF, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122044_compte-rendu#

([245]) Audition de Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, directrice de recherche au CNRS, chargée d’enseignements à l’université de Paris-Nanterre et à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([246]) Audition de M. Matthieu Crozet, professeur d’économie à l’Université Paris Sud-Saclay, 22 septembre 2021. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu#

([247]) Jean Dambreville, Marie-Annick Chanel, Gérard Duwat, Sandrine Peltre, Christian Exmelin, « 29ème enquête nationale sur les ingénieurs français : Une bonne dynamique » Ingénieurs et scientifiques de France, 2018 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03330982/document

([248])Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([249]) Caisse nationale de l’assurance maladie, direction des risques professionnels, Risque accident du travail : Statistiques sur la sinistralité de l’année 2019 suivant la nomenclature d’activités française, septembre 2020, https://www.risquesprofessionnels.ameli.fr/fileadmin/user_upload/document_PDF_a_telecharger/etudes_statistiques/AT_2019/2019_at-indicateurs-selon-code-naf.pdf

([250]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), op. cit.

([251])Audition de M. Édouard Martin, ancien délégué syndical CFDT d’ArcelorMittal Florange, ancien député européen (Alliance progressiste des socialistes et démocrates), président de l’association Bâtir le renouveau industriel sur la démocratie et le génie écologique, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122025_compte-rendu#

([252]) Audition de M. Xavier Ragot, Professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu

([253]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), op. cit.

([254]) Audition de Mme Sonia Bellit, cheffe de projet au sein de La Fabrique de l’Industrie, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([255]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de de la Banque publique d’investissement, 18 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122039_compte-rendu#

([256]) https://lafrenchtech.com/fr/

([257]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de de la Banque publique d’investissement (Bpifrance), op. cit.

([258]) Ibid.

([259]) Audition de M. Xavier Ragot, Professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), op. cit.

([260]) https://www.semaine-industrie.gouv.fr

([261])Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046_compte-rendu#

([262])Audition de M. Éric Besson, ancien député, ancien ministre chargé de l’Industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, président de Sicpa Maroc, 4 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122031_compte-rendu#

([263]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du MEDEF, 25 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122044_compte-rendu#

([264]) https://www.worldskills-france.org/

([265]) https://www.campusfab.com/

([266]) https://agence-cohesion-territoires.gouv.fr/au-coeur-des-territoires-cnam-90

([267]) http://www.industrie-dufutur.org/osons-lindustrie/

([268])Audition de M. Frédéric Sanchez, président du groupe Fives, président de l’AIF, 25 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122047_compte-rendu#

([269]) Ibid.

([270]) Audition de M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, 6 octobre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122012_compte-rendu#

([271]) Audition de M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, op. cit.

([272]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), op. cit.

([273]) Audition de M. Laurent Fompeyrine, directeur ingénierie globale santé animale et projets d’investissements de Boehringer Ingelheim France, 24 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122043_compte-rendu#

([274]) Audition de M. Jean-Baptiste Gueusquin, adjoint au délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122012_compte-rendu

([275]) Bpifrance Investissement, « Les aides financières » https://www.vte-france.fr/aides-financieres/

([276])Audition de M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, président du Conseil national de l’industrie, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122028_compte-rendu#

([277])Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([278]) Simplon.co est une start-up qui vise à permettre à des personnes avec des profils peu courants dans la profession (des personnes non diplômées, des femmes, des personnes en situation de handicap, des réfugiés, des jeunes issus de quartiers défavorisés, etc.) de se former gratuitement aux métiers techniques du numérique https://simplon.co

([279]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, op. cit.

([280]) Audition de M. Philippe Portier, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), 25 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([281])Collège d’experts présidé par Benoît Potier, Faire de la France une économie de rupture technologique, Rapport au ministre de l’Économie et des finances et au ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, 7 février 2020, https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/content_migration/document/Rapport_college_experts_06_02-2_1242411.pdf

([282])Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du MEDEF, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122044_compte-rendu#

([283]) Audition de M. Arnaud Montebourg,, entrepreneur, ancien député, ancien ministre de l’Économie, du redressement productif et du numérique, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122045_compte-rendu#

([284]) Louis Gallois, en préface de Thibaut Bidet-Mayer et Louisa Toubal, À quoi servent les filières ? La Fabrique de l’industrie, 2013 https://www.la-fabrique.fr/wp-content/uploads/2013/11/N4-A-quoi-servent-les-fili%C3%A8res.pdf

([285]) Audition M. Vincent Moulin Wright, directeur général de France industrie, 4 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122028_compte-rendu#

([286]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046_compte-rendu#

([287]) Ibid.

([288]) Audition de M. Luc Chatel, ancien député, ancien secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, président de la Plateforme de la filière automobile, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122033_compte-rendu#

([289]) Ibid.

([290]) Audition de M. Philippe Portier, secrétaire national de la CFDT, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([291]) Audition de Mme Nadia Salhi, membre de la direction confédérale de la CGT, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([292]) Audition de M. Jean-François Le Bos, conseiller du président du groupe Financière SNOP Dunois, président de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122032_compte-rendu#

([293]) Audition de M. Jacques de Heere, président d’Acome, 24 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122043_compte-rendu#

([294]) Audition de M. Jean-François Le Bos, conseiller du président du groupe Financière SNOP Dunois, président de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), et de M. Claude Cham, président d’honneur et trésorier de la FIEV, 4 novembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122032_compte-rendu#

([295]) Audition de M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([296]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au sein du Centre de recherches sur les économies, les sociétés, les arts et les techniques (CRESAT) de l’université de Haute Alsace et consultante, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu

([297]) Audition de M. Édouard Martin, ancien délégué syndical CFDT d’ArcelorMittal Florange, ancien député européen (Alliance progressiste des socialistes et démocrates), président de l’association Bâtir le renouveau industriel sur la démocratie et le génie écologique, 28 octobre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122025_compte-rendu#

([298]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, 29 septembre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu#

([299]) Audition de Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, directrice de recherche au CNRS, chargée d’enseignements à l’université de Paris-Nanterre et à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([300]) Audition de M. Rémi Lallement, chef de projet au sein de France Stratégie, co-auteur du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([301]) Ministère de l’Économie, du redressement productif et du numérique, Nouvelle France industrielle : 34 plans de reconquête, 12 septembre 2013, https://www.economie.gouv.fr/presentation-nouvelle-france-industrielle#

([302]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien député, ancien ministre de l’Économie, du redressement productif et du numérique, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122045_compte-rendu#

([303]) Audition de M. Frédéric Sanchez, président du groupe Fives, président de l’Alliance industrie du futur (AIF), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122047_compte-rendu#

([304]) Rapport « Investir pour l’avenir : priorités stratégiques d’investissement et emprunt national » de MM. Alain Juppé et Michel Rocard remis à la présidence de la République le 19 novembre 2009, https://www.vie-publique.fr/rapport/30784-investir-pour-lavenir-priorites-strategiques-dinvestissement-et-empr

([305]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes et de M. Marc Fosseux, conseiller référendaire à la première chambre, auteur du référé sur la mise en oeuvre du programme d’investissement d’avenir, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122021_compte-rendu#

([306]) Ibid.

([307]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes, op. cit.

([308]) Audition de M. Olivier Scalabre, directeur associé senior au Boston consulting group, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122047_compte-rendu#

([309]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046_compte-rendu#

([310]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([311]) Ibid.

([312]) Ibid.

([313]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, op. cit.

([314]) Audition de M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122028_compte-rendu#

([315]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de de la Banque publique d’investissement (Bpifrance), 18 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122039_compte-rendu

([316]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, op. cit.

([317]) Audition de M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122028_compte-rendu#

([318]) Réponse du Premier ministre au référé de la Cour des comptes, Référé S2021-1738 du 27 septembre 2021, La mise en œuvre du programme d’investissement d’avenir (2010-2022) 30 septembre 2021 https://www.ccomptes.fr/fr/documents/57281

([319]) Cour des comptes, Référé sur la mise en œuvre du PIA (2010-2021), 28 juillet 2021, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-10/20211014-refere-S2021-1738-mise-en-oeuvre-PIA-2010-2020.pdf

([320]) Réponse du Premier ministre, op. cit.

([321]) Ibid.

([322]) Ibid.

([323]) Ibid.

([324])Audition de M. François Bayrou, Haut-commissaire au Plan, 20 octobre 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122019_compte-rendu#

([325]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu

([326]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, op. cit.

([327]) Audition de M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122012_compte-rendu#

([328]) Audition de M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, op. cit.

([329]) Ibid.

([330])Audition de M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, op. cit.

([331]) Ibid.

([332]) Ibid.

([333]) Ibid.

([334]) Ibid.

([335]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, op. cit.

([336]) Audition de Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, directrice de recherche au CNRS, chargée d’enseignements à l’université de Paris-Nanterre et à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu

([337]) Emilie Zapalski, « Territoires d’industrie : les premières initiatives d’écologie industrielle passées au crible », Localtis France, 27 janvier 2020 https://www.banquedesterritoires.fr/territoires-dindustrie-les-premieres-initiatives-decologie-industrielle-passees-au-crible

([338]) Audition de M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » et de M. Jean-Baptiste Gueusquin, adjoint au délégué, au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, op. cit.

([339]) Raphaëlle Rérolle, « Victime d’une stratégie financière, Luxfer, dernier producteur français de bouteilles d’oxygène à usage médical, tente de revivre », Le Monde, 18 avril 2020 https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/18/coronavirus-luxfer-une-lutte-dans-l-air-du-temps_6036999_3234.html

([340]) Audition de Mme Nadia Salhi, membre de la direction confédérale de la Confédération générale du travail (CGT), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([341]) Raphaëlle Rérolle, op. cit.

([342]) Communiqué de presse conjoint, 7 janvier 2022 https://www.europlasma.com/wp-content/uploads/2017/08/Projet-engagement-des-parties-Forges-de-Gerzat-07012022_Version-5-signataires.pdf

([343]) Rapport de la Cour des comptes, L’État actionnaire, 25 janvier 2017, https://www.ccomptes.fr/fr/publications/letat-actionnaire

([344]) Savid Azéma, « L’impossible État actionnaire ? », Note de l’Institut Montaigne, janvier 2017, https://www.institutmontaigne.org/publications/limpossible-etat-actionnaire

([345]) Audition de M. Rémi Lallement, chef de projet chez France Stratégie, co-auteur du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([346]) Audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), 10 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122035_compte-rendu#

([347]) Audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), op. cit.

([348]) Audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), op. cit.

([349]) Ibid.

([350]) Ibid.

([351]) Audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), op. cit.

([352]) Décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019 relatif aux investissements étrangers en France https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039727443/

([353]) Audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), 10 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122035_compte-rendu#

([354]) Ibid.

([355]) Ibid.

([356]) Ibid.

([357]) Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, Sixième rapport du GIEC, première partie août 2021, https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/#FullReport

([358]) Document communiqué au rapporteur par France Stratégie le 29 septembre 2021

([359]) Audition de M. Eric Keller, secrétaire fédéral de la Fédération métaux de la Confédération générale du travail – Force ouvrière (FO), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([360]) Audition de M. Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d’Arkema, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122018_compte-rendu#

([361]) RTE, Futurs énergétiques 2050, Octobre 2021, https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-10/Futurs-Energetiques-2050-principaux-resultats_0.pdf

([362]) Audition de M. Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d’Arkema, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), op. cit.

([363]) Audition de M. Stéphane Lepeu, président de CDMO France, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122011_compte-rendu#

([364]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu#

([365]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046compte-rendu#

([366]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([367]) Audition de M. Sylvain Pichetti, maître de recherche à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES), 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021008_compte-rendu#

([368]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), op. cit.

([369]) Ministère de la Transition écologique, L’environnement en France – Rapport sur l’état de l’environnement : Les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports, 25 février 2021 https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/defis-environnementaux/changement-climatique/emissions-de-gaz-a-effet-de-serre/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-du-secteur-des-transports

([370]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, op. cit.

([371]) Audition de M. Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d’Arkema, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), op. cit.

([372]) Audition de M. Claude Cham, président d’honneur et trésorier de la FIEV, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122032_compte-rendu#

([373]) Audition de M. Jean-François Le Bos, conseiller du président du groupe Financière SNOP Dunois, président de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), et de M. Claude Cham, président d’honneur et trésorier de la FIEV, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122032_compte-rendu#

([374]) Audition de M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122028_compte-rendu#

([375]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, op. cit.

([376]) Audition de M. Luc Chatel, ancien député, ancien secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, président de la Plateforme de la filière automobile, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122033_compte-rendu#

([377]) Audition de M. Jean-François Le Bos, conseiller du président du groupe Financière SNOP Dunois, président de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), et de M. Claude Cham, président d’honneur et trésorier de la FIEV, op. cit.

([378]) France Stratégie, « 2017/2027 – Le véhicule propre au secours du climat : Actions critiques », note d’analyse, 16 décembre 2016, https://www.strategie.gouv.fr/publications/20172027-vehicule-propre-secours-climat-actions-critiques

([379]) CLEPA – PwC, Electric Vehicle Transition Impact Assessment 2020-2040 : Study on Workforce of Automotive Suppliers, décembre 2021 https://clepa.eu/wp-content/uploads/2021/12/Transition-Impact-Study-Summary-brochure-study-EV-Impact-Assessment.pdf

([380]) Audition de M. Luc Chatel, ancien député, ancien secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, président de la Plateforme de la filière automobile, op. cit.

([381]) Audition de M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, op. cit.

([382]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([383]) Audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), 10 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122035_compte-rendu#

([384]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), op. cit.

([385]) Réponses écrites de la CPME aux questions de la commission d’enquête, 23 novembre 2021.

([386]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de de la Banque publique d’investissement, 18 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122039_compte-rendu

([387]) BPI université, « Des formations en lignes courtes et ciblées, conçues par les meilleurs experts, pour les entrepreneurs » https://www.bpifrance-universite.fr/

([388]) Audition de M. Philippe Ivanes, directeur des opérations antithrombotiques de Sanofi, président du réseau PolePharma, de M. Antoine Reveilleau, président de Seratec, administrateur de Polepharma et de M Fabien Riolet, directeur général de Polepharma, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122022_compte-rendu#

([389]) Audition de M. Philippe Mioche, professeur émérite d’histoire économique contemporaine de l’Université d’Aix-Marseille, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu#

([390]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au sein du Centre de recherches sur les économies, les sociétés, les arts et les techniques (CRESAT) de l’université de Haute Alsace et consultante, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu#

([391]) Audition de M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122012_compte-rendu#

([392]) Audition de M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, op. cit.

([393]) Audition de M. Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d’Arkema, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122018_compte-rendu#

([394]) Audition de M. Édouard Martin, ancien délégué syndical CFDT de ArcelorMittal Florange, ancien député européen, président de l’association BRIDGE, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122025_compte-rendu#

([395]) Béatrice Madeline, « Quand usine n’est plus un gros mot », Le Monde, 1er novembre 2021, https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/11/01/quand-usine-n-est-plus-un-gros-mot-en-france-la-lente-resurrection-de-l-industrie_6100529_3234.html

([396]) Ibid.

([397]) Lea Delpont, « Pollution : la Vallée de la Chimie et la métropole de Lyon temporisent », Les Échos, 10 juin 2021, https://www.lesechos.fr/pme-regions/auvergne-rhone-alpes/pollution-la-vallee-de-la-chimie-et-la-metropole-ecolo-de-lyon-temporisent-1322472

([398]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), parlementaire au sein de la direction générale des entreprises, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046compte-rendu#

([399]) Audition de M. Xavier Jaravel, professeur associé à la London School of Economics en détachement à l’Inspection générale des finances et membre du Conseil d’analyse économique, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([400]) Audition de M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([401]) Claire Garnier, « Les industriels de l’axe Seine s’engagent dans le capture et le stockage de leur CO2 », Les Échos, 18 novembre 2021, https://www.lesechos.fr/pme-regions/normandie/les-industriels-de-laxe-seine-sengagent-dans-la-capture-et-le-stockage-de-leur-co2-1365026

([402]) Audition de M. Frédéric Sanchez, président du groupe Fives, président de l’AIF, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122047_compte-rendu#

([403]) Nathalie Silbert, « La voie étroite des relocalisations d’activité en France », Les Échos, 7 décembre 2021, https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/la-voie-etroite-des-relocalisations-dactivites-en-france-1370247

([404]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122044_compte-rendu#

([405]) Audition de M. Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d’Arkema, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), op. cit.

([406]) Audition de M. François Bayrou, Haut-commissaire au Plan, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122019_compte-rendu#

([407]) Audition de M. Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d’Arkema, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), op. cit.

([408]) Réponses écrites de la FEDEREC aux questions de la commission d’enquête, 3 décembre 2021.

([409]) Résolution du Parlement européen du 16 décembre 2015 sur le développement d’une industrie européenne durable des métaux de base (2014/2211(INI)) https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2015-0460_FR.pdf

([410]) Audition de M. Édouard Martin, ancien délégué syndical CFDT de ArcelorMittal Florange, ancien député européen, président de l’association Bâtir le renouveau industriel sur la démocratie et le génie écologique (BRIDGE), 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122025_compte-rendu#

([411]) Laura Motet, « De nos poubelles jaunes aux décharges de Malaisie : comment une partie des déchets français est exportée frauduleusement en Asie », Le Monde, 18 septembre 2020, https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/09/18/de-nos-poubelles-jaunes-aux-decharges-de-malaisie-comment-une-partie-des-dechets-francais-est-exportee-frauduleusement-en-asie_6052655_3244.html

([412]) Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, signée le 22 mars 1989 et entrée en vigueur le 2 mai 1992, https://www.basel.int/Portals/4/Basel%20Convention/docs/text/BaselConventionText-f.pdf

([413]) Banque mondiale, Rapport « What a waste 2.0 », 20 septembre 2018, https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/30317

([414]) Audition de Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, directrice de recherche au CNRS, chargée d’enseignements à l’université de Paris-Nanterre et à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([415]) Site du Deutsche Rohstoffeffizienz-Preis https://www.deutscher-rohstoffeffizienz-preis.de/DREP/DE/Home/rep_node.html (en allemand)

([416]) Audition de M. François Excoffier, président d’Excoffier recyclage, président de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (FEDEREC) et de M. Stéphane Panou, directeur Recyclage et valorisation matières au sein de Paprec Groupe, président de FEDEREC filière papiers cartons, accompagnés de M. Manuel Burnand, directeur général, Mme Géraldine Bulot, secrétaire générale, Mme Caroline Nasr, directrice de la communication et M. Jules Olivereau, chargé de mission relations institutionnelles de la FEDEREC, 24 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122042_compte-rendu#

([417]) Ibid.

([418]) Ademe et FEDEREC, Évaluation environnementale du recyclage en France selon la méthodologie de l’analyse de cycle de vie, avril 2017, https://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2017/05/FEDEREC_ACV-du-Recyclage-en-France-VF.pdf

([419]) Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), Les filières de recyclage de déchets en France métropolitaine, février 2020, p. 47 https://cgedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/notice?id=Affaires-0011606

([420]) Audition de M. Manuel Burnand, directeur général de la FEDEREC, 24 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122042_compte-rendu#

([421]) Réponses écrites de la FEDEREC aux questions de la commission d’enquête, 3 décembre 2021

([422]) Audition de M. François Excoffier, président d’Excoffier recyclage, président de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (FEDEREC), 24 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122042_compte-rendu#

([423]) Audition de M. François Excoffier, président d’Excoffier recyclage, président de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (FEDEREC), op. cit.

([424]) Audition de M. Manuel Burnand, directeur général de la FEDEREC, op. cit.

([425]) Audition de M. Emmanuel Jessua, directeur des études au sein de Rexecode, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu#

([426]) Audition de M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122028_compte-rendu#

([427]) Deloitte – UNIDEN, Le redéploiement industriel : un enjeu social, économique et un instrument de maîtrise de notre empreinte carbone – Étude d’impact de la désindustrialisation sur l’empreinte carbone de la France, janvier 2021 https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/fr/Documents/sustainability-services/deloitte_uniden_redeploiement-industriel-2021%20lite.pdf

([428]) Proposition de règlement établissant un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières COM/2021/564 final, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52021PC0564&from=en

([429]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([430]) Audition de M. Jean-François Le Bos, conseiller du président du groupe Financière SNOP Dunois, président de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), et de M. Claude Cham, président d’honneur et trésorier de la FIEV, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122032_compte-rendu#

([431]) Audition de M. Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d’Arkema, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122018_compte-rendu#

([432]) Audition de M. Vincent Touraille, président du syndicat professionnel de l’industrie chimique organique de synthèse et de la biochimie (Sicos Biochimie), directeur de la stratégie et des fusions et acquisitions au sein de Sanofi EUROAPI, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122010_compte-rendu#

([433]) Audition de M. Manuel Burnand, directeur général de la FEDEREC, op. cit.

([434]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du MEDEF, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122044_compte-rendu#

([435]) ADEME, Le CSC en France, juillet 2020, https://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2020/07/captage-stockage-geologique-co2_csc_avis-technique_2020.pdf

([436]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes et de M. Marc Fosseux, conseiller référendaire à la première chambre, auteur du référé sur la mise en œuvre du programme d’investissement d’avenir, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122021_compte-rendu#

([437]) Cour des comptes, Référé sur la mise en œuvre du PIA (2010-2021), 28 juillet 2021, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-10/20211014-refere-S2021-1738-mise-en-oeuvre-PIA-2010-2020.pdf

([438]) Cour des comptes, Observations définitives sur le PIA (2010-2021), octobre 2021, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-10/20211027-OD-S2021-2089-PIA.pdf

([439]) Audition de Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe au sein du secrétariat général pour l’investissement, 3 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122026_compte-rendu#

([440]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu#

([441]) Audition de M. Didier Véron, directeur des affaires corporate du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), président du G5 Santé, de Mme Muriel Carroll, directrice des affaires institutionnelles des laboratoires Théa, membre du comité technique du G5 Santé, et de M. Michaël Danon, directeur général adjoint du Groupe Pierre Fabre, président du pôle de compétitivité Eurobiomed, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122017_compte-rendu#

([442]) Audition de M. Pierre-André Buigues, professeur à la Toulouse Business School, ancien conseiller économique à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu#

([443]) Document communiqué au rapporteur par France Stratégie le 29 septembre 2021.

([444]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([445]) Audition de M. Mohamed Harfi, expert référent à France Stratégie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([446]) Audition de M. Pierre Luzeau, président du comité exécutif du groupe Seqens, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122029_compte-rendu#

([447]) Cour des comptes, Audit flash sur le financement de la recherche publique dans la lutte contre la pandémie de Covid-19, 29 juillet 2021, https://www.ccomptes.fr/system/files/2021-07/20210730-financement-recherche-publique-Covid.pdf

([448]) Audition de Mme Anne Perrot, inspectrice générale des finances, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021009_compte-rendu#

([449]) Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI), Évaluation du crédit impôt recherche, juin 2021, https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-rapport-cnepi-cir-juin.pdf

([450]) Audition de M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, accompagné de M. Vincent Aussilloux, rapporteur général, de M. Philippe Frocrain, chef de projet, de M. Mohamed Harfi, expert référent et de M. Rémi Lallement, chef de projet, auteurs du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([451]) Annexe II de l’évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2022.

([452]) Audition de Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, directrice de recherche au CNRS, chargée d’enseignements à l’université de Paris-Nanterre et à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#             

([453]) Audition de M. Mohamed Harfi, expert référent chez France Stratégie et co-auteur du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, op. cit.

([454]) OCDE, « Qu’en est-il de l’efficacité des incitations fiscales en faveur de la R-D ? Nouveaux éléments issus du projet microBeRD de l’OCDE », Note sur les politiques STI, septembre 2020 https://www.oecd.org/fr/sti/incitations-fiscales-rd-note.pdf

([455]) Assemblée nationale, commission des finances, rapport d’information n° 4402 sur l’application des mesures fiscales et présenté par M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général, M. Francis Chouat, rapporteur spécial des crédits de la recherche et Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale des crédits de remboursements et dégrèvements, membres du groupe de travail « crédit d’impôt en faveur des dépenses de recherche » (CIR), 21 juillet 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_fin/l15b4402-v2_rapport-information

([456]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du MEDEF, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122044_compte-rendu#

([457]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046_compte-rendu

([458]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu

([459]) Audition de M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, op. cit.

([460]) Michel Aglietta et Xavier Ragot, « Érosion du tissu productif en France : causes et remèdes », Document de travail de l’OFCE n° 2015-04, http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/WP2015-04.pdf

([461]) Audition de M. Jacques Biot, ancien président de l’École polytechnique, président du conseil d’administration de Huawei France et auteur du rapport au Premier ministre Mission stratégique visant à réduire les pénuries de médicaments essentiels, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021006_compte-rendu#

([462]) Audition de Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, directrice de recherche au CNRS, chargée d’enseignements à l’université de Paris-Nanterre et à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([463]) Audition de M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, accompagné de M. Vincent Aussilloux, rapporteur général, de M. Philippe Frocrain, chef de projet, de M. Mohamed Harfi, expert référent et de M. Rémi Lallement, chef de projet, auteurs du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, op. cit.

([464]) Audition de M. Luc Chatel, ancien député, ancien secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, président de la Plateforme de la filière automobile, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122033_compte-rendu#

([465]) Audition de M. Rémi Lallement, chef de projet, auteurs du rapport Les politiques industrielles en France – Évolutions et comparaisons internationales, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([466]) Audition de Mme Agnès Audier, ingénieure des Mines, directrice associée au sein du Boston Consulting Group, 7 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122014_compte-rendu#

([467]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de de la Banque publique d’investissement, 18 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122039_compte-rendu#

([468])Audition de M. Matthieu Crozet, professeur d’économie à l’Université Paris Sud-Saclay, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu#

([469]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de de la Banque publique d’investissement, op. cit.

([470]) Audition de Mme Anne Perrot, inspectrice générale des finances, et Mme Margaret Kyle, professeure d’économie à Mines Paris Tech, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021009_compte-rendu#

([471]) Audition de M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, op. cit.

([472]) Audition de Mme Nathalie Coutinet, maîtresse de conférence à l’Université Sorbonne Paris-Nord et M. Sylvain Pichetti, maître de recherche à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES), 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021008_compte-rendu#

([473]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046compte-rendu#

([474]) Audition de M. Philippe Lamoureux, directeur général du LEEM, 17 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122036_compte-rendu#

([475]) Audition de M. Didier Véron, directeur des affaires corporate du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), président du G5 Santé, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122017_compte-rendu#

([476]) Audition de M. Frédéric Bizard, professeur d’économie associé à l’école supérieures de commerce de Paris et à l’université Paris-Dauphine, président de l’Institut Santé, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021008_compte-rendu#

([477]) Audition de M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([478]) Audition de M. Alain Sainsot, président de GTP-Bioways, 24 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122043_compte-rendu#

([479]) Audition de de Mme Sonia Bellit, cheffe de projet au sein de La Fabrique de l’Industrie, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([480]) Audition de M. Luc Chatel, ancien député, ancien secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, président de la Plateforme de la filière automobile, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122033_compte-rendu#

([481]) Ibid.

([482]) Audition de M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122028_compte-rendu#

([483]) Audition de M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122012_compte-rendu#

([484]) Audition de M. Jean-Michel Pourteau, représentant de la CFE-CGC au sein du comité stratégique de filière mines et métallurgie, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([485]) Audition de M. Olivier Bogillot, président de Sanofi France, président de la Fédération française des industries de santé (FEFIS), président du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé (CSF-ITS), 7 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi21220115_compte-rendu#

([486]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046compte-rendu#

([487]) Table ronde des organisations salariales représentées au sein du Conseil national de l’industrie, réunissant M. Philippe Portier, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), M. Xavier Guillauma, secrétaire confédéral en charge des politiques industrielles et de la recherche au sein de la CFDT, M. Eric Keller, secrétaire fédéral de la Fédération métaux de la Confédération générale du travail – Force ouvrière (FO), M. Pascal Lopez, délégué syndical central FO Sanofi, M. Jean-Michel Pourteau, représentant de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) au sein du comité stratégique de filière mines et métallurgie, M. Pascal Fremont, animateur de branche pharmacie au sein de la Fédération chimie-mines-textile-énergie de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), et Mme Nadia Salhi, membre de la direction confédérale de la Confédération générale du travail (CGT), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([488]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), op. cit.

([489]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes et de M. Marc Fosseux, conseiller référendaire à la première chambre, auteur du référé sur la mise en oeuvre du programme d’investissement d’avenir, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122021_compte-rendu#

([490]) Audition de M. Sébastien Massart, directeur de la stratégie de Dassault Systèmes, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122047_compte-rendu#

([491]) Table ronde « l’industrie du futur » réunissant M. Frédéric Sanchez, président du groupe Fives, président de l’Alliance industrie du futur (AIF), M. Jean-Marie Danjou, directeur général de l’AIF, M. Sébastien Massart, directeur de la stratégie de Dassault Systèmes et M. Olivier Scalabre, directeur associé senior au Boston consulting group, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122047_compte-rendu#

([492]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au sein du Centre de recherches sur les économies, les sociétés, les arts et les techniques (CRESAT) de l’université de Haute Alsace et consultante, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu#

([493]) Audition de Mme Sonia Bellit, cheffe de projet au sein de La Fabrique de l’Industrie, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([494]) Nathalie Silbert, Entretien avec François Bayrou : « Dans nombre de secteurs, la France a une économie de pays sous-développé » Les Échos, 7 décembre 2021, https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/francois-bayrou-dans-nombre-de-secteurs-la-france-a-une-economie-de-pays-sous-developpe-1370216

([495]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([496]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), op. cit.

([497]) Audition de M. Frédéric Sanchez, président du groupe Fives, président de l’AIF, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122047_compte-rendu#

([498]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes et de M. Marc Fosseux, conseiller référendaire à la première chambre, auteur du référé sur la mise en oeuvre du programme d’investissement d’avenir, op. cit.

([499]) Audition de Mme Johanna Michielin, directrice générale de CNRS Innovation, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122023_compte-rendu#

([500]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de de la Banque publique d’investissement (Bpifrance), 18 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122039_compte-rendu#

([501]) Invest in Grenoble Alpes – Office de tourisme Grenoble-Alpes Métropole, « Grenoble Alpes : un modèle d’innovation unique » https://www.investingrenoblealpes.com/decouvrir-grenoble-alpes/ecosysteme-grenoble-alpes/

([502]) Nicole Notat et Jean-Dominique Senard, « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », Rapport aux ministres de la transition écologique et solidaire, de la justice, de l’économie et des finances, et du travail, 9 mars 2018 https://www.vie-publique.fr/rapport/37199-lentreprise-objet-dinteret-collectif

([503]) Audition de M. Vincent Vicard, responsable du programme Analyse du commerce international au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu#

([504]) Cf. Simon Renaud, « Dynamic efficiency of supervisory board codetermination in Germany », Labour, pp. 689-712, 2007 et Joachim Wagner, « One-third codetermination at company supevisory boards and firm performance in German manufacturing industries », Schmollers Jahrbuch, pp. 91-106, 2011

([505]) Stefen Müller et Jens Stegmaier, « The dynamic effects of works councils on labour productivity », British Journal of Industrial Relations, pp. 372-395, juin 2017

([506]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du MEDEF, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122044_compte-rendu#

([507]) Sénat, délégation aux entreprises, Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : une exemplarité à mieux encourager, rapport d’information de Mme Élisabeth Lamure et M. Jacques Le Nay, n° 572 (2019-2020), 25 juin 2020 https://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-572-notice.html

([508]) Sébastian Sick, « La codétermination en Allemagne : un modèle de participation des travailleurs dans le cadre d’un modèle économique coopératif », Annales des Mines, Réalités industrielles, août 2013 http://www.annales.org/ri/2013/resumes/aout/03-ri-resum-FR-AN-AL-ES-aout-2013.html

([509]) Kornelius Kraft, Jörg Stank, Ralf Dewenter, “Co-determination and innovation”, Cambridge Journal of Economics, Volume 35, Issue 1, janvier 2011, https://doi.org/10.1093/cje/bep080

([510]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu#

([511]) Louis Gallois, « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française », Rapport au Premier ministre, 5 novembre 2012, https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/124000591.pdf

([512]) Articles L.225-23, L.225-30-2 et L.225-71 du code de commerce.

([513]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au sein du Centre de recherches sur les économies, les sociétés, les arts et les techniques (CRESAT) de l’université de Haute Alsace et consultante 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu#

([514]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, op. cit.

([515]) Audition de M. Xavier Ragot, professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu#

([516]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), op. cit.

([517]) Audition de M. Vincent Vicard, responsable du programme Analyse du commerce international au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu#

([518]) Audition de M. Jean-Michel Pourteau, représentant de la CFE-CGC au sein du comité stratégique de filière mines et métallurgie, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([519]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([520]) Audition de M. Jacques de Heere, président d’Acome, 24 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122043_compte-rendu#

([521]) Audition de M. Édouard Martin, ancien délégué syndical CFDT de ArcelorMittal Florange, ancien député européen, président de l’association Bâtir le renouveau industriel sur la démocratie et le génie écologique (BRIDGE), 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122025_compte-rendu#

([522]) Audition de M. Jean-Michel Pourteau, représentant de la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) au sein du comité stratégique de filière mines et métallurgie, op. cit.

([523]) Audition de M. Philippe Portier, secrétaire national de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122048_compte-rendu#

([524]) Audition de M. Pierre Luzeau, président du comité exécutif du groupe Seqens, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122029_compte-rendu#

([525]) Rapport d’activité de l’Agence des participations de l’État, novembre 2021 https://www.economie.gouv.fr/files/2021-11/Rapport-etat-actionnaire-APE-nov2021.pdf

([526]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu#

([527]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, op. cit.

([528]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046compte-rendu#

([529]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, op. cit.

([530]) Xavier Jaravel et Isabelle Méjean, « Quelle stratégie de résilience dans la mondialisation », Les notes du Conseil d’analyse économique, n° 64, avril 2021, https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note064.pdf

([531]) Audition de M. Xavier Jaravel, professeur associé à la London School of Economics en détachement à l’Inspection générale des finances et membre du Conseil d’analyse économique, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([532]) Audition de M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122028_compte-rendu#

([533]) Haut-commissariat au plan, Reconquête de l’appareil productif : la bataille du commerce extérieur, Ouverture n° 10, 7 décembre 2021, https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2021/12/reconquete_de_lappareil_productif_-la_bataille_du_commerce_exterieur_.pdf

([534]) Audition de M. François Bayrou, Haut-commissaire au Plan, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122019_compte-rendu#

([535]) Audition de Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, directrice de recherche au CNRS, chargée d’enseignements à l’université de Paris-Nanterre et à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([536]) Commission européenne, « Strategic dependencies and capacities », Document de travail SWD(2021) 352 final, 5 mai 2021. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52021SC0352

([537]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046compte-rendu#

([538]) Audition de M. Pierre Luzeau, président du comité exécutif du groupe Seqens, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122029_compte-rendu#

([539]) Nathalie Silbert, Entretien avec François Bayrou : « Dans nombre de secteurs, la France a une économie de pays sous-développé » Les Échos, 7 décembre 2021, https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/francois-bayrou-dans-nombre-de-secteurs-la-france-a-une-economie-de-pays-sous-developpe-1370216

([540]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([541]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, op. cit.

([542]) Audition de M. Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d’Arkema, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122018_compte-rendu#

([543]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, op. cit.

([544]) Audition de M. Alexandre Williams, président d’Athena pharmaceutiques, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122016_compte-rendu#

([545]) Audition de M. Pierre Luzeau, président du comité exécutif du groupe Seqens, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122029_compte-rendu#

([546]) Robert Jules, « Transition énergétique : les métaux critiques, la bataille que ne doit pas perdre l’Occident », La Tribune, 22 novembre 2021, https://www.latribune.fr/entreprises-finance/transitions-ecologiques/transition-energetique-les-metaux-critiques-la-bataille-que-ne-doit-pas-perdre-l-occident-896255.html

([547]) Audition de M. Renaud Cateland, directeur de l’Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS) de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122024_compte-rendu#

([548]) Audition de M. Jacques Biot, ancien président de l’École polytechnique, président du conseil d’administration de Huawei France et auteur du rapport au Premier ministre Mission stratégique visant à réduire les pénuries de médicaments essentiels, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021006_compte-rendu#

([549]) Audition de M. Vincent Touraille, président du syndicat professionnel de l’industrie chimique organique de synthèse et de la biochimie (Sicos Biochimie), directeur de la stratégie et des fusions et acquisitions au sein de Sanofi EUROAPI, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122010_compte-rendu#

([550]) Audition de M. Olivier Scalabre, directeur associé senior au Boston consulting group, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122047_compte-rendu#

([551]) Audition de M. Laurent Fompeyrine, directeur ingénierie globale santé animale et projets d’investissements de Boehringer Ingelheim France, 24 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122043_compte-rendu#

([552]) Audition de Mme Nadine Levratto, directrice d’EconomiX, directrice de recherche au CNRS, chargée d’enseignements à l’université de Paris-Nanterre et à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([553]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes et de M. Marc Fosseux, conseiller référendaire à la première chambre, auteur du référé sur la mise en oeuvre du programme d’investissement d’avenir, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122021_compte-rendu#

([554]) Collège d’experts présidé par Benoît Potier, Faire de la France une économie de rupture technologique, Rapport au ministre de l’Économie et des finances et au ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, 7 février 2020, https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/content_migration/document/Rapport_college_experts_06_02-2_1242411.pdf

([555]) Audition de M. Xavier Ragot, professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu#

([556]) Article 1er du décret n° 2020-1101 du 1er septembre 2020 instituant un haut-commissaire au plan https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/9/1/PRMX2023156D/jo/texte

([557]) Audition de Mme Agnès Audier, directrice associée au sein du Boston Consulting Group, 7 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122014_compte-rendu#

([558]) Audition de M. Michel Aglietta, professeur émérite de sciences économiques à l’Université Paris-Nanterre, ancien membre du Haut Conseil des finances publiques, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu#

([559]) Audition de M. Christophe Philibert, directeur des affaires gouvernementales, publiques et de communication du groupe B. Braun Médical, 7 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122013_compte-rendu#

([560]) Audition de M. François Geerolf, professeur assistant à l’Université de Californie, Los Angeles (UCLA) et conseiller scientifique au CEPII, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([561]) Audition de M. Arnaud Montebourg, entrepreneur, ancien député, ancien ministre de l’Économie, du redressement productif et du numérique, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122045_compte-rendu#

([562]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([563]) Solène Davesne, « Comment mieux piloter la politique industrielle en France? », L’Usine nouvelle, 9 septembre 2021 https://www.usinenouvelle.com/editorial/comment-mieux-piloter-la-politique-industrielle-en-france.N1138681

([564]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu#

([565]) Audition de M. Xavier Jaravel, professeur associé à la London School of Economics en détachement à l’Inspection générale des finances et membre du Conseil d’analyse économique, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([566]) Audition de Mme Agnès Audier, ingénieure des Mines, directrice associée au sein du Boston Consulting Group, op. cit.

([567]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, op. cit.

([568]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes et de M. Marc Fosseux, conseiller référendaire à la première chambre, auteur du référé sur la mise en oeuvre du programme d’investissement d’avenir, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122021_compte-rendu#

([569]) Audition de Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe au sein du secrétariat général pour l’investissement, 3 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122026_compte-rendu#

([570]) Audition de M. Xavier Ragot, professeur d’économie à l’Institut d’études politiques de Paris, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu#

([571]) Audition de Mme Agnès Audier, ingénieure des Mines, directrice associée au sein du Boston Consulting Group, op. cit.

([572]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes et de M. Marc Fosseux, conseiller référendaire à la première chambre, auteur du référé sur la mise en oeuvre du programme d’investissement d’avenir, op. cit.

([573]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, op. cit.

([574]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([575]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046compte-rendu#

([576]) Cour des comptes, Adapter la politique industrielle aux nouveaux enjeux, décembre 2021, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-12/20211214-NS-Politique-industrielle.pdf

([577]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, op. cit.

([578]) Audition de M. Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d’Arkema, président de l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122018_compte-rendu#

([579]) Audition de M. Alexandre Saubot, directeur général d’Haulotte Group, président de France industrie, vice-président du Conseil national de l’industrie, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122028_compte-rendu#

([580]) Audition de M. Guillaume Basset, délégué au programme « Territoires d’industrie » au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122012_compte-rendu#

([581]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), op. cit.

([582]) Audition de M. Stéphane Lepeu, directeur général délégué de Delpharm, président de CDMO France – anciennement syndicat professionnel des industriels sous-traitants de la santé, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122011_compte-rendu#

([583]) Audition de M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021004_compte-rendu#

([584]) Julien Bouissou, « Comment la Chine tente de prendre le contrôle d’entreprises européennes de semi-conducteurs », Le Monde, 2 novembre 2021 https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/11/02/comment-la-chine-tente-de-prendre-le-controle-d-entreprises-europeennes-de-semi-conducteurs_6100648_3234.html

([585]) Règlement (UE) 2019/452 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32019R0452&qid=1605713214003

([586]) Audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), 10 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122035_compte-rendu#

([587]) Audition de Mme Anaïs Voy-Gillis, chercheuse associée au sein du Centre de recherches sur les économies, les sociétés, les arts et les techniques (CRESAT) de l’université de Haute Alsace et consultante, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu#

([588]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes et de M. Marc Fosseux, conseiller référendaire à la première chambre, auteur du référé sur la mise en oeuvre du programme d’investissement d’avenir, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122021_compte-rendu#

([589]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), op. cit.

([590]) Audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), op. cit.

([591]) Audition de M. Christophe Beaux, directeur général du Mouvement des entreprises de France, 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122044_compte-rendu#

([592]) Audition de M. François Lévêque, professeur d’économie au Centre d’économie industrielle (CERNA) de MinesParisTech, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021003_compte-rendu#

([593]) Audition de M. Christophe Philibert, directeur des affaires gouvernementales, publiques et de communication du groupe B. Braun Médical, 7 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122013_compte-rendu#

([594]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, op. cit.

([595]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Mise à jour de la nouvelle stratégie industrielle de 2020 : construire un marché unique plus solide pour soutenir la reprise en Europe, COM/2021/350 final, 5 mai 2021, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A52021DC0350

([596]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046compte-rendu#

([597]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, op. cit.

([598]) Audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), 10 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122035_compte-rendu#

([599]) François Lévêque, « Les Airbus de ceci ou de cela nouvelle génération », Les Échos, 16 septembre 2021, https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-les-airbus-de-ceci-ou-de-cela-nouvelle-generation-1346507

([600]) Audition de M. Louis Gallois, ancien président de la SNCF, ancien président d’EADS, ancien commissaire général à l’investissement, président du Fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée et co‑président de La Fabrique de l’Industrie, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021005_compte-rendu#

([601]) Audition de Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe au sein du secrétariat général pour l’investissement, 3 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122026_compte-rendu#

([602]) Audition de M. Didier Véron, directeur des affaires corporate du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), président du G5 Santé, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122017_compte-rendu#

([603]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, op. cit.

([604]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des compte, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122021_compte-rendu#

([605]) Audition de M. Matthieu Crozet, professeur d’économie à l’Université Paris Sud-Saclay, 22 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021002_compte-rendu#

([606]) Audition de M. Xavier Jaravel, professeur associé à la London School of Economics en détachement à l’Inspection générale des finances et membre du Conseil d’analyse économique, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([607]) Assemblée nationale, commission des affaires européennes, rapport d’information sur l’espace fiscal européen (n° 3193), M. Xavier Paluszkiewicz et Mme Frédérique Dumas co-rapporteurs, 9 juillet 2020, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/due/l15b3193_rapport-information

([608]) Audition de M. Gilles de Margerie, commissaire général de France Stratégie, 29 septembre 2021, op. cit.

([609]) Audition de M. François Geerolf, professeur assistant à l’Université de Californie, Los Angeles (UCLA) et conseiller scientifique au CEPII, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021007_compte-rendu#

([610]) CEPII, François Geerolf et Thomas Grejbine, « Rééquilibrage de la zone euro : plus facile avec le bon diagnostic ! », La Lettre du CEPII n° 411, octobre 2020, http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2020/let411.pdf

([611]) Commission européenne, proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne COM(2020) 682 final https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020PC0682&from=EN

([612]) Dorothée de Franclieu, Émilie Hermet, « Les aides d’État dans la crise Covid‑19 : un dilemme européen », Bulletin de la Banque de France n° 238/3, novembre-décembre 2021 https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/bulletin-banque-de-france_238-3_aides-d-etat.pdf

([613]) Audition de M. Christian Charpy, président de la première chambre de la Cour des comptes, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122021_compte-rendu#

([614]) Nadine Levratto, « La distribution des aides aux entreprises s’avère inégalitaire et inefficace », Le Monde, 10 novembre 2021, https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/10/la-distribution-des-aides-aux-entreprises-s-avere-inegalitaire-et-inefficace_6105518_3232.html

([615]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#

([616]) Audition de M. Martin Vial, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), 10 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122035_compte-rendu#

([617]) Entretien d’une délégation de la commission d’enquête avec le commissaire européen, 29 novembre 2021.

([618]) Audition de M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises (DGE), 25 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122046compte-rendu#

([619]) La Fédération française des industries de santé (FEFIS) inclut dans le périmètre des industries de santé le médicament et le diagnostic vétérinaires.

([620]) Le premier chiffre correspond aux effectifs recensés par France stratégie dans son rapport précité ; le second provient des éléments communiqués par la FEFIS au cours de son audition par la commission d’enquête et ne comprend pas les emplois indirects.

([621]) France Stratégie, Les politiques industrielles en France – Évolution et comparaisons internationales, novembre 2020, pp. 259-261. https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2020-rapport-politique_industrielle-novembre.pdf.

([622]) Rapport de France Stratégie, op. cit. pp. 259-261.

([623]) Syndicat national de l’Industrie des technologies médicales, Panorama 2019 et analyse qualitative de la filière industrielles des dispositifs médicaux en France, mars 2021, https://www.snitem.fr/wp-content/uploads/2020/01/Snitem-Panorama-chiffre-des-DM-2019.pdf.

([624]) D’après la définition du Syndicat national de l’Industrie des technologies médicales (SNITEM).

([625]) Effectifs du secteur de l’industrie pharmaceutique selon les statistiques de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), en juin 2020. Cf. LEEM,, Rapport annuel sur la situation de l’emploi et les rémunérations dans les entreprises du médicament en 2019, décembre 2020, p. 10. https://www.leem.org/sites/default/files/2021-01/Leem_Rapport_SituationEmploi_2019%20CPPNI%2017%20d%C3%A9cembre%202020.pdf

([626]) Effectifs relevant de la convention collective de la branche de l’industrie pharmaceutique. Ibidem.

([627]) Rapport de France Stratégie, op. cit., pp. 259-261.

([628]) Rapport de France Stratégie, op. cit., p. 265.

([629]) Rapport de France Stratégie, op. cit., p. 271.

([630]) https://www.thalesgroup.com/fr/marches/solutions-marches-specifiques/microwave-imaging-sub-systems/medical-imaging

([631]) https://www.trixell.com/about-us

([632]) Rapport de France Stratégie, op. cit. p. 282.

([633]) Suivant les données publiées par le ministère de lʼEnseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation citées par France Stratégie op. cit. p. 270.

([634]) Syndicat national de l’Industrie des technologies médicales, Panorama 2019 et analyse qualitative de la filière industrielles des dispositifs médicaux en France, mars 2021, p.9, https://www.snitem.fr/wp-content/uploads/2020/01/Snitem-Panorama-chiffre-des-DM-2019.pdf.

([635]) Dans les années 1950, une équipe incluant Jacques Monod, François Jacob et François Gros s’interrogeait sur les mécanismes intervenant dans la lecture du message génétique. Ces travaux et réflexions ont abouti, en mai 1961, à la publication par François Jacob et Jacques Mondo d’un article qui concluait qui mettait en lumière l’existence et l’action d’un ARN messager dans l’expression de certains gènes par le biais de protéines.

([636]) Assemblée nationale, commission des affaires sociales, rapport d’information déposé en conclusion des travaux de la mission d’information sur les médicaments et présenté par Mme Audrey Dufeu et M. Jean-Louis Touraine (n° 4275), 23 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-soc/l15b4275_rapport-information

([637]) Les entreprises du médicament, Bilan économique – édition 2021, octobre 2021, p. 6 https://www.leem.org/sites/default/files/2021-11/BilanEco2021-V6-OK.pdf.

([638]) Le Monde avec l’AFP, « Médicaments : les fabricants devront faire des stocks pour prévenir les pénuries », 3 septembre 2021, https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/09/03/medicaments-les-fabricants-devront-faire-des-stocks-pour-prevenir-les-penuries_6093264_3244.html.

([639]) Les entreprises du médicament, Bilan économique – édition 2019, septembre 2019, https://www.leem.org/sites/default/files/2019-10/BilanEco2019corrig%C3%A9.pdf.

([640]) Audition de M. Didier Véron, directeur des affaires corporate du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), président du G5 Santé, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122017_compte-rendu#.

([641]) Classement publié en mai 2021 par les auteurs de Qualitso, blog traitant de l’actualité du secteur des dispositifs médicaux https://www.qualitiso.com/crise-2020-marche-dispositifs-medicaux/.

([642]) Bilan économique édition 2021 des Entreprises du médicament, op. cit., p.6..

([643]) Syndicat national de l’Industrie des technologies médicales, Panorama 2019 et analyse qualitative de la filière industrielles des dispositifs médicaux en France, mars 2021, https://www.snitem.fr/wp-content/uploads/2020/01/Snitem-Panorama-chiffre-des-DM-2019.pdf.

([644]) Rapport de France Stratégie, op. cit., p. 267.

([645]) Rexecode, « La compétitivité française en 2018 », Document de travail n° 71, juin 2019, p. 66. http://www.rexecode.fr/Analyses-et-previsions/Documents-de-travail/La-competitivite-francaise-en-2018-un-espoir-de-stabilisation-mais-l-erosion-industrielle-se-poursuit

([646]) Audition de M. Olivier Boguillot, président de Sanofi France, président de la Fédération française des industries de santé (FEFIS), président du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé (CSF-ITS), le 7 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122015_compte-rendu#.

([647]) Bilan économique édition 2021 des Entreprisses du médicament, op. cit., p. 10.

([648]) Classement publié en mai 2021 par les auteurs de Qualitso, blog traitant de l’actualité du secteur des dispositifs médicaux. https://www.qualitiso.com/crise-2020-marche-dispositifs-medicaux/.

([649]) Rexecode, « La compétitivité française en 2018 », Document de travail n° 71, juin 2019, p. 66. http://www.rexecode.fr/Analyses-et-previsions/Documents-de-travail/La-competitivite-francaise-en-2018-un-espoir-de-stabilisation-mais-l-erosion-industrielle-se-poursuit

([650]) Rexecode, « Les indicateurs de compétitivité de la France reculent nettement en 2020 », Document de travail n° 77, mars 2021, p. 20, http://www.rexecode.fr/Analyses-et-previsions/Documents-de-travail/Les-indicateurs-de-competitivite-de-la-France-reculent-nettement-en-2020

([651]) Audition de M. Léopold Berthier, président de Substipharm, représentant des membres fabricants au sein du bureau du Gemme, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122030_compte-rendu#.

([652]) Audition de M. Alexandre Williams, président d’Athena pharmaceutiques, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122016_compte-rendu#.

([653]) Voir en ce sens : l’audition de M. Stéphane Lepeu, directeur général délégué de Delpharm, président de CDMO France – anciennement syndicat professionnel des industriels sous-traitants de la santé, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122011_compte-rendu# ; l’audition de M. Pierre Luzeau, président du comité exécutif du Groupe Seqens, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122029_compte-rendu#.

([654]) PricewaterhouseCoopers, Étude des vulnérabilités d’approvisionnement en APIs pour l’industrie pharmaceutique européenne, étude pour le SICOS, le Gemme et Les Entreprises du médicament (LEEM), juillet 2021, p. 33, https://www.chimiefine-biochimie.fr/ETUDE-DES-VULNERABILITES-D

([655]) Audition de M. Vincent Touraille, président du syndicat professionnel de l’industrie chimique organique de synthèse et de la biochimie (Sicos Biochimie), directeur de la stratégie et des fusions et acquisitions au sein de Sanofi EUROAPI, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122010_compte-rendu#.

([656]) Audition de M. Olivier Bogillot, op. cit..

([657]) Assemblée nationale, commission des affaires sociales, rapport d’information déposé en conclusion des travaux de la mission d’information sur les médicaments et présenté par Mme Audrey Dufeu et M. Jean-Louis Touraine (n° 4275), 23 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-soc/l15b4275_rapport-information.

([658]) Audition de M. Alexandre Williams, op. cit..

([659]) Les façonniers assurent des activités de sous-traitance au sein de l’industrie pharmaceutique. Ils réalisent la fabrication et le conditionnement des médicaments, sur base des principes actifs ou les molécules conçus par les laboratoires et après acquisition pour le compte de ces derniers des autres matières premières nécessaires à la fabrication des produits. Ils font l’acquisition auprès de sous-traitants des éléments nécessaires au conditionnement (par exemple, des flacons en verre, des étuis en carton, de l’aluminium pour sceller les blisters). À la sortie de leurs chaînes de fabrication, les boîtes de médicament sont prêtes à être livrées, telles qu’elles seront proposées à la vente dans les pharmacies.

([660]) Audition de M. Stéphane Lepeu, directeur général délégué de Delpharm, président de CDMO France – anciennement syndicat professionnel des industriels sous-traitants de la santé, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122010_compte-rendu#.

([661]) Ainsi, les dix premiers groupes pharmaceutiques mondiaux représentent en 2019, d’après les chiffres retenus par la mission d’information sur les médicaments, 41,2 % du marché mondial.

([662]) Audition de M. Alexandre Williams, président d’Athena pharmaceutiques, op. cit.

([663]) Jacques Biot, Rapport de la mission stratégique visant à réduire les pénuries de médicaments essentiels, rapport remis au Premier ministre, juin 2020, https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/secteurs-d-activite/industrie/industries-de-sante/rapport-biot-et-al-ruptures-medicaments.pdf.

([664]) Audition de M. Pierre Luzeau, président du comité exécutif du Groupe Seqens, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122029_compte-rendu#.

([665]) Rapport remis au Premier ministre par M. Jacques Biot, op. cit., pp. 15-16.

([666]) Haut-Commissariat au Plan, Reconquête de l’appareil productif : la bataille du commerce extérieur, ouverture n° 10, décembre 2021, p. 26, https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2021/12/reconquete_de_lappareil_productif_-la_bataille_du_commerce_exterieur_.pdf.

([667]) Audition de M. Stéphane Lepeu, directeur général délégué de Delpharm, président de CDMO France, op. cit.

([668]) Haut-Commissariat au Plan, Produits vitaux et secteurs stratégiques : comment garantir notre indépendance ? note d’ouverture n° 2, décembre 2020, p.3, https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2020/12/produits_vitaux_et_secteurs_strategiques_plan_2020.pdf.

([669]) Audition de M. Jacques Biot, ancien président de l’École polytechnique, président du conseil d’administration de Huawei France, 29 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021006_compte-rendu

([670]) Rapport remis au Premier ministre par M. Jacques Biot, op. cit., p. 17.

([671]) Audition de M. Vincent Touraille, op. cit.

([672]) Rapport de la mission d’information sur les médicaments (n° 4275), op. cit. p. 11.

([673]) Les entreprises du médicament, Bilan économique édition 2021, op. cit., p. 37.

([674]) Les entreprises du médicament, Bilan économique édition 2020, op. cit., p. 35.

([675]) Voir en ce sens l’audition de M. Olivier Bogillot, président de Sanofi France, président de la Fédération française des industries de santé (FEFIS), président du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé (CSF-ITS), op. cit.

([676]) Hélène Gully, Enrique Moreira, « La relocalisation de la production de médicaments en cinq questions », Les Échos, 24 juin 2020, https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmacie-sante/la-relocalisation-de-la-production-de-medicaments-en-cinq-questions-1217671.

([677]) Audition de M. Frédéric Bizard, professeur d’économie associé à l’école supérieure de commerce de Paris et à l’université Paris-Dauphine, président de l’Institut Santé, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021008_compte-rendu#.

([678]) Audition de M. Olivier Bogillot, op. cit.

([679]) Audition de M. Pascal Le Guyader, directeur général adjoint du LEEM, 17 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122036_compte-rendu#.

([680]) Innovation santé 2030 – Faire de la France la 1ère nation européenne innovante et souveraine en santé, dossier de presse du Gouvernement, juin 2021, p. 16, https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dossier_de_presse-innovation_sante_2030-fr.pdf.

([681]) Hélène Gully, Enrique Moreira, « La relocalisation de la production de médicaments en cinq questions », Les Échos, op. cit.

([682]) Audition de M. Stéphane Lepeu, op. cit.

([683]) Innovation santé 2030 – Faire de la France la 1ère nation européenne innovante et souveraine en santé, op. cit., p. 16.

([684]) Audition de M. Olivier Bogillot, président de Sanofi France, président de la Fédération française des industries de santé (FEFIS), président du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé (CSF-ITS), op. cit.

([685]) Selon les statistiques publiées aux États-Unis par la Food and Drug Administration (FDA) citées lors de l’audition de M. Pierre Luzeau, président du comité exécutif du Groupe Seqens, op. cit..

([686]) Il s’agit de l’objectif n° 7 qui porte en outre sur la création des dispositifs médicaux de demain (https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/france2030).

([687]) Audition de M. Didier Véron, directeur des affaires corporate du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), président du G5 Santé, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122017_compte-rendu#.

([688]) Audition de M. Frédéric Collet, op. cit.

([689]) Audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), 10 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122034_compte-rendu#.

([690]) L’essai randomisé contrôlé est un protocole expérimental de recherche clinique comparant un groupe expérimental dit « intervention» testant une nouvelle thérapie ou une nouvelle action de prévention santé et un groupe dit « contrôle» suivant les recommandations standards (soins courants) ou prenant un placebo.

([691]) Rapport d’information déposé en conclusion des travaux de la mission d’information sur les médicaments (n° 4275), op. cit., p. 151.

([692]) Voir en ce sens l’audition de M. Olivier Bogillot, président de Sanofi France, président de la Fédération française des industries de santé (FEFIS), président du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé (CSF-ITS), op. cit.

([693]) Assemblée nationale, commission des affaires sociales, rapport d’information déposé en conclusion des travaux de la mission d’information sur les médicaments et présenté par Mme Audrey Dufeu et M. Jean-Louis Touraine (n° 4275), 23 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-soc/l15b4275_rapport-information

([694]) Audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), 10 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122034_compte-rendu#.

([695]) Audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, op. cit.

([696]) Règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/20/CE.

([697]) Audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), op. cit.

([698]) Assemblée nationale, commission des Affaires sociales, rapport d’information déposé en conclusion des travaux de la mission d’information sur les médicaments (n° 4275) présenté par Mme Audrey Dufeu et M. Jean-Louis Touraine, 23 juin 2021 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-soc/l15b4275_rapport-information.

([699]) Voir en ce sens l’audition de M. Frédéric Bizard, Professeur d’économie associée à l’école supérieures de commerce de Paris et à l’université Paris-Dauphine, président de l’Institut Santé, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021008_compte-rendu#.

([700]) Assemblée nationale, commission des affaires sociales, rapport d’information déposé en conclusion des travaux de la mission d’information sur les médicaments op. cit.

([701]) Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, Rapport d’activité 2020, octobre 2021, p. 175, https://ansm-rapport-annuel.fr/.2020/#.

([702]) Entretien d’une délégation de la commission d’enquête avec M. Xavier De Cuyper, administrateur-général de l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS), 29 novembre 2021.

([703]) Margaret Kyle et Anne Perrot, « Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français », Les notes du Conseil d’analyse économique, n° 62, janvier 2021, https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note62v3.pdf.

([704]) Audition de M. Didier Véron, directeur des affaires corporate du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), président du G5 Santé, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122017_compte-rendu#.

([705]) Le G5 Santé est un groupe de réflexion regroupant les principales entreprises françaises de la santé et des sciences du vivant (BioMérieux, Guerbet, Ipsen, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier et Théa).

([706]) Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Lancement du 4e programme d’investissements d’avenir en janvier 2021 : 20 Md€ dans la recherche et l’innovation en faveur des générations futures, 28 mai 2021, https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/lancement-du-4e-programme-d-investissements-d-avenir-en-janvier-2021-20-mdeu-dans-la-recherche-et-l-49317.

([707]) Audition de M. Frédéric Bizard, Professeur d’économie associée à l’école supérieures de commerce de Paris et à l’université Paris-Dauphine, président de l’Institut Santé, 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021008_compte-rendu#.

([708]) IQVIA, Le marché du médicament : bilan 2020 et perspectives 2021, https://www.iqvia.com/-/media/iqvia/pdfs/france/presentation/le-march-du-mdicament-bilan-2020-et-perspectives-2021.pdf.

([709]) Audition de M. Stéphane Lepeu, directeur général délégué de Delpharm, président de CDMO France – anciennement syndicat professionnel des industriels sous-traitants de la santé, 6 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122011_compte-rendu#.

([710]) Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042738027

([711]) Inserm, rapport d’activité 2020, https://www.inserm.fr/nous-connaitre/budget/.

([712]) Les Entreprises du médicament, Quels progrès thérapeutiques en 2030 ? https://www.leem.org/quels-progres-therapeutiques-en-2030

([713]) Voir en ce sens l’audition de M. Didier Véron, directeur des affaires corporate du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), président du G5 Santé, op. cit.

([714]) Audition de Mme Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du Gemme, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122030_compte-rendu#.

([715]) Audition de Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe au sein du secrétariat général pour l’investissement, 3 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122026_compte-rendu#.

([716]) Audition de M. Didier Véron, op. cit.

([717]) Audition de Mme Pascale Augé, présidente du directoire d’Inserm Transfert et de Mme Johanna Michielin, directrice générale de CNRS Innovation, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122023_compte-rendu#.

([718]) Audition de Mme Johanna Michielin, directrice générale de CNRS Innovation, op. cit.

([719]) Technopolis group, Développement d’une méthode d’étude de l’impact des SATT : synthèse des résultats de l’analyse socio-économique quantitative pour l’Agence nationale de la recherche, octobre 2020, https://www.technopolis-group.com/wp-content/uploads/2021/02/satt_note_de_synthese_vf_2020-10-23.pdf.

([720]) Audition de M. Olivier Bogillot, op. cit.

([721]) À Boston, le gouverneur du Massachusetts a décidé de créer le Massachusetts Life Sciences Center autour du Massachusetts Institute of Technology (MIT), d’Harvard et des entreprises de biotechnologies intéressantes. Le fonds d’investissement porté par l’État du Massachusetts comptait 1 milliard de dollars sur dix ans, soit 100 millions de dollars annuels.

([722]) Audition de M. Didier Véron, op. cit.

([723]) KU Leuven, « facts and figures » https://www.kuleuven.be/english/research/about_research/facts-and-figures.

([724]) KU Leuven, Faculty of engineering technology, « Valorisation plan » https://iiw.kuleuven.be/english/phd/valorisation-plan.

([725]) Cédric Villani, Donner un sens à l’intelligence artificielle : pour une stratégie nationale et européenne, rapport au Premier ministre, 28 mars 2018 https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/184000159.pdf.

([726]) Audition de M. Olivier Bogillot, op. cit.

([727]) Innovation santé 2030 – Faire de la France la 1ère nation européenne innovante et souveraine en santé, op. cit., p. 18.

([728]) Audition de Mme Sophie de La Motte de Broöns, secrétaire générale Fédération française des industries de santé (FEFIS), déléguée permanente du CSF-ITS, 7 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122015_compte-rendu#.

([729]) Audition de M. Philippe Truelle, président de CDM Lavoisier, vice-président de l’Association des moyens laboratoires et industries de santé (AMLIS), 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122016_compte-rendu#.

([730])  Audition de M. Pascal Le Guyader, directeur général adjoint du LEEM (Les entreprises du médicament), op. cit.

([731]) Audition de M. François Bayrou, Haut-commissaire au Plan, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122019_compte-rendu#.

([732]) Roland Berger, Benchmark européen des mesures d’attractivité et de compétitivité de la R&D et de la production de médicaments, étude réalisée pour le LEEM, 20 septembre 2017 https://www.rolandberger.com/fr/Insights/Publications/Benchmark-europ%C3%A9en-des-mesures-d%27attractivit%C3%A9-de-R-D-et-de-production-...html

([733]) Le code de la Sécurité sociale (CSS) prévoit l’application de 8 contributions sur les activités pharmaceutiques, recouvrées par les Urssaf : la contribution vente en gros (article L138-1 du CSS) ; la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments (article L245-1 du CSS) ; la contribution sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux (article L245-5-1 du CSS) ; la contribution sur les premières ventes de dispositifs médicaux (article L245-5-5-1 du CSS) ; la contribution sur le chiffre d’affaires (article L245-6 du CSS) ; la contribution au titre de médicaments destinés au traitement de l’hépatite C (article L138-19-1 du CSS) ; les contributions taux « Lv/Lh » (article L138-10 du CCS) ; la contribution montant Z.

([734]) Audition de M. Philippe Lamoureux, directeur général syndicat professionnel Les Entreprises du médicament (LEEM), 17 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122036_compte-rendu.

([735]) Audition de M. Frédéric Collet, président de Novartis France, président du LEEM (Les entreprises du médicament, op. cit.

([736]) Audition de M. Philippe Truelle, op. cit.

([737]) Audition M. Michaël Danon, directeur général adjoint Groupe Pierre Fabre, président du pôle de compétitivité Eurobiomed, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122017_compte-rendu#.

([738]) SNITEM, Panorama et analyse qualitative de la filière industrielle des dispositifs médicaux en France pour 2019, mars 2021, p. 17, https://www.snitem.fr/wp-content/uploads/2020/01/Snitem-Panorama-chiffre-des-DM-2019.pdf.

([739]) Audition de Mme Géraldine Leveau, op. cit.

([740]) Philippe Tibi, Financer la quatrième révolution industrielle – Lever le verrou du financement des entreprises technologiques, juillet 2019 https://www.economie.gouv.fr/rapport-philippe-tibi-financement-des-entreprises-technologiques-francaises . Initiative lancée en janvier 2020 par le ministère de l’économie et des finances, la création des « fonds Tibi » visaient à pallier une faille de marché privant les start-ups des financements nécessaires à leur développement international. La démarche consiste à mobiliser 20 milliards d’euros dans le cadre de fonds de venture / growth d’envergure pour les entreprises non-coté, et de participer au financement de fonds global tech, sur le marché coté, avec pour objectif un effet d’entrainement.

([741]) Audition de Mme Nathalie Coutinet, maîtresse de conférence à l’Université Sorbonne Paris-Nord, septembre 2020, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021008_compte-rendu#.

([742]) Audition de Mme Pascale Augé, op. cit.

([743]) Audition de M. Nicolas Dufourcq, directeur général de de la Banque publique d’investissement, 18 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122039_compte-rendu#.

([744]) Audition de Mme Pascale Augé, présidente du directoire d’Inserm, op. cit.

([745]) Ministère des Solidarités et de la santé, « Lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France : feuille de route 2019-2022 », 8 juillet 2019, https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/31142_dicom_pe_nurie_de_me_dicamentsv8.pdf

([746]) Créé par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([747]) Audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, op. cit.

([748]) Article 48 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([749]) L’article prévoit une procédure contradictoire.

([750]) À l’inverse, le décret n° 2021-349 du 30 mars 2021 prévoit la possibilité de réduire le stock de sécurité de produits dont les caractéristiques ou l’usage rendraient peu pertinente une conservation de longue durée. Le décret retient notamment pour critères : une durée de conservation de la spécialité incompatible ; une conception de la spécialité adaptée à chaque patiner ou une fabrication à partir de produits d’origine humaine ; la saisonnalité des besoins de la spécialité ; la spécialité est un gaz médical.

([751]) Audition de M. Gildas Barreyre, secrétaire général du comité exécutif du Groupe Seqens, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122029_compte-rendu#.

([752]) Rapport remis au Premier ministre par M. Jacques Biot, op. cit., pp. 19-20.

([753]) Audition de M. Alexandre Williams, président d’Athena pharmaceutiques, 20 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122016_compte-rendu#.

([754]) En application de l’article L. 5121-32 du code de la santé.

([755]) DP-Rupture désigne la plateforme conçue par l’Ordre des pharmaciens à partir du dossier pharmaceutique par laquelle officines et fabricants peuvent communiquer. La feuille de route 2019-2022 prévoyait sa généralisation en 2020.

([756]) Audition de M. Olivier Bogillot, président de Sanofi France, président de la Fédération française des industries de santé (FEFIS), président du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé (CSF-ITS), op. cit.

([757]) Audition de M. Pierre Luzeau, président du comité exécutif du Groupe Seqens, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122029_compte-rendu#.

([758]) Président des Etats-Unis, Executive order on ensuring essential medicines, medical countermeasures, and critical inputs are made in the United States, août 2020 https://trumpwhitehouse.archives.gov/presidential-actions/executive-order-ensuring-essential-medicines-medical-countermeasures-critical-inputs-made-united-states/

([759]) Le concept de double circulation est une nouvelle stratégie de politique économique visant à stimuler simultanément le marché intérieur (circulation intérieure) et le marché extérieur (circulation internationale) ; Voir Viviana Zhu, « China Trends #7 – La "double circulation" de l’économie chinoise », Institut Montaigne, 27 octobre 2020 https://www.institutmontaigne.org/blog/china-trends-7-la-double-circulation-de-leconomie-chinoise.

([760]) Invest India, « Self-reliant India », https://www.investindia.gov.in/atmanirbhar-bharat-abhiyaan.

([761]) Haut-Commissariat au Plan, « Produits vitaux et secteurs stratégiques : comment garantir notre indépendance ? », Note d’ouverture n° 2, décembre 2020, https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2020/12/produits_vitaux_et_secteurs_strategiques_plan_2020.pdf.

([762]) Audition de M. Alexandre Williams, op. cit.

([763]) Audition de M. Pascal Le Guyader, directeur général adjoint du LEEM (les entreprises du médicament), op. cit.

([764]) Réponse du ministre de l’économie, des finances et de la relance à la question écrite n° 20747 de M. Patrice Joly, publiée au JO Sénat du 13 mai 2021, http://www.senat.fr/questions/base/2021/qSEQ210220747.html

([765]) Direction générale des entreprises, « Nouvel AMI : Augmenter les capacités de production françaises en santé », 10 février 2021 https://www.entreprises.gouv.fr/fr/aap/industrie/nouvel-ami-augmenter-capacites-de-production-francaises-sante.

([766]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’Industrie, 30 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122049_compte-rendu#.

([767]) Audition de M. Pierre Luzeau, président du comité exécutif du groupe Seqens, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122029_compte-rendu#.

([768]) Audition de M. Gildas Barreyre, secrétaire général du comité exécutif du Groupe Seqens, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122029_compte-rendu#.

([769]) Audition de M. Vincent Touraille, op. cit.

([770]) Audition de M. Antoine Reveilleau, président de Seratec, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122022_compte-rendu#.

([771]) Audition de M. Fabien Riolet, directeur général de Polepharma, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122022_compte-rendu#.

([772]) PricewaterhouseCoopers, Étude des vulnérabilités d’approvisionnement en APIs pour l’industrie pharmaceutique européenne, étude pour le SICOS, le Gemme et Les Entreprises du médicament (LEEM), juillet 2021, p. 33, https://www.chimiefine-biochimie.fr/ETUDE-DES-VULNERABILITES-D

([773]) Audition de M. Fabien Riolet, op. cit.

([774]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Stratégie pharmaceutique pour l’Europe COM/2020/761 final, 25 novembre 2020 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52020DC0761.

([775]) Commission européenne, « L’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA) : se préparer aux futures situations d’urgence sanitaire », communiqué de presse, 16 septembre 2021, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_4672.

([776]) Audition de M. Philippe Ivanes, directeur des opérations antithrombotiques de Sanofi, président du réseau PolePharma, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122022_compte-rendu#.

([777]) Audition de M. Stéphane Lepeu, op. cit.

([778]) Audition de M. Olivier Bogillot, op. cit.

([779]) Audition de M. Didier Véron, op. cit.

([780]) Ministère des Solidarités et de la santé, « Lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France : feuille de route 2019-2022 », 8 juillet 2019, p. 28, https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/31142_dicom_pe_nurie_de_me_dicamentsv8.pdf.

([781]) En vertu de l’article 107, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

([782]) Audition de Mme Géraldine Leveau, op. cit.

([783]) Commission européenne, Mise en place d’un réseau de capacités de production de vaccins et de fabrication de médicaments (FAB UE) mobilisables 2021/S 181-467537 : Avis de préinformation, 17 septembre 2021, https://ted.europa.eu/udl?uri=TED:NOTICE:467537-2021:TEXT:FR:HTML&tabId=0.

([784]) Commission européenne, Stratégie de l’Union européenne visant au développement et à la disponibilité des traitements contre la Covid-19, COM(2021) 355 final/2 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX:52021DC0355R(01) https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_2201.

([785]) Commission européenne, Communication au Parlement Européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions présentant l’HERA, la nouvelle Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire, prochaine étape vers l’achèvement de l’union européenne de la santé COM(2021) 576 final https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52021DC0576&from=DA

([786]) Audition de M. Jérôme Wirotius, directeur général de Biogaran, vice-président chargé des affaires économiques de Générique même médicament (Gemme), 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122030_compte-rendu#.

([787]) Réponses écrites du Gemme aux questions de la commission d’enquête. Les statistiques correspondent aux éléments apportés à la mission d’information sur les médicaments (rapport de la mission d’information sur les médicaments (n° 4275), op. cit. p. 184).

([788]) Établissement Pharmaceutique de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, « Lancement de la consultation en vue d’externaliser les activités de fabrication de l’établissement pharmaceutique de l’AP-HP », 26 février 2019, http://etabpharma-ageps.aphp.fr/lancement-de-la-consultation-en-vue-dexternaliser-les-activites-de-fabrication-de-letablissement-pharmaceutique-de-lap-hp/.

([789]) Audition de M. Philippe Truelle, op. cit.

([790]) Audition de M. Pierre Luzeau, op. cit.

([791]) Audition de M. Philippe Truelle, op. cit.

([792]) Audition de M. Stéphane Lepeu, op. cit.

([793]) Audition de M. Gildas Barreyre, secrétaire général du comité exécutif du groupe Seqens, 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122029_compte-rendu#.

([794]) PricewaterhouseCoopers, Étude des vulnérabilités d’approvisionnement en APIs pour l’industrie pharmaceutique européenne, étude pour le SICOS, le  Gemme et Les Entreprises du médicament (LEEM), juillet 2021,  https://www.chimiefine-biochimie.fr/ETUDE-DES-VULNERABILITES-D .

([795]) Audition de M. Vincent Touraille, directeur de la stratégie et des fusions et acquisitions au sein de Sanofi EUROAPI, président du syndicat de l’industrie chimique organique de synthèse et de la biochimie (Sicos Biochimie), op. cit.

([796]) Audition commune réunissant M. Guirec Le Lous, président d’Urgo Médical, président de Medtech in France, Mme Amandine Fourleignie Duc, directrice générale de Medtech in France, M. François-Régis Moulines, directeur des affaires gouvernementales au sein du syndicat national de l’industrie des technologies médicales (SNITEM) et M. Christophe Philibert, directeur des affaires gouvernementales, publiques et de communication du groupe B. Braun Médical, 7 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122013_compte-rendu#.

([797]) Règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32017R0745&from=FR

([798]) Le marquage CE (conformité aux exigences fixées par la réglementation communautaire) a été créé dans le cadre de la législation d’harmonisation technique européenne. Le marquage CE n’est ni une marque de certification ni une indication de l’origine géographique du produit, c’est un marquage réglementaire qui n’implique donc pas que le produit ait été fabriqué dans l’Union européenne. Un produit marqué « CE » répond à toutes les exigences essentielles de chacune des directives qui lui sont applicables ; une exigence essentielle est toujours une obligation de résultat alors qu’une norme (qui permet, au mieux, de présumer le respect de telle ou telle exigence essentielle) ne décrit qu’une obligation de moyen. En conséquence, le respect de normes (comme le recours à un consultant, qu’il intervienne ou non en tant qu’organisme notifié) ne permet pas de s’affranchir de ses responsabilités en cas de non-respect d’une exigence essentielle. Par ailleurs, le marquage CE comporte des règles administratives, dont le non-respect est en soi illégal (indépendamment du respect des exigences essentielles). Le marquage CE confère, par défaut, le droit de libre circulation sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

([799]) Les entreprises du médicament, Bilan économique – édition 2021, octobre 2021, p.6 https://www.leem.org/sites/default/files/2021-11/BilanEco2021-V6-OK.pdf Les entreprises du médicament, Bilan économique – édition 2020, juillet 2020, p.6 https://www.leem.org/sites/default/files/2020-09/BilanEco2020correc.pdf.

([800]) Audition de Mme Anne Perrot, inspectrice générale des finances, co-autrice de la note du Conseil d’analyse économique « Innovation pharmaceutique : comment combler le retard français », 30 septembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2021009_compte-rendu#.

([801]) Audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), 10 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122034_compte-rendu#.

([802]) Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

([803]) Innovation santé 2030 – Faire de la France la 1ère nation européenne innovante et souveraine en santé, dossier de presse du gouvernement, juin 2021 p. 25, https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dossier_de_presse-innovation_sante_2030-fr.pdf.

([804]) Audition de M. Philippe Truelle, op. cit.

([805]) Audition de M. Olivier Bogillot, op. cit.

([806]) Audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), 10 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122034_compte-rendu#

([807])Innovation santé 2030 – Faire de la France la 1ère nation européenne innovante et souveraine en santé, juin 2021, op. cit. p. 6.

([808]) Voir en ce sens l’audition de M. Olivier Bogillot, président de Sanofi France, président de la Fédération française des industries de santé (FEFIS), président du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé (CSF-ITS), op. cit.

([809]) Audition de M. Didier Véron, op. cit.

([810]) Audition de M. Frédéric Collet, président de Novartis France, président du LEEM (Les entreprises du médicament), 17 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122036_compte-rendu#.

([811]) LEEM, « Le médicament contribue à hauteur de près de 45 % des économies réalisées dans le cadre de l’Ondam », 8 octobre 2020 https://www.leem.org/le-medicament-contribue-hauteur-de-pres-de-50-des-economies-realisees-dans-le-cadre-de-londam.

([812]) Audition de M. Jérôme Wirotius, directeur général de Biogaran, vice-président chargé des affaires économiques de Générique même médicament (Gemme), 4 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122030_compte-rendu#.

([813]) Rapport de la mission d’information sur les médicaments (n° 4275), op. cit., p. 101.

([814]) Accord-cadre du 5 mars 2021 entre le comité économique des produits de santé et les entreprises du médicament (LEEM) https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/accord_cadre_21-24_signe.pdf.

([815]) Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044553428

([816]) Audition de M. Philippe Bouyoux, président du Comité économique des produits de santé (CEPS), 3 novembre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122027_compte-rendu#.

([817]) Ministre de l’Economie, des finances et de la relance, ministres délégués, ministre des Solidarités et de la canté, lettre de mission adressée à M. Philippe Bouyoux, président du CEPS, 19 février 2021 https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/lettre_de_mission_m_philippe_bouyoux_signee.pdf.

([818]) Audition de M. Philippe Truelle, op. cit.

([819]) Audition de M. Jérôme Wirotius, op. cit.

([820]) Audition de M. Philippe Bouyoux, op. cit.

([821]) Assemblée nationale, commission des affaires sociales, Rapport d’information (n° 2496) déposé en conclusion des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la politique d’achat des hôpitaux par M. Jean-Carles Grelier, décembre 2019, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/mecss/l15b2496_rapport-information

([822]) Alors que la consommation totale de médicaments atteignaient 30,2 milliards d’euros en 2020 et les dispositifs médicaux 16,7 milliards d’euros – Voir Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, Les dépenses de santé en 2020 – Résultats des comptes de la santé – Édition 2021, https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-10/Les%20d%C3%A9penses%20de%20sant%C3%A9%20en%202020.pdf

([823]) Cour des comptes, Les achats hospitaliers, communication à la commission des Affaires sociales et à la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, juin 2017, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-10/20171012-rapport-Achats-hospitaliers.pdf.

([824]) Table ronde consacrée aux achats hospitaliers, réunissant M. Charles Guépratte, directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, président de l’Union des hôpitaux pour les achats (UniHA), M. Bruno Carrière, directeur général de l’UniHA et M. Renaud Cateland, directeur de l’Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS) de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, 28 octobre 2021, https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cecifccpi/l15cecifccpi2122024_compte-rendu#.

([825]) Audition de M. Renaud Cateland, directeur de l’Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS) de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, op. cit..

([826]) Voir dans le cas de l’AP-HP : Amanda Laincer, Albane Degrassat-Théas, M. Ribault, O. Parent De Curzon, N. Poisson, Pascal Paubel, « La libre fixation des prix des médicaments financés dans les groupes homogènes de séjour hospitalier : une exception au régime des prix administrés des médicaments à conserver ? », Journal de gestion et d’économie de la santé, n° 2020/2 https://www.cairn.info/revue-journal-de-gestion-et-d-economie-de-la-sante-2020-2.htm

([827]) Audition de M. Charles Guépratte, directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, président de l’Union des hôpitaux pour les achats (UniHA), op. cit.

([828]) Audition de M. Bruno Carrière, directeur général de l’Union des hôpitaux pour les achats (UniHA), op. cit.

([829]) Voir en ce sens l’audition de M. Didier Véron, directeur des affaires corporate du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), président du G5 Santé, op. cit.

([830]) Voir en ce sens l’intervention de M. Renaud Cateland, directeur de l’Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS) de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, au cours de la table ronde consacrée aux achats hospitaliers, op. cit.

([831]) Directives 2014/23/UE sur l’attribution des contrats de concession, 2014/24/UE sur la passation des marchés publics dans les secteurs classiques et 2014/25/UE dans les secteurs spéciaux.

([832]) Cf. article L.2112-3 du code de la commande publique.

([833]) Article 58 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

([834]) Décret n° 2021-954 du 9 mars 2021 relatif à l’obligation d’acquisition par la commande publique de biens issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées.

([835]) Par exemple, Conseil d’État, 29 juillet 1994, n° 131562 https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007865324/

([836]) Une réponse ministérielle indique que « la rapidité d’intervention d’un prestataire ou sa disponibilité » peut constituer un tel critère (Réponse à la question écrite n° 94529 de M. Régis Juanico, Journal officiel – Assemblée nationale, 31 mai 2016, p. 4710 https://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-94529QE.htm).

([837]) Recensement économique de la commande publique 2020, Observatoire économique de la commande publique, https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oecp/recensement/recensement_chiffres2020_20211012.pdf

([838]) Plan national pour des achats durables 2021-2025, http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/pnad_2021-25.pdf

([839]) Sophie Beaudouin-Hubière et Nadège Havet, Pour une commande publique sociale et environnementale : état des lieux et préconisations, rapport au Gouvernement, 20 octobre 2021 https://www.vie-publique.fr/rapport/282039-pour-une-commande-publique-sociale-et-environnementale

([840]) Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée, op. cit..

([841]) Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.

([842]) – Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE ;

– Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession ;

– Directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE.