Logo2003modif

N° 2109

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 janvier 2024.

 

 

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale,

 

 

 

Par M. Patrick VIGNAL,

Député.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro :               1208.

 


 


–– 1 ––

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

La médiation sociale, un outil indispensable à l’amélioration du climat social

Le constat : un lien social de plus en plus dégradé dans certains territoires

L’intérêt de la médiation sociale pour restaurer la cohésion sociale

Une activité encore trop peu reconnue et encadrée

La structuration progressive de la médiation sociale comme activité professionnelle

La reconnaissance des métiers de la médiation sociale passe par un meilleur encadrement de cette activité

Un besoin de reconnaissance professionnelle unanimement exprimé par les médiateurs sociaux

Des progrès importants restent encore à réaliser en matière de formation des médiateurs sociaux

L’objet de la proposition de loi : Reconnaître les métiers de la médiation sociale au travers d’un cadre juridique unifié

Commentaire des articles

Article 1er Créer un cadre juridique relatif à la médiation sociale

Article 2 Ajouter la médiation sociale à la liste des actions sociales que le département peut mettre en œuvre dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville

Article 3 Recentrer les missions des adultesrelais sur la médiation sociale

Article 3 bis (nouveau) Demande de rapport sur le nombre de médiateurs sociaux en exercice et sur l’opportunité d’en recruter 7 000 supplémentaires

Article 4 Gage de recevabilité financière

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE  1 : Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur

Annexe n° 2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

 

 


–– 1 ––

Introduction

Le 28 octobre 2021, M. Patrick Vignal, rapporteur de la présente proposition de loi, s’était vu confier, par M. Jean Castex, alors Premier ministre, une mission visant à établir un état des lieux des dispositifs de médiation sociale sur un certain nombre de territoires choisis, en privilégiant les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les quartiers de reconquête républicaine.

Ce rapport, remis par le rapporteur au Premier ministre le 3 avril 2022, est le fruit d’un travail de terrain sur l’ensemble du territoire français, avec quatorze villes visitées, des entretiens menés auprès de plus de deux cents personnes, dont des élus locaux et des opérateurs de la médiation sociale, ainsi qu’une consultation engagée auprès des maires des villes de plus de 20 000 habitants.

Dans la continuité de l’esprit qui a animé le rapporteur pour la production de ce rapport au Premier ministre, la présente proposition de loi a été élaborée, au cours de l’année 2023, en partenariat avec les acteurs de la médiation sociale et les élus locaux. Pour l’examen de cette proposition de loi en première lecture par l’Assemblée nationale, le rapporteur a souhaité poursuivre cette démarche qui lui est chère, en réunissant à nouveau, lors des auditions qu’il a conduites, les acteurs qui ont contribué à sa réflexion sur le thème de la médiation sociale.

Cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte général de conflictualité croissante dans les relations entre les citoyens, et dans leurs rapports avec les institutions. Les émeutes urbaines qui ont eu lieu au début du mois de juillet 2023 en sont le témoignage poignant.

La médiation sociale fait partie des outils à la disposition des pouvoirs publics pour répondre à la dégradation du lien social dans nos territoires, à l’accroissement des incivilités et de la délinquance, et au sentiment d’abandon ressenti par les habitants des quartiers les plus en difficulté et des zones rurales. À cet égard, le rapporteur souhaite souligner que dans les villes qui avaient mis en place des dispositifs de médiation sociale, les élus locaux affirment que cela a permis de réduire l’ampleur des émeutes du mois de juillet 2023.

La médiation sociale est également l’une des solutions qui peuvent être mises en œuvre pour faire face au phénomène du harcèlement scolaire. La présence de médiateurs au sein des établissements scolaires contribue en effet à réduire la prévalence des violences physiques aux abords des établissements, et favorise le bien-être des élèves, en leur offrant une oreille attentive et neutre pour exprimer leurs difficultés.

La médiation sociale s’est déployée et structurée sans l’intervention du législateur. Aujourd’hui, on compte environ 12 000 médiateurs sociaux sur l’ensemble du territoire, dont plus de 6 500 postes d’adultes-relais. Les résultats de ces dispositifs sont probants, et doivent encourager les pouvoirs publics à les développer.

Toutefois, il s’agit d’un secteur d’activité encore trop peu encadré, et faiblement professionnalisé. Or, le rapporteur estime que le développement de la médiation sociale au service d’une politique publique de cohésion sociale et de sécurité publique implique de sortir du modèle des médiateurs « grands frères » et des contrats aidés, trop précaires, pour aller vers un cadre juridique unifié, qui favorise la coordination des acteurs du travail social sur le terrain.

C’est l’objet de la présente proposition de loi.

 


La médiation sociale, un outil indispensable à l’amélioration du climat social

La présente proposition de loi vise à mieux reconnaître et valoriser les métiers de la médiation sociale, activité encore trop peu encadrée, malgré une utilité sociale largement reconnue.

En effet, dans un contexte de dégradation du lien social, de difficultés économiques et sociales grandissantes pour une part importante de la population française, et face à un sentiment d’insécurité et d’abandon de plus en plus prégnant (A), la médiation sociale constitue un outil essentiel à la restauration de la cohésion sociale (B). Toutefois, une meilleure reconnaissance des métiers et un encadrement juridique de cette activité sont des préalables nécessaires à son implantation durable dans les territoires (C).

Le constat : un lien social de plus en plus dégradé dans certains territoires

La société française connaît, depuis plusieurs décennies, des crises successives qui ont progressivement aggravé les difficultés économiques et sociales que rencontre une partie croissante de la population. Ces difficultés génèrent des tensions, excluent les individus, et conduisent à une dégradation du lien social dans les territoires les plus touchés.

Dans son rapport remis au Premier ministre le 3 avril 2022 ([1]), le rapporteur avait identifié plusieurs facteurs concourant à la détérioration des relations sociales.

● Une partie croissante de la population est exclue de l’accès aux biens sociaux de base : l’emploi et le revenu, le logement, l’éducation, la santé. Les démarches administratives complexes auprès des institutions ayant la charge des services publics accentuent le non‑recours aux droits. Les personnes pauvres ou précaires, âgées et isolées, sont par ailleurs particulièrement vulnérables dans un contexte de dématérialisation des services publics.

● La pauvreté est un facteur majeur de dégradation de la cohésion sociale. En 2023, 14,5 % des Français vivaient sous le seuil de pauvreté, soit 1 158 euros par mois pour une personne seule. Le taux de pauvreté a augmenté de près d’un point de pourcentage depuis 2019 ([2]). L’accroissement des inégalités économiques et sociales est l’une des causes des tensions sociales que l’on observe sur l’ensemble du territoire. Ces difficultés prévalent dans les territoires urbains, et notamment les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les quartiers de reconquête républicaine (QRR) mais aussi dans les territoires ruraux.

● L’insécurité constitue également l’une des préoccupations majeures des citoyens et l’une des principales causes de détérioration du lien social. Les conflits, tensions, rixes et violences subis au quotidien entraînent une dégradation des conditions de vie, en particulier dans les QPV et les QRR.

● Le développement de la concentration urbaine en périphérie des villescentres, résultant des politiques du logement conduites depuis le milieu des années 1970, a eu pour effet de rassembler dans des quartiers d’habitat social les populations les plus en difficulté, frappées par le chômage, d’origine immigrée, conduisant à une forme de ségrégation sociale entre les personnes les plus précaires et le reste de la société.

Même si d’importants moyens humains et financiers ont été investis dans ces territoires, avec la mise en place de la politique de la ville, les inégalités structurelles mettent à mal les efforts engagés. De nombreux habitants de ces quartiers, et en particulier les plus jeunes, ressentent un sentiment d’injustice et d’abandon par les pouvoirs publics. La persistance et la résurgence des violences urbaines, comme ce fut le cas au début du mois de juillet 2023, en témoignent.

L’intérêt de la médiation sociale pour restaurer la cohésion sociale

Face aux fractures que connaît la société française, la médiation sociale constitue un outil incontournable, à disposition des collectivités territoriales et des institutions, pour renforcer la cohésion sociale et améliorer la tranquillité publique.

● La médiation sociale permet de créer ou de recréer un lien entre les institutions et les populations et de favoriser l’accès aux droits.

La médiation a pour but d’établir ou de rétablir les conditions du dialogue entre les institutions et les habitants et permet aux pouvoirs publics de se saisir des préoccupations locales. Les médiateurs échangent avec les usagers et leur apportent les informations nécessaires à la résolution d’une situation administrative problématique grâce à l’intervention du service public compétent. Selon le rapport remis par le rapporteur au Premier ministre en avril 2022, le médiateur social joue également un rôle important dans les maisons France Services où il « accueille et participe à l’animation d’un point d’accueil en vue de faciliter l’accès des habitants aux services publics marchands et non marchands ; il met les usagers en relation avec les agences institutionnelles ou avec les structures dédiées compétentes » ([3]).

Cette démarche favorise la réduction du contentieux, à travers des procédures non juridictionnelles de règlement des conflits entre les administrations et leurs usagers.

Les médiateurs contribuent à faciliter le processus d’accès des citoyens aux droits qui leur sont garantis. Ils assistent les habitants en leur fournissant les informations dont ils ont besoin et en les accompagnant dans leurs démarches du quotidien. Sans remplacer les assistants sociaux et les services de proximité, les médiateurs sociaux peuvent débloquer une situation problématique et venir en aide directement aux citoyens qui en ont besoin. L’objectif central de la médiation sociale réside dans la création d’un environnement propice à l’accès équitable aux droits fondamentaux pour l’ensemble des individus, en particulier pour ceux susceptibles de faire face à des obstacles d’ordre socio‑économique, culturel ou linguistique.

En outre, la médiation sociale, au-delà de la simple résolution de conflits, vise à promouvoir la citoyenneté active en encourageant la participation civique. En favorisant une interaction entre les citoyens et les institutions, les médiateurs sociaux contribuent à renforcer le tissu social, à prévenir l’exclusion sociale et à œuvrer en faveur d’une société plus inclusive.

● La médiation sociale permet également de lutter contre le sentiment d’insécurité.

La médiation sociale est un facteur de tranquillité et d’apaisement social, au travers d’une régulation des tensions, d’une prévention et d’une gestion des conflits et des incivilités. Ainsi, le médiateur a pour mission :

– d’intervenir « de façon préventive ou réactive face aux difficultés constatées dans les espaces publics » par « des actions d’information, de veille et de médiation » ;

– de « [parcourir] le quartier, [de répondre] aux appels, [d’aller] à la rencontre des gens » ;

– de « [participer] à la prévention et à la résolution des situations conflictuelles notamment des troubles de voisinage, en lien avec les bailleurs sociaux » ([4]).

Les médiateurs travaillent ainsi avec les résidents, les institutions locales et d’autres acteurs communautaires afin d’instaurer un climat de confiance, de solidarité et de coopération. Il s’agit de traiter des conflits existants, mais également d’identifier les tensions latentes et les préoccupations sous-jacentes au sein des quartiers. En s’attaquant au sentiment d’insécurité, la médiation sociale favorise un environnement où les résidents se sentent en sécurité, mais également intégrés dans un tissu social solide et inclusif.

Les médiateurs aident les citoyens à gérer les troubles de voisinage et assurent une présence humaine dans les territoires et quartiers afin de prévenir la délinquance et les incivilités, mais aussi l’isolement de certains publics. La médiation sociale s’impose comme un pilier essentiel de la cohésion sociale et de la tranquillité publique, au-delà même des seules problématiques sécuritaires. À Vitrolles, le centre communal d’action sociale (CCAS) et l’association DUNES ont par exemple étendu leurs missions pour atteindre les personnes âgées vivant dans l’isolement. Cette démarche, propre à la médiation sociale, s’inscrit dans une volonté de répondre de manière proactive aux besoins spécifiques des populations vulnérables.

Tout l’intérêt de la médiation sociale avait été reconnu par le Conseil national des villes (CNV) en 2020, qui avait affirmé, dans son avis intitulé « Covid‑19. Panser le présent, penser les futurs » que « la médiation sociale apparaît comme un outil essentiel – et encore trop fragile – pour reconstruire les relations et la société de demain » ([5]). Le CNV, notait, à l’instar du rapporteur, que les métiers de la médiation sociale nécessitaient un accompagnement des pouvoirs publics vers leur professionnalisation.

Une activité encore trop peu reconnue et encadrée

Les pratiques de la médiation sociale se sont développées sans qu’un cadre légal unifié et reconnu par tous n’en régisse l’exercice. Il n’existe pas, à ce jour, de dispositions légales reconnaissant et définissant la médiation sociale, et organisant un cadre juridique pour l’exercice de cette activité.

La structuration progressive de la médiation sociale comme activité professionnelle

La médiation sociale, dans sa forme actuelle, est une pratique qui s’est structurée en France à partir des années 1980, sur la base d’initiatives de la société civile et des collectivités territoriales avec l’apparition de « grands frères » ou de « femmes-relais » dans les quartiers les plus en difficulté, pour tenter de répondre au sentiment d’abandon par les pouvoirs publics.

● En septembre 2000, Claude Bartolone, ministre délégué chargé de la ville, organise un séminaire européen sur la médiation sociale et les nouveaux modes de résolution des conflits de la vie quotidienne à Créteil. Cet événement s’inscrivait dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne et a permis d’engager une réflexion commune sur la médiation sociale. Les travaux des experts réunis ont débouché sur une définition de la médiation sociale, qui a constitué la première étape de sa structuration en tant qu’activité professionnelle.

La médiation sociale dans l’Union européenne

La médiation sociale a bénéficié d’une attention à un niveau européen qui a permis son développement en force, à partir du séminaire européen de Créteil en 2000.

Des projets européens se sont inscrits dans la continuité de ces travaux en créant un espace européen de la médiation pour l’inclusion sociale. L’association européenne CreE.A « Médiation sociale Europe », fondée en 2020, anime un réseau d’acteurs européens de la médiation sociale, réunissant diverses pratiques culturelles afin de consolider la place de la médiation sociale dans l’Union européenne. En partie financée par le programme Erasmus +, elle réunit des médiateurs, des organismes de médiation, des chercheurs et des collectivités locales.

Les institutions européennes se mobilisent par ailleurs pour diffuser la pratique de la médiation sociale, en adoptant des recommandations et en encourageant le règlement amiable des conflits.

● En 2009, la médiation sociale a pu bénéficier d’une première reconnaissance institutionnelle avec l’inscription du métier de médiateur social au sein des fiches du répertoire opérationnel des métiers et de l’emploi (dit « code ROME »).

Il s’agit d’un référentiel conçu par Pôle emploi qui permet de consacrer une activité donnée comme une pratique professionnelle, de lui accorder de la visibilité auprès des demandeurs d’emploi et d’en favoriser le développement. Le code ROME apporte des informations sur les domaines professionnels concernés, mais aussi les formations nécessaires, les compétences demandées et une description générale des missions.

Ces fiches ROME concernaient trois activités relevant du secteur de la médiation sociale : la médiation sociale et la facilitation de la vie en société ; l’intervention sociale ; l’intervention socio-culturelle.

● La publication du décret du 11 octobre 2012 modifiant diverses dispositions relatives à certains cadres d’emplois de la fonction publique territoriale ([6]) a ensuite contribué à la reconnaissance des missions de médiation sociale désormais attribuées aux adjoints territoriaux d’animation et aux animateurs territoriaux.

Ce décret prévoit notamment que les adjoints territoriaux d’animation peuvent contribuer à des actions de prévention de conflits ou à renouer le dialogue entre les institutions et les individus. Ce décret a établi un cadre d’emploi avec une grille de salaires attachée, ainsi qu’une description des évolutions professionnelles possibles en relation avec la médiation sociale. Il a ainsi constitué une étape importante dans la professionnalisation de la médiation sociale, en la rattachant à une carrière dans la fonction publique territoriale.

● Enfin, en 2016, la création de la certification « Médiation sociale » par l’Association française de normalisation (Afnor), a constitué une nouvelle étape du processus de professionnalisation de la médiation. Les normes Afnor sont des textes de référence permettant d’établir un cadre professionnel commun aux acteurs et partenaires d’un même domaine d’activité. Cette certification peut être obtenue par tout organisme qui répond à des critères de qualité prédéfinis et contrôlés lors d’un audit.

La norme Afnor « Médiation sociale » a été élaborée en collaboration avec les parties prenantes du métier, dont les réseaux d’opérateurs de la médiation sociale et les représentants des commanditaires (collectivités territoriales, bailleurs sociaux, etc.). Elle repose sur la définition de la médiation sociale résultant du séminaire européen de 2000 et donne un cadre déontologique commun. Selon France Médiation ([7]), la certification Afnor permet de « contribuer à pérenniser les financements », de mettre en place une « démarche d’amélioration continue » et d’inscrire l’action des opérateurs de la médiation sociale « dans une démarche d’évaluation et de qualité ».

La création de cette certification Afnor a contribué à mieux reconnaître les professions du secteur de la médiation sociale et à établir un cadre de référence commun et de qualité. Elle a été homologuée définitivement en 2021.

Néanmoins, malgré l’avancée que représente la création d’une norme Afnor relative à la médiation sociale, les acteurs de ce secteur d’activité ne s’en sont que très peu saisis : dans son rapport au Premier ministre de 2022, le rapporteur avait ainsi indiqué qu’une dizaine d’organismes seulement avaient été certifiés. Selon lui, « la raison de cette sous-utilisation est la conséquence d’un manque d’information et de volontarisme des commanditaires », dans la mesure où « les opérateurs n’ont aucunement besoin de cette norme pour obtenir leur financement » ([8]). Cette situation est regrettable alors même que la norme Afnor est une garantie de la qualité de la prestation de médiation sociale délivrée. Les collectivités territoriales auraient donc pleinement intérêt à s’en saisir dans le cadre des procédures d’attribution de marchés publics et d’octroi des subventions.

La reconnaissance des métiers de la médiation sociale passe par un meilleur encadrement de cette activité

Un besoin de reconnaissance professionnelle unanimement exprimé par les médiateurs sociaux

Si tous les acteurs locaux et institutionnels reconnaissent l’utilité sociale de l’action des médiateurs sociaux, tous soulignent également le besoin de professionnaliser cette activité afin de pérenniser la présence des médiateurs sur le terrain, et d’apporter plus de légitimité et de crédibilité à leurs interventions auprès des populations.

En effet, pour mener à bien leurs missions, les médiateurs doivent être perçus comme des interlocuteurs impartiaux et compétents par les publics auxquels ils s’adressent – populations, institutions, collectivités locales. Or, à l’heure actuelle, les médiateurs sociaux sont souvent peu formés, recrutés sur des contrats précaires, et employés par les collectivités elles-mêmes. Ils sont parfois considérés comme des « grands frères » issus du quartier où ils interviennent, ou au contraire comme des agents de la collectivité ou de l’État qui peuvent se voir refuser l’accès à certains lieux.

● La précarité des emplois des médiateurs est l’un des obstacles identifiés à la professionnalisation de cette activité. La médiation sociale s’est en effet construite et structurée depuis plusieurs décennies grâce à des contrats aidés – dispositif emplois‑jeunes, adultes‑relais, etc.

Les contrats aidés permettent aux employeurs de bénéficier d’aides de l’État, d’exonérations de cotisations sociales, ou encore d’aides à la formation, pour favoriser l’embauche de publics ayant des difficultés d’accès au marché du travail. Les médiateurs sociaux sont souvent mobilisés dans le cadre des contrats adultes-relais. Ce dispositif, prévu par l’article L. 5134‑100 du code du travail, est ouvert aux personnes d’au moins 26 ans, sans emploi et résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ou dans un autre territoire prioritaire des contrats de ville. Il vise à favoriser leur insertion professionnelle en les orientant vers des missions se rattachant à de la médiation sociale.

Ces contrats peuvent prendre la forme d’un contrat à durée indéterminée (CDI), mais ils donnent le plus souvent lieu à un contrat à durée déterminée (CDD) d’une durée de trois ans renouvelable. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), les contrats aidés sont souvent occupés par des jeunes avec peu, ou pas d’expérience professionnelle ([9]). Sans formation spécifique obligatoire, et sans perspectives d’évolution professionnelle, il ne s’agit pas d’une « carrière » vers laquelle les publics en difficulté peuvent durablement être orientés. Cette situation ne permet dès lors pas de développer l’attractivité du métier, et de pérenniser la présence de médiateurs sur un territoire donné.

● Par ailleurs, la médiation sociale implique une démarche partenariale fondée sur la reconnaissance mutuelle et la coopération entre professionnels d’un même territoire. Les médiateurs sociaux collaborent en effet avec une grande diversité d’acteurs institutionnels, économiques, ou encore associatifs, avec lesquels ils sont amenés à rechercher des solutions aux difficultés identifiées et à construire les conditions d’un dialogue plus apaisé avec les habitants. Ainsi, ils peuvent, par exemple, être conduits à échanger avec des professionnels de l’éducation ou des professionnels de santé.

Dans ce contexte, la reconnaissance du médiateur social comme un professionnel formé, compétent et légitime dans son domaine d’intervention par ses interlocuteurs est la condition de l’efficacité de son action sur le terrain. Or, il est difficile pour des personnes recrutées sur des contrats précaires, et n’ayant bénéficié d’aucune formation spécifique, de se positionner comme des professionnels indispensables en matière d’action sociale. Le rapporteur a été particulièrement marqué par le témoignage d’une médiatrice ayant participé aux auditions qu’il a menées, qui a affirmé que les médiateurs sociaux avaient longtemps été considérés comme les « déchets » des travailleurs sociaux.

Des progrès importants restent encore à réaliser en matière de formation des médiateurs sociaux

Si l’utilité sociale des médiateurs est largement reconnue, leur manque de formation est souvent regretté. Le rapporteur avait pu le souligner dans son rapport au Premier ministre de 2022 : « certains élus ou partenaires regrettent [le] manque de formation des médiateurs, notamment aux techniques de résolution des conflits et à l’accès aux droits » ([10]).

En effet, les médiateurs ne bénéficient pas d’une formation obligatoire et systématique : très souvent recrutés sur des contrats aidés, ils exercent parfois leurs fonctions après une période d’inactivité professionnelle, et une grande partie d’entre eux se caractérise par un niveau d’études relativement faible : 31 % d’entre eux sont diplômés de l’enseignement supérieur, 36 % ont arrêté leurs études après l’obtention du baccalauréat, et 33 % n’ont aucun diplôme ([11]).

Le sénateur Daniel Raoul, dans un rapport d’information relatif au dispositif adultes‑relais, fait au nom de la commission des finances du Sénat en 2016 ([12]), avait souligné que « l’obligation de formation devrait être plus contraignante et son respect nécessiterait d’être suivi plus activement par l’État afin de responsabiliser les employeurs et veiller à une meilleure information des adultes-relais quant à leurs droits en matière de formation ». Ce rapport recommandait en conséquence de garantir aux adultes-relais un vrai parcours de formation, afin qu’ils soient efficaces dans leur poste et s’insèrent au mieux professionnellement. Une recommandation similaire avait été formulée par le Conseil national des villes, dans son avis du 22 juin 2020 ([13]).

À la Sorbonne, lors de la présentation aux maires des mesures prises par le Gouvernement en réponse aux émeutes de l’été de 2023, Élisabeth Borne, alors Première ministre, avait insisté sur la nécessité « d’accroître la présence d’adultes qui peuvent être des repères et des référents dans les quartiers ». Elle avait ainsi exprimé la volonté du Gouvernement, en partenariat avec les élus et les associations de « renforcer la médiation sociale », de « professionnaliser les parcours et de mieux former » ([14]).

Or, il n’existe aucune obligation pour l’employeur de mettre en place une formation à destination de ses salariés, et aucune qualification n’est requise pour exercer une activité de médiation sociale. Confrontés à un manque de médiateurs formés, les employeurs peuvent mettre en place une formation initiale réalisée en interne ou en externe à la structure. Ils assument dès lors les coûts de formation de leurs salariés, qui ne bénéficient souvent que d’une formation de courte durée, les formations longues représentant un coût trop important pour la structure.

À cet égard, la création d’écoles de formation en matière de médiation sociale constituait l’une des recommandations majeures du rapport que le rapporteur a remis au Premier ministre en avril 2022.

L’objet de la proposition de loi : Reconnaître les métiers de la médiation sociale au travers d’un cadre juridique unifié

L’objet de la présente proposition de loi est de définir un cadre juridique pour le secteur de la médiation sociale, et de reconnaître les métiers liés à cette activité.

La création d’un cadre juridique unifié constitue une revendication forte des acteurs de la médiation sociale, à l’instar de France Médiation, et des élus locaux, à l’image de France Urbaine, afin d’assurer une meilleure reconnaissance professionnelle à ceux qui exercent cette activité.

Le vice-président de France Urbaine, Gaël Perdriau, s’était notamment exprimé en ce sens : « La médiation est un outil indispensable mais qui aujourd’hui n’a pas de cadre : ni législatif, ni même en matière de cadre d’emploi et [où] il existe des difficultés de recrutement » ([15]). Le rapporteur, dans son rapport au Premier ministre d’avril 2022, avait lui aussi constaté que « les élus des villes qui ont répondu à notre enquête souhaitent cette structuration à 92,6 % et privilégient la reconnaissance législative comme outil de la reconnaissance de la médiation sociale » ([16]).

La présente proposition de loi doit constituer le premier acte de la reconnaissance des métiers de la médiation sociale : il s’agit de définir la médiation sociale, de qualifier les médiateurs sociaux comme des professionnels du travail social et de mieux articuler l’intervention de l’État et des collectivités territoriales en la matière.

Elle devra nécessairement être suivie d’un deuxième acte, qui déterminera les conditions pérennes du financement de la médiation sociale ainsi que les modalités de son développement sur l’ensemble du territoire.


Commentaire des articles

Adopté avec modifications

Le présent article crée un cadre juridique relatif à l’activité de médiation sociale et rend possible sa mise en place, au niveau local, par l’intermédiaire de contrats pluriannuels de développement territorial de la médiation sociale. Il précise enfin que l’exercice de l’activité de médiation sociale est encadré par des référentiels de compétences, de formation et un code de déontologie.

  1.   L’absence de cadre juridique relatif à la médiation sociale

Depuis plusieurs décennies, le métier de médiateur social s’est structuré progressivement, sur le terrain, en réponse aux besoins grandissants des populations et aux demandes des institutions et collectivités publiques. Toutefois, si un cadre commun de référence permettant de garantir la qualité des interventions de médiation sociale existe aujourd’hui, il reste peu connu par les structures et les personnes concernées, et ne bénéficie d’aucune reconnaissance normative.

De fait, il n’existe pas de définition juridique de la médiation sociale, ni de ses objectifs et de ses principes. Aucune norme ne prévoit la répartition des compétences en matière de médiation sociale entre l’État, les collectivités territoriales, et les structures, publiques ou privées, qui interviennent dans le champ de la médiation sociale.

  1.   Le dispositif de la proposition de loi

L’article 1er de la présente proposition de loi insère, au sein du code de l’action sociale et des familles, un titre spécifique à la médiation sociale au sein du livre consacré aux professions et activités sociales.

Ce nouveau titre VIII, intitulé « Médiateurs sociaux » est composé d’un chapitre unique comportant lui-même cinq nouveaux articles. Le nouvel article L. 481‑5 du code de l’action sociale et des familles précise que les modalités d’application de ce nouveau chapitre seront déterminées par décret.

  1.   La définition de la médiation sociale

Le premier alinéa du nouvel article L. 481‑1 du code de l’action sociale et des familles définit la médiation sociale comme un « processus de création et de réparation du lien social, ainsi que de règlement des situations conflictuelles de la vie quotidienne ». Il s’agit ainsi de donner valeur législative à une définition élaborée par une quarantaine d’experts européens réunis lors d’un séminaire organisé à Créteil à l’initiative du Gouvernement français en septembre 2000.

Les alinéas suivants assignent différents objectifs à la médiation sociale :

– la régulation des tensions et la prévention des comportements incivils dans les espaces publics et collectifs ;

– l’amélioration des relations, la prévention et le règlement des conflits entre personnes physiques ou entre une personne physique et une personne morale, grâce à l’intervention d’un tiers impartial et indépendant ;

– la création des conditions favorables à l’autonomie, à la responsabilité et à la participation des parties prenantes ;

– la facilitation de l’accès aux droits et aux services publics pour tendre vers l’égalité réelle.

Le dernier alinéa du nouvel article L. 481‑1 précise enfin que la médiation sociale « agit localement et mobilise les acteurs de proximité ».

  1.   Les garanties entourant la médiation sociale

Le nouvel article L. 481‑2 du code de l’action sociale et des familles prévoit les garanties qui entourent la médiation sociale :

– le libre consentement des parties prenantes ;

– la confidentialité des échanges ;

– la protection des personnes ;

– le respect des droits fondamentaux.

Ces dispositions consacrent ainsi un cadre déontologique propre à la médiation sociale, qui doit participer à la professionnalisation de cette activité. Alors même qu’il existe aujourd’hui peu de médiateurs sociaux diplômés, l’encadrement de l’activité par des principes juridiques fondamentaux doit garantir aux usagers le bénéfice d’un processus protecteur de leur consentement, de leur parole, et de leurs besoins.

  1.   Les modalités de mise en œuvre de la médiation sociale

Le premier alinéa du nouvel article L. 481‑3 du code de l’action sociale et des familles prévoit que la mise en place de la médiation sociale relève de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, ou de toute personne morale.

Le deuxième alinéa précise que les actions de ces différents acteurs dans le champ de la médiation sociale peuvent être coordonnées par le biais de contrats pluriannuels de développement territorial de la médiation sociale.

Le troisième alinéa prévoit que ces contrats doivent permettre une couverture pertinente par la médiation sociale du territoire défini par les parties, et particulièrement des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Enfin, le dernier alinéa précise que ces contrats déterminent les modalités de gouvernance et de pilotage du développement territorial de la médiation sociale, ainsi que les contributions financières de chacun des signataires.

  1.   La consécration de référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques en matière de médiation sociale

Le nouvel article L. 481‑4 du code de l’action sociale et des familles prévoit que l’exercice, par une personne morale, de l’activité de médiation sociale est défini et encadré par des référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques, articulés avec ceux du travail social.

Ces dispositions consacrent l’existence de normes professionnelles encadrant l’activité de médiation sociale, et visent l’harmonisation des compétences et des pratiques relatives à l’exercice de cette activité.

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté plusieurs amendements de fond, avec l’avis favorable du rapporteur :

● un amendement de Mme Sandrine Rousseau et des membres du groupe Écologiste, qui reformule les alinéas 6 et 7 de l’article 1er afin de mettre en avant les objectifs de prévention des conflits et de renforcement de la cohésion sociale assignés à la médiation sociale plutôt que la prévention de la délinquance et des incivilités ;

● un amendement de Mme Sophia Chikirou et des membres du groupe La France insoumise visant à préciser que les médiateurs sociaux ne peuvent accomplir aucune fonction relevant du maintien de l’ordre public ;

● un amendement de Mme Nicole Dubré-Chirat et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, qui offre aux collectivités territoriales la possibilité de conclure des conventions pluriannuelles avec les opérateurs de médiation sociale certifiés par un organisme indépendant, pour une durée maximale de six ans ;

● un amendement de MM. Yannick Monnet et Pierre Dharréville (groupe Gauche démocrate et républicaine) remplaçant la référence aux bonnes pratiques par la référence à un code de déontologie au sein des référentiels encadrant l’exercice de l’activité de médiateur social ;

● un premier amendement de M. Gérard Leseul et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés précisant que les référentiels de compétences et de formation s’appliquent non seulement aux personnes morales, mais aussi aux personnes physiques exerçant une activité de médiation sociale ;

● un second amendement de M. Gérard Leseul et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, sous-amendé par le rapporteur, rendant obligatoire la formation des médiateurs sociaux dans les douze mois suivant leur embauche, sauf s’ils disposent déjà une formation pour exercer cette activité ;

La commission a également adopté un amendement du rapporteur précisant que les référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques qui encadrent l’activité de médiation sociale sont définis par un organisme indépendant, faisant ainsi directement référence à l’Afnor.

La commission a enfin adopté six amendements rédactionnels du rapporteur.

*

*     *


Adopté sans modifications

Le présent article ajoute la médiation sociale à la liste des actions sociales que le département peut mettre en œuvre dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville au titre de sa compétence obligatoire en matière de prévention de la marginalisation et d’insertion sociale des jeunes et des familles dans ces territoires.

  1.   Le droit existant

● L’article L. 121-2 du code de l’action sociale et des familles prévoit que le département participe aux actions visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale.

Cette participation peut prendre une ou plusieurs des formes suivantes :

– les actions tendant à permettre aux intéressés d’assurer leur propre prise en charge et leur insertion sociale ;

– les actions de prévention spécialisée auprès des jeunes et des familles en difficulté ou en rupture avec leur milieu ;

– les actions d’animation socio-éducatives ;

– les actions de prévention de la délinquance.

L’article L. 121-2 du code de l’action sociale et des familles prévoit donc la participation obligatoire du département à l’action sociale dans certains quartiers, mais la forme que prend cette participation n’est, elle, pas imposée.

● Le 21 juin 2017, la cour administrative d’appel de Nantes a rendu une décision dans laquelle elle considère que le département « est tenu d’organiser et de participer, dans les lieux de son territoire où se manifestent des risques d’inadaptation sociale ou dans les zones urbaines sensibles, aux actions collectives visées à l’article L. 121-2 du code de l’action sociale et des familles, et notamment celles dites de prévention spécialisée, dont il peut toutefois librement définir les conditions d’exercice » ([17]).

Cette décision, qui porte sur les actions de prévention spécialisée, a pu être analysée comme entérinant les actions listées par l’article L. 121‑2 du code l’action sociale et des familles comme des compétences obligatoires pour le département, et non comme des options parmi lesquelles le département peut incarner sa participation à la prévention de la marginalisation, à l’insertion ou à la promotion sociale des jeunes et des familles dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Toutefois, cette analyse peut être questionnée au regard du cas particulier des actions de prévention spécialisée qui étaient en cause en l’espèce. En effet, la décision de la cour administrative d’appel ne repose pas sur le seul article L. 121‑2 du code de l’action sociale et des familles mais aussi sur l’article L. 123‑1 du même code, en application duquel le département est responsable du service d’aide sociale à l’enfance et en assure le financement, et sur l’article L. 221‑1 dudit code, selon lequel le service de l’aide sociale à l’enfance est chargé d’organiser, dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale, des actions collectives visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles.

La décision de la cour repose donc en réalité sur la combinaison de ces différents articles du code de l’action sociale et des familles, et en particulier sur la compétence obligatoire du département en matière d’aide sociale à l’enfance.

  1.   Le droit proposé

L’article 2 de la présente proposition de loi modifie l’article L. 121‑2 du code de l’action sociale et des familles.

Il ajoute la médiation sociale à la liste des actions que peut mettre en œuvre le département pour traduire sa participation à la prévention de la marginalisation, à l’insertion et à la promotion sociale des jeunes et des familles.

L’intention du rapporteur n’est pas de créer une nouvelle compétence obligatoire pour les départements en matière de médiation sociale, mais d’instaurer une option supplémentaire, que le département pourra librement exercer, ou non.

Ces dispositions pourront par ailleurs s’articuler avec l’article L. 121‑6 du code de l’action sociale et des familles qui dispose que « par convention passée avec le département, une commune peut exercer directement tout ou partie des compétences qui, dans le domaine de l’action sociale, sont attribuées au département en vertu des articles L. 1211 et L. 1212 ».

Le département pourra donc nouer des partenariats avec les communes de son territoire pour développer la médiation sociale, tout en permettant le maintien des initiatives locales que les communes ont eu l’occasion de déjà mettre en place et de financer.

  1.   La position de la commission

La commission a adopté l’article sans modifications.

*

*     *


Adopté avec modifications

Le présent article vise à recentrer les missions des adultes‑relais sur la médiation sociale pour favoriser leur professionnalisation et éviter la dilution de leurs interventions dans un champ relativement large d’activités en lien avec le travail social.

  1.   Le dispositif de la proposition de loi
    1.   Le droit existant : les contrats relatifs aux activités d’adultes-relais

● L’article L. 5134‑100 du code du travail définit le contrat relatif aux activités d’adultes-relais, qui vise à améliorer, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les autres territoires prioritaires des contrats de ville, les relations entre les habitants de ces quartiers et les services publics, ainsi que les rapports sociaux dans les espaces publics ou collectifs.

Le dispositif des contrats adultes‑relais a été créé dans le but de contribuer à la cohésion sociale et à l’insertion professionnelle de publics en difficulté, en soutenant les employeurs financièrement et dans leurs démarches administratives tout en contribuant à l’amélioration des relations entre les habitants des quartiers et les services publics et des rapports sociaux dans les espaces publics ou collectifs, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les autres territoires prioritaires des contrats de ville.

Les bénéficiaires de contrats adultes‑relais sont chargés d’accomplir différentes missions définies à l’article D. 5134‑100 du code du travail :

– l’accueil, l’écoute et l’exercice de toute activité concourant au lien social ;

– l’information et l’accompagnement des habitants dans leurs démarches, la facilitation du dialogue entre les services publics et les usagers, et l’établissement des liens entre les parents et les services qui accueillent leurs enfants ;

– l’amélioration et la préservation du cadre de vie ;

– la prévention et l’aide à la résolution des conflits de la vie quotidienne par la médiation et le dialogue ;

– la facilitation du dialogue entre les générations, l’accompagnement et le renforcement de la fonction parentale par le soutien aux initiatives prises par les parents ou en leur faveur ;

– le renforcement de la vie associative locale et le développement de la capacité d’initiative et de projet dans le quartier et la ville.

Le dispositif des contrats adultes‑relais est ouvert aux personnes publiques, et aux associations ou aux entreprises chargées de la gestion d’un service public ([18]).

L’article L. 5134‑100 du code du travail impose la conclusion d’une convention entre l’État et l’employeur et la conclusion d’un contrat de travail entre l’employeur et le bénéficiaire du dispositif adultes‑relais. L’employeur perçoit une aide financière, versée par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.

Le contrat est conclu pour une durée de trois ans. L’article L. 5134‑102 du code du travail dispose que les personnes éligibles au dispositif adultes-relais doivent avoir 26 ans ou plus, être sans emploi ou bénéficier d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi – sous réserve qu’il soit mis fin à ce contrat – et résider dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ou dans un autre territoire prioritaire des contrats de ville.

Les contrats adultes‑relais constituent donc un dispositif de contrat aidé attractif pour les employeurs et bénéficient d’un engagement financier de l’État grandissant.

Le montant de l’aide financière de l’État par poste de travail à temps plein pour les contrats conclus en application de l’article L. 5134‑100 du code du travail est fixé à 18 823,09 euros ([19]). Dans le projet de loi de finances pour 2017, 67,2 millions d’euros étaient consacrés au dispositif adultes-relais, contre 98 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2024.

● Le dispositif adultes-relais a pu présenter des résultats satisfaisants selon une enquête réalisée par le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) en octobre 2015 ([20]). Les indicateurs d’activité montrent en effet :

– qu’en ce qui concerne l’accueil, l’orientation et la mise en relation avec les institutions, les adultes-relais effectuent en moyenne près de 9 000 interventions mensuelles, et 57 % d’entre eux établissent des liens avec plus de dix personnes et des institutions chaque mois ;

– qu’en matière de médiation sociale, 50 % des adultes-relais interviennent auprès d’au moins onze familles par mois ;

– que sur l’ensemble de l’année 2015, on comptait près de 8 200 interventions mensuelles effectuées par des adultes-relais dans des situations conflictuelles.

Toutefois, le dispositif adultes-relais est très critiqué par les acteurs de la médiation sociale : il s’agit en effet de contrats précaires, qui ne favorisent pas la professionnalisation de leurs bénéficiaires vers un véritable métier de médiateur social.

  1.   Le droit proposé

L’article 3 de la présente proposition de loi modifie l’article L. 5134‑100 du code du travail relatif aux activités d’adultes-relais.

Le modifie les termes de l’objectif assigné à ces contrats, en faisant désormais référence à « l’exercice de la médiation sociale », telle que définie à l’article 1er. Ces termes remplacent les missions auparavant assignées aux adultes‑relais.

Le précise que les adultes‑relais exercent l’activité de médiation sociale dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Ces dispositions recentrent ainsi les missions des adultes‑relais sur la seule médiation sociale, telle que définie à l’article 1er de la proposition de loi, pour favoriser la professionnalisation des bénéficiaires du dispositif vers le secteur de la médiation sociale, et éviter la dilution de leurs interventions dans un champ trop large d’activités plus ou moins en lien avec le travail social.

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté deux amendements :

– un amendement de M. Gérard Leseul et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés disposant que les adultes-relais exercent leur activité dans les QPV et dans les autres territoires prioritaires des contrats de ville ;

– un amendement rédactionnel du rapporteur.

*

*     *

 

 

 

 

 

 

Introduit par la commission

L’article 3 bis demande au Gouvernement un rapport évaluant le nombre réel de potes de médiateurs sociaux ainsi que l’opportunité et la faisabilité de financer 7 000 postes supplémentaires de médiateurs sociaux.

Cet article résulte de l’adoption d’un amendement de M. Gérard Leseul et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés. Il vise à demander au Gouvernement, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, de remettre un rapport relatif au nombre réel de médiateurs sociaux et évalant l’opportunité et la faisabilité de déployer 7 000 postes de médiateurs sociaux supplémentaires.

*

*     *


Adopté sans modifications

L’article 4 assure la conformité de la présente proposition de loi à l’article 40 de la Constitution au moyen d’un gage portant création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs.

La proposition de loi est de nature à accroître une charge publique dans la mesure où l’article 2 ouvre la possibilité d’une dépense supplémentaire pour les départements, et l’article 3 pourrait avoir pour conséquence d’accroître les dépenses de l’État.

En conséquence, et pour permettre le dépôt du texte, l’article 4 gage la charge susmentionnée par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévus au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

*

*     *


–– 1 ––

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 24 janvier 2024, la commission examine la proposition de loi visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale (M. Patrick Vignal, rapporteur) ([21]).

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous examinons la proposition de loi visant à reconnaître les métiers de la médiation sociale. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de proposer dans ce texte des avancées nécessaires au profit de ce métier qui joue un rôle majeur dans notre République.

M. Patrick Vignal, rapporteur. Pour Jean Monnet, le plus beau métier du monde, c’est de réunir les Hommes, avec un grand H.

Je vais vous lire un courrier que m’a adressé un jeune médiateur scolaire, Loïc, qui nous montre le chemin pour vivre ensemble de manière apaisée. « Je veux être médiateur parce que je pense que ma personnalité et mon caractère conviendraient bien à cette responsabilité. En effet, je suis serein, j’aime aider mes camarades, j’aime écouter les autres, je reconnais facilement les émotions et je suis empathique. Je suis réfléchi et je voudrais être médiateur pour tester l’expérience d’être impartial et bien résoudre des problèmes. Dernière information, je veux être médiateur parce que le métier que je souhaiterais faire, c’est secrétaire général des Nations unies, comme par exemple Kofi Annan ou Boutros BoutrosGhali. » Quel beau message d’un gamin de 11 ans à nous, adultes, sur la manière de faire société – l’écoute, l’empathie, l’expérience, l’impartialité !

Pourquoi ai-je souhaité que me soit confiée par le Premier ministre une mission sur la médiation ? Un soir, j’ai vu un reportage d’« Envoyé spécial » dans lequel une grand‑mère ne parvenait pas à récupérer son logement, qui était occupé par deux locataires. Les services de l’État du Gard, que j’ai interrogés, m’ont répondu que, comme le veut la loi, ces personnes avaient un bail et que même s’ils ne payaient pas leur loyer, on ne pouvait pas exiger que Mme Garofalo récupère son habitation. Accompagné d’un collectif, j’ai rencontré les locataires. Nous avons signé un protocole avec l’un des locataires pour organiser son départ ; le second, qui s’appelle Axel et avec lequel je suis toujours en contact, était un peu paumé ; il n’avait plus de permis de conduire ni de travail et avait perdu son père. Nous avons loué un camion pour débarrasser ses affaires – aujourd’hui, il a une entreprise à Lille. Voilà chers collègues comment on peut faire société : sans procédure onéreuse, sans passer par le tribunal ni les services de police.

À la suite de cette affaire, j’ai reçu de nombreux courriels. Vous devez vous souvenir de Roland, un papy de Toulouse qui voulait rejoindre sa femme placée dans un Ehpad à Balma et qui ne pouvait pas vendre sa maison parce qu’elle était squattée. Par Telegram, nous avons pu résoudre le problème avec ces jeunes : en quelques jours, ils ont compris qu’il valait mieux investir d’autres lieux ; Roland a pu vendre sa maison et rejoindre sa femme.

J’ai pris conscience qu’il manquait un maillon dans notre société et j’ai pris rendez‑vous avec le Premier ministre – sauf qu’en face de moi, j’avais plutôt Jean Castex, ancien maire de Prades, qui m’a raconté qu’il avait depuis longtemps créé un service de médiation chargé de gérer les réunions publiques, les problèmes de voisinage, les relations avec les citoyens.

Ma première idée était d’instituer des négociateurs de proximité, jusqu’à ce que France Médiation – l’institution qui fait de la médiation depuis vingt ans – m’explique que la négociation, ce n’est pas à la médiation. Nous avons décidé de faire ensemble un tour de France – Saint‑Denis, Strasbourg, Orléans, Rennes, Dijon, Lyon, Saint‑Étienne, Angoulême, Bordeaux, Miramas, Marseille, Vitrolles, Lunel et Montpellier. Nous avons rencontré plus de deux cents personnes – acteurs de la médiation, gendarmerie, police municipale, police nationale, bailleurs sociaux, sociétés de transport, France urbaine, Forum français pour la sécurité urbaine, Départements de France, Association des maires de France, ainsi que des partenaires comme La Poste, qui n’investit pas moins de 10 millions d’euros par an, et EDF.

J’en suis convaincu, pour élaborer des lois, il faut partir du terrain. J’ai donc décidé d’adresser un questionnaire aux maires de France. J’ai reçu 60 % de réponses – contre 10 à 15 % habituellement pour un tel exercice. Ils étaient nombreux à ne pas comprendre qui fait quoi entre le médiateur, le travailleur social, l’assistant social ou la prévention spécialisée.

Pourquoi devrions-nous reconnaître les métiers de la médiation ? Parce que les 12 000 médiatrices et médiateurs de notre pays sont en première ligne pour gérer les conflits de voisinage, ceux liés au permis de construire ou aux jeunes qui traînent au bas des immeubles. J’ai encore en tête Jacky Lemoine, maire de Divion, se demandant comment il ferait s’il n’avait pas « son petit Yassine », médiateur, qui gère la Maison des projets avec les habitants !

Aujourd’hui, le secteur de la médiation sociale a commencé à se professionnaliser mais il reste encore trop de médiateurs peu ou pas formés, et surtout embauchés en contrat précaire. Certains jeunes rencontrés au cours de ma mission n’avaient aucune compétence, mais l’envie de bien faire. Ils sont payés au Smic, le monde associatif doit chaque année remplir de la paperasse pour obtenir un éventuel prolongement des contrats. J’aurai des propositions concrètes sur ces points.

Rappelez-vous le covid, ou les émeutes : les médiateurs étaient sur le terrain ! J’ai souvenir d’une médiatrice à Lyon qui, à une heure du matin, était capable d’aller dans les immeubles pour discuter avec les jeunes ou accompagner une femme victime de violences intrafamiliales jusqu’au commissariat. Le médiateur est un repère, un référent physique dans une période où le virtuel prend souvent le pas sur l’humain. Sa posture bienveillante et sa capacité d’écoute le placent en position de premier recours.

Remettre de l’humain dans nos territoires, voilà l’objet de cette proposition de loi. Je vous en résume le contenu. L’article 1er crée un statut du médiateur social et assortit l’exercice de l’activité de garanties. Il pose également les premiers jalons d’une coordination des interventions de médiation de l’État, des collectivités territoriales et des opérateurs de médiation sociale. Il consacre enfin l’existence de référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques. L’article 2 ajoute la médiation sociale à la liste des actions sociales que le département peut mener dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il n’impose aucune compétence obligatoire mais offre aux départements une possibilité supplémentaire d’intervention. Enfin, l’article 3 recentre les missions des adultes-relais sur la seule médiation sociale pour faire de ce dispositif d’insertion professionnelle un vrai tremplin.

Je veux remercier ceux d’entre vous qui ont cosigné cette proposition de loi transpartisane – vous êtes plus de deux cent cinquante. Son adoption permettrait d’envoyer un signal fort aux 12 000 médiateurs de France. Je vous remercie aussi pour vos amendements, sachant que ceux qui vont dans le sens du rapport recueilleront un avis favorable.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Je remercie vivement le rapporteur de donner l’occasion à notre commission de débattre des métiers de la médiation sociale et de la reconnaissance que nous devons à celles et ceux dont l’engagement quotidien contribue à tisser et entretenir les liens qui nous permettent de faire société.

Il faut avant tout reconnaître la grande diversité de ces métiers : médiateurs sociaux, associatifs, bénévoles, porteurs d’initiatives citoyennes, personnels d’institutions ou d’opérateurs urbains, autant de statuts qui sont apparus au gré du développement spontané de la médiation sociale depuis le début des années quatre-vingt. Ces formes diverses recouvrent une même réalité : un engagement en faveur de la création ou de la réparation du lien social ainsi que du règlement des conflits de la vie quotidienne.

Élaborer un cadre normatif harmonisé, c’est non seulement répondre à une demande de longue date des acteurs de la médiation sociale mais aussi graver dans la loi les moyens nécessaires à la montée en puissance de la médiation sociale sur notre territoire. Cet objectif s’inscrit pleinement dans la logique d’aller vers que prône notre majorité depuis 2017 – permettre à chacun de trouver un interlocuteur à l’écoute et conscient de sa situation. C’est un impératif si l’on veut que chaque citoyen bénéficie pleinement de ses droits. Le groupe Renaissance préférera toujours bâtir des ponts que construire des murs ou creuser des fossés. Il soutiendra cette proposition de loi transpartisane.

M. Serge Muller (RN). Cette proposition de loi paraît intéressante, à condition de pouvoir développer le rôle du médiateur social et d’obtenir des résultats.

Pour revaloriser les métiers de l’animation et de la petite enfance, la convention collective nationale des acteurs du lien social et familial a évolué au 1er janvier 2024 afin d’augmenter les salaires de 5 à 18 % selon les métiers. Cette hausse est bienvenue dans un secteur qui peine beaucoup à recruter, aussi bien les directeurs que les animateurs ou les comptables. En effet, 75 % des salariés sont payés au Smic.

Cependant, le Gouvernement a accordé d’importantes augmentations de salaire sans leur adjoindre le moindre financement. Les centres sociaux, dont les finances sont déjà mises à rude épreuve par l’inflation, risquent de se trouver en situation de faillite. Comment pourront-ils développer le rôle de médiateur alors qu’ils sont déjà en crise ?

Le texte est nécessairement insuffisant. Il n’apportera pas de réponse à la grande misère sociale que connaît aujourd’hui le monde rural. Focalisé sur les quartiers prioritaires, il ne prévoit rien pour développer la présence des médiateurs dans les territoires ruraux qui sont déjà dépourvus de tout service public, contrairement aux quartiers prioritaires qui y ont accès bien plus facilement.

Chez les agriculteurs, on recense deux suicides par jour. Ils ont besoin de nous. Il n’y a pas de pays sans agriculteurs.

M. Michel Sala (LFI - NUPES). La médiation sociale occupe une place grandissante. Il est donc urgent de mieux encadrer le statut des travailleurs du secteur et de mieux considérer les compétences qu’elle requiert.

Notre pays connaît un climat social tendu qu’entretient la montée de la pauvreté, de l’exclusion et de l’isolement, accentuée par des décennies de politiques néolibérales. Deux personnes sur trois connaissent une vulnérabilité, qu’elle soit liée au logement, à la santé, à la pauvreté, à l’isolement ou à la relégation territoriale. Selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie de février 2020, 14 % des Français sont en situation d’isolement contre 9 % en 2011, soit 7 millions de personnes. Enfin selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté dans l’Hexagone. Le constat est douloureux.

L’exposé des motifs passe un peu trop vite sur les responsabilités des gouvernements Macron dans l’aggravation de la crise sociale. La médiation sociale ne remédiera pas d’un coup de baguette magique à la destruction systématique des services publics. L’urgence est de restaurer leurs moyens dans tous les territoires de la République. Dans son dernier rapport annuel, la Défenseure des droits souligne que plus de 80 % des réclamations qui lui sont adressées portent sur les relations des usagers avec les services publics.

Toutefois, le souci de reconnaître les métiers de la médiation que traduit la proposition de loi est un bon signal. Il faut mieux former les agents, valoriser leurs compétences et mieux les rémunérer pour renforcer l’attractivité de ce secteur.

En revanche, nous nous inquiétons de voir l’exposé des motifs recourir à l’argument de la délinquance pour justifier le texte. La médiation n’est pas un métier de lutte contre la délinquance ; les enjeux ne sont pas là. Le texte ne doit pas se confondre avec la création d’une nouvelle police de proximité. Il doit encore moins permettre au secteur lucratif privé de profiter de la crise pour faire des profits. Au contraire, il faut donner ses lettres de noblesse à un maillon important du lien social et en écarter tout intérêt libéral si l’on veut aider les citoyens qui en ont besoin et agir dans l’intérêt des salariés de ce secteur.

Mme Isabelle Valentin (LR). Merci pour cette proposition de loi. Dans une société en profonde mutation et frappée par des crises sociales et économiques, de nombreux Français connaissent l’isolement, l’exclusion de l’emploi, et la précarité. Ces phénomènes contribuent à fragiliser le lien social. La délinquance et les incivilités augmentent, plus encore dans les territoires les plus en difficulté. Le sentiment d’abandon et de marginalisation grandit au sein de la population dans certains quartiers.

Renouer avec la cohésion sociale doit donc être une priorité nationale. Depuis plusieurs années, l’ensemble des travailleurs et intervenants sociaux, maillon essentiel qu’il nous faut absolument préserver, demandent l’encadrement législatif de leur profession. Leur reconnaissance est d’autant plus légitime que, durant toutes les crises que nous avons traversées, ils ont toujours été présents.

Je m’interroge sur votre volonté d’autoriser les départements à recourir à la médiation sociale dans le cadre de leurs missions. L’idée est séduisante, car cela pourrait être très complémentaire de leurs missions d’action sociale en faveur des familles et de l’enfance, mais elle sera totalement inapplicable. Les travailleurs sociaux dans les départements sont des professionnels très bien formés, mais ils sont submergés. Les dépenses de l’aide sociale à l’enfance explosent et les départements peinent à boucler leur budget. Avez-vous prévu des dotations supplémentaires pour les départements qui s’engageraient dans cette démarche ?

M. Emmanuel Mandon (Dem). Aussi consensuelle qu’attendue, cette proposition de loi est une heureuse initiative, à la fois pour nos territoires et leurs habitants attachés au lien social et à la cohésion, mais aussi pour les structures et les professionnels concernés.

Il s’agit, en effet, de définir un cadre légal, des objectifs et des modalités d’action pour les acteurs de la médiation sociale. À l’origine, celle-ci était conçue comme un support de l’insertion professionnelle des jeunes, et son utilité avait suscité un grand scepticisme. Vingt‑cinq ans plus tard, ce sont 12 000 professionnels qui la pratiquent, prioritairement dans les quartiers sensibles, notamment au pied des immeubles où ils luttent au quotidien pour maintenir le lien social et apaiser, sans autre arme que celle du dialogue. Ils travaillent en réseau, souvent en amont des autres intervenants, toujours dans la coconstruction, pour accompagner les publics les plus fragiles. Ils contribuent à prévenir et à gérer les conflits de la vie quotidienne.

Devenue un outil indispensable, la médiation est présente dans de nombreux espaces publics – les points d’information des services publics, les transports publics, les commissariats, les établissements scolaires, etc. J’en mesure très concrètement l’utilité dans mon département de la Loire au contact de nombreuses structures comme les centres sociaux, les points d’information médiation multi services (Pimms) et les services municipaux.

Une meilleure structuration des métiers, le développement de la formation et la revalorisation des rémunérations sont primordiaux pour l’avenir de ce secteur. Ils constituent pour les intervenants sociaux la récompense légitime du travail accompli.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocrate soutient sans réserve ce texte qui consacre la place des médiateurs dans le paysage institutionnel.

M. Gérard Leseul (SOC). Les métiers de la médiation sociale sont de plus en plus essentiels dans notre société. Aussi, nous saluons cette proposition de loi qui vise notamment à mieux en reconnaître les mérites, à en assurer la structuration et la pérennité et à renforcer la formation.

Nous constatons une dégradation du lien social, qui se traduit notamment par des tensions sociales, des difficultés à accepter l’altérité et une exclusion grandissante des populations fragiles. L’illectronisme et la dématérialisation accentuent le sentiment d’éloignement des services publics, comme les difficultés d’accès au droit pour les habitants des périphéries urbaines ou des territoires ruraux.

Le besoin de médiation est donc criant. Pourtant, les métiers de la médiation sociale sont insuffisamment reconnus. Si la proposition de loi va dans le bon sens, elle ne peut valoir solde de tout compte. En relisant le rapport que vous avez remis au Premier ministre en mars 2022, il me semble qu’il pourrait avoir d’autres traductions législatives, qui sont d’ailleurs attendues par les professionnels. C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons plusieurs amendements qui reprennent certaines des recommandations du rapport, notamment sur la formation des professionnels, la stabilisation des contrats de travail ou encore le financement de 7 000 nouveaux médiateurs sociaux.

La proposition de loi est bien sûr une occasion à ne pas manquer pour la médiation sociale et nous aborderons les discussions avec bienveillance.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Cette proposition de loi marque incontestablement un tournant significatif pour les métiers de la médiation sociale, qui ne faisaient pas l’objet jusqu’à présent d’un cadre légal. Cette initiative législative, qui s’inscrit dans la continuité du rapport « Remettre de l’humain dans les territoires » de Patrick Vignal, vise à octroyer un cadre légal et une reconnaissance officielle à cette profession essentielle.

Le médiateur social, tel que défini par l’Office national d’information sur les enseignements et les professions, joue un rôle crucial dans les zones sensibles pour prévenir ou remédier à des problèmes d’incivilité. Il agit sur le terrain pour gérer les conflits et renforcer le lien social, particulièrement dans les espaces publics ou collectifs. Bien qu’essentiels dans le tissu social, ces professionnels, au nombre de 12 000 en France selon France médiation, manquent de reconnaissance et de cadre réglementaire malgré l’existence d’une norme de l’Association française de normalisation (Afnor) depuis 2021.

La proposition de loi introduit des changements significatifs. L’article 1er définit, dans le code de l’action sociale et des familles, la médiation sociale, en reconnaissant son rôle dans la création et la réparation du lien social et la résolution des conflits. L’article 2 étend les actions de médiation sociale aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), alignant les missions de médiation sur les objectifs de prévention de la marginalisation. L’article 3 redéfinit les contrats adultes-relais pour les aligner sur l’exercice de la médiation sociale dans les QPV.

Le texte vise à donner un statut, une existence légale et un cadre général à la profession de médiateur social. Il permet de structurer la filière, d’offrir une formation adaptée et uniformisée mais aussi de garantir la qualité des pratiques.

Le groupe Horizons souligne l’importance de ces métiers pour la cohésion sociale, particulièrement après les récentes crises sanitaires. Il soutient donc la proposition de loi, qui apporte une reconnaissance attendue des professionnels en valorisant leur engagement quotidien et renforce la construction d’une société plus inclusive et plus solidaire.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Il est temps de reconnaître la médiation sociale comme un métier à part entière. C’est par ce message que plusieurs centaines d’acteurs sociaux et d’élus locaux nous ont interpellés sur la nécessité de reconnaître juridiquement et de soutenir la médiation sociale.

Face à l’accélération du délitement du lien social, les médiateurs sociaux jouent un rôle décisif pour renforcer la cohésion sociale. Pour cela, ils méritent en effet une reconnaissance institutionnelle et un véritable statut.

Parce qu’elle réfute les approches purement dissuasives et répressives et repose sur la participation des protagonistes à la résolution de leurs différends ainsi qu’à la restauration des liens sociaux, parce que les intervenants, souvent issus des quartiers, sont perçus comme plus légitimes, plus à même d’écouter et de comprendre que les autres canaux plus institutionnels, la médiation sociale joue un rôle fondamental dans la régénération de la cohésion et l’apaisement du climat social dans certains quartiers relégués et fragilisés.

Elle nous semble donc être un outil intéressant pour résoudre les conflits, faire baisser les incivilités, réduire le sentiment d’insécurité et parvenir à la désescalade dans les situations de crise. Toutefois, cela implique de lui accorder les moyens et le soutien politique nécessaires.

Si la proposition de loi est un premier pas, le chemin de la reconnaissance institutionnelle et politique de la légitimité des médiateurs sociaux est encore long. Les moyens ne sont pas encore à la hauteur de l’ambition. Surtout, la médiation sociale ne saurait être le remède miracle aux difficultés sociales, aux tensions urbaines, aux difficultés d’accès aux droits ou encore à l’isolement. Elle doit s’accompagner d’un réinvestissement des services publics, d’une profonde remise en question du racisme systémique dans l’accès à l’éducation, au logement et au travail, et de politiques ambitieuses de lutte contre la précarité et la relégation sociale. Les écologistes seront donc attentifs à la traduction des ambitions affichées par la proposition de loi.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cette proposition est intéressante mais certains points méritent d’être discutés.

D’abord, vouloir structurer la médiation sociale est aussi la conséquence de l’échec de la politique du grand frère, grâce à laquelle on a trop longtemps cru pouvoir acheter la paix sociale. Mais les quartiers ont besoin de professionnels formés, pas de grands frères. De ce point de vue, la proposition de loi est une satisfaction.

Ensuite, les travailleurs sociaux ne sont pas des magiciens. J’entends cet espoir dans les débats qui ont suivi les émeutes urbaines mais, si ces professionnels réparent et créent du lien social, en aucun cas ils ne peuvent résoudre les problèmes liés au chômage, à la pauvreté, à la précarité ou surtout au recul de l’État et des services publics dans les quartiers.

La discussion doit selon nous porter sur le rôle que l’on entend faire jouer à la médiation sociale. À cet égard, l’article 2 nous inquiète. En aucun cas la médiation sociale ne peut prévenir la marginalisation. La prévention de la marginalisation, c’est de la prévention spécialisée, ce n’est pas le métier des médiateurs. Il convient donc de définir avec précision les contours de la médiation. Nous avons besoin d’être rassurés sur ce point.

Par ailleurs, il manque à la proposition de loi des dispositions sur la formation et les qualifications requises.

Enfin, je regrette que les départements n’investissent plus dans la prévention spécialisée. Ils manquent de moyens, certes... sauf quand il s’agit d’acheter des uniformes pour les écoles ! C’est une question de choix politique.

M. Paul-André Colombani (LIOT). La défense des territoires en difficulté et de leurs habitants est au cœur des engagements de notre groupe. L’éloignement des services publics, la fracture numérique ou encore le manque d’investissements sont les premières causes du sentiment d’abandon et probablement du délitement du lien social.

Nous partageons donc la conclusion de votre rapport remis au Premier ministre : il faut remettre de l’humain dans les territoires. Mais cela passe d’abord par le renforcement des services publics de proximité. Les acteurs de la médiation sociale ne sauraient pallier leur absence.

Toutefois, les médiateurs sociaux jouent un rôle essentiel pour aider les populations les plus vulnérables, notamment dans les territoires en difficulté. Ils ont besoin d’une pleine reconnaissance, pour limiter la précarité et le turnover dans la profession, et d’une formation solide. La professionnalisation est aussi une manière de renforcer l’attractivité du secteur et d’aider les médiateurs à se projeter alors qu’ils sont encore souvent embauchés dans le cadre de contrats aidés.

D’autres points évoqués dans votre rapport mériteraient d’être abordés. Il en est ainsi de la création de 7 000 postes de médiateurs sociaux sur le quinquennat, pour un coût estimé à 285 millions d’euros – il semble que nous en soyons loin. Y a-t-il un engagement du Gouvernement sur ce sujet ?

Le financement et la participation de l’État aux côtés des collectivités pourraient également être précisés. Le rapport préconisait un principe « 1 euro de l’État pour 1 euro de la collectivité ». Le texte n’en fait pas mention.

Comment s’articule la proposition de loi avec le Conseil national de la médiation, créé en 2023 ? Enfin, quelle mode de gouvernance faut-il privilégier pour garantir l’indépendance des médiateurs sociaux lorsqu’ils sont issus d’un service interne ?

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Monsieur le rapporteur, je vous remercie car vous contribuez, par la proposition de loi, à rendre visible un travail invisible. Lorsqu’il y a des incidents, le travail de réparation et de répression se voit. Ici au contraire, il s’agit de structurer un travail souterrain et de lui donner ses lettres de noblesse.

Ce travail de prévention doit s’inscrire dans un continuum avec celui des animateurs et des éducateurs. C’est tout ce continent invisible et maltraité, entre autres sur le plan budgétaire, qui doit être revalorisé – aussi bien en salaires qu’en effectifs – et reconnu – notamment avec un statut. La proposition de loi y participe partiellement.

Il est indispensable pour la société d’agir en amont sans attendre d’avoir à réparer les dégâts. On le voit dans nos territoires, c’est souvent la police qui pallie l’absence de médiateurs, d’animateurs ou d’éducateurs et qui effectue le travail de prévention et de réparation du lien social. Mais les policiers n’ont pas le temps pour ça, ils le font malgré eux, au passage. Cela pourrait pourtant faire partie du cœur de leur métier.

Je suis très attaché aux métiers de prévention. Il faut les étendre à d’autres territoires – la France des bourgs et des sous-préfectures par exemple. Le nombre de médiateurs est évidemment insuffisant. Enfin, il faut pérenniser les dispositifs : trop souvent, des personnes sont formées pour un dispositif qui est ensuite abandonné.

M. Stéphane Viry (LR). À mon tour, je tiens à remercier le rapporteur d’avoir pris cette initiative parlementaire nécessaire et attendue. Ce texte va fournir le cadre légal qui fait défaut à la médiation sociale et manifester une marque de reconnaissance à celles et ceux qui, au quotidien et au plus près des besoins sur les territoires, sont effectivement à pied d’œuvre pour amortir, dialoguer, apaiser, régler des problèmes et gérer des tensions. Vous avez rappelé à quel point cette médiation sociale est importante pour notre société. Comme l’a dit François Ruffin, elle permet d’éviter le décrochage civique ou scolaire, le conflit, la violence, la délinquance ou l’exclusion. Ce travail de terrain reste trop souvent invisible et insuffisamment reconnu, non seulement en termes de salaire mais aussi d’impact social et de coûts évités pour la puissance publique.

Sur votre texte, qui représente un premier pas, j’aurais trois questions à vous poser. La première concerne les adultes-relais, au statut atypique et dont l’efficacité dans les villes n’est plus à démontrer. Qu’est-ce qui vous a poussé à recentrer leurs missions sur la seule médiation sociale, dans l’article 3 ?

Ma deuxième question porte sur la formation. Ces métiers exigent de monter en compétence et de s’ajuster à des besoins sociaux très évolutifs. Quel type de formation faudrait-il donner à ces hommes et femmes qui s’investissent au plus près du terrain ?

Ma troisième question a trait à la prévention, dont l’utilité est évidente quand on regarde la France telle qu’elle est, et qui passe par la médiation mais aussi par les éducateurs et animateurs de la prévention spécialisée. Vous qui aviez déjà réalisé un état des lieux de la médiation dans le cadre de la mission qui vous avait été confiée, monsieur le rapporteur, quel regard portez-vous sur le lien social et la cohésion républicaine ?

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je remercie moi aussi Patrick Vignal de nous proposer ce texte nécessaire et attendu. Ce n’est que le début d’un processus. La reconnaissance de ce métier est d’autant plus essentielle que le champ de la médiation devra être étendu bien au-delà des jeunes, pour toucher toutes les personnes éloignées des institutions. Il s’agira aussi de redéfinir le rôle respectif de la prévention, de la médiation et de l’animation. Pour avoir travaillé sur la prévention dans la santé, j’estime qu’il est essentiel d’avoir des médiateurs dans ce domaine. Faut-il alors avoir plusieurs types de médiateurs ? La question rejoint celle de la formation soulevée par Stéphane Viry. En matière de santé, s’agissant de personnes qui sont très éloignées des institutions, il faut appliquer un principe d’aller vers. Tout cela est très complexe, en lien aussi avec le phénomène du non-recours aux prestations sociales. Je pense que ce dispositif doit s’étendre bien au-delà des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Pourquoi ne pas réfléchir à l’échelle du bloc communal plutôt qu’à celle du département ?

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous vivons dans une société sous tension, qui va mal, et il ne faut pas nous dispenser d’agir sur les causes – cela dit non pour écarter votre proposition de loi, qui soulève des questions pertinentes, mais pour rappeler cet arrière‑plan que nous ne devons pas perdre de vue.

Nos quartiers, nos villes, nos territoires recèlent des lieux très précieux pour notre pays et notre vie sociale : des structures socioculturelles, des structures d’éducation populaire, des centres sociaux, des maisons de quartier. Même s’il est parfois nécessaire d’intervenir en cas de tensions particulières et de situations de crise, il faut surtout s’attacher à donner à ces structures les moyens de faire leur travail au quotidien. Il ne suffit pas de maintenir le couvercle sur la marmite et de gérer les tensions, il faut aussi proposer des projets désirables, manifestant l’envie de vivre ensemble. Il est bon de nous attaquer à ces sujets après les reculs observés au cours des périodes précédentes. Le projet ne peut pas être de se borner à faire en sorte que les choses ne se passent pas trop mal, sinon ce serait dramatique. Je vous invite donc à reconsidérer le mouvement socioculturel d’éducation populaire dans son ensemble, en lui donnant les moyens de faire son travail. Alors que nous avons besoin de professionnels, nous avons perdu des moyens au cours de la période écoulée.

Mme Josiane Corneloup (LR). Cette proposition de loi vise à donner un cadre législatif aux métiers de la médiation sociale, dont l’objectif est de restaurer le lien social et de gérer les conflits à une échelle adaptée, afin de privilégier le règlement à l’amiable et de réduire le non-recours aux aides sociales en accompagnant ceux qui peuvent y prétendre.

Ces métiers s’exercent dans divers secteurs : le logement, les transports, l’éducation, la tranquillité publique. Comme Cyrille Isaac-Sibille, je pense que le besoin de médiateurs est également très prégnant dans le domaine de la santé pour les personnes éloignées des systèmes de prévention et de soins. Ces professions se sont développées hors cadre légal unifié, aucun texte législatif ne faisant foi en la matière, ce qui n’est pas sans conséquences : les médiateurs ne peuvent se référer à un texte reprenant les pratiques possibles et les citoyens n’ont aucun moyen sûr d’identifier les acteurs compétents. Il faudrait d’ailleurs lancer une campagne d’information car les gens ignorent très souvent qu’ils peuvent avoir recours à des médiateurs.

Je suis évidemment favorable à l’article 2, qui donne au département la possibilité d’agir en matière de médiation sociale, que ce soit en direct ou par délégation à des Pimms ou des maisons France services. Dans tous les cas, cela nécessitera un financement dont il n’est pas fait état dans la proposition de loi. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur ce point ?

M. le rapporteur. Je voudrais remercier très sincèrement tous les responsables des groupes. Pour moi, ce texte a beaucoup de sens dans une société où prévaut malheureusement le chacun pour soi ou le sauve-qui-peut. Comment faire émerger un nouvel ADN de la concertation et régler les inévitables conflits ?

L’acte I de nos travaux consiste à reconnaître le travail de médiation car, comme le disait François Ruffin, ces 12 000 personnes se sentent invisibles. L’acte II consistera à élaborer une vraie formation aux normes de l’Afnor et à créer quatre écoles pour préparer aux métiers de la tranquillité publique et des médiations sociales. Ces métiers sont en effet divers : à Bordeaux, il y a des médiateurs spécifiques pour la communauté rom ; en Seine‑Saint‑Denis, 285 médiatrices et médiateurs interviennent dans les écoles. Et puisqu’on parle d’école, je peux vous citer l’exemple d’un lycée marseillais où le médiateur avait repéré un gamin qui pleurait seul dans la cour depuis plusieurs jours ; grâce au lien de confiance tissé avec l’adulte, ce gamin a pu expliquer qu’il était victime d’inceste. Voilà, pour moi, ce que sont les métiers de la médiation.

Il n’est donc pas question de financement dans cet acte I, qui est l’étape de la reconnaissance. Mais je veux aller plus loin, avec vous : montrons qu’à l’Assemblée nationale, nous pouvons de temps en temps travailler ensemble ! Si nous ne pouvons pas le faire, comment pourrions-nous le demander aux autres ?

Disons les choses comme elles sont. Dans une ville dont je tairai le nom par respect pour le maire, j’ai pu parler au médiateur de l’école mais pas à celui du collège, sous prétexte que j’appartiens au groupe Renaissance. La région m’a expliqué qu’elle ne s’entendait pas avec la présidente du département, alors qu’elle ne me parlerait pas non plus. Dans une autre ville, j’ai demandé aux médiateurs des transports en commun s’ils travaillaient en réseau avec ceux des autres domaines pour couvrir tous les cas, du gamin de maternelle jusqu’à la femme vivant seule dans un HLM. « On n’a pas le droit », m’ont-ils répondu. Quant aux bailleurs sociaux, ils ne m’ont pas encore donné les chiffres que je leur demande sur les coûts induits liés à l’embauche de médiateurs. Dans la prévention spécialisée, certains m’ont dit qu’ils ne reconnaissaient pas les médiateurs – parce qu’il n’a pas de diplôme, on ne reconnaît pas le petit Yassine qui travaille avec les habitants dans une Maison des projets du Nord. Et je pourrais aussi parler des travailleurs sociaux, des assistantes sociales. On marche sur la tête ! En fait, personne ne travaille ensemble. C’est un vrai problème et ce sera le but de l’acte II.

Il y a treize métiers dans le travail social. Pour ne rien vous cacher, la direction générale de la cohésion sociale m’a suggéré de ne pas définir un « vrai » métier pour l’instant, de plutôt expliquer que la médiation sociale se fait au travers de tous les métiers. Ce n’est pas vrai. On reconnaît le métier d’éducateur spécialisé. Le médiateur, c’est le porteur d’eau, la personne qui va au bas des immeubles le soir, qui repère le besoin de santé. Pourquoi croyez‑vous que La Poste investit 10 millions d’euros dans la médiation, ou EDF ? À la communauté urbaine de Lille, il y a des médiateurs pour l’énergie, qui aident les personnes à obtenir un étalement de leurs factures en cas de difficultés. Voilà ce qu’est faire société. Pour que les gens vivent ensemble, il faut qu’ils fassent ensemble.

Il faut donc créer une école, mais aussi imaginer des conventions pluriannuelles. Dans vos circonscriptions, vous trouverez des directeurs de structures qui passent des dizaines d’heures tous les ans à remplir un dossier pour savoir si la mairie prolongera le financement de ces postes. Que fait-on de ces jeunes payés au Smic, qui ne savent pas si on les gardera l’année suivante ? Ils portent un t-shirt « médiateur » mais ils ne sont pas formés, ils sont parfois plus en difficulté que les gens qu’ils veulent aider ! Dans l’acte II que j’aimerais construire avec vous, j’envisage d’instaurer des conventions de six ans, avec un contrôle au bout de trois ans – ce qui est normal puisqu’il s’agit d’argent public.

S’agissant des départements, je pense qu’il vaut mieux conseiller que contraindre, contrairement à ce que propose un amendement. Je sais que certains d’entre eux ne veulent pas entendre parler de prévention spécialisée, ça ne les intéresse pas. Mais on ne va pas régler les problèmes de la société avec la seule police, ce n’est pas possible ! La solution passe par un triptyque : éducation, prévention, répression.

J’ai auditionné la direction générale de la gendarmerie nationale, la direction générale de la police nationale et des représentants de polices municipales. Tous ont déploré l’absence d’un maillon : ils ne sont ni des assistantes sociales, ni des médiateurs. Cela étant, lorsque j’étais adjoint à la cohésion à Montpellier, j’avais engagé un policier national et un médiateur qui pouvaient intervenir en cas de problèmes de voisinage ou d’autres soucis. Quand des gamins rouillent au bas d’un immeuble, allez-vous demander l’intervention de la brigade anticriminalité ? Avant la répression dure, il faut parler aux gens en amont !

Quand une femme de ma ville me demande de mettre en prison son ado de 16 ans qu’elle n’arrive plus à gérer, je me dis que je n’ai pas fait mon travail. Non, nous ne faisons pas notre travail. La politique de la ville, c’est trente ans de lâcheté, nous avons pratiqué l’entre‑soi, nous avons parqué les pauvres à certains endroits et dit aux riches qu’il ne fallait pas s’inquiéter, qu’on gérait la misère – mais il s’agit d’un autre débat. Je n’imagine pas que les médiateurs vont régler tous les problèmes de la société, le chômage, les violences faites aux femmes. Néanmoins, quand je vois que 160 000 gamins sont victimes d’inceste, je me dis que nous pourrions les repérer si nous avions 1 100 médiateurs à l’école. En étant un peu moins lâches, nous pourrions protéger ces futurs adultes. Bref, l’idée est bien de dépasser le cas des QPV : il faut modifier l’ADN de notre société pour être capables de se parler.

J’en viens aux 4 000 adultes-relais, dont le coût est de 100 millions d’euros. En Occitanie, l’adulte-relais est souvent un jeune non formé auquel on fait un contrat de trois ans. Que fera‑t‑il au bout de ces trois ans ? On n’en sait rien. Selon la nomenclature actuelle, l’adulte-relais est uniquement centré sur les QPV. Il faudra que nous le fassions évoluer ensemble.

L’audition qui m’a le plus marqué est celle de Frédérique Agostini, ancienne magistrate et désormais présidente du Conseil national de la médiation. Lorsque nous l’avons reçue, vendredi dernier, elle nous a dit que si elle avait connu la médiation plus tôt, elle aurait jugé autrement. C’est cela que je vous propose de faire ce matin, chers collègues : rendre visibles des personnes qui ne le sont pas.

S’agissant de la formation, je vous ai parlé des quatre écoles, des normes Afnor, d’un code de déontologie. Avec France Médiation, nous avons déjà monté un observatoire auquel je suis prêt à vous associer.

Michel Sala nous reproche de mettre trop l’accent sur la répression. J’ai visité quatorze villes lors de la préparation de cette proposition de loi et j’en avais visité cent vingt dans le cadre du plan Action cœur de ville. J’ai été frappé d’entendre des personnes me dire qu’elles n’avaient que faire des médiateurs, qu’elles voulaient du « bleu », des flics. J’ai passé du temps à expliquer que la répression ne pouvait régler tous les problèmes de la société, qu’un travail en amont était nécessaire. Que faire face à des jeunes de 10 ou 12 ans qui gagnent 200 euros par jour à faire le guet pour des dealers au bas d’un immeuble ? Comment leur expliquer qu’une autre société existe, que chacun a une pépite de talent ? Quand des femmes et des hommes sont démunis et n’arrivent pas à assurer l’éducation de leurs gamins, il faut remettre de l’humain. Ce n’est pas avec internet, Telegram ou TikTok que nous allons résoudre les problèmes de la société.

Ce texte a été préparé avec les associations de médiation. Il y a deux mois, nous en avons reçu deux cent cinquante à la salle Colbert. Lundi prochain, lorsque la proposition de loi passera en séance, cent membres de structures de médiation seront en tribune. S’il n’est pas parfait, ce texte va nous permettre de donner un statut aux médiateurs et peut-être de parler déjà de l’acte II.

 

Article 1er : Créer un cadre juridique relatif à la médiation sociale

Amendement AS9 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). Même s’il n’est pas fait état de maintien du lien social dans les définitions communément admises de la médiation sociale, nous pensons qu’il serait opportun d’ajouter cette notion dans sa nouvelle définition officielle. En effet, il ne suffit pas seulement de créer et de réparer le lien social, mais aussi de le maintenir une fois que les personnes morales et physiques se sont impliquées dans le projet sur le terrain.

M. le rapporteur. Bien qu’il s’agisse d’une modification conforme à l’esprit et aux objectifs de la médiation sociale, je ne peux pas soutenir votre amendement. La définition prévue par l’article 1er découle en effet du colloque européen organisé en 2000 dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, élaborée par des experts européens de la médiation sociale et désormais reprise par l’ensemble des acteurs et par la norme Afnor.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS31 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Les députés écologistes soutiennent les objectifs de cette proposition de loi, mais cet amendement tend à vous alerter sur un point que vous avez brièvement évoqué, monsieur le rapporteur : que le niveau élevé de délinquance soit le premier argument présenté dans l’exposé des motifs nous semble pouvoir porter à confusion sur l’intention du législateur.

Nous ne nions pas qu’il y ait de la délinquance et des incivilités, dans les territoires ruraux comme urbains, mais nous pensons que ces phénomènes ne peuvent pas apparaître comme la première justification d’un texte sur la médiation sociale. La médiation sociale ne peut pas être l’outil d’une seule politique répressive. Son champ d’intervention est beaucoup plus large : à nos yeux, elle est le pilier d’une politique préventive à vocation sociale. En la matière, la confiance est très importante. Il convient donc de modifier l’exposé des motifs pour qu’il soit conforme à l’intention que vous avez exprimée vous-même, monsieur le rapporteur, suite aux auditions que vous avez menées.

Vous avez d’ailleurs expliqué que la répression ne pouvait à elle seule résoudre les problèmes. Autre mesure qui ne règle rien : la suppression des allocations familiales aux familles en difficulté parce que leur jeune a pu commettre des actes de délinquance. Rappelons ici que les familles en difficulté ne méritent pas qu’on leur coupe les allocations familiales et qu’il vaut mieux leur tendre la main et les accompagner le mieux possible avec leur enfant.

M. le rapporteur. Vous avez parfaitement raison. Je suis favorable à votre amendement.

Mme Rachel Keke (LFI - NUPES). La médiation sociale est d’une utilité incontestable pour la société et pour les populations, notamment les plus précaires. La pauvreté augmente dans toute la société, ce dont est responsable votre politique d’austérité. Près de deux personnes sur trois souffrent de vulnérabilité en matière de santé, de logement, de travail, de pauvreté ou d’accès aux droits. Il est donc important pour nous de réfléchir à des solutions réelles qui ne peuvent passer par une politique répressive. Nous avons besoin d’une politique de proximité au service des personnes, qui va garantir l’accès aux droits et rétablir le lien social. Nous sommes donc pour la prévention. La médiation sociale ne peut pas être un prétexte pour exercer votre politique toujours plus autoritaire. C’est pour cela que nous soutenons l’amendement de nos collègues écologistes.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS39 de M. Patrick Vignal.

Amendement AS20 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Le texte qualifie le médiateur de tiers impartial et indépendant. Cela qualifie la relation qu’il noue avec les gens. Nous souhaiterions préciser que le médiateur social doit également faire preuve de neutralité, ce qui qualifie la posture professionnelle qu’il doit adopter : le médiateur ne donne pas son avis. Cet ajout permettrait d’ailleurs de protéger ces professionnels, dont on sollicite souvent l’avis.

M. le rapporteur. Votre proposition n’ajoute aucune précision juridique au dispositif, le terme « impartial » répondant à votre souhait et allant même au-delà. Avis défavorable donc, non pas sur le fond mais pour une raison juridique. Les termes « impartial » et « indépendant » renvoient à des qualités exigées pour tous les types de médiation, notamment la médiation judiciaire. Le terme « neutre » ne renvoie à rien de tel et n’a pas de substance juridique.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il n’a peut-être pas de substance juridique mais il qualifie une posture professionnelle, ce qui ne nécessite pas de support juridique.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS40 et AS41 de M. Patrick Vignal.

Amendement AS19 de M. Thibaut François

M. Serge Muller (RN). La médiation sociale joue un rôle essentiel dans l’accompagnement des personnes aux revenus modestes. En plus de favoriser le dialogue et la résolution des conflits, elle vise à soutenir les individus dans leur accès aux services essentiels. Ainsi, les médiateurs sociaux travaillent en étroite collaboration avec les personnes en situation de précarité énergétique pour les aider à comprendre et à négocier les termes de leur contrat énergétique. Grâce à leur expertise et à leur connaissance des dispositifs d’aide, ils leur apportent un soutien précieux. La médiation sociale contribue ainsi à garantir l’accès de tous à des services énergétiques de qualité. Nous proposons de le mentionner dans le texte.

M. le rapporteur. Ce que vous proposez existe déjà : EDF et les autres opérateurs ont mis en place un service de médiation ; plusieurs villes comme Bordeaux, Lille, Marseille ou Montpellier rémunèrent aussi des médiateurs qui exercent cette mission. N’allons pas jusqu’à ce niveau de précision dans la loi. Nous pourrons y revenir au moment de l’acte II, afin de développer la médiation dans le domaine de l’énergie dans toutes les communes de France.

Avis défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Le médiateur est au contact du terrain, il joue un rôle d’alerte et reçoit les demandes. Il n’est pas censé savoir comment résoudre lui-même tous les dossiers, qui touchent aussi bien à la retraite qu’à l’accès aux soins ou à l’électricité. En revanche, il peut faire le lien entre la personne et le service public concerné. Je ne pense pas qu’il faille inscrire dans la loi que le médiateur doit être compétent en matière d’accès à l’énergie à bas coût, ni énumérer toutes ses missions. Son rôle consiste à lever les barrières invisibles, notamment numériques, qui empêchent une personne d’avoir accès aux services publics ou à des droits qu’elle ne connaît pas.

M. le rapporteur. L’idée est que le médiateur soit la boîte à outils qui permette d’orienter la personne vers le service adéquat de la ville, du département, de l’État ou autre, palliant ainsi le manque de travail collectif de toutes ces structures.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS30 de Mme Sophia Chikirou

Mme Rachel Keke (LFI - NUPES). Nous sommes tous d’accord sur l’utilité indiscutable de la médiation sociale, mais pour notre part, nous ne voulons pas que le cadre juridique mis en place serve une politique répressive et en fasse un outil de maintien de l’ordre. Notre amendement vise donc à exclure de manière explicite les missions de maintien de l’ordre public des activités des médiateurs sociaux.

Comme nous l’avons souvent rappelé dans cette commission, la pauvreté et les difficultés augmentent dans notre société. Nombre de personnes ont du mal à accéder à leurs droits, phénomène aggravé par l’informatisation à tout-va que vous avez lancée. Nous avons donc besoin d’une vraie politique, de vrais outils qui vont aider le peuple, dans les quartiers populaires ou dans les campagnes reculées. Voilà ce qui détermine nos positions et nos votes au sein de cette commission.

M. le rapporteur. Pour vous faire une confidence, Mme Chikirou est la première personne à m’avoir appelé au sujet de ce texte, suivie par M. Delogu. Je me suis en effet rendu plusieurs fois à Marseille.

Mme Chikirou m’a ainsi parlé d’un gros travail effectué par une commandante de police du 20e arrondissement de Paris, où un petit logement équipé d’une douche a été aménagé pour les femmes victimes de violences.

Au cours de mon premier mandat à Lunel, j’ai souvenir que les femmes victimes de violences étaient orientées vers la gendarmerie. Vous imaginez la difficulté pour ces femmes, frappées par leur conjoint et maîtrisant parfois peu la langue, de se retrouver face à des personnes en uniforme ! Avec le département, nous avions alors dédié des assistants et travailleurs sociaux à la réception de ces plaintes. Nous sommes ensuite allés plus loin en adoptant un système qui, je l’espère va se généraliser en France : les victimes de violences vont directement à l’hôpital ou en clinique, où elles sont reçues par des femmes en civil. Cela a fait bondir de 80 % le nombre de plaintes !

Madame Keke, je suis favorable à cet amendement. Nous constatons actuellement une dérive qui consiste à confier ce genre de missions à des sociétés privées. Or nous ne voulons pas confier la médiation sociale à des sociétés privées qui ne cherchent qu’à faire du fric. Quand je vois les agents de ces sociétés privées – qui pullulent – porter le brassard « sécurité », je me dis même que nous les formerons un jour à la médiation : enseignant d’arts martiaux dans un quartier populaire et difficile de Montpellier, je peux vous dire qu’il n’est jamais bon de recourir à la violence. Les experts formés parlent avec la langue et la tête, ils ne donnent pas de coups. Nous ne voulons donc pas que les sociétés privées postulent à des appels d’offres ou des commandes publiques. Nous y reviendrons au cours du débat.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS28 de M. Michel Sala, AS15 de M. Gérard Leseul et AS42 rédactionnel de M. Patrick Vignal (discussion commune)

M. Michel Sala (LFI - NUPES). Je pressens donc un avis favorable pour mon amendement, qui vise à préciser le périmètre des acteurs pouvant lancer des missions de médiation sociale, à savoir l’État, les collectivités locales et leurs groupements et les personnes morales publiques ou privées, à condition qu’elles poursuivent des objectifs et des activités à but non lucratif.

Les activités de médiation sociale reposent sur un cadre déontologique exigeant. Elles se fondent sur le libre consentement des parties prenantes, sur lequel ces dernières peuvent revenir à tout moment du processus. Le médiateur a également le droit de refuser une intervention dont il est saisi, voire d’interrompre une médiation sociale engagée.

La recherche de bénéfices et d’une efficacité coûte que coûte d’un processus de médiation peut contrevenir à ces principes : entreprendre une démarche de médiation sociale ne saurait s’inscrire dans une logique marchande. L’exposé de la présente proposition de loi cite d’ailleurs la mise en concurrence des acteurs associatifs de la médiation par des entreprises du secteur marchand.

Pour garantir le respect du cadre éthique sur lequel est élaborée la médiation sociale, nous proposons donc d’exclure les personnes morales privées à but lucratif des acteurs pouvant mener des actions de médiation sociale. Nous tenons à préciser que c’est déjà le cas dans le cadre des contrats des adultes-relais.

M. Gérard Leseul (SOC). Merci, monsieur le rapporteur, d’avoir clarifié une position sur le maintien de l’ordre qui pouvait sembler ambiguë dans l’exposé des motifs. Vous vous dites opposé à l’immixtion du secteur privé dans la médiation sociale. Nous proposons d’introduire les mots « à but non lucratif » à l’alinéa 12, car il convient que la loi dispose expressément que les acteurs privés n’ont pas leur place dans la médiation sociale.

M. le rapporteur. Chers collègues, je comprends votre inquiétude à l’idée que le secteur marchand puisse intervenir dans le domaine social. On sait que dans d’autres types d’activités, cela a pu faire des dégâts. Cependant, si nous adoptions vos propositions en l’état, nous interdirions à toute entreprise privée – comme La Poste ou EDF – de mettre en place des services de médiation sociale.

Je pense qu’il faut au contraire encourager le développement de la médiation sociale, y compris à l’initiative de commanditaires privés. Le cadre que nous posons dans l’article 1er doit permettre de garantir l’impartialité et l’indépendance des médiateurs quoi qu’il arrive. Nous devons garder des partenaires tels que La Poste, EDF et même quelques bailleurs privés que nous encourageons à faire de la médiation. À cet égard vous pouvez peut-être m’aider en intervenant dans vos circonscriptions, car j’ai beaucoup de mal à obtenir les réponses de bailleurs sur les coûts induits. À Miramas et Vitrolles, il y a des équipes de médiateurs extraordinaires qui, au-delà des conflits de voisinage, règlent des dossiers d’impayés de loyers ou accompagnent des femmes seules qui peuvent être dépassées et leur font obtenir certaines aides auxquelles elles ignoraient avoir droit.

J’émets donc un avis défavorable sur les deux premiers amendements. Le mien est rédactionnel.

La commission rejette successivement les amendements AS28 et AS15, puis adopte l’amendement AS42.

Amendement AS21 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La norme Afnor NF X60-600, créée en 2016 par les différents acteurs de la médiation sociale et homologuée en décembre 2021, régit l’exercice du métier de médiateur social et guide les pratiques des intervenants, des employeurs et des pouvoirs publics. Dans votre rapport au Premier ministre, vous estimez que, malgré les efforts entrepris, ce cadre formalisé n’est connu que par un nombre limité de parties prenantes.

Afin de garantir la qualité des médiations et leur professionnalisation, l’amendement vise à conditionner la mise en place d’actions de médiation sociale par une certification à cette norme Afnor. Il s’agit de protéger les professionnels et de garantir la pratique.

M. le rapporteur. J’y souscris, mais je vous propose de retirer votre amendement au profit de mon amendement AS45, qui viendra un peu plus tard et qui précise que les activités de médiation sociale doivent être certifiées par un organisme indépendant. Cela fait clairement référence à l’Afnor, dont nous avons auditionné les représentants dans le cadre de ma mission.

L’amendement est retiré.

Amendement AS16, AS14 et AS13 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

M. Gérard Leseul (SOC). L’amendement AS16 poursuit trois objectifs : prévoir qu’une convention pluriannuelle soit obligatoirement signée entre la collectivité et la personne morale réalisant des activités de médiation sociale ; interdire le recours à la commande publique pour recruter les médiateurs sociaux – passer par les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens semble bien mieux adapté pour assurer la pérennité d’une action de médiation ; enfin, garantir que tout organisme de médiation sociale passant une convention avec un commanditaire public soit certifié selon la norme en vigueur – effectivement, cette formulation générale semble préférable plutôt que d’inscrire une norme précise dans la loi.

Les deux autres amendements sont de repli. L’amendement AS13, le plus dégradé, prévoit au moins la signature d’une convention entre la collectivité et les personnes morales réalisant les activités de médiation sociale.

M. le rapporteur. Considérant qu’une loi doit partir du terrain et non des cabinets ministériels, pour coller au plus près des demandes du monde associatif, nous avons interrogé les structures de médiation sur les amendements qui avaient été déposés. S’agissant de la convention pluriannuelle, elles estiment qu’il faut maintenir de la souplesse, car les collectivités sont parfois réticentes à s’engager pour plus d’une année. Je vous suggère donc de vous rallier à l’amendement AS34 de Mme Nicole Dubré-Chirat, qui instaure une faculté de recourir à des instruments pluriannuels, sans l’imposer.

S’agissant du deuxième objectif, les structures de médiation estiment que le recours à la commande publique offre une garantie aux commanditaires ou aux opérateurs candidats.

Enfin, je reconnais l’intérêt d’une certification des organismes sélectionnés. Cela va dans le sens de la reconnaissance d’acteurs de référence. Je vous propose donc d’adopter mon amendement AS45, qui vise à préciser que les référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques sont définis par un organisme indépendant, faisant par là référence à l’Afnor.

Avis défavorable.

Mme Rachel Keke (LFI - NUPES). Lors de mon tour de France des quartiers populaires, j’ai pu constater combien les associations manquent de moyens. Obtiendront-elles des médiateurs ? Comment la loi sera-t-elle appliquée sur le terrain ?

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je comprends les préoccupations des associations, monsieur le rapporteur, mais elles doivent se méfier : en voulant contractualiser à l’année sur une mission particulière, elles risquent de devoir jouer le rôle de pompiers. Lorsque des conventions pluriannuelles, incluant des engagements financiers, sont signées, l’installation de la profession n’est pas la même. La médiation sociale est un métier qui demande du temps et doit s’inscrire dans un territoire.

M. Nicolas Turquois (Dem). J’entends les arguments de M. Monnet mais l’historique de la médiation n’est pas le même selon les territoires. En milieu rural, elle n’était pas formalisée ; les élus pouvaient jouer ce rôle eux-mêmes parfois, lorsque les publics étaient homogènes. Je conçois la nécessité d’aller vers une véritable médiation, mais placer les collectivités territoriales dans un cadre trop rigide risque de les empêcher de s’engager. Cela viendra peut-être dans le deuxième temps qu’a évoqué le rapporteur. Tel qu’il est rédigé, l’amendement AS34 permet de reconnaître la médiation sans rebuter les territoires qui n’ont pas encore adopté la culture et les structures correspondantes. Il ne faut pas rigidifier le système. C’est pourquoi je partage l’avis du rapporteur sur ces amendements.

M. Gérard Leseul (SOC). Mais donner la faculté de s’engager de manière pluriannuelle ne sert à rien : tout le monde l’a ! Soyons plutôt volontaristes et assumons la pluriannualité, indispensable pour donner de la visibilité aux structures et aux médiateurs qui s’engagent, et seule garantie pour assurer un développement serein de la médiation sociale.

M. le rapporteur. Aboutir à des conventions pluriannuelles signées pour la durée d’un mandat en menant une évaluation au bout de trois ans est bien notre objectif, je l’ai dit, mais aujourd’hui nous ne pouvons pas l’imposer aux collectivités. Certaines villes sont encore réfractaires à la médiation. Un maire m’a dit qu’être l’abbé Pierre et mère Teresa ne l’intéressait pas et qu’il voulait des flics. J’ai répondu que la police et la justice se justifiaient contre la délinquance dure mais qu’en amont, il fallait construire nos enfants pour qu’ils vivent ensemble !

Dans le cadre d’un acte III, nous comptons organiser de nouvelles rencontres avec le monde associatif. La France compte 300 structures de médiation. Il faudra les encourager, surtout dans les territoires ruraux où le manque est important.

Lors des émeutes de 2005, à Montpellier, les seules personnes courageuses furent les femmes – je préfère ce terme à celui de « mamans » – qui sortaient dans les quartiers pour empêcher leurs enfants de brûler des voitures. Vous avez raison, madame Keke, il faudra se poser la question de l’investissement citoyen. Homme de terrain, je rêve de créer une Fondation des volontaires. Lorsque j’étais enseignant en sciences et techniques des activités physiques et sportives, j’incitais les étudiants à s’investir pour les autres – dans du soutien scolaire, dans les Restos du cœur. Dans l’acte II, il faudra poser la question de la place de ces femmes, souvent seules, qui démarrent très tôt leur travail le matin et qui sont capables, le soir, dans une démarche citoyenne, d’œuvrer à la pérennité de la société. Je veux donc bien échanger avec vous et vous accompagner dans ces territoires.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS29 de Mme Sophia Chikirou

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Cet amendement rédactionnel précise que la conclusion de contrats pluriannuels et la création de référentiels de compétences et de formation encadrent les activités des médiateurs en qualité de professionnels. Il est nécessaire de donner un cadre légal et un statut au métier de médiateur social, et de reconnaître l’utilité sociale des pratiques professionnelles qui s’y rapportent.

Cette proposition de loi voulant conforter la médiation sociale dite formelle, c’est‑à‑dire lorsqu’un acteur institutionnel saisit officiellement une structure de médiation, est bienvenue. La médiation sociale peut cependant également être informelle, lorsqu’il s’agit d’intervenir sans saisine particulière : c’est la médiation telle qu’elle a toujours existé, qui regroupe toutes les initiatives spontanées des citoyens.

Les médiateurs sociaux partagent avec la médiation informelle l’activité de création et de réparation du lien social. Dans de nombreux quartiers, des personnes s’engagent de façon bénévole pour mener des actions de médiation informelle, comme cette mère du quartier de la Banane, dans le 20e arrondissement, qui mène avec son association un combat contre les rixes entre adolescents. Cet amendement est l’occasion de rendre hommage à ces engagements.

M. le rapporteur. Dès le début de ma mission parlementaire, j’ai dit « stop aux grands frères ». C’est pourtant facile à mettre en place, cela permet d’assurer la paix sociale... mais cela ne répond pas à la demande. Quoi qu’il en soit, je comprends la réflexion sur les grands frères et sur les « mamans », même si je préfère parler de « femmes ». Mais la proposition de loi apporte déjà des garanties pour encadrer la médiation sociale et créer un cadre professionnel.

Dans l’acte II, nous devrons nous pencher sur toutes ces personnes qui s’investissent dans la société, à qui l’on pourrait donner la possibilité, par les crédits de formation des régions, de se professionnaliser et, pourquoi pas, d’avoir un nouveau métier. C’est une réflexion sur l’engagement citoyen. Je veux bien qu’il y ait des diplômes, ils sont importants, mais les gens font aussi avec le cœur ; ils ont très envie d’aider, la lettre du jeune Loïc l’a montré. Être médiateur, ce n’est pas créer des tableaux Excel pour la bourse : si l’on n’aime pas les gens, on ne devient pas médiateur. Dans ma Fondation des volontaires, je rêve de créer des modules pour les étudiants ou les retraités. Des tas de personnes s’ennuient dans la société, qui pourraient devenir des parrains, des tuteurs de gamins qui ne trouvent pas, chez eux, la matière pour progresser dans la société.

J’émets un avis défavorable à l’amendement, mais nous devons trouver un lien pour ces femmes et ces hommes qui ont envie de faire société.

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Il n’a pas été question de « grands frères » ou de « mamans », mais d’une femme qui a monté une association : cela entre bien dans le cadre de la médiation sociale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS10 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). Cet amendement vise à rendre obligatoires les contrats pluriannuels de développement territorial de la médiation sociale, qui serviront à coordonner et à encadrer les initiatives. Si nous voulons créer un vrai cadre légal, unifié, de la pratique de la médiation sociale, il faut des dispositifs forts : une valeur obligatoire renforcera ce cadre et permettra d’éviter d’éventuels abus, étant donné que les prestations de services s’opéreront par l’intermédiaire de procédures de marchés publics et que des opérations financières seront effectuées. Cela constituera un gage de sérieux des initiatives prises. Sans obligation, sans règles claires, on peut s’attendre à des dérives, qu’il faut à tout prix éviter.

M. le rapporteur. Si vous êtes favorable à la pluriannualité, je vous invite à soutenir l’amendement AS34, qui vise à inscrire la possibilité de recourir à des contrats pluriannuels, sans instaurer d’obligation.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS43 et AS44 de M. Patrick Vignal, rapporteur.

Amendement AS27 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement vise à inscrire l’exigence de qualifications et de formation dans les contrats pluriannuels de développement territorial. En clair, on embauchera un grand frère non parce qu’il est un grand frère mais parce qu’il est un jeune du quartier qui veut se former : on lui proposera alors un plan de formation.

M. le rapporteur. Je comprends l’enjeu que vous soulevez : encourager le développement de la médiation suppose d’être volontariste. Nous préférons toutefois la souplesse pour que les collectivités s’engagent.

Notre premier objectif est de rendre visibles les médiateurs. Depuis que la médiation existe, c’est-à-dire près de vingt ans, on a du mal à savoir ce qu’elle a apporté. C’est pour cela que nous avons créé un observatoire, afin de pouvoir, dans deux ans, expliquer aux collectivités que la médiation sociale est plus qu’une nécessité : un investissement, un projet de société. Dans notre société du chacun pour soi et du sauve-qui-peut, il faut viser la souplesse sans quoi nous risquons l’effet inverse de celui que nous souhaitons, à savoir que les collectivités se braquent.

Lors de leur audition, les représentants de Départements de France ont commencé par refuser toute obligation, envisageant même de remettre en cause la prévention spécialisée. Nous devons donc avancer pas à pas, intelligemment, en construisant un modèle grâce auquel les élus comprendront que c’est ainsi que la société doit fonctionner. Les gens veulent adhérer, non obéir. Faisons en sorte de faire adhérer les collectivités.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Votre défense est inquiétante. Ce n’est pas qu’une question de souplesse : en rejetant cet amendement, on renonce à des médiateurs formés, donc à la médiation elle-même. L’exigence de formation est inhérente à ce texte. Je préfère qu’il n’y ait pas de médiateur dans un quartier plutôt qu’un grand frère qui en joue le rôle. Nous devons exiger des collectivités qui veulent s’engager dans de la médiation qu’elles déploient réellement des actions de formation. Sans cela, elles n’ont pas besoin de ce texte et elles feront ce qu’elles voudront. Si la proposition de loi n’introduit pas une exigence de formation, son intention devient différente.

M. le rapporteur. D’abord, nous ne voulons pas des grands frères. Ensuite, on ne peut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : une partie des médiateurs sont déjà formés, France Médiation assure des formations, il est hors de question de se passer des formations. D’ailleurs, nous voulons ouvrir quatre écoles, et créer des unités de valeur capitalisables ! J’estime qu’un médiateur qui a passé dix ans sur le terrain peut passer des concours et bénéficier de passerelles vers la fonction publique. Je veux donner un avenir aux médiateurs car ces femmes et ces hommes qui travaillent quinze ou vingt ans dans la proximité doivent se réoxygéner.

Il faut se rendre compte que les maires, maîtres dans leur collectivité, refusent une obligation. Nous soutiendrons un amendement de M. Leseul visant à mener une formation dans un délai de six mois, que nous proposerons d’allonger. L’objectif est de rendre les médiateurs visibles et de les former. Mais si j’impose la formation aux collectivités, cela ne marchera pas. Restons pragmatiques : ce qui m’intéresse, c’est que les médiateurs puissent se former.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS34 de Mme Nicole Dubré-Chirat

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Cet amendement vise à encourager les collectivités territoriales – il s’agit d’une incitation dans les premiers temps – à conclure des conventions pluriannuelles sur le long terme avec des opérateurs de médiation sociale certifiés par l’Afnor. Ces dispositions doivent permettre de recourir moins fréquemment à des appels à projets et à des marchés publics en matière de médiation sociale, afin de sécuriser le travail des médiateurs sociaux. Nous privilégions bien l’adhésion progressive sur l’obligation immédiate.

M. le rapporteur. Je veux rassurer sur la formation. Dans mon rapport, j’ai précisé qu’il faudrait que l’État s’engage selon le principe « 1 euro de l’État pour 1 euro de la collectivité » – on peut y ajouter les bailleurs, les transporteurs, La Poste, EDF, etc. Songez qu’une partie des 4 000 adultes-relais en poste, qui coûtent 100 millions d’euros, n’est pas formée : quand ce principe aura été établi, l’État, dès qu’il investit 1 euro, pourra exiger que des formations soient organisées.

J’aurais bien sûr aimé une obligation mais les collectivités sont souveraines : cette disposition risquerait de les braquer, au détriment du résultat.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). L’exigence de formation existe déjà, et elle ne braque pas les collectivités ! Mais, outre les collectivités, il faut aussi penser au public auquel on s’adresse : on lui doit des compétences. Dans le champ de la prévention spécialisée, où tous les départements ont contractualisé avec l’État, il y a bien l’exigence d’avoir des professionnels formés. Elle n’est pas synonyme d’obligation immédiate – j’ai moi-même été recruté sans diplôme et ne l’ai obtenu qu’après – mais elle est bien concomitante à la fonction.

Les collectivités sont certes maîtresses chez elles, mais elles ne peuvent pas faire ce qu’elles veulent concernant les différents métiers. Pour ce qui est de la protection de l’enfance, fort heureusement, les départements ne peuvent pas embaucher n’importe qui pour les envoyer dans les foyers. L’exigence de formation recouvre une exigence de contenus et de qualité professionnelle. C’est pourquoi je ne comprends pas votre crainte.

M. Gérard Leseul (SOC). En quoi l’amendement AS34 améliorera-t-il la situation ? En quoi les mots « peuvent conclure » sont-ils une incitation ? Les collectivités territoriales ont déjà toute latitude de conclure des conventions pluriannuelles et vous avez refusé toute contrainte.

M. le rapporteur. La norme Afnor précise l’obligation de formation. Je soutiendrai votre amendement AS3, en proposant que la formation soit menée dans un délai de douze mois et non de six. Les collectivités consultées veulent de la souplesse, non une obligation. Je suis convaincu qu’avec votre énergie et notre engagement, nous arriverons à ce que tous les médiateurs soient formés et qu’il n’y ait plus de grands frères. Créer un cadre juridique et définir un vrai métier constitue l’acte I. Pas à pas, nous parviendrons à ce que tous les médiateurs soient formés, comme mon rapport le préconise. Pour arrêter de recourir aux grands frères et disposer de médiateurs formés, soit on braque les collectivités en votant une loi, dont l’application sera différente sur le terrain, soit on fait confiance aux normes Afnor et aux écoles de formation.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS17 de M. Thibaut François

M. Serge Muller (RN). Un médiateur social obligatoire pour toute personne victime de violences conjugales pourrait contribuer à améliorer le processus de résolution des conflits. En offrant une médiation sociale systématique, on donne aux individus la possibilité de résoudre leurs différends de manière pacifique, tout en évitant les lourdeurs et les coûts associés à une procédure judiciaire. En évitant les délais souvent longs et les coûts élevés associés aux tribunaux, la médiation sociale permet une résolution plus rapide des conflits. Enfin, elle donne la parole aux personnes qui déposent plainte ou effectuent un signalement et leur offre un espace pour exprimer leurs préoccupations et leurs émotions.

M. le rapporteur. François Ruffin aurait pu vous répondre : le médiateur social ne doit pas tout faire, il n’est ni juge, ni avocat, ni magistrat. Les violences faites aux femmes sont un réel problème et la classe politique n’a pas été encore assez réactive. Dans ces cas, le médiateur social peut accompagner, suggérer, mais en aucun cas être partie prenante. Je parlais de chaînes d’union : il y a une place pour le médiateur, l’éducateur de rue, la prévention spécialisée, le travailleur social et l’assistante sociale. Après vient la justice.

Avis défavorable.

Mme Karen Erodi (LFI - NUPES). Je dénonce l’hypocrisie du Rassemblement National, qui tente de se présenter comme un parti engagé pour les droits des femmes mais dont l’un des députés, il y a quelques années, présentait l’interruption volontaire de grossesse comme un génocide de masse. Nous verrons cet après-midi si la position du parti a évolué.

Je m’oppose à cet amendement. Suggérer que l’octroi d’un médiateur à toute personne victime de violences conjugales pourrait éviter les lourdeurs et les coûts associés à une procédure judiciaire est tout simplement lunaire. La médiation sociale est essentielle ; les médiateurs et médiatrices font l’objet d’une lente reconnaissance, qui doit s’accélérer, mais ils n’ont pas pour objectif de se substituer aux procédures judiciaires. La France insoumise votera évidemment contre cet amendement.

M. Nicolas Turquois (Dem). Cet amendement n’a aucun sens. Celui qui l’a déposé n’a jamais été confronté à des affaires de violences conjugales : c’est à la justice, non à la médiation, d’agir dans ce cas. Adopter l’amendement serait envoyer un très mauvais signal aux femmes victimes de violences conjugales.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). C’est comme si l’on proposait un médiateur à un gangster... Les violences conjugales sont un délit ! La médiation n’a rien à y faire, c’est à la justice de régler ce problème. À moins de considérer que, dans les cas de violences conjugales, l’accident est permis ?

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Je suis très choquée par cet amendement. Penser que proposer un médiateur social à toute personne victime de violences conjugales « pourrait améliorer le processus de résolution des conflits » est gravissime. Une personne sérieuse – il n’y en a aucune au Rassemblement National qui ait travaillé la question – peut-elle apparenter les violences conjugales à un conflit ? Un conflit résulte d’un désaccord, les violences conjugales sont un crime. C’est la justice qui s’en occupe. L’amendement sous-tend que chacun réglerait les choses entre soi, avec un médiateur social. Ce n’est pas son rôle ! Lutter contre les violences faites aux femmes, c’est aussi agir en matière de prévention, d’inégalités et de sanctions. Un crime ne se résout pas avec un médiateur social, le penser est le signe d’une incompétence crasse.

M. Serge Muller (RN). J’entends votre déferlement de haine envers nous. (Exclamations.) Vos fiches sont bien remplies par vos collaborateurs. Tout cela était prêt et est cousu de fil blanc. Quand une femme est victime de violences conjugales, elle peut se tourner vers une voisine, ou peut-être vers un médiateur, qui la conseille. La police n’est pas là pour régler les problèmes de voisinage, elle aiguille la victime pour porter plainte. (Nouvelles exclamations.)

M. Gérard Leseul (SOC). Nous-mêmes aurions besoin d’une médiation sociale dans nos débats... J’invite nos collègues du Rassemblement National, après avoir pris connaissance de l’ensemble des arguments suscités par la mauvaise rédaction de leur amendement, à le retirer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS22 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cet amendement vise à substituer aux mots « bonnes pratiques » les mots « un code de déontologie ». Dans le champ social, il est compliqué de définir des bonnes pratiques : le bon sens ne suffit pas pour œuvrer professionnellement. Seules quelques professions, notamment les assistantes sociales, sont soumises au secret professionnel, garantie d’une bonne relation. Ce n’est pas le cas par exemple des éducateurs spécialisés. C’est pourquoi nous préférons l’ajout d’un code de déontologie, afin de borner les thèmes importants.

M. le rapporteur. Vous avez raison. Ce code de déontologie existe, mais nous allons le graver dans le marbre.

En 2013, six gamins sont partis de Lunel pour faire le djihad. Avec le préfet et le maire, nous avons réuni les travailleurs sociaux, les assistances sociales, les médiateurs... Nous voulions avoir un vrai débat sur ce secret partagé – car ces gamins étaient en danger. Cela a été difficile. Ce débat est un début de chaîne d’union.

Quant à vous, monsieur Muller, comment pouvez-vous expliquer que quand un mec tape sur sa compagne, il faut envoyer un médiateur ? Non ! C’est la justice et la police qui doivent intervenir. Dans quel monde vivez-vous ? Vous auriez dû retirer cet amendement.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Un code de déontologie est évidemment une bonne chose, pour toutes les professions.

Je voudrais marquer la gravité de l’échange qui vient d’avoir lieu. On parle de violences conjugales, de femmes frappées, et le Rassemblement National minore ces faits. Il vient nous dire qu’une femme qui est frappée ne doit pas se tourner vers la police, qu’elle ne doit pas entamer des démarches judiciaires, mais qu’elle doit aller voir un médiateur. Pire, l’orateur nous dit ensuite que la police n’est pas là pour régler des problèmes de voisinage ! Voilà comment des délits commis au sein du foyer sont considérés par le Rassemblement National : des problèmes de voisinage. Cela dit quelque chose de l’absence de considération pour ce problème de société et pour les femmes qui en sont victimes.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1 de M. Gérard Leseul

M. Elie Califer (SOC). Cet amendement précise que les référentiels de compétences, de formation et de bonnes pratiques des métiers de la médiation sociale s’appliquent aussi aux personnes physiques – et non aux seules personnes morales comme c’est le cas aux termes de la rédaction actuelle.

M. le rapporteur. Avis favorable. Je remercie le groupe Socialistes et apparentés, qui a largement enrichi la proposition de loi.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS45 de M. Patrick Vignal

M. le rapporteur. Cet amendement vise à garantir que les opérateurs de médiation sociale exercent dans un cadre commun à la profession, certifié par un organisme indépendant – nous visons ici la norme Afnor. La qualité des interventions des médiateurs sociaux sera ainsi garantie, ce qui fera, j’en suis sûr, plaisir à M. Monnet.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS25 et AS23 de M. Pierre Dharréville (discussion commune)

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il s’agit de favoriser la professionnalisation des médiateurs sociaux. Cette proposition de loi répond au besoin de reconnaissance de ce métier, ou en tout cas du domaine d’intervention de la médiation sociale, mais elle ne comporte, comme l’a dit Yannick Monnet, aucune proposition relative à la formation et à la qualification requise. Or l’un ne va pas sans l’autre. La reconnaissance des qualifications contribuerait à celle des travailleuses et des travailleurs et de leurs perspectives salariales. Vous écriviez, monsieur le rapporteur, que « dans cette phase de structuration de la médiation sociale, il est indispensable de stabiliser le statut des médiateurs en le corrélant à leur professionnalisation ». Le répertoire national des certifications professionnelles recense cinq titres et diplômes reconnus par l’État et rattachés au code « Répertoire opérationnel des métiers et des emplois » (Rome) – spécifique de la médiation sociale. Partant de l’existant, les deux amendements proposent donc, sans fermer la porte à une qualification plus ambitieuse dans un avenir proche, d’écrire que seuls les titulaires d’une certification professionnelle spécifique à la médiation sociale peuvent être reconnus comme médiateurs sociaux.

L’amendement AS25 prévoit en outre qu’en l’absence d’une telle certification, l’employeur prend en charge la formation qualifiante.

M. le rapporteur. Je partage l’esprit de ces propositions. Toutefois, j’ai interrogé les acteurs de la médiation sociale et il apparaît que la référence à une certification professionnelle est trop restrictive. Je vous propose de retirer vos amendements au profit de l’AS3 de M. Leseul, dont la formulation garantit plus de souplesse.

J’ai un grand rêve, c’est qu’un jour, il existe un diplôme d’État de la médiation sociale !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS6, AS7 et AS12 de M. Gérard Leseul (discussion commune)

M. Gérard Leseul (SOC). L’amendement AS6 vise à interdire le recrutement des médiateurs sociaux par le biais d’appels à projets et à garantir le recours à un contrat de travail stable. Les associations nous disent que les appels à projets créent une concurrence aussi malsaine qu’inutile entre les acteurs locaux de la médiation sociale. Nous reprenons ainsi la proposition n° 13 du rapport rendu par notre rapporteur en 2022.

Par ailleurs, nous l’avons déjà dit, il convient de donner de la stabilité et de la visibilité aux médiateurs sociaux, notamment en les recrutant avec des contrats moins précaires. Il est ainsi proposé que seuls trois types de contrat puissent être utilisés pour recruter des médiateurs sociaux : le contrat adultes-relais, le CDI et le CDD. Il est également proposé d’interdire tout recrutement par une procédure d’appels à projet.

Les amendements AS7 et AS13 sont des amendements de repli : ils visent à interdire, pour recruter des médiateurs sociaux, l’utilisation d’appels à projet pour le premier, et le recours à la commande publique pour le second.

Il s’agit ainsi de structurer, de pérenniser et d’éviter la précarisation.

M. le rapporteur. Avis défavorable aux trois amendements. Les médiateurs sont toujours recrutés par contrat adultes-relais, CDD ou CDI. Les appels à projets ne peuvent pas constituer la seule source de financement de la médiation sociale, c’est vrai, mais les acteurs ne souhaitent pas les interdire, car ils estiment que ces appels peuvent aussi être une source d’émulation.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS3 de M. Gérard Leseul et sous-amendement AS47 de M. Patrick Vignal

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à rendre obligatoire pour les médiateurs sociaux une formation initiale dans les six premiers mois de l’embauche. Cela a été dit, la formation est indispensable. Il nous semble par ailleurs impératif de garantir un socle minimal de compétences du métier. Cela favorisera à la fois la reconnaissance et l’attractivité de la médiation sociale. Nous reprenons ainsi la proposition n° 8 de votre rapport.

M. le rapporteur. Avis favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous‑amendement, qui fixe le délai à douze mois.

M. Gérard Leseul (SOC). Cela me paraît un peu dommage, mais je voterai bien sûr ce sous-amendement du rapporteur. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous voterons également pour cette proposition de repli.

Je signale simplement, pour revenir sur une autre question du débat, qu’une contractualisation pluriannuelle garantit une formation professionnelle, ce qui n’est pas le cas d’une contractualisation d’un an. C’est un point qu’il faudra travailler.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Nous parlons ici d’une profession ouverte, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de barrière à l’entrée. C’est aussi le cas pour un autre métier sur lequel nous travaillons : les auxiliaires de vie sociale. En revanche, il est impératif de prévoir une formation au cours de la première année – c’est un délai qui me paraît raisonnable. On garde ainsi la profession ouverte tout en élevant rapidement le niveau de qualification.

Il faut maintenant passer de la loi aux actes, tant pour les médiateurs sociaux que pour les auxiliaires de vie – un métier que l’on peut exercer pendant des années sans la moindre formation !

M. le rapporteur. Vous avez raison. Il y a treize métiers de travailleurs sociaux, il faut leur redonner du sens. C’est l’objectif de la direction générale de la cohésion sociale.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Ajouter la médiation sociale à la liste des actions sociales que le département peut mettre en œuvre dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville

Amendement de suppression AS24 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Voici en quelque sorte un amendement de suppression d’appel !

La rédaction de cet article crée la confusion. Lutter contre la marginalisation, ce n’est pas le travail des médiateurs sociaux. Prévenir la marginalisation, c’est travailler le lien entre une personne et la société, pas entre deux personnes : c’est le travail de la prévention spécialisée.

Je vous alerte sur cette tentation de faire jouer tous les rôles au médiateur social. C’est en effet un métier ouvert, où la formation se fait après l’embauche : il est d’autant plus nécessaire de poser des limites.

Il faudrait donc adapter et préciser la rédaction. Nous ne devons pas renoncer à la prévention spécialisée.

M. le rapporteur. Les outils ne se confondent pas, ils sont complémentaires. Les médiateurs sociaux que j’ai eu l’occasion de rencontrer le disent tous : ils offrent une forme d’intervention spécifique, qui ne doit pas être diluée dans les autres types de politiques publiques à destination des quartiers en difficulté, et en particulier la prévention spécialisée.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Relisez votre exposé des motifs, monsieur le rapporteur ! « Prévenir la marginalisation » et « faciliter l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles », rôles que vous attribuez à la médiation sociale, c’est le travail de la prévention spécialisée – surtout dans un contexte de contractualisation avec les départements, puisque la prévention spécialisée fait partie des compétences de ces derniers. Vous créez de la confusion.

M. le rapporteur. J’ai invité quatre-vingts associations à l’occasion de la discussion de ce texte lundi soir : vous aurez l’occasion de les rencontrer et d’en débattre avec eux.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 non modifié.


Article 3 : Recentrer les missions des adultesrelais sur la médiation sociale

Amendement AS11 de Mme Katiana Levavasseur

Mme Katiana Levavasseur (RN). Nous donnons un cadre juridique à la médiation sociale ; il serait également opportun de redéfinir son périmètre d’action pour l’étendre à tout le territoire sans aucune distinction. L’abandon, l’isolement, mais aussi les défaillances de l’État ne touchent plus aujourd’hui seulement les quartiers prioritaires : de nombreuses personnes, notamment âgées, qui habitent des quartiers très variés, se trouvent aujourd’hui exclues et isolées. C’est notamment le cas dans la ruralité.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Les contrats adultes-relais sont spécifiques aux QPV. En revanche, une fois formés, les médiateurs peuvent naturellement intervenir ailleurs. Je vous encourage à inciter vos collègues maires RN à créer des services de médiation dans leurs villes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS2 de M. Gérard Leseul

M. Elie Califer (SOC). Cet amendement vise à maintenir l’éligibilité des territoires prioritaires des contrats de ville aux contrats d’adultes-relais, que la proposition de loi veut restreindre aux seuls QPV.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS46 de M. Patrick Vignal.

Amendement AS26 de M. Pierre Dharréville

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous en revenons à la nécessité de disposer de médiateurs formés et qualifiés : c’est encore plus vrai pour les contrats adultes-relais, qui sont des contrats aidés et précaires. Nous proposons que seuls les titulaires d’une certification professionnelle spécifique à la médiation sociale enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles puissent être reconnus comme médiateurs sociaux. L’amendement précise qu’en l’absence d’une telle certification, il appartient à l’employeur de prendre en charge cette formation qualifiante, dans les trois mois suivant la conclusion du contrat ou la promulgation de la présente proposition de loi.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Nous avons adopté tout à l’heure l’amendement AS3 de M. Leseul sur l’obligation de formation.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendement AS5 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à fixer clairement l’objectif de 7 000 postes supplémentaires de médiateurs sociaux, dont il est question depuis plusieurs années mais que nous ne voyons pas apparaître. Dans son rapport de 2022, le rapporteur évoquait ce nombre et en donnait une répartition détaillée ; il proposait aussi un principe de financement : « 1 euro de l’État pour 1 euro de la collectivité ». Il nous semble important d’inscrire cet objectif chiffré dans la loi.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à votre amendement car il n’est pas normatif. En revanche, je soutiendrai votre demande de rapport. Nous voudrions notamment 1 100 médiateurs sociaux en milieu scolaire afin de lutter contre le harcèlement : un gamin sur dix en est victime, et les enseignants ne peuvent pas tout faire. Il nous faut davantage de ressources humaines dans nos écoles.

M. Gérard Leseul (SOC). Je suis étonné de cet avis défavorable : nous reprenons une proposition de votre rapport, alors que les récentes lois de finances ne suivent pas cette trajectoire. Donnons-nous les moyens d’une vraie ambition.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 bis (nouveau) : Demande de rapport sur le nombre de médiateurs sociaux en exercice et sur l’opportunité d’en recruter 7 000 supplémentaires

Amendement AS4 de M. Gérard Leseul

M. Jérôme Guedj (SOC). À défaut d’inscrire dans la loi l’objectif de 7 000 nouveaux postes, nous demandons un rapport sur ce sujet, dans la lignée de la proposition n° 4 du rapport déjà cité. Cette proposition de loi apporte de nombreux éléments qualitatifs, ne renonçons pas à l’évolution quantitative. Bref, maintenons amicalement la pression !

M. le rapporteur. Avis favorable.

Oui, il faut de plus en plus de présence humaine partout sur le territoire. Je serai à vos côtés, auprès du Gouvernement, pour veiller au déploiement des médiateurs sociaux qui ne coûtent pas, mais qui au contraire rapportent à la société.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Même si les médiateurs dépendent des collectivités, l’État doit définir une orientation, indiquer une densité de médiateurs et d’éducateurs souhaitable. Il n’est pas seulement là pour améliorer les statuts, mais aussi pour donner des indications numériques : faut-il un médiateur par canton, un par quartier ?

M. le rapporteur. Nous avons chiffré nos propositions : 4 000 adultes-relais, c’est 100 millions d’euros. Nous devons donc trouver 200 millions. Entre l’État, les collectivités, les bailleurs sociaux, les organismes de transport et les entreprises privées, on peut, j’en suis convaincu, trouver cette somme. Avec le groupe Renaissance, j’ai l’ambition de donner aux médiateurs les moyens d’agir, une fois cette proposition de loi adoptée et leur métier devenu plus visible. Je compte sur vous pour m’aider à convaincre les collectivités du caractère indispensable de ces métiers du lien social.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 3

Amendement AS35 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). Il s’agit de créer une fonction de médiateur social en agriculture, afin d’alerter les autorités de santé en cas de dégradation de leur état psychologique tout en permettant aux agriculteurs en difficulté financière d’établir un lien privilégié avec la Mutualité sociale agricole.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS36 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). La lutte contre le harcèlement scolaire doit être une priorité du Gouvernement. Nous nous demandons d’ailleurs si c’est toujours possible avec une ministre à temps partiel... Nous proposons donc l’instauration d’un médiateur qui ferait le lien entre l’établissement, les parents de l’élève harcelé et du harceleur et l’académie, afin d’aider les élèves et leurs familles.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS38 et AS37 de M. Serge Muller (discussion commune)

M. Serge Muller (RN). Trop nombreux sont les Français réduits au grade de travailleurs pauvres et qui ne peuvent pas avoir accès à des logements sociaux. Ces amendements visent à mettre les travailleurs de nationalité française automatiquement en contact avec un médiateur dédié au logement social en cas de besoin, afin de faciliter leurs démarches. Les Français doivent être prioritaires.

M. le rapporteur. Mais dans quel monde vivez-vous ? Cela existe déjà ! Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS18 de M. Thibaut François

M. Serge Muller (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS33 de M. Thibaut François

M. Serge Muller (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je voudrais dire un mot à la suite de cet ensemble d’amendements du Rassemblent National. Il est évident qu’il existe des problèmes dans tous les domaines de la société : le harcèlement scolaire, les difficultés à se loger, les problèmes de santé sont réels. Faut-il pour autant multiplier les médiateurs dans tous les domaines et les charger de tout ? Ce serait diluer leur métier, que nous voulons au contraire mettre en lumière. De nombreux dispositifs de médiation existent déjà, notamment le Médiateur de la République, devenu Défenseur des droits. Le métier de médiateur social que nous évoquons aujourd’hui a pour but d’accompagner quelqu’un qui rencontre une difficulté pour trouver par exemple le chemin du bailleur – ce n’est pas toujours facile, surtout en période de transition numérique.

Multiplier les interlocuteurs noierait le dispositif au lieu de le rendre plus clair.

Amendement AS8 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Il s’agit d’une demande de rapport relatif à la construction d’une filière de formation complète et diversifiée, du niveau 3 au niveau 6, et à la création de deux écoles des cadres de la médiation sociale.

Nous faisons ainsi écho aux propositions n° 7 et n° 10 du rapport Vignal.

M. le rapporteur. C’est une idée que j’ai eue en rencontrant les maires de Marseille et de Montpellier pour écrire mon rapport : en plus de construire de nouveaux hôtels de police, nous pourrions aussi créer des écoles internationales de la tranquillité publique et de la médiation sociale ! Nous devrons aussi nous pencher sur ce qui se fait à l’étranger, notamment pour gérer les jeunes – je veux aller au Québec, par exemple.

Lille et Dijon seraient prêtes à être partenaires de ce projet et, si j’ai cité quatre mairies de gauche, je suis sûr que même des mairies de droite seraient intéressées par ces écoles.

Un rapport supplémentaire n’apporterait pas grand-chose à mon avis. Mais je compte sur vous pour que nous puissions bientôt former des médiateurs sociaux partout en France.

Merci à tous de ces débats. Les médiateurs sociaux doivent devenir visibles.

La commission rejette l’amendement.

Article 4 : Gage de recevabilité financière

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la proposition de loi figurant dans le document annexé au présent rapport.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b2109_texte-adopte-commission#

 

 


–– 1 ––

ANNEXE  1 :
Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur

(Par ordre chronologique)

     Table ronde de réseaux d’élus

- Association des départements de France (ADF)  M. Alexandre Touzet, président du groupe de travail sur la prévention de la délinquance et de la radicalisation, vice-président du département de l’Essonne, M. Jean-Baptiste Estachy, conseiller sécurité, et M. Brice Lacourieux, conseiller relations avec le Parlement

- France Urbaine  M. Maxime Merlin, conseiller

- Forum français pour la sécurité urbaine  Mme Sarah Misslin, vice-présidente

     Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SGCIPDR)  M. Étienne Apaire, secrétaire général

     Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)  M. Éric Briat, directeur de la direction des programmes

     Conseil national de la médiation  Mme Frédérique Agostini, présidente, et Mme la professeure Michèle Guillaume-Hofnung

     Table ronde de partenaires et directeurs de structures

- Alliade Habitat  M. Jean-Jacques Bartoli, directeur de la cohésion sociale

- Agence Lyon Tranquillité Médiation (ALTM)  M. Xavier Rochefort, directeur général, et Mme Emma Bérard, directrice générale adjointe

- Office public de l’habitat de Montpellier Méditerranée Métropole (ACM Habitat)  M. Steve Lefebvre, directeur proximité, sûreté et cohésion des territoires

- Association régionale pour l’habitat social Provence-Alpes-Côte d’Azur & Corse (AR HLM PACA Corse)  M. Florent Leonardi, directeur adjoint

- Association Archive de l’immigration familiale (Arifa)  Mme Fawzia Ouzine, directrice

- Association de médiation interculturelle (AMI)  Mme Henriette Wadoux, trésorière

- Citéo  Mme Caroline Le Dantec, directrice générale, et M. Antonio Furtado, directeur adjoint

- Association Dunes  M. Nourredine Bougrine, directeur général

- Fondation Agir contre l’exclusion (Face)  M. Timothée Delacôte, directeur général, et Mme Charlotte Pasina, directrice adjointe du pôle Projets

- Insertion développement social urbain (IDSU)  M. Abdel-Kader Henni, directeur

- Interfaces  Mme Aurore Clément, directrice générale

- LaFédé  Mme Christiane Dupart, administratrice

- Lea  Mme Maïmouna Guedje, présidente

- Nénuphar  Mme Fatma Sel, directrice

- Omega  Mme Anne-Laure Willaumez Guillemeteau, présidente, et M. Cédric Jégou, directeur

- Optima – M. Franck Calvet, directeur général

- Pimms Médiation *  M. Benoît Bourrat, directeur général, et Mme Isabelle Lherbier, présidente réseau national Pimms Médiation pour le groupe La Poste

- Ville de Bordeaux  M. Julien Garrigue, directeur général, direction générale de la proximité et des relations à la population, et Mme Éléonore Becat, directrice de la mission prévention et médiation (CLSPD)

     Table ronde de médiateurs et encadrants de structures

- Agence Lyon Tranquillité Médiation (ALTM)  Mme Karen Sangouard, responsable Pôle opérationnel, et Mme Anastasia Bogouslavska, médiatrice sociale

- Association de médiation interculturelle (AMI)  M. Riad Merzougui, référent médiateur scolaire

- Citéo  Mme Sheerazade Wable, cheffe de projets, et M. Yassine Dali, médiateur social

- Association Dunes  Mme Inès Ben Moussa, coordinatrice

- La maison des femmes – Mme Meriem Mazouz, médiatrice

- Nénuphar  Mme Rahmouna Laslah, médiatrice

- Omega  M. Emmanuel Lambert, chargé de mission, et Mme Amaâle El Goto, coordinatrice

- Optima  M. Arona Cissé, responsable de dispositifs de médiation à Angers, et Mme Nadia El Aiba, responsable des dispositifs de médiation à Nantes

- Pimms Médiation *  M. Kévin Lebouc, médiateur social au Pimms Médiation Rennes, et M. Jérémy Deleray, médiateur social

     Ville et Banlieue (Association des maires Ville et Banlieue de France) – M. Gilles Leproust, président

     Direction générale de la cohésion sociale  M. Jean-Benoît Dujol, directeur général, et Mme Mouna Abdesselmem, chargée de mission au service Professions sociales

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


–– 1 ––

Annexe n° 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de l’action sociale et des familles

L. 481‑1 à L. 481‑5 [nouveaux]

2

Code de l’action sociale et des familles

L. 121‑2

3

Code du travail

L. 5134‑100

 


([1])  Patrick Vignal, « Remettre de l’humain dans les territoires », Rapport au Premier Ministre, avril 2022.

([2])  Valérie Albouy, Anne Jaubertie, Arnaud Rousset, « En 2021, les inégalités et la pauvreté augmentent », Insee Première, 14 novembre 2023.

([3]) Patrick Vignal, « Remettre de l’humain dans les territoires », Rapport au Premier ministre, avril 2022.

([4])  Patrick Vignal, « Remettre de l’humain dans les territoires », Rapport au Premier ministre, avril 2022.

([5]) Conseil national des villes, « Covid‑19. Panser le présent, penser les futurs », Avis du 22 juin 2020.

([6])  Décret n° 2012-1146 du 11 octobre 2012 modifiant diverses dispositions relatives à certains cadres d’emplois de la fonction publique territoriale.

([7]) France Médiation, « La certification à la norme métier AFNOR "Médiation sociale" ».

([8]) Patrick Vignal, « Remettre de l’humain dans les territoires », Rapport au Premier ministre, avril 2022.

([9]) Virginie Fabre, Virginie Régnier, Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, « Le contrat aidé, relais à l’insertion professionnelle des jeunes entrant dans la vie active », Insee Analyses Nouvelle‑Aquitaine, 6 juin 2023.

([10]) Patrick Vignal, « Remettre de l’humain dans les territoires », Rapport au Premier ministre, avril 2022.

([11]) Ibid.

([12]) Daniel Raoul, « Le contrat adultes-relais, un dispositif de la politique de la ville à préserver », Rapport d’information n° 128, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 17 novembre 2016.

([13]) Conseil national des villes, op. cit.

([14]) Élisabeth Borne, « Violences urbaines : présentation des mesures du Gouvernement aux maires », 26 octobre 2023.

([15]) Patrick Vignal, « Remettre de l’humain dans les territoires », Rapport au Premier ministre, avril 2022.

([16]) Ibid.

([17]) Cour administrative de Nantes, 4e chambre, 21 juin 2017, n° 15NT01292.

([18]) Article L. 5134‑101 du code du travail.

([19]) Décret n° 2013-54 du 15 janvier 2013 relatif au montant de l’aide financière de l’État aux activités d’adultes-relais.

([20]) CGET, Enquête annuelle de suivi du programme Adultes-relais, octobre 2015.

([21]) https://assnat.fr/wOWD24