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N° 611

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2022.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi, visant à instituer dans les écoles et collèges publics le port d’une tenue uniforme aux couleurs de l’établissement scolaire,

 

 

 

Par M. Roger CHUDEAU,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

Voir le numéro : 254.

 

 

 

 


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  SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. Le port d’une tenue uniforme : une mesure au service des missions de l’école républicaine

1. Des avantages nombreux au bénéfice de l’école, des élèves et de leur famille

2. Un instrument pour répondre aux tentatives de contournement des règles en matière de laïcité

II. Une proposition consensuelle, par-delà les clivages politiques traditionnels

1. Des réflexions anciennes, des exemples prometteurs

2. Des propositions récurrentes, par-delà les clivages traditionnels

Commentaire de l’article

Article unique Port obligatoire d’une tenue uniforme dans le temps scolaire par les élèves des écoles et des collèges publics

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe  1 : Liste des personnes entendues par le rapporteur

Annexe  2 : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

 


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   INTRODUCTION

« Je ne suis pas, par principe, fermé sur cette question » ([1]), a déclaré M. Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, à propos de l’introduction du port de l’uniforme à l’école. Si une telle mesure ne saurait évidemment être considérée comme un remède suffisant aux maux qui frappent l’école française, elle n’en constituerait pas moins un outil utile à l’appui de l’action éducatrice de l’État.

Les difficultés auxquelles l’institution scolaire fait face sont nombreuses et profondes. La dernière rentrée a marqué le faîte de certains dysfonctionnements, s’agissant en particulier de l’impossibilité de recruter un nombre suffisant d’enseignants formés et préparés à l’exercice de leurs missions. Faute de candidats, la direction générale des ressources humaines (DGRH) du ministère de l’Éducation nationale s’est vue contrainte de reporter de plusieurs semaines le délai de forclusion du dépôt des candidatures aux concours de l’enseignement ([2]). Les raisons principales du manque d’attractivité du métier d’enseignant sont bien connues : la faiblesse des rémunérations, les modalités de gestion des carrières, le délabrement des édifices, les difficultés de mise en place d’une véritable école inclusive, le manque de personnel périscolaire, ou encore l’état préoccupant du climat scolaire (harcèlement entre élèves, atteintes à la laïcité, creusement des inégalités sociales, remise en cause de l’autorité du maître…) ([3]).

À cet égard, l’introduction du port d’une tenue uniforme par les élèves d’un même établissement apparaît comme une réponse appropriée à certains aspects de la dégradation des rapports des élèves entre eux et à l’égard de l’institution scolaire.

I.   Le port d’une tenue uniforme : une mesure au service des missions de l’école républicaine

En France, l’institution scolaire s’est construite sur l’affirmation de l’égalité entre les élèves devant l’éducation – et, plus généralement, devant la République. Les enfants confiés à l’école républicaine revêtent en son sein le statut d’élève, derrière lequel toutes les caractéristiques individuelles de chacun – qu’elles soient d’ordre social, culturel ou religieux – ont vocation à s’effacer.

Le port d’une tenue uniforme par tous les élèves des écoles et collèges publics permettrait d’abord de manifester leur appartenance à l’institution scolaire, par-delà les différences de tous ordres dont les enfants sont porteurs. Cette affirmation de l’égalité des élèves devant l’école enclencherait également un cercle vertueux d’apprentissage du « savoir-être », porteur de nombreux avantages tant pour le système éducatif que pour les élèves et leurs familles.

1.   Des avantages nombreux au bénéfice de l’école, des élèves et de leur famille

Comme le souligne le sociologue spécialiste du vêtement, Frédéric Monneyron : « Quand on change de vêtement, on change de comportement » ([4]). Ce constat général s’applique naturellement aux élèves. Ainsi, le port d’une tenue uniforme par ces derniers ne saurait être envisagé comme une mesure purement symbolique, dépourvue de toute efficacité propre. Au contraire, dans les établissements qui l’ont instauré, le port de l’uniforme produit des effets vertueux à plusieurs égards.

L’habit dans lequel on se rend à l’école doit refléter le respect dû à cette institution. Le port d’une tenue spécifique participe également de l’apprentissage des règles élémentaires en matière d’habillement, dont l’acquisition est nécessaire à l’intégration sociale et professionnelle future des élèves. L’action éducatrice de l’école complète sur ce point celle des parents, en faisant comprendre aux élèves que la façon de s’habiller dépend des circonstances dans lesquelles ils se trouvent, et non pas seulement des derniers effets de mode à l’intérieur de leur tranche d’âge, ou des conditions météorologiques. La tenue unique, en satisfaisant à des exigences minimales de correction vestimentaire, leur montrerait ce chemin.

Par ailleurs, il ressort des auditions conduites par le rapporteur qu’une tenue vestimentaire réglementée ([5]) renforce le sentiment d’appartenance à une communauté scolaire. Il permet de développer la cohésion de celle‑ci. Au sein des maisons d’éducations de la Légion d’honneur, par exemple, le fait de porter un uniforme entraîne une attitude plus mesurée dans les actes de la vie scolaire. Une manière « d’esprit de corps » apparait rapidement chez les élèves, qui les place dans des dispositions favorables au travail ([6]). Ces observations sont partagées au sein de l’académie de la Martinique, dont les représentants ont indiqué lors de leur audition que le port d’une tenue vestimentaire réglementée était « un levier essentiel pour créer une discipline de travail pour les élèves » ([7]). La tenue uniforme marque la différence entre les temps de loisirs et les temps des études et favorise le changement de statut des enfants qui deviennent, dans le temps scolaire, des élèves.

Ce phénomène vertueux s’observe également hors de la classe, dans le temps périscolaire, où les comportements semblent plus mesurés dans les établissements où le port de l’uniforme est la règle que dans les autres. Le nombre d’incidents de vie scolaire s’en trouve donc réduit. Par ailleurs, les chefs d’établissements de l’académie de Martinique auditionnés par le rapporteur ont indiqué que l’identification immédiate permise par le port d’une tenue aux couleurs de l’établissement était un atout majeur pour les accompagner dans la gestion des problématiques de sécurité. Depuis l’adoption d’une tenue vestimentaire réglementée par désormais près de 98 % ([8]) des collèges et lycées de Martinique, les problèmes de sécurité notamment liés à des intrusions de personnes extérieures à l’établissement ont quasiment disparu. Il est, d’après les chefs d’établissements concernés, plus aisé de détecter un intrus dans l’établissement lorsque l’ensemble des élèves porte une tenue identifiable.

Le port d’une tenue uniforme contribue aussi à simplifier la vie des parents, et les relations intrafamiliales. En effet, l’offre vestimentaire a explosé sous l’effet de la société de consommation et le vêtement est devenu un marqueur de différenciation sociale souvent à l’origine de conflits pouvant aller de la simple moquerie, au racket jusqu’au harcèlement, quand, au sein d’une même école, certains enfants ont des parents qui ont les moyens d’acheter des vêtements très chers, quand d’autres ne les ont pas ou ont des parents qui ne le souhaitent pas. L’uniforme a ici pour effet de gommer les différences sociales. L’harmonisation des tenues est d’autant plus importante dans contexte de « dictature de la mode », dans un monde de l’émotion et de l’immédiateté dans lequel l’attention des enfants fait l’objet d’une captation systématique, à des fins mercantiles. De plus, l’omniprésence des réseaux sociaux et de leur cortège de désinformation, de propagande, façonne leurs désirs et exacerbe leur agressivité. Le port d’une tenue uniforme permet de couper court, dans le cadre scolaire, à ces différenciations potentiellement conflictuelles et vaines.

De même, il convient de souligner les vertus économiques et écologiques de ces tenues. Dans la mesure où, dans les établissements qui y ont recours, celles‑ci sont vendues sous forme de trousseau au début de l’année, les parents n’achètent que le strict nécessaire à l’habillement des enfants les jours de classe. Leur coût est généralement modique quand on le compare à celui des vêtements « de marque », dont la possession suscite la convoitise des enfants et grève les ressources de leurs familles. L’investissement que représente l’acquisition d’un jeu d’uniformes peut être pris en charge, au moins partiellement, par l’allocation de rentrée scolaire. Par ailleurs, en Martinique, les fonds sociaux des collèges et les lycées participent à l’aide aux familles qui est simplifiée du fait de la dotation d’un trousseau dont la composition et le coût sont fixés ([9]). Les tenues peuvent ensuite être revendues lors d’une bourse aux vêtements interne à l’établissement. Bien davantage qu’une charge pour les familles, l’introduction d’une tenue uniforme constitue donc une source d’économies en même temps qu’un frein au consumérisme.

Enfin, savoir s’habiller est un élément essentiel d’intégration sociale et professionnelle. Au‑delà des connaissances fondamentales et des savoir‑faire, l’insertion dans l’emploi suppose également le maîtrise de « savoir‑être », critère pris en compte aussi bien dans le cadre des oraux des concours de la fonction publique que dans les entretiens d’embauches du secteur privé. Apprendre à adapter sa tenue à des situations et des interlocuteurs déterminés fait partie de l’éducation. Être correctement et proprement habillé est un gage de respect de soi‑même, des autres et de l’autorité.

2.   Un instrument pour répondre aux tentatives de contournement des règles en matière de laïcité

La IIIe République a voulu une école publique et laïque, une instruction obligatoire et gratuite, dispensant un enseignement de nature scientifique, dans une visée émancipatrice et progressiste inspirée de l’universalisme des Lumières. L’école publique a fortifié l’idée républicaine dans l’esprit et le cœur du peuple français. Notre système éducatif a relevé tout au long du XXe siècle tous les défis auxquels fut confrontée la Nation : l’élévation continue du niveau d’instruction des Français, l’accompagnement des progrès scientifique et technique, la mobilité sociale par le mérite scolaire, la transmission des valeurs fondatrices de notre civilisation. Le caractère laïc de l’enseignement public occupe une place particulière dans notre système éducatif, qui le distingue profondément des institutions scolaires d’autres pays.

Depuis désormais deux décennies, l’État essaye de remédier sans grande efficacité aux atteintes à la laïcité. L’adoption de la loi n° 2004‑228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics interdit au sein des enceintes scolaires les vêtements ou les signes religieux ostensibles. Elle est la première pierre d’un édifice normatif composite et incertain fait de circulaires ([10]), rapports, fiches techniques ou « reflexe » et autres vademecum. Face à l’inefficacité de la norme, on invente des outils tels que les « Équipes académiques Valeurs de la République » mises en œuvre par les services des rectorats dans les académies à la suite du Grenelle de l’éducation ([11]). Autant d’efforts mis en place – en vain – pour tenter de renforcer la protection de ce qui constitue l’un des quatre piliers du « carré régalien » ([12]) : les valeurs de la République.

Pourtant, les atteintes au principe de laïcité sont toujours plus nombreuses et laissent les équipes pédagogiques démunies. Si la loi du 15 mars 2004 précitée, a constitué une réponse – de nature défensive – à la violation de ce principe par le port de signes et de tenues manifestant une appartenance religieuse de manière ostensible, elle fait aujourd’hui l’objet de contestations et de tentatives répétées de contournement. Au total, 313 signalements ont été recensés en septembre 2022 et 904 au deuxième trimestre 2022. Ces données témoignent d’une augmentation importante par rapport à la moyenne de 627 incidents recensés au premier trimestre 2022 ([13]). Au surplus, les statistiques qui ont été publiées ne permettent pas de distinguer, parmi les incidents liés au port de tenues ou de signes prohibés, la part des atteintes liées à des vêtements dont le caractère religieux est sujet à interprétation.

M. Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale, considère que, face à cette augmentation des signalements, il est impossible d’établir la liste exhaustive des tenues visées par la loi de 2004. Il revient donc aux chefs d’établissement de faire, au cas par cas, preuve de discernement pour établir quelle situation peut être considérée comme du prosélytisme religieux et quelle autre ne le serait pas. Au-delà du seul prisme de la laïcité, la question de l’appréciation du vêtement, éminemment subjective, ne peut être laissée aux seuls chefs d’établissement, ni aux autres agents de l’Éducation nationale, sauf à faire peser sur eux une responsabilité excessive. De ce point de vue, l’État s’est montré défaillant par défaut d’édiction d’une règle claire.

Dans une tribune parue dans le quotidien Le Monde, le philosophe Claude Obadia a récemment appelé le ministre de l’Éducation nationale à défendre la République laïque et sociale : « Il ne suffit plus aujourd’hui d’affirmer les valeurs républicaines. La République n’a pas besoin qu’on adresse des discours. Elle ne réclame pas qu’on lui rende hommage. Elle a besoin qu’on la défende. » ([14])

Le port d’une tenue uniforme dans les écoles et les collèges, parce qu’elle est une règle simple, permettrait de clarifier les pratiques et soulagerait les chefs d’établissement et les équipes pédagogiques d’un travail d’interprétation des comportements individuels auxquels ils ne sont pas toujours formés, et qui les expose à toutes les remises en cause de leur autorité.

II.   Une proposition consensuelle, par-delà les clivages politiques traditionnels

1.   Des réflexions anciennes, des exemples prometteurs

En France, le port de l’uniforme n’a jamais constitué une obligation nationale. Le port de la blouse par les élèves du premier degré visait d’abord à protéger les vêtements de l’encre et de la craie. Celui de l’uniforme par les élèves des lycées, hérité du Premier Empire, a perduré au cours du XIXème siècle dans une partie des établissements, à l’initiative de ces derniers et hors de toute harmonisation nationale. Le port d’une tenue uniforme à l’école ne peut donc être envisagé comme le « rétablissement » d’un usage ancien. Il s’agirait, au contraire, d’une mesure novatrice, répondant à l’évolution du climat scolaire et des besoins des élèves.

Toutefois, une telle mesure ne serait pas totalement nouvelle puisqu’un certain nombre d’établissements en France l’imposent à leurs élèves. Il en va notamment ainsi en Martinique où un tiers des écoles élémentaires et 98 % des collèges et des lycées demandent à leurs élèves de porter une tenue vestimentaire réglementée. Cette proportion est de deux sur trois en Nouvelle‑Calédonie pour les écoles. C’est aussi le cas, en métropole, de certains établissements à statut particulier ([15]).

La réflexion sur le port de l’uniforme à l’école revêt une intensité nouvelle depuis environ deux décennies. Son opportunité avait fait l’objet de discussions en 2003 à l’occasion des travaux conduits par la commission sur la laïcité présidée par Bernard Stasi – de même qu’en 2013, lors de l’adoption de la charte de la laïcité à l’école ([16]). Le précédent ministre de l’Éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer, appelait quant à lui de ses vœux le port d’une « tenue républicaine » à l’école.

Plus récemment, devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, M. Pap Ndiaye a rappelé que « le port de l’uniforme existe dans certaines académies, notamment outre-mer et les élèves s’en portent très bien, [qu’il] n’y a ni interdiction ni consigne [qu’un] chef d’établissement peut décider de l’imposer ». Il a précisé que « si le port de l’uniforme [n’avait] pas d’effet sur le niveau scolaire, [il en avait un] sur le sentiment d’appartenance à l’établissement. ». Le ministre a indiqué qu’il « ne [fermait] pas la discussion » ([17]).

2.   Des propositions récurrentes, par-delà les clivages traditionnels

Le nombre de propositions de lois déposées sur la question du port de l’uniforme à l’école est impressionnant. Pour s’en convaincre, il suffit de citer les exemples les plus récents, qui témoignent d’un consensus par-delà les frontières politiques habituelles à l’Assemblée nationale :

– proposition de loi n° 2821 (XIVe législature), du 28 mai 2015, de M. Guillaume Larrivé, instaurant une tenue uniforme à l’école, au collège et au lycée ([18]) ;

– proposition de loi n° 2824 (XIVe législature), du 28 mai 2015, de M. Jean-François Mancel, tendant à rendre obligatoire le port de l’uniforme dans chaque établissement du primaire et du secondaire 2015 ([19]) ;

– proposition de loi n° 4565, du 22 février 2017 (XIVe législature), de M. Yannick Moreau, portant sur l’instauration d’une tenue uniforme en primaire, collège et au lycée ([20]) ;

– proposition de loi n° 740, du 7 mars 2018 (XVe législature), de M. Maxime Minot, instaurant une tenue uniforme à l’école, au collège et au lycée ([21]) ;

– proposition de loi n°3690, du 14 décembre 2020 (XVe législature), de Mme Laure de la Raudière, pour le port de l’uniforme à l’école ([22]).

Depuis le début de la XVIe législature, le sujet connaît une actualité particulière. En effet, pas moins de trois propositions de loi ont été déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale :

– la première, déposée par la groupe Les Républicains, avec M. Éric Ciotti comme premier signataire vise à instituer le port d’une tenue uniforme dans les établissements scolaires ([23]) ;

– la deuxième, déposée par Mmes Marie-France Lorho et Véronique Besse ainsi que M. Christophe Naegelen, vise à rendre obligatoire le port de l’uniforme à l’école ([24]) ;

– la troisième, qui fait l’objet du présent rapport.

Cette tendance s’observe également au Sénat où la proposition de loi visant à instaurer le port d’uniformes scolaire et de blouses à l’école et au collège est régulièrement déposée depuis 2013 ([25]).

Par ailleurs, un certain nombre de députés de la majorité ont récemment évoqué le dépôt d’une proposition de loi visant à rendre obligatoire le port de l’uniforme scolaire, afin de garantir l’égalité entre les élèves et de lutter contre le harcèlement scolaire.

La présente proposition de loi se distingue des précédentes par son champ d’application. En effet, elle ne prévoit pas d’imposer le port d’une même tenue par tous les élèves de France, dans l’ensemble des classes et des établissements. En premier lieu, elle se limite aux écoles et aux collèges, de manière à couvrir la plus grande partie de l’obligation scolaire ([26]). Elle concerne les établissements publics, qui forment le cœur du système d’enseignement républicain, égalitaire, laïc et gratuit. Ils disposeront d’une marge d’appréciation pour définir les caractéristiques de la tenue (son modèle, sa couleur, sa coupe et son aspect). La proposition de loi prévoit ainsi une obligation générale, dont les conditions particulières d’application seront déterminées par les conseils d’école et d’administration des établissements concernés.

 

 


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   Commentaire de l’article

Article unique
Port obligatoire d’une tenue uniforme dans le temps scolaire par les élèves des écoles et des collèges publics

Supprimé par la commission

Le présent article vise à rendre obligatoire, dans le temps scolaire, le port d’une tenue uniforme par les élèves des écoles et des collèges publics. Par l’ajout d’un alinéa à l’article L. 111-2 du code de l’éducation, cette mesure a pour finalité d’abolir au sein des établissements les distinctions sociales ou culturelles à caractère vestimentaire.

I.   le droit existant

Les obligations de nature vestimentaire applicables aux élèves peuvent être regroupées en deux catégories, selon qu’elles prennent la forme d’une interdiction visant des tenues déterminées (obligation négative) ou qu’elles imposent le port de vêtements spécifiques (obligation positive).

En l’état du droit, la loi ne connaît, s’agissant des tenues des élèves, que des obligations négatives visant à garantir l’absence, dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire publics, de tenues et de signes par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. À cette interdiction de nature législative s’ajoutent des dispositions réglementaires générales visant à protéger l’ordre public, dont l’application varie selon les établissements. L’existence d’obligations positives n’en est pas moins attestée dans les règlements intérieurs de certains établissements imposant le port d’une tenue uniforme.

1.   Des obligations négatives tendant à protéger l’ordre public et le principe de laïcité dans les établissements scolaires

a.   Des règles générales visant à garantir la sécurité des personnes et le bon ordre au sein des établissements

Si, à l’exception notable de l’article L. 141‑5‑1 du code de l’éducation, la loi ne comporte aucune disposition régissant le comportement vestimentaire des élèves ([27]), celui-ci n’en est pas moins soumis à des obligations générales de nature réglementaire dont les conditions d’application et la portée varient entre les établissements.

La circulaire du 1er août 2011 relative au règlement intérieur dans les établissements publics locaux d’enseignement ([28]) mentionne ainsi, parmi les matières qui relèvent de ce règlement, le « port d’une tenue destinée à dissimuler son visage ou incompatible avec certains enseignements, susceptible de mettre en cause la sécurité des personnes ou les règles d’hygiène ou encore d’entraîner des troubles de fonctionnement dans l’établissement ». Cette disposition ne vise aucune tenue déterminée : elle se borne à énoncer les motifs pouvant justifier l’interdiction du port de certains vêtements au regard des finalités qu’elle énonce. Celles-ci correspondent aux composantes classiques de l’ordre public en droit français que sont le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité ([29]).

La Charte des règles de civilité du collégien annexée à la circulaire du 1er août 2011 se réfère aussi, au titre des obligations qui incombent aux élèves, au port d’une « tenue vestimentaire convenable ». Toutefois, cette disposition, par sa généralité, ne peut être regardée comme imposant le port d’une tenue déterminée ([30]), et se rattache davantage au respect de la décence en tant que composante de l’ordre public ([31]).

Aussi les conditions d’application de ce principe varient-elles au gré des décisions des établissements. Les règlements intérieurs des établissements secondaires, dans lesquels sont précisées les conditions d’exercice des droits et des devoirs des élèves, peuvent notamment prévoir des interdictions spécifiques portant sur des tenues jugées contraires à la décence ou à l’hygiène. Ainsi, le lycée professionnel Charles de Gaulle de Sète (Hérault) a interdit en 2011 le port du jogging en dehors des cours d’éducation physique et sportive (EPS). En 2016, le lycée polyvalent Condorcet de Limay (Yvelines) a pris une décision semblable.

Indépendamment des circonstances particulières qui ont pu justifier leur mise en œuvre, ces décisions comportent un risque de disparité dans la mise en œuvre de la règle commune en matière de convenance vestimentaire. Le principe du port d’une tenue uniforme permettrait au contraire d’harmoniser le niveau d’exigence en matière de vêtement entre les établissements scolaires, tout en laissant à ces derniers une marge d’appréciation pour définir les conditions de mise en œuvre de l’obligation légale, en leur permettant de choisir la tenue imposée.

À ces principes généraux et interdictions spécifiques s’ajoute une obligation de nature législative visant à garantir le respect du principe de laïcité dans l’enseignement scolaire public.

b.   Une obligation spécifique inscrite dans la loi : l’interdiction du port de signes et de tenues manifestant une appartenance religieuse

La loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ([32]), dispose que « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ». Le législateur a introduit cette disposition dans le code de l’éducation, où elle figure à l’article L. 141-5-1. Sur le fondement de cet article, et au terme d’une phase de dialogue avec l’équipe éducative, une procédure disciplinaire peut être engagée à l’encontre d’un élève enfreignant cette interdiction.

Si la loi du 15 mars 2004 a permis de contenir les atteintes les plus flagrantes au principe de laïcité par le port de tenues et de signes à caractère religieux, elle fait actuellement l’objet de tentatives de contournement devant lesquels les agents de l’Éducation nationale se trouvent démunis, en l’absence d’un cadre juridique permettant d’établir avec certitude quels comportements sont visés par l’interdiction qu’elle énonce. Le port de tenues traditionnelles, telles que les abayas et les qamis, encouragé par des prédicateurs islamistes dans le cadre d’une stratégie délibérée de contournement de la loi, n’est frappé d’aucune interdiction nationale, leur qualification en tant que signes religieux étant laissée à l’appréciation des chefs d’établissement.

La circulaire du ministre de l’Éducation nationale du 9 novembre dernier ([33]) prévoit que ces derniers s’appuient « plus systématiquement sur l’expertise des équipes académiques des valeurs de la République (EAVR) », et qu’ils se réfèrent aux « éléments de doctrine » et aux « fiches pratiques » décrivant la conduite à adopter face aux différents types d’atteintes à la laïcité dans les établissements scolaires. Si cette circulaire manifeste la volonté de mieux accompagner les agents de l’Éducation nationale dans l’application de la loi, elle se borne à décrire un protocole d’action, sans trancher le problème sous-jacent – à savoir la qualification des tenues concernées au regard de l’article L. 141-5-1 du code de l’éducation. Elle implique donc un travail d’interprétation des comportements vestimentaires des élèves, auquel les agents ne sont dans la plupart des cas pas préparés. En outre, la part de subjectivité inhérente à toute interprétation ouvre la voie à des disparités dans l’application de la règle commune, tout en exposant les personnels à la contestation de leur jugement par les élèves et leurs parents.

Les limites de l’interdiction posée par la loi du 15 mars 2004 sont de nature à justifier, pour l’application uniforme du principe de laïcité, l’édiction d’une nouvelle obligation légale prévoyant le port de tenues déterminées. Une telle obligation comporterait d’autres avantages, qui ont justifié sa mise en œuvre dans des cas limités.

2.   Des obligations positives éparses : le port de l’uniforme dans certains établissements

En l’état du droit, aucune disposition législative ou réglementaire n’interdit à un établissement scolaire d’inscrire dans son règlement intérieur, au titre des obligations que les élèves doivent respecter, le port de tenues déterminées. Aussi certains établissements ont-ils prévu de telles obligations. Leur mise en œuvre s’est trouvée facilitée, dans certains cas, par des dispositions réglementaires spécifiques.

a.   Le cas de certains départements, régions et collectivités d’outre-mer

En l’absence de toute disposition dérogatoire au droit commun, une partie des établissements scolaires de certains départements, régions et collectivités d’outre-mer ont instauré le port d’une tenue uniforme par leurs élèves. Il en va notamment ainsi en Martinique, où plus d’un tiers des établissements publics imposent le port de l’uniforme ([34]). Certains établissements calédoniens et réunionnais ont adopté la même démarche.

L’introduction d’une tenue uniforme résulte d’une disposition du règlement intérieur. Adopté par le conseil d’école dans le cas des établissements du premier degré, et par le conseil d’administration s’agissant des collèges et des lycées, celui‑ci est élaboré en concertation avec les représentants de la communauté éducative ([35]).

b.   Le cas d’établissements à statut particulier

 Les lycées de la défense

Le port de tenues déterminées fait l’objet d’une réglementation particulière dans les six lycées de la défense ([36]), tant pour imposer le port de l’uniforme que pour en interdire l’usage en dehors de l’établissement ([37]). L’objectif qui sous-tend cette obligation tient, d’une part, à la matérialisation de l’appartenance au lycée et, d’autre part, à la « valeur éducative » de l’uniforme ([38]).

Les différentes tenues forment un trousseau pour l’acquisition duquel des frais spécifiques sont imposés aux familles. En application de l’article R. 425-17 du code de l’éducation, l’acquittement de frais de trousseau – et, le cas échéant, de frais de pension – est obligatoire pour les élèves admis au titre de l’aide à la famille ([39]). Les deux articles suivants du même code autorisent cependant le commandant du lycée à exonérer totalement ou partiellement du paiement de ces frais les familles dont la situation le justifie. 

 Les maisons d’éducation de la Légion d’honneur

Le port de l’uniforme dans les deux maisons d’éducation de la Légion d’honneur ([40]) est l’un des traits constitutifs de la « tradition napoléonienne » en matière d’éducation, dont l’ordre est dépositaire ([41]). Il convient de relever que la perpétuation de cet usage ancien est explicitement rattachée à l’affirmation du principe d’égalité entre les élèves : le changement d’habits à l’arrivée des élèves au pensionnat au début de chaque semaine de cours matérialise l’effacement, dans le cadre scolaire, des disparités de nature culturelle ou sociale.

Le 3° de l’article R. 120 du code de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire et de l’ordre national du Mérite mentionne parmi les recettes de l’ordre le produit des frais de trousseau et de pension des élèves des deux maisons d’éducation de la Légion d’honneur. Celles-ci partagent un même fonds de solidarité, dont les ressources sont mobilisées pour l’acquittement des frais de trousseau par les familles.

Aux termes de l’article R. 124 du même code, le grand chancelier de l’ordre fixe par arrêté le règlement intérieur de ces établissements. Ce document prévoit le port d’un uniforme commun à l’ensemble des élèves, qui arborent une ceinture colorée selon leur niveau d’études. Le grand chancelier arrête également le montant des frais de trousseau et de pension ([42]).

II.   LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI

1.   Le port d’une tenue uniforme comme principe de l’action éducatrice des personnes publiques

L’article unique de la proposition de loi vise à rendre obligatoire, dans le temps scolaire, le port d’une tenue uniforme par les élèves des écoles et des collèges publics.

À cette fin, il complète l’article L. 111-2 du code de l’éducation d’un nouvel alinéa. Cette disposition du code a trait à la formation scolaire, dont elle énumère les finalités et certains principes d’action. Son premier alinéa établit le droit de tout enfant à une telle formation. Le troisième alinéa du même article se réfère en outre à l’égalité des chances, que l’action éducatrice de l’État doit favoriser par des moyens appropriés.

Le choix de cet article pour l’insertion des dispositions de la proposition de loi est doublement motivé : d’une part, l’introduction du port d’une tenue uniforme par les élèves des catégories d’établissements susmentionnées constitue bien une modalité de l’exercice du droit à la formation scolaire prévu par le même article ; d’autre part, le port d’une telle tenue vise à affirmer l’égalité entre les élèves devant le système d’enseignement, qui est à la fois le principe et la finalité de l’école républicaine. Il s’agit donc bien d’un véritable principe d’action du service public de l’éducation.

2.   Une tenue uniforme aux couleurs de l’établissement

La formulation du présent article, par la référence à une « tenue uniforme », entend d’abord souligner que l’objet de la proposition de loi n’est pas d’instaurer un uniforme national. En laissant indéterminées les caractéristiques de cette tenue, l’article attribue à chaque établissement scolaire, dans son ressort particulier, la responsabilité de les définir. Ainsi, la rédaction proposée concilie l’égalité entre les élèves dans le cadre de l’établissement avec la marge d’appréciation qu’il importe de laisser à chaque communauté éducative dans la mise en œuvre de cette obligation nationale.

En outre, la mention des « couleurs de l’établissement scolaire » vise à faire de la définition des caractéristiques de la tenue un moyen d’affirmation d’une identité collective. Dans cette perspective, la manifestation de l’appartenance de chaque élève à son école doit être le signe de son inscription dans l’ensemble plus vaste que constitue l’institution scolaire, et un témoignage de l’égalité de tous les enfants devant cette dernière.

3.   Le champ d’application de l’article

a.   Une obligation limitée aux écoles et aux collèges

À la différence, en particulier, de la loi du 15 mars 2004 précitée – dont le champ d’application comprend aussi les lycées –, le présent article mentionne les seuls écoles et collèges publics. Le choix de ne pas inclure le lycée, de même que d’autres établissements qui dispensent des formations de niveau équivalent – tels que les centres de formation des apprentis – tient au caractère facultatif de l’instruction après seize ans. Réciproquement, les écoles maternelles et élémentaires publiques entrent dans le champ d’application de l’article, au même titre que les collèges, afin que l’ensemble des catégories d’élèves concernées par l’obligation scolaire y soit soumis.

S’agissant d’une mesure qui porte sur le cœur du système éducatif français, il paraît justifié de la concentrer sur ce qui en constitue le plus petit dénominateur commun. Or, l’école et le collège sont les deux catégories d’établissements que la totalité d’une génération d’élèves est amenée à fréquenter, indépendamment de la suite de leur parcours. Au demeurant, il appartiendra au législateur d’évaluer la mise en œuvre de cette disposition dans les catégories d’établissements susmentionnées, et d’en tirer les conséquences quant à l’opportunité d’en élargir l’application aux lycées.

b.   Une disposition applicable aux seuls établissements publics

De même que le champ d’application de l’article se limite aux écoles et aux collèges, il ne comprend que les établissements publics – à l’exclusion, par conséquent, des établissements privés, qu’ils soient ou non liés à l’État par un contrat d’association. Il s’agit encore de concentrer l’application de la mesure à l’institution républicaine par excellence que constitue l’enseignement public, laïc et gratuit.

c.   La notion de temps scolaire

Le présent article dispose en outre que l’obligation du port de la tenue uniforme vaut pour le temps scolaire. Ce dernier est défini comme « le temps pendant lequel l’élève est confié à l’institution scolaire. Il recouvre les horaires d’enseignement et les périodes d’activités organisées » par l’établissement ([43]).

III.   LA POSITION DU RAPPORTEUR

Le rapporteur estime que, pour en garantir pleinement l’effectivité, les conditions d’application du dispositif pourraient être précisées. En particulier, introduire une référence au règlement intérieur des établissements permettrait – compte tenu des conditions d’élaboration, d’adoption et de mise en œuvre de ce document – de s’assurer de l’implication de l’ensemble de la communauté éducative pour l’application de la loi.

Par ailleurs, si l’intégration des écoles maternelles dans le champ d’application de l’article est cohérente avec le périmètre de l’obligation d’instruction – avancée de six à trois ans par l’article 11 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance –, les exigences propres à l’habillement des très jeunes enfants et l’importance de l’étape que représente, pour ces derniers, l’entrée en cours préparatoire (CP), justifient que le dispositif soit limité aux écoles élémentaires et aux collèges. Le rapporteur propose un amendement en ce sens.

IV.   La position de la commission

La commission a adopté trois amendements identiques de suppression de l’article unique, présentés par Mme Rilhac (RE) et plusieurs de ses collègues, M. Vannier (LFI-NUPES) et plusieurs de ses collègues, et M. Raux (EcoloNUPES) et plusieurs de ses collègues, qui ont reçu un avis défavorable du rapporteur. En conséquence, l’article unique étant supprimé, la proposition de loi est considérée comme ayant été rejetée par la commission.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 14 décembre 2022 ([44]), la commission procède à l’examen de la proposition de loi visant à instituer dans les écoles et collèges publics le port d’une tenue uniforme aux couleurs de l’établissement scolaire (n° 254) (M. Roger Chudeau, rapporteur).

M. Roger Chudeau, rapporteur. Mes chers collègues, je voudrais vous convier à prendre un peu de recul et de hauteur avec l’objet premier de cette proposition de loi : l’obligation du port d’une tenue uniforme aux couleurs de l’établissement scolaire pour nos écoliers et collégiens de l’enseignement public.

La IIIe République a voulu une école publique et laïque, une instruction obligatoire et gratuite, dispensant un enseignement de nature scientifique, dans une visée émancipatrice et progressiste inspirée des universaux des Lumières. Marque du génie politique de nos prédécesseurs, l’école publique a conforté, fortifié et installé définitivement l’idée républicaine dans l’esprit et le cœur du peuple français.

Notre système éducatif a relevé au long du XXe siècle tous les défis auxquels fut confrontée la nation : élévation continue du niveau d’instruction des Français, accompagnement des progrès scientifiques et techniques, mobilité sociale par le mérite scolaire, transmission des valeurs fondatrices de notre civilisation. Des historiens tels que Pierre Nora, Fernand Braudel ou Pierre Chaunu l’ont abondamment documenté : c’est largement grâce à notre système éducatif, à l’époque l’un des meilleurs au monde, que notre pays a pu traverser les immenses épreuves des deux conflits mondiaux et leurs conséquences sociales, économiques, politiques, géopolitiques, et s’en relever.

Ce que nous sommes aujourd’hui, nous le devons à l’école de la République. Elle est littéralement un bien commun, non seulement parce que tous les Français lui confient l’éducation de la chair de leur chair, mais aussi parce qu’elle est au sens propre une institution qui permet le « vivre ensemble » cher à Renan et qui fait de nous une nation.

À ce titre, l’école est un espace aussi sacré que celui où nous avons l’honneur de siéger. Ce sanctuaire doit être protégé des entreprises centrifuges qui le menacent, au même titre que notre cohésion sociale et nationale. La marchandisation généralisée des échanges entre les humains, l’omniprésence d’une vision du monde centrée sur l’individu, considéré comme le consommateur-roi au sein d’un marché mondialisé, produisent des effets délétères sur les comportements individuels. Ceci trouve évidemment sa traduction dans nos écoles : omniprésence des réseaux sociaux et de leur cortège de désinformation, de propagande, de harcèlement, de tentatives commerciales, politiques et religieuses d’influencer nos enfants ; dictature de la mode, du soft power anglo-saxon, de l’émotion, de l’immédiateté. Nos enfants sont une pâte bien malléable pour les Gafam, les géants du numérique, et tous les vecteurs de l’individualisme, de l’égocentrisme et du narcissisme.

Les professeurs témoignent régulièrement des difficultés de concentration des élèves, des tensions et rivalités liées à des questions vestimentaires ou de style de vie, conduisant parfois à des harcèlements ou des violences. L’éparpillement mental, moral et social des élèves est tel qu’il devient difficile de parler de classe, de faire la classe, d’enseigner.

À l’inverse, comme en réaction au confusionnisme généralisé, une idéologie politico-religieuse prend pied peu à peu jusqu’au sein de l’institution scolaire. Dans les territoires perdus de la République, dans les « territoires conquis de l’islamisme » décrits de manière saisissante par Bernard Rougier, l’islamisme radical étend son emprise. Cette idéologie est de nature intrinsèquement totalitaire, comme l’admettent la plupart des politologues. La montée de l’islamisme dans nos établissements scolaires n’est pas un phantasme. Ceux qui la décrivent, ce sont les personnels de l’Éducation nationale, l’institution scolaire elle-même, nos organes de sécurité intérieure dans des notes toutes récentes, ou le Président de la République dans son discours des Mureaux sur le séparatisme. L’école est devenue une citadelle assiégée.

L’école de la République, naguère fière institution nationale, unanimement respectée pour sa rigueur, mais aussi pour son sens de la justice et du mérite, notre école, socle et pilier de notre société, est en voie de déclassement et ce processus semble s’accélérer. Ai-je besoin d’entamer la triste litanie de nos médiocrités scolaires ? Pisa (programme international pour le suivi des acquis des élèves), Pirls (programme international de recherche en lecture scolaire), Timss (tendances dans l’étude des mathématiques et des sciences), Cedre (Collectif de l’enseignement à distance responsable et engagé), JDC (journée défense et citoyenneté) : tels sont les acronymes qui, session de tests après session de tests, signent la descente aux enfers de notre système éducatif. Dans les comparaisons internationales, nous sommes classés à des rangs médiocres, parfois même en queue de peloton. Les JDC font état d’un taux d’illettrisme de 11 % chez nos jeunes âgés de 17 ans, et 25 % d’entre eux éprouvent, comme on dit pudiquement, des « difficultés de lecture ». Dans le document budgétaire de la mission Enseignement scolaire pour 2023, il est indiqué au détour d’une phrase, que la moitié des élèves entrant au collège ne maîtrisent pas la lecture fluide, ce qu’ont confirmé les représentants de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance devant la mission d’information chargée de dresser un panorama et un bilan de l’éducation prioritaire.

Il n’est pas ici question de se complaire dans des prédictions déclinistes ou catastrophistes, mais simplement de vous convier à un exercice de lucidité. Convenons-en, la maison brûle et nous regardons ailleurs.

Le temps de la refondation de notre école est donc venu. C’est précisément ce à quoi prétend contribuer, modestement mais résolument, la proposition de loi (PPL) que je soumets à votre examen – une simple pierre apportée à l’édifice.

Cette PPL est toute simple. Sa portée cependant devrait être inversement proportionnelle à sa concision. Son article unique vise à instaurer une tenue uniforme d’établissement pour tous les écoliers et collégiens de l’enseignement public. Il s’agirait d’une obligation légale, pour le temps scolaire. Chaque conseil d’école ou chaque conseil d’administration de collège arrêterait lui-même la coupe, la couleur, l’aspect de la tenue d’établissement – une tenue d’été, une tenue d’hiver et une tenue de sport. La loi entrerait en application à la prochaine rentrée pour permettre aux écoles, aux collèges et aux familles de prendre leurs dispositions.

Le signal envoyé est symbolique et connaît une déclinaison pratique. L’école de la République ne connaît que des élèves. Les distinctions sociales, de fortune et de culture que manifestent les tenues civiles, comme des marqueurs sociaux et culturels, sont effacées symboliquement et pratiquement. Lorsqu’un enfant franchit le seuil de son école, il change de statut : il devient un élève et il en revêt la tenue.

Cette tenue, partout où elle est déjà portée, en France ou à l’étranger, est un motif de fierté pour les élèves, car elle les identifie à l’institution qui les éduque. C’en est fini des rivalités entre marques de vêtements ou de chaussures, des petits rackets et des tentatives d’imposer des tenues de facture religieuse dans nos collèges publics. L’école redevient visuellement et symboliquement le sanctuaire républicain du savoir, du travail scolaire, de la construction de l’intelligence et de l’autonomie de l’élève qu’elle doit être.

Il n’est donc pas indifférent que le texte que nous examinons soit une proposition et non un projet de loi. Symboliquement, la représentation nationale a ici l’occasion de montrer que le peuple français n’entend pas laisser son école glisser sur la pente du déclassement.

Certes, cette PPL ne saurait régler à elle seule les immenses problèmes qui affectent aujourd’hui l’école. Il s’agit d’un signal politique destiné à faire pièce aux forces centrifuges qui abîment l’école et à montrer notre volonté de sanctuariser l’école de la République. Jean Zay n’écrivait-il pas, dans sa circulaire du 31 décembre 1936, que « les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas » ?

Je veux croire que, sur ce texte, une majorité est possible. La question de l’uniforme scolaire a déjà été soulevée par diverses majorités, en 2003, en 2013 et en 2017. Récemment encore, le ministre Blanquer évoquait une tenue vestimentaire « républicaine ». Les Républicains ont déposé nombre de propositions de loi sur cette question, et je me suis inspiré de leur travail. Il semble même que le groupe Renaissance s’interroge ces derniers temps. Le ministre, enfin, a indiqué être prêt à « y réfléchir » devant notre commission.

Cette obligation semble scolairement, socialement et politiquement acceptable. Elle est, du reste, attendue par 63 % de nos compatriotes.

Au-delà de nos différences et de nos divergences, je vous invite à adopter cette proposition de loi et à faire aujourd’hui un choix éclairé, entre éthique de conviction et éthique de responsabilité, pour que vive l’école de la République.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Christophe Marion (RE). Monsieur le rapporteur, nous ne sommes guère étonnés de votre proposition, puisque cette mesure figurait dans le programme présidentiel de Marine Le Pen, tout comme la définition législative du contenu des enseignements, la suppression des enseignements de langue et de culture d’origine, ou encore celle des discriminations positives.

Ce texte pose plusieurs problèmes, à commencer par celui de la généralisation. Même là où la tradition de la tenue scolaire est solidement ancrée, elle n’est jamais généralisée. Ainsi, seuls 22 % des établissements publics des États-Unis, et un tiers en Martinique, l’imposent.

Par ailleurs, la tenue réglementaire serait financée par les familles. Or, dans vos amendements au projet de loi de finances, vous réclamiez un abondement de 5 millions pour l’adoption de l’uniforme.

Surtout, cette proposition de loi s’appuie sur une certaine pensée magique, sur des intuitions et non sur des études, totalement absentes de votre argumentaire, ni des constats reproductibles.

L’uniforme permettrait d’éliminer les marqueurs sociaux et le harcèlement ? Peut-être, mais à condition d’interdire aussi les bijoux, les montres, les chaussures, sacs à dos et trousses de marque – voire certaines coupes de cheveux : relisons Les Cahiers d’Esther pour comprendre combien elles peuvent marquer la différence, à Paris, entre les élèves du public et ceux du privé.

Si nous admettons la capacité des jeunes à détourner les règles pour inventer de nouveaux marqueurs sociaux, ne faut-il pas plutôt faire le pari de l’éducation pour faire accepter les différences et développer la tolérance ? C’est bien en s’attaquant aux problèmes par leurs racines, et non en les effaçant simplement, que nous luttons concrètement contre les inégalités depuis plus de cinq ans : pensons ici aux dispositifs Petits déjeuners gratuits, Devoirs faits ou Vacances apprenantes, ou encore au dédoublement des classes de CP et CE1 en zone REP (réseau d’éducation prioritaire) et REP+.

L’uniforme renforcerait le sentiment d’appartenance à l’établissement ? Soyons honnêtes : il ne renforcera pas grand-chose si l’élève étudie dans un établissement qui cumule les difficultés, comme l’absence de mixité sociale, une réussite plus faible aux examens ou le non-remplacement des enseignants absents.

Surtout, prenons garde à ne pas créer de nouvelles formes de distinction sociale, non pas à l’intérieur de l’école mais à l’extérieur, en identifiant facilement dans l’espace public l’établissement auquel appartient l’élève. L’uniforme, dès lors, ne favoriserait plus l’homogénéisation, mais créerait au contraire de nouvelles discriminations entre élèves provenant d’écoles et collèges jouissant d’une plus ou moins bonne image.

L’uniforme serait la réponse aux atteintes à la laïcité ? C’est vrai, en novembre, 353 signalements ont été recensés en France, dont 137 concernaient des signes ou des tenues, soit un cas pour 87 000 élèves. Est-ce une justification pour imposer l’uniforme à tous ? Ce dernier ne consiste-t-il pas surtout à jeter un voile pudique sur un phénomène que nous devons pouvoir identifier facilement et combattre par la formation du personnel et la gradation des sanctions, plutôt que de lui permettre de prospérer en silence ?

Quant à l’uniforme comme pierre angulaire du renforcement de la discipline et de l’esprit patriotique, relisons Renan : ce qui fait nation, c’est le désir de vivre ensemble et de faire prospérer l’héritage que nous avons reçu. Or, le tissu commun ne fait pas partie de la tradition nationale ou de l’héritage de nos pères.

Pour être juste, le port d’une tenue réglementée semble entraîner quelques effets positifs sur l’assiduité des élèves, par exemple, ou la diminution du stress matinal lorsque parents et enfants ne sont pas d’accord sur la manière de s’habiller. Mais le débat sur l’uniforme doit reposer sur un travail sérieux, qui mesurerait par exemple ses effets sur l’épanouissement de la personnalité des jeunes, plutôt que se fonder sur des idées reçues et une seule audition.

Sans aucune preuve pour affirmer que l’uniforme contribue à faire de l’école un creuset de la République et de la citoyenneté, nous nous opposerons donc à cette proposition de loi.

M. Julien Odoul (RN). Le port d’une tenue uniforme dans les écoles et les collèges est une proposition de bon sens, que la France a toujours su défendre au fil du temps et pour tous. En 2003, l’ancien ministre de l’Éducation nationale Xavier Darcos relançait le débat sur la tenue scolaire et suggérait déjà son retour dans nos établissements, notamment pour supprimer les différences visibles de niveau social ou de fortune. Par manque de courage politique, cette proposition n’a jamais abouti. Toutefois, en 2020, un sondage BVA révélait que 63 % des Français, toutes sensibilités politiques confondues, étaient favorables au retour de l’uniforme sur le temps scolaire dans nos établissements publics.

Le premier argument est quasiment toujours le même : lutter contre les inégalités sociales. En refusant de soutenir cette proposition de loi, la NUPES se fourvoie et refuse d’abord de défendre les plus modestes. En effet, l’existence de marqueurs sociaux qui distinguent les élèves entre eux et révèlent les différences de niveaux de fortune de leurs parents contrarie une ambition républicaine fondamentale que vous avez oubliée : l’égalité des chances.

Dans la vie scolaire, les tenues vestimentaires provoquent souvent jalousies et rivalités, et peuvent conduire à des tensions, des violences ou du harcèlement entre les élèves. Le port d’une tenue uniforme aux couleurs de l’établissement permet de faire cesser cette course aux marques coûteuses génératrice de tensions. Elle fait d’ailleurs ses preuves en dehors de l’Hexagone, comme en Martinique, où l’uniforme a été adopté dans l’ensemble des écoles, collèges et lycées, au nom de l’égalité entre les élèves.

L’uniforme permet aussi de lutter contre le communautarisme islamiste. C’est peut-être cette réalité qui fait hurler les islamo-gauchistes. La multiplication inquiétante dans les établissements publics de tenues à caractère religieux, notamment des abayas, légitime la réinstauration de la tenue uniforme obligatoire à l’école et au collège. Chaque jour, la République laïque recule. Sur le seul mois de novembre, 353 atteintes à la laïcité ont été signalées, dont 40 % par le port de vêtements ou de signes religieux. Les professeurs et les équipes pédagogiques ont le sentiment d’être abandonnés par le Gouvernement, et ne savent plus comment s’armer face à un repli communautaire qui gagne du terrain. Un flou législatif ainsi qu’une certaine passivité des pouvoirs publics subsistent dans notre pays, dont certains profitent pour introduire des tenues religieuses jugées confuses, mais clairement islamistes, à l’école. L’instauration d’une tenue uniforme dans nos écoles et nos collèges enverrait un message clair : le fondamentalisme islamique n’a pas sa place dans l’école de la République.

Dans de nombreux pays, l’uniforme a surtout permis de développer et de maintenir un sentiment d’appartenance à son établissement et à la communauté d’élèves. Au Royaume-Uni, 80 % des élèves du primaire le portent, et 98 % dans le secondaire. Respect envers l’établissement, sens du collectif, cohésion du groupe : les effets vertueux d’un code vestimentaire sont nombreux. Rassembler est le maître-mot de cette proposition de loi.

Enfin, à ceux qui invoqueraient l’argument financier, un raisonnement simple permet de dire que l’achat d’une seule et même tenue pour le temps scolaire remplace au moins cinq tenues vestimentaires qui sont à la charge des parents.

Oui, l’uniforme est la vraie tenue républicaine et les députés du Rassemblement national seront fiers de défendre cette proposition de loi lors de leur niche parlementaire du 12 janvier.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Alors que les coupures d’électricité menacent de fermeture nos écoles et que partout les enseignants ou les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) manquent, alors que les Français sont durement frappés par l’envolée des prix, la stagnation des salaires et le développement de la pauvreté, le Rassemblement national fait de l’uniforme à l’école sa priorité.

Sa proposition de loi est d’abord une atteinte au principe républicain fondamental de gratuité scolaire. En subordonnant l’accès à l’école à l’achat d’un uniforme, le Rassemblement national rendrait cet accès payant. Cette proposition de loi stigmatise donc les familles les plus modestes et aggraverait leurs difficultés. Antipauvres, cette proposition de loi ne vise nullement à abolir les distinctions sociales mais les exacerbe en proposant l’instauration d’un uniforme d’établissement différent d’une école à une autre. Elle développe une logique de marque, de distinction et de concurrence renvoyant au modèle d’école-marché qu’Emmanuel Macron s’efforce de développer depuis près de six ans.

Cette proposition de loi traduit le souci de rendre visible à travers l’uniforme une hiérarchie entre établissements huppés et populaires. Elle émane de menteurs qui feignent d’un côté de déplorer l’existence de « marqueurs sociaux qui distinguent les élèves entre eux et révèlent les différences de niveau de fortune de leurs parents » mais, de l’autre, votent en cadence contre le Smic à 1 600 euros et le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Son véritable objet est ailleurs : cette proposition de loi vise les jeunes femmes et les musulmans, que le Rassemblement national juge trop, trop peu, en tout cas toujours mal habillés. Ce texte, qui disserte sur le « caractère » des vêtements et veut créer des dizaines de milliers de comités Théodule pour en fixer le tissu, la coupe et la couleur, fait du Rassemblement national, à la vocation politique de police du vêtement, le parti des tartuffes de la laïcité, ignorants des avertissements d’Aristide Briand quant aux effets de l’ingéniosité combinée des prêtres et des tailleurs en matière vestimentaire.

Enfin, cette proposition de loi est dangereuse pour notre pays. Son objectif est d’abolir les distinctions culturelles dans les établissements scolaires : le Rassemblement national ne veut pas seulement des uniformes à l’école, mais toute une société uniformisée ! Pour nous, l’école est le lieu de la rencontre et de la découverte de l’autre. L’école publique est le lieu où se retrouvent tous les enfants de toutes les cultures qui font la richesse de la France. C’est en cela qu’elle est le creuset de notre République, un lieu d’émancipation individuelle et collective où chacune et chacun se construit en être libre et autonome. Là où vous rêvez d’une école produisant des êtres uniformes, nous aspirons à ce qu’elle élève des singularités. C’est tout ce qui nous sépare, et c’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de l’extrême droite.

M. Maxime Minot (LR). L’école est un lieu sacré de notre République, un lieu de transmission et de socialisation. Elle a besoin d’un cadre qui y maintienne l’ordre, l’autorité mais aussi la confiance. Car pour s’épanouir à l’école, nos enfants ont besoin d’avoir confiance – en le système scolaire, en leur établissement, en leurs encadrants mais aussi et surtout en eux et en leurs camarades.

Depuis plusieurs années, cette confiance a été fragilisée, d’abord par une politique hasardeuse de l’ducation nationale et un enchaînement de réformes incompréhensibles pour les enseignants, les élèves et leurs parents. Ensuite, l’égalité, le respect et le collectif ont été mis à mal, en particulier le respect de l’interdiction du port de signes ou tenues ostentatoires. Au mois d’octobre 2022, nous répertoriions 720 atteintes. Ces déviances pourraient être évitées en partie grâce au port d’une tenue uniforme.

Le groupe Les Républicains y est depuis longtemps favorable. Dès 2018, j’ai moi-même déposé un texte visant à instaurer une tenue uniforme dans les établissements scolaires, et plusieurs de mes collègues ont encore récemment déposé des propositions similaires.

L’instauration d’une tenue unique permet d’abord d’effacer les inégalités sociales en replaçant tous les élèves sur un pied d’égalité, sans distinction de marque, de style ni de moyens financiers. Lorsque nous étions jeunes, il était plus facile de déterminer l’aisance financière de nos camarades que leur religion. Il faut gommer ces différences. Le port d’une tenue uniforme favoriserait une meilleure intégration des élèves, qui n’auraient plus à se définir en fonction des vêtements qu’ils portent et des signes ostentatoires véhiculés, religieux ou non.

Le port de l’uniforme combat aussi le règne de l’apparence chez les jeunes. À l’ère des réseaux sociaux, ils se libéreraient ainsi du regard des autres et se consacreraient plus facilement à leur apprentissage. L’uniforme instaure une rigueur et impose sans force les préceptes de l’éducation scolaire. C’est un outil pédagogique qui conditionne l’élève au travail, au devoir, à la discipline, à la hiérarchie et à la réussite, et crée l’atmosphère adéquate.

L’uniforme permet également de valoriser l’image de l’établissement et de créer un sentiment d’appartenance. L’élève identifie son lieu de scolarisation comme un lieu à part, dans lequel il peut s’impliquer et s’engager. L’uniforme crée une communauté propre à l’établissement. Il garantit l’unité et crée une sorte de nouvelle famille pour les élèves, dans laquelle chacun peut être lui-même, sans être jugé. À l’image des associations sportives où chacun défend son maillot, la fierté d’appartenir à cette communauté galvaniserait les jeunes.

Si ce texte défend avant tout le principe de la laïcité à l’école, les raisons de le soutenir vont bien au-delà. Dans de nombreux pays, le port de l’uniforme apporte égalité, appartenance et esprit d’équipe. Certains établissements, en métropole comme outre-mer, l’ont déjà adopté. L’opinion publique, au-delà des clivages politiques et des classes sociales, y est de plus en plus favorable. Engageons-nous enfin sur ce terrain, en laissant toute la liberté aux établissements de définir les modalités – sans oublier d’inclure dans cette discussion les élèves, qui doivent voir cette évolution comme une opportunité et non comme une contrainte.

De façon transpartisane, nous pouvons ici tendre au retour de l’ordre, de la sécurité, du respect de la laïcité et de l’égalité à l’école. Le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte.

Mme Sophie Mette (Dem). Présenter ce texte à l’occasion de votre première niche parlementaire est un choix intéressant : il révèle que votre priorité pour l’école consiste à légiférer sur le style vestimentaire des élèves, dans un objectif certes louable d’atténuer les différences et les inégalités pour les enfants.

Si, en apparence, l’uniforme paraît à même de gommer les inégalités fondées sur l’allure ou les vêtements, il n’émane des différentes études aucun consensus sur sa réelle efficacité, s’agissant tant des résultats scolaires que du comportement ou du sentiment d’appartenance à l’institution scolaire. C’est pour cette raison que les pays dans lesquels des enfants portent l’uniforme ne l’ont généralement pas inscrit comme une obligation dans la loi. Il apparaît plus sage de laisser les établissements et les parents d’élèves apprécier l’utilité de cette mesure pour les enfants.

Derrière cette fausse révolution vestimentaire, vous cachez votre manque de volonté pour renforcer notre école, là où notre majorité agit depuis plus de cinq ans pour la remettre sur les rails : priorité donnée aux savoirs fondamentaux, limite de vingt-quatre élèves par classe en primaire, dédoublement des classes, prime pour les enseignants en zone prioritaire ou, plus récemment, revalorisation salariale afin qu’aucun professeur ne soit recruté pour un salaire inférieur à 2 000 euros net. Les chantiers restent encore nombreux, notamment en matière de mixité sociale. Je note au passage que nos amis britanniques, qui ont généralisé l’uniforme depuis bien longtemps, ne sauraient être des exemples en matière de mixité ou d’égalité. Cela montre que les mesures cosmétiques ne peuvent pas tout résoudre.

Enfin, cette proposition est révélatrice de vos ambitions politiques. L’apparente simplicité de votre mesure masque de nombreuses questions relatives à sa mise en œuvre, et notamment à son financement. Vous indiquez que ce nouveau coût devrait être à la charge des familles. Alors que votre parti se présente en défenseur du pouvoir d’achat et des plus fragiles, je suis certaine que ces derniers apprécieront ces dépenses supplémentaires. Nous nous interrogeons également sur la volonté d’égalité que vous affichez. L’expérimentation menée à Provins a montré que s’il était possible de fournir des vêtements à faible coût, la question de leur qualité ne saurait être occultée. Je ne saurais imaginer votre groupe en chantre du made in China au détriment du fabriqué en France, dans le but de garantir que ces vêtements soient abordables.

Enfin, s’agissant de l’acceptation d’une telle mesure par les parents ou les élèves, l’expérimentation menée à Provins a également démontré qu’il était plus facile d’acquiescer à une proposition que de l’appliquer.

Jugeant votre proposition hâtive, impréparée et révélatrice de votre volonté de cliver une population française qui a bien besoin d’unité plutôt que de trouver des solutions efficaces pour l’école, notre groupe votera contre ce texte.

M. Inaki Echaniz (SOC). Cette proposition de loi vise à abolir les distinctions sociales et culturelles. Nous y sommes opposés. Nous défendons le respect des différences culturelles de la population, et non leur abolition.

Vous écrivez dans votre exposé des motifs : « L’école ne connaît que des élèves, sans que soient prises en compte ni considérées leur origine sociale ou culturelle ». Nous ne partageons pas ce point de vue. Selon nous, l’école accueille des individus de provenances sociales et culturelles diverses. Elle constitue à ce titre un lieu privilégié pour apprendre à respecter l’autre dans sa différence, à accueillir la pluralité, à maintenir des rapports égalitaires et à rejeter toute forme d’exclusion. Il ne s’agit donc en rien de gommer les distinctions mais, au contraire, de prendre en considération les divers comportements, croyances, coutumes, pratiques et langues ainsi que les différences d’ordre physique qui existent entre des individus et des groupes culturels afin de favoriser le respect et la compréhension mutuels, l’acceptation et l’inclusion sociale.

Nous ne nous faisons aucune illusion sur votre réel objectif. Pour notre part, nous n’entendons pas lutter contre les différences, mais contre les discriminations sociales, qui se reproduisent parfois dans les classes et les cours de récréation. En effet, la tenue vestimentaire tout comme le matériel scolaire, les manteaux, les chaussures ou les lunettes sont autant de signes de distinction sociale qui peuvent être facteurs de discrimination ou de harcèlement. C’est pourquoi nous demandons à chaque rentrée la réévaluation des bourses scolaires, en soutien aux familles précaires, et avons proposé, avec la NUPES, la gratuité des fournitures scolaires en 2022.

Votre PPL propose un uniforme aux couleurs des établissements et à la charge des familles. Nous y sommes également opposés. Ce modèle inspiré des écoles privées et américaines ne correspond pas à celui de l’école républicaine française qui, dans un objectif d’égalité, assure un enseignement au contenu et aux conditions identiques sur l’ensemble du territoire. Une tenue différente par établissement irait à l’encontre de ces principes. De plus, nous déplorons la dynamique compétitive engendrée par ces blasons scolaires et l’accroissement des inégalités entre établissements qu’elle induit.

Enfin, la PPL n’engendrant aucun coût pour l’État, nous comprenons que la charge de l’uniforme reviendrait aux familles. Or, comme dans les écoles où l’uniforme existe, cela s’élèverait probablement à plusieurs centaines d’euros. Cette proposition est inacceptable dans le contexte de crise du pouvoir d’achat. Elle ne règlerait en rien les inégalités sociales, bien au contraire.

Alors que l’école est à nouveau considérée comme une variable d’ajustement, en pleine crise du pouvoir d’achat, face à la perte d’attractivité de la profession d’enseignant, au manque criant de personnel scolaire, à la perte de confiance de la communauté éducative, ce débat ne nous semble pas prioritaire. Nous préférerions travailler à une véritable refondation du service public de l’éducation.

Mme Agnès Carel (HOR). Cette proposition n’est pas nouvelle. Depuis deux décennies, la question du port de l’uniforme ou d’une tenue scolaire obligatoire à l’école et au collège resurgit chaque année, tant au Parlement que dans la sphère médiatique. La tenue uniforme n’a jamais été imposée en France, contrairement à ce qui a été dit. Seule la blouse fut obligatoire jusqu’en 1968, mais davantage pour préserver la propreté des vêtements que pour garantir une uniformité vestimentaire dans les classes. L’arrivée des pointes Bic l’a rendue inutile !

Ce n’est pas l’idée d’une tenue scolaire qui nous est proposée, mais l’obligation pour toutes les écoles et tous les collèges d’adopter du jour au lendemain une tenue par établissement. Or chaque directeur d’école ou de collège a déjà la possibilité de le faire. Certains responsables d’établissements, en concertation avec le corps enseignant, ont déjà pris cette décision, outre-mer ou en métropole.

Le groupe Horizons défend avant tout la liberté de choix des directeurs d’établissement, qui existe déjà mais qui n’est peut-être pas toujours bien connue. Des actions pour mettre en avant ces expériences et le ressenti des élèves, des parents et des enseignants concernés seraient à étudier. Nous ne sommes pas non plus opposés à des initiatives locales ou des expérimentations décidées en concertation avec les familles, les enseignants et les collectivités.

Nous ne contestons pas que l’adoption d’une tenue scolaire contribue à diminuer les distinctions sociales et culturelles, mais elle ne les enraye pas. Les téléphones portables, les montres ou les sacs sont des marqueurs sociaux au moins aussi forts, qui gommeraient les effets attendus de l’uniforme.

La tenue scolaire obligatoire n’effacera pas non plus les tenues dites religieuses. Elle ne fera qu’entraîner mécaniquement la création d’écoles hors contrat, et donc hors contrôle.

Et il y a aussi la question du coût : qui va payer ? En période d’inflation, les parents ne peuvent se voir infliger une telle dépense supplémentaire. Les collectivités non plus, dans un contexte de grande tension budgétaire. La prime de rentrée scolaire doit-elle uniquement servir cet objectif ?

Vous évoquez le rôle fédérateur de l’uniforme. Or le sentiment d’appartenance s’appuie sur les progrès pédagogiques. Un projet de solidarité peut fédérer une classe ou un établissement bien plus qu’un uniforme. Les professeurs doivent avoir le pouvoir d’être les vrais moteurs de la réussite scolaire, leurs initiatives doivent être mieux reconnues : voilà un réel enjeu de réforme.

Vous avez évoqué les intrusions dans les écoles, mais un uniforme, qui se vole ou s’emprunte facilement, ne résoudrait rien.

Enfin, l’objectif d’une proposition visant nos établissements scolaires ne peut être uniquement l’abolition des distinctions sociales et culturelles : cela doit rester l’amélioration du cadre d’apprentissage de tout élève.

Bref votre proposition de loi est prématurée et inaboutie. Elle ne résoudra en rien les problèmes de l’école républicaine et nécessiterait un débat à chaque niveau. Le groupe Horizons ne la votera pas.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Pour le groupe écologiste, cette proposition n’est pas prématurée. C’est simplement une mesure stigmatisante, qui cherche, sous couvert d’égalité et de justice sociale, à imposer aux jeunes – et surtout aux jeunes femmes – une manière de s’habiller.

Nous ne sommes pas en faveur d’une laïcité de contrôle, mais d’une laïcité de liberté. Vous voulez uniformiser la jeunesse, vous voulez atténuer ses droits. Toutes ces réformes qui touchent la jeunesse se font pour la plupart contre cette dernière. Ce que la jeunesse réclame, c’est une société qui l’écoute et qui lui permette de construire son avenir, en respectant ses choix individuels, qu’il s’agisse de ses vêtements ou de son orientation. Nous ne voulons pas d’une société où la loi dit aux jeunes comment s’habiller et où des algorithmes décident de leur avenir professionnel. Nous voulons une société du choix et de la volonté personnelle.

Cette proposition de loi se présente comme un moyen de remédier à l’inégalité sociale, mais ce n’est rien d’autre qu’une mesure décorative – cachez-moi cette fracture sociale que je ne saurais voir !

L’enjeu est tout autre. Pour nous, l’école doit être le lieu de la gratuité. Nous avons déposé une proposition de loi sur ce sujet avec la NUPES : la gratuité ne dépend pas tant des vêtements que portent les enfants que de l’accès aux sorties scolaires, à la cantine, aux fournitures. Il est déjà difficile pour certaines familles d’acquérir les cahiers et stylos de la rentrée scolaire, sans parler des calculatrices de collège et autres équipements indispensables. Pour lutter contre la fracture sociale à l’école, il y a bien d’autres moyens que l’uniforme.

Enfin, cette proposition de loi cherche à valoriser non pas l’école de la République mais des écoles, ayant chacune ses couleurs et sa communauté, opposées les unes aux autres. Ne trouvez-vous pas que les différences entre nos établissements scolaires sont déjà exacerbées ? Les parents cherchent par tous les moyens à en éviter certains, par une sorte de crainte largement montée en épingle. Nous devons lutter pour que tous les enfants de tous les quartiers puissent se retrouver dans leur établissement scolaire de proximité, afin de construire ensemble la République.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Revoilà l’une des arlésiennes du débat sur l’école : l’uniforme lutterait contre les inégalités, mettrait fin aux discriminations liées aux apparences, imposerait de manière ferme et définitive la laïcité dans les établissements, serait enfin l’outil magique pour renouer avec la discipline et la rigueur dans les écoles, mettant fin à des années de laxisme et de pédagogisme éloignant nos chers enfants des vraies valeurs et de l’apprentissage.

Depuis le début de la législature, trois propositions de loi ont été déposées : par le nouveau chef des Républicain Éric Ciotti, par la non-inscrite Emmanuelle Ménard et par le Rassemblement national. Je n’ai aucune confiance dans un groupe politique qui prône la fin de l’école gratuite pour les enfants de personnes étrangères afin de régler les problèmes à l’école, qui suggère de mettre des gamins qui ne seraient prétendument pas faits pour l’école au travail dès 14 ans, ou qui insulte depuis des dizaines d’années l’Éducation nationale, qualifiée de repaire de gauchistes en proie au pédagogisme.

Vous poussez des cris d’orfraie à la moindre mention de l’enseignement d’une langue étrangère à l’école primaire, ou, pire, de l’éducation sexuelle. Vous préférez voir dans l’uniforme une solution miracle, masquant les inégalités au lieu de les combattre. Mais, pour une raison mystérieuse, vous vous arrêtez à l’école publique : pourquoi ne pas aussi l’imposer à l’école privée sous contrat, alors que cette dernière, de moins en moins mixte et pourtant financée à 75 % par l’argent public, perpétue les inégalités ?

La question de l’uniforme, posée dans une démarche globale de lutte contre les inégalités scolaires, pourrait présenter un intérêt. Cependant, son instrumentalisation empêche de l’aborder sereinement.

Le groupe GDR, lui, a bataillé pour augmenter dans le projet de loi de finances les crédits de l’Éducation nationale. Nous avons déposé des propositions de loi pour revaloriser la situation des professeurs, pour réformer l’orientation des élèves et mettre fin à l’injustice de Parcoursup. Nous avons multiplié les événements pour donner l’alerte sur la situation des lycées professionnels et de ses élèves, en majorité issus des classes populaires. Nous nous sommes mobilisés avec la NUPES sur la question des AESH et de la réforme de la carte scolaire. C’est un projet global pour l’école que nous dessinons, luttant réellement contre la reproduction sociale et le mythe de la méritocratie entretenu depuis des années pour justifier les inégalités.

Les inégalités de performance se traduisent dès le primaire et s’approfondissent par la suite. Les élèves dont les parents appartiennent aux catégories socioprofessionnelles les moins favorisées sortent plus souvent du système éducatif sans diplôme. Parmi les élèves entrés en sixième en 2007, 19 % des enfants d’ouvriers non qualifiés n’ont pas obtenu de diplôme du secondaire dix ans plus tard ; 38 % des enfants de parents sans emploi sont dans ce cas, mais seulement 4 % des enfants de cadres, professions libérales et chefs d’entreprise.

Voilà ce qui devrait mobiliser toute notre énergie. Nous ne voterons pas cette proposition de loi car elle s’inscrit dans un discours qui ne nous paraît pas bénéfique pour les enfants de ce pays.

M. Roger Chudeau, rapporteur. Cette proposition de loi, je l’ai dit, n’a jamais eu ni l’ambition ni la prétention de régler l’ensemble des problèmes auxquels se trouve confrontée l’école publique. Nous souhaitons seulement apporter une pierre à sa reconstruction.

Vous estimez qu’elle serait un écran de fumée destiné à masquer les problèmes réels de l’école. Je les ai pourtant exposés par le détail, et j’ai vu certains d’entre vous ricaner devant le panorama que je dressais, hélas dramatique. Le Rassemblement national a du reste mis à l’ordre du jour un débat sur l’état de l’école de la République, qui aura lieu le 10 janvier prochain. Il ne tenait qu’à vous d’en faire autant.

Monsieur Marion, plusieurs études étayent mes propos. Je vous invite à consulter l’étude sur la réduction des faits de violence dans les établissements américains où l’uniforme est porté, publiée par Seunghee Han en 2010, celle de l’Association nationale des directeurs du second degré des États-Unis qui conclut au rôle de l’uniforme dans le renforcement du sentiment d’appartenance à l’établissement, ou encore l’article de John Huss, paru en 2007, sur les corrélations entre les résultats des élèves et le port de l’uniforme.

Plusieurs orateurs, partageant une vision libérale, suggèrent qu’il suffirait de laisser les établissements libres de choisir l’uniforme. Mais le but n’est pas d’ouvrir un nouveau droit, ou de constater qu’il existe, mais d’imposer un nouveau devoir. Dans le cadre de ses responsabilités régaliennes, l’État est chargé de l’action éducatrice. Or cette dernière est menacée dans ses fondements, à des degrés différents, par le marché et par l’islamisme. Nous avons déposé ce texte, mais il aurait été préférable que le ministre Ndiaye lui-même prenne les devants, puisqu’il avait témoigné son intérêt pour la question.

Sur la question du coût, on entend des choses étranges. Il n’appartient pas à l’État d’habiller les enfants. À chaque rentrée scolaire, il faut renouveler la garde-robe des enfants, et ces derniers ont envie de la dernière tenue à la mode – c’est normal, dans tous les milieux, et tout le monde a envie de faire plaisir à ses enfants. Or l’uniforme coûte beaucoup moins cher que des tenues de marque : selon le proviseur du lycée Schœlcher, en Martinique, le coût moyen d’un tee-shirt est de 8 euros, 10 euros s’il est floqué, sans comparaison avec un tee-shirt de marque. Lors de son audition, conjointe avec celle de la direction académique des services de l’Éducation nationale (Dasen) de Martinique, nous avons appris que la demande de porter un uniforme émanait des collégiens qui, arrivant au lycée, craignaient d’être stigmatisés en raison de leur tenue civile. Les familles du second degré ont plébiscité ce choix, généralisé à 98 % des lycées. Enfin, le proviseur a fait valoir l’effet de l’uniforme sur la diminution du nombre d’intrusions.

Monsieur Vannier, le conseil d’école ou le conseil d’administration du collège ne sont pas un comité Théodule. Ce sont les institutions de l’école de la République. Ils sont compétents pour prendre des décisions dans ce domaine.

L’argument d’une concurrence entre établissements est tout aussi spécieux. Les élèves du public sont affectés par l’administration dans leur collège, en fonction de découpages territoriaux. Je n’ai jamais entendu parler de batailles rangées entre écoles. Les conflits entre bandes rivales qui existent sont de nature ethnique ou relèvent de luttes de territoire liées à des trafics : cela n’a rien à voir avec l’école, et j’ai du mal à croire que vous imaginiez des émeutes entre écoliers pour défendre leur uniforme.

Monsieur Minot a raison d’affirmer que le port de l’uniforme signe l’entrée dans une nouvelle famille, celle de la communauté éducative – notion bien établie. Il me paraît normal d’être fier d’appartenir à sa communauté éducative. À ce propos, quelques-uns ont osé dire que le port de l’uniforme stigmatiserait les élèves de REP. Je trouve ce propos absolument honteux. Je crois au contraire que, dans les quartiers difficiles, porter la tenue de son école publique, la seule institution de la République encore présente, remplirait l’élève de fierté et le soustrairait à l’influence des bandes et des caïdats de toute nature.

S’agissant de l’argument financier, il ne revient ni à l’État ni aux collectivités territoriales d’habiller les enfants. Le coût moyen d’un trousseau devrait être abordable. Le collège pourra procéder à des achats groupés par le biais d’une association. C’est une pratique courante et les familles ne s’en plaignent pas, car l’uniforme est moins coûteux que la tenue civile.

Quelques-uns d’entre vous affirment enfin que l’école ne devrait pas effacer les différences culturelles et sociales entre les élèves. Nos positions sont diamétralement opposées, et c’est vous qui avez tort. Depuis Jules Ferry, l’école a précisément pour objectif de gommer l’influence de la famille et de l’Église. Relisez les lois scolaires, relisez Aristide Briand, rapporteur de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, affirmant que la République se construit contre l’Église ! Comme l’a expliqué Jules Ferry, l’école publique avait pour but de soustraire les enfants, et notamment les jeunes filles, de l’influence de la famille, elle-même étant supposée être sous l’influence de l’Église. Ce sont des faits historiques, pas une interprétation.

L’ambition de l’école publique en France a donc toujours été de gommer les différences sociales, culturelles, de religion ou d’opinion véhiculées par les familles au bénéfice des apprentissages, de la construction de l’élève. Notez d’ailleurs que nous parlons d’élèves et non d’écoliers, comme en allemand ou en anglais par exemple : nous voulons les élever, les grandir. Chez nous, l’éducation est nationale. Ce n’est pas indifférent. Dans les pays voisins, l’instruction peut être gérée par l’État, mais elle n’a pas cette ambition. Il y a chez nous une responsabilité de l’État, de la société, qui se fixent l’ambition assez colossale de fabriquer des citoyens éclairés, libres et autonomes. Cela passe par la négation de tout ce qui peut les opposer en tant qu’enfants de telle ou telle famille. C’est la philosophie même de l’enseignement public, et je regrette d’avoir à la rappeler à des gens qui font profession de le défendre.

Madame Carel, vous dites que l’uniforme pourrait pousser les parents, notamment de confession musulmane, à créer des écoles « hors contrat, et donc hors contrôle ». Mais il n’y a plus d’école hors contrôle dans notre pays, puisque les écoles hors contrat sont sévèrement contrôlées par l’État. C’était le but de la loi « séparatisme » de 2021. Depuis, les nouvelles écoles confessionnelles ne se sont pas multipliées. D’ailleurs, le rapport entre le fait de porter un uniforme d’établissement et d’ouvrir une école confessionnelle m’échappe un peu.

S’agissant de la laïcité de liberté et de la laïcité de contrôle, tout nous oppose. La première est surtout la liberté pour les islamistes de faire de l’entrisme dans nos établissements et de les déstabiliser. Ma vision de la laïcité est plus dure et plus républicaine : nous devons faire obstacle à l’introduction dans nos écoles de toute menée religieuse ou politique – aujourd’hui, de l’islamisme ; autrefois, de l’Église catholique. Aujourd’hui, un religieux en tenue ecclésiastique ne peut plus enseigner dans une école publique et il doit être interdit à tous, élève ou parent, d’entrer dans un établissement public vêtu de vêtements religieux. Ces positions sont inconciliables.

Vous voulez par ailleurs protéger les choix individuels des jeunes, comme si la jeunesse était un concept solide. Mais il y a mille jeunesses ! Elle se fractionne par exemple entre les différents partis représentés ici. La jeunesse n’est pas un concept opératoire, et votre invitation à respecter les choix individuels des jeunes me fait penser à la formule publicitaire de McDonald’s : « Venez comme vous êtes ». Non, on n’entre pas à l’école comme on est ! Quand on franchit le seuil de l’école, on devient symboliquement un citoyen, un adulte, parce qu’on reçoit l’enseignement que dispensent des agents de l’État.

Enfin, et même si je ne vois pas bien le rapport avec l’uniforme, je me désole que le parti communiste conduise la charge de la gauche contre la méritocratie, lui qui était autrefois le parti de l’avant-garde, de l’aristocratie du prolétariat. Vous ne voulez plus ni d’aristocratie du prolétariat ni de méritocratie. Vous avez beaucoup changé.

La méritocratie est un des marqueurs de l’école de la République. Lisez Charles Péguy, les écrits du Conseil national de la Résistance de 1944 ou le plan Langevin-Wallon ! Vous apprendrez, si vous ne le connaissez pas déjà, le principe de justice que les Résistants voulaient défendre au sortir de la guerre : quelles que soient leurs origines sociales, les enfants devaient pouvoir accéder, par leur mérite, aux plus hauts emplois et fonctions de la République et de l’entreprise.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Bertrand Sorre (RE). Si nous partageons tous l’objectif de mettre fin aux discriminations sociales, cela mérite cependant un débat éclairé de notre assemblée. Pour cela, il aurait fallu auditionner toutes les parties prenantes, ce qui n’a pas été fait : les personnels de l’Éducation nationale ou les représentants des parents d’élèves, notamment, n’ont pas été entendus.

Personne ne nie que, dans quelques établissements, des élèves ont porté des vêtements à caractère religieux, allant à l’encontre de la loi ou la contournant. La loi leur a été systématiquement rappelée. Il est préférable de faire de la pédagogie auprès des élèves et des parents, avec la communauté éducative, pour sensibiliser à cette question, en rappelant à chaque fois les tenues autorisées ou non à l’école.

Outre qu’elle devrait être débattue, travaillée, la mesure du port de l’uniforme à l’école ne devrait pas être politico-politicienne, ni viser à stigmatiser une partie de la population française. En adoptant la proposition de loi dans sa rédaction actuelle, ce que je ne souhaite aucunement, nous ne résoudrions rien. Travaillons plutôt les sujets de laïcité, de discrimination sociale ou de réussite scolaire pour tous.

Mme Fabienne Colboc (RE). Le port de l’uniforme n’est pas la solution magique qui permettra de faire disparaître les inégalités scolaires, le harcèlement ou les atteintes à la liberté : il faut agir à la racine, en renforçant notamment les mesures prises depuis 2017.

Par ailleurs, votre proposition de loi ne dit rien du financement de cette mesure. Le coût supplémentaire sera donc supporté par les parents : en vertu de quelle logique ? Quel coût moyen, par enfant et par année, cela représente-t-il ?

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Selon le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, l’uniforme n’apporte rien en matière de résultats scolaires. On nous propose une nouvelle loi, mais pour quoi faire ? Ce n’est pas comme si notre agenda n’était pas surchargé !

Une loi qui concerne les élèves doit toujours avoir pour objet d’améliorer leurs apprentissages et leur bien-être. Contrairement à ce qu’a dit le rapporteur, toutes les études démontrent que le port de l’uniforme ne répond en rien à ces objectifs. L’uniforme n’atténue pas les inégalités sociales – les fournitures scolaires de marque sont aussi des signes de distinction visibles dans les écoles et les collèges.

L’uniforme contraint aussi la construction de l’identité personnelle, pour les jeunes filles comme pour les jeunes garçons, dont nous ne souhaitons pas forcément qu’ils se conforment à la vision du « costard cravate » de M. Ciotti.

Enfin, il ne crée pas non plus un sentiment d’appartenance à une communauté scolaire car il ne fait pas partie de notre culture commune nationale.

Nous sommes favorables à des moyens pour construire une école de l’égalité. Mais un truc qui ne sert à rien et qui coûte de l’argent aux parents, aux collectivités ou à l’État, pour nous, c’est non.

Enfin, pourquoi vous concentrez-vous sur les écoles publiques, qui sont laïques, non sur les écoles privées confessionnelles, qui sont d’ailleurs subventionnées par l’État ?

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Le harcèlement scolaire est un fléau qu’il nous faut combattre. Les statistiques sont inquiétantes : plus d’un jeune Français sur dix subirait une forme de harcèlement scolaire, soit plus de 750 000 enfants chaque année. La liste de ceux qui mettent fin à leur jour pour de telles raisons est bien trop longue. Cette réalité insoutenable n’a pas sa place au sein de l’école de la République.

Le port d’une tenue uniforme permettrait de prévenir certaines situations de harcèlement scolaire. Cet aspect est pourtant peu évoqué dans le rapport. Avez-vous eu des retours d’expérience à ce sujet de la part des établissements qui imposent déjà le port de l’uniforme ? Et pourquoi limitez-vous cette obligation aux écoles et aux collèges, alors que des problèmes plus importants peuvent se poser dans les lycées ?

Mme Cécile Rilhac (RE). Monsieur le rapporteur, vous souhaitez rendre obligatoire le port d’une tenue uniforme dans les écoles et les collèges sur le temps scolaire. Il est illusoire de considérer que les élèves la porteraient uniquement au sein des établissements : ils en seraient aussi vêtus lors des trajets entre le domicile et l’école comme dans le temps périscolaire.

Des bagarres, parfois très violentes, peuvent éclater entre collégiens et lycéens. Je les ai vécues en tant qu’enseignante puis chef d’établissement dans deux départements différents. En estampillant les élèves du logo d’un établissement précis, ces tenues pourraient accentuer, voire créer des rivalités entre établissements. Les élèves porteurs de ces tenues risquent de plus d’être pris pour cible et de subir insultes, racket et autres formes d’agressions inacceptables, car ils seront plus faciles à repérer dans l’espace public.

Un chef d’établissement que vous avez auditionné explique que la tenue uniforme permet de mieux détecter les intrusions, et donc de mieux sécuriser les locaux. Aux États-Unis, certains directeurs d’établissement considèrent en revanche que l’uniformisation des tenues de leurs étudiants a contribué à invisibiliser les membres de gangs, entraînant un rebond des violences au sein de leurs établissements. Comment ces écueils pourront-ils être évités en France ?

Mme Anne Brugnera (RE). L’uniforme est la fausse bonne idée, simpliste, par laquelle le Front national voudrait faire croire qu’imposer une tenue vestimentaire permettrait de résoudre tous les maux de la Terre, toutes les difficultés de l’école. Vous voulez remédier aux problèmes de harcèlement, de laïcité, de classement Pisa, de mathématiques ? La solution magique, c’est l’uniforme – mais pas pour tous, pas pour les écoles privées ! Tout cela n’est pas sérieux. Monsieur le rapporteur, quelles études indiquent précisément que l’uniforme est une solution pour notre école ?

Mme Frédérique Meunier (LR). La question du port de l’uniforme à l’école reste un sujet délicat, on le voit aujourd’hui, mais revient régulièrement. Certains le défendent comme un outil qui favorise l’égalité et permet de lutter contre le harcèlement scolaire et le racket. Pour d’autres, il permettrait de régler la question sensible des tenues religieuses au collège et au lycée. D’autres encore, par manque de courage, préfèrent se cacher derrière des envolées philosophiques à la Tartuffe, pour masquer leur incapacité à régler les problèmes récurrents de l’école de la République.

Selon certains syndicats, ce sujet n’intéresse que le monde politique et ne serait jamais abordé dans les conseils d’administration. Qu’en pensent les directeurs d’écoles ?

Mme Béatrice Piron (RE). La proposition de loi n’énonce que des principes très généraux. Après avoir affirmé que la tenue uniforme, par sa neutralité, vise à abolir les distinctions sociales ou culturelles à caractère vestimentaire dans les établissements, elle n’aborde pas les modalités pratiques d’application. Nos compatriotes auraient pourtant pu être sensibles au fait que ces tenues soient conçues et fabriquées en France. Est-ce votre intention ? Nos capacités de production sont-elles suffisantes ? Quel en serait le coût final ?

Enfin, cette tenue uniforme sera-t-elle unisexe ou genrée ? Toutes les filles n’ont pas envie d’être contraintes à porter des jupes, qui n’apparaissent pas comme un symbole de progrès social et ne sont par ailleurs pas adaptées aux trente minutes d’activité physique recommandées chaque jour à l’école primaire.

M. Alexandre Portier (LR). La question est simple : que peut-on faire pour renforcer l’intégration scolaire et l’efficacité de l’école, et lutter contre les atteintes à la laïcité ? Le groupe Les Républicains considère que le port de l’uniforme est bénéfique et soutient la proposition de loi.

La vacuité des arguments qui sont opposés est consternante, de même que la position de la gauche. Pour sortir le marché et les religions de l’école, il n’y a pas d’argument plus fort que l’uniforme. Les amendements de suppression qui ont été déposés sont des actes de capitulation pour notre école. En cas de doute, mieux vaut amender le texte ou mener des expérimentations ! Monsieur le rapporteur, êtes-vous prêt à soutenir les amendements que nous avons déposés en ce sens ?

Mme Isabelle Périgault (LR). Le port d’une tenue uniforme permettrait de créer une égalité sociale entre les élèves et de lutter contre le non-respect du principe de laïcité. Il touche par là à d’autres difficultés, comme le harcèlement scolaire, notamment, qui s’explique en partie par les différences sociales et les inégalités existant entre les élèves. Le port d’une tenue uniforme, parce qu’il crée un collectif, une identité commune, pourra gommer ces différences, donc l’isolement de certains. Ce n’est certes pas la réponse à tous les problèmes des établissements scolaires : c’est un début, une première étape importante, que nous devons soutenir afin que les élèves se sentent bien à l’école et retrouvent le goût d’apprendre.

M. Roger Chudeau, rapporteur. S’agissant des auditions menées, j’ai été désigné rapporteur la semaine dernière : un délai bien court pour convoquer le ban et l’arrière-ban de l’Éducation nationale ! Nous avons néanmoins pu entendre les représentants de la Dasen de la Martinique, pour lesquels le port de l’uniforme est non seulement soutenu mais ardemment réclamé, notamment par les familles du second degré.

Prendre argument du manque de débat est un peu spécieux. Le débat a lieu maintenant, dans cette enceinte parlementaire. Il n’est ni bâclé ni improvisé : nous avons tout le temps pour évoquer les différents points de vue. Par ailleurs, la question a été soulevée à de nombreuses reprises depuis le début du XXe siècle : n’ayons pas l’air de la découvrir.

Il n’y aura pas de surcoût pour les familles : la tenue uniforme d’établissement, facile à remplacer et beaucoup moins chère, se substitue à la tenue civile que les parents achètent à la rentrée. Il s’agit donc d’une économie réelle pour la famille – c’est du moins ce qui nous a été rapporté de la Martinique.

Traiter de la fabrication des tenues n’est pas l’objet d’une proposition de loi. Naturellement, je souhaite que la tenue soit fabriquée en France. En Martinique, des dizaines de milliers d’élèves portent désormais un uniforme fabriqué sur place, ce qui a redynamisé l’économie locale. Il n’y a aucune raison pour que ces tenues soient fabriquées en Chine. Les professeurs et les représentants des parents qui siègent dans les conseils d’administration auront assez de bon sens pour faire travailler l’économie locale ou nationale.

La proposition de loi ne porte que sur les écoles et les collèges car elle cible l’instruction obligatoire, qui est de la responsabilité régalienne de l’État. Ce n’est pas le cas des lycées. À titre personnel, je suis favorable à l’extension de la mesure aux lycées, mais je pense préférable de laisser le temps au temps : lorsque les collégiens auront porté pendant quatre ans la tenue uniforme réglementaire, ils auront tout naturellement l’envie de demander à leur lycée d’adopter une tenue uniforme. Voyez que tout cela n’a rien d’autoritaire.

Quant à l’enseignement privé, il a un statut particulier. Légalement, nous ne pouvons pas y imposer le port d’une tenue uniforme, qui relève de son caractère propre : la question ne se pose donc pas.

Monsieur Arenas, le ministre ne s’est pas déclaré contre l’uniforme – nous pourrions relire les comptes rendus. Dans cette enceinte, il a expliqué qu’au retour d’un voyage aux Antilles, sa conception de l’uniforme avait évolué et qu’il était prêt à y réfléchir : il envisageait alors de créer une commission ad hoc. Renseignements pris, la commission n’est plus d’actualité ; le ministre a encore une fois changé d’avis.

Le port d’une tenue uniforme aux couleurs de l’établissement mettrait un terme à certaines situations de harcèlement scolaire liées au port de vêtements de marque par les élèves. Cet âge est impitoyable. Sur internet, certains élèves sont dénoncés pour le port de certaines tenues, harcelés, stigmatisés, voire visés par un effet de groupe conduisant à des violences collectives. Le port d’une tenue uniforme d’établissement, qui met tout le monde d’accord et qui introduit tous les élèves dans une même communauté éducative, est de nature à régler une partie de ce problème.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Le rapport mentionne qu’une partie des fonds scolaires seront utilisés pour contribuer à financer les tenues. On peut donc considérer qu’il y a un surcoût, et qu’il ne sera pas à la seule charge des familles.

Nous en venons à l’examen des amendements.

Article unique : Port obligatoire d’une tenue uniforme dans le temps scolaire par les élèves des écoles et des collèges publics

Amendements de suppression AC5 de M. Paul Vannier, AC13 de Mme Cécile Rilhac et AC15 de M. Jean-Claude Raux.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Nous nous opposons à l’obligation du port d’un uniforme scolaire dans les écoles et collèges publics.

D’abord, cela ne respecte pas le principe de gratuité scolaire : il serait absurde de faire peser cette nouvelle dépense sur les familles ou les collectivités locales, à l’heure où leurs budgets sont plus que jamais contraints.

Cette proposition peut ensuite exacerber la concurrence entre établissements, d’autant que le privé sous contrat n’y sera pas soumis – un comble pour une proposition de loi prétendument écrite au nom de l’égalité républicaine.

La troisième raison est politique et pédagogique. Comme souvent, cette proposition du Rassemblement national propose comme futur un retour vers le passé – en l’espèce un passé qui n’existe pas. Sur son blog, l’historien de l’éducation Claude Lelièvre parle de supercherie, notant que si de nombreux élèves portaient des blouses, plus ou moins disparates, il n’y a jamais eu d’uniforme dans le primaire public métropolitain.

Cet article unique est socialement injuste, pédagogiquement inutile et historiquement inepte : nous vous invitons à le supprimer.

Mme Cécile Rilhac (RE). Le code de l’éducation autorise les établissements à instaurer une tenue commune, voire un uniforme. Ceux qui souhaitent expérimenter le port d’une tenue uniforme à leurs couleurs – pour des raisons d’ailleurs différentes de celles qu’a évoquées M. le rapporteur – peuvent l’inscrire dans leur projet d’établissement.

Pour répondre aux préoccupations légitimes que sont la lutte contre les inégalités sociales ou le développement du sentiment d’appartenance, le port d’une tenue uniforme n’est ni spontané, ni plébiscité par les communautés éducatives. Les expériences menées à Troyes ou à Provins n’ont pas été probantes.

N’est-ce pas en partageant des moments communs emplis d’histoires différentes que nos enfants grandissent dans le respect des uns et des autres ? Les élèves ne s’enrichissent-ils pas alors de leurs différences sociales, culturelles, religieuses ou vestimentaires ?

Notre amendement vise donc à supprimer l’obligation que vous souhaitez instaurer par volonté de rendre notre école uniforme et d’y gommer les différences.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Les arguments d’autorité invoqués à l’appui de cette proposition de loi et la condescendance avec laquelle ils sont exposés sont désarmants. Sous le prétexte de réinstaurer l’égalité à l’école, elle tente de mettre sous le tapis l’appartenance sociale, ethnique, religieuse ou culturelle. Or effacer les différences, ce n’est ni déconstruire, ni réduire les inégalités qui en résultent, c’est regarder ailleurs pour éviter de se poser la question qui fâche : pourquoi notre école n’est-elle pas juste ?

L’uniforme n’est pas la panacée. En Angleterre, il ne gomme pas les différences, puisque le blason permet d’identifier tout établissement. Dans les lycées professionnels français, les élèves ne le plébisciteraient pas car ils connaissent déjà la hiérarchie et les préjugés dans leur propre cité scolaire.

Si l’uniforme propre à l’établissement peut être une source de fierté et d’appartenance pour certains élèves, il peut aussi conduire à en stigmatiser d’autres, notamment issus de quartiers prioritaires, et renforcer les marqueurs sociaux discriminatoires. Les vrais signes extérieurs de richesse se retrouvent aussi ailleurs, dans les chaussures ou le téléphone.

Le groupe écologiste s’alarme de cette tentative et s’oppose à la proposition de loi.

M. Roger Chudeau, rapporteur. Madame la présidente, les fonds sociaux ne sont distribués qu’aux collégiens qui en ont besoin : il ne s’agit donc pas d’une charge supplémentaire.

Monsieur Walter, vous affirmez sans rire que la proposition de loi porte atteinte au principe de gratuité de l’école. Les vêtements portés par les écoliers et les collégiens ne sont pourtant pas gratuits ! Quand l’ont-ils jamais été ?

Vous écrivez dans votre exposé sommaire que « le Rassemblement national propose d’ajouter une dépense » aux frais engendrés par la rentrée scolaire. Cet argument est risible. Chacun sait que les familles investissent des sommes élevées dans les tenues que portent les enfants à la rentrée, à l’école comme au collège. Non seulement il faut renouveler la garde-robe parce qu’ils ont grandi, mais les enfants, très sensibles aux effets de mode, insistent pour avoir des vêtements et chaussures de marque, qui sont très onéreux. Faut-il que vous ayez perdu contact avec les réalités des classes populaires pour prétendre qu’une tenue uniforme serait plus onéreuse que des vêtements de marque !

Aux Antilles, où la tenue vestimentaire réglementée est largement répandue, à la demande des familles, le coût moyen d’un tee-shirt est de 8 euros, voire 10 euros lorsqu’il est floqué : c’est sans comparaison avec les marques. Loin d’ajouter une dépense, la proposition de loi soulage les finances de nombreuses familles.

Le vêtement est un marqueur social – votre groupe en fait d’ailleurs un marqueur politique dans l’hémicycle. Un vêtement n’est jamais neutre : il dit quelque chose sur celui qui le porte, notamment sur le plan social. Ne voyez-vous pas que les vêtements divisent les élèves et attisent les rivalités ? Qu’ils sont source de ressentiment, voire de violence ? La tenue uniforme d’établissement a pour but de gommer les différences, de ne plus désigner des enfants mais de transformer symboliquement l’enfant en élève.

Quant à la concurrence entre établissements, l’idée est complètement saugrenue. Les bagarres entre bandes d’élèves reposent toutes sur une appartenance ethnique ou sur des luttes de territoire. Elles n’opposent pas des écoliers ou des collégiens sur la base de leur établissement scolaire. Il n’y a pas de concurrence dans l’enseignement public, puisque les élèves sont affectés par l’autorité administrative selon des critères territoriaux.

Madame Rilhac, vous notez dans votre exposé sommaire que le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse a changé d’avis, ce que chacun peut constater. Le groupe Renaissance lui-même a connu des débats assez tendus sur le sujet : je l’invite à poursuivre sa réflexion dans le bon sens.

Puisque rien ne s’oppose à ce qu’une école ou un collège décide d’adopter une tenue uniforme, il suffirait selon vous de laisser le temps faire son œuvre pour que la décision se généralise. Ce point de vue libéral ignore le fond du problème : notre système éducatif est en voie de déclassement. L’école va mal. Elle est soumise à la double pression du marché et, à un moindre degré, des islamistes, dans les territoires perdus de la République.

L’obligation du port d’une tenue réglementaire et uniforme d’établissement est un début de réponse à ces problèmes. Je n’ai jamais prétendu offrir une réponse universelle. Les enfants entrent aujourd’hui à l’école enveloppés dans la gangue de leur culture familiale. Jules Ferry avait rendu l’instruction obligatoire pour arracher les enfants, notamment les filles, à l’influence de leur famille et de l’Église catholique. Lisez le rapport d’Aristide Briand sur la loi concernant la séparation des Églises et de l’État, qui expose comment la République s’est construite contre l’Église.

Aujourd’hui, nos enfants sont exposés à la pseudo-culture, au salmigondis de la mode, du marché, des réseaux sociaux ou, pire encore, de la propagande de l’islamisme radical. En rendant obligatoire le port de l’uniforme, nous rétablissons le statut d’élève dans sa force et dans sa noblesse. Nous ne voulons pas que soient importés jusqu’au sein de notre école le fatras et le vacarme des luttes de mode, des marques ou des tenues religieuses. L’État, qui, aux termes de la Constitution, définit et conduit l’action éducatrice, a le devoir d’en protéger son école et les élèves. Il s’agit non d’étendre un droit mais d’instaurer un devoir, ce qui, pour des élèves, a une valeur éducative indéniable.

La proposition de loi n’est pas autoritaire ou rétrograde. Elle est novatrice, car notre pays n’a jamais connu l’obligation du port de l’uniforme pour tous les élèves. Elle est aussi très souple dans son application, puisqu’elle donne à chaque école ou collège le choix de la tenue réglementaire d’établissement. L’autonomie des établissements peut donc s’exercer, mais dans le cadre d’une loi protectrice de l’école de la République.

Monsieur Raux, votre exposé sommaire souffre de certaines contre-vérités et incohérences. Non la proposition de loi ne réintroduit pas l’uniforme à l’école, puisque cette obligation n’a jamais existé – la blouse est un vêtement de protection, non un uniforme. Elle est donc novatrice. Elle est une première réponse à la situation nouvelle dans laquelle se trouve notre école.

Vous écrivez que le texte entend « mettre sous le tapis l’appartenance sociale, ethnique, religieuse, culturelle » des élèves. Non, il veut seulement que les signes extérieurs d’appartenance soient effacés lorsque l’enfant, en entrant dans son école ou son collège, devient un élève. Il entre alors dans le sanctuaire du savoir et de la transmission – là où, selon Jean Zay, « les querelles des hommes ne pénètrent pas ». En revêtant sa tenue réglementaire, définie par l’établissement, il affiche symboliquement son adhésion et son respect pour l’institution qui l’éduque et enseigne.

L’écolier peut et doit être fier de son établissement. Vous osez affirmer que l’appartenance à un établissement d’éducation prioritaire serait stigmatisante. Par quelle inversion perverse des valeurs arrivez-vous à pareille affirmation ? L’élève de REP sera fier de son établissement, qui est souvent, dans son quartier, le seul service public, la seule institution qui porte à son fronton la devise de la République. Ne croyez-vous pas cela préférable à la loi des bandes et à la pression islamique, auxquelles les familles et les élèves désirent échapper ?

La conclusion de votre exposé sommaire laisse sans voix, tant elle est déplacée. Pensez-vous vraiment qu’empêcher le port des abayas et des qamis soit de « l’islamophobie nationaliste » ? C’est vraiment inepte.

Avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Frantz Gumbs (Dem). Monsieur le rapporteur, vos arguments se fondent presque uniquement sur les propos des personnes que vous avez auditionnées venant de la Martinique. Mais ce qui motive le port de la tenue uniforme aux Antilles n’a rien à voir avec la défense de la laïcité ou la lutte contre l’islamisme, qui sont vos principales motivations. En outre, un exemple ne peut suffire à généraliser. Mon expérience comme chef d’établissement me permet de soutenir que l’uniforme est efficace en matière de sécurité et de lutte contre les inégalités sociales, mais celle de Mme Rilhac va à l’inverse de ce que j’ai vécu. C’est parce que les situations sont si diverses qu’il est difficile de concevoir une loi valable pour l’ensemble du territoire.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article unique est supprimé et les autres amendements tombent.

L’ensemble de la proposition de loi est ainsi rejeté.

En application de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique se déroulera sur la base du texte initial de la proposition de loi.

*

*     *

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale de rejeter la proposition de loi visant à instituer dans les écoles et collèges publics le port d’une tenue uniforme aux couleurs de l’établissement scolaire (n° 254).

 

 


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   annexe n° 1 :
Liste des personnes entendues par le rapporteur

 

 

       Mme Corinne Gau, inspectrice d’académie, directrice académique adjointe des services de l’éducation nationale de Martinique, M. Mike Dulcio, inspecteur de l’éducation nationale, Mme Jacqueline Julien, inspectrice de l’éducation nationale, M. Didier Marmot, proviseur du lycée Victor Schoelcher à Fort de France, Mme Patricia Tomiche, principale du collège Vincent Placoly à Schoelcher, et Mme Camille Ullindah, déléguée académique aux arts et à la culture

 


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   Annexe n° 2 :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

Unique

Code l’éducation

L. 111‑2

 

 

 

 


([1]) Propos recueillis lors d’une interview au Grand jury RTL, le 16 octobre 2022.

([2]) Source DGRH, prolongation reconduite pour les recrutements pour 2023 –https://www.education.gouv.fr/prolongation-de-la-periode-d-inscriptions-aux-concours-de-recrutement-2023-343414

([3]) Les seuls incidents pour « port de signes et de tenues » religieux représentent plus de la moitié des signalements recueillis en septembre 2022 (54 %), contre 41 % au deuxième trimestre 2022 et 22 % au premier trimestre de la même année.

([4]) Libération, 1er septembre 2001.

([5]) Appellation retenue dans les règlements intérieurs des établissements de l’académie de Martinique qui imposent une tenue uniforme aux élèves.

([6]) Entretien du rapporteur avec le directeur de cabinet du Grand Chancelier de l’ordre de la Légion d’honneur, le 6 décembre 2022.

([7]) Audition des représentants de l’académie de la Martinique, le 7 décembre 2022.

([8]) Sur les 66 lycées recensés dans l’académie de Martinique, 65 ont adopté le port d’une tenue vestimentaire réglementée (polo et jeans ou jupe pour les filles qui le souhaitent) en introduisant ces dispositions dans le règlement intérieur des établissements. En primaire le ratio est d’une école sur trois qui impose le port d’une tenue réglementée.

([9]) Dans les collèges et lycées de Martinique ce coût est de l’ordre de 8 euros pour les polos simples et de 10 euros pour les polos floqués aux couleurs de l’établissement.

([10]) Voir notamment circulaire du 18 mai 2004 relative à la mise en œuvre de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics –https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000252465

([11]) Processus de concertation amorcé en septembre 2020 et achevé en février 2021.

([12]) Dispositif, mis en place par le Grenelle de l’éducation, qui vise à promouvoir le rôle de l’Éducation nationale dans la lutte contre quatre phénomènes distincts : les atteintes aux valeurs de la République, la radicalisation, les violences au sein des établissements, notamment à l’encontre des agents de l’Éducation nationale, et le harcèlement scolaire.

([13]) Table ronde sur la laïcité à l’école, commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, mercredi 9 novembre 2022. Compte rendu n° 12.

([14]) Le Monde, 8 novembre 2022.

([15]) Dans le périmètre de l’enseignement public, il s’agit des établissements scolaires placés sous la tutelle du ministère des Armées et des maisons d’éducation de l’ordre de la Légion d’honneur.  

([16])Texte annexé à la circulaire n° 2013‑144 du 6 septembre 2013 – https://www.education.gouv.fr/bo/13/Hebdo33/MENE1322761C.htm  

([17]) Commission des affaires culturelles, compte rendu n°3 du 19 octobre 2022 – https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion-cedu/l16cion-cedu2223003_compte-rendu.pdf  

([18])  https://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion2821.asp

([19]) https://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion2824.asp

([20]) https://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion4565.asp

([21]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b0740_proposition-loi#

([22]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3690_proposition-loi#

([23]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0254_proposition-loi#  

([24]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0424_proposition-loi#  

([25]) Proposition de loi de Mme Sophie Joissains, n° 262 (2013-2014) déposée le 9 octobre 2013, puis déposée le 14 octobre 2015 sous le numéro 66 (2015-2016), puis déposée le 19 octobre 2018 sous le numéro 65 (2018-2019).

([26]) Alinéa premier de l’article L. 131-1 du code de l’éducation : « L’instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l’âge de trois ans et jusqu’à l’âge de seize ans ».

([27]) L’article L. 511-1 du code de l’éducation dispose que « les obligations des élèves consistent dans l’accomplissement des tâches inhérentes à leurs études », et que celles-ci « incluent l’assiduité et le respect des règles de fonctionnement et de la vie collective des établissements ». Si le comportement des élèves en matière vestimentaire peut relever de cet article, ce dernier n’y fait pas directement référence, non plus que l’ensemble des autres dispositions tant législatives que réglementaires du même code.

([28]) Circulaire du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative n° 2011-112 du 1er août 2011.

([29]) Voir notamment le premier alinéa de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.

([30]) Dans deux cas précis, la notion de « tenue convenable » peut néanmoins impliquer le port de vêtements déterminés : il s’agit respectivement des cours d’éducation physique et sportive (EPS) pour des raisons d’hygiène et de sécurité, ainsi que des enseignements imposant le port d’équipements de protection (en particulier dans les filières professionnelles du baccalauréat).  

([31]) Le Conseil d’État a ainsi jugé que le respect de la « décence » est l’un des motifs pouvant justifier l’exercice, par le maire d’une commune littorale, de ses pouvoirs de police générale pour conditionner l’accès à une plage au respect d’obligations de nature vestimentaire (CE, 26 août 2016, Ligue des droits de l'homme, n° 402742).

([32]) Loi n° 2004-228 du 15 mars 2004.

([33]) Circulaire du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse du 9 novembre 2022 relative au Plan laïcité dans les écoles et les établissements scolaires.

([34]) Audition de représentants du rectorat de l’académie de Martinique, réalisée le 7 décembre 2022.

([35]) L’article L. 401-2 du code de l’éducation dispose que « dans chaque école et établissement d’enseignement scolaire public, le règlement intérieur précise les conditions dans lesquelles est assuré le respect des droits et des devoirs de chacun des membres de la communauté éducative ». Les attributions du conseil d’école et du conseil d’administration sont prévues respectivement par les articles L. 411-1 et L. 421-4 du même code.

([36]) Il s’agit des lycées militaire d’Aix-en-Provence, d’Autun et de Saint-Cyr-l’École, ainsi que du Prytanée national militaire de La Flèche, de l’École militaire préparatoire technique et de l’École des pupilles de l’air. Le régime de ces établissements, placés sous la tutelle du ministre chargé de la défense, est fixé par les articles R. 425-1 et suivants du code de l’éducation.

([37]) Voir notamment le règlement intérieur des lycées de la défense relevant de l’armée de terre (RILDAT).

([38]) RILDAT, p. 4.

([39]) L’article R. 425-2 du code de l’éducation détermine deux régimes d’admission dans ces établissements, selon qu’elle concerne les enfants et ayants droit de militaires (aide à la famille) ou qu’elle a vocation à conduire au recrutement de l’élève (aide au recrutement).

([40]) Situés à Saint-Denis et Saint-Germain-en-Laye, ces établissements ont vocation à « assurer l’éducation des filles, petites-filles et arrière-petites-filles de décorés de la Légion d'honneur, de la Médaille militaire et de l’ordre national du Mérite » (article R. 121 du code de la Légion d’honneur, de la Médaille militaire et de l’ordre national du Mérite).

([41]) Section « codes et usages » du site internet de la grande chancellerie de la Légion d’honneur : https://www.legiondhonneur.fr/fr/page/codes-et-usages/280

([42]) Voir notamment l’arrêté du 17 mai 2021 relatif au prix de la pension et du trousseau des élèves des maisons d’éducation de la Légion d’honneur.

([43]) Ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, « Guide pratique pour la direction de l’école primaire », septembre 2014.

([44])  https://assnat.fr/lJt5oy