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N° 1266

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 avril 2025

 

 

RAPPORT

 

 

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION de loi, adoptÉe par le sÉnat,

 

relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle,

 

Par Mme Virginie DUBY-MULLER et M. Jérémie PATRIER-LEITUS,

 

Députés.

 

 

——

AVIS

 

FAITS

 

 

AU NOM DE
LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

par M. Bruno FUCHS,
Député

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

 

par M. Denis MASSÉGLIA,
Député

 

Voir les numéros :

Sénat :               545, 693, 694 et T.A. 132 (2022‑2023).

Assemblée nationale :               118.


SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

I. Une réforme d’intérêt général : préserver l’excellence du service public audiovisuel

II. Mener à terme la réforme de l’audiovisuel public

III. Les dispositions du chapitre II

commentaire des articles

Chapitre Ier Réforme de l’audiovisuel public

Article 1er Création de la société holding France Médias et transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme

Article 1er bis Inscription des missions de TV5 Monde dans la loi du 30 septembre 1986

Article 2 Détention par l’État de l’intégralité du capital de la société holding  France Médias

Article 3 Nouvelle gouvernance du secteur public de l’audiovisuel

Article 4 Dispositions de coordination au sein de la loi du 30 septembre 1986

Article 5 Création des conventions stratégiques pluriannuelles et allocation des ressources de l’audiovisuel public

Article 6 Dispositions de coordination au sein de la loi du 30 septembre 1986

Article 7 Transformation de l’INA en société anonyme

Article 8 Création de la société France Médias et mise en place de sa gouvernance

Article 9 Date d’entrée en vigueur des dispositions relatives à l’audiovisuel public

Chapitre II Préservation de notre souveraineté audiovisuelle

Article 10 Événements sportifs d’importance majeure

Article 11 Définition des services d’intérêt général et de leur visibilité appropriée

Article 11 bis A Part minimale d’investissement consacrée à l’information

Article 11 bis  Modernisation de la plateforme TNT avec l’expérimentation de l’ultra-haute définition (UHD)

Article 11 ter Exemption des services distribués par contournement de l’obligation de reprise du signal

Article 12 Conditions d’autorisation par l’Arcom d’un changement dans le contrôle du capital d’une chaîne autorisée par convention à émettre sur la TNT

Article 12 bis Mesures d’audience par des organismes tiers

Article 13  Exclusion des mandats de commercialisation de la définition de la production audiovisuelle indépendante

Article 13 bis  Autorisation d’une troisième coupure publicitaire pour la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles de longue durée et la diffusion de bandes annonces pour les programmes

Article 14 Développement des services interactifs sur la TNT

Article 14 bis Développement de l’ultra haute définition

Article 15 Développement de la radio numérique terrestre

avis fait au nom de la commission des affaires étrangères

avis fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale, et du contrôle budgétaire

travaux de la commission des affaires culturelles

Réunion du mardi 1er avril 2025 à 16 heures 30

Réunion du mercredi 2 avril 2025 à 15 heures

Réunion du mardi 8 avril 2025 à 16 heures 30

Réunion du mardi 8 avril 2025 à 21 heures

TRAVaux de la commission de la commission des affaires étrangères

TRAVaux de la commission de la commission des finances, de l’économie générale, et du contrôle budgétaire

ANNEXE  1: Liste des personnes ENTENDUEs par les rapporteurs de la commission DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Annexe n° 2 : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 


Avant-propos

I.   Une réforme d’intérêt général : préserver l’excellence du service public audiovisuel

Cela fait désormais dix ans que la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public est en réflexion. En effet, le regroupement des forces des sociétés nationales de programme – France Télévisions, Radio France, France Médias Monde – et de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) n’est pas une idée neuve.

Dès 2015, les sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux avaient préconisé de regrouper l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public au sein d’une nouvelle entité qui pourrait être dénommée « France Médias » et qui serait constituée au 1er janvier 2020 ([1]). Cette proposition était notamment motivée par un bilan des mutualisations entre les différentes entités de l’audiovisuel public jugé « mitigé ». Les sénateurs relevaient ainsi qu’au-delà de quelques exemples de coopérations engagées, « force est de constater que ce sont surtout la concurrence et les pratiques non coopératives qui dominent les rapports entre les sociétés de l’audiovisuel public ». Dans l’esprit des sénateurs, ces sociétés avaient vocation à être rassemblées au sein d’un seul et même groupe.

Déjà à l’époque, les administrations de tutelle de l’audiovisuel public, nombre de parlementaires et de personnalités de la société civile jugeaient indispensable d’amplifier les rapprochements, les synergies et les coopérations entre les organismes de l’audiovisuel public. Les apparences, souvent trompeuses, pourraient faire accroire au citoyen que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, et que le présent texte n’est qu’une énième réforme de structure, technocratique et superflue. D’ailleurs, les offres de programme de l’audiovisuel public ne sont-elles pas d’une grande qualité ? Les audiences, sur le linéaire comme sur les environnements numériques, n’en témoignent-elles pas ? En 2024, France Télévisions et Radio France représentent, sur leurs formats respectifs, environ 30 % des audiences ([2]). L’audiovisuel public est un rempart contre la désinformation, contre l’inculture, contre le divertissement facile et à bas coût, et ses missions de service public – informer, éduquer, divertir – n’ont jamais été aussi nécessaires, à l’heure où la désinformation prolifère sur les réseaux sociaux.

Dispersées, les offres de programme de l’audiovisuel public, en dépit de leur excellence, sont concurrencées par les grandes plateformes et font face à de nombreux défis. Les audiences, bien qu’élevées, sont vieillissantes : en 2023, 26 % des téléspectateurs de France Télévisions ont entre 50 et 64 ans, et 60 % ont plus de 65 ans ; ces proportions s’établissent à 30 % et 42 % respectivement pour l’ensemble du média télévision ([3]). Pour la même année, le public âgé de plus de 65 ans représentait une part de l’audience de chacune des antennes de Radio France (à l’exception de Mouv et de FIP) plus importante que la moyenne atteinte par l’ensemble du média radio (dans le détail : 26,3 % pour le média radio contre 38,9 % pour France Inter, 68,7 % pour France Musique, 40,1 % pour France Culture, 46,1 % pour France Bleu et 33,3 % pour France Info).

Les coopérations entre les entités du service public audiovisuel ne visent pas à détruire ce qui fonctionne, bien au contraire. Les deux projets phares de coopération entre Radio France et France Télévisions, franceinfo et ICI, peinent encore à trouver leur identité et leurs audiences. Leur développement souffre de retards et d’atermoiements préjudiciables, dont la principale cause réside dans le fait que ces sociétés ont des intérêts sociaux distincts. La responsabilité du législateur, seul compétent pour déterminer le cadre de gouvernance de l’audiovisuel public, est d’aider celui-ci à surmonter ces blocages, dans l’intérêt de tous, y compris des salariés. Pour ce faire, il convient, pour reprendre l’expression de M. Roch-Olivier Maistre, ancien président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) dont les rapporteurs saluent l’action, de « mettre un pilote dans l’avion » ([4]).

Une présidence commune exécutive permettra aux entités de l’audiovisuel public de dépasser son organisation en silo et de mener à bien les projets de coopération, éditoriale comme non éditoriale, nécessaires. Demain, le futur président-directeur général (PDG) de la société holding France Médias, dont les rapporteurs souhaitent qu’il soit également PDG du conseil d’administration de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’INA, déterminera les orientations stratégiques de ces sociétés.

L’intégration de France Médias Monde au périmètre de la future société holding, souhaitée par les rapporteurs, ne fait pas consensus (cf. infra). Le Parlement aura à trancher cette question.

L’audiovisuel public fonctionne bien ; l’ambition de la présente proposition de loi est de le faire fonctionner encore mieux et de le doter d’une organisation à même de le maintenir durablement au sommet du paysage audiovisuel français.

Il ne s’agit pas de faire des économies de moyens, mais d’améliorer la lisibilité des offres et des contenus de l’audiovisuel public, qui doit adapter son fonctionnement face à l’émergence de mastodontes de l’information et du divertissement, dotés de moyens colossaux, sans commune mesure avec ceux de la France.

II.   Mener à terme la réforme de l’audiovisuel public

La présente proposition de loi, dans sa rédaction résultant des travaux du Sénat, comporte deux chapitres. Le premier procède à une réforme de l’audiovisuel public, via la création d’une société holding dénommée « France Médias », qui serait chargée de définir les orientations stratégiques des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel – qui changerait alors de statut.

La proposition de loi reprend très largement les dispositions de l’article 59 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2019. Adopté par la commission des affaires culturelles et de l’éducation début mars 2020, son examen avait été abandonné du fait de l’épidémie de covid-19.

L’article 59 de ce projet de loi proposait une nouvelle rédaction du titre III de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, relatif au secteur public de la communication audiovisuelle. Sans redéfinir les missions de service public des sociétés nationales de programme, la présente proposition de loi en reprend l’essentiel des dispositions : regroupement au sein d’une société holding qui détiendra l’ensemble du capital de ses sociétés filles, dispositions relatives à la gouvernance de l’audiovisuel public, substitution des conventions stratégiques pluriannuelles aux contrats d’objectifs et de moyens (COM), dispositions relatives à la répartition des ressources entre les filiales de France Médias, transformation de l’INA en société commerciale.

En mai 2024, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a examiné, et adopté, la présente proposition de loi. Du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale, intervenue le 9 juin 2024, celle-ci n’a pas pu être examinée en séance publique.

Fin 2024, le Gouvernement a entendu inscrire la proposition de loi, une nouvelle fois, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Le texte devait être examiné en commission les 10 et 11 décembre 2024. Cependant, cet examen a été annulé du fait de l’adoption par l’Assemblée nationale, le 4 décembre 2024, d’une motion de censure contre le gouvernement de M. Michel Barnier, entraînant la démission de celui-ci.

Ces événements politiques sont regrettables en ce qu’ils créent, chez les salariés de l’audiovisuel public, un sentiment d’incertitude quant à leur avenir et leur futur cadre de travail. Il est désormais indispensable de conduire cette réforme à son terme.

III.   Les dispositions du chapitre II

Le chapitre II contenait des dispositions visant à préserver la souveraineté audiovisuelle de la France et à réduire les asymétries réglementaires entre les grandes plateformes et les acteurs traditionnels de l’audiovisuel.

L’article 12 visait ainsi à ramener de cinq à deux ans le délai préalable à l’autorisation de changement de contrôle de capital d’une chaîne après l’obtention de la fréquence d’émission auprès du régulateur. Il permettait également de passer outre la durée minimale d’autorisation d’émettre dès lors qu’il n’y a ni atteinte à l’impératif fondamental de pluralisme et à l’intérêt du public, ni d’objectif manifestement spéculatif constatés par l’Arcom. L’article 13 bis, quant à lui, visait à autoriser l’introduction d’une troisième coupure publicitaire pendant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles dont la durée excède deux heures et à permettre la diffusion de bandes annonces pour les programmes pendant les coupures publicitaires. Ces deux articles tendaient ainsi à alléger les contraintes pesant sur les acteurs de l’audiovisuel.

Plusieurs articles avaient pour objectifs de moderniser et d’accroître l’attractivité de la plateforme TNT. L’article 11 bis visait ainsi à porter de trois à cinq ans le délai prévu par l’article 30-1-1 de la loi du 30 septembre 1986 pour permettre au régulateur de délivrer de nouvelles autorisations d’émettre en ultra-haute définition à des chaînes déjà autorisées à le faire précédemment et à porter à sept ans la durée de ces autorisations temporaires. L’article 14 visait à développer les services interactifs sur la TNT (technologie HbbTV).

Les rapporteurs ont pris acte de la volonté du Gouvernement de supprimer l’ensemble des dispositions du chapitre II – suppression votée la commission en mai 2024 –, compte tenu de l’ampleur de la réforme de l’audiovisuel public proposée par le chapitre Ier, et du futur dépôt d’un projet de loi qui comportera des dispositions tendant à adapter le régime juridique applicable aux services de télévision et de radio, qui donnera suite aux conclusions des états généraux de l’information (EGI).

Les rapporteurs se sont accordés sur la suppression de certains articles du chapitre II, soit qu’ils étaient devenus obsolètes (l’article 11 sur les services d’intérêt général), soit qu’ils présentaient le risque de déstabiliser des réformes de structures trop récentes (l’article 13 sur la définition de la production indépendante), soit que leur rédaction demandait un travail de réflexion plus approfondi (l’article 11 ter sur la reprise du signal).

En revanche, les rapporteurs se sont prononcés en faveur du maintien de certains articles qui, compte tenu de leur objet, ne leur apparaissaient pas pouvoir figurer dans le futur texte traduisant les travaux des EGI, notamment ceux concernant le déploiement de la technologie UHD et de la radio numérique terrestre (DAB +).


commentaire des articles

Chapitre Ier
Réforme de l’audiovisuel public

Article 1er
Création de la société holding France Médias et transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme

L’article 1er crée la société holding France Médias, qui serait notamment chargée de définir les orientations stratégiques des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel (INA). Il transforme à cet effet celui-ci en société commerciale afin de lui permettre d’intégrer le périmètre de la holding. Enfin, il élargit la possibilité pour les sociétés de l’audiovisuel public de créer des filiales.

  1.   Les initiatives de coopération entre les sociétés et établissement de l’audiovisuel public : une montée en puissance ralentie par une organisation en silos

L’éclatement de l’audiovisuel public en six entités distinctes (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, INA, ARTE-France, TV5 Monde) ne lui permet pas de donner sa pleine mesure, à l’heure de la convergence numérique des médias et de la concurrence exercée par les grandes plateformes numériques, qui captent une part d’audience toujours plus grande. Ce constat, posé dès 2008 ([5]), a été réaffirmé à plusieurs reprises par différents rapports ([6]).

Dans l’étude d’impact accompagnant le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, déposé en 2019, le Gouvernement relevait que la dispersion de l’audiovisuel public constituait un handicap à plusieurs points de vue.

Extrait de l’étude d’impact annexée au projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique (p. 373)

À l’heure de la convergence numérique et de la globalisation, l’éclatement de ces sociétés constitue en effet un handicap puisqu’il :

– ne permet pas de répondre au défi du « média global » qui implique de proposer à tous les publics une offre de programmes riche et diverse, sous forme audio, vidéo et numérique, en direct ou à la demande, de plus en plus affranchie des frontières géographiques ;

– ne facilite pas la mise en commun de données d’audience qui permettrait une connaissance plus fine et plus approfondie des publics pour mieux les servir en proposant une offre susceptible de répondre à toutes leurs attentes ;

– empêche la constitution d’une taille critique seule à même de leur permettre de faire face à la concurrence exercée par les Gafan (Google, Apple, Facebook, Amazon et Netflix) ;

– ne permet pas la définition d’une vision stratégique partagée par l’ensemble des acteurs du secteur audiovisuel public. Les organismes qui le composent ayant chacun un objet social propre, la mise en œuvre de coopérations se heurte à des difficultés pratiques et juridiques, sources de lenteur et de complexité dans la mise en œuvre de projets.

La mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public précitée a formulé des conclusions similaires ([7]). Les projets de coopérations mis en œuvre par les sociétés de l’audiovisuel public, la mise en commun de certains investissements, rendus plus que jamais nécessaires par les bouleversements rapides du paysage audiovisuel mondial, demeurent insuffisants. Selon le président et le rapporteur de la mission d’information, la mise en œuvre des indispensables synergies dépendent trop souvent de la volonté, louable mais nécessairement contingente, des dirigeants de l’audiovisuel public. Ainsi, seule une réforme de nature institutionnelle, qui dotera les organismes de l’audiovisuel public d’une unité de gouvernance et de gestion, permettra de lever les obstacles au renforcement des coopérations.

L’insuffisance de celles-ci a été pointée successivement par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), puis par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à plusieurs reprises, notamment dans un avis du 15 janvier 2021 sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens (COM) des sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, dans lequel le régulateur regrettait « le manque d’ambition [des COM] en matière de synergies au sein de l’audiovisuel public et l’absence de structure de pilotage ou de coordination des chantiers communs ». Ce constat a été réitéré dans un avis du 7 octobre 2022 relatif au rapport d’exécution des COM ([8]), l’Arcom jugeant le bilan des coopérations « mitigé » et « la convergence TV-radio […] très en-deçà de la situation d’autres services publics européens ».

Dans leur rapport d’information précité, MM. Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier ont jugé les synergies insuffisantes tant sur le plan des partenariats éditoriaux que sur celui des fonctions support des entités de l’audiovisuel public, en dépit de l’inscription dans les COM 2020-2022 d’un objectif commun à l’ensemble des sociétés de « développer des synergies et des partenariats au sein de l’audiovisuel public » ([9]). Ainsi, les synergies de moyens sont qualifiées de « marginales » au sein du budget des entités (achats, schéma immobilier commun, collaborations en matière informatique, formation, etc.). S’agissant des coopérations stratégiques, le président et le rapporteur de la mission d’information ont constaté leur caractère laborieux, par exemple en ce qui concerne les collaborations initiées entre les antennes de France 3 et France Bleu. Ils ont ainsi relevé que la plateforme numérique ICI « [semblait] peiner au démarrage avec une juxtaposition de contenus mis à disposition du public sans effort satisfaisant de ligne éditoriale partagée », l’absence de conférences de rédaction communes ne favorisant pas la cohésion et le caractère facilement identifiable de cette nouvelle marque.

Depuis la publication du rapport d’information de MM. Bataillon et Gaultier, les chantiers de coopération ont continué à se déployer. Les achats communs aux organismes de l’audiovisuel public ont ainsi fortement progressé sur la période récente, passant de 17 marchés communs en 2019 à 52 marchés communs en 2023. Le montant de ces marchés s’élevait à 111 millions d’euros en 2023, contre 15,5 millions d’euros en 2017 ([10]). Les sessions de formation professionnelles délivrées par l’INA aux salariés de l’audiovisuel public ne cessent de progresser. Entre 2017 et 2023, le nombre d’heures de formation professionnelle communes assurées par l’INA est passé de 10 989 heures à 36 623 heures.

Dans son document préparatoire relatif à la réforme de l’audiovisuel public, le gouvernement met en avant la montée en puissance des coopérations éditoriales, comme le déploiement de matinales communes entre les réseaux régionaux de France 3 et France Bleu ([11]), dans le cadre du projet ICI, ou la poursuite du développement de l’offre d’information du média global franceinfo. Cependant, le gouvernement estime qu’il « demeure indéniable en dépit de ces premiers résultats que la structuration actuelle du secteur, divisé en entreprises distinctes, ne lui permet pas d’atteindre le plein potentiel des coopérations qui pourraient être développées en son sein ». De fait, la méthode des coopérations « par le bas » a montré ses limites, notamment dans la mise en œuvre du projet « ICI », marquée par des dissensions entre les directions de France Télévisions et Radio France. Il en résulte, selon le gouvernement, que « les coopérations éditoriales entre les deux réseaux restent relativement peu développées, souvent limitées aux matinales communes qui sont de la radio filmée et à des actions ponctuelles à l’occasion d’élections (des débats communs ont par exemple été organisés lors des élections municipales et législatives) ou d’événements sportifs ou culturels locaux et dépendent d’initiatives prises par les directions locales des réseaux plutôt que d’une démarche réellement systématique ».

Le gouvernement préconise donc de passer à la méthode du rapprochement par le haut, cette proposition ayant été également soutenue par quatre rapporteurs de l’Inspection générale des finances dans un rapport de mars 2024, relatif à l’accompagnement à la transformation de France Télévisions et Radio France ([12]) : « Un rapprochement par le haut (présidence commune, holding ou fusion) permettrait de lever le principal obstacle aux chantiers que la mission a étudiés : le fait que les sociétés aient des intérêts sociaux distincts. Il permettrait d’aller plus loin et plus vite sur les chantiers essentiels de l’information, en s’inspirant des meilleures pratiques étrangères, sur le rapprochement des réseaux de proximité, et sur le développement de synergies dans l’innovation et sur le numérique (notamment la mise en place de recommandations croisées entre les plateformes numériques des entreprises). »

Enfin, il peut utilement être rappelé que l’audiovisuel public français fait figure d’exception en Europe, la plupart des pays européens ayant adopté une organisation regroupant la radio et la télévision publiques au sein d’un même groupe. Seuls huit pays européens retiennent désormais une organisation séparant les activités de télévision et de radio : l’Allemagne, la Bulgarie, la France, la Lettonie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie et la Suède.

  1.   le regroupement de l’audiovisuel public au sein d’une société holding et la transformation de l’INA en société anonyme

Le présent article procède à la création de la société holding France Médias, modifie le statut de l’INA, qui deviendrait une société commerciale, et élargit le champ des filiales pouvant être créées entre les entités de l’audiovisuel public.

  1.   le regroupement de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’INA au sein d’une société holding

Le troisième alinéa du présent article insère, au sein du titre III de la loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, un article 43-12 relatif à la société France Médias. Cette société holding, qui détiendrait directement la totalité du capital de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’Institut national de l’audiovisuel, serait chargée de définir les orientations stratégiques des quatre entités précitées, et de veiller à la cohérence et à la complémentarité de leurs offres de programmes au service des missions de service public mentionnées à l’article 43-11 de la même loi. Pour l’accomplissement de ses missions, France Médias conduirait des actions communes et définirait des projets de développement intégrant les nouvelles techniques de diffusion et de production. En raison de leur régime juridique relevant du droit international, ARTE-France et TV5 Monde ne seraient pas intégrés au périmètre de la société holding France Médias ([13]).

Enfin, le nouvel article 43-12 prévoit que la société France Médias serait chargée, dans les conditions prévues à l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 ([14]), de répartir entre ses sociétés filles les ressources publiques dont elle serait affectataire. Le Parlement n’approuverait donc plus, conformément au premier alinéa du III de l’article 53, la répartition des ressources entre chacune des sociétés et établissement de l’audiovisuel public. Cette solution semble la seule à même de donner sa pleine mesure à la réforme de l’audiovisuel public. En effet, confier au Parlement le soin de répartir les ressources entre les sociétés filles de France Médias aurait privé cette dernière de leviers d’action effectifs pour orienter l’action de ses filiales, notamment sur le plan des coopérations éditoriales.

  1.   Le changement de statut de l’INA d’établissement public à société anonyme

En application du premier alinéa de l’article 49 de la loi du 30 septembre 1986, l’Institut national de l’audiovisuel est un établissement public de l’État à caractère industriel et commercial, chargé de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel.

Les alinéas 4 à 13 du présent article insèrent un paragraphe IV bis au sein de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986, consacré à l’INA. Ils reprennent la rédaction proposée par l’article 59 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, qui rassemblait les dispositions relatives à l’INA de la loi du 30 septembre 1986 (articles 49, 49-1 et 50) au sein d’un nouvel article 44-4. Les missions de l’INA demeurent inchangées par rapport au périmètre retenu par le projet de loi de 2020 :

– conservation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme ;

– exploitation des extraits des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme ;

– contribution à l’innovation et à la recherche dans le domaine de la production et de la communication audiovisuelle ;

– contribution à la formation continue et initiale et à toutes les formes d’enseignement dans les métiers de la communication audiovisuelle.

Afin de permettre à l’INA d’intégrer la société holding France Médias, le premier alinéa du paragraphe IV bis modifie le statut de l’établissement public, qui deviendrait une société anonyme.

À l’initiative de son rapporteur, la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat a adopté deux amendements précisant les missions de l’INA. Un premier amendement ([15]) a ainsi apporté plusieurs modifications à l’alinéa 6 de l’article premier, qui prévoit désormais que l’INA assure également la conservation des programmes des sociétés nationales de programme diffusés sur les services non linéaires. L’amendement a par ailleurs prévu que l’INA met à disposition de ces sociétés les archives qu’il conserve. L’INA aurait aussi pour mission de conserver l’ensemble des archives audiovisuelles des filiales des sociétés nationales de programme lorsqu’elles ont une activité d’édition de services ou une activité de production de programmes.

Un second amendement ([16]) a consacré la mission de l’INA en tant qu’il assure ou fait assurer la formation continue des personnels des sociétés de l’audiovisuel public.

  1.   la création de filiales par la société France Médias

L’article 44-1 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que les sociétés nationales de programme, afin de poursuivre des missions différentes de celles prévues à l’article 43-11 de la même loi, peuvent créer des filiales dont les activités sont conformes à leur objet social. À titre d’exemple, France Télévisions a créé cinq filiales :

– FranceTV Publicité, régie publicitaire de la société nationale de programme ;

– France Télévisions Distribution, filiale chargée de la commercialisation des œuvres audiovisuelles sur l’ensemble des supports médias ;

– France 2 Cinéma et France 3 Cinéma, filiales spécialisées dans la production de films ;

– France TV Studio, filiales spécialisées dans la production télévisuelle de magazines, documentaires et fictions.

Les alinéas 14 à 16 du présent article proposent une nouvelle rédaction de l’article 44-1, qui donnerait la possibilité à la société holding France Médias, à ses sociétés filles ainsi qu’à ARTE-France, de créer des filiales afin de poursuivre des missions qui leur sont assignées par le titre III de la loi du 30 septembre 1986, ainsi que des missions différentes de celles prévues par ledit titre III. Cette nouvelle rédaction vise à encourager la création de filiales communes entre les sociétés filles de France Médias, par exemple dans le domaine de la formation.

  1.   La position des rapporteurs
    1.   L’exclusion de France Médias Monde du périmètre de la société holding

Plusieurs amendements identiques ont été déposés par des députés, notamment par la commission des affaires étrangères, qui s’est saisie pour avis de la présente proposition de loi. Dans son avis, le rapporteur pour avis Bruno Fuchs, par ailleurs président de la commission des affaires étrangères, rappelle que France Médias Monde « fonctionne selon des modalités spécifiques et joue un rôle très différent de celui de France Télévisions ou Radio France », ce dont les rapporteurs ne disconviennent pas. Après avoir rappelé le rôle majeur de cette société pour le rayonnement de la France et de la francophonie à l’étranger, M. Fuchs considère que le projet d’intégration de France Médias Monde risquait de fragiliser les missions de celle-ci. Selon M. Fuchs, « l’idée même de faire des économies d’échelle par l’inclusion de ces acteurs, certes très spécialisés mais aussi peu dotés, dans un ensemble d’ores et déjà pesant plus de dix fois leurs dotations interroge ».

Les rapporteurs considèrent qu’un tel argument peut difficilement être soutenu. En effet, l’intérêt supérieur de la France réside dans la préservation d’un audiovisuel extérieur fort, capable de diffuser la langue et la culture françaises dans le monde, ainsi que les principes et valeurs démocratiques. Cet intérêt est d’autant plus vital à l’ère des fausses informations massivement diffusées sur les réseaux sociaux, où les hypertrucages – ou deep fakes – créés par des intelligences artificielles génératives donnent une force de frappe accrue à des puissances étrangères hostiles à la France. Alors que la guerre de l’information fait rage et que les tensions internationales sont de plus en plus fortes, les rapporteurs tiennent à saluer l’excellent travail réalisé par les équipes de France Médias Monde, qui édite la chaîne d’information internationale France 24, la radio Radio France Internationale (RFI) et la radio arabophone Monte Carlo Doualiya (MCD). Les bonnes audiences de France Médias Monde ([17]) sont d’autant plus remarquables que cette société subit de plein fouet les conséquences de la dégradation du contexte international, notamment la coupure de ses services par des gouvernements étrangers. France 24 et RFI ont ainsi subi une coupure le 27 avril 2022 au Mali et en Russie. Au Burkina Faso, RFI a été coupée en décembre 2022 et France 24 a été coupée en mars 2023. MCD a été coupée au Soudan et en Libye en avril 2023. France 24 et RFI ont été coupées au Niger. En août 2023, France 24 et RFI ont été momentanément suspendues au Gabon.

Dans ces conditions, on peut se demander pourquoi l’arrimage de France Médias Monde à la société holding France Médias conduirait à la remise en cause des missions et des moyens d’une société publique qui a fait la preuve de son professionnalisme, de sa résilience, et qui apparaît plus que jamais comme un outil nécessaire au maintien de l’influence française dans le monde.

Comme le relève M. Fuchs, les synergies entre France Médias Monde, d’une part, et France Télévisions et Radio France, d’autre part, sont d’ores et déjà une réalité. Les correspondants de RFI participent aux programmes de France Télévisions, un tiers de la grille des programmes de la chaîne d’information en continu Franceinfo est fourni par France 24, qui est notamment diffusée sur Franceinfo toutes les nuits de minuit à 6 heures 30. Sur les 25 % de programmes d’actualité française de France Médias Monde, 80 % proviennent de France Télévisions. L’intégration de FMM dans le périmètre de la holding, puis de la société unique, permettrait de renforcer encore ces coopérations et d’améliorer le traitement de l’information internationale sur Franceinfo, et de l’information nationale sur France 24.

Selon M. Fuchs, « l’absorption de France Médias Monde dans un ensemble où le groupe ne pèsera rien est un risque qu’il ne faut pas courir ». Tout au contraire, les rapporteurs pensent que France Médias Monde aurait tout à perdre en faisant cavalier seul. Au sein de la holding, la société pourrait bénéficier de la mise en commun des savoir-faire de chacun, notamment en matière numérique, sans que ses projets stratégiques soient remis en cause. Les rapporteurs ajoutent que France Médias Monde continuerait d’exister en tant qu’entreprise – le projet de regroupement de l’audiovisuel public français au sein d’une entreprise unique ayant été abandonné –, ce qui constituerait une garantie forte de préservation de sa spécificité.

Les rapporteurs n’ont pas non plus été convaincus par les arguments du gouvernement qui, dans le document préparatoire transmis aux rapporteurs, estime que l’intégration de France Médias Monde à la société holding risquerait d’alimenter les critiques de gouvernements étrangers sur le supposé manque d’indépendance de la société. Ces critiques, fallacieuses, sont d’ores et déjà exprimées dans le monde et l’indépendance de l’audiovisuel public par rapport à l’exécutif ne sera nullement remis en cause suite à l’adoption de la présente proposition de loi. Le gouvernement considère également que l’édition par France Médias Monde de contenus en langues étrangères, qui n’ont pas d’équivalent dans les rédactions d’information des autres entreprises du secteur public, plaide en faveur du maintien de France Médias Monde en dehors de la société holding. Là encore, les rapporteurs voient mal dans quelle mesure cette spécificité serait menacée en cas d’intégration de France Médias Monde à France Médias.

Pour ces raisons, les rapporteurs souhaitent que France Médias Monde demeure dans le périmètre de la société holding France Médias.

  1.   la précision des missions de l’INA

En première lecture, le Sénat avait apporté plusieurs modifications aux missions de l’INA s’agissant des relations entre cette entreprise et les sociétés nationales de programme. Certaines de ces modifications apparaissent imprécises, à l’instar de la disposition du nouveau paragraphe IV bis de l’article 43-12 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, qui prévoit que l’INA assure la mise à disposition des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programme auprès de ces dernières (deuxième phrase de l’alinéa 6). Le I de l’article 49 de la même loi prévoit déjà que l’INA assure la conservation de ces archives et contribue à leur exploitation, les modalités de celle-ci étant fixées par convention entre l’INA et chacune des sociétés nationales de programme concernées.

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Article 1er bis
Inscription des missions de TV5 Monde dans la loi du 30 septembre 1986

L’article 1er bis insère dans la loi du 30 septembre 1986 un article 44-2 consacré à la société TV5 Monde. Il en définit les missions et le fonctionnement.

Le présent article résulte de l’adoption d’un amendement ([18]) présenté en commission par le rapporteur du Sénat M. Jean-Raymond Hugonet.

Il insère un article 44-2 dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, qui dispose que TV5 Monde a pour mission principale de contribuer à la diffusion et à la promotion de la langue française, de la diversité culturelle de la francophonie et de l’expression de la créativité audiovisuelle et cinématographique, ainsi que des autres industries francophones dans le monde, notamment par la production, la programmation et la diffusion d’émissions de télévision ou l’édition de services de communication au public en ligne.

Le présent article reprend les dispositions de l’article 59 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, qui proposait une nouvelle rédaction de l’article 46 de la loi du 30 septembre 1986 visant à donner une base légale à la chaîne TV5 Monde. Il apporte cependant un complément aux missions de la chaîne, en prévoyant la possibilité pour TV5 Monde de produire des programmes.

Les rapporteurs saluent la consécration des missions de TV5 Monde opérée par le présent article. Cette société, détenue et financée par les entités de l’audiovisuel public de six États (la France, la Suisse, le Canada, le Québec, la Belgique et Monaco), constitue le principal vecteur de rayonnement de la francophonie dans le monde, particulièrement en Afrique où elle est notamment leader en République démocratique du Congo, avec une audience hebdomadaire à 62,1 % ([19]).

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Article 2
Détention par l’État de l’intégralité du capital de la société holding
France Médias

L’article 2 prévoit que l’État détient directement la totalité du capital de la société France Médias et soumet celle-ci, ainsi que ses filiales, à la législation sur les sociétés anonymes ainsi qu’aux dispositions en vigueur relatives aux sociétés à participation publique. Il place auprès de ces sociétés des commissaires du gouvernement.

  1.   L’affirmation du caractère public de la société France Médias

Le présent article, qui reprend les dispositions de l’article 51 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, propose une nouvelle rédaction de l’article 47 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986. Celui-ci dispose actuellement que l’État détient directement la totalité du capital des sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, et les soumet à la législation sur les sociétés anonymes.

Modifié par l’alinéa 2 du présent article, l’article 47 prévoit que l’État détiendrait directement la totalité du capital de la société France Médias.

Le deuxième alinéa du même article 47 (tel que modifié par l’alinéa 3 du présent article) soumettrait la société France Médias et ses filiales à la législation sur les sociétés anonymes inscrite dans le code du commerce, ainsi qu’à l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, sauf dispositions contraires de la loi du 30 septembre 1986. Il s’agit essentiellement des dispositions relatives aux opérations sur le capital. En outre, ce même alinéa prévoit que les statuts de ces sociétés seraient approuvés par décret.

Enfin, le troisième alinéa de la rédaction proposée pour l’article 47 (alinéa 4 du présent article) prévoit que des commissaires du gouvernement seraient désignés auprès des sociétés France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel, dans les conditions prévues à l’article 15 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014. Le commissaire du gouvernement, nommé dans des conditions fixées par voie réglementaire, assiste, avec voix consultative, aux séances du conseil d’administration de la société. Le cas échéant, il expose la politique du gouvernement dans le secteur d’activité de celle-ci.

  1.   la position des rapporteurs

En mai 2024, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avait adopté plusieurs amendements tendant à supprimer l’alinéa 4 du présent article relatif à la désignation de commissaires du gouvernement auprès des sociétés France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel, dans les conditions prévues à l’article 15 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014.

Outre le caractère malheureux de l’expression, qui fait planer un doute quant au respect de l’indépendance de ces sociétés, cette disposition n’apparaît pas nécessaire, la loi du 30 septembre 1986 prévoyant une composition qui assure déjà la présence de l’État dans les conseils d’administration. Par conséquent, les rapporteurs proposent de supprimer l’alinéa 4, afin de maintenir la composition dérogatoire à l’ordonnance précitée des conseils d’administration de France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’INA.

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Article 3
Nouvelle gouvernance du secteur public de l’audiovisuel

L’article 3 propose une nouvelle rédaction des articles 47-1, 47-2, 47-3, 47-4 et 47‑5 de la loi du 30 septembre 1986. Il définit la composition des conseils d’administration de la société holding France Médias et de ses filiales et détermine les modalités de nomination du président-directeur général de la holding et des directeurs généraux des filiales.

  1.   Une gouvernance en silos qui n’a pas pleinement fait la démonstration de son efficacité

La composition des conseils d’administration de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde est prévue par les articles 47-1, 47-2 et 47‑3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986. L’article 47-4 fixe les modalités de désignation des présidents de ces trois sociétés, nommés pour cinq ans par l’Arcom à la majorité des membres qui la composent. Les candidatures sont présentées au régulateur et évaluées par ce dernier sur la base d’un projet stratégique. Les nominations font l’objet d’une décision motivée se fondant sur des critères de compétence et d’expérience et interviennent trois à quatre mois avant la prise de fonctions effective. Enfin, l’Arcom peut retirer le mandat des présidents de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde par décision motivée.

Le rapport d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public de MM. Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier ([20]) a souligné les limites de l’organisation actuelle de l’audiovisuel public. En particulier, la désynchronisation des mandats des présidents des différentes sociétés ainsi que le non-alignement desdits mandats avec la durée des contrats d’objectifs et de moyens (COM) ne facilitent pas la définition et la mise en œuvre des projets prioritaires au sein de chaque organisme. L’émergence d’une vision stratégique commune à l’ensemble des sociétés nationales de programme apparaît ainsi, en pratique, difficile à assurer. Par ailleurs et en dépit de l’introduction dans les COM d’objectifs communs aux entités de l’audiovisuel public, l’absence de structure de pilotage des projets de coopération ne permet pas une mise en œuvre et un suivi efficaces de ces derniers.

Les insuffisances de la gouvernance de l’audiovisuel public ont été soulignées par plusieurs rapports, dont le rapport d’information de 2015 des sénateurs André Gattolin et Jean-Pierre Leleux ([21]). Critiquant le processus de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public, les rapporteurs relevaient ainsi que M. Matthieu Gallet, ancien président-directeur général de Radio France, avait été nommé en mai 2014 « sans connaître la réalité de la situation financière de Radio France », ce cas de figure s’étant reproduit au moment de la nomination de Mme Delphine Ernotte-Cunci, présidente-directrice générale de France Télévisions, qui n’avait, elle non plus, « pas eu accès aux données financières de la société au moment de sa candidature et n’a pas pu prendre l’exacte mesure de la situation de France Télévisions ».

  1.   une gouvernance rénovée, gage de rapprochement entre les entités de l’audiovisuel public
    1.   La composition des conseils d’administration
      1.   Le conseil d’administration de France Médias

Le présent article propose une nouvelle rédaction de l’article 47-1 de la loi du 30 septembre 1986. Les alinéas 2 à 8 prévoient que le conseil d’administration de la société France Médias comprendrait, outre le président-directeur général, onze membres, dont le mandat, d’une durée de cinq ans, serait renouvelable. Ses membres seraient les suivants :

– un député et un sénateur désignés par la commission permanente chargée des affaires culturelles de leur assemblée respective ;

– un représentant de l’État nommé dans les conditions prévues à l’article 4 de l’ordonnance n° 2014‑948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique ;

– deux administrateurs nommés dans les conditions prévues au II de l’article 6 de la même ordonnance ;

– deux personnalités indépendantes nommées par décret, après avis conforme de l’Arcom, dont l’une est chargée de veiller à l’impartialité de l’information ;

– deux personnalités indépendantes désignées par le conseil d’administration de la société, dont l’une au moins bénéficie d’une expérience reconnue à l’international, après avis conforme de l’Arcom ;

– deux représentants des salariés élus en application du chapitre II du titre II de la loi n° 83‑675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

La présence au sein du conseil d’administration de France Médias d’une personnalité indépendante bénéficiant d’une expérience reconnue à l’international a été proposée en commission par le rapporteur du Sénat Jean-Raymond Hugonet ([22]). Ce dernier a préféré cette option à celle de la participation d’un représentant du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, afin d’« [ouvrir] la voie à des profils plus nombreux ayant des compétences à l’international ». La présence d’une personnalité indépendante chargée de veiller à l’impartialité de l’information résulte, quant à elle, de l’adoption en séance publique d’un amendement du sénateur David Assouline ([23]).

Un second amendement de M. David Assouline ([24]) a été adopté en séance publique par les sénateurs, afin de transposer dans la loi l’une des recommandations de la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration des médias ([25]). L’alinéa 22 du présent article prévoit ainsi désormais que les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat peuvent à tout moment auditionner l’administrateur indépendant chargé de veiller à l’impartialité de l’information au sein de la société France Médias et de ses filiales.

À la différence du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, adopté par la commission des affaires culturelles et de l’éducation en mars 2020, qui ne prévoyait pas la présence de parlementaires au sein du conseil d’administration, lesquels étaient remplacés par deux personnalités indépendantes nommées par décret après avis conforme de l’Arcom, le Sénat a fait le choix de maintenir un lien entre le Parlement et l’audiovisuel public, choix que les rapporteurs approuvent pleinement. Le maintien d’un lien entre l’audiovisuel public et la représentation nationale est essentiel à la bonne compréhension par le Parlement des enjeux du secteur.

Enfin, l’alinéa 9 du présent article dispose que le président-directeur général de la société France Médias préside les conseils d’administrations des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel.

  1.   Les conseils d’administration des filiales de France Médias

La nouvelle rédaction proposée pour l’article 47-2 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que le conseil d’administration de chacune des filiales comprendrait, outre le PDG de France Médias, neuf membres, nommés pour un mandat de cinq ans renouvelable :

 un député et un sénateur désignés par la commission permanente chargée des affaires culturelles de leur assemblée respective ;

 un représentant de l’État nommé dans les conditions prévues à l’article 4 de l’ordonnance n° 2014948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique ;

 un administrateur nommé dans les conditions prévues au II de l’article 6 de la même ordonnance ;

– deux personnalités indépendantes désignées par le conseil d’administration de la société France Médias, dont une parmi les personnes nommées au titre des 4° et 5° de l’article 47‑1 de la loi du 30 septembre 1986 ;

– deux représentants des salariés élus en application du chapitre II du titre II de la loi n° 83‑675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public ;

– le directeur général nommé dans les conditions prévues à l’article 47‑3 de la loi du 30 septembre 1986.

L’article 47-2 garantirait donc une autonomie fonctionnelle aux filiales de France Médias, dont la gestion quotidienne relèverait des directeurs généraux, et une gouvernance resserrée, via une réduction du nombre d’administrateurs. Actuellement, les conseils d’administration de France Télévisions et de France Médias Monde comprennent quatorze membres, et ceux de Radio France et de l’INA douze membres.

  1.   La nomination des dirigeants des sociétés de l’audiovisuel public
    1.   Le président-directeur général de France Médias

La rédaction initiale de la présente proposition de loi reprenait les dispositions du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, prévoyant une nomination pour cinq ans par décret délibéré en Conseil des ministres, sur proposition du conseil d’administration, après avis conforme de l’Arcom et après avis des commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, en application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Cette rédaction constituait un retour partiel au mode de nomination qui prévalut de 2009 à 2013 pour les présidents des sociétés nationales de programme, faisant intervenir dans le processus l’État actionnaire, le Parlement et le régulateur. Cependant, la rédaction initiale de la proposition de loi confiait au conseil d’administration de la société France Médias le soin de proposer un candidat. Ainsi, pour être nommé à la tête de France Médias, un candidat aurait dû recueillir l’assentiment du conseil d’administration, de l’État, du Parlement et du régulateur, soit un système garantissant ses qualités d’indépendance et de compétence.

À l’initiative du rapporteur Jean-Raymond Hugonet, le Sénat a adopté en séance publique un amendement ([26]) proposant une nouvelle rédaction de l’article 47-3 de la loi du 30 septembre 1986, qui prévoirait que le président-directeur général de la société France Média serait nommé pour cinq ans par l’Arcom sur proposition du conseil d’administration de la société. L’alinéa 19 du présent article 3 instituerait au sein du conseil d’administration un comité de nomination, chargé de veiller à garantir la transparence des critères de sélection, l’équité entre les candidats et la compétence des personnes dont il soumet les noms au conseil d’administration.

Aux termes de cette nouvelle rédaction, le comité de nomination devrait ainsi soumettre au moins deux noms au conseil d’administration.

Cet amendement visait, selon le rapporteur Jean-Raymond Hugonet ([27]), à simplifier le processus de nomination du président de la holding et à renforcer les garanties concernant le choix du candidat.

Les alinéas 20 et 21 résultent de l’adoption d’un amendement présenté en séance publique par le sénateur David Assouline ([28]). Cet amendement vise à assurer l’exercice satisfaisant, par le Parlement, de sa mission de contrôle, en lui garantissant un niveau suffisant d’information sur l’action du président-directeur général. Pour ce faire, il propose de transposer au sein du nouvel article 47-3 de la loi du 30 septembre 1986 deux procédures actuellement prévues à l’article 47-4. Ainsi, l’alinéa 20 prévoit que six mois avant la fin du mandat du président-directeur général de France Médias, l’Arcom rendrait un avis motivé sur les résultats de la société, au regard de son projet stratégique et de la convention stratégique pluriannuelle conclue avec l’État. Cet avis serait transmis aux commissions permanentes compétentes chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les commissions permanentes chargées des affaires culturelles pourraient ensuite procéder à l’audition du président-directeur général de France Médias sur la base cet avis. En outre, l’alinéa 20 prévoit que, dans un délai de deux mois après le début de son mandat, le présidentdirecteur général transmettrait aux mêmes commissions permanentes un rapport d’orientation stratégique. Les commissions permanentes chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat pourraient procéder à l’audition du présidentdirecteur général de la société France Médias sur la base de ce rapport.

Par ailleurs, le premier alinéa de la nouvelle rédaction proposée pour l’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986 (tel que modifié par l’alinéa 27 du présent article) prévoit les conditions dans lesquelles le mandat du président-directeur général de France Médias pourrait lui être retiré par l’Arcom à la suite d’une décision motivée du conseil d’administration de la société. Cet alinéa a fait l’objet d’une réécriture par le Sénat en séance publique (amendement n° 100 du rapporteur), afin de tenir compte de la nouvelle procédure de nomination du président-directeur général de la holding, résultant de l’adoption du même amendement (cf. supra). En application du dernier alinéa de l’article 47-4 (alinéa 29), le président-directeur général ne pourrait prendre part aux décisions conduisant au retrait de son mandat.

  1.   Les directeurs généraux des filiales

Le II de la nouvelle rédaction de l’article 47-3 (issue des alinéas               23 à 25 du présent article) dispose que les directeurs généraux des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel seraient nommés pour cinq ans par le conseil d’administration de chaque société, sur proposition de son président – c’est-à-dire le PDG de la société holding France Médias –, à la majorité des membres qui le composent et après avis conforme de l’Arcom.

Le choix des directeurs généraux des filiales, qui exerceraient la direction opérationnelle, relèverait donc de la responsabilité du président-directeur général de France Médias, afin de préserver la cohérence de la stratégie de l’audiovisuel public.

Pour rappel, le rapporteur Jean-Jacques Gaultier, dans le rapport d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public précité, avait proposé que les directeurs généraux des filiales soient nommés par leur conseil d’administration sur proposition de son président, à la majorité des membres et après avis simple de l’Arcom, « afin de laisser aux conseils d’administration des entités et au PDG de la holding le choix des personnes et des projets ».

L’alinéa 24 du présent article prévoit que si le conseil d’administration d’une filiale décide, sur proposition de son président, de ne pas reconduire le directeur général dans ses fonctions, il rend publique sa décision au plus tard quatre mois avant l’échéance de son mandat.

L’alinéa 25 prévoit que les directeurs généraux des filiales de France Médias sont aussi les directeurs de la publication, par dérogation au sixième alinéa de l’article 93-2 de la loi n° 86-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, en application duquel le directeur de la publication devrait être le président du conseil d’administration. Dès lors, les directeurs généraux de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, qui seraient responsables de la maîtrise de l’antenne, jouiraient d’une autonomie éditoriale dans leur action.

Le III de l’article 47-3 (alinéa 26) prévoit que les candidats au renouvellement de leur mandat ne prennent pas part aux procédures mises en œuvre par les conseils d’administration en la matière.

Le deuxième alinéa de l’article 47-4 (alinéa 28) dispose que le mandat des directeurs généraux des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel pourrait leur être retiré par le conseil d’administration de chaque société, sur proposition de son président, à la majorité des membres qui le composent et après avis conforme de l’Arcom. L’avant-dernier alinéa de l’article 47-4 (alinéa 29) prévoit que les directeurs généraux ne pourraient prendre part aux décisions conduisant au retrait de son mandat.

  1.   Dispositions relatives au fonctionnement des conseils d’administration

Le dernier alinéa de l’article 47-4 (alinéa 30) prévoit qu’en cas de vacance, pour quelque cause que ce soit, d’un ou plusieurs sièges de membre du conseil d’administration de France Médias ou de l’une de ses filiales, le conseil d’administration délibère valablement jusqu’à la désignation d’un ou des nouveaux membres, sous réserve du respect des règles du quorum. En cas de vacance, pour quelque cause que ce soit, de la présidence du conseil d’administration, le doyen d’âge des personnalités indépendantes exercerait les fonctions de président-directeur général.

La nouvelle rédaction proposée pour l’article 47-5 par le présent article (alinéa 31) dispose qu’en cas de partage des voix au sein du conseil d’administration de France Médias ou de l’une de ses filiales, la voix du président est prépondérante.

  1.   La position des rapporteurs

Les rapporteurs sont favorables au maintien en l’état de la composition des conseils d’administration, qui a démontré son efficacité et n’est pas remise en cause.

Ils sont également favorables à ce que le conseil d’administration de la société France Médias soit calqué sur celle du conseil d’administration de France Télévisions, à savoir :

– un député et un sénateur désignés par la commission permanente chargée des affaires culturelles de leur assemblée ;

– cinq représentants de l’État ;

– cinq personnalités indépendantes nommées par l’Arcom en raison de leur compétence. L’une de ces personnalités serait chargée de veiller à l’impartialité de l’information, comme proposé par le Sénat (cf. supra). Les rapporteurs souhaitent faire leur l’idée de leur collègue Céline Calvez, qui, en mai 2024, avait proposé que cette personnalité soit également chargée de veiller à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme ([29]) ;

– deux représentants des salariés élus en application du chapitre II du titre II de la loi n° 83‑675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public.

Les rapporteurs sont également favorables au passage d’une holding stratégique à une holding exécutive, c’est-à-dire à ce que le PDG de France Médias soit également le PDG de France Télévisions, de Radio France et de l’INA et non seulement le président du conseil d’administration, comme le prévoit le présent article (alinéa 9). Le PDG de France Médias doit avoir les moyens de veiller à ce que les grandes orientations stratégiques qu’il déterminera puissent se décliner de façon cohérente dans chacune des filiales. Pour ce faire, il importe qu’il soit doté des pouvoirs conférés aux directeurs généraux par le code de commerce, c’est-à-dire des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom des filiales, du pouvoir de représenter celles-ci avec les tiers, etc. ([30])

Sur proposition du PDG de France Médias, le conseil d’administration de chacune des filiales pourrait nommer une ou plusieurs personnes chargées de l’assister, avec le titre de directeur général délégué, conformément à l’article L. 225‑53 du code de commerce. En application du II de l’article L. 225-56 du code de commerce, l’étendue et la durée des pouvoirs des conférés aux directeurs généraux délégués seraient déterminées par le conseil d’administration des filiales, en accord avec le PDG de France Médias. Il n’est donc pas nécessaire de mentionner expressément cette possibilité dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.

Enfin, les rapporteurs souhaitent reprendre les dispositions du texte adopté par la commission des affaires culturelles et de l’éducation en mai 2024, qui prévoyait que le PDG de France Médias serait nommé par l’Arcom, aux termes d’une procédure transparente, ouverte, effective et non discriminatoire arrêtée par délibération de l’autorité. Cette décision serait prise à la majorité des membres qui composent l’Arcom. La nomination ferait l’objet d’une décision motivée se fondant sur des critères de compétence et d’expérience. Les candidatures seraient présentées au régulateur et évaluées par celui-ci sur la base d’un projet stratégique.

L’Arcom serait ainsi maintenue dans ses prérogatives, puisque l’actuelle rédaction de l’article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 prévoit que ,les présidents des trois sociétés nationales de programme sont nommés par le régulateur. Cette procédure de nomination semble la meilleure, bien que les rapporteurs aient envisagé de conserver la rédaction de l’article 47-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, dans sa rédaction résultant des travaux du Sénat (alinéas 19 à 21 du présent article). En effet, la procédure proposée par le Sénat faisait intervenir dans le processus de nomination le conseil d’administration de France Médias et l’Arcom, ce qui aurait permis de dégager un consensus large sur une personnalité reconnue pour sa compétence et son expérience. Cependant, la nomination du PDG de France Médias par l’Arcom présente toutes les garanties d’indépendance. De plus, le régulateur devra définir les modalités de la procédure de nomination dans une délibération, qui mettra en œuvre des principes de transparence, d’ouverture, d’effectivité et de non-discrimination. L’inscription de ces principes dans la loi vise à assurer le plein respect par la France des garanties procédurales découlant de l’article 5 du règlement européen sur la liberté des médias ([31]). Pour autant, il sera indispensable que la transparence de la procédure soit tempérée par la nécessité de garantir une équité complète entre les candidats, ce qui implique que l’Arcom puisse garder secrètes les candidatures, afin de permettre à des personnalités issues du secteur audiovisuel privé de candidater sereinement.

Article 4
Dispositions de coordination au sein de la loi du 30 septembre 1986

L’article 4 procède à plusieurs coordinations au sein de la loi du 30 septembre 1986, qui découlent de la création de la société France Médias. Il propose une nouvelle rédaction des articles 47-6 et 48-1-A, modifie les articles 48, 48-1, 48-2, 48-3, 48-9 et 48-10. Il abroge les articles 49, 49-1 et 50.

La nouvelle rédaction proposée par le présent article (alinéas 2 et 3) pour l’article 47-6 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, qui mentionne les sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE-France et l’INA, vise à ajouter une référence à la société France Médias.

La modification de l’article 48 (alinéa 4) prévoit qu’un cahier des charges définira les obligations de la société holding France Médias, selon les mêmes modalités que pour France Télévisions, Radio France et France Médias Monde.

Les alinéas 5 et 6 du présent article proposent une nouvelle rédaction de l’article 48-1-A, qui vise à étendre aux futures filiales de service public éditrices de services l’interdiction d’accorder un droit exclusif de reprise de leurs programmes diffusés par voie hertzienne terrestre, interdiction aujourd’hui applicable à France Télévisions et Radio France.

L’alinéa 7 modifie l’article 48-1 relatif aux modalités de mise en demeure, par l’Arcom, de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, afin de l’étendre à la société France Médias et aux filiales éditrices de services.

L’alinéa 8 procède à une coordination de même nature.

Enfin, l’alinéa 9 abroge les articles 49, 49-1 et 50 relatifs à l’INA, les dispositions de ces articles ayant été transférées par l’article premier de la présente proposition de loi dans un nouveau paragraphe IV bis au sein de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986.

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Article 5
Création des conventions stratégiques pluriannuelles et allocation des ressources de l’audiovisuel public

L’article 5 propose une nouvelle rédaction de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986, qui vise à substituer aux contrats d’objectifs et de moyens conclus entre l’État, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE-France et l’Institut national de l’audiovisuel, des conventions stratégiques pluriannuelles, qui seraient conclues entre, d’une part, l’État et, d’autre part, la société holding France Médias et ARTE-France, chacune pour ce qui la concerne. Le présent article détermine également les modalités de répartition des ressources publiques entre les filiales de la société France Médias.

  1.   Les contrats d’objectifs et de moyens : des outils de pilotage insuffisants

L’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 dispose que l’État conclut des contrats d’objectifs et de moyens (COM) avec France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE-France et l’INA, pour une durée comprise entre trois et cinq ans ([32]).

Ces contrats doivent notamment déterminer, pour chaque entité de l’audiovisuel public, des engagements relatifs à l’accessibilité et à la diversité des programmes :

– pour garantir la diversité et l’innovation dans la création ;

– pour assurer l’adaptation des programmes de télévision (hors messages publicitaires) aux personnes sourdes ou malentendantes ;

– pour assurer la diffusion de programmes de télévision accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes au moyen de dispositifs adaptés ;

– concernant France Télévisions, pour inscrire des montants minimaux d’investissements dans la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue.

Les COM doivent également comporter des engagements relatifs à la gestion des entités de l’audiovisuel public :

– les axes prioritaires de développement ;

– le coût prévisionnel annuel des activités et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution et de résultats retenus ;

– le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;

– le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;

– les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix ;

– les axes d’amélioration de la gestion financière et des ressources humaines.

Les COM, qui mettent en œuvre le cahier des charges de chaque organisme, défini par décret, s’apparentent donc à des feuilles de route pour les entités de l’audiovisuel public. Ils sont négociés entre les ministères chargés de l’économie, du budget et de la culture et chacun des organismes de l’audiovisuel public. Afin de renforcer la responsabilité des dirigeants de l’audiovisuel public, la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a prévu qu’un nouveau contrat puisse être conclu après la nomination d’un nouveau président.

Avant leur signature, les COM sont transmis aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui peuvent formuler un avis dans un délai de six semaines à compter de la transmission. Ils sont également transmis à l’Arcom, qui formule un avis sur les COM des sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde.

En application du III de l’article 53, le Parlement approuve en loi de finances la répartition entre les organismes affectataires des ressources publiques retracées dans le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public.

Le VI de l’article 53 proscrit la publicité sur les antennes de France Télévisions entre 20 heures et 6 heures, cette interdiction étant contournée par le recours aux parrainages, comme plusieurs rapports l’ont mis en évidence, notamment le rapport d’information relatif à l’avenir de l’audiovisuel public ([33]). L’interdiction de publicité ne concerne que les antennes linéaires des chaînes, non les services délinéarisés proposés sur la plateforme france.tv.

Le paragraphe VI bis de l’article 53 interdit le recours à la publicité commerciale sur les chaînes de France Télévisions quinze minutes avant et après la diffusion de programmes destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans.

Les rapporteurs s’associent aux observations du rapporteur du Sénat Jean-Raymond Hugonet relatives à la portée des COM, selon lesquelles ceux-ci s’avéraient « peu pertinents pour mener à bien de véritables mutualisations ». Si l’introduction dans les derniers COM, portant sur la période 2020-2023, d’objectifs communs à l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public est à saluer en ce qu’elle a permis de rapprocher ces sociétés autour de priorités stratégiques renforcées, le bilan des coopérations demeure mitigé. Cette méthode de coopérations « par le bas » a permis des avancées concrètes, comme une intégration plus poussée du média global franceinfo et la mise en œuvre du projet de proximité ICI. Cette méthode n’a pas fait la preuve de son efficacité et ne permet pas de surmonter les dissensions entre les directions et les équipes de France Télévisions et Radio France, qui retardent la mise en œuvre des coopérations, dont l’ambition se trouve réduite. C’est ce qu’a souligné le gouvernement dans le document préparatoire relatif à la réforme de l’audiovisuel public transmis aux rapporteurs : « L’amplification des coopérations entre les deux réseaux dépend dans le cadre actuel d’une logique de négociation entre deux groupes dont les mandats sociaux des dirigeants sont différents. » De fait, les directions défendent d’abord – et cela est bien naturel – les intérêts de leur entreprise, qui ne correspond pas nécessairement à l’intérêt du public. Les administrations de tutelle, quant à elles, ne peuvent pas arbitrer, au quotidien, les différends entre France Télévisions et Radio France ; elles n’en ont ni le pouvoir, ni la légitimité. Dans ces conditions, bien qu’ils puissent définir des objectifs communs – ce qui était le cas des projets de COM 2024-2028 transmis au Parlement à l’automne 2024 –, les COM ne constituent que des outils à la portée limitée : ils ne peuvent permettre, à eux seuls, de résoudre les désaccords entre les équipes de France Télévisions et de Radio France.

  1.   la création des conventions stratégiques pluriannuelles : un futur outil de pilotage essentiel

Le présent article propose une nouvelle rédaction de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986, qui tend à substituer aux COM des conventions stratégiques pluriannuelles (CSP), conclues pour une durée de trois à cinq ans ([34]). Le dispositif proposé reprend les dispositions prévues par l’article 59 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. En lieu et place des cinq COM conclus avec France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE-France et l’INA, ne subsisteraient plus que deux conventions, conclues respectivement avec la société holding France Médias et ARTE-France. Dès lors, l’État pourrait définir, au cours de la négociation de la CSP, une vision stratégique unifiée de l’audiovisuel public.

  1.   Le contenu des conventions stratégiques pluriannuelles
    1.   La définition des orientations stratégiques et de la trajectoire de ressources des sociétés de l’audiovisuel public

Les CSP auraient pour objet de déterminer, pour la société holding France Médias et chacune de ses filiales :

– les orientations stratégiques et les axes prioritaires de leur développement ;

– le coût prévisionnel de leurs activités pour chacune des années concernées et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution et de résultats retenus ;

– les prévisions pluriannuelles de ressources publiques devant leur être affectées.

S’agissant de la société holding, une distinction serait opérée par la CSP entre :

– la part maximale que la holding conserverait afin de mener des missions propres ;

– la part que celle-ci serait chargée de répartir entre ses filiales ;

– la part que France Médias consacrerait à la conduite de projets d’intérêt commun à tout ou partie de ses filiales.

Aux termes de l’alinéa 11 du présent article, la CSP de France Médias déterminerait le montant des ressources propres de chacune des filiales, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage, les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix, les axes d’amélioration de la gestion financière et des ressources humaines et, le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l’équilibre financier. La CSP devrait également distinguer, au sein des ressources propres de la société France Médias Monde, celles accordées par les établissements publics de l’État concourant à la mise en œuvre de la politique de développement.

  1.   Le plafonnement des recettes publicitaires et de parrainage

À l’initiative de son rapporteur, la commission chargée de la communication du Sénat a introduit dans le texte un alinéa 10 qui confie le soin à la CSP de fixer un niveau maximal de recettes publicitaires et de parrainage, y compris digitales, aux sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, défini en fonction des montants de ressources publiques qui leur sont attribués.

L’origine de cette disposition est à rechercher notamment dans la préoccupation croissante des acteurs privés de l’audiovisuel. Si les recettes publicitaires de France Médias Monde sont peu élevées, il en va autrement pour celles de France Télévisions et de Radio France. De 2018 à 2022, les recettes publicitaires de France Télévisions sont ainsi passées de 347,7 millions d’euros à 392,8 millions d’euros ([35]). En 2023, ces recettes s’élevaient à 379,8 millions d’euros. En 2024, elles se sont établies à 451 millions d’euros, ce niveau historique s’expliquant par la tenue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

Dans ce contexte, les acteurs de l’audiovisuel privé réclament une diminution des recettes publicitaires de France Télévisions et de Radio France, comme l’a relevé l’Arcom dans son avis n° 2022-10 du 28 septembre 2023 relatif au rapport d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde pour l’année 2022. Si les recettes publicitaires de Radio France sont plafonnées (hors recettes numériques et messages d’intérêt général), celles de France Télévisions ne sont soumises à aucun plafond et apparaissent très dynamiques ces dernières années ([36]). Les acteurs de la radio privée, expriment régulièrement leur inquiétude quant à l’augmentation des recettes numériques de Radio France, qui les concurrencerait sur un marché contraint. Selon Mme Aurélie Brevan Masset, directrice des relations institutionnelles de NRJ Group, Radio France capterait 45 % du marché publicitaire numérique de la radio, alors même que, selon les résultats de l’étude précitée, les recettes publicitaires linéaires de ce média devraient poursuivre leur décroissance, sans que les recettes numériques compensent cette baisse. En 2030, les recettes publicitaires de la radio s’élèveraient à 650 millions d’euros, contre 699 millions d’euros en 2022, dont 70 millions d’euros de recettes numériques.

Les rapporteurs sont favorables à l’introduction dans le présent article du principe d’un plafonnement des recettes publicitaires de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde, en cohérence avec « l’objectif d’une diminution progressive de la publicité, sous toutes ses formes, sur les antennes télévisées comme radiophoniques du service public » exprimé dans le rapport d’information précité sur l’avenir de l’audiovisuel public et dans le récent rapport d’information de Mmes Céline Calvez et Sophie Taillé-Polian ([37]).

  1.   la conclusion des conventions stratégiques pluriannuelles et l’information du Parlement

L’alinéa 12 du présent article prévoit que les CSP, ainsi que leurs éventuels avenants, seraient transmis aux commissions permanentes chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui pourraient formuler un avis dans un délai de six semaines, soit une procédure similaire à celle en vigueur pour les COM.

Le paragraphe II de l’article 53 (alinéas 13 à 15) charge le conseil d’administration de France Médias et le conseil de surveillance d’ARTE-France d’approuver leur CSP et de délibérer sur leur exécution annuelle.

Les conseils d’administration des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel seraient, pour leur part, consultés, chacun en ce qui le concerne, sur le projet de CSP entre l’État et la société France Médias, ainsi que sur l’exécution annuelle de celle-ci.

De la même façon que, chaque année, les présidents des sociétés nationales de programme présentent, devant les commissions permanentes chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat, un rapport sur l’exécution du COM de la société qu’ils président, le présent article prévoit que les sociétés France Médias et ARTE-France devront présenter à ces mêmes commissions, avant l’examen du projet de loi de règlement du budget, un rapport sur l’exécution de leur CSP.

Le paragraphe III de l’article 53 (paragraphes 16 à 21) prévoit des modalités d’information complémentaires du Parlement. Chaque année, avant l’examen du projet de loi de finances, le Parlement serait informé de la répartition indicative, élaborée sur proposition de la société holding France Médias, des ressources publiques, entre la part que celle-ci conserverait aux fins de mener ses missions propres, celle qu’elle serait chargée de répartir entre ses filiales, et celle qu’elle consacrerait à la conduite de projets d’intérêt général commun à tout ou partie de ses filiales (cf. supra). Dans le cas où ces montants et leur répartition différeraient de la trajectoire pluriannuelle inscrite dans la CSP, le Parlement serait informé de la justification des écarts constatés.

Le paragraphe IV de la rédaction proposée pour l’article 53 (alinéa 22) prévoit qu’à compter du 1er janvier 2025, la société holding France Médias détermine la répartition des ressources publiques entre les trois parts susmentionnées.

  1.   les modalités de financement de l’audiovisuel public

Le paragraphe V de l’article 53 (alinéa 27) prévoit que la principale source de financement des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, INA, ARTE-France et TV5 Monde est constituée par une ressource publique de nature fiscale, pérenne, suffisante, prévisible et prenant en compte l’inflation. Les rapporteurs saluent l’introduction dans le présent article de cette disposition, qui constitue une garantie indispensable à la préservation de l’indépendance du service public audiovisuel. Par ailleurs, les rapporteurs rappellent que le règlement européen relatif à la liberté des médias, récemment adopté par les institutions européennes et d’application directe dans tous les États membres, dispose, en son article 5, paragraphe 3, que les États membres doivent veiller « à ce que les procédures de financement des fournisseurs de médias de service public soient fondées sur des critères transparents et objectifs préalablement établis. Ces procédures de financement garantissent que les fournisseurs de médias de service public disposent de ressources financières suffisantes, durables et prévisibles correspondant à l’accomplissement de leur mission de service public et leur permettant de se développer dans le cadre de celle-ci. Ces ressources financières sont de nature à permettre que l’indépendance éditoriale des fournisseurs de médias de service public est préservée. »

  1.   Dispositions diverses et de coordination

Le paragraphe VI du présent article (alinéas 28 et 29) reprend les dispositions des paragraphes VI et VI bis de l’article 53 en vigueur, relatives à l’encadrement de la publicité sur les antennes de France Télévisions, en particulier l’interdiction de la publicité entre 20 heures et 6 heures. Les rapporteurs s’associent au rapporteur du Sénat Jean-Raymond Hugonet pour réclamer une diminution de la publicité sur les antennes du service public, tant pour préserver le modèle économique de l’audiovisuel privé – qui se finance presque exclusivement par la publicité – que pour « conforter la logique de service public échappant aux logiques commerciales » ([38]).

Les paragraphes II et III du présent article (alinéas 30 et 31) procèdent à des coordinations au sein des articles 46 et 56-1 de la loi du 30 septembre 1986, afin de remplacer des références au COM par des références à la CSP.

  1.   La position des rapporteurs

En premier lieu, les rapporteurs souhaitent que la nouvelle rédaction de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, proposée par le présent article, prévoie un avis de l’Arcom sur la CSP de France Médias, de la même façon que le régulateur se prononce aujourd’hui sur les projets de COM de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde.

Les rapporteurs entendent également proposer plusieurs amendements tendant à renforcer le poids de l’avis que les commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat seront amenées à rendre sur les projets de CSP.

En effet, la future CSP de France Médias aura une importance déterminante. C’est elle qui indiquera la clef de répartition des ressources publiques entre chacune des filiales. Le Parlement ne pourra donc plus approuver en loi de finances la répartition entre les organismes affectataires des ressources publiques retracées dans le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public. Cependant, le Parlement sera informé, chaque année avant l’examen du projet de loi de finances, de la répartition indicative élaborée sur proposition de la société holding France Médias, des ressources publiques, entre la part que celle-ci conserverait aux fins de mener ses missions propres, celle qu’elle serait chargée de répartir entre ses filiales, et celle qu’elle consacrerait à la conduite de projets d’intérêt général commun à tout ou partie de ses filiales. Dans le cas où ces montants et leur répartition différeraient de la trajectoire pluriannuelle inscrite dans la CSP, le Parlement serait informé de la justification des écarts constatés.

S’il n’est pas souhaitable de donner au Parlement le pouvoir de répartir les ressources publiques entre les filiales, ce qui amoindrirait considérablement les leviers d’action de France Médias pour orienter l’action desdites filiales, il serait utile de renforcer la force de l’avis des commissions permanentes sur la future CSP de France Médias. Pour ce faire, les rapporteurs proposent que l’avis des commissions permanentes chargées des affaires culturelles devienne contraignant. Dans l’hypothèse où l’addition des votes négatifs dans chaque commission représenterait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions – soit la même majorité de blocage que celle prévue à l’article 13, alinéa 5, de la Constitution s’agissant de certaines nominations du Président de la République –, la CSP ne pourrait pas être signée par l’État et par France Médias. Un nouveau projet de CSP, tenant compte des remarques formulées dans l’avis des commissions, devrait alors être transmis. Il en irait de même pour la CSP d’ARTE-France. L’avis des commissions permanentes aurait ainsi une véritable portée, contrairement aux actuels avis sur les COM.

Les rapporteurs souhaitent également que les commissions permanentes disposent d’un délai allongé pour instruire les projets de CSP et rendre leur avis. Actuellement, ce délai est de six semaines, ce qui est très court et ne permet pas aux rapporteurs des actuels projets de COM de travailler dans de bonnes conditions. De fait, Mmes Céline Calvez et Sophie Taillé-Polian ont récemment rendu un avis sur les projets de COM 2024-2028 de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et INA, dans lequel elles ont regretté le caractère extrêmement contraint de leurs travaux : « Enfin, les rapporteures observent, et regrettent, que l’état du droit ne permette pas au Parlement de jouer un véritable rôle dans l’élaboration et le contrôle de l’exécution des COM. Les rapporteures ont dû examiner ces projets dans un délai extrêmement contraint : le délai de six semaines a commencé à courir le 1er octobre 2024 et le présent avis a été présenté en commission des affaires culturelles et de l’éducation le 6 novembre 2024. Les rapporteures ont ainsi disposé d’à peine plus d’un mois pour entendre l’ensemble des parties prenantes et analyser la situation sociale et financière de chacun des organismes de l’audiovisuel public, leurs grands objectifs stratégiques en matière d’information, de numérique, de proximité, etc., évaluer les moyens associés… cela durant l’examen du projet de loi de finances pour 2025. » ([39]) Dès lors, les rapporteurs souhaitent que les commissions permanentes puissent se prononcer dans un délai de huit semaines.

Enfin, les rapporteurs proposeront que les CSP, après leur signature, soient rendues publiques, dans un souci de transparence et d’accès du plus grand nombre aux enjeux de l’audiovisuel public.

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Article 6
Dispositions de coordination au sein de la loi du 30 septembre 1986

L’article 6 procède à deux coordinations au sein de l’article 57 de la loi du 30 septembre 1986, rendues nécessaires par la création de la société France Médias.

L’article 57 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 encadre l’exercice du droit de grève dans les sociétés nationales de programme.

Le 1° du présent article dispose que le préavis de grève doit parvenir au directeur général de la société concernée, et non plus au président de la société nationale de programme. Le 2° prévoit qu’il revient au même directeur général de prendre les mesures nécessaires à la continuité du service, et non plus au président de la société nationale de programme.

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Article 7
Transformation de l’INA en société anonyme

L’article 7 vise à transformer en société anonyme l’établissement public Institut national de l’audiovisuel (INA) afin de pouvoir l’intégrer à la société holding France Médias. Il prévoit les modalités de cette transformation.

  1.   La transformation de l’INA en Societé anonyme

L’INA est un établissement public de l’État à caractère industriel et commercial (Epic) chargé de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national ([40]).

Le I du présent article transforme l’INA en société anonyme à compter du 1er janvier 2024 ([41]) afin qu’elle soit incluse dans le périmètre de la holding. La transformation de l’INA en société anonyme permettrait de ne plus soumettre l’Institut au principe de spécialité requis pour les établissements publics, ceux-ci ne pouvant excéder le cadre de leurs missions déterminé par voie législative ([42]).

À la date de sa transformation, le capital de la société serait entièrement détenu par l’État, qui transférerait immédiatement les actions correspondantes à la société France Médias, conformément à l’article 8 de la proposition de loi (voir infra). Il est précisé que cette transformation n’emporterait ni création d’une personne morale nouvelle, ni cessation d’activité, ni conséquence sur le régime juridique auquel sont soumis ses personnels.

Les biens de l’établissement public INA relevant du domaine public seraient déclassés à la date de sa transformation et deviendraient la propriété de la nouvelle société anonyme INA. En application des dispositions de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, un bien doit en effet être la propriété d’une personne publique pour appartenir au domaine public, ce qui rend ce déclassement nécessaire.

Les biens de la société anonyme nécessaires à l’exécution ou au développement de ses missions de service public bénéficieraient d’une protection légale : l’État devra s’opposer à leur cession, à leur apport, ou à la création d’une sûreté sur ces biens, à moins que l’opération soit assortie de la condition qu’elle ne soit pas susceptible de porter préjudice à l’accomplissement de ces missions. La cession, l’apport ou la création d’une sûreté réalisé en méconnaissance de ces règles ou sans que l’État ait été en mesure de s’y opposer serait nul de plein droit. Les catégories de biens en cause et les modalités d’application de ces dispositions seraient déterminées par décret. Ces biens ne pourraient pas non plus faire l’objet d’une saisie.

La transformation de la forme sociale de l’INA n’aurait pas d’incidence sur les biens, les droits, les contrats, les obligations ou les autorisations conclus par l’Institut. Le transfert des biens aurait lieu à titre gratuit, ne serait pas taxé, et n’entraînerait aucune incidence sur les biens ou droits transférés.

Le cinquième alinéa détermine les dispositions transitoires relatives à la comptabilité de l’INA. Il est prévu que les comptes de l’exercice 2023 de l’établissement public INA soient approuvés par l’assemblée générale de la société. Le premier bilan de la société INA serait constitué à partir du bilan de clôture de l’établissement public à la date de sa transformation et du compte de résultat du premier exercice de la société, ouvert à la date de sa formation.

Le paragraphe II prévoit les dispositions transitoires relatives à la gouvernance de l’Institut. À la date de sa transformation, le président de l’Epic deviendrait de droit le président-directeur général de la société, puis directeur général une fois que la présidence serait confiée au président‑directeur général de France Médias, comme prévu à l’article 3 de la présente proposition de loi. Les autres administrateurs de l’établissement public deviendraient de droit administrateurs de la société anonyme, avant composition du nouveau conseil d’administration tel que prévu à l’article 3. La transformation de l’INA en société anonyme n’affecterait le mandat ni des représentants du personnel élus ni de ses commissaires aux comptes en cours à la date de cette transformation.

Par cohérence avec l’ensemble de ces dispositions, l’article 49 de la loi du 30 septembre 1986, qui fixe le statut de l’INA en tant qu’établissement public et définit ses missions, est abrogé par l’article 4 de la présente proposition de loi qui procède à diverses coordinations.

Au-delà des objectifs poursuivis par la constitution de la holding, la transformation de l’INA en société anonyme « devrait mettre fin à certaines rigidités en matière d’organisation interne inhérentes au statut d’EPIC et, partant, de générer de probables gains de productivité […] la réforme donnera à l’INA une agilité accrue pour mieux répondre aux évolutions rapides du secteur dans lequel il évolue. » ([43])

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

  1.   La position des rapporteurs

Certaines des dispositions de l’article 7 sont devenues obsolètes, le texte ayant été adopté le 13 juin 2023 par le Sénat. Il conviendra donc de décaler plusieurs dates, notamment la date d’entrée en vigueur de la transformation de l’INA en société anonyme, afin de prendre en compte la date d’adoption présumée de la présente proposition de loi. Une coordination devra également être effectuée à l’alinéa 5 portant sur l’approbation des comptes de l’établissement public et de la future société anonyme.

Les rapporteurs souhaitent préciser, au premier alinéa du présent article, que la transformation de l’INA en société anonyme n’aura pas de conséquences sur le régime fiscal de l’Institut. En outre, les rapporteurs soulignent la nécessité d’ajouter à la liste des prérogatives transmises par l’Epic à la société anonyme la capacité de l’INA de délivrer des diplômes au titre de ses activités de formation initiale en complétant le quatrième alinéa de l’article.

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Article 8
Création de la société France Médias et mise en place de sa gouvernance

L’article 8 prévoit les dispositions transitoires nécessaires à la création du groupe France Médias : création de la société, approbation des statuts et calendrier de la constitution progressive du conseil d’administration, attribution de la présidence‑direction générale à un doyen d’âge et désignation du premier président-directeur général de France Médias.

Cet article permet ainsi la mise en place de la gouvernance de France Médias, dont les modalités pérennes sont par ailleurs fixées par l’article 3 de la présente proposition de loi.

  1.   le regroupement de l’audiovisuel public dans une holding

Le I du présent article prévoit la création de la société France Médias le 1er janvier 2024. L’apport par l’État à la société France Médias de la totalité des actions des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel (l’établissement public INA étant transformé en société anonyme à l’article 7, voir supra) serait également réalisé le 1er janvier 2024. Ces dates devront être actualisées pour prendre en compte la date prévisible d’adoption définitive de la présente proposition de loi – adoptée en première lecture par le Sénat le 13 juin 2023 – par le Parlement.

Cet apport n’aurait aucune incidence sur les biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de ces sociétés et ne donnerait lieu à aucune taxation. Il serait réalisé à la valeur nette comptable des titres. Le rapport de la commission chargée de la communication du Sénat précise que « pour les opérations de transformation d’établissement public industriel et commercial en société anonyme, cette valeur nette comptable est généralement égale à la valeur totale des dotations reçues par l’établissement public et inscrites à ce titre au passif de son bilan. »

Le II du présent article précise que les statuts des sociétés France Médias et INA sont approuvés par décret, conformément aux dispositions de l’article 47de la loi relative à la liberté de communication telles que résultant des modifications prévues à l’article 2 de la présente proposition de loi, dans un délai de six semaines à compter de la constitution de la holding. Les statuts des sociétés nationales de programme – France Télévisions, Radio France et France Médias Monde – devraient être mis en conformité avec la loi à compter de la première nomination du président-directeur général de la société France Médias.

Le premier alinéa du III prévoit que sept des onze administrateurs de la société France Médias seront désignés au plus tard deux mois après la création de la société : il s’agit des parlementaires ‒ un député et un sénateur ‒, du représentant de l’État et des deux administrateurs désignés par l’État, ainsi que des deux personnalités indépendantes nommées par décret sur avis conforme de l’Arcom, dont l’une sera chargée de veiller à l’impartialité de l’information (voir commentaire de l’article 3).

Le deuxième alinéa du III prévoit de manière transitoire que la présidence et la direction générale de cette société seront assurées par le doyen d’âge des membres, parmi les deux personnalités indépendantes nommées par décret mentionnées au 4° de l’article 47-1. Le mandat de ce doyen d’âge prendrait fin dès la première nomination du président-directeur général de France Médias prévue à l’article 47-3.

Le troisième alinéa du III prévoit le mode de désignation des premiers représentants des salariés, par dérogation au 6° de l’article 47-1. Ceux-ci seraient désignés parmi le personnel des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA par chacune des deux organisations syndicales ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages en additionnant ceux obtenus au premier tour des dernières élections professionnelles organisées par ces sociétés. Ce mécanisme devrait permettre aux administrateurs représentant le personnel de participer pleinement aux opérations de mise en place du groupe.

Le quatrième alinéa du III dispose que, dans un délai d’un mois à compter de la première désignation des deux représentants des salariés, le conseil d’administration de la société France Médias désigne les deux personnalités indépendantes, dont l’une bénéfice d’une expérience reconnue à l’international, qu’il doit nommer sur avis conforme de l’Arcom.

Le rapport de la commission chargée de la communication du Sénat précise que le doyen d’âge aurait pour tâche, dans cette période transitoire, de déposer les statuts de France Médias avant leur approbation par décret et d’organiser la cooptation de ces deux membres indépendants désignés sur avis conforme de l’Arcom.

L’avant-dernier alinéa du III précise que durant cette période, le conseil d’administration délibère valablement sous réserve du respect des règles de quorum.

Enfin, le dernier alinéa du III prévoit que dans un délai de trois mois à compter de la désignation des deux personnalités indépendantes mentionnées au 5° de l’article 47-1, le conseil d’administration propose à l’Arcom la nomination du président‑directeur général de France Médias, dans les conditions déterminées au I de l’article 47-3 de la loi du 30 septembre 1986 telle que modifiée par l’article 3 de la présente proposition de loi.

Le IV prévoit qu’à compter de la première nomination du président‑directeur général de France Médias, les mandats des membres des conseils d’administration des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel prennent fin, à l’exception de ceux des représentants du personnel. Il précise également qu’à la date de cette première nomination, par dérogation à l’article 3 de la présente loi, les présidents des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l’audiovisuel deviennent, de façon transitoire, directeurs généraux de ces sociétés, jusqu’au 1er janvier 2025. Après cette date, les directeurs généraux seraient désignés selon les modalités prévues par l’article 3 de la présente proposition de loi.

Le V prévoit que le III de l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986, modifié par l’article 5 de la présente proposition de loi, entre en vigueur le 1er janvier 2025. Dans sa rédaction issue de l’article 5, ce III prévoit l’information annuelle du Parlement, en amont de l’examen du projet de loi de finances, de la répartition indicative des ressources publiques affectées à France Médias, entre la part que France Médias conserve pour ses missions propres, celles reversées à France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et à l’INA, et la part consacrée à la conduite de projets d’intérêt commun pour toutes les filiales. Cette entrée en vigueur différée s’appliquerait aussi dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle‑Calédonie et en Polynésie française selon le VI du présent article.

Par ailleurs, la présente proposition de loi s'appliquerait de plein droit dans les collectivités relevant de l’article 73 et 74 de la Constitution, soumises au principe de l’identité législative.

La commission chargée de la communication du Sénat a adopté un amendement du rapporteur de correction d’erreur matérielle ([44]). En séance publique, le Sénat a adopté, contre l’avis du gouvernement, un amendement du rapporteur de coordination avec les dispositions adoptées à l’article 3 qui substituent une nomination du président de France Médias par l’Arcom à celle initialement confiée au Président de la République ([45]).

  1.   La Position des rapporteurs

Comme pour l’article précédent, certaines dispositions sont devenues obsolètes. Il conviendra donc de décaler à nouveau plusieurs dates, notamment la date de création de la holding ainsi que les dates d’approbation des statuts des sociétés de l’audiovisuel public et de désignation des premiers représentants du personnel au sein du conseil d’administration, en considérant la date d’adoption présumée de la présente proposition de loi. Certaines coordinations devront être effectuées afin de prendre en compte le souhait des rapporteurs de confier la direction générale des sociétés-filles au président-directeur général de la société France Médias.

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Article 9
Date d’entrée en vigueur des dispositions relatives à l’audiovisuel public

L’article 9 prévoit une entrée en vigueur des dispositions relatives à l’audiovisuel public de la présente proposition de loi (articles 1 à 6, hors dispositions transitoires des articles 7 et 8) au 1er janvier 2024.

Le I actualise l’article 108 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 afin de prévoir que les modifications apportées par la présente proposition de loi seront applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Le II prévoit que, sous réserve des dispositions transitoires prévues aux articles 7 et 8, les articles 1 à 6 et le I du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2024.

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

Les rapporteurs souhaitent que l’entrée en vigueur de la loi soit repoussée au 1er janvier 2026 compte tenu de la date présumée d’adoption du texte par le Parlement.

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Chapitre II
Préservation de notre souveraineté audiovisuelle

Article 10
Événements sportifs d’importance majeure

L’article 10 vise à élargir aux plateformes le régime applicable aux chaînes de télévision en matière d’acquisition des droits de retransmission des événements d’importance majeure et à instituer une clause interdisant à un acteur extra-européen d’acquérir plus des deux tiers des matchs d’une même compétition.

  1.   Le déséquilibre entre plateformes numériques et chaînes de télévision nationales pour la diffusion d’événements sportifs d’importance majeure

Sur la période récente, l’acquisition des droits de retransmission d’événements sportifs par des plateformes ou des chaînes payantes spécialisées a réduit l’accès gratuit du public au visionnage de ces événements. Elle a également contribué à la hausse des droits de diffusion, profitable aux ligues et fédérations sportives mais pénalisante pour les chaînes du service public ou des sociétés privées à accès gratuit sur la télévision numérique terrestre (TNT).

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, en son article 20-2, dispose que « les événements d’importance majeure ne peuvent être retransmis en exclusivité d’une manière qui aboutit à priver une partie importante du public de la possibilité de les suivre en direct ou en différé sur un service de télévision à accès libre. » En conséquence, les chaînes payantes qui acquièrent les droits ont pour obligation de proposer la retransmission de ces événements d’importance majeure aux chaînes gratuites dans des « termes et conditions de marché équitables, raisonnables et non discriminatoires », selon les termes du décret du 22 décembre 2004 ([46]). Ce décret qui fixait initialement une liste de 21 événements d’importance majeure (EIM) en prévoit désormais 43, dans sa rédaction issue du décret n° 2024-1392 du 5 juillet 2024 ([47]). Cette liste comprend notamment un plus grand nombre de compétitions féminines et d’handisport, ainsi que de nouvelles disciplines sportives.

Pour pouvoir être qualifié d’EIM, un événement sportif doit satisfaire au moins deux des quatre critères prévus par la directive européenne 2010/13/UE « services de médias audiovisuels » :

‒ l’événement rencontre un écho particulier dans l’État membre ;

‒ il participe à l’identité culturelle nationale ;

‒ l’équipe nationale y participe s’agissant d’une compétition de sport collectif ;

‒ il fait traditionnellement l’objet d’une retransmission sur une télévision à accès libre et mobilise un large public dans l’État membre.

Les plateformes ne sont en tout état de cause pas soumises à cette obligation.

  1.   Le dispositif proposé permet de réduire les asymétries entre plateformes numériques et chaînes de télévision nationales

Le présent article vise à remédier à ces asymétries de concurrence.

Dans sa rédaction initiale, il étendait dans son paragraphe I l’obligation de proposer à des chaînes de télévision gratuites la cession de droits acquis sur des événements d’importance majeure à tous les services de communication audiovisuelle (au-delà donc des seuls services de télévision). Il prévoyait en outre que cette cession obligatoire des droits devait bénéficier aux chaînes gratuites de la TNT afin de pouvoir être largement accessible. En second lieu, le présent article visait dans son paragraphe II à préserver l’accès large du public à la diffusion des matchs de Ligue 1 « afin d’éviter les risques liés à la défaillance d’un acteur qui aurait acquis l’entièreté des droits de diffusion ». Il prévoyait ainsi que la commercialisation des lots ne puisse avoir pour effet d’attribuer plus des deux tiers des droits de diffusion en direct de l’ensemble des événements sportifs d’une même compétition directement ou indirectement à un candidat dont le siège social est situé en dehors de l’Union européenne ou qui se trouve sous le contrôle d’une entité dont le siège social n’est pas localisé dans l’Union européenne.

Toutefois, selon le rapporteur du Sénat, cette rédaction présentait « certaines faiblesses au regard du droit européen et du droit de la concurrence », qui ont abouti à l’adoption par la commission chargée de la communication du Sénat d’un amendement du rapporteur ([48]) supprimant le paragraphe I et proposant une nouvelle rédaction du paragraphe II. Le présent article fait désormais obligation aux fédérations sportives et aux organisateurs de compétitions sportives ainsi qu’à la ligue professionnelle (ou à la société commerciale qu’elle a créée) de veiller « à ce que les conditions de commercialisation des droits d’exploitation audiovisuelle dont ils sont les propriétaires prévoient notamment le respect, par tout candidat attributaire de droits d’exploitation audiovisuelle, des règles relatives à la retransmission des évènements d’importance majeure ainsi que de celles encadrant la publicité et le parrainage audiovisuels ».

Le présent article renvoie donc à la fédération sportive, à l’organisateur de compétitions sportives, ainsi qu’à la ligue professionnelle ou à la société commerciale qu’elle a créée, la responsabilité, lors de la commercialisation des droits, de s’assurer du respect, par tous les acquéreurs de droits (services de télévision ou plateformes), des règles de diffusion large des événements d’importance majeure.

En séance publique, le Sénat a en outre adopté, avec l’avis favorable de la commission mais contre l’avis du gouvernement, un amendement de M. David Assouline et des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) ([49]), qui insère un nouveau paragraphe I bis prévoyant que les ligues professionnelles, lors de la constitution des lots pour la commercialisation des droits ([50]), « attribuent aux services autorisés ne faisant pas appel à une rémunération de la part du public, un droit de diffusion d’extraits significatifs de leurs manifestations et de leurs compétitions, accompagnés de commentaires ». Selon son exposé sommaire, cet amendement a ainsi pour objet de réserver aux chaînes à accès libre un droit de diffuser dans leurs émissions (magazines ou autres programmes) des extraits des compétitions et manifestations sportives dont les droits d’exploitation ont été cédés.

En mai 2024, lors de l’examen de ce texte, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avait supprimé cet article.

  1.    La position des rapporteurs

Les rapporteurs rappellent que le paragraphe I bis est satisfait : cette possibilité existe déjà à l’article L. 333-7 du code du sport, en application du droit à l’information. En outre, la rédaction actuelle de cette disposition est plus complète que celle insérée par le Sénat au présent article. En effet :

 elle concerne non seulement la télévision, mais aussi la radio ;

 elle n’est pas limitée aux événements d’importance majeure ;

 elle prévoit la possibilité de diffuser des seuls commentaires audio ;

 elle impose l’identification, lors de la diffusion, du service cessionnaire du droit d’exploitation de la compétition sportive ;

 elle renvoie à l’Arcom le soin de fixer les conditions de diffusion des extraits, après consultation du Comité national olympique et sportif français et des organisateurs de manifestations sportives, ce qui a été fait dans une délibération de 2014 ([51]).

La rediffusion d’extraits des compétitions

Au titre du droit à l’information, toute chaîne peut rediffuser gratuitement des extraits – appelés « brefs extraits » – d’une retransmission de compétition sportive sur son antenne même si elle n’en détient pas les droits. Pour ce faire, il faut respecter plusieurs conditions :

– la diffusion doit avoir lieu après la fin de la première diffusion par le service détenteur des droits du programme au sein duquel sont prélevés ces extraits ;

– l’émission reprenant l’extrait doit être une émission d’information ;

– l’identité du détenteur des droits doit être clairement identifiée dans la diffusion de l’extrait, pendant une durée minimale de 5 secondes ;

– la durée des extraits est limitée selon la nature de la compétition sportive concernée ;

– les chaînes ayant recours à la diffusion de brefs extraits doivent assurer la diffusion d’un minimum de 24 disciplines sportives au titre de cette diffusion. Ce volume minimal tient compte de la diversité des pratiques sportives exposées (pratique masculine, féminine, adaptée).

Source : Arcom

Si cet article soulève des questions importantes, concernant notamment le déséquilibre rencontré par les chaînes de télévisions nationales face aux plateformes dans le cadre des rediffusions d’EIM, ces sujets ne paraissent pas devoir être traités à l’occasion d’un texte appelé à être recentré sur l’audiovisuel public. Les rapporteurs sont par conséquent favorables à la suppression de cet article.

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Article 11
Définition des services d’intérêt général et de leur visibilité appropriée

L’article 11 définit les services audiovisuels d’intérêt général et prévoit les modalités d’une visibilité appropriée des services et de leurs programmes sur les interfaces utilisateurs.

  1.   L’Arcom a récemment inclus les chaînes privées gratuites de la TNT dans la liste des services d’intérêt général qui doivent bénéficier d’une visibilité appropriée sur les interfaces des utilisateurs

L’article 7 bis de la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 sur les services de médias audiovisuels ([52]) prévoit que « les États membres peuvent prendre des mesures afin d’assurer une visibilité appropriée pour les services de médias audiovisuels d’intérêt général ».

Conformément au cadre déterminé par la directive, l’ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020, en insérant un nouvel article 20-7 dans la loi du 30 septembre 1986, a institué l’obligation pour les opérateurs les plus importants ([53]) et qui déterminent les modalités de présentation des services sur les interfaces utilisateurs (concrètement, les fournisseurs d’accès à internet, les fabricants de télévisions connectées ou les magasins d’applications) d’assurer la « visibilité appropriée » de tout ou partie des services d’intérêt général (SIG) et l’identification des éditeurs de ces services.

En application de cet article 20‑7, les SIG s’entendent comme les services édités par les entités de l’audiovisuel public – France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE‑France, la Chaîne parlementaire, l’INA – et par la chaîne TV5 Monde pour l’exercice de leurs missions de service public.

Il est prévu que cette visibilité appropriée peut notamment être assurée par une « mise en avant » sur la page ou l’écran d’accueil, dans les recommandations aux utilisateurs, dans les résultats de recherche par l’utilisateur ou encore sur les dispositifs de pilotage à distance des équipements donnant accès aux services de communication audiovisuelle (télécommandes). Les conditions dans lesquelles une visibilité appropriée est accordée aux SIG sont précisées par l’Arcom.

Après consultation publique, l’Arcom peut en outre ajouter d’autres services de communication audiovisuelle à la liste des SIG mentionnée par la loi, « de manière proportionnée et au regard de leur contribution au caractère pluraliste des courants et pensée et d’opinion et à la diversité culturelle ». Elle rend publique la liste de ces services.

Dans ce cadre, l’Arcom a mené deux consultations publiques, du 14 mars 2023 au 21 avril 2023 et du 12 juin au 13 juillet 2023, afin de recueillir l’avis des contributeurs intéressés (c’est-à-dire les éditeurs, les opérateurs d’interfaces, la Commission européenne ainsi que plusieurs des homologues européens de l’Arcom), respectivement, sur les mesures de visibilité appropriée et sur le périmètre des services susceptibles d’être qualifiés de SIG. Les synthèses de ces contributions sont disponibles sur le site internet de l’Arcom.

L’Arcom a adopté le 25 septembre 2024 deux délibérations, sur les modalités de mise en avant des SIG, d’une part, et sur la liste des SIG, d’autre part.

La première délibération précise les modalités de visibilité appropriées des SIG ([54]). En substance, elles visent à garantir que l’accès à un SIG ou à un environnement les regroupant ne peut être plus difficile que l’accès aux autres services de communication audiovisuelle accessibles depuis l’interface utilisateur.

La seconde délibération étend la liste des SIG ([55]) au-delà des services de l’audiovisuel public en incluant tous les services de télévision en clair et à vocation nationale diffusés par voie hertzienne terrestre (les chaînes gratuites de la TNT), ainsi que les services non linéaires mis gratuitement à disposition des utilisateurs (services de médias audiovisuels à la demande).

Dans une note publiée le 8 février 2024 ([56]), l’Arcom recommandait que ces mesures soient déployées sous la forme d’une application commune mise en place par les éditeurs concernés qui permette, depuis les écrans connectés, un accès rapide, simple et ergonomique aux SIG.

L’Arcom a précisé qu’elle procédera à une évaluation régulière du dispositif, qui pourra notamment conduire à une nouvelle évolution du périmètre des SIG.

  1.   Le présent article Étend le champ des SIG aux chaînes privées gratuites de la TNT et fixe les modalités de leur mise en avant

En premier lieu, le présent article étend le champ des SIG aux chaînes de la TNT (2° du présent article). La commission chargée de la communication du Sénat a adopté un amendement du rapporteur pour s’assurer que les groupes audiovisuels comportant des filiales éditant les programmes ne soient pas exclus ([57]).

En second lieu, il précise directement les modalités de la visibilité appropriée des SIG (3° du présent article).

D’abord il prévoit que le nombre d’actions nécessaires que doit accomplir l’utilisateur pour accéder aux SIG ne doit pas être supérieur au nombre d’actions nécessaires pour accéder aux services et programmes les mieux exposés sur l’interface utilisateur. Comme le précise le rapporteur du Sénat dans son rapport, « cette disposition a pour objectif de placer les chaînes de la TNT au même niveau de visibilité sur les interfaces utilisateurs que les plateformes de vidéo à la demande par abonnement ». La commission chargée de la communication du Sénat a cependant adopté un amendement du rapporteur ([58]) qui assouplit la disposition proposée en prévoyant que le nombre d’actions que doit accomplir l’utilisateur pour accéder aux SIG ne doit pas être supérieur de plus d’une action au nombre d’actions nécessaires pour accéder aux services et programmes les mieux exposés sur l’interface utilisateur. Cet amendement « vise à exposer le "bouton TNT" ou l’icône TNT au même niveau que les autres services proposés (plateformes) et non chacun des programmes et services qui composent ces services d’intérêt général qui seront accessibles à travers une action supplémentaire ».

Le présent article prévoit ensuite que l’Arcom détermine l’ordre d’affichage des services et des programmes d’intérêt général en tenant compte de trois critères :

– la numérotation logique des chaînes de la TNT de 1 à 27 ;

– les audiences des services diffusés par voie hertzienne terrestre ;

– la nécessité de favoriser l’accès à une offre de programmes culturels et éducatifs de qualité. La commission chargée de la communication du Sénat a adopté un amendement du rapporteur pour prévoir que ce critère inclut aussi la nécessité de favoriser l’accès à une offre de programmes francophones ([59]).

Par voie de conséquence, le 1° du présent article supprime le renvoi à l’Arcom pour définir les modalités de mise en œuvre de cette visibilité appropriée.

Il est enfin rappelé dans le dispositif que la présentation des services et des programmes retenue devra garantir l’identification de l’éditeur du service ou du programme mis en avant.

En séance publique, le Sénat a adopté le présent article sans modification supplémentaire.

En mai 2024, lors de l’examen de ce texte, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avait supprimé cet article.

  1.   La position des rapporteurs

Le dispositif prévu au présent article, adopté par le Sénat en juin 2023, se voit entièrement satisfait par les délibérations du 25 septembre 2024 de l’Arcom, lesquelles incluent en outre expressément les services gratuits de visionnage à la demande dans les SIG, ce qui n’est pas le cas de l’article 11. Le présent article ne paraît donc pas devoir être conservé, les rapporteurs sont favorables à sa suppression.

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Article 11 bis A
Part minimale d’investissement consacrée à l’information

L’article 11 bis A, introduit par le Sénat en séance publique, vise à introduire dans les conventions passées entre les services diffusés par voie hertzienne terrestre (autres que ceux exploités par les sociétés nationales de programme) et l’Arcom, sur le fondement de l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la mention obligatoire d’une part minimale d’investissement consacrée à l’information.

  1.   l’investissement dans l’information dans les conventions passées entre les diffuseurs et l’arcom

L’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication fixe un ensemble d’obligations et de conditions de validité aux conventions passées entre les services diffusés par voie hertzienne terrestre (autres que ceux exploités par les sociétés nationales de programme) et l’Arcom. Le respect des critères énoncés par l’article 28 conditionne la délivrance des autorisations d’usage de la ressource radioélectrique aux personnes demandant l’autorisation d’émettre.

Ces conditions, déjà nombreuses et diverses, couvrent un large spectre de mentions devant figurer dans les conventions, parmi lesquelles : les mesures propres à contribuer à l’éducation aux médias et à l’information ; la part du chiffre d’affaires consacrée à l’acquisition des droits de diffusion d’œuvres cinématographiques d’expression originale française ; les dispositions propres à assurer le respect de la langue française et le rayonnement de la francophonie ; la diffusion de programmes éducatifs et culturels ainsi que d’émissions destinées à faire connaître les différentes formes d’expression artistique.

L’article additionnel 11 bis A, introduit par un amendement de M. Pierre Assouline et des membres du groupe du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain en séance publique ([60]), vise à ajouter à cette liste la part minimale d’investissement consacrée à l’information prévue par le diffuseur demandant l’autorisation d’émettre. Il s’agit ainsi de mettre en lumière le rôle important des éditeurs de services audiovisuels dans la production et la diffusion de l’information.

L’article reprend une proposition de la commission d’enquête du Sénat sur la concentration des médias en France, créée à la demande du groupe SER et présidée par M. Laurent Lafon, dont l’objet était de « mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France, et d’évaluer l’impact de cette concentration sur la démocratie » ([61]).

  1.   une obligation justifiée par la nÉcessitÉ de revaloriser la production de l’information

Au regard des autres mentions devant figurer dans les conventions prévues par l’article 28 de la loi de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la mention de la part d’investissement consacrée à l’information apparaît comme une disposition de nature à encourager la transparence sur les moyens mis en œuvre par les diffuseurs pour la production d’une information de qualité. Il s’agit en effet de considérer qu’une part minimale d’investissement consacrée à l’information relève du champ des obligations qu’emporte l’attribution gratuite d’une fréquence d’émission sur les ondes publiques.

Aujourd’hui, une part importante des Français continue de s’informer prioritairement par les journaux télévisés et de la radio, comme le montre la dernière édition du Baromètre La Croix-Verian-La Poste : La confiance des Français dans les médias ([62]). Ainsi, à la question du média privilégié pour être informé au quotidien, 76 % des personnes interrogées citaient la télévision et 39 % la radio.

L’article 11 bis A de la présente proposition de loi vise donc à s’assurer que les chaînes bénéficiant de l’attribution d’une autorisation d’émettre par convention avec l’Arcom contribuent, à une certaine hauteur de moyens financiers investis, à la production d’une information vérifiée et fiable.

En mai 2024, lors de l’examen de ce texte, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avait supprimé cet article.

  1.   La position des rapporteurs

Il convient de souligner que le sujet de l’information a fait l’objet d’une réflexion nationale engageant de nombreux acteurs dans le cadre des états généraux de l’information, qui devrait déboucher sur une initiative législative. À ce titre, la disposition introduite dans l’article 11 bis A du présent texte pourrait utilement – et plus logiquement – trouver sa place dans ce futur véhicule législatif.

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Article 11 bis
Modernisation de la plateforme TNT avec l’expérimentation de l’ultra-haute définition (UHD)

L’article 11 bis, introduit en commission au Sénat, vise, d’une part, à porter de trois à cinq ans le délai prévu par l’article 30-1-1 de la loi du 30 septembre 1986 pour permettre au régulateur de délivrer de nouvelles autorisations d’émettre en UHD à des chaînes déjà autorisées à le faire précédemment et, d’autre part, à porter à sept ans la durée de ces autorisations temporaires.

  1.   l’objectif de développement de l’ultra-haute définition (UHD)

Le 26 février 2020, s’exprimant devant la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen du projet de loi du 5 décembre 2019 relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, le ministre de la culture Franck Riester déclarait : « Nous généraliserons l’ultra-haute définition sur le réseau de télévision numérique terrestre (TNT) d’ici à 2024, pour que nos concitoyens aient notamment un accès de grande qualité aux retransmissions des Jeux olympiques. »

L’examen du texte de 2019 ayant été interrompu, puis abandonné, en raison de la crise sanitaire, le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique du 4 avril 2021 en reprenait en partie le dispositif, sans comprendre initialement de dispositions relatives à la modernisation de la TNT et à l’extension de l’UHD. Celles-ci ont été ajoutées et leur périmètre défini lors de la navette parlementaire : elles ont conduit à modifier, d’une part, la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication pour permettre la diffusion de programmes « dans des formats d’images améliorés » et, d’autre part, la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, afin d’organiser l’obligation de compatibilité des téléviseurs et adaptateurs mis sur le marché à la réception de programmes gratuits en UHD.

L’article 12 de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique a ainsi introduit un nouvel article 30-1-1 dans la loi du 30 septembre 1986, prévoyant que l’Arcom peut, sans être tenue de recourir à l’appel aux candidatures prévu à l’article 30-1 de cette même loi, autoriser l’usage de ressources radioélectriques par voie hertzienne terrestre pour la diffusion, dans des formats d’image améliorés comme l’ultra haute définition, de programmes de services de télévision préalablement autorisés par voie hertzienne terrestre.

L’article prévoit également que les autorisations doivent être accordées au regard de l’intérêt général et qu’il revient à l’autorité de modifier en conséquence les conventions préalablement conclues avec les titulaires d’autorisations délivrées. Le même article 30-1-1 prévoit que ces autorisations peuvent être délivrées pendant une durée de trois ans à compter de la publication de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique et que leur durée ne peut être supérieure à cinq ans. L’expérimentation peut donc se déployer jusqu’en 2029, la dernière autorisation ayant normalement dû être délivrée avant le 25 octobre 2024.

  1.   proroger les expérimentations pour permettre un meilleur amortissement des investissements consentis par les éditeurs de services

Force est de constater que l’objectif de généralisation de l’UHD n’a pas été atteint à l’horizon alors fixé par M. Franck Riester – les Jeux olympiques et paralympiques de Paris de 2024  et que le déploiement de ce mode de diffusion en est encore au stade de l’expérimentation. Une intervention du législateur apparaît dès lors justifiée pour proroger les expérimentations actuelles, permettre un meilleur amortissement des investissements consacrés à celles-ci par les éditeurs de services volontaires, et ainsi favoriser la généralisation annoncée – et attendue – de l’UHD.

Le Sénat a adopté en commission l’article additionnel 11 bis sur proposition de Mme Catherine Morin-Desailly, afin de porter de trois à cinq ans le délai prévu par l’article 30-1-1 de la loi du 30 septembre 1986 permettant au régulateur de délivrer des autorisations d’émettre en UHD à des chaînes ayant déjà été autorisées à le faire. Les autorisations pourront donc être délivrées jusqu’en octobre 2026.

Les dispositions de l’article 30-1-1 ayant expiré en octobre 2024, la modification introduite par l’article vise à permettre à nouveau à l’Arcom d’attribuer des autorisations de diffusion en UHD afin de remplacer les autorisations actuellement accordées à des chaînes de la TNT payante, qui devraient devenir disponibles en 2025.

L’article allonge également de cinq à sept ans la durée des autorisations temporaires délivrées. La durée de sept ans apparaît en effet plus adaptée à l’amortissement des investissements nécessaires pour conduire ces projets de chaînes en UHD. L’expérimentation pourrait donc durer jusqu’en octobre 2032.

Le second alinéa du présent article modifie la rédaction de l’avant-dernier alinéa de l’article 25 de la loi du 30 septembre 1986 afin de mieux distinguer les pouvoirs du régulateur relatifs à la modernisation de la diffusion des services de télévision par voie hertzienne terrestre de ceux permettant de regrouper les éditeurs sur un même multiplex (un groupe de chaînes de télévision ou de radios diffusées sur un même canal, c’est-à-dire sur une même gamme de fréquences).

En mai 2024, lors de l’examen de ce texte, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avait supprimé cet article.

  1.   La position des rapporteurs

Les rapporteurs considèrent que la généralisation de l’UHD doit être encouragée, la modernisation de la plateforme TNT étant bénéfique pour l’expérience des usagers, et sont favorables à l’adoption de cet article.

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Article 11 ter
Exemption des services distribués par contournement de l’obligation de reprise du signal

L’article 11 ter vise à exclure les services distribués par contournement de l’obligation de reprise du signal imposée par l’article 34-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.

  1.   l’État du droit : une obligation large de reprise du signal

L’article 34-2 (I) de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 consacre l’obligation pour tout distributeur de services sur un réseau n’utilisant pas de fréquences terrestres assignées par l’Arcom de mettre gratuitement à disposition de ses abonnés les services des sociétés nationales de programme (France Télévisions, Radio France et France Médias Monde), d’Arte et de TV5, sauf si ces éditeurs s’y opposent au motif que l’offre de services proposée serait manifestement incompatible avec le respect de leurs missions de service public. Ces dispositions sont applicables sur le territoire métropolitain et les coûts de diffusion et de transport concernés sont à la charge du distributeur.

Cette obligation, souvent désignée par l’expression anglaise de must carry, impose donc aux distributeurs la reprise gratuite du signal des sociétés de l’audiovisuel public afin de garantir une large diffusion de leurs programmes.

Selon les données transmises par l’Arcom, au 31 décembre 2024, « l’Autorité recensait 76 offres de distribution de services de communication audiovisuelle sur un réseau n’utilisant pas des fréquences attribuées par l’Arcom et ayant fait l’objet d’une déclaration auprès d’elle (24 offres nationales en métropole, 24 à visée locale et 28 commercialisées en Outre‐mer) » ([63]).

  1.   le droit proposé : une obligation redéfinie

Le Sénat a adopté en séance l’article 11 ter sur proposition de Mme Catherine Morin-Desailly ([64]) après un avis favorable de la commission et malgré un avis défavorable du gouvernement.

Cet article prévoit que l’obligation de must carry ne serait pas applicable lorsque les services précités sont « distribués par contournement » au motif que cette obligation n’apporte pas de couverture supplémentaire du territoire et fait peser une contrainte inutile sur ces distributeurs. Lors de la séance du 13 juin 2023, le sénateur Pierre-Antoine Lévi, co-signataire de l’amendement de Mme Morin-Desailly, a souligné que cette absence de couverture supplémentaire tenait au fait que tout distributeur de service par contournement « emprunte les réseaux existants, qu’ils soient ou non les siens, pour commercialiser ses offres de services » ([65]). M. Hugonet, rapporteur de la commission chargée de la communication du Sénat, avait soutenu cet amendement en considérant que « cette nouvelle rédaction devrait permettre à France Télévisions de mieux maîtriser la reprise de son signal par les plates-formes ». Interrogé par les rapporteurs, France Télévisions a confirmé partager l’objectif de l’article 11 ter.

En mai 2024, lors de l’examen de ce texte, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avait supprimé cet article.

Les « services distribués par contournement »

Selon l’exposé des motifs de l’amendement, les « services distribués par contournement », qui ne sont pas aujourd’hui définis par la réglementation, sont réputés recouvrir à la fois la distribution OTT et les opérateurs de réseaux de communication électronique :

 Selon le glossaire de l’Arcom (1), la distribution « OTT » (Over The Top) recouvre un « mode de distribution de contenus sur internet sans l’intermédiaire des fournisseurs d’accès à internet au-delà de l’acheminement des données. La diffusion OTT se définit par opposition aux réseaux classiques de diffusion de services de télévision (réseaux gérés par des fournisseurs d’accès à internet, réseau hertzien, câble, etc.). Exemple : Apple TV, Molotov, Chromecast, etc.. » ;

– Selon l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, un opérateur est une « personne physique ou morale exploitant un réseau de communications électroniques ouvert au public ou fournissant au public un service de communications électroniques » tandis que les réseaux de communications électroniques s’analysent comme « toute installation ou tout ensemble d’installations de transport ou de diffusion ainsi que, le cas échéant, les autres moyens assurant l’acheminement de communications électroniques, notamment ceux de commutation et de routage. Sont notamment considérés comme des réseaux de communications électroniques : les réseaux satellitaires, les réseaux terrestres, les systèmes utilisant le réseau électrique pour autant qu’ils servent à l’acheminement de communications électroniques et les réseaux assurant la diffusion ou utilisés pour la distribution de services de communication audiovisuelle. »

(1) https://www.arcom.fr/assistance/glossaire

  1.   la position des rapporteurs

Les rapporteurs sont favorables à la suppression de l’article 11 ter dont les dispositions soulèvent plusieurs objections : une incertitude pèse sur ses conséquences ; son contenu semble incomplet ; et cet article intervient à contretemps.

En premier lieu, une incertitude pèse sur l’incidence de ces dispositions. Cet article entend ainsi exclure les distributeurs précités de l’obligation de reprise du signal alors même que, comme Mme Rima Abdul-Malak, alors ministre de la culture, l’a souligné au Sénat, « on ne peut pas exclure par principe que certains de nos compatriotes ne soient pas dépendants des distributeurs OTT pour recevoir l’offre groupée des chaînes de la TNT, en particulier des programmes de service public. Cet amendement les en priverait » ([66]).  

Par ailleurs, cet article semble incomplet puisqu’il s’appuie sur la notion de « services distribués par contournement » qui n’est pas définie dans le droit actuel. Le terme de « contournement » ne figure ainsi ni dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, ni dans le code des postes et des communications électroniques. L’introduction de cette notion dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 devrait s’accompagner d’une définition précise qui fait ici défaut.

Enfin, l’article 11 ter intervient à contretemps. En application de l’article 21 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, le gouvernement doit remettre au Parlement avant le 31 décembre 2025 un rapport sur les perspectives de diffusion et de distribution des services de télévision en France. Dans ce cadre, la DGMIC a lancé en février 2025 une consultation publique sur ce sujet ([67]) dans laquelle les caractéristiques et les évolutions de la télévision distribuée en OTT seront analysées. La remise de ce rapport préparera une possible évolution d’ensemble de la réglementation qu’il est préférable de ne pas anticiper en faisant évoluer dès à présent un aspect limité du droit applicable.

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Article 12
Conditions d’autorisation par l’Arcom d’un changement dans le contrôle du capital d’une chaîne autorisée par convention à émettre
sur la TNT

L’article 12 vise à ramener de cinq à deux ans le délai minimal de conservation d’une fréquence accordée par le régulateur avant une possible autorisation d’un changement de contrôle du capital du titulaire de cette fréquence. Sous le contrôle de l’Arcom, cet article permet également de passer outre cette durée minimale de deux ans dès lors qu’un changement de contrôle du capital ne porte atteinte ni à l’impératif fondamental de pluralisme, ni à l’intérêt du public, et ne présente aucun objectif manifestement spéculatif. Cet article autorise enfin l’Arcom à donner, sous certaines conditions, son agrément à une modification des conventions en cours d’exécution.

  1.   le droit existant : un changement de contrÔle permis aprÈs cinq années de détention de l’autorisation d’émettre sur la tnt

Lors de l’examen de la loi 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias (dite loi Bloche), un amendement du gouvernement ([68]) avait complété le premier alinéa de l’article 42-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 pour instaurer un délai minimal de détention d’une autorisation délivrée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour l’édition d’un service de télévision avant que puisse être permis le changement de contrôle du capital d’une chaîne.

Dans ce cadre, le régulateur de l’audiovisuel (devenu l’Arcom) ne peut agréer une modification du contrôle direct ou indirect de la société titulaire d’une autorisation d’émettre sur la TNT avant l’échéance d’un délai de cinq ans à compter de cette délivrance, sauf en cas de difficultés économiques menaçant la viabilité de cette société.

Cette durée de cinq ans avait pour but de décourager les opérations spéculatives en ajoutant une contrainte supplémentaire aux dispositifs dissuasifs fiscaux mis en place par le Parlement depuis 2013 ([69]). L’introduction de ce dispositif de durée incompressible de détention dans la loi constituait une réponse directe aux réactions suscitées par plusieurs cessions intervenues dans le secteur audiovisuel depuis le lancement de la TNT en 2005, et tout particulièrement celle de la chaîne de la TNT Numéro 23 intervenue en 2015.

L’examen de la loi du 14 novembre 2016 a en effet eu lieu peu de temps après la revente, pour la somme de 90 millions d’euros, de la chaîne Numéro 23 au groupe NextRadio TV, deux ans et quatre mois seulement après sa création, et alors même que cette chaîne avait, comme les autres éditeurs, reçu gratuitement une autorisation d’émettre sur la TNT. 

En réaction à cette situation, Mme Audrey Azoulay, alors ministre de la culture, avait affirmé devant l’Assemblée nationale que la disposition introduite à l’article 42-3 constituait un « message tendant à la moralisation de notre système » ([70]).

  1.   le droit proposé : reconsidérer les délais et les conditions préalables aux cessions de fréquence sur la tnt

L’article 12 figurant dans la proposition de loi initiale proposait de modifier l’article 42-3 précité pour réduire de cinq à deux ans le délai entre l’obtention d’une autorisation d’émettre sur la TNT et le possible changement de contrôle de la chaîne concernée. L’article 12 figurant dans la proposition de loi adoptée par le Sénat a retenu ce principe tout en l’assortissant de certains compléments.

Comme l’exposé des motifs de la proposition de loi initiale le rappelle, l’article 12 réduit « de cinq à deux ans la durée pendant laquelle le détenteur d’une autorisation d’émettre ne peut céder le contrôle de l’entreprise qui édite les programmes » ([71]). Selon M. Hugonet, rapporteur de la commission chargée de la communication du Sénat, cette modification « apparaît nécessaire afin de renforcer les acteurs historiques face aux plateformes, conformément à l'objectif de la proposition de loi de renforcement de notre souveraineté audiovisuelle ». Il s’agirait ainsi de « "débloquer" les opérations industrielles » afin de favoriser l’émergence de groupes nationaux structurés mieux à même de faire face à la concurrence des plates-formes numériques étrangères ([72]).

Si la commission partageait l’objectif de l’article 12, elle a complété son contenu sur deux points.

Le premier complément apporté vise à tenir compte du fait, souligné par M. Hugonet, que « la plupart des chaînes de télévision appartiennent à des groupes qui en possèdent plusieurs et dont les autorisations d'émettre n'ont pas été accordées en même temps. Le délai de cinq ans étant apprécié au niveau de la chaîne concernée et non au niveau du groupe propriétaire, cette disposition a pour effet de rendre impossible la cession du groupe considéré jusqu'au terme du délai de cinq ans qui court pour l'autorisation accordée le plus récemment » ([73]). Si la réduction du délai précité de cinq à deux ans limiterait cet inconvénient, elle ne serait cependant pas suffisante pour favoriser le renforcement des groupes audiovisuels nationaux. Aussi, un amendement a été adopté à l’initiative du rapporteur pour assouplir davantage la réglementation et permettre que ce délai de deux ans ne s’applique pas si l’Arcom estime que la modification de contrôle « ne porte pas atteinte à l’impératif fondamental de pluralisme et à l’intérêt du public et qu’elle n’a pas un objectif manifestement spéculatif » ([74]). Ce motif de cession anticipée de l’autorisation d’émettre s’ajouterait à celui lié aux difficultés économiques menaçant la viabilité d’une société, qui serait conservé.

Un second amendement a été adopté en commission dans le but d’autoriser, sous le contrôle de l’Arcom, une modification d’une convention en cours d’exécution. Á l’initiative du rapporteur, le quatrième alinéa de l’article 42‑3 a ainsi été modifié pour prévoir que cette autorité puisse donner son agrément « à une modification, substantielle ou non, de l’autorisation, ne remettant pas en cause l’orientation générale du service, lorsqu’elle est justifiée par un motif d’intérêt général », sans que la nature de ce motif d’intérêt général ne soit cependant précisée ([75]). Selon M. Hugonet, cette disposition doit permettre de « préserver l’attractivité du média télévision face à la concurrence des plateformes » en tenant compte de « l’évolution très rapide de leur écosystème » ([76]) .

Ainsi amendé en commission, l’article 12 a été adopté par le Sénat sans modification en séance en dépit du soutien apporté par le gouvernement à trois amendements proposant la suppression de cet article.

En mai 2024, lors de l’examen de ce texte, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avait supprimé cet article.

  1.   la position des rapporteurs

Les rapporteurs sont favorables à la suppression de l’article 12.

Si cet article soulève des questions importantes, concernant notamment les difficultés rencontrées par les groupes possédant plusieurs chaînes de la TNT, ces dernières ne paraissent pas devoir être traitées à l’occasion d’un texte appelé à être recentré sur l’audiovisuel public. L’examen de ces dispositions dans un texte relatif aux chaînes de télévision privées serait plus opportun.

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Article 12 bis
Mesures d’audience par des organismes tiers

L’article 12 bis vise à définir les conditions à remplir pour les organismes réalisant des mesures d’audience pour le compte des services de communication audiovisuelle, des services de média audiovisuels à la demande et des services de partage de plateforme de contenus vidéo et/ou audio qui font appel à la publicité pour se financer, ainsi que pour les annonceurs et les agences média qui négocient et achètent des espaces publicitaires.

  1.   le droit existant : la mesure des audiences, un enjeu majeur

Au sein du paysage audiovisuel, la mesure des audiences constitue un enjeu majeur : le nombre de personnes touchées par la diffusion d’un contenu médiatique, sur le canal radiophonique, télévisuel ou sur les plateformes, oriente tant les choix éditoriaux des services de communication que la valeur des espaces publicitaires disponibles. En France, les études réalisées par la société Médiamétrie, dont le capital de 14,88 millions d’euros est détenu à la fois par des médias, des annonceurs et des conseils ([77]), permettent aux acteurs d’adapter leur programmation et d’évaluer les tarifs publicitaires des temps d’antenne.

Le développement de nouveaux médias et les transformations intervenues dans le partage de la valeur tirée des revenus publicitaires, particulièrement entre les acteurs dits « traditionnels » des médias et les nouveaux acteurs numériques, donne une acuité renouvelée à la question d’une mesure juste et transparente des audiences, comme l’a montré le rapport Évolution du marché de la communication et impact sur le financement des médias par la publicité publié par l’Arcom et le ministère de la culture en janvier 2024 ([78]).

Pour autant, les règles déontologiques encadrant la mesure de l’audience demeurent jusqu’à présent peu précises et peu contraignantes, particulièrement sur les plateformes numériques, permettant à celles-ci de donner peu d’informations sur les méthodes utilisées. L’étude précitée souligne ainsi qu’un « rapport de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des finances de novembre 2020 ([79]) identifiait déjà les risques associés à la domination de Google et Facebook dans le secteur de la publicité numérique, soulevant des problématiques liées à l’autopréférence […] à des pratiques d’automesure de la performance (plateformes à la fois « juges et parties »). Les outils employés à ce jour pour la mesure d’audience sont en outre ceux des grandes plateformes, tels que Google Ads, Google Analytics ou Facebook Ads, qui refusent l’interopérabilité avec des outils tiers, rendant la vérification impossible pour les annonceurs » ([80]). Un autre rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires culturelles a également relevé que « la mesure de l’audience se heurte […] à l’accès aux données des plateformes » ([81]).

Ces points ont été soulignés par M. Hugonet, rapporteur de la commission chargée de la communication du Sénat, qui, lors de la séance du 13 juin 2023, a indiqué que « les audiences revendiquées par les plateformes font rarement l’objet de publications, et leurs méthodes de calcul demeurent inconnues, ce qui constitue une nouvelle asymétrie avec les éditeurs de services traditionnels, lesquels recourent à un prestataire indépendant utilisant des modes de calcul éprouvés »  ([82]).

  1.   le droit proposé : renforcer le cadre existant pour les acteurs de la mesure de l’audience

Le constat de ces asymétries d’information et de leurs répercussions sur un marché publicitaire de plus en plus défavorable aux médias traditionnels a conduit les institutions européennes à se pencher pour la première fois sur le sujet des mesures d’audience dans le cadre du règlement du Parlement européen et du Conseil sur la liberté des médias du 11 avril 2024 entré en vigueur le 7 mai 2024 et applicable à partir du 8 août 2025.

L’article 24 (paragraphe 1) de ce règlement dispose ainsi que « les fournisseurs de systèmes de mesure de l’audience veillent à ce que leurs systèmes de mesure de l’audience et la méthode utilisée par leurs systèmes de mesure respectent les principes de transparence, d’impartialité, d’inclusion, de proportionnalité, de non-discrimination, de comparabilité et de vérifiabilité ». Ces dispositions doivent être précisées par des « lignes directrices » appelées à être publiées d’ici l’été 2025 par la Commission européenne.

Lors de la discussion de l’article 12 bis au Sénat en juin 2023, ce règlement n’avait pas encore été publié mais ses grandes lignes étaient connues et pouvaient être jugées insuffisamment précises. C’est pourquoi l’article 12 bis, introduit en séance par un amendement de M. Hugonet ([83]), vise à détailler davantage ces obligations afin de renforcer leur caractère opérationnel. Cet article, adopté par le Sénat malgré l’avis défavorable du gouvernement, entend ainsi imposer une stricte indépendance aux organismes réalisant les mesures ainsi qu’une réelle transparence quant aux méthodes employées dès lors que les mesures d’audience sont utilisées à des fins de comparaison entre différents acteurs. Le sujet ne réside ainsi pas dans le fait qu’une plateforme produise sa propre mesure d’audience, mais que celle-ci s’en serve pour la comparer, sur des bases inconnues, avec celles des acteurs linéaires. L’article 12 bis entend répondre à cette problématique en rétablissant « l’équité entre les acteurs » et en rendant « possible la comparaison des audiences des différents médias » ([84]).

Le récent lancement, en janvier 2025, par Mediametrie d’une étude « cross média vidéo » illustre l’inégale coopération des plateformes. Destinée à créer un standard commun d’analyse des audiences globales des éditeurs, des plateformes et des contenus, cette initiative réunit l’ensemble des éditeurs linéaires (TF1, France Télévisions, Arte, Canal+, Arte, NRJ group, etc.) mais uniquement certaines plateformes (Netflix, You tube, Prime video, Disney+, My Canal, Daily motion, etc). La société Meta – qui possède notamment Instagram et Facebook – a ainsi refusé de s’associer à cette initiative.

L’article 12 bis entend répondre à ce type de difficultés en imposant à l’ensemble des acteurs utilisant, de manière directe ou indirecte, des données d’audience comparées, de recourir à des mesures réalisées par un ou des tiers. Interrogée par les rapporteurs, la société Mediametrie (qui pourrait être un de ces tiers) a indiqué être favorable à l’adoption de cet article qui serait, selon elle, de nature à compléter un cadre européen jugé « insuffisant ».

En mai 2024, lors de l’examen de ce texte, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avait supprimé cet article.

  1.   la position des rapporteurs

Les rapporteurs sont favorables à la suppression de l’article 12 bis.

Si cet article soulève des questions importantes, ces dernières ne paraissent pas devoir être traitées à l’occasion d’un texte appelé à être recentré sur l’audiovisuel public. L’examen de ces dispositions à l’occasion du prochain projet de loi relatif aux suites données aux états généraux de l’information ([85]) serait d’autant plus pertinent qu’à la date prévisible d’examen de ce texte, la Commission européenne aura publié les lignes directrices précisant les conditions d’application de l’article 12 bis. Adapter, dès le printemps 2025, le droit de la mesure de l’audience avant que la Commission européenne n’ait précisé les conditions d’application de l’article 24 du règlement précité exposerait ces modifications à un risque d’incompatibilité avec le droit européen.

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Article 13
Exclusion des mandats de commercialisation de la définition de la production audiovisuelle indépendante

L’article 13 vise à exclure les mandats de commercialisation de la définition de la production audiovisuelle indépendante.

  1.   Le droit existant : l’obligation de contribution des éditeurs de services au financement de la production audiovisuelle et l’évolution récente de la définition de la production indépendante

Le titre V de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication comprend cinq articles (70, 70-1, 71, 71-1 et 73) relatifs au développement de la création cinématographique et audiovisuelle. Dans cet ensemble, l’article 71-1 instaure un principe d’obligation de contribution des éditeurs de services au financement de la production audiovisuelle indépendante.

Comme le précise l’Arcom, « les obligations de contribution au développement de la production d’œuvres audiovisuelles européennes ou d’expression originale française s’imposent aux éditeurs de SMAD [services de médias audiovisuels à la demande] proposant plus de 10 œuvres audiovisuelles dans leur catalogue, et aux services de télévision qui consacrent plus de 20 % de leur temps annuel à la diffusion d’œuvres audiovisuelles ou qui, à défaut, ont un chiffre d’affaires supérieur à 350 millions d’euros » ([86])

En 2023, selon une récente étude publiée par l’Arcom, « le montant global des dépenses retenues au titre de la contribution s’élève à 1 156 M€ » dont 851 millions d’euros ont contribué au financement de la production indépendante (à hauteur de 663 millions d’euros en provenance des éditeurs « historiques » et de 188 millions d’euros en provenance des SMAD).

Ce principe d’obligation de contribution des éditeurs de services au financement de la production audiovisuelle indépendante a été modifié par l’article 31 de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique de façon à créer les conditions d’un meilleur équilibre entre les éditeurs de services et les producteurs.

Depuis lors, la rédaction de l’article 71-1 précité dispose que des décrets « précisent les conditions dans lesquelles une œuvre audiovisuelle peut être prise en compte au titre de la contribution d’un éditeur de services à la production indépendante. Ces conditions sont relatives :

« 1° Aux liens capitalistiques, directs ou indirects, entre l’éditeur et le producteur ;

« 2° À la nature et à l’étendue de la responsabilité de l’éditeur de services dans la production de l’œuvre. À ce titre, l’éditeur ne prend pas personnellement ou ne partage pas solidairement l’initiative et la responsabilité financière, artistique et technique de la réalisation de l’œuvre et n’en garantit pas la bonne fin ;

« 3° À la nature et à l’étendue des droits de diffusion et d’exploitation acquis par l’éditeur ;

« 4° À la détention, directe ou indirecte, de parts de producteur par l’éditeur de services ;

« 5° À la détention, directe ou indirecte, de mandats de commercialisation par l’éditeur de services, notamment sur les œuvres pour lesquelles il a acquis des parts de producteur ou qu’il a achetées avant leur achèvement ».

Les décrets concernés ont été publiés en 2021 et, pour certains, modifiés en 2022 ([87]).

Ces décrets portent sur les mandats de commercialisation qui, selon, le Syndicat des entreprises de distribution de programmes audiovisuels (Sedpa), se définissent comme un « contrat conclu entre le producteur d’une œuvre audiovisuelle et un distributeur octroyant le droit à ce dernier de commercialiser l’œuvre en France et à l’international en contrepartie d’une commission » ([88]).

Ces décrets ont posé des règles différentes selon les secteurs.

Le décret dit TNT, qui est le principal concerné par ce sujet, prévoit ainsi en son article 21 (II, 4°) une interdiction de détention, directe ou indirecte, de mandats de commercialisation par un éditeur de services « lorsque le producteur dispose pour l’œuvre en cause d’une capacité de distribution, interne ou par l’intermédiaire d’une de ses filiales ou d’une filiale de la société qui le contrôle, ou d’un accord-cadre conclu avec une entreprise de distribution ». L’article 25 (II, 4°) du décret CABSAT comporte une disposition similaire. L’article 26 (6°) permet cependant de déroger à ce principe à l’issue de négociations entre les producteurs indépendants et les éditeurs ce qui, selon le Sedpa, survient régulièrement. Le décret SMAD interdit en revanche la détention directe ou indirecte de mandats de commercialisation par un éditeur de services (article 22, 3°), sans dérogation possible.

  1.   le droit proposé

L’article 13 modifie l’article 71-1 précité pour en supprimer le 5° relatif aux conditions dans lesquelles la détention, directe ou indirecte, des mandats de commercialisation par un éditeur de services peut être prise en compte au titre de la contribution d’un éditeur de services à la production indépendante.

D’après l’exposé des motifs de la proposition de loi, la suppression de cette disposition aurait pour effet d’« inciter les chaînes à investir davantage dans des productions de qualité susceptibles d’être davantage exportées et de participer au rayonnement de la création française » ([89]). Le 13 juin 2023, lors des débats au Sénat, M. Hugonet, rapporteur de la commission chargée de la communication du Sénat, a précisé que cette évolution « est demandée à la fois par les chaînes privées – TF1, M6, Altice, Canal+ –, et par les chaînes publiques de France Télévisions. Elle constitue en effet un préalable pour permettre aux différentes chaînes de faire évoluer leur modèle économique et de mieux résister aux plateformes » ([90]). M. Hugonet a précisé par ailleurs que l’évolution proposée ferait « relever la question de la détention des mandats de commercialisation de la négociation avec les organisations professionnelles ou de la convention avec le régulateur de l’audiovisuel » ([91]).

L’article 13 a été adopté par le Sénat en dépit de l’avis défavorable du gouvernement.

En mai 2024, lors de l’examen de ce texte, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avait supprimé cet article.

  1.   la position des rapporteurs

Les rapporteurs sont favorables à la suppression de l’article 13.

Les dispositions proposées ne sont pas opportunes puisqu’elles remettraient en cause l’équilibre trouvé en 2021, fragiliseraient les producteurs indépendants et seraient susceptibles de compromettre l’application de récents accords.

La remise en cause de l’équilibre trouvé en 2021 n’est pas souhaitable puisque l’adoption de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 a été suivie de négociations interprofessionnelles ayant conduit à la publication des décrets précités. La modification, dès 2025, du fondement législatif de ces accords serait prématurée d’autant plus que leur exécution semble se dérouler de manière satisfaisante. Par ailleurs, l’idée selon laquelle l’ensemble des distributeurs souhaiterait une modification de la réglementation mérite d’être nuancée. Interrogée par les rapporteurs, France Télévisions a par exemple indiqué être satisfaite du cadre actuel.

L’adoption de l’article 13 fragiliserait en outre les producteurs indépendants dotés d’une capacité de distribution en France et hors de France et, plus encore, les sociétés de distribution indépendantes. Cette évolution, dont le risque est souligné par les organisations professionnelles, n’est pas souhaitable alors même que la progression récente des exportations audiovisuelles françaises (qui ont représenté 203,4 millions d’euros en 2023 contre 173,3 millions d’euros en 2018) témoigne de la pertinence du système actuel et participe utilement, grâce aux préventes étrangères, au financement des œuvres audiovisuelles.

L’adoption de l’article 13 serait également susceptible de compromettre l’application de récents accords professionnels qui ont été conclus avec France Télévisions (juillet 2024), Apple TV+, Disney+ et Crunchyroll ([92]) (janvier 2025). Ces accords, qui ont chacun fait l’objet d’une convention avec l’Arcom, sont d’une durée de deux ans et demi (France Télévisions), trois ans (Disney+ et Crunchyroll) et quatre ans (Apple TV +). Conclus sur le fondement de la rédaction actuelle de l’article 71-1 précité, ces accords pourraient être fragilisés, voire dénoncés, dans l’hypothèse où la rédaction de cet article serait modifiée.

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Article 13 bis
Autorisation d’une troisième coupure publicitaire pour la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles de longue durée et la diffusion de bandes annonces pour les programmes

L’article 13 bis vise à autoriser l’introduction d’une troisième coupure publicitaire pendant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles dont la durée excède deux heures et à permettre la diffusion de bandes annonces pour les programmes pendant les coupures publicitaires.

  1.   le droit existant : un assouplissement étudié de longue date

L’article 73 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 fixe les règles encadrant les interruptions publicitaires au sein des œuvres cinématographiques et audiovisuelles diffusées à la télévision afin de privilégier le placement des publicités entre les programmes et de limiter l’interruption de ceuxci.

L’interdiction d’interruption publicitaire des œuvres est stricte concernant les chaînes publiques et les chaînes de cinéma (par exemple Canal+) ([93]) puisque les œuvres cinématographiques ne peuvent faire l’objet d’aucune coupure d’une telle nature. C’est également le cas, pour toutes les chaînes, pour les films diffusés dans le cadre d’émissions de ciné-club. Le sous-titrage publicitaire d’œuvres cinématographiques est par ailleurs interdit pour l’ensemble des chaînes, quelle que soit la catégorie à laquelle elles appartiennent.

Les chaînes privées n’appartenant pas à la catégorie des chaînes de cinéma bénéficient d’un régime plus souple. Depuis 2009, elles peuvent interrompre la diffusion des œuvres audiovisuelles et cinématographiques par des publicités sous réserve de respecter deux conditions cumulatives :

 le nombre maximal d’interruptions est limité à deux ;

 pour les œuvres cinématographiques, les « œuvres audiovisuelles qui ne sont ni des séries ni des feuilletons ni des documentaires » (soit ce que l’on appelle communément les « téléfilms ») et les programmes destinés à la jeunesse, le nombre maximal d’interruptions est égal au nombre de tranches programmées de trente minutes que compte le programme.

Ainsi, deux coupures publicitaires sont possibles pour les films, les téléfilms unitaires et les programmes pour enfants de plus de soixante minutes, tandis qu’à l’inverse, les séries, les feuilletons et les documentaires ne sont soumis qu’à la première règle et peuvent donc comporter deux coupures publicitaires même s’ils sont de courte durée. Il convient de souligner que l’article 15 du décret du 27 mars 1992 ([94]) prévoit, pour l’ensemble des œuvres, qu’une période d’au moins vingt minutes doit s’écouler entre deux interruptions successives à l’intérieur d’une émission.

Dès 2018, la mission d’information menée par la commission des Affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique ([95]) préconisait d’adapter cette réglementation, en observant que « le droit communautaire semble, sur ce point, permettre un assouplissement plus conséquent de notre législation. En effet, en l’état actuel, la directive Services de médias audiovisuels, dans son article 20, prévoit que "la diffusion des films conçus pour la télévision (à l’exclusion des séries, feuilletons et documentaires), des œuvres cinématographiques et des journaux télévisés peut être interrompue par de la publicité télévisée et/ou du téléachat une fois par tranche programmée de trente minutes au moins" ([96]). Ainsi, un film ou un téléfilm de plus de 90 minutes pourrait faire l’objet de trois coupures publicitaires. » ([97])

La mission d’information recommandait ainsi de laisser aux diffuseurs l’opportunité de décider de leur stratégie publicitaire s’agissant du nombre d’interruptions introduites dans les programmes diffusés et d’évaluer les conséquences d’une troisième interruption publicitaire tant sur leurs recettes publicitaires que sur leurs audiences. Cette recommandation avait été reprise à l’article 10 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et la souveraineté culturelle à l’ère numérique déposé le 5 décembre 2019 devant l’Assemblée nationale et dont l’examen n’a pas été mené à son terme ([98]).

  1.   le droit proposé : une mesure introduite au sénat allant plus loin que la possibilité d’une troisième coupure

L’article 13 bis, introduit lors de l’examen en commission par un amendement de M. Hugonet, rapporteur de la commission chargée de la communication du Sénat, prévoit l’introduction d’une dérogation au nombre maximal d’interruptions publicitaires pour les chaînes privées ne relevant pas de la catégorie des chaînes de cinéma, soit l’ensemble des chaînes privées gratuites, mais également les chaînes privées payantes qui ne sont pas consacrées au cinéma. Ainsi, les œuvres cinématographiques et audiovisuelles de plus de deux heures diffusées par ces chaînes pourraient comporter trois interruptions publicitaires. En cela, l’article 13 bis reprend donc la rédaction de l’article 10 du projet de loi précité.

Au Sénat, le gouvernement n’avait pas pris position sur cet article et s’en était remis à la sagesse de cette assemblée.

L’article 13 bis va cependant plus loin que le projet de loi de 2010 puisqu’il prévoit également, dans son dernier alinéa, la possible diffusion de bandes-annonces pour les programmes pendant les coupures publicitaires dans des conditions fixées par l’Arcom. Sur ce point, il est proposé de revenir sur le deuxième alinéa de l’article 73 de la loi du 30 septembre 1986 précité qui dispose actuellement que « l’interruption publicitaire ne peut contenir que des messages publicitaires à l’exclusion de tout autre document, donnée ou message de toute nature, notamment bande-annonce, bandes d’auto-promotion ». Dans son rapport, M. Hugonet souligne que l’évolution proposée « doit permettre aux chaînes de télévision de mieux valoriser leurs propres programmes » ([99]).

En mai 2024, lors de l’examen de ce texte, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avait supprimé cet article.

  1.   la position des rapporteurs

Les rapporteurs sont favorables à la suppression de l’article 13 bis.

Si cet article soulève des questions importantes, ces dernières ne paraissent pas devoir être traitées à l’occasion d’un texte appelé à être recentré sur l’audiovisuel public. L’examen de ces dispositions dans un texte relatif aux chaînes de télévision privées serait plus opportun.

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Article 14
Développement des services interactifs sur la TNT

L’article 14 vise à instaurer l’obligation pour les terminaux mis sur le marché (à la location comme à la vente) d’assurer la réception des services interactifs fournis par les éditeurs de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre au moyen de la technologie HbbTV (Hybrid Broadcast Broadband TV). Il prévoit également, sous le contrôle de l’Arcom, une réception de ces services par défaut sur les équipements et l’interdiction de leur modification et de leur suppression par les constructeurs sans autorisation des éditeurs. 

  1.   le droit existant : des services interactifs encore peu accessibles

La technologie HbbTV (Hybrid Broadcast Broadband TV) consiste en un protocole permettant d’améliorer les conditions de visionnage de la télévision pour les appareils raccordés à la TNT grâce à un ensemble de services interactifs tels que la télévision de rattrapage, l’accès à des vidéos à la demande et à des contenus répertoriés de façon thématique.

Cette technologie constitue une intéressante voie de modernisation de la TNT et est largement utilisée chez certains de nos voisins européens. En revanche, son usage est peu développé en France. À l’heure actuelle, seules des initiatives limitées sont recensées : des expérimentations pour le développement de programmes en HbbTV sont ainsi conduites jusqu’au 31 janvier 2026 sur le canal 77 de la TNT (Arte.tv) et, en janvier 2025, le groupe M6 a rendu sa plateforme M6+ accessible depuis cette norme.

Le potentiel de cette technologie reste ainsi encore peu exploité ce qui est regrettable puisque l’accessibilité à cette offre progresse. En juin 2022, l’Arcom a souligné que « le parc de TV HbbTV a atteint 7,3 millions en 2021, soit + 2,7 millions en un an » ([100]).

  1.   le droit proposé : le renforcement envisagé des obligations des distributeurs

L’article 14 vise à donner un nouvel élan au déploiement de la technologie HbbTV en prévoyant que les services interactifs fournis par les chaînes de la TNT (tels que les guides de programmes pour les personnes malvoyantes ou non voyantes, les informations sur l’émission regardée, le retour en arrière pour reprendre depuis le début la lecture d’un programme, etc.) soient obligatoirement proposés sur les terminaux permettant la réception des services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre ainsi que l’accès à des services de communication au public en ligne.

L’exposé des motifs de la proposition de loi souligne ainsi que « les services interactifs fournis par les chaînes de la TNT doivent être obligatoirement repris par les distributeurs. Cette disposition doit permettre le déploiement de la norme Hbbtv […] qui permet de renforcer l’attractivité de la TNT » ([101]). Comme M. Hugonet, rapporteur de la commission chargée de la communication du Sénat, l’a souligné lors de la séance du 13 juin 2023, cette mesure permettrait de proposer un « signal enrichi » ([102]).

Dans cette perspective, l’article 14 prévoit dans son I de rétablir l’article 96‑2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 dans une version nouvelle afin de soumettre les terminaux permettant la réception des services de communication audiovisuelle par voie hertzienne terrestre ainsi que l’accès à des services de communication au public en ligne à l’obligation d’assurer la réception des services interactifs fournis par les éditeurs de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre. Cette obligation entrerait en vigueur dans les six mois suivant la promulgation de la loi et s’appliquerait aux équipements mis sur le marché à destination des particuliers comme des professionnels à des fins de vente ou de location.

Le II de l’article prévoit que la réception des services interactifs fournis par les éditeurs de services de communication audiovisuelle devra, dans des conditions définies par l’Arcom, être activée sur ces équipements avant leur mise sur le marché et qu’elle ne pourra être désactivée sans l’intervention de l’utilisateur. 

Le III de l’article précise que ces services interactifs ne pourront être modifiés ou supprimés sans l’accord explicite de leurs éditeurs, l’Arcom étant chargée de contrôler le respect de cette disposition.

L’article 14 a été adopté par le Sénat sans modification, avec l’avis favorable de la commission et en dépit de l’avis défavorable du gouvernement ; cet avis défavorable étant notamment motivé par un doute sur la compatibilité de cette disposition avec le droit communautaire.

En mai 2024, lors de l’examen de ce texte, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avait supprimé cet article.

  1.   la position des rapporteurs

Les rapporteurs sont favorables à l’adoption de l’article 14 en dépit des incertitudes pesant sur la compatibilité de cet article avec le droit communautaire et avec l’obligation, ou non, de notifier, préalablement à la Commission européenne ces dispositions avant leur adoption définitive par le Parlement. Interrogée par les rapporteurs sur ce point, la direction générale des médias et des industries culturelles n’a pu apporter une réponse en temps utile.

Les rapporteurs considèrent effectivement que même si cet article ne relève pas d’une problématique propre à l’audiovisuel public, son adoption peut être envisagée dans le cadre de la présente proposition de loi puisqu’il semble difficile, compte tenu de son objet, de l’intégrer au projet de loi annoncé ayant vocation à traduire juridiquement les conclusions formulées dans le cadre des états généraux de l’information.

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Article 14 bis
Développement de l’ultra haute définition

L’article 14 bis vise à imposer progressivement la compatibilité des nouveaux téléviseurs avec l’ultra haute définition dès lors que 20 % de la population française aura accès à la diffusion de ce type de programmes. 

  1.   le droit proposÉ : favoriser le développement de l’UHD

L’article 14 bis, introduit au Sénat lors de l’examen en commission de la proposition de loi par un amendement de Mme Catherine Morin-Desailly ([103]), vise à encourager l’amélioration de la qualité de réception de la télévision numérique terrestre afin de conforter son attractivité face aux autres formes d’accès à la télévision. Cet article s’inscrit en cela dans la même logique que l’article 11 bis qui vise à prolonger les expérimentations UHD en cours ([104]).

L’article 14 bis reprend une disposition similaire à celle de l’article 12 (II) de la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique adoptée par le Parlement en septembre 2021 mais qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure ([105]).

L’article 14 bis prévoit qu’au terme d’une durée de douze mois à compter de la diffusion de programmes de télévision en UHD par voie hertzienne terrestre auprès d’au moins 20 % de la population française, les téléviseurs de plus de 110 centimètres de diagonale d’écran mis sur le marché à compter de cette date à des fins de vente ou de location destinés aux particuliers et permettant la réception de services de télévision numérique terrestre devront permettre la réception de l’ensemble des programmes gratuits de TNT en UHD.

Par ailleurs, au terme d’une durée de dixhuit mois à compter de la diffusion de programmes de télévision en UHD par voie hertzienne terrestre auprès d’au moins 20 % de la population française, les téléviseurs et les adaptateurs individuels mis sur le marché à compter de cette date à des fins de vente ou de location destinés aux particuliers permettant la réception de services de télévision numérique terrestre devront permettre la réception de l’ensemble des programmes gratuits de TNT en UHD.

L’atteinte de ce seuil de 20 % ferait l’objet d’une information rendue publique par l’Arcom. D’après les éléments communiqués aux rapporteurs par cette autorité, il apparaît cependant que ce taux de 20 % a d’ores et déjà été atteint en janvier 2024 même si, en pratique « seule France 2 diffuse des programmes en UHD, sur une chaîne dédiée (France 2 UHD) » ([106]). Le point de départ des délais institués par le présent article serait donc la promulgation de la présente loi.

Le dernier alinéa de cet article prévoit enfin que seuls les terminaux permettant la réception des services en UHD, selon les caractéristiques techniques précisées par application de l’article 12 de la loi n° 861067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, pourraient se voir accorder le label « Prêt pour la TNT en ultra haute définition ».

En mai 2024, lors de l’examen de ce texte, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avait supprimé cet article.

  1.   la position des rapporteurs

Les rapporteurs sont favorables à l’adoption de l’article 14 bis en dépit des incertitudes pesant sur la compatibilité de cet article avec le droit communautaire et avec l’obligation, ou non, de notifier, préalablement à la Commission européenne ces dispositions avant leur adoption définitive par le Parlement. Interrogée par les rapporteurs sur ce point, la direction générale des médias et des industries culturelles n’a pu apporter une réponse en temps utile.

Les rapporteurs considèrent effectivement que même si cet article ne relève pas d’une problématique propre à l’audiovisuel public, son adoption peut être envisagée dans le cadre de la présente proposition de loi puisqu’il semble difficile, compte tenu de son objet, de l’intégrer au projet de loi annoncé ayant vocation à traduire juridiquement les conclusions formulées dans le cadre des états généraux de l’information.

Ils observent également que si le champ de l’article 14 bis est aujourd’hui restreint aux seuls équipements destinés aux particuliers, une réflexion sur l’intérêt d’une extension de ce périmètre aux matériels mis sur le marché à destination des professionnels mériterait d’être engagée en tenant compte des caractéristiques propres à ce secteur.

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Article 15
Développement de la radio numérique terrestre

L’article 15 vise, d’une part, à promouvoir le développement de la radio numérique terrestre (RNT) par la généralisation progressive de la réception de la norme DAB+ (Digital Audio Broadcasting) dans tous les équipements de radio vendus en France et, d’autre part, à imposer la présence de terminaux adaptés dans les véhicules automobiles neufs de transport de personnes mis à la vente ou en location. Cet article impose également au gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les possibilités d’aide à l’équipement des foyers et d’aide à l’investissement et à l’absorption du coût de double diffusion des éditeurs de radio afin de favoriser la réception de la radio numérique terrestre sur l’ensemble du territoire.

  1.   le droit existant : la radio numérique terrestre, Une technologie à promouvoir

Depuis un arrêté du 3 janvier 2008 ([107]), les éditeurs de radio numérique terrestre (RNT) peuvent utiliser la norme DAB+ pour diffuser leurs services.

Le développement de la technologie DAB+, associée à la radio numérique terrestre (RNT) ([108]), offre de multiples avantages, tant pour les auditeurs que pour les radios elles-mêmes.

Selon l’Arcom, la technologie DAB+ améliore nettement le confort des auditeurs avec un son de meilleure définition et une plus grande continuité d’écoute grâce à une qualité de réception plus stable, notamment lors des déplacements en voiture ([109]). Le DAB+ est également moins énergivore que la FM et présente des coûts de diffusion moins élevés. De plus, cette technologie permet de mutualiser les coûts de diffusion entre stations de radio, d’étendre leur aire de couverture et, à l’inverse de la diffusion par internet, ne s‘accompagne d’aucun recueil de données personnelles ([110]). Enfin, en permettant l’arrivée de nouvelles stations, le déploiement de la DAB+ pourrait « être à même de résoudre le problème de la saturation des fréquences FM et d’offrir une solution au mécontentement récurrent des groupes privés au regard de la préemption des fréquences par le service public de la radio » ([111]). Cette évolution contribuerait ainsi à renforcer la diversité de l’offre radiophonique sans léser les acteurs en place ([112]).

Malgré ses avantages, la radio numérique terrestre tarde à se développer et la France se situe relativement en retard par rapport à ses voisins en termes de déploiement. En juin 2024, selon l’Arcom, seule « 62,2 % de la population métropolitaine était couverte par au moins un multiplex DAB+ » et « la répartition des fréquences dédiées au DAB+ n’apparaît pas entièrement adaptée, en l’état, aux besoins du secteur. Outre-mer, il n’existe pas à l’heure actuelle de diffusion DAB+ pérenne mais trois expérimentations sont en cours » ([113]). Par ailleurs, alors que le code européen des communications électroniques rend obligatoire le DAB+ dans les véhicules dès lors qu’ils disposent d’un autoradio ([114]), plusieurs constructeurs sont tentés de contourner cette obligation en proposant des modèles d’automobile sans radio.

  1.   le droit proposÉ : favoriser le déploiement du DAB +

L’article 15 comporte deux dispositions. Le I, dont le principe figurait dans la proposition de loi initiale, impose une généralisation progressive de la réception du DAB+ dans tous les équipements radio vendus en France et traite de l’équipement radio des véhicules automobiles neufs.  Le II, adopté lors de l’examen en séance au Sénat, impose au gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les possibilités d’aide à l’équipement des foyers et d’aide à l’investissement et à l’absorption du coût de double diffusion des éditeurs de radio.

Le I impose une généralisation progressive de la réception du DAB+ dans tous les équipements radio vendus en France et traite de l’équipement radio des véhicules automobiles neufs. A cet effet, il prévoit de modifier en deux points l’article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur relatif aux obligations de réception de la haute diffusion ([115]).

En premier lieu, il insère un nouveau paragraphe IV bis prévoyant la généralisation progressive de la réception du DAB+ dans tous les équipements radio vendus en France. Deux délais sont institués :

– un délai de 22 mois à compter de la promulgation de la loi est fixé pour que les équipements de radio vendus par les industriels aux distributeurs d’équipements électroniques grand public sur le territoire national permettent la réception des services de la RNT. Si, dans la proposition de loi initiale, ce délai était de 9 mois, il est passé à 18 mois dans le texte adopté en commission pour être finalement établi à 22 mois en séance ;

– un délai de 30 mois à compter de la promulgation de la loi est fixé pour que les récepteurs de radio vendus aux consommateurs sur le territoire national permettent la réception des services de la RNT. Si, dans la proposition de loi initiale, ce délai était est de 12 mois, il est passé à 24 mois dans le texte adopté en commission pour être finalement porté à 30 mois en séance ([116]).

En second lieu, le I de l’article 15 modifie la rédaction du paragraphe V de l’article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 précitée pour généraliser la réception de la FM et du DAB+ dans tous les véhicules. Alors que la rédaction actuelle du paragraphe V prévoit que les terminaux de réception de services de radio de première monte équipant les véhicules automobiles neufs ayant au moins quatre roues et mis sur le marché à des fins de vente ou de location, « permettent la réception de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique en modulation de fréquences et en mode numérique », la rédaction proposée est plus contraignante. En effet, celle-ci impose que ces mêmes véhicules « sont équipés de terminaux de réception de services de radio permettant la réception de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode analogique en modulation de fréquence et en mode numérique ».

La double obligation instituée par le I de l’article 15 doit favoriser la généralisation de la diffusion des récepteurs DAB+ qui constitue un préalable à l’évolution des usages, les équipements d’entrée de gamme vendus aujourd’hui se contentant de proposer une réception de la radio en modulation de fréquence (FM). À l’heure actuelle, selon l’Arcom, « à peine 24,5 % des individus sont équipés d’un récepteur DAB+ » en raison notamment du coût des appareils et de leur faible taux de renouvellement ([117]). Selon M. Hugonet, rapporteur de la commission chargée de la communication du Sénat, « la généralisation de cette norme sur les récepteurs vendus aurait pour effet mécanique de ramener le prix de ce type de matériel à un niveau comparable avec le prix des récepteurs FM, selon le principe bien connu des coûts décroissants » ([118]). Cette mesure compléterait la diffusion du DAB+ observée sur un nombre croissant de smartphones. 

Le II de l’article 15 impose au gouvernement de remettre au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, un rapport sur les possibilités d’aide à l’équipement des foyers et d’aide à l’investissement et à l’absorption du coût de double diffusion pour les éditeurs de radios (et plus particulièrement pour les radios indépendantes et à faibles ressources publicitaires) afin de permettre, sur l’ensemble du territoire, la réception effective des services de la RNT. Cette disposition résulte de l’adoption d’un amendement de M. David Assouline ayant reçu un avis favorable de la commission et un avis de sagesse du gouvernement ([119]). La question du coût de la transition vers le DAB+ se pose effectivement avec acuité. Dans son récent Livre blanc de la radio, l’Arcom a ainsi relevé que « la double diffusion en FM et en DAB+ contribue à augmenter les coûts de diffusion et, si elle se poursuivait sur le long terme, entamerait la soutenabilité économique des radios » ([120]). L’appui apporté par les pouvoirs publics pourrait prendre différentes formes. L’Arcom considère que « plusieurs des principes qui ont guidé l’accompagnement du passage à la TNT apparaissent pertinents : le partage de l’organisation et du budget entre les éditeurs, publics et privés, et l’État ; les actions de communication proactives et diversifiées, y compris à la maille locale ; des aides spécifiques déployées pour les territoires et les ménages les plus vulnérables » ([121]).

En mai 2024, lors de l’examen de ce texte, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avait supprimé cet article.

  1.   la position des rapporteurs

Les rapporteurs sont favorables à l’adoption de l’article 15 en dépit des incertitudes pesant sur la compatibilité de cet article avec le droit communautaire et avec l’obligation, ou non, de notifier, préalablement à la Commission européenne ces dispositions avant leur adoption définitive par le Parlement. Interrogée par les rapporteurs sur ce point, la direction générale des médias et des industries culturelles n’a pu apporter une réponse en temps utile.

Les rapporteurs considèrent effectivement que, même si cet article ne relève pas d’une problématique propre à l’audiovisuel public, son adoption peut être envisagée dans le cadre de la présente proposition de loi puisqu’il semble difficile, compte tenu de son objet, de l’intégrer au projet de loi annoncé ayant vocation à traduire juridiquement les conclusions formulées dans le cadre des états généraux de l’information.

Les rapporteurs déposeront par ailleurs un amendement visant à traiter un autre point en lien avec le droit communautaire. L’article 113 (paragraphe 2) du code européen des télécommunications dispose ainsi que « les États membres peuvent adopter des mesures visant à assurer l’interopérabilité d’autres récepteurs de services de radio grand public tout en limitant l’impact sur le marché des récepteurs de services de radio d’entrée de gamme et en veillant à ce que de telles mesures ne s’appliquent pas aux produits pour lesquels le récepteur de services de radio est purement accessoire, tels que les mobiles multifonctions, ni aux équipements utilisés par les radioamateurs ». Une insertion de cette disposition au sein de l’article 15 serait pertinente ([122]).

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avis fait au nom de la commission des affaires étrangères

La commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale s’est saisie pour avis des articles 1er à 5 et 8 de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118).

Alors qu’elle n’avait pas jugé nécessaire de se prononcer sur ce texte sous la XVIème législature, les conditions pour le moins cavalières dans lesquelles celui-ci avait évolué, avant même sa discussion en séance publique, sous l’effet d’amendements gouvernementaux qui en dénaturaient sensiblement la portée, l’ont conduite cette fois-ci à vouloir participer au débat.

Le texte adopté par le Sénat le 21 avril 2024, à l’initiative du président de sa commission de la culture, de l’éducation et de la communication, M. Laurent Lafon, vise à créer un regroupement de l’ensemble des entités de l’audiovisuel public au sein d’une société holding, dénommée « France Médias ».

Les sénateurs ne cachent pas que, derrière cette démarche apparente de mutualisation des synergies à travers une structure légère et stratégique, se profile une étape pure et simple de fusion des différentes entités concernées  ([123]) . Avant la dissolution de la XVIème législature, lorsque la discussion de la proposition de loi était envisagée à l’Assemblée nationale, le gouvernement avait lui-même poussé la logique à son terme en enjambant carrément, de sa propre initiative ou par son soutien à des amendements allant en ce sens, l’étape de la holding pour établir directement une fusion pure et simple de l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public.

Là où le bât blesse, pour une majorité de membres de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, c’est que la société nationale de programmes France Médias Monde est incluse dans ce processus, alors même qu’elle fonctionne selon des modalités spécifiques et joue un rôle très différent de celui de France Télévisions ou Radio France.

Attachée à la préservation de l’indépendance, de l’efficience et de l’impact à l’étranger de France Médias Monde, la commission des affaires étrangères ne pouvait par conséquent rester en dehors de débats aussi essentiels pour l’avenir de cette entité qui représente un vecteur majeur de rayonnement de notre pays à l’international.


  1.   France médias monde, « petit poucet » de l’audiovisuel public dont l’absorption dans un ensemble plus vaste ne rendrait pas la France plus visible à l’international
    1.   France médias monde est un acteur de rayonnement majeur de la France à l’étranger

Société nationale de programmes en charge de l’audiovisuel extérieur définie par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, France Médias Monde (FMM) regroupe aujourd’hui la chaîne de télévision France 24 diffusée en français, anglais, arabe et espagnol, Radio France internationale (RFI), qui émet en dix-sept langues, ainsi que Monte Carlo Doualiya (MCD), radio en langue arabe.

Ces médias ont pour mission de proposer une information libre, indépendante, vérifiée et équilibrée à travers le monde.

La radio RFI, radio mondiale d’actualité, diffuse ses programmes en français et en seize autres langues à travers le monde. Elle utilise 133 relais FM et DAB+ (radio numérique terrestre), les ondes courtes, une trentaine de satellites, les plateformes et les réseaux sociaux ainsi que ses sites et applications propres. Ses programmes sont aussi repris par 1 700 radios partenaires.

La chaîne France 24, comprend quatre chaînes mondiales d’information internationale en continu (en français, en anglais, en arabe et en espagnol), émettant 24 heures sur 24 et sept jours sur sept dans 533 millions de foyers sur les cinq continents. Elle est présente sur le numérique (plateformes, réseaux sociaux, sites et applications).

La radio Monte Carlo Doualiya, radio française de service public en langue arabe, est diffusée aux Proche et Moyen-Orients ainsi qu’en Mauritanie et à Djibouti, à travers 28 relais FM, mais aussi des radios partenaires, sur le satellite, sur les plateformes et réseaux sociaux, ainsi que sur ses sites et applications.

S’y ajoutent, sur financements européens spécifiques :

– ENTR, une offre en vidéos sur les réseaux sociaux à destination des jeunes Européens, accessible en dix langues (français, anglais, allemand, polonais, portugais, roumain, néerlandais, bulgare, hongrois, slovaque) ;

– InfoMigrants, site d’information fiable à destination des migrants où qu’ils se trouvent, accessible en six langues (français, anglais, arabe, dari, pachtoune, bengali).

Le groupe FMM est par ailleurs la société mère de CFI, l’agence française de coopération médias, relevant de l’aide publique au développement, ainsi que l’un des actionnaires de TV5 Monde, groupe multilatéral proposant des chaînes généralistes et culturelles.

  1.   L’absorption de France médias monde dans un ensemble où le groupe ne pèsera rien est un risque qu’il ne faut pas courir

La principale source de financement de FMM provient de sa part dans les dotations « socles » versées à l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel public : sur un total de 4,03 milliards d’euros, 302,9 millions sont alloués à FMM. La France consacre donc seulement 7,6 % de l’ensemble des crédits de l’audiovisuel public, à France Médias Monde (302,9 millions d’euros) et 2,1 % du total à TV5Monde (84 millions d’euros).

L’idée même de faire des économies d’échelle par l’inclusion de ces acteurs, certes très spécialisés mais aussi peu dotés, dans un ensemble d’ores et déjà pesant plus de dix fois leurs dotations interroge. C’est d’autant plus le cas que, dans le cadre juridique actuel, les coopérations et synergies sont d’ores et déjà recherchées et exploitées.

Les synergies de FMM avec France Télévisions mais aussi l’Institut national de l’audiovisuel (INA) existent en effet déjà : entre 80 et 90 % de la couverture nationale et outre-mer de France 24 émane de France Télévisions. Elles relèvent davantage, pour l’essentiel, des supports que des contenus car la radio et la télévision ne répondent pas aux mêmes usages ni aux mêmes attentes du public. En outre, 60 % de l’audience des canaux de FMM ne parle pas le français. De fait, on voit mal quels avantages supplémentaires retirer d’une absorption pure et simple de FMM dans un ensemble plus gros, si ce n’est de masquer plus facilement les coupes budgétaires qui pourraient être appliquées à des opérateurs agissant à l’international, dont le poids interne se trouverait forcément réduit.

Il est d’ailleurs regrettable, à bien des égards, que depuis le début de l’année 2024, les réflexions d’approfondissement des synergies en cours aient été éclipsées par une déperdition d’énergie dans la préparation d’une réforme d’ensemble insatisfaisante – pour ne pas dire préjudiciable – pour l’audiovisuel extérieur public.

  1.   Le regard porté par la commission des affaires étrangères sur la proposition de loi

La commission des affaires étrangères s’est saisie de sept articles de la proposition de loi, qui concernent pour la plupart l’inclusion de France Médias Monde dans la holding de tête dénommée France Médias (articles 1er, 2, 3, 4, 5 et 8), ainsi qu’accessoirement la reconnaissance de TV5 Monde dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication (article 1er bis).

  1.   Un état du droit qui paraît adapté pour France médias monde

France Médias Monde est, à l’instar de France Télévisions et de Radio France, l’une des sociétés nationales de programmes autonomes énumérées à l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dite « loi Léotard ».

Elle y est définie comme « société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France » avec un champ de compétences propre (rayonnement de la France dans le monde et diffusion de programmes sur l’actualité française, francophone, européenne et internationale).

Les ressources affectées à FMM figurent dans un programme budgétaire dédié en loi de finances et ses activités sont régies par un contrat d’objectifs et de moyens (COM) spécifique.

Ce COM est transmis non seulement aux commissions des affaires culturelles et des finances mais expressément « aux commissions chargées des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat », en application de l’article 53 de la loi Léotard, qui peuvent formuler un avis dans un délai de six semaines ([124]) . Elles sont également expressément destinataires de documents annuels de suivi du COM ainsi que du projet stratégique du président-directeur général de FMM en début de mandat et d’un avis de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) sur les résultats en fin de mandat.

Tous ces équilibres paraissent adaptés à la commission des affaires étrangères, qui ne perçoit pas l’intérêt de les bouleverser en diluant FMM dans un ensemble plus vaste.

  1.   Des changements envisagés par la proposition de loi qui n’emportent pas l’adhésion
    1.   Les changements contenus dans le texte en discussion

Le texte de la proposition de loi maintient FMM comme « société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France », à champ de compétence inchangé, mais elle se trouve placée, aux côtés de France Télévisions, Radio France et de l’INA sous une société holding « France Médias » qui détient le capital, répartit les ressources affectées globalement à l’audiovisuel public, définit les orientations stratégiques et conduit des actions communes (article 1er).

Ce faisant, le COM spécifique de FMM disparaîtrait au bénéfice d’une convention stratégique pluriannuelle liant globalement France Médias à l’État (article 5). Il n’en demeure pas moins, en l’état, que :

– le conseil d’administration de FMM resterait consulté sur ce projet de convention ;

– la commission des affaires étrangères serait destinataire, comme aujourd’hui, du projet de convention sur lequel elle peut rendre un avis, et recevrait l’ensemble des autres documents (suivi annuel du COM, projet stratégique du directeur général de France Médias, avis de l’Arcom sur les résultats, etc.).

Ces évolutions peuvent sembler représenter un moindre mal, du fait des garanties posées à court terme, mais à court terme seulement.

  1.   Les perspectives ouvertes lors de l’examen de la proposition de loi sous la XVIème législature, difficilement acceptables pour la commission des affaires étrangères

Le débat sur la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle devait se dérouler dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale le 14 juin 2024. La dissolution du 9 juin l’a empêché mais les discussions en commission des affaires culturelles et de l’éducation, le 15 mai précédent, ont donné un aperçu de certaines inflexions envisagées, si ce n’est prévues, à plus ou moins court terme, une fois l’étape de la holding franchie.

En effet, le gouvernement a souhaité aller très au-delà de la proposition sénatoriale initiale en déposant un amendement s’apparentant à un projet de loi spécifique, sans pour autant être assorti d’une quelconque étude d’impact. Celui-ci créait, au 1er janvier 2026, une entreprise unique France Médias, au sein de laquelle la société FMM disparaissait, de même que la notion « société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France ».

Les compétences et les ressources de FMM se voyaient reprises par France Médias, à l’article 44 de la loi Léotard, et les commissions des affaires étrangères ne figuraient plus expressément parmi les destinataires du projet de convention stratégique pluriannuelle de France Médias, l’amendement du gouvernement évoquant, à l’article 53 de la loi Léotard, une transmission aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il en allait logiquement de même pour la présentation annuelle du rapport sur l’exécution de la convention, pour le rapport d’orientation stratégique du président-directeur général de France Médias en début de mandat et pour l’avis de l’Arcom sur les résultats en fin de mandat.

Sans nier le droit de regard de la commission des affaires étrangères, le lien de celle-ci avec les entités en charge de l’audiovisuel extérieur s’en trouvait indéniablement affaibli, a fortiori au regard de la disparition concomitante de la notion d’« audiovisuel extérieur de la France ».

  1.   Une volonté de préserver l’autonomie et la spécificité de France médias monde en l’écartant de la holding France Médias

Grâce à l’implication des membres de la commission des affaires étrangères, dont son président d’alors Jean-Louis Bourlanges, la commission des affaires culturelles et de l’éducation n’avait pas opté de manière franche et claire, le 15 mai 2024, pour une inclusion de FMM dans un ensemble plus vaste.

Elle avait en effet adopté plusieurs amendements retirant FMM de la holding de tête, afin de tenir compte de ses missions spécifiques et de ses activités à dimension principalement internationale. Selon le texte adopté en commission, la holding France Médias ne devait pas détenir le capital de FMM, ni définir sa stratégie ou préparer sa fusion-absorption.

La commission des affaires étrangères souhaite que cette position logique soit reconduite lors de l’examen, de nouveau en commission des affaires culturelles et de l’éducation, mais aussi et surtout en séance publique. Celui-ci doit consolider l’autonomie de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, ce qui justifie le dépôt et l’adoption de quelques amendements au texte dans sa version issue du Sénat.

 


avis fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale, et du contrôle budgétaire

Le mardi 25 mars 2025, la commission des finances s’est saisie pour avis sur l’article 5 de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118), relatif à la création de conventions stratégiques pluriannuelles et à l’allocation des ressources de l’audiovisuel public.

La commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a, le lundi 31 mars 2025, donné un avis défavorable à l’adoption de l’article 5 du chapitre Ier de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.


  1.   La nÉcessitÉ d’une gouvernance unique pour mener À bien les transformations de l’audiovisuel public

Dans son rapport sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’Institut national de l’audiovisuel pour la période 2024-2028 présenté en commission des finances le 6 novembre 2024 ([125]), le rapporteur pour avis constatait les limites des contrats d’objectifs et de moyens (COM) conclus entre l’État et les entités de l’audiovisuel public pour faire avancer les projets de coopérations et de mutualisations entre ces différentes entités. Il regrettait également « que la mise en place de structures de gouvernance communes pour les projets de rapprochement ne soit pas prévue par les COM. Celles-ci permettraient en effet un pilotage « par le haut » de ces rapprochements et par conséquent une avancée plus rapide de leur mise en œuvre car celle-ci ne reposerait plus uniquement sur la bonne volonté des différentes parties. De fait, les coopérations « par le bas » trouvent aujourd’hui leurs limites, qui ne pourront être réellement dépassées sans une évolution de la gouvernance globale des entreprises. »

Le rapporteur pour avis rejoint ainsi les propos de l’ancien président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), Roch-Olivier Maistre, qui affirmait lors de son audition par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale le mardi 8 octobre 2024 ([126]) la nécessité, « alors que l’heure est au média global, (…) que la concurrence s’internationalise », pour le service public de l’audiovisuel de « rassembler ses forces, non pas pour se diluer, mais pour se fédérer », et soutenait que « seule une présidence commune permettra de porter cette ambition stratégique renouvelée ».

La création de la holding France Médias rassemblant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde ([127]) et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) répond à un impératif de transformation et d’adaptation de l’audiovisuel public face aux défis majeurs que représentent la production d’une information de qualité, le renforcement de la proximité, le développement du numérique et le rajeunissement des publics. Les gains d’efficacité que doivent permettre les réorganisations futures mises en œuvre par la holding auront vocation à améliorer l’offre du service public de l’audiovisuel.

Le texte transmis par le Sénat prévoit une gouvernance partagée entre le président-directeur général (PDG) de France Médias, qui serait uniquement président des filiales, et des directeurs généraux en charge de la direction opérationnelle des filiales (article 3 de la présente proposition de loi).

Le rapporteur pour avis soutient cependant la mise en place d’une présidence exécutive telle que le prévoyait le texte adopté en commission des affaires culturelles en mai 2024, à la suite de l’adoption d’un amendement de rédaction globale du Gouvernement ([128]). Ainsi, la société France Médias prendrait la forme d’une holding exécutive, avec un président-directeur général également président-directeur général des filiales composant la holding, assisté par des directeurs généraux délégués, proposés par le PDG de la holding et nommés par les conseils d’administration respectifs des filiales. Le rapporteur pour avis souligne la nécessité d’avoir un dirigeant unique à la tête de la holding et des différentes filiales pour en déterminer la stratégie et faire avancer les coopérations et les mutualisations entre celles-ci.

Les auditions réalisées par le rapporteur pour avis ont permis de distinguer des exemples de mutualisations qui pourront être plus facilement initiées par une gouvernance unique. La présidence actuelle de l’INA identifie ainsi de nombreuses synergies possibles en matière de formation ou de rapprochement des fonctions supports : l’INA dispose du plus grand data center audiovisuel d’Europe et pourrait participer à la mise en place d’une gestion centralisée des archives des différentes filiales de la holding.

Le rapporteur pour avis souhaite cependant que la création d’une holding exécutive n’entraîne pas la constitution d’une strate supplémentaire coûteuse et appelle donc au respect de l’engagement pris par le Gouvernement de limiter la taille de l’équipe propre à la holding France Médias au strict minimum en s’appuyant sur les personnels et les compétences déjà présents dans les futures filiales.

  1.   Un renforcement indispensable du contrôle du parlement sur les orientations stratÉgiques et la trajectoire financiÈre de l’audiovisuel public

La mise en place d’une holding entraînerait une diminution du rôle du Parlement dans la détermination du budget de l’audiovisuel public : dans les lois de finances, le Parlement ne voterait plus qu’une enveloppe globale correspondant aux crédits affectés à la holding France Médias, alors qu’il détermine aujourd’hui les crédits affectés à chacune des entités de l’audiovisuel public.

Par ailleurs, le rapporteur pour avis constatait dans son rapport précédemment mentionné sur les projets de COM de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’Institut national de l’audiovisuel pour la période 2024-2028 que les COM restaient des outils de pilotage peu contraignants, qui ne permettaient pas à l’État de mettre en œuvre une véritable vision stratégique, et a fortiori au Parlement de sanctionner le non-respect de ces contrats.

Dans ce contexte, le rapporteur pour avis souhaite donc que le rôle du Parlement soit renforcé en ce qui concerne les conventions stratégiques pluriannuelles (CSP) qui remplaceraient les COM et propose ainsi de rendre contraignant l’avis des commissions des finances de chaque assemblée sur ces CSP ou sur les avenants à ces conventions en permettant aux commissions d’empêcher la signature d’une CSP ou d’un avenant par un vote négatif aux trois cinquièmes des suffrages exprimés (voir infra). 

Au regard des transformations que le secteur doit entreprendre et d’un contexte de forte de concurrence sur le marché de l’audiovisuel, comprenant notamment les plateformes de streaming, et plus généralement sur le marché de l’attention avec les réseaux sociaux, le rapporteur pour avis souligne l’importance pour l’audiovisuel public de disposer d’une visibilité pluriannuelle sur sa trajectoire de financement alors qu’aujourd’hui France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel ne sont liés par aucun contrat d’objectifs et de moyens (COM). Les projets de COM pour la période 2024-2028 n’ont en effet pas été signés en raison de la remise en cause en 2024 et 2025 de la trajectoire financière qui y était inscrite.

Enfin, si la constitution de la holding en tant que telle ne devrait pas susciter d’augmentation sensible de la masse salariale, les réorganisations internes que celle-ci aura la charge d’entreprendre devraient, quant à elles, engendrer des coûts supplémentaires dans un premier temps. Ces coûts n’ont fait l’objet d’aucun chiffrage indicatif dans les documents préparatoires. Le rapporteur pour avis appelle donc à ce que le Parlement soit informé de l’évolution des coûts au sein de la holding après sa constitution, à travers la remise d’un rapport annuel avant l’examen du projet de loi de finances (voir infra la mention de l’amendement n° CF13 déposé par le rapporteur pour avis).


  1.   EXAMEN des articles

Chapitre Ier
Réforme de l’audiovisuel public

Article 5

Création des conventions stratégiques pluriannuelles et allocation
des ressources de l’audiovisuel public

  1.   Les contrats d’objectifs et de moyens : des outils de pilotage imparfaits

L’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose que l’État conclut des contrats d’objectifs et de moyens (COM) avec France Télévisions, Radio France, France Médias Monde ([129]), Arte-France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), dont la durée est comprise entre trois et cinq ans.

Ces contrats doivent déterminer, pour chaque entité de l’audiovisuel public, des engagements relatifs à sa gestion, à son financement et à sa stratégie, à savoir :

– les axes prioritaires de développement ;

– le coût prévisionnel annuel des activités et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution et de résultats retenus ;

– le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;

– le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;

– les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix ;

– les axes d’amélioration de la gestion financière et des ressources humaines ; 

– le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l’équilibre financier.

Les COM doivent également comporter des engagements relatifs à la diversité des programmes et à l’investissement dans la création :

– pour garantir la diversité et l’innovation dans la création ;

– concernant France Télévisions, pour inscrire des montants minimaux d’investissements dans la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue.

Le rapporteur pour avis définissait de la manière suivant les contrats d’objectifs et de moyens dans son rapport sur les COM 2024-2028 ([130]) : « les COM représentent un outil utile pour l’État comme pour les opérateurs. Ils viennent formaliser la stratégie de l’entreprise et constituent une référence d’évaluation dans la mise en œuvre de cette stratégie pour les tutelles, l’Arcom et le Parlement. Ils conditionnent ainsi l’attribution de concours financiers publics à l’atteinte d’objectifs relatifs à leurs missions de service public. Ils permettent par ailleurs la planification de la gestion de l’entreprise à travers la feuille de route pluriannuelle qu’ils constituent. »

Les COM sont négociés entre les ministères chargés respectivement de l’économie, du budget et de la culture et chacun des organismes de l’audiovisuel public. Afin de renforcer la responsabilité des dirigeants de l’audiovisuel public, la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a prévu qu’un nouveau contrat puisse être conclu après la nomination d’un nouveau président ([131]).

Avant leur signature, les COM sont transmis aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ([132]), qui peuvent formuler un avis dans un délai de six semaines à compter de la transmission. Ils sont également transmis à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui formule un avis sur les COM des sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde dans un délai de quatre semaines.

En application du III de l’article 53, le Parlement approuve en loi de finances la répartition entre les organismes affectataires des ressources publiques retracées dans le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public.

Le VI de l’article 53 proscrit la publicité sur les antennes de France Télévisions entre vingt heures et six heures, à l’exception des messages publicitaires pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique et des campagnes d’intérêt général.

Le paragraphe VI bis de l’article 53 interdit le recours à la publicité commerciale sur les chaînes de France Télévisions au cours de la diffusion de programmes destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans, ainsi que quinze minutes avant et après la diffusion desdits programmes.

Les COM sont donc un outil indispensable pour déterminer la stratégie des différentes entités de l’audiovisuel public, leur apporter une visibilité financière pluriannuelle et pouvoir évaluer l’atteinte d’objectifs préalablement fixés. À ce titre, le rapporteur pour avis regrette que l’application des COM n’ait pas toujours été respectée ainsi que leur transmission au Parlement soit souvent tardive. Le rapporteur pour avis avait en effet considéré dans son rapport sur les COM 2024-2028 ([133]) que « la temporalité de l’élaboration des COM ne permet pas au Parlement de se prononcer en temps utile, la période du COM ayant déjà été engagée » au moment de la transmission des projets de COM. De fait, les projets de COM 2024-2028 ont été transmis au Parlement le 18 juin 2024, de même que les avenants pour 2023 aux COM 2020-2022 des sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde avaient été négociés en cours d’année 2023.

Le rapporteur pour avis souligne également le caractère incomplet des derniers projets de COM transmis au Parlement et avait en ce sens relevé dans son rapport que « les projets de COM ne présentent pas suffisamment d’éléments détaillés concernant les rapprochements et les synergies entre les différents opérateurs ».

  1.   un nouvel instrument de gouvernance : les conventions stratÉgiques pluriannuelles

Le présent article propose une nouvelle rédaction de l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et substituerait aux cinq COM conclus avec France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Arte-France et l’INA des conventions stratégiques pluriannuelles (CSP), qui seraient au nombre de deux : la convention conclue avec la société holding France Médias et celle conclue avec Arte-France. La CSP de la holding France Médias remplaçant ainsi quatre COM négociés séparément, l’État serait à même de définir une stratégie globale pour l’audiovisuel public.

Le Gouvernement ayant prévu d’exclure par voie d’amendement France Médias Monde du périmètre de la holding ([134]), l’État conclurait alors trois CSP avec la holding France Médias, France Médias Monde et Arte-France. Les dispositions du présent article seraient alors adaptées en conséquence.

  1.   Le contenu des conventions stratÉgiques pluriannuelles : des Évolutions par rapport aux contrats d’objectifs et de moyens
    1.   La définition des orientations stratégiques et de la trajectoire de ressources des sociétés de l’audiovisuel public

Les CSP seraient conclues pour une durée de trois à cinq ans et auraient pour objet de déterminer, pour la société France Médias et chacune de ses filiales ou pour Arte-France :

– les orientations stratégiques et les axes prioritaires de leur développement ;

– le coût prévisionnel de leurs activités pour chacune des années concernées et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’exécution et de résultats retenus ;

– les prévisions pluriannuelles de ressources publiques devant leur être affectées.

S’agissant de la société France Médias, la CSP devrait distinguer :

– la part maximale que la holding conserverait afin de mener des missions propres ;

– la part que celle-ci serait chargée de répartir entre ses filiales, ainsi que la clef de répartition ;

– la part que France Médias consacrerait à la conduite de projets d’intérêt commun à tout ou partie de ses filiales.

Aux termes de l’alinéa 11 du présent article, la CSP de France Médias déterminerait également pour chaque filiale des éléments de gestion similaires à ceux inscrits dans les COM, tels que le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage.

Les CSP ne contiendraient toutefois plus les engagements suivants qui devaient obligatoirement figurer dans les COM :

– les engagements pris au titre de la diversité et l’innovation dans la création ;

– en ce qui concerne France Télévisions, les montants minimaux d’investissements dans la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue.

  1.   Le plafonnement des recettes publicitaires et de parrainage, y compris sur le numérique, correspond à une analyse incorrecte du marché de la publicité

Le plafonnement des recettes publicitaires et de parrainage est issu de l’amendement n° COM-40 rect. du rapporteur Jean-Raymond Hugonet adopté en première lecture par la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport du Sénat ([135]). Le présent article prévoit donc que les CSP fixent un niveau maximal de recettes publicitaires et de parrainage, y compris digitales, aux sociétés France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, défini en fonction des montants de ressources publiques qui leur sont attribués. L’Institut national de l’audiovisuel, pourtant dans le périmètre de la holding France Médias, n’est pas concerné par ce plafonnement des recettes publicitaires et de parrainage.

Cette disposition cherchait à répondre aux préoccupations des acteurs privés de l’audiovisuel, mises en avant par les rapporteurs Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon dans leur rapport d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public ([136]). Ces derniers défendaient par ailleurs « l’objectif d’une diminution progressive de la publicité, sous toutes ses formes, sur les antennes télévisées comme radiophoniques du service public. » ([137])

Il n’existe à ce jour qu’un plafond des recettes publicitaires et de parrainage sur les antennes traditionnelles de Radio France (hors recettes tirées de la diffusion de messages d’intérêt général et de publicités sur le numérique), fixé à 42 millions d’euros par an ([138]). 

Toutefois, la nature du marché de la publicité digitale, implique une concurrence non pas entre acteurs nationaux de l’audiovisuel mais avec les grandes plateformes mondiales (GAFAM). C’est ce que décrit l’étude « Perspectives d’évolution du marché publicitaire français à l’horizon 2030 » de janvier 2024 réalisée par l’Arcom et la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC). Celle-ci prévoit que les quatre grandes plateformes numériques extra-européennes (Alphabet, Meta, Amazon, Bytedance) capteront une part de plus en plus significative du marché publicitaire dans les prochaines années : cette part s’élèvera à 45 % en 2030 contre 36 % en 2022 et 13 % en 2012.

Ainsi, la mise en place d’un plafond sur les recettes digitales des organismes de l’audiovisuel public bénéficierait essentiellement aux grandes plateformes et non aux acteurs privés français de l’audiovisuel.

Par ailleurs, il s’agit d’un marché en forte croissance, à la différence du marché de la publicité sur le linéaire, qui est en baisse (– 4 % sur le marché de la publicité télévisée depuis 2015). Il représente donc un potentiel d’augmentation ou a minima de maintien des recettes publicitaires pour l’audiovisuel public et une ressource importante et potentiellement dynamique ([139]) dans un contexte général de maîtrise des dépenses publiques dont l’impact sur le niveau de financement de l’audiovisuel public a pu être constaté en 2024 et dans la loi de finances initiale pour 2025.

En ce qui concerne France Télévisions, ses recettes sont déjà limitées par un cadre contraignant : outre les limitations mentionnées aux alinéas 28 et 29 du présent article (voir infra) relatives à l’interdiction de la publicité après vingt heures et pour les programmes jeunesse, le temps maximal consacré à la diffusion de messages publicitaires est fixé à six minutes par heure d’antenne et huit minutes par heure d’horloge (contre respectivement neuf et douze minutes pour les chaînes privées).

La publicité représente 3,7 % du temps d’antenne sur les chaînes de France Télévisions, contre plus de 14 % pour les éditeurs privés ([140]). Ainsi, l’intensité publicitaire sur les chaînes de France Télévisions est marginale en comparaison des éditeurs privés. Par ailleurs, la part de France Télévisions dans le total du marché de la publicité télévisuelle reste stable depuis plusieurs années (entre 10 % et 11 % du marché).

Enfin, dans un contexte d’attrition des ressources publiques affectées à France Télévisions (– 17,3 millions d’euros entre la LFI 2024 et la LFI 2025 sur la dotation socle uniquement, hors crédits du programme de transformation), et de manque de visibilité pluriannuelle sur son financement, la mise en place d’un plafonnement des recettes publicitaires et de parrainage, qui représentent aujourd’hui 15 à 20 % des ressources de France Télévisions ([141]), aurait des effets négatifs sur son activité, et ce d’autant plus que ces recettes sont variables et dépendent de certaines circonstances comme les grands évènements sportifs (Jeux Olympiques et Paralympiques, Coupe du monde de football, etc.).

En ce qui concerne France Médias Monde, la mise en place d’un plafonnement des ressources publicitaires ne serait pas non plus justifiée et fragiliserait les ressources de la société. Les ressources publicitaires de France Médias Monde, qui constituent 2 % des ressources du groupe (soit 5,3 millions d’euros en 2024) ([142]), sont limitées par la nature même de ce type de médias d’information (interdits nombreux), plurilingues et de leur caractère mondial, dans un paysage publicitaire fragmenté à l’international. La publicité est donc un marché difficile pour France Médias Monde en raison de ce morcellement linguistique et géographique et la société ne représente pas de concurrence significative pour les acteurs privés nationaux de l’audiovisuel sur le marché de la publicité.

Le rapporteur pour avis s’oppose donc à l’introduction d’un plafonnement des recettes publicitaires de France Télévisions et de France Médias Monde, ainsi qu’à un plafonnement des recettes sur le numérique pour ces deux dernières sociétés et Radio France.

Le rapporteur pour avis propose ainsi d’adopter l’amendement n° CF14 supprimant l’inscription d’un plafond de recettes publicitaires et de parrainage sur le numérique.

Le rapporteur pour avis propose également d’adopter deux amendements  CF15 et n° CF16 supprimant le plafonnement des ressources publicitaires et de parrainage respectivement pour France Télévisions et France Médias Monde.

  1.   La conclusion des conventions stratÉgiques pluriannuelles et l’information du parlement : la nÉcessitÉ d’un pouvoir dÉcisionnaire pour les commissions des finances

L’alinéa 12 de l’article 5 prévoit que les CSP, ainsi que leurs éventuels avenants, sont transmis aux commissions permanentes chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui peuvent formuler un avis dans un délai de six semaines, soit une procédure similaire à celle en vigueur pour les COM.

Le paragraphe II de ce même article (alinéas 13 à 15) prévoit que le conseil d’administration de France Médias et le conseil de surveillance d’Arte-France approuvent leur CSP et délibèrent sur leur exécution annuelle.

Les conseils d’administration de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’Institut national de l’audiovisuel sont, pour leur part, consultés, chacun en ce qui le concerne, sur le projet de CSP entre l’État et la société France Médias, ainsi que sur l’exécution annuelle de celle-ci.

De la même façon que, chaque année, les organismes de l’audiovisuel public doivent présenter aux commissions compétentes de chaque assemblée un rapport sur l’exécution de leur COM, le présent article prévoit que les sociétés France Médias et Arte-France devront présenter aux commissions permanentes chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat, avant l’examen du projet de loi de règlement ([143]), un rapport sur l’exécution de leur CSP.

Le paragraphe III de l’article 5 (paragraphes 16 à 21) prévoit des modalités d’information complémentaires du Parlement, qui visent à compenser la réduction du rôle de ce dernier dans l’affectation de ressources à l’audiovisuel public à la suite de la constitution de la holding France Médias.

Chaque année, avant l’examen du projet de loi de finances, le Parlement est informé de la répartition indicative, élaborée sur proposition de la société holding France Médias, des ressources publiques, entre la part que celle-ci conserverait aux fins de mener ses missions propres, celle qu’elle serait chargée de répartir entre ses filiales ainsi que la clef de répartition entre celles-ci, et celle qu’elle consacrerait à la conduite de projets d’intérêt général commun à tout ou partie de ses filiales.

Dans le cas où ces montants et leur répartition différeraient de la trajectoire pluriannuelle inscrite dans la CSP, le Parlement serait informé de la justification des écarts constatés.

Le paragraphe IV de la rédaction proposée pour l’article 5 (alinéa 22) prévoit que la société holding France Médias détermine la répartition des ressources publiques entre les trois parts susmentionnées.

Le rapporteur pour avis regrette que l’avis exprimé par les organes parlementaires sur les COM ne soit pas toujours pris en compte et ne participe ainsi pas réellement à l’élaboration de ceux-ci. L’article 5 de la présente proposition de loi prévoit la poursuite du système actuel à travers la communication des projets de CSP et des avenants à ces conventions aux commissions compétentes, dont le rôle sera limité à la formulation d’un avis. Ce système n’est pas satisfaisant en ce qu’il ne permettra pas de garantir la prise en compte de l’avis du Parlement.

Par ailleurs, la constitution de la holding France Médias aurait pour conséquence une diminution du pouvoir des parlementaires dans la détermination du budget des différents organismes de l’audiovisuel public. En effet, le Parlement détermine aujourd’hui en loi de finances la répartition des crédits entre les organismes de l’audiovisuel public à travers le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public. Après la constitution de la holding, cette répartition relèvera pour les sociétés concernées (France Télévisions, Radio France, l’INA et éventuellement France Médias Monde) du conseil d’administration de la holding et non plus du vote des parlementaires. En pratique, le PDG de France Médias, nommé par l’Arcom sans possibilité de censure des parlementaires, déterminera la répartition des ressources entre les différentes filiales de la holding. Le rôle du Parlement serait ainsi limité à la formulation d’un avis sur la clef de répartition des ressources publiques entre les sociétés constituant la holding France Médias, qui serait inscrite dans les CSP.

Le rapporteur pour avis souhaite donc renforcer la portée des futurs avis rendus par les organes parlementaires sur les CSP et le pouvoir de contrôle du Parlement sur les orientations stratégiques et la trajectoire de financement de l’audiovisuel public.

Le rapporteur pour avis propose donc d’adopter l’amendement n° CF17 qui prévoit d’accorder un pouvoir décisionnaire au Parlement en ce qui concerne les projets de conventions stratégiques pluriannuelles (CSP) ainsi que les éventuels projets d’avenants à ces conventions. Afin de s’assurer que l’avis des commissions des finances de chaque assemblée soit pris en compte, l’amendement rend obligatoire la validation des projets de CSP et de leurs éventuels projets d’avenants par les commissions des finances de chaque assemblée. Sur le modèle de la majorité de blocage prévue à l’article 13 de la Constitution pour certaines nominations du Président de la République, lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission des finances représenterait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions, le projet de CSP ou le projet d’avenant à cette convention ne pourrait être signé entre l’État et l’organisme de l’audiovisuel public concerné. Un nouveau projet de CSP ou d’avenant devrait alors être transmis aux commissions compétentes, et pourrait notamment tenir compte des avis formulés par celles-ci.

Cet amendement ne vise pas à ce que le Parlement détermine lui-même la répartition des ressources entre les filiales de la holding, puisque cette répartition relèverait de la stratégie déterminée entre l’État et la holding et qu’il est nécessaire de laisser à la future présidence de la holding une marge de manœuvre dans la répartition des ressources pour mettre en place des réformes telles que la création de nouvelles filiales. Toutefois, le Parlement ne doit pas être dépossédé de sa capacité à s’opposer à d’éventuelles réorganisations prévues et doit pouvoir s’assurer de la concordance entre les objectifs et les moyens alloués aux filiales.

Le rapporteur pour avis souhaite également que les commissions compétentes du Sénat de l’Assemblée nationale soient davantage associées au suivi et au contrôle de l’exécution des CSP, et à ce titre que les commissions des finances disposent d’un pouvoir de dénonciation des CSP en cas d’écart trop important entre la trajectoire financière ou la clé de répartition inscrites dans la CSP et leur exécution.

Le rapporteur pour avis propose ainsi d’adopter l’amendement n° CF11 prévoyant qu’en cas d’écart significatif entre les montants de ressources publiques affectées aux différentes sociétés de l’audiovisuel public ou leur répartition tels qu’inscrits dans les CSP ou son avenant et les montants et leur répartition indicative proposés par la société holding et transmis au Parlement avant l’examen du projet de loi de finances, les commissions des finances de chaque assemblée auraient la possibilité de dénoncer la CSP ou son avenant par un vote négatif aux trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions des finances ([144]). La CSP ou son avenant serait alors réputés caducs, contraignant ainsi l’État et la holding France Médias à établir une nouvelle CSP avec une trajectoire financière et une clé de répartition actualisées, sur lesquelles les commissions compétentes de chaque assemblée pourraient se prononcer.

Par ailleurs, le présent article ne prévoit plus de transmission des CSP à l’Arcom. Il convient de rappeler que lors du précédent examen en commission des affaires culturelles de la présente proposition de loi, l’amendement de rédaction globale n° AC223 de l’article 5 déposé par le Gouvernement et adopté le mardi 14 mai 2024 prévoyait la transmission des projets de conventions stratégiques pluriannuelles ainsi que les éventuels avenants à ces conventions à l’Arcom ([145]).

Le rapporteur pour avis propose ainsi d’adopter l’amendement  CF47 introduisant un avis obligatoire de l’Arcom sur les projets de CSP et les éventuels projets d’avenants à ces conventions, formulé quatre semaines après la transmission de ces projets au Parlement, comme prévu par les dispositions actuelles de l’article 53 pour les COM.

L’étude d’impact de la présente proposition de loi réalisée par la Direction générale des médias et des industries culturelles ([146]) indique que la constitution de la holding France Médias peut être réalisée « à coût nul », sans augmentation de la masse salariale des entités concernées, grâce à la mise à disposition de personnels déjà présents dans les structures formant la holding et la stricte limitation des effectifs propres à la holding. Toutefois, les réorganisations internes évoquées (constitution de filiales thématiques dédiées à l’exécution d’une mission de service public particulière, rapprochement des fonctions support au niveau de la société-mère), tout en visant à une action plus efficiente, auront probablement un coût à court terme (alignement des conventions collectives, rapprochement géographique, mise en commun des systèmes d’information), qui n’a pas été évalué. 

Ainsi, dans la perspective du renforcement du contrôle du Parlement sur la stratégie de l’audiovisuel public et sur la trajectoire de son financement, le rapporteur pour avis souhaite que chaque année, passé un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport soit remis au Parlement afin d’évaluer le coût des réformes entreprises par la holding France Médias nouvellement créée, telles que les réorganisations ou la création de nouvelles filiales. Le rapporteur pour avis propose en conséquence d’adopter l’amendement n° CF13.

  1.   Les modalitÉs de financement de l’audiovisuel public

Le paragraphe V de l’article 5 (alinéa 27) prévoit que la principale source de financement des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, INA, ARTE-France et TV5 Monde est constituée par une ressource publique de nature fiscale, pérenne, suffisante, prévisible et prenant en compte l’inflation.

L’amendement n° COM-41 adopté par la commission de la culture du Sénat ([147]) a inclus TV5 Monde dans le périmètre des sociétés de l’audiovisuel public devant être financées principalement par cette ressource. 

Le rapporteur pour avis salue l’introduction dans le présent article de cette disposition, qui vise à garantir l’indépendance du service public audiovisuel et qui s’inscrit dans la continuité de la loi organique n° 2024-1177 du 13 décembre 2024 portant réforme du financement de l’audiovisuel public qui a permis de pérenniser l’affectation d’une fraction de TVA à l’audiovisuel public. 

  1.   Encadrement de la publicitÉ sur France tÉlÉvisions

Le paragraphe VI du présent article (alinéas 28 et 29) reprend les dispositions des paragraphes VI et VI bis de l’article 53 en vigueur, relatives à l’encadrement de la publicité sur les antennes de France Télévisions, à savoir l’interdiction de la publicité entre vingt heures et six heures sur le linéaire ainsi que pour les programmes prioritairement destinés aux enfants de moins de douze ans, y compris ceux diffusés en ligne.

  1.   La position de la commission

La commission a adopté deux amendements identiques de suppression de l’article 5 présentés par Mme Sophie Taillé-Polian et M. Aurélien Saintoul ([148]).

              La commission a ensuite adopté trois amendements portant article additionnel après l’article 5 :

– un amendement n° CF3 de M. Aurélien Saintoul rétablissant l’article 1605 du code général des impôts et créant une nouvelle taxe dénommée contribution à l’audiovisuel public dont le montant, compris entre 0 et 500 euros, est progressif en fonction du revenu fiscal ([149]) ;

– un amendement n° CF5 de M. Aurélien Saintoul demandant la remise par le Gouvernement dans un délai de six mois d’un rapport évaluant la visibilité des enjeux relatifs aux territoires ultra-marins sur les antennes de l’audiovisuel public ([150]) ;

– un amendement n° CF13 de M. Denis Masséglia demandant la remise par le Gouvernement chaque année à compter d’un délai de deux ans d’un rapport évaluation le coût des réorganisations mises en place par la holding France Médias nouvellement créée ([151]).


Liste des personnes ENTENDUEs par le rapporteur de la commission des finances

(par ordre chronologique)

      Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC)

– Mme Florence Philbert, directrice générale ;

– Mme Laure Leclerc, sous-directrice de la direction de l’audiovisuel.

      Institut national de l’audiovisuel (INA)

– M. Laurent Vallet, président-directeur général ;

– Mme Déborah Münzer, directrice de cabinet.

      France Télévisions

– M. Christian Tardieu, secrétaire général ;

– Mme Livia Saurin, secrétaire générale-adjointe ;

– M. Christian Vion, directeur général adjoint en charge de la gestion, de la production et des moyens de France Télévisions.

      Radio France

– Mme Sibyle Veil, présidente-directrice générale ;

– M. Charles-Emmanuel Bon, secrétaire général ;

– Mme Marie-Ange Badin, secrétaire générale adjointe.

      France Médias Monde

– Mme Marie-Christine Saragosse, présidente directrice générale ;

– M. Roland Husson, directeur général en charge du pôle ressources ;

– M. Corentin Masclet-Andrieu, responsable relations institutionnelles et communication transverse.


   travaux de la commission des affaires culturelles

Réunion du mardi 1er avril 2025 à 16 heures 30

La commission examine la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118) (Mme Virginie Duby-Muller et M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteurs) ([152]).

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. En mai 2024, notre commission a déjà examiné la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle ; la dissolution de l’Assemblée avait empêché son examen en séance publique.

Nous devions l’examiner de nouveau au début du mois de décembre 2024. C’est pourquoi, à l’automne, nous avons désigné Mme Virginie Duby-Muller et M. Jérémie Patrier-Leitus comme rapporteurs. La censure du gouvernement de Michel Barnier a été votée quelques jours avant son examen. Nous reprenons donc ce dossier où nous l’avions laissé.

Ce projet de réforme majeur est susceptible de transformer en profondeur le service public de l’audiovisuel. Les équipes de France Télévisions, de Radio France, de France Médias Monde (FMM) et de l’INA (Institut national de l’audiovisuel) ont déposé des préavis de grève hier et aujourd’hui.

Par ailleurs, certains collègues avaient demandé que le texte soit assorti d’une étude d’impact afin d’obtenir une analyse plus détaillée des conséquences concrètes de la création d’une holding. J’ai partagé avec l’ensemble des membres de cette commission le document que le ministère m’a transmis. S’il vient éclairer quelques points, la partie consacrée aux impacts de la réforme est très succincte.

Enfin, je regrette que les conclusions de la mission confiée à Mme Bloch sur l’accompagnement de la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public ne soient attendues qu’en juin. Il aurait été préférable que la représentation nationale puisse débattre de ce texte en ayant connaissance de l’ensemble des éléments d’évaluation.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Ce texte important et nécessaire pour l’avenir de l’audiovisuel public et de notre souveraineté audiovisuelle a été adopté au Sénat il y a maintenant deux ans. Avec ma collègue Virginie Duby-Muller, nous remercions le président de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, Laurent Lafon, et nos collègues sénateurs pour la qualité de leur travail.

L’an dernier, notre commission adoptait cette proposition de loi, dont l’examen n’a pu se prolonger en séance en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale. Pour certains d’entre vous, ce texte arrive trop tôt, il n’est pas la priorité ; pour d’autres, il arrive trop tard. Or nous ne pouvons plus attendre. Cela fait maintenant dix ans que cette réforme fait l’objet d’une réflexion ; elle est aujourd’hui arrivée à maturité, son examen ne peut plus être décalé, suspendu ou reporté.

Nous entendons l’inquiétude des salariés, elle est légitime et compréhensible, dans la mesure où nous souhaitons modifier leur outil de travail. Mais l’audiovisuel public est d’abord l’outil de tous les Français et c’est à nous, législateurs, que revient la tâche de définir ses missions et son organisation.

Dix ans de réflexion, d’atermoiements, de revirements puisque le premier rapport d’information parlementaire appelant à la création de France Médias en trois étapes, de nos collègues sénateurs André Gattolin, alors membre du groupe écologiste – solidarité et territoires, et Jean-Pierre Leleux, membre des Républicains, date de 2015. Je vous épargnerai la litanie des différentes missions et rapports sur ce sujet pour ne citer que l’un des derniers, le rapport d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public de Quentin Bataillon et de Jean-Jacques Gaultier.

Cela fait donc dix ans que le Parlement réfléchit, en lien avec les ministres chargés de la culture successifs, à l’avenir de notre audiovisuel public. Nous sommes heureux, quelles que soient nos positions ou nos sensibilités, que, cette semaine en commission et la semaine prochaine dans l’hémicycle, les députés puissent s’exprimer et délibérer sur cet enjeu majeur pour notre démocratie. L’audiovisuel public est l’un de nos biens publics les plus précieux, un pilier de notre démocratie et un modèle auquel nous sommes collectivement attachés et que nous devons préserver et défendre.

Dans un contexte de guerre informationnelle et de désinformation, ce modèle fait face à des fragilités et à des défis importants. Le développement des réseaux sociaux, l’arrivée des plateformes bouleversent depuis des années les pratiques informationnelles et les usages quotidiens, induisant des risques démocratiques que nous connaissons tous. Face à ces défis, que pouvons-nous faire ? Que devons-nous faire pour protéger et pérenniser un audiovisuel public de qualité au service de tous les Français ? Nous sommes convaincus que le statu quo n’est pas tenable, qu’il conduirait, à moyen terme, à fragiliser les acteurs de l’audiovisuel public.

Au-delà de nos étiquettes et des clivages partisans, nous devons garantir un audiovisuel public puissant car il y va de notre souveraineté et de notre indépendance. Pour atteindre cet objectif, chacun défend une vision, des méthodes et des solutions différentes. Certains d’entre vous souhaitent un audiovisuel public qui se limiterait à quelques chaînes et fréquences, quand d’autres défendent le statu quo et donc le morcellement des acteurs. Si nous avons une autre vision de l’organisation de notre audiovisuel public, nous devons ensemble le renforcer et défendre notre indépendance et notre souveraineté.

Au fil des échanges nourris que nous avons eus et des auditions approfondies que nous avons menées, nous nous sommes forgés une conviction : l’audiovisuel public doit rassembler ses forces, s’unir pour faire face aux défis auxquels il est confronté et aux menaces qui pèsent sur lui. Le morcellement des acteurs conduira inévitablement et durablement à son affaissement et à sa fragilisation.

Croire en l’audiovisuel public, à son avenir, en ses journalistes, en ses techniciens, en ses salariés qui ont le service public et l’intérêt général chevillés au corps, c’est admettre, dans la guerre de l’information que nous connaissons, qu’il est impératif et urgent pour les groupes publics de dessiner un avenir en commun, de bâtir une stratégie et une vision communes, d’affronter ensemble les défis immenses qui sont devant nous et qui peuvent à terme conduire à la marginalisation, voire à la disparition de l’audiovisuel public.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Nous sommes convaincus qu’il est nécessaire d’opérer des synergies, des rapprochements et des mutualisations. Parmi les nombreux rapports qui en ont fait la démonstration, le rapport d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public de Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gautier ainsi que le rapport de l’Inspection générale des finances du mois de mars 2024, ont contribué à notre réflexion. Les auteurs de ces rapports soutenaient notamment que le renforcement des coopérations entre les entreprises de l’audiovisuel public sur l’information, la proximité, le numérique était indispensable à la préservation d’une offre de qualité, à même de concurrencer les grandes plateformes.

Trop centré sur le linéaire, l’audiovisuel public peine désormais à capter l’attention des jeunes générations. Les audiences sont vieillissantes. En 2023, 60 % des téléspectateurs de France Télévisions avaient plus de 65 ans. Il en est de même à Radio France où la part des plus de 65 ans est plus importante que la moyenne de l’ensemble du média radio. Pour séduire les jeunes, l’audiovisuel public a commencé à engager sa nécessaire plateformisation. Il faut agir plus vite et plus fort. Pour cela, les coopérations entre les organismes du service public sont nécessaires. Elles ne visent pas à détruire ce qui fonctionne, comme on a pu le lire de façon caricaturale, mais, au contraire, à créer des ponts.

Les deux projets phares de coopération entre Radio France et France Télévisions, France Info et Ici, peinent encore à trouver leur identité et leur audience. Ils souffrent de retard dans leur développement, d’atermoiements, dont la principale cause réside dans le fait que ces sociétés ont des intérêts sociaux distincts. Nous devons aider l’audiovisuel public à surmonter ces blocages, dans l’intérêt de tous, y compris des salariés. Pour ce faire, nous devons, pour reprendre l’expression de Roch-Olivier Maistre, ancien président de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), « mettre un pilote dans l’avion ».

Une présidence commune exécutive, qui permettra un pilotage stratégique unifié, est indispensable. Nous souhaitons que France Médias Monde participe à ce projet ambitieux. Cette société aurait tout à y gagner, et il ne serait nullement porté atteinte à son identité et à ses missions. Pourquoi devrions-nous avoir peur de voir disparaître France 24 ou RFI ? Pensez-vous sérieusement qu’à l’heure où la guerre de l’information fait rage, la France aurait intérêt à se priver de l’un de ses plus grands atouts stratégiques ? Les moyens de l’audiovisuel extérieur doivent être sanctuarisés et renforcés.

L’idée que son intégration à la holding entraînerait, à moyen terme, sa disparition, est une vue de l’esprit. France Médias n’aura pas vocation à traiter uniquement l’actualité nationale. Au contraire, France Télévisions et Radio France ont déjà une grande expertise en matière d’information internationale, et les publics de France 24 et RFI consomment déjà leurs contenus. Le manque de coordination entre l’audiovisuel public et France Médias Monde en matière de formation et en ce qui concerne les réseaux de correspondants à l’étranger, est préjudiciable au développement de l’influence française dans le monde. Notre crainte est que la mise à l’écart de France Médias Monde entraîne une marginalisation durable de cette société. De nombreux amendements ont été déposés pour exclure l’audiovisuel extérieur du périmètre de la holding, nous aurons donc l’occasion d’en débattre.

Enfin, le but de cette réforme n’est pas de faire des économies de moyens, mais plutôt d’adapter l’offre de l’audiovisuel public à notre époque.

Le chapitre II, qui vise à préserver notre souveraineté audiovisuelle, traite de sujets variés. Parmi ses douze articles, six figuraient dans la proposition de loi initiale et six ont été insérés lors de l’examen du texte au Sénat.

L’article 10 concerne les événements sportifs d’importance majeure. L’article 11 est relatif aux services d’intérêt général. L’article 11 bis A traite de la part minimale d’investissement consacré à l’information. L’article 11 bis concerne la modernisation de la plateforme TNT (télévision numérique terrestre) et l’expérimentation de l’ultra-haute définition (UHD), dont le développement est prévu par l’article 14 bis. L’article 11 ter prévoit l’obligation de reprise du signal du service public audiovisuel par les services distribués par contournement. L’article 12 concerne l’éventuelle réduction de la durée de détention d’une fréquence d’une chaîne de la TNT avant d’autoriser le changement de contrôle du titulaire de cette chaîne. L’article 12 bis détermine les principes des mesures d’audience par des organismes tiers. L’article 13 modifie le champ de définition de la production audiovisuelle indépendante. L’article 13 bis autorise une troisième coupure publicitaire dans les œuvres audiovisuelles et cinématographiques de plus de deux heures. L’article 14 encadre le déploiement de la technologie HbbTV (hybrid broadcast broadband TV), permettant une modernisation de la TNT. L’article 15 est relatif au développement de la radio numérique terrestre.

Nous sommes favorables à la suppression de plusieurs de ces articles et au maintien de quelques autres, à condition qu’ils soient amendés.

Le gouvernement souhaiterait la suppression de l’ensemble de ces douze articles et le report de leur examen dans le cadre d’un prochain projet de loi comportant des dispositions tendant à adapter le régime juridique applicable aux services de télévision et de radio. Ce texte reprendrait certaines conclusions des travaux des états généraux de l’information (EGI).

Nous sommes cependant attachés à la préservation de certaines dispositions qui ne sont pas nécessairement compatibles avec les EGI, notamment concernant le déploiement de la technologie UHD et du DAB+ (Digital Audio Broadcasting).

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Nous formons le vœu que nos débats soient vigoureux mais respectueux. Dans la confrontation de nos positions et de nos arguments, salutaire en démocratie, ne perdons pas de vue que nous avons un objectif commun essentiel, celui de renforcer notre audiovisuel public. Nous avons à examiner de nombreux amendements ; je regrette que certains collègues fassent de l’obstruction parlementaire. J’espère que nous pourrons achever l’examen du texte.

M. Bruno Fuchs, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis des articles 1er à 5 et de l’article 8, qui prévoient la création d’une holding regroupant les sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel et chargée de définir les orientations stratégiques.

L’intégration de France Médias Monde dans la holding France Médias a fait l’objet d’un débat au sein de la commission. En effet, cette société fonctionne selon des modalités spécifiques et joue un rôle différent de celui de France Télévisions ou de Radio France. Il n’est pas opportun pour certains et il est prématuré pour d’autres d’intégrer France Médias Monde dans le périmètre de France Médias. L’influence de notre pays dans le monde est constamment contestée, naguère par les autocraties et, désormais, par certains de nos alliés.

France Médias Monde est le parent pauvre de l’audiovisuel public avec un budget de 303 millions d’euros sur un total de 4 milliards. Nous devons être certains que l’inclusion de France Médias Monde dans la holding permettrait de mieux représenter la France dans le monde, de mieux déployer sa stratégie, de mieux étendre son influence.

Votre commission n’avait pas opté de manière franche et claire, le 15 mai 2024, pour une inclusion de FMM dans la holding France Médias. Consolider notre présence médiatique à l’étranger est un impératif. C’est pourquoi j’ai déposé quelques amendements visant à exclure FMM du champ de la proposition de loi. En reconnaissant la spécificité du visage médiatique de la France à l’étranger, nous envoyons un message clair aux parties prenantes sur l’importance pour la France de rayonner sur le plan international. Nos médias internationaux doivent bénéficier d’un modèle juridique, financier et éditorial spécifique à leurs besoins.

Je vous invite à vous prononcer en faveur du maintien de l’autonomie de France Médias Monde.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Je remercie les rapporteurs actuels, ainsi que leurs prédécesseurs – Fabienne Colboc, Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon – pour leur travail clair, précis et responsable.

L’audiovisuel public constitue un pilier essentiel d’une démocratie éclairée dans une société de plus en plus fragmentée. Il est un moyen d’intégration, d’ouverture, d’émancipation. C’est parce qu’il doit pouvoir jouer pleinement ce rôle que cette réforme est évidemment importante.

Oui, nos chaînes et nos radios de service public ont des forces et rencontrent un succès indéniable. Néanmoins, ses succès et ses forces sont dispersés. Il faut les défendre et il faut les préserver. Du reste, chacun, y compris dans ces sociétés, reconnaît, dans un esprit de responsabilité, que si cette réforme n’intervient pas, ces sociétés s’affaibliront et leurs budgets baisseront de manière inévitable. Ceux qui font de l’obstruction en répondront devant ceux qui font fonctionner l’audiovisuel public.

Nous sommes entrés dans une période de profonde mutation. D’abord, l’évolution des usages transforme les modes de consommation : les contenus d’information, de culture, de divertissement sont de plus en plus consommés sur les plateformes ou les réseaux sociaux. Des pans entiers de la population désertent les médias traditionnels que sont la radio et la télévision. Le paysage audiovisuel évolue : les groupes privés sont de plus en plus importants et de plus en plus structurés.

Dans ce contexte, deux solutions s’offrent à nous. La première, c’est l’immobilisme, faire comme si de rien n’était et prendre le risque d’un affaiblissement généralisé de l’audiovisuel public. C’est le choix fait par certains députés du parti socialiste qui tentent de confisquer un débat important à la représentation nationale. Celui-ci doit sortir des caricatures et s’affranchir des querelles internes du parti socialiste qui, d’ailleurs, ont affaibli la gauche jusqu’à réduire son score à un chiffre que je n’ose répéter ici.

L’audiovisuel public, ce sont près de 15 000 salariés qui attendent de la clarté sur l’avenir du secteur. Contrairement à ce que vous avez dit, une majorité de personnes est favorable à la réforme. Certains sur ces bancs, et pas uniquement des députés du parti socialiste, m’ont dit leur volonté de torpiller cette réforme. Je le dis avec beaucoup de gravité : c’est irresponsable, vous êtes élus pour débattre, ces propos sont honteux. Contrairement à ce que vous dites, une grande majorité est favorable à la réforme.

L’audiovisuel public appartient à tous les Français, et non à un club de CSP + (catégories socioprofessionnelles supérieures) de plus en plus vieillissant que vous entendez préserver. Nous souhaitons, au contraire, que l’ensemble des Français continuent à bénéficier de l’audiovisuel public sur tout le territoire national.

L’autre solution, c’est de donner les moyens à l’audiovisuel public de faire face à de nouveaux défis. C’est l’option que, dans un esprit de responsabilité, la majorité sénatoriale a prise en votant le texte du président Lafon. C’est le moment ou jamais.

Madame la présidente, vous avez rappelé les problèmes institutionnels qui ont retardé la mise en œuvre de cette réforme pourtant adoptée au mois de mai dernier par la commission. Vous avez mentionné le manque de débats et l’absence d’étude d’impact, qui vous a pourtant été fournie il y a très longtemps. Depuis dix ans, des travaux parlementaires sont menés sur cette question par des députés de toutes les tendances politiques ; vous n’étiez pas encore élue que nous débattions déjà de la préservation de l’audiovisuel public. Ces travaux sont unanimes : l’audiovisuel public doit se rassembler pour se renforcer. C’est également l’avis de l’Inspection générale des finances, qui a publié un rapport à la disposition de tous.

La stratégie de rapprochement par le bas sans gouvernance commune ne permet pas d’atteindre les objectifs fixés. Le temps écoulé l’a démontré. Face aux puissants bouleversements, on doit aller plus loin et plus vite en matière de gouvernance pour préserver l’audiovisuel public. Il nous faut un chef d’orchestre, sortir du fonctionnement en silo, définir des stratégies réellement unifiées. C’est pourquoi le gouvernement proposera l’instauration d’un PDG unique pour faire de la holding une holding exécutive, afin que l’audiovisuel public soit le fer de lance de l’information ; reste un levier puissant pour la promotion et le soutien à la création culturelle et artistique ; soit un outil commun à la disposition de tous les Français –  pas seulement de certains socialistes –, quels que soient leur âge, leur catégorie sociale, leur lieu de résidence. Voilà ce à quoi cette gauche, qui s’est déconnectée des classes populaires, s’oppose. Alors que tous les jours vous donnez des leçons de progrès social, vous n’en connaissez même plus ni le sens ni la définition.

La France est un des derniers pays européens où la radio et la télévision publiques sont séparées, elle fait figure d’exception alors même que nous sommes collectivement confrontés aux mêmes problèmes. Je me réjouis que Laurence Bloch, figure importante et respectée de l’audiovisuel public, ait accepté de mener la mission que je lui ai confiée.

Par ailleurs, je tiens à rassurer les salariés des entreprises concernées. Cette réforme ne se fera pas contre leurs intérêts ni contre ceux des syndicats. Au contraire, elle permettra au secteur de se projeter pleinement dans l’avenir. Je l’ai démontré à tous ceux que j’ai rencontrés. Cette réforme n’est pas non plus un projet de fusion – ceux qui le prétendent mentent et ce ne sera pas la première fois –, mais vise plutôt à créer une holding exécutive qui unifiera les stratégies. La holding n’est pas non plus un moyen pour l’État d’avoir la mainmise sur l’audiovisuel public car le mode de nomination des dirigeants n’est pas modifié. Il n’y aura aucune remise en cause de la diversité des rédactions ni de la richesse, de l’éclectisme et de la créativité des contenus.

La réforme permettra un rayonnement infiniment plus puissant des contenus avec des stratégies de diffusion renouvelées. Elle ne remettra pas en cause l’identité des différentes entreprises, elle ne se fera pas au détriment de l’une des entités. Elle ne vise pas à faire des économies, mais, au contraire, à défendre la trajectoire à venir.

Comment peut-on dire que ce projet aurait pour effet d’affaiblir l’audiovisuel public alors que j’ai fermement soutenu la réforme du financement de l’audiovisuel public qui a permis non seulement de préserver son indépendance mais également de sanctuariser le montant de son financement ? Si je ne croyais pas à l’audiovisuel public et à son indépendance, la première variable d’ajustement aurait été son budget. De plus, les créations de la holding en 2000, puis de l’entreprise unique en 2009 n’ont pas affaibli l’audiovisuel public, qui réclame davantage de coopération et d’intégration. Qui reviendra aujourd’hui sur cette réforme ? Personne. D’ailleurs, c’est pour cela que l’intégration est encore plus nécessaire, comme dans toutes les autres démocraties européennes.

Le débat sur l’audiovisuel public ne peut pas être la chasse gardée de quelques-uns ; ce serait précisément un scandale. L’audiovisuel public, c’est bien plus que cela. Face au bouleversement du monde, avoir un audiovisuel public fort est un enjeu de souveraineté, d’accès à la culture mais aussi de démocratie.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Philippe Ballard (RN). Nous défendons depuis toujours la privatisation d’une partie de l’audiovisuel public – l’audiovisuel en outre-mer et la voix de la France dans le monde ne seraient pas concernés ; l’INA serait transférée au ministère de la culture et intégrerait les archives nationales. La privatisation de l’audiovisuel public, dont il est de toute façon de plus en plus difficile de distinguer la spécificité, permettrait de consolider le secteur audiovisuel, qui subit la concurrence de plateformes aux moyens considérables.

Le manque d’objectivité et l’impartialité évidente de certains programmes diffusés sur les chaînes publiques nous amènent à nous interroger sur le respect de la déontologie, de l’honnêteté, de l’indépendance, du pluralisme de l’information, ainsi que de l’expression pluraliste des courants de pensée, principes dont le législateur avait imposé le respect au secteur public.

Par ailleurs, nous nous inquiétons du sort que vous vous apprêtez à réserver aux dispositions du texte relatives au secteur privé. Alors même que les entreprises sont de plus en plus en proie aux attaques des Gafam, vous renvoyez aux calendes grecques les réformes nécessaires qui pourraient donner un peu d’air aux acteurs qui croulent sous des normes désuètes. L’accès au téléviseur connecté par wifi, ne passant plus par les fournisseurs d’accès à internet, ne cesse de se développer. L’Arcom n’aurait alors plus aucune prise pour garantir la visibilité des chaînes françaises. Nous n’aurons plus le choix qu’entre Amazon, Disney, Netflix, YouTube sur nos téléviseurs connectés, car les Gafam auront pu s’offrir, à coups de milliards de dollars, leur référencement auprès des constructeurs de téléviseurs. Sans compter que, selon la dernière étude de l’Arcom, les plateformes capteront bientôt les deux tiers des revenus publicitaires.

Face à cela, il est indispensable de s’atteler rapidement au chantier de la souveraineté audiovisuelle française, notamment en assouplissant les normes anticoncentration. L’heure n’est pas nécessairement à la création d’une holding mais plus que jamais à la concentration du secteur.

Mme Céline Calvez (EPR). Je tiens tout d’abord à réaffirmer le soutien des députés du groupe Ensemble pour la République à l’audiovisuel public, pilier stratégique de notre paysage médiatique et vecteur essentiel de culture mais aussi de cohésion sociale.

À une époque où les bulles informationnelles se multiplient, il est impératif de disposer d’un service public fort, garant de l’accès à une information diversifiée de qualité pour tous nos concitoyens. Depuis dix ans, des réflexions sont menées sur l’évolution de la gouvernance des entreprises de l’audiovisuel public. D’une part, elles créent une forte incertitude pour les salariés qui s’interrogent sur leur avenir. D’autre part, elles entravent la gestion de ces structures par leurs dirigeants dont nous saluons néanmoins l’immense travail accompli dans un contexte aussi complexe.

Il est maintenant l’heure de trancher. Après sept années d’implication personnelle sur ces dossiers, forte de mes expériences, aussi bien dans cette assemblée qu’au conseil d’administration de France Télévisions et de Radio France, une conviction s’est imposée à moi : il faut un pilote dans l’avion. Les tentatives de synergie, bien que louables, n’ont pas donné les résultats escomptés. Si des initiatives, telles que France Info et Ici, ont été lancées pour favoriser la coopération entre les entités, force est de constater qu’elle est encore insuffisante.

Une gouvernance éclatée freine la mise en œuvre de projets communs ambitieux et l’optimisation des ressources. À ce titre, la création d’une holding exécutive est une solution pertinente pour relever ces défis. Ce modèle permettrait de centraliser les décisions stratégiques et de mutualiser les moyens, tout en offrant une souplesse suffisante afin de préserver l’identité et les spécificités de chaque entité du service public. Pour cela, il est nécessaire que le pilote puisse disposer de marges de manœuvre suffisantes afin de mener à bien ses missions.

Mais la confiance n’empêche pas le contrôle. Il est dès lors crucial d’encadrer la nomination de ce dirigeant ainsi que les actions de la holding en instaurant un contrôle parlementaire renforcé. À cet effet, le groupe EPR a déposé des amendements visant à accroître les pouvoirs du législateur en matière de désignation du PDG et à renforcer l’association du Parlement dans la rédaction et l’application des conventions stratégiques pluriannuelles (CSP) qui détermineront les grandes orientations de l’audiovisuel public.

Enfin, bien que le chapitre II de la proposition de loi risque de ne pas être étudié en raison du nombre important d’amendements d’obstruction déposés, il est primordial de construire un consensus autour des mesures qu’il contient et de les intégrer dans un futur projet de loi issu des états généraux de l’information. Nous devons leur accorder l’attention qu’elles méritent et en débattre de manière approfondie.

Le groupe EPR soutiendra l’adoption de cette proposition de loi, convaincu qu’une gouvernance unifiée et structurée renforcera l’efficacité et la pertinence de l’audiovisuel public au bénéfice de tous nos concitoyens.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous ne voulons pas de cette réforme qui consiste à créer une holding exécutive. Nous ne voulions pas plus de la réforme qui visait à réaliser une fusion ni de celle qui tendait à créer une holding non exécutive. Du reste, personne n’en veut, ni les syndicats, ni les salariés qui font grève et que je salue, ni la commission des finances, qui s’est prononcée hier en faveur de la suppression de l’article 5. Même dans votre propre camp, vous êtes désavouée par vos prédécesseurs.

Vous vous acharnez à vouloir réunir sous une structure unique des entités aux missions, aux métiers et aux enjeux différents. En réalité, la holding vous permettra de contourner le Parlement et de renforcer l’exécutif.

Par ailleurs, vous nous avez fait le coup avec les autres services publics – EDF, la SNCF, La Poste. D’abord, vous les regroupez sous une holding au nom de prétendues économies, puis vous multipliez les filiales, cassez les statuts et l’outil et, enfin, vous présentez la privatisation comme une solution évidente. En attendant, vous vous assurez que le financement de l’audiovisuel public soit néanmoins capté par le privé grâce à l’externalisation de toutes les fonctions. France 24 et France Télévisions sont déjà largement dépendantes de la sous-traitance et leurs travailleurs sont déjà précarisés. Mais la production de Radio France et de l’INA reste internalisée. Votre réforme offrira ainsi au privé un marché qui était jusqu’alors inaccessible. Vous l’affaiblissez donc pour mieux la livrer à vos amis milliardaires.

Pour vous justifier, vous relayez des éléments de langage sur la concurrence des plateformes numériques, accusées de capter le marché publicitaire. Le problème est que l’Autorité de la concurrence elle-même a rappelé que les marchés publicitaires de l’audiovisuel et du numérique sont distincts. Du reste, votre texte n’aura aucun effet pour limiter l’emprise des plateformes.

Ce projet est une attaque directe contre la diversité culturelle et le pluralisme de l’information. Il vise à imposer une vision unique, il poursuit ce que la fusion des marques France Bleu et France 3 sous l’étiquette Ici a entamé, au mépris des missions de proximité pourtant si importantes dans la lutte contre la désinformation sur laquelle prospère l’extrême droite.

Vous dites vouloir renforcer la présence des outre-mer tout en supprimant la chaîne dédiée France Ô, en fermant son siège, situé dans ma circonscription à Malakoff, en imposant une précarité croissante à ses équipes et en réduisant les moyens qui lui sont spécifiquement alloués. Selon l’Arcom, les personnes ultramarines représentaient jusqu’en 2020 environ 10 % des personnes présentes à l’écran contre 3 % en 2021 et 1 % seulement en 2022.

Vous cherchez en réalité à faire oublier l’idée que l’audiovisuel peut être autre chose que la médiocrité de M. Hanouna et consorts. Le service public, c’est la mauvaise conscience des laquais de Bolloré face à la médiocrité et à l’amnésie ; c’est l’INA qui publie des archives qui font voler en éclats les préjugés racistes et antipopulaires. Le service public, c’est le plus puissant outil disponible qui pourrait être mis au service de l’éducation populaire. Vous pourrez, bien entendu, nous jurer la main sur le cœur que vous ne vous souciez que de son bien et de son avenir. Toutefois, après huit années de macronisme, plus personne ne vous croit.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). L’audiovisuel public est un pilier fondamental de notre démocratie et de notre diversité culturelle. Il garantit une information libre, pluraliste et accessible à toutes et tous. Pourtant, le gouvernement veut imposer une réforme précipitée de sa gouvernance, menaçant la pérennité de ses missions de service public. Nous, députés socialistes, dénonçons avec force le projet de holding exécutive, prélude évident à une fusion absurde et brutale.

Sans vision claire, les gouvernements successifs se sont contentés d’une gestion erratique et brutale de l’audiovisuel public. Depuis la première lecture du présent texte, après son dépôt par M. Laurent Lafon au Sénat, les improvisations s’enchaînent. Nous dénonçons avec force l’absence totale d’étude d’impact préalable. Madame la ministre, malgré nos multiples interpellations, vous tentez de passer en force à tous les niveaux, sans concertation sérieuse avec les dirigeants des différentes sociétés de l’audiovisuel public et des représentants du personnel. Quel impact économique et budgétaire ? Quel impact social ? Quel impact sur le pluralisme et l’indépendance de l’information ? Quel impact sur la radio ? Quel impact en matière de création audiovisuelle et de diversité culturelle ? Quel impact sur l’écosystème médiatique global, en particulier sur le partage des recettes publicitaires, dans un contexte déjà particulièrement délicat ? Toutes ces questions restent sans réponse.

Sans vision stratégique, ce projet pourrait être funeste pour l’audiovisuel public. Son avenir ne peut être sacrifié en raison de calculs politiques à court terme menés sur l’autel de l’improvisation. L’audiovisuel public, pour relever une des nombreuses erreurs de votre propos introductif, est largement moins financé en France que chez nos voisins allemands et britanniques. Pour rappel, en France, les financements de l’audiovisuel public sont deux fois moins élevés qu’en Allemagne – pays où l’audiovisuel n’est au demeurant pas unifié ; 40 % moins élevés qu’en Belgique ; 30 % moins élevés qu’au Royaume-Uni. En 2025, le budget de l’audiovisuel public français s’élevait à moins de 4 milliards d’euros, un montant modeste en comparaison de nombreux pays. Le gouvernement n’a pas respecté ses engagements d’actionnaire lors de la discussion du projet de loi de finance, et a déposé des amendements en toute fin de discussion budgétaire, si bien que la représentation nationale a rejeté les contrats d’objectifs et de moyens.

Alors que l’état des finances publiques est fragile, cette réforme menée à contretemps apparaît inadaptée. Il est d’autant plus dangereux de déstabiliser ce patrimoine que l’audiovisuel public est à la croisée de deux enjeux majeurs, l’audiovisuel extérieur et l’information de proximité. Son public n’est pas un club de CSP +. Il s’agit des Françaises et des Français, souvent les plus modestes, pour lesquels le service public audiovisuel constitue un lien avec le monde, avec leur territoire, leur histoire. Nous aurons l’occasion de réfuter tous les arguments superficiels mis en avant notamment dans cette pseudo-étude d’impact.

Nous avons le droit d’avoir une vision différente et de la défendre ici, à l’unisson de tous les acteurs du secteur – responsables, salariés, syndicats et associations professionnelles.

Mme Frédérique Meunier (DR). La proposition qui nous occupe a fait l’objet de divers travaux, rapports et projets de loi ces dernières années, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, sans jamais aboutir. J’ai une pensée pour Jean-Jacques Gaultier, qui fut à l’époque très impliqué sur ce sujet.

Le présent texte fut victime de la dissolution puis de la censure. Il nous est présenté sous une forme malheureusement profondément modifiée. Il reposait initialement sur deux piliers : le regroupement de l’audiovisuel public, qui devait être mené en deux étapes, et la révision de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Il serait désormais prévu, après une phase transitoire pendant laquelle les quatre structures de l’audiovisuel public seront regroupées en une holding, France Médias, et non pas fusionnées.

On peut s’interroger sur le projet d’exclure France Médias Monde de ce rapprochement. Une telle exclusion risque d’affaiblir cette structure, en la privant des synergies créées par la fusion. Toutefois, je connais l’énergie de Marie-Christine Saragosse, qui aura le punch nécessaire pour faire face à ce défi avec son équipe.

Le gouvernement souhaite supprimer le chapitre II de la présente proposition de loi, qui révise notamment la loi du 30 septembre 1986. Ce serait regrettable car ce chapitre vise à réduire l’asymétrie entre les médias audiovisuels et les grandes plateformes, ces géants du streaming malheureusement beaucoup moins régulés.

Plusieurs points restent à éclaircir. Le financement sera-t-il unique ? Sommes-nous certains que la constitution de la holding aura un coût nul ? Comment sera nommé son président ?

Afin que le regroupement prévu n’entrave en rien la liberté éditoriale de chaque média, et pour garantir l’indépendance totale du PDG de la holding, celui-ci devra être nommé directement par l’Arcom. Des rapprochements géographiques sont envisagés. Comment rassurer les journalistes qui s’inquiètent de la création d’une rédaction unique et que l’uniformisation ne nuise à leur spécificité ? Rappelons par exemple que le découpage régional n’est pas le même pour France 3 Limousin et Ici Limousin. Je regrette le manque de communication et d’explication concernant la présente proposition auprès des acteurs salariés qui font fonctionner nos radios et France Télévisions. Ils aiment leur outil de travail et leur métier.

Le groupe de la Droite républicaine est favorable à cette réforme, qu’il souhaite depuis de nombreuses années. Ce texte permettra de consolider le secteur audiovisuel, de le renforcer face aux nouveaux acteurs privés. Madame la ministre, même si nous regrettons vivement les nombreuses modifications prévues du texte initial, nous vous suivrons.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous ferons tout pour empêcher cette réforme car elle est dangereuse à plus d’un titre, notamment parce que vous avancez dans l’opacité.

On ne peut certainement pas accuser le gouvernement d’obstruction car nous ne disposons pour l’heure d’aucun de ses amendements. Il est ainsi impossible de comprendre son projet, alors que cette proposition de loi répond à un projet gouvernemental – c’est bien vous-même qui avez demandé son inscription à l’ordre du jour de notre assemblée. Quel est votre projet ? L’« étude d’impact » – les guillemets s’imposent – qui nous a été fournie ne nous donne que bien peu d’éléments, qui contredisent la vision évoquée par Mme Laurence Bloch lorsque nous l’avons auditionnée. Faudrait-il créer des filiales ? « Oh ben non, ce n’est pas si sûr. » Faudrait-il créer une plateforme commune ? « Ah non, pas du tout. Il faut quelques émissions en commun. » Il n’y a aucune cohérence entre cette réforme, cette étude d’impact et les éléments oraux donnés par Mme Bloch au début de son travail.

Oui, l’indépendance est une question majeure. Il est plus facile de faire pression sur une seule personne que sur cinq, mais vous ne voulez pas le comprendre.

Cette réforme risque d’aggraver l’appauvrissement de l’audiovisuel public, déjà constaté dans les budgets pour cette année et l’année dernière. L’étude d’impact prétend que la création de la holding ne coûtera rien, grâce à la mise à disposition de personnels dans les entreprises existantes. C’est presque une marque de mépris envers le Parlement. Comme s’il était possible de trouver dans les entreprises visées, après les multiples plans sociaux de ces dernières années, des salariés qui ne font rien et n’auront rien d’autre à faire que de construire la holding. Cela n’a absolument aucun sens.

Bien entendu, les mutualisations servent souvent à justifier l’appauvrissement financier. Celui-ci se doublera d’un appauvrissement éditorial et culturel que nous dénonçons. Nous nous opposerons de toutes nos forces à cette réforme. J’adresse un message de soutien aux nombreux grévistes.

Mme Rachida Dati, ministre. Ils ne sont que 250 sur 15 000 salariés !

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Contrairement au président Macron, nous n’avons pas honte de l’audiovisuel public, nous en sommes fiers.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je remercie chacun de respecter le temps de parole des orateurs des groupes.

M. Erwan Balanant (Dem). Alors que nous vivons une révolution géostratégique, nous partageons tous, du moins je l’espère, la volonté de garantir un audiovisuel public français fort, capable d’apporter des réponses étayées, tout en respectant un cadre déontologique.

Nous avons la chance de disposer d’un audiovisuel public qui fonctionne. Faut-il pour autant repousser tout projet de réforme – et même tout faire pour que celui proposé ici échoue, comme certains le proposent ?

Si nous voulons tous un audiovisuel public puissant, nous devons travailler collectivement. Les débats à ce sujet durent depuis longtemps, mais ils sont mal embarqués depuis un moment, à cause des postures idéologiques mais aussi de la volonté d’aller trop vite – je n’accuse personne, nous sommes tous responsables.

Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir écouté les propositions que nous défendons depuis longtemps concernant France Médias Monde.

Le groupe Démocrates se pose encore de nombreuses questions sur ce texte. Il faut s’interroger sur les usages, les publics, les contenus, et trouver le meilleur outil pour leur évolution. La holding bénéficierait apparemment d’une enveloppe budgétaire unique, à la main du PDG, qui fléchera ensuite des crédits vers chaque filiale. Il disposera ainsi de pouvoirs renforcés sur les directeurs généraux, qu’il nommera par ailleurs. Toutefois, selon nous, la création d’une gouvernance unique ne doit pas empêcher la prise en compte des habitudes de travail et les spécificités techniques de chaque secteur – on ne fait pas de la télévision comme on fait de la radio.

Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que la création d’une holding ne conduira pas à une fusion ? Nous espérons que vous pourrez nous convaincre, pour faire avancer l’audiovisuel public français.

Mme Béatrice Bellamy (HOR). L’issue que nous donnerons aux présents débats déterminera l’avenir de l’audiovisuel public français et sa pérennité pour les prochaines décennies. Ce texte, défendu avec détermination par le sénateur Laurent Lafon et ses collègues de la Chambre haute, appelle à une meilleure articulation entre le service public audiovisuel et les attentes de la société. C’est une avancée mesurée, dans un contexte marqué par la nécessité de concilier attractivité, pluralisme et efficience. Je salue le travail des rapporteurs, Virginie Duby-Muller et Jérémie Patrier-Leitus. Leur engagement et leur expertise sont cruciaux dans la conduite de cette réforme, qui poursuit celle engagée par le gouvernement en 2020, malheureusement brusquement arrêtée par la crise sanitaire.

N’ignorons pas ceux qui expriment des réserves quant à la présente réforme. Il est essentiel de rassurer les acteurs, de prendre le temps nécessaire pour réfléchir de manière stratégique aux implications de la création de la holding France Médias dès l’année prochaine, sans confondre efficacité et précipitation, afin de répondre au mieux aux attentes des Français et de promouvoir un audiovisuel public d’une qualité intacte.

Le groupe Horizons & indépendants fait sien le constat du gouvernement et du Sénat qui fonde le chapitre Ier de la proposition de loi : une réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public français est attendue et nécessaire. Jusqu’ici, le rapprochement des entreprises de l’audiovisuel public s’est traduit par quelques projets communs dans une démarche de coopération par le bas, mais ces avancées sont lentes et difficiles. Cette coopération ne permet pas de mener à bien dans des délais raisonnables des rapprochements structurants, par exemple celui des réseaux de France 3 et France Bleu. Notre groupe partage donc l’ambition de cette réforme qui doit permettre de proposer une offre plus riche, de mieux la mettre en avant sur tous les canaux de diffusion, pour que l’audiovisuel public continue de s’adresser à tous les Français.

 

La réunion est suspendue de dix-sept heures vingt-cinq à dix-sept heures quarante.

 

M. Salvatore Castiglione (LIOT). Le parcours de cette proposition de loi a été compliqué, et c’est peu de le dire. Je suis convaincu que nous avons besoin de consolider dès à présent l’audiovisuel public pour le rendre plus fort, plus compétitif et plus adapté au monde réel. Peut-être nous a-t-il manqué une véritable étude d’impact sur les contours de cette réforme, sur ses objectifs réels, sur son coût mais aussi sur les gains en matière de coopération, de diffusion, d’audience – une comparaison détaillée avec les pays étrangers et des expériences de regroupement auraient par exemple été bénéfiques. Il aurait également été préférable que la mission confiée à Laurence Bloch et dont les conclusions sont attendues en juin ait été achevée avant nos débats, même si celle-ci devrait essentiellement traiter de propositions éditoriales. De nombreux acteurs s’inquiètent de l’incertitude sur la stratégie souhaitée pour l’audiovisuel public et sur les moyens qui seront donnés pour les atteindre.

À titre personnel, je considère que la création d’une holding peut être un outil très intéressant afin d’impulser une stratégie commune et ambitieuse pour les différentes entités, afin de développer des projets de coopération de manière plus efficace. La priorité doit porter sur la diffusion des contenus. Ils sont de qualité mais gagneraient à évoluer pour correspondre aux nouvelles pratiques de consommation.

Toutefois, une telle holding doit respecter certaines conditions. Tout d’abord, il n’est pas pertinent d’y inclure l’audiovisuel extérieur car sa stratégie est différente ; de plus, il faut maintenir des garanties d’indépendance à l’étranger. Notre groupe avait déjà fait adopter un amendement pour exclure France Médias Monde de la holding lors de la précédente lecture du texte dans cette commission ; nous le déposons de nouveau.

Par ailleurs – et vos propos introductifs sur ce point sont rassurants, madame la ministre –, la holding ne doit pas avoir pour objectif la rationalisation budgétaire. Il serait paradoxal de poursuivre une politique d’économie en prétendant conduire une réforme de modernité et de développement. À ce titre, les financements et la répartition des moyens gagneraient à être sécurisés.

Enfin, la question de la gouvernance est primordiale, ce qui implique un meilleur équilibre entre efficacité stratégique, d’une part, et respect des spécificités et libertés éditoriales des différentes filières, d’autre part. De même, le rôle de contrôle démocratique du Parlement doit être renforcé, notamment lors de la procédure de nomination du PDG. Nous défendrons des amendements à ce sujet.

Une réforme d’une telle ampleur nécessite un projet clair pour l’audiovisuel afin que la holding ne devienne pas une simple coquille vide. Ce texte sera utile pour l’audiovisuel public, mais les conditions particulières de son examen rendent difficile un débat pleinement apaisé, ce que nous regrettons.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Ce texte, qui prétend renforcer l’audiovisuel public, l’affaiblira en réalité. Derrière les discours sur la modernisation et la souveraineté, il remet en cause l’indépendance, le financement et la mission même du service public audiovisuel. Nous avions déjà examiné ce texte adopté par le Sénat en commission, en mai 2024, mais il avait ensuite été supprimé de l’ordre du jour en raison de la censure du gouvernement Barnier. Mon groupe s’y oppose car réduire le rôle de l’audiovisuel public revient à fragiliser le pluralisme, l’accès à l’information et la diversité culturelle – alors qu’il est de notre devoir de les protéger.

Dès 2020, mon groupe s’est opposé au projet de holding car, au lieu de renforcer la spécificité de l’audiovisuel public, il constituera un facteur de déstabilisation, augmentera les coûts et fera perdre en créativité. Cette critique est amplement partagée par les syndicats qui ont dénoncé le risque d’une structure coûteuse, financée sur le dos des filiales et qui les mettrait en concurrence les unes avec les autres. Ils se sont retrouvés ce midi aux abords de l’Assemblée pour se faire entendre. Nous avons été nombreux à les écouter et à les soutenir. D’ailleurs, une grève de deux jours a démarré hier dans l’audiovisuel public, notamment à Radio France et à France Inter, pour protester contre le projet de création d’une holding.

Ce qui est indispensable, ce n’est pas d’impulser une réforme de la gouvernance de l’audiovisuel contre l’avis des travailleurs et des experts, mais de garantir les bases de son indépendance et de sa singularité. Les atouts de notre modèle public sont remis en cause par vos politiques d’austérité ainsi que par le choix, par le président de la République, d’un modèle de financement qui exonère les plus fortunés de toute contribution. Nous l’avons maintes fois dénoncé et nous ne cesserons de le rappeler, le financement actuel, qui repose sur l’affectation d’une fraction de la TVA, n’est pas seulement socialement injuste, il empêche également de garantir la stabilité et la prévisibilité des moyens dont l’audiovisuel public a besoin.

Avec notre collègue Sophie Taillé-Polian, notre groupe proposera donc d’instaurer un prélèvement de 0,25 % sur les revenus imposables du contribuable. Le rétablissement d’une contribution à l’audiovisuel public permettrait de maintenir un lien fort entre celui-ci et nos concitoyens et de garantir autant que possible son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique et économique.

Si la création d’une holding est sans doute la mesure la plus problématique de ce projet de loi, nous sommes tout aussi opposés à l’exclusion de l’obligation de reprise de signal, dite must carry, pour les plateformes OTT (over the top), ou à l’instauration d’une troisième coupure publicitaire, qui saturerait le paysage audiovisuel de réclames et accélérerait le recours des usagers aux plateformes de streaming.

M. Bartolomé Lenoir (UDR). Il importe de réformer l’audiovisuel public pour faire face à un contexte international plus concurrentiel, avec l’essor des plateformes et de grands groupes internationaux, mais également par respect envers les contribuables. Néanmoins, notre groupe émet des réserves sur le présent texte. France Médias Monde ne devrait pas être intégrée à la holding et il ne faut pas plafonner les recettes publicitaires. Enfin, il faudrait remédier aux défaillances concernant la représentation nationale et l’impartialité de l’audiovisuel public.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Les intersyndicales des travailleurs de l’audiovisuel public se sont mobilisées devant l’Assemblée nationale. Elles s’inquiètent de votre réforme, la refusent, non par simple caprice, comme vous le laissez entendre, ni parce qu’elles n’aimeraient pas par principe Rachida Dati, mais bien parce qu’elles craignent une concentration importante des pouvoirs en quelques mains, une perte d’indépendance à laquelle s’ajouteraient une réduction des programmes et une perte de qualité des contenus, et parce qu’une fusion s’accompagne toujours d’une casse sociale.

Parmi les nombreuses questions que ces travailleurs se posent, mentionnons celle du coût. L’étude d’impact prétend que le regroupement ne coûtera rien à l’État. Pourtant, même des membres du conseil d’administration de Radio France ont annoncé un coût de plusieurs millions. Pour rappel, la fusion des composantes de France Télévisions avait coûté au bas mot plus de 200 millions d’euros. Commanderez-vous une réelle étude d’impact, pour que nous connaissions le coût de cette réforme inutile pour les contribuables ?

M. Steevy Gustave (EcoS). Il y a six ans, la chaîne France Ô disparaissait. Faiblement dotée financièrement, relativement jeune, cette chaîne répondait pourtant à la mission de service public de représentation de la diversité de la société française, notamment des outre-mer. Elle a été supprimée au motif que ses audiences étaient faibles mais les motifs réels étaient économiques – de ce point de vue, il est incertain que les objectifs aient été atteints.

Le constat est sans appel : avec la suppression de cette chaîne, les outre-mer sont moins visibles, moins représentés dans le secteur audiovisuel. Le rapport d’information du Sénat sur la représentation et la visibilité des outre-mer de 2019 nous alertait déjà. Le rapport de l’Arcom sur la représentation de la diversité de la société dans les médias de 2013 à 2023 nous le confirme : les personnes non blanches sont de moins en moins représentées. Il ne s’agit pas de relancer France Ô mais nous ne pouvons plus nous arrêter à une vision des outre-mer alternant paysages de carte postale et crise sociale. Il faut engager une réflexion de fond sur les bénéfices réels d’un média public consacré aux outre-mer au-delà des logiques purement économiques. La diversité de la société française passe par un média fort et indépendant.

M. Frédéric Maillot (GDR). La création d’une holding accroîtra l’invisibilisation des outre-mer. Chaque jour, le service audiovisuel public ne consacre que neuf minutes aux 2,7 millions de téléspectateurs qui y habitent. Que prévoyez-vous pour les neuf stations du pôle outre-mer, dans le cadre de cette réforme ? Elles souffrent déjà d’un manque de visibilité depuis la fermeture de France Ô.

Madame la ministre, vous prétendez que seul un faible pourcentage des salariés de l’audiovisuel public est en grève. À La Réunion, à 11 000 kilomètres d’ici, ils sont tous sur le pied de grève pour combattre cette réforme. L’ensemble des outre-mer s’oppose à cette réforme injuste, qui risque de les invisibiliser davantage.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Les avis sur cette proposition de loi sont tranchés. Je ne reviendrai pas sur les caricatures – « attaque directe contre le pluralisme », « projet funeste », « réforme dangereuse », « affaiblissement de l’audiovisuel public », « réforme inutile ». Elles ont conduit à une obstruction importante, plus de 1 000 amendements ayant été déposés sur ce texte, soit cinquante fois plus qu’au Sénat.

En réalité, le texte vise à consolider l’audiovisuel public, dans un contexte de globalisation, de guerre informationnelle et de fake news. Je n’ai pas du tout entendu les mêmes choses que certains d’entre vous lors de l’audition de Laurence Bloch. Celle-ci dressera de toute manière un bilan d’étape fin avril, avant de rendre ses conclusions fin juin. Elle ne peut être soupçonnée de partialité. Au regard de son expérience, elle est pleinement favorable à cette réforme, car elle considère qu’un pilotage stratégique doit impulser d’en haut les synergies dont le secteur a besoin.

L’examen de ce texte serait prématuré, dites-vous. Pourtant, les rapports produits depuis plus de dix ans conduisent tous au même diagnostic. En 2020, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, déposé par M. Riester au nom du gouvernement, prévoyait déjà des mesures semblables. Il faut désormais avancer, au vu des enjeux.

Rappelons qu’actuellement, l’audiovisuel public n’est scindé en plusieurs organisations que dans huit pays européens. La France fait donc partie des exceptions.

Enfin, avec M. le rapporteur, nous avons déposé plusieurs amendements afin de renforcer le contrôle parlementaire du conseil d’administration de la future holding et de celui des entités qui la composeront, ainsi que le contrôle parlementaire des CSP.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Nous proposons de supprimer une partie du chapitre II car l’objet de cette proposition de loi n’est pas de donner des miettes à l’audiovisuel privé, qui traverse lui aussi une crise – n’oublions pas, outre les grands groupes, les radios associatives et les autres petits acteurs de ce secteur. Ces questions devront être traitées de manière séparée. Nous partageons l’objectif de garantir la force du secteur audiovisuel privé, dont nous avons aussi besoin.

De même, nous sommes favorables au renforcement du pouvoir du législateur. C’est le sens de nos amendements.

Monsieur Saintoul, insulter les rapporteurs et la ministre en les traitant de laquais du groupe Bolloré serait considéré comme de la diffamation dans un autre contexte. Nous sommes attachés à l’audiovisuel public. Vous avez le droit de considérer que la création d’une holding n’est pas la meilleure manière de renforcer l’audiovisuel public, mais vos accusations sont graves. Vous manifestez encore une fois le sens de la nuance qui caractérise votre formation politique. C’est regrettable.

La création de la holding n’est pas un prélude à la fusion, même si la holding sera un outil stratégique important – son PDG sera un chef d’orchestre. Il ne s’agit pas non plus, avec cette réforme, de réaliser des économies.

Les travaux n’ont pas été conduits dans l’opacité. Le rapport d’information sur la question, produit en 2015 par MM. Leleux et Gattolin – ce dernier était alors membre d’Europe Écologie-Les Verts –, fait 150 pages. Vous pouvez vous opposer à la création d’une holding, mais non prétendre que les travaux parlementaires n’ont pas été suffisamment approfondis. Ce n’est pas vrai.

Je comprends les interrogations du groupe Démocrates. J’espère que les débats des prochains jours permettront d’y répondre.

Enfin, Mme la ministre rassurera ceux de nos collègues qui s’inquiètent pour l’audiovisuel public de l’outre-mer. Nous sommes également attachés à sa pérennité et à son renforcement. Cette holding permettra de renforcer l’audiovisuel public dans toute sa diversité et sa richesse.

Mme Rachida Dati, ministre. Monsieur Balanant, la fusion n’est pas l’objet de cette proposition de loi, ni d’ailleurs de la mission confiée à Laurence Bloch. Ce texte prévoit très clairement la création d’une holding exécutive, et non une fusion des entités existantes : ainsi, les instances telles que les conseils d’administration resteront séparées. Si nous voulions, à l’avenir, procéder à une fusion ou à un quelconque changement de gouvernance, nous serions obligés de repasser par la loi. Vous reconnaissez vous-même, ainsi que les députés qui vous entourent, la nécessité d’avoir un seul chef d’orchestre qui permettra d’aligner les stratégies et de renforcer les coopérations. Vous avez d’ailleurs noté, madame Bellamy, que ces coopérations, autrefois très marginales, se sont accélérées l’année dernière, après que j’ai rencontré les dirigeants des deux entreprises concernées, dont nous savons tous que les relations sont très compliquées.

Monsieur Castiglione, je vous ai déjà apporté hier quelques réponses, que viennent de compléter les rapporteurs. La commission va par ailleurs examiner des amendements qui répondront à vos attentes.

Nous avons déjà discuté en séance de la visibilité des outre-mer. La suppression de France Ô a suscité des interrogations, mais l’audience de cette chaîne était marginale ; or je souhaite que les outre-mer soient visibles sur des chaînes très regardées, au lieu de rester cachés ou d’être mis à l’écart sur un canal dédié. Je suis bien consciente de la sous-représentation des outre-mer, qui est réelle, en dépit d’un accroissement de leur visibilité dans les journaux télévisés relevé par l’Arcom. C’est tout l’enjeu du pacte évoqué par Steevy Gustave. Vous avez demandé que nous en dressions un bilan : je vous rejoins là-dessus.

Chapitre Ier – Réforme de l’audiovisuel public

Avant l’article 1er

Amendements AC270, AC271, AC272, AC273, AC274, AC275, AC276, AC277, AC278, AC279, AC280, AC281, AC282, AC283 et AC284 de M. Emmanuel Grégoire (discussion commune)

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Ces quinze amendements de sémantique visent à dénoncer, en utilisant la richesse de la langue française, un exercice méthodique de destruction.

Dans votre propos introductif, madame la ministre, vous avez déploré des manœuvres d’obstruction. Il n’existe pas d’obstruction en droit, puisqu’il est tout à fait légitime que nous accomplissions notre travail de façon pleine et entière. (Mme la ministre proteste.) Madame la ministre, nous allons passer de très longues heures ensemble : je vous suggère donc de ne pas vous énerver tout de suite. Pour ma part, j’attendrai au moins après-demain.

Mme Rachida Dati, ministre. Avec vous, je ne m’énerve jamais !

M. Emmanuel Grégoire (SOC). L’examen de cette proposition de loi est un cas typique et grave de détournement de l’esprit de la Constitution s’agissant de la construction de la loi. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le gouvernement doit, en application de l’article 39 de la Constitution, accompagner les projets de loi transmis au Conseil d’État, puis au Parlement, d’une étude d’impact répondant à des prescriptions définies par les articles 8 et 11 de la loi organique du 15 avril 2009. Ces études d’impact servent à améliorer la qualité des projets de loi, ainsi qu’à éclairer le Parlement s’agissant notamment de la nécessité de son intervention et de la portée des réformes que lui soumet le gouvernement. Elles constituent par ailleurs un outil d’aide à la décision politique.

Jamais une réforme d’une telle ampleur de l’organisation de l’État n’a été introduite, de facto, sans étude d’impact. Nous vous avons maintes fois alertée quant au caractère inacceptable de cette situation. Personne ici n’est capable de dire quelles seront les conséquences financières et juridiques de la création de cette holding, ni quels seront ses effets en matière d’ingénierie administrative ou sur le schéma d’emplois pluriannuel. De même, le sens de la stratégie qui sous-tend ce projet n’a pas été suffisamment réfléchi.

Nous sommes d’autant plus inquiets que l’État n’a respecté aucun des engagements budgétaires qu’il a pris, de façon répétée, depuis plusieurs années, à l’endroit du service public. Ainsi, lors de l’examen du projet de loi de finances, nous avons dénoncé la réduction, en cours de gestion, des moyens accordés, y compris aux programmes dits de transformation.

Nous allons revenir méthodiquement sur tous ces sujets afin qu’en l’absence d’étude d’impact, vous puissiez éclairer la représentation nationale sur les très nombreux enjeux sous-jacents à cette proposition de loi.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je considère que vous avez défendu l’amendement AC270. Voulez-vous vous exprimer sur l’amendement AC271 ?

M. Emmanuel Grégoire (SOC). J’aurais encore beaucoup de choses à dire, mais je préfère entendre d’emblée les réponses que la ministre pourra apporter aux questions que nous avons commencé à poser.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Je vous remercie, monsieur Grégoire, pour ce florilège de synonymes. Si les aléas de la vie politique devaient vous priver de l’hôtel de ville, vous n’auriez qu’à traverser la Seine car, à l’Académie française, cinq postes sont vacants. Plus sérieusement, je regrette que vous ayez déposé quinze amendements pour faire de l’obstruction. Un seul aurait suffi à rappeler la position que vous avez déjà défendue avec force dans votre propos liminaire.

Mme Rachida Dati, ministre. Dix rapports, déposés par des parlementaires de toutes tendances politiques, ont rappelé la nécessité de créer cette holding. Une étude d’impact, qui a été actualisée, accompagnait le projet de loi déposé par Franck Riester il n’y a pas si longtemps. Par conséquent, les études d’impact existent.

S’agissant des détails techniques, je rappelle que l’organisation d’une holding exécutive relève de la compétence de son président, et non de la loi.

M. le rapporteur vous a suggéré de présenter votre candidature à l’Académie française. Pour ma part, je vous conseillerai de vous inscrire à la fac de droit, car l’article 39 de la Constitution n’impose pas la réalisation d’une étude d’impact pour les propositions de loi, mais seulement pour les projets de loi.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Je l’ai dit moi-même !

Mme Rachida Dati, ministre. Entre l’Académie française et la fac de droit, vous avez donc un programme chargé avant 2026 ! Avis défavorable.

M. Erwan Balanant (Dem). La discussion est mal engagée ! Je regrette le dépôt de ces amendements d’obstruction. La situation de l’audiovisuel public est suffisamment sérieuse pour que nous évitions ce genre de péripéties parlementaires. Que chacun y mette un peu du sien ! Au-delà du sort d’un certain nombre de salariés, c’est une question de souveraineté que d’avoir un secteur audiovisuel public puissant en ces temps troublés.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Comme l’a dit M. Grégoire, nous manquons d’éléments quant à l’impact social de cette réforme. Dans l’étude d’impact qui nous a été transmise – appelons-la comme cela –, il est question de créer de nouvelles filiales : cela signifie que la négociation des accords sociaux repartira de zéro. Quel impact la création de cette holding aura-t-elle donc sur les personnels de France Télévisions et de Radio France qui seront intégrés à ces nouvelles filiales ? Cette question, qui n’a rien de technique, doit être abordée dans une étude d’impact. Or, pour éviter de nous transmettre un tel document, vous avez choisi de reprendre la proposition de loi de M. Lafon plutôt que de déposer un projet de loi qui aurait permis de comprendre ce que vous souhaitez précisément et d’éclairer le vote de la représentation nationale.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). J’irai dans le même sens que M. Balanant. Il ne faut pas se tromper d’hémicycle : nous sommes à l’Assemblée nationale, et non dans une autre assemblée représentative à laquelle nous n’appartenons pas tous ici.

Toutefois, l’amendement AC275 mérite d’être discuté, parce que nous pouvons considérer que la réforme, telle qu’elle est pensée, est en réalité un « affaiblissement » de l’audiovisuel public. Cet amendement ne relève donc pas de la fac de droit ni d’une volonté d’obstruction : il renvoie à l’appréciation que nous portons tous, dans nos groupes respectifs, sur cette proposition de loi.

La commission rejette successivement les amendements AC270 et AC271.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Madame la présidente, j’ai accepté de ne pas m’exprimer sur l’amendement AC271, mais je souhaite dire quelques mots au sujet de l’amendement AC272, qui est différent. L’avis de la ministre est important. Il ne s’agit pas de faire de l’obstruction…

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Madame la ministre, ne me parlez pas dans l’oreille droite alors que j’écoute M. Grégoire dans l’oreille gauche !

Je rappelle que tous ces amendements font l’objet d’une discussion commune. Je vous ai donné trois minutes pour les présenter, monsieur Grégoire, puis le rapporteur, la ministre et plusieurs de nos collègues se sont exprimés. Nous devons nous arrêter là : je vais donc maintenant mettre aux voix chacun de ces amendements.

La commission rejette successivement tous les autres amendements.

Article 1er : Création de la société holding France Médias et transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Mes chers collègues, j’aimerais ne pas entendre vos commentaires privés, surtout lorsqu’ils sous-entendent que je ne présiderais pas notre commission comme il le faudrait. Dans le cas contraire, je devrais suspendre nos travaux, qui pourraient durer très longtemps.

Amendements de suppression AC50 de M. Aurélien Saintoul, AC199 de M. Emmanuel Grégoire, AC749 de Mme Soumya Bourouaha et AC772 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). J’ai déjà expliqué lors de la discussion générale les raisons pour lesquelles nous étions fondamentalement opposés à la holding qu’institue l’article 1er. J’ai dit notamment que le service public était « la mauvaise conscience des laquais de Bolloré face à la médiocrité et à l’amnésie », ce à quoi le rapporteur a répondu qu’il jugeait l’expression « laquais de Bolloré » diffamatoire. Je m’inquiète qu’il se soit senti visé.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Vous dites, madame la ministre, que nous disposons de dix rapports parlementaires et d’une étude d’impact actualisée. Permettez-moi de souligner l’incohérence de votre propos. Nous avons demandé qu’une étude d’impact soit réalisée par un organisme indépendant, ce qui nous paraissait logique. Je vous remercie de m’avoir suggéré de suivre des cours de droit, mais j’ai bien précisé que vous aviez détourné l’esprit de la Constitution et de la loi organique en choisissant le véhicule d’une proposition de loi plutôt que de déposer un projet de loi sur un sujet aussi majeur, vous exonérant ainsi de l’obligation de produire une étude d’impact. Du reste, cela devient une habitude pour le gouvernement, au-delà même du secteur de la culture.

Au dernier moment, vous avez demandé que soit réalisée ce que vous appelez vous-même une « étude d’impact actualisée ». Ce document comprend une phrase mémorable, qui m’a fait sourire, selon laquelle le coût de la création de la holding serait nul. À quel moment et sur quelle base votre administration est-elle arrivée à cette conclusion, alors que toutes les expériences montrent qu’une telle opération coûte, au bas mot, des dizaines de millions d’euros ? En réalité, depuis la publication des dix rapports parlementaires, vous avez diminué drastiquement les moyens de l’audiovisuel public. C’est précisément ce que nous dénonçons : vous imposez une réforme nécessitant la dépense de dizaines de millions d’euros après avoir demandé aux acteurs du secteur, il y a deux mois à peine, d’économiser cette même somme. Voilà comment vous pouvez affirmer que le coût de la création de la holding est nul !

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Ce projet de holding constitue une menace directe pour l’indépendance, la diversité et le financement de l’audiovisuel public. Il centralisera la gouvernance et réduira la pluralité qui fait la richesse de notre audiovisuel. Alors que les différentes entités de ce secteur ont chacune leur identité, leur ligne éditoriale et leur ancrage dans le paysage médiatique, cette fusion risquera de standardiser les contenus, de limiter la créativité et d’appauvrir l’offre culturelle.

Ce projet de holding représente également un réel danger pour l’emploi. Il uniformisera les conventions collectives, ce qui ouvrira la voie à une précarisation des conditions de travail des salariés. Pire encore, la nationalisation budgétaire qui accompagne toujours ce type de réforme entraînera des suppressions de postes en même temps qu’elle affaiblira la capacité de production et de diffusion des sociétés concernées.

Le financement de l’audiovisuel public reste un problème majeur, puisque cette proposition de loi ne fait qu’évoquer l’affectation de ressources publiques de nature fiscale, sans aucune précision. Cela laisse planer une dangereuse incertitude s’agissant de la pérennité des moyens alloués à l’audiovisuel. Nous défendons, pour notre part, le rétablissement d’une contribution à l’audiovisuel public réformée, universelle et proportionnelle.

En raison de ces risques majeurs pour la liberté éditoriale, l’emploi et le financement du service public, nous demandons la suppression de l’article 1er.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le moment est très étrange : nous demandons la suppression d’un article qui est au cœur de la réforme mais sur lequel le gouvernement vient de déposer, il y a quelques secondes, un amendement de réécriture globale. J’appelle l’attention de l’ensemble de nos collègues sur la manière dont nous travaillons. Le groupe Écologiste et social n’a rédigé que des amendements de fond, qui risquent d’être balayés par l’adoption de l’amendement gouvernemental, dans un manque de respect absolu du Parlement. Je vous invite à réagir à cette mauvaise manière qui nous est faite en supprimant l’article 1er, qui dénote une mauvaise vision de l’audiovisuel public, concentré et diminué du point de vue des moyens.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable. La dispersion de l’audiovisuel public pose problème, comme l’ont souligné plusieurs rapports parlementaires ainsi que l’étude d’impact de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC). Aussi paraît-il nécessaire de créer une holding, France Médias, regroupant les sociétés de l’audiovisuel public. Nous reprenons ainsi une proposition ancienne, qui date d’un peu plus de dix ans. Cette solution était notamment prévue par le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, dit Riester, adopté par notre commission en mars 2020.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Nous avons lu avec attention les exposés sommaires de ces amendements de suppression. Vous y affirmez avec autorité que la création d’une holding entraînerait la dérive, l’asphyxie, le démantèlement voire la destruction de l’audiovisuel public. En quoi la nomination d’un chef d’orchestre, chargé de faire avancer les coopérations et de fixer un cap stratégique pour les opérateurs publics, détruirait-elle ce secteur ?

Vous conviendrez, madame Bourouaha, que les coopérations par le bas ne fonctionnent pas. Les entités radio et télévision de France Info ne travaillent pas ensemble. Vous expliquez que la création d’une holding viendra caporaliser, d’une certaine manière, les directions éditoriales, qui seront soumises à une instance de gouvernance unique. C’est faux : chaque entité conservera sa raison d’être et son conseil d’administration. Radio France et France Télévisions continueront d’exister : elles auront juste, au-dessus d’elles, une holding, France Médias, qui pourra fixer un cap, trancher des oppositions ou proposer des projets.

Laurence Bloch nous a dit qu’il y a vingt ans, lorsqu’elle était journaliste à France Inter, elle était opposée à la holding, qu’il y a dix ans, elle hésitait, et qu’aujourd’hui, elle y est favorable. En effet, l’absence de chef d’orchestre suscite des atermoiements, des revirements, qui fragilisent les équipes et les empêchent de réaliser ensemble des projets. On peut défendre des visions différentes de l’audiovisuel public, mais j’attends d’entendre d’autres arguments que celui, prononcé d’autorité, selon lequel la création d’une holding démantèlerait le secteur.

Mme Rachida Dati, ministre. Les explications des rapporteurs, qui rejoignent certains éléments de mon discours, sont très claires. Celles de Laurence Bloch, lors de son audition, le sont tout autant : je n’ai pas entendu, à gauche, de véritable contre-argument à tout ce qu’elle a exposé.

Ce n’est plus un débat, ni même de l’obstruction : vous voulez torpiller le service audiovisuel public, que nous ambitionnons, pour notre part, de rendre accessible à l’ensemble des Français, et non uniquement à un petit club. Vous souhaitez l’affaiblir, alors que nous voulons le renforcer en rassemblant ses forces. Comme l’a dit M. Balanant, le sujet est trop grave pour que nous ne fassions pas preuve de responsabilité et que nous ne proposions pas d’avancer. Vous savez très bien que les coopérations actuelles sont difficiles et qu’elles ne fonctionnent pas.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le service public audiovisuel ne bénéficie pas qu’à un petit club : chacune des entreprises qui le composent est suivie, en moyenne, par 30 % des auditeurs ou téléspectateurs. Ce sont des trésors nationaux.

Si nous nous opposons à cette réforme, c’est d’abord parce que les rapprochements entre télévision et radio mettent toujours en danger la radio. Toutes les expériences le montrent : je pense notamment à celle menée en Australie, où les autorités viennent de faire marche arrière après avoir constaté à quel point la mise en commun des moyens était nuisible au vecteur radio. Ce dernier porte pourtant en lui des capacités pédagogiques et la possibilité de lutter contre le tout-écran – un enjeu auquel nous sommes très attachés dans notre commission, où nous nous interrogeons sans arrêt sur la valeur pédagogique des images et les moyens de préserver la concentration des enfants dans un monde qui en est saturé.

Je développerai d’autres arguments ultérieurement.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Le débat n’est pas au bon niveau. Vous faites comme si la gauche était indifférente à l’audiovisuel public ou qu’elle en méconnaissait les enjeux, alors que tous les acteurs du secteur – responsables, salariés, syndicats, associations professionnelles – sont hostiles à cette réforme.

Mme Rachida Dati, ministre. Arrêtez ! Respectez aussi ceux que nous recevons ! (Protestations.)

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Madame la ministre, vous n’avez pas la parole.

Mme Rachida Dati, ministre. Vous mentez, monsieur Grégoire ! Ce que vous dites est faux ! (Nouvelles protestations.)

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Chacun a son temps de parole. Ce n’est pas une discussion entre deux personnes : un député, et lui seul, est en train de réagir aux avis des rapporteurs et du gouvernement. La ministre s’est déjà exprimée : je ne lui redonnerai donc pas la parole immédiatement.

Terminez votre intervention, monsieur Grégoire.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Je le répète, tous les acteurs avec lesquels nous avons échangé – responsables, salariés, syndicats, dirigeants de l’audiovisuel public…

Mme Rachida Dati, ministre. Et François Hollande ?

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Bien sûr, François Hollande aussi. Je vois que son avis compte beaucoup pour vous… Malgré vos efforts très poussés, vous ne l’avez pas convaincu. Tous les acteurs que nous avons rencontrés ont donc jugé la réforme inopportune dans son calendrier et mal préparée sur le fond.

Je le répète, parce que vous esquivez à chaque fois ce sujet : il n’y a pas d’étude d’impact. Êtes-vous capables de dire, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, quels seront la trajectoire financière et le schéma d’emplois pluriannuel de la future holding ? Ce sont tout de même des questions non négligeables, que les dirigeants de n’importe quelle entreprise privée s’engageant dans la création d’une holding auraient l’obligation d’aborder, de manière documentée, devant leur conseil d’administration. La seule chose que nous vous demandons, c’est de produire une étude d’impact et de présenter aux députés ici présents les enjeux financiers sous-jacents à cette réforme. Je ne comprends pas que vous ne puissiez pas répondre à cette question.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Mme la ministre ne peut pas y répondre, principalement parce qu’elle n’a pas la parole. Nous faisons les choses dans l’ordre : après la présentation d’un amendement par son auteur, les rapporteurs et la ministre donnent leur avis, puis les députés ont la possibilité de réagir : la discussion s’arrête là.

La commission rejette les amendements.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je viens de recevoir du gouvernement un amendement de réécriture globale de l’article 1er, long de trois pages. Je ne peux pas travailler de cette façon : j’ai besoin de temps pour découvrir cet amendement et décider de la façon dont il sera traité. Je vais donc suspendre notre réunion.

 

La réunion est suspendue de dix-huit heures trente à dix-neuf heures dix.

 

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Si j’ai été amenée à suspendre notre réunion, c’est parce que l’amendement déposé par le gouvernement ne pouvait être examiné en l’état : il ne s’agit pas réellement d’un amendement de réécriture globale de l’article 1er, mais plutôt de plusieurs amendements venant modifier certains alinéas.

La suspension a été marquée par beaucoup de tensions, notamment à l’encontre de l’administration. Je voudrais que nos débats soient sereins, apaisés, et que chacun reste poli. Le moindre problème me conduira à suspendre nos travaux pour une durée plus longue, et peut-être même définitivement. Je suis très sérieuse.

Amendements AC285, AC286, AC287, AC288, AC289, AC290, AC291, AC292, AC293 et AC294 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

Mme Céline Hervieu (SOC). Sur le fond comme sur la forme, ce texte n’est pas du tout satisfaisant. Certes, il est nécessaire de réfléchir à la façon dont les différents opérateurs peuvent travailler en synergie, au sein d’un pôle public audiovisuel. Nous en sommes tous conscients, car la plupart d’entre nous ici souhaitons défendre l’audiovisuel public. C’est d’ailleurs pour cela que nous nous opposons à la réforme que vous nous proposez.

Des acteurs de premier plan, tels que les syndicats et les personnes qui seront directement concernées, au quotidien, par cette réforme, manifestent leur mécontentement de façon extrêmement claire – nous étions encore avec eux aujourd’hui devant l’Assemblée nationale. Veut-on faire le bien des gens en passant outre leur avis ? Il est important d’avancer dans la concertation, dans le dialogue social, notamment avec les organisations syndicales.

Je sais, madame la ministre, que vous avez un agenda politique personnel. Vous voulez mener à bien cette réforme, contrairement à d’autres qui vous ont précédée et qui ne sont pas allés jusqu’au bout. Je comprends que cela soit important pour vous, mais laissez-moi vous alerter sur le fond. Il n’y a pas d’étude d’impact, et on nous explique que la réforme ne coûtera pas un centime d’argent public ; or n’importe quelle personne ayant déjà travaillé à la fusion de deux entités de cette taille sait pertinemment que cela n’est pas possible.

Le but d’une réforme aussi structurelle et importante est-il, comme vous l’avez dit, de réduire les coûts et de faire des économies dans le budget de l’État ? Vous avez menacé de couper les crédits des opérateurs concernés si le projet n’allait pas jusqu’à son terme. Je vous rassure, c’est déjà le cas : Radio France est en grande difficulté, après avoir subi des millions d’euros de coupes budgétaires, et la pérennité de ses orchestres se trouve même menacée.

Au lieu de soutenir l’audiovisuel public dans toute sa diversité – je pense notamment à tous les métiers qui y concourent –, dans toute sa complexité, et de préserver l’identité de ses structures, vous foncez dans le mur, tout en sachant pertinemment que les personnels de terrain sont opposés à cette réforme. Quant à nous, notre position est parfaitement claire : nous continuerons de nous battre pour préserver l’indépendance de France Télévisions et de Radio France, ainsi que pour faire rejeter cette réforme injuste.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Que les salariés de l’audiovisuel public soient inquiets, qu’ils manifestent, j’allais dire que c’est normal. Connaissez-vous beaucoup d’entreprises qui se transforment, qui se réorganisent sans que cela suscite des inquiétudes ou des préoccupations ? Cela doit-il nous empêcher de réorganiser l’audiovisuel public en créant une holding ? Je ne le pense pas.

L’objectif de la holding, pardon de le répéter – mais vous répétez vos propres arguments –, est simplement d’avoir un chef d’orchestre qui fixe des orientations stratégiques. Peut-on sérieusement se satisfaire du fonctionnement actuel de France Info, en particulier du manque de coopération entre France Info télévision et France Info radio ? Je ne le crois pas. Quand on échange avec les salariés, on voit que certains d’entre eux considèrent qu’il manque une holding, un acteur stratégique capable de trancher quand des projets sont importants. C’est exactement ce qu’a dit Laurence Bloch et elle n’est pas la seule à l’exprimer. J’ai été administrateur de Radio France : je sais que des salariés considèrent que l’absence d’un chef d’orchestre ou d’un arbitre, peu importe le nom, empêche d’avancer de manière structurante et pérenne.

Il existe tellement de défis, tellement de menaces – les plateformes, la concurrence étrangère ou encore la désinformation – que nous devons unir les forces, pour travailler ensemble ; sinon, notre audiovisuel se fragilisera et s’affaissera.

Mme Rachida Dati, ministre. Madame Hervieu, cela ne vous ressemble pas de dire que nous avons un agenda. Nous ne sommes pas au conseil de Paris – c’est un simple rappel. Avis défavorable.

Mme Frédérique Meunier (DR). J’ai du mal comprendre ces pas moins de dix amendements. Il s’agit de modifier un seul mot, remplacé par « diffusion », « information », « transmission » ou encore « radiodiffusion ». Si vous n’êtes pas capables de trancher entre ces différents termes, ne nous demandez pas de le faire. Par ailleurs, les propos que vous tenez n’ont rien à voir avec vos amendements. Tout cela démontre, une fois de plus, que votre objectif est de faire de l’obstruction.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je ne résiste pas au plaisir de vous lire ce que nous disait, il y a exactement un an, Mme Abdul-Malak : « J’estime qu’une holding, préalable ou pas à une fusion, n’est pas indispensable. » Quelques instants plus tard, Mme Bachelot enchaînait : « Je suis une vieille bête de la vie politique ; depuis le temps qu’on nous vend des fusions comme devant conduire à des économies et à un meilleur fonctionnement, et qu’on ne voit que des dérives des coûts de gestion des holdings, on ne me la fait plus ! » Après elle, M. Donnedieu de Vabres déclarait ceci : « Je vais être caricatural : chaque minute passée à des réflexions structurelles certainement très importantes [...] est une minute passée à ne pas réfléchir, face à la violence de l’air du temps, aux liens, à la paix, au respect, à l’identité de chacun. Revenons-en à l’essentiel et à l’urgence. » Quant à M. Toubon, voici ses propos : « Je ne peux qu’être à 200 % d’accord avec ce qui vient d’être dit. Très franchement, et je me permets de le dire comme ancien député, le Parlement ne rendrait pas service au pays en décidant de mettre le doigt dans l’engrenage d’un débat qui serait au mieux superfétatoire, et plus probablement détestable. »

Je crains, malheureusement, que le débat ne devienne vite détestable compte tenu de votre état d’esprit, madame la ministre, et surtout que vos prédécesseurs n’aient eu entièrement raison. Je crains aussi qu’ils ne se soient pas exprimés en tant qu’hommes ou femmes de gauche mais en tant que responsables politiques de droite, de votre famille politique, et on voit que vous êtes bien embarrassée quand il s’agit de répondre aux réserves qu’ils ont exprimées.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Ces amendements ne sont pas de l’obstruction parlementaire. Ils visent à vous obliger à répondre à des questions que, depuis le début de nos échanges, vous laissez méthodiquement de côté au motif que c’est de l’obstruction, qu’il faut avancer, que c’est important pour la France, pour l’avenir, pour l’audiovisuel, etc. Combien coûtera la création de la holding France Médias et sur quelles sources vous appuyez-vous pour avancer un chiffrage ? Par ailleurs, vous engagez-vous à ne pas réduire les crédits de l’audiovisuel public au cours de l’exercice 2025 ?

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AC623 et AC624 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

Mme Céline Hervieu (SOC). Ces amendements rédactionnels posent une vraie question sur la forme de ce projet de réforme de l’audiovisuel public. Je partage l’étonnement de mes collègues, notamment Emmanuel Grégoire, qui vous posent des questions intelligibles au sujet de vos prévisions. Lorsqu’il est question de décisions aussi structurelles en matière d’organisation, n’importe quel chef d’entreprise est capable d’anticiper. Or gouverner et présider, c’est prévoir. S’il n’existe ni étude d’impact ni capacité de dessiner une trajectoire en matière budgétaire et de RH (ressources humaines), c’est qu’un réel problème de fond se pose. « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface. » Nos interrogations sur la rédaction de l’article 1er sont donc légitimes. Si vous aviez la gentillesse de nous apporter des éléments de réponse, nos échanges seraient beaucoup plus fluides.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Nous avons déposé un amendement pour que les conventions stratégiques pluriannuelles soient non seulement soumises au Parlement mais qu’elles fassent, en plus, l’objet d’un avis contraignant. Le Parlement aura donc à s’exprimer sur la stratégie que l’État fixera à la holding ainsi que, chaque année dans le cadre du budget, sur l’allocation des ressources. Le Parlement gardera la main : il aura le dernier mot. Le président ou la présidente de la holding sera nommé par l’Arcom. Il lui reviendra de préparer une stratégie en lien avec l’État – en particulier le ministère de la culture –, puis le Parlement votera pour ou contre cette stratégie et l’allocation des ressources au sein des différentes entités. Il ne faut pas aller plus vite que la musique, si je puis dire. Attendons que le principe de la holding soit validé.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AC775 et AC776 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Deux visions s’opposent. L’une se voudrait rassurante quant à la création de la holding. Nous nous inquiétons, au contraire, de l’effet dévastateur que pourrait avoir cette évolution et nous continuerons donc de nous opposer au regroupement des sociétés de l’audiovisuel public français au sein de la holding France Médias.

Le premier amendement demande ainsi que France Télévisions ne fasse pas partie de cette structure, pour une raison essentielle qui est la préservation de la richesse et des particularités de la télévision publique française. L’amendement suivant a le même objectif général pour ce qui est de Radio France.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Avis défavorable. On a l’impression que ces amendements portent sur un texte qui instaurerait une fusion de l’audiovisuel public. Or il n’y aura pas de fusion : il s’agit de créer une holding comportant des filiales. Il existera, je le répète, une filiale France Télévisions, qui aura un conseil d’administration, donc des administrateurs et des représentants des salariés, ainsi qu’un budget et des équipes pour mettre en œuvre des missions de service public. Je ne vois donc pas en quoi la création de la holding pourrait nuire, comme vous l’écrivez dans l’exposé des motifs, à la « richesse de la télévision publique française ».

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Vous nous expliquez qu’il y aura un conseil d’administration pour France Télévisions comme pour Radio France, que la holding aura une véritable existence, mais que tout se fera à moyens constants. Le moins que vous pourriez faire, par honnêteté intellectuelle, serait de reconnaître qu’il y aura au moins des coûts de coordination au niveau de la holding et des coûts supplémentaires en matière de communication. Vous ne pouvez pas dire que vous ferez 1 + 1 = 3, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas des coûts supplémentaires. Soit votre objectif est de réduire les budgets des différentes entités, ce qui permettra peut-être de travailler à coûts constants mais en dépouillant les filiales, soit vous ne ferez rien. Les différents éléments de votre argumentation ne sont pas compatibles entre eux et nos collègues écologistes ont bien raison de vouloir sortir de la holding au moins un des principaux acteurs concernés.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Je partage les interrogations de nos collègues. J’ai travaillé à Universcience au moment de sa création. Cet établissement public avait vocation à regrouper la Cité des sciences et le Palais de la découverte, sous la présidence de Claudie Haigneré, auprès de qui je travaillais directement. Or ce fut une galère monstrueuse. On avait pensé qu’un super établissement public permettrait d’économiser de l’argent et de créer un centre de sciences à taille parisienne et plus efficace mais les deux cultures étaient différentes, même s’il s’agissait de deux établissements scientifiques. On a donc mis beaucoup d’argent dans des dialogues sociaux pour mettre tout le monde au même niveau et finalement, alors qu’on pensait faire des économies, on a dépensé plus d’argent et l’entité unique qui était souhaitée n’a absolument pas marché. Le président actuel d’Universcience est ainsi revenu à deux politiques distinctes en ce qui concerne les publics – il est vrai que le Palais de la découverte est actuellement fermé, mais il rouvrira bientôt.

Les fusions d’entités qui ont des cultures différentes, même si on pense qu’elles sont proches, fonctionnent très difficilement. C’est mon vécu, mais on pourrait citer d’autres exemples. Alors que nous vivons à une époque où il faudrait faire preuve d’efficacité, d’agilité, vous voulez créer une super holding tout en cherchant à nous rassurer en disant qu’elle aura des filiales, ce qui signifie une superposition entre elles et un super machin, c’est-à-dire un millefeuille à la française dont vous déplorez l’existence dans d’autres cas.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AC1094 du Gouvernement, AC25 de Mme Béatrice Piron, AC57 de Mme Sophie Mette, AC86 de M. Bartolomé Lenoir, AC121 de M. Philippe Ballard, AC156 de M. Salvatore Castiglione, AC720 de Mme Danielle Brulebois et AC777 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Rachida Dati, ministre. L’amendement AC1094 vise à retirer la société France Médias Monde du périmètre de la future holding.

Mme Béatrice Piron (HOR). Merci, madame la ministre, d’avoir déposé au cours de cette réunion un amendement identique. Nous avions déjà fait cette proposition précédemment – un amendement similaire avait même été adopté en mai dernier. Dans le contexte international que nous connaissons, il nous paraît indispensable de sortir de la holding France Médias Monde, qui a des objectifs et un public totalement différents de ceux de France Télévisions.

Mme Sophie Mette (Dem). Nous souhaitons également sortir France Médias Monde du périmètre de la holding France Médias. On a besoin, dans la période actuelle, de la voix de la France à l’étranger.

M. Philippe Ballard (RN). Notre amendement vise aussi à retirer France Médias Monde de cette holding, par cohérence avec notre projet de privatisation, à terme, d’une partie de l’audiovisuel public.

M. Salvatore Castiglione (LIOT). Le groupe LIOT avait également demandé de retirer France Médias Monde de la holding et continue à le faire.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Après France Télévisions et Radio France, nous demandons de sortir France Médias Monde du périmètre de la holding. Vous nous avez répondu, monsieur le rapporteur, qu’il ne s’agissait pas d’une fusion, mais il y a de quoi s’inquiéter compte tenu de ce qu’on entend dans cette commission. D’autres étapes pourraient suivre : après avoir mis en cause la justice, certains pourraient s’en prendre à la liberté de l’audiovisuel public.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Ma collègue rapporteure et moi avons sans doute une vision un peu singulière : nous souhaitons maintenir France Médias Monde dans la holding.

France Médias Monde a des résultats remarquables. Le rôle de cette société est essentiel, notamment dans le contexte actuel de guerre de l’information, et nous voulons saluer ses salariés, qui font face à des coupures de service en Russie, au Mali, au Burkina Faso, au Soudan et en Libye, ce qui n’est pas acceptable. Exclure France Médias Monde du périmètre de la holding risquerait de l’affaiblir durablement. France Médias, si nous créons cette holding, disposera de moyens importants et pourra développer une offre d’information internationale. Les coopérations éditoriales entre, d’une part, France Médias Monde et, d’autre part, France Télévisions et Radio France, sont déjà substantielles. Les correspondants de RFI participent aux programmes de France Télévisions et un tiers de la grille des programmes de la chaîne d’information en continu France Info est fourni par France 24. Par ailleurs, France 24 est diffusée sur la chaîne France Info toutes les nuits, de minuit à 6 h 30. En tout, 80 % des 25 % de programmes d’actualité française de France Médias Monde proviennent de France Télévisions. L’intégration de France Médias Monde dans la holding permettrait de renforcer ces coopérations et la visibilité de l’actualité internationale.

Le rapport pour avis de la commission des affaires étrangères ne comprend pas réellement d’argument en faveur de l’exclusion de France Médias Monde de la holding : il exprime simplement une crainte. J’entends la nécessité de rassurer ceux qui pensent que la création de la holding affaiblirait l’audiovisuel public extérieur, mais nous pouvons prévoir à cet effet des garde-fous. Si nous précisons que l’audiovisuel extérieur doit être une priorité parmi les missions de la holding, nous pouvons inclure France Médias Monde dans le périmètre de cette dernière. Je crains très sérieusement que si nous créons la holding en excluant France Médias Monde de son périmètre, notre audiovisuel en soit fragilisé à moyen terme.

Mme Rachida Dati, ministre. Je suis favorable, je l’ai dit, à l’exclusion de France Médias Monde du périmètre de la holding.

On me demande combien celle-ci coûtera, mais il faudrait savoir : soit on pense qu’elle sera coûteuse, soit on croit que nous la faisons pour réaliser des économies. Essayez de faire preuve de cohérence. Par ailleurs, la holding aura un PDG.

Madame Hadizadeh, s’agissant du Palais de la découverte et de la Cité des sciences, vous avez raison. La politique des publics menée à la suite de cette fusion ne marche pas tellement bien. Comme une vraie question se pose, j’ai mandaté une mission, qui reverra l’ensemble, y compris sous l’angle de la restauration, et me remettra ses conclusions avant l’été. Pour ce qui est de France Télévisions, une holding a d’abord été créée, en 2000, puis une société unique, en 2009, et ce fut une réussite – cette évolution n’a jamais été remise en cause. Ce sont des matières et des univers différents.

Mme Sophie Mette (Dem). Il me semble, à la lecture de l’exposé des motifs de l’amendement du Gouvernement, qu’il n’a pas été toiletté avant son dépôt.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Madame la ministre, on peut très bien augmenter les frais de gestion ou de coordination et réduire les dépenses de production et de création, en faisant le calcul, mauvais selon nous, que les économies l’emporteront sur l’explosion des coûts. Chacun serait alors libre d’en tirer des conclusions.

Nous vivons un de ces moments de vérité que le débat parlementaire nous offre parfois. Le rapporteur est cohérent, ce que je salue : si la holding est une bonne chose pour les entreprises de l’audiovisuel public, on ne voit pas pourquoi France Médias Monde devrait faire exception. Madame la ministre, vous devriez donc nous expliquer en quoi ses missions et son travail seraient si différents de ceux des autres acteurs de l’audiovisuel public, mais vous ne le faites pas, car ce projet est vicié dans son principe même, et vous le savez très bien. Nous sommes cohérents : nous ne voulons de cette holding ni pour France Médias Monde ni pour aucune filiale.

Par ailleurs, vous n’avez pas répondu aux propos de vos prédécesseurs que j’ai cités tout à l’heure. Rien ne plaide dans l’exposé des motifs du Gouvernement dans le sens d’une singularité de France Médias Monde si ce n’est l’évocation de missions spécifiques – mais c’est vrai pour toutes les filiales. Donnez-nous au moins un argument. Expliquez-nous pourquoi vous vous êtes avisée, le jour de l’examen du texte en commission, qu’il était urgent de retirer France Médias Monde de la holding alors que vous nous avez dit que des réflexions étaient en cours sur la création de cette structure depuis dix ans et que vous y travaillez vous-même depuis un an. Le Gouvernement est-il si peu préparé que vous avez découvert au dernier moment que France Médias Monde était en péril en cas d’intégration de la holding ?

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Il est sain de sortir France Médias Monde du projet de holding. Je regrette simplement que votre audace n’aille pas jusqu’à en sortir toutes les autres sociétés.

Monsieur Ballard, vous avez souligné que la création de la holding était un moyen de préparer la privatisation de l’audiovisuel public. Vous l’avez dit très honnêtement et je veux que chacun prenne conscience de la gravité de la décision que nous prendrions en préparant cette évolution, qui serait mise en œuvre par le Rassemblement national ou par d’autres.

Madame la ministre, je relève ce que vous avez dit, lorsque vous êtes revenue sur la question du Palais de la découverte et de la Cité des sciences, au sujet de la holding préparant la fusion. Vous ne l’avez peut-être pas exprimé sous la forme d’une intention assumée, mais c’est incontestablement la menace que nous voyons poindre, notamment dans « l’étude d’impact » actualisée – qui n’est pas une étude d’impact. Le niveau d’intégration concernant France Info et Ici est incontestablement le signe avant-coureur d’une fusion pure et simple.

Mme Céline Calvez (EPR). Quand la question de l’inclusion ou non de France Médias Monde s’est posée en mai 2024, le projet qui nous était présenté était celui d’une fusion et il avait été introduit dans nos débats d’une manière plus abrupte, ce qui a suscité, c’est vrai, beaucoup d’émotion, notamment chez eux qui s’intéressent aux affaires étrangères – ils voulaient épargner France Médias Monde. Il est désormais question d’une holding et je pense, comme le rapporteur, qu’il est plus sain que France Médias Monde en fasse partie. C’est pour son bien : cette société ne doit pas rester isolée. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’elle s’adresse à d’autres publics qu’elle ne peut pas aussi nous éclairer, que nous habitions à Paris ou au Mans. Enfin, exclure France Médias Monde du projet de holding ne ferait qu’affaiblir cette dernière. Comme je crois profondément en ses vertus, je trouve qu’il est important de voter contre ces amendements. Une holding doit regrouper et non exclure.

La commission adopte les amendements.

Amendement AC778 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Comme nous l’avons fait pour France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, nous demandons que l’Institut national de l’audiovisuel soit sorti de cette holding dont nous ne voulons toujours pas.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il faudrait présenter des arguments en ce qui concerne l’INA. S’il existe au sein de la future holding une filiale dont le métier est très singulier, c’est celle-ci. C’est là que les capacités, les savoir-faire, les missions et les statuts sont les plus différents de ce qui existe ailleurs. Je sais bien qu’on utilise à l’INA, comme à la radio et à la télévision, des micros et des écrans, mais cela ne suffit pas. On n’y fait pas le même métier que les journalistes ou les créateurs, de radio ou de télévision. Expliquez-nous donc pourquoi l’INA aurait sa place dans la holding. Vous venez de dire que la singularité des missions et des métiers de France Médias Monde justifiait que cette société n’y fût pas. Expliquez-nous pourquoi l’INA ne devrait pas faire l’objet du même traitement.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Nous sommes favorables à cet amendement. Je ne sais pas si tout le monde sait à quel point l’INA, tout en étant parfaitement indépendant, a su développer des synergies et des nouveaux produits et augmenter considérablement l’audience de ses archives documentaires, lesquelles sont extrêmement appréciées sur les réseaux sociaux. C’est un argument de plus : quand on fait des contenus de qualité et qu’on sait les mettre en avant, on n’a besoin ni de holding ni de fusion.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Il se trouve que le président de l’INA s’est lui-même montré favorable, lors des auditions, à un rapprochement au sein de la holding. Nous ne sommes pas convaincus par les arguments que vous avez développés.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AC628, AC629 et AC625 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

Mme Céline Hervieu (SOC). Ce que vous proposez, il faudrait l’entendre, va exactement dans le sens du Rassemblement national, qui a pour objectif une privatisation. La création d’une holding est le préalable d’une fusion, qui est elle-même le préalable d’une privatisation. Il faudrait apporter des réponses sur ce point, madame la ministre, d’autant que vous souhaitez plutôt défendre l’audiovisuel public – vous ne voulez pas une privatisation. Expliquez-nous comment vous comptez faire pour éviter que le premier pas que vous allez réaliser avec le vote de ce texte ne soit une première pierre sur le chemin de la privatisation de l’audiovisuel public.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. La création de la holding facilitera-t-elle demain la privatisation de l’audiovisuel public ? La réponse est non. Je ne suis pas juriste, mais vous pourrez poser la question à des gens plus qualifiés : tout le monde vous expliquera que la création d’une holding ne facilitera en aucune manière la privatisation. Il faudra passer par la loi pour privatiser la holding ou, si elle n’est pas créée, chacune des entités. La création de la holding ne changera strictement rien à la capacité du législateur de privatiser demain. Comme il y aura des filiales et d’autres entités à côté, cela risque même d’être plus compliqué. Ce que vous dites n’est donc pas un argument.

Mme Rachida Dati, ministre. Nous avons déjà connu des privatisations : il faut passer par la loi. Ensuite, ce texte ne vise pas à réaliser une fusion, mais à créer une holding. Et quand des entités sont investies d’une mission publique, elles ne sont pas privatisables à moins d’un changement beaucoup plus important – il faudra plus qu’une loi ordinaire. Ce texte ne permettra évidemment pas une privatisation. Il faudrait pour cela un changement politique majeur et une majorité dans cette assemblée. À nous de nous battre pour protéger ce à quoi nous tenons.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AC630, AC631 et AC632 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

Mme Céline Hervieu (SOC). Madame la ministre, le 14 mai 2024, lors du précédent examen de ce texte, vous avez déclaré : « Pour notre part, nous souhaitons préserver l’indépendance de l’audiovisuel public en sanctuarisant son financement et en rassemblant ses forces. » Résultat : le budget pour 2025 a diminué de 80 millions d’euros par rapport à 2024. Vous nous assurez maintenant que la création d’une holding ne facilitera pas la privatisation : vu ce qu’il est advenu de votre engagement sur le financement, permettez-moi d’en douter. Non seulement nous ne savons pas qui sera aux responsabilités demain, mais en plus, pas besoin d’avoir fait huit ans de droit pour savoir qu’il est plus simple de privatiser une entité unique.

Tout le monde a parfaitement compris qu’un des objectifs de votre réforme est de réaliser des économies, notamment en supprimant des doublons de poste dans les fonctions support. Seulement, la création de cette holding coûtera elle-même plusieurs dizaines de millions d’euros par an : assumez-le ! Vous nous assurez que le coût de la réforme sera nul, comme cela est écrit dans l’étude d’impact : serez-vous capable de tenir cet engagement ?

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Ce sont des amendements d’obstruction. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Nous sommes tous, ici, capables de tenir nos engagements – moi la première. Je m’étais engagée à préserver le mode de financement de l’audiovisuel public : c’est chose faite, grâce à la sanctuarisation de l’affectation d’une fraction de TVA, qui devait initialement disparaître au 1er janvier 2025. Je m’étais engagée à maintenir le budget, en valeur absolue, tout au long de l’année : c’est chose faite.

Comme je l’ai déjà dit – mais je peux le répéter à nouveau –, la création d’une holding ne génère pas de coûts. Il reviendra au PDG exécutif et au conseil d’administration de la holding de décider de son organisation pour assurer les missions qui lui seront dévolues, à commencer par la préservation de l’audiovisuel public.

Enfin, je vous rappelle qu’en 2015, un sénateur écologiste a rédigé un rapport favorable à la création d’une holding.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Correction : ce n’est pas vous qui avez tenu votre engagement sur l’indépendance du financement de l’audiovisuel, mais bien nous, députés, qui l’avons sauvé en acceptant de voter conforme la proposition de loi organique ad hoc !

Quant à nos amendements, tout cabotins qu’ils soient, ils sont prétexte à des questions précises, auxquelles vous refusez systématiquement de répondre. Par exemple, vous ne nous avez pas apporté la moindre réponse sur le coût de la réforme.

Mme Frédérique Meunier (DR). Elle vous répond, mais les réponses ne vous conviennent pas !

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Non, elle ne nous a pas répondu !

Mme Rachida Dati, ministre. Mais si !

M. Emmanuel Grégoire (SOC). « Rien », telle est votre réponse ! Ce n’est vraiment pas sérieux.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Voilà que ça recommence ! Nous sommes tout près de la fin de la réunion, ce serait dommage d’ajourner les travaux maintenant.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Effectivement, vous nous avez contraints à accepter votre solution en nous menaçant, si nous ne nous y résolvions pas, de laisser le financement de l’audiovisuel public partir dans le décor ! Au moins ce débat aura-t-il eu le mérite de vous forcer à reconnaître qu’en réalité, vous vous fichez comme d’une guigne de l’avenir de l’audiovisuel public, et que vous n’avez pas l’intention d’employer tous les moyens à la main du gouvernement pour le sauver de la privatisation.

Vous prétendez que la création d’une holding n’engendrera aucun coût. Mais une telle fable n’amuse que les petits enfants ! Il y aura un PDG, il lui faudra au moins un bureau ! Et le changement des papiers à en-tête ? Ces exemples sont un peu absurdes, mais ils montrent bien que le coût ne peut pas être nul. Alors dites-nous la vérité : si ça doit coûter une poignée de cerises, dites-le, et nous jugerons sur pièce. Mais nous refusons de gober des contre-vérités manifestes comme celles que vous assénez !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AC750 de M. Frédéric Maillot et AC779 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Frédéric Maillot (GDR). La dernière fusion de ce type, intervenue en 2000, visait à regrouper France 2, France 3, France 4, France 5 et Outre-mer La Première au sein de France Télévisions : ça a pris dix ans et coûté 189 millions ! Nous savons donc tous pertinemment que la création d’une entité unique a un coût social et financier.

Ensuite, si nous ne sommes pas parfaitement transparents sur les missions et orientations stratégiques du projet dès le départ, nous allons droit dans le mur. Afin d’apporter aux salariés la confiance et le respect qu’ils méritent, cet amendement vise donc à garantir que l’indépendance et la liberté éditoriale resteront les principes cardinaux de la future entité.

En ces temps de désinformation, l’audiovisuel public reste un rempart important pour les auditeurs et téléspectateurs : il est de notre devoir de permettre aux journalistes d’exercer leur métier librement et sans pression extérieure.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Les missions qui seront dévolues à France Médias restent pour le moins imprécises, et n’empêchent pas la création d’une direction éditoriale centralisée. Cet amendement tend donc à insister sur le respect de l’indépendance et de la liberté éditoriale des différentes sociétés de l’audiovisuel public.

Reconnaissant la qualité de l’information qui y est diffusée, nos concitoyens plébiscitent largement l’audiovisuel public – 81 % d’opinions favorables pour la radio, 71 % pour la télévision. Or l’indépendance de la gouvernance et la diversité des médias publics sont l’une des conditions de la confiance qu’ils accordent à l’audiovisuel public. Contrôler simultanément France Télévisions, Radio France, Arte et l’INA constituerait un véritable défi et, de fait, la centralisation de la gouvernance en favoriserait largement l’exercice. Mais ce n’est pas la direction que nous devons prendre.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Vous voyez dans cette holding une sorte de monstre technocratique qui censurerait les filiales ; nous y voyons un chef d’orchestre, capable de fixer un cap stratégique et de renforcer la coopération pour offrir, demain, une information commune. Il a fallu quarante ans pour que deux médias de proximité, France 3 et France Bleu, travaillent ensemble et deviennent Ici : ce n’est pas acceptable ! La gouvernance unique n’aura pas vocation à censurer les filiales, mais à renforcer les projets éditoriaux communs, au service des Français et de la proximité.

Nous sommes évidemment attachés à la liberté et à l’indépendance éditoriale des médias publics, et avons d’ailleurs déposé un amendement garantissant la présence de journalistes au sein du conseil d’administration de France Médias et de ses sociétés filles.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Quelle mauvaise foi, monsieur Grégoire : la ministre vous a clairement répondu sur le coût de la holding ! Quand on a déposé 485 amendements – 228 pour les écolos – et que des dizaines de sous-amendements sont déposés petit à petit dans l’unique objectif d’obstruer les débats, on ne donne pas de leçons de sérieux !

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis que les rapporteurs.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Moi non plus, je n’ai pas eu de réponse à mes questions – et pourtant, mon groupe n’a pas déposé des centaines d’amendements ! Si vous nous répondiez, cela bénéficierait à tout le monde.

Ces deux amendements sont, d’une certaine façon, une pétition de principe. Puisque vous nous assurez que l’indépendance et la liberté éditoriale des filiales sont acquises, monsieur le rapporteur, vous pourriez soutenir leur adoption, ne serait-ce que pour nous rassurer ; mais vous ne le faites pas. Après huit ans de macronisme, je n’ai plus aucune confiance en vous. Et vous venez encore une fois de me prouver que j’ai bien raison.

La commission adopte les amendements.


Réunion du mercredi 2 avril 2025 à 15 heures

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi ([153]).

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Hier soir, lors de l’examen de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, des faits graves se sont produits.

Dans cette commission, je n’accepterai jamais que l’on manque de respect aux administrateurs. L’affrontement politique entre nous est une chose. Les affrontements avec les administrateurs, eux, sont inacceptables. Membres de la fonction publique, ils sont là pour nous permettre de mener à bien nos débats et ils ont tout notre soutien.

Je souhaite que la ministre reconnaisse son comportement et s’excuse auprès de notre commission – pas nécessairement oralement. Nous en avons discuté ensemble ; notre but est que les débats se déroulent de manière calme et apaisée.

Si ce n’était pas le cas, je devrais à nouveau suspendre la réunion. La sérénité est nécessaire pour travailler.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Je ne souhaite pas que nos travaux soient instrumentalisés, qu’ils souffrent d’une obstruction politicienne – mais le texte était en cours d’adoption et c’est peut-être ce qui a gêné.

Madame la présidente, quand vous avez suspendu nos travaux hier à vingt heures, il n’y avait pas eu d’incident. Tandis que nous nous préparions, avec certains députés, à participer à la réunion d’hier soir, nous avons appris par mail que celle-ci était annulée. C’est alors que sont parus des communiqués aux titres sulfureux puisque, pour certains, la question de la légitimité et de l'essentialisation – vous voyez ce que je veux dire – se pose toujours. Ils mentionnaient une agression, des menaces, des insultes, alors que rien de cela n’avait eu lieu.

Effectivement, quand l’administratrice a indiqué qu’il était nécessaire de suspendre la réunion pour redécouper un amendement gouvernemental dont la rédaction ne correspondait pas aux usages, je l’ai interrogée sur les raisons de son choix, dans la mesure où nous avions déposé notre amendement en réponse à des amendements d’obstruction – certains de leurs signataires les ont d’ailleurs reconnus comme tels. Il y a eu une réponse un peu vive. Nous nous sommes expliquées. L’incident était clos.

Pendant cette même réunion, les rapporteurs et moi-même avons été traités de laquais de Bolloré par un député. Évidemment, personne n’a demandé d’excuses.

J’ai interpellé la présidente pour m’étonner du ton sur lequel l’administratrice me répondait. Des députés ont répondu que c’était le ton qu’elle employait. Nous avons fermé le ban, l’affaire était terminée, malgré quelques échanges vifs entre l’administratrice et les représentants de la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture.

Lors de la suspension décidée pour permettre aux députés d’aller voter en séance publique, M. Saintoul m’a interpellée : « Pour qui vous vous prenez ? Vous agressez des fonctionnaires ! ».

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Arrêtez de mentir ! Les administrateurs concernés sont là.

Mme Rachida Dati, ministre. Il m’a également traitée d’arriviste – on connaît le sens de l’expression quand elle s’applique à une femme. Je n’ai pas demandé d’excuse, car je souhaitais que les travaux reprennent. Des collaborateurs et des parlementaires de tous bords étaient présents.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Quelle mauvaise foi !

Mme Rachida Dati, ministre. Je ne sais pas qui fait preuve de mauvaise foi. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Vous n’avez pas interrompu la présidente de la commission. Je vous demande le même respect.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. J’aimerais pouvoir entendre Mme la ministre. Nous suspendrons ensuite la réunion.

Mme Rachida Dati, ministre. Nous avons finalement repris nos travaux en fin d’après-midi. Le rapporteur et moi-même nous sommes étonnés car, à chaque fois que des amendements d’obstruction étaient rejetés, d’autres étaient déposés.

La réunion s’est achevée normalement. Ensuite, certains ont commencé à évoquer une agression. Selon un article du journal Libération, j’aurais menacé de « taper » l’administratrice. Jamais je n’ai tenu ces propos.

Vous avez raison, madame la présidente, je n’aurais pas dû échanger directement avec l’administratrice ; c’est avec vous que je devais le faire. Le soir même, ma directrice de cabinet a appelé l’administratrice concernée. Celle-ci a confirmé qu’il n’y avait eu ni insulte, ni agression, ni menace. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Paul Vannier (LFI-NFP). Quel manque de respect ! Et vous parlez à sa place dans un cadre où elle ne peut s’exprimer !

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. La réunion est suspendue.

La réunion est suspendue de quinze heures vingt-cinq à quinze heures quarante.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous reprendrons nos travaux ultérieurement.

Réunion du mardi 8 avril 2025 à 16 heures 30

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi ([154]).

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous examinerons la suite de la proposition de loi cet après-midi puis ce soir. À minuit, nous devrons arrêter nos travaux : le texte figurant à l’ordre du jour de la séance publique de vendredi, il faut laisser suffisamment de temps pour le dépôt des amendements et l’examen de leur recevabilité.

Article 1er (suite) : Création de la société holding France Médias et transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme

Amendement AC780 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Avant toute chose, j’exprime tout mon soutien aux administrateurs et aux administratrices, ainsi que ma reconnaissance pour leur travail.

Radio France et France Télévisions ont une identité et des lignes éditoriales différentes ; il en va de même de leurs diverses stations et chaînes. Le présent amendement vise à garantir que la spécificité de chaque maison de l’audiovisuel public sera préservée, quoi qu’il advienne de la gouvernance. De plus, la création d’une holding exécutive rendra inévitables l’optimisation et les baisses budgétaires ; il faut éviter que celles-ci n’affectent les formations musicales, comme les chœurs.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Les différentes sociétés garderont leur personnalité morale et un conseil d’administration propre ; elles conserveront leur identité. Nous défendrons un amendement visant à donner aux parlementaires la possibilité de formuler un avis contraignant sur les conventions stratégiques pluriannuelles (CSP). Plutôt que de préciser les spécificités de chaque société, je préfère que nous donnions à l’État la liberté d’élaborer des CSP, qu’à leur tour les parlementaires seront libres d’approuver ou de refuser. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Même avis.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). À mon tour, j’exprime aux fonctionnaires de l’Assemblée nationale notre plein soutien ; nous les remercions du travail qu’ils accomplissent chaque jour à notre service. Je regrette que ce sentiment ne soit pas toujours partagé par tous.

Vous soulignez que chaque entité conservera sa liberté éditoriale mais – permettez-moi l’expression – ça va mieux en le disant. On gagnerait en effet à préciser dans le texte que les spécificités de chacune seront prises en considération.

Le siège de France Ô se trouvait à Malakoff, dans ma circonscription. Pour les personnels, la suppression de cette chaîne est un gâchis ; aujourd’hui, ils s’inquiètent de savoir si leur spécificité sera respectée au sein de France Télévisions. Ils étaient chargés d’une mission particulière, qui se trouvera diluée dans le groupe. La création de la holding consiste non seulement à réformer la gouvernance et la stratégie, mais aussi à mutualiser les moyens, ce qui conduira à diluer les missions et les spécificités de chacun. Nous touchons là le cœur même de votre logiciel : vous avez procédé ainsi ces dernières années, avec le résultat qu’on sait. Les outre-mer illustrent bien l’échec systématique de cette méthode, qui a des conséquences fâcheuses, voire désastreuses, pour le public comme pour les diffuseurs.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). J’ai déposé cet amendement parce que l’« étude d’impact » mentionne la création de filiales, qui porteront atteinte à la spécificité de chaque maison en leur ôtant une partie d’elles-mêmes : France Bleu est devenue Ici et l’information, caractéristique de France Info, doit revenir à une autre filiale. Les projections du ministère montrent que, malgré vos dénégations, l’intégrité des maisons sera affectée.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC1025 de Mme Virginie Duby-Muller.

Amendement AC1063 rectifié du Gouvernement

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi.  Cet amendement fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. Il vise à préciser que France Médias pourra créer des filiales pour mener les actions communes des sociétés. Il s’agit de donner au président de la holding la liberté d’élaborer des stratégies communes à des entités qui resteront très indépendantes.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Avis favorable.

Sous-amendement AC1113 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous nous opposons à la création de la holding, aussi le sous-amendement vise-t-il à supprimer les alinéas 1 à 3.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Avis défavorable.

La commission rejette le sous-amendement AC1113.

Sous-amendements AC1376 de Mme Soumya Bourouaha et AC1491 de M. Aymeric Caron (discussion commune)

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Comme mes collègues, je salue l’engagement, la discrétion, le professionnalisme et la loyauté des fonctionnaires de l’Assemblée nationale, qui assurent la continuité de nos travaux ; je salue également le travail de notre présidente.

Je suis opposée à la holding. Sous couvert de simplification et d’efficacité, ce projet risque de fragiliser le service public. Qu’avons-nous à gagner à la centralisation des différentes sociétés ? On nous parle de synergie et de coordination, mais quel en sera le prix ? Chaque société a sa dynamique et son identité. Nous craignons qu’en les plaçant sous un même chapeau, vous affaiblissiez les singularités et que – pire encore – leur indépendance éditoriale s’en trouve menacée. Pour ces raisons, le sous-amendement AC1376 vise à empêcher la création de filiales.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Avec cet amendement du gouvernement, nous entrons dans le vif du sujet. La semaine dernière, on nous a affirmé que cette proposition de loi était l’aboutissement d’un an de travail, mais nous avons dû discuter un amendement de réécriture déposé pendant l’examen en commission. Or il est déplaisant de devoir sous-amender dans la précipitation un texte qui ne nous a pas été soumis dans des délais convenables. Soit vous avez longuement travaillé sur le fond et le texte est stabilisé, soit vous n’avez pas travaillé sérieusement et vous nous imposez des conditions d’examen indignes, qui nous empêchent de défendre nos positions. Comment expliquez-vous cette fourberie ?

Je retire le sous-amendement AC1491, au profit du précédent. La filialisation est au cœur du problème ; tous les syndicats nous alertent sur ses conséquences possibles. L’historique de la privatisation des services publics nous permet de savoir précisément comment vous procéderez : vous allez créer des petites filiales, casser les statuts et les collectifs de travail, de sorte que les salariés ne puissent plus s’organiser puis, un jour, vous nous expliquerez benoîtement que le système est dysfonctionnel et qu’il faut le privatiser. Nous y sommes totalement opposés.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Vous nous prêtez des intentions cachées en nous reprochant de vouloir remettre en cause l’indépendance éditoriale des médias et privatiser l’audiovisuel public. Nous sommes plusieurs à avoir siégé au conseil d’administration d’une société de l’audiovisuel public ; nous avons toujours défendu la liberté éditoriale. Votre opposition à la holding ne vous autorise pas à formuler des accusations de cette gravité.

Par ailleurs, vous affirmez que nous vous empêchons de défendre votre point de vue mais il reste plus de mille amendements à examiner, dont certains ne visent qu’à changer une virgule : vous allez pouvoir vous exprimer.

Enfin, vous dénoncez notre prétendu dessein de privatiser l’audiovisuel public. Selon nous, la holding favorisera la coopération et l’approfondissement des projets. Je suis profondément attaché à l’audiovisuel public mais je considère que faute d’en réunir les forces, il sera fragilisé à moyen terme ; vous, au contraire, estimez que c’est la création de la holding qui le fragilisera. Encore une fois, cela ne vous autorise pas à nous supposer des intentions cachées. D’ailleurs, nous défendrons un amendement visant à nommer un journaliste au conseil d’administration de la holding, ce qui montre notre attachement à la liberté éditoriale. Avis défavorable sur les sous-amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Quand on crée des filiales, on défait les accords collectifs pour repartir de zéro, au détriment des conditions de travail et d’emploi des agents. Cela suscite beaucoup de craintes, que vous étayez en affirmant que la création de la holding ne coûtera rien : la fusion ferait converger les statuts vers le haut, mais les filiales permettraient de tout remettre à zéro pour les abaisser. Est-ce ainsi que la holding coûtera moins que ce qu’aurait coûté la fusion ?

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je m’étonne que la ministre, ici présente, ne daigne pas apporter des éclaircissements sur cet amendement du gouvernement ; la question circonstanciée de Sophie Taillé-Polian appelle une réponse.

Monsieur le rapporteur, je ne vous fais pas de procès d’intention ; vous défendez l’autorisation de créer des filiales, or chaque fois dans l’histoire récente qu’on a voulu privatiser, on a créé des filiales au sein d’une holding – c’est notamment le cas de la SNCF et d’EDF. J’entends votre raisonnement : vous pensez qu’en mutualisant les moyens, on renforcera les sociétés, mais cela n’implique pas de créer des filiales. Vous pourriez à l’inverse nous accorder que ces dernières sont de nature à fragiliser l’ensemble et nous rassurer en y renonçant.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Nous allons commencer ce soir l’examen en séance publique du projet de loi de simplification de la vie économique. Nous essayons de simplifier ; nous n’avons pas besoin d’une telle réforme mastodonte, qui créera de la complexité. Le gouvernement et les parlementaires cherchent de possibles économies dans le budget de l’État – nous avons tous conscience du déficit. L’histoire nous l’apprend, aucun des grands projets de fusion adoptés pour faire des économies n’a suivi le scénario prévu ; on finit toujours par sortir le carnet de chèques. Il faut aligner les statuts ; il y aura des négociations, des grèves, des blocages, des tensions sociales. Je ne veux pas jouer les Cassandre mais je suis prête à parier que la création de la holding coûtera plus qu’elle ne fera économiser. Soyez raisonnables : renoncez au projet pour faire des économies. Cette réforme n’est ni faite ni à faire.

Le sous-amendement AC1491 est retiré.

La commission rejette le sous-amendement AC1376.

Sous-amendements AC1239 de M. Emmanuel Grégoire et AC1485 de M. Aurélien Saintoul (discussion commune)

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Le texte manque de clarté comme de précision. Nous ne cessons de poser des questions mais nous ne recevons aucune réponse. Nous parlons d’une réforme d’ampleur qui aura des conséquences sur la vie des salariés concernés et sur le paysage audiovisuel : nous ne pouvons rester dans le flou. Plus le temps passe, plus notre inquiétude grandit.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). On nous a expliqué qu’il fallait mutualiser les moyens, comme les plateaux techniques et le personnel – logique que nous contestons parce que les écritures radiophonique et télévisuelle sont différentes, par exemple. Si c’est ce que vous pensez, pourquoi créer des filiales ? Comment les imaginez-vous ? Que pensez-vous mutualiser pour qu’il soit nécessaire de créer une entité administrative distincte de France Télévisions, de Radio France, de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et de France Médias Monde ? Si c’est une filiale de vidéo à la demande, par exemple, expliquez-nous en quoi elle est nécessaire et pourquoi sa création réduirait les coûts. Nous ne pouvons pas accepter le principe de la filialisation sans argument pour justifier sa pertinence. Allons plus loin : qui, parmi les candidats à la présidence de l’audiovisuel public, évoque ce projet ?

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Si on instaure une holding, il faut lui donner les moyens de fonctionner, y compris, le cas échéant, en créant des filiales. Quelles filiales ? Radio France et France Télévisions pourraient travailler à une plateforme numérique de contenus. N’étant pas président de la holding, je ne puis pas vous assurer qu’une filiale serait nécessaire pour y parvenir. Peut-être faudra-t-il créer une filiale de l’outre-mer pour concentrer tous les moyens afférents, à moins que des coopérations n’y suffisent. Aujourd’hui, France 3 et France Bleu travaillent ensemble sur la proximité, dans le cadre d’Ici ; pour aller plus loin, il sera peut-être pertinent demain de créer une filiale. L’éducation aux médias est une mission essentielle qui donne à l’audiovisuel public sa raison d’être et sa grandeur, pourtant, Radio France et France Télévisions n’y travaillent pas ensemble. Est-ce acceptable ? Vous me direz que cela ne nécessite pas de créer une holding ; malheureusement, je crains que si. Depuis quarante ans on dit que les coopérations se feront par le bas, mais ça n’a pas l’air de fonctionner. Avis défavorable aux deux sous-amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. L’étude d’impact – puisque c’est le terme que vous avez vous-même employé – mentionne la possibilité de créer des filiales consacrées à l’information et à la proximité. On pourrait également créer une filiale pour l’éducation à l’image et aux médias et une filiale de création de contenus. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les sous-amendements AC1239 et AC1485.

 

La réunion est suspendue de dix-sept heures à dix-sept heures quinze.

 

Sous-amendements AC1118, AC1119, AC1176 et AC1177 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Par ces sous-amendements, je demande qu’on s’interroge sur la pertinence des filiales. Ma question relative au devenir des accords collectifs n’a pas reçu de réponse. La création de filiales fera-t-elle repartir de zéro, comme c’est l’usage ?

Si nous avons utilisé le terme « étude d’impact », c’est par commodité, en le plaçant entre guillemets. Appelons-la plutôt le document que vous nous avez donné et qui vise à décrire à grands traits l’avenir de l’audiovisuel public : il montre bien votre volonté de créer des filiales mais, contrairement à ce que ferait une étude d’impact, il n’en présente pas les conséquences. Il envisage une coordination accrue de la ligne éditoriale globale des médias d’information. Il existe deux rédactions indépendantes ; parce qu’elles exercent des métiers différents, elles travaillent différemment. Elles perdraient donc leur autonomie, entraînant un appauvrissement.

Nos interrogations portent également sur cette nouveauté qu’est la filiale dédiée à l’éducation aux médias. Quelle place aurait l’éducation nationale alors que l’éducation aux images et aux médias est susceptible de devenir une discipline à part entière ? Cette plateforme commune n’a rien d’anecdotique et nous déplorons de ne pouvoir qu’effleurer tous ces enjeux d’importance, faute d’éléments solides.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Ce sur quoi nous sommes appelés à nous prononcer à travers l’amendement du gouvernement, c’est la capacité pour la holding de créer des filiales. Il ne nous appartient pas ici de définir sa stratégie en ce domaine. Si la holding est créée, l’État déterminera dans le projet stratégique de la CSP quelles seront les filiales. Sachez toutefois que vous pourrez vous opposer à ces conventions car les commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat seront appelées à formuler un avis contraignant à leur sujet.

Monsieur Saintoul, vous qui nous avez traités de « laquais de Bolloré », sachez que ce qui fait la force de ce groupe, c’est l’intégration d’une partie des rédactions d’Europe 1 et de CNews. Une information diffusée le matin sur l’une de ces antennes est reprise l’après-midi sur l’autre. Fermer la porte à la création d’une filiale dédiée à l’information, c’est se priver des moyens de lutter contre ce que vous voulez combattre. Une mise en commun des rédactions de l’audiovisuel public est de nature à assurer une information fiable, indépendante et pluraliste, contrairement à ce que vous affirmez.

Avis défavorable sur ces quatre sous-amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis, mêmes arguments. Tout est résumé dans l’étude d’impact – je maintiens cette dénomination. Offrir la possibilité de créer des filiales, c’est donner un pouvoir supplémentaire au président de la holding exécutive. Or sans pouvoirs donnés au président, la holding ne saurait être exécutive. Quant aux coopérations, elles correspondent à une demande forte, notamment des rédactions qui les ont multipliées depuis un an, précisément dans la perspective de ce projet. Enfin, les négociations des conventions collectives ont commencé l’année dernière, par anticipation là encore, et se poursuivent.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je partage les doutes et les interrogations de mes collègues, en particulier s’agissant de la proximité. La holding remettra en cause l’agilité des rédactions et leur présence quotidienne sur le terrain, assurée tant par la télévision que par la radio, auxquelles les habitants sont attachés. Dans ma région, la réduction du temps d’antenne consacré aux éditions locales des journaux, censée ne durer que le temps des Jeux olympiques, a été pérennisée. Nous craignons que si tout est décidé depuis Paris, une réduction drastique des moyens vienne limiter les possibilités pour les rédactions de couvrir les sujets locaux, notamment les langues régionales, et de s’adapter aux différences territoriales. Cette filialisation déconnectera public et territoires.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). En quoi le fait que France Télévisions et Radio France n’aient pas la même stratégie dans le domaine de l’éducation aux médias pose-t-il problème ? La diversité de l’audiovisuel public est, comme dans un écosystème, une richesse. Quant à la couverture qu’assurent les antennes locales, elle est essentielle à la vitalité de notre démocratie. Nous l’avons bien vu lors des dernières élections : elles ont permis aux téléspectateurs de prendre la mesure de l’impréparation de certains candidats se présentant dans leur circonscription.

Tous ceux, nombreux, qui ne cessent dans l’hémicycle de chanter les louanges des petites et moyennes entreprises devraient être convaincus que les petites entités, qui sont parfois les plus agiles, sont préférables à un mastodonte qu’on aura vite fait de qualifier de mammouth.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je ne crois pas, madame la ministre, que les négociations sur les conventions collectives aient partout commencé, comme vous l’affirmez. Les directions seraient bien en peine de les lancer puisqu’elles ignorent tout de la prochaine gouvernance, ce projet de réforme ayant connu bien des aléas. Si des filiales sont créées, les accords collectifs actuels seront-ils conservés ou bien, comme je le redoute, le président de la holding aura-t-il juridiquement la possibilité de repartir de zéro ? Les salariés attendent des réponses.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Pour que la holding soit exécutive, il faut donner des pouvoirs à son président, dites-vous, de manière tautologique, mais l’inverse est aussi vrai. Du reste, initialement, le texte ne prévoyait pas que la holding soit exécutive. Pourquoi en faire désormais un argument à part entière ? La véritable question qui se pose est de savoir quelles sont les perspectives de l’audiovisuel public.

Je le redis, je n’ai qualifié ni le rapporteur ni la ministre de « laquais de Bolloré », j’ai simplement expliqué que l’audiovisuel public constituait une forme de mauvaise conscience pour ceux qui l’étaient – même si je considère que le programme de Mme la ministre est bien au service de M. Bolloré.

Je trouve choquant que ce système low cost puisse servir de modèle à l’audiovisuel public, avec ces mêmes individus débitant leurs avis sur quelques thèmes seulement et reprenant mutuellement leurs propos. C’est de sa diversité que l’audiovisuel public tire sa force et sa nécessité.

Mme Céline Calvez (EPR). Offrir la possibilité de créer des filiales sera source d’agilité pour le président de la holding et les CSP détermineront s’il est nécessaire ou non d’aller dans cette voie.

Pour l’éducation aux médias et à l’information (EMI), nous avons vu ces dernières années que les initiatives prises par France Télévisions et Radio France ne se répondaient pas – lors du Tour de France de l’EMI notamment. Mettre l’accent sur une action conjointe et coordonnée ne signifie nullement promouvoir un contenu uniforme. Il s’agit d’éviter qu’il y ait des trous dans la raquette et de trouver les moyens de mieux répondre aux missions de service public. La question n’est pas de savoir si cette politique doit faire l’objet d’une filiale à part entière.

La commission rejette successivement les sous-amendements AC1118, AC1119, AC1176 et AC1177.

Sous-amendements identiques AC1116 de Mme Sophie Taillé-Polian et AC1125 de M. Frédéric Maillot

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’audiovisuel public doit avoir une place prépondérante dans l’éducation aux médias, enjeu majeur qui nous préoccupe tous. Or, du fait des problèmes budgétaires entraînés par la politique du gouvernement, l’éducation aux médias est devenue le parent pauvre de l’audiovisuel public. Certaines séances organisées dans les classes ont dû être annulées, faute de moyens suffisants. On en revient aux inquiétudes suscitées par la création d’une holding exécutive : la mutualisation, motivée par une volonté d’optimiser, se fera à l’encontre des métiers et des compétences des différentes maisons de l’audiovisuel public.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). La création de cette holding soulève de nombreuses interrogations. Pourquoi une telle fusion alors que l’audiovisuel public, dans sa configuration actuelle, enregistre des résultats positifs, comme le montrent les audiences en hausse ? France Télévisions et Radio France séduisent des millions d’usagers et l’INA, grâce à son offre numérique, connaît un succès croissant. Ce projet de regroupement comporte un double risque : d’une part, une désorganisation des services, susceptible de nuire à leur bon fonctionnement ; d’autre part, une dilution de la diversité culturelle des médias publics.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Certes, l’audiovisuel public connaît des succès mais refuser d’admettre que les coopérations ne sont pas au rendez-vous, c’est se voiler la face. Certains collègues et moi-même, en nous rendant au siège de France Télévisions, avons appris que les actions d’éducation aux médias que ses services élaborent en relation avec chaque rectorat de France ne faisaient l’objet d’aucune coordination avec celles menées par les autres acteurs de l’audiovisuel public. Il n’est pas satisfaisant que chaque académie noue des partenariats avec quatorze entreprises différentes. Si nous voulons que ces actions aient un impact, loin de tout saupoudrage, ces entreprises doivent unir leurs forces, comme dans d’autres domaines, notamment les médias de proximité, monsieur Echaniz. Vous semblez considérer que chacun doit travailler dans son couloir, position qui avait déjà motivé votre opposition au rapprochement entre France 3 et France Bleu. Nous estimons au contraire que la création de cette holding contribuera à renforcer l’audiovisuel public face à la concurrence, que nous estimons saine, des médias privés, des plateformes et des réseaux sociaux.

Au fond, je me demande si ce n’est pas le terme même de « holding » qui gêne nos collègues de gauche. Si nous options pour « confédération de l’audiovisuel public » ou « front pour l’audiovisuel public », le projet leur paraîtrait peut-être plus acceptable.

Avis défavorable sur ces sous-amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. Je rejoins le rapporteur : l’année dernière, lorsque j’ai présenté le projet de réforme de l’audiovisuel public, certains à gauche ont dit préférer à la fusion un retour à la solution de la holding. À chaque fois qu’on avance, ils reculent, mais cela fait peut-être partie de leur ADN.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Monsieur le rapporteur, vous ne pouviez choisir pire exemple que celui que vous avez pris. M’étant consacrée pendant quatre ans à l’éducation aux médias au sein de la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), je sais comment les partenariats se nouent : les académies s’assurent qu’ils respectent certains principes et ce sont les chefs d’établissement et les équipes éducatives qui valident les projets. Il est bien évident que ces derniers font en sorte qu’ils n’y aient pas de doublons. France Télévisions et Radio France ne sauraient se succéder au sein d’un même établissement.

Ce n’est pas en fusionnant que vous comblerez les trous dans la raquette mais en développant les moyens affectés à l’éducation aux médias. Sachez qu’elle mobilise non seulement les acteurs de l’audiovisuel public mais aussi les grandes associations de l’éducation populaire et des associations spécialisées, qui interviennent notamment à l’occasion de la Semaine des médias et de la presse à l’école, action éducative à laquelle participent le plus d’enseignants. Préservons cette diversité, qui est une richesse et non une menace.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Fusionner la Philharmonie de Paris et l’Opéra Bastille ne permettra pas d’améliorer l’éducation musicale dans les écoles. L’éducation aux médias sortira renforcée si plus de moyens lui sont consacrés au sein des entreprises de l’audiovisuel public mais également si l’éducation nationale prend sa part. Durant les états généraux de l’information, le projet d’en faire une discipline à part entière dans le cursus scolaire a été évoqué. Certaines coopérations sont en effet couronnées de succès, monsieur le rapporteur, – pensons au programme Vrai/Faux ou à la plateforme Lumni – mais elles ne nécessitent pas plus d’intégration. Si d’autres, à l’inverse, fonctionnent mal, c’est peut-être qu’à l’épreuve du terrain, elles se sont révélées non pertinentes.

Quant aux médias de proximité, n’oublions pas qu’ils se déploient à des échelles différentes – les régions pour France 3, les départements pour Ici – ce qui rend complexe une fusion. Leur manque de moyens réduit leur capacité à être présents sur le terrain et il faut réfléchir à ce que veulent les publics.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Votre volonté de créer une filiale consacrée à l’éducation aux médias semble contradictoire avec votre logique de concentration. Par ailleurs, si tout le monde s’accorde pour dire l’importance de ces actions éducatives, j’estime que c’est aux professeurs et aux documentalistes qu’il revient de les mener plutôt qu’à des entreprises qui ont précisément pour mission de produire des contenus audiovisuels. Il faut se demander ce qu’elles recouvrent concrètement au lieu de se contenter de dire que tout le monde doit en lancer.

Avec votre holding, vous voulez en finir avec la diversité. Pourquoi ne pas créer une holding du web, regroupant podcasts et vidéos, sous prétexte que ces différents métiers ont en commun l’utilisation du micro ? Pour l’outre-mer, mettre en place une filiale ne serait que reboucher un trou après l’avoir creusé vous-mêmes puisque vous avez saboté la chaîne France Ô.

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Que le terme retenu soit « holding » ou « fusion », la ministre nous confirme que l’intention du gouvernement est la même et nous vous confirmons que nous ne sommes toujours pas satisfaits. C’est la volonté de mettre en place une unité de direction qui pose problème. Regardez donc ce qui se passe au-delà de nos frontières : des initiatives trumpistes parviennent à défaire très rapidement tous les contre-pouvoirs et à imposer une orientation politique aux médias. La meilleure manière de résister à de telles tentatives, c’est de maintenir l’indépendance des directions de chaque média.

La commission rejette les sous-amendements identiques.

Sous-amendements AC1496 de M. Aurélien Saintoul, AC1497 de M. Aymeric Caron, AC1498 de M. Aurélien Saintoul et AC1500 de M. Aymeric Caron (discussion commune)

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Le rapporteur nous a donné en exemple le système Bolloré en soulignant que s’il fonctionnait, c’est que les journalistes se faisaient la courte échelle. On peut même se demander s’ils n’ont pas un seul contrat pour se lancer sur Europe 1, CNews ou le Journal du dimanche dans leurs logorrhées xénophobes et racistes, sans jamais avoir à rechercher d’informations nouvelles et de contenus originaux. Est-ce cela votre modèle pour l’audiovisuel public ?

On ne peut pas imaginer que, dans l’audiovisuel public, au sein des différentes entités, entreprises ou filiales, le seul horizon proposé consiste à reprendre ce qu’a fait un collègue d’une autre chaîne ou d’une autre radio. Si l’audiovisuel public a un sens, c’est parce que chaque entité a sa singularité : France Culture ou France Musique ne sont pas France Inter, par exemple. Vous semblez considérer que la reprise des éléments de langage des uns et des autres fera la force de ce groupe audiovisuel et de la holding, ce qui ne fait que renforcer notre inquiétude. Vous êtes en train de nous dire qu’il faut aligner le public sur les pires pratiques du privé ; cela ne peut évidemment pas nous satisfaire. Le service public est précisément là pour ne pas faire comme le privé. Ce dernier est plus que défaillant dans la qualité : il est même pernicieux. Aligner les pratiques du service public sur celles du privé – y compris celles de Vincent Bolloré et de ceux qui travaillent à son service – revient à enclencher la logique de la privatisation. Cette logique est très avancée au sein de certaines entreprises de l’audiovisuel public, qui recourent massivement à la sous-traitance. C’est ce genre de menaces à laquelle les entreprises – ou les futures filiales – vont être confrontées.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Vous déformez, par volonté d’obstruction, l’esprit du texte et de la holding. Celle-ci a vocation à assurer un pilotage par le haut et non à uniformiser les entités existantes, qui garderont leur spécificité et leur identité. Avis défavorable.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Je n’ai pas dit, monsieur Saintoul, qu’il fallait que l’audiovisuel public fonctionne comme le groupe Bolloré. Que l’on soit journaliste politique sur France Inter ou sur France 2, on fait le même métier, même si le canal n’est pas le même. Favoriser les coopérations entre les rédactions renforcera l’audiovisuel public et lui conférera la capacité de développer la production de contenus d’information pluriels, indépendants, conformes aux exigences du service public. Vous avez le sentiment que mutualiser, permettre des coopérations et des rapprochements, créer des filiales fragilise l’audiovisuel public ; je pense, pour ma part, que cela lui donne les moyens de travailler mieux, plus efficacement.

Je ne parle pas d’économies financières : j’ai la conviction que, même pour des enjeux d’information, il est cohérent de rapprocher les rédactions, de permettre, par exemple, à France 3 de travailler avec France Bleu. Il ne me paraît pas pertinent, en effet, que France 3 et France Bleu soient structurées de manière aussi différente et ne soient pas capables de penser ensemble l’information de proximité. Il n’est pas invraisemblable qu’un média radio et un média télévision travaillent ensemble sur la manière de mieux informer les habitants de nos territoires ruraux, par exemple. Il est regrettable que l’on ait dû attendre aussi longtemps pour que France 3 et France Bleu travaillent ensemble. Je ne crois pas que les coopérations qu’elles mettent en œuvre sur le terrain les affaiblissent.

Je constate, notamment en ma qualité d’ancien administrateur de Radio France, que les coopérations par le bas n’ont pas avancé assez rapidement. Des progrès ont été accomplis depuis quelques années, en partie parce que la holding, que ces médias perçoivent peut-être comme une menace, les a incités à accélérer les coopérations par le bas. Toutefois, ces dernières n’ont été ni assez rapides, ni vraiment satisfaisantes : tel est, également, l’objet de la holding.

Mme Rachida Dati, ministre. Cette réforme a pour objet de défendre le service public. On constate un affaiblissement de l’audiovisuel public, notamment un vieillissement de l’audience. En outre, les médias publics présentent des spécificités, qu’il convient de préserver. On compte aujourd’hui vingt-sept chaînes gratuites sur la TNT (télévision numérique terrestre). Les groupes privés sont de plus en plus structurés. Nous ne sommes pas obsédés par le groupe Bolloré : d’autres entités se structurent.

Bien avant le covid, dans le cadre de la réforme défendue par Franck Riester, on visait un objectif de quarante-quatre coopérations par le bas d’ici à 2023. Or, lorsque je suis arrivée au ministère, on n’en était pas à la moitié. Avec les présidentes de France Télévisions et de Radio France, nous avons nommé deux personnes pour accélérer les coopérations, qui sont aujourd’hui au nombre de trente-huit. Les difficultés à instituer ces coopérations, que reconnaissent les dirigeants, ont pour origine un manque de volonté. Chacun considère à présent que ce mouvement répond à une nécessité et nous devrions atteindre l’objectif de quarante-quatre coopération en fin d’année.

M. Inaki Echaniz (SOC). À écouter les rapporteurs, cette réforme parfaite n’aura que des effets positifs sur l’audiovisuel public, sur les téléspectateurs et auditeurs, ainsi que sur l’éducation des jeunes. Pourtant, elle aura connu des reports successifs, car elle n’était pas aboutie. Dans vos propres rangs, elle a nourri des doutes, des questionnements. Certains, au sein des groupes du bloc commun, ne soutiennent pas le texte ; pourtant, s’il était si parfait, il devrait recueillir une quasi-unanimité. Surtout, la grande majorité des personnels de France Télévisions et de Radio France, qu’ils soient journalistes, techniciens, opérateurs ou administratifs, sont opposés à la proposition de loi : il y a bien une raison à cela. Le gouvernement s’est opposé à la proposition de loi visant à réguler l’installation des médecins au motif que ces derniers y sont opposés. En l’occurrence, malgré l’opposition des salariés, vous foncez tête baissée. Faites preuve d’un peu d’humilité et reconnaissez qu’il y a des zones d’ombre et que tout ne va pas se passer aussi bien que vous le décrivez.

Mme Céline Calvez (EPR). Je regrette que, lorsqu’une société de l’audiovisuel public crée une émission de qualité sur un thème donné, il n’y ait pas systématiquement – même si cela se fait de plus en plus – d’invitation à aller découvrir les contenus proposés par les autres sociétés sur le même thème. Grâce à la holding et à un travail de coordination plus poussé, on pourra davantage favoriser les rebonds d’un contenu à l’autre. Rejeter la réforme revient, paradoxalement, à s’opposer à ce que l’on montre la diversité et la qualité des contenus. L’idée n’est pas de proposer moins de contenus mais de faire en sorte qu’on les voie davantage : qui peut s’opposer à cela ?

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). On n’entretient pas le même rapport au territoire selon que l’on traite de l’intégralité de l’information d’une région ou que l’on se situe, comme c’est le cas des stations de radio, à l’échelle départementale. Par l’effet de votre texte, on risque de s’éloigner du territoire et du maillon départemental, du fait d’un manque de moyens dont on souffre déjà. Dans le cadre que vous proposez, on aura logiquement intérêt à aspirer les moyens pour privilégier une vision régionale. En effet, dans ce genre de coopérations entre la radio et la télévision, c’est bien souvent cette dernière qui l’emporte. On met davantage de moyens sur les images, notamment parce qu’elles sont plus captivantes que le son sur les réseaux sociaux, ce qui conduit à se focaliser sur la région. Cela entraînera un dépérissement des radios à l’échelle départementale.

Dans le cadre des coopérations déjà existantes, on observe des problèmes de moyens, qui sont au cœur de nos préoccupations. À Orléans, on m’a dit, au cours d’une réunion officielle, que l’on était en train de mettre fin à la possibilité qui était offerte jusqu’à présent aux groupes musicaux locaux d’enregistrer leurs œuvres et de les faire connaître grâce à la radio. Tous les acteurs, à la radio comme à la télévision, en sont désolés. Nous devrions nous concentrer sur les moyens accordés à l’audiovisuel public : c’est pourquoi, avec Céline Calvez, nous demandions une loi de programmation.

 

La réunion est suspendue de dix-huit heures cinq à dix-huit heures quinze.

 

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). J’essaie de comprendre la logique du texte. La coopération n’est pas une fin en soi ; en tout état de cause, si l’on veut renforcer la coopération, on peut le faire entre entités distinctes. Ce que j’entends, derrière vos propos, c’est que vous voulez non pas la coopération mais la simplification du paysage et peut-être, in fine, un média unique. Vous recherchez l’efficacité, notamment par l’institution d’un seul média pour chaque territoire, ce qui nous fera perdre en qualité et en diversité. Si vous voulez être plus efficaces, il suffit de mettre de l’argent dans l’audiovisuel public.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Madame la ministre, je ne comprends pas en quoi une holding pourrait remédier au vieillissement des audiences. La moyenne d’âge des téléspectateurs de CNews – comme l’était celle des téléspectateurs de C8 – est plus élevée que celle des téléspectateurs de France Télévisions. Le mode de consommation des médias par les jeunes a évolué : le problème ne vient donc pas du groupe France Télévisions, nul besoin de lui couvrir la tête de cendres. Il doit certes s’adapter à l’évolution de la consommation mais il fait mieux que les acteurs privés.

M. Erwan Balanant (Dem). Je suis surpris des propos que j’entends sur les bancs de la gauche. Nous avons la chance d’avoir un réseau constitué des antennes locales de Radio France et de France 3, qui irrigue l’ensemble du territoire. Au-delà de la question de la forme juridique, le réseau doit avoir une force de frappe pour offrir une information territoriale, qui inclut l’actualité nationale, voire internationale. La question est de savoir comment faire travailler ensemble et coopérer ces médias. Je constate sur le terrain que France 3 et Radio France ne travaillent pas bien ensemble, alors que le réseau public a un grand potentiel.

Depuis des années, cela n’avance pas, malgré le travail extraordinaire des radios locales et des antennes régionales de France 3. Personnellement, je n’ai pas la solution ; il faut, je crois, que l’on se mette autour de la table ; faute de volonté en ce sens, quelqu’un doit donner l’impulsion. Les coopérations par le bas n’ont pas pleinement fonctionné, peut-être parce qu’on ne leur a pas laissé le temps nécessaire. Les coopérations par le haut ne marchent pas non plus totalement. Il y a un chemin à suivre entre ces deux formes de collaboration, mais il faut aussi structurer l’ensemble du système. Chacun doit sortir de ses postures. Nous croyons fortement, à tout le moins au sein du bloc central, à l’audiovisuel public.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Jusqu’à présent, on a confondu allègrement la concentration, la coopération, la force de frappe et la visibilité. Vous posez le postulat selon lequel il faut des coopérations, mais il est nécessaire de comprendre la signification concrète de ce terme. Tout le monde – ou presque – préfère la coopération à la compétition. Que les gens travaillent ensemble, pourquoi pas, mais cela réduira le nombre de projets : la coopération mènera à l’uniformisation. Vous considérez que la force de frappe d’un groupe permet de mettre en évidence des contenus : je suis ouvert au débat à ce sujet. En revanche, nous ne voulons pas que l’on affaiblisse ni que l’on uniformise l’audiovisuel public. Il n’est pas nécessaire d’avoir un groupe intégré pour offrir l’accès à l’ensemble des contenus de l’audiovisuel public à partir d’un site unique. On pourrait instituer un portail de l’audiovisuel public par un simple conventionnement. Cette holding n’obéit donc à aucune nécessité : c’est un choix de gouvernance qui aura un effet recentraliseur, qui permettra à l’exécutif d’exercer un contrôle plus direct et qui aura des conséquences néfastes – qui ne correspondent pas à ce que vous recherchez –, tant sur le plan social que sur celui des contenus.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous avons achevé l’examen des sous-amendements et pouvons passer au vote de l’amendement.

La commission adopte l’amendement AC1063 rectifié.

Amendements AC633, AC634 et AC635 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

Mme Claudia Rouaux (SOC). Nous nous opposons à cette holding pour l’ensemble des raisons précédemment exposées.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Soit vous considérez que les coopérations n’ont pas lieu d’être – en ce cas, holding ou pas, nous avons une divergence stratégique concernant l’audiovisuel public –, soit vous estimez que les coopérations sont nécessaires –mais nous avons alors une différence de point de vue. Pour ma part, je suis convaincu que, pour faire aboutir ces coopérations, il faut un arbitre, un chef d’orchestre, donc une holding. De votre côté, vous estimez que les coopérations peuvent se nouer naturellement. Dans le domaine culturel comme dans la sphère politique, on a besoin que quelqu’un tranche, faute de quoi cela ne fonctionne pas. France 3 et France Bleu se sont engagées dans une coopération, allant jusqu’à une marque unique : Ici. De mon point de vue, sans un chef d’orchestre ou un arbitre, ce rapprochement ne fonctionnera pas à moyen et à long terme. La holding garantira qu’à toutes les étapes du processus, quelqu’un pourra arbitrer les principaux enjeux relatifs à l’avenir de la coopération. Madame Taillé-Pollian, la question du périmètre géographique d’Ici se posera, en effet, mais pensez-vous que l’on apportera une réponse à ces questions très concrètes en l’absence d’un arbitre ? J’aimerais que vous nous disiez, monsieur Saintoul, si vous considérez qu’aucune coopération n’est nécessaire ou si vous estimez que la holding n’est pas le bon moyen d’y parvenir. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

M. Inaki Echaniz (SOC). Compte tenu des secousses que connaît actuellement le bloc commun, je trouve peu opportune la comparaison établie par M. le rapporteur !

Le territoire dont je suis élu est vaste et dynamique. Une rédaction unique, dotée d’un seul outil audiovisuel public, ne permettrait pas de couvrir correctement l’ensemble des événements. En outre, elle traiterait chaque actualité d’une seule façon, là où France Télévisions et Radio France proposent aujourd’hui des angles différents. En réduisant les moyens des rédactions, vous allez les placer dans la même situation que nous, parlementaires, qui nous plaignons de devoir choisir les événements auxquels nous assistons.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). La coopération peut s’envisager mais elle ne peut être permanente et totale. Nous croyons quant à nous à des coopérations de projet, qu’il revient aux directions des entreprises d’organiser – pour mettre particulièrement en lumière un grand événement comme les Jeux olympiques, par exemple. Ce que vous avez décrit, monsieur le rapporteur, n’est pas une coopération : c’est une intégration, avec une mutualisation des moyens. La différence n’est pas uniquement sémantique, elle a des implications concrètes. Une équipe dont la mission est réputée moins importante que l’autre – celle dédiée aux outre-mer, par exemple – risque de ne pas être prioritaire pour l’utilisation du plateau de tournage. Votre logique mène à l’affaiblissement et à l’homogénéisation.

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Nous ne sommes pas contre la coopération mais contre la coopération forcée, qui est en réalité une fusion-absorption. D’ailleurs, nous n’avons toujours pas la réponse à notre question : pourquoi voulez-vous cette fusion ?

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Notre collègue Saintoul a raison de souligner la différence entre coopération et intégration. Je m’étonne que Mme la ministre trouve trop faible le nombre de trente-huit coopérations organisées entre 2020 et 2023, pour un objectif de quarante-quatre. Ce n’est pas si mal, compte tenu de la crise du covid ! Cela démontre que dans de nombreux territoires, des liens se sont créés et des projets ont été mis en œuvre.

Si c’était vraiment une coopération que vous souhaitiez mettre en œuvre, vous ne nous demanderiez pas de prévoir la possibilité de créer des filiales. Créer des filiales, c’est en effet découper des bouts d’entreprises pour les fusionner, donc les intégrer. C’est à ce projet que nous sommes profondément opposés, et plus particulièrement au média 360°. Les modèles Bolloré et Saadé, dont il s’inspire, visent avant tout à économiser de l’argent. Ils aboutissent à une véritable intégration éditoriale et à une uniformisation de l’information.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Nous avons effectivement, à gauche, une culture de la coopération. Nous pourrons d’ailleurs vous éclairer sur les facteurs de succès et d’échec de celle-ci ! Quoi qu’il en soit, à vouloir caporaliser une coopération, on la dénature : elle fonctionne lorsque les cultures de chacun sont proches et respectées.

La création de la holding aura un coût très élevé, que nous estimons à 150 millions d’euros, et ses effets sont incertains. Est-ce bien raisonnable ? Avec un PDG tout puissant à sa tête, qui décidera pour tout le monde, il n’y aura plus de coopération. N’employez pas des mots séduisants pour parler d’autre chose.

Enfin, monsieur Balanant, n’êtes-vous pas troublé que des collègues qui ne soutiennent pas l’audiovisuel public votent avec vous depuis le début de l’examen du texte ?

M. Joël Bruneau (LIOT). On sait que des entités séparées, quand bien même elles expriment une volonté de coopérer, ont du mal à la mettre en œuvre – d’où l’intérêt d’un chef d’orchestre pour les y inciter. M. Echaniz évoquait tout à l’heure la multiplicité des événements : est-il normal qu’une équipe de France 2 se déplace pour tourner un reportage sur un événement en région alors qu’il y a sur place une équipe de France 3 ? La coopération, concrètement, ce n’est pas l’absorption d’une chaîne par une autre mais l’optimisation des moyens pour, éventuellement, économiser de l’argent – ce qui n’est pas un vilain mot.

M. Erwan Balanant (Dem). Cet exemple est révélateur des incompréhensions entre nous. Je suis favorable, quant à moi, à ce que chaque rédaction garde son identité tout en étant partie intégrante de l’audiovisuel public français – avec ce que cela emporte en matière de déontologie et de qualité. Je trouve normal qu’un journaliste de France 2 couvre un événement en région, car il ne le fait pas de la même façon que celui de France 3. Ce qui me choque en revanche, c’est que les moyens techniques ne soient pas mutualisés alors qu’ils pourraient l’être.

Ce débat doit être replacé dans le contexte de la révolution numérique, qui va nécessiter une production de contenus dédiés. Or c’est un angle mort de nos discussions. Comment donner à l’audiovisuel public français une force de frappe sur les réseaux sociaux ? Comment faire pour qu’un média multisupport – radio, télévision et texte – puisse être intégré sur le web ? C’est grâce à la coopération que ces questions pourront être traitées – même si j’ai encore des doutes sur la forme que celle-ci devra prendre.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Le numérique est un vrai sujet ; plusieurs projets ont vu le jour pour mettre les contenus du service public sur une plateforme. Je voudrais signaler que les podcasts les plus téléchargés sont ceux de Radio France, que l’on peut retrouver sur Instragram et TikTok.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AC639, AC636, AC637 et AC638 de Mme Céline Hervieu (discussion commune)

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. J’émets un avis défavorable à ces amendements d’obstruction. Il y a entre nous une divergence de fond, monsieur Saintoul : vous considérez la holding comme un facteur d’affaiblissement tandis que nous la voyons comme un outil de renforcement de l’audiovisuel public. Les coopérations ne détruiront pas ce qui fonctionne, au contraire. La holding devra se saisir des deux leviers d’amélioration que sont la proximité et l’information, derrière lesquels il y a de véritables enjeux démocratiques.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je m’étonne que figure toujours dans le texte la mention de France Médias Monde alors qu’il me semblait que l’adoption d’un amendement précédent avait exlu cette société du périmètre de la holding.

Si vous souhaitez mutualiser, c’est que votre objectif est bien de réaliser des économies. Je peux le comprendre mais, dans ce cas, expliquez-nous ce que sont les marges de manœuvre. L’exemple du journaliste de France 2 qui pourrait utiliser les moyens de France 3 à l’occasion de son déplacement en région est peut-être pertinent mais je le crois périphérique. Surtout, pour qu’il y ait mutualisation, il faudrait que les ressources actuelles soient sous-employées. Disposez-vous d’un document qui le démontrerait ?

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). France 2 et France 3 ayant déjà fusionné, des coopérations doivent déjà être possibles ! Il arrive régulièrement que France 2 réutilise les images tournées localement par France 3 et les traite différemment.

M. Patrier-Leitus expliquait tout à l’heure qu’un journaliste politique exerce toujours le même métier. C’est vrai, à ceci près que l’écriture n’est pas la même selon qu’il travaille pour la radio ou la télévision et selon la couverture de son média. Les journalistes n’étant pas interchangeables, des coopérations sont envisageables mais certainement pas une intégration. On peut très bien coopérer sans appartenir à la même maison ; c’est même ce qu’il y a de mieux, car la spécificité de chaque média est ainsi respectée.

M. Inaki Echaniz (SOC). L’intégration de France Médias Monde dans le périmètre de la holding avait abouti au report du texte lors de la précédente législature et provoqué quelques secousses au sein du bloc commun de l’époque ; le groupe Démocrates s’y était opposé, tout comme la commission des affaires étrangères. Je m’étonne donc moi aussi de son retour dans le texte, alors que les enjeux internationaux sont de plus en plus pressants. J’espère que vous reviendrez sur ce point.

Vous établissez souvent une comparaison entre le secteur public et le secteur privé. Un quotidien qui couvre l’ensemble du Sud-Ouest a décidé, dans un souci de mutualisation et de synergies, de fermer des éditions locales et de rapatrier en central, voire de licencier, certains journalistes. Il subit aujourd’hui une perte de vitesse car le traitement de l’information est devenu beaucoup trop large, au détriment des sujets locaux. Ne reproduisons pas ce qui ne fonctionne pas dans le privé.

La commission rejette successivement les amendements.

 

La réunion est suspendue de dix-huit heures cinquante à dix-neuf heures cinq.

 

Amendement AC751 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Derrière cette réforme présentée comme un vecteur de modernisation, nous voyons surtout un risque majeur pour la qualité du service public audiovisuel. L’exemple de la chaîne de télévision France Info, lancée en 2017, devrait nous alerter. Ce projet ambitieux a été mis en place sans les moyens techniques et humains suffisants ; il en a résulté un turnover très important, des conditions de travail dégradées et une polyvalence très poussée.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable également.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous sommes d’autant plus opposés à la création d’une holding que celle-ci soulève la question de la répartition des moyens alloués entre les futures filiales, a fortiori s’il y en a de nouvelles. Nous souhaitons nous assurer que la radio conservera une véritable autonomie et qu’elle bénéficiera d’investissements. Mme la ministre dit que son public vieillit, mais Radio France est aujourd’hui à la première place pour l’écoute et le téléchargement de podcasts – lesquels attirent un public jeune !

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). En pointant la nécessité d’une répartition équitable des ressources, cet amendement tape dans le mille. Après avoir investi ces dernières années, l’audiovisuel public manque aujourd’hui de crédits de transformation du fait de la baisse du budget. Si la holding devait voir le jour, la question se poserait de façon encore plus aiguë en période de pénurie. La question de l’équité entre les différentes filiales mérite donc d’être soulevée.

Vous n’avez pas répondu, par ailleurs, à ma question sur la mutualisation : y a-t-il un sous-emploi des ressources ? Un rapport d’activité vous permet-il d’en juger ?

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Nous craignons l’effet ciseau dévastateur que pourrait avoir la mise en place d’une stratégie de déficit organisé, dans un contexte budgétaire contraint et alors que la suppression de la redevance a affaibli les ressources. N’est-ce pas un moyen pour vous de justifier l’unification de l’audiovisuel ? Lorsque vous qualifiez la réforme de « nécessaire », nous comprenons qu’il s’agit d’une réforme visant à faire des économies et nous connaissons la suite : le coût prévisible de la holding, que vous n’avez pas budgété, va affaiblir les moyens d’action des entités. Notre estimation d’un coût de 150 millions d’euros vous semble-t-elle juste ?

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Nous craignons que la répartition des moyens ne soit pas équitable, au détriment de Radio France en particulier. Nous appelons à la prudence et à la transparence : derrière cette réforme, il y a des structures, des journalistes, et des citoyens qui ont droit à une information de qualité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC752 de M. Frédéric Maillot

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Mon collègue député de La Réunion soulève une question essentielle, celle de la place des outre-mer dans l’audiovisuel public et, plus largement, de leur visibilité dans l’espace médiatique. Le rapport d’information de la délégation sénatoriale aux outre-mer, « Les outre-mer dans l’audiovisuel public. Face au risque d’invisibilité totale, le défi du média global », pointe une tendance préoccupante à l’effacement progressif de l’actualité ultramarine dans les grands médias nationaux.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Le présent texte n’a pour objet le traitement de l’information mais l’organisation de l’audiovisuel public. Le pacte pour la visibilité des outre-mer comprend vingt-cinq engagements visant à donner plus de place aux outre-mer sur les chaînes à forte audience du groupe : France 2, France 3 et France 5. Leur visibilité s’est effectivement améliorée, le nombre de sujets les concernant ayant été multiplié par quatre entre 2019 et 2022 dans les éditions nationales d’information.

Dans son avis de 2022 sur le contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) considère que l’engagement de diffusion d’au moins douze programmes ultramarins en première partie de soirée est respecté mais que la programmation ultramarine repose essentiellement sur la fiction et les documentaires de découverte et de voyage. La chute de la représentation des personnes ultramarines est l’un des sujets de préoccupation. Le rapport d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public préconisait la création d’une mission d’information sur la visibilité des outre-mer, afin de dresser un bilan et de faire des propositions. Il ne semble donc pas nécessaire de modifier la loi à ce stade. Enfin, l’Arcom intègre déjà la visibilité des outre-mer dans ses avis sur les rapports d’exécution des COM. Pour toutes ces raisons, nous émettons un avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Nous venons d’établir un bilan du pacte de visibilité des outre-mer sur l’ensemble des chaînes, qui est excellent. Nous préférons que le sujet soit abordé sur toutes les chaînes, en particulier sur celles qui font de l’audience, plutôt que de le cantonner à une seule chaîne qui ne serait pas regardée.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je ne comprends pas que nous ne puissions, à l’occasion d’un débat sur la gouvernance, débattre du projet. Il ne s’agit pas de réformer pour réformer, mais de donner des garanties de fonctionnement suffisantes à l’audiovisuel public pour lui permettre de remplir ses missions – que nous devrons passer au peigne fin. Un projet de structure doit évidemment soutenir un projet plus global ; la question de la place des outre-mer est donc bien notre sujet. Il nous semble important de ne pas mettre entre les mains d’une seule personne l’avenir de l’audiovisuel public sans que la représentation nationale ait pu définir précisément les missions de service public.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). J’appuie l'amendement de notre collègue Maillot, même si je regrette qu’il porte exclusivement sur la question de l’information ; il me semble que les outre-mer devraient bénéficier d’une représentation globale, y compris dans la fiction et dans la culture. Toutefois, puisque la proposition émane de la délégation aux outre-mer du Sénat, je ne lui en fais pas grief. On ne pourra pas non plus lui reprocher de faire preuve d’excès ou de sectarisme.

Pour avoir rencontré localement les anciens de France Ô, j’estime que le bilan de la fermeture de cette chaîne n’est pas bon. J’aimerais que Mme la ministre précise devant nous les résultats qu’elle allègue, car nous avons des interprétations opposées.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Je n’ai pas du tout les mêmes chiffres que Mme la rapporteure et Mme la ministre, qui évoquent l’amélioration des résultats. Le journal des outre-mer ne dure que neuf minutes chaque jour sur France 3 : c’est tout à fait insuffisant pour rendre compte des réalités des douze territoires. De plus, la dotation budgétaire entre France Télévisions et les antennes d’outre-mer est inéquitable. Comment croire que le projet de holding garantira un réel soutien à la production locale dans ces conditions ?

M. Steevy Gustave (EcoS). Peut-on parler de représentativité quand le rapport de l’Arcom sur la représentation de la diversité de la société française dans les médias 2013-2023 révèle que les personnes non blanches sont représentées dans 9 % des programmes d’information sur les sujets liés à la politique française ? Peut-on parler de visibilité quand la seule chaîne dédiée aux outre-mer a été supprimée et quand on parle de « réflexe outre-mer » sans nommer à des postes clés des référents en la matière ? Les outre-mer ne sont pas qu’une carte postale. Leur représentation est à la fois une nécessité et une urgence.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AC1487 de M. Jérémie Patrier-Leitus

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. L'amendement vise à mettre en cohérence les deux missions actuelles de l’INA que sont la conservation et la mise à disposition des archives.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis favorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cette explication est un peu trop succincte. Si l’amendement est adopté, l’INA devra procéder à « la conservation des archives audiovisuelles des filiales des sociétés nationales de programme », et non plus à la conservation « de l’ensemble » de ces archives. Le diable est dans les détails : pourquoi supprimer les mots « de l’ensemble » ? Quelles archives passeront à la trappe ? Ce n’est manifestement pas un amendement de coordination.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). La rédaction n’est pas claire, d’autant que l’intégration de l’INA à une holding de l’audiovisuel public pose la question de sa capacité à être considéré comme un partenaire privilégié par les sociétés privées. L'amendement ne nous éclaire pas sur ce point. Comment l’INA pourrait-il conserver avec TF1, dont il assure le dépôt légal, le même rapport contractuel qu’avec les autres chaînes, s’il est intégré à la concurrence ? L’archivage de l’intégralité des programmes de télévision, et même des réseaux sociaux, est un sujet important qui ne doit pas être traité par-dessus la jambe.

La commission adopte l'amendement.

Amendement AC1489 de Mme Virginie Duby-Muller

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Cet amendement de précision vise à supprimer la référence aux cahiers des charges. Les modalités d’exploitation des extraits des archives audiovisuelles sont déjà fixées par les conventions conclues entre l’INA et les sociétés nationales de programme.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis favorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Pardonnez-moi d’insister, mais j’aimerais entendre les rapporteurs sur l’amendement précédent. C’est un sujet de préoccupation que l’on m’a fait remonter. En passant du statut d’Epic à celui de filiale d’une holding du service public, l’INA peut-il rester un interlocuteur neutre vis-à-vis des chaînes privées ?

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. L’INA doit changer de statut et devenir une société anonyme pour être intégré au sein de la holding, mais chaque entité de la holding gardera sa raison d’être et son périmètre. Si vous me demandez si nos deux amendements changeront quelque chose aux missions de l’INA, la réponse est non.

La commission adopte l'amendement.

Amendement rédactionnel AC1028 de M. Jérémie Patrier-Leitus

Mme Rachida Dati, ministre. Avis favorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il s’agit d’un réel amendement rédactionnel, à la différence des deux amendements précédents. Vous n’avez pas dit ce qu’il serait advenu de votre projet si nous ne les avions pas adoptés. Je ne suis qu’un humble professeur de français, mais « les archives » et « l’ensemble des archives », cela ne signifie pas la même chose. J’aimerais que l’on m’explique qui fera la sélection pour passer de l’un à l’autre.

M. le rapporteur dit : « Il faut que l’INA devienne une société anonyme. » Permettez-nous de ne pas nous satisfaire de cette explication. Nous n’allons tout de même pas gober que rien ne changera, sauf le statut, alors qu’un changement de statut implique nécessairement l’altération de son fonctionnement et de ses missions.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je remercie M. le rapporteur pour son explication. Toutefois, il ne répond pas à ma question. Je ne l’interrogeais pas sur les relations de l’INA avec les autres sociétés de la holding, mais sur ses relations avec les chaînes de télévision privées. Le fait de devoir verser ses archives à la concurrence ne créera-t-il pas des difficultés ? Il me semble que cela risque de changer, voire de dégrader, les relations de l’INA avec ces chaînes et de nuire à la mission qui fait actuellement sa force, à savoir collecter l’intégralité des archives de la télévision.

La commission adopte l'amendement.

Amendement rédactionnel AC1029 de Mme Virginie Duby-Muller

Mme Rachida Dati, ministre. Avis favorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). N’ayant pas obtenu de réponse à mes dernières questions, je me permets de relancer les rapporteurs. Vous nous expliquez qu’il faut en passer par une mutualisation ; or, si l’on mutualise des moyens, cela signifie qu’ils sont sous-utilisés. Êtes-vous en mesure de nous présenter des preuves d’une sous-utilisation des moyens ? Ayez du respect pour vos contradicteurs ; je ne fais que rebondir sur vos propos.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Ce n’est pas le sujet de l’amendement !

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Laissez M. Saintoul terminer. Il lui reste dix secondes.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je n’ai pas obtenu de réponse à une question de fond. De votre côté, vous déposez des amendements rédactionnels à la dernière minute. Je crois que, de nous deux, l’un respecte plus l’esprit de l’Assemblée que l’autre.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). J’appuie la demande de mon collègue Saintoul. Nous n’avons pas obtenu de réponse à plusieurs de nos questions. Pour ma part, j’ai interrogé Mme la ministre sur le devenir des accords sociaux lors de la filialisation. Elle m’a répondu que leur renégociation avait commencé. Or, d’après les quelques échanges que j’ai eus par téléphone portable, il semblerait que ce ne soit pas le cas. J’aimerais obtenir une réponse : la filialisation permettra-t-elle au nouveau président-directeur général de repartir de zéro au détriment des salariés ? Quand j’ai interrogé Bercy, en tant que rapporteure pour avis de la Commission sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens 2024-2028 de France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel, sur la manière de faire des économies pour s’adapter à la baisse des moyens, on m’avait répondu : « En revoyant les accords collectifs » !

La commission adopte l'amendement.

Amendement AC157 de M. Salvatore Castiglione

M. Salvatore Castiglione (LIOT). L'amendement vise à préciser que l’INA doit contribuer à la recherche sur l’accessibilité de l’audiovisuel à tous.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Il s’agit d’un sujet important. Cependant, il n’apparaît pas nécessaire de préciser que l’INA contribue à la recherche et à l’innovation sur l’accessibilité des programmes aux personnes en situation de handicap. D’abord, il peut déjà le faire ; ensuite, il s’agit surtout d’une mission de service public des sociétés nationales de programme. Nous considérons que les missions de l’audiovisuel public n’ont pas à être toutes déterminées dans la loi : il existe des cahiers des charges qui précisent ces missions. L’amendement est satisfait. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. L’accessibilité fait déjà partie des missions de l’audiovisuel public et le bilan de l’INA en la matière est tout aussi bon. L'amendement est satisfait.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Puisque la proposition de loi remet à plat les missions de service public, il faut donner à la représentation nationale l’occasion de s’exprimer sur celles qui lui semblent importantes, voire essentielles. C’est le cas de la représentation des outre-mer. De même, l’inclusion des personnes en situation de handicap n’est pas toujours respectée, qu’il s’agisse du traitement réservé à certains handicaps à l’écran – j’ai déposé plusieurs amendements sur le sujet – ou de l’accessibilité des programmes.

L'amendement est retiré.

Amendement AC930 de Mme Céline Calvez

Mme Céline Calvez (EPR). L’alinéa 12 rappelle le rôle fondamental de l’INA dans l’innovation et la recherche. L’INA a déjà permis de grandes avancées en utilisant l’intelligence artificielle pour détecter le temps de parole des femmes – avant même l’arrivée de ChatGPT – et, désormais, pour analyser le pluralisme. Au sein de la holding, l’INA pourra mettre son savoir à la disposition des médias du service public. Il me semble important de l’inviter dans la loi à rechercher l’impact et les opportunités de l’intelligence artificielle, car celle-ci fait partie d’une révolution qui doit toucher l’ensemble des médias publics.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis favorable. L’intelligence artificielle est un outil qui peut être bénéfique à l’INA.

Mme Rachida Dati, ministre. L’intelligence artificielle est très utilisée au sein de l’INA pour la conservation et l’utilisation des archives. Il faut l’inciter à l’utiliser davantage, notamment au service des chercheurs et du grand public. Avis favorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous voterons pour l’amendement car l’intelligence artificielle peut être utile. De plus, en précisant les missions de l’INA, il montre combien il est nécessaire de fixer des orientations. J’allais saluer la cohérence de l’avis des rapporteurs sur la question de l’accessibilité aux personnes sourdes, malentendantes, aveugles et malvoyantes, tout en regrettant que mon collègue ait retiré son amendement ; toutefois, il y a une forme d’incohérence à se prononcer pour l’amendement de Mme Calvez. Si l’INA utilise déjà l’intelligence artificielle, il n’a pas besoin d’une holding pour accélérer son développement. Il devrait coopérer avec des centres de recherche plutôt qu’avec ses collègues de la radio.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je soutiens l’amendement de Mme Calvez et je salue le travail extraordinaire réalisé par les chercheurs intégrés à l’INA, qui sont à la pointe de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la gestion des archives vidéos au service de l’intérêt général. C’est un très fort atout. Cependant, après plusieurs années de baisse budgétaire, ce service souffre d’un manque de moyens qui l’empêche d’aller aussi loin qu’il le souhaiterait. Nous devons l’aider à se développer plutôt que lancer un projet de mutualisation.

La commission adopte l'amendement.

Amendement AC1089 rectifié du gouvernement, sous-amendements AC1429 et AC1430 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune) et sous-amendement AC1151 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Rachida Dati, ministre. C’est un amendement de précision. Bien que la formation fasse partie des missions de l’INA, qui a vocation à mettre son savoir-faire à disposition des sociétés nationales de programme, la formule « assure ou fait assurer la formation » paraît contestable. L’amendement prévoit donc que l’INA « contribue notamment à assurer la formation » du personnel de l’ensemble de l’audiovisuel public.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Ces deux sous-amendements rédactionnels visent à substituer au mot « contribue » les mots « concourt » ou « participe ».

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Le sous-amendement C1429 illustre le désaccord qui habite cette commission. Depuis le début des auditions, on nous vante la nécessité d’une intégration au nom de croyances qui ne sont pas vérifiées dans les faits. Mme la rapporteure a parlé de proximité ; pourtant, jusqu’à présent, toutes les opérations qui ont concerné France Télévisions ont conduit à un éloignement, notamment vis-à-vis des outre-mer. De la même façon, on a vanté des économies d’échelle réalisées sur le management et par la mise en commun de certaines prestations au sein du groupe. Enfin, M. Balanant a évoqué le fait que le modèle permettrait d’entrer en concurrence avec les plateformes. Il me semble que nous nous trompons. En réalité, l'amendement organise la mise en concurrence entre le public et le privé. C’est un problème.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Malgré mon opposition farouche au projet de holding, j’espérais qu’il résoudrait une difficulté, à savoir le fait que l’INA est actuellement en concurrence avec les entreprises privées pour assurer la formation des autres entreprises du service public de l’audiovisuel. Il est ainsi obligé de répondre à des appels d’offres. Que de temps perdu et de bureaucratie, alors que nous avons là un des meilleurs outils de formation ! Avec l’amendement du gouvernement, nous allons continuer dans cette logique. C’est une très mauvaise idée.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je ne suis pas à l’aise avec l’explication donnée à l’amendement du gouvernement. Certes, il assure un parallélisme de forme en utilisant l’expression « contribue notamment à la formation » aux deux phrases de l’alinéa 13, mais mon collègue a raison de pointer qu’il s’agit avant tout d’une question de fond. Vous voulez une intégration censée accroître la coopération entre les sociétés. Cependant, in fine, l’une d’entre elles n’assurera pas la totalité de la formation interne des autres dans ce qui est pourtant son domaine d’expertise. Pourquoi la formation ne pourrait-elle pas être l’apanage de l’INA ?

La commission rejette successivement les sous-amendements AC1429 et AC1430.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Mon sous-amendement propose de supprimer le mot « notamment ». Si nous en venions à fusionner les entreprises de l’audiovisuel public, il serait normal que l’INA assure la formation au sein du groupe, soit partiellement, soit en fusionnant avec l’université France Télévisions. La rumeur circule parmi les agents que cet organisme interne de formation est en passe d’être vendu.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Il reste quatre-vingts amendements à examiner sur l’article 1er. Si nous ne sommes pas capables de l’adopter avant ce soir, minuit, je considérerai que vous aurez assumé jusqu’au bout l’obstruction parlementaire. Même sur l’amendement de Mme Calvez, sur lequel tout le monde était d’accord, certains ont pris la parole pour dire que rien ne va ! Je ne remets pas en cause le droit d’amendement, qui est absolu, mais il serait regrettable, au vu de la qualité de nos échanges, que nous ne puissions pas voter démocratiquement l’article 1er en commission. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP). Ce n’est pas de l’obstruction que de s’attacher à un mot. Le mot « notamment » a un sens. Nous serions de bien mauvais gestionnaires de l’argent public si nous investissions dans des organismes de formation publics pour les livrer ensuite à la concurrence ! Il faut au moins assurer la rentabilité de l’investissement en garantissant à l’INA le monopole de la formation.

Je suis député de Paris. On débat en ce moment même dans l’hémicycle d’une loi sur les élections qui nous concerne. Si je fais le choix d’être ici plutôt qu’en séance, c’est pour discuter du texte.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). L’INA collabore déjà avec La Chaîne parlementaire dans le cadre de l’excellente émission Rembob’INA présentée par Patrick Cohen ou avec France Télévisions pour des fresques historiques remarquables. Il s’agit donc d’un exemple de coopération réussie, pour laquelle il n’est pas besoin de créer une holding. Une coopération est avant tout un projet partagé. En quoi le fait de dépenser 150 millions d’euros permettrait-il de développer des émissions de qualité, qui existent déjà et ont démontré leur intérêt ? Soutenons-les et favorisons ce type de projets, sans chercher à tout détruire de l’intérieur, par pure idéologie, au motif que le modèle d’organisation du privé serait plus efficace que celui du public. C’est faux.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). C’est vrai que nous avons des désaccords et que nous ne partageons pas votre postulat sur le principe des coopérations. Toutefois, nous ne faisons pas de l’obstruction, au contraire ! Vous pouvez trouver nos amendements un peu légers, mais la discussion avancerait si vous répondiez sur le fond à nos questions, qui sont légitimes, notamment en ce qui concerne la mutualisation des ressources et leur prétendu sous-emploi – malgré toute l’amitié et le respect que je vous porte, je ne lâcherai pas sur ce point. Vous n’avez pas répondu non plus sur la formation des personnels : relèvera-t-elle exclusivement de l’INA ou confierez-vous le soin de l’assurer à des prestataires ?

M. Erwan Balanant (Dem). Je présente mes excuses à M. Saintoul pour l’avoir traité de procureur ; ce n’était pas très gentil, même s’il s’agit d’un métier très noble. Vous pensez, par idéologie, que nous voulons faire disparaître l’audiovisuel public. Au contraire, la volonté de mon groupe et de la majorité des membres du bloc central est de le rendre plus puissant.

Par ailleurs, nous souhaitons mutualiser les ressources non pas parce qu’elles seraient sous-employées, mais par souci d’efficacité. France 3 et Radio France, par exemple, forment un réseau incroyable de journalistes qui sont sur place, en régions, depuis des années, et peuvent traiter l’information différemment. Voilà à quoi sert la mutualisation.

La commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

Amendement rédactionnel AC1031 de Mme Duby-Muller, rapporteure.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis favorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je ne suis pas sûr que cet amendement, qui vise à substituer aux mots « des personnels » les mots « du personnel », soit un simple amendement rédactionnel. Cette modification a une signification et j’ai suffisamment enseigné la langue française pour savoir faire le distinguo. Notre collègue Taillé-Polian a évoqué, tout à l’heure, le sujet des négociations et des statuts. Or, par cet amendement, vous tendez à effacer la diversité des statuts et des conditions des personnels, ce qui sera précisément remis en cause en créant la holding. S’il y a une dimension rédactionnelle dans cette modification, il n’est pas certain qu’elle soit motivée par le respect de la langue française.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je partage les interrogations de mon collègue Saintoul. Le document de préfiguration de la holding qui nous a été transmis par Mme la ministre indique que « la société France Médias pourra fonctionner avec des personnels détachés, mis à disposition par les autres sociétés » et précise, en page 21, que « la constitution de la holding occasionnera un coût nul », puisque les personnels seront pris sur les effectifs des autres entités. Or, après des années de plans sociaux et de réductions budgétaires, quels sont les personnels qui ne remplissent aucune mission et qui ne sont pas déjà indispensables ? Vous ne pouvez pas nous laisser dans le flou.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC1090 rectifié du gouvernement et sous-amendement AC1199 de Mme Taillé-Polian, sous-amendements AC1194, AC1196, AC1197 et AC1198 de Mme Taillé-Polian (discussion commune), sous-amendements AC1141 et AC1142 de M. Emmanuel Grégoire (discussion commune), sous-amendement AC1139 de M. Emmanuel Grégoire, sous-amendements AC1131 et AC1127 de Mme Taillé-Polian, et sous-amendements AC1432 de Mme Soumya Bourouaha, AC1143 de M. Emmanuel Grégoire, AC1433, AC1434, AC1435, AC1436 et AC1437 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune).

Mme Rachida Dati, ministre. L’amendement du gouvernement vise à préciser, dans un article de la loi du 30 septembre 1986 consacré aux missions de l’INA, que ce dernier est soumis à un cahier des missions et des charges, fixé par décret.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous nous interrogeons sur la nature des informations qui figureront dans le décret pour définir les missions de l’INA, auxquelles nous sommes très attachés. Nous craignons que les liens avec les entreprises de la concurrence – TF1 notamment – ne soient détériorés et nous nous interrogeons également sur les moyens qui seront accordés à l’INA. C’est pourquoi nous ne comprenons pas le sens de l’amendement.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Je partage les inquiétudes de Sophie Taillé-Polian : la ministre parle de cahier des missions et des charges, alors qu’elle aurait pu évoquer un cahier de missions ou de charges. Sérieusement ! Évitons de faire des commentaires sur la moindre phrase ou le moindre mot d’amendements qui ne posent pas de difficulté !

Par ailleurs, permettez-moi de présenter des excuses à M. Saintoul : nous ne sommes plus dans de l’obstruction parlementaire mais dans la psychanalyse, voire l’exégèse, du texte. Franchement, ce n’est pas à la hauteur de nos débats !

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous avons bien du mal à avoir une vision claire de votre projet. Pour commencer, vous avez fait le choix de passer par une proposition de loi, que vous avez d’ailleurs dénaturée par rapport à la version initiale du sénateur Lafon, au lieu d’assumer votre vision et de déposer un projet de loi. De ce fait, vous nous privez d’une étude d’impact, puisque le document qui nous a été transmis n’en est pas une. Ensuite, nous n’avons eu que quelques heures pour prendre connaissance des amendements du gouvernement. Enfin, entre le premier projet de loi du ministre Riester et les différents examens de la présente proposition de loi en commission, le texte change à chaque fois ! C’est pourquoi nous cherchons à obtenir des précisions sur la volonté réelle du gouvernement, en lui posant, ainsi qu’aux rapporteurs, toutes les questions sur lesquelles nous nous interrogeons.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Le rapporteur me fait beaucoup d’honneur en expliquant que je fais l’exégèse d’un texte qui, en réalité, n’est pas assez riche pour cela. Sur le fond, nous ne pouvons adopter l’amendement du gouvernement, qui prévoit que le cahier des missions et des charges de l’Institut national de l’audiovisuel sera fixé par décret, sans y réfléchir au préalable. Cela signifie que vous avez l’intention de modifier les missions de l’INA, sans recueillir l’avis du Parlement. Ce n’est donc pas un petit sujet et nous sommes là au cœur du problème. La création d’une holding n’est pas qu’un changement de gouvernance ; elle aura des effets sur les missions et les moyens de l’INA. Par conséquent, répondez-nous. Pourquoi le gouvernement veut-il modifier son cahier des missions et des charges, puisque les missions actuelles de l’Institut sont claires et que le cahier des charges existe déjà ?

La commission rejette le sous-amendement AC1199.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux sous-amendements AC1194, AC1196, AC1197 et AC1198.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je rejoins les propos de mon collègue Saintoul. Nous avons besoin d’obtenir des clarifications de la ministre sur le contenu du décret et sur les raisons qui motivent son amendement, afin d’être sûrs que nous sommes en accord avec les missions qui seront confiées à l’INA à l’avenir, puisque le changement de gouvernance aura un impact sur les entreprises initiales. Il est question, en effet, de créer des filiales dont nous ne savons pas grand-chose, même si nous en avons un aperçu dans le document transmis par la ministre. Parfois, lorsque le gouvernement travaille correctement avec les parlementaires, il leur communique les projets de décret pour les rassurer : ce pourrait être une option.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Je m’efforcerai d’être le plus didactique et pédagogue possible : à l’heure actuelle, les entreprises publiques Radio France et France Télévisions ont toutes les deux des cahiers des missions et des charges, fixés par décret. L’objectif est donc d’harmoniser pour l’INA, par cohérence ; mais cela ne changera strictement rien. Vous créez des problèmes là où il n’y en a pas. Ne venez pas nous expliquer que le cahier des missions et des charges de ces entreprises publiques est défini autrement que par décret, car c’est déjà le cas et personne ne s’en offusque ! Je veux bien accepter vos amendements et sous-amendements lorsqu’ils permettent de porter la contradiction, mais ces sous-amendements relèvent de l’obstruction – ou qualifiez-les comme vous voulez. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Il s’agissait en réalité d’une omission de la proposition de loi du sénateur Lafon, puisque tous les cahiers des charges sont définis par décret et que celui de l’INA avait été oublié – il n’y a rien d’autre à expliquer, sauf à vouloir justifier de l’obstruction.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je ne crois pas que nous, Insoumis, ayons eu l’occasion de nous exprimer sur les décrets fixant les cahiers des missions et des charges de l’INA ou des chaînes de l’audiovisuel public, puisque cette disposition a dû être inscrite dans la loi bien avant que notre groupe existe. C’est pourquoi je ne me sens pas tenu de suivre les choix de mes prédécesseurs. Nous préférons, à La France insoumise, que le Parlement se saisisse d’un sujet plutôt que de laisser tout loisir au gouvernement de prendre des décisions par décret. Vous ne partagez peut-être pas ce tropisme, mais c’est le nôtre. Je ne fais donc pas de l’obstruction en disant que votre volonté de prolonger un état de fait qui vous agrée n’est pas une bonne chose. J’entends l’argument de la ministre qui évoque un oubli et je ne le prends pas comme une fourberie ; néanmoins, nous ne sommes pas d’accord sur le fond.

Nous aurons d’ailleurs une discussion du même ordre sur la question des conventions stratégiques pluriannuelles, pour lesquelles vous nous dites que le Parlement aura le dernier mot. Si vous étiez cohérents, vous devriez être d’accord pour que le Parlement ait le dernier mot sur le cahier des missions et des charges également.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il suffirait que Mme la ministre précise que les missions de l’INA définies par décret demeureront inchangées pour nous rassurer sur son avenir.

La commission rejette successivement les sous-amendements AC1194, AC1196, AC1197 et AC1198.


Réunion du mardi 8 avril 2025 à 21 heures

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi ([155]).

Article 1er (suite) : Création de la société holding France Médias et transformation de l’Institut national de l’audiovisuel en société anonyme

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous poursuivons l’examen des sous-amendements à l’amendement 1090 rectifié du gouvernement.

Sous-amendements AC1141 et AC1142 de M. Emmanuel Grégoire (discussion commune)

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Je tenais beaucoup à venir défendre l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et dénoncer une fois de plus l’absurdité de cette proposition de loi.

L’INA est la démonstration qu’un organisme audiovisuel public peut se révolutionner de manière spectaculaire, ce qui se voit dans ses audiences. Il a valorisé son fonds et l’a mis à disposition sur les réseaux sociaux. Son fonds documentaire à vocation pédagogique est utilisé par un très grand nombre de productions, pour des images d’archives. C’est l’un des outils de valorisation du patrimoine audiovisuel les plus exceptionnels au monde.

Il est absurde de vouloir intégrer l’INA dans un ensemble sans aucune cohérence alors qu’il a montré qu’il était capable de se réformer et de collaborer avec l’ensemble de ses partenaires de l’audiovisuel public, mais aussi avec des partenaires privés. On peut d’ailleurs craindre que son intégration dans la holding porte atteinte à la possibilité de nouer des collaborations avec ces derniers.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Le sous-amendement se contente de remplacer le mot « missions » par le mot « prérogatives ». Nous avons déjà longuement discuté de l’INA et nous ne sommes pas d’accord en ce qui concerne la nécessité de créer la holding. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Même avis.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). J’ai vérifié depuis notre dernière réunion : le dernier cahier des charges de l’INA a été fixé par un décret de 2009. Je ne me sens pas vraiment tenu par les choix faits à l’époque.

Notre groupe est plutôt défavorable à l’idée que le gouvernement ait trop de prérogatives. Il vaut mieux que le Parlement se prononce sur ce cahier des charges et des missions.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous ne sommes pas d’accord avec l’idée d’intégrer dans une même holding des structures de radio et de télévision différentes, car cela risque de leur faire perdre leur identité et leurs spécificités. Mais cela se discute. En revanche, nous ne comprenons vraiment pas pourquoi l’INA devrait faire partie de cette holding exécutive. L’Institut a beaucoup évolué ces dernières années. Je salue le travail de la direction et des salariés, qui ont réussi à le transformer en média patrimonial. Nous craignons que la holding exécutive remette en cause cette stratégie : quelle garantie avons-nous que ce ne sera pas le cas ?

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendement AC1139 de M. Emmanuel Grégoire

M. Emmanuel Grégoire (SOC). En l’absence d’étude d’impact, la ministre pourrait-elle nous donner une évaluation de la perte de chiffre d’affaires que subira l’INA, qui, du fait de son intégration forcée dans la holding, sera en difficulté pour conclure des contrats avec des partenaires autres que ceux de l’audiovisuel public ? Quelle est actuellement la part de son chiffre d’affaires résultant de partenariats avec de tels acteurs ?

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Notre collègue Grégoire évoque le sujet des charges, et donc plus largement du modèle économique de l’INA dès lors qu’il sera intégré dans la holding.

L’INA aurait pour mission, entre autres, de contribuer à la formation des personnels des différentes entités de la holding. Tout cela mérite que nous soyons informés sur les transferts entre les différentes filiales de la holding, sur le montage financier et sur le modèle économique prévus. On ne peut pas se contenter d’avis laconiques au motif que cet amendement serait purement rédactionnel. Nos collègues socialistes ont été modestes en le motivant ainsi, car il soulève une question qui mérite une réponse.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Parmi les spécificités de l’INA figurent ses délégations régionales. Prévoyez-vous de les maintenir au sein de l’Institut ? Nous n’avons pas de garantie sur ce point, car d’autres filiales pourraient être créées par la suite.

Autre crainte : l’avenir des bâtiments situés à Bry-sur-Marne. Nous craignons beaucoup qu’une holding cherchant à faire des économies choisisse de les vendre ou de mettre à mal ce patrimoine.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement AC1131 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je déplore que l’on ne réponde pas à nos questions importantes sur l’avenir de l’INA. Le projet déployé par cet institut depuis maintenant quelques années est une grande réussite, reconnue par tous.

La ministre a évoqué le public vieillissant de l’audiovisuel public, mais l’INA a su renouveler le sien. D’où nos interrogations et notre opposition à ce qui pourrait le menacer.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Tout le monde comprend que ce sous-amendement est seulement motivé par votre opposition à la création de la holding. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis. Sous prétexte d’apporter des précisions, il s’agit d’obstruction.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). On m’a dit qu’il fallait que je vienne en commission car c’était très intéressant, que la ministre répondait aux questions qu’on lui pose…

Mme Rachida Dati, ministre. Ce n’est pas la peine de faire le malin ! Si vous aviez écouté depuis le début, vous sauriez que nous avons eu un débat de fond.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Une ministre ne doit pas parler comme cela à un député.

Nos amendements peuvent sembler baroques, mais vous n’apportez pas de réponses aux questions que nous posons. On peut dire que c’est de l’obstruction, mais nous procédons ainsi justement parce que vous refusez de nous répondre. Vous ne pouvez argumenter sur aucun des sujets que nous soulevons. C’est profondément dérangeant. C’est plutôt vous qui pratiquez l’obstruction en agissant de la sorte.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Le fait est, effectivement, qu’au moins deux questions qui ont été posées sur l’INA n’ont pas reçu de réponse.

D’abord, quel est le modèle économique envisagé ? S’il y a une réforme de la gouvernance, il va bien falloir savoir quels sont les transferts au sein de la holding. Vous avez seulement indiqué que l’INA contribuerait à la formation des personnels des autres entités, mais cela lui procurera-t-il des revenus ? Y aura-t-il une concurrence avec d’autres entreprises privées ? Nous sommes dans le flou.

Ensuite, vous engagez-vous à ne pas modifier le décret de 2009 ? Car c’est de cette question de fond qu’il s’agit, pas d’obstruction : nous proposons de substituer au décret qui fixe le cahier des missions et des charges de l’INA une loi valable pour l’ensemble de France Médias.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Comme vous avez choisi d’amender une proposition de loi au tout dernier moment, nos amendements risquent de tomber. Nous sommes donc obligés de déposer ce type de sous-amendements pour pouvoir poser nos questions de fond – et il est vrai qu’elles sont nombreuses.

Madame la ministre, vous fuyez le débat. Vous êtes là, mais vous ne répondez quasiment à rien.

Mme Rachida Dati, ministre. Je vous respecte, alors respectez-moi aussi. Ne dites pas que je ne réponds à rien.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). En tout cas, vous ne répondez pas beaucoup…

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je peux dresser la liste des questions que j’ai posées et auxquelles vous n’avez pas répondu. Elles sont nombreuses, fondées et documentées. Sur les accords sociaux, sur l’INA, sur les évolutions envisagées pour les filiales, vous n’avez pas répondu. C’est un fait et tout le monde peut le constater en regardant nos travaux.

Il n’est pas agréable de déposer ce type de sous-amendements, mais nous n’avons pas d’autre choix si nous voulons débattre des sujets qui nous tiennent à cœur.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement AC1127 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je pose de nouveau les mêmes questions, car vos réponses m’intéresseraient. Le décret prévoira-t-il exactement les mêmes missions ? Pouvez-vous garantir que la mise en place de la holding exécutive ne se traduira pas par la vente des bâtiments patrimoniaux de l’INA ? Qu’en est-il de la mission de formation, sera-t-elle confiée à l’INA ou à une nouvelle filiale ? L’INA devra-t-il systématiquement répondre à des appels d’offre ? Quant aux accords sociaux, vous nous avez dit qu’ils étaient en cours de négociation : selon les informations dont je dispose, ce n’est pas vrai.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Vous présenteriez exactement les mêmes amendements s’il s’agissait d’un projet de fusion.

Même si vous nous prêtez des intentions cachées, souffrez que la création d’une holding n’a rien à voir avec une fusion. Les différentes entités que sont par exemple Radio France ou France Télévisions continueront à exister et les cahiers des missions et des charges continueront à être déterminés par décret. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Les missions figurent dans la loi et les cahiers des charges, fixés par décret, évoluent. Ce n’est pas nouveau.

Les cahiers des charges, comme les objectifs, peuvent se transformer. Nous parlions plus tôt du pacte pour la visibilité des outre-mer : il a fait évoluer les choses. Pour tout ce qui relève de l’accessibilité, de l’inclusion ou de la diversité aussi, le bilan est meilleur – et tout cela figure dans le cahier des charges.

Voilà ma réponse. Elle est très simple, je l’avais déjà donnée et je peux la répéter aussi longtemps que vous présenterez les mêmes questions.

S’agissant des négociations sociales, on a l’impression que vous découvrez la lune. Les négociations, cela fait évoluer les conventions collectives ! À vous entendre, vous seriez des professionnels de la profession et nous serions des nuls. Mais croyez-vous que lorsque des coopérations se forment, il n’y a plus aucune négociation et que plus rien n’évolue ? Si, c’est un mécanisme très basique, et il se poursuivra.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je prends acte de votre réponse sur les missions et le décret, je n’y reviendrai plus.

En revanche, vous n’avez pas vraiment répondu à la question sur les conventions collectives. Mme Ernotte nous avait dit que la fusion allait coûter de l’argent car, l’ensemble des personnels étant affectés au sein de la même structure, il allait falloir appliquer à tous les dispositions les plus favorables. Mais puisqu’il s’agit dorénavant d’une holding exécutive qui peut créer des filiales, il sera possible de repartir de zéro : ce sont les professionnels qui nous l’ont indiqué. Pouvez-vous assurer aux personnels que personne n’y perdra rien ? C’est une question très claire qui résulte d’une audition avec les services de Bercy.

M. Emmanuel Grégoire (SOC). Madame la ministre, vous ne pouvez certes pas prendre des engagements sur l’évolution des contrats d’objectifs pour les cinquante prochaines années, mais avouez qu’il serait préférable que la représentation nationale sache avant de voter quelles sont vos priorités pour les trois mois qui viennent.

Monsieur le rapporteur, ce sont les salariés qui souffrent et qui s’inquiètent. Leur émoi est immense et je regrette que vous ne vouliez pas l’entendre.

Les objectifs assignés à la holding seront déterminés par décret et échapperont donc à la représentation nationale. Nous ne demandons pas de scléroser l’audiovisuel public, mais simplement que vous fassiez part des grandes orientations que vous comptez donner à l’INA.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Certes le cahier des charges évolue, mais le dernier décret date tout de même de 2009. Si vous souhaitez le modifier – vous nous demandez une forme d’habilitation en ce sens, puisque le gouvernement continuerait à pouvoir intervenir par décret – il faut nous dire quelles seraient les nouvelles orientations. Soit vous nous dites qu’une évolution du cahier des charges n’est pas à l’ordre du jour dans l’année qui vient, soit vous envisagez un nouveau décret, mais sans en connaître le contenu parce que vous n’avez pas suffisamment préparé le dossier. Nous avons besoin de le savoir.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements AC1432 de Mme Soumya Bourouaha, AC1143 de M. Emmanuel Grégoire, et AC1433, AC1434, AC1435, AC1436 et AC1437 de Mme Soumya Bourouaha (discussion commune)

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Mes sous-amendements témoignent de notre opposition absolue au projet de holding.

Je me pose beaucoup de questions sur l’amendement du gouvernement et vous ne m’avez pas encore convaincue, madame la ministre. Nous demandons de la transparence sur le contenu du décret. Quelles seront les missions assignées à l’INA, et avec quels moyens ? Nous n’avons aucune garantie. Le décret pourrait très bien redéfinir en profondeur les priorités, en fonction d’orientations politiques, stratégiques et budgétaires décidées unilatéralement par l’exécutif. Il pourrait fixer des missions nouvelles, voire imposer une réorientation complète.

L’INA a évolué de manière très positive et a su se renouveler. Nous avons le sentiment que ce projet va mettre fin à cette démarche. Nous nous inquiétons et c’est pourquoi nous demandons des réponses.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Nous comprenons bien entendu que les salariés soient préoccupés. Mais ils étaient également inquiets lors de la création de France Télévisions en 2009 ; or, à part peut-être les collègues de gauche, qui remet désormais en question l’utilité d’un tel groupe et les projets en commun qu’il permet d’organiser ?

J’ai été administrateur d’une entreprise de l’audiovisuel public et il est faux de dire que tous les salariés sont opposés à la création de la holding. Il y a des inquiétudes, et cela est normal quand votre entreprise est sur le point d’être réorganisée – l’inverse serait étonnant – mais il n’y a pas d’unanimité. La position de Laurence Bloch ne me paraît pas isolée au sein de Radio France. Beaucoup de salariés, qui ont pu constater combien il était difficile de mener à bien des coopérations, sont intéressés par l’idée qu’il y ait un chef d’orchestre, ou du moins un arbitre.

Je serai donc défavorable à l’ensemble de ces sous-amendements. Je regrette d’ailleurs que nous y passions tellement de temps : il y a d’autres sujets intéressants dont nous pourrions discuter, au gré des 1 636 amendements que vous avez déposés, dont par exemple la composition du conseil d’administration, la place des journalistes ou les conventions stratégiques pluriannuelles (CSP).

Mme Rachida Dati, ministre. Une fusion a en effet un coût, car on doit retenir les statuts les plus favorables des conventions collectives. Or, en l’occurrence, il n’y a pas de fusion : les différentes entités seront préservées. Des négociations sont engagées, en lien avec la mise en place de la holding, mais les coûts et la fusion dont vous parlez n’existent pas.

Qu’il y ait ou non une réforme, le cahier des charges continuera à être fixé par décret. J’ai souhaité que le prochain soit plus précis, car cela permet de mieux évaluer et de demander des comptes aux dirigeants. Les grandes orientations continueront à figurer, quant à elles, dans les CSP, discutées au Parlement. Je ne comprends pas vos inquiétudes.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Nous réitérons nos interrogations sur l’objectif de la création d’une holding. Le rapporteur a fait valoir que les salariés avaient eu tort de s’inquiéter lors de la création de France Télévision : ce n’est pas tout à fait vrai, car il y a quand même eu une baisse des crédits. Il ne faut pas réécrire l’histoire. Encore une fois, la création de la holding aura un coût, que nous estimons entre 150 et 190 millions d’euros. Par ailleurs, les exemples étrangers peuvent nous éclairer sur les errements qu’il ne faut pas reproduire.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Les négociations sociales ne sont pas induites exclusivement par une fusion, la filialisation en impliquera nécessairement aussi. Si l’on peut ouvrir des filiales, des personnels y seront affectés. Il y aura donc nécessairement des renégociations, qui se traduiront soit par un coût, soit par une perte d’avantages. Il est normal que les salariés s’en préoccupent et nous nous en faisons l’écho.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je cite le rapport de la Cour des comptes de 2016 : « au regard des enseignements qu’il convient de tirer du processus d’intégration de l’entreprise unique à France Télévisions, l’idée de procéder à des fusions imposées par le haut ne paraît pas aujourd’hui la méthode la plus efficace. […] En revanche, une démarche progressive fondée sur des coopérations entre entreprises […] devrait être encouragée. » Il n’était pas question de holding exécutive. Les coopérations entre entreprises devaient prendre la forme, par exemple, de COM (contrats d’objectifs et de moyens) avec des chapitres communs, et plus généralement, se faire par le bas.

Mme Rachida Dati, ministre. Ce sont des coopérations avec une holding exécutive.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Vous le savez très bien, madame la ministre, dans une holding exécutive, le commandement, la répartition des budgets, donc la gestion des personnels relèvent d’un seul et même niveau. Ne nous dites pas que la holding exécutive n’aura aucun coût, à l’instar du document qui nous a été transmis, dans lequel aucun impact social n’est anticipé. Ou alors la holding exécutive n’aurait aucun rôle exécutif s’agissant du personnel ? Qui peut le croire ?

M. Joël Bruneau (LIOT). En droit social, un salarié qui rejoint une filiale nouvellement créée conserve ses avantages acquis précédemment dans l’entreprise. En revanche, un nouveau salarié, recruté par la filiale, peut être soumis à un régime différent. Les salariés déjà présents dans l’entreprise n’ont pas à craindre un déclassement. C’est ainsi que la SNCF a évité la faillite.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). M. Bruneau vient d’apporter de l’eau à notre moulin. En faisant un parallèle avec la SNCF, il a confirmé que, petit à petit, la situation sociale allait se dégrader. Les nouveaux arrivants n’auront pas le même statut que les anciens. Vous semblez vous en réjouir, nous y sommes opposés car nous y voyons un moyen de miter le droit social.

Vous vous félicitez de la fusion qui a donné naissance à France Télévisions, mais le fait est que la société a désormais recours à l’externalisation pour un tiers de ses missions. C’est tout sauf un succès du point de vue de la gestion des ressources humaines.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je mets aux voix l’amendement AC1090 rectifié. Qui vote pour ? Qui vote contre ? Il est rejeté.

Mme Caroline Parmentier (RN). Il est rejeté ? Nous n’avons pas entendu qu’il était mis aux voix !

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. J’ai posé les questions clairement. Ceux qui étaient contre, eux, m’ont entendue.

Mme Caroline Parmentier (RN). Nous ne sommes pas les seuls à ne pas avoir voté, nous n’avons pas entendu !

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je suis prête à mettre de nouveau l’amendement aux voix, mais je ne le ferai pas deux fois. Je vous demande d’être vigilants lors des prochains votes.

La commission adopte l’amendement AC1090 rectifié.

Amendement AC1095 rectifié du gouvernement

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Cet amendement fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. La proposition de loi permet aux organismes du secteur audiovisuel public de créer des filiales pour l’exercice des missions de service public qui leur sont confiées. Afin d’accroître leurs possibilités de coopération, l’amendement vise à leur permettre de créer des filiales communes, contrôlées conjointement.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Favorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Par cet amendement, la logique de simplification et de mutualisation laisse place à une usine à gaz. Des filiales vont créer des filiales communes : je n’en vois pas la nécessité, mais admettons.

Selon l’expression consacrée, il y a bien un « sac à dos social » pour les salariés transférés dans une filiale. Mais pour les salariés nouvellement recrutés, le statut offert par la filiale est bien moins-disant que le précédent. Cela crée des tensions au sein du personnel, et ceux dont le statut est plus favorable sont poussés vers la sortie.

Contrairement à ce que nous a reproché le rapporteur, nous ne faisons pas de procès d’intention, nous avons simplement de la mémoire. Nous savons comment l’histoire commence et comment elle se termine. Nous savons ce que les structures produisent. En l’occurrence, une structure comme celle que vous envisagez produit de la casse sociale.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Si l’on suit la logique rappelée par notre collègue, trois statuts seront amenés à cohabiter au sein, par exemple, de la future filiale France Info : celui de Radio France, celui de France Télévisions et celui des nouveaux entrants.

L’autre possibilité, plus logique et que nous appelons de nos vœux, est un alignement par le haut des différents statuts. Mais dans ce cas, vous ne pouvez pas affirmer que le coût de la holding sera nul. En 2000, la création de la holding France Télévisions a occasionné l’ajout d’une strate administrative de 200 salariés, dont le coût a été évalué par la Cour des comptes à 300 millions d’euros par an.

Les coûts supplémentaires semblent donc inévitables, à moins d’enjoindre aux salariés de choisir entre le nouveau statut ou la suppression de leur poste. Quelle est votre position ?

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). En cas de transfert d’un salarié, les avantages acquis ne concernent que les éléments salariaux inscrits dans le contrat de travail. Or de nombreux autres avantages, qui sont autant de victoires sociales, n’y figurent pas : les indemnités de licenciement, les RTT, les heures du week-end, les récupérations diverses...

Il y aura donc bien une dégradation des conditions de travail. À chaque opération de cette nature, dans le public comme dans le privé, les salariés sont lésés.

Sous-amendements AC1255, AC1256, AC1257 et AC1258 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). La création de filiales soulève des questions en matière sociale bien sûr, mais aussi d’organisation du travail.

Selon la directrice générale des médias et des industries culturelles, auditionnée dans le cadre du rapport sur les projets de COM des organismes de l’audiovisuel public, si les entreprises devaient faire des économies dans les années à venir – et c’est inévitable puisque les budgets baissent et que la fusion ne va rien coûter –, la seule possibilité résiderait dans l’évolution de l’accord collectif unique, autour du développement de la polyvalence des métiers et d’une réflexion sur le temps et l’organisation du travail.

Dans le schéma que vous proposez d’une holding exécutive, au sein de laquelle une personne a le pouvoir de tout réorganiser, pouvez-vous garantir aux salariés qu’ils ne perdront ni en salaire, ni en qualité de leurs conditions de travail ?

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Défavorable. Les accords collectifs se négocient dans le cadre d’un dialogue social – et ce n’est pas le gouvernement qui le mène. Ce dialogue peut être long. La date de création de la holding en tient compte. Il faut pouvoir commencer les négociations.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Négociation il y aura en effet, mais celle-ci se déroulera sous contrainte budgétaire. Dans le contexte que nous connaissons de pénurie et d’accroissement du contrôle de l’État dans la définition des moyens et des objectifs, la négociation sera inévitablement tendue et au détriment des salariés.

Vous nous faites croire que la négociation se passera entre gens de bonne volonté, mais ce ne sera pas le cas : il y aura de la casse sociale, et cela aura aussi des répercussions sur les contenus.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Merci de votre début de réponse, madame la ministre, qui permet d’ouvrir un dialogue intéressant et constructif.

Je ne comprends pas votre argument sur la longueur des négociations. Nous avons fait l’expérience ces dernières années d’une baisse conséquente des budgets, qui a conduit l’audiovisuel à faire d’énormes efforts, lesquels ont notamment porté sur le personnel et l’organisation du travail. Vous pouvez donc comprendre notre inquiétude face à la situation, d’autant que le document qui nous a été présenté fait l’impasse sur ces questions. Que vont coûter les mises à niveau sociales, si elles ont lieu, et dans quel délai ? Le gouvernement est-il prêt à s’engager, quitte à faire adopter une loi de programmation ?

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Elle rejette l’amendement AC1095 rectifié.

Amendement AC1091 rectifié du gouvernement

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. L’amendement fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. Cet amendement a pour objet d’apporter des garanties en matière d’indépendance. Le président-directeur général de la société France Médias, nommé par l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), sera PDG ou président du directoire des filiales, autres que les sociétés nationales de programme, éditrices de services. La représentation de l’État au sein des conseils d’administration de ces sociétés est également assurée.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis favorable.

Sous-amendements AC1155 et AC1202 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le PDG de la holding exécutive aura la main sur toutes les entreprises qui la constitueront. Il aura le pouvoir sur la répartition financière entre elles, par exemple. Là réside l’un des principaux problèmes de la proposition de loi puisque cela met en danger l’indépendance de l’audiovisuel public.

La nomination du PDG, fort heureusement, ne procède plus du président de la République, comme le prévoyait le texte initial – on croyait rêver ! Mais cette indépendance est bel et bien menacée par le fait de placer la décision ente les mains d’une seule personne. C’est du bon sens : il est plus facile de faire pression sur une seule personne que sur plusieurs.

Ce choix de confier tous les pouvoirs à un seul soulève un problème démocratique, en particulier dans une période politique où certains partis de par le monde n’ont pas hésité, une fois au pouvoir, à mettre la main sur l’audiovisuel public – je pense à la Hongrie, entre autres. Nous sommes donc totalement opposés à la présidence commune.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Défavorable.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). La gouvernance que vous proposez – la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’une personne – est l’antithèse de la coopération, qui n’a pourtant cessé d’être mise en avant depuis le début de nos travaux. Elle est même l’antithèse de l’esprit démocratique. La séparation des pouvoirs est la garantie la plus forte contre le risque d’un pouvoir abusif, autoritaire, dictatorial.

Nous tirons la sonnette d’alarme. Cette gouvernance est une folie funeste pour la démocratie. Renoncez-y !

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, vous aimez à parler de tout ce qu’apportera la présence d’un chef d’orchestre. En l’occurrence, le PDG ne sera pas seulement chef d’orchestre, mais aussi premier violon, premier cor solo et premier tout le reste, puisqu’il dirigera la holding mais aussi toutes les sociétés qui la composent !

On ne parle donc pas de quelqu’un capable d’arbitrer les différends au sein de la holding mais d’un personnage omnipotent, qui pourra se prononcer sur le sort des directeurs généraux des diverses entités. On est très loin d’un rôle de chef d’orchestre.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Nous sommes absolument opposés à l’amendement, qui a pour effet de concentrer les pouvoirs entre les mains d’un président, au détriment de l’autonomie des filiales. C’est très dangereux pour la démocratie.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendement AC2047 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Admettez que la question de l’indépendance est importante dans le contexte d’une pression croissante sur les médias publics à travers le monde.

Face au danger pour la démocratie, il est indispensable de privilégier une direction de l’audiovisuel public indépendante. Or le PDG unique amoindrit les garanties en la matière.

Nous avions exprimé des inquiétudes similaires sur la suppression de la redevance. Le dispositif qui lui a succédé ne les a pas toutes levées et vous venez ajouter une couche supplémentaire, qui fragilise encore un peu plus l’indépendance des entreprises.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. J’avais vu juste tout à l’heure en disant que le mot de holding vous dérange : il est question dans votre amendement d’une confédération des médias publics ! Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. L’indépendance de l’audiovisuel public est une obligation constitutionnelle et européenne, rien de moins ! En outre, il ne vous a pas échappé que le Conseil d’État a été consulté. Il a confirmé que l’indépendance était garantie, notamment en raison de la nomination du PDG par l’Arcom, autorité indépendante du gouvernement. Que voulez-vous de plus ? Avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Justement, pourquoi cette proposition de loi est-elle examinée maintenant, au moment où l’Arcom lance les appels à candidatures pour la présidence des différentes entités de l’audiovisuel public ? À tout le moins, ce n’est pas de bonne méthode. Qui sont les candidats et quels engagements peuvent-ils prendre devant l’Arcom alors que la future architecture de l’audiovisuel public n’est pas connue ?

Hier, on nous expliquait qu’il n’était pas possible de modifier le code électoral moins d’un an avant des élections municipales. Le délai prévu ici est ici bien plus alarmant : on s’apprête à modifier toute la gouvernance de l’audiovisuel public alors que le processus de nomination de la future direction est en cours. Une telle précipitation pose problème.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’indépendance des médias publics est peut-être d’ordre constitutionnel, madame la ministre, mais on peut parfois s’interroger sur certains coups de fil qui déprogramment des enquêtes ou demandent que des recherches sur certaines personnalités ne soient pas menées.

Mme Rachida Dati, ministre. Pouvez-vous préciser ?

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je vais rechercher précisément. Très récemment, par exemple, un documentaire a été menacé d’être déprogrammé, avant d’être reprogrammé au vu du tollé suscité par cette annonce. On peut s’interroger sur la raison de ces changements de pied.

Mme Rachida Dati, ministre. Il faut préciser !

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je préciserai plus tard. Les interrogations sur l’indépendance des médias, et particulièrement des médias publics, sont importantes et ont toujours existé. Nous devons nous assurer que le dispositif est irréprochable.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). L’avis rendu en décembre 2019 par le Conseil d’État indiquait notamment que l’étude d’impact « constitue davantage dans certains cas un plaidoyer au soutien des choix opérés qu’une analyse des solutions possibles, et revêt parfois un intérêt seulement rhétorique ». Quand on cite des sources, madame la ministre, il faut les citer en entier. Le Conseil d’État appelle également l’attention du gouvernement sur la complexité du processus de création et sur des délais trop courts pour l’effectuer. Je tiens à apporter cette connaissance à nos collègues.

Mme Caroline Parmentier (RN). Une « information », peut-être ?

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Madame Parmentier, au lieu de critiquer sans cesse les orateurs, ayez plutôt le courage de prendre la parole.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Madame Parmentier, la seule personne qui a la parole est celle à qui je l’ai donnée.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Au Rassemblement national, vous êtes des trolls professionnels. C’est ce que vous faites en ce moment, vous trollez.

Mme Caroline Parmentier (RN). C’est une injure personnelle ?

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Bref, lorsque vous citez des rapports du Conseil d’État, ayez l’honnêteté de le faire dans leur exhaustivité, plutôt que de n’en prendre que des morceaux choisis pour servir votre thèse.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Récemment, un documentaire sur l’utilisation d’armes chimiques en Algérie a été déprogrammé. Ce n’est pas un sujet mineur. Il me semble qu’il a aussi été décidé de stopper certaines enquêtes pendant les élections européennes – mais je peux me tromper.

Mme Rachida Dati, ministre. Vous me mettez en cause ? Il n’y a pas eu de coup de fil.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Je ne dis pas qu’il y a eu un coup de fil, mais que cela a suscité des questions. Vous invoquez une obligation d’ordre constitutionnel. Tant mieux, mais il est un peu idéaliste de croire qu’une règle écrite est toujours respectée. Le législateur que nous sommes préfère évidemment que les choses soient écrites, mais nous pouvons vouloir aussi d’autres garanties, dans une période où l’indépendance recule.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Outre les coups de fil, il faut parler aussi de l’autocensure.

Mme Rachida Dati, ministre. Ça, c’est autre chose, et cela existe.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’indépendance se heurte à la fois à la possibilité de la censure et à l’autocensure, par exemple par crainte de coupes budgétaires. Je le répète donc : mettre tous les pouvoirs, sur toutes les filiales, entre les mains d’une seule personne accroît le risque de censure et d’autocensure. Dans une situation politique où le Rassemblement national veut privatiser l’audiovisuel public et où ses amis européens l’ont fait dans les pays où ils ont pris le pouvoir, en Italie et en Hongrie, nous pouvons être inquiets – et cette inquiétude est très saine.

M. Philippe Ballard (RN). L’autocensure existe. Je l’ai vécue pendant quarante ans dans les différentes rédactions nationales que j’ai traversées. On s’autocensurait par peur d’être politiquement incorrect, de ne pas être dans le sens du vent, d’être contre le mainstream. Oui, l’autocensure existe – mais pas pour la gauche : c’est même le contraire, puisque vous êtes majoritaires dans les rédactions.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement AC1238 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Monsieur Ballard, l’audiovisuel public est souvent assez mainstream. Il donne la parole à des gens d’horizons différents, car il fait vivre le débat démocratique, ce qui n’est finalement pas très étonnant. Souvent, des militants de gauche s’agacent de certains éditoriaux ou de certaines interviews, mais il est normal que, dans l’audiovisuel public, on ne se sente pas tout à fait comme chez soi ! C’est la radio et la télévision de tous, c’est-à-dire une sorte de majorité, de consensus dans l’opinion, qui ne se fait pas pour autant au détriment de la vérité de l’information. L’audiovisuel public applique une déontologie journalistique souvent irréprochable, même s’il y a forcément des dérapages – du reste moins nombreux qu’ailleurs. C’est ce qui le rend précieux.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. En quoi la création d’une holding mettrait-elle en péril l’indépendance éditoriale, celle des rédactions et des journalistes, à laquelle nous sommes tous attachés ? Demain, il y aura les mêmes règles déontologiques pour protéger les journalistes, il y aura encore un ministre de la culture et un président de la République, et l’existence d’une holding ne changera rien à tout ce que vous dénoncez. Et elle n’empêchera pas les coups de téléphone, soyons sérieux ! La question est trop importante pour qu’on la caricature.

Affirmer que cette holding remettrait en cause l’indépendance des journalistes, c’est tout simplement douter de leur travail. Vous qui affirmez que vous respectez les salariés, pensez-vous qu’une holding changera que ce soit à l’indépendance des journalistes de France Télévisions ou de Radio France ? France Inter restera France Inter, France 2 restera France 2 et Mme Élise Lucet continuera à produire et présenter ses émissions.

Mme Rachida Dati, ministre. La sanctuarisation du financement de l’audiovisuel public, en valeur comme en mode de financement, est un facteur d’indépendance. L’autocensure existe, et le fait qu’il y ait ou non une holding n’y changera rien. L’important est de renforcer la structure et d’adopter une stratégie et une vision cohérentes, sans toucher à l’identité des entités.

Tout à l’heure, vous évoquiez un avis du Conseil d’État, mais qui portait sur l’étude d’impact du texte de Franck Riester, en 2019, et absolument pas sur celui que nous examinons aujourd’hui. L’avis auquel je me réfère porte sur la proposition de loi Lafon, et il est très clair.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). M. Ballard nous a dit qu’il s’était autocensuré. Sa carrière s’étant déroulée pour l’essentiel dans le privé, cela n’apporte guère d’éléments pour l’examen du texte. C’est sa conception de la déontologie qui l’a conduit à s’autocensurer ou à ne pas le faire.

La question de l’indépendance, c’est celle de la concentration des pouvoirs entre les mains d’une seule personne. En théorie, cette personne est censée pouvoir résister aux pressions et ne pas les répercuter ; mais si elle devait y céder, les conséquences seraient beaucoup plus graves, car elles toucheraient les directeurs généraux de toutes les entreprises de l’audiovisuel public, et cela se produirait à chaque fois. Le risque est donc plus important qu’auparavant.

M. Philippe Ballard (RN). L’autocensure est un poison lent, qui existe dans le privé et dans le public. Durant les trois ans que j’ai passés à présenter des émissions à France Info, le mot d’ordre était « #pas d’emmerdes » : conclusion, on s’autocensurait – et cela vaut dans le privé comme dans le public.

On peut toujours présenter l’audiovisuel public comme un monde merveilleux, mais permettez-moi de vous donner deux exemples du contraire, que j’avais signalés à M. Roch Olivier Maistre, président de l’Arcom. Ainsi, au moment des législatives, Mme Charline Vanhoenacker – qui a par ailleurs été punie : débarquée de la matinale, elle se retrouve avec une émission le dimanche entre dix-huit et vingt heures ! – a fait pendant une heure et demie une émission contre l’extrême droite. C’était en public, au studio 106 de la Maison de la radio, avec les applaudissements du public. Deuxième exemple : en janvier dernier, sur France Info, dans une chronique sur le climat avec François Gemenne, le présentateur a déclaré que 2024 nous avait ménagé de très mauvaises nouvelles : l’augmentation des températures, le réchauffement des océans et la montée de l’extrême droite. Qu’est-ce que cela venait faire dans le chapeau de présentation de cette émission ? Le service public, c’est aussi cela.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). En adoptant à l’unanimité la loi organique portant réforme du financement de l’audiovisuel public, nous avons amélioré la situation par rapport à la budgétisation, mais nous n’avons aucunement sanctuarisé le montant du financement. D’ailleurs, de nouvelles baisses sont intervenues dans les budgets élaborés par MM. Barnier et Bayrou. En France, à la différence d’autres pays comme l’Angleterre et l’Allemagne, le principe d’annualité budgétaire interdit une prévisibilité sur plusieurs années.

Le fait que le montant ne soit pas sanctuarisé pose aussi un problème d’indépendance, comme l’Europe le souligne à juste titre. Le principe budgétaire d’annualité met l’audiovisuel public en difficulté pour travailler sereinement dans un contexte très concurrentiel, et peut aussi l’exposer à des pressions.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Monsieur le rapporteur, tandis que vous nous dites qu’il n’y a pas à s’inquiéter pour l’indépendance de France Télévisions si nous créons une holding, notre collègue du Rassemblement national, qui soutient vos amendements et vote contre les nôtres, se lance dans un plaidoyer pour la liberté de pensée ou contre le politiquement correct. Cela ne vous inquiète-t-il pas ? Sa vision de la télévision est plus proche de celle d’Orban et Berlusconi que de celle du service public ! Monsieur Ballard, vous évoquez des émissions d’une heure et demie sur France Inter contre l’extrême droite, mais il existe aussi en France une chaîne privée qui diffuse l’inverse vingt-quatre heures sur vingt-quatre !

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Vraiment, on ne peut pas dire cela !

Mme Caroline Parmentier (RN). Cette chaîne n’est pas payée par les impôts des Français !

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). La concentration du pouvoir dans les mains d’une seule personne n’est pas une bonne chose pour la démocratie. Ceux qui le souhaitent sont de l’autre côté de cette salle et on voit très bien le type d’idéologie qui va avec.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements AC1259, AC1260, AC1261, AC1262 et AC1263 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). La question est bien celle du lien entre financement et indépendance. Le risque de censure et d’autocensure est d’autant plus grand que le budget de notre audiovisuel public a été mis en coupe réglée depuis une quinzaine d’années – la fragilisation a commencé sous Nicolas Sarkozy, a continué sous le quinquennat de François Hollande et s’est poursuivie également ces dernières années. Il sera donc beaucoup plus difficile à un dirigeant de résister à d’éventuelles pressions, et plus encore s’il est seul : quand on a des marges de manœuvre financières, on peut faire le dos rond et attendre, mais c’est absolument impossible si l’on n’en dispose pas. Les deux facteurs combinés sont porteurs d’un grave danger pour notre démocratie.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Avis défavorable. Dans votre vision, la holding et le président unique sont nécessairement néfastes pour la démocratie. Mais on peut aussi considérer que le président de France Médias, nommé par l’Arcom – et non par l’exécutif, ni même sous le contrôle du Parlement – à la tête d’une holding puissante et entouré d’une certaine notoriété médiatique, jouira d’une indépendance totale, qui le rendra beaucoup plus insensible aux coups de téléphone !

Et si demain le président de la République ou le ministre de la culture veulent appeler le président de France Télévisions ou de Radio France, qu’y changera le fait qu’il y ait une holding : qu’ils n’aient plus qu’un coup de fil à passer au lieu de deux ? C’est absurde ! La question est de savoir comment éviter les ingérences et les pressions politiques : la modalité d’organisation de l’audiovisuel public n’a rien à y voir. À nous de poser des garde-fous, et si vous pensez qu’ils sont insuffisants, mettez-en d’autres. Si le cas que vous citez du documentaire sur France 5 est avéré et aussi grave que vous le dites, pourquoi n’y a-t-il pas eu de mobilisation et de retrait des salariés ? La modalité d’organisation de l’audiovisuel public n’a pas de conséquences sur l’indépendance des médias et des rédactions. Au contraire –pardon de me répéter –, le président de cette holding sera peut-être même capable d’exercer une sorte de contre-pouvoir.

Enfin, madame Hadizadeh, soutenir l’indépendance des médias ne signifie pas qu’il faille accepter que l’audiovisuel public se lance dans une charge contre le Rassemblement national. C’est un parti politique que je combats, mais ce n’est pas protéger l’audiovisuel public que d’accepter la partialité de certaines émissions et de certains journalistes. C’est au contraire lui porter des coups de boutoir.

Mme Rachida Dati, ministre. J’abonde dans le sens du rapporteur. On ne peut pas réclamer l’indépendance et le pluralisme tout en supprimant l’expression d’une partie des représentants politiques.

Pour ce qui est, par ailleurs, de la prévisibilité, le fait que le montant du financement ne soit pas affecté par les régulations infra-annuelles est déjà une sécurité et un gage d’indépendance. Vous jugez que ce budget n’est pas élevé, mais il s’agit tout de même de 4 milliards d’euros ! Quant à la prévisibilité, la redevance ne l’assurait pas davantage dans le passé. Tout cela n’a rien à voir avec l’existence ou non d’une holding.

Je rappelle enfin que la personne qui exercera cette présidence sera nommée par l’Arcom, autorité indépendante, qu’elle devra rendre des comptes – rien à voir avec les pleins pouvoirs ! – et que le conseil d’administration contribuera à encadrer son pouvoir. Les principes qui fondent vos arguments sont confortés dans ce texte.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Sur la question de la concentration des pouvoirs, je vous trouve un peu désinvolte, monsieur le rapporteur. Vous ne voyez pas la différence entre un ou deux coups de téléphone ? Moi, je pense que cela change beaucoup de choses de devoir se griller deux fois au lieu d’une lorsqu’on veut exercer une pression. Je ne retiens donc pas cet argument.

En deuxième lieu, comme vous l’avez écrit dans votre rapport, le PDG de France Médias « doit avoir les moyens de veiller à ce que les grandes orientations stratégiques qu’il déterminera puissent se décliner de façon cohérente dans chacune des filiales. Pour ce faire, il importe qu’il soit doté des pouvoirs conférés aux directeurs généraux par le code de commerce, c’est-à-dire des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances. » Je comprends votre raisonnement, mais vous pouvez aussi comprendre que, ce faisant, vous concentrez des pouvoirs entre les mains d’une seule personne, ce qui soulèvera plus de problèmes, plus de doutes, plus de suspicion et plus de risques.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Le dernier avis du Conseil d’État dont nous ayons connaissance est celui de 2019. Celui de 2024, auquel vous vous référez, a-t-il été rendu public ? Pourriez-vous nous le communiquer ?

Mme Rachida Dati, ministre. Nous allons vous le transmettre.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Certes, 4 milliards d’euros, c’est beaucoup, madame la ministre, mais c’est moins que précédemment. À titre de comparaison, la BBC fonctionne avec 50 % de budget en plus ; l’audiovisuel public allemand a un budget deux fois et demie plus important. Nous avons donc des entreprises très compétitives, qui font énormément avec très peu d’argent – et même moins d’argent que ces dernières années, compte tenu notamment de l’inflation.

Mme Rachida Dati, ministre. La BBC est le résultat d’une fusion.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Elle ne marche pas bien !

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Mais le budget de la BBC est quand même supérieur de 50 % ! Si vous nous annonciez une fusion en mettant sur la table 50 % de budget en plus, la discussion serait totalement différente. Au contraire, vous fermez le robinet.

Mme Rachida Dati, ministre. Votre collègue dit que la BBC ne marche pas !

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Donnez-moi des éléments précis, j’y répondrai : c’est un dialogue.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendement AC1168 de M. Emmanuel Grégoire

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Certains grands audiovisuels publics européens fonctionnent avec plus d’argent. La fusion de la BBC a été un désastre – d’ailleurs, la BBC vient régulièrement voir comment fonctionne notre modèle, qu’elle envie. En revanche, d’autres pays de l’Union européenne, comme l’Allemagne, la Bulgarie, le Luxembourg, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie et la Suède, n’ont pas créé une société audiovisuelle unique. Il existe même, en Allemagne, des entités à l’échelle des Länder, et cela fonctionne bien. En Belgique coexistent la RTBF et la VRT, administrées par l’État par l’intermédiaire de leur conseil d’administration. En Suède, ce sont Sveriges Television et Sveriges Radio, et ça marche bien aussi. Il est donc faux de nous présenter la holding comme le seul avenir possible.

Tous nos voisins européens n’ont pas fait le même choix ; ceux qui ont choisi la fusion s’en mordent les doigts et viennent voir chez nous comment ça se passe. Quand nous aurons fait la holding, ils iront voir ailleurs !

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable. Je rappelle qu’en Europe, huit pays seulement ont des organisations séparées : le choix majoritaire est celui du regroupement, pour des raisons d’efficacité opérationnelle.

Mme Rachida Dati, ministre. Ah bon, vous trouvez que cela fonctionne très bien en Suède ? Vous y êtes allée, c’est ce qu’ils vous ont dit ? Pour ma part, j’y suis allée, et ça ne marche pas si bien.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Qu’est-ce qui vous permet de dire ça ?

Mme Rachida Dati, ministre. Allez discuter avec eux ! La Suède travaille à un projet de regroupement. L’Espagne a procédé à une fusion et en est ravie. En Allemagne, l’organisation est différente en raison de la force des Länder, mais à l’échelle des Länder, les sociétés sont regroupées. Nous faisons exception en Europe.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Et en Belgique ?

Mme Rachida Dati, ministre. La perspective est la même que la nôtre pour ce qui concerne la radio et la télévision. Je suis donc très surprise des exemples que vous donnez de ce qui fonctionne « très bien » : il me semble qu’ils adoptent plutôt une perspective de regroupement. Informez-vous, ne vous contentez pas de dire de manière incantatoire que ce qui vous arrange marche très bien, car c’est faux.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Vous avez rencontré des salariés ?

Mme Rachida Dati, ministre. Pour la BBC, vous avez raison : ça ne marche pas si bien que ça, bien qu’il y ait beaucoup d’argent. Ce n’est donc pas seulement une question d’argent, mais d’organisation, de vision et de cohérence.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Ils ont opéré une fusion et ça n’a pas marché !

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Ma connaissance de la télévision suédoise n’étant pas assez approfondie et mon expérience de la télévision allemande n’étant pas très favorable, je n’entrerai pas dans ce débat. Cependant, sur le fond, il me semble que l’exclusion de France Médias Monde de la holding a été entérinée par un vote précédent et que ce sous-amendement est donc satisfait.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Pour compléter mon propos précédent, je considère que toutes les chaînes, qu’elles soient publiques ou privées, doivent respecter la loi, le pluralisme et donc les différentes forces politiques représentées. Il y a des règles très précises en la matière. Si je me suis élevée contre des chaînes comme CNews, qui ne sont pas gratuites pour les Françaises et les Français car la maintenance des canaux de TNT demande de l’argent public, c’est parce qu’elles ne respectaient pas leur cahier des charges et la loi. Voilà pourquoi je ne souhaitais pas qu’elles poursuivent leur travail.

M. Philippe Ballard (RN). Ce sont les chaînes qui payent !

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Non, monsieur.

L’audiovisuel public doit évidemment respecter le pluralisme. Je n’ai jamais demandé à une chaîne de télévision ou à une station de radio de ne pas recevoir telle ou telle personne. C’est aux rédactions de décider, et les politiques devraient d’ailleurs éviter de trop commenter leur travail.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement AC1179 de M. Emmanuel Grégoire

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Encore une fois, il ne faut pas créer cette holding si l’on veut préserver l’autonomie de France Télévisions, ainsi que l’indépendance et l’esprit démocratique qui doivent prévaloir dans les médias.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nos deux rapporteurs reconnaissent eux-mêmes, l’extrait du rapport que j’ai lu en atteste, que la concentration des pouvoirs entre les mains d’un PDG a pour objectif d’homogénéiser les contenus, ou du moins la coloration des différentes entreprises.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. L’objectif est d’uniformiser la stratégie.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Pour ma part, j’estime que cela aura un effet sur les contenus.

Par ailleurs, monsieur Ballard, les chaînes privées bénéficient bel et bien d’une situation dérogatoire puisqu’elles ne payent pas pour l’occupation des fréquences, qui appartiennent au domaine public. Si vous souhaitez en finir avec cet état d’exception, ce qui serait une très bonne chose, j’espère que vous voterez l’amendement en ce sens qui viendra plus tard.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement AC1180 de M. Emmanuel Grégoire

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Vous avez évoqué les cas de la Belgique et de la Suède, madame la ministre, mais, outre vos homologues ou des responsables de chaîne, y avez-vous rencontré des salariés, qui ont souvent un avis différent ? C’est une bonne chose de parler avec Mme Laurence Bloch, mais lorsqu’une grande réforme est envisagée, il convient aussi d’aller sur le terrain. En l’occurrence, je peux vous assurer que les salariés sont inquiets. Vous disiez qu’il n’y avait que 250 grévistes la semaine dernière, mais c’est ignorer la mécanique d’un mouvement social : seule une partie des salariés y participent, mais ils sont soutenus par de nombreux autres qui, pour des raisons financières, ne peuvent se mettre en grève.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Pour terminer ma précédente intervention, les chaînes privées occupent des fréquences sans payer aucune redevance. Cet état de fait consenti déroge au droit de l’occupation du domaine public.

Pour le reste, une fois n’est pas coutume, c’est nous qui faisons de la pédagogie en nous répétant. Et je me réjouis que nos camarades socialistes évoquent la mécanique des mouvements sociaux : cela manquait, depuis quelques années.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Comment la direction unique des différentes entités qui composeront la holding garantira-t-elle l’équilibre entre les médias, et notamment la place de l’audio vis-à-vis de la vidéo ? La constitution de médias à 360 degrés a été présentée comme un objectif, en tout cas dans le domaine de l’information. Je rappelle néanmoins qu’un pays comme l’Australie a fait marche arrière après avoir regroupé télévision et radio, car cette dernière a été défavorisée en matière d’investissements et de visibilité. Je suis très attachée à la préservation de la cohérence des différentes radios, ce qui suppose de conserver les fréquences locales et de leur laisser leur mission en matière d’information plutôt que de tout mutualiser dans des filiales.

M. Philippe Ballard (RN). Je reconnais qu’une fréquence a une valeur. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Arcom se prononce régulièrement sur leur attribution. Pour le reste, en parlant des chaînes, parlez-vous aussi des stations de radio ? Parce que le DAB+ (Digital Audio Broadcasting), par exemple, coûte très cher aux radios. Votre argument, monsieur Saintoul, ne tient donc pas. Quant à la TNT, oui, les chaînes payent pour être diffusées. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Canal+ rendra ses fréquences en juin : le jeu n’en vaut pas la chandelle, cela coûte trop cher !

Ainsi, hormis sur la valeur des fréquences, ce que vous avez dit est faux.

La commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis des rapporteurs, la commission rejette le sous-amendement AC1182 de M. Emmanuel Grégoire.

Sous-amendement AC1126 de M. Emmanuel Grégoire

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Si le groupe Socialistes et apparentés est fermement opposé à la création de cette holding exécutive, c’est aussi, on ne l’a pas encore évoqué, parce que cela fera reculer le contrôle effectif du Parlement.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Mais non !

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Bien sûr que si ! Avec votre organisation… Pardon, la fatigue commence à se faire sentir, un mot m’échappe.

Mme Caroline Parmentier (RN). C’est surtout que vous ne savez pas quoi dire !

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Demandez la parole, madame Parmentier, plutôt que de troller quand nous nous exprimons ! Je m’en tiens là.

Mme Caroline Parmentier (RN). Vous faites de l’obstruction !

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Au lieu de répéter encore que vous êtes opposés à la holding, ce que nous avons bien compris, il serait plus intéressant de discuter du conseil d’administration ou des modalités de désignation du président de France Médias, qui sont des sujets de fond.

Monsieur Saintoul, vous dites qu’un président exécutif aura une influence sur les contenus, mais le fait que Radio France et France Télévisions aient un président unique a-t-il eu une incidence sur l’identité et les contenus de France 2, France 3 et France 5 ? La réponse est non. Ou peut-être allez-vous m’expliquer que France Inter a la même ligne éditoriale que France Culture ou France Info ?

Avis défavorable sur ce sous-amendement.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Radio France a été conçue comme une grande maison commune, au sein de laquelle cohabitent différentes radios. En revanche, la création de France Télévisions a bien produit des changements très importants, avec, entre autres, la disparition de la rédaction nationale de France 3.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Il y a eu des choix.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Des choix liés à un rapprochement structurel. Vous ne pouvez pas dire que cela n’a rien changé : une rédaction nationale a été supprimée ! Il y a bien eu un effet majeur et nous craignons que les nouveaux rapprochements que vous souhaitez aillent au-delà d’une simple coopération et entraînent de nouvelles destructions de rédactions.

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendements AC1144 et AC1251 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Ces deux sous-amendements portent sur l’indépendance de l’audiovisuel public. Le PDG de France Médias sera omnipotent, sur la holding exécutive et sur l’intégralité de ses composantes. Pour nous rassurer, vous avez affirmé que l’avis du Conseil d’État était excellent, mais il n’a pas été rendu public. Je répète notre opposition et notre inquiétude pour l’avenir de l’audiovisuel public, tant son indépendance nous semble contradictoire avec la concentration des pouvoirs entre les mains d’une seule personne.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.

M. Alexis Corbière (EcoS). Monsieur le rapporteur, le fait que le paysage audiovisuel se développe de plus en plus autour de chaînes privées n’est pas secondaire. Cela signifie que des intérêts privés ont la possibilité de diffuser des messages à tous les Français. Le seul îlot restant est le service public. Ce n’est donc pas être tatillon que de pousser le raisonnement : oui, la concentration de la direction de ce dernier espace échappant aux logiques privées va favoriser, que vous le vouliez ou non, l’établissement d’un lien encore plus direct avec le politique.

Vous répondez que le seul changement sera le nombre de coups de téléphone pour joindre les patrons de l’audiovisuel public et que notre suspicion n’a pas lieu d’être. Mais si nous sommes suspicieux, c’est parce que nous touchons ici à un enjeu démocratique de fond, qui marque l’évolution de la société ! Oui, la progression électorale du Rassemblement national est aussi liée à l’évolution du paysage audiovisuel ; c’est évident. Je n’interdis pas aux collègues de ce groupe d’exister, mais je ne connais pas de chaîne privée qui roule aussi ouvertement pour un parti politique que CNews. C’est un avantage dont une force politique dispose sur les autres, et donc un débat démocratique que nous devons avoir.

Mme Rachida Dati, ministre. Monsieur Corbière, je suis tout à fait d’accord : oui, il y a un enjeu de démocratie, un enjeu de liberté d’expression, un enjeu de liberté tout court. Je l’ai dit, le paysage audiovisuel a fortement évolué. Ce n’est plus comme il y a trente ans : il y a désormais vingt-sept chaînes et des groupes privés de plus en plus structurés et organisés.

Pourquoi voulons-nous rassembler les forces de l’audiovisuel public ? Pour le renforcer, grâce à une vision unique, une stratégie claire et des moyens bien plus regroupés qu’actuellement. Plus les choses sont dispersées, plus le risque d’affaiblissement est élevé, vous ne pouvez pas dire le contraire. Ainsi, le seul moyen de protéger, de préserver et de pérenniser l’audiovisuel public, c’est de rassembler ses forces. C’est un combat que nous menons depuis longtemps : je l’avais fait sur l’antenne de France Inter bien avant de devenir ministre de la culture. C’est un enjeu pour nous tous. Rassemblons les forces et sanctuarisons le financement.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). J’entends ce que vous dites, madame la ministre, mais je crains que ce soit de fausses évidences. Il y a d’autres façons de protéger l’audiovisuel public que de réformer sa gouvernance. Nous aurions pu commencer par un texte plus consensuel, puisque la plupart des recommandations issues des états généraux de l’information (EGI) ne font pas vraiment débat entre nous. Je répète que votre réforme de la gouvernance concentrera les pouvoirs entre les mains d’une seule personne, sur le modèle, le rapporteur l’a dit, des groupes privés. Ce n’est pas une bonne méthode.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

Mme Rachida Dati, ministre. Il le fait exprès.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Pas du tout ! Vous avez dit qu’une holding serait efficace, car les différentes entités sont redondantes. Pour ma part, j’estime qu’une harmonisation de la stratégie aurait des effets néfastes.

M. Alexis Corbière (EcoS). Quand vous dites « rassembler » et « renforcer », nous entendons plutôt, éclairés par l’expérience, « optimiser » et « économiser ».

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Mais non !

Mme Rachida Dati, ministre. C’est ce qui s’est passé à France Télévisions ?

M. Alexis Corbière (EcoS). C’est toujours comme cela que les choses se passent. En ce qui nous concerne, nous voulons que le service public ne suive pas une logique de rentabilité. Nous voulons que même de très petites niches, qui concernent peu de gens, continuent de faire l’objet de programmes de qualité, correspondant à un besoin.

Mme Rachida Dati, ministre. Et à un public !

M. Alexis Corbière (EcoS). Même si le public est restreint ! Même s’il y a peu d’amateurs d’opéra ou de films des années 1930, j’assume de vouloir faire en sorte que cela existe. Je comprends très bien qu’une chaîne privée ne le fasse pas, mais nous, nous estimons que le service public ne doit pas réfléchir seulement en fonction de la rentabilité. C’est de la pluralité des goûts des Français qu’il s’agit.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). L’audiovisuel public a bien un public, d’ailleurs très fidèle, très large et très divers. Il s’est même rajeuni grâce aux médias non linéaires. Car nous n’en sommes pas restés à une vision antédiluvienne, avec une télévision et une radio purement linéaires. Nous savons bien que l’avenir de ces médias tient aussi à la production de contenus, audio ou vidéo, élaborés en fonction de ce qui peut plaire et de leur faculté de trouver un public sur les réseaux sociaux ou sur internet. C’est ce qui est fait actuellement, d’ailleurs avec un grand esprit d’innovation, et c’est la raison pour laquelle Radio France est championne des podcasts.

Je le répète : les entreprises ont su innover et trouver un public beaucoup plus jeune. Il n’y a donc pas besoin d’une fusion, d’une holding, ou de quoi que ce soit de ce genre pour que le rajeunissement et l’élargissement du public soient au cœur de la stratégie. Au contraire, nous craignons que le rassemblement ne soit qu’une mise au pas financière.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). À l’heure actuelle, la représentation nationale vote le budget de chaque entité de l’audiovisuel public. Demain, avec votre réforme, nous ne nous prononcerons que sur le budget de la holding. Voilà le recul du contrôle du parlement dont je parlais. Alors que nous sommes l’entité démocratique par excellence, le texte indique bien que nous ne serons qu’informés des ajustements financiers que la société mère pourrait faire en cours d’année ! Avec un tel recul du contrôle, vous ne pouvez pas affirmer que nous protégeons l’audiovisuel public.

Par ailleurs, madame la ministre, j’ai apprécié votre envolée lyrique selon laquelle, pour être plus forts, il faut être rassemblés ; mais pour être plus forts, nous n’avons aucun besoin d’être caporalisés.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Personne n’a dit cela !

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Un PDG unique y mènera.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Sous-amendement AC1253 de M. Emmanuel Grégoire

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Avis défavorable à ce sous-amendement.

Nous entendons beaucoup de fantasmes et de sophismes, et nous avons bien vu que vous faites de l’obstruction sur ce texte, au motif qu’il poserait des difficultés et ne serait pas consensuel. Mais je rappelle que les premiers rapports parlementaires ont été publiés il y a plus de dix ans et que le texte a été initialement déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale en décembre 2019, avant de connaître plusieurs péripéties. Tous les moyens sont bons pour gagner, ou plutôt perdre du temps. Vous parlez maintenant d’une caporalisation : les personnes qui nous regardent doivent se dire que tout cela manque de sérieux.

Pour ma part, je pense aux salariés de ces entreprises, qui sont baladés depuis de nombreuses années. Tous les six mois nous remettons l’ouvrage sur le métier ! Ils ont besoin d’un cap. Nous disposons aujourd’hui d’un projet cohérent, défendu par les dirigeants des différentes entités et qui apportera de l’efficacité. Il faut vraiment que nous avancions et je regrette les méthodes dont vous usez depuis le début de l’examen de la proposition de loi.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Vous parlez de mutualisation, de caporalisation, d’économies ; nous parlons de guerre de l’information, de changement des usages, de rupture technologique – autant de sujets dont nous n’avons pas parlé ce soir. À vous entendre, on dirait que l’audiovisuel public évolue en vase clos, qu’il n’y a pas de menace extérieure ni d’ingérences étrangères. Mais rassembler les forces ne signifie pas mutualiser, caporaliser, ni économiser. Peut-être que nous nous trompons, mais nous sommes convaincus qu’il faut rassembler l’audiovisuel public pour lui donner les moyens de faire face à tous les défis que je viens d’énumérer.

Ne nous prêtez donc pas d’intentions cachées : soyez en désaccord avec nous, mais considérez notre postulat, qui est la nécessité de renforcer l’audiovisuel public pour lutter contre les ingérences étrangères, la désinformation, la concurrence des plateformes et pour répondre à la montée des réseaux sociaux, au changement des usages et aux ruptures technologiques. Vous estimez que le statu quo permettra de le faire, ce que je respecte. Pour notre part, nous pensons que sans holding, sans coopération, sans chef d’orchestre, sans arbitre, l’audiovisuel public s’affaiblira durablement.

Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable. Gouvernance, composition du conseil d’administration de la holding, prérogatives des uns et des autres, ou encore du parlement : tous ces éléments seront abordés dans les articles suivants.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Vous dites, madame la rapporteure, que le projet existe depuis neuf ans et qu’il est temps d’avancer, mais l’argument se retourne : si, en neuf ans, les promoteurs de cette idée ne sont pas parvenus à la faire adopter, c’est bien pour des raisons de fond plutôt qu’à cause d’un goût pour l’immobilisme ancré dans la société française ! En effet je ne crois pas qu’on puisse faire ce reproche aux parlementaires. J’y insiste : cela neuf ans que la proposition est sur la table, mais au cours de la dernière année, nous sommes passés d’un projet de fusion à un projet de holding non exécutive, avant de finalement retenir une holding exécutive. Votre argumentation n’est donc pas convaincante.

Quant à celle de M. le rapporteur, je la trouve incantatoire. Que permettra réellement une holding face aux enjeux que vous avez évoqués ? Pas grand-chose !

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Comme vous, monsieur le rapporteur, nous voulons un service public renforcé. C’est pourquoi nous estimons qu’il lui faut des moyens supplémentaires, plutôt que des coupes budgétaires, comme ce fut le cas dernièrement. Voilà où se trouve l’urgence, particulièrement dans le cadre de la guerre informationnelle, des ingérences et des tentatives de manipulation que nous subissons. Dans le grave moment géopolitique que nous connaissons, l’opinion publique constitue bien l’un des théâtres d’opération. Or imposer une réorganisation, qui est toujours coûteuse en argent et en temps, irait justement à l’encontre de nos intérêts. C’est une autre raison pour laquelle nous sommes opposés à ce projet.

Pour autant, nous ne sommes pas favorables au statu quo. Nous sommes pour les coopérations, à l’image de la plateforme Lumni ou de la rubrique « vrai ou faux », qui est intéressante, qui fonctionne bien, qui n’empêche aucunement chaque rédaction de conserver sa liberté et qui met en commun des moyens pour lutter contre la désinformation.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Bien entendu, nous souscrivons à la lutte contre la désinformation – du reste, les journalistes, notamment de l’audiovisuel public, ne nous ont pas attendus pour réagir et innover dans ce domaine. Mais la proposition de loi ne comporte aucune mesure concrète en la matière.

Dans son avis de 2019 – puisque nous n’en avons pas d’autre –, le Conseil d’État estimait que l’étude d’impact était « plutôt un plaidoyer au soutien des choix à opérer qu’une analyse des solutions possibles ». Celle qui nous a été fournie récemment, et qui ne compte que 22 pages, ne va pas plus loin. Peut-être nous transmettra-t-on un jour le dernier avis du Conseil d’État. En tout cas, je suis curieuse de savoir ce que celui-ci pense du PDG unique comme solution à la guerre contre la désinformation…

M. Alexis Corbière (EcoS). Quel est le principal vecteur de la désinformation ? Une chaîne low cost employant peu de personnes qui répètent des informations de médiocre qualité et non vérifiées. Pour lutter contre ce phénomène, il faut envoyer des reporters sur le terrain, favoriser le pluralisme au sein des rédactions, multiplier les vecteurs d’information de qualité. Vous situez les enjeux à un certain niveau mais, à ce stade, vous ne les prenez aucunement en compte, sinon pour affirmer que la création d’une holding et la nomination d’un patron unique permettront de lutter contre la désinformation. Peuchère, ce n’est pas très convaincant !

La commission rejette le sous-amendement.

Sous-amendement AC1252 de M. Emmanuel Grégoire

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous consacrons beaucoup de temps à l’audiovisuel public, et il le mérite. Mais nous aurions préféré examiner le texte issu des états généraux de l’information, à propos duquel presque tous les groupes ont déclaré qu’ils n’avaient pas de ligne rouge. Le débat aurait été d’une tout autre nature, et nous aurions pu travailler à des mesures favorables à la démocratie. Renforcement de l’indépendance des médias, pluralisme et lutte contre la concentration : là est l’urgence !

Madame la ministre, je ne comprends pas pourquoi vous vous entêtez à défendre ce projet. Certes, il existe depuis dix ans, mais s’il n’a toujours pas abouti, peut-être est-ce pour de bonnes raisons, qui ne tiennent pas seulement à la conjoncture mais aussi aux tensions très vives qu’il suscite et à la relation très forte que les gens entretiennent avec les maisons de l’audiovisuel public.

La commission rejette le sous-amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les sous-amendements AC1250 et AC1249 de M. Emmanuel Grégoire.

Elle adopte l’amendement AC1091 rectifié.

Amendement AC871 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous proposons qu’il ne soit pas possible aux sociétés de l’audiovisuel public de créer une filiale sans passer par la loi. Nous craignons en effet un démantèlement des entreprises actuelles. Vous jurez vos grands dieux qu’il n’aura pas lieu, mais il est bien inscrit dans le document qui nous a été transmis par la ministre. Il nous paraît donc nécessaire qu’à tout le moins, un véritable débat soit organisé pour nous aider à comprendre les décisions du président-directeur général.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AC1092 rectifié du gouvernement et sous-amendements AC1169, AC1172, AC1173 et AC1174 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Rachida Dati, ministre. C’est un amendement de coordination avec l’amendement AC1091 rectifié qui vient d’être adopté.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Favorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Les sous-amendements visent à marquer notre opposition.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les sous-amendements, puis adopte l’amendement.

Amendement AC923 de M. Steevy Gustave

M. Steevy Gustave (EcoS). La refonte de l’audiovisuel public se fait sans aucune considération pour la production audiovisuelle d’outre-mer. Ostracisée depuis la suppression de France Ô en 2019, celle-ci manque cruellement de visibilité. Pourtant, l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et le cahier des charges des sociétés de l’audiovisuel public leur impose d’assurer une meilleure représentation de la diversité de la société française, notamment des outre-mer. Si nous voulons que notre audiovisuel public assure une juste représentation de la diversité ethnique et sociale, il faut commencer par s’y intéresser et agir en conséquence.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Défavorable. L’amendement est satisfait par les articles 43-11 et 44 A de la loi de 1986 relative à la liberté de communication.

Mme Rachida Dati, ministre. Puisqu’il s’agit de renforcer deux principes, sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Article 1er bis : Inscription des missions de TV5 Monde dans la loi du 30 septembre 1986

Amendement de suppression AC200 de M. Emmanuel Grégoire

Mme Florence Herouin-Léautey (SOC). Bien que la présente proposition de réforme ait vu le jour en 2020, elle n’a fait l’objet d’aucune concertation, ni avec les députés, ni avec les acteurs du secteur. Pis, aucune étude d’impact sérieuse n’a été fournie : le document préparatoire élaboré par le ministère de la culture n’en est pas une. Il comporte même des éléments assez extraordinaires. Ainsi est-il indiqué que « la constitution de la holding en elle-même occasionnera un coût nul – c’est-à-dire que les coûts RH globaux des équipes ne seront pas augmentés par la création de la holding ». Nous sommes pressés de savoir qui est prêt à travailler gracieusement à ce projet !

Cette réforme n’est pas souhaitable, pour des raisons conjoncturelles et pour des raisons liées aux conséquences de l’action du gouvernement. En effet, pour 2024, 69 millions d’euros ont été retirés des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde. Par ailleurs, à la suite de l’adoption du projet de loi de finances pour 2025, les acteurs du secteur ont découvert de nouvelles coupes surprises. Face à l’effort budgétaire considérable qui leur est demandé, ils ont dû ouvrir des négociations avec les syndicats. Or un tel travail est impossible si une holding vient coiffer les directions de chaque groupe. C’est le même argument qui met en danger le renouvellement à la tête de France Télévision.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Vous affirmez, tout d’abord, que l’étude d’impact n’est pas sérieuse. Les fonctionnaires de la direction générale des médias et des industries culturelles apprécieront.

Par ailleurs, TV5 Monde n’a pas vocation à intégrer la société holding. En effet, cette société est détenue et financée par les entités de l’audiovisuel public de six États : France, Suisse, Canada, Québec, Belgique et Monaco. Elle est le principal vecteur de rayonnement de la francophonie dans le monde, particulièrement en Afrique, où elle est notamment leader en République démocratique du Congo. La consécration de cette chaîne dans la loi de 1986 est donc à saluer et doit bien être distinguée de la réforme de l’audiovisuel public. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, ministre. Défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Pour intéressant qu’il soit, notamment par le bilan qu’il dresse et par les pistes qu’il trace concernant la création de filiales – laquelle, contrairement à ce qu’on nous dit, modifierait l’identité des entreprises puisqu’une partie de leurs activités actuelles serait transférée à d’autres entités –, le document qui nous a été transmis n’est pas une étude d’impact. De fait, il ne mesure ni les conséquences, notamment sociales, de la réforme, ni ses effets sur le secteur audiovisuel privé, qui emploie des centaines de milliers de personnes et participe de la diversité de l’audiovisuel français.

M. Inaki Echaniz (SOC). Depuis 2022, nous ne cessons de demander une étude d’impact détaillée qui évalue les gains et les pertes que pourraient provoquer la fusion et la création de la holding. Le document de 22 pages qui nous a été fourni est peut-être de qualité, mais il n’est pas une véritable étude d’impact. Ainsi, la question du coût de la réforme n’est abordée qu’à l’avant-dernière page : il y est écrit que « la constitution de la holding en elle-même occasionnera un coût nul – c’est-à-dire que les coûts RH globaux des équipes ne seront pas augmentés par la création de la holding ». C’est assez maigre !

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Le fait qu’un projet dont le coût s’élève à plusieurs millions d’euros ne soit accompagné d’aucune étude d’impact est pour le moins problématique. La situation financière du pays nous permet-elle de parier sur les conséquences financières d’un texte lorsque de telles sommes sont en jeu ?

Mme Rachida Dati, ministre. Nous ne discutons pas d’un projet de loi de finances !

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Certes, mais votre réforme va engager les finances publiques. Un peu de sérieux budgétaire, de grâce ! Nous avons besoin d’une étude d’impact pour savoir où nous allons.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AC295, AC296, AC297, AC298, AC299, AC300, AC301, AC302, AC303 et AC304 de M. Emmanuel Grégoire (discussion commune)

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Défavorable.

Madame Hadizadeh, le projet de loi défendu par M. Riester en 2020 était accompagné d’une étude d’impact plus étayée. En l’espèce, nous examinons une proposition de loi : aucune obligation juridique n’impose que les textes d’origine parlementaire fassent l’objet d’une telle étude. De fait, le document qui vous a été transmis, et qui s’intitule « Réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public. Évaluation de sa mise en œuvre », n’en est pas une. Il n’en est d’ailleurs pas question dans le courriel qui a été envoyé aux membres de la commission.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. En tout cas, nous avions bien demandé, avant le début de nos travaux, que l’on nous communique une étude d’impact, et l’on nous a fourni ce document.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Si demain, nous créons la holding France Médias, les personnes qui se porteront candidates pour en prendre la tête pourront, dans le respect des missions de service public de l’audiovisuel public, proposer des stratégies distinctes, afficher des priorités différentes. En tout état de cause, le ministère rédigera une convention stratégique pluriannuelle (CSP), sur laquelle le Parlement formulera un avis contraignant.

On peut rédiger toutes les études d’impact que l’on veut : dès lors qu’il n’y a pas de fusion, la question qui se pose est celle de savoir si l’on considère que la holding est le mode d’organisation qui permettra de renforcer l’audiovisuel public. Vous ne le pensez pas, et aucune étude d’impact ne vous ferait changer d’avis : vous seriez, de toute façon, philosophiquement opposés à la création de cette holding.

Mme Rachida Dati, ministre. Idéologiquement, plutôt !

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. J’ai voulu être aimable.

Mme Rachida Dati, ministre. Défavorable.

M. Inaki Echaniz (SOC). Ne nous voilons pas la face : si ce texte, proposition ou projet de loi, avait été abouti, nous aurions disposé de documents financiers suffisamment étayés pour apporter des réponses à nos questions. De fait, cinq ans après le dépôt du texte qui avait le mieux avancé, nous sommes face aux mêmes incertitudes et aux mêmes incohérences économiques. On nous transmet un document de 22 pages qui présente, sur le plan budgétaire, une justification indigente du texte. Certes, nous ne discutons ni d’un projet de loi de finances, ni d’un projet de loi, mais force est de constater que tout cela est fait un peu à la légère, alors que le texte aura des conséquences importantes pour les salariés et les finances publiques.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Il ne manque pas seulement une étude d’impact. Mme la ministre a confié une mission sur l’accompagnement de la réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public à Mme Laurence Bloch, qui doit rendre ses conclusions le 30 juin. Or celles-ci auraient pu éclairer notre débat. Peut-être aurions-nous été idéologiquement opposés à la réforme, mais nous aurions eu des documents solides sur lesquels nous appuyer.

Par ailleurs, dans un rapport intitulé « Accompagnement à la transformation de France Télévisions et de Radio France » publié en 2024, l’Inspection générale des finances, qui n’est pas un repaire de gauchistes, estime que la réforme engendrerait un surcoût d’environ 30 millions d’euros par an et que les économies d’échelle attendues ne dépasseraient pas les 10 millions – et encore faut-il compter les dépenses liées aux aménagements immobiliers et à la communication.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le président-directeur général de la future société France Médias sera nommé, et je m’en félicite, par l’Arcom. Mais son mandat devrait être clair, et il devrait lui être donné par le Parlement, et non par le ministère de la culture. Nous sommes inquiets que de tels pouvoirs soient confiés à un seul homme au motif qu’il aurait une vision extraordinaire de l’audiovisuel public. Du reste, la dernière fois que l’on m’a dit, pour me convaincre, qu’il nous fallait « un homme, une vision », cela n’a pas été une réussite.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC1033 de Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure.

En conséquence, l’amendement AC1132 du gouvernement tombe.

La commission adopte l’article 1er bis modifié.

Après l’article 1er bis

Amendements identiques AC1152 du gouvernement et AC890 de Mme Géraldine Bannier

Mme Géraldine Bannier (Dem). Dans son avis sur le projet de loi de 2019, le Conseil d’État estimait « nécessaire de réaffirmer dans [celui-ci] le principe du respect des garanties statutaires résultant du traité du 2 octobre 1990 instituant une chaîne culturelle européenne ». Tel est l’objet de cet amendement.

Mme Rachida Dati, ministre. L’amendement vise en effet à reprendre une garantie qui a été introduite dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique après l’avis du Conseil d’État.

Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure. Ces amendements permettront d’inscrire dans la loi les garanties statutaires d’Arte. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Article 2 : Détention par l’État de l’intégralité du capital de la société holding France Médias

Amendements de suppression AC51 de M. Aymeric Caron, AC201 de M. Emmanuel Grégoire et AC781 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Dans la droite ligne de nos échanges précédents, nous demandons la suppression de cet article.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Certes, vous êtes opposée à la création de la holding, mais pourquoi demander la suppression de cet article, qui prévoit que l’État détiendra directement la totalité du capital de la société France Médias et apporte donc une garantie importante ? Nous gravons ainsi dans le marbre de la loi le caractère public de cette société. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AC1137 du gouvernement

Mme Rachida Dati, ministre. Cet amendement vise à tirer les conséquences rédactionnelles du retrait de France Médias Monde de la holding.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Amendements AC188 de M. Erwan Balanant et AC782 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

Mme Géraldine Bannier (Dem). L’amendement AC188 tend à préciser que le capital de la société France Médias sera incessible, afin de garantir sa stabilisation. Nous réaffirmons l’engagement de notre groupe à maintenir un groupe audiovisuel entièrement public, ainsi que celui, constant, de la majorité en faveur de toutes les composantes de l’audiovisuel public, afin de sécuriser leur pérennité et leur indépendance.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Oui, il faut inscrire dans la loi qu’aucune part de la holding exécutive ne pourra être cédée, pour se prémunir de tout risque.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Demande de retrait, ou avis défavorable. Dans sa nouvelle rédaction, le premier alinéa de l’article 47 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit déjà que « l’État détient directement la totalité du capital de la société France Médias ». À l’avenir, si l’État souhaite céder du capital, il faudra modifier la loi. La précision demandée est donc superflue.

La commission adopte l’amendement AC188.

En conséquence, l’amendement AC782 tombe.

Amendements AC783 et AC784 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Ces deux amendements s’inscrivent dans la logique de notre opposition à la création d’une holding exécutive.

Suivant les avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AC26 de Mme Béatrice Piron, AC58 de Mme Sophie Mette, AC122 de M. Philippe Ballard, AC158 de M. Salvatore Castiglione et AC785 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Béatrice Piron (HOR). Nous avons exclu France Médias Monde du périmètre de la holding à l’article 1er ; il faut donc faire de même à l’alinéa 3 de cet article.

Je suis d’ailleurs surprise que l’amendement du gouvernement que nous venons d’adopter ne le prévoie pas. Je ne comprends pas.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Je respecte le vote de notre commission, qui a exclu France Médias Monde du périmètre de la holding.

Toutefois, à titre personnel, je considère qu’en isolant France Médias Monde de l’acteur puissant qui naîtra du rapprochement de France Télévisions, Radio France et l’INA, nous risquons de fragiliser cette société à moyen terme.

Actuellement, des publics étrangers, en Afrique par exemple, s’informent non avec les chaînes d’audiovisuel extérieur, mais avec BFM TV, voire CNews – même si cela vous déplaît, c’est comme ça.

C’est mal connaître le fonctionnement de l’information que de penser que les chaînes devraient être dédiées soit à un public étranger, soit à un public national. Ne me faites pas croire que si nous créons une holding, Radio France et France Télévisions ne contribueront pas à informer des publics étrangers ! Avis défavorable à ces amendements.

Mme Rachida Dati, ministre. Nous avons exclu France Médias Monde du périmètre de la holding. Par cohérence, avis favorable.

M. Inaki Echaniz (SOC). Madame la ministre, les amendements des députés du bloc commun montrent bien le flou qui règne autour de l’inclusion de France Médias Monde. Or quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup.

Écrivons noir sur blanc que non, France Médias Monde ne fera pas partie de la holding, que ce soit à court ou moyen terme. C’est la position majoritaire dans cette commission, comme dans celle des affaires étrangères. Si le Parlement est souverain, il faut l’écouter.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous avons longuement débattu de différentes formes de rapprochement entre France Médias Monde et les autres médias publics. Au vu de la spécificité de cette société, il faut l’en exclure : elle dispose d’un réseau très important de correspondants à l’étranger et ne doit surtout pas être prise pour un média d’État.

J’espère que le sujet est définitivement clos. L’exclusion de France Médias Monde de la holding ne doit pas être une mesure temporaire, prise pour calmer les députés avant que de futurs gouvernements y reviennent. Nous serons nombreux à être vigilants.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, la semaine dernière, j’avais salué votre cohérence sur le sujet – effectivement, si vous pensez qu’une holding permettra de renforcer les chaînes, il n’y a pas de raison d’en exclure France Médias Monde. Je m’étonne donc de votre dernier argument. En quoi la possibilité pour des publics étrangers de consulter des chaînes privées change-t-elle les termes du problème ? Que changerait l’inclusion de France Médias Monde dans la holding à la concurrence exercée par les chaînes privées, que vous semblez déplorer ?

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Simplement, il ne faut pas imaginer que les chaînes sont dédiées exclusivement à un public donné, qu’il soit national ou étranger. France Télévisions et Radio France ne cesseront pas, demain, de viser un public étranger !

Que ce soit à travers une filiale ou un projet dédié, la holding aurait pu permettre de réfléchir aux moyens de faire travailler les différents médias de l’audiovisuel public – qu’ils soient plutôt nationaux ou plutôt dédiés à l’étranger – pour renforcer leur rayonnement auprès d’un public étranger. Il est dommage de se priver de cette réflexion.

Les usages évoluent, comme le montrent des chaînes telles que RT (Russia Today) et Al-Jazira – même si elles ne constituent pas des modèles souhaitables. Al-Jazira s’adresse à la fois aux publics domestique et extérieur. Seule la France sépare l’audiovisuel public en deux, selon qu’il vise l’un ou l’autre. Pour moi, ce n’est pas un modèle pertinent.

Mme Céline Calvez (EPR). Selon moi, la holding serait renforcée par l’intégration de France Médias Monde. Effectivement, les médias ne ciblent jamais le seul public domestique ou le seul public étranger. J’écoute RFI (Radio France internationale) alors que j’habite en France ! Et nous étions bien contents que des journalistes couvrent les lignes de front en Ukraine, qu’ils soient employés par France 2 ou France 24.

Je m’abstiendrai toutefois sur ce vote, puisque nous sommes désormais passés à l’article 2 et qu’il n’est pas certain que nous puissions achever l’examen du texte. Mais, je le redis, la holding devrait intégrer France Médias Monde.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Si jamais l’examen de cette proposition de loi se poursuit, je crains que la question de l’intégration de France Médias Monde ne revienne.

Si France Médias Monde se distingue des autres médias de l’audiovisuel public, ce n’est pas seulement parce qu’il s’adresse à un public étranger : c’est parce que cela l’oblige à fournir des garanties supérieures d’indépendance. Al-Jazira est une chaîne privée très liée à l’État. Sa situation n’est donc pas comparable.

Il est essentiel de garantir l’indépendance de France Médias Monde pour préserver la sécurité des personnes qui travaillent pour ce média. En outre, celui-ci diffuse dans différentes langues, en adoptant des visions très diverses. Ce n’est pas le même objet que la holding exécutive – qui est d’abord destinée au marché intérieur français – et il ne peut s’inscrire dans la même stratégie.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Monsieur le rapporteur, je m’étonne que vous preniez Al-Jazira pour référence, ou illustration. Son objectif, qui est effectivement idéologique, est tout à fait différent de celui de l’audiovisuel public dans un pays démocratique, et heureusement.

Madame Bannier, les arguments que vous avancez pour justifier l’exclusion de France Médias Monde de la holding valent pour les autres médias et justifieraient de renoncer à la création de la holding !

Mme Géraldine Bannier (Dem). Le groupe Les Démocrates a toujours été favorable à l’exclusion de France Médias Monde de la holding. C’était la position de Jean-Louis Bourlanges, ancien président de la commission des affaires étrangères.

En effet, ce média assume une mission particulière, diplomatique, de portage de la francophonie, et fournit un travail spécifique sur les langues locales. C’est un vecteur à l’étranger des valeurs démocratiques. Nous devons préserver son indépendance.

De même, Arte France ne peut entrer dans la holding du fait de l’accord franco-allemand qui la régit. Il est cohérent que les deux chaînes qui travaillent à l’étranger restent indépendantes.

M. Inaki Echaniz (SOC). Madame Bannier, je me réjouis de vos propos, qui confirment les nôtres.

Madame la ministre, vous citez le cas d’Al-Jazira...

Mme Rachida Dati, ministre. Ce n’est pas moi qui l’ai cité. Ne m’essentialisez pas !

M. Inaki Echaniz (SOC). Ne me parlez pas d’essentialisation… Mais, mea culpa, c’est M. le rapporteur qui a parlé d’Al-Jazira.

Il y a quelques semaines ou mois, c’était la BBC que vous mettiez en avant matin, midi et soir. Mais la BBC elle-même est revenue sur l’intégration de BBC World Service, constatant qu’elle avait mis en difficulté cette filiale équivalente à France Médias Monde. Les comparaisons avec l’étranger montrent qu’il faut sanctuariser l’exclusion de France Médias Monde de la holding.

Madame la ministre, je vous prie de m’excuser pour ma confusion. En revanche, je n’apprécie pas d’être accusé d’essentialisation – la discussion à venir sur les langues régionales nous permettra de revenir sur ces questions.

Mme Béatrice Piron (HOR). L’alinéa 3, qui est visé par ces amendements, précise que France Médias, « ainsi que les sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde [...] sont soumises à la législation sur les sociétés anonymes ainsi qu’à l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 [et que] leurs statuts sont approuvés par décret. » En somme, si nous maintenons la rédaction actuelle, cela ne changera pas le périmètre de la holding.

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Je n’ai pas pris Al-Jazira pour modèle ! Simplement, la scission entre audiovisuel intérieur et extérieur, qui est vieille de plusieurs décennies, est devenue anachronique car le numérique permet de capter l’intégralité des chaînes où que l’on soit. Ainsi, il est possible d’écouter BFM TV et CNews au Maroc et Al-Jazira en France.

M. Alexis Corbière (EcoS). Encore Al-Jazira !

M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur. Alors, parlons de regarder Gulli en Suisse ! Quoi qu’il en soit, si nous voulons que la voix de la France porte dans le monde, que notre audiovisuel rayonne à l’international, il faut lui en donner les moyens. Vous demandez des exemples de projets, en voilà un : nous avions une occasion unique de créer un service international au sein de la holding, qui fédérerait les services internationaux des chaînes nationales, des radios nationales et de France Médias Monde. Ce service aurait été un acteur puissant.

Madame Taillé-Polian, il ne faut pas graver pour l’éternité dans le marbre de la loi l’exclusion de France Médias Monde de la holding. Si demain nous constatons que celle-ci fonctionne et que France Médias Monde est marginalisée, nous devons pouvoir l’y intégrer.

La commission adopte les amendements.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Il est minuit moins une et il nous reste 1 538 amendements à examiner. Il faut prendre acte que notre commission n’est pas en mesure d’achever la discussion des articles du texte.

La commission prend acte qu’elle n’est pas en mesure d’achever l’examen de la proposition de loi.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte initial de cette proposition de loi.


   TRAVaux de la commission de la commission des affaires étrangères

Lors de sa réunion du 4 décembre 2024, la commission procède à l’examen pour avis, ouvert à la presse, et au vote des articles 1er à 5 et 8 de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (n° 118), sur le rapport de M. Bruno Fuchs, rapporteur pour avis.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Mes chers collègues, la commission des affaires culturelles et de l’éducation est actuellement appelée à débattre le 10 décembre prochain de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, adoptée par le Sénat le 21 avril dernier. Le président de notre commission a jugé important que la commission des affaires étrangères apporte en amont son regard sur ce dossier en émettant un avis, ce qu’elle n’avait pu faire sous la XVIe législature.

En concertation « express » avec les membres du bureau, il a donc été décidé que nous puissions nous saisir pour avis sur les articles concernant plus particulièrement la création d’une holding incluant tous les opérateurs de l’audiovisuel public, dont France Médias Monde, c’est-à-dire des articles 1er à 5 et de l’article 8.

À défaut d’en débattre cette semaine, notre commission aurait pu se voir empêchée à nouveau d’apporter sa contribution à l’examen du texte redéposé sous cette législature, d’initiative parlementaire et dont la commission saisie au fond peut se saisir à sa convenance, ce qui explique les modalités quelque peu soudaines dans lesquelles nous nous réunissons à ce sujet. Cette configuration a été jugée moins préjudiciable que celle dans laquelle la commission des affaires étrangères s’était retrouvée sous la précédente législature, dont certains d’entre nous se souviennent.

Nous allons donc procéder, en premier lieu, à la désignation d’un rapporteur pour avis sur les dispositions du texte dont nous sommes saisis, puis nous l’entendrons avant de nous prononcer. Sur la base des échanges menés de manière informelle entre le président, les membres du bureau et les correspondants de groupes, je suis saisi de la candidature de notre président, M. Bruno Fuchs.

Je constate qu’il n’y a pas d’objection. Il en est donc ainsi décidé. Je laisse sans plus attendre la parole à notre président-rapporteur.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Ce processus s’avère effectivement rapide mais nous souhaitons être la première commission à débattre de ce sujet absolument central, notamment pour l’influence de la France dans le monde. Je suis donc ravi que notre commission puisse se saisir, même pour avis, de ce texte sur l’audiovisuel public.

Cette proposition de loi comporte deux chapitres. Le premier procède à une réforme de l’audiovisuel public, via la création d’une société holding dénommée « France Médias », qui serait chargée de définir les orientations stratégiques des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (FMM) et Institut national de l’audiovisuel (INA). Le second chapitre, sur lequel l’avis de notre commission ne porte pas, contient des dispositions visant à préserver la souveraineté audiovisuelle de la France et à réduire les asymétries réglementaires entre les grandes plateformes et les acteurs traditionnels de l’audiovisuel.

Dans le détail du champ de notre saisine, l’article 1er de la proposition de loi définit les missions de la société holding France Médias, qui aurait pour missions de définir les orientations stratégiques de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel.

L’article 2 dispose que l’État détiendrait l’intégralité du capital de la société France Médias et de ses filiales et soumet ces sociétés à la législation sur les sociétés anonymes.

L’article 3 détermine la composition des conseils d’administration de France Médias et de ses filiales. Le président-directeur général de la holding présiderait chacun des conseils d’administration de ses filiales.

L’article 5 de la proposition de loi substitue aux contrats d’objectifs et de moyens des conventions stratégiques pluriannuelles (CSP) conclues entre l’État et chacune des deux sociétés France Médias et Arte France.

Enfin, l’article 8 prévoit les dispositions transitoires nécessaires à la création du groupe France Médias.

Les promoteurs du texte ne cachent pas que, derrière cette démarche apparente de mutualisation des synergies à travers une structure légère et stratégique, se profile une étape pure et simple de fusion des différentes entités concernées. Avant la dissolution de la XVIe législature, lorsque la discussion de la proposition de loi était envisagée à l’Assemblée nationale, le gouvernement avait lui-même poussé la logique à son terme en enjambant carrément, de sa propre initiative ou par le soutien à des amendements allant en ce sens, l’étape de la holding pour établir directement une fusion pure et simple de l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel public.

Or, la société France Médias Monde est incluse dans ce processus alors même qu’elle fonctionne selon des modalités spécifiques et joue un rôle très différent de celui de France Télévisions ou de Radio France.

Ce choix apparaît contestable. Je ne reviendrai pas longuement sur l’attention que porte notre commission au rôle, au travail et aux moyens de France Médias Monde. Ce groupe est un acteur de rayonnement majeur de la France à l’étranger mais c’est aussi le « petit Poucet » de l’audiovisuel public, avec un budget de 303 millions d’euros sur un total de 4 milliards, dont l’absorption dans un ensemble plus vaste ne rendrait pas la France plus visible à l’international.

Grâce à l’implication des membres de la commission des affaires étrangères lors de la précédente législature, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale n’avait pas opté de manière franche et claire, le 15 mai 2024, pour une exclusion de FMM de la holding France Médias.

Je souhaite personnellement que cette position soit maintenue et je soumettrai donc à notre commission des amendements visant à exclure FMM du champ de la proposition de loi. Nous devons, me semble-t-il, consolider l’autonomie de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, ce qui justifie l’adoption de plusieurs amendements poursuivant cet objet.

En nous prononçant, collectivement en ce sens, au nom de la commission des affaires étrangères, nous adresserons un signal, à la fois à l’Exécutif mais également à nos collègues de la commission des affaires culturelles, du souhait de notre commission de voir France Médias Monde demeurer à l’écart d’une telle réforme.

Je rappelle enfin que notre commission n’est pas compétente pour traiter des questions d’organisation de l’audiovisuel public s’agissant de la France. Nous nous attachons uniquement aux volets de la politique et de la communication extérieures de la France.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Je souscris à cette position. Nous en venons à présent aux orateurs des groupes politiques.

Mme Liliana Tanguy (EPR). Le groupe Ensemble pour la République exprime aujourd’hui son soutien à la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle. Ce texte, porté par une vision ambitieuse, trace les contours d’un service public modernisé et renforcé, adapté aux enjeux stratégiques de notre époque.

En 2015, un rapport sénatorial préconisait déjà un regroupement des acteurs de l’audiovisuel public autour d’une société holding. Ce rapport soulignait que la fragmentation actuelle limite notre capacité à répondre efficacement aux défis posés par la concurrence internationale et l’évolution des usages numériques.

Cette proposition de loi s’inscrit dans cette continuité et répond à un besoin impérieux d’action. Elle concrétise enfin ce projet en prévoyant la création de France Médias, une entité regroupant France Télévisions, Radio France, l’Institut national de l’audiovisuel et France Médias Monde. Quelques chiffres permettent de mesurer l’ampleur de cette réforme. Les services publics audiovisuels représentent aujourd’hui près de 4 milliards d’euros de financement public annuel, dont France Médias Monde bénéficie à hauteur de 282 millions d’euros pour remplir ses missions internationales. Ce soutien n’est pas un luxe. Il correspond à un investissement stratégique pour une souveraineté culturelle et l’influence de la France dans le monde. Avec plus 250 millions de téléspectateurs et auditeurs hebdomadaires, France Médias Monde joue un rôle unique dans la diffusion de la langue française et la promotion de nos valeurs universelles.

Le maintien de France Médias Monde au sein de cette holding est donc une nécessité. Cette entité, à travers RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya, représente l’incarnation de notre rayonnement culturel, diplomatique et linguistique sur tous les continents. L’écarter de ce projet reviendrait à affaiblir une pierre angulaire de notre politique d’influence à l’international. Cette réforme n’est pas qu’une organisation technique. Elle apporte des garanties essentielles : des mécanismes de gouvernance renforcée, avec la nomination d’administrateurs indépendants pour garantir l’impartialité de l’information ; des conventions stratégiques pluriannuelles pour une vision claire et pérenne et une ambition partagée de produire des contenus de qualité à forte valeur ajoutée. Ces mesures permettront de bâtir une « BBC à la française », une institution qui conjugue indépendance éditoriale, attractivité internationale et efficacité économique.

En conclusion, ce projet est bien plus qu’un simple changement structurel. Il constitue un pari sur l’avenir de notre audiovisuel public, un outil de cohésion nationale, de rayonnement international et de souveraineté culturelle. Soutenons cette réforme ambitieuse et, surtout, affirmons avec force l’importance de France Médias Monde dans cette nouvelle dynamique.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Je reprendrai le terme que vous utilisez : il s’agit d’un « pari ». Or il ne faut pas parier sur l’avenir mais plutôt se fonder sur des certitudes.

L’intégration de France Médias Monde dans cette holding n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact. Le budget de FMM s’élève à 303 millions d’euros, sur un total de 4 milliards d’euros pour l’audiovisuel public. Si ce budget de 4 milliards devait être réduit, cela impacterait encore plus FMM, diluant son efficacité. Or cette société travaille très différemment, à partir d’une autre organisation.

En résumé, en l’absence d’étude d’impact et d’engagements clairs sur les cinq ou dix ans à venir, il me semble que l’intégration de FMM dans une structure plus large représenterait un risque majeur, raison pour laquelle je ne la souhaite pas.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). J’aurais pu dire que cette proposition de loi, qui crée une holding dans l’audiovisuel public, constitue une fausse bonne idée. Mais en réalité, elle a tout d’une vraie mauvaise idée.

Ce projet de holding est superflu et, à ce titre, il ignore les conditions réelles de travail et de production. Pensé par les « magiciens » des économies d’échelle, il ne fait pas dans le détail. Comment faire comprendre aux auteurs de cette proposition que les métiers de journaliste radio et de journaliste de télévision sont deux métiers bien différents ? En un sens, à la radio, l’image doit passer par le son et trouver une texture toute particulière. Cela échappe au génie du management qui inspire cette loi.

Les promoteurs de la start-up nation sont bien souvent mal inspirés. Pour eux, les métiers n’ont pas de contenu. Ce projet est nocif car il ne repose en réalité que sur une seule exigence, celle qui dicte depuis des années l’ensemble des politiques publiques, avec le succès éclatant que l’on observe tous les jours : rentabiliser, économiser, aller au plus bas coût. Ce principe est un principe de destruction inacceptable.

Outre qu’elle ignore les conditions réelles d’exercice des métiers variés qui existent à Radio France, FMM, France Télévisions et l’INA, cette proposition de loi est dangereuse pour la démocratie. Alors que les milliardaires, certains plus ouvertement d’extrême droite que d’autres, s’emparent de l’espace public, la création d’une holding fragiliserait l’audiovisuel public. La création d’une holding est le prélude à la mise en place de filiales externalisant la production et, enfin, à la privatisation. Le chemin est tout tracé pour permettre à la droite la plus dure et à l’extrême droite de réduire à peau de chagrin ce qu’il reste d’investigation et de moyens d’enquête autonomes. Au niveau local, la fusion entre France Bleu et France 3 Régions est déjà un échec total.

Les risques d’un tel projet concernent aussi la couverture internationale de l’actualité. RFI et France 24 sont des médias essentiels pour informer des millions de personnes dans le monde entier. Nous n’ignorons pas que si la holding est créée, la priorité risque d’être accordée à l’actualité nationale sur l’actualité internationale. L’autonomie stratégique serait perdue pour les différentes entités de l’audiovisuel public et la couverture internationale risquerait fort d’être le parent pauvre de cette nouvelle entité.

Dans le contexte actuel, il est pourtant essentiel que nos concitoyens soient informés des dynamiques géopolitiques et de l’évolution du monde, mais également que les voix de la France soient entendues à l’international. Cette proposition de loi est donc un texte d’affaiblissement de notre capacité à décider collectivement sur les questions internationales et un texte de rabougrissement de la France. Ignorante des conditions réelles de production de l’information, enchaînée à une idéologie caduque, dangereuse pour la démocratie et nuisible pour l’information, cette proposition de loi doit être rejetée.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Nous avons pris le parti de ne pas discuter de la proposition elle-même et de son contenu, puisqu’il s’agit une organisation liée aux médias dans l’espace métropolitain et l’outre-mer français. Cependant, je ne partage pas les éléments que vous mentionnez concernant les métiers de journaliste de radio et de journaliste de télévision, qui ne sont pas si différents.

Je ne suis pas d’accord non plus avec vous sur les plus bas coûts ou sur le fait qu’une holding fragilise nécessairement cet audiovisuel public. Tout dépend de la manière dont la réforme est menée. La question porte plutôt sur la définition de « l’ADN » d’un service public de l’information ou de l’audiovisuel. Or aujourd’hui il n’est pas évident que le public discerne ce qui appartient réellement au service public de ce qui relève des programmes diffusés sur des chaînes privées.

En revanche, je partage votre point de vue sur France Médias Monde. Son intégration dans une structure plus large l’affaiblirait très clairement, de même que l’influence de la France dans le monde.

M. Alain David (SOC). Notre commission a adopté depuis plusieurs années une position quasi unanime et surtout constante, afin de défendre notre audiovisuel extérieur et la spécificité de France Médias Monde dans la galaxie de l’audiovisuel public. Cette constance et cette unanimité nous ont permis de haute lutte, dans le sillage du président Bourlanges, d’écarter en juin dernier une filialisation et ce projet de holding, qui auraient pratiquement sonné le glas de l’avenir d’un audiovisuel extérieur ambitieux, reconnu et respecté.

Pour ces raisons, avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés de la commission, nous continuons à réclamer que l’arbitrage de mai dernier visant à reconnaître les missions internationales très spécifiques de France Médias Monde soit reconduit, surtout dans le contexte international conflictuel que nous connaissons.

Ainsi, France Médias Monde doit rester en dehors de la réforme de structure envisagée pour l’audiovisuel public par cette proposition de loi sénatoriale. Plus globalement, nous sommes circonspects sur l’utilité d’un tel texte, qui risque de mettre à mal l’indépendance des rédactions. Jean-Noël Jeanneney, ancien président de Radio France, écrivait récemment dans une tribune publiée par Le Monde que « De même que le bicamérisme a ses vertus, en divisant les influences, les intérêts, les stratégies rhétoriques, de même, il est bon qu’il n’y ait pas qu’un seul « despote » (au sens de Montesquieu) à la tête de tout l’audiovisuel public ».

Le pluralisme et les diversités actuelles de l’audiovisuel public sont précieux. Ils garantissent une information fiable, vérifiée et intègrent la multiplicité des structures et la pluralité des antennes, protègent de fait l’indépendance. Plus précisément, en ce qui concerne notre commission, afin de préserver les missions de France Médias Monde à l’international, il est indispensable de ne pas désarmer cet outil face aux ingérences et aux concurrences débridées de la part de médias de propagande venue à la fois de Russie, de Chine ou de Turquie.

L’enjeu pour France Médias Monde est au contraire de conforter ses moyens et ses missions. Le projet de holding exécutive ne vise que des enjeux nationaux, au risque de voir passer l’international et le plurilinguisme au second plan. Selon Mme Saragosse, il n’y a aucune synergie possible avec France Télévisions ou Radio France pour accroître les offres dans des langues pourtant stratégiques comme le russe, l’arabe, le mandarin ou encore les langues sahéliennes. Le risque est réel de voir passer l’international et le plurilinguisme comme une priorité de second plan.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, nous nous opposerons à ce texte. Vous pouvez compter sur notre détermination.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Je partage une grande partie des derniers propos. Il peut exister des synergies opérationnelles entre toutes les sociétés de l’audiovisuel public mais elles n’impliquent pas forcément la création d’une holding.

Mme Anne Bergantz (Dem). Cette proposition de loi prévoit, dans sa version actuelle, de regrouper les groupes France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA au sein d’une holding intitulée « France Médias ». À travers cette gouvernance renouvelée, le texte entend favoriser la création de nouvelles synergies entre ces groupes et procurer davantage de moyens pour l’information, le renforcement numérique et l’engagement de proximité, en particulier face à l’émergence d’acteurs audiovisuels étrangers. Ces objectifs sont tout à fait entendables.

Cependant, fidèle à ses positions déjà prises lors de l’examen de ce texte en commission des affaires culturelles en mai dernier, le groupe Les Démocrates souhaite alerter la commission des affaires étrangères sur les conséquences qu’aurait ce rapprochement pour France Médias Monde, qui occupe une place unique dans le paysage audiovisuel public français. Tourné vers une audience extérieure de 225 millions de téléspectateurs présents dans plus de cent pays, le groupe dispose de sa propre stratégie éditoriale, que ne partagent pas les autres groupes nationaux. Il serait ainsi particulièrement risqué de dissoudre ce groupe, qui ne représente que 7 % à 8 % du budget d’audiovisuel public, au sein d’un mastodonte largement dominé par Radio France et France Télévisions.

France Médias Monde doit donc absolument conserver l’autonomie qui fait la force de son modèle à l’heure où des pays rivaux nous mènent une guerre informationnelle sans merci, dont les journalistes français sont la cible. Si notre groupe politique partage l’intérêt de créer des coopérations entre ces différents acteurs à travers une holding, nous nous opposons au maintien de France Médias Monde dans son périmètre. Il s’agit pour nous d’un point essentiel, qui déterminera notre position de vote sur ce texte à l’issue des débats.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Je partage ce point de vue.

M. Vincent Trébuchet (UDR). La proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle représente une avancée importante pour adapter notre cadre législatif à un secteur en profonde mutation. Les plateformes de vidéo à la demande, les réseaux sociaux et la compétition accrue pour les droits de diffusion exigent des réponses ambitieuses et pragmatiques.

Nous saluons la création de la holding France Médias, qui permettra une gestion plus cohérente et efficace de l’audiovisuel public, mais nous voyons cette réforme comme une étape vers une privatisation progressive de cet ensemble. Le secteur privé est aujourd’hui le moteur de l’innovation. La compétitivité est le garant de la pluralité de l’offre audiovisuelle. L’État n’a pas vocation à conserver indéfiniment le contrôle d’un secteur qui peut prospérer sous une gestion privée tout en respectant les missions d’intérêt général clairement définies.

Cependant, nous affirmons notre opposition à l’idée d’une fusion à terme complète des différentes entités publiques dans une structure unique. Chaque acteur, qu’il s’agisse de France Télévisions, de Radio France, ou de l’INA possède une identité et une expertise qui ne doivent pas être diluées. Regrouper les moyens, oui ; uniformiser les missions, non.

Le groupe UDR votera donc en faveur de cette proposition de loi sous deux conditions.

La première est la suivante : la société France Médias Monde doit être exclue du projet de regroupement des acteurs de l’audiovisuel public. Le groupe UDR défend une optique de privatisation à terme de l’audiovisuel public, regroupé dans la holding France Médias, mais nous estimons que le statut particulier de France Médias Monde doit l’exclure de cette privatisation. Il est important que l’État État garde le contrôle de cet acteur majeur, de son rayonnement à l’international et de la défense de la langue française.

La deuxième condition, qui concerne moins notre commission, est celle-ci : nous exigeons un plafonnement strict des recettes publicitaires des chaînes publiques. Il est temps d’instaurer une concurrence juste avec les chaînes privées. L’audiovisuel public bénéficie déjà de subventions importantes. L’équité doit être établie.

En somme, notre action est guidée par les principes suivants : souveraineté, équité et transition vers un modèle où le privé joue un rôle central au service de l’excellence et de la diversité de l’offre audiovisuelle. Nous serons donc attentifs à ces points lors des débats à venir.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Je ne commenterai pas, dans le cadre de cette commission, votre projet pour l’audiovisuel public français. En revanche, je suis favorable à l’exclusion de FMM de cette holding.

Mme Marine Hamelet (RN). Le secteur de l’audiovisuel croule sous les normes désuètes qui datent du siècle dernier et ne s’appliquent pas aux GAFAM. Au Rassemblement National, nous souhaitons permettre l’émergence de grands groupes français capables de rivaliser avec ces géants du numérique et de promouvoir l’exception culturelle française. Cela doit passer par la privatisation de notre audiovisuel public, à l’exception de l’audiovisuel extérieur et ultramarin. Telle est notre proposition de réforme. Elle permettrait, à terme, de dégager plus de 3 milliards d’euros d’économies par an sans coûter un seul centime aux Français. Voilà une proposition concrète pour réduire le train de vie de l’État.

En outre, nous pouvons nous interroger sur la pertinence de conserver des groupes du secteur audiovisuel public qui, au vu de la propagande parfois insidieuse qu’ils déversent quotidiennement, n’ont de service public que le nom. Le manque d’objectivité et la partialité évidente de certains programmes nous conduisent à nous interroger sur le respect des exigences de déontologie, d’indépendance et de pluralisme que le législateur avait pourtant assigné à ce service public.

Ce projet de holding n’est pas suffisant mais la direction est la bonne. Au cours de cette discussion, nous serons cependant attentifs à deux points d’importance majeure.

Le premier concerne l’exclusion de France Médias Monde de cette holding, dans la mesure où les médias constituent un outil diplomatique à l’heure d’une véritable guerre de l’information. Nous saluons, monsieur Fuchs, vos amendements, qui donnent satisfaction à cette revendication, que nous portons également depuis le début.

Le second porte sur le maintien du plafonnement des recettes publicitaires de la holding, en cohérence avec notre projet de réforme. Nous pensons qu’il est nécessaire de fixer une limite aux recettes publicitaires de l’audiovisuel public pour éviter une concurrence déloyale avec les acteurs privés français.

Ces deux préalables satisfaits, nous nous prononcerons favorablement sur cette proposition de loi.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Mon commentaire est identique à celui que j’ai formulé après l’intervention de M. Trébuchet.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Je cède à présent la parole à ceux qui désirent s’exprimer à titre individuel.

M. Stéphane Hablot (SOC). La situation est extrêmement grave. Il s’agit de voir comment l’information publique peut rester objective. Des économies financières peuvent être réalisées mais le véritable enjeu consiste à conserver l’indépendance, la liberté d’expression et l’objectivité de l’information. Des médias comme CNews sont privatisés. S’il existe un lien entre le privé et politique, l’objectivité disparaît.

Un pays qui s’en prend à la liberté d’expression est un pays au bord du gouffre. C’est peut-être le cas de la France. Le privé n’est pas un « gros mot », à partir du moment où l’on garantit l’objectivité de l’information.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Je rappelle le cadre de notre examen pour avis ce matin, qui concerne les articles 1er à 5 et l’article 8, concernant France Médias Monde. Nous aurons l’occasion de débattre plus en détail de tous les articles de cette proposition de loi lors de l’examen en séance.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. J’ai bien évidemment un avis personnel sur les projections de construction de cet audiovisuel public. En revanche, dans le cadre du rapport que je présente, je m’interdis bien évidemment d’effectuer un commentaire général.

Mme Eléonore Caroit, présidente. La discussion générale est close. Nous passons à présent à l’examen des articles et des amendements sur ces articles.

*

Article 1er : Création de la société holding France Médias et transformation de l’INA en société anonyme

Amendement de suppression AE1 de M. Aurélien Saintoul

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Je me permets tout de même d’interroger cette idée selon laquelle nous ne discuterions pas de la question de la holding elle-même, puisque les articles dont la commission est saisie portent sur la création de la holding. Cet amendement est un amendement de suppression car ce projet nous semble être une menace. D’ores et déjà, des dynamiques de filialisation sont à l’œuvre et conduisent à sous-traiter au privé un certain nombre de fonctions de l’audiovisuel public. Il y a là une menace générale qui pèse sur la couverture internationale mais aussi sur l’organisation de notre audiovisuel public.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Je me permets de repréciser la méthode. Il ne s’agit pas que notre commission adopte ou rejette le fond de cette proposition de loi. Elle se saisit pour avis de la question, en particulier, de France Médias Monde.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. En cohérence, je suis obligé de vous demander de retirer votre amendement ou d’émettre un avis défavorable, si vous le maintenez.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Je maintiens cet amendement pour une raison simple : hier, en compagnie de mon collègue Saintoul, nous avons rencontré les syndicats de l’audiovisuel public et ceux-ci ont bien souligné que le modèle de l’audiovisuel public français est un modèle unique au monde, qu’il faut défendre comme tel. En conséquence, la commission des affaires étrangères peut être saisie pour avis sur l’ensemble du propos. Au fond, l’avis de la commission des affaires étrangères peut tout à fait porter sur la défense d’un modèle singulier, unique au monde : l’exception culturelle française.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Soit notre commission émet un avis favorable en adoptant notamment un certain nombre d’amendements, soit elle en émettra un défavorable mais, encore une fois, sans que cela influe alors sur le fond du texte pour ce qui concerne France Médias Monde.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Avis défavorable, puisque notre collègue maintient cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AE9 de M. Bruno Fuchs

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Il s’agit ici de l’amendement principal. Les autres amendements déposés sont des amendements de cohérence. Il a pour objet de retirer la société France Médias Monde du périmètre de la holding France Médias.

La commission adopte l’amendement.

Puis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er ainsi modifié.

Article 1er bis : Inscription des missions de TV5 Monde dans la loi du 30 septembre 1986

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er bis sans modification.

Article 2 : Détention par l’État de l’intégralité du capital de la société holding France Médias

Amendement de suppression AE2 de M. Aymeric Caron

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Amendement défendu.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour les raisons exposées précédemment.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AE10 de M. Bruno Fuchs

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de cohérence qui vise, à partir du vote de l’amendement précédent, à mettre en cohérence l’ensemble du texte et à retirer la société France Médias Monde du périmètre de la holding France Médias dans l’article 2.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE11 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Puis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 ainsi modifié.

Article 3 : Nouvelle gouvernance du secteur public de l’audiovisuel

Amendement de suppression AE3 de M. Aurélien Saintoul

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Amendement défendu.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AE12 de M. Bruno Fuchs

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Amendement de cohérence.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE13 de M. Bruno Fuchs

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Amendement de cohérence.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE14 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE15 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE16 de M. Bruno Fuchs

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Amendement de cohérence.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE17 de M. Bruno Fuchs

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Amendement de cohérence.

La commission adopte l’amendement.

Puis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 ainsi modifié.

Article 4 : Dispositions de coordination au sein de la loi du 30 septembre 1986

Amendement de suppression AE4 de M. Aymeric Caron

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Puisque le rapporteur pour avis a répondu tout à l’heure sur la différence entre les métiers, je me permets tout de même de nourrir le débat en partageant ce que les syndicats de l’audiovisuel public me disaient hier. Ils indiquaient ainsi que les promoteurs de la holding préfèreraient envoyer un seul et unique journaliste plutôt qu’un journaliste radio et un journaliste télévision. De leur point de vue, la manière dont on conçoit un reportage radio est tout à fait différente de la façon dont on réalise un reportage télé. Il s’agit de deux métiers distincts, dont les contenus sont différents. Ces contenus importent également sur le plan de l’actualité internationale. Souvent, les personnes interviewées disent plus de choses lorsqu’elles sont interrogées à la radio.

De même, il existe une différence de qualité entre l’audiovisuel public et l’audiovisuel privé. Il suffit, au hasard, de voir la différence entre les reportages de France Culture et ceux d’Europe 1.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Je ne préconise pas d’envoyer un seul journaliste. En revanche, je ne partage pas l’idée que les métiers de journaliste radio et de journaliste de télévision soient radicalement différents. Même si chacun a ses spécificités, un même journaliste est capable de faire de la radio, de la télévision ou de la presse écrite.

M. Guillaume Bigot (RN). Pour disposer d’un véritable service public de qualité, mieux vaut ne pas avoir un faux service public qui s’appuie sur des sociétés de copains et de coquins, qui produisent de la propagande au nom du service public.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Je comprends que Guillaume Bigot, qui a passé une partie de son temps sur les chaînes de Vincent Bolloré, tienne un pareil discours. Mais en réalité, l’audiovisuel public est au service des citoyens ; il informe, il cultive, il divertit, selon les termes de son cahier des charges. Il n’est pas là pour protéger l’intérêt des milliardaires et promouvoir, comme d’habitude, avec le grand parti de l’argent que vous formez, l’absence de partage des richesses dans ce pays, la division du peuple et la défense des idées racistes qui sont professées sur CNews.

M. Guillaume Bigot (RN). Je ne réponds pas à l’outrance, ni à l’insulte. En l’occurrence, l’emploi du terme « raciste » est une insulte. Ce n’est pas mon parti qui mène une propagande distincte en fonction de la couleur de peau ou de la religion. En outre, j’ai dirigé un établissement d’enseignement supérieur privé, j’ai créé plus de 130 emplois, j’ai ouvert des écoles. Je ne sais pas si vous en avez fait autant.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Je suis fier de travailler dans l’enseignement public.

M. Guillaume Bigot (RN). De mon côté, je n’ai pas vécu des impôts, j’ai fait rentrer de l’argent dans les caisses de la France.

M. Stéphane Hablot (SOC). Je ne souhaite en rajouter mais peut-être apaiser les esprits, en soulignant que la bande de copains et de coquins peut exister dans le privé ou dans le public.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Je vous propose d’en revenir à l’étude de l’amendement.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Monsieur Cadalen, vous avez indiqué précédemment que le service public français était singulier et qu’il fallait le protéger parce qu’il est unique dans le monde. Cependant, la concurrence est élevée, les expressions médiatiques sont très différentes, de même que les outils. Par conséquent, il faut le faire évoluer pour qu’il reste justement unique, singulier et à la pointe de l’information.

Je demande le retrait de l’amendement, qui n’entre pas dans le périmètre de la discussion de ce matin.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Je le maintiens.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Dans ce cas, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AE18 de M. Bruno Fuchs

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

La commission adopte l’amendement.

Puis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 ainsi modifié.

Article 5 : Création des conventions stratégiques pluriannuelles et allocation des ressources de l’audiovisuel public

Amendement de suppression AE5 de M. Aurélien Saintoul

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Défendu.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Je demande le retrait de l’amendement.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Je le maintiens.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AE19 de M. Bruno Fuchs

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Cet amendement maintient une convention stratégique pluriannuelle propre à France Médias Monde, qui ne saurait être confondue avec la convention stratégique applicable à la holding de l’audiovisuel public ou avec celle de la future entreprise unique.

Il s’agit d’un amendement de cohérence avec mon premier amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE20 de M. Bruno Fuchs

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Cet amendement et les suivants sont des amendements de cohérence.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE21 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE22 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE23 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE24 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE25 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Puis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 ainsi modifié.

Après l’article 5

Amendement AE7 de M. Aurélien Saintoul

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Cet amendement porte sur un sujet qui est directement lié à la question que nous traitons dans notre commission. Il concerne le mode de financement de l’audiovisuel public, qui est aujourd’hui fragilisé à la fois par un dispositif provisoire qui prélève une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour financer l’audiovisuel public mais ne fait pas disparaître complètement le risque de la budgétisation. Or certains pays considèrent que ce financement fait de RFI ou France 24 des médias liés au gouvernement français.

Cet amendement vise à rétablir une redevance audiovisuelle mais, cette fois-ci, progressive, de telle sorte à ce qu’elle soit plus juste. Cela permettra que la voix de la France soit entendue sur la base d’une forme d’indépendance qui permette à nos journalistes et à nos programmes d’être diffusés partout.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Cet amendement ne rentre pas dans le champ de notre avis de ce matin. Sur le fond, l’Assemblée nationale vient de modifier la loi organique du 1er août 2001 pour pérenniser une tranche de TVA affectée au financement de l’audiovisuel public. Si vous souhaitez revoir la question du financement, vous pouvez le proposer, mais pas ce matin.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 8 : Création de la société France Médias et mise en place de sa gouvernance

Amendement de suppression AE8 de M. Aymeric Caron

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). J’ai déjà interpellé la ministre de la culture sur ce sujet, laquelle sera ministre jusqu’à ce soir, probablement : il concerne le statut des correspondants internationaux. Non seulement la couverture internationale de l’actualité est menacée par le projet de holding mais, en plus, la question du statut et des conditions de travail des correspondants internationaux est particulièrement préoccupante.

Normalement, le droit français prévoit, en l’état, que n’importe qui travaillant pour la production d’une entreprise de presse française doit être traité selon les conditions du droit français. Malheureusement, cela n’est évidemment pas le cas. Notre commission doit rappeler que les correspondants internationaux doivent être protégés, leur rôle est décisif pour obtenir de l’information, sur des terrains souvent inaccessibles.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Vous vous trompez de commission. Nous sommes ici à la commission des affaires étrangères et non à la commission des affaires culturelles.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Nous sommes sensibles au statut des correspondants à l’étranger mais ce sujet ne figure pas dans le périmètre de notre discussion de ce matin.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AE26 de M. Bruno Fuchs

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Cet amendement et les suivants sont des amendements de cohérence avec l’amendement initial que nous avons voté.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE27 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE28 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE29 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE30 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE31 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Amendement AE32 de M. Bruno Fuchs

La commission adopte l’amendement.

Puis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 ainsi modifié.

Après l’article 8

Amendement AE6 de M. Aymeric Caron

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). J’ai défendu successivement plusieurs amendements liés à nos propositions de suppression de ce projet de holding. Il existe bien un lien entre ce sujet, la question de la couverture internationale de l’actualité pour les Français, et la protection de celles et ceux qui, à l’international, nous permettent d’avoir cette information.

Amendement défendu.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Chaque projet de loi de finances (PLF) permet justement de répondre à l’objet de l’amendement que vous portez ici, qui concerne une proposition de rapport visant à éclairer le Parlement. J’observe cependant que les votes sur le PLF se font de plus en plus rares. J’adopterais donc plutôt une position de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Nous avons fini l’examen des amendements qui étaient présentés dans cette commission. Nous allons maintenant mettre aux voix l’ensemble des dispositions qui ont fait l’objet de la saisine pour avis, telles que modifiées par les amendements adoptés.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Il existe visiblement une unanimité sur la nécessité de sanctuariser la société France Médias Monde et de lui permettre, dans les années à venir, de pouvoir encore mieux représenter la France et ses intérêts dans le monde. J’espère que cette unanimité se retrouvera dans le vote final.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Souhaitez-vous émettre un avis favorable à l’adoption des dispositions de la proposition de loi n° 118 dont notre commission s’est saisie pour avis, ainsi modifiées par les amendements que nous avons adoptés ?

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, ainsi modifiées.

Mme Eléonore Caroit, présidente. Il en est ainsi décidé. Le sens de ce vote figurera dans l’avis de notre collègue, annexé au rapport de fond de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. le président Bruno Fuchs, rapporteur pour avis. Je vous remercie, chers collègues. Je pense qu’il y a là une vision responsable de ce qu’il conviendra de faire dans les années à venir.

 

 


   TRAVaux de la commission de la commission des finances, de l’économie générale, et du contrôle budgétaire

La commission a procédé, pour avis, à l’examen de l’article 5 de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle au cours de sa réunion du lundi 31 mars 2025.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons à l’examen pour avis de l’article 5 de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, qui sera examinée au fond par la commission des affaires culturelles dès demain.

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. À ma demande, notre commission s’est saisie pour avis de l’article 5 de cette proposition de loi. Ce dernier prévoit de créer des conventions stratégiques pluriannuelles (CSP), qui remplaceraient les actuels contrats d’objectifs et de moyens (COM) conclus entre l’État et les organismes qui composent l’audiovisuel public. Cet article traite donc également de l’allocation des ressources de ce secteur, ainsi que du rôle du Parlement dans la détermination de sa stratégie et de son financement.

Un point très bref sur l’ensemble du texte : il prévoit de réformer la gouvernance de l’audiovisuel public grâce à la mise en place d’une holding, France Médias, composée de plusieurs filiales – France Télévisions, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). France Médias Monde devait initialement en faire partie, mais le gouvernement a décidé la semaine dernière de l’en exclure, comme le souhaitait la commission des affaires étrangères.

J’en viens à l’article dont nous nous sommes saisis.

Certains points ont particulièrement appelé mon attention.

Il s’agit tout d’abord du rôle et de l’information du Parlement en ce qui concerne la stratégie et le financement de l’audiovisuel public. L’article 5 prévoit en effet de reproduire le système actuel de consultation pour avis des commissions compétentes des deux assemblées, laquelle porterait désormais sur les projets de CSP et non plus de COM. Or cette solution n’est pas satisfaisante en l’état, car on risque d’en rester encore une fois à des documents de pilotage peu contraignants et pour lesquels l’avis exprimé par les commissions n’est pas toujours effectivement pris en compte.

De plus, la constitution d’une holding aura nécessairement pour conséquence de diminuer le rôle du Parlement, puisque le budget de cette dernière sera désormais global. Le Parlement doit pouvoir peser davantage et exercer un contrôle sur le respect du contenu des CSP, notamment en ce qui concerne la clé de répartition prévue entre les différentes filiales de la holding. J’ai déposé deux amendements pour permettre aux commissions des finances des deux assemblées, à la majorité des trois cinquièmes, de s’opposer à la signature d’une CSP ou bien de la dénoncer si elles la jugent caduque en raison d’un écart trop important entre la trajectoire financière annoncée et sa réalisation.

Par ailleurs, je souhaite que le Parlement soit informé du coût des réorganisations entreprises par France Médias. L’étude d’impact transmise par la DGMIC (direction générale des médias et des industries culturelles) la semaine dernière indique que la constitution de cette holding aura lieu sans augmentation de la masse salariale, en ayant recours au personnel déjà employé. Toutefois les mutualisations et réorganisations auront nécessairement un coût à court et moyen terme. Le Parlement doit en être informé et c’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement demandant un rapport sur ce point.

Enfin, cet article prévoit de plafonner les recettes tirées de la publicité et du parrainage pour France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, y compris dans le domaine numérique. Ce plafond figurerait d’ailleurs dans les futures CSP.

Je suis opposé au plafonnement des recettes publicitaires liées au numérique. Les différentes études sur le marché de la publicité numérique montrent en effet que les principaux concurrents de l’audiovisuel français sont les Gafam. Un tel plafond bénéficierait donc avant tout à ces multinationales, et non aux acteurs français privés de l’audiovisuel. Il existe déjà un plafond de recettes publicitaires pour les antennes traditionnelles de Radio France et je suis pour le statu quo.

S’agissant de France Médias Monde, le plafonnement des recettes publicitaires n’aurait pas de sens, car ses médias sont morcelés et ne font pas une concurrence significative à des acteurs français.

La publicité sur les chaînes du groupe France Télévisions fait quant à elle déjà l’objet d’un cadre contraignant. Compte tenu de l’importance des ressources publicitaires –  entre 15 et 20 % de son budget – et des efforts financiers importants demandés à cette société – notamment avec l’annulation d’une partie de ses crédits en 2024 et la baisse de ces derniers en 2025 –, la mise en place un tel plafond n’est pas souhaitable.

Certains amendements proposent de supprimer l’article 5. Je rappelle que la saisine de notre commission porte seulement sur les CSP qui seront conclues avec France Médias, et non sur la pertinence de la création de cette dernière.

M. le président Éric Coquerel. Créer une société holding France Médias qui détiendrait la totalité du capital et définirait les orientations stratégiques de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’INA n’est pas une idée nouvelle. Elle avait été évoquée dès 2015 dans un rapport parlementaire, puis reprise par le candidat Nicolas Sarkozy en 2016, l’objectif avancé étant de rationaliser le fonctionnement de l’audiovisuel public. Le projet avait été mis à l’ordre du jour en décembre 2019 puis abandonné du fait du covid. Il a ensuite été remis sur les rails en 2023.

Ce texte est destiné, nous dit-on, à renforcer l’audiovisuel public. Je suis pour ma part opposé à cette proposition. On ne peut pas dire que le système actuel de gouvernance de l’audiovisuel public fragilise ce dernier. France Télévisions est le premier groupe audiovisuel français, quatre Français sur cinq regardent ses chaînes chaque semaine et Radio France est également une référence dans son secteur.

En revanche, la réforme fait peser une menace. Sous prétexte de rationalisation et de concentration, on a affaibli les hôpitaux publics et je crains qu’on aboutisse au même résultat pour l’audiovisuel public. Je rappelle que son budget a baissé depuis 2017. Il a été encore réduit de 150 millions d’euros en 2025 avec l’adoption du projet de loi de finances grâce au 49.3. Et le moins que l’on puisse dire est que la suppression de la contribution à l’audiovisuel public en août 2022 et son remplacement par l’affectation d’une fraction du produit de la TVA n’ont pas garanti la prévisibilité et la stabilité des recettes.

Je crains fort que ce projet affaiblisse l’audiovisuel public, car il repose sur une volonté de réduire les coûts et les effectifs. Il y a aussi le risque de rendre ce dernier plus vulnérable aux pressions des puissances économiques et politiques ou, pour aller vite, de revenir à l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française).

Nous ne sommes même pas assurés que cette réforme produira des économies, sachant que le coût d’adaptation des structures de France Télévisions lié à la création de la holding s’élève déjà à plus de 190 millions d’euros.

Pour toutes ces raisons, je suis opposé à cette proposition.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Cette proposition de loi est très éloignée de la réforme de l’audiovisuel public proposée par le Rassemblement national. Nous souhaitons en effet privatiser l’audiovisuel public. L’État n’a pas vocation à être un acteur majeur des médias et la pluralité et l’indépendance de l’information passent par une ouverture au secteur privé. Cela garantirait un paysage médiatique plus diversifié, plus dynamique et mieux adapté aux attentes des citoyens.

Par-delà cet objectif de long terme, cette proposition de loi doit être modifiée.

D’une part, nous demandons que les médias intervenant à l’étranger, et en particulier France Médias Monde, ne fassent pas partie de la holding. Ils remplissent en effet une mission stratégique en contribuant au rayonnement international de la France et ne peuvent être traités de la même manière que le reste de l’audiovisuel public.

D’autre part, dans l’attente d’une privatisation, nous devons garantir un contrôle réel du Parlement sur l’audiovisuel public. Il est essentiel que l’utilisation des fonds publics soit transparente et que les représentants de la nation puissent exercer leur pouvoir de contrôle sur ces dépenses. Cela permettrait d’assurer une gestion plus rigoureuse et une véritable responsabilité démocratique. C’est ainsi que nous pourrons moderniser et libérer le paysage audiovisuel, tout en réalisant des économies budgétaires colossales afin de ménager l’argent des contribuables français.

M. David Amiel (EPR). Notre approche est très différente de celle qui vient d’être décrite, car nous croyons en l’audiovisuel public. Nous pensons qu’il est important que l’information, la culture et le divertissement ne soient pas aux mains des seules chaînes privées, qu’il s’agisse de télévision ou de radio.

Nous sommes aussi en désaccord avec votre analyse, monsieur le président. Nous considérons en effet que, face aux changements liés à l’émergence du numérique, à l’évolution des usages et au déclin de l’audience de certaines chaînes de télévision et radios, il est nécessaire de réorganiser le fonctionnement de l’audiovisuel public – pas pour des raisons budgétaires, mais pour reconquérir le public et faire face à la concurrence des plateformes numériques étrangères, en particulier américaines.

L’article 5 joue de ce point de vue un rôle central, puisqu’il remplace les traditionnels COM par des CSP conclues entre l’État et la future société France Médias. Par-delà les modifications techniques, c’est un élément essentiel de la philosophie du texte.

En outre, cette proposition dispose que le financement de l’audiovisuel public repose principalement sur une ressource de nature fiscale, pérenne, suffisante, prévisible et prenant en compte de l’inflation, afin de permettre les investissements nécessaires. J’en profite pour saluer l’engagement constant de Denis Masséglia depuis plusieurs années pour remplacer la redevance par une ressource pérenne.

En garantissant un cadre plus stable et plus lisible, l’article 5 apporte une réponse concrète aux défis actuels et futurs de l’audiovisuel public. C’est pourquoi nous émettrons un avis favorable à son adoption.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). En décembre dernier les macronistes ont imposé une réforme du financement de l’audiovisuel public dont personne ne voulait, en prétextant de l’urgence. Aujourd’hui, on nous présente un projet de réforme de sa gouvernance, avec la création d’une holding appelée France Médias.

Quelles en seront les conséquences sur le financement du secteur ? Le budget ne sera plus attribué directement à chaque entité mais à cette nouvelle structure, qui sera chargée de la répartir ensuite entre ses filiales tout en se finançant elle-même.

C’est bien entendu un abandon de souveraineté budgétaire pour le Parlement. Jusqu’à présent, nous pouvions débattre des crédits et choisir leur répartition en fonction des missions spécifiques de chaque entité. Après la réforme, nous ne pourrons plus rien décider, la répartition des moyens étant confiée à la holding – échelon bureaucratique supplémentaire qui ne manquera pas d’absorber des ressources au détriment de la mission première du service public. Tout cela aura lieu à distance du contrôle démocratique et la décision reviendra en dernier ressort au gouvernement.

Une équation budgétaire implacable est devant nous : un budget constant, une nouvelle structure et, inévitablement, des économies ailleurs. Sur quoi porteront-elles ? Évidemment sur l’emploi et sur la production, avec moins d’équivalents temps plein et plus d’externalisation. Ainsi, Radio France, qui était jusqu’ici un modèle de production intégrée, basculera vers le système en vigueur à France Télévisions, où les émissions sont confiées à des sociétés privées qui, à elles seules, captent un tiers du budget. C’est en réalité une mauvaise gestion des deniers publics. La dérive commerciale éloigne des missions fondamentales du service public. L’uniformisation et l’appauvrissement des contenus est garantie au tournant. Nous avons ainsi déjà pu constater que les coupes budgétaires ont mené à l’abandon des émissions de radio en direct nocturnes, ce qui prive des milliers de personnes d’une compagnie essentielle.

Derrière les chiffres, il y a bien sûr plus de 15 500 salariés, auxquels il faut ajouter les intermittents du spectacle. Toute la filière sera touchée en cascade.

Au fond, vous proposez un retour à l’ORTF, avec un audiovisuel public inféodé à l’État car dépendant de lui pour son financement. Cela va à l’encontre des principes mêmes de l’Emfa (European Media Freedom Act), qui exige des ressources suffisantes, durables et prévisibles pour garantir l’indépendance éditoriale.

Au vu des conséquences des récentes annulations de crédits sur le budget de l’audiovisuel public, nous n’avons aucun doute sur le sens de cette réforme.

Mme Sophie Pantel (SOC). Ce texte renaît de ses cendres sans aucune concertation ni étude d’impact, et sans que la question du financement soit réglée.

Notre groupe votera contre cette proposition de loi et contre l’article 5, car ils sont synonymes de réduction budgétaire. Alors même que le financement de l’audiovisuel public est incertain, la mise en place de la holding va nécessiter des crédits à court terme, tandis qu’à long terme les besoins nouveaux contribueront à réduire les moyens destinés à l’information et aux programmes.

Sous prétexte d’accélérer les synergies, on va fragiliser l’audiovisuel public. Alors que celui-ci marche sur deux jambes, faire fi de leurs spécificités en créant une nouvelle structure risque d’être contre-productif.

En outre, ce texte menace de mettre à mal l’indépendance du service public de l’audiovisuel. Son pluralisme et sa diversité actuels sont précieux, car ils concourent à une information fiable et vérifiée. La multiplicité des structures et la pluralité des antennes garantissent l’indépendance. En Hongrie, Viktor Orbán a créé une holding unique qui est désormais un organe de propagande

Ce qui nous est proposé revient à mettre fin au modèle français. On entend toujours dire qu’il faut créer une BBC à la française, mais c’est oublier que celle-ci a vu son budget réduit de 30 %, a supprimé 1 800 emplois et a perdu beaucoup d’audience.

M. Amiel a dit à juste titre qu’il fallait faire face aux défis du numérique. Mais, pour cela, attaquons-nous plutôt aux plateformes. Comme l’a relevé Sibyle Veil, il ne faudrait pas faire de l’audiovisuel public un malade imaginaire.

Pour toutes ces raisons, nous sommes fermement opposés à cette proposition.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Notre groupe s’oppose bien entendu à cette proposition de loi.

On nous vend une holding mais, comme elle est exécutive, ce sera en fait une fusion. En outre, le fonctionnement de cette structure est très opaque et cache un objectif de réduction des coûts.

Alors que l’examen du texte en commission des affaires culturelles commencera demain, le gouvernement n’a toujours pas déposé ses amendements. Nous en sommes réduits à travailler sur un document qui n’est pas le bon. Le gouvernement et Mme Dati soutiennent très fortement cette proposition, sans pour autant nous dire ce qu’ils souhaitent exactement. C’est hallucinant.

Je remercie le rapporteur pour avis d’avoir demandé à la commission des finances de se saisir de l’article 5 : cela permet au moins de débattre de manière un peu plus transparente, même si le gouvernement avance dans l’opacité la plus absolue.

Comme il l’a souligné, ce texte va réduire les pouvoirs du Parlement, puisque la fusion nous privera d’une vision claire du financement des différentes filiales et que nous n’aurons plus notre mot à dire sur la répartition des enveloppes entre celles-ci.

Dans notre rapport d’information sur les projets de COM pour la période 2024-2028, Céline Calvez et moi-même avions demandé qu’un projet de loi de programmation soit déposé, afin d’avoir un vrai débat démocratique. Au vu de l’enjeu que représente l’information dans la nouvelle situation géopolitique, la moindre des choses serait que le Parlement discute de manière approfondie des missions et des moyens de l’audiovisuel public.

Je ne souhaite pas que l’on plafonne les recettes tirées de la publicité. Cela dit, avec Mme Calvez nous avions également souhaité que l’on fixe un objectif de diminution de la publicité, le service public devant promouvoir la sobriété et une société qui sort de l’hyperconsommation.

Rien ne va dans l’article 5 comme dans l’ensemble de cette proposition de loi. Nous nous y opposerons donc.

Mme Sophie Mette (Dem). France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA devant être regroupés dans une société holding intitulée France Médias, cet article prévoit de remplacer les quatre COM conclus avec chacune de ces entités par une CSP conclue entre France Médias et l’État, pour une durée de trois à cinq ans. Le même dispositif serait également appliqué à Arte-France.

Si ces CSP sont censées permettre de définir des priorités transversales pour l’audiovisuel public, leur modèle suscite toutefois plusieurs interrogations. Ainsi, avec un processus aussi unifié, nous n’avons aucune certitude que la signature des CSP permettra de s’assurer que chaque entité de France Médias bénéficiera des moyens nécessaires à son bon fonctionnement. Pas ou peu de garde-fous sont prévus, et nous le déplorons.

C’est pourquoi nous considérons avec beaucoup d’intérêt l’amendement du rapporteur pour avis prévoyant que les projets de CSP devront faire l’objet d’un vote par les commissions des finances des deux assemblées, sur le modèle de la procédure de l’article 13 de la Constitution.

Par ailleurs, je m’interroge sur le coût de cette proposition de loi pour les finances publiques. L’étude d’impact indique que celui de la holding serait nul. Avez-vous abouti au même constat, monsieur le rapporteur pour avis ? En réalité, ne faut-il pas s’attendre à un coût administratif important, comme c’est toujours le cas lorsque l’on crée une holding concernant des entités de plusieurs centaines de salariés ?

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. Madame Marais-Beuil, nous avons un désaccord majeur : vous êtes pour la privatisation de l’audiovisuel public et nous y sommes opposés. Alors que les ingérences étrangères se multiplient, il est important d’avoir un audiovisuel public fort et de qualité – ce qu’il est actuellement. Nous souhaitons donc le renforcer et accompagner sa transformation plutôt que le privatiser. Quant à France Médias Monde, le gouvernement a déjà annoncé être favorable à l’exclusion de cette entité de la nouvelle holding et il déposera des amendements en ce sens.

M. Amiel a considéré très justement qu’il fallait accompagner l’audiovisuel public. Ses programmes sont de très grande qualité, mais l’audience est vieillissante. Il faut donc aussi essayer d’attirer un public plus jeune. Comme l’a indiqué Laurence Bloch, il faut pour cela développer le numérique. La création de la holding permettrait de mettre en œuvre une stratégie numérique transversale dans l’audiovisuel public.

Je vais répondre de manière globale aux députés du Nouveau Front populaire, car ils ont développé sensiblement les mêmes arguments. Vous avez raison, chers collègues, s’agissant de la capacité du Parlement à influer sur la répartition des moyens entre les différentes entités de l’audiovisuel public. C’est la raison pour laquelle je serais très surpris si vous ne votiez pas les amendements que j’ai déposés sur ce point. Nous devons en effet pouvoir donner notre avis et contrôler chaque année l’utilisation des deniers publics affectés à l’audiovisuel public.

Mme Mette a évoqué le coût de la réforme. Cette dernière consistant simplement à réaffecter quelques personnes au sein de la holding, le coût, s’il y en a un, sera relativement faible. Je m’interroge en revanche sur les conséquences de la stratégie de transformation, notamment en matière numérique. Transformer une structure a un coût et les COM prévoyaient d’ailleurs d’y affecter des budgets. J’ai donc déposé un amendement demandant la remise d’un rapport dans deux ans, afin de savoir combien ont coûté les réorganisations au sein de France Médias.

Article 5 : Création des conventions stratégiques pluriannuelles et allocation des ressources de l’audiovisuel public

Amendements de suppression CF1 de M. Aurélien Saintoul et CF20 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Mon amendement propose de supprimer l’article qui remplace les COM par des CSP. Cette mesure est en effet l’une des conséquences de la création de la holding, à laquelle nous sommes opposés.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Supprimer cet article montrera au gouvernement combien nous sommes mécontents de ces dispositions, qui rabotent encore plus les droits du Parlement. Nous aurons le loisir de le réécrire au cours de la suite de nos débats.

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. L’article 5 a seulement pour objet de définir le cadre des CSP, qui ont vocation à remplacer les COM. Supprimer cet article pour faire passer un message au gouvernement est malvenu. Je regrette que vous souhaitiez ainsi empêcher notre commission de débattre de la mise en place de CSP qui protègent l’audiovisuel public.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 5 est supprimé et les autres amendements tombent.

Après l’article 5

Amendement CF3 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Il vise à instaurer une redevance progressive, qui serait une solution pérenne garantissant la prévisibilité, la stabilité et le dynamisme du financement de l’audiovisuel public.

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. Je regrette que le Nouveau Front populaire ne souhaite pas doter le Parlement des outils lui permettant de contrôler l’action du gouvernement. Une fois encore, monsieur Saintoul, vous proposez toujours plus d’impôts ; je suis défavorable à ce matraquage des Français.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CF13 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. Compte tenu de la volonté du NFP d’empêcher le Parlement d’exercer son pouvoir de contrôle de l’action du gouvernement, cet amendement, qui vise à demander un rapport d’évaluation du coût des réorganisations effectuées par la holding France Médias Monde, ne présente plus d’intérêt ; je le retire.

L’amendement est retiré.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Je le reprends.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CF2 de M. Aymeric Caron

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Cet amendement vise à demander un rapport d’évaluation du coût des réorganisations effectuées par la holding ; puisqu’il est satisfait, je le retire. Si la réorganisation est effectuée à moyens constants, comme vous le dites, elle se fera au détriment des services existants. Il est donc illusoire de penser qu’elle n’aura aucun effet sur la production.

L’amendement est retiré.

Amendement CF5 de M. Aurélien Saintoul

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Par cet amendement, nous demandons un bilan exhaustif de la représentation des territoires ultramarins dans l’audiovisuel public. La chaîne dédiée à ces territoires a été fermée il y a quelques années ; en contrepartie, la visibilité des outre-mer devait être renforcée dans l’ensemble de l’audiovisuel public, mais il n’en est rien.

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. Votre défense de cet amendement me donne presque envie de crier : vous demandez un bilan de la représentation des outre-mer dans l’audiovisuel public alors que vous venez de rendre caducs tous les amendements de M. Steevy Gustave qui allaient précisément dans ce sens et auxquels j’étais favorable : l’amendement CF25 visant à intégrer aux CSP des engagements financiers en faveur de la visibilité des outre-mer – sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement ; l’amendement CF33 qui avait pour objet le renforcement de la continuité territoriale de l’audiovisuel ; l’amendement CF40 tendant à établir un bilan des indicateurs de suivi servant à mesurer la visibilité des territoires ultramarins dans la programmation de l’audiovisuel public. Vous ne faites preuve d’aucune cohérence !

J’étais même favorable à l’amendement CF32 de Mme Taillé-Polian visant à renforcer les missions de l’audiovisuel public dans le traitement médiatique de l’urgence écologique. Pour les mêmes raisons, il ne pourra pas être appliqué.

M. le président Éric Coquerel. C’est un avis défavorable ?

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. La commission s’apprête à rendre un avis favorable sur un amendement qui ne se rattache plus rien !

Demande de retrait.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous sommes opposés à cette proposition de loi, qui prenait auparavant la forme d’un projet de loi – on ignore d’ailleurs toujours si le gouvernement compte l’amender. En toute logique, nous sommes opposés à la rédaction de l’article 5, qui laissait au Parlement un rôle encore plus congru que dans la version précédente. Nous assumons donc le vote des amendements de suppression.

Mme Céline Calvez et moi-même avons proposé d’élaborer une loi de programmation de l’audiovisuel public, pour en redéfinir les missions et les moyens. Si vous la souteniez, nous pourrions débattre de tous ces sujets, en prenant le temps nécessaire.

En tout état de cause, je ne regrette pas d’avoir contribué à la suppression de l’article 5 dans le cadre de la consultation de la commission des finances. Il ne faut ni minimiser ni majorer le poids et le sens de ce vote.

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. L’article 5 vise à donner à la commission des finances le pouvoir de valider ou d’invalider la stratégie de l’audiovisuel public. Vous pouvez toujours refaire l’histoire, il reste que vous venez de rejeter ce pouvoir de validation ! Assumez que le Nouveau Front populaire ne souhaite pas que le Parlement se saisisse de sa mission de contrôle de l’action du gouvernement !

M. le président Éric Coquerel. Monsieur le rapporteur pour avis, vous connaissez les règles du jeu : certains députés, majoritaires aujourd’hui, ne sont pas favorables à cette proposition de loi ; vous pouviez vous attendre à ce qu’ils suppriment l’un de ses articles ! En séance, les députés du bloc central seront peut-être davantage mobilisés et vous défendrez plus efficacement votre position.

M. Denis Masséglia, rapporteur pour avis. Nous sommes en désaccord sur un point crucial : vous êtes favorables à l’affaiblissement du Parlement quand je suis favorable à son renforcement.

M. le président Éric Coquerel. C’est un peu caricatural !

La commission adopte l’amendement.


   ANNEXE  1:
Liste des personnes ENTENDUEs par les rapporteurs de la commission DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

(par ordre chronologique)

      France Télévisions  Mme Delphine Ernotte-Cunci, présidente-directrice générale, M. Christophe Tardieu, secrétaire général, Mme Livia Saurin, secrétaire générale adjointe, et M. Olivier Roger, directeur de cabinet.

      Radio France – Mme Sibyle Veil, présidente-directrice générale, et M. Charles-Emmanuel Bon, secrétaire général

      Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom)  MM. Roch-Olivier Maistre, président, et Alban de Nervaux, directeur général

      Institut national de l’audiovisuel (INA) – M. Laurent Vallet, président-directeur général, et Mme Déborah Münzer, directrice de cabinet

      Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom)  MM. Martin Ajdari, président, et Frédéric Bokobza, directeur général adjoint

      Mme Laurence Bloch, chargée d’une mission d’accompagnement de la réformer de la gouvernance de l’audiovisuel public par la ministre de la culture

 

 


   Annexe n° 2 :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Articles

Codes et lois

Numéros d’article

1er

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

44 A (nouveau), 44 et 44-1

1er bis

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

45 A (nouveau)

2

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

47

3

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

47‑1 à 47‑5

4

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

47-6, 48, 48‑1‑A, 48‑1, 48‑2, 48‑3, 48‑9 et 48‑10

49, 49‑1 et 50 (abrogés)

5

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

46, 53 et 56-1

6

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

57

9

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

108

10

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

20-2

10

Code du sport

L. 333-1 et L. 333-2

11

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

20-7

11 bis A

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

28

11 bis

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

25 et 30-1-1

11 ter

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

34-2

12

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

42-3

12 bis

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

95-1-A (nouveau)

13

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

71-1

13 bis

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

73

14

Loi n° 86‑1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

96-2 (rétabli)

14 bis

Loi n° 2007‑309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur

19

15

Loi n° 2007‑309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur

19

 


([1]) Rapport d’information n° 709 (2014-2015) de MM. André Gattolin et Jean-Pierre Leleux sur le financement de l’audiovisuel public, Sénat, 29 septembre 2015.

([2]) Quelques chiffres illustrent la place centrale de l’audiovisuel public dans le paysage audiovisuel. En 2024, le groupe France Télévisions était leader des parts d’audience (30 %), sa plateforme France.tv enregistrait 35 millions de visiteurs uniques chaque mois tous supports confondus, la plateforme Franceinfo enregistrait plus de 4 millions de visiteurs uniques quotidiens. En novembre-décembre 2024, les antennes de Radio France ont rassemblé 15,4 millions d’auditeurs quotidiens, le groupe recueillant 31,9 % de part d’audience. Avec 13,3 % d’audience cumulée, soit 7,5 millions d’auditeurs quotidiens et 15,1 % de part d'audience, France Inter est de loin la première radio de France, etc.

([3]) Source : document préparatoire relatif à la réforme de l’audiovisuel public transmis aux rapporteurs par le Gouvernement.

([4]) Voir l’audition de M. Roch-Olivier Maistre devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale du 8 octobre 2024 : https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15507742_67054e8acf320.commission-des-affaires-culturelles--m-roch-olivier-maistre-president-de-l-autorite-de-regulation-8-octobre-2024

([5]) Rapport de la Commission pour la nouvelle télévision publique, présenté au Président de la République par M. Jean-François Copé le 25 juin 2008.

([6]) Voir notamment le rapport du Comité action publique 2022 (2018), le rapport d’information n° 733 (2017‑2018) de la sénatrice Catherine Morin-Desailly sur l’avenir de l’audiovisuel public (26 septembre 2018), le rapport d’information n° 1292 (XVe législature) de la députée Aurore Bergé en conclusion des travaux de la mission d’information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique (4 octobre 2018).

([7]) Rapport d’information n° 1327 (XVIe législature) sur l’avenir de l’audiovisuel public, Assemblée nationale, 7 juin 2023.

([8]) Avis de l’Arcom n° 2022-14 du 7 octobre 2022 relatif au rapport d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde pour l'année 2021.

([9]) Les COM de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et ARTE, conclus pour la période 2020-2022, comportent tous un chapitre Ier consacré à des objectifs communs.

([10]) Source : gouvernement.

([11]) Au 24 janvier 2025, on dénombre 38 matinales communes. L’ensemble des matinales devraient être communes d’ici la fin du premier semestre 2025, soit 44 matinales.  

([12]) Inspection générale des finances, Accompagnement à la transformation de France Télévisions et Radio France, mars 2024.

([13]) ARTE est une chaîne culturelle franco-allemande instituée par le traité franco-allemand du 2 octobre 1990. TV5 Monde est un groupe international détenu et financé par les entités de l’audiovisuel public de six États : France, Suisse, Canada, Québec, Belgique et Monaco.

([14]) Voir le commentaire de l’article 5 de la présente proposition de loi.

([15]) https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-36.html

([16]) https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-37.html

([17]) Aux termes du contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2020-2022, prolongé par avenant pour l’année 2023, France Médias Monde a atteint une audience hebdomadaire cumulée de 255,5 millions de téléspectateurs, auditeurs et internautes dans le monde, soit une augmentation de 20 % en cinq ans. Fin 2023, la chaîne France 24 était distribuée dans 533 millions de foyers, contre 404 millions en 2019, soit une augmentation de 32 % de sa présence à travers le monde. Source : rapport d’information n° 537 (XVIIe législature) de Mmes Céline Calvez et Sophie Taillé-Polian sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens 2024-2028 de France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel (6 novembre 2024).

([18]) https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-38.html

([19]) Voir la dernière étude Kantar Africascope réalisée du 14 mars au 11 mai, puis du 18 septembre au 9 novembre 2023 dans huit pays d’Afrique francophone : République démocratique du Congo, Mali, Gabon, Côte d’Ivoire, Sénégal, Cameroun, Burkina Faso et Congo Brazzaville.

([20]) Rapport d’information n° 1327 (XVIe législature) sur l’avenir de l’audiovisuel public, Assemblée national, 7 juin 2023.

([21]) Rapport d’information n° 709 (2014-2015) précité.

([22]) https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-39.html

([23]) https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/694/Amdt_27.html

([24]) https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/694/Amdt_55.html

([25]) La proposition n° 26 de cette commission d’enquête consistait en la nomination d’un administrateur indépendant dans les conseils d’administration  des sociétés de l’audiovisuel public, chargé de veiller à l’impartialité de l’information et de rendre compte de cette impartialité devant les commissions chargées des affaires culturelles des deux assemblées.

([26]) https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/694/Amdt_100.html

([27]) Voir le compte rendu intégral des débats de la séance du 12 juin 2023 :  https://www.senat.fr/seances/s202306/s20230612/s20230612_mono.html

([28]) https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/694/Amdt_29.html

([29]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/1350/CION-CEDU/AC328

([30]) Conformément au I de l’article L. 225-56 du code de commerce.

([31]) Règlement (UE) 2024/1083 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur et modifiant la directive 2010/13/UE (règlement européen sur la liberté des médias).

([32]) Les derniers COM conclus entre l’État et les entreprises audiovisuelles publiques couvrent la période 2020-2023.

([33]) Rapport d’information n° 1327 (XVIe législature) sur l’avenir de l’audiovisuel public, Assemblée nationale, 7 juin 2023.

([34]) Le texte adopté par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat prévoyait que les CSP seraient conclues pour une durée « n’excédant pas cinq années civiles ». Un amendement n° 31 présenté par le sénateur David Assouline a modifié cette rédaction, qui prévoit désormais une durée comprise entre trois et cinq ans, soit la même durée que celle des COM actuels.

([35]) Dont 264,5 millions d’euros de recettes publicitaires sur les antennes linéaires, 95,9 millions d’euros de recettes de parrainage et 32,4 millions d’euros de recettes digitales en 2022.  

([36]) Les recettes publicitaires de France Télévisions sont cependant encadrées : interdiction des publicités commerciales entre 20 heures et 6 heures, limitation de la publicité à 6 minutes par heure en moyenne quotidienne et à 8 minutes par heure d’horloge, secteurs interdits de publicité ou faisant l’objet de restrictions, interdiction de la publicité commerciale sur les chaînes 15 minutes avant et après un programme destiné prioritairement aux enfants de moins de douze ans.

([37]) Rapport d’information n° 537 de Mmes Céline Calvez et Sophie Taillé-Polian sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens 2024-2028 de France Télévisions, France Médias Monde, Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel (6 novembre 2024).

([38]) Rapport d’information précité relatif à l’avenir de l’audiovisuel public.

([39]Rapport d’information n° 537 (XVIIe législature) sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens 2024-2028 de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’Institut national de l’audiovisuel, Assemblée nationale, novembre 2024.

([40])  Article 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([41]) La proposition de loi a été adoptée le 13 juin 2023 par le Sénat.

([42]) Conseil d’État, avis n° 356.089, 7 juillet 1994, Diversification des activités d’EDF-GDF

([43]) Étude d’impact du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique déposé le 5 décembre 2019 et adopté par la commission des affaires culturelles le 5 mars 2020 (page 403).

([44]) https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-42.html

([45]) https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/694/Amdt_101.html

([46]) Décret n° 2004-1392 du 22 décembre 2004 pris pour l’application de l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([47]) Décret n° 2024-699 du 5 juillet 2024 modifiant la liste des évènements d'importance majeure ayant vocation à être diffusés sur un service de télévision à accès libre.

([48]) https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-43.html

([49]) https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/694/Amdt_40.html

([50]) L’article L. 333-2 du code du sport dispose que les droits d’exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives sont commercialisés par la ligue professionnelle avec constitution de lots, pour une durée limitée et dans le respect des règles de concurrence.

([51]) https://www.csa.fr/Reguler/Espace-juridique/Les-textes-adoptes-par-l-Arcom/Les-deliberations-et-recommandations-de-l-Arcom/Recommandations-et-deliberations-du-CSA-relatives-a-d-autres-sujets/Deliberation-n-2014-43-du-1er-octobre-2014-relative-aux-conditions-de-diffusion-de-brefs-extraits-de-competitions-sportives-et-d-evenements-autres-que-sportifs-d-un-grand-interet-pour-le-public

([52])  Introduit par la directive 2018/1808/UE du 14 novembre 2018.

([53]) Selon le décret n° 2022-1541 du 7 décembre 2022, il s’agit des opérateurs qui dépassent 150 000 interfaces utilisateurs commercialisées, mises à disposition dans le cadre d’un contrat d’abonnement ou louées, ou 3 millions de visiteurs uniques par mois, sur le territoire français et sur la base de la dernière année civile.

([54]) Délibération du 25 septembre 2024 relative aux conditions de visibilité appropriée des services d’intérêt général et aux modalités de recueil des informations mentionnées à l’article 20-7 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([55]) Délibération du 25 septembre 2024 relative à la liste des services qualifiés d’intérêt général, en application des dispositions de l’article 20-7 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([56]) Note de présentation d’un dispositif assurant une visibilité appropriée des services d’intérêt général

([57])  https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-44.html

([58])  https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-45.html

([59]) https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-46.html

([60]) https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/694/Amdt_50.html  

([61]) Commission d’enquête sur la concentration des médias en France, Sénat, novembre 2021-mars 2022 https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/structures-temporaires/commissions-denquete/commissions-denquete/commission-denquete-concentration-des-medias-en-france.html

([62]) https://www.veriangroup.com/fr/news-and-insights/barom%C3%A8tre-de-la-confiance-des-fran%C3%A7ais-dans-les-media

([63]) Arcom, réponse au questionnaire des rapporteurs.

([64]) https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/694/Amdt_24.html

([65]) Pour cette citation et la suivante : Sénat, compte rendu intégral de la séance du 13 juin 2023.

([66]) Sénat, compte rendu intégral de la séance du 13 juin 2023.

([67]) Consultation publique sur les perspectives de diffusion et de distribution des services de télévision en France au-delà de 2030.

([68]) https://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-2016/20160143.asp#P740793 

([69]) L’article 219 du code général des impôts permet la taxation au taux de 25 % (au lieu de 15 %) au titre de l’impôt sur les bénéfices des sociétés des plus-values à long terme lorsqu’elles résultent de la cession de titres de sociétés éditrices de services de télévision. Les articles L. 455-37 à L. 455-43 du code des impositions sur les biens et services prévoient en outre l’application d’une taxe spécifique en cas de modification du contrôle d’un service de communication audiovisuelle.

([70]) Assemblée nationale, deuxième séance du 8 mars 2016

([71]) https://www.senat.fr/leg/ppl22-545.html 

([72])  Sénat, session ordinaire de 2022-2023, rapport n° 693, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, M. Jean-Raymond Hugonet, page 48.

([73]) Op. cit.

([74]) https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-47.htm 

([75]) https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-48.html  

([76]) Op. cit. page 49.

([77]) La répartition du capital de la société anonyme Médiamétrie est la suivante : 65 % pour les médias – France Télévisions (22,89 %), TF1 (10,8 %), Société d'édition de Canal+ (1,4 %), Radio France (13,5 %), Promotion & spectacles d'Europe 1 (5,4 %),  NextRadioTV (5,4 %), Métropôle Télévision S.A (2,7 %) et INA (2,81 %) – et 35 % pour les annonceurs et conseils – Union des Marques (9,33 %), Publicis Conseil (6,7 %), Dentsu France (6,7 %), Havas (6,7 %), Orange Participations (2,44 %), Omnicom Media Groupe (1,62 %) et IPG France Holding (1,61 %) (https://www.mediametrie.fr/fr/le-capital-de-mediametrie )

([78]) Évolution du marché de la communication et impact sur le financement des médias par la publicité.

([79]) Règlement (UE) 2024/1083 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur et modifiant la directive 2010/13/UE (règlement européen sur la liberté des médias).

([80]) Op. cit, page 34.

([81]) La concentration dans le secteur des médias à l’ère numérique : de la réglementation à la régulation, Inspection générale des finances - Inspection générale des affaires culturelles, mars 2022, page 5.

([82]) Pour cette situation est la suivante : Sénat, compte rendu intégral de la séance du 13 juin 2023.

([83]) https://www.senat.fr/amendements/2022-2023/694/Amdt_103.html. Cet amendement a repris le contenu d’un amendement n° 80 déposé puis retiré en séance par M. Julien Bargeton.

([84]) Sénat, compte rendu intégral de la séance du 13 juin 2023.

([85]) Si aucune des propositions du comité de pilotage des États généraux de l’information ne porte directement sur les mesures d’audience, ce sujet figure en toile de fond de certaines propositions. Ainsi, la proposition n° 9 visant à « assurer le pluralisme des médias dans le cadre des opérations de concentration » repose ainsi « de manière cruciale sur des mesures incontestables de l’audience plurimédia, ce qui suppose d’englober les données d’audience des médias sur les plateformes » (rapport des états généraux de l’information, Protéger et développer le droit à l’information :  une urgence démocratique, septembre 2024, page 48).

([86]) https://www.arcom.fr/nous-connaitre-nos-missions/promouvoir-et-proteger-la-creation/creation-et-production-audiovisuelle-cinematographique-et-musicale 

([87]) Décret n° 2021-1926 du 30 décembre 2021 dit décret TNT pour les obligations des services de télévision hertziens (modifié par le décret n° 2022-1610 du 22 décembre 2022) ; décret n° 2021-1924 du 30 décembre 2021 dit décret CabSat pour les obligations des services de télévision non hertziens modifié par le décret n° 2022-1610 du 22 décembre 2022) ; décret modifié n° 2021-793 du 22 juin 2021 dit décret SMAD pour les obligations des services de médias audiovisuels à la demande (modifié par le décret n° 2021-1926 du 30 décembre 2021).

([88]) Contribution adressée aux rapporteurs. 

([89]) https://www.senat.fr/leg/ppl22-545.html 

([90]) Op. cit,.

([91]) Sénat, session ordinaire de 2022-2023, rapport n° 693, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, M. Jean-Raymond Hugonet, page 50.

([92]) Crunchyroll est une plateforme spécialisée dans l’animation japonaise.

([93]) Est dénommé « service de cinéma » un service de télévision dont l’objet principal est la programmation d’œuvres cinématographiques et d’émissions consacrées au cinéma et à son histoire selon l’article 6-2 du décret n° 90‑66 du 17 janvier 1990 pris pour l’application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux concernant la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles par les éditeurs de services de télévision, tel que modifié par l’article 2 du décret n° 2004-1481 du 23 décembre 2004. Selon les éléments transmis par l’Arcom, les chaînes cinéma conventionnées sont les suivantes :

– pour le groupe Canal+ :  Canal+ et ses déclinaisons TNT jusqu’en juin 2025 (Canal+ Cinéma(s), Canal+ Sport) ainsi que ses déclinaisons « CabSat » Canal+ Séries et Canal+ Box Office. Canal+ Grand Ecran, Ciné+ Classic, Ciné+ Emotion, Ciné+ Family, Ciné+ Festival, Ciné+ Frisson et OCS ;

– pour le groupe Mediawan : Action.

([94]) Décret n° 92-280 du 27 mars 1992 pris pour l’application des articles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat.

([95]) Rapport n° 1292 de la mission d’information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique, Assemblée nationale commission des Affaires culturelles et de l’éducation, Mme Aurore Bergé, 4 octobre 2018.

([96]) Il est ici fait référence à la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (dite directive « Services de médias audiovisuels » ou « directive SMA »). L’article 20 de ce texte précise également que « la diffusion des programmes pour enfants peut être interrompue par de la publicité télévisée et/ou du téléachat une fois par tranche programmée de trente minutes au moins, à condition que la durée programmée du programme soit supérieure à trente minutes. La publicité télévisée ou le téléachat ne peuvent être insérés pendant la diffusion des services religieux ».

([97]) Idem, p. 52.

([98]) Adopté par la commission des affaires culturelles et de l’éducation le 5 mars 2020, ce projet de loi n’a pas été examiné en séance en raison de la crise sanitaire. L’article 10 adopté par la commission prévoyait, d’une part, que « par dérogation au premier alinéa, le nombre maximal d’interruptions publicitaires peut être porté à trois pour la diffusion par un service de télévision d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle qui comporte au moins quatre tranches programmées de trente minutes » et, d’autre part, que « les dispositions du présent article ne font pas obstacle à l’insertion de messages d’information sur les programmes dans des conditions fixées par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ».

([99]) Sénat, session ordinaire de 2022-2023, rapport n° 693, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, M. Jean-Raymond Hugonet, juin 2023, page 52

([100]) Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers de France métropolitaine – Résultats des 3e et 4e trimestres 2021 pour la télévision et de l’année 2021 pour la radio

([101]) https://www.senat.fr/leg/ppl22-545.html   

([102]) Op. cit,.

([103]) https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-17.html  

([104]) Pour l’examen du droit existant, il est renvoyé au commentaire de l’article 11 bis.

([105]) Dans le considérant 14 de sa décision n° 2021-826 DC du 21 octobre 2021, le Conseil constitutionnel a indiqué que « le paragraphe II de l’article 12 précise les normes auxquelles doivent répondre certains téléviseurs et adaptateurs permettant la réception de services de télévision numérique terrestre en ultra haute définition. Introduites en première lecture, ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec l’article 4 du projet de loi initial qui prévoyait que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure désormais les missions dévolues à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet ». Ainsi assimilé à un cavalier législatif, le II de cet article a été censuré.

([106]) L’Arcom a indiqué que « France 2 a été la première chaîne à être déployée largement sur le territoire en UHD, à partir de janvier 2024. D’autres chaînes en format amélioré ont été autorisées temporairement, mais ne sont plus diffusées à ce jour : France 3 UHD a ainsi été autorisée du 10 juillet au 10 septembre 2024, pour les jeux olympiques et paralympiques de Paris, et M6 en « HD améliorée » - version intermédiaire entre la HD et l’UHD - a été autorisée entre le 14 juin et le 14 juillet 2024, pour l’Euro de football. Les programmes diffusés sur France 2 UHD ne sont pas nécessairement tous produits nativement en UHD. Selon France Télévisions, la plupart d’entre eux sont des programmes HD convertis en UHD avant leur diffusion ». L’Arcom a également précisé que le parc de téléviseurs UHD installés comptait 19,9 millions de postes en 2024, soit environ 50 % du parc total.

([107]) Arrêté du 3 janvier 2008 relatif à la radio diffusée en mode numérique par voie hertzienne terrestre ou par voie satellitaire en bande L ou en bande S fixant les caractéristiques des signaux émis  / 

([108]) DAB est l’abréviation de l’expression anglaise « Digital Audio Broadcasting », qui signifie la diffusion numérique de la radio par ondes hertziennes. Le signe « + » renvoie à la dernière version de la technologie DAB, utilisée aujourd’hui pour la diffusion en radio numérique terrestre. En France, le DAB+ est aussi connu sous le nom de radio numérique terrestre (RNT). Le DAB+ est le successeur numérique de la FM. 

([109]) Contrairement à l’écoute des services diffusés par la bande FM, le déplacement d’une zone géographique à une autre ne nécessite pas de changer de fréquence lors de l’utilisation de la RNT. L’Arcom a attribué des autorisations d’émettre pour des diffusions sur les principaux axes de circulation en métropole, ce qui permettra à terme aux auditeurs d’écouter la radio de leur choix sans interruption sur de longues distances.

([110]) Selon le récent Livre blanc de la radio publié en juin 2024 par l’Arcom « La diffusion de la radio en IP induit la collecte de données personnelles, utilisées et analysées par le distributeur pour optimiser ses revenus publicitaires. […] En l’état des technologies existantes, seule la radio hertzienne est anonyme, en FM comme en DAB+ », page 81.

([111]) Rapport de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public, n° 1327, commission des Affaires culturelles et de l’éducation, MM. Jean-Jacques Gaultier, président, et Quentin Bataillon, rapporteur, Assemblée nationale, 7 juin 2023, page 59.

([112]) Selon le Livre blanc de la radio publié en juin 2024 par l’Arcom, « près de 900 services de radios sont aujourd’hui autorisés à émettre en FM en métropole, plus de 210 dans les territoires ultramarins » (page 9).

([113]) Op. cit., page 10.

([114]) L’article 113 (paragraphe 1) de la directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen dispose notamment que « Les États membres veillent à l’interopérabilité des récepteurs de services de radio automobiles et des équipements de télévision numérique grand public conformément à l’annexe XI ». Cette annexe prévoit que « tout récepteur de services de radio automobiles intégré dans un véhicule neuf de catégorie M qui est mis sur le marché à des fins de vente ou de location dans l’Union à partir du 21 décembre 2020 comprend un récepteur pouvant recevoir et reproduire au moins des services de radio fournis via des réseaux de diffusion de radio numérique terrestre ». Le paragraphe 2 de l’article 113 dispose également que « Les États membres peuvent adopter des mesures visant à assurer l’interopérabilité d’autres récepteurs de services de radio grand public tout en limitant l’impact sur le marché des récepteurs de services de radio d’entrée de gamme et en veillant à ce que de telles mesures ne s’appliquent pas aux produits pour lesquels le récepteur de services de radio est purement accessoire, tels que les mobiles multifonctions, ni aux équipements utilisés par les radioamateurs ».

([115]) Les I à III de cet article 19 concernent les conditions dans lesquelles les téléviseurs, les enregistreurs et les adaptateurs doivent permettre la réception des services en haute définition de la télévision numérique terrestre ainsi que les caractéristiques du label « Prêt pour la haute définition ». Le IV de cet article intéresse le label « Prêt pour la radio numérique » et le V est relatif aux terminaux de réception de services de radio de première monte équipant les véhicules automobiles neufs.

([116]) Sur ces délais, les assouplissements décidés résultent :

– en commission, de l’adoption de l’amendement COM-50 de M. Hugonet, rapporteur ;

– en séance,  de l’adoption de l’amendement n° 53 de M. David Assouline. Cet amendement a reçu l’avis favorable de la commission et un avis de sagesse du gouvernement.

([117]) Op. cit., page 13.

([118]) Sénat, compte rendu intégral de la séance du 13 juin 2023.

([119]) Amendement n° 54.

([120]) Op. cit., page 12.

([121]) Op. cit., page 15.

([122]) Directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen.

([123]) Avant-propos du rapport n° 693 (2022-2023), déposé le 7 juin 2023.

([124]) Le dernier COM en date, portant sur la période 2024-2028, a donné lieu à un avis de MM. Alain David et Jean-François Portarrieu, adopté le 9 octobre 2024, sous forme de rapport d’information portant le n° 316.

([125]) Rapport d’information n° 541 déposé par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, valant avis sur les projets de contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’Institut national de l’audiovisuel pour la période 2024-2028 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion_fin/l17b0541_rapport-information#

([126]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15507742_67054e8acf320.commission-des-affaires-culturelles--m-roch-olivier-maistre-president-de-l-autorite-de-regulation-8-octobre-2024  

([127]) France Médias Monde fait partie du périmètre de la holding dans la présente proposition de loi mais devrait en être exclu par voie d’amendement, le Gouvernement ayant exprimé son souhait de ne pas inclure France Médias Monde dans la holding en raison des spécificités de l’audiovisuel public extérieur.

([128]) L’amendement n° AC220 du Gouvernement adopté le mardi 14 mai 2024 en commission des affaires culturelles, modifiait l’alinéa 9 de l’article 3 de la proposition de loi et disposait : « Le président de la société France Médias Monde est également président, président-directeur général, directeur général ou président du directoire de chacune des sociétés éditrices de programmes filiales de cette société. »

([129]) L’article mentionne « la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France ».

([130])  Rapport d’information n° 541 précité.  

([131]) Article 28 de la loi du 5 mars 2009, modifiant l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986.  

([132]) L’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que les COM sont transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances des deux assemblées, sauf pour le COM de France Médias Monde, qui est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères des deux assemblées.

([133])  Rapport d’information n° 541 précité.  

([134]) D’après l’étude d’impact de la DGMIC transmise le mardi 25 mars 2025 au Parlement, « le Gouvernement est favorable à ce que le périmètre des entreprises appelées à être intégrées au groupe France Médias ne recouvre que France Télévisions, Radio France et l’INA, et non France Médias Monde contrairement à ce que prévoit la proposition de loi Lafon » (p. 13). 

([135]) https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-40.html

([136]) Rapport d’information n° 1327 déposé par la commission des affaires culturelles et de l’éducation en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public, présenté par MM. Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon. Les rapporteurs notaient que « la tendance récente montre un vrai recul des recettes publicitaires de la télévision à hauteur de 7,2 % au premier trimestre 2023 par rapport au premier trimestre 2022. Cela explique les positions offensives des grandes chaînes de télévisions privées à l’égard de France Télévisions. »  

([137]) Les rapporteurs Gaultier et Bataillon prévoyaient de compenser les pertes de recettes publicitaires et de parrainage par l’affectation au groupe France Télévisions, principal concerné par une limitation de ses ressources publicitaires, d’une fraction du produit de la taxe sur les services numériques.  

([138]) Contrat d’objectifs et de moyens 2020-2022 entre l’État et Radio France. Ce plafond est également inscrit dans le projet de contrat d’objectifs et de moyens 2024-2028 entre l’État et Radio France transmis au Parlement.

([139]) À titre d’exemple en 2024, les ressources liées à la publicité numérique pour France Médias Monde s’élevaient à 2,2 millions d’euros, un niveau stable par rapport à 2023. La réponse au questionnaire adressé par le rapporteur pour avis à France Médias Monde précise que : « l’évolution de ces ressources est très dépendante des actualités internationales et des audiences associées sur l’ensemble des environnements numériques. Elle peut aussi être impactée par les modifications des algorithmes de certaines plateformes. »

([140]) Réponses écrites au questionnaire adressé par le rapporteur pour avis à France Télévisions.  

([141]) Ibid.

([142]) Réponses écrites au questionnaire adressé par le rapporteur pour avis à France Médias Monde.  

([143]) Le projet de loi de règlement est depuis l’exercice 2023 dénommé projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année, en application des dispositions de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

([144]) Dans le cas où l’une des commissions des finances des deux assemblées choisirait de soumettre à nouveau au vote la CSP ou un avenant à cette convention, la commission des finances de l’autre assemblée devrait se prononcer dans un délai de quatre semaines. Dans le cas où cette dernière ne s’est pas prononcée dans le délai imparti, la CSP ou l’avenant continueraient de s’appliquer.

([145])  L’amendement n° AC223 disposait au dernier alinéa du I. que : « Avant leur signature, la convention stratégique pluriannuelle de la société France Médias ainsi que les éventuels avenants à cette convention sont transmis à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique qui formule un avis dans un délai de quatre semaines. »

([146])  « Réforme de la gouvernance de l’audiovisuel public : évaluation de sa mise en œuvre », document transmis au rapporteur pour avis le mardi 25 mars 2025.

([147]) https://www.senat.fr/amendements/commissions/2022-2023/545/Amdt_COM-41.html

([148]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/amendements/0118/CION_FIN/CF1 et https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/amendements/0118/CION_FIN/CF20

([149]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/amendements/0118/CION_FIN/CF3

([150]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/amendements/0118/CION_FIN/CF5  

([151]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/amendements/0118/CION_FIN/CF13  

([152]) https://assnat.fr/NCUBOI

([153]) https://assnat.fr/21luOy

([154]) https://assnat.fr/4vNRKz

([155]) https://assnat.fr/8Duwdr