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N° 2381

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 mars 2024.

 

 

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à ouvrir le dispositif de réduction d’activité progressive aux moniteurs de ski stagiaires,

 

 

 

 

Par Mme Marie-Noëlle BATTISTEL,

Députée.

 

——

 

 

 

 

Voir le numéro : 1758.



  1  —

  SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. Le renouvellement générationnel des moniteurs de ski : un enjeu de longue date pour la profession

A. Le mécanisme initial de réduction d’activité des moniteurs de ski sEniors pour favoriser l’insertion professionnelle des plus jeunes, un dispositif efficace mais fragile au plan juridique

1. Moniteur de ski, une profession libérale très organisée

2. Un dispositif contesté devant la justice en raison de son caractère discriminatoire

B. La loi du 26 mai 2014, support d’un mécanisme sécurisé au plan juridique et plus protecteur pour les moniteurs

II. L’objet de la proposition de loi : permettre aux moniteurs de ski stagiaires de bénéficier de la redistribution d’activité résultant de la mise en œuvre du mécanisme de réduction d’activité des moniteurs de ski sEniors

Commentaire des articles

Article 1er Faire bénéficier les moniteurs de ski stagiaires de la redistribution d’activité résultant de la mise en œuvre du mécanisme de réduction d’activité des moniteurs de ski seniors institué par la loi du 26 mai 2014

Article 2 Garantir aux seuls moniteurs de ski diplômés la redistribution d’un minimum d’heures résultant de la réduction d’activité des moniteurs seniors permettant de valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse

Titre

travaux de la commission

ANNEXE  1 : Liste des personnes auditionnÉes par lA rapporteurE

ANNEXE  2 : LISTE DES contributions Écrites ADRESSÉes À lA rapporteurE

Annexe n° 3 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

 

 


  1  —

   introduction

Il y a dix ans, au terme d’un parcours sans embuche, le législateur conférait un fondement légal au dispositif de partage de l’activité entre moniteurs de ski seniors et moniteurs de ski débutants, imaginé dès le début des années soixante afin de promouvoir une forme de solidarité intergénérationnelle au sein de la profession.

Respectueux des exigences européennes, strictement encadré par la loi, ce dispositif, demeuré inchangé depuis l’origine, produit des résultats satisfaisants. Toutefois, au regard des retours de terrain, il parait aujourd’hui pertinent d’en faire bénéficier les moniteurs stagiaires, qui jouent un rôle à part entière dans le fonctionnement des écoles de ski, en y assurant des heures d’enseignement nécessaires à la validation de leurs diplômes, et qui incarnent l’avenir d’une profession essentielle à l’attractivité de nos montagnes.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi, signée par des députés siégeant sur différents bancs de l’hémicycle, inscrite par la Conférence des présidents ([1]) à l’ordre du jour de la semaine de l’Assemblée du mois de mars 2024 à la demande du groupe Socialistes et apparentés ([2]).

Il y a dix ans, le texte qui devait devenir la loi du 26 mai 2014 ([3]) avait recueilli l’assentiment unanime des députés et fait l’objet d’un vote conforme des sénateurs. Il faut espérer que la présente proposition de loi, porteuse d’ajustements techniques, connaisse un sort identique.


  1  —

I.   Le renouvellement générationnel des moniteurs de ski : un enjeu de longue date pour la profession

L’insertion professionnelle des moniteurs récemment diplômés est, de longue date, une préoccupation du Syndicat national des moniteurs du ski français (SNMSF) qui a mis en place un mécanisme de solidarité intergénérationnelle reposant sur la réduction d’activité des moniteurs seniors au profit des plus jeunes. Fragilisé par des décisions de justice en raison de son caractère potentiellement discriminatoire, le dispositif a été inscrit dans la loi dans des termes garantissant une juste répartition de l’activité au sein des écoles qui le mettent en œuvre.

A.   Le mécanisme initial de réduction d’activité des moniteurs de ski sEniors pour favoriser l’insertion professionnelle des plus jeunes, un dispositif efficace mais fragile au plan juridique

1.   Moniteur de ski, une profession libérale très organisée

● La France compte parmi les premières destinations de ski en raison, non seulement de ses infrastructures réparties sur une part importante du territoire, mais aussi de la qualité reconnue de ses moniteurs qui accompagnent chaque année des visiteurs venus du monde entier.

Au cours de la saison 2022-2023, notre pays se situait ainsi au deuxième rang mondial en termes de journées-skieur vendues, atteignant 51 millions de ventes, derrière les États-Unis avec 65,4 millions de ventes, et devant l’Autriche qui en totalisait 50,3 millions ([4]).

● Depuis la création de la première École nationale du ski français en 1937, la qualité de l’enseignement du ski en France n’a jamais été démentie grâce à la formation délivrée par l’École nationale des sports de montagne (ENSM) et son organisation en syndicats garantissant la présence d’écoles de ski dans tous les massifs.

Chaque année, 400 à 500 moniteurs de ski sont diplômés de l’ENSM après avoir suivi leur scolarité au sein de l’École nationale de ski et d’alpinisme (Ensa). Le diplôme d’État de ski-moniteur national de ski alpin ([5]) figure parmi les qualifications permettant d’enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive contre rémunération ([6]).

Intégration des diplômés de l’Ensa dans les esf entre 2013 et 2022

Année

Nombre de diplômés

Nombre de diplômés exerçant dans une ESF

2013

219

195 (89 %)

2014

352

282 (80 %)

2015

366

332 (90 %)

2016

416

340 (81 %)

2017

491

417 (85 %)

2018

547

456 (83 %)

2019

538

449 (83 %)

2020

196

171 (87 %)

2021

577

461 (80 %)

2022

508

418 (82 %)

Source : SNMSF.

L’arrêté du 28 septembre 2023 ([7]) fixe les conditions d’obtention du diplôme en prévoyant deux cycles de formation d’une durée minimale de 245 heures chacun. Un stage d’une durée minimale de vingt-cinq jours doit être effectué au cours de chaque cycle dans une école agréée en qualité de centre d’enseignement de ski ou dans une structure d’entraînement de la Fédération française de ski agréée en qualité de centre d’entraînement.

● On dénombre aujourd’hui en France plus de 17 600 moniteurs de ski diplômés. La profession est fortement structurée par le SNMSF qui regroupe les 200 Écoles du ski français (ESF) dans lesquelles exercent 16 000 moniteurs ([8]). Fondé en 1977, le Syndicat international des moniteurs de ski (Sims) compte, pour sa part, 70 Écoles du ski internationale (ESI) réparties en France et en Suisse au sein desquelles enseignent 1 200 moniteurs ([9]).

Même lorsqu’ils exercent leur activité en syndicat ou en association, les moniteurs de ski sont tout de même considérés comme non‑salariés, quel que soit le public auquel ils s’adressent, pour des raisons impérieuses de sécurité ([10]). Travailleurs indépendants, ils sont, par ailleurs, affiliés au régime d’assurance vieillesse et invalidité-décès des professions libérales ([11]). Les moniteurs de ski stagiaires, autorisés à délivrer un enseignement, relèvent également du régime des travailleurs indépendants.

2.   Un dispositif contesté devant la justice en raison de son caractère discriminatoire

● Dès 1963, le SNMSF édifia un mécanisme visant à garantir le renouvellement des générations de moniteurs de ski au sein des ESF. Afin de faciliter l’intégration progressivement dans la profession des 350 diplômés, ce dispositif permettait de réduire l’activité des moniteurs de ski déjà susceptibles de prendre leur retraite afin de libérer des heures de cours pour les nouveaux entrants.

Initialement fixé à 55 ans, l’âge à partir duquel les moniteurs de ski perdaient leur statut de permanent pour ne plus être appelés qu’en renfort lors des vacances scolaires fut repoussé concomitamment au recul de l’âge de la retraite à 58 ans en 1996 et 61 ans en 2007. En outre, au-delà de 65 ans, les moniteurs n’étaient plus appelés qu’après ceux entrant dans la catégorie « renfort vacances », ce qui revenait à ne leur attribuer qu’un nombre d’heures très réduit.

Ces règles applicables à l’ensemble des ESF n’étaient cependant pas automatiquement mises en œuvre puisqu’elles nécessitaient une décision locale définissant les modalités de leur application, en particulier l’ampleur de la réduction du nombre d’heures.

Les règles de répartition de l’activité dans les écoles de ski

● Le directeur de chaque école est responsable d’un tableau de répartition des heures d’enseignement entre les moniteurs de ski en fonction :

– de leur ancienneté au sein du syndicat ;

– de leurs diplômes et compétences particulières.

● Les heures de cours sont réparties en fonction du statut de chaque moniteur défini en fonction de sa place dans le tableau :

– les « permanents » bénéficient d’un maximum d’heures de cours durant toute la saison ;

– les « occasionnels » bénéficient d’un nombre d’heures de cours plus réduit et ne sont pas nécessairement présents tout au long de la saison ;

– les « renforts » effectuent des heures de cours uniquement pendant les vacances scolaires ou en cas de besoin.

● Ce mécanisme de solidarité intergénérationnelle fit l’objet d’une contestation à partir de 2009 par des moniteurs de l’ESF Arc 1 800 devant la justice et la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde).

Regroupés au sein de l’Association de défense des droits des moniteurs et entraîneurs de ski (Addmes), les moniteurs s’opposaient au mécanisme en raison de son caractère discriminatoire à leur encontre. La loi du 27 mai 2008 ([12]) qui transpose en droit français la directive 2000/78/CE ([13]), prohibe en effet, en son article 2, toute discrimination en matière d’emploi et d’accès à l’emploi fondée notamment sur l’âge. Elle autorise cependant que des différences de traitement existent « lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée » ([14]).

D’une part, la Halde considéra dans sa délibération du 29 novembre 2010 ([15]) que le mécanisme en question constituait bien une discrimination fondée sur l’âge pour trois raisons :

– les différences de traitement autorisées par la loi ne pouvaient être décidées que par l’État ;

– les jeunes moniteurs ne bénéficiaient que marginalement de la redistribution d’activité résultant de la réduction du nombre d’heures dispensées par les moniteurs seniors ;

– le dispositif incitait fortement les moniteurs à liquider leur pension une fois atteint l’âge légal même s’ils n’avaient pas validé un nombre suffisant de trimestres.

D’autre part, le 21 février 2012, le tribunal de grande instance d’Albertville jugea que le mécanisme constituait effectivement une discrimination en justifiant sa décision par les deux premiers arguments précédemment énoncés par la Halde ([16]).

● Afin de prendre en compte ces décisions et de limiter le risque d’une nouvelle condamnation, le SNMSF adopta, le 24 novembre 2012, un pacte intergénérationnel applicable à compter de 62 ans et garantissant aux moniteurs jusqu’alors permanents, âgés de 62 à 67 ans, une activité suffisante pour valider deux trimestres d’assurance vieillesse par an.

Le Défenseur des droits considéra que la garantie ainsi offerte aux moniteurs de bénéficier d’une activité minimale entre 62 et 67 ans assurait que le dispositif ne crée pas de différence de traitement excessive à leur dépens. Il souleva cependant un point d’inquiétude concernant un risque de discrimination en fonction des modalités locales de mise en œuvre du dispositif.

Saisi par l’Addmes, le tribunal de grande instance de Grenoble jugea, le 18 mars 2013, que le pacte n’apparaissait ni justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, ni nécessaire et proportionné dans la mesure où, d’une part, le bénéfice du dispositif pour l’intégration des jeunes diplômés n’était pas clairement établi et, d’autre part, la réduction d’activité imposée pouvait apparaître trop importante au regard de l’objectif poursuivi ([17]).

À rebours de cette analyse, la cour d’appel de Grenoble considéra, le 30 septembre 2013, que le pacte intergénérationnel constituait un mécanisme efficace d’intégration des jeunes diplômés et proportionné à son objectif.

B.   La loi du 26 mai 2014, support d’un mécanisme sécurisé au plan juridique et plus protecteur pour les moniteurs

● Face aux incertitudes pesant sur la validité juridique du mécanisme de solidarité intergénérationnelle conçu par le SNMSF, efficace mais contesté en dépit des retouches qui y furent apportées, fragilisé au demeurant par les décisions des tribunaux, il apparut nécessaire que le législateur intervienne et lui confère une base légale à même de garantir sa pérennité.

C’est ce que fit la loi précitée du 26 mai 2014, consistant en trois articles qui ne furent pas modifiés au cours de la décennie écoulée.

Le premier article autorise les écoles de ski, sans distinction, à instituer un système de réduction d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite ([18]) dans le but de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs diplômés, suivant la logique retenue dès l’origine. Mais, contrairement à la situation qui prévalait sous l’empire du pacte intergénérationnel adopté en 2012, qui ne faisait aucune précision en la matière, la redistribution d’activité provoquée par ce système doit exclusivement bénéficier aux « moniteurs âgés de moins de trente ans exerçant en continuité sur la saison ».

Le deuxième article apporte des garanties aux moniteurs seniors et aux moniteurs débutants qui exerceraient dans une structure ayant fait le choix de recourir au dispositif dans sa version la plus récente ([19]).

D’une part, la réduction d’activité des professionnels les plus âgés, organisée en trois temps, est plafonnée durant cinq années, selon des modalités précises et plus protectrices que par le passé ([20]). Elle ne peut excéder, pendant une période initiale de trois années, 30 % de l’activité à laquelle « ils pourraient normalement prétendre en fonction des règles de répartition établies par l’école de ski ». Puis, pendant les deux années suivantes, elle ne peut excéder 50 % de cette activité. Enfin, au-delà de ces cinq années, il peut être fait appel à eux « en tant que de besoin ».

D’autre part, et sans que cela ne constitue une nouveauté, les moniteurs seniors, de même que les moniteurs débutants, se voient accorder un nombre d’heures d’activité – et donc un revenu minimum – devant leur permettre de valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base ([21]).

Le troisième article, applicable jusqu’au 1er janvier 2017, faisait en sorte que la loi ne s’applique qu’aux moniteurs âgés d’au moins 62 ans et, en conséquence, que le nouveau régime ne puisse être moins favorable pour lesdits moniteurs que le pacte intergénérationnel.

Quelle application pour le dispositif au lendemain de la loi du 26 mai 2014 ?

En l’état de la législation sur les retraites en vigueur au moment de la publication de la loi du 26 mai 2014, la réduction d’activité des moniteurs de ski ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite en application de l’article L. 161‑17‑2 du code de la sécurité sociale ne pouvait excéder :

– pour les moniteurs âgés de 62 à 65 ans, 30 % de l’activité à laquelle ils auraient pu normalement prétendre en fonction des règles de répartition établies par l’école de ski ;

– pour les moniteurs âgés de 65 à 67 ans, 50 % de l’activité à laquelle ils auraient pu normalement prétendre.

Les moniteurs ayant exercé leur activité durant cinq années au-delà de l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite et souhaitant poursuivre leur activité pouvaient être appelés en renfort en tant que de besoin.

● Ainsi défini par l’État, et non plus par un syndicat, le mécanisme de solidarité intergénérationnelle édifié en 2014 répond aux exigences du droit européen puisque la différence de traitement fondée sur l’âge sur laquelle il repose apparaît « objectivement » et « raisonnablement » justifiée par un « objectif légitime » – l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski diplômés – et que les moyens employés pour y parvenir – la réduction progressive de l’activité des moniteurs seniors au profit des seuls moniteurs âgés de moins de trente ans – s’avèrent « appropriés » et « nécessaires », conformément à ce qu’impose l’article 6§1 de la directive 2000/78/CE précitée.

La réforme apparut rétrospectivement d’autant plus essentielle que la Cour de cassation annula, près d’un an après le vote de la loi, l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble qui avait reconnu au pacte intergénérationnel un caractère licite ([22]).

Cour de cassation, chambre sociale, 17 mars 2015, 13-27.142, publié au bulletin (extraits)

« Qu’en statuant ainsi, sans constater, d’une part, que la différence de traitement fondée sur l’âge était objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime d’intérêt général, tenant notamment à la politique de l’emploi, au marché du travail ou à la formation professionnelle, la prise en compte d’un intérêt purement individuel et propre à la situation des écoles de ski désireuses de répondre à la demande de la clientèle, ne pouvant être considérée comme légitime au regard des articles 6 de la directive n° 2000/78 et L. 1133‑2 du code du travail, et d’autre part, que les moyens pour réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, alors que le pacte litigieux se contente de prévoir une garantie d’activité minimale pour les "moniteurs nouvellement intégrés" sans précision d’âge, de sorte qu’il n’est pas établi que la redistribution d’activité des moniteurs âgés de plus de 61 ans bénéficiera exclusivement aux jeunes moniteurs, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; ».

II.   L’objet de la proposition de loi : permettre aux moniteurs de ski stagiaires de bénéficier de la redistribution d’activité résultant de la mise en œuvre du mécanisme de réduction d’activité des moniteurs de ski sEniors

De l’avis des acteurs de terrain, la loi du 26 mai 2014 a produit des résultats positifs du point de vue de l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski. Pour autant, le dispositif présente une limite, qui tient à ce que les 3 240 moniteurs stagiaires inscrits dans un cursus de formation au diplôme d’État de ski-moniteur national de ski alpin sont, pour l’heure, exclus de son champ d’application alors même qu’ils assurent des cours dans les écoles de ski à l’occasion des stages qu’ils y accomplissent.

Activité des moniteurs de ski par classe d’âge entre 2018 et 2023

 

Effectif et activité des moniteurs de ski diplômés
de moins de 30 ans

 

 

 

(en heures)

 

 

 

 

 

Année de naissance des moniteurs diplômés

2018-2019

2019-2020

2021-2022

2022-2023

 

Année de naissance des moniteurs diplômés

Effectif

Nombre d’heures d’activité

Moyenne d’heures d’activité par moniteur

1958

37 787

35 825

31 679

28 629

 

1993

160

51 601

323

1959

48 213

42 553

38 080

33 464

 

1994

149

42 920

288

1960

38 107

36 277

36 580

30 085

 

1995

148

46 944

317

1961

54 788

53 604

53 019

53 680

 

1996

150

42 778

285

Source : SNMSF (sur la base des données transmises par 79 ESF).

 

1997

129

39 773

308

 

 

1998

100

32 416

324

 

 

 

 

 

 

1999

67

22 451

335

 

 

 

 

 

 

2000

33

9 557

290

 

 

 

 

 

 

2001

14

3 628

259

 

 

 

 

 

 

2002

2

880

440

 

 

 

 

 

 

Total

952

292 946

317

 

 

 

 

 

 

Note : données relatives à la saison de ski 2022-2023.

Source : SNMSF (sur la base des données transmises par 79 ESF).

Cette situation, quelque peu injuste pour les moniteurs en formation et vraisemblablement non optimale pour le fonctionnement des écoles, mérite d’être corrigée. C’est l’objet de la présente proposition de loi, qui apporte au texte de 2014 une double modification guidée par le souci de prolonger l’effort en faveur de l’accès à l’emploi des moniteurs débutants.

EFFECTIF ET ACTIVITÉ DES MONITEURS DE SKI stagiaires DE MOINS DE 30 ANS

Année de naissance des moniteurs stagiaires

Effectif

Nombre d’heures d’activité

Moyenne d’heures d’activité par moniteur

1994

45

10 162

226

1995

50

12 535

251

1996

75

19 429

259

1997

100

23 333

233

1998

136

29 384

216

1999

165

33 244

201

2000

170

36 731

216

2001

228

45 060

198

2002

178

27 996

157

Total

1 147

237 873

217

Note : données relatives à la saison de ski 2022-2023.

Source : SNMSF (sur la base des données transmises par 79 ESF).

Avec l’article 1er, elle ouvre aux moniteurs de ski stagiaires le bénéfice de la redistribution d’activité résultant de la mise en œuvre du mécanisme de réduction d’activité des moniteurs les plus âgés.

Avec l’article 2, elle réserve aux seuls moniteurs diplômés la garantie de bénéficier d’une redistribution d’activité leur permettant de valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base étant donné que les moniteurs stagiaires continuent de suivre une formation théorique durant une partie de la saison.

 


   Commentaire des articles

Article 1er
Faire bénéficier les moniteurs de ski stagiaires de la redistribution d’activité résultant de la mise en œuvre du mécanisme de réduction d’activité
des moniteurs de ski seniors institué par la loi du 26 mai 2014

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er ouvre aux moniteurs de ski stagiaires le bénéfice de la redistribution d’activité résultant de la mise en œuvre, dans les écoles de ski, du mécanisme de réduction d’activité des moniteurs seniors institué par la loi n° 2014-529 du 26 mai 2014 dans le but de favoriser l’insertion professionnelle des plus jeunes.

Pour l’heure, la redistribution d’activité bénéficie aux seuls moniteurs de ski diplômés âgés de moins de trente ans.

  1.   Le droit en vigueur

● Dès 1963, le Syndicat national des moniteurs du ski français (SNMSF), organisation faîtière des Écoles du ski français (ESF), mit en place un dispositif de réduction d’activité des moniteurs les plus anciens pour favoriser l’insertion professionnelle des plus jeunes. Modifié à plusieurs reprises en 1996, 2007 et 2012, l’âge à compter duquel devait s’appliquer la réduction d’activité étant repoussé à chaque fois, il fut contesté devant la justice, à la fin des années 2000, au motif que la différence de traitement fondée sur l’âge sur laquelle il reposait était constitutive d’une discrimination contraire aux droits national et européen.

Le dispositif, même sous sa forme la plus aboutie, celle du pacte intergénérationnel, présentait un certain nombre de fragilités juridiques dénoncées tant par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) ([23]) que par les tribunaux de grande instance d’Albertville et de Grenoble ([24]) :

– d’abord parce qu’il était issu d’une décision d’un syndicat professionnel et non de l’État, seule autorité compétente pour prendre des mesures dérogeant au principe de non-discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi et de travail, en vertu de l’article 6§1 de la directive 2000/78/CE ([25]) ;

– ensuite parce qu’il ne bénéficiait pas uniquement aux jeunes moniteurs diplômés, mais à tous ceux qui étaient maintenus en exercice, l’effet sur l’accès à l’emploi des premiers s’avérant en conséquence limité, si bien que les moyens déployés pour atteindre l’objectif poursuivi, l’insertion professionnelle des moniteurs en début de carrière, n’étaient ni appropriés ni nécessaires, et que la différence de traitement fondée sur l’âge ainsi établie ne paraissait pas justifiée au sens de la directive et de la législation nationale ([26]).

L’article 6 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement
en matière d’emploi et de travail

« Justification des différences de traitement fondées sur l’âge

« 1. Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

« Ces différences de traitement peuvent notamment comprendre :

« a) la mise en place de conditions spéciales d’accès à l’emploi et à la formation professionnelle, d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d’assurer leur protection ;

« b) la fixation de conditions minimales d’âge, d’expérience professionnelle ou d’ancienneté dans l’emploi, pour l’accès à l’emploi ou à certains avantages liés à l’emploi ;

« c) la fixation d’un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d’une période d’emploi raisonnable avant la retraite.

« 2. Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les États membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l’âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d’âges d’adhésion ou d’admissibilité aux prestations de retraite ou d’invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d’âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l’utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d’âge dans les calculs actuariels, à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe. »

● Il fallut donc que le législateur intervienne pour conférer au dispositif, retouché à cette occasion, la solidité juridique qui lui faisait défaut.

Depuis lors, l’article 1er de la loi du 26 mai 2014 ([27]) ouvre à toutes les écoles de ski réunissant des moniteurs exerçant à titre indépendant, et pas seulement aux ESF, la faculté « [d’]instituer un dispositif de réduction d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite en application de l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, afin de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski diplômés ».

Si le système échafaudé il y a dix ans obéit à une logique ancienne, il est mis en œuvre selon des modalités différentes de celles qui prévalaient par le passé puisque, aux termes du même article 1er, il bénéficie « exclusivement aux moniteurs âgés de moins de trente ans exerçant en continuité sur la saison ».

  1.   Le dispositif proposé

L’article 1er de la proposition de loi, qui modifie l’article 1er de la loi du 26 mai 2014, étend l’application du dispositif présenté ci-dessus aux moniteurs de ski stagiaires – pourvu qu’ils soient âgés de moins de trente ans – inscrits dans un cursus de formation au diplôme d’État de ski-moniteur national de ski alpin.

Ce changement vise à tenir compte du fait qu’ils assurent, lors des stages pédagogiques qu’ils effectuent dans les écoles de ski ([28]), un certain nombre d’heures de cours et qu’ils participent, ce faisant, au fonctionnement des structures qui les accueillent.

  1.   Les modifications apportées par la commission

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté deux amendements rédactionnels.

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Article 2
Garantir aux seuls moniteurs de ski diplômés la redistribution
d’un minimum d’heures résultant de la réduction d’activité des moniteurs
seniors permettant de valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse

Adopté par la commission sans modification

L’article 2 vise à réserver aux seuls moniteurs diplômés le bénéfice d’une redistribution d’activité permettant de valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite.

  1.   Le droit en vigueur

L’article 2 de la loi du 26 mai 2014 ([29]) fixe les règles de redistribution de l’activité entre moniteurs de ski ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite et moniteurs de moins de trente ans.

Le 4° du I impose ainsi que la redistribution d’activité garantisse « aux moniteurs âgés de moins de trente ans un nombre d’heures d’activité qui leur permette de valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base ». Cette disposition permet une redistribution équilibrée des heures des moniteurs seniors, qui conservent également une activité leur permettant de valider deux trimestres de retraite par an.

  1.   Le dispositif proposé

L’article 1er de la présente proposition de loi étend aux moniteurs stagiaires le bénéfice de la redistribution des heures de cours des moniteurs seniors, ce qui implique une modification des conditions de mise en œuvre de ce mécanisme.

Les moniteurs de ski stagiaires n’ont, en effet, pas vocation à effectuer un nombre d’heures aussi important que les moniteurs diplômés de moins de trente ans dans la mesure où ils sont encore en formation et ne sont donc pas disponibles tout au long de la saison. D’après le SNMSF, 70 % d’entre eux sont d’ailleurs engagés, parallèlement à leur formation, dans un cursus universitaire.

Il semble donc opportun de ne pas étendre aux moniteurs en formation la règle selon laquelle les bénéficiaires du dispositif doivent valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite.

L’article 2 de la proposition de loi modifie ainsi le 4° du I de l’article 2 de la loi du 26 mai 2014 afin de préciser que la condition d’activité minimale des moniteurs de moins de trente ans requise pour la mise en œuvre du dispositif de réduction d’activité ne s’applique qu’aux moniteurs diplômés.

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Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement visant à mettre en cohérence la rédaction de l’intitulé de la proposition de loi avec la rédaction de l’intitulé de la loi du 26 mai 2014 ([30]).

 


travaux de la commission

Lors de sa réunion du mercredi 20 mars 2024 ([31]), la commission des affaires sociales examine la proposition de loi visant à ouvrir le dispositif de réduction d’activité progressive aux moniteurs de ski stagiaires (n° 1758) (Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure).

M. Nicolas Turquois, président. Mes chers collègues, nous examinons ce matin la proposition de loi visant à ouvrir le dispositif de réduction d’activité progressive aux moniteurs de ski stagiaires. Ce texte, inscrit à l’ordre du jour transpartisan le soir du mercredi 27 mars, fait l’objet d’une procédure de législation en commission.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Il y a dix ans, j’ai eu l’honneur de rapporter ici même une proposition de loi visant à garantir la pérennité du dispositif de partage de l’activité entre moniteurs de ski seniors et ceux nouvellement diplômés, imaginé cinquante ans plus tôt par le Syndicat national des moniteurs du ski français (SNMSF) afin de promouvoir une forme de solidarité intergénérationnelle au sein de la profession. Quelques‑uns s’en souviennent ici, en particulier Joël Giraud.

Devenu la loi du 26 mai 2014, ce texte avait pour but de mettre en conformité avec les législations européenne et française prohibant les discriminations fondées sur l’âge le mécanisme équilibré favorisant l’intégration des jeunes moniteurs dans les écoles de ski. Alors que celui-ci produit des résultats satisfaisants, comme l’a rappelé le président du SNMSF, Éric Brèche, lors de son audition, il semble aujourd’hui opportun d’en faire bénéficier les moniteurs stagiaires, qui jouent un rôle à part entière dans le fonctionnement des écoles de ski en y assurant des heures d’enseignement nécessaires à la validation de leurs diplômes, et qui incarnent l’avenir d’une profession essentielle à l’attractivité de nos montagnes.

La France figure parmi les premières destinations de ski en raison non seulement de ses infrastructures réparties sur une part importante du territoire, mais aussi de la qualité reconnue de ses moniteurs, qui accompagnent chaque année des visiteurs venus du monde entier. Au cours de la saison 2022-2023, notre pays se situait ainsi au deuxième rang mondial en termes de journées-skieur vendues, avec 51 millions de ventes, derrière les États-Unis et devant l’Autriche.

La profession de moniteur de ski est fortement structurée de longue date par le SNMSF, qui regroupe les 200 écoles du ski français, les fameuses ESF que vous avez tous vues sur les pistes enneigées de nos stations et dans lesquelles exercent 16 000 des 17 600 moniteurs de notre pays. Cependant, même lorsqu’ils exercent leur activité en syndicat ou en association, les moniteurs de ski restent des travailleurs indépendants.

Les moniteurs de ski stagiaires, au nombre de 3 240, autorisés à délivrer un enseignement, relèvent également de ce régime et sont affiliés, comme les diplômés, au système d’assurance vieillesse des professions libérales. Ils suivent une formation à l’École nationale de ski et d’alpinisme, souvent en parallèle de leurs études ou d’une autre activité. Chaque année, 400 à 500 moniteurs de ski sont diplômés à l’issue d’un cursus qui comprend obligatoirement deux stages d’un minimum de vingt-cinq jours dans une école de ski.

C’est pour garantir l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs que, dès 1963, le SNMSF mit en place un mécanisme de solidarité intergénérationnelle au sein des ESF. En réduisant l’activité des moniteurs déjà susceptibles de prendre leur retraite, ce dispositif permettait de libérer des heures de cours pour les nouveaux entrants.

Initialement fixé à 55 ans, l’âge à partir duquel les moniteurs de ski perdaient leur statut de permanent pour ne plus être appelés qu’en renfort lors des vacances scolaires fut repoussé, concomitamment au recul de l’âge de la retraite, à 58 ans en 1996 et 61 ans en 2007. En outre, à compter de cette date, les moniteurs âgés de plus de 65 ans ne bénéficiaient plus que d’un nombre d’heures très réduit.

En dépit de ses résultats satisfaisants, ce mécanisme fit l’objet, à compter de la fin des années 2000, de contestations de la part de moniteurs seniors qui se considéraient comme victimes de discrimination. Réunis en association, ils saisirent à la fois la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), dont les missions sont aujourd’hui assurées par le Défenseur des droits, et la justice, sur le fondement de la loi du 27 mai 2008, transposant en droit français la directive 2000/78/CE qui prohibe toute discrimination en matière d’emploi et d’accès à l’emploi fondée notamment sur l’âge mais autorise que des différences de traitement existent « lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ». La Halde, dans sa délibération du 29 novembre 2010, comme le tribunal de grande instance d’Albertville, dans son jugement du 21 février 2012, donnèrent raison aux moniteurs de ski seniors en considérant que la différence de traitement dont ils faisaient l’objet n’était pas autorisée par l’État et ne bénéficiait que marginalement aux jeunes moniteurs, pourtant cibles du dispositif.

Malgré une révision des règles régissant le mécanisme, grâce à l’adoption par le SNMSF, en 2012, d’un pacte intergénérationnel garantissant aux moniteurs jusqu’alors permanents âgés de 62 à 67 ans une activité suffisante pour valider deux trimestres d’assurance vieillesse par an, le tribunal de grande instance de Grenoble donna à nouveau raison aux moniteurs de ski seniors dans un jugement du 18 mars 2013, que la cour d’appel de Grenoble infirma dans un arrêt du 30 septembre de la même année.

Face aux incertitudes pesant sur la validité juridique du mécanisme de solidarité intergénérationnelle conçu par le SNMSF, l’intervention du législateur est apparue nécessaire pour lui conférer une base légale à même de garantir sa pérennité. C’est ce que fit la loi du 26 mai 2014, dont les trois articles n’ont fait l’objet d’aucune modification à ce jour.

Le premier article autorise toutes les écoles de ski à instituer un système de réduction d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite dans le but de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs diplômés, suivant la logique retenue dès l’origine. Toutefois, contrairement à la situation qui prévalait sous l’empire du pacte intergénérationnel, qui ne précisait rien en la matière, la redistribution d’activité provoquée par ce système doit exclusivement bénéficier aux « moniteurs âgés de moins de 30 ans exerçant en continuité sur la saison ».

Le deuxième article apporte des garanties aux moniteurs seniors et aux moniteurs débutants qui exerceraient dans une structure ayant décidé de recourir au dispositif.

Premièrement, la réduction d’activité des professionnels les plus âgés, organisée en trois temps, est plafonnée durant cinq ans, selon des modalités précises et plus protectrices que par le passé. Elle ne peut excéder, pendant une période initiale de trois années, 30 % de l’activité à laquelle « ils pourraient normalement prétendre en fonction des règles de répartition établies par l’école de ski ». Pendant les deux années suivantes, elle ne peut excéder 50 % de cette activité. Enfin, au-delà de ces cinq années, il peut être fait appel à eux « en tant que de besoin ».

Deuxièmement, et sans que cela ne constitue une nouveauté, les moniteurs seniors, comme les moniteurs débutants, se voient accorder un nombre d’heures d’activité devant leur permettre de valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base.

Le troisième article, applicable jusqu’au 1er janvier 2017, prévoyait que la loi ne s’appliquerait qu’aux moniteurs âgés d’au moins 62 ans afin que le nouveau régime ne puisse leur être moins favorable que le pacte intergénérationnel.

Ainsi défini par l’État, et non plus par un syndicat professionnel, le mécanisme de solidarité intergénérationnelle édifié en 2014 répond aux exigences du droit européen puisque la différence de traitement fondée sur l’âge apparaît raisonnablement justifiée par un objectif légitime – l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski diplômés – et que les moyens employés pour y parvenir – la réduction progressive de l’activité des moniteurs seniors au profit des seuls moniteurs âgés de moins de 30 ans – s’avèrent appropriés et nécessaires.

La réforme apparut rétrospectivement d’autant plus essentielle que la Cour de cassation annula, le 17 mars 2015, l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble qui avait reconnu au pacte intergénérationnel un caractère licite.

De l’avis des acteurs de terrain, la loi du 26 mai 2014 a produit des résultats positifs du point de vue de l’insertion professionnelle des jeunes moniteurs de ski dans les différentes écoles de ski. Mais le dispositif présente une limite : les moniteurs stagiaires inscrits dans un cursus de formation au diplôme d’État de moniteur de ski sont exclus de son champ d’application alors même qu’ils assurent des cours dans les écoles de ski à l’occasion des stages qu’ils y accomplissent. Cette situation, qui peut être considérée comme injuste pour les moniteurs en formation et vraisemblablement non optimale pour le fonctionnement des écoles, gagnerait à être corrigée afin de permettre à ces jeunes stagiaires de bénéficier de suffisamment d’heures d’enseignement dans leur formation. C’est l’objet de la proposition de loi discutée ce matin, qui apporte au texte de 2014 une double modification.

D’une part, son article 1er ouvre aux moniteurs de ski stagiaires le bénéfice de la redistribution d’activité résultant de la mise en œuvre du mécanisme de réduction d’activité des moniteurs les plus âgés.

D’autre part, son article 2 réserve aux moniteurs diplômés le bénéfice d’une redistribution d’activité leur permettant de valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse par an dans leur régime de retraite de base, étant donné que les moniteurs stagiaires continuent de suivre une formation théorique durant une partie de la saison.

Il y a dix ans, le texte qui devait devenir la loi du 26 mai 2014 avait recueilli l’assentiment unanime des députés et fait l’objet d’un vote conforme des sénateurs. Je forme le vœu que la présente proposition de loi, soutenue par des députés siégeant sur différents bancs et inscrite à l’ordre du jour d’une semaine de l’Assemblée à la demande du groupe Socialistes et apparentés, connaisse un sort identique.

M. Nicolas Turquois, président. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Joël Giraud (RE). Merci d’accueillir dans votre commission un député qui présida longtemps le Conseil national de la montagne et fut même le ministre chargé de la politique de la montagne.

Je suis très heureux de voir arriver en séance publique ce texte qui pourrait paraître anecdotique mais est en réalité très important. Il consolide un dispositif de solidarité intergénérationnelle à la fois innovant et adapté aux contraintes de l’emploi saisonnier en montagne. Il répond à une question qui n’est franchement pas marginale : comment favoriser l’insertion des jeunes dans l’une des activités professionnelles de la palette de l’emploi pluriactif, si fréquent dans nos régions montagneuses ?

En tant que législateur, nous avons la responsabilité de tout faire pour gagner la bataille de l’emploi et nous devons saluer et appuyer les initiatives engagées dans nos territoires. S’il n’y a pas de chômage chez les moniteurs de ski, ce n’est pas dû à la taille des flocons qui tombent du ciel – de plus en plus rarement, d’ailleurs – mais à une organisation interne innovante. Depuis des années, les moniteurs ont réfléchi à la manière dont les plus âgés d’entre eux peuvent cesser progressivement leur activité. Travailleurs indépendants, les moniteurs de ski n’ont pas de limite d’âge réglementaire de cessation de leur activité – la moitié d’entre eux ont d’ailleurs plus de 70 ans, ce qui est la preuve d’une belle santé !

Face à ce constat, les « pulls rouges » avaient pris en 2012 une décision courageuse en votant un pacte intergénérationnel, longuement négocié, dont on ne peut que saluer la double ambition : favoriser l’insertion des jeunes, d’une part, et mieux accompagner la cessation d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge de la retraite, d’autre part. Le travail remarquable et opiniâtre de la rapporteure de 2014, déjà Marie-Noëlle Battistel, avait permis de trouver des équilibres législatifs. Elle et moi sommes, je crois, les deux seuls survivants de ce texte : il était donc logique que nous nous retrouvions comme les deux premiers cosignataires de cette nouvelle proposition de loi, qui complète celle de 2014.

Nous avions prévu dans la loi de 2014 que la réduction d’activité devait bénéficier aux jeunes de moins de 30 ans afin d’éviter tout détournement de son objectif premier. Avec ce nouveau texte, nous restons dans la même logique. Les formations suivies par les futurs moniteurs sont longues – au moins quatre ans – et entrecoupées de stages pédagogiques durant lesquels ils prodiguent des enseignements. Il convient donc de permettre à ces moniteurs stagiaires de bénéficier de la redistribution d’activité prévue par la loi.

Parce que ce texte transpartisan vise à perfectionner un dispositif bénéfique à l’activité des professionnels dans les territoires de montagne, par qui il est favorablement accueilli, et parce que l’évolution du climat nous impose de conforter la pluriactivité, plus que jamais nécessaire à l’économie montagnarde, le groupe Renaissance soutiendra, ainsi d’ailleurs que le Gouvernement, cette proposition de loi.

M. Christophe Bentz (RN). Sur le fond, ce texte n’est pas révolutionnaire mais il va dans le bon sens. Ses apports à la loi de 2014 sont utiles – les acteurs avec lesquels nous avons échangé nous l’ont confirmé. Nous voterons donc en faveur de cette proposition de loi.

Sur la forme, vous parlez encore de texte transpartisan alors qu’aucun député du groupe Rassemblement National ne compte parmi les cosignataires. Combien de temps ce non‑respect des règles va-t-il durer ? L’arc républicain est défini par les Français, pas par la rapporteure. Dans le cas du texte sur la protection civile, les cosignataires du Rassemblement National ont carrément été retirés ! Je salue en revanche la démarche de Naïma Moutchou qui a, elle, préservé cet esprit républicain. Vous ne pouvez pas continuer de considérer qu’il y a des surdéputés d’un côté, et des sous-députés – nous – de l’autre. Ce n’est pas à vous, je le redis, de déterminer la règle.

Aux députés sectaires, de la majorité comme de la NUPES, je dis : continuez comme ça ! Plus ça dure, plus les Français le voient, plus ils votent pour nous. Aux autres députés, ceux qui ont un comportement normal, je dis : travaillons ensemble dans l’intérêt général, pour la France et pour les Français.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Le groupe La France insoumise est tout à fait favorable à cette proposition de loi. Le métier de moniteur de ski a de fortes particularités. D’abord, il s’appuie sur une pratique qui est souvent une passion – ce n’est malheureusement pas le cas dans tous les métiers. Son diplôme d’État a la réputation d’être très difficile, par ses exigences tant physiques que théoriques – dans certaines épreuves, il est demandé aux candidats de déterminer la nature des flocons de neige dans des coupes. Enfin, le réchauffement climatique, qui entraîne un recul des espaces enneigés et une diminution des volumes de neige – les montagnes perdent chaque décennie environ 20 kilogrammes de neige au mètre carré –, constitue un danger pour ce secteur. Les grands monopoles énergétiques, pétroliers et de transport, par le dérèglement climatique qu’ils ont provoqué, menacent la profession de moniteur ou de monitrice de ski. La pluriactivité est dès lors nécessaire : la plupart des moniteurs exercent d’autres métiers hors saison et détiennent d’autres diplômes. Souvent, ils exercent dans le commerce ou surveillent la baignade, par exemple.

Depuis 1963, une répartition du travail est organisée entre jeunes et moins jeunes. Cela pourrait d’ailleurs nous inspirer dans d’autres domaines : c’est la première fois que la majorité défend la mutualisation du temps de travail pour lutter contre le chômage, et c’est une bonne nouvelle.

On est diplômé en moyenne à 30 ans, la moyenne d’âge de la profession étant de 48 ans. Avec la cessation progressive d’activité, les plus âgés n’exercent que durant les vacances scolaires, hors moniteurs stagiaires. Il s’agit ici de réinclure dans le dispositif l’ensemble de celles et ceux qui font l’activité et de leur ouvrir au moins deux mois de retraite supplémentaires. Cela ne rattrapera pas ce que la Macronie a volé, mais c’est déjà ça de pris !

Nous avons besoin de professionnels pour sécuriser les pratiques de ski, faire découvrir les espaces naturels et assurer la soutenabilité de l’activité sportive. Nous voterons pour le texte, en posant toutefois une question : quelle est la proportion de moniteurs qui atteignent le nombre d’heures nécessaire pour entrer dans le dispositif ?

Mme Émilie Bonnivard (LR). Quel bonheur d’entendre La France insoumise soutenir les moniteurs de ski ! Cela me fait d’autant plus plaisir que je suis moi-même monitrice, comme toute ma famille.

Je remercie Marie-Noëlle Battistel de son engagement constant sur le sujet.

La montagne française est leader mondial en matière de tourisme hivernal et elle doit une part essentielle de son succès aux femmes et aux hommes qui la font vivre. Travailleurs indépendants, les 17 600 moniteurs de ski français diplômés sont des acteurs incontournables du tourisme de sports d’hiver ; 90 % d’entre eux appartiennent au SNMSF, les autres exerçant soit dans les écoles indépendantes, soit comme moniteurs indépendants.

Depuis 1963, le SNMSF a mis en place un mécanisme, très bien expliqué par notre rapporteure, de réduction progressive de l’activité des moniteurs seniors au profit des jeunes diplômés, afin de garantir à ces derniers une activité lors de leur entrée sur le marché du travail. Il s’agit de partager équitablement une activité économique qui existe trois à cinq mois par an. Révisé à quatre reprises pour repousser l’âge de réduction d’activité des moniteurs seniors, ce système de solidarité intergénérationnelle a pleinement fait ses preuves au cours du temps : génération après génération, il a permis à des jeunes désireux de travailler dans les territoires de montagne dont ils étaient originaires de s’insérer rapidement dans la vie active.

Cette proposition de loi transpartisane vise à faire bénéficier de ce dispositif les moniteurs stagiaires exerçant durant des saisons complètes, afin qu’ils se voient eux aussi garantir un certain niveau d’activité. Le brevet d’État de ski alpin est très exigeant, et c’est une fierté française. L’expertise technique et pédagogique de nos moniteurs est reconnue dans le monde entier. Il faut en moyenne sept ans et un investissement financier important pour obtenir ce diplôme. Entre-temps, la formation permet aux moniteurs stagiaires d’enseigner, à des âges et des niveaux donnés. Il est essentiel de les fidéliser dès lors qu’ils s’engagent pour une saison entière.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, qui nous permet aussi d’évoquer l’économie de nos territoires de montagne, avec une immense joie.

M. Philippe Vigier (Dem). Merci, madame la rapporteure, de votre engagement en faveur de la montagne, notamment au sein de l’Association nationale des élus de la montagne. J’ai une pensée pour Jeanine Dubié, qui a beaucoup travaillé avec vous. Bravo d’avoir pris ce sujet à bras-le-corps !

Vous l’avez rappelé, la profession ne nous a pas attendus pour s’organiser : cela fait plus de soixante ans qu’elle a compris que la solidarité intergénérationnelle ne devait pas être un vain mot, que la transmission des savoirs était essentielle. Mme Bonnivard rappelait la grande technicité indispensable, ainsi que la durée de sept ans nécessaire pour être totalement opérationnel. Il n’y a pas beaucoup de cursus d’études qui durent aussi longtemps ! N’oublions pas non plus les grandes responsabilités confiées aux moniteurs : ces hommes et ces femmes appliquent des règles de sécurité rigoureuses et risquent parfois leur vie. J’ai une pensée pour les alpinistes récemment décédés dans le domaine du Mont-Dore.

Ce beau mécanisme est un clin d’œil fait aux jeunes, qui s’inquiètent parfois de ne pas trouver de créneaux, donc de ne pas être rémunérés.

Nous n’avons pas oublié le système des retraites. M. Clouet est toujours à la recherche de dispositifs complémentaires : en voilà un qui semble intelligent !

Merci à notre rapporteure de se faire l’ambassadrice d’une des fiertés de notre pays. L’économie blanche est magnifique : le monde entier vient en France, notamment dans les Alpes.

M. François Gernigon (HOR). Le groupe Horizons et apparentés défend également cette initiative visant à harmoniser les transitions de carrière au sein des écoles de ski françaises. Le mécanisme mis en place en 1963 par le SNMSF permet une réduction progressive de l’activité des seniors afin de favoriser l’insertion des jeunes diplômés. Cette politique répond à une double nécessité : assurer le renouvellement des générations et maintenir l’excellence du savoir-faire français dans l’enseignement du ski, secteur vital pour l’économie touristique de nos montagnes.

Les carrières des moniteurs s’étendent souvent bien au-delà de l’âge traditionnel de la retraite, avec un taux d’activité de 56 % à 70 ans. Un équilibre entre le maintien en activité des moniteurs expérimentés et l’ouverture aux nouvelles générations doit donc être trouvé. L’extension du bénéfice de la redistribution aux moniteurs stagiaires, conforme à la loi de 2014 déjà défendue par notre rapporteure, est un progrès qui assurera aux nouveaux venus des conditions de démarrage équitables. Cette réflexion sur la place des seniors et sur la transmission du savoir pourrait en nourrir d’autres, concernant d’autres métiers.

Le groupe Horizons soutient ces mesures, convaincu qu’elles contribuent à la pérennité et au dynamisme du secteur du ski en France. Elles assurent une transmission harmonieuse entre les générations de moniteurs tout en garantissant l’excellence de l’enseignement et en préservant la renommée des écoles de ski françaises dans le monde.

M. Joël Aviragnet (SOC). L’application pratique de la loi du 26 mai 2014 a montré la nécessité d’étendre le champ de ce texte aux moniteurs stagiaires. Élu des Pyrénées, je sais que le monde du ski attend cette évolution, qui complétera le dispositif de solidarité intergénérationnelle instauré il y a dix ans.

Seuls les moniteurs diplômés peuvent actuellement bénéficier de la réduction du temps de travail. En ouvrant le dispositif aux stagiaires, nous favoriserons leur insertion professionnelle et le développement de leurs compétences, nous permettrons aux moniteurs proches de l’âge de la retraite de profiter de davantage de temps libre et nous servirons la progression des élèves skieurs qui tireront profit de la présence de moniteurs jeunes, nouveaux et très motivés.

J’espère que cette belle proposition de loi, plébiscitée par les moniteurs de ski titulaires comme stagiaires et visant à pérenniser la logique de solidarité intergénérationnelle au sein de cette profession, sera adoptée à l’unanimité de notre commission. Au nom du groupe Socialistes et apparentés et en tant qu’élu des Pyrénées, je vous invite à voter en sa faveur.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Il est des métiers qui cumulent les difficultés ; celui de moniteur de ski en est un exemple. La saisonnalité qui lui est imposée et le dérèglement climatique qui la menace précarisent en effet cette profession de sportif passionné.

En 2014, sous l’impulsion de Marie-Noëlle Battistel, le Parlement s’était donné pour mission de sécuriser le pacte intergénérationnel existant afin de pérenniser la solidarité entre les générations de monitrices et de moniteurs de ski, qui a toujours fait ses preuves. En corrigeant la discrimination que subissaient les moniteurs seniors et en favorisant l’insertion des jeunes moniteurs et monitrices diplômés, nos collègues parlementaires ont réparé des fragilités dûment soulignées par différentes décisions de justice.

C’est à nouveau par souci d’anticipation que notre collègue Marie-Noëlle Battistel nous propose de rénover le dispositif existant. Si la loi de 2014 a permis de réels progrès sociaux en instituant un mécanisme de réduction d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite, elle comporte toutefois une imperfection notable touchant à la situation des moniteurs stagiaires et à la prise en compte de leur période d’activité dans le cadre de leur stage. La présente proposition de loi, qui vise à inclure les moniteurs stagiaires dans le dispositif de 2014, corrigera cet effet de bord et bénéficiera à plus de 3 200 personnes inscrites dans un cursus de formation préparant au diplôme d’État de moniteur national de ski alpin.

Au-delà de cette mesure que le groupe Ecologiste - NUPES soutiendra sans réserve, notre engagement auprès des moniteurs et monitrices de ski doit aussi se penser dans un monde où les températures ont crû d’au moins 2 degrés. Le réchauffement climatique se fait sentir en montagne, où 35 % des domaines de ski français et 66 % des domaines autrichiens, situés dans des massifs de plus basse altitude, sont enneigés artificiellement. Du fait de cette augmentation globale des températures, c’est l’ensemble de l’écosystème économique alpin qui sera remis en cause. Il faut entendre cette évolution pour anticiper les mutations qu’elle entraînera. On ne skiera plus en moyenne montagne et presque plus à haute altitude, d’autant que la neige artificielle, inefficace au-delà d’une progression de 2 degrés et très gourmande en eau et en énergies émettrices de CO2, ne sera pas une solution magique. Comme la profession sera menacée et presque vouée à disparaître, celles et ceux qui l’exerceront encore se livreront une concurrence féroce.

Il nous appartient donc de réfléchir, dès maintenant et de manière collective, à la diversification des activités des stations et à l’accompagnement de l’ensemble de leurs professionnels.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Vous nous présentez un beau texte, madame la rapporteure, qui concerne les travailleuses et travailleurs de la montagne et vise à accroître la solidarité au sein de la profession de moniteur de ski. Cette solidarité est d’autant plus nécessaire que des mutations touchent l’économie de la montagne, en lien notamment avec le réchauffement climatique. Ce beau texte se penche également sur la situation des saisonniers, qui sont nombreux à connaître la précarité. Il soutient les jeunes et les moins jeunes. Il prend soin du droit à la retraite, qui en a bien besoin.

Vous l’avez rappelé, le SNMSF a développé depuis 1963 un système de solidarité intergénérationnelle fondé sur la réduction de l’activité des moniteurs seniors au profit des jeunes diplômés. Cinquante ans plus tard, la loi du 26 mai 2014 a clarifié la situation juridique des moniteurs de ski seniors afin de garantir l’absence de toute discrimination liée à l’âge. Le législateur a ainsi institutionnalisé le pacte intergénérationnel créé par le SNMSF tout en refusant de rendre obligatoire ce mécanisme de solidarité.

Votre proposition de loi a pour objectif de compléter le dispositif existant en l’ouvrant aux moniteurs et monitrices stagiaires. Cette mesure paraît adaptée au risque de vieillissement démographique de la profession – selon une enquête commandée par le SNMSF, 27 % des moniteurs de ski sont âgés de plus de 60 ans et plus de 17 % d’entre eux envisagent d’arrêter leur activité dans les trois prochaines années. Le renouveau démographique permis par l’inclusion des stagiaires palliera également le manque de professionnels et empêchera le développement d’une concurrence déloyale alimentée par le recrutement de moniteurs ne possédant pas la même qualification.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR - NUPES votera en faveur de ce texte.

Mme Martine Froger (LIOT). Le ski est un moteur de l’économie touristique de la montagne française et une source d’emplois importante pour les territoires montagneux, dont je suis issue comme certains d’entre vous. Au-delà de nos infrastructures, les professionnels de l’enseignement du ski constituent assurément l’un de nos meilleurs atouts, leur réputation et celle des ESF participant grandement à l’attractivité de nos stations. La qualité de l’enseignement tient avant tout à la difficulté d’obtenir le diplôme d’État, mais elle s’explique également par la cohabitation de plusieurs générations au sein des écoles de ski, qui favorise une forme de compagnonnage.

Si la transmission intergénérationnelle est un élément central de l’enseignement du ski, le dispositif de réduction d’activité des moniteurs ayant atteint l’âge de la retraite afin de favoriser l’activité des plus jeunes n’en paraît pas moins nécessaire. Il ne s’agit pas de mettre les plus vieux moniteurs à la retraite ou de les empêcher d’enseigner, mais de les autoriser à conserver une activité tout en garantissant à leurs jeunes collègues un tutorat de qualité.

Le groupe LIOT soutient évidemment cette proposition de loi, qui vise à intégrer les stagiaires dans le dispositif existant. Cette ouverture est utile à l’accompagnement d’une profession que beaucoup estiment en voie de disparition. Aux effets du vieillissement démographique et de la concurrence étrangère s’ajoutent ceux du changement climatique, qui menacent la saison hivernale des domaines skiables, comme nous le constatons déjà dans les Pyrénées. Les conséquences sur l’attractivité du métier de moniteur sont considérables. Au‑delà de ce texte, il convient donc d’engager dès à présent une réflexion sur l’évolution de la profession.

M. Nicolas Turquois, président. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Stéphane Viry (LR). Je m’associe aux propos tenus par les uns et les autres. Il va de soi que votre proposition de loi, qui complète un dispositif éprouvé depuis 2014, mérite d’être votée à l’unanimité.

Vous répondez à un besoin des acteurs de tous les massifs montagneux, y compris de ceux situés à basse ou à moyenne altitude comme les Vosges, dont l’un des facteurs d’attractivité est la qualité de l’enseignement du ski. Les moniteurs de ski sont des travailleurs indépendants – un statut dont il faut garantir la pérennité – qui possèdent un diplôme d’État.

Votre texte pourrait constituer une source d’inspiration en matière de transmission des compétences et des savoirs au sein des filières professionnelles et des entreprises. Trop de blocages au développement de la transmission intergénérationnelle subsistent, souvent du fait de considérations statutaires et juridiques. Bien que la présente proposition de loi, très technique, ne concerne que l’enseignement du ski, nous pourrions nous en inspirer pour enclencher une dynamique vertueuse visant à faire évoluer, plus globalement, notre droit du travail.

Mme Josiane Corneloup (LR). Nous vous remercions d’avoir déposé ce texte, dont la logique est de renforcer un système de solidarité intergénérationnelle qui a pleinement fait ses preuves et qui a permis à de nombreuses générations de jeunes originaires des territoires de montagne de s’insérer rapidement dans la vie active. Nous pourrions en effet généraliser ce mécanisme dans le code du travail.

Le dispositif assure une meilleure répartition des temps d’activité entre les professionnels dans chaque association ou syndicat professionnel. Les deux articles de la proposition de loi comblent un manque et prennent en compte la longueur des études des moniteurs de ski, les stagiaires ayant besoin de travailler pour financer leur équipement, leur formation pratique, leur examen annuel et leur logement dans des zones où les loyers sont parfois très élevés en raison de la forte activité touristique saisonnière.

Ne faudrait-il pas introduire davantage de flexibilité dans la formation conduisant au diplôme d’État de moniteur de ski ? La durée du cursus va bientôt passer de onze à quatorze semaines, réparties sur deux cycles. En outre, plusieurs sessions de formation ont été scindées, ce qui contraint certains moniteurs de ski stagiaires à allonger leurs études d’un an alors que leur parcours est déjà très long.

M. Yannick Neuder (LR). Plutôt que de dire « La montagne, ça vous gagne », je constate que la montagne est transpartisane. Je tiens à vous remercier, madame la rapporteure, pour votre engagement et votre travail au service de nos territoires voisins, ainsi qu’Émilie Bonnivard, qui suivi ce texte pour notre groupe.

Nous, élus de la montagne ou de territoires proches de celle-ci, avons rapidement compris l’intérêt d’aller au bout de la loi de 2014. Nous sommes nombreux à chérir la proximité des montagnes et à avoir reçu un enseignement aux sports de glisse, souvent bien plus tôt que les autres Français. L’Isère compte pas moins de vingt et une stations de ski, réparties dans les quatre massifs de Belledonne, de la Chartreuse, du Vercors et de l’Oisans.

Je suis fier de soutenir ce texte, qui vise à inclure les jeunes moniteurs de ski stagiaires dans le mécanisme de réduction d’activité. Il est en effet aberrant que ces moniteurs, dont la formation dure sept ans et qui travaillent donc durant leur cursus, soient exclus du dispositif. Une part significative du succès des montagnes françaises repose sur les efforts des hommes et des femmes qui y travaillent. Le système de solidarité intergénérationnelle pourrait être transposé dans d’autres secteurs – je pense en particulier à celui de la santé, en médecine libérale comme à l’hôpital.

Les 17 000 moniteurs de ski français, diplômés et considérés comme des travailleurs indépendants, jouent un rôle essentiel dans le dynamisme du tourisme hivernal. Ils accordent souvent une grande importance à la transmission, d’autant que ce métier, qui s’exerce par passion pour le ski, est souvent exercé par plusieurs membres d’une même famille. L’activité étant soumise aux aléas de l’enneigement et de la fréquentation touristique, les moniteurs ont souvent besoin de revenus complémentaires. Nous soutiendrons naturellement cette proposition de loi de protection sociale et patrimoniale.

Mme la rapporteure. Je vous remercie de soutenir unanimement la proposition de loi que je vous soumets aujourd’hui. L’adoption de ce texte enverra un message fort à la profession.

Plusieurs d’entre vous ont souligné la longueur du cursus et le degré d’exigence élevé du diplôme d’État. Madame Corneloup, le rallongement de la durée de formation découle du fait que la profession de moniteur de ski est classée à risque car elle est pratiquée dans un environnement considéré à risque : la montagne. La formation doit effectivement être exigeante.

Ma circonscription compte dix-sept des vingt et une ou vingt-deux stations de ski de l’Isère : la plus petite n’a qu’une seule remontée mécanique quand les plus grandes, situées dans le massif de l’Oisans comme Alpe d’Huez et Les Deux Alpes, possèdent un très grand domaine skiable. Les montagnards, notamment les professionnels, ont toujours su s’adapter et ils continuent de le faire, aujourd’hui, face au changement climatique que beaucoup d’entre vous ont évoqué. Les moniteurs de ski sont des hommes et des femmes passionnés par leur métier, qu’ils exercent avec beaucoup d’exigence. Ils partagent leur connaissance du milieu montagnard, ce qui est très important pour une bonne pratique de la montagne, en toute saison, notamment l’été où de plus en plus de personnes la fréquentent sans la connaître ni la respecter suffisamment.

Les moniteurs ont souvent une autre activité, dans les secteurs du bâtiment, de la menuiserie ou de l’agriculture. L’activité de moniteur fournit un soutien financier indispensable dans les petites exploitations de montagne, qui ne seraient pas viables sans ces revenus. Dans ma circonscription, de nombreux agriculteurs me disent qu’ils ne pourraient pas conserver leur exploitation sans leur activité hivernale de monitorat.

Vous avez tous noté dans vos interventions que les moniteurs de ski français jouissaient d’une très bonne réputation à l’étranger. De nombreux pays envient effectivement notre diplôme d’État.

Effectivement, monsieur Dharréville, le système intergénérationnel est avant tout solidaire. Lorsqu’un client entre dans une école de ski, l’heure de cours est attribuée aux moniteurs dans l’ordre de leur ancienneté. Sans le dispositif intergénérationnel, les moniteurs diplômés de longue date seraient toujours servis les premiers dans les périodes où la demande est moins forte, c’est-à-dire en janvier et en mars – lors des vacances de février, la question ne se pose pas car les moniteurs ne sont pas assez nombreux. Or les moniteurs stagiaires doivent payer leurs études – certains préparent en parallèle d’autres diplômes d’État leur permettant de travailler, par exemple, pendant la période estivale – et surtout, ils doivent acquérir de l’expérience, qui se construit au fil des heures de cours.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué la possibilité de faire de ce système de transmission des savoirs et des compétences un exemple pour d’autres métiers. Peut-être devrions-nous travailler, de manière collective et transpartisane, à une telle évolution vertueuse. Il conviendrait en effet de lever les freins qui empêchent l’instauration d’un mécanisme comparable de solidarité intergénérationnelle dans d’autres filières professionnelles. Les moniteurs ont joué un rôle d’avant-garde : apportons-leur un soutien massif en adoptant à l’unanimité cette proposition de loi.

Article 1er : Faire bénéficier les moniteurs de ski stagiaires de la redistribution d’activité résultant de la mise en œuvre du mécanisme de réduction d’activité des moniteurs de ski seniors institué par la loi du 26 mai 2014

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1 et AS2 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Garantir aux seuls moniteurs de ski diplômés la redistribution d’un minimum d’heures résultant de la réduction d’activité des moniteurs seniors permettant de valider au moins deux trimestres d’assurance vieillesse

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Titre

Amendement AS3 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme la rapporteure. Il convient de supprimer le mot « progressive » de l’intitulé de la proposition de loi, afin de rendre celui-ci cohérent avec le titre de la loi du 26 mai 2014.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

La réunion s’achève à dix heures vingt-cinq.

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la proposition de loi figurant dans le document annexé au présent rapport.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b2381_texte-adopte-commission#

 

 

 


ANNEXE  1 :
Liste des personnes auditionnÉes par lA rapporteurE

(Par ordre chronologique)

 Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique  Direction générale des entreprises – M. Guillaume Decorzent, sous-directeur des services marchands

 Syndicat national des moniteurs du ski français (SNMSF) * MM. Éric Brèche, président, et Jean-Marc Simon, directeur général

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


ANNEXE  2 :
LISTE DES contributions Écrites ADRESSÉes
À lA rapporteurE

       Ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques Direction des sports

 


Annexe n° 3 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

    

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Loi n° 2014-529 du 26 mai 2014

1er

2

Loi n° 2014-529 du 26 mai 2014

2

 

 


([1]) Au cours de sa réunion du 5 mars 2024.

([2]) La Conférence des présidents a décidé que l’examen du texte aurait lieu selon la procédure de législation en commission (PLEC) prévue aux articles 107-1 à 107-3 du Règlement.

([3]) Loi n° 2014-529 du 26 mai 2014 visant à mettre en place un dispositif de réduction d’activité des moniteurs de ski ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l’activité des nouveaux moniteurs.

([4]) Domaines skiables de France, Indicateurs et analyses 2023, septembre 2023.

([5]) Article D. 212-67 du code du sport.

([6]) Article L. 212-1 du code du sport.

([7]) Arrêté du 28 septembre 2023 relatif à la formation spécifique du diplôme d’État de ski-moniteur national de ski alpin et ses activités dérivées.

([8]) Données transmises à la rapporteure par le Syndicat national des moniteurs du ski français (SNMSF).

([9]) https://www.ecoledeski.fr/

([10]) Article L. 611-1 du code de la sécurité sociale.

([11]) Article L. 640-1 du code de la sécurité sociale.

([12]) Article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

([13]) Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

([14]) Article 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 précitée.

([15]) Délibération n° 2010-265 du 29 novembre 2010 relative aux restrictions fondées sur l’âge imposées à des moniteurs de ski dans l’exercice de leur activité professionnelle.

([16]) TGI d’Albertville, chambre civile, jugement du 21 février 2012.

([17]) TGI de Grenoble, chambre civile, jugement du 18 mars 2013.

([18]) En application de l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale.

([19]) La mise en œuvre du dispositif ne constitue pas une obligation pour les écoles de ski. Toutefois, celles qui souhaitent mettre en application un système de réduction d’activité pour les moniteurs ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite sont tenues de le faire dans le cadre défini par la loi du 26 mai 2014.

([20]) Le II de l’article 2 de la loi n° 2014-529 du 26 mai 2014 précitée apporte la précision selon laquelle « [a]ucune réduction ne s’applique à l’activité des moniteurs de ski faisant suite à une sollicitation à titre personnel par la clientèle soit directement, soit par l’intermédiaire de l’école de ski à laquelle ils appartiennent ».

([21]) La validation d’un trimestre d’assurance vieillesse suppose de dégager un revenu soumis à cotisations égal à 150 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) horaire brut (article D. 643-3 du code de la sécurité sociale).

([22]) Cour de cassation, chambre sociale, 17 mars 2015, 13-27.142, publié au bulletin.

([23]) Délibération n° 2010-265 du 29 novembre 2010 relative aux restrictions fondées sur l’âge imposées à des moniteurs de ski dans l’exercice de leur activité professionnelle.

([24]) TGI d’Albertville, chambre civile, jugement du 21 février 2012 ; TGI de Grenoble, chambre civile, jugement du 18 mars 2013.

([25]) Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

([26]) Article L. 1133-2 du code du travail.

([27]) Loi n° 2014-529 du 26 mai 2014 visant à mettre en place un dispositif de réduction d’activité des moniteurs de ski ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l’activité des nouveaux moniteurs.

([28]) Arrêté du 28 septembre 2023 relatif à la formation spécifique du diplôme d’État de ski-moniteur national de ski alpin et ses activités dérivées.

([29]) Loi n° 2014-529 du 26 mai 2014 visant à mettre en place un dispositif de réduction d’activité des moniteurs de ski ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l’activité des nouveaux moniteurs.

([30]) Loi n° 2014-529 du 26 mai 2014 visant à mettre en place un dispositif de réduction d’activité des moniteurs de ski ayant atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite, afin de favoriser l’activité des nouveaux moniteurs.

([31]) https://assnat.fr/BJfcGV