N° 1745
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2023
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024
(n° 1680),
TOME II
|
examen de la premiÈre partie conditions gÉnÉrales de l’Équilibre financier |
Volume 1
COMMENTAIRES D’ARTICLES
(de l’article liminaire jusqu’à l’article 23)
Par M. Jean-RenÉ CAZENEUVE
Rapporteur général,
Député
——
SOMMAIRE
___
Pages
PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE PREMIER : DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I – Impôts et ressources autorisés
A – Autorisation de perception des impôts et produits
Article 1er Autorisation de percevoir les impôts existants
Article 3 Régime fiscal du plan d’épargne avenir climat
Article 5 Crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte
Article 6 Aménagement de la fiscalité du logement
Article 8 Aménagement de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises
Article 11 Adaptation des tarifs d’accise sur les énergies
Article 12 Réduction progressive de dépenses fiscales défavorables à l’environnement
Article 15 Taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance
Article 16 Réforme des redevances des agences de l’eau
Article 17 Suppression de dépenses fiscales inefficientes et d’une taxe à faible rendement
Article 18 Mise en œuvre du transfert du recouvrement des contributions indirectes à la DGFiP
Article 19 Mise en œuvre du plan de lutte contre les fraudes
Article 20 Délit de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale
Article 22 Renforcement du contrôle des prix de transfert des entreprises multinationales
Article 23 Aménagement des modalités de réalisation des contrôles fiscaux
Article liminaire
Prévisions de solde structurel et de solde effectif
de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2024,
prévisions d’exécution 2023 et exécution 2022
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article liminaire présente sous forme d’un tableau les prévisions de soldes, de dette, de taux de prélèvements obligatoires et de principales dépenses d’investissement en milliards d’euros pour l’ensemble des administrations publiques. S’y ajoutent l’objectif d’évolution en volume et la prévision en milliards d’euros de la dépense publique, qui font l’objet dans le même tableau d’une déclinaison par sous-secteur d’administration.
Les prévisions portent sur 2023 et 2024. Elles sont complétées par les données correspondantes d’exécution pour 2022 et les prévisions pour 2024, telles qu’elles figuraient dans le texte initial du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Pour 2024, le déficit public est estimé à 4,4 % du produit intérieur brut (PIB), en baisse sensible de 0,5 point. La majeure partie (3,7 % du PIB) proviendrait de sa composante structurelle, dont la sensible réduction de 0,4 point explique l’essentiel de l’amélioration du solde effectif des administrations publiques. Le déficit conjoncturel se réduirait de 0,1 point, passant de 0,7 % à 0,6 % du PIB de 2023 à 2024, mais demeurerait supérieur de 0,1 point à son niveau de 2022, tandis que l’impact des mesures temporaires ou exceptionnelles serait stable, se traduisant par une contribution de – 0,1 point de PIB au solde effectif.
Principaux amendements adoptés par la commission des finances
Avant de rejeter la première partie du projet de loi de finances pour 2024, la commission a adopté deux amendements rédactionnels du rapporteur général puis a rejeté l’article.
Aux termes de l’article 1er H de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ([1]) et comme le prévoyait antérieurement la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (LOPGFP) ([2]), l’article liminaire présente, dans un tableau de synthèse, le solde structurel et le solde effectif annuels pour l’année précédente, l’année en cours et l’année à venir, avec l’indication des calculs permettant de passer de l’un à l’autre en intégrant les mesures ponctuelles temporaires. Le tableau doit aussi rappeler les prévisions de la loi de programmation des finances publiques pour l’année en question.
Les exigences de la LOLF, telle que réformée par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la gestion des finances publiques ([3]), prévoient en outre que le tableau de synthèse comporte, pour les trois mêmes années, l’état de la prévision, déclinée par sous-secteur d’administration publique, de l’objectif d’évolution en volume et de la prévision en milliards d’euros courants des dépenses des administrations publiques, ainsi que l’état des prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations publiques, exprimées en pourcentage du produit intérieur brut (PIB).
I. la décrue du déficit public
Après la forte dégradation des comptes publics en 2020 et 2021 du fait de la crise sanitaire, la normalisation du solde public est amorcée. Après deux années de stabilité, à – 4,8 % du PIB en 2022 et – 4,9 % en 2023, le solde des administrations publiques pour 2024 serait de – 4,4 % du PIB, soit le déficit le plus faible depuis 2020.
Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les annÉes 2019 À 2024
(en % du PIB)
|
Soldes |
Exécution 2019 |
Exécution 2020 |
Exécution 2021 |
Exécution 2022 |
Prévision 2023 |
Prévision |
|
Solde structurel (1) |
– 2,2 |
– 1,3 |
– 5,1 |
– 4,2 |
– 4,1 |
– 3,7 |
|
Solde conjoncturel (2) |
0,2 |
– 5,0 |
– 1,4 |
– 0,5 |
– 0,7 |
– 0,6 |
|
Mesures exceptionnelles et temporaires (3) |
– 1 |
– 2,8 |
– 0,1 |
– 0,1 |
– 0,1 |
– 0,1 |
|
.Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3) |
– 3 |
– 9,1 |
– 6,5 |
– 4,8 |
– 4,9 |
– 4,4 |
|
Solde effectif hors mesures exceptionnelles (5=4-3) |
– 2,9 |
– 6,3 |
– 6,4 |
– 4,7 |
– 4,8 |
– 4,3 |
Source : articles liminaires des lois de finances pour 2021, 2022 et 2023 et du projet de loi de finances pour 2024.
A. une amélioration du solde public dans un contexte de légère accélération de la croissance
1. Les effets de la croissance en recettes et en dépenses
Après une année 2022 marquée par l’invasion russe de l’Ukraine, le rebond des tensions d’approvisionnement et la hausse des prix des matières premières qui ont entraîné un net ralentissement de l’activité à partir de l’automne, la croissance du produit intérieur brut (PIB) atteindrait 1 % en 2023, conformément à l’estimation figurant dans le Programme de stabilité pour les années 2023 à 2027, tandis que l’inflation s’établirait à 4,9 %. En 2024, une croissance de 1,4 % témoignerait de l’accélération de l’activité à l’heure où l’effet des chocs de l’année 2022 se dissipe et où la normalisation de l’inflation verrait celle-ci réduite à 2,6 %.
Quoiqu’elles ne soient pas nulles, les incertitudes entourant ces prévisions s’atténuent : l’évolution de l’inflation, laquelle atteindrait 4,9 % en 2023, est conforme aux prévisions du Programme de stabilité 2023-2027 ; les craintes relatives à l’approvisionnement énergétique sont moindres dans un contexte de rapide reconstitution des stocks de gaz et d’économie d’énergie, tandis que la production d’électricité rebondit ; le risque financier reflue par rapport au printemps dernier, marqué par le rachat de Crédit suisse et la faillite de Silicon Valley Bank.
Les prévisions de recettes fiscales nettes pour 2023 sont révisées à la hausse de 3,9 milliards d’euros par rapport à la loi de finances pour 2023, notamment en raison de recettes d’impôts sur le revenu, d’impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée (part État) respectivement supérieures de 3,3 milliards d’euros, 6 milliards d’euros et 1,6 milliard d’euros à la prévision initiale, les autres recettes fiscales étant inférieures de 6,9 milliards d’euros à celle-ci. Non corrigé des effets du bouclier tarifaire, le taux de prélèvements obligatoires passerait de 45,4 % du PIB en 2022 à 44 % du PIB en 2023 ; corrigé des effets du même bouclier, il passerait de 45,6 % du PIB en 2022 à 44,4 % du PIB en 2023.
En 2024, les recettes fiscales nettes progresseraient de 17,3 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2023, pour s’établir à 349,4 milliards d’euros, sous l’effet de prévisions d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée (part État) respectivement supérieures de 10,9 milliards d’euros, 3,5 milliards d’euros et 4,1 milliards d’euros à la prévision révisée pour 2023. Corrigé des effets du bouclier tarifaire, le taux de prélèvements obligatoire serait stable, à 44,4 % du PIB ; non corrigé des mêmes effets, il connaîtrait une progression réduite de 0,1 point pour s’établir à 44,1 % du PIB.
La prévision de dépense publique fait l’objet de données détaillées, qui déclinent l’objectif d’évolution des dépenses des administrations publiques (ODAP) figurant désormais obligatoirement dans les lois de programmation des finances publiques (LPFP).
Évolution de la dÉpense publique
pour l’ensemble des administrations publiques entre 2022 et 2024
|
|
2022 |
2023 |
2024 |
|
Dépense publique (hors crédits d’impôt) en % du PIB |
57,7 |
55,9 |
55,3 |
|
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
1 523 |
1 575 |
1 622 |
|
Évolution de la dépense publique hors crédits d’impôt en volume (en %) |
– 1,1 |
– 1,3 |
0,5 |
|
Principales dépenses d’investissement (en milliards d’euros) |
/ |
25 |
30 |
Source : article liminaire du projet de loi de finances pour 2024.
En cohérence avec les prévisions d’inflation, la dépense publique, pour la deuxième année ([4]), évaluée en milliards d’euros, progresse en valeur mais diminuerait en volume en 2023.
2. Une réduction du déficit
Ayant atteint un point haut en 2020 sous l’effet des conséquences de la pandémie de covid-19, le déficit public rapporté au PIB se réduit graduellement. Après que l’exécution pour l’année 2021 a donné lieu à un déficit très inférieur aux prévisions (– 6,5 % contre – 8,5 % en PLF 2021), le déficit a été conforme en 2022 à la prévision (– 4,8 %, comme attendu aux termes de l’article liminaire de la version initialement déposée du projet de loi de finances pour 2022). Après une quasi-stabilité en 2023, il connaîtrait une régression de 0,5 point en 2024.
DÉficit public effectif depuis 2009
|
Année |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
|
En % du PIB |
7,2 |
6,9 |
5,2 |
5,0 |
4,1 |
3,9 |
3,6 |
3,6 |
3,0 |
2,3 |
3,1* |
|
En milliards d’euros |
138,9 |
137,4 |
106,1 |
104,0 |
86,5 |
83,9 |
79,7 |
81,3 |
68,0 |
54,1 |
74,7 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Année |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
|
|
|
|
|
|
En % du PIB |
9,0 |
6,5 |
4,8 |
4,9 |
4,4 |
|
|
|
|
|
|
|
En milliards d’euros |
208,2 |
162,1 |
126,8 |
138,8 |
128,3 |
|
|
|
|
|
|
* Le déficit public est aggravé, en 2019, par la mesure exceptionnelle de bascule du CICE en baisse de cotisations sociales, à hauteur de 0,8 point de PIB.
Source : Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), comptes nationaux jusqu’en 2021, projet de loi de finances pour 2024 pour les années 2022 à 2024.
En 2023, le déficit public devrait en effet atteindre 4,9 %, alors que la prévision initiale était de 5 % du PIB, la baisse des prix de l’énergie ayant permis une réduction du coût des différentes mesures de soutien. En 2024, il poursuivrait sa réduction avec une baisse sensible de 0,5 point, pour s’établir à 4,4 % du PIB, conformément au Programme de stabilité 2023-2027, sous l’effet de la fin progressive des mesures temporaires relatives la hausse des prix de l’énergie et des mesures de relance et de soutien, cet effet étant cependant partiellement compensé par la hausse de la charge d’intérêt de la dette sous l’effet de la hausse des taux.
Ces prévisions demeurent inchangées par rapport au Programme de stabilité 2023-2027, qui prévoit le retour d’un ajustement nominal positif à partir de 2024 du fait notamment de l’amélioration du solde conjoncturel.
Trajectoire pluriannuelle des finances publiques
prévue par le programme de stabilité 2023-2027
(en % du PIB)
|
|
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
|
Solde public |
– 4,9 |
– 4,4 |
– 3,7 |
– 3,2 |
– 2,7 |
|
Ajustement nominal |
– 0,2 |
0,5 |
0,7 |
0,5 |
0,5 |
|
Solde conjoncturel |
– 0,8 |
– 0,7 |
– 0,5 |
– 0,3 |
0,0 |
|
Solde structurel (en % du PIB potentiel) |
– 4,0 |
– 3,6 |
– 3,1 |
– 2,8 |
– 2,6 |
|
Ajustement structurel |
0,0 |
0,4 |
0,4 |
0,3 |
0,2 |
Source : Programme de stabilité 2023-2027.
B. un solde structurel important qui amorce sa décrue
La notion de solde structurel doit permettre de donner une vision plus sincère de l’équilibre des comptes publics. Le solde structurel continue, en 2023 et 2024, de représenter une part importante du déficit effectif prévu.
1. Une donnée suivie au titre des engagements européens de la France
Le solde structurel est l’une des composantes du solde budgétaire public. Il correspond au solde corrigé des effets du cycle économique.
a. Une notion retenue par les traités européens et déclinée dans la loi organique
L’objectif d’équilibre des comptes publics du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG) est défini en termes de solde structurel. L’article 3 du TSCG précise que cet objectif est atteint lorsque le solde structurel des administrations publiques est inférieur à 0,5 point de PIB pour les États membres dont la dette dépasse 60 % du PIB et à un point de PIB pour les autres États membres.
Cette règle est normalement mise en œuvre dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance (PSC). Ce volet préventif prévoit que les États membres doivent déterminer un objectif de moyen terme (OMT), défini en termes de solde structurel, compris entre – 0,5 point de PIB et l’excédent. Ils doivent également définir une trajectoire d’ajustement structurel minimal en vue d’atteindre l’OMT, étant précisé que le solde structurel doit converger vers l’OMT retenu d’au moins 0,5 point de PIB par an (et de plus de 0,5 point par an lorsque la dette de l’État membre dépasse 60 % de son PIB).
En France, la loi de programmation des finances publiques doit, aux termes de la LOLF, déterminer les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels successifs des administrations publiques, qui est ensuite déclinée en lois de finances. Le solde structurel est un indicateur faisant l’objet d’un suivi pluriannuel encadré par la LOLF.
Le mécanisme de correction de la loi organique
L’article 62 de la LOLF ([5]) prévoit un mécanisme de correction lorsqu’un écart important est constaté entre l’exécution de l’année écoulée et la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation des finances publiques. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a la mission d’identifier un tel écart, dans son avis joint au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année précédente.
Un écart est considéré comme important lorsqu’il représente au moins 0,5 % du PIB sur une année donnée ou au moins 0,25 % du PIB par an en moyenne sur deux années consécutives.
Le déclenchement du mécanisme de correction doit conduire le Gouvernement à exposer les raisons de l’écart important qui a été constaté et à présenter des mesures de correction, lors de l’examen du projet précédemment mentionné de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année précédente.
Il est toutefois prévu que le déclenchement du mécanisme de correction n’intervienne pas, à l’appréciation du HCFP, en présence de circonstances exceptionnelles répondant aux conditions fixées par le TSCG, c’est-à-dire quand elles correspondent « à des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique ».
b. Des règles de calcul complexes
Le calcul des composantes conjoncturelle et structurelle du déficit fait intervenir les notions de croissance potentielle, de PIB potentiel et d’écart de production. Le déficit structurel est la différence entre le déficit effectif et le déficit conjoncturel, lequel est fonction de l’écart entre le PIB effectif et le PIB potentiel. Le PIB potentiel est une construction économétrique définie comme le niveau maximum de production au-delà duquel apparaissent des tensions inflationnistes.
Plusieurs de ces notions, non observables en finances publiques ou en comptabilité nationale, sont sujettes à des discordances d’interprétation. Ainsi, l’enregistrement des mesures d’urgence prises dans le cadre des lois de finances rectificatives pour 2020 en tant que mesures temporaires a conduit à ne pas les comptabiliser dans le solde structurel.
2. Une décrue sensible en 2024
À partir de 2021, le solde structurel s’est éloigné des objectifs européens et de l’orientation pluriannuelle votée pour les années 2018 à 2022. Cependant, le Haut Conseil estimait depuis le printemps 2020 ([6]) que les conditions économiques étaient réunies pour que s’applique la clause des circonstances exceptionnelles, de nature à justifier des écarts à la trajectoire de la LPFP en vigueur, adoptée avant la crise sanitaire.
Si le solde structurel, passant de – 4,2 % à – 4,1 % du PIB a peu évolué entre 2022 et 2023, il amorcerait une décrue sensible en 2024 pour atteindre – 3,4 % du PIB, le Haut Conseil relevant toutefois que la prévision pour 2024 pourrait être « un peu surestimée, notamment du fait des recettes attendues, qui pourraient être moins élevées si la croissance économique était moins forte que prévu par le Gouvernement, et de certaines dépenses apparaissant sous-estimées (notamment les dépenses de santé et le coût des mesures énergétiques) » ([7]).
II. un suivi fin de l’Évolution des dépenses publiques
À la suite de la réforme de la LOLF, l’article liminaire est désormais enrichi de données déclinées par sous-secteur d’administration : administrations publiques centrales (APUC), administrations publiques locales (APUL) et administrations de sécurité sociale (ASSO).
déclinaison du solde, de la dépense publique en valeur
et de l’évolution en volume de celle-ci par sous-secteur d’administration
|
|
2022 |
2023 |
2024 |
|
Administrations publiques centrales |
|||
|
Solde en % du PIB |
– 5,2 |
– 5,4 |
– 4,7 |
|
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
625 |
631 |
639 |
|
Évolution de la dépense publique hors CI en volume (en %)1 |
– 0,1 |
– 3,6 |
– 1,4 |
|
Administrations publiques locales |
|||
|
Solde en % du PIB |
0,0 |
– 0,3 |
– 0,3 |
|
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros=) |
295 |
312 |
322 |
|
Évolution de la dépense publique hors crédit d’impôt en volume (en %)1 |
0,1 |
1,0 |
0,9 |
|
Administrations de sécurité sociale |
|||
|
Solde en % du PIB |
0,4 |
0,7 |
0,6 |
|
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
704 |
730 |
761 |
|
Évolution de la dépense publique hors CI en volume (en %)1 |
– 2,4 |
– 0,5 |
1,7 |
|
Toutes administrations publiques |
|||
|
Solde en % du PIB |
– 4,8 |
– 4,9 |
– 4,4 |
|
Dépense publique (hors crédits d’impôt, en milliards d’euros) |
1 523 |
1 575 |
1 622 |
|
Dépense publique (hors crédits d’impôt) en % du PIB |
57,7 |
55,9 |
55,3 |
|
Évolution de la dépense publique hors CI en volume (en %) |
– 1,1 |
– 1,3 |
0,5 |
1 à champ constant, hors transferts entre administrations publiques.
N.B. : La somme des objectifs de dépense par sous-secteurs, exprimés en milliards, est supérieure pour chacune des années indiquées à l’objectif de dépense pour le champ des administrations publiques. Cette différence tient à la neutralisation des transferts entre administrations dans le chiffre présenté pour la dépense publique.
Source : article liminaire du projet de loi de finances pour 2024.
A. un déficit public largement porté par l’état
Présentant la part de chaque sous-secteur dans le solde public, l’article liminaire permet d’observer que le déficit continue d’être largement porté par l’État :
– en 2023, le déficit des APUC pèse sur le déficit des administrations publiques, et l’excédent des ASSO ne le compense que très partiellement ;
– pour l’année 2024, l’excédent des ASSO se réduirait de 0,1 point de PIB, tandis que le solde des APUC s’améliorerait de 0,7 point et que celui des APUL serait stable, le solde public total se trouvant amélioré par l’effet conjugué de ces variations.
La prévision de dépense en milliards d’euros renseigne sur les ordres de grandeur pour chacun des sous-secteurs. En 2024, la dépense des APUL, d’un montant de 322 milliards d’euros, représenterait environ la moitié de celle des APUC, qui s’élèverait à 639 milliards d’euros, laquelle serait inférieure d’environ 16 % à la dépense des ASSO, elle-même d’un montant de 761 milliards d’euros.
B. une sensible réduction en volume de la dépense des administrations centrales
En complément des prévisions en valeur, l’article liminaire comprend la prévision de l’évolution en volume des dépenses des administrations publiques par sous-secteur. Cette mention paraît indispensable pour éclairer les variations constatées dans un contexte où une inflation de 2,6 % est prévue pour l’année 2024.
Après deux années de baisse, la dépense publique connaîtrait une progression en volume de 0,5 %, essentiellement sous l’effet de la progression de la dépense des ASSO. Celle-ci progresse effectivement de 1,7 %, tandis que la dépense des APUC diminuerait de 1,4 % en 2024, après avoir connu une baisse de 3,6 % en 2023. Il convient de noter que la dépense des APUL progresserait également, à hauteur de 0,9 % en 2024, après une hausse de 1 % en 2023.
III. des références à la programmation des finances publiques à actualiser
En application de l’article 1er H de la LOLF, l’article liminaire d’un projet de loi de finances doit rappeler les prévisions de la loi de programmation des finances publiques en vigueur pour l’année en question. C’est l’objet de la dernière colonne du tableau figurant au deuxième alinéa de cet article.
En l’absence d’une loi de programmation en vigueur, le projet de loi de finances pour 2024 reprend toutefois, à l'instar du projet de loi et de la loi de finances pour 2023, les prévisions figurant à l’article 3 du texte initial du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ([8]), déposé le 22 septembre 2022.
Actuellement soumis, en nouvelle lecture, à l’examen du Sénat, ledit projet de loi de programmation des finances publiques pourrait être adopté avant que ne soit examiné en nouvelle lecture le projet de loi de finances pour 2024. Le cas échéant, il conviendra alors d’actualiser en conséquence la colonne concernée du tableau de l’article liminaire.
*
* *
PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES
DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE PREMIER : DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I – Impôts et ressources autorisés
A – Autorisation de perception des impôts et produits
Article 1er
Autorisation de percevoir les impôts existants
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 1er du projet de loi de finances autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État.
Il prévoit également que, sous réserve de dispositions contraires, les dispositions fiscales du projet de loi de finances s’appliquent au 1er janvier 2024.
Principaux amendements adoptés par la commission des finances
Avant de rejeter la première partie du projet de loi de finances pour 2024, la commission a adopté cet article sans modification.
I. L’autorisation de percevoir les ressources publiques
Aux termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement ». Découlant du principe ainsi posé en 1789, l’article 1er du projet de loi de finances de l’année renouvelle l’autorisation annuelle de percevoir les impôts, élément essentiel de la tradition démocratique en vertu de laquelle l’impôt n’est légitime que parce qu’il est librement consenti par la Nation. Il revient donc au Parlement d’exprimer ce consentement qui, par nature, doit être renouvelé régulièrement.
Compétence exclusive et obligatoire de la loi de finances de l’année, l’autorisation prévue par l’article 1er voit son champ précisé par le 1° du I de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([9]), qui dispose que « la loi de finances de l’année autorise, pour l’année, la perception des ressources de l’État et des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État ».
L’autorisation n’est accordée que pour l’année, conformément au principe constitutionnel d’annualité repris à l’article 1er de la LOLF. Elle vise non seulement les recettes fiscales mais également l’ensemble des autres ressources perçues en vue de financer le service public : revenus industriels et commerciaux, rémunérations de services rendus, fonds de concours, remboursements de prêts et d’avances, produits de cessions… Elle couvre les impositions de toutes natures affectées aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers – publics ou privés – habilités à les percevoir. D’application générale, le principe d’annualité de l’impôt vise à protéger, par cette autorisation, l’ensemble des contribuables, quel que soit l’organisme bénéficiaire de l’imposition.
Cet article matérialise ainsi le monopole de la loi de finances sur l’autorisation de percevoir les impôts et les impositions de toutes natures. En particulier, c’est la loi de finances qui autorise le prélèvement des impositions de toutes natures affectées à la protection sociale et non la loi de financement de la sécurité sociale.
Pour que le consentement soit libre, encore faut-il qu’il soit éclairé. Les ressources perçues par l’État – recettes fiscales, recettes non fiscales et fonds de concours –, ainsi que les dépenses fiscales relatives aux impositions dont le produit est perçu par l’État, sont détaillées respectivement dans les premier et second tomes de l’annexe au projet de loi de finances relative aux évaluations des voies et moyens.
La liste des impositions affectées aux autres organismes publics et la présentation des prélèvements obligatoires par sous-secteur d’administration publique sont fournies respectivement par le premier tome de cette annexe et par le rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation prévu à l’article 50 de la LOLF.
Le dispositif de l’article 1er du projet de loi de finances comporte immuablement deux parties.
Le I autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l’État pendant l’année 2024.
Le II précise les modalités d’entrée en vigueur des dispositions fiscales de la loi de finances qui ne comportent pas de date d’application particulière : par défaut, elles s’appliquent à compter du 1er janvier 2024.
Deux exceptions sont traditionnellement prévues :
– l’une pour l’impôt sur les sociétés, qui prévoit en l’occurrence que celui-ci est dû sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2023, mention nécessaire en raison, d’une part, du fait que la date de clôture de l’exercice diffère d’une entreprise à l’autre et, d’autre part, du mode de recouvrement par acomptes et soldes de cet impôt direct ;
– l’autre pour l’impôt sur le revenu, la loi de finances s’appliquant à l’impôt dû au titre de l’année 2023 et des années suivantes.
La mise en place du prélèvement à la source pourrait conduire à l’extinction progressive de la deuxième exception. Celle-ci demeure cependant nécessaire car l’article 2 du projet de loi a pour objet de revaloriser les seuils et limites du barème de l’impôt sur le revenu de l’année 2023 afin de neutraliser les effets de l’inflation.
*
* *
Article 2
Indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu pour les revenus de 2023 et des grilles de taux par défaut du prélèvement à la source
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article procède à l’indexation :
– du montant des tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu (IR) ainsi que de plusieurs seuils et plafonds intervenant dans le calcul de l’impôt, à hauteur de l’évolution des prix hors tabac anticipée pour 2023 par rapport à 2022, soit + 4,8 %. Le coût de la mesure est évalué à 6,1 milliards d’euros ;
– des limites des tranches des grilles de taux par défaut du prélèvement à la source, soit le taux transmis à l’employeur dans les cas où l’administration n’est pas en mesure de calculer le taux personnalisé ou lorsque le contribuable en fait la demande, à hauteur de l’évolution de la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR.
Dernières modifications législatives intervenues
À l’exception d’une interruption pour l’imposition des revenus de 2011 et de 2012, les lois de finances initiales procèdent, chaque année, à l’indexation du barème de l’IR sur le taux d’inflation anticipé, afin de neutraliser les effets de l’inflation sur le niveau d’imposition à l’IR des ménages.
L’article 2 de la loi de finances pour 2022 a procédé à la revalorisation du barème de l’IR à hauteur de 5,4 %.
Principaux amendements adoptés par la commission des finances
La commission a adopté, contre l’avis du Rapporteur général, un amendement de M. Lecamp (MODEM) et de plusieurs de ses collègues procédant à deux modifications du barème proposé par le présent article. La première modification porte sur le montant du plafond de la première tranche de l’IR qui est fixé à 11 380 euros au lieu des 11 294 euros prévus par le texte initial – soit une revalorisation de 5,6 % par rapport au montant de 2022 (et non plus de 4,8 %). La seconde modification conduit à supprimer les alinéas 7 et 8 qui prévoyaient l’indexation sur l’inflation estimée à 4,8 % des montants des seuils des quatrième et cinquième tranches. Ces deux seuils demeurent donc identiques à ceux en vigueur en 2022, soit 78 750 euros pour la quatrième tranche et 168 994 euros pour la cinquième et dernière tranche.
La commission a adopté l’article 2 ainsi modifié. Elle a ensuite rejeté la première partie du projet de loi de finances pour 2024.
I. L’état du droit
Traditionnellement, la loi de finances de l’année revalorise les seuils des différentes tranches du barème de l’impôt sur le revenu (IR) applicable aux revenus de l’année à hauteur du taux d’inflation des prix hors tabac. L’indexation du barème de l’IR sur l’évolution des prix s’est appliquée de façon quasi continue depuis 1969, de manière différenciée selon les tranches du barème dans un premier temps, puis de manière indifférenciée depuis 1981.
Bien qu’il ne relève d’aucune obligation législative, le principe de l’indexation annuelle du barème de l’IR sur l’évolution de l’inflation constitue une mesure plutôt consensuelle de modération de la pression fiscale reconduite, sauf exceptions limitées, chaque année en loi de finances initiale.
Dans le contexte économique et budgétaire contraint qui a suivi la crise de 2009, la dernière loi de finances rectificative pour 2011 ([10]) a procédé au gel des seuils du barème pour l’imposition des revenus de 2011 et des années suivantes, permettant ainsi des recettes supplémentaires de l’ordre de 1,6 milliard d’euros en 2012. La loi de finances pour 2013 ([11]) n’est pas revenue sur le gel et ce n’est qu’avec la loi de finances pour 2014 ([12]) que la pratique de l’indexation a été rétablie.
Après 2013, chaque loi de finances initiale a ainsi procédé à une revalorisation des tranches du barème de l’IR comme présenté par le tableau suivant.
ÉVOLUTION DU TAUX D’INFLATION ET DE L’INDEXATION DU BARÈME
DE L’IMPÔT SUR LE REVENU DEPUIS 2014
|
Année n |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
Indexation du barème réalisée en PLF de l’année n (pour l’imposition des revenus de l’année n-1, en %) |
0,8 |
0,5 |
0,1 |
0,1 |
1 |
1,6 |
1 |
0,2 |
1,4 |
5,4 |
|
Coût de la mesure en année N (pertes de recettes d’IR, en M€) |
700 |
485 |
100 |
100 |
1 100 |
1 176 |
1 100 |
230 |
1 500 |
6 200 |
Source : commission des finances d’après les articles 2 des lois de finances initiales pour 2014 à 2023.
L’inflation constatée l’année n peut s’avérer légèrement différente du taux d’indexation du barème car il est établi sur la base des prévisions d’inflation arrêtées à l’été de l’année n, lors de l’élaboration du PLF pour l’année n+1. Au cours des dernières années, l’écart entre l’inflation anticipée et l’inflation constatée n’avait in fine jamais dépassé 0,1 point. Depuis 2021, cet écart demeure modéré mais peut s’accentuer du fait d’une accélération de l’inflation difficile à anticiper ex ante. La différence entre le taux de revalorisation du barème de l’IR et l’inflation a été de – 0,2 point en 2022 et de + 0,2 point en 2023 ([13]).
L’indexation du barème de l’IR n’a pas été remise en cause par la mise en place du prélèvement à la source : l’impôt sur le revenu est toujours liquidé l’année suivant celle de la perception des revenus du foyer fiscal suite à la déclaration annuelle obligatoire du contribuable. Lorsqu’un écart apparaît entre le montant d’impôt sur le revenu dû et l’impôt prélevé à la source, le solde est dû ou l’excédent est restitué. Ainsi, l’indexation réalisée dans la loi de finances de l’année n ajuste le barème de l’IR dû au titre des revenus de l’année n-1, déclarés en année n.
L’indexation du barème de l’IR sur l’évolution du niveau des prix permet de maintenir constante la pression fiscale qui pèse sur les contribuables, c’est-à-dire le rapport entre l’impôt dû et le revenu. Dit autrement, elle « neutralise » les effets liés à l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages.
A contrario, si le barème n’évoluait pas dans les mêmes proportions que le niveau des prix, l’impôt dû par les ménages dont les revenus ont augmenté au même rythme que l’inflation s’accroîtrait. La progressivité du barème impliquerait qu’une part plus importante de leurs revenus soit soumise au taux marginal le plus élevé auquel ils sont assujettis et leur taux marginal pourrait lui-même augmenter en cas de changement de tranche. Le poids de l’impôt acquitté par rapport aux revenus du ménage augmenterait en conséquence d’une année sur l’autre. L’indexation est donc une mesure favorable aux contribuables.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. L’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, à hauteur de 5,4 %
1. La revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu
● Le 1° du B du I procède à l’indexation du barème de l’IR sur les revenus perçus ou réalisés en 2023 et déclarés en 2024, en revalorisant chacune des limites des tranches de 4,8 %. Ce taux correspond à l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix hors tabac (IPCHT) en 2023 par rapport à 2022, qui figure dans le Rapport économique, social et financier annexé au présent PLF ([14]).
Comparaison des BARÈMEs DE L’IMPÔT SUR LE REVENU applicables aux revenus des années 2022 et 2023
|
Tranches de revenus 2022 |
Tranches de revenus 2023 |
Taux |
|
Jusqu’à 10 777 euros |
Jusqu’à 11 294 euros |
0 % |
|
10 777 euros – 27 478 euros |
11 295 euros – 28 797 euros |
11 % |
|
27 478 euros – 78 570 euros |
28 798 euros – 82 341 euros |
30 % |
|
78 570 euros – 168 994 euros |
82 341 euros – 177 106 euros |
41 % |
|
Fraction supérieure à 168 994 euros |
Fraction supérieure à 177 106 euros |
45 % |
Source : commission des finances
● L’indexation du barème est également une référence pour l’évolution d’autres types de montants conditionnant, selon les cas, une exonération ou une minoration d’imposition, ou encore le plafonnement d’un avantage fiscal. La législation fiscale prévoit ainsi que ces montants sont actualisés chaque année ou, pour certains, tous les trois ans, dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.
LISTE DES DISPOSITIFS DONT LES SEUILS, PLAFONDS OU ABATTEMENTS éVOLUENT
EN FONCTION DE LA REVALORISATION DU BARèME DE L’IR
|
Dispositifs |
Référence |
|
Impôt sur le revenu |
|
|
Seuils de chiffre d’affaires du régime de la micro-entreprise |
Article 50-0 du CGI * évolution triennale |
|
Seuils et plafonds applicables pour déterminer le régime d’imposition des exploitants agricoles |
Article 69 du CGI * évolution triennale |
|
Seuils et plafonds applicables pour déterminer le régime d’imposition des groupements agricoles d’exploitation en commun |
Article 71 du CGI * évolution triennale |
|
Abattement sur le bénéfice imposable des jeunes agriculteurs soumis à un régime réel d’imposition |
Article 73 B du CGI * évolution triennale |
|
Seuil et plafond de la déduction forfaitaire des frais professionnels du revenu brut |
3° de l’article 83 du CGI |
|
Seuil de recettes annuelles du régime déclaratif spécial |
1 de l’article 102 ter du CGI * évolution triennale |
|
Régime du micro-entrepreneur |
Article 151-0 du CGI |
|
Modalités d’imputation des déficits agricoles |
1° du I de l’article 156 |
|
Déductibilité du revenu global d’une somme représentative des avantages en nature des personnes âgées de plus de 75 ans vivant sous le toit du contribuable |
2° ter du II de l’article 156 du CGI |
|
Abattement forfaitaire sur le revenu en faveur des personnes modestes invalides ou âgées de plus de 65 ans |
article 157 bis du CGI |
|
Abattement applicable aux pensions et retraites |
a du 5 de l’article 158 |
|
Évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d’après certains éléments du train de vie |
1 de l’article 168 du CGI |
|
Retenue à la source spécifique sur les revenus salariaux et assimilés des contribuables non-résidents |
article 182 A du CGI |
|
Retenue à la source spécifique sur les sommes perçues par des contribuables non-résidents en contrepartie de prestations artistiques |
Article 182 A bis du CGI |
|
Application du taux minimum aux contribuables non-résidents |
Article 197 A du CGI |
|
Réduction d’impôt accordée au titre de certains dons faits par les particuliers |
1 ter de l’article 200 du CGI |
|
Grilles de taux par défaut du prélèvement à la source (voir infra) |
e du 1 du III de l’article 204 H du CGI |
|
Seuil de RFR associé au bénéfice du taux nul en matière de prélèvement à la source |
2 du II de l’article 204 H |
|
Seuil de chiffre d'affaires pour le régime simplifié d’imposition en bénéfices industriels et commerciaux (BIC) |
article 302 septies A bis *évolution triennale |
|
Fiscalité directe locale |
|
|
Plafonds pour les exonérations et dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés bâties |
I, I bis, II de l’article 1417 du CGI |
|
Autres domaines fiscaux |
|
|
Barème de la taxe sur les salaires (TS) |
2 bis de l’article 231 du CGI |
|
Seuil de chiffre d’affaires pour la franchise en base ([15]) |
article 293 B du CGI |
|
Seuil de chiffre d'affaires pour le régime simplifié d’imposition en taxe sur la valeur ajoutée (TVA) |
article 302 septies A du CGI |
|
Exigibilité de la TS pour les associations |
article 1679 A du CGI |
|
Seuil de revenu imposable pour l’application d’une majoration de l’amende pour faits de flagrance fiscale |
Article 1740 B du CGI |
Source : commission des finances.
2. La revalorisation des plafonds applicables au quotient familial
La revalorisation des tranches du barème à hauteur de l’inflation s’accompagne de celle des différents montants utilisés pour le calcul de l’impôt s’agissant de l’avantage retiré du quotient familial.
Visant à corriger la progressivité du barème de l’impôt en fonction de la situation de famille et des charges du foyer fiscal, le quotient familial a pour conséquence d’alléger, à revenu égal, la charge fiscale pesant sur les familles par rapport à celle des redevables taxés sur un nombre inférieur de parts, en permettant d’imposer les revenus ainsi fractionnés dans des tranches plus basses.
Depuis la loi de finances pour 1982, l’avantage fiscal qui résulte de l’application du quotient familial est plafonné, de sorte que, pour les contribuables soumis au plafonnement, cet avantage tend à diminuer, en valeur relative par rapport à l’impôt dû, à mesure que le revenu augmente. Ainsi, le plafonnement bénéficie plus fortement aux contribuables dont les revenus sont les moins élevés.
Le 2° du B du I du présent article procède à l’indexation des plafonds de l’avantage retiré de l’application des différentes parts et demi-parts qui composent le quotient familial.
INDEXATION DE PLAFONDS ASSOCIÉS AU CALCUL DE L’IMPÔT SUR LE REVENU
(en euros)
|
Objet de la limite ou du seuil |
Pour l’imposition des revenus de 2022 |
Pour l’imposition des revenus de 2023 |
|
Plafond de l’avantage retiré de chaque demi-part de droit commun de quotient familial |
1 678 |
1 759 |
|
Plafond de l’avantage retiré de la part entière de quotient familial accordée au titre du premier enfant à charge des personnes vivant seules en application du II de l’article 194 du CGI |
3 959 |
4 149 |
|
Plafond de l’avantage retiré de la demi-part accordée aux personnes célibataires, divorcées ou veuves sans personne à charge ayant élevé seules pendant au moins cinq ans un ou plusieurs enfants en application des a, b et e du 1 de l’article 195 du CGI |
1 002 |
1 050 |
|
Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la demi-part supplémentaire accordée à raison de la qualité d’ancien combattant ou de la situation d’invalidité d’un des membres du foyer fiscal en application des c, d, d bis et f du 1 et des 2 à 6 de l’article 195 du CGI |
1 673 |
1 753 |
|
Plafond de la réduction d’impôt complémentaire au titre de la part supplémentaire accordée aux contribuables veufs ayant au moins un enfant à charge en application du I de l’article 194 du CGI |
1 868 |
1 958 |
Source : commission des finances.
Par ailleurs, le rattachement au foyer fiscal d’un enfant majeur marié, pacsé ou chargé de famille, de moins de vingt et un ans ou de moins de vingt-cinq ans s’il poursuit ses études, ouvre droit à un abattement sur le revenu imposable, en application de l’article 196 B du CGI. Le A du I du présent article fixe le montant de l’abattement à 6 674 euros pour l’imposition des revenus de 2023.
3. La revalorisation de la décote
En deçà d’un certain montant, l’impôt brut résultant du barème progressif fait l’objet d’une décote après l’application éventuelle du plafonnement des effets du quotient familial et avant la prise en compte des réductions et crédits d’impôt. Ce mécanisme permet de lisser l’entrée dans le barème de l’IR pour les ménages aux ressources modestes.
Son montant est égal à la différence entre, d’une part, 833 euros pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs, ou 1 378 euros pour les couples mariés ou pacsés, soumis à une imposition commune et, d’autre part, 45,25 % du montant de l’impôt brut issu de l’application du barème progressif après le plafonnement des effets du quotient familial.
Les montants associés à la décote sont fixés au a du 4 de l’article 197 du CGI et évoluent traditionnellement chaque année dans les mêmes proportions que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR.
Le 3° du B du I du présent article procède à l’indexation de la décote, en portant son montant à 873 euros dans le premier cas et à 1 444 euros dans le second.
Par conséquent, pour les revenus réalisés ou perçus en 2023, la décote trouverait à s’appliquer tant que l’impôt issu du barème serait inférieur à 1 929 euros pour une personne célibataire, divorcée ou veuve et inférieur à 3 191 euros pour les contribuables soumis à une imposition commune.
Ainsi, le montant d’imposition brut d’un célibataire dont le revenu imposable au titre de l’année 2023 s’élèverait à 25 000 euros serait de 1 508 euros ([16]). La décote serait de 191 euros ([17]). Le montant d’imposition dû après l’application de la décote serait de 1 317 euros ([18]).
B. La revalorisation des grilles de taux par défaut applicables pour les revenus perçus ou réalisÉs à compter du 1er janvier 2024
Le taux de la retenue à la source que doivent effectuer les collecteurs est calculé par l’administration fiscale selon les modalités définies à l’article 204 H du CGI. Toutefois, lorsque le débiteur ne dispose pas du taux individualisé ou lorsque l’administration n’est pas en mesure de transmettre un taux suffisamment « à jour » de la situation fiscale du contribuable, il est fait application des grilles de taux dit « par défaut », prévues aux a à c du III de l’article 204 H du CGI.
Trois grilles, respectivement applicables aux contribuables domiciliés en métropole (a du 1 du III), en Guadeloupe, à La Réunion et en Martinique (b du 1 du III), en Guyane et à Mayotte (c du 1 du III), précisent le taux applicable pour chaque tranche de base mensuelle de prélèvement. Les grilles spécifiques établies pour ces territoires ultra-marins tiennent compte des effets de la réduction de 30 % ou 40 %, selon les cas, qui s’y applique.
Les 1° à 3° du C du I du présent article procèdent à une revalorisation des montants retenus pour les bases mensuelles de prélèvement, dans les limites inscrites dans les tableaux ci-dessous.
GRILLE DU TAUX « PAR DÉFAUT » POUR LES CONTRIBUABLES DOMICILIÉS
EN MÉTROPOLE
|
Base mensuelle de prélèvement actuelle |
Base mensuelle de prélèvement proposée |
Taux proportionnel |
|
Inférieure à 1 518 € |
Inférieure à 1 591 € |
0 % |
|
Supérieure ou égale à 1 518 € et inférieure à 1 577 € |
Supérieure ou égale à 1 591 € et inférieure à 1 653 € |
0,5 % |
|
Supérieure ou égale à 1 577 € et inférieure à 1 678 € |
Supérieure ou égale à 1 653 € et inférieure à 1 759 € |
1,3 % |
|
Supérieure ou égale à 1 678 € et inférieure à 1 791 € |
Supérieure ou égale à 1 759 € et inférieure à 1 877 € |
2,1 % |
|
Supérieure ou égale à 1 791 € et inférieure à 1 914 € |
Supérieure ou égale à 1 877 € et inférieure à 2 006 € |
2,9 % |
|
Supérieure ou égale à 1 914 € et inférieure à 2 016 € |
Supérieure ou égale à 2 006 € et inférieure à 2 113 € |
3,5 % |
|
Supérieure ou égale à 2 016 € et inférieure à 2 150 € |
Supérieure ou égale à 2 113 € et inférieure à 2 253 € |
4,1 % |
|
Supérieure ou égale à 2 150 € et inférieure à 2 544 € |
Supérieure ou égale à 2 253 € et inférieure à 2 666 € |
5,3 % |
|
Supérieure ou égale à 2 544 € et inférieure à 2 912 € |
Supérieure ou égale à 2 666 € et inférieure à 3 052 € |
7,5 % |
|
Supérieure ou égale à 2 912 € et inférieure à 3 317 € |
Supérieure ou égale à 3 052 € et inférieure à 3 476 € |
9,9 % |
|
Supérieure ou égale à 3 317 € et inférieure à 3 734 € |
Supérieure ou égale à 3 476 € et inférieure à 3 913 € |
11,9 % |
|
Supérieure ou égale à 3 734 € et inférieure à 4 357 € |
Supérieure ou égale à 3 913 € et inférieure à 4 566 € |
13,8 % |
|
Supérieure ou égale à 4 357 € et inférieure à 5 224 € |
Supérieure ou égale à 4 566 € et inférieure à 5 475 € |
15,8 % |
|
Supérieure ou égale à 5 224 € et inférieure à 6 537 € |
Supérieure ou égale à 5 475 € et inférieure à 6 851 € |
17,9 % |
|
Supérieure ou égale à 6 537 € et inférieure à 8 165 € |
Supérieure ou égale à 6 851 € et inférieure à 8 557 € |
20 % |
|
Supérieure ou égale à 8 165 € et inférieure à 11 333 € |
Supérieure ou égale à 8 557 € et inférieure à 11 877 € |
24 % |
|
Supérieure ou égale à 11 333 € et inférieure à 15 349 € |
Supérieure ou égale à 11 877 € et inférieure à 16 086 € |
28 % |
|
Supérieure ou égale à 15 349 € et inférieure à 24 094 € |
Supérieure ou égale à 16 086 € et inférieure à 25 251 € |
33 % |
|
Supérieure ou égale à 24 094 € et inférieure à 51 611 € |
Supérieure ou égale à 25 251 € et inférieure à 54 088 € |
38 % |
|
Supérieure ou égale à 51 611 € |
Supérieure ou égale à 54 088 € |
43 % |
Source : commission des finances d’après le présent article.
GRILLE DU TAUX « PAR DÉFAUT » POUR LES CONTRIBUABLES DOMICILIÉS
EN GUADELOUPE, À LA RÉUNION ET EN MARTINIQUE
|
Base mensuelle de prélèvement actuelle |
Base mensuelle de prélèvement proposée |
Taux proportionnel |
|
Inférieure à 1 741 € |
Inférieure à 1 825 € |
0 % |
|
Supérieure ou égale à 1 741 € et inférieure à 1 847 € |
Supérieure ou égale à 1 825 € et inférieure à 1 936 € |
0,5 % |
|
Supérieure ou égale à 1 847 € et inférieure à 2 035 € |
Supérieure ou égale à 1 936 € et inférieure à 2 133 € |
1,3 % |
|
Supérieure ou égale à 2 035 € et inférieure à 2 222 € |
Supérieure ou égale à 2 133 € et inférieure à 2 329 € |
2,1 % |
|
Supérieure ou égale à 2 222 € et inférieure à 2 454 € |
Supérieure ou égale à 2 329 € et inférieure à 2 572 € |
2,9 % |
|
Supérieure ou égale à 2 454 € et inférieure à 2 588 € |
Supérieure ou égale à 2 572 € et inférieure à 2 712 € |
3,5 % |
|
Supérieure ou égale à 2 588 € et inférieure à 2 677 € |
Supérieure ou égale à 2 712 € et inférieure à 2 805 € |
4,1 % |
|
Supérieure ou égale à 2 677 € et inférieure à 2 945 € |
Supérieure ou égale à 2 805 € et inférieure à 3 086 € |
5,3 % |
|
Supérieure ou égale à 2 945 € et inférieure à 3 641 € |
Supérieure ou égale à 3 086 € et inférieure à 3 816 € |
7,5 % |
|
Supérieure ou égale à 3 641 € et inférieure à 4 659 € |
Supérieure ou égale à 3 816 € et inférieure à 4 883 € |
9,9 % |
|
Supérieure ou égale à 4 659 € et inférieure à 5 292 € |
Supérieure ou égale à 4 883 € et inférieure à 5 546 € |
11,9 % |
|
Supérieure ou égale à 5 292 € et inférieure à 6 130 € |
Supérieure ou égale à 5 546 € et inférieure à 6 424 € |
13,8 % |
|
Supérieure ou égale à 6 130 € et inférieure à 7 344 € |
Supérieure ou égale à 6 424 € et inférieure à 7 697 € |
15,8 % |
|
Supérieure ou égale à 7 344 € et inférieure à 8 165 € |
Supérieure ou égale à 7 697 € et inférieure à 8 557 € |
17,9 % |
|
Supérieure ou égale à 8 165 € et inférieure à 9 280 € |
Supérieure ou égale à 8 557 € et inférieure à 9 725 € |
20 % |
|
Supérieure ou égale à 9 280 € et inférieure à 12 761 € |
Supérieure ou égale à 9 725 € et inférieure à 13 374 € |
24 % |
|
Supérieure ou égale à 12 761 € et inférieure à 16 956 € |
Supérieure ou égale à 13 374 € et inférieure à 17 770 € |
28 % |
|
Supérieure ou égale à 16 956 € et inférieure à 25 880 € |
Supérieure ou égale à 17 770 € et inférieure à 27 122 € |
33 % |
|
Supérieure ou égale à 25 880 € et inférieure à 56 568 € |
Supérieure ou égale à 27 122 € et inférieure à 59 283 € |
38 % |
|
Supérieure ou égale à 56 568 € |
Supérieure ou égale à 59 283 € |
43 % |
Source : commission des finances d’après le présent article.
GRILLE DU TAUX « PAR DÉFAUT » POUR LES CONTRIBUABLES DOMICILIÉS
EN GUYANE ET À MAYOTTE
|
Base mensuelle de prélèvement actuelle |
Base mensuelle de prélèvement proposée |
Taux proportionnel |
|
Inférieure à 1 865 € |
Inférieure à 1 955 € |
0 % |
|
Supérieure ou égale à 1 865 € et inférieure à 2 016 € |
Supérieure ou égale à 1 955 € et inférieure à 2 113 € |
0,5 % |
|
Supérieure ou égale à 2 016 € et inférieure à 2 248 € |
Supérieure ou égale à 2 113 € et inférieure à 2 356 € |
1,3 % |
|
Supérieure ou égale à 2 248 € et inférieure à 2 534 € |
Supérieure ou égale à 2 356 € et inférieure à 2 656 € |
2,1 % |
|
Supérieure ou égale à 2 534 € et inférieure à 2 632 € |
Supérieure ou égale à 2 656 € et inférieure à 2 758 € |
2,9 % |
|
Supérieure ou égale à 2 632 € et inférieure à 2 722 € |
Supérieure ou égale à 2 758 € et inférieure à 2 853 € |
3,5 % |
|
Supérieure ou égale à 2 722 € et inférieure à 2 811 € |
Supérieure ou égale à 2 853 € et inférieure à 2 946 € |
4,1 % |
|
Supérieure ou égale à 2 811 € et inférieure à 3 123 € |
Supérieure ou égale à 2 946 € et inférieure à 3 273 € |
5,3 % |
|
Supérieure ou égale à 3 123 € et inférieure à 4 310 € |
Supérieure ou égale à 3 273 € et inférieure à 4 517 € |
7,5 % |
|
Supérieure ou égale à 4 310 € et inférieure à 5 578 € |
Supérieure ou égale à 4 517 € et inférieure à 5 846 € |
9,9 % |
|
Supérieure ou égale à 5 578 € et inférieure à 6 291 € |
Supérieure ou égale à 5 846 € et inférieure à 6 593 € |
11,9 % |
|
Supérieure ou égale à 6 291 € et inférieure à 7 300 € |
Supérieure ou égale à 6 593 € et inférieure à 7 650 € |
13,8 % |
|
Supérieure ou égale à 7 300 € et inférieure à 8 031 € |
Supérieure ou égale à 7 650 € et inférieure à 8 416 € |
15,8 % |
|
Supérieure ou égale à 8 031 € et inférieure à 8 897 € |
Supérieure ou égale à 8 416 € et inférieure à 9 324 € |
17,9 % |
|
Supérieure ou égale à 8 897 € et inférieure à 10 325 € |
Supérieure ou égale à 9 324 € et inférieure à 10 821 € |
20 % |
|
Supérieure ou égale à 10 325 € et inférieure à 13 891 € |
Supérieure ou égale à 10 821 € et inférieure à 14 558 € |
24 % |
|
Supérieure ou égale à 13 891 € et inférieure à 17 669 € |
Supérieure ou égale à 14 558 € et inférieure à 18 517 € |
28 % |
|
Supérieure ou égale à 17 669 € et inférieure à 28 317 € |
Supérieure ou égale à 18 517 € et inférieure à 29 676 € |
33 % |
|
Supérieure ou égale à 28 317 € et inférieure à 59 770 € |
Supérieure ou égale à 29 676 € et inférieure à 62 639 € |
38 % |
|
Supérieure ou égale à 59 770 € |
Supérieure ou égale à 62 639 € |
43 % |
Source : commission des finances d’après le présent article.
Le II du présent article prévoit que ces modifications des grilles de taux par défaut seront applicables aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2024.
III. L’IMPACT DE LA MESURE
Le coût budgétaire de la revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu et des seuils et limites qui lui sont associés est chiffré à 6,1 milliards d’euros pour l’année 2024, au titre des moindres recouvrements de recettes d’impôt sur le revenu pour l’État. Dans un contexte d’inflation encore élevée, ce coût se rapproche de celui évalué pour l’exercice actuel, soit 6,2 milliards d’euros à la suite d’une revalorisation de + 5,4 % du barème applicable aux revenus de l’année 2022. Il est sans commune mesure avec la revalorisation au titre de l’exercice 2021 durant lequel l’indexation sur l’inflation du barème à hauteur d’1,4 % avait coûté 230 millions d’euros.
Le maintien de la revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation est donc un choix fort du Gouvernement pour :
– d’une part, maintenir le pouvoir d’achat des ménages dont le niveau de revenus augmente à la même vitesse que l’inflation puisqu’une absence de revalorisation conduirait à alourdir la pression fiscale sur ces ménages. Environ 1,4 million de ménages seraient dans cette situation d’après les informations données par le Gouvernement au Rapporteur général – parmi eux, 767 000 ménages deviendraient non imposés grâce à l’indexation du barème ;
– et, d’autre part, soutenir le pouvoir d’achat des ménages dont le niveau de revenu stagne ou évolue moins rapidement que l’inflation puisque cette revalorisation se traduira par une diminution de leur niveau d’imposition. Ainsi, le Gouvernement a indiqué au Rapporteur général que 20,3 millions de ménages bénéficieraient d’une diminution de leur impôt en 2023.
impact de la revalorisation du barème de l’IR sur les foyers fiscaux
en fonction de leur taux marginal d’imposition
(en milliers)
|
Taux du barème de l’IR |
Nombre de foyers fiscaux imposés à cotisation constante |
Nombre de foyers fiscaux imposés bénéficiant d’une baisse de leur cotisation |
|
0 % |
767 |
30 |
|
11 % |
631 |
12 606 |
|
30 % |
11 |
7 071 |
|
41 % |
1 |
473 |
|
45 % |
ɛ |
70 |
|
Total |
1 410 |
20 250 |
Nota : les contribuables relevant du taux barème à 0 % disposent de revenus soumis à taux forfaitaire ou proportionnel, notamment au PFU, et sont imposés à ce titre.
Source : réponses du Gouvernement au Rapporteur général.
*
* *
Article 3
Régime fiscal du plan d’épargne avenir climat
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article instaure le régime fiscal du plan d’épargne avenir climat (PEAC) prévu par l’article 16 du projet de loi relatif à l’industrie verte.
– les gains tirés du PEAC sont exonérés du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus des capitaux mobiliers et n’entrent pas en compte dans la détermination du revenu net imposable. Ils sont toutefois intégrés au calcul du revenu fiscal de référence ;
– pour le calcul des plus-values de cession ultérieure, la valeur d’acquisition des titres issus du PEAC à la suite d’un retrait ou de la clôture de ce plan correspond à la valeur de ce titre le jour de l’un ou de l’autre de ces évènements.
Le présent article supprime également la possibilité pour les mineurs d’ouvrir un plan d’épargne retraite (PER) individuel. Pour ceux d’entre eux qui en détiendraient déjà, aucun versement ne pourra plus être effectué à compter du 1er janvier 2024.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 16 du projet de loi relatif à l’industrie verte instaure le PEAC aux article L. 221-34-2 à L. 221-34-4 du code monéraire et financier, un nouveau produit d’épargne finançant la transition écologique, exclusivement réservé aux personnes âgées de moins de 21 ans.
Les PER ont été créés par l’article 71 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) et ont vocation à remplacer progressivement les produits antérieurs (Perco, contrats « Madelin », Perp et autres produits assimilés).
Principaux amendements adoptés par la commission des finances
La commission a adopté, contre l’avis du Rapporteur général, un amendement de M. Michel Castellani (LIOT) demandant au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 30 juin 2025, un rapport d’évaluation du plan d’épargne avenir climat estimant le coût de ce produit d’épargne pour les administrations publiques.
La commission a adopté l’article 3 ainsi modifié. Elle a ensuite rejeté la première partie du projet de loi de finances pour 2024.
I. L’État du droit
A. Le plan d’Épargne avenir climat
L’article 16 du projet de loi relatif à l’industrie verte crée un nouveau produit d’épargne exclusivement réservé aux mineurs et aux jeunes jusqu’à vingt-et-un ans, le plan d’épargne avenir climat (PEAC). Les versements effectués sur ce plan seront principalement alloués au financement de l’économie productive et de la transition écologique.
L’objectif de ce nouveau produit financier est d’offrir une solution d’épargne aux mineurs en meilleure adéquation avec les opportunités offertes par leur profil d’investissement de long terme ainsi qu’avec leurs aspirations en matière d’emploi de cette épargne dont l’encours représentait environ 40 milliards d’euros en 2021 ([19]).
● Les conditions d’ouverture du PEAC sont régies par un nouvel article L. 221-34-2 du code monétaire et financier.
Réservé aux personnes de moins de vingt-et-un ans résidant habituellement en France, ce produit pourra être proposé par des établissements de crédit, des entreprises d’investissement ou d’assurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance.
Le PEAC pourra recevoir des versements en numéraire, dans la limite d’un plafond global fixé par un arrêté du ministre chargé de l’économie. Lors de l’examen en séance de l’article 16 du projet de loi relatif à l’industrie verte à l’Assemblée nationale, le Gouvernement, a précisé que ce plafond serait fixé au même niveau que celui du livret A, soit 22 950 euros actuellement ([20]).
● Le nouvel article L. 221-34-3 du code monétaire et financier (CMF) encadre la destination des versements effectués sur le PEAC.
Les fonds collectés seront affectés à l’acquisition de titres financiers contribuant au financement de la transition écologique, d’instruments financiers bénéficiant de niveaux faibles d’exposition aux risques et d’obligations vertes.
Sauf décision contraire et expresse du titulaire, le plan d’épargne avenir climat fera l’objet d’une gestion pilotée avec une désensibilisation progressive aux risques, en fonction de l’horizon de déblocage des sommes. En l’absence de garantie de l’État, cette stratégie d’investissement inspirée de celle du PER permet d’offrir une forme de protection au capital investi.
● Les modalités de sortie du plan d’épargne avenir climat sont régies par le nouvel article L. 221-34-4 du CMF.
Cet article prévoit que jusqu’aux dix-huit ans du titulaire du plan, les droits constitués sont bloqués. Lorsque le titulaire a atteint l’âge de dix-huit ans et que son plan a été ouvert depuis plus de cinq ans, plus aucun versement n’est possible mais les retraits partiels de sommes ou de valeurs par le titulaire n’entrainent pas la clôture du plan qui est automatique lorsque celui-ci atteint l’âge de trente ans.
L’étude d’impact de l’article 16 du projet de loi relatif à l’industrie verte avait pris pour hypothèse que le PEAC pourrait avoir le même rendement annuel qu’un placement diversifié en actions avec une maturité de quinze à vingt ans, soit 5 %.
B. ÉlÉments relatifs À La fiscalitÉ des gains en capital réalisÉs par des particuliers
Les produits de portefeuille-titres et des placements financiers des particuliers, dont fait partie le plan d’épargne avenir climat, relèvent de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au regard de l’impôt sur le revenu (IR).
Parmi les produits d’épargne accessibles aux mineurs figure le plan d’épargne retraite (PER). Les avantages fiscaux associés aux PER donneraient lieu à des stratégies d’optimisation fiscale dans le cas où ils sont détenus par des mineurs.
1. L’imposition des revenus mobiliers
● La base d’imposition de l’IR est constituée du revenu net global dont dispose chaque année le contribuable (article 1er A du code général des impôts - CGI). Il s’obtient en déterminant d’abord les revenus nets des diverses catégories de revenus (revenus fonciers, bénéfices industriels et commerciaux, traitements et salaires, revenus des capitaux mobiliers, etc…) qui peuvent être imposés selon des règles propres à chacune d’elle, puis en retranchant au total de ces revenus catégoriels les déficits, charges et abattements à déduire du revenu global. 157 du CGI énumère les éléments n’entrant pas en compte pour la détermination du revenu net global.
● Le I de l’article 150-0 A du CGI définit le régime de droit commun d’imposition à l’IR des gains en capital réalisés par les particuliers dans le cadre de la gestion à titre non professionnel d’un portefeuille de titres. Sous réserve de régimes spécifiques énumérés au III de cet article, ils sont soumis à un prélèvement forfaitaire unique (PFU). Aussi appelé « flat tax », le PFU consiste en une imposition à l’IR à un taux forfaitaire unique de 12,8 % auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 %, soit une taxation globale de 30 % (article 200 A du CGI). Les contribuables y ayant intérêt peuvent toutefois opter pour le barème progressif de l’IR.
● L’article 150-0 D du CGI détaille les différents éléments permettant de déterminer les gains de cessions mentionnés au I du 150-0 A en définissant le prix de cession ainsi que le prix d’acquisition des valeurs, titres ou droits acquis ou souscrits puis cédés.
Les 11 et 12 de l’article 150-0 D prévoient que, sauf exception prévues par le a et le b du 12, les moins-values subies au cours d’une année sont imputées exclusivement sur les plus-values de même nature imposables au titre de la même année.
2. Le revenu fiscal de référence
Le revenu fiscal de référence (RFR) est défini au IV de l’article 1417 du CGI. Le montant de revenu à prendre en considération pour le calcul du RFR comprend les revenus et les plus-values retenus pour l’établissement de l’IR,majorés, le cas échéant, de certains revenus exonérés ou soumis à prélèvement libératoire et de certaines charges déductibles du revenu global.
Le RFR permet d’apprécier le montant global des revenus du contribuable qu’il soit redevable de l’IR ou non. Il permet de déterminer l’éligibilité à certaines aides sociales (bourse des collèges, attribution d’un logement social) et certains avantages fiscaux (exonérations d’impôts locaux). Il sert de base d’imposition à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
3. Des stratégies d’optimisation fiscale associées aux PER ouverts pour les mineurs
Le plan d’épargne retraite (PER) est un produit d’épargne retraite permettant aux personnes physiques de se constituer des droits à retraite supplémentaire par rapport au régime de retraite légal obligatoire.
Une des principales caractéristiques fiscales du PER est la possibilité offerte au contribuable de déduire de l’assiette de l’IR les versements réalisés sur son plan. Cette déductibilité est plafonnée et s’opère selon les cas au niveau du revenu catégoriel ou au niveau du revenu global.
En particulier, les versements volontaires aux PER individuels (1°de l’article L. 224-2 du code monétaire et financier) sont déductibles du revenu imposable global dans la limite d’un plafond annuel et individuel (article 163 quatervicies du CGI).
Or, le CMF ne fixe actuellement pas d’âge minimal pour souscrire un plan d’épargne retraite individuel (articles L. 224-28 et suivants), permettant son ouverture pour un mineur. Ainsi, les cotisations versées par des parents sur un PER ouvert au profit de leur enfant membre du foyer fiscal doivent être regardées comme des versements volontaires de l’enfant et sont, en conséquence, déductibles du revenu global du foyer fiscal.
D’après l’évaluation préalable du présent article, l’élargissement du plafond de déductibilité des versements de l’assiette de l’IR du foyer permis par l’accessibilité du PER aux mineurs, donne lieu à des comportements d’optimisation fiscale.
II. Le Dispositif proposÉ
Le I du présent article détermine un régime fiscal pour le plan d’épargne avenir climat tandis que le II ferme l’accès du plan d’épargne retraite aux mineurs à compter du 1er janvier 2024.
Le projet de loi relatif à l’industrie verte n’étant pas encore promulgué, le A du III du présent article prévoit une entrée en vigueur du I identique à celle de son article 16.
A. Le rÉgime fiscal du plan d’Épargne avenir Climat
● Après avoir précisé le mode de calcul des gains nets tirés du PEAC, le 1° du I du présent article exclut ces gains des revenus de capitaux mobiliers soumis au PFU. Pour cela, il ajoute ces gains à la liste des exceptions à l’imposition dans la catégorie des revenus mobiliers fixée au III de l’article 150-0 A du CGI. Les plus-values réalisées et les dividendes enregistrés chaque année dans le cadre du PEAC sont donc exonérées d’IR et de prélèvements sociaux.
● Le 2° du I du présent article complète l’article 150-0 D du CGI qui détaille les modalités de calcul des gains de cessions de valeurs, de titres ou de droits acquis ou souscrits puis cédés qui constituent des revenus mobiliers.
Le a de ce même 2° créé un 5 bis au sein de l’article 150-0 D qui envisage le cas d’une cession de titres issus du PEAC après un retrait ou la clôture de ce plan. Dans cette hypothèse, le prix d’acquisition de ces titres est réputé être égal à la valeur d’acquisition à la date dudit retrait ou de ladite clôture et non à la date de l’acquisition initiale dans le cadre du PEAC.
Le b de ce même 2° prévoit que les moins-values constatées dans un PEAC ne peuvent venir en diminution des plus-values de même nature imposables au titre de la même année au termes des 11 et 12 de l’article 150-0 D.
● Le 3° du I du présent article ajoute les produits et plus-values de placements retirés d’un PEAC à la liste des éléments, énumérés à l’article 157 du CGI, n’entrant pas en compte dans la détermination du revenu net global.
● Le 4° du I du présent article prévoit que les titres acquis dans le cadre du PEAC ne sont pas éligibles aux réductions d’impôts prévues aux articles 199 terdecies-0 et 199 terdecies-0 AB du CGI. Il s’agit de réductions d’impôt accordées aux redevables de l’IR qui effectuent des versements au titre de la souscription en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de certaines sociétés respectivement non cotées (dispositif « Madelin » ou immobilières, dites « sociétés foncières solidaires » exerçant leur activité dans le domaine du logement social ou à vocation agricole, en faveur d’un public fragile). Ces réductions d’impôt ne peuvent pas concerner, dans le droit en vigueur, des titres figurant dans un plan d’épargne en actions, un compte PME innovation, un plan d’épargne salariale ou un plan d’épargne retraite.
● Enfin, le 5° du I du présent article intègre les gains nets enregistrés au titre du PEAC à la liste des éléments majorant le revenu net imposable pour déterminer le revenu fiscal de référence qui figure au 1° du IV de l’article 1417 du CGI.
B. Suppression de la possibilitÉ offerte aux mineurs d’ouvrir un Plan d’Épargne retraite
Le II du présent article opère deux modifications au code monétaire financier dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2024 par le B du III du présent article.
Le 1° du II du présent article introduit un nouvel alinéa à l’article L. 224-2 du CMF qui prévoit que les PER détenus actuellement par des mineurs ne pourront plus recevoir de versements après le 1er janvier 2024.
Le 2 ° du II du présent article insère un nouvel alinéa à l’article L. 224-28 du CMF qui impose que seul un majeur pourra ouvrir un PER après cette même date.
C. Impact budgÉtaire
L’étude d’impact de l’article 16 du projet de loi relatif à l’industrie avait calculé le manque à gagner lié à l’exonération d’IR et de prélèvements sociaux des plus-values résultants des versements dans le PEAC. Pour cela, l’hypothèse de 677 000 ouvertures de comptes annuels a été retenue et trois scénarios d’abondement de ces comptes ont été envisagés. Selon les scénarios, le manque à gagner pour le budget de l’État est estimé entre 10 et 17 millions d’euros par an.
Évaluation du manque à gagner liÉ à l’exonÉration d’impÔt sur le revenu et de prÉlÈvements sociaux du PEAC
(en millions d’euros)
|
|
Scénario 1 |
Scénario 2 |
Scénario 3 |
|
Montant des versements annuels |
682 |
899 |
1 140 |
|
Exonération de prélèvement forfaitaire obligatoire |
10 |
13 |
17 |
Source : étude d’impact de l’article 16 du projet de loi relatif à l’industrie verte.
Par ailleurs, d’après l’évaluation préalable du présent article, la suppression de la possibilité pour les mineurs d’ouvrir un PER engendrerait un gain budgétaire pour l’État de l’ordre de 3,5 millions d’euros.
*
* *
Article 4
Transposition de la directive (UE) 2022/2523 du 14 décembre 2022
visant à assurer un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure
Résumé du dispositif proposé
Le présent article transpose les dispositions de la directive (UE) 2022/2523 du Conseil du 14 décembre 2022 visant à assurer un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure dans l’Union.
Cette directive transpose elle-même les dispositions du « modèle de règles globales anti-érosion de la base d’imposition » (GloBE), connu sous le nom de « pilier 2 », adopté par 136 pays membres du Cadre inclusif de l’OCDE et du G20 en octobre 2021 et publié le 20 décembre 2021.
Cet accord, qui s’inscrit dans la continuité des travaux menés dans le cadre du projet BEPS (Base erosion profit shifting), constitue le premier résultat de la solution à deux piliers négociée par les membres du Cadre inclusif pour limiter l’érosion des bases d’imposition des bénéfices des entreprises dans un contexte de numérisation croissante de l’économie.
Le présent article institue une règle d’imposition minimale des profits perçus au niveau mondial par les groupes multinationaux et nationaux de grande envergure implantés en France à un taux minimal effectif de 15 % – sous réserve que ces groupes enregistrent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros. Cette réforme conduit à instituer un régime d’imposition qui se superpose aux règles d’imposition des bénéfices applicables en droit national.
L’économie générale de l’accord conclu par le Cadre inclusif repose sur une « approche descendante » visant à résoudre les situations de sous-imposition en prélevant un impôt le plus haut possible dans la chaîne de détention d’un groupe d’entreprises. Cette caractéristique a pour objectif de limiter les cas de double imposition et les possibilités d’échapper à l’impôt complémentaire.
Ce nouveau régime d’imposition permet ainsi de prélever un impôt complémentaire auprès des entités mères ultimes des groupes multinationaux et nationaux de grande envergure implantés en France pour leurs entités constitutives sous-imposées à l’échelle de l’État (autrement dit de « la juridiction ») où elles sont situées, y compris en France. Dans certains cas, cet impôt pourra être directement prélevé auprès des entités intermédiaires ou entités partiellement détenues de ces groupes. À cette fin, le présent article définit des règles permettant de déterminer l’assiette imposable, le taux, le montant et le redevable de l’impôt complémentaire. Il définit également les obligations déclaratives des groupes multinationaux.
Le taux effectif d’imposition est déterminé en comparant l’ensemble des impôts assis sur les bénéfices (ou une base équivalente) acquittés par les entités constitutives d’un groupe situées dans une même juridiction et la somme de leurs résultats « qualifiés ». Ces résultats sont déterminés à partir des états financiers consolidés du groupe, auxquels sont appliqués plusieurs retraitements.
En cas de sous-imposition, deux mécanismes s’appliquent :
– de manière prioritaire, la règle d’inclusion du revenu (RIR) permet de mettre à la charge d’une entité mère d’un groupe national ou multinational un impôt complémentaire ;
– de manière subsidiaire, la règle des bénéfices insuffisamment imposés (RBII) permet de réattribuer à une juridiction le reliquat d’impôt complémentaire qui n’a pas été prélevé en vertu de la RIR. Les modalités d’allocation du produit de la RBII entre les pays sont assises sur des critères permettant de mesurer la répartition territoriale de l’activité économique du groupe. Le présent article prévoit, pour l’application de la RBII, de créer un prélèvement ad hoc.
Par ailleurs, le présent article prévoit d’exercer une option prévue par le modèle de règles GloBE et la directive du 14 décembre 2022, permettant de prélever directement un impôt complémentaire auprès des entités situées en France qui seraient en situation de sous-imposition. Ce prélèvement permettra de capter des recettes fiscales qui seraient, à défaut, perçues par d’autres juridictions ayant institué l’impôt minimal mondial.
Afin d’articuler les règles du pilier 2 avec les législations applicables dans certaines juridictions (y compris la France), le présent article prévoit par ailleurs des modalités de calcul du taux effectif d’imposition particulières pour certaines entités (entités d’investissement, holdings, entités à détention minoritaire), certaines opérations (transferts d’actifs et de passifs) ou certains régimes fiscaux (régime des dividendes déductibles, impôt sur les distributions).
Parce que le régime de l’impôt minimal mondial est complexe, ses modalités de mise en œuvre sont régulièrement précisées par le Cadre inclusif au moyen d’instructions complémentaires et de commentaires. Ont ainsi été précisés au cours de l’année 2023 les régimes de protection applicables pour accompagner la montée en charge du pilier 2 ainsi que les modalités de détermination du résultat qualifié. Le présent article intègre ces éléments.
Le présent article définit enfin les modalités de déclaration, de contrôle, de sanction et de recouvrement de l’impôt complémentaire. Pour tenir compte des négociations en cours au niveau du Cadre inclusif, il prévoit également d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre toute mesure relevant de ces domaines. Le présent article prévoit en outre que l’impôt complémentaire sera acquitté au moyen d’une déclaration d’informations et d’un relevé de liquidation transmis à l’administration fiscale par les groupes implantés en France 15 mois après la clôture de leur exercice.
Les dispositions relatives à la RIR et à l’impôt complémentaire national s’appliqueront aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023. Celles portant sur la RBII entreront en vigueur de manière décalée et s’appliqueront aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2024. En conséquence, les premières recettes issues de l’impôt complémentaire seront collectées en 2026 : ce décalage s’explique par le fait que l’impôt complémentaire sera assis sur les résultats enregistrés lors des exercices ouverts en 2024 et calculé à partir du montant d’impôts couverts acquitté en tout ou partie par les entreprises en 2025.
Principaux amendements adoptés par la commission des finances
La commission a adopté trois amendements identiques déposés par M. Lefèvre, Mme Magnier, Mme Goulet et plusieurs de leurs collègues, prévoyant que le Gouvernement remet au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2025, un rapport relatif à la mise en œuvre de l’imposition minimale internationale des personnes physiques.
La commission a adopté l’article 4 ainsi modifié. Elle a ensuite rejeté la première partie du projet de loi de finances pour 2024.
I. L’État du droit
A. Les rÈgles nationales d’imposition des bÉnÉfices des entreprises
Les entreprises exploitées en France dont le résultat fiscal est positif sont imposées sur les bénéfices qu’elles dégagent. Les règles d’imposition qui leur sont appliquées dépendent principalement de la nature juridique de la société, selon qu’elle relève de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés.
1. La définition du bénéfice fiscal
● La notion de bénéfice fiscal est étroitement liée au résultat comptable de l’entreprise. En comptabilité, le résultat enregistré à l’issue de l’exercice permet de mesurer les ressources nettes de la société après prise en compte de la dépréciation du capital. Un bénéfice comptable traduit donc l’enrichissement de l’entreprise qui l’enregistre.
La détermination du résultat comptable repose sur un ensemble de normes de natures législative et réglementaire insérées dans le code de commerce, sur le plan comptable général (PCG) ainsi que sur les prescriptions comptables générales ou sectorielles édictées par l’Autorité des normes comptables (ANC). Par ailleurs, au sein de l’Union européenne et depuis le 1er janvier 2005, les comptes consolidés des sociétés cotées et, sur option, les comptes consolidés des sociétés non cotées sont établis en appliquant les normes dites IFRS (International financial reporting standards) ([21]).
Schématiquement et en vertu des dispositions de l’article L. 123-13 du code de commerce, les comptes annuels d’une société sont composés en premier lieu de son bilan, qui décrit les éléments actifs de l’entreprise – ses emplois – et ses passifs – qui correspondent à ses ressources, en faisant apparaître distinctement ses capitaux propres. Les comptes de la société sont en second lieu composés du compte de résultat, qui fait état du résultat d’exploitation (entendu comme la différence entre les charges et les ressources d’exploitation), du résultat financier (soit la différence entre les produits et charges financières) et des produits et charges exceptionnelles. La somme de ces différents éléments permet de mesurer la perte ou le bénéfice de l’entreprise.
● Du point de vue fiscal, le bénéfice net d’une entreprise est apprécié à partir de son résultat comptable.
Aux termes de l’article 38 du code général des impôts (CGI), le bénéfice net industriel et commercial est à la fois déterminé « d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d’éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d’exploitation » et constitué « par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés ».
Cette double définition conduit à appréhender le résultat fiscal à la fois comme un résultat calculé à partir des opérations réalisées par l’entreprise et selon une approche fondée sur l’observation de la variation de l’actif net de la société. Elle conduit également à imposer, au-delà des revenus d’exploitation, l’ensemble des revenus accessoires des entreprises, qu’il s’agisse des intérêts de créances, des dépôts, des revenus issus de la location de biens immobiliers ou les revenus de valeurs mobilières.
Les bénéfices non commerciaux et les bénéfices agricoles
Le code général des impôts distingue plusieurs catégories de bénéfices : outre les bénéfices industriels et commerciaux, peuvent être cités les bénéfices agricoles et les bénéfices non commerciaux (BNC), qui recouvrent les bénéfices des professions indépendantes n’ayant pas un caractère commercial. Si les bénéfices agricoles sont déterminés par renvoi aux règles applicables aux entreprises industrielles et commerciales ([22]), le BNC est constitué par « l’excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l’exercice de la profession […] il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d’actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d’offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l’exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle » ([23]).
Cette approche, comparable à celle retenue dans le cadre des BIC, se fonde principalement sur la différence entre les recettes et les dépenses de la société.
Pour déterminer son résultat fiscal, les sociétés doivent toutefois procéder à un certain nombre de rectifications extracomptables pour mesurer leur perte nette ou leur bénéfice net. Ces dernières, prévues par le code général des impôts, sont nombreuses et de plusieurs ordres :
– de manière non exhaustive, les majorations (ou réintégrations) extracomptables concernent notamment les fractions de rémunération non déductibles, les amendes et pénalités, les provisions et charges à payer non déductibles, les moins-values nettes à long terme de l’exercice ou encore les amortissements non déductibles fiscalement et les amortissements réputés différés du point de vue fiscal ;
– à l’inverse, les déductions extracomptables à imputer sur le résultat de l’entreprise portent notamment sur certaines majorations d’amortissement, les provisions et charges à payer non déductibles antérieurement taxées qui sont réintégrées dans les résultats de l’exercice, les plus-values nettes à court terme dont l’imposition est différée ou encore les dividendes reçus par les sociétés relevant du régime mère-fille.
L’impôt différé : une divergence temporaire entre le résultat comptable et le résultat fiscal
Le décalage entre résultat fiscal et résultat comptable peut prendre un caractère définitif ou temporaire : le premier cas concerne par exemple l’impossibilité de déduire des amendes et pénalités de son résultat fiscal.
D’autres charges non déductibles fiscalement peuvent toutefois ouvrir droit à une déduction future, que l’entreprise enregistre en comptabilité comme un impôt différé actif – en d’autres termes, une créance d’impôt qui sera déductible lors d’un exercice ultérieur. À l’inverse, un impôt différé passif correspond à un produit imposable lors d’un exercice à venir.
À titre d’exemple, si une entreprise enregistre une provision pour anticiper le départ à la retraite futur d’un ou plusieurs de ces salariés, cette charge est déduite du résultat comptable de l’entreprise mais pas de son résultat fiscal pour l’exercice au cours duquel elle a été constituée – elle est donc comptabilisée en impôt différé actif. En revanche, lors du départ en retraite des salariés, le versement de leur indemnité de départ sera fiscalement déductible : l’écart entre le résultat comptable et le résultat fiscal sera par conséquent résorbé.
Des passifs d’impôt différé sont également comptabilisés dans le cas d’amortissements dégressifs ou accélérés, pour lesquels la société devra opérer une reprise progressive des amortissements déduits fiscalement durant les premières années d’utilisation du bien.
2. Une pluralité de régimes d’imposition des bénéfices
Les bénéfices sont imposés de manières différentes selon la forme juridique de l’entreprise : en principe, les sociétés de capitaux sont assujetties à l’impôt sur les sociétés (IS) tandis que les bénéfices des sociétés de personnes sont directement taxés à l’impôt sur le revenu (IR) entre les mains de leurs associés ([24]).
Ont pu s’ajouter à ces impôts des contributions assises sur les bénéfices revêtant un caractère permanent ou temporaire.
L’ensemble de ces impôts représentait 48 % de l’ensemble de la fiscalité directe des entreprises en 2021.
Produit brut des impositions de toute nature assises sur les bÉnÉfices des entreprises entre 2018 et 2021
(en millions d’euros)
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|
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
|
Impôt sur les sociétés |
54 364 |
59 109 |
55 712 |
61 362 |
|
Impôt sur le revenu |
9 406 |
10 062 |
9 617 |
9 974 |
|
Contribution sociale sur les bénéfices |
1 118 |
1 240 |
1 171 |
1 042 |
|
Taxe de 3 % sur les versements de dividendes |
4 |
0 |
0 |
0 |
|
Total |
64 892 |
70 411 |
66 500 |
72 378 |
Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE.
a. L’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés
i. Les principes généraux
Les associés des sociétés de personnes sont, aux termes de l’article 8 du CGI, « personnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans [cette] société ». Les bénéfices de ces sociétés, dites translucides, sont ainsi intégrés au revenu imposable des associés pour leur part de bénéfice correspondant à leurs droits sociaux et soumis au barème progressif de l’IR ([25]).
L’IS est quant à lui établi au nom de l’entreprise en tant que personne morale pour l’ensemble de ses activités imposables en France. Dans ce cadre, les bénéfices des sociétés sont imposés de manière proportionnelle au taux de 25 % ([26]), sous réserve des différents taux réduits applicables (cf. infra). Le taux de l’IS, s’élevant auparavant à 33 1/3 %, a progressivement diminué entre les années 2018 à 2022 en vertu des dispositions des articles 84 de la loi de finances pour 2018 ([27]) et 39 de la loi de finances pour 2020 ([28]).
Trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociÉtÉs entre 2018 et 2022
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2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
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Taux normal de l'IS pour la tranche de bénéfices inférieure à 500 000 euros |
28 % |
28 % |
28 % |
26,5 % |
25 % |
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Taux normal de l'IS pour la tranche de bénéfices supérieure à 500 000 euros |
33,33 % |
31 % |
28 % |
26,5 % |
25 % |
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31 % pour les entreprises dont le CA ≥ 250 M€ |
27,5 % pour les entreprises dont le CA ≥ 250 M€ |
Source : commission des finances.
● Les entreprises soumises à l’IS peuvent néanmoins bénéficier d’un certain nombre de régimes spécifiques modifiant leur assiette taxable :
– le mécanisme de report des déficits (en avant ou en arrière) permet sous certaines conditions de considérer le déficit observé pour une année en charge déductible du résultat d’un exercice ultérieur ou de l’exercice de l’année antérieure ([29]) ;
– le régime mère-fille, prévu aux articles 145 à 216 du CGI, permet à toute société tête de groupe qui détient une participation d’au moins 5 % dans une de ses filiales d’être exonérée d’IS à hauteur de 95 % des produits nets des participations qui lui sont versés par celle-ci ;
– les cessions de titres de participation détenus depuis au moins deux ans sont exonérées d’IS, sous réserve de la réintégration d’une quote-part de frais et charges de 12 % imposée au taux normal ([30]).
– le régime de l’intégration fiscale, prévu aux articles 223 A et suivants du CGI, permet sur option à une société mère d’intégrer dans ses résultats fiscaux les résultats de ses filiales françaises dont elle détient au moins 95 % du capital – à la condition que la société tête de groupe ne soit pas elle-même détenue à plus de 95 % par une autre personne morale soumise à l’IS.
ii. Les règles particulières
Un certain nombre de dispositifs portant sur le taux ou l’assiette de l’impôt acquitté par les entreprises dérogent aux règles de droit commun.
● En premier lieu, des exonérations spécifiques sont prévues par les articles 206, 207 et 208 du CGI pour :
– les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, les syndicats professionnels, les fondations reconnues d’utilité publique, les fondations d’entreprises, les fonds de dotation et les congrégations dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d’exploitation tirées de leurs activités lucratives n’excèdent pas 76 679 euros ;
– à conditions « qu’elles fonctionnent conformément aux dispositions qui les régissent », les sociétés coopératives agricoles d’approvisionnement et d’achat, les sociétés coopératives agricoles de production, de transformation, conservation et vente de produits agricoles ([31]) ainsi que les unions de ces mêmes sociétés ;
– les coopératives artisanales et leurs unions, les coopératives d’entreprises de transports, les coopératives artisanales de transport fluvial ainsi que les coopératives maritimes et leurs unions ([32]) ;
– les organismes d’habitations à loyer modéré (HLM), les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux, ainsi qu’Action Logement Services et Action Logement Immobilier ;
– les établissements publics de recherche et les établissements publics d’enseignement supérieur et les fondations reconnues d’utilité publique du secteur de la recherche.
– les sociétés mobilières d’investissement, pour les bénéfices réalisés dans le cadre de leur objet légal (en ce qui concerne les Sicav) ou pour la partie des bénéfices provenant des produits nets de leur portefeuille ou des plus-values de cession qu’elles réalisent sur la vente de titre faisant partie de ce portefeuille (pour les Sicaf) ;
– les sociétés de capital-risque, pour une partie de leurs produits et plus-values nets provenant de leur portefeuille et les fonds communs de créance ;
– les sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable ;
– les sociétés immobilières de gestion, pour la fraction de leur bénéfice net qui provient de la location de leurs immeubles.
● Le code général des impôts aménage en outre plusieurs taux réduits de l’impôt sur les sociétés, applicables soit à une fraction du bénéfice soit à certains types de revenus :
– les petites et moyennes entreprises (PME) dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,63 millions d’euros sont imposées à 15 % sur la fraction de leur bénéfice n’excédant pas 42 500 euros, sous réserve qu’elles soient détenues à 75 % par des personnes physiques ou par des sociétés qui satisfont elles-mêmes à cette condition ;
– les plus-values à long terme afférentes aux titres de sociétés à prépondérance immobilière cotées sont imposées au taux de 19 %, en vertu du a du I et du IV de l’article 219 du CGI ;
– en application du a du I de l’article 219 du CGI, les plus-values de long terme font l’objet d’une imposition séparée au taux de 15 % ;
– les produits tirés de la cession ou de la concession de certains actifs incorporels, notamment les brevets, font l’objet d’une imposition séparée au taux de 10 %, en vertu du même a ;
– les plus-values tirées de la cession de locaux professionnels destinés à être transformés en locaux d’habitation sont imposées au taux réduit de 19 % ([33]) ;
– les revenus patrimoniaux des établissements publics ainsi que des associations et collectivités non soumis à l’IS sont imposés aux taux de 24 %, 15 % ou 10 % en fonction de la nature de leurs revenus, en application des dispositions de l’article 219 bis du CGI.
● La charge fiscale due par les sociétés à raison de leurs bénéfices peut enfin être allégée par l’application de différents crédits ou réductions d’impôt.
La distinction entre crédit et réduction d’impôt
Les réductions et crédits d’impôt viennent en déduction de l’impôt calculé. La réduction d’impôt s’impute sur l’impôt avant imputation d’éventuels crédits d’impôt et prélèvements ou retenues non libératoires. Dans le cas où le montant de la réduction d’impôt excède le montant de l’impôt dû, l’excédent ne peut donner lieu à remboursement.
À l’inverse, dans le cas où le montant du crédit d’impôt excède le montant de l’impôt dû, le surplus est, selon les cas, immédiatement remboursable ou ouvre une créance pouvant être imputée sur l’impôt dû au titre d’un nombre limité d’exercice ultérieur (la fraction non consommée donnant lieu à un remboursement au terme de la période).
De manière non exhaustive, les crédits d’impôt dont peuvent bénéficier les entreprises se composent entre autres :
– du crédit d’impôt recherche (CIR), qui bénéficie aux entreprises qui exposent des dépenses de recherche au cours de l’année et dont le taux s’élève à 30 % pour la fraction de dépenses inférieure ou égale à 100 millions d’euros et 5 % au-delà ([34]) ;
– le crédit d’impôt « Prêt à taux zéro », qui concerne les établissements de crédit ou les sociétés de financement passibles de l’IS, au titre des avances remboursables ne portant pas intérêt consenties à des personnes physiques soumises à des conditions de ressources ([35]) ;
– du crédit d’impôt à raison des investissements productifs réalisés dans les départements d’outre-mer avant le 31 décembre 2029 ([36]), dont le taux s’élève à 38,25 % pour les entreprises soumises à l’IR et 35 % pour les entreprises soumises à l’IR.
La principale réduction d’impôt applicable aux entreprises concerne celle portant sur les dons faits à des œuvres ou organismes d’intérêt général (réduction d’impôt « mécénat »), dont le taux s’élève à 60 % du montant du don pour la fraction inférieure ou égale à 2 millions d’euros et à 40 % pour la fraction excédant ce montant, dans la limite du montant le plus élevé entre un plafond de 20 000 euros et 0,5 % du chiffre d’affaires hors taxe de l’entreprise ([37]).
b. Les contributions additionnelles, exceptionnelles ou sectorielles
Outre l’IR et l’IS, le législateur fiscal est régulièrement amené à instaurer des contributions temporaires ou permanentes frappant le résultat des entreprises.
● Les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 7,63 millions d’euros sont ainsi, en application de l’article 235 ter ZC du CGI, assujetties à une contribution additionnelle à l’IS égale à 3,3 % de l’IS dû. Cette contribution a pour effet, de porter le taux facial de l’IS à 25,825 % pour les entreprises qui en sont redevables.
● De plus, l’article 40 de la loi de finances pour 2023 a institué une contribution temporaire de solidarité sur les surprofits du secteur de l’énergie : celle-ci est assise sur la part des résultats imposables de l’exercice 2022 qui excède de 20 % la moyenne des résultats imposables des quatre exercices précédents et son taux est égal à 33 %.
● Certains dispositifs sectoriels, sans être assis sur le résultat, s’y rattachent indirectement. Tel est notamment le cas de la taxe sur les excédents de provision pour sinistres restant à payer, prévue à l’article 235 ter X du CGI. Cette taxe, due par les entreprises d’assurance de dommage, vise à imposer les provisions excédentaires qu’elles ont constituées et qu’elles ont pu déduire de leur résultat imposable. Son taux s’élève à 0,40 % par mois écoulé depuis la constitution de la provision.
3. Le principe de territorialité de l’impôt sur les sociétés
● En principe en application du I de l’article 209 du CGI, l’IS ne frappe que les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, certains revenus et profits de source française réalisées par les entreprises étrangères et ceux dont l’imposition est attribuée à la France en vertu d’une convention internationale.
Par conséquent, les sociétés françaises ne sont pas soumises à l’IS pour les bénéfices réalisés par leurs entreprises exploitées à l’étranger. Lorsqu’une entreprise exerce son activité en France et à l’étranger, seule la part des bénéfices correspondant à l’entreprise exploitée en France est taxée.
● Cette règle est toutefois atténuée par l’application de certaines dérogations dont le but est de lutter contre l’évasion fiscale internationale :
– en application de l’article 57 du CGI, l’administration fiscale peut rectifier les comptes des entreprises liées à des entreprises étrangères du montant des bénéfices indirectement transférés à ces dernières ;
– en application du régime dit des sociétés étrangères contrôlées (SEC), prévu à l’article 209 B du CGI, les bénéfices des sociétés contrôlées directement ou indirectement à plus de 50 % par une société établie en France et soumise à un régime fiscal privilégié sont imposables à l’IS en France.
Le régime fiscal privilégié est défini à l’article 238 A du CGI : il s’agit des juridictions dans lesquelles les personnes physiques ou morales ne sont pas imposables ou sont assujetties à des impôts sur les bénéfices et les revenus dont le montant est inférieur de 40 % ou plus à celui de l’impôt dont elles auraient été redevables dans des conditions de droit commun en France. Cet article définit également des limites quant à la faculté des entreprises à déduire certaines charges de leur résultat lorsque celles-ci ont été payées ou dues à des personnes établies dans une juridiction à fiscalité privilégiée.
Ces mécanismes anti-abus sont complétés par l’article 238-0 A du CGI, qui définit les États et territoires non coopératifs (ETNC). Ceux-ci sont identifiés chaque année par arrêté des ministres chargés de l’économie et du budget sur le fondement de critères définis par le droit national relatifs aux échanges d’information. La liste des ETNC intègre également les pays qui figurent sur la liste européenne des États non coopératifs (dite « liste noire ») s’ils facilitent la création de dispositifs extraterritoriaux dépourvus de substance économique réelle et destinés à attirer des bénéfices, ou s’ils ne respectent pas au moins un des critères définis par le Conseil de l’Union européenne en matière de transparence fiscale et d’équité fiscale ([38]).
B. le dÉveloppement de la lutte internationale contre l’Érosion des bases d’imposition des entreprises
1. La mise en œuvre du projet BEPS à l’échelle de l’OCDE
● Fondées sur un système de conventions fiscales dont le contenu était largement hérité des principes élaborés par la Société des nations dans les années 1920, les règles nationales et internationales de lutte contre la double imposition se sont progressivement révélées inadéquates pour appréhender la base taxable des entreprises multinationales.
En premier lieu, l’intégration croissante de l’économie et la fragmentation des chaînes de valeur ont favorisé le développement de schémas agressifs permettant à ces entreprises d’optimiser la localisation de leur base taxable. En second lieu, l’importance croissante de la propriété intellectuelle dans la création de valeur a modifié leur modèle d’affaires et a favorisé la constitution d’actifs incorporels facilement mobiles. La numérisation de l’économie renforce ce phénomène, en permettant désormais aux entreprises de dissocier la création de valeur de leur présence physique sur un marché.
La planification fiscale agressive des entreprises multinationales a pour ressort principal l’exploitation des asymétries pouvant exister entre les différents régimes fiscaux nationaux. Elle conduit par ailleurs à exacerber la concurrence fiscale entre les États. Cette situation, déjà identifiée en 2006 lors du Forum sur l’administration de l’impôt à Séoul, a motivé la mise en œuvre d’un plan d’action coordonné et mis en œuvre à l’échelle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
● Les travaux menés en 2013 par cette dernière ont conduit à estimer que les transferts de bénéfices opérés par les groupes multinationaux généraient un manque à gagner pour les États compris entre 4 et 10 % des recettes totales de l’impôt sur les bénéfices des sociétés, soit entre 100 et 240 milliards de dollars par an au niveau mondial. En conséquence, les pays membres de l’OCDE et du G20 ont adopté en 2013 un projet nommé BEPS (Base erosion and profit shifting), composé de trois objectifs principaux, eux-mêmes déclinés en 15 actions.
Les rapports finaux sur chaque action du projet BEPS ont été publiés en 2015. Y figurent des recommandations de « bonnes pratiques » faites pour assurer une meilleure coordination des régimes fiscaux ainsi que des mesures nécessitant des modifications de législation interne, réalisées sous le contrôle des pairs.
Les actions du projet BEPS
– action n° 1 : relever les défis fiscaux posés par l’économie numérique ;
– action n° 2 : neutraliser les effets des dispositifs hybrides ;
– action n° 3 : concevoir des règles efficaces concernant les sociétés étrangères contrôlées ;
– action n° 4 : limiter l’érosion de la base d’imposition faisant intervenir les déductions d’intérêts et d’autres frais financiers ;
– action n° 5 : lutter plus efficacement contre les pratiques fiscales dommageables, en prenant en compte la transparence et la substance ;
– action n° 6 : empêcher l’utilisation abusive des conventions fiscales lorsque les circonstances ne s’y prêtent pas ;
– action n° 7 : empêcher les mesures visant à éviter artificiellement le statut d’établissement stable ;
– actions n° 8 à 10 : aligner les prix de transfert calculés sur la création de valeur ;
– action n° 11 : mesure et mise en œuvre du « BEPS » ;
– action n° 12 : règles de communication obligatoire d’informations ;
– action n° 13 : documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays ;
– action n° 14 : accroître l’efficacité des mécanismes de règlement des différends ;
– action n° 15 : signature d’une convention multilatérale modifiant les conventions fiscales bilatérales afin de mettre en œuvre les mesures du projet BEPS
Certaines de ces actions, telle l’action 2, visent principalement à lutter contre les abus prenant la forme d’une double déduction, ou d’une déduction sans imposition correspondante dans un autre pays. D’autres visent à moderniser les règles fiscales ou à renforcer les informations mises à disposition des administrations fiscales. L’action 15 vise plus spécifiquement à rendre effective les recommandations du projet BEPS par l’adoption d’une convention multilatérale.
Cette « convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir le BEPS » (dite MLI), signée en 2017, est entrée en vigueur au 1er janvier 2019 en France, après que sa ratification a été préalablement autorisée par le Parlement ([39]). Elle a pour spécificité de modifier de façon synchronisée et uniforme le réseau de conventions fiscales bilatérales d’élimination de la double imposition de l’ensemble des États signataires.
● Afin de rendre ses recommandations les plus effectives possible, l’OCDE a enfin modifié sa gouvernance en fondant un « Cadre inclusif » associant des pays non membres de l’OCDE. Ce cadre, dont la première réunion s’est tenue en juin 2016 à Tokyo, regroupe désormais 143 États ainsi que 15 organisations internationales et régionales dotées du statut d’observateur ([40]).
pays membres du cadre inclusif de l’OCDE et du G20*
*Apparaissent en orange les pays membres de l’OCDE et en bleu les pays non membres de l’OCDE mais membres du Cadre inclusif.
Source : commission des finances, d’après l’OCDE.
2. Les mesures adoptées par l’Union européenne pour lutter contre l’érosion des bases d’imposition des entreprises
L’Union européenne a lancé plusieurs travaux tirant les conséquences des pistes de travail dressées par la Commission européenne dans une communication du 17 juin 2015 ([41]).
Ces travaux, pour certains directement inspirés des actions de BEPS, ont plus particulièrement conduit à l’adoption de plusieurs séries de directives, qui ont ensuite été transposées en droit interne.
● La directive « ATAD 1 » (pour Anti tax avoidance directive) du 12 juillet 2016 ([42]) avait pour objectif principal de lutter contre les dispositifs hybrides, de renforcer les règles relatives aux SEC, d’encadrer plus fortement la déductibilité des charges financières, de créer une exit tax sur les plus-values latentes et d’instituer une clause anti-abus générale en matière d’impôt sur les sociétés. La directive « ATAD 2 » du 29 mai 2017 étend quant à elle les mesures contre les dispositifs hybrides prévues par ATAD 1 à ceux faisant intervenir un pays tiers à l’Union européenne.
Les dispositions de ces directives ont rendu nécessaires plusieurs mesures de transposition en droit national, introduites par les lois de finances pour 2019 et 2020 ([43]) :
– à l’article 212 bis du CGI s’agissant de l’encadrement pour la déductibilité des charges financières ;
– aux articles 205 B à 205 D du CGI en ce qui concerne les dispositifs hybrides ;
– à l’article 205 du CGI concernant la clause anti-abus générale en matière d’IS.
● L’Union européenne a de surcroît mis en place un système d’échange automatique d’informations fiscales entre administrations nationales s’inscrivant dans les recommandations du projet BEPS.
Les règles applicables en la matière résultent des dispositions de sept directives dites DAC (directive on administrative cooperation), successivement adoptées et transposées en droit national pour compléter le champ des informations susceptibles d’être échangées :
– la directive DAC 1 du 15 février 2011 ([44]) porte sur les revenus ayant leur source dans un État membre et perçus par un résident d’un autre État membre ;
– la directive DAC 2 du 9 décembre 2014 ([45]) reprend la norme mondiale de l’OCDE en matière d’échange automatique d’informations sur les comptes financiers ;
– la directive DAC 3 du 8 décembre 2015 ([46]) étend le champ des informations échangées aux rescrits accordés aux entreprises pour le traitement fiscal de leurs opérations transfrontalières (ce qui inclut les accords préalables de prix de transfert) ;
– la directive DAC 4 du 25 mai 2016 ([47]) porte sur les échanges de déclarations pays par pays transmises par les entreprises aux administrations fiscales ;
Les déclarations pays par pays
L’action 13 du projet BEPS prévoit que les grands groupes multinationaux réalisent et transmettent aux autorités fiscales un reporting pays par pays (Country by country reporting – CbCR) de leurs activités. Cette recommandation a été introduite en droit interne depuis le 1er janvier 2016 en France et incombe, en application de l’article 223 quinquies C du CGI, aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 750 millions d’euros.
Cette déclaration doit comporter la répartition pays par pays des bénéfices du groupe, des agrégats économiques comptables et fiscaux ainsi que des informations sur la localisation et l’activité des entités le constituant.
– la directive DAC 5 du 6 décembre 2016 ([48]) porte sur les informations collectées dans le cadre de la lutte anti-blanchiment ;
– la directive DAC 6 du 25 mai 2018 ([49]) impose aux conseillers fiscaux de déclarer aux autorités fiscales les transactions de leurs clients qui présentent un caractère potentiellement agressif ;
– la directive DAC 7 du 22 mars 2021 ([50]) prévoit enfin l’obligation pour les opérateurs de plateforme de déclarer auprès de l’administration fiscale les opérations réalisées par des vendeurs et prestataire par son intermédiaire.
● Enfin, l’Union européenne a également conduit des travaux visant à renforcer la transparence des comptes des entreprises multinationales. La directive 2021/2101/UE du 24 novembre 2021 ([51]) prévoit ainsi que les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 750 millions d’euros ont l’obligation, avant le 30 juin 2026, de rendre public un document décrivant la nature de leurs activités, le montant de leur chiffre d’affaires, de leurs bénéfices et bénéfices non distribués, ainsi que l’impôt sur les bénéfices qu’elles paient dans chaque État membre de l’Union européenne et chaque pays figurant sur la liste de l’Union européenne relative aux pays et territoires non coopératifs.
Cette directive a été transposée par l’ordonnance n° 2023-438 du 21 juin 2023 relative à la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les bénéfices.
C. l’impÔt minimal mondial : une innovation sans prÉcÉdent issue de la solution À deux piliers négociÉe par le cadre inclusif OCDE/G20
Pour compléter les actions du projet BEPS et afin de tirer les conséquences de la numérisation croissante de l’économie, le Cadre inclusif a adopté un accord le 28 mai 2019 pour examiner une solution à deux piliers, suivi d’un programme de travail approuvé par le G20 à Osaka le 29 juin 2019 :
– le premier pilier a pour objectif de modifier la répartition des droits d’imposition des bénéfices des entreprises multinationales au profit des juridictions de marché. Les négociations menées dans ce cadre visent à tenir compte de la possibilité pour les entreprises d’atteindre les consommateurs sans présence physique sur un marché : il s’agit par conséquent de créer un critère d’imposition alternatif à celui de l’établissement stable reposant sur le lieu où l’entreprise réalise ses ventes ([52]) ;
– le pilier 2 vise à lutter contre l’érosion des bases fiscales des entreprises multinationales par la mise en œuvre d’une règle d’imposition minimale mondiale de leurs bénéfices.
À la suite de plusieurs consultations conduites en février ([53]) et novembre 2019 ([54]) auprès des entreprises, associations ou encore organisations non gouvernementales (ONG), une déclaration du 1er juillet 2021 ([55]) approuvant la solution à deux piliers et fixant le taux de l’imposition minimale à « au moins 15 % » a été adoptée par 130 des 139 membres du Cadre inclusif.
Le 8 octobre 2021 ([56]), 136 des 140 juridictions du Cadre inclusif adoptent une nouvelle déclaration approuvant le modèle de règles à mettre en œuvre. Le 20 décembre 2021, le « modèle de règles globales anti-érosion de la base d’imposition (Pilier deux) » est publié. Il prévoit notamment la mise en œuvre d’une imposition des entreprises multinationales dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros au taux effectif minimal de 15 %.
Selon l’OCDE, la mise en œuvre du pilier 2 générerait 220 milliards de dollars de recettes supplémentaires au niveau mondial, ce qui correspond à 9 % des recettes mondiales de l’impôt sur les bénéfices des entreprises.
1. Les principes généraux du pilier 2
Le modèle de règles globales anti-érosion de la base d’imposition (GloBE) constitue le résultat de trois ans de négociations et a pour objectif d’ériger un système international d’imposition se superposant aux règles nationales.
● Sa mise en œuvre repose sur l’application de plusieurs principes :
– le principe « d’agrégation juridictionnelle », selon lequel l’ensemble des résultats, des impôts sur les bénéfices payés par une entreprise et le taux effectif auquel elle est taxée sont calculés juridiction par juridiction. La mise en œuvre de ce principe nécessite par ailleurs de rattacher les bénéfices et les impôts payés par l’entreprise au pays source des revenus ;
– le principe de « l’approche descendante » pour la détermination du redevable, qui consiste à appliquer les règles de l’imposition minimale en premier lieu au sommet de la chaîne de détention d’une entreprise multinationale, en commençant par son entité mère ultime. Ce principe vise à éviter les situations de double imposition, dans le cas où plusieurs juridictions exigeraient pour plusieurs entités relevant du même groupe le paiement d’un impôt complémentaire ;
– la mise en œuvre de concepts « qualifiés ». Afin d’assurer une mise en œuvre du pilier 2 uniforme et d’éviter les risques de double ou de non-imposition, les règles GloBE définissent des notions autonomes qui s’écartent en partie de celles mobilisées en droit fiscal national.
● Le pilier 2 repose par ailleurs sur la mise en œuvre de deux règles principales :
– la règle d’inclusion du revenu (RIR, ou RDIR dans les documents publiés par l’OCDE), qui constitue une règle prioritaire. Elle consiste à assujettir à un impôt complémentaire l’entité mère d’un groupe dont les entités constitutives sont, dans une ou plusieurs autres juridictions, imposées à un taux inférieur au taux effectif minimum de 15 % ;
– la règle relative aux paiements insuffisamment imposés (RBII), qui constitue une règle subsidiaire, est quant à elle mise en œuvre lorsqu’un impôt complémentaire résiduel reste non acquitté après application de la RIR.
En conséquence, la particularité du pilier 2 réside dans le fait d’autoriser les États de siège des entreprises multinationales à prélever un impôt complémentaire pour les bénéfices sous-imposés des entités constitutives de ces mêmes entreprises situées dans d’autres pays. L’objectif sous-jacent de ce mécanisme est de limiter la concurrence fiscale et d’inciter les États à rehausser leur taux d’imposition sur les bénéfices des entreprises.
● Les règles GloBE prévoient toutefois la mise en œuvre d’un système complexe, nécessitant une mise en œuvre uniforme et coordonnée de la part de l’ensemble des membres du Cadre inclusif. Leur mise en œuvre s’appuie par conséquent sur des commentaires, des instructions administratives et des exemples publiés par l’OCDE et visant à éclairer les pays membres du Cadre inclusif pour qu’ils puissent introduire ces règles dans leur droit interne. Des premiers commentaires ont été publiés le 14 mars 2022, suivies d’instructions publiées le 1er février 2023 et le 17 juillet 2023. Un document cadre visant à instituer des régimes de protection a également été publié le 15 décembre 2022.
2. Les règles du pilier 2
L’application des règles GloBE repose sur la mise en œuvre de plusieurs étapes qui, conformément à l’architecture du modèle de règles GloBE, reposent sur :
– la définition de leur champ d’application (chapitre 1 du modèle de règles) ;
– les modalités de prélèvement de l’impôt complémentaire (chapitre 2) ;
– la détermination du résultat qualifié GloBE (chapitre 3) ;
– la détermination du montant des impôts couverts (chapitre 4) ;
– le calcul du taux effectif d’imposition des entreprises (chapitre 5) ;
– le traitement des cas de restructurations d’entreprise et des holdings (chapitre 6) ;
– la définition de régimes de neutralité fiscale (chapitre 7) ;
– les obligations déclaratives des groupes soumis aux règles du pilier 2 (chapitre 8).
Les chapitres 9 et 10 du modèle de règles portent enfin sur les régimes transitoires applicables et les définitions nécessaires à la mise en œuvre du pilier 2.
a. Le champ d’application du pilier 2
i. Un seuil de chiffre d’affaires de 750 millions d’euros
En vertu de l’article 1.1 du modèle de règles GloBE, sont incluses dans le champ d’application du pilier 2 les entités constitutives d’un groupe multinational dont le chiffre d’affaires dans les comptes consolidés de l’entité mère ultime ([57]) est d’au moins 750 millions d’euros au titre d’au moins deux des quatre derniers exercices fiscaux précédant l’année fiscale testée ([58]).
Selon les commentaires du modèle de règles ([59]), la prise en compte de deux des quatre derniers exercices fiscaux vise à limiter la volatilité du périmètre des entreprises concernées par les règles GloBE et garantir aux entreprises une visibilité sur les dispositions qui leur seront applicables. À cet égard, l’année fiscale en cours n’est pas retenue pour apprécier l’intégration dans le champ d’application des règles GloBE : cela signifie que les entreprises pourront connaître leur régime d’imposition dès le début de l’exercice, au regard de leurs résultats des quatre années précédentes.
Ce champ d’application s’approche de celui retenu pour l’obligation pour les groupes d’entreprises multinationales de transmettre chaque année un CbCR aux administrations fiscales. Il a également été défini pour exclure 85 à 90 % des groupes multinationaux tout en incluant 90 % des revenus qu’ils génèrent ([60]).
Les groupes nouvellement créés, parce qu’ils ne disposent pas de comptes consolidés à la date de leur création, seront testés sur leur troisième exercice : le seuil de chiffre d’affaires sera dans ce cas apprécié sur les deux premiers exercices du groupe ([61]). En conséquence, les groupes nouvellement créés ne peuvent entrer dans le champ d’application des règles GloBE qu’au titre de leur 3ème année d’existence si leur chiffre d’affaires dépasse le seuil de 750 millions pour les deux années précédentes. Le cas des restructurations d’entreprises conduit également à apprécier différemment le critère du chiffre d’affaires (cf. infra).
ii. Les notions d’entité mère ultime et d’entité constitutive
Les articles 1.2 à 1.4 du modèle de règles portent les définitions nécessaires pour identifier les groupes multinationaux entrant dans le champ des règles GloBE.
● En application de l’approche dite descendante, les règles du pilier 2 conduisent en premier lieu à identifier l’entité mère ultime d’un groupe. Celle-ci contrôle directement ou indirectement une ou plusieurs autres entités constitutives et n’est pas détenue par une autre entité ([62]).
Selon les définitions données par le modèle de règles GloBE, un titre de contrôle doit être entendu comme un « titre de participation dans une entité en vertu desquels le détenteur est tenu de consolider les actifs, les passifs, les produits, les charges et les flux de trésorerie de l’entité ligne à ligne selon une norme de comptabilité financière admissible […] ».
Cette définition, reposant sur le périmètre de consolidation des comptes, conduit à inclure dans le champ des règles GloBE à la fois des entités détenues par un groupe à moins de 50 % des titres de participation et, à l’inverse, peut conduire à exclure des entités pourtant détenues à plus de 50 % ([63]).
Cela découle du fait que la notion de contrôle ne dépend pas exclusivement du pourcentage de détention en comptabilité. La norme IFRS 10 définit ainsi plusieurs critères permettant d’apprécier le contrôle qu’une entreprise exerce sur l’une de ses entités :
– la détention du pouvoir sur les activités pertinentes de l’entité ;
– une exposition aux rendements variables de l’entité ;
– la capacité d’agir sur ces rendements.
● Les entités constitutives sont quant à elles les entités qui font partie d’un groupe ; cette catégorie inclut également les établissements stables d’une entité.
iii. Un critère lié à l’implantation internationale du groupe
L’article 1.2 du modèle de règles prévoit que sont inclus dans le champ d’application du pilier 2 les groupes qui comprennent au moins une entité ou un établissement stable qui « n’est pas situé dans la juridiction de l’entité mère ultime ». En principe, ce critère permet d’exclure des règles GloBE les groupes d’entreprises purement nationaux : le Cadre inclusif a toutefois laissé la possibilité d’étendre l’application du pilier 2 à de tels groupes pour favoriser une articulation la plus optimale possible entre le contenu de l’accord et les règles applicables dans le droit interne de ses pays membres. Cette option a notamment été retenue par l’Union européenne dans le cadre de la transposition du pilier 2 en droit européen ([64]) (cf. infra).
Pour rattacher une entité à une juridiction, l’article 10.3 du modèle de règles retient comme critères le lieu d’établissement de son siège de direction ou le lieu de sa création. Pour les entités à « double résidence », le critère de rattachement se fonde sur les dispositions des conventions fiscales en vigueur ou, à défaut, le lieu où elles paient le montant d’impôt le plus élevé.
Le modèle de règles ([65]) prévoit par ailleurs une définition ad hoc de la notion d’établissement stable, qui recouvre plusieurs situations :
– lorsqu’il existe une convention fiscale applicable en vigueur entre la juridiction où est située l’installation d’affaires et la juridiction de l’entité principale, le modèle de règles reconnaît la définition prévue par cette même convention, à condition que l’établissement soit imposé à raison de ses bénéfices par la juridiction dans lequel il est situé ;
– s’il n’existe pas de convention fiscale, l’établissement stable désigne une installation d’affaires dont une juridiction impose les bénéfices selon sa législation en vigueur, d’une manière similaire à celle retenue pour imposer ses propres résidents fiscaux ;
– dans le cas d’un pays n’ayant pas de système d’imposition des bénéfices, le modèle de règles renvoie aux définitions prévues par le modèle de convention fiscale de l’OCDE sur les revenus et la fortune ;
– en dernier lieu, le modèle de règles définit la notion d’établissement stable « apatride », qui concerne les cas non traités par les points précédents et dans lesquels la juridiction dans laquelle une entité est établie exonère les résultats d’une activité exercée par cette même entité hors de son territoire.
En conséquence, le lieu de rattachement de l’établissement stable est fondé sur les dispositions des conventions fiscales applicables ou, à défaut, en fonction du lieu où il est imposé à raison de sa présence commerciale.
iv. Les entités exclues
L’article 1.5 du modèle de règles GloBE exclut par principe certaines catégories d’entité, soit en raison de leur objet non lucratif soit pour préserver leur neutralité fiscale. Les règles GloBE ne leur sont pas applicables, ce qui implique, lorsqu’une entité exclue est également l’entité mère ultime d’un groupe multinational, que la RIR devra être appliquée à l’entité suivante dans la chaîne de détention. De la même manière, les résultats (à l’exception du chiffre d’affaires) des entités exclues ne sont pas pris en compte pour déterminer le résultat GloBE du groupe ainsi que son taux effectif d’imposition.
● Sont ainsi exclues :
– les entités publiques, les organisations internationales, les organisations à but non lucratif ;
– les fonds de pension, les fonds d’investissement qui sont des entités mères ultimes et les véhicules d’investissement immobilier qui sont des entités mères ultimes ([66]). Les commentaires publiés par l’OCDE justifient cette exclusion par la nécessité de préserver leur statut de véhicule d’investissement fiscalement neutre (cf. infra) ([67]).
L’ensemble de ces catégories sont définies de manière autonome par l’article 10.1 du modèle de règles.
Définitions des entités exclues en vertu de l’article 10.1 du modèle de règles
– une entité publique désigne une entité qui fait partie d’une administration publique ou qui est entièrement détenue par une telle administration, et qui a pour objet principal d’exercer une fonction publique ou de gérer ou placer les actifs de cette administration. Elle n’exerce pas d’activité économique ou commerciale et rend compte de ses résultats à l’administration publique et lui fournit un rapport annuel. Ses actifs reviennent à cette administration à sa dissolution ;
– une organisation internationale désigne toute organisation intergouvernementale ou une personne de droit public appartenant entièrement à celle-ci qui se compose principalement d’États. Une telle organisation a conclu avec la juridiction dans laquelle elle est établie un accord de siège ou un accord substantiellement similaire, et ses revenus ne peuvent pas, en vertu de la loi ou de ses documents fondateurs, échoir à des personnes privées ;
– une organisation à but non lucratif est une organisation établie et exploitée dans sa juridiction de résidence à des fins exclusivement religieuses, caritatives, scientifiques, artistiques, culturelles, sportives, éducatives ou similaires ou en tant qu’association professionnelle, organisation inter-entreprises, chambre de commerce, organisation syndicale, agricole ou horticole, civique ou organisme dont l’objet exclusif est de promouvoir le bien-être social. La majeure partie des recettes générées par ses activités sont exonérées d’impôt sur les bénéfices. L’organisation n’a aucun actionnaire ou membre disposant d’un droit de propriété ou de jouissance sur ses recettes ou actifs. Ceux-ci ne peuvent être distribués à des personnes privées ou à des organismes à but lucratif autrement qu’en relation avec les activités caritatives de l’entité, à titre de rémunération raisonnable, ou à titre de rémunération, au prix du marché, pour les biens acquis par l’entité ;
– un fonds de pension désigne une entité établie et gérée dans une juridiction dans le but exclusif ou quasi exclusif d’administrer ou de verser des prestations de retraite et des prestations annexes ou auxiliaires à des personnes physiques. Son activité est réglementée et les prestations qu’elle verse sont garanties ou protégées d’une quelconque autre façon par les réglementations nationales pour garantir le respect des engagements de pensions correspondants en cas d’insolvabilité du groupe ;
– un fonds d’investissement désigne une entité qui est conçue pour regrouper des actifs (qui peuvent être financiers ou non financiers) provenant de plusieurs investisseurs. Ses investissements sont conformes à une politique d’investissement définie pour permettre aux investisseurs de réduire leurs coûts de transaction, de recherche et d’analyse ou de partager collectivement les risques. L’entité est principalement conçue pour générer des plus-values ou des revenus d’investissement ou pour se prémunir contre un événement ou un résultat à caractère général ou spécifique (pour les fonds d’investissement qui sont aussi des entités d’investissement d’assurance) ; les investisseurs perçoivent un rendement sur les actifs du fonds au prorata de leur participation ; l’entité est soumise aux dispositions réglementaires en vigueur dans la juridiction où elle est établie ou gérée et elle est gérée par des gestionnaires de fonds professionnels ;
– Un véhicule d’investissement immobilier désigne une entité uniquement imposée à son niveau ou au niveau de ses actionnaires (sous un délai d’un an au maximum), sous réserve que cette personne détienne principalement des biens immobiliers et que ses capitaux soient largement répartis.
● Les entités détenues par des entités exclues sont sous certaines conditions elles-mêmes exclues du champ d’application des règles GloBE ([68]). Il est pour autant nécessaire que de telles entités :
– soient détenues directement ou indirectement à au moins 95 % par une ou plusieurs entités exclues (hors entités de service de fonds de pension ([69]) et qu’elles aient pour objet exclusif ou presque exclusif de détenir des actifs ou de réaliser des placements pour le compte de l’entité exclue, ou qu’elles exercent uniquement des activités accessoires à celles exercées par l’entité exclue ;
– ou qu’elles soient détenues directement ou indirectement à 85 % par une ou plusieurs entités exclues (hors entités de service de fonds de pension) à condition que l’essentiel des bénéfices de cette entité soit constitué de dividendes ou de plus ou moins-values de cession de titres exclus du résultat GloBE ([70]).
À des fins de simplification administrative, ces entités ont toutefois la possibilité d’opter pour leur assujettissement aux règles GloBE pour cinq ans.
b. Les redevables de l’impôt : les ressorts de la RIR et de la RPII
Le chapitre 2 du modèle de règles GloBE permet d’identifier le redevable de l’impôt complémentaire.
i. La règle d’inclusion du revenu
L’article 2.1 des règles GloBE prévoit que, par principe, l’entité mère ultime (EMU) d’un groupe multinational est redevable de l’impôt complémentaire dû au titre de la règle d’inclusion du revenu (RDIR) pour les entités constitutives qu’elle détient au cours d’une année fiscale et qui sont faiblement imposées dans une autre juridiction.
Le montant de cet impôt complémentaire est calculé en fonction d’un ratio d’inclusion qui dépend de la part revenant à l’entité mère dans les bénéfices de l’entité constitutive (EC) faiblement imposée.
Le ratio d’inclusion de l’EMU correspond au rapport entre le bénéfice GloBE de l’entité constitutive, minoré du montant de ce bénéfice attribuable à des titres de participations détenus par d’autres personnes, et le bénéfice GloBE de l’entité constitutive faiblement imposée au titre de l’année fiscale.
● Dans le cas d’une structure de détention simple, dans laquelle une entité mère ultime détient 100 % des titres de participation d’une entité mère intermédiaire (EMI), qui détient elle-même 100 % des titres de participation d’une entité constitutive faiblement imposée, l’application de la RIR conduirait à attribuer 100 % de la part d’impôt complémentaire à payer à l’entité mère ultime.
application de la RDIR à une entité constitutive détenue par une entité mère intermédiaire
Source : commission des finances, d’après les exemples donnés par l’OCDE.
● La perception de l’impôt complémentaire au niveau de l’entité mère ultime connaît toutefois deux exceptions.
En premier lieu, dans le cas où l’entité mère ultime est située dans une juridiction n’appliquant pas la RIR, les entités intermédiaires seront, en application de l’approche descendante, redevables de l’impôt complémentaire en fonction de leur part dans les bénéfices de l’entité faiblement imposée. Par exemple, si une entité faiblement imposée est détenue à parts égales par deux entités intermédiaires, celles-ci seront respectivement redevables de 50 % de l’impôt complémentaire dû.
Application de la RIR à des entités mères intermédiaires
Source : commission des finances, d’après les exemples donnés par l’OCDE.
Dans le cas où plusieurs entités mères intermédiaires font partie de la même chaîne de détention et que l’une d’elle exerce un contrôle sur les autres entités mères intermédiaires, la RIR est désactivée pour les entités mères intermédiaires contrôlées. Cette règle permet d’éviter de multiplier les redevables de l’impôt complémentaire.
Application de la RIR aux entités mères intermédiaires contrôlant d’autres entités mères intermédiaires
Source : commission des finances, d’après les exemples donnés par l’OCDE.
Ce mécanisme ne s’applique toutefois pas s’il n’existe pas de lien de contrôle entre les entités mères intermédiaires. La RIR s’applique alors à l’ensemble des entités mères intermédiaires selon les principes résultant de l’approche descendante.
● Une seconde exception à l’application de la RIR au niveau de l’entité mère ultime est prévue à l’article 2.1.4 du modèle de règles GloBE, lorsqu’une ou plusieurs entités mères intermédiaires situées dans une juridiction appliquant la RIR sont partiellement détenues (Partially-owned parent entity – POPE) ([71]).
Dans ce cas l’entité mère partiellement détenue est toujours redevable de l’impôt complémentaire à raison de la part de bénéfices de l’entité faiblement imposée lui revenant. Cette règle vise plus spécifiquement à prévenir les risques de déperdition de l’impôt complémentaire. Comme indiqué dans l’exemple précédent, si la chaîne de détention comprend plusieurs entités mères partiellement détenues, l’entité la plus haute est redevable en premier lieu de la RIR.
application de la RIR en prÉsence d’entitÉs mÈres partiellement dÉtenues (POPE)
Source : commission des finances, d’après les exemples donnés par l’OCDE.
● Afin d’éviter les cas de double imposition, l’article 2.3 du modèle de règles prévoit enfin la mise en œuvre d’un mécanisme de compensation visant à déduire du montant de l’impôt complémentaire dû par une entité redevable le montant d’impôt complémentaire dû par une entité située à un rang inférieur dans la chaîne de détention.
Application du mécanisme de compensation de la RIR
Source : commission des finances, d’après les exemples de l’OCDE.
Dans le cas ci-dessus, l’entité mère ultime est située dans une juridiction n’appliquant pas la RIR. Les entités mères intermédiaires EMI 1 et EMI 2 sont donc seules redevables de l’impôt complémentaire.
L’impôt complémentaire dû par l’EMI 2 sera calculé de la manière suivante :
L’impôt complémentaire théorique de l’EMI 1 sera calculé à la fois en fonction de la part de bénéfice lui revenant à raison de sa participation de l’entité faiblement imposée et de sa participation dans l’EMI 2.
Toutefois, en application du mécanisme de compensation, l’impôt complémentaire dont sera redevable l’EMI 1 sera minoré de la part de l’impôt complémentaire qui lui est attribuable et dont l’EMI 2 est également redevable, soit 18. Au total, l’EMI sera redevable d’un impôt égal à 10. En l’absence de mécanisme de compensation, l’impôt payé par l’EMI 1 et l’EMI 2 aurait atteint 118, soit un montant supérieur à l’impôt dû au titre de l’entité faiblement imposée.
● Ce mécanisme de compensation s’applique également dans le cas d’une chaîne de détention faisant intervenir plusieurs entités partiellement détenues devant appliquer la RIR.
application du mécanisme de compensation à des entités partiellement détenues
Source : commission des finances, d’après les exemples de l’OCDE.
Dans l’exemple ci-dessus, la RIR s’applique aux entités POPE 1 et POPE 2 dans la mesure où POPE 1 est directement détenue par une tierce partie (40 %) et POPE 2 est directement (10 %) et indirectement (36 %) détenue par un tiers. POPE 2 sera redevable d’un impôt complémentaire de 100, étant donné qu’elle détient à 100 % l’entité constitutive faiblement imposée. POPE 2 devrait, toute chose égale par ailleurs, être redevable d’un impôt complémentaire égal à 90. Néanmoins, en vertu du mécanisme de compensation, son impôt complémentaire est ramené à 0.
ii. La règle relative aux paiements insuffisamment imposés
La RPII joue le rôle d’un filet de sécurité dans le cas où les bénéfices d’entités constitutives échappent en tout ou partie à l’application de la RIR. Cela peut être le cas si l’entité mère ultime du groupe est une entité exclue ou qu’elle est située dans un territoire n’appliquant pas la RIR.
Pour tenir compte de la complexité de ce dispositif, les commentaires publiés par l’OCDE précisent que les membres du Cadre inclusif ont convenu que la RPII entrerait en vigueur de manière décalée, aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023.
● Contrairement à la RIR, dont l’application prend la forme d’un impôt complémentaire acquitté par l’EMU, une EMI ou une entité partiellement détenue du groupe multinational, la RPII s’applique sous la forme du refus d’une déduction de charge ou de « tout autre ajustement équivalent » dont le montant doit être égal à la somme de l’impôt complémentaire calculé pour chaque entité constitutive faiblement imposée du groupe multinational (hors entité d’investissement). Dans le cas où ces refus de déduction ne seraient pas suffisants pour couvrir le montant de l’impôt complémentaire dû au titre de l’année fiscale considérée, la différence peut être reportée en tant que de besoin sur les années suivantes ([72]).
En tout état de cause, les commentaires publiés par l’OCDE précisent clairement que l’application de la RPII doit avoir pour conséquence le prélèvement d’une charge d’impôt supplémentaire (cash tax expense), qui s’ajoute à l’impôt que doit payer l’entité constitutive en application des règles d’imposition nationales.
exemple d’application de la RPII dans une juridiction appliquant un impÔt sur les bÉnÉfices de 20 % en annÉe N
|
|
Résultat sans application de la RPII |
Résultat avec application |
|
Produits |
200 |
200 |
|
Charges déductibles |
- 300 |
- 300 |
|
Ajustement RPII |
0 |
300 |
|
Profit ou perte |
- 100 |
200 |
|
Report en avant |
100 |
0 |
|
Impôt sur les bénéfices |
0 |
40 |
Source : commission des finances, d’après les exemples donnés par l’OCDE.
exemple d’application de la RPII dans une juridiction appliquant un impÔt sur les bÉnÉfices de 20 % en annÉe N+1
|
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Résultat sans application de la RPII |
Résultat avec application |
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Produits |
200 |
200 |
|
Charges déductibles |
- 100 |
- 100 |
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Ajustement RPII |
0 |
100 |
|
Profit ou perte |
100 |
200 |
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Report de déficits passés* |
- 100 |
0 |
|
Impôt sur les bénéfices |
0 |
40 |
* Dans cet exemple, il est fait l’hypothèse que la juridiction considérée autorise un report en avant de 100 d’un exercice sur l’autre.
Source : commission des finances, d’après les exemples donnés par l’OCDE.
L’exemple ci-dessus illustre la manière dont fonctionne la RPII, qui, selon le droit applicable dans la juridiction, peut produire des effets sur plusieurs exercices. En effet, en réintégrant des charges habituellement déductibles en droit national, la RPII a pour effet de majorer le résultat d’une entité constitutive et d’empêcher l’imputation d’un éventuel déficit reportable sur une année suivante. Au total, la réintégration d’une charge d’un montant de 300 en année n et de 100 en année n+1 a donc pour conséquence, selon les hypothèses retenues précédemment, une augmentation de l’impôt dû par l’entité constitutive insuffisamment imposée de 80 sur deux exercices.
● S’il existe un lien fort entre la RIR et la RPII, les règles de calcul applicables à la RIR et à la RPII diffèrent et ne conduisent pas à obtenir un résultat en toute hypothèse similaire s’agissant de l’impôt complémentaire qui sera effectivement dû.
Le modèle de règles GloBE prévoit ainsi que l’impôt dû au titre de la RPII est ramené à zéro si l’intégralité des titres de participation du groupe dans l’entité faiblement imposée sont détenus par une ou plusieurs entités mères assujettis à la RIR ([73]).
Ainsi, si une entité mère ultime assujettie à la RIR détient 90 % des titres de participation d’une entité constitutive faiblement imposée et qu’aucune autre entité mère du même groupe ne détient de titres de participation dans cette même entité faiblement imposée, la RIR s’appliquera selon un ratio d’inclusion de 90 % et aucun impôt ne sera prélevé au titre de la RPII pour le solde de 10 %.
Exemple de non application de la RPII
Source : Delphine Bocquet, Julien Martinez, Elisa Lorca, Règles GloBE du pilier 2 : champ d’application, Revue trimestrielle de fiscalité internationale, n° 2-2022, mai 2022.
Dans cet exemple, l’EMI détient à seulement 90 % l’entité constitutive faiblement imposée. Elle détient en revanche l’intégralité des titres du groupe pour cette entité. Son impôt complémentaire s’élèvera par conséquent à 90 au titre de la RIR et la RPII ne s’appliquera pas sur les 10 % restants.
Dans la situation inverse, lorsqu’aucune entité mère n’est assujettie à la RIR, la RPII s’applique de plein droit.
● Enfin, des situations plus complexes peuvent apparaître, dans le cas où une entité constitutive faiblement imposée est à la fois détenue par des entités mères situées dans une juridiction appliquant la RIR (en tenant compte des ratios d’inclusion) et une juridiction n’appliquant pas la RIR. Dans cette hypothèse, l’impôt dû au titre de la RPII est minoré de l’impôt dû au titre de la RIR ([74]).
Application de la RPII à une entitÉ constitutive dans le cadre d’une structure de dÉtention complexe
Source : commission des finances, d’après les exemples donnés par l’OCDE.
Dans cet exemple, la RIR est appliquée à la société B qui détient 40 % de l’entité constitutive faiblement imposée. Dans la mesure où la société A détient elle-même indirectement 95 % de cette entité et qu’elle est située dans une juridiction n’appliquant pas la RIR, la RPII s’applique. Celle-ci est calculée en déduisant le montant d’impôt dû par la société B au titre de la RIR : son montant sera ainsi égal à 60.
iii. L’attribution de l’impôt complémentaire dû au titre de la RPII aux différentes juridictions
La répartition du produit de la RPII découle d’une formule de calcul définie par l’article 2.6 du modèle de règles. Elle dépend du nombre d’employés du groupe multinational et de la valeur de ses actifs corporels dans chaque juridiction où il est présent, en application de la formule suivante :
Le nombre d’employés désigne le nombre d’employés dans l’ensemble des entités constitutives du groupe situées dans la juridiction et, pour le dénominateur, dans les juridictions dotées d’une RPII qualifiée.
La valeur totale des actifs corporels doit ici être entendue comme la somme des valeurs nettes comptables des actifs corporels de l’ensemble des entités constitutives du groupe dans la juridiction et, pour le dénominateur, dans l’ensemble des juridictions disposant d’une RPII qualifiée.
Cette méthode de calcul résulte de la nécessité, selon les commentaires publiés par l’OCDE, de tenir compte de facteurs qui reflètent la substance économique du groupe multinational dans chaque juridiction. Elle a également pour objectif d’allouer l’impôt aux juridictions qui auront les capacités les plus importantes pour mettre en œuvre la RPII au moyen d’un refus de déduction de charges ([75]).
● Le modèle de règles aménage toutefois une dérogation à ces règles d’attribution. Dans le cas où pour une année antérieure, une juridiction n’a pas été en mesure de prélever l’impôt complémentaire qui lui a été attribué (par exemple, si la déduction de charge appliquée n’a pas eu pour effet de majorer le résultat d’une entité de sorte qu’elle devienne bénéficiaire), son ratio pour la RPII est ramené à zéro pour les années suivantes. Corrélativement, la valeur comptable des actifs et le nombre d’employé des entités situées dans cette juridiction ne sont plus pris en compte pour ventiler le produit de la RPII entre les autres juridictions.
Il s’agit là d’un « filet de sécurité dans le filet de sécurité » afin de s’assurer que l’impôt complémentaire dû au titre de la RPII soit perçu ([76]). Suivant la même logique visant à privilégier un recouvrement effectif de l’impôt, cette exclusion ne s’applique pas si, pour un même groupe multinational, l’ensemble des juridictions ont un ratio pour la RPII égal à zéro.
● En revanche, le modèle de règles GloBE ne prévoit pas les modalités selon lesquelles la charge d’impôt due au titre de la RPII est ventilée entre les entités d’un même groupe situées dans une même juridiction. Les commentaires publiés par l’OCDE renvoient au droit interne des juridictions pour régler cette question, sous réserve que les arbitrages retenus aménagent la meilleure coordination possible avec les règles applicables aux autres impôts nationaux.
c. Le calcul du résultat GloBE
Le résultat GloBE constitue l’assiette de l’impôt minimal, c’est-à-dire le dénominateur qui servira à définir le taux effectif d’imposition d’une entité. Son calcul est réalisé à partir du résultat net comptable d’une entité constitutive, après application d’ajustements.
i. Les états financiers de l’entité constitutive
Le point de départ du calcul de l’assiette imposable est le résultat net comptable de l’entité constitutive au titre d’une année fiscale. Au sens de l’article 3.1 du modèle de règles GloBE, ce résultat net correspond « au bénéfice ou à la perte net(te) déterminé(e) pour une entité constitutive (avant tout ajustement de consolidation destiné à éliminer les transactions intragroupes) lors de l’établissement des états financiers consolidés de l’entité mère ultime ».
Il s’agit donc du résultat comptable de l’entité déterminé dans la norme utilisée pour la préparation des états financiers de l’entité mère ultime. Le modèle de règles prévoit toutefois que lorsqu’il n’est pas raisonnable d’utiliser cette norme, le résultat peut être déterminé en application d’une autre norme admissible ou d’une norme de comptabilité agréée ([77]). Les commentaires publiés par l’OCDE précisent toutefois que ce cas devrait rester rare et pourrait concerner les groupes multinationaux ayant fait l’acquisition récente d’une nouvelle entité.
ii. Les ajustements extracomptables obligatoires et généraux
L’article 3.2 du modèle de règle définit les corrections qui doivent être appliquées au résultat comptable afin de déterminer le résultat GloBE. Les commentaires publiés par l’OCDE indiquent que ces ajustements sont pour la plupart communs dans le droit national des pays membres du Cadre inclusif. Pour certains, ils conduisent le résultat comptable à s’écarter de manière permanente du résultat fiscal ; pour d’autres, la divergence ne sera que temporaire.
● La première correction concerne la charge fiscale nette de l’entité. Doivent être réintégrés au résultat comptable (avec pour effet de majorer la charge fiscale nette et le résultat GloBE de l’entité) :
– les impôts couverts (cf. infra) courant et différés, y compris les impôts payés sur des bénéfices exclus du résultat GloBE ([78]) ;
– les impôts complémentaires nationaux qualifiés ([79]) ;
– les impôts complémentaires prélevés en vertu des règles GloBE ;
– les impôts remboursables non qualifiés qui sont comptabilisés en charge.
Enfin, les impôts différés actifs imputables à un déficit au titre de l’année fiscale, parce qu’ils ont été comptabilisés en produits, sont réintégrés mais viennent en diminution de la charge fiscale nette.
Ces diverses réintégrations ont pour objectif de reconstituer le résultat avant impôt de la société afin de déterminer son taux d’imposition effectif. Ainsi, une société dont le résultat après impôt s’élève à 800 millions d’euros, après avoir acquitté 200 millions d’euros d’impôt sur les sociétés, a un taux effectif d’imposition sur les bénéfices de 20 % (soit 200 millions rapportés à un résultat de 1 milliard d’euros) et non de 25 %.
● Dans la mesure où les règles GloBE prévoient de retenir comme base de départ le résultat net comptable de l’entité constitutive avant impôt, les opérations intragroupes n’ont pas encore été neutralisées. La seconde correction concerne ainsi l’exclusion de certains dividendes.
Champ d’exclusion des dividendes
|
Dividendes et autres distributions |
Détention donnant droit à moins de 10 % des droits au profit, au capital, aux réserves et droits de vote* |
Détention donnant droit à plus de 10 % des droits au profit, au capital, aux réserves et droits de vote |
|
Détention de court-terme (moins d’un an) |
Dividende inclus dans le résultat |
Dividende exclu |
|
Détention de long-terme (plus d’un an) |
Dividende exclu |
Dividende exclu |
*Ces titres sont nommés « titres de portefeuille » dans le modèle de règles.
Source : Commentaires publiés par l’OCDE (chapitre 3, paragraphe 38).
La portée du principe d’exclusion des produits de titres de participation est donc plus large que celle applicable dans le cadre de la directive mère-fille ([80]), transposée aux articles 145 et 216 du CGI ([81]).
● Le résultat GloBE est en troisième lieu calculé en appliquant des corrections sur les gains et pertes sur titres. Trois ajustements distincts sont prévus par le modèle de règles.
En premier lieu, celui-ci prévoit de neutraliser certaines plus ou moins-values sur capitaux :
– les gains et pertes résultant des variations de la juste valeur d’un titre de participation (à l’exclusion des titres de portefeuille). La réévaluation à la juste valeur correspond à la prise en compte de la plus-value latente des titres détenus par l’entité ;
– les bénéfices ou pertes résultant d’un titre de participation comptabilisé selon la méthode de mise en équivalence ;
La méthode de consolidation par mise en équivalence
La consolidation par mise en équivalence est appliquée lorsqu’une société consolidante exerce une influence notable sur une entreprise tierce sans en détenir le contrôle (les commentaires de l’OCDE donnant l’exemple de sociétés détenant généralement 20 à 50 % des titres de participation d’une autre société). La mise en équivalence permet de remplacer la valeur comptable des actions de la filiale détenue par la valorisation de la part que la société mère détient dans les capitaux propres de cette même filiale. Par conséquent, sans opérer une consolidation « ligne à ligne », la mise en équivalence revient à réévaluer les titres des entités sur lesquels une société exerce une influence notable.
– les plus ou moins-value de cessions de titres (hors titres de portefeuille). Contrairement aux dividendes, le critère de la durée de détention n’a pas d’influence sur le traitement à réserver aux gains ou pertes tirés de la cession d’un titre.
retraitement des plus ou moins-values de cessions de titres
|
Plus ou moins-value de cession de titre |
Détention donnant droit à moins de 10 % des droits au profit, au capital, aux réserves et droits de vote* |
Détention donnant droit à plus de 10 % des droits au profit, au capital, aux réserves et droits de vote |
|
Détention de court-terme (moins d’un an) |
PV ou MV incluses |
PV ou MV exclues |
|
Détention de long-terme (plus d’un an) |
PV ou MV incluses |
PV ou MV exclues |
Source : commission des finances, d’après les commentaires de l’OCDE.
En second lieu, le modèle de règles prévoit l’inclusion des plus ou moins‑values se rapportant à toute immobilisation corporelle comptabilisée en OCI ([82]) (pour Other comprehensive income ou « autres éléments du résultat global »). Cette réintégration a pour objectif, selon les commentaires publiés par l’OCDE, de prévenir une asymétrie de traitement entre les gains latents découlant de réévaluations qui n’apparaîtraient pas dans le résultat net de la société et des charges d’amortissement qui sont comptabilisés dans le résultat net de la société.
En troisième lieu, les plus ou moins-values liées à l’acquisition ou la cession d’actifs et de passifs dans le cadre d’une réorganisation GloBE ([83]) (cf. infra) sont exclues du résultat GloBE.
● Le modèle de règles prévoit de traiter les crédits d’impôt remboursables dans les 4 ans suivant leur octroi comme des subventions, ce qui conduit à les réintégrer dans le résultat GloBE des entités constitutives.
● Le modèle de règles prévoit de surcroît qu’une transaction réalisée entre deux entités constitutives situées dans des juridictions différentes doit être comptabilisée pour le même montant et respecter le principe de pleine concurrence – le non-respect de cette règle entraînant un ajustement du résultat de l’une ou des deux entités. Dans le cas où un accord préalable sur les prix de transfert a été conclu entre deux administrations fiscales, les termes de cet accord doivent être mobilisés pour déterminer le résultat GloBE.
● En outre, sont prévues les réintégrations suivantes :
– les gains et pertes de change résultant de l’usage de monnaies différentes pour établir les comptes de l’entité et pour déterminer le résultat fiscal ;
– les paiements illégaux et les amendes d’un montant supérieur à 50 000 euros ;
– les erreurs sur le traitement comptable d’une opération ;
– les provisions constituées pour financer les indemnités de départ à la retraite.
iii. Les retraitements sectoriels
Le modèle de règles prévoit certains retraitements spécifiques à certaines catégories d’activités. Ces corrections portent :
– sur le secteur des assurances, afin d’assurer la neutralité du taux effectif d’imposition vis-à-vis des revenus d’investissement perçus pour les souscripteurs de contrats ;
– sur le secteur bancaire, afin de clarifier le traitement devant être réservé aux paiements relatifs aux obligations contingentes convertibles de catégorie 1 ([84]).
De surcroît, l’article 3.3 du modèle de règles GloBE prévoit d’exclure du résultat GloBE les résultats provenant de l’exploitation de navires en trafic international ([85]).
Cette exclusion se justifie, selon les commentaires publiés par l’OCDE, par les régimes fiscaux spécifiques généralement mis en œuvre par les juridictions membres du Cadre inclusif, telle la taxe au tonnage en France.
La taxation au tonnage des entreprises de transport maritime en France
Le I de l’article 209-0 B du CGI prévoit que les sociétés dont au moins 75 % du chiffre d’affaires provient d’activités d’exploitation de navires armés au commerce peuvent bénéficier du régime de la taxation au tonnage.
En vertu de ce régime, le résultat imposable provenant des opérations directement liées à l’exploitation de navires est déterminé par application à chaque navire d’une taxe forfaitaire dont le barème dépend du nombre de jour durant lesquels le navire est éligible au régime de taxation et d’un nombre d’unités du système de jaugeage universel (UMS), permettant de mesurer la capacité ou le volume du navire.
RÉcapitulatif des principaux retraitements nÉcessaires À la dÉtermination du rÉsultat Globe
|
Éléments |
Retraitement |
|
Retraitements généraux |
|
|
Charge fiscale nette |
|
|
Impôts couverts |
Réintégration (majoration de la charge fiscale nette) |
|
Impôts différés actifs imputables à un déficit au titre de l’année fiscale |
Réintégration (diminution de la charge fiscale nette) |
|
Impôts complémentaires nationaux qualifiés |
Réintégration (majoration de la charge fiscale nette) |
|
Impôts remboursables non qualifiés |
Réintégration (majoration de la charge fiscale nette) |
|
Dividendes |
|
|
Dividende issu d’un titre de portefeuille détenu à court terme |
Réintégration |
|
Autres dividendes |
Exclusion |
|
Gains et pertes sur titres |
|
|
Plus ou moins-value résultant des variations de la juste valeur d’un titre de participation |
Exclusion |
|
Plus ou moins-value résultant d’un titre de participation comptabilisé selon la méthode de mise en équivalence |
Exclusion |
|
Plus ou moins-value de cessions de titres (hors titres de portefeuille) |
Exclusion |
|
Plus ou moins-value de cessions de titres de portefeuille |
Réintégration |
|
Réévaluation se rapportant à toute immobilisation corporelle comptabilisée en OCI |
Réintégration |
|
Plus ou moins-value liées à l’acquisition ou la cession d’actifs et de passifs dans le cadre d’une réorganisation GloBE |
Exclusion |
|
Autres éléments |
|
|
Crédits d’impôt qualifiés |
Réintégration |
|
Gains et pertes de change asymétriques |
Réintégration |
|
Paiements illégaux |
Réintégration |
|
Erreurs sur le traitement comptable |
Réintégration |
|
Provisions constituées pour financer les indemnités de départ à la retraite |
Réintégration |
|
Retraitements sectoriels |
|
|
Résultats provenant de l’exploitation de navires en trafic international |
Exclusion |
Source : commission des finances.
iv. Les retraitements optionnels
Le modèle de règles prévoit enfin la possibilité d’opter de manière limitée dans le temps (5 ans dans la majorité des cas) pour certains retraitements.
Ces options concernent :
– s’agissant des paiements des rémunérations sous forme d’actions, la possibilité de substituer au montant comptabilisé en charges dans les états financiers le montant admis en déduction du résultat fiscal ;
– l’exclusion des plus ou moins-values latentes sur les actifs et passifs comptabilisés à la juste valeur, qui sont alors comptabilisées lors de leur réalisation ;
– la possibilité d’étaler en arrière la comptabilisation des plus-values de cession de biens immobiliers situés dans la même juridiction que l’entité constitutive ;
– la possibilité de consolider les transactions intragroupes réalisées entre entités constitutives situées dans une même juridiction.
Les instructions administratives publiées par l’OCDE en 2023 sont par ailleurs venues enrichir le champ des options pouvant être exercées par les entités entrant dans le champ d’application des règles GloBE :
– un groupe peut exclure du résultat GloBE les abandons de créance consentis à ses entités en difficulté économique ;
– pour une durée de cinq ans, les gains et pertes sur instrument de couverture du risque de change peuvent être exclus sous condition du résultat GloBE de l’entité qui supporte le risque de change ;
– enfin, un groupe peut décider d’inclure certaines plus-values sur titres et dividendes à son résultat GloBE.
v. L’allocation des résultats des établissements stables et des entités transparentes
Parce qu’ils ne constituent pas des entités à part entière et qu’ils ne disposent pas forcément de comptes sociaux, les établissements stables doivent faire l’objet de dispositions spécifiques permettant de guider la manière dont leurs résultats sont répartis entre ceux-ci et leur entité principale.
L’article 3.4 du modèle de règles prévoit ainsi qu’en principe, le résultat GloBE d’un établissement stable correspond au résultat enregistré dans ses comptes sociaux. S’il n’en dispose pas, il convient de comptabiliser le montant qui aurait été pris en compte s’ils avaient été établis de manière autonome.
Le résultat net des entités transparentes localement ([86]) qui ne sont pas des entités mères ultimes et qui ne sont pas détenues par une entité transparente est quant à lui diminué du montant attribuable aux détenteurs de titres non-membres du groupe ([87]).
En second lieu, si l’entité transparente exerce son activité par l’intermédiaire d’un établissement stable, la quote-part de résultat de ce dernier lui est attribuée. Le solde est réparti à chaque détenteur à hauteur de sa participation. Si l’entité transparente est une entité hybride inversée, son résultat lui est attribué.
Les entités fiscalement transparentes
Une entité est transparente lorsque la législation fiscale d’une juridiction considère ses revenus, dépenses, bénéfices et pertes comme s’ils étaient réalisés ou encourus par l’entité qui détient ses titres, à hauteur de sa participation.
L’article 10.2 du modèle de règles définit deux catégories d’entités transparentes.
La première catégorie regroupe les entités localement transparentes, qui se subdivisent en deux sous-catégories :
– l’entité fiscalement transparente, qui est reconnue comme transparente au regard de ses revenus, dépenses, bénéfices et pertes à la fois par la législation fiscale de sa juridiction et par celle où est située l’entité qui détient ses titres ;
– l’entité hybride inversée, qui est reconnue comme fiscalement transparente au regard de ses revenus, dépenses, bénéfices et pertes par la législation de sa juridiction mais pas par la législation de la juridiction de l’entité qui détient ses titres. Une telle entité n’est reconnue comme un sujet fiscal par aucune juridiction.
La seconde catégorie concerne les entités hybrides, qui sont considérées comme opaques dans les juridictions où elles sont établies et transparentes dans les juridictions de leurs détenteurs.
d. Le calcul du montant ajusté des impôts couverts
Le montant des impôts couverts constitue le numérateur du taux effectif d’imposition. À l’instar des corrections devant être apportés au résultat GloBE, les impôts couverts font l’objet de plusieurs ajustements, liés à l’allocation de ces impôts entre les différentes entités constitutives et la prise en compte des impôts différés.
i. Les impôts couverts
Les impôts couverts, définis à l’article 4.2 du modèle de règles, désignent les impôts dont il est tenu compte pour déterminer le taux effectif d’imposition.
● Ces impôts recouvrent en premier lieu ceux portant sur le résultat des entités constitutives. Cela concerne en France l’IS et la contribution additionnelle assise sur celui-ci.
● Sont également concernés les impôts sur les résultats distribués ou réputés distribués dans le cadre de régimes d’imposition des sociétés assis sur les profits distribués ([88]).
● En troisième lieu, sont couverts les impôts prélevés « en lieu et place » de l’impôt sur les bénéfices. Les commentaires publiés par l’OCDE font ainsi état des retenues à la source sur les intérêts ou encore des primes d’assurance, ainsi que des taxes assises sur une assiette alternative, tels que le nombre d’unités produites ou les surfaces commerciales. Toutefois, pour être considérés comme des impôts couverts, ces taxes doivent être prélevées en dehors de tout autre prélèvement assis sur le résultat. La taxe sur les surfaces commerciales en France (Tascom), bien que pouvant répondre à cette définition, ne pourra donc pas être comptabilisée comme un impôt couvert.
● Enfin, les impôts assis sur les bénéfices non distribués et les fonds propres (c’est-à-dire les réserves distribuables et d’autres éléments des capitaux propres) sont considérés comme couverts. Ce cas concerne par exemple la Zakat prélevée en Arabie Saoudite, qui est assise à la fois sur les revenus et les capitaux propres des entreprises.
Sont en revanche explicitement exclus de la catégorie des impôts couverts les impôts assis sur la consommation, les droits d’accise et droits d’enregistrement, les impôts fonciers ainsi que les taxes sur les services numériques. Il en va de même des impôts complémentaires payés en application des règles GloBE.
ii. L’affectation des impôts couverts entre plusieurs entités constitutives
Les règles d’affectation des impôts couverts visent à attribuer l’impôt à la juridiction dans laquelle le revenu a été généré.
En premier lieu, certaines juridictions ne retiennent pas les mêmes règles de territorialité de l’impôt que celles applicables en France au titre de l’IS. Dans le cadre d’un régime national d’imposition dit mondial, l’entité de siège inclut dans sa base imposable les revenus perçus par les établissements stables qui lui sont liés quand bien même ces derniers seraient situés à l’étranger (tandis qu’en France, les revenus des établissements n’étant pas exploités en France ne sont par principe par imposable au titre de l’IS). Le modèle de règle prévoit que les impôts payés par les entités de siège au titre des revenus de leurs établissements stables situés dans une autre juridiction doivent être attribués à ces derniers.
De manière similaire, en application de l’article 4.3 du modèle de règles, l’impôt couvert comptabilisé par une entité fiscalement transparente doit être réalloué au niveau des entités détentrices. Dans le cas d’une entité hybride ([89]), les impôts comptabilisés par les entités détentrices doivent lui être réalloués.
Le modèle de règles traite également du cas des sociétés étrangères contrôlées, dont le régime est prévu à l’article 209 B du CGI en France (cf. supra). Les bénéfices d’une société imposés par application de ce régime doivent ainsi être réalloués à ses filiales étrangères.
Enfin, les impôts prélevés sur les dividendes distribués par une entité constitutive à ses entités détentrices doivent être réalloués à l’entité distributrice (cet impôt prenant la plupart des cas la forme d’une retenue à la source).
iii. Le traitement des impôts différés
Comme indiqué précédemment, des divergences temporaires peuvent apparaître entre la valeur comptable et la valeur fiscale d’éléments d’actif ou de passif.
Ces différences sont comptabilisées sous la forme d’un impôt différé, actif s’il s’agit d’une déduction d’impôt à venir, ou passif, s’il s’agit d’une charge future d’impôt.
● Afin d’éviter d’avantager ou de désavantager les contribuables en raison de ces décalages temporels, le modèle de règles prévoit d’ajuster le montant des impôts couverts en fonction de la charge d’impôt différé retenue dans les états financiers des entités constitutives.
Cet ajustement obéit toutefois à des règles particulières. Ainsi :
– dans les juridictions dans lesquelles le taux d’imposition applicable est inférieur à 15 %, le produit ou la charge d’impôt différé sera calculé en appliquant le taux en vigueur dans la juridiction ;
– pour les juridictions dans lesquelles le taux applicable est supérieur à 15 %, un taux de 15 % est appliqué.
Exemple simplifiÉ du calcul du montant d’impôts couverts aprÈs prise en compte des impôts diffÉrÉs
(en millions d’euros)
|
|
Base |
Impôt |
Taux effectif d’imposition |
|
Résultat avant impôt IFRS |
500 |
125 |
25 % |
|
Amortissement dérogatoire |
-50 |
- 12,5 |
/ |
|
Imputation de déficit passé |
-250 |
- 62,5 |
|
|
Résultat fiscal (a) |
200 |
50 |
10 %* |
|
Comptabilisation des impôts différés au taux de 15 % |
|||
|
Impôt différé passif sur amortissement (b) |
50 |
7,5 |
|
|
Reprise d’impôt différé actif sur déficits reportables (c) |
250 |
37,5 |
|
|
Impôts couverts ajustés (a+b+c) |
/ |
95 |
19 % |
*Le taux effectif est calculé en partant du résultat avant impôt IFRS.
Source : commission des finances, d’après un exemple tiré de la revue trimestrielle de fiscalité internationale n° 2-2022 ([90]).
● Le modèle de règle prévoit toutefois certaines exclusions d’impôts différés, qui ne sont donc pas comptabilisés pour ajuster le montant des impôts couverts. Il s’agit :
– des impôts différés portant sur des éléments exclus du résultat GloBE ;
– des impôts différés résultant de positions fiscales incertaines ([91]) ;
– des incidences sur un impôt différé actif d’un ajustement de valeur ou d’un ajustement de reconnaissance d’un point de vue comptable ;
– des incidences résultant de la variation future d’un taux d’imposition applicable en droit interne ;
– des impôts différés issus de la génération ou de l’utilisation d’un crédit d’impôt.
● De surcroît, le modèle de règles prévoit la mise en œuvre d’un dispositif anti-abus permettant de recalculer le taux effectif d’imposition défini pour un exercice si un impôt différé passif ne se traduit pas par le paiement d’un impôt courant dans un délai de cinq ans. Ce mécanisme vise ainsi à prévenir le risque de manipulation du montant des impôts différés passifs et se matérialise par la « recapture » de l’impôt différé (c’est-à-dire son exclusion du calcul du taux effectif d’imposition).
Cependant, certains dispositifs applicables dans le droit interne de la majorité des États membres du Cadre inclusif conduisent à comptabiliser de manière obligatoire des impôts différés dont la reprise est susceptible d’intervenir au-delà de ce délai de cinq ans. Pour tenir compte de ces impôts différés qui, selon les commentaires publiés par l’OCDE, reflètent des activités substantielles et sont peu susceptibles d’être manipulés, le modèle de règles exclut du champ de la « recapture » :
– les différentiels d’amortissement d’actifs corporels ;
– les coûts de licence en contrepartie de l’exploitation de biens immobiliers ou l’exploitation de ressources naturelles ;
– les dépenses de recherche et développement capitalisées ;
– les dépenses de mise hors service et de réparation ;
– la comptabilisation à la juste valeur de plus-values nettes latentes ;
– les gains latents de change ;
– les provisions techniques des sociétés d’assurance et les coûts différés de souscription de police d’assurance ;
– les plus-values sur cessions de biens corporels réinvestis dans la même juridiction ;
– les impôts différés résultant d’un changement de méthode comptable.
● L’article 9.1 du modèle de règles traite enfin la question de la prise en compte des impôts différés constitués avant l’entrée en vigueur de l’accord sur le pilier 2. Ce stock doit être recalculé en appliquant les taux mentionnés précédemment (le taux le plus faible entre 15 % et le taux applicable dans la juridiction).
iv. L’option pour la perte GloBE
L’article 4.4 du modèle de règles prévoit cependant une option permettant d’adopter un régime de comptabilisation des impôts différés simplifié, qui se substitue aux principes énoncés ci-avant.
Cette option permet, pour chaque année fiscale au cours de laquelle une perte « GloBE » (soit un résultat négatif calculé en application du modèle de règles) est constatée dans une juridiction, de comptabiliser un impôt différé actif dont le montant est égal au produit de la perte GloBE et du taux minimum de 15 %. Le solde de l’impôt différé actif est ensuite reportable sur les années fiscales ultérieures.
v. Le calcul du montant d’impôts couverts ajustés
Au total, le montant des impôts couverts ajustés est, aux termes de l’article 4.1 du modèle de règles, la somme :
– des impôts courants couverts ajustés des impôts différés ;
– des impôts couverts sur les éléments comptabilisés au sein des autres éléments du résultat global ou des fonds propres ;
– des impôts payés sur des positions fiscales incertaines ;
– des crédits d’impôts qualifiés, s’ils sont comptabilisés en diminution de la charge d’impôt courant (ce qui s’explique par le fait que ces crédits d’impôts sont réintégrés dans le résultat GloBE).
Sont par ailleurs déduits de ce total :
– les crédits d’impôts non qualifiés – parce qu’ils ne sont pas intégrés au dénominateur ;
– toute charge d’impôt courant qui ne serait pas payée sous trois exercices ;
– les impôts exigibles mais non encore acquittés en raison d’une position fiscale incertaine.
e. Le calcul du taux effectif d’imposition et de l’impôt complémentaire
Le taux effectif d’imposition (TEI), traité aux articles 5.1 à 5.6 du modèle de règles, constitue le cœur du pilier 2.
Il se calcule juridiction par juridiction et non entité par entité. Ainsi, lorsque ce taux sera inférieur à 15 % pour l’ensemble des entités d’une même juridiction, les mécanismes de prélèvement de l’impôt complémentaire décrits précédemment pourront être activés.
Ce choix est justifié par les commentaires de l’OCDE comme permettant d’éviter la mise en œuvre de stratégies d’évitement qui auraient permis aux groupes multinationaux d’optimiser leur charge d’impôt entre entités d’une même juridiction ; il permet également de limiter les distorsions qui auraient pu naître du fait de différences en matière de droit fiscal applicable entre les juridictions ([92]).
i. Le calcul du taux effectif d’imposition
Au titre de chaque année fiscale, le TEI est calculé pour une juridiction selon la formule suivante :
Le bénéfice GloBE de toutes les entités constitutives (EC) est égal à la somme des bénéfices de l’ensemble des EC situées dans la juridiction. De manière similaire, les pertes correspondent à la somme des pertes de toutes les EC situées dans la juridiction. Le calcul du TEI ne concerne donc que les juridictions dans lesquelles les EC dégagent un bénéfice net ([93]).
Le principe de l’agrégation juridictionnelle connaît toutefois plusieurs exceptions. Afin de tenir compte de la spécificité de ces structures, le TEI des entités d’investissement est ainsi calculé de manière séparée au sein d’une même juridiction (cf. infra).
D’autre part, aux termes de l’article 5.6 du modèle de règles, le TEI des entités membres d’un sous-groupe à détention minoritaire est calculé comme si ces dernières formaient « un groupe multinational distinct » ([94]). Les entités à détention minoritaire sont celles pour lesquelles l’entité mère ultime détient directement ou indirectement une participation inférieure à 30 %. Cette règle se justifie par le fait que ces entités peuvent en parallèle être détenues par d’autres sociétés qui ne font pas partie du même groupe multinational.
Les entités apatrides font enfin l’objet d’un traitement séparé : leur TEI est calculé sur une base individuelle ([95]).
ii. Le calcul de l’impôt complémentaire
Une fois que le test du TEI a été réalisé et si les entités constitutives d’une même juridiction sont imposées à un taux inférieur à 15 %, le modèle de règles prévoit la manière dont doit être calculé l’impôt complémentaire qui sera prélevé en application de la RIR ou de la RPII.
Le taux de cet impôt est égal à la différence entre le TEI de la juridiction et le taux minimum de 15 %. Une fois ce taux déterminé, l’impôt complémentaire est calculé de la manière suivante :
Cette formule appelle plusieurs précisions.
● En premier lieu, l’assiette de l’impôt complémentaire diverge de celle retenue pour calculer le TEI. Le taux de l’impôt complémentaire est ainsi calculé sur une base nommée « bénéfice excédentaire » qui correspond à la différence entre le bénéfice GloBE de la juridiction et un revenu de « routine ».
En d’autres termes, l’impôt complémentaire est calculé à partir d’une assiette sur laquelle est appliquée une déduction correspondant à un bénéfice fondé sur la substance. Ce mécanisme, prévu à l’article 5.3 du modèle de règles, a pour objectif de tenir compte de la réalité de l’activité économique des entités constitutives dans la juridiction.
La déduction fondée sur la substance comprend deux volets. Le premier porte sur les frais de personnel supportés par les entités constitutives d’une même juridiction et s’applique à un taux de 5 %. Les frais éligibles à cette exclusion sont ceux résultant des dépenses liées à la rémunération des salariés, les taxes sur les salaires et les cotisations patronales de sécurité sociale. Les employés éligibles sont ceux qui exercent leur activité dans la juridiction de l’entité.
Le modèle de règles prévoit également un régime transitoire ayant pour effet de majorer de manière dégressive la déduction applicable aux frais de personnel jusqu’en 2033.
Évolution du taux de la déduction applicable aux frais de personnel
|
Année fiscale débutant en |
Taux de la déduction |
|
2023 |
10 % |
|
2024 |
9,8 % |
|
2025 |
9,6 % |
|
2026 |
9,4 % |
|
2027 |
9,2 % |
|
2028 |
9,0 % |
|
2029 |
8,2 % |
|
2030 |
7,4 % |
|
2031 |
6,6 % |
|
2032 |
5,8 % |
|
2033 |
5 % |
Source : article 9.2 du modèle de règles.
Le deuxième volet de la déduction fondée sur la substance concerne l’exclusion, à hauteur de 5 %, de la valeur nette comptable des actifs corporels des entités constitutives.
Ces actifs corporels sont limitativement énumérés par le modèle de règles et regroupent ;
– les biens, usines, équipements situés dans la juridiction ;
– les ressources naturelles situées dans la juridiction ;
– le droit pour un locataire d’utiliser des actifs corporels situés dans la juridiction ;
– les licences ou dispositifs de même nature concédés par l’État en contrepartie de l’utilisation de biens immobiliers ou de ressources naturelles entraînant des investissements importants dans des actifs corporels.
Ne sont toutefois pas pris en compte les biens détenus pour être vendus ou loués ainsi que ceux détenus en tant qu’investissement. De plus, dans la mesure où les revenus tirés de l’exploitation de navires en trafic international sont exclus du résultat GloBE, la valeur comptable des actifs corporels utilisés pour générer ces mêmes revenus sont exclus du champ de la déduction.
De la même manière que pour la déduction applicable aux frais de personnel, un taux dérogatoire s’appliquera durant les premières années de mise en œuvre du pilier 2.
Évolution du taux de la dÉduction applicable aux actifs corporels
|
Année fiscale débutant en |
Taux de la déduction |
|
2023 |
8 % |
|
2024 |
7,8 % |
|
2025 |
7,6 % |
|
2026 |
7,4 % |
|
2027 |
7,2 % |
|
2028 |
7,0 % |
|
2029 |
6,6 % |
|
2030 |
6,2 % |
|
2031 |
5,8 % |
|
2032 |
5,4 % |
|
2033 |
5 % |
Source : article 9.2 du modèle de règles.
● Le modèle de règles prévoit en second lieu d’additionner à l’impôt complémentaire les impôts additionnels courants.
Ceux-ci résultent de l’application des articles 5.4 et 4.1.5 du modèle de règles. Il s’agit respectivement :
– des corrections appliquées à des exercices antérieurs, notamment dans le cas où pour ces derniers l’impôt complémentaire doit être recalculé ;
– de l’impôt complémentaire exigé pour une juridiction qui dégage une perte GloBE pour laquelle le montant d’impôt ajusté est négatif et inférieur au montant d’impôt escompté (cf. supra).
● Les modalités de calcul de l’impôt complémentaire impliquent enfin de tenir compte des impôts complémentaires nationaux qualifiés prélevés auprès des entités constitutives.
Cet impôt national est celui qui peut être institué par une juridiction afin de lui permettre d’atteindre le taux effectif minimum de 15 % et éviter que d’autres pays prélèvent un impôt sur des bénéfices générés sur son territoire. Pour être reconnu comme « qualifié », cet impôt complémentaire national doit respecter les règles GloBE ([96]) .
iii. Les exclusions de minimis
● Par dérogation aux règles présentées précédemment, les entités déclarantes peuvent, sur option annuelle, considérer que leur impôt complémentaire est nul pour une juridiction et sur une année fiscale si les deux conditions cumulatives suivantes sont remplies ([97]) :
– le chiffre d’affaires GloBE moyen réalisé par les entités constitutives du groupe dans cette juridiction est inférieur à 10 millions d’euros ;
– le résultat GloBE moyen réalisé par les entités constitutives du groupe dans cette juridiction est une perte ou un bénéfice inférieur à un million d’euros ([98]).
Selon les commentaires publiés par l’OCDE ([99]), cette option vise à alléger la complexité des modalités de calcul du taux effectif d’imposition dans les cas où le montant de l’impôt complémentaire qui pourrait être exigé serait trop faible.
● Au-delà des exclusions de minimis, l’article 9.3 du modèle de règles prévoit par ailleurs d’exempter du paiement de l’impôt complémentaire dû au titre de la RPII les groupes multinationaux qui seraient en phase de démarrage de leurs activités. Cette exclusion concerne les groupes qui ont des entités constitutives dans six juridictions ou moins et dont la somme de la valeur nette comptable de leurs actifs corporels ne dépasse pas 50 millions d’euros. Cette exemption ne s’applique néanmoins plus au bout du cinquième exercice suivant l’exercice au cours duquel le groupe multinational est entré dans le champ d’application des règles GloBE.
iv. L’allocation de l’impôt complémentaire entre les entités constitutives de la juridiction
Une fois le montant de l’impôt complémentaire calculé, le modèle de règles ([100]) prévoit les conditions dans lesquelles l’entité mère le ventile entre ses entités constitutives.
Cette ventilation s’opère selon la formule suivante :
f. Les restructurations d’entreprises
Les articles 6.1 à 6.5 du modèle de règles portent sur les situations pouvant survenir au cours de la « vie » d’une entreprise. Il s’agit plus particulièrement des opérations de fusions, de scissions et de réorganisations. Ces articles traitent également le cas des coentreprises (Joint-venture).
i. Les fusions et les scissions de groupe
● Plusieurs hypothèses de fusions sont retenues par le modèle de règles. Pour chacun de ces cas, des modalités particulières de prise en compte du chiffre d’affaires sont définies pour apprécier si le groupe doit entrer dans le champ d’application du pilier 2.
En premier lieu, deux ou plusieurs groupes peuvent avoir fusionné pour former un groupe unique dans les quatre années précédant l’année fiscale testée. Le seuil de chiffre d’affaires de ce nouveau groupe est présumé être atteint si pour une année fiscale précédant celle de la fusion, la somme de leur chiffre d’affaires respectif excède 750 millions d’euros.
En second lieu, si une entité qui n’était pas membre d’un groupe fusionne avec un groupe au cours de l’année fiscale et si l’un d’entre eux ne dispose pas d’états financiers consolidés, le seuil de chiffre d’affaires est présumé être atteint si la somme des chiffres d’affaires figurant dans leurs comptes sociaux est supérieure à 750 millions d’euros.
● Dans le cas d’une scission de groupe, la règle de droit commun prévoyant de vérifier si le seuil de chiffre d’affaires est atteint sur deux des quatre précédents exercices n’est pas appliquée. L’article 6.1 du modèle de règles prévoit à l’inverse que pour la première année fiscale qui suit la scission, le seuil de chiffre d’affaires est apprécié pour cette seule année. Pour les trois exercices suivants, le groupe issu de la scission entre dans le champ d’application des règles GloBE si son chiffre d’affaires a excédé 750 millions d’euros sur au moins deux exercices.
ii. Les entrées et sorties d’entités constitutives au sein d’un groupe multinational
● Lorsque survient une acquisition ou une cession d’entreprise, le modèle de règles prévoit que doivent être considérées comme des entités constitutives celles dont une partie des actifs, passifs, produits charges et flux de trésorerie sont inclus, ligne à ligne, dans les comptes consolidés de l’entité mère ultime au cours de l’année d’acquisition ou de cession.
Pour calculer le résultat GloBE et les montant d’impôts couverts ajustés de l’entité constitutive, seule la fraction de résultat net et d’impôt intégrée aux états financiers de l’entité mère est prise en compte au titre de l’exercice d’acquisition. Le groupe acquéreur retient par ailleurs la valeur comptable historique des actifs et passifs de l’entité constitutive, ce qui permet de différer l’imposition de la plus-value sur les actifs transférés.
● S’agissant des actifs et passifs d’impôts différés, le modèle de règles prévoit qu’ils sont comptabilités par le groupe acquérant comme si celui-ci contrôlait déjà l’entité au moment de leur constatation ([101]).
● De plus, afin de calculer le montant des déductions fondées sur la substance (cf. supra), les frais de personnel pris en compte par le groupe cessionnaire sont ceux enregistrés dans ses états financiers depuis la date d’acquisition. La valeur des actifs corporels est quant à elle prise en compte au prorata de la période écoulée depuis l’acquisition.
● Enfin, si une entité mère est cédée par un groupe à un autre au cours d’un exercice, celle-ci doit appliquer séparément la RIR pour chacun des deux groupes en tenant compte des actifs et passifs figurant dans les comptes des deux groupes, au prorata de leur temps de détention.
iii. Les transferts d’actifs et de passifs
L’article 6.3 du modèle de règles reprend dans certaines limites les régimes de faveur en matière de fusions, scissions et d’apport partiel d’actifs applicables dans le droit interne de la majorité des pays membres du Cadre inclusif.
Ces régimes visent à assurer la neutralité au plan fiscal de telles opérations en leur conférant un caractère intercalaire : l’objectif est de permettre la réorganisation juridique des entreprises sans les pénaliser fiscalement.
Ces régimes sont notamment prévus par les dispositions de la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009 ([102]) et, en droit interne, par les articles 210-0 A à 210 C du CGI.
● Dans le cadre du pilier 2, ce régime de faveur est aménagé pour les opérations relevant de « réorganisations GloBE ». Ces dernières correspondent aux transformations ou transferts d’actifs et de passifs, à l’occasion d’une fusion, d’une scission, d’une liquidation ou d’une opération de même nature, aux termes de laquelle :
– le transfert est rémunéré en tout ou majeure partie par une participation au capital émise par l’entité constitutive cessionnaire ([103]), ou, dans le cas d’une liquidation, la part des capitaux de l’entité liquidée est annulée ;
– les plus ou moins-value de l’entité constitutive cédante sur les actifs transférés ne sont pas soumises à impôt ;
– la législation fiscale de la juridiction dans laquelle est située l’entité constitutive cessionnaire lui impose de retenir la valeur historique des actifs ou passifs transférés.
Si ces critères sont remplis, la réorganisation GloBE bénéficie d’un régime de neutralité fiscale, ce qui permet à l’entité cédante d’exclure les plus ou moins-value réalisées à l’occasion de la cession de son résultat GloBE ; parallèlement, l’entité cessionnaire détermine son résultat GloBE à partir de la valeur nette comptable des actifs et passifs transférés retenue dans les écritures de l’entité constitutive cédante.
À l’inverse, les transferts opérés en dehors d’une réorganisation GloBE conduisent l’entité cédante à intégrer la plus ou moins-value dans le calcul de son résultat ; l’entité cessionnaire devra quant à elle comptabiliser les actifs et passifs selon leur prix d’acquisition.
● Le modèle de règles tient par ailleurs compte des cas dans lesquels le droit national fixe une limite aux contreparties pouvant être versées dans le cadre d’une réorganisation. Dans ce cas, une partie de la plus-value réalisée lors du transfert est imposable et ne peut donc être retenue comme une plus-value éligible au régime de la réorganisation GloBE. L’article 6.3 du modèle de règles prévoit en conséquence que la plus-value non qualifiée est intégrée dans le résultat GloBE de l’entité cédante ; symétriquement, pour déterminer le résultat de l’entité cessionnaire, la valeur des actifs et passifs transférés est ajustée pour tenir compte de la plus-value non qualifiée.
● Sur option ou de manière obligatoire selon les dispositions applicables dans le droit interne des États membres du Cadre inclusif, les sociétés peuvent être amenées à réévaluer la valeur de leurs actifs et passifs lors d’une opération de transfert. Cette réévaluation peut ensuite faire l’objet d’une imposition immédiate ou étalée dans le temps ([104]). En conséquence, l’article 6.3.4 du modèle de règles permet, sur option de l’entité déclarante, aux entités constitutives d’intégrer dans le calcul de leur résultat GloBE un montant de plus ou moins-value égal à la différence entre la valeur comptable des actifs ou passifs au moment du transfert et leur juste valeur après ce même transfert.
L’impôt payé au titre de cette variation de valeur sera retenu au titre des impôts couverts ; l’entité constitutive peut toutefois, sur option, étaler l’intégration de l’écart de réévaluation sur cinq ans.
g. Les entreprises revêtant une forme juridique particulière
Les principes généraux des règles GloBE peuvent imparfaitement s’adapter à certaines entreprises pour lesquelles il n’est pas possible d’identifier une entité mère ultime unique. Le modèle de règles précise dans ce cas le traitement fiscal qui doit leur être réservé.
i. Les coentreprises
Les comptes des coentreprises (Joint-venture), parce qu’elles ne sont pas contrôlées exclusivement pas une même entité, ne peuvent pas être consolidés ligne à ligne et agrégés aux résultats des autres entités du groupe auquel elles appartiennent. L’application des règles GloBE à ces entités nécessite donc des dispositions spécifiques, prévues par l’article 6.4 du modèle de règles.
De manière schématique, une joint-venture est une structure juridique créée par deux sociétés ou plus afin d’organiser leur coopération sur un projet commun. Aux termes du modèle de règles, ces structures sont plus précisément définies comme des entités « dont les résultats financiers sont reportés selon la méthode de mise en équivalence dans les états financiers consolidés de l’entité mère ultime, à condition que l’entité mère ultime détienne directement ou indirectement au moins 50 % de ses titres de participation » ([105]).
Le modèle de règles prévoit que l’impôt complémentaire des joint-venture et de leurs filiales est calculé de manière séparée, comme si elle était l’entité mère ultime d’un groupe multinational distinct. L’entité mère ultime du groupe qui détient une participation dans la joint-venture doit ensuite appliquer la RIR à proportion de sa participation dans cette même joint-venture.
ii. Les groupes multinationaux à entités mères multiples
Un groupe multinational à entités mères multiples correspond à deux ou plusieurs groupes dont les entités mères ultimes sont parties à un accord de jumelage d’actions ou à un accord de double cotation et dont au moins une entité ou établissement se situe dans une autre juridiction que celle des autres entités du groupe.
L’article 6.5 du modèle de règles prévoit que les entités constitutives de ces groupes – celles dont les états financiers sont consolidés ligne par ligne – sont considérées comme faisant partie d’un groupe multinational unique. Chaque entité mère du groupe doit par conséquent appliquent la RIR et la RPII pour leur part d’impôt complémentaire attribuable à une entité constitutive faiblement imposée.
h. Les régimes de neutralité fiscale et les régimes de distribution
Les articles 7.1 à 7.4 du modèle de règles adaptent les règles GloBE aux caractéristiques de certains régimes fiscaux spécifiques.
i. Les régimes de neutralité fiscale
Les pays membres du cadre inclusif peuvent imposer directement le revenu d’une société entre les mains de ses propriétaires : l’entité est alors considérée comme fiscalement transparente.
Ces modalités d’imposition peuvent poser difficulté pour l’application des règles GloBE lorsque l’entité transparente est également une entité mère ultime. Dans cette hypothèse, le TEI de cette entité serait très faible voire nul, ce qui conduirait à prélever un impôt complémentaire élevé quand bien même l’imposition des bénéfices de l’entreprise n’a pas fait l’objet d’un évitement.
Pour régler cette question, l’article 7.1 du modèle de règles prévoit que le bénéfice GloBE d’une entité fiscalement transparente qui est l’entité mère ultime d’un groupe est diminué du montant du bénéfice GloBE imputable à chaque titre de participation si :
– le détenteur du titre de participation est personnellement soumis à l’impôt sur ce bénéfice au titre d’une période d’imposition qui se termine douze mois après la fin de l’exercice du groupe multinational (à la condition que le détenteur du titre soit soumis à l’impôt sur la totalité de ce bénéfice à un taux supérieur au taux minimum – cette condition étant respectée si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’au total, le bénéfice sera taxé à un taux supérieur au taux minimum de 15 %) ;
– de manière alternative, le détenteur est une personne physique, une entité publique, une organisation internationale, une organisation à but non lucratif ou un fonds de pension qui réside fiscalement dans la juridiction de l’entité mère ultime et qui détient des titres donnant droit à 5 % ou moins des bénéfices et actifs de l’entité mère ultime.
Symétriquement, les entités transparentes doivent diminuer leur perte GloBE du montant de la perte GloBE imputable à chaque titre de participation, à la condition que les détenteurs des titres puissent eux-mêmes déduire cette perte de leur revenu imposable.
ii. Le régime des dividendes déductibles
Certains régimes fiscaux des pays membres du Cadre inclusif prévoient un niveau d’imposition unique pour les détenteurs de titres d’une entité en permettant à cette dernière de déduire de son résultat imposable les distributions de bénéfices qu’elle réalise. Le montant du bénéfice non distribué est par ailleurs, dans le cadre de ces régimes, imposé dans les mains de l’entité.
Certains régimes applicables aux coopératives prévoient par ailleurs de considérer les ristournes qu’elles versent à leurs adhérents au prorata du travail qu’ils fournissent comme une forme de profit distribué pouvant être déduit du résultat imposable. En France, ce régime s’applique notamment aux coopératives relevant de la loi cadre du 10 septembre 1947 ([106]), à savoir :
– les sociétés coopératives constituées entre commerçants ;
– les sociétés coopératives d’achats en commun de commerçants détaillants ;
– les sociétés coopératives de commerçants détaillants ;
– certains organismes de crédit populaire ou coopératif, comme les sociétés de caution mutuelle, les banques populaires, les coopératives de crédit pour les industries d’art ou les sociétés de crédit maritime mutuel ;
– les sociétés mixtes d’intérêt agricole (SMIA).
Les coopératives agricoles bénéficient quant à elles non pas d’un régime d’assiette mais d’un régime d’exonération d’IS pour certaines de leurs opérations (cf. supra).
L’article 7.2 du modèle de règles tient compte de ces régimes d’une manière relativement similaire à celle aménagée pour les entités fiscalement transparentes. Il est ainsi prévu que les entités mères ultimes soumises à un régime de « dividende déductible » déduisent de leur bénéfice GloBE (sans pour autant pouvoir ramener le résultat en dessous de zéro ([107])) le montant du bénéfice distribué.
Les conditions prévues par le modèle de règles se rapprochent également de celles prévues pour les entités transparentes :
– le dividende distribué doit être imposé dans l’État de résidence de son bénéficiaire au titre de la période d’imposition se terminant dans les douze mois suivant la fin de l’exercice de l’entité mère ;
– le dividende doit être imposé à un taux au moins égal au taux minimum de 15 % ;
– le bénéficiaire du dividende est une personne physique et le dividende correspond à une ristourne.
Le régime s’applique également si le bénéficiaire est une personne physique ou une entité exclue (hors fonds d’investissement et véhicule d’investissement immobilier) qui réside fiscalement dans la juridiction de l’entité mère ultime et qui détient des titres de participation donnant droit à 5 % ou moins des bénéfices et actifs de l’entité mère ultime.
L’article 10.1 du modèle de règles précise également que les ristournes versées par les coopératives et les dispositifs d’exonération fiscale applicables aux coopératives sont couverts par l’application du régime des dividendes déductibles.
iii. Les régimes éligibles d’impôt sur les distributions
Les impôts sur les distributions sont assis sur les bénéfices distribués ou réputés distribués aux détenteurs de titres de participation et non sur les bénéfices réalisés par une entreprise ([108]). Comme indiqué précédemment, l’article 4.2 du modèle de règles prévoit de considérer ces impôts comme couverts pour la détermination du taux effectif d’imposition.
Les commentaires publiés par l’OCDE relèvent toutefois plusieurs difficultés pouvant se poser dans l’application des règles de droit commun du pilier 2 pour les entreprises soumises à un impôt sur les distributions.
En premier lieu, lorsque le bénéfice d’une société ne donne pas lieu à distribution, une grande partie des revenus de cette même société n’est pas soumise à impôt l’année où ils ont été perçus et déclarés dans ses états financiers. Elle peut ainsi être soumise à un impôt complémentaire quand bien même elle n’est en pratique pas sous imposée.
En second lieu, le montant des distributions réalisées au cours d’une année peut ne pas être corrélé au montant des revenus perçus par l’entreprise : il peut donc en résulter un taux effectif d’imposition très élevé ou très faible qui ne permettra pas de vérifier si une situation de sous imposition est avérée.
En conséquence, lorsqu’un groupe multinational détient une ou plusieurs entités constitutives situées dans une juridiction disposant d’un régime d’imposition sur les distributions, l’article 7.3 du modèle de règles prévoit que l’entité déclarante peut exercer une option annuelle permettant de majorer le montant des impôts couverts de ses entités constitutives situées dans une même juridiction.
Le montant de cette majoration – nommée impôt sur les distributions présumées (Deemed distribution tax) – est égal au plus faible montant entre le montant nécessaire pour porter le taux d’imposition de la juridiction au taux minimum et le montant d’impôt qui aurait été exigible si les entités situées dans la juridiction avaient distribué tous leurs bénéfices. Ce second cas vise à prévenir les cas d’abus, dans l’hypothèse où le revenu GloBE d’une entité serait supérieur au montant des bénéfices pouvant être distribués.
Un compte de régularisation doit être établi pour chaque année au cours de laquelle cette option est exercée. Ce compte est tout d’abord abondé du montant de l’impôt sur les distributions présumées. Il est ensuite diminué à la fin de chaque année fiscale suivante des impôts que les entités constitutives ont acquittés au titre des distributions réalisées ou présumées ([109]) puis, le cas échéant, du montant de la perte GloBE de la juridiction multipliée par le taux minimum ([110]).
Au terme du quatrième exercice suivant la constitution du compte de régularisation de l’impôt sur les distributions présumées, si celui-ci présente un solde positif, le taux effectif d’imposition et l’impôt complémentaire dû au titre de l’année au cours de laquelle le compte a été constitué sont recalculés. À cette fin, le solde du compte vient en diminution du montant des impôts couverts ajustés déclarés pour cette même année. Ce nouveau montant est ensuite comparé au bénéfice GloBE net pour la juridiction afin de déterminer le TEI.
mÉcanisme de suivi de la distribution du rÉsultat et ajustement de l’impÔt complÉmentaire
Source : commission des finances.
i. Le calcul du taux d’imposition effectif des entités d’investissement
Les entités d’investissement regroupent d’une part les entités exclues lorsqu’elles sont des entités mères ultimes (fonds d’investissement, véhicules d’investissement immobilier) ainsi que :
– les entités détenues directement ou indirectement à 95 % de leur valeur par un fonds d’investissement ou un véhicule d’investissement immobilier ;
– les entités détenues à au moins 85 % de leur valeur par un fonds d’investissement ou un véhicule d’investissement immobilier, à condition que leurs bénéfices soient constitués pour l’essentiel de dividendes ou de plus ou moins-values exclues au sens des règles GloBE (cf. supra) ;
– les entités d’investissement d’assurance, qui désignent des entités répondant à la définition d’un fonds d’investissement ou d’un véhicule d’investissement immobilier mais qui sont détenues par des compagnies d’assurance et établies « en lien avec des engagements au titre d’un contrat d’assurance ou de rente » ([111]).
● Afin de ne pas pénaliser fiscalement les investisseurs selon qu’ils investissent dans une entité d’investissement ou directement dans les actifs sous-jacents de ces entités, les entités d’investissement sont généralement placées sous un régime de neutralité fiscale.
Afin de tenir compte de la spécificité des régimes fiscaux applicables à de telles entités, les règles GloBE aménagent des principes dérogatoires pour définir leur TEI et leur impôt complémentaire.
Comme mentionné précédemment, la première dérogation concerne l’exclusion du champ d’application des règles GloBE des fonds d’investissement et véhicules d’investissement immobilier qui sont des entités mères ultimes.
Pour les entités d’investissement qui sont des entités constitutives, le modèles de règles prévoit le régime de droit commun applicable aux entités d’investissement opaques ([112]), et deux approches optionnelles.
● L’article 7.4 du modèle de règles prévoit en premier lieu que le TEI des entités d’investissement opaques est calculé séparément du TEI de la juridiction dans laquelle elle est située. Le TEI de l’entité d’investissement (EI) est ainsi déterminé de la manière suivante :
Le montant des impôts ajustés et la part du résultat GloBE à prendre en compte dépend de la quote-part de participation du groupe dans l’entité d’investissement.
Si plusieurs entités d’investissement sont situées dans une même juridiction, le montant de leurs impôts couverts et de leur résultat GloBE (pour la part attribuable au groupe) sont agrégés pour définir un TEI unique mais distinct du TEI des autres entités constitutives situées dans la même juridiction. Par parallélisme, l’exclusion des bénéfices liés à la substance ne pourra s’opérer qu’en agrégeant les frais de personnel et la valeur des actifs incorporels des entités d’investissement de la juridiction.
● Les entités d’investissement peuvent toutefois exercer deux types d’option.
La première, applicable pour cinq ans, permet au détenteur de l’entité d’investissement de la considérer comme une entité fiscalement transparente. Par conséquent la quote-part de résultat GloBE de l’entité d’investissement est attribuée à l’entité détentrice (ce qui permet à cette entité détentrice de déduire des revenus de l’entité d’investissement son propre bénéfice fondé sur la substance).
Pour exercer cette option, l’entité détentrice doit être soumis à un impôt sur la variation de la juste valeur de sa participation dans l’entité d’investissement à un taux au moins égal au taux minimum de 15 %.
La seconde option, alternative à la première, est ouverte aux entités déclarantes détenant des titres dans une entité d’investissement, hors entités d’investissement d’assurance. Elle permet d’inclure dans les bénéfices de l’entité déclarante les distributions et distributions présumées réalisées au titre d’un exercice par l’entité d’investissement. La part de bénéfices non distribués au terme d’un délai de trois exercices est néanmoins réintégrée au bénéfice de l’entité d’investissement.
Cette option est prise pour cinq ans et ne peut être exercée que s’il peut être présumé que les distributions seront soumises à une imposition d’au moins 15 %.
RÉgimes applicables aux entitÉs d’investissement
Source : Delphine Bocquet, Laurence Toxé, Maud Poncelet, François-Marc Venier, Anne-Christine Bosslet, Règles GloBE du Pilier 2 : structures de holdings spécifiques et entités d’investissement, Revue trimestrielle de fiscalité internationale, n° 2022-2, mai 2022.
j. Les obligations déclaratives
L’article 8.1 du modèle de règles prévoit que les groupes multinationaux entrant dans le champ d’application du pilier 2 doivent déposer une « déclaration d’information GloBE ».
● En principe, toutes les entités constitutives du groupe doivent déposer une telle déclaration dans la juridiction où elles se situent. Elles peuvent toutefois en être exemptées si l’entité mère ultime du groupe ou une autre entité spécifiquement désignée comme « déclarante » dépose en leur nom une déclaration, à la condition que la déclaration soit déposée dans une juridiction qui a conclu un accord d’échange d’informations avec la juridiction de l’entité constitutive.
Si plusieurs entités constitutives sont situées dans une même juridiction, l’un d’entre elles peut être désignée pour établir et déposer la déclaration GloBE de l’ensemble des entités constitutives de la juridiction.
● Si le modèle de règles laisse la possibilité aux États d’adapter le contenu de la déclaration dans les limites offertes par le cadre de mise en œuvre des règles GloBE (c’est-à-dire les instructions et les règles déterminées postérieurement à la publication du modèle de règles), plusieurs catégories d’informations revêtent un caractère obligatoire.
Il s’agit :
– d’informations permettant d’identifier les entités constitutives de la juridiction, notamment leur numéro fiscal et leur statut au regard des règles GloBE (entité d’investissement, entité transparente, coentreprises etc.) ;
– d’informations sur la structure capitalistique du groupe multinational, notamment sur les titres détenus par les entités constitutives conférant un contrôle sur d’autres entités ;
– les renseignements nécessaires pour calculer le TEI de chaque juridiction, l’impôt complémentaire par entité constitutive et son affectation par juridiction ;
– un historique des options exercées ;
– toute autre information nécessaire à la mise en œuvre des règles GloBE.
Est enfin prévu la possibilité de simplifier le format des déclarations GloBE, selon des modalités qui ne sont pas définies par le modèle de règles.
● Les entités déclarantes auront 15 mois à compter de la clôture de l’exercice fiscal pour déposer leur déclaration GloBE. Ce délai est porté à 18 mois pour la première déclaration.
● Enfin, le modèle de règles renvoie aux législations nationales pour définir les régimes de sanction et de confidentialité concernant le dépôt des déclarations GloBE.
3. Les instructions administratives et les régimes de protection
Plusieurs dispositions du modèle de règles sont progressivement précisées par le Cadre inclusif au moyen de documents spécifiques ou d’instructions administratives.
L’un de ces documents, publié en décembre 2022, porte plus particulièrement sur les régimes de protection du pilier 2 (Safe harbours). Par ailleurs, deux séries d’instructions ont d’ores et déjà été publiées en février et juillet 2023.
a. Les régimes de protection et d’allégement des sanctions
L’article 8.2 du modèle de règles prévoit la mise en œuvre de régimes de protection dont le contenu devait être précisé.
Les éléments publiés en décembre 2022 ([113]) prévoit l’application de plusieurs régimes de protection, certains étant transitoires et d’autres permanents, permettant de considérer que l’impôt complémentaire dû par un groupe multinational est nul dans une juridiction.
i. Les régimes de protection transitoires
Les régimes de protection provisoires (CbCR Safe harbours) portent sur les exercices ouverts au plus tard le 31 décembre 2026 (à l’exclusion des exercices clos après le 30 juin 2028).
● En premier lieu, l’impôt complémentaire d’un groupe multinational est égal à zéro dans une juridiction si les critères des « minimis » sont remplis. À cette fin, le groupe multinational doit déclarer au titre d’une juridiction un chiffre d’affaires de moins de 10 millions d’euros et un bénéfice avant impôt de moins d’un million d’euros dans son CbCR. Ce test est similaire à celui prévu par l’article 5.5 du modèle de règles, à la différence que ce dernier se fonde sur les informations GloBE de l’entité constitutive.
● Le second test permet à un groupe multinational de calculer un TEI simplifié qui, s’il est supérieur à un taux minimum transitoire, exonère le groupe de réaliser toutes les étapes nécessaires à la détermination de son TEI en application du modèle de règles. Le taux minimum transitoire augmente d’année en année, afin de rendre le régime de protection de moins en moins favorable.
Taux minimum transitoire au titre du test du « tei simplifiÉ »
|
Année d’ouverture de l’exercice |
Taux minimum transitoire |
|
2023 |
15 % |
|
2024 |
15 % |
|
2025 |
16 % |
|
2026 |
17 % |
Source : commission des finances.
Le calcul du TEI simplifié est égal au montant d’impôt couvert pour la juridiction (issus des états financiers) divisé par le bénéfice des entités constitutives tels que reportés dans le CbCR.
● Le dernier test porte sur le « revenu de routine » des entités de la juridiction. Il est rempli si le bénéfice avant impôt du groupe multinational, pour une juridiction, est inférieur ou égal au revenu de substance (c’est-à-dire le revenu à l’exclusion du bénéfice excédentaire) calculé conformément aux règles GloBE.
ii. Les régimes de protection permanents
Les régimes de protection permanents reposent sur les mêmes tests alternatifs que ceux prévus dans le cadre des régimes de protection temporaire (minimis, TEI simplifié, « revenu de routine »). Par principe, ces tests devront néanmoins être réalisés en se fondant sur les informations GloBE des groupes multinationaux et non ceux reportés dans leur CbCR.
iii. Le régime d’allégement des sanctions
Le document précité prévoit enfin d’instaurer un dispositif transitoire d’allégement des sanctions, en vertu duquel aucune sanction ne devrait être appliquée s’agissant de l’établissement de la déclaration GloBE si le groupe multinational met en œuvre des « mesures raisonnables » pour appliquer les règles GloBE. Ce dispositif, visant également à accompagner les entreprises pour la mise en œuvre du pilier 2, a vocation à s’appliquer pour les exercices ouverts jusqu’au 31 décembre 2026 (à l’exclusion des exercices clos après le 30 juin 2028).
b. Les instructions administratives
Les instructions administratives ont pour objectif de traiter un large champ de questions techniques appelant des éclaircissements pour transposer les règles du pilier 2 en droit national.
Deux documents ont été publiés le 2 février 2023 ([114]) et le 17 juillet 2023 ([115]). Sans entrer dans le détail de leur contenu, ces documents portent sur :
– des précisions s’agissant du champ d’application des règles GloBE, notamment sur la notion d’entité exclue ;
– l’application des règles GloBE aux compagnies d’assurance ;
– les règles de conversion monétaire dans le cadre des calculs GloBE ;
– l’application de l’exclusion de revenu fondée sur la substance ;
– l’impôt complémentaire qualifié national et les régimes de protection applicables en la matière ;
– l’application d’un régime de protection pour la RPII (UTPR Safe harbour)
Le régime de protection relatif à la mise en œuvre de la RPII
Les dispositions relatives au régime de protection de la RPII (UTPR Safe harbour) prévoient que pour tout exercice d’une durée maximale de douze mois ouvert jusqu’au 31 décembre 2025 et clos avant le 31 décembre 2026, lorsque la législation de la juridiction où est implantée l’entité mère ultime d’un groupe multinational prévoit un taux normal d’impôt sur les sociétés au moins égal à 20 %, l’impôt complémentaire calculé pour les entités constitutives situées dans cette juridiction au titre de la RPII (y compris l’entité mère ultime) est ramené à zéro pour chaque exercice clos dans cette période.
D. la transposition du pilier 2 par l’union europÉenne
Annoncée dès le 18 mai 2021 dans une communication de la Commission européenne ([116]), les travaux de transposition des règles du pilier 2 dans l’Union européenne se sont traduits par la présentation d’une proposition de directive le 22 décembre 2021.
Cette directive a ensuite été adoptée et publiée le 14 décembre 2022 ([117]). Elle reprend strictement le contenu du modèle de règles GloBE et a vocation, selon son vingt-quatrième considérant, à être mise en œuvre en utilisant « comme sources d’illustration ou d’interprétation le modèle de règles OCDE ainsi que les explications et exemples » ayant fait l’objet d’une diffusion au sein du Cadre inclusif.
La directive du 14 décembre 2022 comporte néanmoins plusieurs types de spécificités, liées à son architecture générale, son application aux groupes purement nationaux, ainsi qu’à ses dispositions relatives à la reconnaissance des règles des juridictions tierces. De surcroît, la directive reprend l’option aménagée par le modèle de règles permettant d’instituer un impôt complémentaire national et aménage sous condition une option pour une application différée de la RIR et de la RBII.
1. L’architecture de la directive
L’architecture de la directive reprend de manière générale la structure du modèle de règles.
La principale différence concerne les définitions, qui figurent, conformément à la structure habituelle des textes européens, au sein des premiers articles (chapitre 1 de la directive (UE) 2022/2523).
Architectures comparÉes de la directive du 14 dÉcembre 2022 et du modÈle de rÈgles globe
|
|
Directive (UE) 2022/2523 |
Modèle de règles GloBE |
|
Chapitre 1 |
Dispositions générales |
Champ d'application |
|
Chapitre 2 |
RIR et RBII |
Redevables de l'impôt |
|
Chapitre 3 |
Calcul du bénéfice ou de la perte admissible |
Calcul du résultat GloBE |
|
Chapitre 4 |
Calcul du montant ajusté des impôts concernés |
Calcul du montant ajusté des impôts concernés |
|
Chapitre 5 |
Calcul du taux effectif d'imposition et de l’impôt complémentaire |
Calcul du taux effectif d'imposition et de l’impôt complémentaire |
|
Chapitre 6 |
Règles spéciales relatives à la restructuration d’entreprises et aux holdings |
Restructurations d’entreprises et holdings |
|
Chapitre 7 |
Neutralité fiscale et régimes de distribution |
Régimes de neutralité fiscale et régimes de distribution |
|
Chapitre 8 |
Dispositions administratives |
Administration |
|
Chapitre 9 |
Règles transitoires |
Règles transitoires |
|
Chapitre 10 |
Dispositions finales |
Définitions |
Source : commission des finances.
Les dispositions finales de la directive portent sur des modalités de mise en œuvre du pilier 2 spécifiques à l’Union européenne (adoption d’actes délégués par la Commission européenne, information du Parlement européen). Ces dispositions prévoient par ailleurs que la transposition de la directive doit survenir avant la fin de l’année 2023 et que ses dispositions s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023.
Autre différence de forme notable, la règle des paiements insuffisamment imposés (RPII) est renommée en règle des bénéfices insuffisamment imposés (RBII) ([118]). Cette nouvelle terminologie vise à mieux refléter les modalités d’application de cette règle, qui ont évolué depuis les premières étapes de négociation du modèle de règles GloBE ([119]).
2. L’application de l’impôt minimal aux groupes purement nationaux
Alors que le modèle de règles prévoit que l’inclusion d’un groupe dans le champ d’application du pilier 2 est conditionnée à l’implantation d’entités constitutives dans plusieurs juridictions, l’article premier de la directive prévoit que son propre champ d’application s’étend aux groupes purement nationaux ([120]).
Cet ajustement s’explique par la nécessité d’assurer la compatibilité du modèle de règles au droit primaire de l’Union européenne et notamment au principe de liberté d’établissement. Il s’agit plus concrètement d’éviter toute situation discriminatoire entre des entités situées dans un État membre et les entités situées dans un autre État membre.
En principe, une entité mère ultime d’un groupe multinational devra donc appliquer la règle d’inclusion du revenu (RIR) à elle-même et à toute les entités constitutives situées dans sa juridiction. Les groupes nationaux de grande envergure, présents dans un unique État membre, devront également s’auto-assujettir à la RIR.
Les définitions figurant à l’article 3 de la directive ont donc été enrichies d’une définition supplémentaire, relative aux groupes nationaux de grande envergure.
3. La reprise de l’option en faveur de l’impôt complémentaire national qualifié
Les articles premier et 11 de la directive prévoient que les États membres peuvent choisir d’appliquer un impôt national complémentaire qualifié permettant d’imposer les bénéfices excédentaires des entités faiblement imposées situées dans leur juridiction.
Cette option ouverte par le modèle de règles GloBE est donc reprise par l’Union européenne afin de permettre à une juridiction à faible imposition de capter les recettes fiscales complémentaires qui seraient, en l’absence d’un tel impôt national, perçues par la juridiction d’établissement de l’entité mère du groupe.
L’objectif de cette option reflète la philosophie d’ensemble de l’accord du Cadre inclusif, qui vise non seulement à récupérer les recettes fiscales dont le paiement a été évité mais aussi à inciter les États à rehausser leur taux d’imposition des bénéfices au niveau du taux minimum. En conséquence, la perception de l’impôt complémentaire national qualifié est prioritaire sur l’application de la RIR et de la RBII : l’impôt complémentaire perçu en application de ces deux dernières règles est ainsi diminué du montant de l’impôt complémentaire national qualifié acquitté par l’entité constitutive sous imposée.
L’article 11 de la directive prévoit par ailleurs que les modalités de calcul de cet impôt complémentaire peuvent reposer sur la base d’une norme de comptabilité financière « admissible ou agréée par l’organisme comptable agréé ». De plus, l’impôt complémentaire peut être ajusté pour éviter toute distorsion importante de la concurrence.
Ce même article prévoit par ailleurs un mécanisme permettant de prévenir des stratégies d’évitement que les États pourraient être amenés à élaborer pour favoriser les entreprises situées sur leur territoire : l’impôt complémentaire doit ainsi être acquitté dans les quatre exercices suivant l’exercice au cours duquel il était dû. À défaut, son montant est ajouté au montant de l’impôt complémentaire dû pour la juridiction et devra être perçu par une autre juridiction via un impôt additionnel courant.
L’application de l’option par un État membre, prise pour 3 ans, doit enfin être notifiée à la Commission européenne dans les trois mois suivant l’adoption des dispositions législatives et réglementaires nécessaire à l’institution de l’impôt complémentaire national.
4. La procédure de reconnaissance de l’équivalence des règles nationales de pays tiers
Les commentaires publiés par l’OCDE ([121]) précisent qu’une règle du revenu d’inclusion « qualifiée » est une norme équivalente à celles prévues par le modèle de règle, permettant d’atteindre le même résultat que celui qui serait obtenu en appliquant le modèle de règles et ses commentaires.
La mise en œuvre du pilier 2 repose en effet sur le fait que l’ensemble des États parties à l’accord mettent en œuvre de manière coordonnée un ensemble uniforme de règles pour s’assurer qu’aucune entreprise n’échappe à l’impôt complémentaire ou qu’aucune entreprise ne soit à l’inverse soumise à une situation de double imposition (dans le cas où, par exemple, une juridiction ne reconnaitrait pas la RIR d’une autre juridiction).
Il est donc prévu que le cadre de mise en œuvre GloBE (Globe implementation framework) définisse des principes directeurs pour qu’une juridiction puisse évaluer la conformité de la législation d’un autre pays aux règles GloBE.
Le considérant 26 de la directive 2022/2523 du 14 décembre 2022 prévoit ainsi que cette évaluation devra être menée en se référant à « l’évaluation à mener au niveau de l’OCDE ». Toutefois, pour assurer une transposition efficace de la directive, son article 52 définit également une procédure d’évaluation de l’équivalence des règles adoptées par des pays tiers. Cette procédure, qui permet de ne pas considérer la législation de ces pays comme un régime fiscal des sociétés contrôlées ([122]) , repose sur quatre conditions :
– le cadre juridique du pays tiers met en œuvre un ensemble de règles selon lesquelles l’entité mère d’un groupe multinational calcule et paye la part d’impôt complémentaire qui lui est attribuable pour ses entités constitutives faiblement imposées ;
– un taux effectif minimum d’imposition de 15 % est applicable dans le pays tiers ;
– le calcul du taux effectif d’imposition repose uniquement sur la combinaison des revenus des entités situées dans la même juridiction ;
– les modalités de calcul de l’impôt complémentaire intègrent un mécanisme de compensation permettant d’éviter une double imposition.
Ce même article 52 prévoit enfin que la Commission européenne est habilitée à adopter des actes délégués pour déterminer la liste des pays tiers qui ont mis en œuvre un cadre juridique considéré comme équivalent à une RIR qualifiée et à mettre à jour cette même liste.
5. L’option pour l’application différée de la RIR et de la RBII
L’option pour l’application différée de la RIR et de la RBII a été introduite durant les négociations portant sur la directive pour emporter l’approbation des États membres comptant peu de sièges de grandes entreprises sur leur territoire.
Cette option, prévue à l’article 50 de la directive du 14 décembre 2022, permet aux États membres dans lesquels ne sont pas situées plus de douze entités mères ultimes de groupes nationaux de grande envergure ou multinationaux de ne pas appliquer la RIR et la RBII durant six années fiscales consécutives à partir du 31 décembre 2023. Ces pays ne seront donc pas exonérés de transposer la directive mais disposeront d’un délai supplémentaire.
Les entités constitutives du groupe situé dans un pays exerçant l’option n’échapperont toutefois pas à l’impôt : le 2 du même article 50 prévoit que ces entités constitutives seront soumises à l’impôt complémentaire. La part qui devait revenir à l’État exerçant l’option sera ainsi réattribuée aux autres États membres.
6. Les régimes de protection
Parce que les modalités de mise en œuvre du modèle de règles GloBE sont progressivement enrichies, la directive ne reprend pas directement le contenu des régimes de protection définis par le Cadre inclusif en décembre 2022 (la directive ayant été adoptée de manière concomitante).
L’article 32 de la directive prévoit ainsi que l’impôt complémentaire d’un groupe national ou multinational peut être ramené à zéro pour une juridiction s’il remplit les conditions « d’une convention internationale éligible en matière de régimes de protection ». Ces ensembles de règles doivent, pour être admises, avoir été approuvées par l’ensemble des États membres ([123]).
II. Le droit proposÉ
Le présent article transpose les dispositions de la directive 2022/2523 du 14 décembre 2022. Conformément à ce que cette dernière prévoit, la transposition tient compte des instructions et éléments les plus récents adoptés par le Cadre inclusif pour introduire en droit national des règles considérées comme « qualifiées » à l’égard du modèle de règles GloBE.
Il est ainsi tenu compte des régimes de protection dits CbCR définis par le Cadre inclusif et des instructions publiées en février et juillet 2023, notamment concernant le régime de protection applicable pour la RBII.
● En premier lieu, le I du présent article insère dans le titre I de la première partie du livre premier du code général des impôts un chapitre II bis portant sur l’imposition minimale mondiale des groupes d’entreprises multinationales et des groupes nationaux de grande envergure.
● En second lieu, les II à V du présent article modifient le code général des impôts et le livre des procédures fiscales afin de prévoir des règles en matière de recouvrement, de contrôle et de sanction de l’impôt complémentaire.
● En troisième lieu, le VI du présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relative à la déclaration, au recouvrement, au contrôle à aux sanctions des impôts complémentaires dus par les groupes multinationaux et les groupes nationaux de grande envergure établis en France.
● En dernier lieu, le VII prévoit les modalités d’application du présent article.
A. La transposition du modÈle de rÈgles et de la directive 2022/2523 du 14 dÉcembre 2022
Le présent article reprend le contenu de la directive 2022/2523 du 14 décembre 2022, enrichi des éléments publiés par l’OCDE en 2023 pour préciser l’application des règles GloBE.
1. L’architecture de la transposition
Le nouveau chapitre inséré par le I du présent article est composé de 138 articles (223 VJ à 223 WY bis) répartis dans 9 sections.
Les structures respectives du modèle de règles GloBE et de la directive du 14 décembre 2022 y sont globalement reprises.
Tableau de correspondance des articles de transposition des rÈgles Globe
|
Section |
Sous-section |
Articles |
Articles de la directive |
Articles du modèle de règles |
|
Section I : Dispositions générales |
/ |
223 VJ 223 VK |
1 et 3 |
1.1 et article 10 |
|
Section II : Champ d’application et territorialité |
Sous-section 1 : Champ d'application de l’imposition |
223 VL à 223 VL ter |
2 |
1.1 |
|
Sous-section 2 : territorialité |
223 VM à 223 VM sexies |
4 |
10.3 |
|
|
Section III : calcul du taux effectif d'imposition |
Sous-section 1 : Détermination du dénominateur
|
223 VN et 223 VN bis |
15 |
3.1 |
|
223 VO à 223 VO quaterdecies |
16 |
3.2 |
||
|
223 VP à 223 VP quinquies |
17 |
3.3 |
||
|
223 VQ à 223 VQ quinques |
18 |
3.4 |
||
|
223 VR à 223 VR sexies |
19 |
3.5 |
||
|
Sous-section 2 : Détermination du numérateur : calcul du montant corrigé des impôts couverts |
223 VS à 223 VS ter |
20 |
4.2 |
|
|
223 VT à 223 VT quater |
21 |
4.1 |
||
|
223 VU à 223 VV quinquies |
22 et 23 |
4.4 et 4.5 |
||
|
223 VW à 223 VW octies |
24 |
4.3 |
||
|
223 VX à 223 VX quater |
25 |
4.6 |
||
|
Sous-section 3 : Modalités de détermination du TEI |
223 VY à 223 VY quater |
26 |
5.1 |
|
|
223 VZ à 223 VZ octies |
32 |
CbCR Safe Harbour |
||
|
223 VZ nonies |
32 |
UTPR Safe Harbour |
||
|
Section IV : Liquidation de l'impôt complémentaire |
Sous-section 1 : Déduction fondée sur la substance |
223 WA à 223 WA nonies |
28 et 48 |
5.3 |
|
Sous-section 2: Détermination de l’impôt complémentaire |
223 WB à 223 WB quinquies |
27 |
5.2 |
|
|
Sous-section 3 : Impôt complémentaire additionnel |
223 WC à 223 WC quater |
29 |
5.4 |
|
|
Sous-section 4 : Option en faveur de l’exclusion de minimis |
223 WD à 223 WD quater |
30 |
5.5 |
|
|
Sous-section 5 : Entités constitutives à détention minoritaire |
223 WE à 223 WE ter |
31 |
5.6 |
|
|
Section V : Modalités de collecte de l'impôt complémentaire |
Sous-section 1 : Impôt national complémentaire qualifié |
223 WF |
11 |
10.1 |
|
Sous-section 2 : Règles d'inclusion du revenu qualifiée |
223 WG |
5 à 8 |
2.1 |
|
|
223 WH à 223 WH ter |
9 |
2.2.1 |
||
|
223 WI |
10 |
2.3 |
||
|
Sous-section 3 : RBII |
223 WJ à 223 WK quater |
12 à 14 |
2.4 à 2.6 |
|
|
Section VI : Règles relatives à l'organisation du groupe et aux restructurations |
Sous-section 1 : application du seuil de chiffre d’affaires consolidé aux fusions et scissions de groupes |
223 WL à 223 WL quater |
33 |
6.1 |
|
Sous-section 2 : Entrées et sorties d’entités constitutives au sein d’un groupe d’entreprises multinationales |
223 WM et 223 WM bis |
34 |
6.2 |
|
|
Sous-section 3 : Transferts d’actifs et de passifs |
223 WN à 223 WN quinquies |
35 |
6.3 |
|
|
Sous-section 4 : Coentreprises |
223 WO à 223 WO quater |
36 |
6.4 |
|
|
Sous-section 5 : Groupes d’entreprises multinationales à entités mères multiples |
223 WP à 223 WP septies |
37 |
6.5 |
|
|
Section VII : Disposition particulières |
Sous-section 1 : Régimes de neutralité fiscale |
223 WQ et 223 WQ bis |
38 |
7.1 |
|
Sous-section 2 : Régimes de dividendes déductibles |
223 WR et 223 WR bis |
39 |
7.2 |
|
|
Sous-section 3 : Régimes éligibles d'imposition des distributions |
223 WS à 223 WS septies |
40 |
7.3 |
|
|
Sous-section 4 : Entités d’investissement et entités d’investissement d’assurance
|
223 WT à 223 WT quinquies |
41 |
7.4 |
|
|
223 WU à 22 WU ter |
42 |
7.5 |
||
|
223 WV à 223 WV quinquies |
43 |
7.6 |
||
|
Section VIII : Obligations déclaratives |
/ |
223 WW et 223 WW bis |
44 et 51 |
8.1 |
|
Section IX : Règles transitoires |
/
|
223 WX à 223 WX ter |
47 |
9.1 |
|
223 WY et 223 WY bis |
49 |
9.3 |
Source : commission des finances, d’après l’évaluation préalable du présent article.
Comme la directive européenne et le modèle de règles, le premier article du chapitre inséré dans le CGI consacré au pilier 2 porte sur l’institution de l’impôt minimal (223 VJ).
De plus, figurent dans la première section de ce même chapitre les principales définitions nécessaires à l’application des règles GloBE (certaines définitions étant par ailleurs disséminées dans d’autres articles, pour des raisons de lisibilité). Ces définitions visent à éviter d’éventuelles confusions avec des notions utilisées en droit national. Conformément à ce que prévoit la directive du 14 décembre 2022, le champ d’application de l’impôt minimal est également étendu aux groupes nationaux de grande envergure.
Deux différences de structures peuvent toutefois être signalées :
– les modalités de détermination des redevables de la RIR et de la RBII, figurant dès le chapitre 2 du modèle de règles, figurent dans la section V du nouveau chapitre inséré dans le CGI ;
– les régimes de protection (CbCR Safe harbour et l’UTPR Safe harbour), définis postérieurement à la publication du modèle de règles et de la directive, figurent dans la section III du chapitre créé par le présent article.
Le présent article reprend par ailleurs l’option ouverte par le modèle de règles et la directive s’agissant de la possibilité d’instituer un impôt complémentaire national qualifié.
2. Les modalités d’application des règles GloBE en France
Quand bien même la directive du 14 décembre 2022 prévoit de manière précise les modalités d’application du régime de l’impôt minimal mondial, les États membres disposent de plusieurs options pour la transposer dans leur droit interne. Il s’agit notamment de la forme que peut revêtir la RBII, de la faculté d’instituer ou non un impôt complémentaire et des modalités d’articulation entre l’impôt minimal mondial et l’IS.
Par ailleurs, les dispositions de la directive produiront des effets qui dépendent des régimes fiscaux applicables dans chaque État membre. Pour la France, les principaux enjeux reposent sur le champ des impôts couverts, la comptabilisation des crédits d’impôts qualifiés et le traitement fiscal des coopératives agricoles.
a. Le champ des impôts couverts
L’article 223 VS inséré dans le code général des impôts reprend la définition des impôts couverts donnée par le modèle de règles et la directive 2022/2523. Comme indiqué précédemment, ces impôts recouvrent l’IS et la contribution additionnelle de solidarité à l’IS, dans la mesure où ces deux impôts sont assis sur le résultat.
L’évaluation préalable du présent article précise également que la taxe sur les excédents de provision pour sinistres restant à payer pesant sur les compagnies d’assurance de dommages est assimilée à un impôt couvert.
Il peut de surcroît être noté qu’un prélèvement tel que la contribution temporaire de solidarité, instituée par la loi de finances pour 2023, pourrait certainement intégrer le périmètre des impôts couverts. Son champ d’application ne concerne toutefois que les exercices ouverts en 2022, ce qui signifie qu’elle ne sera plus en vigueur à la date d’ouverture des premiers exercices concernés par l’application des règles du pilier 2.
b. Les caractéristiques de l’impôt national complémentaire qualifié
Conformément à ce que prévoit l’article 11 de la directive du 14 décembre 2022, l’article 223 WF que prévoit d’insérer le présent article dans le CGI institue un impôt national complémentaire. Les modalités de calcul de celui-ci sont calquées sur les règles GloBE afin de s’assurer qu’il soit bien reconnu comme un impôt qualifié par les autres juridictions.
● L’impôt national complémentaire qualifié est assis sur le bénéfice excédentaire – c’est-à-dire le bénéfice net retraité des revenus liés à la substance – des groupes multinationaux et nationaux de grande envergure entrant dans le champ d’application des règles GloBE.
Conformément à ce que prévoit l’article 11 de la directive (UE) 2022/2523, il est prévu que ce bénéfice puisse être calculé selon les principes comptables français ou selon des normes comptables internationales, en lieu et place de la norme de comptabilité financière utilisée pour l’établissement des états financiers consolidés de l’entité mère ultime.
Le taux de cet impôt complémentaire est calculé selon les règles GloBE : il est égal à la différence entre le taux effectif d’imposition et le taux minimal de 15 %.
● Contrairement à la RIR, dont est seule redevable l’entité mère ultime, l’impôt complémentaire national peut être directement prélevé au niveau de chaque entité constitutive.
c. Les modalités d’application de la RBII
Le modèle de règles prévoit deux alternatives pour prélever l’impôt complémentaire dû au titre de la RBII : le refus de déduction de charge ou tout autre ajustement équivalent. L’article 12 de la directive du 14 décembre 2022 précise que cette deuxième option doit prendre la forme d’un prélèvement ad hoc.
Comme l’indique l’évaluation préalable du présent article, retenir l’option d’un refus de déduction de charge serait source de complexité à double titre. D’une part, il reviendrait à l’administration fiscale de calculer le montant de la base imposable à réintégrer pour obtenir le montant d’impôt complémentaire dû au titre de la RBII. D’autre part, une telle option entrerait en conflit avec les autres dispositifs de droit interne prévoyant la déduction de certaines charges (notamment les charges financières) ce qui aurait pour conséquence de réduire le champ des éléments pouvant être réintégrés pour les besoins de l’application de la RBII.
En conséquence, les articles 223 WJ à 223 WK insérées dans le CGI par le présent article prévoient l’institution d’un impôt complémentaire dû au titre de le RBII, calculé et réparti entre les entités constitutives. À cet égard, le modèle de règles renvoie aux législations nationales les modalités de répartition du montant de l’impôt dû au titre de la RBII. Ces modalités sont définies par l’article 223 WK quater, qui prévoit que le montant d’impôt dû par chaque entité constitutive est calculé en reproduisant la formule de calcul utilisée pour répartir la RBII entre chaque juridiction (c’est-à-dire en tenant compte du nombre d’employés et de la valeur des actifs corporels de chaque entité).
Dans ce cadre, comme pour calculer la part de la RBII revenant à la France, le présent article inclus les travailleurs indépendants et les intérimaires dans le champ des employés dont la rémunération doit être prise en compte ([124]).
Les dispositions de ces articles prévoient par ailleurs un cas supplémentaire d’application de la RBII qui n’a pas été prévu par le modèle de règles, dès lors que ce dernier ne prévoit pas directement d’inclure les filiales situées dans le même État que leur mère ultime dans le champ de l’imposition minimale. L’article 223 WJ dispose ainsi que les entités constitutives situées en France sont redevables d’un impôt complémentaire au titre de la RBII pour les entités constitutives sous-imposées situées dans le pays de l’entité mère ultime, si ce pays n’applique la RIR qu’aux entités situées dans une autre juridiction et pas à celles situées sur son propre territoire.
d. La comptabilisation des crédits et réductions d’impôt
Les régimes fiscaux applicables en France ont des répercussions sur le traitement des crédits d’impôt qualifiés et non qualifiés tels que définis par le modèle de règles GloBE
Pour mémoire, les crédits d’impôt qualifiés sont ceux qui sont remboursables dans un délai de quatre ans après la date de leur octroi. Le modèle de règles et l’article 223 VO quater du CGI créé par le présent article prévoient qu’ils sont traités comme des produits et viennent donc majorer le résultat GloBE des entités constitutives. En revanche, en application de l’article 223 VT ter du CGI créé par le présent article, les crédits d’impôts non qualifiés et les réductions d’impôt viennent en diminution du montant ajusté d’impôts couverts déclarés par les groupes – c’est-à-dire le numérateur du taux effectif d’imposition.
Cette distinction permet de traiter plus favorablement les crédits d’impôt qualifiés, qui auront pour effet de minorer dans une moindre mesure le TEI des groupes qui en bénéficient par rapport à une situation où ce même crédit d’impôt serait non qualifié.
exemple de comptabilisation des crÉdits d’impÔt qualifiÉs et non qualifiÉs
(en millions d’euros)
|
|
Entreprise A comptabilisant un crédit d’impôt qualifié de 100 |
Entreprise B comptabilisant un crédit d’impôt non qualifié |
|
Calcul du TEI sans prise en compte du crédit d’impôt |
||
|
Résultat |
1 000 |
1 000 |
|
Impôts couverts |
250 |
250 |
|
TEI |
25,0 % |
25,0 % |
|
Prise en compte du crédit d’impôt |
||
|
Résultat |
1 100 |
1 000 |
|
Impôts couverts |
250 |
150 |
|
TEI |
22,7 % |
15,0 % |
Source : commission des finances.
En France et de manière non exhaustive, peuvent être considérés comme des crédits d’impôt qualifiés :
– le crédit d’impôt recherche (CIR), imputable sur l’IS dû par le bénéficiaire dans les trois années suivant son octroi ([125]) ;
– les crédits d’impôt « Prêt à taux zéro » et « Éco-PTZ », remboursables par fraction d’un cinquième sur les quatre exercices suivant leur octroi ([126]) ;
– le crédit d'impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique, imputable sur l’impôt dû au titre de l’année au cours de laquelle les conditions de son octroi ont été réunies ([127]) ;
– le crédit d’impôt en faveur des métiers d’art, également imputable sur l’impôt dû au titre de l’année de son octroi ([128]) ;
– le crédit d'impôt à raison des investissements productifs réalisés dans les départements d'outre-mer avant le 31 décembre 2025 prévu à l’article 244 quater W du CGI, qui revêt les mêmes caractéristiques d’imputation ([129]) ;
– le crédit d’impôt famille, pour lequel les modalités d’utilisation sont identiques à celles mentionnées précédemment ([130]).
À l’inverse, le crédit d’impôt pour investissement en Corse, prévu à l’article 244 quater E du CGI, est imputable sur l’impôt dû par l’entreprise sur les neuf années suivant son octroi. Il ne peut donc pas être considéré comme un crédit d’impôt qualifié.
e. L’articulation entre les régimes d’exonération d’IS applicables aux coopératives agricoles situées en France et les dispositions de la directive du 14 décembre 2022
L’article 223 WR du CGI créé par le présent article transpose les règles applicables aux régimes de dividendes déductibles prévus par le modèle de règles GloBE (cf. supra) et l’article 39 de la directive (UE) 2022/2523.
Cet article permet d’adapter les modalités d’application de l’impôt minimal mondial aux coopératives françaises, y compris les coopératives agricoles.
En premier lieu, les ristournes versées par les coopératives relevant de la loi cadre du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, déductibles du résultat imposable en droit français, bénéficieront du même régime au titre de l’impôt minimal mondial.
Les sociétés coopératives agricoles d’approvisionnement et d’achat, les sociétés coopératives agricoles de production, de transformation, conservation et vente de produits agricoles bénéficient en droit national d’un régime d’exonération d’IS prévu à l’article 207 du CGI pour certaines des opérations qu’elles réalisent avec leurs associés-coopérateurs.
L’article 223 WR inséré dans le CGI conduit à substituer au régime de l’exonération d’impôt des coopératives agricoles un régime de déduction d’assiette pour les seuls besoins du calcul du taux effectif d’imposition réalisé au titre de l’impôt minimal mondial. Les ristournes versées par les coopératives agricoles à leurs membres seront ainsi déduites de leur résultat net pour l’application des règles GloBE ([131]).
Toutefois, la quote-part du résultat mis en réserve et la quote-part du résultat issu des opérations réalisées avec les tiers non-coopérateurs (non éligible au régime d’exonération d’IS) ne seront pas déductibles du résultat.
f. Les obligations déclaratives des groupes multinationaux et nationaux de grande envergure
Les articles 223 WW et 223 WW bis reprennent les dispositions prévues par le modèle de règles et les articles 44 à 51 de la directive (UE) 2022/2523 s’agissant des obligations de déclarations des entreprises entrant dans le champ de l’impôt minimal mondial ainsi que les modalités selon lesquelles plusieurs entités peuvent mutualiser le dépôt de leur déclaration GloBE.
Les informations nécessaires à l’application des règles GloBE figureront dans une déclaration d’information ad hoc transmise par les entités constitutives à l’administration fiscale. Le délai de dépôt est fixé à 15 mois suivant la clôture de l’exercice, sauf pour le premier exercice au cours duquel le groupe ou l’entité est entré dans le champ d’application des règles GloBE – dans ce cas ce délai est porté à 18 mois.
L’article 223 WW prévoit par ailleurs qu’en plus de la déclaration d’informations, les entités constitutives devront déposer dans les mêmes délais un relevé de liquidation de l’impôt complémentaire dû. Le contenu de ce document et de la déclaration de résultat sera précisé par décret.
g. La non déductibilité de l’impôt complémentaire de l’assiette de l’IS et de l’IR
Le II du présent article modifie le 4° du 1 de l’article 39 du CGI afin d’exclure l’impôt minimal du champ des charges pouvant être déduites du bénéfice net imposable.
En conséquence, lorsqu’une entité d’un groupe multinational ou national de grande envergure sera redevable de l’impôt dû au titre de la RIR, de la RPII ou de l’impôt national complémentaire, son montant ne pourra pas avoir pour effet de diminuer leur assiette taxable au titre de l’impôt sur les bénéfices. Cette disposition permet d’éviter tout effet circulaire entre l’IS dû en France et l’impôt complémentaire. En effet, dans le cas inverse, le paiement d’un impôt complémentaire viendrait diminuer la base taxable au titre de l’IS et ainsi réduire le taux effectif d’imposition de l’entreprise (ce qui peut conduire au paiement d’un nouvel impôt complémentaire au titre de l’exercice considéré).
B. LEs dispositions portant sur le recouvrement de l’impÔt complÉmentaire et les sanctions
Le présent article modifie le code général des impôts et le livre des procédures fiscales afin de définir les modalités de recouvrement, les sanctions et le droit de reprise de l’administration en matière d’impôt complémentaire.
1. Les modalités de recouvrement de l’impôt complémentaire
Le III du présent article complète la section I du chapitre premier du livre II du CGI par un 13 composé de deux articles :
● L’article 1679 decies, qui prévoit les modalités de paiement de l’impôt complémentaire. Celui-ci est acquitté par télérèglement par l’entité mère du groupe pour ce qui concerne la RIR et par les entités constitutives pour l’impôt dû au titre de la RBII et l’impôt national complémentaire.
Cet article prévoit par ailleurs que sur option – de manière similaire à ce qui est prévu pour organiser les modalités de dépôt des déclarations GloBE – les entités constitutives d’un même groupe situées en France peuvent désigner une seule entité redevable qui sera chargée d’acquitter la totalité de l’impôt dû. Il est enfin prévu que l’impôt complémentaire sera exigible à la date de dépôt du relevé de liquidation ou à l’expiration du délai au terme duquel il doit être transmis.
● L’article 1679 undecies prévoit que l’impôt complémentaire est recouvré et contrôlé selon les mêmes procédures, garanties, sanctions sûretés et privilèges que l’impôt sur les sociétés (à l’exception des règles définissant les modalités de versement des acomptes applicables en matière d’IS). Il en va de même pour les règles relatives aux réclamations concernant l’impôt complémentaire, qui sont calquées sur celles applicables en matière d’IS.
2. Les sanctions applicables pour manquement aux obligations déclaratives
Le IV du présent article insère un article 1729 F dans le CGI afin de prévoir les sanctions applicables pour manquement aux obligations de déclaration. Ces dispositions ne sont pas précisément encadrées par le modèle de règles et la directive du 14 décembre 2022.
En cas de défaut de souscription ou de retard dans le dépôt de la déclaration d’informations ou du relevé de liquidation, les entités constitutives concernées sont passibles d’une amende de 100 000 euros.
Les autres manquements sont quant à eux passibles d’une amende dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par déclaration.
Cet article prévoit également l’application d’un plafond au niveau du groupe : l’ensemble des amendes forfaitaires prononcées à l’encontre des entités du même groupe ne peut ainsi pas dépasser un million d’euros au titre d’un même exercice. Si ce montant est atteint, il est réparti entre les entités constitutives au prorata du montant de leur amende forfaitaire avant application du plafond.
3. Le droit de reprise de l’administration fiscale s’agissant de l’impôt complémentaire
En vertu des dispositions de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales (LPF), le droit de reprise de l’administration fiscale en matière d’IR et d’IS est en principe limité à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.
Dans la mesure où le délai de dépôt de droit commun de la déclaration relative à l’impôt complémentaire est de 15 mois (contre un peu plus de 5 mois pour la déclaration de résultat déposée au titre de l’IS), il est nécessaire de prévoir un délai de reprise plus long que le délai de droit commun.
Le V du présent article insère par conséquent un article 172 I dans le LPF prévoyant que le délai de reprise de l’administration fiscale s’exerce jusqu’à la fin de la cinquième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.
4. Une habilitation à légiférer par ordonnance
Le VI du présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai de 12 mois toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de « préciser et de compléter toute disposition relative à la déclaration, au recouvrement, au contrôle et aux sanctions des impôts complémentaires ».
Cette habilitation se justifie par le fait que des discussions sont toujours en cours au niveau de l’OCDE sur les modalités déclaratives de l’impôt complémentaire et le champ des informations qui pourront être échangées entre les pays. Il sera donc nécessaire d’ajuster les dispositions applicables en France pour tirer les conséquences de ces négociations.
C. EntrÉe en vigueur de l’impÔt minimal
Le A du VII du présent article prévoit que les dispositions relatives à l’impôt minimal (les I et II du présent article) s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023.
Le B du même VII prévoit que les dispositions portant sur la RBII, conformément à ce que prévoit la directive du 14 décembre 2022, entreront en vigueur de manière décalée et s’appliqueront aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2024.
Toutefois, le second alinéa de ce même B prévoit une dérogation à cette entrée en vigueur différée dans le cas où une entité constitutive située en France serait détenue par une entité mère ultime située dans un État membre ayant choisi d’exercer l’option prévue à l’article 50 de la directive (UE) 2022/2523. Cette option, comme mentionné précédemment, permet de surseoir à l’application des règles de l’impôt minimal si moins de 12 entités mères ultimes sont situées dans un même État membre.
Ce même article 50 prévoit que les entités constitutives du groupe multinational situées dans un autre pays que celui qui exerce l’option doivent être soumises à l’impôt complémentaire dû autre de la RBII. En conséquence, le présent article prévoit que dans cette hypothèse la RBII s’appliquera pour les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023 pour les entités constitutives concernées.
D. l’incidence budgÉtaire du pilier 2 en France
Les premières recettes fiscales issues de la mise en œuvre du pilier 2 seront perçues en 2026. Cela s’explique par le fait que l’impôt complémentaire sera assis sur les résultats enregistrés lors des exercices ouverts en 2024 et calculé à partir du montant d’impôts couverts acquitté en tout ou partie par les entreprises en 2025. Les premières déclarations et relevés de liquidation seront par ailleurs transmis 18 mois après la clôture des exercices ouverts en janvier 2024 (soit, au plus tôt, au 1er juin 2026).
Selon les estimations réalisées à partir des liasses fiscales de l’IS et présentées dans l’évaluation préalable du présent article, 574 redevables de l’impôt sur les sociétés en France se trouveraient dans le champ d’application du pilier 2. Parmi ces derniers, 42 pourraient, selon ces simulations, être amenés à s’acquitter d’un impôt complémentaire.
Le principal secteur d’activité qui serait susceptible de contribuer à l’impôt complémentaire est celui de l’information et de la communication ([132]) (à hauteur de 40 % du rendement total de l’impôt complémentaire), suivi du secteur des activités spécialisées, scientifiques et techniques et des activités de services administratifs et de soutien.
RÉpartition sectorielle du rendement estimÉ du pilier 2
Source : évaluation préalable du présent article.
Des estimations du rendement budgétaire du pilier 2 ont été réalisées en 2021 par le Conseil d’analyse économique. Il ressort de ces travaux que la mise en œuvre du pilier 2 pourrait avoir, à court-terme et sans tenir compte des déductions liées à la substance, un rendement de 6 milliards d’euros par an. À plus long terme, en tenant compte des ajustements de comportements des pays tiers, qui sont susceptibles d’instituer un impôt complémentaire national, ces estimations s’élèvent à 2 milliards d’euros par an ([133]) .
L’Observatoire européen de la fiscalité présente quant à lui des hypothèses comprises entre 3,3 et 3,5 milliards d’euros par an qui sont fondées sur plusieurs scénarios de taux applicables en ce qui concerne les déductions fondées sur la substance ([134]).
L’évaluation préalable du présent article propose une estimation minorante du surcroît de recettes résultant de la mise en œuvre du pilier 2, qui s’élève à 1,5 milliard d’euros par an. Cette hypothèse, calculée sur la base des liasses fiscales de l’exercice 2019, tient compte de l’instauration d’impôts nationaux complémentaires par les autres juridictions.
L’ensemble de ces estimations sont néanmoins « statiques » et ne tiennent pas compte des changements de comportements des groupes multinationaux et des États (hors impôt national complémentaire), qui, au demeurant, constituent l’un des objectifs principaux de la réforme conduite dans le cadre du pilier 2. Il est à cet égard possible qu’en raison de la moindre incitation à déplacer des bénéfices dans un pays à faible imposition, la France bénéficie d’un effet d’assiette qui conduirait à percevoir davantage de recettes d’IS. Cette hypothèse ne fait en revanche pas l’objet d’un chiffrage compte tenu des fortes incertitudes qui pèsent sur les comportements qui seront adoptés par tel ou tel groupe multinational.
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Article 5
Crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte
Résumé du dispositif proposé
Le présent article institue un crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte (C3IV), conformément aux annonces formulées par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi relatif à l’industrie verte.
Les caractéristiques de ce crédit d’impôt s’appuient sur les dérogations prévues en matière d’aides d’État par l’encadrement temporaire de crise et de transition (Temporary crisis and transition framework) adopté par la Commission européenne le 9 mars 2023.
L’assiette du crédit d’impôt est composée des investissements réalisés par les entreprises sur l’ensemble de la chaîne de production de batteries, d’éoliennes, de pompes à chaleur et de panneaux photovoltaïques, sous réserve d’un certain nombre de conditions relatives au respect par les entreprises de leurs obligations fiscales, sociales et environnementales et à la durée d’exploitation des investissements. Ces conditions limitent également la capacité des entreprises à transférer leurs investissements vers un autre pays de l’Union européenne et de l’Espace économique européen et visent à prévenir le risque de concurrence fiscale entre les États membres. De plus, afin d’apporter une plus grande sécurité juridique aux entreprises bénéficiaires du crédit d’impôt, son octroi est surbordonné à la délivrance d’un agrément qui portera sur le plan d’investissement de l’entreprise et dont l’instruction sera conduite par la direction générale des finances publiques (DGFiP) et l’Agence de la transition écologique (ADEME).
Le taux normal du crédit d’impôt s’élève à 20 %. Ce taux est modulé en fonction de la taille des entreprises bénéficiaires et de la localisation de leurs investissements : il peut ainsi atteindre jusqu’à 60 % pour les petites entreprises réalisant des investissements dans certains départements et régions d’outre-mer. Le présent article prévoit également que le C3IV est plafonné à 150 millions d’euros, 200 millions d’euros ou 350 millions d’euros par entreprise selon la localisation de leurs investissements.
Le C3IV s’impute par fraction sur l’impôt sur les bénéfices dû par le contribuable à raison des dépenses exposées au cours de l’exercice ; l’excédent constitue une créance directement restituable.
Selon l’évaluation préalable du projet de loi de finances, le coût de ce dispositif s’élèverait à 500 millions d’euros par an, permettrait de générer 23 milliards d’euros d’investissement et de créer 40 000 emplois à horizon 2030. Du point de vue environnemental, l’accroissement des capacités de production d’énergies renouvelables conduirait à éviter l’émission de 50 millions de tonnes équivalent de CO2 (MtCO2eq) sur dix ans.
Conformément aux règles définies par l’encadrement temporaire de crise et de transition, la période de délivrance des agréments est bornée jusqu’au 31 décembre 2025. Les fractions de crédit d’impôt dues au titre des investissements réalisés après cette date pourront toutefois être imputées et restituées postérieurement à cette échéance.
Dernières modifications intervenues
Aucune modification législative récente n’est intervenue.
Principaux amendements adoptés par la commission des finances
La commission a adopté un amendement déposé par M. Sitzenstuhl précisant que les investissements éligibles au crédit d’impôt doivent contribuer à la production de batteries, de panneaux solaires d’éoliennes ou de pompes à chaleur au sein de l’Union européenne.
Elle a ensuite adopté quatre amendements identiques déposés par MM. Cazeneuve, Fournier, Jumel et Lefèvre ainsi que plusieurs de leurs collègues étendant à cinq ans la durée durant laquelle les investissements éligibles au crédit d’impôt doivent être exploités sur le territoire national.
La commission a adopté le présent article ainsi modifié. Elle a ensuite rejeté la première partie du projet de loi de finances pour 2024.
I. L’État du droit
A. L’accÉlÉration du dÉploiement des Énergies renouvelables : un objectif stratÉgique
1. Les objectifs de développement des énergies renouvelables
La réduction des émissions de gaz à effet de serre fait l’objet d’objectifs contraignants fixés par la législation européenne et le droit national.
● Le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris fixe ainsi un objectif de réduction d’au moins 40 % des émissions en 2030 par rapport à 2005. Cet objectif a ensuite été porté à 55 % par rapport à 1990 dans le cadre du plan « Fit for 55 » présenté par la Commission européenne en 2021 et composé d’un ensemble de mesures visant à atteindre la neutralité carbone en 2050.
En France, l’article 1er de la loi dite climat et résilience ([135]) dispose que l’État s’engage à respecter la trajectoire prévue par le règlement (UE) 2018/842 précité. Pour y parvenir, l’article L. 100-4 du code de l’énergie, modifié par l’article 1er de la loi relative à l’énergie et au climat du 8 novembre 2019 ([136]), prévoit de porter à 33 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie d’ici 2030. Plus spécifiquement, les énergies renouvelables (ENR) doivent représenter « au moins 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz ».
La mise en œuvre de ces objectifs se traduit, en application des articles L. 222-1 A et suivants du code de l’environnement, par la définition d’un plafond national des émissions de gaz à effet de serre (nommé « budget carbone »), s’inscrivant dans une stratégie nationale bas carbone (SNBC) dont les modalités sont définies par décret.
● En 2022, selon les données provisoires du ministère de la transition énergétique, 20,7 % de la consommation finale brute d’énergie est issue des énergies renouvelables – un résultat en hausse de 1,4 point par rapport à 2021, qui reste toutefois inférieur à la cible fixée pour 2030. La biomasse solide représentait la part la plus importante d’énergie renouvelable consommée, avec une part de 6,6 %.
La production primaire française d’énergies renouvelables s’élevait à 345 Térawattheures (TWh) en 2021 et reposait principalement sur la filière bois-énergie, suivie des installations de production d’électricité hydraulique.
production primaire d’énergies renouvelables par filière en 2021
(en pourcentage)
.
Source : Ministère de la transition écologique, Chiffres clés des énergies renouvelables, édition 2022.
Les capacités de productions d’énergies renouvelables, stables jusqu’au milieu des années 2000, ont fortement progressé depuis 2005, en raison du développement de l’éolien, des pompes à chaleur et des biocarburants. Ces trois filières, qui représentaient 6 % de la production primaire d’ENR en 2005, en représentent désormais 30 %.
Évolution de la production primaire d’Énergies renouvelables
par filiÈre
(en TWh)
Source : Ministère de la transition écologique, Chiffres clés des énergies renouvelables, édition 2022.
S’agissant plus particulièrement de l’électricité, il ressort des données publiées par Eurostat que les capacités de production de la France reposent à 25 % sur les énergies renouvelables, à 13 % sur les énergies fossiles et à 62 % sur le nucléaire. Si la France se situe en 21ème position s’agissant de ses capacités de production d’électricité issues d’ENR derrière le Luxembourg (93 %) ou le Danemark (79 %), elle est toutefois en quatrième position s’agissant des pays mobilisant le moins les énergies fossiles, derrière la Finlande, la Suède et le Luxembourg.
2. Le conflit en Ukraine rend nécessaire un développement plus rapide des secteurs industriels stratégiques pour la transition énergétique
a. Une hausse sans précédent des prix de l’électricité et du gaz
La hausse des prix du gaz et de l’électricité à la suite du début du conflit en Ukraine a renforcé la nécessité pour les pays de l’Union européenne de diminuer leur dépendance aux énergies fossiles.
Alors qu’ils fluctuaient respectivement autour de 25 euros le mégawattheure (MWh) et 50 euros le MWh à l’été 2021, les prix du gaz et de l’électricité ont fortement progressé en 2022. Les prix à terme du gaz ont ainsi atteint plus de 300 euros par MWh en août 2022, tandis que les prix à 12 mois de l’électricité ont dépassé le seuil des 1 000 euros par MWh au cours du même mois d’août 2022.
Évolution du prix à terme de l’électricité
(en euros par MWh)
Source : Opéra énergie.
L’inflation des prix de l’électricité a en outre, au cours de l’année 2022, été exacerbée par la faible disponibilité des moyens de production décarbonés. Le niveau de production total d’électricité a ainsi atteint son niveau le plus faible depuis 1992 et se situait à un niveau inférieur de 15 % à celui atteint en 2021. Ce résultat s’expliquait en premier lieu par le faible taux de disponibilité du parc nucléaire français (58,1 % en moyenne en 2022), principalement en raison des opérations de contrôles et de réparations menées par EDF suite au phénomène de corrosion sous contrainte.
Par ailleurs, le faible niveau de précipitations, inférieur de 25 % par rapport aux normales attendues, a produit des effets significatifs sur la disponibilité de la production hydraulique, qui a diminué de 20 % en 2022 par rapport à la moyenne 2014-2019.
b. L’absence d’outils fiscaux spécifiques pour soutenir l’industrie verte
Les dispositifs visant à accroitre les capacités de production d’énergies renouvelables prennent majoritairement la forme d’instruments subventionnels s’appuyant sur le régime de droit commun des aides d’État.
Le principe d’interdiction des aides d’État
L’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dispose que sont incompatibles avec le marché intérieur les aides accordées par les États faussant la concurrence et favorisant certaines entreprises ou productions. Afin de procéder à leur examen, l’article 108 du TFUE prévoit ainsi que ces aides doivent être notifiées à la Commission européenne.
L’article 107 du TFUE prévoit toutefois un certain nombre d’exemptions, relatives aux aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi (a du paragraphe 3), aux aides facilitant le développement de certaines activités ou régions économiques (c du même paragraphe), aux aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) ou encore aux aides visant à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État-membre (b du même paragraphe)
Pour apprécier la compatibilité d’une aide avec le droit primaire de l’Union européenne, le critère de référence retenu est celui de « l’investisseur avisé ». Il s’agit dans ce cadre d’apprécier si un État accorde un avantage à une entreprise en se comportant comme un opérateur en économie de marché et de comparer le comportement qu’un investisseur privé aurait pu retenir s’il avait été placé dans une situation analogue.
● Ces aides, généralement allouées à la suite d’appels à projet (AAP), concernent notamment :
– les dispositifs dont la gestion est assurée par l’Agence de la transition écologique (ADEME). Parmi ceux-ci, peut être cité le « Fonds chaleur » doté de 520 millions d’euros en 2023 ([137]), auquel est rattachée l’AAP « Biomasse chaleur industrie agriculture et tertiaire » (BCIAT), visant spécifiquement les installations biomasse, et les AAP pour les grandes installations solaires thermiques pour l’industrie ;
– les AAP et appels à manifestation d’intérêt relevant de France 2030. Ce plan d’investissement, lancé en 2022 et doté de 34 milliards au total, est composé d’enveloppes visant notamment à soutenir la filière bois, le développement de l’hydrogène vert ainsi que la production de batteries. Les investissements relatifs aux batteries et à l’hydrogène s’inscrivent principalement dans le cadre de PIIEC ([138]).
De plus, le soutien au développement des énergies renouvelables relève de différents dispositifs prenant la forme de subventions d’exploitation. Il s’agit principalement :
– de l’obligation d’achat, codifiée aux articles L. 314-1 à L 314-13 du code de l’énergie. Ce mécanisme contraint les opérateurs de réseau à acheter l’électricité renouvelable issue des filières de production mentionnées par la loi à des conditions tarifaires fixées par décret. En échange, les opérateurs bénéficient d’une compensation versée par l’État ;
– du complément de rémunération, prévu à l’article L. 314-18 du code de l’énergie, qui permet aux producteurs d’électricité renouvelables de bénéficier d’une prime en complément de la vente d’électricité sur le marché.
● Du point de vue fiscal, les dispositifs applicables portent davantage sur le soutien aux projets menés par les entreprises pour améliorer leur efficacité énergétique que sur la fabrication d’équipements nécessaires à la production d’énergie renouvelable en tant que telle. Les entreprises bénéficient ainsi, en application de l’article 39 AA du code général des impôts, de coefficients d’amortissement majorés pour les matériels destinés à économiser l’énergie et les équipements de production d’énergie renouvelable qu’elles acquièrent.
D’autre part, les petites et moyennes entreprises imposées au régime réel et réalisant avant le 31 décembre 2024 des travaux de rénovation énergétique des bâtiments à usage tertiaire dont elles sont propriétaires peuvent, en application de l’article 27 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, bénéficier d’un crédit d’impôt correspondant à 30 % des dépenses exposées, dans la limite de 25 000 euros.
B. La mise en place d’un dispositif d’aide aux investissements en matiÈre de production d’Énergie renouvelable au sein de l’union europÉenne
1. La mise en œuvre d’un encadrement temporaire de crise et de transition
À l’initiative de la France, la Commission européenne a adopté le 9 mars 2023 un encadrement temporaire de crise et de transition (Temporary crisis and transition framework – TCTF) ([139]) fixant des règles dérogatoires pour soutenir l’économie des États membres face aux répercussions du conflit en Ukraine.
Cet encadrement remplace et prolonge l’encadrement temporaire de crise adopté le 23 mars 2022. Il s’adosse à une révision du règlement général d’exemption par catégorie (RGEC), permettant de déclarer certaines aides d’État compatibles avec le marché intérieur sans devoir procéder préalablement à leur notification auprès de la Commission européenne ([140]).
L’adoption du TCTF s’inscrit par ailleurs dans le contexte de la promulgation aux États-Unis de l’Inflation reduction act (IRA) le 16 août 2022, qui prévoit un ensemble de mesures de soutien aux entreprises afin d’atteindre un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50 % à horizon 2030 par rapport à 2005. Selon les estimations réalisées par le groupe Wood Mackenzie ([141]), la mise en œuvre de l’IRA aurait pour effet de porter les investissements sur le marché américain des énergies renouvelables à plus de 100 milliards d’euros en 2031.
2. Le champ et le montant des aides pouvant être allouées par les États membres
La section 2.8 du TCTF autorise les États membres à soutenir les investissements réalisés par les entreprises dans les secteurs stratégiques pour la transition vers une économie neutre en carbone.
● Le a du paragraphe 85 de la communication de la Commission précité définit le champ des aides concernées. Il s’agit de celles qui sont octroyées au plus tard le 31 décembre 2025 pour encourager la production de batteries, de panneaux solaires, de turbines éoliennes, de pompes à chaleur, d’électrolyseurs et d’équipements pour le piégeage, l’utilisation et le stockage de dioxyde de carbone ([142]).
Sont également concernées les aides versées pour financer la production de « composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrant direct » pour la production de ces équipements et la valorisation ou la production des « matières premières critiques correspondantes nécessaires à la production des équipements et composants essentiels » définis précédemment.
Ces aides peuvent prendre des formes diverses, qu’il s’agisse de subventions directes, d’avantages fiscaux, de prêts à des taux d’intérêt bonifiés ou de garanties sur de nouveaux prêts. Les coûts admissibles concernent l’ensemble des investissements réalisés en matière d’actif corporel et incorporel nécessaire à la production des marchandises éligibles. Les actifs incorporels doivent toutefois respecter les conditions cumulatives suivantes :
– rester associés à la zone concernée et ne soient pas transférés dans une autre zone ;
– être principalement exploités dans l’installation de production bénéficiaire de l’aide ;
– être amortissables ;
– avoir été acquis aux conditions de marché auprès d’un tiers non lié à l’acheteur ;
– être inclus dans les actifs de l’entreprise bénéficiaire de l’aide ;
– rester associés au projet pour lequel l’aide est accordée pendant au moins cinq ans, ou trois ans pour les petites et moyennes entreprises (PME).
● En application du g du paragraphe 85 précité, l’intensité maximale de l’aide varie en fonction de la zone géographique où sont réalisés les investissements et du type d’instrument retenu par les États membres.
En principe, l’intensité de l’aide ne peut excéder 15 % des coûts admissibles, dans la limite d’un plafond de 150 millions d’euros par entreprise et par État membre. Ces seuils sont toutefois portés à 20 % et 200 millions d’euros pour les investissements réalisés dans les zones d’aide à finalité régionale (ZAFR) mentionnées au c du paragraphe 3 de l’article 107 TFUE et 35 % et 350 millions d’euros dans les ZAFR mentionnées au a du même paragraphe du même article ([143]).
L’intensité de l’aide peut d’autre part être majorée de 5 points de pourcentage des coûts admissibles lorsqu’elle est attribuée sous la forme d’un avantage fiscal, d’un prêt ou d’une garantie, et peut être majorée de 10 ou 20 points de pourcentage pour les investissements respectivement réalisés par les moyennes et petites entreprises.
plafond des aides pouvant être allouÉes, par zone et type d’instrument
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Hors zones assistées |
Zones c |
Zones a |
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Plafond de l’aide |
150 millions d’euros |
200 millions d'euros |
350 millions d'euros |
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Subventions directes |
Grandes entreprises |
15 % |
20 % |
35 % |
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Entreprises de taille moyenne |
25 % |
30 % |
45 % |
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Petites entreprises |
35 % |
40 % |
55 % |
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Avantages fiscaux, prêts et garanties |
Grandes entreprises |
20 % |
25 % |
40 % |
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Entreprises de taille moyenne |
30 % |
35 % |
50 % |
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|
Petites entreprises |
40 % |
45 % |
60 % |
Source : commission européenne, d’après les annexes à la section 2.8 du TFTC.
● L’octroi des aides s’accompagne d’obligations incombant au bénéficiaire, qui doit, en vertu du i du paragraphe précité, s’engager à maintenir ses investissements dans la zone concernée pour au moins 5 ans – ou 3 ans dans le cas d’une petite ou moyenne entreprise. Afin de limiter les risques de concurrence fiscale, les États membres doivent quant à eux s’assurer de l’absence de risque de délocalisation des investissements en amont de l’octroi de l’aide et peuvent envisager d’inclure de manière non discriminatoire des exigences liées à la protection de l’environnement ou à la protection sociale.
● Le paragraphe 86 de la communication de la Commission européenne prévoit enfin un cas dérogatoire permettant à titre exceptionnel d’autoriser, sur le fondement du c du paragraphe 3 de l’article 107 du TFUE, l’octroi d’une aide individuelle jusqu’à concurrence du montant de la subvention que le bénéficiaire pourrait recevoir pour un investissement équivalent dans un pays tiers hors de l’Espace économique européen. Cette faculté est toutefois encadrée par un certain nombre de conditions complémentaires, s’ajoutant aux critères mentionnés précédemment :
– l’aide doit inciter le bénéficiaire à localiser l’investissement dans une ZAFR ;
– le bénéficiaire doit s’engager à utiliser les technologies de production de pointe les plus récentes disponibles sur le marché du point de vue des émissions environnementales ;
– le bénéficiaire doit fournir des « preuves solides » de l’existence de subventions qu’il recevrait en toute vraisemblance dans un pays tiers.
II. Le dispositif proposÉ
Le présent article résulte des annonces formulées par le Gouvernement dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’industrie verte et vise à créer un crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte (C3IV), conformément aux dérogations au régime des aides d’État définies par la Commission européenne dans le cadre du TCTF.
Le 2° du I du présent article insère un nouvel article 244 quater I au sein du CGI définissant les paramètres du crédit d’impôt. Si son taux correspond aux intensités d’aide maximales permises par l’encadrement européen, son assiette est en revanche plus restreinte afin de cibler les investissements les plus stratégiques.
A. l’assiette du crÉdit d’impÔt
1. Le champ des dépenses éligibles
Le I de l’article 244 quater I prévoit que les entreprises industrielles et commerciales imposées d’après leur bénéfice réel et celles exonérées au titre des régimes applicables aux entreprises nouvelles, aux entreprises implantées dans les zones franches urbaines (ZFU), les bassins d’emploi à redynamiser (BER), les zones de restructuration de la défense (ZRD) et les zones de développement prioritaire (ZDP) peuvent bénéficier du crédit d’impôt au titre de leurs dépenses d’investissement « autres que de remplacement, engagées pour leurs activités contribuant à la production de batteries, de panneaux solaires, d’éoliennes ou de pompes à chaleur ».
● Le champ des technologies de production d’énergies renouvelables ouvrant droit au crédit d’impôt est moins étendu que celui prévu par le TCTF. Sont ainsi exclus les investissements réalisés pour la production d’électrolyseurs et d’équipements pour le piégeage, l’utilisation et le stockage de dioxyde de carbone.
Ce choix s’explique, selon l’évaluation préalable, à la fois par un objectif d’efficacité de la dépense publique et par la nécessité de cibler le crédit d’impôt sur les filières les plus stratégiques pour réussir la transition énergétique et celles particulièrement exposées à la concurrence internationale. Par conséquent, sont incluses dans le champ du crédit d’impôt les technologies disposant d’une maturité suffisante pour permettre une industrialisation dans les délais d’application du TCTF.
Conformément à la section 2.8 du TCTF, le A du II de l’article 244 quater I définit et rend éligible au crédit d’impôt tant les opérations de production d’équipements et de composants essentiels utilisés comme intrants directs que la production et la valorisation des matières premières critiques nécessaires à la production de ces mêmes équipements.
OpÉrations entrant dans le champ du crÉdit d’impôt
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Batteries |
Turbines éoliennes |
Panneaux solaires |
Pompes à chaleur |
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Production d’équipements |
Cellules et modules de batteries |
– Mâts, pâles, nacelles, fondations posées ou flottantes, sous-stations électriques et câbles dynamiques et électriques de raccordement inter-éolien – Assemblage final de l’éolienne et son intégration sur fondation |
– Cellules photovoltaïques ou hybrides pouvant être associées à la fabrication de modules photovoltaïques ou hybrides – Plaquettes de silicium dédiées aux usages photovoltaïques, lingots de silicium et supports des panneaux sur tout type de surface |
Pompes à chaleur ou chauffe-eaux thermodynamiques, quelle que soit la technologie utilisée |
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Production de composants essentiels utilisés principalement comme intrants directs |
Composants de batteries conçus et utilisés principalement comme intrants directs |
Composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs |
Composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs, y compris le verre utilisé dans les applications de production d’énergie solaire |
Composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs |
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Production des matières premières critiques |
Extraction, raffinage, production et transformation de graphite, de matériaux actifs d’électrode, de matériaux avancés et de métaux critiques |
Extraction, production et transformation de matériaux composites à base de fibres de verre ou de carbone et des matériaux critiques |
Extraction, production et transformation du silicium et des métaux critiques |
Extraction, production et transformation de matériaux critiques |
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Valorisation des matières premières |
Valorisation des matières premières critiques |
Valorisation des matières premières critiques |
Valorisation des matières premières critiques |
Valorisation des matières premières critiques |
Source : commission des finances, d’après le A du II du présent article.
Le B du II du même article prévoit que ces équipements, sous-composants et matières premières seront précisés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et de l’industrie.
● Le III du A de l’article 244 quater I du CGI définit les catégories d’actifs corporels ou incorporels composant l’assiette du crédit d’impôt.
S’agissant des actifs corporels, le présent article reprend l’ensemble des catégories mentionnées par la section 2.8 du TCTF, à savoir les bâtiments, installations, équipements, machines ou terrains d’assise nécessaire au fonctionnement des équipements. Est cependant prévue une condition d’éligibilité supplémentaire reposant sur le fait que ces actifs doivent avoir été acquis aux conditions de marché auprès d’une entreprise non liée au sens du 12 de l’article 39 du CGI ([144]).
Les actifs incorporels ouvrant droit au crédit d’impôt se composent des droits de brevet, des licences, d’un savoir-faire ou autres droits de propriété intellectuelle. Les conditions mentionnées par le présent article reprennent celles retenues dans le cadre de la section 2.8 du TFTC.
● Les dépenses exposées retenues pour le calcul du crédit d’impôt sont celles correspondant au prix de revient de l’actif minoré des taxes et frais de toute nature, à l’exception des frais directement engagés pour la mise en état d’utilisation du bien. Le IV de l’article 244 quater I prévoit de surcroît de déduire l’ensemble des aides publiques (y compris fiscales) reçues par l’entreprise au titre des dépenses exposées de l’assiette du crédit d’impôt.
2. Les conditions devant être respectées par les entreprises bénéficiaires du crédit d’impôt
a. L’octroi préalable d’un agrément
Le VIII de l’article 244 quater I prévoit que le bénéfice du crédit d’impôt est conditionné à la délivrance, au titre du plan d’investissement d’une entreprise, d’un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues à l’article 1649 nonies du CGI ([145]). Cet article prévoit que la demande d’agrément doit être déposée préalablement à la réalisation de l’opération qui la motive et dispose que le ministre peut, par arrêté, instituer une procédure de délivrance simplifiée et déléguer le pouvoir de décision aux directeurs départementaux des finances publiques ou tout agent de grade supérieur.
La délivrance de l’agrément est de surcroît subordonnée à un avis conforme de l’ADEME, qui est plus particulièrement chargée de vérifier que les activités exposées dans la demande d’agrément sont conformes à celles entrant dans le champ du crédit d’impôt.
Compte tenu de l’ampleur des investissements susceptibles d’être réalisés par les bénéficiaires du crédit d’impôt, le choix de soumettre son bénéfice à la délivrance d’un agrément préalable a pour objectif de sécuriser juridiquement les entreprises et de faciliter leurs prises de décision. De surcroît, afin de permettre un engagement le plus rapide possible des investissements, le 3° du VIII de l’article 244 quater I prévoit que les dépenses engagées à compter de la date de réception de la demande d’agrément pourront être incluses dans l’assiette du crédit d’impôt.
Le 5° du VIII de l’article 244 quater I prévoit enfin que la décision de délivrance ou de refus de l’agrément est rendue dans un délai de trois mois ([146]).
b. Les conditions devant être remplies pour bénéficier d’un agrément
Deux catégories de conditions sont définies par l’article 244 quater I.
● La première catégorie de conditions porte sur la situation des entreprises sollicitant l’octroi d’un agrément. Celles-ci sont définies aux 1° à 6° du I de l’article 244 quater I du CGI et peuvent elles-mêmes être subdivisées entre deux types de conditions, selon qu’elles résultent des critères définis par la section 2.8 du TFTC ou de critères qui relèveraient strictement du droit national. Concernant la première série de conditions, les entreprises :
– ne sont pas des entreprises en difficulté ([147]) ;
– n’ont pas procédé au cours des deux exercices précédant la demande d’agrément à un transfert d’un État membre de l’Union ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen vers le territoire national d’activités identiques ou similaires à celles éligibles au crédit d’impôt ;
– ne procèdent pas au transfert de leur investissement ayant bénéficié du crédit d’impôt hors du territoire national au cours des deux exercices suivant leur mise en service. Ces deux dernières conditions visent plus spécifiquement à prévenir le risque de concurrence fiscale entre les États membres ;
– exploitent les investissements éligibles pendant au moins cinq ans, ou trois ans s’agissant des petites et moyennes entreprises ([148]).
Les conditions qui n’ont pas été définies par la Commission européenne sont les suivantes :
– les entreprises doivent respecter, durant la période d’imputation du crédit d’impôt, leurs obligations fiscales et sociales et l’obligation de dépôt de leurs comptes annuels ;
– elles exploitent leurs investissements éligibles dans le cadre d’une activité conforme à la législation environnementale.
Le B du II de l’article 244 quater I prévoit par ailleurs une condition spécifique relative au modèle d’affaires des entreprises bénéficiaire du crédit d’impôt, visant à favoriser une meilleure structuration des filières de production. Les plans d’investissement portant sur la production des composants considérés comme intrants directs pour une catégorie d’équipement doivent ainsi prévoir qu’au moins 50 % du chiffre d’affaires sera réalisé avec des entreprises fabriquant cette même catégorie d’équipement. De plus, les plans d’investissement portant sur la production ou la valorisation des matières premières doivent prévoir qu’au moins 50 % du chiffre d’affaires sera réalisé avec des entreprises produisant des intrants ou fabriquant des équipements mobilisant ces mêmes matières premières.
● Le 2° du VIII de l’article 244 quater I prévoit des conditions de délivrance de l’agrément qui portent plus spécifiquement sur le plan d’investissement défini par les entreprises, dont la viabilité devra être démontrée « par tout moyen ».
● Enfin, en vertu du 4° du VIII précité, le non-respect de l’ensemble de ces conditions entraîne le retrait de l’agrément et la déchéance des avantages fiscaux qui y sont attachés. À cette fin, le II du présent article opère une coordination au sein de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales (LPF) afin de permettre à l’administration fiscale d’effectuer la reprise des avantages indûment perçus jusqu’à la fin de la troisième année suivant celle du non-respect des conditions d’octroi du crédit d’impôt.
B. le taux et le plafond du crédit d’impÔt
Le V de l’article 244 quater I définit les taux du crédit d’impôt, qui correspondent au montant d’aide maximal autorisé par le cadre européen.
Par conséquent, le taux normal du crédit d’impôt est de 20 %. Ce taux est modulé en fonction de la taille de l’entreprise bénéficiaire et sera majoré pour les investissements localisés dans des zones d’aides à finalité régionale (ZAFR). Le taux du crédit d’impôt pourra ainsi atteindre jusqu’à 60 % du montant des dépenses exposées pour les investissements réalisés par des petites entreprises dans des régions dites ultrapériphériques relevant du a du paragraphe 3 de l’article 107 du TFUE (Mayotte, la Guyane, Saint-Martin, la Guadeloupe, La Réunion et la Martinique).
Le VI de l’article 244 quater I définit quant à lui les plafonds du crédit d’impôt, qui varient également en fonction de la localisation des investissements.
plafond des aides pouvant Être allouÉes, par zone et type d’instrument
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Taux normal |
Zones c* |
Zones a* |
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Plafond du crédit d’impôt par entreprise |
150 millions d’euros |
200 millions d’euros |
350 millions d’euros |
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Taux |
Grandes entreprises |
20 % |
25 % |
40 % |
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Moyennes entreprises |
30 % |
35 % |
50 % |
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Petites entreprises |
40 % |
45 % |
60 % |
*En droit national, les zones dites c et a sont respectivement définies aux annexes 1 et 2 au décret n° 2022-968 du 30 juin 2022 relatif aux zones d'aide à finalité régionale et aux zones d'aide à l'investissement des petites et moyennes entreprises pour la période 2022-2027 dans sa rédaction en vigueur au 1er septembre 2023.
Source : commission des finances, d’après les dispositions du présent article.
Le VII de l’article 244 quater I prévoit enfin que le crédit d’impôt peut être cumulé avec une autre aide d’État, sous réserve de respecter les conditions prévues par le TCTF. Le cumul du crédit d’impôt et des autres aides d’État versées ne peut excéder les plafonds mentionnés dans le tableau ci-avant.
C. les modalitÉs d’utilisation du crÉdit d’impÔt
En vertu du IX de l’article 244 quater I, le crédit d’impôt s’impute à l’impôt sur les sociétés (IS) ou l’impôt sur le revenu (IR) dû par le contribuable par fraction au titre des exercices ou années au cours desquelles les dépenses du plan d’investissement ont été exposées ([149]). S’agissant des sociétés de personnes ainsi que des groupements d’intérêt économique et groupements européens d’intérêt économique, le crédit d’impôt peut être utilisé par les associés ou les membres de ces groupements à proportion de leurs droits dans ces sociétés ou ces groupements.
L’excédent d’impôt constitue une créance sur l’État directement restituable. Cette caractéristique s’écarte des modalités d’utilisation retenues pour d’autres crédits d’impôt, tel le crédit impôt recherche qui, en application de l’article 199 ter B du CGI, ouvre droit à une créance imputable sur l’impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant son octroi et dont le solde peut être restitué à l’issue de cette période ([150]).
Dans le cas d’une fusion d’entreprises intervenant durant l’exécution du plan d’investissement ouvrant doit au crédit d’impôt, le présent article prévoit également que la fraction de créance non imputée par la société apporteuse est transférée à la société bénéficiaire de l’apport.
Enfin, pour les créances qui seraient ouvertes au bénéfice d’entreprises faisant partie d’un groupe de sociétés, le I du présent article modifie l’article 223 O du CGI afin de prévoir l’imputation du crédit d’impôt sur l’IS dont est redevable la société mère.
D. Le bornage du crÉdit d’impÔt
Le IV du présent article conditionne l’entrée en vigueur du présent article à une date fixée par décret qui ne peut être postérieure à plus de trois mois à compter de la réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le crédit d’impôt comme conforme au droit applicable en matière d’aides d’État.
Afin de permettre une mise en œuvre rapide des investissements susceptibles d’être réalisés par les entreprises, le III du présent article prévoit toutefois que celles-ci pourront déposer leur demande d’agrément dès la date de présentation du projet de loi de finances pour 2024 en Conseil des ministres, soit le 27 septembre 2023.
Conformément au cadre défini par la Commission européenne, le XI du présent article borne l’ouverture de la période durant laquelle les projets pourront être agréés au 31 décembre 2025. Cette disposition permettra toutefois d’exposer des dépenses éligibles au crédit d’impôt postérieurement à cette date, à la condition que le plan d’investissement ait été préalablement agréé avant la fin de l’année 2025.
E. L’impact de la mesure
● Selon les estimations figurant dans l’évaluation préalable du présent article, le C3IV aurait un coût annuel de 500 millions d’euros par an, soit un total de 3 milliards d’euros sur la période 2025-2031 (3,6 milliards d’euros dans l’hypothèse d’un fort taux de réalisation des projets).
Cette estimation a été réalisée sur la base des projets connus de la DGE et susceptibles de faire l’objet d’une demande d’agrément, après application d’un taux de pondération défini en fonction de leurs probabilités de réalisation.
● Du point de vue environnemental, la relocalisation d’activités industrielles vertes participera à l’atteinte des objectifs fixés par la SNBC et permettrait d’éviter l’émission de 34,6 millions de tonnes équivalent de CO2 (MtCO2eq) sur la durée de mise en œuvre du dispositif et de 50 MtCO2eq sur dix ans (soit une moyenne de 5 MtCO2eq par an). À titre de comparaison, le montant estimé des émissions des gaz à effet de serre françaises s’est élevé à 403 MtCO2eq en 2022, pour un objectif fixé par la SNBC s’élevant à 359 MtCO2eq par an pour la période 2024-2028 – cela implique de réduire les émissions de 44 MtCO2eq en 2024 par rapport à 2022 pour parvenir à cette cible.
Émissions de Gaz à effet de serre françaises et objectifs fixÉs par la stratÉgie nationale bas carbone
(en MtCO2eq)