N° 1437

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 mai 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI,
adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à lever les contraintes
à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856)

PAR M. Julien DIVE

Député

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AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Par Mme Sandrine LE FEUR,

Députée

 

 

 Voir les numéros :

 Sénat :  108 rect., 185, 186 et T.A. 41 (2024-2025).

Assemblée nationale :  856.

 


SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

COMMENTAIRE des ARTICLES

titre Ier METTRE FIN AUX SURTRANSPOSITIONS ET SURRÈGLEMENTATIONS FRANÇAISES EN MATIÈRE DE PRODUITS PHYTOSANITAIRES

Article 1er Assouplissement du dispositif de la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques et renforcement du conseil aux agriculteurs

Article 2  Mise sur le marché et utilisation des produits phytopharmaceutiques

titre ii Simplifier l’activitÉ des Éleveurs

Article 3 Assouplissement de la procédure d’autorisation environnementale et relèvement des seuils applicables aux installations d’élevage

Article 3 bis (nouveau) Moratoire de dix ans sur la délivrance des autorisations environnementales pour les élevages de saumons à circuit fermé

Article 4  Renforcement de l’offre d’assurance destinée aux prairies

Article 4 bis (nouveau) Expérimentation visant à instaurer une assurance contre les risques de pertes de récoltes ou de cultures causées par les espèces indigènes et invasives

Article 4 ter (nouveau) Rapport sur l’évolution du coût des primes d’assurance depuis l’entrée en vigueur de la loi du 2 mars 2022

Article 4 quater (nouveau) Rapport relatif à la création d’un fonds professionnel mutuel et solidaire pour la gestion des risques climatiques

TITRE III Faciliter la conciliation entre les besoins en eau des activitÉs agricoles et la nÉcessaire protection de la ressource

Article 5 Reconnaissance de l’intérêt général majeur s’attachant aux prélèvements et ouvrages de stockage d’eau et création d’une nouvelle catégorie de zone humide

Article 5 bis (nouveau) Modification des objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau

Article 5 ter (nouveau) Protection des captages d’eau

Article 5 quater (nouveau) Interdiction du financement par les agences de l’eau des réserves de substitution

Article 5 quinquies (nouveau) Réalisation d’une étude hydrologique obligatoire préalable à toute autorisation environnementale d’ouvrage de stockage d’eau pour l’irrigation agricole

Article 5 sexies (nouveau) Interdiction de l’irrigation des cultures intermédiaires à vocation énergétique à partir de prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines

Article 5 septies (nouveau) Moratoire suspendant l’autorisation de construction de méga-bassines

Article 5 octies (nouveau) Autorisation d’utilisation des ouvrages de stockage de l’eau alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines conditionnée à des conditions environnementales renforcées

Article 5 nonies (nouveau) Rapport annuel sur les volumes totaux d’eau prélevés par les ouvrages de stockage d’eau

Article 5 decies (nouveau) Rapport relatif aux pratiques agricoles économes en eau

Article 5 undecies (nouveau) Stratégie nationale de préservation et de restauration des cours d’eau

titre iv Mieux accompagner les contrÔles et dispositions diverses relatives aux suites liÉes aux inspections et contrÔles en matiÈre agricole

Article 6 Organisation des contrôles relatifs à la police de l’environnement et amélioration des relations entre les agents chargés de cette police et les usagers

Article 6 bis (nouveau) Reconnaissance du rôle des agents de la police de l’environnement et encadrement de la communication des autorités de l’État

Article 6 ter (nouveau) Généralisation du port d’arme apparent par les inspecteurs de l’environnement

Article 6 quater (nouveau) Rapport annuel sur l’usage des caméras individuelles par les agents de la police de l’environnement

Article 7 Création d’un cadre légal pour l’introduction dans l’environnement de macro-organismes utilisés à des fins de lutte autocide

Article 7 bis (nouveau) Prise en compte de l’intérêt des apiculteurs dans les demandes d’installation de ruchers en forêt domaniale

Article 8 Habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter le régime de prévention et de sanction des atteintes à la protection des végétaux

Article 9 (nouveau) Doublement de l’amende applicable en cas de versement dans les cours d’eau de substances nuisibles aux poissons

examen en commission

1. Réunion du mardi 13 mai 2025 à 16 heures 15 : discussion générale et examen des articles

2. Réunion du mardi 13 mai 2025 à 21 heures 30 : examen des articles (suite)

3. Réunion du mercredi 14 mai 2025 à 9 heures 30 : examen des articles (suite)

4. Réunion du mercredi 14 mai 2025 à 16 heures 30 : examen des articles (suite)

5. Réunion du mercredi 14 mai 2025 à 21 heures 30 : examen des articles (suite)

6. Réunion du vendredi 16 mai 2025 à 9 heures 30 : examen des articles (suite et fin)

Liste des personnes auditionnées

avis fait au nom de la commission dU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

I. Examen des articles pour avis (articles ayant fait l’objet d’un avis simple)

titre Ier a (nouveau) mettre fin à la concurrence déloyale

Article 1er A (nouveau) Renforcement des exigences pour la mise sur le marché de produits alimentaires pour lesquels il a été fait usage de pesticides non autorisés

Article 1er AB (nouveau) Donner la possibilité au ministre de la santé de prendre des mesures conservatoires relatives à la mise sur le marché de produits alimentaires pour lesquels il a été fait usage de pesticides non autorisés

Article 1er AC (nouveau) Obligation pour l’autorité administrative de prendre des mesures conservatoires en cas de mise sur le marché de produits alimentaires pour lesquels il a été fait usage de pesticides non autorisés

titre Ier b (nouveau)  lever les contraintes au métier d’apiculteur

Article 1er B (nouveau) Garantie pour les apiculteurs de la liberté de produire sans pesticides, et responsabilisation des distributeurs et metteurs sur le marché en cas de dissémination de ces produits

Article 1er BA (nouveau) Obligation pour l’Anses de se baser sur les connaissances scientifiques les plus récentes pour les tests de toxicité des pesticides avec une publication annuelle d’un bilan des protocoles existants

titre Ier Tirer les conséquences des connaissances scientifiques en matière de pesticides

Article 1er Abrogation de la séparation de la vente et du conseil pour les distributeurs de produits phytopharmaceutiques, évolution des conseils à l’utilisation de ces produits et maintien de l’interdiction des remises, rabais et ristournes

Article 2 A (nouveau) Garantie pour les agriculteurs biologiques de la liberté de produire sans pesticides, et responsabilisation des distributeurs et metteurs sur le marché en cas de dissémination de ces produits

Article 2 B (nouveau) Accessibilité des données d’utilisation des produits phytopharmaceutiques à l’Anses et au public

Article 2 C (nouveau) Expérimentation d’un mécanisme d’assurance-risque comme alternative à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques

Article 2 Révision de la procédure de délivrance des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques par l’Anses, utilisation de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques, et autorisation à titre dérogatoire de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou assimilés

Article 2 bis (nouveau) Rejet de l’autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide lorsqu’il est composé d’une substance active non approuvée pour la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique

Article 2 ter (nouveau) Instauration d’une zone tampon autour des espaces scolaires et parascolaires, et des établissements de santé

Article 2 quater (nouveau) Rétablissement des expérimentations d’épandage par drone pour les fortes pentes, les bananeraies et les vignes-mères de porte-greffe conduites au sol

Article 2 quinquies (nouveau) Possibilité pour les parcs et réserves d’interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans leur territoire

Article 2 sexies (nouveau) Instauration d’un taux plancher pour la taxe sur les produits phytopharmaceutiques vendus sur le territoire français

Article 2 septies (nouveau) Renforcement des missions de l’Anses pour organiser et superviser les essais évaluant l’impact des produits réglementés

Article 2 octies (nouveau) Instauration d’une liste nationale de contrôle des métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine

Article 2 nonies (nouveau) Instauration d’une signalétique pour toute denrée alimentaire ayant été cultivée avec un traitement phytopharmaceutique

Article 2 decies (nouveau) Demande de rapport sur l’émission de Pfas liée à l’utilisation de pesticides

Article 2 undecies (nouveau) Demande de rapport sur les actions menées au niveau européen par le Gouvernement en vue d’une interdiction des néonicotinoïdes

Article 3 Allègement de la procédure d’enquête publique des projets soumis à autorisation environnementale ; relèvement des seuils au-delà desquels des projets d’élevage sont soumis à autorisation

titre iv Mieux accompagner les contrÔles et dispositions diverses relatives aux suites liÉes aux inspections et contrÔles en matiÈre agricole

Article 7 Macro-organismes utilisés dans le cadre de la lutte autocide

Article 8 Recours à une ordonnance pour améliorer l’action de l’État à l’encontre des propriétaires ne prenant pas les mesures de lutte contre les organismes nuisibles de quarantaine

Article 8 bis (nouveau) Création d’un régime spécifique de référé à l’encontre d’une décision d’autorisation environnementale

Article 8 ter (nouveau) Délai dans lequel le juge administratif statue sur les recours à l’encontre d’une autorisation environnementale

II. Réunions de la commission saisie pour avis

III. liste des personnes auditionnées par mme sandrine le feur, rapporteurE pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

IV. contributions écrites reçues PAR mme sandrine le feur, rapporteurE pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

 


   INTRODUCTION

À l’issue de trois journées d’examen, la commission des affaires économiques a adopté, le vendredi 16 mai 2025, la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Présentée par nos collègues sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville à l’automne 2024, ce texte a été largement réécrit avant d’être adopté par le Sénat, le 27 janvier dernier, après engagement par le Gouvernement de la procédure accélérée. Bien qu’elle soit de taille modeste, cette proposition de loi contient une série de mesures attendues par le monde agricole, complémentaires de celles figurant dans la loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture.

En amont de l’examen de cette proposition de loi par la commission des affaires économiques, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire (CDDAT) de l’Assemblée nationale a amendé ce texte de manière substantielle, en particulier les deux articles qui ont fait l’objet d’une délégation au fond : l’article 5 relatif aux enjeux des usages de l’eau en agriculture, qui a été supprimé, et l’article 6 portant sur les contrôles relatifs à la police de l’environnement, qui a été modifié (le commentaire de ces articles et des articles additionnels liés, délégués au fond à la CDDAT, par sa rapporteure pour avis, Mme Sandrine Le Feur, est intégré au présent rapport). À l’exception de l’article 4, les autres articles du texte examiné au fond par la commission des affaires économiques ont fait l’objet d’un avis simple de la part de la CDDAT (le commentaire des articles faisant l’objet de cet avis simple de la CDDAT, qui n’a pas nécessairement été suivi par la commission des affaires économiques, est présenté de façon distincte, à la suite du présent rapport).

L’article 1er, qui prévoyait initialement d’abroger purement et simplement la séparation des activités de vente et de conseil, supprime cette séparation pour les distributeurs, comme les coopératives qui constituent des interlocuteurs privilégiés pour conseiller les agriculteurs, mais la maintient pour les fabricants de produits phytosanitaires afin de limiter les risques de conflit d’intérêts. Cet article prévoit par ailleurs de recentrer sur les distributeurs le dispositif des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP).

Bien qu’aucune périodicité ne soit plus évoquée dans le dispositif législatif, le conseil stratégique demeurerait obligatoire dans la version issue de l’examen en commission. L’article 1er instaure un conseil stratégique global afin d’inciter les agriculteurs à mener une réflexion d’ensemble pour renforcer la viabilité économique, environnementale et sociale de leur exploitation. Son contenu a été précisé par la commission.

Autre mesure de la loi Egalim de 2018, l’interdiction des rabais, remises et ristournes sur la vente de produits phytopharmaceutiques, qui était supprimée dans le texte initial, a finalement été conservée dans la version adoptée par le Sénat et par la commission des affaires économiques.

L’article 2 modifie les dispositions du code de la santé publique et du code rural et de la pêche maritime relatives à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et à la procédure de délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques par cet établissement public.

Ces dispositions sont présentées par certains comme remettant en question l’indépendance de l’Anses, donc l’impartialité de l’analyse scientifique qui fonde ses décisions.

Si l’Anses est un établissement public placé sous la tutelle des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement, de la santé et du travail, la spécificité de ses missions implique qu’elle mette en œuvre « une expertise scientifique indépendante et pluraliste », ce que prévoit l’article L. 1313-1 du code de la santé publique.

Dans le même temps, il est normal que les autorités de tutelle interrogent l’efficacité de l’organisation des travaux de l’Anses, dans le cadre règlementaire européen et national qui s’impose à elle.

La pertinence de certaines dispositions du texte initial de la proposition de loi, comme du texte transmis à l’Assemblée nationale, peut en effet être questionnée. Leur objectif revendiqué est de faire en sorte que les ministres de tutelle, et tout particulièrement le ministre de l’agriculture, soient en mesure de veiller à ce que tout soit mis en œuvre pour accélérer la mise à disposition des agriculteurs de solutions aux impasses auxquelles ils sont confrontés en raison de l’interdiction de certaines substances ou du retrait de l’autorisation de mise sur le marché de certains produits. Pourtant ces dispositions semblent, pour certaines, de nature à perturber le travail de l’Anses sans apporter de réelles garanties pour la mise à disposition rapide de solutions.

Ces dispositions de la proposition de loi peuvent toutefois être modifiées afin de répondre à des problématiques précisément identifiées, par exemple en matière de reconnaissance mutuelle d’autorisation de mise sur le marché de produits phytosanitaires.

Par ailleurs, l’article 2 doit permettre de replacer l’Anses et l’évaluation scientifique au centre de la prise de décision en matière d’autorisation de mise sur le marché de produits phytosanitaires.

Le sujet de l’acétamipride doit être abordé de façon objective, sans prêter au texte des intentions et des effets qu’il n’a pas.

Un décret pourra, à titre exceptionnel et dans des conditions strictes déroger au principe d’interdiction d’utiliser des produits contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d'action identiques à ceux de ces substances. La dérogation ne pouvant concerner que des substances approuvées au sein de l’Union européenne, le sujet est donc concrètement celui de l’acétamipride.

Cette dérogation par décret ne vaudra pas autorisation d’utiliser des produits contenant de l’acétamipride, puisqu’il faudra encore que le produit contenant cette substance se voie délivrer une autorisation de mise sur le marché dans les conditions prévues par le droit européen et national, donc sous le contrôle de l’Anses.

L’article 2 est, sur ce point, strictement proportionné à l’objectif recherché, à savoir apporter une solution ponctuelle, pour un usage précis, à une filière qui ne dispose pas d’autre solution et qui se trouve pénalisée par rapport à ses voisines européennes qui disposent de ladite solution.

Enfin, l’article 2 prévoit que soient identifiés les usages prioritaires, c’est-à-dire ceux qui répondent à une absence (ou à une insuffisance) de solution pour les agriculteurs. Le sujet ne doit pas être de contraindre l’Anses dans l’organisation de ses travaux, mais d’organiser le dialogue entre toutes les parties prenantes, dont cette agence, sur la recherche de solutions. Le cadre de ce dialogue existe et il faut le faire vivre, c’est le comité des solutions créé en 2024.

Dans sa version transmise par le Sénat, l’article 3, modifié en séance à l’initiative du Gouvernement, assouplissait les modalités de consultation du public dans le cadre de la procédure d’autorisation environnementale, telle qu’elle résulte de la loi dite « Industrie verte », notamment pour les installations d’élevage. Il prévoyait que la consultation du public puisse être aménagée par le commissaire enquêteur en lien avec les autorités pour les projets à moindre enjeu, autrement dit que les réunions publiques puissent être remplacées par des permanences en mairie. Toutefois, la commission des affaires économiques a souhaité revenir à la rédaction initiale de cet article, c’est-à-dire au régime antérieur à celui prévu par la loi Industrie verte : lorsque la demande d’autorisation environnementale porte sur un projet destiné à l’élevage de bovins, de porcs ou de volailles, l’instruction de la demande se déroule en trois phases successives (examen, consultation du public sous la forme d’une enquête publique et décision).

Cet article prévoit également de relever les seuils applicables aux installations d’élevage, en lien avec la révision d’avril 2024 de la directive européenne sur les émissions industrielles, dite directive « IED », qui entrera en vigueur au plus tard au 1er septembre 2026. La commission a enfin précisé que le principe de non-régression environnementale ne s’oppose pas au relèvement des seuils de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement pour les élevages de bovins.

L’article 4, de nature programmatique, vise à mettre en place un plan pluriannuel de renforcement de l’offre d’assurance récoltes destinée aux prairies. Il y a un enjeu de confiance à installer entre les éleveurs et l’outil d’assurance indicielle.

 

 

L’article 7 clarifie le régime d’autorisation relatif à la lutte autocide, afin de s’assurer que le régime d’autorisation préalable à l’introduction dans l’environnement de macro-organismes stériles soit bien respecté. Les travaux en commission ont permis de clarifier encore davantage le droit existant, de renforcer la procédure d’autorisation et d’exclure le forçage génétique des techniques susceptibles d’être autorisées.

L’article 8 prévoit une habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter les sanctions pénales et les mesures de police administrative applicables en matière de lutte contre les organismes de quarantaine (comme la flavescence dorée). Son champ a été restreint par la commission aux mesures de police administrative.

Au terme des débats, la commission des affaires économiques a adopté 91 amendements (sur plus de cinq cents amendements en discussion), dont plusieurs amendements portant article additionnel, qui sont rappelés dans le présent rapport. C’est donc un texte largement remanié qui sera très prochainement examiné en séance publique par l’Assemblée nationale.

 

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   COMMENTAIRE des ARTICLES

titre Ier
METTRE FIN AUX SURTRANSPOSITIONS ET SURRÈGLEMENTATIONS FRANÇAISES EN MATIÈRE DE PRODUITS PHYTOSANITAIRES

Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article, qui a été substantiellement modifié par le Sénat, prévoit d’assouplir la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques prévues par la loi Egalim d’octobre 2018. Il tire ainsi les conséquences des différentes évaluations du dispositif, qui ont mis en lumière sa trop grande complexité et ses effets contre-productifs : le dispositif actuel a conduit à fragiliser le conseil aux agriculteurs. Sous certaines conditions, les distributeurs pourront conseiller les agriculteurs sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, à la différence des producteurs pour lesquels une stricte séparation est maintenue. Par ailleurs, l’article recentre sur les distributeurs le dispositif des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP).

L’article prévoit de rendre le conseil stratégique facultatif et instaure un conseil stratégique global qui doit inciter les agriculteurs à mener une réflexion d’ensemble pour renforcer la viabilité économique, environnementale et sociale de leur exploitation.

L’interdiction des rabais, des remises et des ristournes sur la vente des produits phytopharmaceutiques, qui était supprimée par le texte initial, a finalement été maintenue dans la version transmise par le Sénat à l’Assemblée nationale.

La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Egalim », a introduit diverses règles et restrictions en matière de commercialisation et d’usage des produits phytopharmaceutiques. Celles-ci ont vocation à encourager la réduction du recours à ces produits. Par ailleurs, la loi Egalim a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance plusieurs mesures tendant à une meilleure utilisation des produits phytopharmaceutiques, plus respectueuse de l’environnement.

  1.   L’interdiction des remises, rabais et ristournes (« 3R »)
    1.   L’ÉTAT DU DROIT

● L’article L. 253-5-1, introduit par l’article 74 de la loi Egalim et modifié par l’ordonnance ([1]), interdit :

– « les remises, les rabais, les ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente au sens de l’article L. 441-1 du code de commerce ou la remise d’unités gratuites et toutes pratiques équivalentes » lors de la vente de produits phytopharmaceutiques ;

– « les pratiques commerciales visant à contourner, directement ou indirectement, cette interdiction par l’attribution de remises, de rabais ou de ristournes sur une autre gamme de produits qui serait liée à l’achat de ces produits ».

Les dispositions de ce même article exemptent toutefois de cette interdiction les produits de biocontrôle et les produits à faible risque au sens du règlement n° 1107/2009. Les produits de biocontrôle sont définis à l’article L. 253-6 comme « des agents et des produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ». Ils comprennent « les macro-organismes » et « les produits phytopharmaceutiques qui sont composés de micro-organismes, de médiateurs chimiques tels que les phéromones et les kairomones, ou de substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale ».

● En cas de manquement aux interdictions énoncées à l’article L. 253-5-1, l’article L. 253-5-2 prévoit des sanctions administratives pouvant aller jusqu'à 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale. Le montant de ces sanctions est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

  1.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ
    1.   Les dispositions de la proposition de loi initiale

Le du présent article prévoyait de mettre un terme à l’interdiction des remises, rabais et ristournes (3R) des produits phytopharmaceutiques, par l’abrogation de la section 4 bis du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime, à savoir les articles L. 253-5-1 et L. 253-5-2 précités.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

Maintenu à l’issue de son examen en commission, le de la proposition de loi a été supprimé en séance publique à l’initiative du Gouvernement (amendement n° 89), avec un avis favorable de la commission du Sénat. En conséquence, l’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les ventes de produits phytosanitaires est préservée.

S’il est difficile d’établir un bilan de cette mesure, une telle interdiction, qui existe dans d’autres domaines tels que la vente de médicaments vétérinaires, vise à valoriser le conseil et promouvoir la protection intégrée des cultures plutôt que les ristournes dans le choix des produits phytosanitaires par les agriculteurs. Ainsi que l’a rappelé la ministre au Sénat, il s’agit de limiter l’importance de l’argument commercial dans le choix des produits. Le rapporteur rejoint cet avis et estime que le maintien de cette interdiction, qui ne concerne pas les produits de biocontrôle dont l’utilisation doit être encouragée, apparaît prudent au regard de l’assouplissement de la séparation des activités de vente et de conseil proposé par l’article 1er de la proposition de loi.

  1.   La sÉparation de la vente et du conseil en matiÈre de produits phytopharmaceutiques

La séparation de la vente et du conseil résulte d’un engagement pris en 2017 par le Président de la République, alors candidat à l’élection présidentielle. Concrétisé à l’article 88 de la loi Egalim qui a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance ([2]), la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques est effective depuis le 1er janvier 2021.

En l’absence de séparation des activités de vente et de conseil, des garde-fous existaient déjà dans le régime antérieur à la loi Egalim : obligations générales d’agrément et de certification, certification spécifique pour les activités de conseil (« Certiphyto conseil »), règles particulières telles que l’interdiction d’indexation de la rémunération des conseillers sur le volume ou le chiffre d’affaires de vente de ces produits, obligation pour les distributeurs de produits phytopharmaceutiques de formuler au moins une fois par un an un conseil individualisé ([3]).

  1.   L’ÉTAT DU DROIT
    1.   Le dispositif existant

● L’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime encadre les activités en matière de vente et de conseil s’agissant des produits phytopharmaceutiques.

Le II de cet article dispose que sont subordonnées à la détention d’un agrément délivré par le ministère de l’agriculture les activités suivantes :

– la mise en vente, la vente ou la distribution à titre gratuit de produits phytopharmaceutiques (1°) ;

– l’application, en qualité de prestataire de services, des produits phytopharmaceutiques (2°) ;

– le conseil lorsque cette activité s’exerce à titre professionnel (3°).

Les utilisateurs professionnels agissant en compte propre, notamment les exploitations agricoles ou les collectivités territoriales, ne sont pas soumis à l’agrément.

Les détenteurs de cet agrément doivent concourir à la réalisation des objectifs du plan « Ecophyto » (V) ([4]).

L’agrément peut être obtenu à condition de disposer d’une assurance responsabilité civile professionnelle adaptée, d’une certification délivrée par un organisme certificateur reconnu par le ministère chargé de l’agriculture et d’un contrat avec l’organisme certificateur prévoyant le suivi nécessaire au maintien de la certification (article L. 254-2 du même code).

Les distributeurs doivent disposer d’un certificat d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) ([5]), dont le dispositif a été généralisé après une phase expérimentale grâce à l’ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019. Les CEPP encouragent la diffusion des pratiques économes en produits phytopharmaceutiques.

Aux termes du VI, l’exercice de l’activité de conseil est incompatible avec celui des autres activités mentionnées au 1° et au 2° du II ou au IV du même article qui vise « les personnes qui mettent des produits phytopharmaceutiques sur le marché autres que celles exerçant les activités mentionnées au 1° du II ». L’activité de conseil n’est compatible ni avec l’activité des distributeurs ou des applicateurs de produits phytopharmaceutiques ni avec celle des producteurs.

Toutefois, cette incompatibilité n’exclut pas la possibilité de fournir aux utilisateurs des informations appropriées concernant l’utilisation des produits phytopharmaceutiques (cible, dose recommandée, conditions de mises en œuvre, risques, consignes de sécurité), ou de promouvoir et de faciliter la mise en œuvre d’actions tendant à la réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutique.

● D’autres articles déclinent le principe de la séparation des activités de vente et de conseil.

L’article L. 254-1-1 du code rural et de la pêche maritime pose le principe de séparation capitalistique des organes proposant du conseil et de la vente. Cette séparation, dont le respect est vérifié à l’occasion de la délivrance de l’agrément nécessaire à l’exercice de ces activités, fixe ainsi des limites s’agissant des parts cumulées de capital à ne pas excéder et des droits de vote au sein des organes d’administration.

L’article L. 254-1-2 du même code porte sur les incompatibilités réciproques, au niveau de la gouvernance, entre les fonctions de « membres d’un organe de surveillance, d’administration et de direction d’une personne morale » exerçant une activité de conseil et celles de membres d’un de ces mêmes organes d’une personne morale exerçant une activité de vente ([6]) .

Le second alinéa de cet article L. 254-1-2 prévoit qu’une personne membre d’un organe de surveillance, d’administration ou de direction d’une personne morale exerçant une activité de vente peut détenir, dans un établissement mentionné à l’article L. 510-1 du même code bénéficiant d’un agrément pour les activités de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques (chambres départementales ou régionales d’agriculture, Chambres d’agriculture France), un mandat de président, de membre du bureau ou de membre du conseil d’administration de Chambres d’agriculture France. Cette nouvelle disposition vise à permettre notamment aux administrateurs des coopératives agricoles de siéger au sein des instances des chambres d’agriculture. Toutefois, compte tenu de la séparation des activités de vente et de conseil, cette personne ne peut participer ni aux travaux, ni aux délibérations concernant l’activité de conseil à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques ([7]).

Les dispositions de l’article L. 254-1-3 du même code déclinent cette incompatibilité au niveau organisationnel : il est interdit pour une personne exerçant le conseil d’être employée ou rémunérée par une personne pratiquant la vente des produits phytopharmaceutiques.

  1.   Les difficultés soulevées par le dispositif actuel

 Après plusieurs années de mise en œuvre, force est de constater que le dispositif actuel s’est avéré trop complexe et contre-productif au regard des objectifs recherchés par le législateur.

Au cours de ces dernières années, plusieurs rapports ont mis en exergue ses défaillances. On peut citer le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale de 2023 sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire, qui évoquait un « échec unanimement reconnu » de la réforme ([8]). Ce rapport faisait écho aux mises en garde du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), qui alertaient dès 2018 sur les conséquences de la séparation des activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques ([9]).

En outre, les rapporteurs du groupe de travail de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale créé en 2023 pour dresser le bilan de la séparation des activités de vente et de conseil des produits phytopharmaceutiques, nos collègues Dominique Potier et Stéphane Travert ([10]), notaient que :

– l’obligation de séparation entre la vente et le conseil n’est pas respectée en réalité : les vendeurs (coopératives et négociants) continuent de prodiguer des conseils oraux, de manière informelle, en l’absence d’autres conseillers sur le terrain. En effet, nombre d’acteurs ont fait le choix de conserver leur activité de vente de produits phytopharmaceutiques ;

– la séparation des activités de vente et de conseil freine le développement de solutions combinatoires : « le vendeur ne peut plus légalement conseiller à l’agriculteur la combinaison de produits phytopharmaceutiques avec des produits de biocontrôle, des outils d’aide à la décision agricole (OAD), des solutions mécaniques ou génétiques » ;

Le dispositif a ainsi eu des effets contre-productifs : le nombre de conseillers est resté insuffisant et il est difficile de définir les limites entre le conseil et les recommandations d’utilisation découlant de l’autorisation de mise sur le marché (AMM).

Les personnes auditionnées par le rapporteur ont très largement partagé ces constats et appellent à un assouplissement du dispositif actuel. Selon le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, « l’un des effets négatifs que la séparation de la vente et du conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques a induit dès son instauration au 1er janvier 2021 est l’affaiblissement, voire l’arrêt brutal, de la dynamique d’accompagnement des collectifs d’agriculteurs travaillant sur la baisse ou l’utilisation en dernier recours des produits phytopharmaceutiques » ([11]). L’arrêt de l’activité de conseil par les coopératives n’a pas été compensé par l’installation d’entreprises de conseil. Par conséquent, « les acteurs de la distribution sont restés les interlocuteurs de prédilection des agriculteurs pour la gestion des bioagresseurs, sans que cette proximité puisse être mise à profit pour orienter le choix des agriculteurs dans le sens souhaité par les politiques publiques » ([12]).

● S’agissant plus spécifiquement des CEPP, le dispositif a été élargi depuis le 1er janvier 2022 à l’ensemble des acteurs tenus de déposer une déclaration au titre de la redevance pour pollutions diffuses. Les trieurs à façon ([13]) et les agriculteurs ayant acheté des produits phytopharmaceutiques à l’étranger sont ainsi entrés dans le périmètre des obligés du dispositif. Comme le relève le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, « cet élargissement a entraîné des difficultés car ces acteurs [qui ne représentent qu’une très faible proportion des obligations associées au dispositif, de l’ordre de 1 %] ne disposent pas des leviers dont disposent les distributeurs pour promouvoir des solutions alternatives, et donc pour générer des certificats » ([14]).

  1.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ
    1.   Les dispositions de la proposition de loi initiale

Constatant l’échec de la réforme, les auteurs de la proposition de loi ont proposé l’abrogation totale de la séparation entre les activités de vente et de conseil ( à de l’article 1er). La commission des affaires économiques du Sénat a maintenu cette suppression.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

● Toutefois, lors de l’examen en séance publique, le Sénat a rétabli, à l’initiative du Gouvernement (amendement n° 88 rect.), avec un avis favorable de la commission, la séparation de la vente et du conseil, dans une version révisée. Le dispositif adopté en séance par le Sénat assouplit et modifie les modalités de la séparation des activités de vente et de conseil.

Le b) prévoit ainsi de maintenir l’interdiction pour les producteurs de produits phytopharmaceutiques d’exercer une activité de conseil, à l’exception du conseil en matière de produits de biocontrôle, de produits à faible risque ou des produits autorisés dans le cadre de l’agriculture biologique. Plus précisément, il s’agit des producteurs au sens du point 11 de l’article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009, soit « toute personne qui fabrique elle-même des produits phytopharmaceutiques, des substances actives, des phytoprotecteurs, des synergistes, des coformulants ou des adjuvants, ou qui sous-traite cette fabrication à une autre personne, ou toute personne désignée par le fabricant comme son représentant exclusif aux fins du respect du présent règlement ». Lors des auditions, le rapporteur a toutefois été interpellé sur la nécessité de conserver la possibilité pour les producteurs de fournir aux agriculteurs des informations techniques, distinctes du conseil au sens du 3° du II de l’article L. 254-1, indispensables à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

À l’inverse, les acteurs de la distribution seraient de nouveau autorisés à exercer une activité de conseil pour l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Cette activité de conseil serait conditionnée à la détention d’un agrément et au respect d’exigences définies par voie réglementaire afin d’empêcher tout risque de conflit d’intérêts.

En lien avec cette modification, l’amendement gouvernemental précité a prévu plusieurs coordinations pour restreindre la séparation des activités de vente et de conseil aux producteurs de produits phytopharmaceutiques, s’agissant :

– de la séparation capitalistique prévue à l’article L. 254-1-1 du code rural et de la pêche maritime (bis) ;

– des incompatibilités au niveau de la gouvernance prévue à l’article L. 254‑1-2 du même code (a) du ter). Les dispositions interdisant aux distributeurs et donc aux coopératives exerçant cette activité de siéger au sein des instances des chambres d’agriculture exerçant des activités de conseil sont supprimées (b) du  ter) ;

– de la séparation organisationnelle prévue par l’article L. 254-1-3 de ce code (quater).

L’exercice d’une activité de vente ou de distribution de produits phytopharmaceutiques, d’application, en tant que prestataire de service, ou de conseil pour l’utilisation des produits phytopharmaceutiques reste subordonné à la détention d’un agrément (article L. 254-1 du même code).

● Le Sénat a également adopté en séance publique un amendement (n° 90) du Gouvernement, avec un avis favorable de la commission, pour recentrer le dispositif des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) spécifiquement sur les distributeurs, qui seront les mieux placés pour diffuser les pratiques économes dans le cadre des activités de conseil. À cet effet, les et bis modifient respectivement les articles L. 254-2 et L. 254-10-1. Les applicateurs de produits phytopharmaceutiques ainsi que les agriculteurs ayant acheté des produits à l’étranger ne seraient désormais plus obligés du dispositif.

  1.   Le conseil pour l’utilisation des produits phytopharmaceutiques
    1.   L’ÉTAT DU DROIT
      1.   Le conseil stratégique

● Introduit par l’ordonnance n° 2019 du 24 avril 2019 et modifié par l’ordonnance n° 2019-1110 du 30 octobre 2019, l’article L. 254-6-2 du code rural et de la pêche maritime prévoit la mise en place d’un conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, qui « a pour objectif de fournir aux décideurs des entreprises utilisatrices de produits phytopharmaceutiques non soumises [à agrément] les éléments leur permettant de définir une stratégie pour la protection des végétaux ». Au même titre que le conseil spécifique mentionné à l’article L. 254-6-3 du même code (voir infra), il s’inscrit dans un objectif de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques, en privilégiant des méthodes alternatives (méthodes non chimiques, utilisation des produits de biocontrôle) ([15]).

Ce conseil stratégique, qui est formalisé par écrit, est « fondé sur un diagnostic comportant une analyse des spécificités pédoclimatiques, sanitaires et environnementales des espaces concernés ». Ce diagnostic « prend également en compte l’organisation et la situation économique de l’exploitation et comporte une analyse des moyens humains et matériels disponibles, ainsi que des cultures et des précédents culturaux et de l’évolution des pratiques phytosanitaires ».

Ce diagnostic doit être effectué régulièrement, dans la limite de trois ans entre deux conseils. Cette périodicité est précisée par l’article R. 254-26-3 du code rural et de la pêche maritime : « deux conseils stratégiques au moins sont délivrés par période de cinq ans, à un intervalle de deux à trois ans ». Un conseil stratégique doit être dispensé « trois mois au plus tard après l’établissement ou l’actualisation d’un diagnostic ». Le deuxième conseil stratégique par période de cinq ans « dresse un bilan du déploiement du plan d’actions (…) et propose les évolutions nécessaires de ce plan ». Toutefois, un seul conseil stratégique par période de cinq ans est obligatoire pour les exploitations de petite taille satisfaisant certaines conditions (article R. 254-26-4 du même code).

Les agriculteurs sont tenus de pouvoir justifier le respect de l’obligation de recourir au conseil stratégique pour obtenir le renouvellement du certificat individuel de produits phytosanitaires (Certiphyto) Densa (décideurs en entreprise non soumise à agrément) ([16]), qui est nécessaire pour utiliser, conseiller, vendre ou acheter des produits phytopharmaceutiques dans le cadre d’une activité professionnelle (article L. 254-3 du même code).

Les Certiphyto, qui sont valables cinq années, peuvent être obtenus de trois façons différentes : soit le demandeur dispose d’un diplôme datant de moins de cinq ans permettant d’obtenir le Certiphyto ; soit, si le demandeur dispose d’un diplôme datant de plus de cinq ans, il peut passer un test auprès d’un organisme de formation habilité ; soit le demandeur doit suivre une formation, de 14 à 28 heures, auprès d’un organisme de formation habilité.

● Selon nos collègues Dominique Potier et Stéphane Travert, rapporteurs du groupe de travail de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur la séparation des activités de vente et de conseil pour ces produits, « la mise en œuvre du conseil stratégique est largement insuffisante, tant sur le plan quantitatif que qualitatif » ([17]).

D’une part, le nombre d’agriculteurs ayant bénéficié d’un conseil stratégique phytosanitaire (CSP) était très inférieur aux besoins globaux. Les rapporteurs estimaient en juillet 2023 que plus de deux cent mille exploitations n’avaient pas réalisé de CSP et risquaient, par conséquent, de se retrouver dans l’impasse au moment du renouvellement des Certiphyto. Cette situation a conduit le ministère à prolonger d’un an, en avril 2024 puis en mars 2025, la durée de validité des Certiphyto Densa par voie réglementaire ([18]).

D’autre part, les rapporteurs relevaient que « le conseil stratégique tel qu’il est aujourd’hui délivré est dans la majorité des cas inadapté aux besoins des agriculteurs. Le format souvent collectif du conseil stratégique délivré par les opérateurs est considéré comme peu efficace, dans la mesure où le conseil stratégique est censé garantir un conseil sur mesure à l’échelle de l’exploitation. Le contenu de la formation et sa qualité paraissent très variables en fonction des formateurs et des territoires. Le coût du conseil stratégique est estimé entre 400 et 700 euros et représente donc entre 800 et 1 400 euros pour les agriculteurs devant bénéficier de deux conseils stratégiques par période de cinq ans ». Le conseil stratégique, dont la qualité est très hétérogène, est trop souvent perçu par les agriculteurs comme étant avant tout une obligation et une contrainte administrative pour obtenir le renouvellement du Certiphyto et non pas comme une opportunité d’évolution des pratiques.

  1.   Le conseil spécifique

● L’article L. 254-6-3 prévoit, en complément du conseil stratégique, un conseil spécifique relatif à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Celui-ci vise à émettre des recommandations sur l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et à préciser par écrit « la substance active ou la spécialité recommandée, la cible, la ou les parcelles concernées, la superficie à traiter, la dose recommandée et les conditions d’utilisation ».

● Selon les rapporteurs du groupe de travail précité, « les agriculteurs semblent s’être assez peu tournés vers le conseil spécifique fourni par le conseil indépendant – sauf pour ceux qui y avaient recours avant la réforme. (…) Le faible développement du conseil spécifique paraît être imputable à son coût – entre 500 et 1 500 euros pour un suivi annuel selon le ministère –, au manque de conseillers disponibles, mais surtout au fait qu’un conseil spécifique informel continue d’être délivré par les vendeurs. » ([19]).

Cette situation serait également source d’insécurité juridique, pour les vendeurs comme pour les acheteurs. Au niveau assurantiel, elle pose la question de la responsabilité en cas de problème. « Lorsque l’agriculteur se retourne contre le vendeur de produits phytopharmaceutiques en cas de mauvais conseil, le vendeur n’est plus couvert par son assurance, étant donné que le conseil délivré n’a pas d’existence juridique. De même, l’issue de l’action en justice de l’agriculteur est incertaine, en particulier lorsque le fondement du conseil est oral. Les coopératives agricoles dénoncent une insécurité juridique forte, qu’elles imputent aussi à la difficulté de distinguer le conseil spécifique, interdit au vendeur, du devoir d’information, qui lui incombe » ([20]).

  1.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ
    1.   Les dispositions de la proposition de loi initiale

 

Le et lede l’article 1er initial supprimaient l’obligation d’une actualisation périodique du conseil stratégique pour l’utilisation des produits phytopharmaceutiques aux articles L. 254-6-2 et L. 254-7-1 du code rural et de la pêche maritime. Ces dispositions ont été conservées par la commission avant d’être revues en séance publique.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

● En séance publique, l’adoption de l’amendement n° 88 rect. du Gouvernement, avec un avis favorable de la commission, a conduit à abroger les articles L. 254-6-2 et L. 254-6-3 du même code portant respectivement sur le conseil stratégique et le conseil spécifique ( bis). La notion de conseil spécifique est supprimée, tandis que le conseil stratégique est conservé : il est désormais mentionné au II de l’article L. 254-6-4 de ce code (ter b).

Le conseil stratégique est défini comme l’établissement d’« un plan d’action pluriannuel pour la protection des cultures de l’exploitation agricole qui s’inscrit dans les objectifs du plan d’action national mentionné à l’article L. 253-6. Il est fondé sur un diagnostic prenant en compte les spécificités de l’exploitation. Les exigences concernant la prévention des conflits d’intérêts pour la délivrance du conseil stratégique par le détenteur d’un agrément au titre des activités mentionnées au 1° du II de l’article L. 254-1 sont déterminées par voie réglementaire ». Il sera ainsi permis aux distributeurs de produits phytopharmaceutiques de réaliser une activité de conseil stratégique, sous réserve du respect d’exigences pour prévenir les conflits d’intérêts, qui seront précisées par décret.

Le 5 ter a), qui modifie le premier alinéa de l’article L. 254-6-4 du code rural et de la pêche maritime, définit l’activité de conseil mentionné au 3° du II de l’article L. 254-1 de ce code. Il s’agit de « toute recommandation d’utilisation de produits phytopharmaceutiques ». Ce conseil est formalisé par écrit. Il est précisé que la prestation est effectuée à titre onéreux. La facturation de la prestation doit permettre de matérialiser la distinction entre le conseil et l’acte de vente. Il est en outre rappelé que le conseil « s’inscrit dans un objectif de réduction de l’usage et des impacts des produits phytopharmaceutiques et respecte les principes généraux de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ».

Un décret en Conseil d’État devra mettre à jour les règles relatives aux activités de vente et de conseil, notamment les modalités de délivrance du conseil, conformément à l’article L. 254-7-1 du même code qui est modifié par le .

Le ter relève de 15 000 euros à 50 000 euros le plafond de l’amende prévue à l’article L. 254-12 du code rural et de la pêche maritime en cas d’exercice d’une activité de vente ou de conseil sans agrément ou en cas de non-respect des conditions prévues par l’article L. 254‑2 ou par l’article L. 254-5 de code.

● Enfin, le complète le livre V du code rural et de la pêche maritime relatif aux organismes professionnels agricoles, en insérant un titre préliminaire relatif au « conseil stratégique global ». Ces dispositions résultent d’un amendement du rapporteur du Sénat, adopté en commission et modifié en séance par le Sénat avec l’avis favorable du Gouvernement. Selon M. Pierre Cuypers, il s’agit d’ « esquisser les contours du « conseil stratégique global » proposé dans plusieurs rapports parlementaires (rapports Potier-Travert et Potier-Descrozaille) ainsi par plusieurs acteurs du monde agricole (La Coopération agricole), qui consisterait en un conseil facultatif – nécessitant, de ce fait, d’être attractif pour les agriculteurs, et donc de leur apporter des informations utiles dans la conduite de leur exploitation ». Le conseil stratégique phytosanitaire serait une déclinaison de ce conseil stratégique global, ce qui permettrait de replacer la question de la stratégie de réduction de l’usage des produits phytosanitaires dans une réflexion plus globale sur l’exploitation.

Un nouvel article L. 500-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit que « les exploitants agricoles peuvent bénéficier d’un conseil stratégique global, formalisé par écrit, fourni par des conseillers compétents en agronomie, en protection des végétaux, en utilisation efficace, économe et durable des ressources ou en stratégie de valorisation et de filière, afin d’améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale de leur exploitation. ». Un décret devra définir les exigences relatives à l’exercice de la fonction de conseiller, notamment en matière de formation.

L’instauration d’un conseil stratégique global, qui serait facultatif, apparaît intéressante et opportune. En effet, ainsi que le note le ministère de l’agriculture, « le conseil stratégique doit permettre de mener une réflexion à l’échelle de l’exploitation et d’établir une stratégie pluriannuelle, ce que ne permet pas le conseil lié à un traitement phytosanitaire en particulier » ([21]). Plutôt que d’imposer une nouvelle obligation aux agriculteurs, le conseil stratégique doit aborder tous les enjeux des exploitations, afin de renforcer leur viabilité économique, environnementale et sociale, ce qui encouragera les agriculteurs à y recourir. Il pourra notamment s’appuyer sur le diagnostic modulaire prévu par la loi d’orientation agricole, en particulier pour les projets d’installation et de cession.

  1.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

Outre plusieurs amendements rédactionnels ou de coordination du rapporteur, la commission a adopté :

– un amendement du rapporteur (CE751) précisant, à l’article L. 254-6-4 du code rural et de la pêche maritime, la définition de l’activité de conseil au sens du 3° de l’article L. 254-1 du même code : le conseil couvre « toute recommandation d’utilisation de produits phytopharmaceutiques individualisée adressée à un utilisateur », par opposition avec les informations génériques relatives à ces produits qui sont publiées par les producteurs. Cette activité couvre aussi bien le conseil spécifique que le conseil stratégique mentionné au II du même article L. 254-6-4 ;

– un amendement de M. Stéphane Travert (CE607), avec un avis favorable du rapporteur, indiquant que « le conseil donne lieu à une facturation distincte » plutôt que la mention que le conseil est effectué à titre onéreux ;

– un autre amendement de M. Stéphane Travert (CE608), avec un avis favorable du rapporteur, précisant que le conseil stratégique « est obligatoire pour s’assurer que les conseils prodigués sont objectifs, et que les produits vendus sont utilisés de manière appropriée et responsable. » ;

– un amendement du rapporteur (CE708) déplaçant les dispositions relatives au conseil stratégique global dans le livre III du code rural et de la pêche maritime relatif aux exploitations agricoles, au sein du titre Ier portant sur les dispositions générales ;

– un amendement de M. Dominique Potier et de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés (CE764), avec un avis de sagesse du rapporteur, inscrivant le conseil stratégique global dans une logique de transition agroécologique. Inspiré notamment des approches mises en œuvre dans le cadre du réseau des fermes Dephy, ce conseil vise à « accompagner les exploitants dans la mise en œuvre de pratiques agronomiques durables et résilientes ». Il doit tenir compte de « l’ensemble des déterminants propres aux transitions :  la réduction de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre, la gestion durable de la ressource en eau, l’optimisation de la fertilisation et la préservation et la restauration de la qualité des sols. » ;

– un amendement de Mme Julie Ozenne et de ses collègues du groupe Ecologiste et Social (CE686), avec un avis défavorable du rapporteur, prévoyant que, « dans le cadre du conseil stratégique global et en partenariat avec les organisations pertinentes, tout agriculteur peut bénéficier d’un accompagnement humain dans le traitement des démarches administratives qui concernent son exploitation. L’accompagnement peut également porter sur toute démarche administrative et judiciaire qui concourt au redressement économique de l’exploitation et au traitement des dettes, en privilégiant une négociation à l’amiable avec les créanciers. » ;

– un amendement de M. David Taupiac et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (CE551), avec un avis défavorable du rapporteur, rappelant que « les diagnostics modulaires mentionnés à l’article 22 de la loi n° 2025‑268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture peuvent être réalisés dans le cadre du conseil stratégique global et du conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques mentionné à l’article L. 254‑6‑4. »

 

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*     *

 

Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article prévoit plusieurs mesures en matière de produits phytopharmaceutiques.

D’abord, il modifie les dispositions du code de la santé publique et du code rural et de la pêche maritime relatives à la procédure selon laquelle l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) délivre les autorisations de mise sur le marché de ces produits. Il prévoit ainsi une information préalable systématique des ministères de tutelle de l’Anses avant toute prise de décision par le directeur général de l’établissement, une capacité d’autosaisine du Comité de suivi des autorisations de mise sur le marché constitué au sein de l’Anses et l’instauration d’une procédure contradictoire préalablement à toute décision de rejet d’une autorisation.

Ensuite, il prévoit les conditions d’autorisation de programmes d’application par aéronef circulant sans personne à bord de certains produits phytopharmaceutiques.

Par ailleurs, il prévoit la possibilité de déroger à l’interdiction d’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant une ou plusieurs  substances actives de la famille des néonicotinoïdes.

Enfin, cet article définit la notion « d’usage prioritaire » et établit, au sein de l’Anses et sous le contrôle d’un conseil d’orientation pour la protection des cultures, une procédure de priorisation des dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché concernant ces usages prioritaires.

  1.   LE RÔLE DE L’ANSES DANS LA DÉLIVRANCE DES AUTORISATIONS DE MISE SUR LE MARCHÉ DE PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES
    1.   L’ÉTAT DU DROIT

Les règles applicables à l’approbation des substances actives que les produits phytopharmaceutiques contiennent, ou dont ils sont composés, et les règles applicables à l’autorisation de la mise sur le marché de ces produits phytopharmaceutiques sont prévues par le règlement européen n° 1107/2009 du Parlement et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

L’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un produit phytopharmaceutique composé de substances approuvées au niveau européen doit respecter une série de critères faisant l’objet d’une évaluation par l’agence nationale de l’État membre, en respectant des principes uniformes d’évaluation et d’autorisation définis par le règlement d’exécution n° 546/2011 de la Commission du 10 juin 2011 portant application du règlement (CE) n ° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques.

En France, c’est le ministre chargé de l’agriculture qui était compétent pour délivrer les AMM de produits phytopharmaceutiques jusqu’en 2014. Le ministre s’appuyait sur l’avis scientifique de l’Anses, ce qui induisait un double délai d’instruction, par l’Anses, puis par la direction générale de l’alimentation du ministère chargé de l’agriculture.

Depuis la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, l’article L. 1313-1 du code de la santé publique prévoit que c’est l’Anses qui « exerce, pour les produits phytopharmaceutiques et les adjuvants mentionnés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, ainsi que pour les matières fertilisantes, adjuvants pour matières fertilisantes et supports de culture mentionnés à l’article L. 255-1 du même code, des missions relatives à la délivrance, à la modification et au retrait des différentes autorisations préalables à la mise sur le marché et à l’expérimentation ».

Le code de la santé publique prévoit néanmoins, à son article L. 1313-5, que le ministre chargé de l’agriculture peut s’opposer, par arrêté motivé, à une décision du directeur général de l’Anses en matière de produits phytopharmaceutiques, et lui demander de réexaminer le dossier ayant servi de fondement à la décision rendue. Cette opposition suspend l’application de la décision.

  1.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ
    1.   Les dispositions de la proposition de loi initiale

Les alinéas 1 à 6 de l’article 2 de la proposition de loi initiale reprennent la rédaction de l’article 13 de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, adoptée par le Sénat le 23 mai 2023.

Ils prévoient que le ministre chargé de l’agriculture « peut, par arrêté motivé, suspendre une décision du directeur général prise en application du onzième alinéa de l’article L. 1313-1, après avoir réalisé une balance détaillée entre les risques sanitaires et environnementaux et les risques de distorsion de concurrence avec un autre État membre de l’Union européenne, et évalué l’efficience de solutions alternatives ».

Ils posent également le principe d’un accompagnement obligatoire de l’État en matière technique et de recherche en cas de retrait ou de modification d’autorisation visant à restreindre l’usage d’un produit.

Enfin, la rédaction proposée prévoit que les délais de grâce prévus par le droit européen en cas de retrait d’une autorisation de mise sur le marché sont systématiquement portés à leur extension maximale, à savoir six mois pour la vente et la distribution, et un an supplémentaire pour l’élimination, le stockage et l’utilisation des stocks existants.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

La loi n° 2025-365 du mercredi 23 avril 2025 visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés a été promulguée entre l’adoption de la présente proposition de loi par le Sénat et son examen par l’Assemblée nationale.

Cette loi du 23 avril 2025 modifie l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime pour y insérer un I bis, dont le B autorise de recourir aux drones pour appliquer des produits phytopharmaceutiques, par dérogation au I du même article qui prévoit le principe de l’interdiction de l’épandage de ces produits par voie aérienne.

Ce recours aux drones est limité aux produits phytopharmaceutiques à faible risque au sens de la législation européenne, aux produits utilisables en agriculture biologique et aux produits de biocontrôle. Il doit présenter un avantage manifeste pour la santé des personnes travaillant sur les parcelles à traiter et pour l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre.

D’une part, l’utilisation des drones est autorisée sur les vignes en pente, les bananeraies et les vignes mères de porte-greffes conduites au sol. D’autre part, le I ter de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime prévoit la possibilité d’autoriser le recours aux drones sur d’autres types de parcelles lorsque des essais, préalablement autorisés pour une durée maximale de 3 ans, auront permis de démontrer les avantages pour la santé et pour l’environnement de ce mode d’épandage.

  1.   Le dispositif proposé

Les alinéas 12 à 24 de l’article 2 reprennent les dispositions de la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés, adoptée par l’Assemblée nationale le 27 janvier 2025 ([22]).

La seule différence entre les deux textes concerne le degré de pente retenu pour caractériser une parcelle en pente sur laquelle l’épandage par drone est autorisé. La loi du 23 avril 2025 retient un degré de pente de 20 %, contre 30 % à l’alinéa 15 de l’article 2 de la proposition de loi.

Dès lors que ces alinéas 12 à 24 sont satisfaits par l’adoption de la loi du 23 avril 2025, il convient de les supprimer. Votre rapporteur proposera un amendement en ce sens.

  1.   dispositions relatives à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes
    1.   Le droit en vigueur

Les néonicotinoïdes (NNI) sont une famille de substances insecticides qui peuvent notamment être utilisées dans des produits phytosanitaires destinés à l’agriculture. Ce sont des substances dites « systémiques », c’est-à-dire qu’elles se diffusent dans toute la plante pour la protéger des ravageurs. Elles peuvent être utilisées en granulés, en traitements de semences ou en pulvérisation. En agriculture, cinq substances sont répertoriées dans la famille des néonicotinoïdes : la clothianidine, l’imidaclopride, le thiaméthoxame, l’acétamipride et le thiaclopride.

  1.   L’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant une ou plusieurs substances de la famille des néonicotinoïdes en France

Au regard des risques identifiés par plusieurs études scientifiques concernant l’utilisation de substances néonicotinoïdes, en particulier pour l’environnement, l’Union européenne (UE) a progressivement restreint l’usage de ces substances. L’utilisation des substances néonicotinoïdes a d’importantes conséquences sur les pollinisateurs ([23]), peut également présenter des risques pour les oiseaux ([24]), et des risques de contaminations étendues de l’environnement par leur forte solvabilité dans l’eau ([25]) et leur persistance dans les sols ([26]). Les travaux de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority, Efsa) débouchent en 2013 sur un moratoire de la Commission européenne imposant des restrictions concernant l’usage de la clothianidine, de l’imidaclopride et du thiaméthoxane, puis en 2019 de la thiaclopride. Seule l’acétamipride demeure autorisée au niveau européen jusqu’au 28 février 2033, à la suite du renouvellement de l’approbation intervenu le 24 janvier 2018.

En France, l’article 125 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, codifié à l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, a interdit à partir du 1er septembre 2018 l’emploi de produits phytopharmaceutiques contenant une ou plusieurs substances de la famille des néonicotinoïdes. Ce dispositif a été complété par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Egalim », qui interdit les substances présentant des modes d’action identiques à ceux de la famille des NNI, à savoir le flupyradifurone et le sulfoxaflor. Ces deux substances sont autorisées au sein de l’Union européenne jusqu’au 9 décembre 2025 et 18 août 2025, respectivement (uniquement en serres permanentes pour le sulfoxaflor).

Ainsi, la France, en interdisant tous les produits à base de néonicotinoïdes, ne permet pas le recours à des produits contenant la substance active acétamipride pourtant autorisée dans tous les autres États membres de l’Union européenne. Par conséquent, l’Anses ne peut plus délivrer d’autorisations de mise sur le marché pour des produits à base de néonicotinoïdes, et en particulier d’acétamipride, et elle a retiré du site E-Phy les AMM existantes pour ces produits, qui se trouvent de facto privées d’effets depuis l’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016.

Le législateur français, au titre de la clause de sauvegarde, est donc intervenu dans le processus normal d’approbation des substances et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques défini par le règlement (CE) n ° 1107/2009. L’Anses ne peut donc plus appliquer les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché définis par le règlement d'exécution n° 546/2011. En la matière, l’évaluation scientifique a donc été écartée au profit d’une appréciation politique. En revanche, des produits à base d’acétamipride disposent toujours d’une AMM dans les 26 autres États membres de l’Union européenne.

En 2020, alors que la filière betterave était confrontée à un fort épisode de jaunisse de la betterave consécutive à la transmission de virus par des pucerons, le législateur a aménagé, pour cette filière et jusqu’au 1er juillet 2023, une possibilité de dérogation par arrêté, afin d’autoriser provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques à base de néonicotinoïdes. La loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières prévoit que ces dérogations pouvaient être accordées dans les conditions prévues à l’article 53 du règlement 1107/2009, c’est-à-dire par des autorisations de mise sur le marché d’une durée maximale de 120 jours délivrées conjointement par les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement.

La loi du 14 décembre 2020 instaure par ailleurs un conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou plusieurs substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances, ainsi que le principe de plans de recherche sur les alternatives aux néonicotinoïdes pour les filières bénéficiant de dérogations. Sur ce fondement, un plan national de recherche et d’innovation (PNRI) a été mis en place pour la filière Betterave et ses travaux ont été présentés au Conseil de surveillance en 2023. Il est alors apparu nécessaire de le prolonger, ce qui a été fait en 2024.

Sur le fondement du II de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime modifié par la loi du 14 décembre 2020, deux dérogations ont été accordées en 2021 et en 2022 pour autoriser provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam.

Une nouvelle dérogation était envisagée pour 2023. Toutefois, l’arrêté n’a pas été pris, en raison de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n° C-162/21 du 19 janvier 2023. Par cette décision, la CJUE a rappelé l’interdiction de l’usage des substances néonicotinoïdes et précisé qu’il n’est « pas permis à un État-membre d’autoriser la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en vue du traitement de semences, ainsi que la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces produits, dès lors que la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces mêmes produits ont été expressément interdites par un règlement d’exécution ».

Ainsi, à ce jour, l’interdiction en droit français d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant une ou plusieurs substances de la famille des néonicotinoïdes ne souffre plus d’aucune exception.

Cet état du droit conduit plusieurs filières dans une véritable situation d’impasse.

  1.   La règlementation française place certaines filières agricoles en situation d’impasse

Alors que l’acétamipride est encore autorisée dans les autres États-membres de l’Union européenne, certaines filières qui avaient recours à cette substance avant son interdiction en France rencontrent d’importantes difficultés pour produire et dénoncent des distorsions de concurrence.

La filière française de noisettes est notamment concernée : l’Association nationale des producteurs de noisettes a fait état d’une perte de 70 % des rendements sur les vergers l’année suivant l’interdiction de l’acétamipride, ne permettant plus de faire face à la demande élevée de noisettes en France (troisième pays consommateur de noisettes au monde). L’acétamipride aurait une efficacité importante sur deux ravageurs qui touchent les cultures de noisettes : la punaise diabolique et le balanin de noisette.

Pourtant, dans son dernier avis en date de mai 2024 ([27]), l’Efsa, qui considère que des données complémentaires concernant les éventuelles propriétés neurotoxiques de l’acétamipride doivent être recueillies pour parvenir à une évaluation complète des risques induits par son utilisation, recommande d’abaisser les limites maximales de résidus existantes pour 38 produits, sans en interdire l’utilisation complète, validant ainsi son maintien au niveau européen.

De nombreuses productions en France pourraient se conformer sans difficulté aux seuils recommandés par l’Efsa, tout en menant une lutte efficace contre les ravageurs.

En outre, les alternatives utilisées en remplacement de la substance acétamipride ne constituent pas, selon les représentants des filières concernées, une solution pérenne : elles entraînent une multiplication des passages pour une efficacité moindre, induisent des surcoûts trop importants pour être adaptés et interrogent quant à leurs effets sur la santé humaine et l’environnement. En particulier, les pyréthrinoïdes, autre famille d’insecticides souvent utilisées comme alternatives aux néonicotinoïdes depuis leur interdiction, détruisent les insectes par contact et appellent à une fréquence importante de traitement, détruisant tous les insectes présents sur la parcelle. Elles ont fait l’objet d’alertes émises par l’Anses en février 2025 ([28]) quant à leurs effets sur la santé humaine, en particulier pour les enfants avec une possible altération des fonctions motrices, cognitives et sensorielles en lien avec l’exposition prénatale à ces substances.

Au-delà des positions dogmatiques, la présente proposition de loi vise donc à replacer l’analyse scientifique au centre de la prise de décision concernant l’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant la substance acétamipride.

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   Les dispositions de la proposition de la loi initiale

Le dispositif de la proposition de loi initiale portée au Sénat prévoyait l’abrogation des II et II bis de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, afin de supprimer le cadre d’interdiction français des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, permettant d’appliquer uniquement la réglementation européenne en la matière.

Cette disposition qui aurait permis la délivrance d’autorisations de mise sur le marché et l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant de l’acétamipride n’a pas été retenue à l’issue de l’examen du texte en séance.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

L’examen en séance publique a conduit à l’adoption de l’amendement n° 112 déposé par le rapporteur Pierre Cuypers.

La rédaction retenue (alinéas 26 à 38 de l’article 2), tout en conservant l’interdiction de principe d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant une ou plusieurs substances actives de la famille des néonicotinoïdes, ouvre la possibilité d’y déroger par décret, pour un usage déterminé. Limitée dans le temps, la dérogation ne peut être accordée qu’en l’absence d’alternative suffisante, uniquement pour des substances actives approuvées par l’Union européenne en application du règlement (CE) n° 1107/2009 et à la condition que la filière soit engagée dans un plan de recherche d’alternatives.

Cette dérogation peut être accordée à titre exceptionnel et « sans préjudice de la nécessité d’obtenir une autorisation de mise sur le marché ou une autorisation accordée dans les conditions prévues à l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 ».

Dans les faits, les dérogations ne pourraient donc concerner que l’acétamipride, le flupyradifurone et le sulfoxaflor, seules substances appartenant à la famille des NNI ou assimilées, approuvées au niveau européen.

Le décret devrait être pris après avis du conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou plusieurs substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances, qui se prononcerait notamment sur le respect des conditions précitées.

Le conseil de surveillance est chargé du suivi des dérogations par la publication d’un rapport relatif à chaque dérogation exceptionnelle, portant sur leurs conséquences notamment environnementales et économiques, ainsi que sur l’état d’avancement du plan de recherche d’alternatives.

Enfin, l’article L. 253-8-3 de ce même code, qui introduisait une dérogation uniquement pour l’emploi de semences de betteraves sucrières, est abrogé (3°).

Votre rapporteur partage l’objectif poursuivi par les sénateurs.

La possibilité de déroger à l’interdiction des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes est assortie de conditions strictes permettant de justifier qu’une telle dérogation répondra à un motif d'intérêt général, à savoir permettre aux producteurs français se trouvant dans une situation d’impasse technique objectivement établie, de pouvoir produire avec des moyens comparables à ceux de leurs voisins européens, et de contribuer ainsi aux priorités mentionnées à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime modifié par la loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. Ces conditions strictes assurent également le caractère proportionné de la dérogation à l’objectif poursuivi, en la limitant à un usage déterminé, pendant une durée déterminée, pour les seules substances approuvées au niveau européen, donc probablement utilisées dans d’autres pays de l’Union européenne, et en l’accompagnant d’un plan de recherche d’alternatives.

Votre rapporteur proposera d’encadrer la durée d’application des décrets ouvrant la possibilité de déroger à l’interdiction des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes.

Dès lors qu’un décret sera pris sur le fondement de ces dispositions pour déroger, pour une substance et un usage déterminés, à l’interdiction des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, la procédure normale d’autorisation de mise sur le marché des produits contenant cette substance par l’Anses devra être mise en œuvre. Il sera également possible d’accorder une autorisation dite « 120 jours », dans les conditions prévues à l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009.

Par ailleurs, l’interdiction de la plantation et replantation de végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs après l’emploi de semences traitées avec des produits contenant les substances néonicotinoïdes doit être rendue systématique. Votre rapporteur proposera un amendement en ce sens.

  1.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

Outre plusieurs amendements rédactionnels ou de coordination du rapporteur, la commission a adopté :

– plusieurs amendements identiques de Mme Delphine Batho, M. Richard Ramos, M. Loïc Prud’homme, M. David Taupiac, M. Dominique Potier, M. Jean-Luc Fugit et M. Pascal Lecamp (CE9, CE135, CE369, CE511, CE601, CE646 et CE784) supprimant, contre l’avis du rapporteur, les alinéas 1 à 9 ;

– un amendement du rapporteur (CE796), rétablissant l’affirmation du principe selon lequel l’État, lorsqu’il est à l’origine du retrait d’une solution pour les agriculteurs, doit financer l’accompagnement technique et de recherche permettant aux professionnels de disposer d’alternatives ;

– un amendement du rapporteur (CE745) et plusieurs amendements identiques supprimant les alinéas 12 à 24, dès lors que la loi du 23 avril 2025 visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l'aide d'aéronefs télépilotés a été promulguée ;

– un autre amendement du rapporteur (CE748) et un sous-amendement présenté par Mme Delphine Batho avec un avis favorable du rapporteur (CE803), qui ont pour objet de limiter dans le temps la durée d'application du décret dérogeant à l'interdiction d'utiliser des produits contenant des néonicotinoïdes et de prévoir que l’interdiction temporaire de plantation ou replantation de végétaux attractifs pour les insectes pollinisateurs est systématique après l’emploi de produits contenant la substance acétamipride ;

– un amendement de Mme Delphine Batho et de ses collègues du groupe Ecologiste et Social (CE29), avec un avis favorable du rapporteur, complétant le IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime par l'interdiction de la production, du stockage et de la circulation en France des substances actives non approuvées au niveau européen ou dont l'approbation a expiré ;

– un amendement de M. David Taupiac (CE518) affirmant que la nation se fixe pour objectif d’indemniser les exploitants agricoles subissant des pertes d’exploitation significatives résultant du retrait d’une autorisation de mise sur le marché d’un produit phytosanitaire contenant des substances approuvées, en l’absence de solutions alternatives ;

– un amendement de M. Jean-Luc Fugit (CE647), avec un avis favorable du rapporteur, substituant aux alinéas 41 à 46 des dispositions créant un comité des solutions chargé d’identifier les filières en impasses et de contribuer à la recherche d’alternatives.

 

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titre ii
Simplifier l’activitÉ des Éleveurs

Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article, tel que transmis à l’Assemblée nationale, vise à assouplir les modalités de consultation du public dans le cadre de la procédure d’autorisation environnementale telle qu’elle résulte de la loi dite « Industrie verte », notamment pour les installations d’élevage, en prévoyant que les réunions publiques puissent être remplacées par des permanences en mairie, compte tenu des enjeux associés à chaque projet.

Cet article prévoit également de relever les seuils applicables aux installations d’élevage, en lien avec la révision de la directive sur les émissions industrielles (directive dite « IED »), qui entrera en vigueur au plus tard au 1er septembre 2026. Cette évolution devrait permettre à certains élevages de porcs et de volailles de bénéficier du régime de l’enregistrement et, in fine, de faciliter le développement et la transmission de ces élevages.

  1.   L’assouplissement des modalitÉs de consultation du public pour les projets soumis À autorisation environnementale
    1.   L’État du droit
      1.   Le dispositif actuel

Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) susceptibles de présenter de graves dangers ou inconvénients pour l’environnement, la santé et la sécurité publique sont soumis à autorisation environnementale. Depuis le 1er mars 2017, ce régime d’autorisation fait l’objet d’une procédure unique, qui concerne les projets d’ampleur dans le domaine industriel, logistique, mais aussi dans le domaine de l’élevage.

Les dossiers d’autorisation environnementale déposés entre 2019 et 2023 portent sur des projets de traitement des déchets (25 %), de carrières (15 %), de parcs éoliens terrestres (10 %), d’élevages intensifs (7 %), d’entrepôts (5 %) ou encore de méthanisation (2 %) ([29]).

La loi « Industrie verte » du 23 octobre 2023 (article 4) et son décret d’application du 6 juillet 2024 ont modifié la procédure d’autorisation environnementale, afin de réduire les délais d’instruction des demandes, tout en faisant évoluer la participation du public. Cette évolution fait suite au rapport de M. Laurent Guillot « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France » ([30]), qui constatait que la procédure française d’autorisation environnementale se distingue des procédures mises en œuvre dans d’autres États-membres (Allemagne, Pologne, Suède) par le caractère tardif de la consultation du public.

Auparavant, les dossiers d’autorisation environnementale se déroulaient en trois phases (examen, consultation et décision). La loi dite « Industrie verte » a procédé à la fusion des phases d’examen et de consultation : l’instruction du dossier par les services de l’État, les consultations obligatoires de différentes instances et la participation du public sont désormais menées en même temps. Cette « parallélisation » des procédures d’examen et de consultation visant à faciliter l’installation de projets industriels et logistiques s’applique à tous les secteurs concernés par la loi « Industrie verte », y compris les projets importants d’élevage.

Les ICPE et les IOTA

Les Activités, Installations, Ouvrages, Travaux (AIOT) regroupent les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) et les Installations, Ouvrages, Travaux, Activités (IOTA). Les AIOT peuvent être soumis à autorisation environnementale.

Sont considérées comme des ICPE des installations industrielles, agricoles, commerciales ou de services qui, en raison de leur nature, taille ou fonctionnement, peuvent présenter des risques ou nuisances pour la santé humaine, à l’instar d’une usine de fabrication de produits chimiques ou d’une centrale nucléaire. Les ICPE peuvent être de nature très variée : élevage agricole, éoliennes, usines, stations-services, incinérateurs, carrières…

Les ICPE qui ne présentent pas de grave danger ou inconvénients pour la santé, la sécurité publique et l’environnement sont soumises à déclaration. Les ICPE sont soumises à enregistrement lorsqu’elles présentent de graves dangers ou inconvénients pour la santé, la sécurité publique et l’environnement, mais que ces dangers et inconvénients peuvent en principe être prévenus par le respect de prescriptions générales. Les ICPE soumises à autorisation sont les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour la santé, la sécurité publique et l’environnement et nécessitent des prescriptions particulières. Aussi, la nature du régime dont relèvent les ICPE peut dépendre de la taille de l’installation ou des volumes présents dans l’installation : un élevage de vaches laitières sera soumis à déclaration s’il accueille 50 à 150 vaches, à enregistrement s’il en accueille 151 à 400 et à autorisation s’il en accueille plus de 400 ([31]).

Sont considérés comme des IOTA les projets ayant des impacts ou présentant des dangers pour le milieu aquatique et la ressource en eau (prélèvements, rejets, impacts sur le milieu aquatique, marin…). Les IOTA susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité physique sont systématiquement soumis à autorisation.

● Les modalités de consultation du public, qui sont détaillées à l’article L. 181-10-1 du code de l’environnement, ont été renouvelées. Le public est dorénavant consulté dès le début de la phase d’examen et pour une période de trois mois, contre un mois auparavant.

Le III de cet article L. 181-10-1 prévoit que la consultation est conduite par un commissaire enquêteur (ou une commission d’enquête) pour permettre au public de disposer d’une information complète sur le projet et de participer effectivement au processus de décision, selon les modalités suivantes :

– dans les quinze jours suivant le début de la consultation, le commissaire enquêteur organise une réunion publique d’ouverture avec la participation du pétitionnaire (1°) ;

– le public peut faire parvenir ses observations et propositions, pendant la durée de la consultation (2°). Les observations et propositions transmises par voie électronique sont accessibles sur un site internet désigné dans des conditions fixées par voie réglementaire (3°) ;

– les réponses éventuelles du pétitionnaire aux avis mis en ligne et aux observations et propositions du public sont transmises et publiées dans les mêmes conditions, y compris lorsque ces réponses ont été formulées lors d’une réunion publique (4°) ;

– dans les quinze derniers jours de la consultation du public, le commissaire enquêteur organise une réunion publique de clôture avec la participation du pétitionnaire. Il recueille les observations des parties prenantes jusqu’à la clôture de la consultation (5°).

Les réponses apportées par le pétitionnaire au plus tard lors de la réunion de clôture de la consultation sont réputées faire partie du dossier de demande d’autorisation, de même que les éventuelles modifications consécutives du projet, sous réserve qu’elles n’en modifient pas l’économie générale.

Le commissaire enquêteur dispose d’un délai de trois semaines à compter de la fin de la consultation du public pour remettre son rapport et ses conclusions motivées au préfet, et ainsi clore la phase d’examen et de consultation.

Il revient au pétitionnaire d’assumer les frais afférents à la consultation du public, notamment ceux relatifs aux différentes mesures de publicité de la consultation et à l’indemnisation du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête (V de l’article L. 181-10-1).

Par dérogation à la nouvelle procédure, deux formes de participation du public – la participation du public par voie électronique (PPVE) et l’enquête publique unique – peuvent encore être mises en œuvre selon les procédures applicables au projet (article L. 181-10). Dans ces deux cas, l’examen par les services et les consultations obligatoires (organismes et instances dont un avis est requis réglementairement ainsi que les collectivités territoriales) sont conduits en même temps avant que le public ne soit consulté.

● La phase de décision qui suit les phases d’examen et de consultation n’a pas été modifiée. À compter de l’envoi du rapport du commissaire enquêteur au pétitionnaire, elle dure deux mois ou trois mois ; ce délai peut être prorogé par arrêté motivé du préfet dans la limite de deux mois, ou pour une durée supérieure si le pétitionnaire donne son accord (article R. 181-41).

  1.   La mise en œuvre du nouveau dispositif

● Compte tenu de la date d’entrée en vigueur de ces dispositions et des délais propres à cette procédure, la direction générale de la prévention des risques (DGPR) a indiqué au rapporteur que « les services du ministère ne disposent pas encore de suffisamment de matière et de recul pour procéder à une analyse des impacts de la réforme. Un retour d’expérience sera conduit dans le courant de l’année 2025 » ([32]). La DGPR indique toutefois qu’au 18 mars 2025, 241 dossiers ont été déposés depuis l’entrée en vigueur de la réforme le 22 octobre 2024 : 131 dossiers ICPE, 106 dossiers IOTA et 4 dossiers travaux miniers. La consultation « parallélisée » devrait constituer le mode de participation du public le plus utilisé : 107 des 131 dossiers ICPE, soit 81,5 % du total, contre 22 enquêtes publiques uniques (17 %) et 2 participations du public par voie électronique (PPVE) (1,5 %).

● Plusieurs acteurs ont fait le constat d’un manque de souplesse dans la nouvelle procédure d’autorisation environnementale, s’agissant de l’organisation de réunions publiques ou de l’obligation de répondre aux avis mis en ligne et observations du public.

Lors de leurs auditions conduites par le rapporteur, certains acteurs ont indiqué que la systématisation des réunions publiques tendrait à renforcer les risques de contentieux ou de mobilisation de riverains et d’associations environnementales, tout en exposant individuellement les agriculteurs porteurs de projet. Bien que la nouvelle procédure issue de la loi « Industrie verte » ne soit en vigueur que depuis le 22 octobre 2024, elle aurait conduit certains éleveurs de porcs, en Bretagne notamment, à mettre leurs projets en attente, ce qui entraînerait le ralentissement de la modernisation du parc de bâtiments.

Par ailleurs, selon la FNSEA, cette nouvelle procédure d’autorisation induirait un coût supplémentaire d’au moins 5 000 euros pour le porteur d’un projet, de par le doublement des coûts du commissaire enquêteur, la location de salles, la mise à disposition d’un site internet, etc. Or, le coût total d’une procédure d’autorisation d’un projet était déjà estimé à trente mille euros en moyenne sans prendre en compte les modifications prévues par la loi « Industrie verte » ([33]).

  1.   LE DISPOSITIF proposÉ
    1.   Les dispositions de la proposition de loi initiale

Dans sa version initiale, l’article 3 prévoyait notamment de revenir au régime antérieur à la loi Industrie verte pour les seuls bâtiments d’élevage de bovins, de porcs et de volailles, en rétablissant les trois phases successives de l’instruction de l’autorisation environnementale, annulant ainsi l’obligation d’organiser deux réunions publiques pour ces installations (2° et 3°). Il précisait que l’avis de l’autorité environnementale devait se fonder sur les enseignements de la science et citer les études académiques mobilisées pour son élaboration (1°). L’article 3 visait aussi à reconnaître la spécificité des projets d’exploitations agricoles en matière d’ICPE (4°).

L’ensemble de ces dispositions ont été supprimées au cours de l’examen de la proposition de la loi par le Sénat.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

● Dans sa version adoptée par le Sénat, l’article 3 supprime l’obligation de réaliser systématiquement des réunions publiques d’ouverture et de clôture de la consultation du public, dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation environnementale. Cette modification résulte d’un amendement (COM-30) du rapporteur, M. Pierre Cuypers, adopté en commission et conservée en séance.

L’article L. 181-10-1 du code de l’environnement a été complété de manière à ce que le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête puissent choisir, en concertation avec le préfet, de remplacer la réunion publique d’ouverture et la réunion publique de clôture par une permanence à des lieux, jours et heures qu’ils déterminent, incluant au moins une journée dans la mairie de chaque commune du lieu d’implantation du projet (b) et c) du  bis du I). Cette mesure vise à alléger la procédure pour des projets de moindre ampleur, qu’ils soient de nature agricole ou non, tout en garantissant l’implication du public en fonction des enjeux locaux. Aussi, des réunions publiques pourront être organisées pour les dossiers à plus forts enjeux.

Selon le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, ces mesures de souplesse pourront être précisées via un guide de bonnes pratiques à l’attention des commissaires enquêteurs pour proportionner ces procédures à l’impact du projet de l’exploitation d’élevage ([34]).

Contrairement à la version initiale de l’article, ces dispositions concernent l’ensemble des procédures d’autorisation environnementale, et non pas uniquement les bâtiments d’élevage. Cette rédaction présente l’avantage de conserver un régime unique – mais plus souple – en matière d’autorisation environnementale. La création d’un régime particulier pour les installations d’élevage, comme le souhaitent certains acteurs du monde agricole, pourrait conduire à des difficultés d’articulation entre les deux composantes d’un même projet qui n’auraient pas relevé de la même procédure, par exemple un projet comportant un volet élevage et un volet méthanisation.

● Des précisions ont été ajoutées par le Sénat en séance s’agissant des réponses à apporter par les porteurs de projet dans le cadre de la consultation du public (b) bis du  bis du I). L’article L. 181-10-1 précité a également été complété en séance publique à l’initiative du rapporteur (amendement n° 108) pour préciser que les réponses du pétitionnaire aux avis ainsi qu’aux observations et propositions du public, à l’exception de la réponse à l’avis de l’autorité environnementale, sont facultatives.

Cet ajout ne modifie pas l’état du droit : le 4° du III de l’article L. 181-10-1 prévoit déjà que les réponses « éventuelles » du porteur de projet. En outre, le caractère obligatoire de la réponse à l’avis de l’autorité environnementale est déjà prévu (article L. 122-1). Enfin, le Sénat a précisé que « les réponses aux observations et aux propositions du public peuvent être transmises et publiées en une seule fois, jusqu’à la fin de la consultation du public ».

Les a), d) et e) du bis du I prévoient des modifications de coordination ou rédactionnelles.

  1.   LE relÈvement des seuils applicables aux installations d’Élevage
    1.   L’État du droit

● Le régime français des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) est défini au titre 1er du livre V du code de l’environnement, relatif à la prévention des pollutions, des risques et des nuisances. L’article L. 511-1 de ce code précise les activités concernées par ce régime (usines, ateliers, dépôts, chantiers, etc., qui peuvent affecter leur environnement).

Les porteurs de projet concernés peuvent être soumis à déclaration, enregistrement ou à autorisation en fonction de leur impact potentiel.

L’article L. 512-7 du code de l’environnement prévoit que l’enregistrement (ou autorisation simplifiée) concerne les installations qui présentent des dangers ou des inconvénients graves pour la santé, l’environnement et le patrimoine tels que mentionnés à l’article L. 511-1 mais pouvant être évités par des prescriptions générales (éloignement des habitations, d’établissements recevant du public, des cours d’eau, etc.) édictées par le ministre chargé des installations classées ou si les enjeux et risques sont bien connus. Toutefois, ce même article exclut de son champ d’application les installations soumises à deux directives européennes :

– la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions des installations industrielles au titre de son annexe I (directive dite « IED ») ;

– la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (directive dite « EIE »), qui impose une évaluation systématique des impacts environnementaux pour certains projets ;

La directive IED actuellement en vigueur ne permet pas d’appliquer le régime de l’enregistrement à des projets d’élevage relevant du champ d’application de cette directive. En effet, cette directive implique qu’une autorisation soit délivrée pour chaque installation et que celle-ci précise les meilleures techniques disponibles (MTD) et les valeurs limites d’émissions (VLE) individualisées, adaptées à chaque projet d'installation. Cela rend son application incompatible avec le régime de l’enregistrement actuel, qui est prévu pour mettre en œuvre des prescriptions génériques.

Toutefois, cette directive a été révisée en avril 2024. Cette nouvelle version prévoit des règles d’exploitation uniformes pour les élevages, définies dans un acte d’exécution de la Commission européenne qui doit être adopté avant le 1er septembre 2026. Elle ouvre donc la possibilité, à partir de la publication de ces règles, d’avoir recours au régime de l’enregistrement avec des règles générales contraignantes au niveau national plutôt qu’au régime d’autorisation individuelle avec des règles spécifiques à chaque installation. Elle permettra à certaines installations d’élevage de porcs et de volailles, qui ne sont pas soumises à évaluation environnementale systématique, de relever non plus du régime de l’autorisation mais du régime de l’enregistrement.

Cette évolution n’est pas neutre pour les éleveurs, notamment au regard des frais associés à chaque procédure. La FNSEA évalue le coût du dépôt et d’examen d’un dossier soumis à procédure d’enregistrement à 10 000 euros, contre trente mille euros pour un dossier soumis à procédure d’autorisation ([35]). De telles différences sont susceptibles de générer des effets de seuils, les éleveurs pouvant être incités à maintenir la taille de leur élevage juste en-dessous du seuil d’autorisation ou du seuil d’enregistrement. Le tableau ci-dessous présente les effectifs dans chacune des catégories en 2020.

Nombre d’installations d’Élevage classées (France métropolitaine, 2020)

Source : Cour des comptes, Les installations classées pour la protection de l’environnement dans le domaine agricole, 9 mai 2022, d’après les données de la direction générale de la prévention des risques (DGPR).

  1.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ
    1.   Les dispositions de la proposition de loi initiale

Le 5° de l’article 3 initial de la proposition de loi initiale visait à procéder à un relèvement des seuils dont le franchissement fait basculer un projet de l’enregistrement à l’autorisation, en s’alignant, pour les projets d’élevage, sur les seuils de la directive EIE (évaluation des incidences sur l’environnement), et non plus sur ceux, plus bas, de la directive IED (directives sur les émissions industrielles). Cette disposition a fait l’objet de modifications lors de l’examen en commission et en séance au Sénat.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

 En commission, le Sénat a adopté un amendement du rapporteur (COM32), maintenu dans la rédaction adoptée en séance, visant à permettre à certains projets d’élevage relevant jusqu’à présent du régime de l’autorisation de bénéficier du régime d’enregistrement. Il s’agit des élevages de porcs et de volailles soumis à la directive IED, mentionnés à son annexe I bis, mais non énumérés à l’annexe I de la directive EIE ([36])  (b) du  du I). Cette modification à l’article L. 512-7 du code de l’environnement permettrait un alignement des seuils de la procédure d’enregistrement avec ceux de la directive IED révisée.

En considérant le périmètre actuel de la directive IED, ces installations correspondent :

– aux élevages de truies de 751 à 900 emplacements ;

– aux élevages de porcs à l’engraissement de 2 001 à 3 000 emplacements ;

– aux élevages de poules pondeuses de 40 001 à 60 000 emplacements ;

– aux élevages de poulets de chair de 40 001 à 85 000 emplacements ;

– à l’ensemble des autres élevages de volailles de plus de 40 001 places.

D’après les estimations actuellement disponibles du ministère de l’agriculture, la nouvelle version de la directive IED, révisée en 2024, permettrait à environ 1 300 élevages supplémentaires de relever du champ de cette directive, et donc de bénéficier du régime de l’enregistrement ([37]). Les nouveaux seuils qui seront applicables aux élevages pour être soumis au régime de l’enregistrement sont les suivants :

– 350 unités de cheptel pour les élevages de porcs (soit 700 emplacements de truies reproductrices ou 1 167 emplacements de porcs) ;

– 300 unités de cheptel pour les poules pondeuses (soit 21 429 emplacements de poules pondeuses ;

– 280 unités de cheptel pour les autres volailles (soit quarante mille emplacements de poulets de chair) ;

– 380 unités de cheptel pour les élevages mixtes.

Le périmètre retenu devrait permettre de faciliter le développement, la transmission et la reprise des élevages, en simplifiant l’agrandissement des installations. En effet, près de 2 900 élevages se trouvent aujourd’hui à moins de 10 % du seuil de l’enregistrement actuel selon la DGPR. Par ailleurs, le périmètre retenu permet de répondre aux objectifs européens issus de la directive EIE, en maintenant une procédure d’autorisation pour les installations soumises à évaluation environnementale systématique.

● Le II prévoit que ces dispositions entrent en vigueur à la date de publication de l’acte d’exécution prévu par la directive IED révisée, prévue avant le 1er septembre 2026. Cette disposition permettrait de garantir la transposition de la nouvelle directive.

  1.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

Outre un amendement rédactionnel du rapporteur, la commission a adopté :

– une série d’amendements identiques de M. Jean-Pierre Vigier et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine (CE138), de M. Stéphane Travert (CE276, de M. Didier Le Gac (CE456), de M. Thierry Benoît (CE637) et de M. Guillaume Lepers et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine (CE644) et de Mme Hélène Laporte et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement National (CE648), avec un avis de sagesse du rapporteur. Ces amendements rétablissent l’écriture initiale de la partie de l’article 3 relative à la consultation du public afin de revenir au régime antérieur à celui prévu par la loi Industrie verte. Ils prévoient que, lorsque la demande d’autorisation environnementale porte sur un projet destiné à l’élevage de bovins, de porcs ou de volailles, l’instruction de la demande se déroule en trois phases successives : examen, consultation du public sous la forme d’une enquête publique et décision. Selon l’exposé sommaire de ces amendements, il s’agit ainsi d’éviter que les éleveurs soient obligés d’organiser deux réunions publiques pour leurs projets soumis à autorisation, d’être soumis à une consultation du public de trois mois au lieu de trente jours ou encore de créer un site internet ;

– un amendement de cohérence du rapporteur visant à reprendre l’intitulé complet de la directive 2010/75/UE au second alinéa du I de l'article L. 512-7 du code rural et de la pêche maritime ;

– un amendement de M. Thierry Benoît (CE642), avec un avis défavorable du rapporteur, visant à préciser que les dispositions du titre Ier relatif aux ICPE du livre V du code de l’environnement prennent en compte les spécificités des projets des exploitations agricoles, qui font l’objet de procédures et prescriptions adaptées si nécessaire. Cet amendement réintroduit ainsi le 4° de l’article 3 initial de la proposition de loi, supprimé en séance par un amendement gouvernemental (n° 95). Dans son exposé sommaire, le Gouvernement rappelait que « la prise en compte des spécificités agricoles est d’ores et déjà au cœur de la réglementation environnementale en matière d’installation classée pour la protection de l’environnement. Cette prise en compte se traduit dans les bonnes pratiques d’administration et ne relève pas de la loi. Elles pourront faire l’objet de lignes directrices d’ailleurs autant que de besoin » ;

– une série d’amendements identiques de M. Jean-Pierre Taite et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine (CE97), de M. Jean-Pierre Vigier et plusieurs de ses collègues de ce groupe (CE140), de M. Stéphane Travert (CE278), de M. Guillaume Lepers et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine (CE652), de Mme Hélène Laporte et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement National (CE660), avec un avis favorable du rapporteur. Ces amendements prévoient que le principe de non-régression environnementale ne s’oppose pas, en ce qui concerne les élevages bovins, au relèvement des seuils de la nomenclature ICPE. Les modalités d’application de cette disposition devront être définies par décret en Conseil d’État. Il s’agit ainsi de neutraliser les effets potentiels du principe de non-régression environnementale en cas de relèvement des seuils pour les élevages bovins. 

Pour mémoire, le principe de non-régression environnementale implique, selon le 9° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, que « la protection de l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Il s’impose au pouvoir réglementaire, sauf si le législateur en a écarté l’application ([38]) ou s’il a confié au pouvoir réglementaire le soin d'en préciser les contours. Au cours de ces dernières années, le Conseil d’État a été saisi à plusieurs reprises par des associations environnementales qui invoquaient le principe de non-régression environnementale pour contester des décrets où était en jeu le régime des ICPE. Pour rendre ses décisions, le juge met en balance l’ensemble des enjeux (économiques, administratifs et environnementaux) et exerce un contrôle concret sur les effets réels de chaque évolution réglementaire ([39]) .

 

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Introduit par la commission

 

Cet article, introduit par la commission, prévoit un moratoire de dix ans sur la délivrance des autorisations environnementales pour les élevages de saumons à circuit fermé.

La commission a adopté, avec un avis favorable du rapporteur, une série de trois amendements identiques portant article additionnel de Mme Lisa Belluco et ses collègues du groupe Écologiste et Social (CE274), de Mme Anne Stambach-Terrenoir et ses collègues du groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire (CE395) et de M. Benoît Biteau et de plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste et Social (CE422).

Ces amendements reprennent le dispositif de la proposition de loi transpartisane n° 1136 portée par notre collègue Anne Stambach-Terrenoir et visant à instaurer un moratoire sur les projets de fermes aquacoles de saumons à circuit fermé, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 18 mars dernier. Son exposé des motifs rappelle que la France est l’un des gros consommateurs de saumons au monde (270 000 tonnes en 2021), la quasi-totalité provenant de l’étranger puisque la production française ne s’élève qu’à 3 000 tonnes.

Ces amendements prévoient un moratoire de dix ans à compter de la promulgation de la loi portant sur la délivrance des autorisations environnementales « pour les élevages de saumons dont la totalité du grossissement est prévue dans des installations aquacoles à circuit fermé ». Dans les faits, ils visent deux projets qui sont en cours d’installation : Pure Salmon au Verdon-sur-Mer (Gironde) et Local Ocean à Boulogne-sur-Mer (Pas‑de‑Calais).

Les installations d’élevage dites « en RAS » (Recirculating Aquaculture Systems ou systèmes d’aquaculture en recirculation) permettent de maintenir les saumons dans des bassins situés en pleine terre pendant toute la durée de leur vie. Selon les auteurs des amendements, cette technique d’élevage présenterait de nombreux inconvénients : impact sur les écosystèmes par l’évacuation d’importantes quantités d’eaux usées du fait des rejets des poissons, menace pour le secteur conchylicole, importations accrues de soja, notamment de la région amazonienne, pour l’alimentation des saumons d’élevage, etc.

Le projet Local Ocean a obtenu le 14 février 2024 une autorisation environnementale qui a fait l’objet de recours. Les enjeux économiques de ces deux projets ne sont pas négligeables, puisqu’ils pourraient créer plusieurs centaines d’emplois (250 pour celui de Pure Salmon en Gironde).

 

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Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article, tel que transmis à l’Assemblée nationale, prévoit la mise en place d’un plan pluriannuel de renforcement de l’offre d’assurance destinée aux prairies.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT

Afin de mieux protéger les agriculteurs face aux conséquences du changement climatique, la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture a instauré, aux articles L. 361‑4 A à L. 361-4-7 du code rural et de la pêche maritime, un dispositif destiné à mieux protéger les agriculteurs et à encourager la souscription de contrats d’assurance multirisques climatiques (MRC).

Dans ce dispositif entré en vigueur en 2023, les aléas courants sont assumés par les agriculteurs ; les aléas significatifs sont pris en charge par l’assurance multirisques climatiques subventionnée, pour les agriculteurs qui ont fait le choix de s’assurer ; enfin, les aléas exceptionnels relèvent de la solidarité nationale, y compris pour les agriculteurs non-assurés, et sont pris en charge par l’État. Le seuil de déclenchement de la solidarité nationale, et la franchise correspondante, varient selon les filières.

Aux termes de l’article D. 361-43-1 du code rural et de la pêche maritime, les prairies constituent l’un des six groupes de cultures qui peuvent faire l’objet d’un contrat d’assurance multirisques climatiques.

Pour les prairies, les évaluations des pertes de récoltes ou de cultures sont fondées sur un indice qui, grâce à des images satellites, évalue l’évolution du couvert végétal, donc de la production annuelle, de manière simplifiée, individualisée et stable au cours du temps.

Ce système d’assurance indicielle en prairie a nécessité un investissement important des entreprises d’assurances accompagnées par les pouvoirs publics, afin de disposer d’un outil permettant de proposer des contrats avec un niveau de prime acceptable pour les agriculteurs, grâce notamment à des frais d’expertises réduits du fait de l’absence de visites sur le terrain.

Toutefois, ce système est régulièrement remis en cause par les producteurs qui l’estiment notamment inopérant pour détecter des pertes liées à certains aléas climatiques tels que l’excès de pluviométrie ou la grêle. Ils soutiennent notamment que même quand l’indice fait apparaître une pousse de l’herbe, la récolte peut être pénalisée par les excès d’eau en raison d’une dégradation de la qualité de l’herbe ou de difficultés pour aller la faucher.

Sans revenir à un système d’expertise terrain fondé sur des bilans fourragers, il apparaît ainsi important de conforter dans la durée la confiance de tous les acteurs et en particulier des éleveurs dans l’approche indicielle et d’améliorer en continu l’indice.

À cette fin, le décret n° 2022‑116 du 29 décembre 2022 prévoit la mise en place d’un réseau d’observation de la pousse de l’herbe : l’Observatoire national de la pousse de l’herbe (ONPH), selon un protocole scientifique strict, pour vérifier la bonne cohérence entre les résultats des indices et la pousse de l’herbe observée sur le terrain.

  1.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ et LES Modifications apportées par le sÉnat
    1.   Les dispositions de la proposition de loi initiale

L’article 4 de la proposition de loi proposait de compléter l’article L. 361-4‑6 du code rural et de la pêche maritime en conférant aux comités départementaux d’expertise de gestion des risques en agriculture mentionnés à l’article L. 361-8 de ce code la responsabilité de lancer une enquête de terrain en vue d’évaluer une perte moyenne de production sur une zone donnée, dès lors qu’un nombre suffisant de réclamations est atteint au sein du département. Au terme de cette enquête, une rectification des évaluations des pertes de récolte ou de culture mesurées par l’indice pourrait être proposée à l’assureur.

  1.   Les modifications adoptées par le Sénat

À l’issue de l’examen de cet article par les sénateurs en séance publique, les dispositions relatives à la procédure de réclamation ont été supprimées à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement (amendement n° 104) qui a recueilli un avis favorable de la commission.

Le Gouvernement insistait sur la nécessité de ne pas remettre en cause l’approche indicielle pour l’évaluation des pertes en prairie, ce qui implique de ne pas pouvoir remettre en cause les résultats obtenus par des enquêtes de terrain.

Comme l’explique l’Institut national de la recherche agronomique, « sans système indiciel, les entreprises d’assurance ne pourraient pas établir de tarif et proposer des contrats d’assurance en prairie. L’indice est également le meilleur moyen d’avoir une indemnisation rapide et correspondant le mieux à la situation individuelle de chaque éleveur. En outre, la réforme prévoit que les méthodes de calcul des pertes soient similaires entre les agriculteurs assurés et ceux non assurés. Le versement de l’indemnisation de solidarité nationale aux éleveurs non assurés est ainsi également réalisé via un système indiciel ».

Toutefois, conscient de la nécessité de renforcer la confiance des éleveurs dans l’approche indicielle, le Gouvernement a fait adopter dans son amendement le principe de la mise en place d’un plan pluriannuel de renforcement de l’offre d’assurance récolte destinée aux prairies.

L’article dispose que « ce plan porte sur l’information des éleveurs en cours de campagne, le perfectionnement et l’accroissement de la performance de l’approche indicielle, la meilleure intégration de l’ensemble des aléas climatiques dans l’assurance récolte des prairies et la simplification et l’accélération de la procédure de recours pour les éleveurs ».

La remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement avant le 31 décembre 2026 est également prévue pour suivre l’état d’avancement de ce plan pluriannuel et de la poursuite de son déploiement dans la durée.

En outre, un sous-amendement du rapporteur Pierre Cuypers (sous‑amendement n° 110 à l’amendement n° 104 du Gouvernement) a été adopté avec un avis favorable du Gouvernement, afin que, sur demande des organisations syndicales représentatives, les instances départementales puissent se réunir après chaque campagne de production pour répondre à tout questionnement ou contestation s’agissant des indices utilisés. Le préfet est ensuite chargé de transmettre une synthèse des travaux de ces instances au comité national des indices.

Votre rapporteur partage la volonté de renforcer la confiance des éleveurs dans l’approche indicielle, ce qui passe par une objectivation de la corrélation entre l’évaluation des pertes par l’indice et les constatations sur le terrain.

L’analyse de cette corrélation ne doit pas être utilisée pour remettre en cause les évaluations de perte à titre individuelle. Dès lors que le choix a été fait d’investir pour mettre en place un système d’assurance récolte indicielle, il faut faire fonctionner ce dispositif sans interférence.

Toutefois, la bonne corrélation entre, d’une part, les résultats de l’application de l’indice et, d’autre part, un relevé de points d’observation de la pousse de l’herbe, qui est d’ailleurs le principal critère pour l’approbation de l’indice par l’État, doit être en permanence vérifiée pour rassurer les éleveurs et rendre les résultats incontestables. Par conséquent, votre rapporteur proposera de compléter l’article 4 pour affirmer l’objectif de pérenniser le réseau d’observation de la pousse de l’herbe (l’ONPH).

  1.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

La commission a adopté, malgré un avis défavorable du rapporteur, un amendement de rédaction globale de M. Nicolas Ray, visant à revenir à la rédaction initiale adoptée par le Sénat pour l’article 4 concernant l’assurance destinée aux prairies (CE508), sous-amendé par un amendement de M. Jean-Pierre Vigier (CE823) supprimant la mention d’une entrée en vigueur de la disposition à compter du 1er juin 2025 – cette date n’apparaissant pas réaliste au vu du calendrier parlementaire d’examen de la proposition de loi.

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Introduit par la commission

 

Cet article, introduit par la commission, prévoit une expérimentation de trois ans d’une assurance contre les risques de pertes de récoltes ou de cultures causées par les espèces indigènes et invasives.

La commission a adopté, avec un avis de sagesse du rapporteur, un amendement portant article additionnel de Mme Mélanie Thomin et ses collègues du groupe Socialistes (CE477).

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Introduit par la commission

 

Cet article, introduit par la commission, prévoit la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport sur l’évolution du coût des primes d’assurance depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2022-298 du 2 mars 2022 d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.

La commission a adopté, avec un avis de sagesse du rapporteur, un amendement portant article additionnel de M. Pascal Lecamp et ses collègues du groupe Démocrates (CE793).

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Introduit par la commission

 

Cet article, introduit par la commission, prévoit la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport relatif à la création d’un fonds professionnel mutuel et solidaire pour la gestion des risques climatiques, au niveau national.

La commission a adopté, avec un avis de sagesse du rapporteur, un amendement portant article additionnel de M. Benoît Biteau et ses collègues du groupe Écologiste et Social (CE431).

 

 


TITRE III
Faciliter la conciliation entre les besoins en eau des activitÉs agricoles et la nÉcessaire protection de la ressource

Supprimé par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 du projet de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, en supprimant cet article.

Le présent article a été entièrement réécrit lors de son examen au Sénat par l’adoption d’un amendement du Gouvernement. Dans sa nouvelle version, il insère tout d’abord, dans les objectifs de la politique de l’eau, la préservation de l’accès à la ressource en eau aux fins d’abreuvement. Il prévoit également que les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements agricoles sont présumés être d’intérêt général majeur et répondent à une raison impérative d’intérêt public majeur dans les zones affectées d’un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole lorsqu’ils sont issus d’une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l’ensemble des usagers, qu’ils s’accompagnent d’un engagement dans des pratiques sobres en eau et qu’ils concourent à un accès à l’eau pour ces usagers. Enfin, il crée une nouvelle catégorie de zone humide, dite « fortement modifiée », qui doit être définie par décret et pourrait permettre à des installations, ouvrages, travaux et activités (Iota) de n’être pas soumis à autorisation ou déclaration au titre de la préservation des zones humides et, par voie de conséquence, de s’extraire des éventuelles obligations de compensation écologique qui peuvent en découler.

  1.   L’ÉTAT du droit
    1.   la loi sur L’EAU prÉvoit une planification territoriale de la gestion de l’eau et encadre les projets impactant la ressource et les Écosystèmes aquatiques

La directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, dite « directive cadre sur l’eau » (DCE), constitue le cadre principal de la politique de l’eau. Elle fixe des règles pour protéger toutes les formes d’eau, restaurer les écosystèmes aquatiques, réduire les pollutions et garantir une utilisation durable de l’eau. Au niveau national, les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et les schémas d’aménagement de gestion des eaux (Sage) organisent la planification de la gestion de l’eau à l’échelle respectivement des bassins-versants et des sous-bassins versants. Ils sont élaborés et votés dans le cadre d’une concertation avec les usagers du territoire et les décideurs publics. Les décisions administratives doivent être compatibles avec les mesures d’orientation des Sdage et des Sage. Aux termes du V de l’article L. 212-2 du code de l’environnement, les Sdage visent la mise en œuvre des objectifs de la directive-cadre sur l’eau. Ainsi, leurs actions doivent prévenir la détérioration de la qualité des eaux, permettre l’atteinte d’un bon état écologique et chimique pour les eaux de surface (rivières, lacs), d’un bon état chimique et quantitatif pour les eaux souterraines, d’un bon état chimique et d’un bon potentiel écologique pour les eaux superficielles et les masses d’eau « fortement modifiées ».

Une masse d’eau fortement modifiée telle que définie à l’article 2 de la DCE est une « masse d’eau de surface qui, par suite d’altérations physiques dues à l’activité humaine, est fondamentalement modifiée quant à son caractère, telle que désignée par l’État membre ». Les Sdage désignent ces masses d’eau. Le Sdage 2022–2027 du bassin Adour-Garonne définit ainsi une masse d’eau fortement modifiée comme « une masse d’eau dont les modifications hydromorphologiques, liées à un usage socio-économique et présentant un caractère irréversible, ne lui permettront jamais d’atteindre le bon état écologique (lacs de retenues, zones endiguées pour la protection contre les crues, zones aménagées pour la navigation, ports, etc.) ».

Aux termes des articles L. 214-2 et R. 214-1 du code de l’environnement relatifs à la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités (Iota), les opérations sont soumises à autorisation ou déclaration suivant les dangers et l’impact sur la ressource et les écosystèmes aquatiques qu’elles représentent. Les opérations de stockage et d’irrigation d’eau, ainsi que les opérations situées en zone humide peuvent relever de cette nomenclature. Aux termes des articles R. 122-1 à R. 122-2 du code, certains projets sont soumis à évaluation environnementale selon leur ampleur, et leur impact potentiel sur l’eau et les milieux aquatiques. Les demandes d’autorisation ou de déclaration doivent prévoir des mesures visant à éviter les incidences, puis à les réduire, et si ce n’est pas suffisant, les compenser.

  1.   Les notions d’intÉrêt général majeur et de raison impÉrative d’intÉrêt public majeur

Aux termes du 1 bis de l’article R. 212-16 du code de l’environnement, retranscrivant l’article 4 de la DCE, relever de l’intérêt général majeur est l’une des trois conditions pour se voir accorder des dérogations aux obligations relatives à l’atteinte des objectifs de qualité et de quantité des eaux prévus dans les Sdage. Les deux autres conditions sont la présence de mesures d’atténuation des incidences sur les masses d’eau, et l’absence de meilleure alternative sur le plan environnemental.

Ainsi, la notion d’intérêt général majeur a-t-elle été reprise dans diverses propositions visant à simplifier les obligations environnementales associées aux pratiques agricoles et à l’utilisation de la ressource en eau. La dernière en date ayant abouti relève de l’article 1er de la loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, dite « loi d’orientation agricole ». Ce dernier insère un nouvel article L. 1 A au sein du code rural et de la pêche maritime dont le premier alinéa prévoit que « la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche sont d’intérêt général majeur en tant qu’ils garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation. Ils constituent un intérêt fondamental de la Nation en tant qu’éléments essentiels de son potentiel économique ». La notion d’intérêt général majeur n’est cependant pas définie par la loi et relève de l’interprétation jurisprudentielle.

La notion de raison impérative d’intérêt public majeur est issue du régime de dérogation prévu par la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite « directive Habitats », et retranscrite dans l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Cet article prévoit la possibilité de recourir à une dérogation s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. Les motifs justifiant de déroger aux interdictions de destruction ou de perturbation des espèces protégées sont la protection d’habitats naturels, la prévention de dommages importants notamment sur les cultures, élevages, forêts, pêcheries ou eaux, la recherche scientifique, la réintroduction d’espèces, et le fait de relever d’une raison impérative d’intérêt public majeur.

La directive Habitats ne donne pas non plus de définition de la raison impérative d’intérêt public majeur. Elle cite simplement des exemples tels que la santé publique, la sécurité publique, des motifs d’ordre social ou économique ou des motifs liés à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement. La définition précise des autres raisons impératives d’intérêt public majeur est également à l’appréciation du juge administratif.

Ainsi, qu’il s’agisse de l’intérêt général majeur dans le cadre de la DCE, ou de la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) dans le cadre de la directive Habitats, leur appréciation relève du cas par cas, conforme à la nature évolutive de la notion d’intérêt général.

  1.   le stockage de l’eau et l’irrigation s’inscrivent dans un contexte de tension sur la ressource appelant à une gestion équilibrée et durable de l’eau

Le stockage de l’eau à vocation agricole a considérablement augmenté depuis les années 1950. Les retenues d’eau ont été soutenues pour assurer les besoins d’irrigation et la dilution des rejets d’effluents. L’agriculture est la première activité consommatrice d’eau avec 58 % du total, devant l’eau potable (26 %), le refroidissement des centrales électriques (12 %), et les usages industriels (4 %) ([40]). L’augmentation de la fréquence des sécheresses et la baisse des étiages estivaux sont à l’origine d’un recours accru à l’irrigation et au stockage. Il existe différents types de retenues d’eau ([41]) :

– Les réserves de substitution alimentées par pompage dans la nappe en période de hautes eaux – les « bassines » ;

– Les réserves alimentées par pompage dans la rivière ;

– Les retenues collinaires alimentées par ruissellement et déconnectées du réseau hydrographique ;

– Les retenues en dérivation ;

– Les retenues en barrage sur le cours d’eau.

Les retenues impactent les écosystèmes aquatiques et le fonctionnement du cycle de l’eau. Une retenue isolée, selon ses caractéristiques, peut diminuer l’eau disponible pour le cours d’eau en aval, générer de l’eutrophisation, piéger les sédiments, favoriser l’implantation d’espèces exotiques, modifier la nature des flux, de la forme du lit du cours d’eau et des habitats correspondants, et modifier les caractéristiques physico-chimiques de l’eau (température, oxygène). Par ailleurs, l’accumulation sur un réseau hydrographique de retenues, même petites, augmente l’ampleur des effets et crée une réduction généralisée des volumes écoulés. La présence de retenues sur un bassin modifie donc l’ensemble des caractéristiques fonctionnelles de ce dernier ([42]).

En son alinéa 5° bis, l’article L. 211-1 du code de l’environnement prévoit que la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau vise, entre autres, « la promotion d’une politique active de stockage de l’eau pour un usage partagé de l’eau permettant de garantir l’irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l’étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales. ».

Les projets de prélèvements, de plans d’eau ou « retenues », les réseaux de drainage ou encore les barrages de retenue ou ouvrages similaires sont soumis à autorisation ou à déclaration selon la nomenclature Iota, et peuvent faire l’objet d’évaluation environnementale. Ils doivent également être compatibles avec les Sdage et les Sage.

Les obligations relatives à la nomenclature Iota pour les projets de stockage ont fait récemment l’objet de simplification. Ainsi, l’article 45 de la loi d’orientation agricole du 24 mars 2025 a modifié l’article L. 214-3 du code de l’environnement afin de faciliter, pour les retenues collinaires, la modification de la nomenclature Iota. Les nouvelles dispositions prévoient désormais que le principe de non‑régression environnementale, défini au 9° du paragraphe II de l’article L. 110‑1 du même code, ne s’oppose pas, en ce qui concerne les retenues collinaires, à la modification de la nomenclature Iota. Ces nouvelles dispositions contraignent par ailleurs l’autorité administrative en lui imposant un délai de quatre mois à compter de la réception d’une déclaration de projet pour demander une mise en œuvre de mesures de compensation, et d’un délai de deux mois pour s’opposer au projet si elle estime que les atteintes sont trop graves ou que les mesures de compensation ne sont pas suffisantes.

Enfin, pour compléter les Sdage et les Sage, les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) ont été créés en 2015 afin de planifier à l’échelle d’un territoire cohérent sur le plan hydrologique le partage de l’eau entre les différents usagers. Ses objectifs, définis par l’instruction du Gouvernement du 7 mai 2019, sont d’optimiser les leviers de sobriété et l’usage de tous les ouvrages de stockage existants. Pour l’usage agricole, il s’agit d’augmenter l’efficience en eau de l’irrigation (changements techniques, pilotage, modernisation du matériel, adoption de nouvelles pratiques culturales). Les nouvelles solutions de stockage doivent étudier les potentialités de multi-usagers, veiller à une répartition précise entre les usagers, et adapter le dimensionnement des ouvrages de stockage aux évolutions attendues du climat, et à l’incidence sur la qualité de l’eau.

Les PTGE, ainsi que les programmes d’action des agences de l’eau, les Sdage et les Sage, invitent à favoriser les solutions fondées sur la nature pour offrir des solutions de stockage de l’eau. La restauration des zones humides est notamment plébiscitée pour permettre de stocker l’eau, la filtrer, recharger les nappes, soutenir les débits et réapprovisionner les cours d’eau en été. Pourtant, le présent article pourrait, selon la rapporteure, conduire à une dégradation des zones humides en introduisant une nouvelle catégorie (cf. infra).

  1.   Une protection des zones humides essentielle

Les zones humides sont les seuls milieux naturels à faire l’objet d’une convention internationale, la convention de Ramsar adoptée en 1971 et entrée en vigueur en France en 1986. La désignation comme site Ramsar constitue pour chaque zone humide concernée, un label de reconnaissance de son importance internationale. Malgré cette reconnaissance internationale, les zones humides font l’objet d’une pression anthropique majeure. En effet, 50 % d’entre elles ont disparu en France entre 1960 et 1990 ([43]), et leur dégradation se poursuit aujourd’hui puisque 41 % des sites humides emblématiques français ont vu leur état se dégrader entre 2010 et 2020. Pourtant, les zones humides sont essentielles. Elles correspondent aux prairies, tourbières, marais, forêts alluviales, mares, rives des étangs et cours d’eau non artificialisés. Ces milieux stockent l’eau, favorisent son infiltration dans les sols, constituent des zones tampon contre les crues, filtrent les polluants, abritent une biodiversité importante, et constituent un puits de carbone considérable. Leur dégradation s’inscrit à contresens des objectifs de préservation de la biodiversité, d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. En, effet, il est estimé que 6 % des émissions de l’Union européenne sont dues à la destruction des tourbières ([44]).

Les zones humides sont protégées par le code de l’environnement depuis la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’eau. L’article L. 211-1 les définit comme des terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau (douce, salée ou saumâtre), de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, si elle existe, est dominée par des plantes hygrophiles une partie de l’année. L’arrêté ministériel du 24 juin 2008 relatif aux critères d’identification et de délimitation des zones humides précise les méthodes et les listes de référence pour l’identification et la délimitation des zones humides, en application des articles L. 214-7-1 et R. 211108 du code de l’environnement. Il inscrivait l’identification d’une zone humide par la présence alternative de critères pédologiques ou botaniques, approche que la jurisprudence avait adoptée jusqu’alors. Le Conseil d’État, dans sa décision du 22 février 2017 (n° 386325), est revenu sur cette approche en retenant une approche cumulative des critères pédologiques et botaniques, excluant de fait certaines zones humides cultivées du champ d’application du code. La loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 est venue réaffirmer le caractère alternatif des critères pour réintégrer ces zones humides cultivées dans le périmètre de protection.

Sur la base de l’arrêté du 24 juin 2008, des inventaires de zones humides sont réalisés dans le cadre du référentiel du réseau partenarial des données sur les zones humides (référentiel RPDZH) ([45]). L’inventaire national n’est à ce jour pas complet et couvre 67 % de l’hexagone. Les zones humides inventoriées à ce jour représentent 5,7 % du territoire dont 3,8 % en surfaces agricoles (majoritairement des prairies). Un inventaire national complet est nécessaire à l’application de la réglementation sur les zones humides.

La cartographie des zones humides est un outil clé dans le cadre de l’éco-conditionnalité de la politique agricole commune (PAC). Depuis janvier 2025, les règles des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) qui portent sur la « protection des zones humides et tourbières » interdisent les remblais, dépôts, et nouveaux drainages en zones humides, ainsi que les prélèvements et brûlages sur les parcelles en tourbières. Ces interdictions ne sont pas absolues, mais conditionnent l’octroi des aides de la PAC. Le périmètre d’application de la BCAE 2 repose sur les habitats tourbeux du référentiel RPDZH et les sites classés Ramsar. Ce zonage reste toutefois très restrictif par rapport à la définition des zones humides car les tourbières ne sont qu’un type de zone humide, et les sites Ramsar, de reconnaissance internationale, répondent à des critères plus exigeants que la définition juridique nationale. Ainsi, bien que les zones humides couvrent au moins 4 % de la surface agricole utile (SAU), la BCAE 2 ne s’applique qu’à moins de 1 % de celle-ci, laissant ainsi la majorité des zones humides agricoles sans restriction. Il conviendrait en conséquence de réfléchir à l’élargissement du périmètre de la BCAE 2, et d’accélérer la cartographie des zones humides dans le cadre du référentiel RPDZH.

De plus, en application de l’article R. 214-1, les opérations d’assèchement, de drainage, de mise en eau, de remblais de zones humides sont soumises à autorisation ou à déclaration dans le cadre de la nomenclature Iota. L’application de ces démarches dépend donc aussi de l’inventaire des zones humides. Les opérations « d’assèchement, mise en eau, imperméabilisation, remblais » des zones humides de plus d’un hectare sont soumises à une étude d’impact par application de l’article R. 122-2 du code de l’environnement. La doctrine « éviter, réduire, compenser » introduite dans le droit français par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité s’applique. Pour les opérations concernant des zones humides comprises entre 0,1 et 1 hectare, une simple déclaration est suffisante. À la suite des demandes du monde agricole au printemps 2024, l’arrêté du 3 juillet 2024 fixant les prescriptions techniques générales applicables aux plans d’eau et modifiant l’arrêté du 9 juin 2021 a facilité la création de petits plans d’eau implantés en zone humide de moins d’un hectare. Ces derniers n’ont plus besoin de répondre à un intérêt général majeur, de justifier qu’aucune alternative n’est possible, et de prévoir une réduction et une compensation de l’impact pour être autorisés. Dans tous les cas, les dispositions de Sdage et Sage relatives aux zones humides doivent aussi être respectées. Ces derniers donnent des préconisations à valeur juridique en matière de compensation d’opérations en zones humides.

  1.   le dispositif proposé
    1.   La version initiale du texte

L’article 5 initial du texte visait tout d’abord à intégrer dans la politique de gestion de l’eau le principe de « non-régression du potentiel agricole ». Cette notion est inspirée de celle de « non-régression de la souveraineté alimentaire » introduite par les sénateurs MM. Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UDI) par l’amendement n° COM-343 à l’article 2 de la loi d’orientation agricole du 24 mars 2025. Cet article prévoit que les politiques publiques et les règlements ayant une incidence sur l’agriculture ne sauraient qu’améliorer le potentiel agricole de la Nation. L’article et le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire, visant à asseoir une prise en compte des intérêts agricoles, ont été censurés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2025-876 DC du 20 mars 2025.

Poursuivant les mêmes objectifs que la loi d’orientation agricole, la version initiale de l’article 5 insérait ainsi le principe de « non régression du potentiel agricole » dans l’article L. 211-1 du code de l’environnement fixant les grands objectifs de la politique de l’eau, dans l’article L. 212-1 relatif aux missions des comités de bassin et objectifs des Sdage et l’article L. 212-6 relatif aux Sage.

Deuxièmement, le texte initial visait à faciliter les projets de stockage de l’eau et les prélèvements nécessaires au remplissage des plans d’eau permanents ou non en les faisant reconnaître d’intérêt général majeur dans les articles L. 211-1 et L. 212-1 précités.

Troisièmement, il modifiait la hiérarchie des usages de l’eau figurant dans le II de l’article L. 211-1 du code de l’environnement en plaçant les usages agricoles au même rang de priorité que la santé, la salubrité publique, la sécurité publique et l’alimentation en eau potable.

Quatrièmement, la proposition initiale modifiait les objectifs des Sdage et les Sage pour que ces derniers prennent davantage en compte les intérêts agricoles dans les priorités d’usage de la ressource en eau. Cela visait à sécuriser le stockage, les prélèvements et l’irrigation en eau. Il prévoyait l’insertion à l’article L. 212-1 relatif aux Sdage d’un régime de dérogations à la modification des masses d’eau pour les projets de stockage d’eau et les prélèvements.

Cinquièmement, il modifiait l’article L. 211-1 pour revenir à l’interprétation cumulative des critères pédologiques et botaniques nécessaires à la qualification comme zone humide et ainsi amoindrir le périmètre pouvant être qualifié de zone humide protégée par la réglementation.

Enfin, le texte initial modifiait l’article L. 213-8 du code de l’environnement pour renforcer la part des représentants des usagers économiques de l’eau de 20 % à 30 %, et diminuer celle des usagers non économiques de 20 % à 10 % dans les collèges des comités de bassin en charge de l’élaboration des Sdage.

  1.   La version finalement adoptée par le Sénat

L’examen en séance publique a fait l’objet d’une réécriture de l’article 5 en raison de l’adoption d’un amendement du Gouvernement.

Les objectifs du Gouvernement sont triples :

– inscrire la préservation de l’accès à la ressource en eau aux fins d’abreuvement dans les objectifs de la politique de l’eau ;

– établir la qualification d’intérêt général majeur et de raison impérative d’intérêt public majeur pour sécuriser les stockages d’eau à finalité agricole au regard du droit européen ;

– introduire une nouvelle catégorie de « zones humides fortement modifiées » au sein desquelles les Iota ne seraient plus soumis à autorisation et déclaration, et qui permettrait un allégement des obligations de compensation écologique.

Ainsi, le présent article modifie, dans ses alinéas 2 à 4, le I de l’article L. 211‑1 du code de l’environnement portant sur les objectifs d’une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, en y intégrant « la préservation de l’accès à la ressource en eau aux fins d’abreuvement » (alinéa 5°ter).

Il insère par ailleurs, aux alinéas 6 et 7, un article L. 211-1-2 au sein du même code, qui dispose que les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés poursuivant à titre principal une finalité agricole sont présumés d’intérêt général majeur, à condition :

– qu’ils se situent dans une zone affectée d’un déficit quantitatif pérenne compromettant le potentiel de production agricole ;

– qu’ils soient issus d’une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l’ensemble des usages ;

 qu’ils s’accompagnent d’un engagement dans des pratiques sobres en eau ;

– qu’ils concourent à un accès à l’eau pour ces usagers.

De même, l’article instaure, dans ses alinéas 12 et 13, un nouvel article L. 411-2-2 au sein du code de l’environnement qui prévoit que les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines associés poursuivant à titre principal une finalité agricole sont présumés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur au sens de l’article L. 411-2 du même code, et sous les mêmes conditions que l’article L. 211-1-2.

Or, comme expliqué précédemment, la notion d’intérêt général majeur constitue une des conditions pour se voir attribuer des dérogations aux dispositions prévues par un Sdage. De plus, aux termes de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, la qualification de raison impérative d’intérêt public majeur faciliterait la délivrance de dérogations aux interdictions relatives à la protection des habitats naturels explicitées dans l’article L. 411-1 du code de l’environnement.

L’objectif de la rédaction du Gouvernement est de sécuriser juridiquement la facilitation des stockages d’eau et de l’irrigation au regard de la « directive-cadre sur l’eau » (DCE), et de la « directive Habitats » précitées. En créant une source législative nouvelle de définition de l’intérêt général majeur, et de la raison impérative d’intérêt public, l’article 5 fournirait d’après la rapporteure davantage de poids aux intérêts agricoles face aux nécessités de protection de l’environnement dans l’analyse qui sera faite au cas par cas de travaux de stockage d’eau et d’irrigation par les services de l’État ou le juge administratif.

D’après la rapporteure, certaines solutions de stockage de l’eau telles que les retenues collinaires peuvent être bénéfiques à condition qu’elles soient associées à des pratiques durables. Néanmoins, l’actuelle gouvernance de l’eau prévoit déjà des modalités pour la mise en place de solutions de stockage, cela de manière concertée et au regard des autres enjeux de protection et d’utilisation de la ressource en eau. Par exemple, la retenue collinaire collective de la commune de Saint-Romain-de-Popey a été autorisée en avril 2024. Elle desservira 25 hectares de parcelles appartenant à six exploitations agricoles diversifiées et labellisées Haute Valeur Environnementale. Le projet de retenue collinaire collective a été jugé compatible avec le Sdage Rhône-Méditerranée et a été conçu en concertation avec les acteurs locaux économiques (exploitants agricoles) et non économiques (syndicats de rivière, collectivités). Il a été déclaré comme relevant d’une raison impérative d’intérêt public car il contribuerait à pérenniser des activités agricoles, installer des jeunes exploitants, faciliterait la transmission des unités de production, sécuriserait l’autonomie fourragère, favoriserait des pratiques agricoles vertueuses (couverts intermédiaires), et diminuerait l’impact cumulé de projets individuels de retenues d’eau agricoles sur le bassin-versant. Il fait l’objet d’une compensation de la destruction de zones humides à hauteur de 200 % via la restauration d’une prairie humide et celle du lit d’un ruisseau endigué et de fossés bouchés. D’après la rapporteure, cet exemple illustre qu’il est possible dans la réglementation actuelle d’entreprendre une opération de stockage et d’irrigation à vocation agricole, sans présumer d’office d’une raison d’intérêt général pour les tous les ouvrages de stockage et de prélèvement en eaux souterraines à des fins agricoles.

Par ailleurs, comme explicité plus en amont, le récent article 45 de la loi d’orientation agricole précitée entend déjà simplifier la procédure pour recourir aux retenues collinaires. Les PTGE permettent aussi la mise en place d’une démarche territoriale concertée sur la répartition de la ressource en eau entre l’ensemble des usages. Ainsi, un nouveau cadre législatif et réglementaire ne serait d’après la rapporteure ni nécessaire, ni souhaitable, car il pourrait aboutir à des dommages environnementaux et réduire la place de la concertation dans les Sage et les Sdage, qui ont justement pour vocation d’être des lieux de concertation et de décision sur ces sujets.

Enfin, l’article 5 prévoit l’insertion de deux alinéas à l’article L. 214-2 du code de l’environnement relatif à la protection des zones humides :

– le premier alinéa introduit la notion de zone humide fortement modifiée, soit « une zone humide dont l’usage qui en est régulièrement fait ne permet plus d’assurer l’essentiel des fonctions écosystémiques spécifiques caractérisant les zones humides » ;

– le second alinéa prévoit qu’un décret en Conseil d’État détermine les conditions selon lesquelles les impacts des installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés à l’article L. 214-1 du code de l’environnement sur une zone humide fortement modifiée sont suffisamment faibles pour justifier qu’ils ne soient pas soumis à autorisation ou à déclaration au seul titre de la préservation des zones humides.

La législation actuelle serait ainsi, selon le Gouvernement, trop rigide pour les porteurs de projets notamment en raison d’obligations de compensations fonctionnelles ou surfaciques importantes, ces dernières étant souvent encadrées par les Sdage, éventuellement les Sage, avec des exigences de l’ordre de 100 à 150 %.

Interrogé par la rapporteure sur la définition de cette nouvelle catégorie de zones humides, le ministère de la transition écologique précise que les fonctions qui ne seraient plus remplies dans ces zones humides fortement modifiées (ZHFM) seraient les trois fonctions naturelles essentielles : hydrologique (éponge), biogéochimique (filtre), et biologique (biodiversité). L’exemple type des zones visées sont les zones humides drainées depuis longtemps pour de la culture intensive dont l’arrêt n’est pas prévu à court terme. L’autre exemple type qui inspire cette notion est un terrain de friches, d’anciens remblais ou de chantiers, où le sol a perdu totalement sa qualification et est trop transformé, sur une certaine profondeur, pour permettre aux fonctions de zones humides de s’exprimer en l’état. Il est envisagé de ne qualifier une zone humide de « fortement modifiée » qu’au cas par cas, à l’occasion du portage d’un projet pouvant normalement relever de la rubrique Iota 3.3.1.0 « assèchement, mise en eau, imperméabilisation, remblais de zones humides ».

Dans un tel cas, le porteur de projet pourrait ajouter à son dossier la démonstration, selon les modalités fixées par le décret, que son projet de retenue par exemple, ou l’agrandissement de son bâtiment agricole, est situé dans une zone humide répondant aux critères de zones humides fortement modifiées, eux-mêmes précisés par le décret. Le décret devrait également prévoir l’avis d’un groupe d’experts ou d’acteurs pour valider cette qualification. Ces conditions ne seraient pleinement élucidées que dans le cadre de l’élaboration du décret. Cette action au cas par cas permettrait, selon le ministère, de rendre supportable l’impact de cette mesure tout en palliant les contraintes non nécessaires : alléger la partie « mesures compensatoires » de certains projets nouveaux, en raison de la destruction déjà existante des fonctions de la zone humide concernée.

La rapporteure est opposée à l’introduction de cette nouvelle catégorie de zones humides dans le code de l’environnement, et au régime de simplification de la dégradation des zones humides.

Premièrement, insérer une nouvelle catégorie de zone humide serait source de flou et d’insécurité juridique et méthodologique dans un contexte où l’inventaire et la cartographie des zones humides n’est pas finalisé et doit aboutir à échéance de deux ou trois ans. Par ailleurs à ce stade, il n’y a aucune estimation des superficies qui seraient potentiellement concernées par la dénomination de zones humides fortement modifiées. Des incertitudes perdurent donc sur l’implication réelle de l’introduction d’une telle catégorie.

De plus, le parallélisme avec les « masses d’eau fortement modifiées » pour lesquelles l’atteinte du bon état écologique n’est pas obligatoire dans le cadre de la DCE ne serait pas adapté. En effet, une zone humide, même fortement modifiée, possède des fonctionnalités déterminantes telles que l’absorption d’eau ou le stockage du carbone justifiant sa préservation. Si une zone humide est dégradée, et assure des services écologiques moindres, elle est néanmoins connectée à un réseau hydrographique et à d’autres masses d’eau. La dégrader davantage crée un risque pour les zones humides et masses d’eau limitrophes ou connectées.

La rapporteure met par ailleurs en garde contre les effets pervers que permettrait l’adoption de cette disposition. Ne pas soumettre à autorisation ou déclaration, ainsi qu’aux obligations de compensation des opérations sur des zones humides fortement modifiées créerait un effet d’incitation à la dégradation des zones humides. En d’autres termes, dégrader faiblement une zone humide conforterait le droit de la dégrader totalement et de s’affranchir de toute obligation de compensation écologique. Alors que 50 % des zones humides ont disparu en France entre 1960 et 1990 ([46]) la disposition de cette proposition de loi prolongerait la tendance de leur destruction. La priorité est une cartographie robuste et opérationnelle des zones humides telles que définies par le code de l’environnement – définition faisant l’objet d’un consensus scientifique et adoptée par les autres pays de la communauté internationale.

La rapporteure rappelle que la priorité en ce qui concerne les zones humides modifiées est leur restauration, selon le principe de non-régression et les objectifs et obligations du règlement (UE) 2024/1991 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2024 relatif à la restauration de la nature et modifiant le règlement (UE) 2022/869. L’article 11 (4.a) de ce dernier fixe notamment l’objectif de restauration de 30 % des surfaces de sols organiques agricoles constitués de tourbières drainées d’ici 2030, dont un quart doit être remis en eau. Par ailleurs, la DCE fixe en son article 1er l’objectif de prévenir toute dégradation supplémentaire des zones humides. L’article 5 de cette proposition de loi augmenterait ainsi les risques de contentieux au regard du droit de l’Union européenne. La dégradation des zones humides est également contraire à la Stratégie nationale biodiversité 2030 dont l’axe 2 « Restaurer la biodiversité dégradée partout où c’est possible » prévoit de restaurer 50 000 hectares de zones humides. Les zones humides modifiées sont un potentiel de restauration pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, ainsi que la préservation de la biodiversité et de notre ressource en eau.

Enfin, la rapporteure souligne que l’article ainsi rédigé inscrirait dans une fausse opposition l’agriculture et la préservation des zones humides. D’une part, les zones humides fournissent des services essentiels à la production agricole, telles que le stockage de l’eau et l’abreuvement des bêtes dans les prairies humides. Les récents épisodes d’inondations dans le nord de la France rappellent l’importance fondamentale des zones humides pour diminuer les effets des évènements extrêmes et réduire les dégâts et les pertes agricoles. D’autre part, les pratiques agricoles compatibles avec le maintien des zones humides existent, qu’il s’agisse du pâturage extensif comme d’agriculture vivrière.

  1.   L’examen au Sénat
    1.   les modifications apportées en commission

L’amendement N° COM-12 présenté par M. Vincent Louault (LIRT) et adopté en commission renforçait la condition cumulative de la définition de la zone humide en remplaçant « ; » par « et dont » dans la rédaction de la définition : « on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, et dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ».

L’amendement N° COM-34 présenté par M. Pierre Cuypers (LR), rapporteur du texte en commission, regroupait les références à l’intérêt général majeur s’attachant au stockage de l’eau à des fins agricoles en insérant au code de l’environnement l’article L. 211-1-2 ainsi rédigé : « Pour l’application du présent titre, et notamment du VII de l’article L. 212-1, et dans le respect des dispositions de l’article 4 de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, les projets destinés au stockage de l’eau et aux prélèvements nécessaires au remplissage des plans d’eau, permanents ou non, qui répondent à un usage partagé au sens du 5 bis du I de l’article L. 211-1 sont réputés d’intérêt général majeur. ». Il supprimait ainsi les références à l’intérêt général majeur telles qu’insérées dans la proposition initiale aux articles L. 211-1 et L. 212-1 du code de l’environnement. La rédaction visait aussi à sécuriser sur le plan juridique le principe d’intérêt général majeur en l’inscrivant dans le cadre de la directive-cadre sur l’eau.

  1.   les modifications apportées en séance

La version finale adoptée par le Sénat décrite plus en amont (II.B) est issue de l’adoption de l’amendement de réécriture n° 97 du Gouvernement.

  1.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est prononcée en faveur de la suppression de cet article en votant les amendements identiques CD487 de la rapporteure pour avis, CD3 de Mme Delphine Batho (EcoS), CD193 de M. Fabrice Barusseau (SOC), CD299 de M. Loïc Prud’homme (LFI), CD417 de M. Marcellin Nadeau (GDR) et CD437 de M. Hubert Ott (Dem).

La commission des affaires économiques a adopté ces amendements.

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Introduit par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant ce nouvel article.

L’article 5 bis, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, vise à inscrire dans les objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, fixés dans le code de l’environnement, l’objectif de réduction des prélèvements pour l’irrigation, d’adaptation des pratiques agricoles au changement climatique et de l’usage exclusif des retenues d’eau pour l’agriculture biologique ou de conversion.

La commission des affaires économiques a adopté cet article.

  1.   L’irrigation agricole en augmentation face au changement climatique

L’irrigation représente 6,8 % de la surface agricole utile (SAU). En France hexagonale, la surface agricole irrigable s’élevait en 2020 à plus de 1,8 million d’hectares. Si les exploitations maraîchères et horticoles sont les plus équipées en système d’irrigation (51 %), ce sont les cultures de maïs qui mobilisent le plus de surfaces irriguées (38 %), devant le blé (12 %) et les légumes frais, fraises et melons (9 %). Les conséquences du changement climatique sur nos territoires ont conduit à une augmentation moyenne des surfaces irrigables de 23 % entre 2010 et 2020 ([47]). Les productions de ces surfaces irriguées sont à 34 % destinées à l’exportation. Parmi ce qui reste en France, seulement 26 % sont destinés à l’alimentation humaine, et 28 % sont destinés à l’alimentation animale ([48]).

Selon les projections hydrologiques en fin de siècle de l’étude Explore2, les étiages seront plus sévères, et les sécheresses du sol et hydrologiques plus intenses, ce qui jouera sur l’état de la ressource en eau dans les rivières et les nappes phréatiques ([49]).

La loi n° 2016-1888, dite « loi montagne 2 » avait introduit à l’article L. 211‑1 du code de l’environnement un objectif de promotion du stockage de l’eau pour l’irrigation. En effet, elle insérait au sein de cet article un alinéa 5° bis visant « la promotion d’une politique active de stockage de l’eau pour un usage partagé de l’eau permettant de garantir l’irrigation, élément essentiel de la sécurité de la production agricole et du maintien de l’étiage des rivières, et de subvenir aux besoins des populations locales ».

  1.   Le dispositif adoptÉ par la commission

Le présent article est issu de l’amendement CD311 déposé par M. Loïc Prud’homme (LFI) et plusieurs de ses collègues. Il réécrit le 5° bis du I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement fixant les objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau.

La rédaction du 5° bis prévue vise « la réduction des volumes prélevés dans les eaux superficielles ou souterraines destinées à l’usage d’irrigation agricole, l’adaptation des pratiques agricoles au changement climatique par des solutions fondées sur la nature, et l’usage exclusif de l’eau stockée dans les ouvrages existants de stockage de l’eau à usage d’irrigation agricole pour l’irrigation de cultures relevant du mode de production biologique au sens de l’article L. 64113 du code rural et de la pêche maritime, ou de conversion vers ce mode de production ».

La rapporteure pour avis a émis un avis défavorable à l’adoption de cet article, bien qu’elle partage les objectifs de réduction des prélèvements et d’adaptation des pratiques agricoles au changement climatique. Néanmoins, réserver toute l’eau des retenues de stockage à la seule agriculture biologique poserait en l’état un problème de faisabilité et couperait de l’accès à la ressource de nombreux agriculteurs pratiquant l’agroécologie.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est prononcée en faveur de cet amendement, que la commission des affaires économiques a ensuite adopté.

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Introduit par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant ce nouvel article.

L’article 5 ter, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, prévoit un ensemble de dispositions visant à protéger durablement les captages d’eau potable contre les pollutions diffuses d’origine agricole et industrielle, tout en assurant un meilleur suivi de la qualité des eaux prélevées et distribuées.

La commission des affaires économiques a adopté cet article.

Le présent article est issu de l’amendement CD489 de la rapporteure pour avis, sous-amendé par M. Jean-Claude Raux (EcoS) (CD497 et CD495). Il est largement inspiré de la proposition de loi présentée par celui-ci sur la protection des captages d’eau, tout en prévoyant quelques dispositions supplémentaires indispensables pour son application au sein du code général des collectivités territoriales.

L’article prévoit ainsi plusieurs modifications du code général précité et du code de l’environnement. En premier lieu, il systématise la délimitation d’aires d’alimentation des captages (AAC) par l’autorité administrative compétente, laquelle doit instaurer un plan d’actions obligatoires visant à préserver la qualité de l’eau. Il modifie en conséquence l’article L. 211-3 du code de l’environnement et les articles L. 2224‑7‑6 et L. 2224‑7‑7, du code général des collectivités territoriales.

L’autorité administrative devra en outre soumettre le projet de programme pluriannuel d’actions à la consultation du comité de bassin mentionné à l’article L. 213‑8 du code de l’environnement, de la commission locale de l’eau prévue à l’article L. 212‑4 du même code ainsi que, le cas échéant, de l’établissement public territorial de bassin mentionné à l’article L. 213‑12.

Enfin, le présent article instaure une interdiction de l’usage de pesticides de synthèse et d’engrais azotés minéraux dans ces AAC lorsqu’elles sont associées à des points de prélèvement sensibles, c’est-à-dire qui approchent les seuils limites de tolérance pour les pollutions concernées. L’interdiction ne s’applique ni aux produits de bio‑contrôle ni aux produits autorisés en agriculture biologique. L’interdiction ne s’applique pas non plus aux traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles mentionnés à l’article L. 251‑3 du code rural et de la pêche maritime.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est prononcée en faveur de cet amendement, que la commission des affaires économiques a ensuite adopté.

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Introduit par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant ce nouvel article.

L’article 5 quater, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, vise à interdire le financement par les agences de l’eau de la construction, de l’alimentation, de l’entretien ou du démantèlement de réserves de substitution destinées à l’irrigation.

La commission des affaires économiques a adopté cet article.

  1.   le Financement public des rÉserves de substitution

Depuis la circulaire du 3 août 2010 relative à la résorption des déséquilibres quantitatifs en matière de prélèvements d’eau et gestion collective des prélèvements d’irrigation dans les bassins, les agences de l’eau doivent considérer, dans les bassins à écart important, une majoration des taux d’aide pouvant aller jusqu’à 70 % pour les études d’incidence et projets de retenues de substitution collectives, sous réserve d’une participation financière des agriculteurs[50]. L’écart entre le volume prélevé en année quinquennale sèche et le volume prélevable doit être supérieur à un seuil de l’ordre de 30 %. Il en résulte que les agences de l’eau ont participé au financement de plusieurs projets de « méga-bassines », notamment dans les Deux-Sèvres.

  1.   Le dispositif adoptÉ par la commission

L’article 5 quater est issu de l’amendement CD313 déposé par M. Loïc Prud’homme (LFI). Il modifie l’article L. 213-9-2 du code de l’environnement fixant les missions des agences de l’eau. Il prévoit d’insérer un VI bis selon lequel « l’agence ne peut pas financer la construction, l’alimentation, l’entretien ou le démantèlement des réserves de substitution destinées à l’irrigation ». Il ajoute que « ces constructions sont financées directement par les seules personnes qui prélèvent, stockent ou utilisent de l’eau par leur biais ».

L’amendement a été adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, après avis défavorable de la rapporteure qui a considéré que les décisions d’attribution ou de refus éventuels de financement par les agences de l’eau aux retenues de substitution devaient prendre place à l’occasion des concertations menées dans les comités de bassin et au sein des commissions locales de l’eau.

La commission des affaires économiques a adopté cet amendement.

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Introduit par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant ce nouvel article.

L’article 5 quinquies, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, vise à rendre obligatoire la réalisation d’une étude hydrologique avant délivrance de toute autorisation environnementale pour la construction d’ouvrage de stockage d’eau à destination de l’irrigation agricole, afin de prendre en compte les effets anticipés du changement climatique.

La commission des affaires économiques a adopté cet article.

  1.   Un besoin de planification des volumes prÉlevables au regard des Évolutions de la ressource en eau

Les études hydrologie, milieux, usages, climat (H.M.U.C) ont vocation à produire des connaissances sur la gestion quantitative de la ressource en eau à l’échelle d’un territoire cohérent sur le plan hydrologique. Il s’agit de dresser un état des lieux des équilibres quantitatifs d’un territoire et de sa sensibilité au changement climatique aux horizons 2050 et 2070, afin de quantifier les volumes potentiellement mobilisables en période de basses eaux.

La notion a été introduite par le Sdage 2016-2021 du bassin Loire-Bretagne et plusieurs études H.M.U.C ont déjà été réalisées sur ce bassin. La préfète coordinatrice du bassin de Loire-Bretagne a lancé en 2024 une mission portée par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux et l’Inspection générale du développement durable sur la réalisation d’études H.M.U.C ([51]). La mission a confirmé l’intérêt des analyses H.M.U.C et invite à clarifier les étapes de ces études pour les rendre plus opérationnelles et les inscrire dans une stratégie territoriale.

Aux termes des articles L. 214-2 et R. 214-1 du code de l’environnement relatifs à la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités (Iota), les opérations de stockage d’eau à vocation d’irrigation agricole peuvent être soumises à autorisation ou déclaration suivant les dangers et l’impact sur la ressource et les écosystèmes aquatiques qu’elles représentent. Elles peuvent aussi, selon leur ampleur, faire l’objet d’une évaluation environnementale, imposant d’après l’article R. 122-1 dudit code la réalisation d’une étude d’impact préalable.

  1.   Le dispositif adoptÉ par la commission

L’article 5 quinquies est issu de l’amendement CD309 déposé par Mme Clémence Guetté (LFI). Il insère un article L.214-11-1 au sein du code de l’environnement prévoyant qu’une étude hydrologique doit être réalisée dans les cinq années précédant la délivrance de l’autorisation environnementale pour les projets d’ouvrage de stockage de l’eau à des fins d’irrigation agricole. Elle doit contenir un bilan de la disponibilité des usages de la ressource en eau sur le territoire concerné, ainsi que des projections à moyen et long terme de l’évolution de la ressource en prenant en compte les effets du changement climatique. L’étude doit sur cette base déterminer les volumes pouvant être prélevés pour maintenir le bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques.

L’amendement a été adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La rapporteure pour avis a émis un avis défavorable, considérant que les impacts du changement climatique sur la ressource en eau sont déjà pris en compte dans l’élaboration des Sdage et des Sage, avec lesquels les autorisations environnementales doivent être compatibles. Il serait préférable, selon la rapporteure pour avis, que les comités de bassin et les commissions locales aient des moyens suffisants pour réaliser ces études dans le cadre de l’élaboration des Sdage et des Sage.

La commission des affaires économiques a adopté cet amendement.

 

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Introduit par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant ce nouvel article.

L’article 5 sexies, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, vise à interdire dans les zones de répartition des eaux, l’irrigation des cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) à partir de prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines, ou d’ouvrages de stockage alimentés par ces prélèvements.

La commission des affaires économiques a adopté cet article.

  1.   Zones de rÉpartition des eaux

Les zones de répartition des eaux (ZRE) correspondent à des zones où la disponibilité naturelle en eau est limitée. Elles sont fixées par un préfet coordonnateur de bassin hydrographique. Dans ces zones, tout prélèvement d’eau est soumis à déclaration, et tout prélèvement supérieur à 8 mètres cubes par heure est soumis à autorisation. Les seuils de prélèvements soumis à autorisation y sont ainsi plus bas que sur le reste du territoire.

  1.   Les cultures intermÉdiaires À vocation ÉnergÉtique (CIVE)

Les CIVE correspondent à des cultures implantées et récoltées entre deux cultures principales au sein d’une rotation ; elles sont utilisées pour produire de l’énergie via la méthanisation. Elles peuvent fournir des services écosystémiques comme l’atténuation de l’érosion du sol et du lessivage, la diminution de l’usage des produits phytosanitaires et des fertilisants de synthèse, le piège à nitrate ou encore l’enrichissement des sols. Néanmoins, elles présentent aussi des limites. Elles peuvent nécessiter une fertilisation et une irrigation supplémentaires pour atteindre des rendements attendus, et sont parfois moins adaptées que d’autres cultures intermédiaires restituant davantage de carbone et d’azote et apportant des services écosystémiques similaires.

  1.   Le dispositif adoptÉ par la commission

L’article 5 sexies est issu de l’amendement CD36 déposé par Mme Delphine Batho (EcoS). Il insère un III à l’article L. 541-39 du code de l’environnement qui prévoit que : « dans les zones de répartition des eaux et les périmètres mentionnés au 6° du II de l’article L. 2113, l’irrigation des cultures intermédiaires à vocation énergétique mentionnée au I à partir de prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines, ou d’ouvrages de stockage alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines, n’est pas autorisée ».

L’amendement a été adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, après un avis de sagesse émis par la rapporteure pour avis.

La commission des affaires économiques a adopté cet amendement.

 

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Introduit par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant ce nouvel article.

L’article 5 septies, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, vise à instaurer un moratoire suspendant la délivrance des autorisations pour la construction de méga-bassines.

La commission des affaires économiques a adopté cet article.

  1.   les mÉga-bassines n’ont actuellement pas de dÉfinition juridique dans le code de l’environnement

Aux termes des articles L. 214-2 et R. 214-1 du code de l’environnement relatifs à la nomenclature Iota précitée, les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements d’eau à destination agricole sont soumis à autorisation ou déclaration en fonction de leurs impacts sur les écosystèmes aquatiques. L’article R. 214-1 du code de l’environnement prévoit que les projets de stockage ou d’irrigation sont systématiquement soumis à autorisation :

– lorsque les prélèvements prévus dans un système aquifère sont supérieurs à 200 000 mètres cubes par an ;

– lorsque les prélèvements prévus dans un cours d’eau ont une capacité totale maximale supérieure ou égale à 1 000 mètres cubes par heure ou à 5 % du débit du cours d’eau ;

– pour un plan d’eau, permanent ou non, dont la superficie est supérieure à 3 hectares ([52]) .

Les « méga-bassines » correspondent à des ouvrages de stockage pour l’irrigation destinés à permettre la substitution des prélèvements en période de basses eaux par des prélèvements effectués en dehors de cette période. Si elles peuvent s’insérer dans la catégorie décrite ci-dessus, elles n’ont actuellement pas de définition législative spécifique.

  1.   Le dispositif adoptÉ par la commission

L’article 5 septies est issu de l’amendement CD308 déposé par Mme Clémence Guetté (LFI). Il instaure un moratoire interdisant la délivrance des autorisations pour la construction de méga-bassines dans le cadre de la nomenclature Iota. Il prévoit que ce moratoire sera instauré pour une durée de 10 ans à compter de la promulgation de la loi, et ce dans l’attente d’une réforme législative sur le sujet. Il prévoit également que les autorisations de construction et d’exploitation de méga-bassines délivrées dans les dix années précédant la promulgation de la présente loi sont suspendues durant la durée du moratoire.

L’amendement a été adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, après avis défavorable de la rapporteure pour avis, qui a estimé que s’il fallait évidemment limiter les prélèvements d’eau à destination agricole dans les nappes phréatiques, un moratoire général n’est pas souhaitable pour les effets négatifs qu’il peut entraîner sur le fonctionnement actuel d’un grand nombre d’exploitations, et cela sans distinction de territoires ni de mise en œuvre d’un projet de territoire associé. En outre, les décisions concernant les ouvrages de stockage de substitution doivent se faire de manière concertée dans le cadre des comités de bassins, et d’élaboration des documents locaux de planification et de gestion de la ressource en eau.

La commission des affaires économiques a adopté cet amendement.

 

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Introduit par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant ce nouvel article.

L’article 5 octies, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, vise à conditionner la poursuite de l’utilisation des ouvrages de stockage de l’eau à usage d’irrigation agricole et alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines à des conditions environnementales renforcées.

La commission des affaires économiques a adopté cet article.

L’article 5 octies est issu de l’amendement CD147 déposé par Mme Delphine Batho (EcoS). Il prévoit que, dans un délai d’un an, la poursuite de l’utilisation des ouvrages de stockage de l’eau à usage d’irrigation agricole alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines existant sur le territoire national et ayant bénéficié d’une autorisation environnementale est conditionnée à :

– la mise en place, dans le périmètre du territoire concerné, d’un schéma directeur de la biodiversité et de l’adaptation des pratiques agricoles au changement climatique basé sur les solutions fondées sur la nature ;

– la baisse des volumes prélevés, définis sur la base d’une étude portant sur l’hydrologie, les milieux, les usages et le climat prenant en compte l’impact du changement climatique ;

– un partage de l’eau entre agriculteurs ;

– l’usage exclusif de l’eau stockée dans ces ouvrages pour l’irrigation de cultures relevant du mode de production biologique, au sens de l’article L. 641‑13 du code rural et de la pêche maritime, ou de conversion vers ce mode de production, pour favoriser la restauration de la qualité des eaux.

L’amendement a été adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire après avis défavorable de la rapporteure pour avis, celle-ci considérant que si les trois premières conditions peuvent être discutées, la quatrième condition, à savoir le fait de réserver toute utilisation de l’eau stockée uniquement à l’agriculture biologique, avec une période de transition d’à peine un an, risquerait de mettre en difficulté de nombreuses exploitations agricoles. En outre, cette disposition ne serait pas juste pour les exploitations qui s’efforcent d’adopter des pratiques agroécologiques, sans pour autant être classées en agriculture biologique.

La commission des affaires économiques a adopté cet amendement.

 

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Introduit par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant ce nouvel article.

L’article 5 nonies, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, prévoit que l’État publie annuellement un bilan des volumes totaux d’eau prélevés par les ouvrages de stockage d’eau et des différentes stratégies d’irrigation agricole dans un contexte de changement climatique.

La commission des affaires économiques a adopté cet article.

L’article 5 nonies est issu de l’amendement CD375 déposé par Mme Julie Ozenne (EcoS). Il prévoit que l’État publie annuellement un bilan des volumes totaux d’eau prélevés par les ouvrages de stockage d’eau et des différentes stratégies d’irrigation agricole dans un contexte de changement climatique. Il présente notamment les territoires et les cultures les plus consommatrices. Il est inspiré d’une proposition du Conseil économique, social et environnemental qui appelait, dans son avis d’avril 2023 intitulé « Comment favoriser une gestion durable de l’eau (quantité, qualité, partage) en France face aux changements climatiques ? » à objectiver le débat sur les réservoirs ou stockages d’eau et préconisait que soient rendus publics les volumes totaux prélevés et les stratégies d’irrigation agricole.

L’amendement a été adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, après avis défavorable de la rapporteure pour avis, celle-ci estimant qu’une information globalisée sur le stockage de l’eau, qui ne ferait pas la différence entre les périodes de prélèvement, le type d’ouvrages et les conditions de son utilisation, risquerait d’être peu pertinente.

La commission des affaires économiques a adopté cet amendement.

 

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Introduit par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant ce nouvel article.

L’article 5 decies, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, prévoit que l’État publie un rapport relatif aux pratiques agricoles économes en eau permettant de réduire les besoins d’irrigation pour parvenir à un équilibre tenant compte de l’évolution du climat.

La commission des affaires économiques a adopté cet article.

L’article 5 decies est issu de l’amendement CD189 déposé par M. Fabrice Barrusseau (SOC). Il prévoit que, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi et en perspective de la loi d’orientation agricole, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux pratiques agricoles économes en eau permettant de réduire les besoins d’irrigation pour parvenir à un équilibre tenant compte de l’évolution du climat. Ce rapport identifiera, territoire par territoire, les types de culture et les modes de production les plus résilients au regard des données scientifiques relatives au changement climatique dans un double objectif de souveraineté alimentaire et d’adaptation au changement climatique.

L’amendement a été adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, après avis défavorable de la rapporteure pour avis, celle-ci estimant qu’une information globalisée sur les stratégies agricoles économes en eau doit faire partie des Sdage et des Sage.

La commission des affaires économiques a adopté cet amendement.

 

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Introduit par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant ce nouvel article.

L’article 5 undecies, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, prévoit que, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’État se dote d’une stratégie nationale de préservation et de restauration des cours d’eau, fixée par décret, qui définit la marche à suivre pour conduire la politique de préservation et de restauration des cours d’eau sur le territoire.

La commission des affaires économiques a adopté cet article.

L’article 5 undecies est issu de l’amendement CD373 déposé par Mme Julie Ozenne (EcoS). Il prévoit que, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’État se dote d’une stratégie nationale de préservation et de restauration des cours d’eau, fixée par décret, qui définit la marche à suivre pour conduire la politique de préservation et de restauration des cours d’eau sur le territoire. Cette stratégie définit une trajectoire chiffrée pour atteindre l’objectif de 25 000 km de cours d’eau restaurés, associée à un plan d’action national. Le plan d’action national définit des objectifs pluriannuels chiffrés en termes de linéaires de cours d’eau restaurés, les zones à prioriser et les mesures pour y parvenir.

L’amendement a été adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, après avis défavorable de la rapporteure pour avis, celle-ci ayant rappelé qu’une mission d’information sur ce sujet était en cours et qu’il était prudent d’en attendre les conclusions avant de légiférer.

La commission des affaires économiques a adopté cet amendement.

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titre iv
Mieux accompagner les contrÔles et dispositions diverses relatives aux suites liÉes aux inspections et contrÔles
en matiÈre agricole

Adopté par la commission avec modifications

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant cet article.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est prononcée en faveur de l’adoption avec modifications de cet article.

L’article 6 de la proposition de loi vise à renforcer l’encadrement et la coordination des missions de police de l’environnement de l’Office français de la biodiversité (OFB), en rappelant que l’exercice de ses missions de police administrative est réalisé sous l’autorité du représentant de l’État dans le département. Ce dernier est désormais explicitement chargé de valider la programmation annuelle des contrôles de police administrative de l’office. Par ailleurs, le rôle de la voie hiérarchique dans la transmission des procès-verbaux au procureur de la République est réaffirmé. Enfin, les inspecteurs de l’environnement, dont ceux de l’OFB, pourront être équipés de caméras individuelles selon un cadre identique à celui des forces de sécurité intérieure, afin de favoriser l’apaisement des relations sur le terrain.

 


  1.   L’État du droit
    1.   l’office français de la biodiversitÉ exerce unE mission essentielle de police environnementale
      1.   L’exercice du pouvoir de police environnementale est assuré sous le contrôle du représentant de l’État ou du procureur de la République

La police de l’environnement vise à garantir le respect de la réglementation environnementale. Elle est exercée par des agents, qui disposent, d’une part, du pouvoir de police administrative, en émettant des avis techniques sur des projets soumis à instruction administrative et en réalisant des contrôles administratifs du respect des réglementations environnementales et, d’autre part, du pouvoir de police judiciaire, leur permettant de rechercher et constater certaines infractions environnementales. Ces conditions de mise en œuvre sont définies par le titre VII du code de l’environnement intitulé « Dispositions communes relatives aux contrôles et aux sanctions ».

Dans le cadre de leurs pouvoirs de police administrative, les agents exercent leurs missions sous l’autorité du préfet de département. Dans le cadre de leurs pouvoirs de police judiciaire, seuls les inspecteurs de l’environnement commissionnés par l’autorité administrative et assermentés peuvent rechercher et constater tout ou partie d’une infraction, sous l’autorité du procureur de la République (article L. 172-1 du code de l’environnement). Ils doivent constater les éventuelles infractions par des procès-verbaux adressés dans les cinq jours qui suivent leur clôture au procureur de la République (article L. 172-16 du code de l’environnement).

De fait, la police de l’environnement est mise en œuvre par une pluralité de fonctionnaires et agents, dont les pouvoirs, les expertises et les approches sont complémentaires. Ces derniers sont aujourd’hui rattachés à des structures administratives distinctes :

 soit au sein des services de l’État, notamment pour la législation spécifique aux installations classées pour la protection de l’environnement, tels que les directions de l’équipement, de l’aménagement et du logement (DEAL), des directions départementales de la protection des populations (DDPP), ainsi que des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) ;

 soit au sein d’établissements publics tels que l’Office français de la biodiversité (OFB), des parcs nationaux (parc national du Mercantour, des Cévennes, de la Vanoise, etc.), l’Office national des forêts (ONF) ou encore des gestionnaires d’espaces protégés pour la législation relative à l’eau et à la nature.

  1.   Les missions de police de l’Office français de la biodiversité font l’objet d’une coordination avec les services de l’État

L’OFB est un établissement public de l’État (article L. 131-8 du code de l’environnement) qui est placé sous la tutelle conjointe des ministères chargés de l’environnement et de l’agriculture. Il contribue à la surveillance, la préservation, la gestion et la renaturation de la biodiversité, dans les milieux terrestres, aquatiques et marins, ainsi qu’à la gestion équilibrée et durable de l’eau en coordination avec la politique nationale de lutte contre le réchauffement climatique.

Pour ce faire, l’établissement assure des missions de développement de la connaissance, d’expertise et d’assistance, d’appui à la conception des politiques publiques, de gestion et de renaturation des espaces naturels, de communication et de sensibilisation du public, mais également des « missions de police administrative et de police judiciaire relatives à l’eau, aux espaces naturels, aux espèces, à la chasse et à la pêche ainsi que des missions de police sanitaire en lien avec la faune sauvage » (article L. 131-9 du code de l’environnement).

Pour prévenir et réprimer ces atteintes à l’environnement, près de 1 700 inspecteurs de l’environnement de l’OFB apportent leur expertise technique, surveillent le territoire, sensibilisent les usagers, recherchent et constatent les infractions, et font des interventions contre le braconnage. Chaque année, ces agents de l’OFB réalisent environ 20 000 contrôles. Ces opérations portent principalement sur la police de la chasse (31 %), la préservation des milieux aquatiques (16 %) et la qualité de l’eau (16 %). Ces contrôles ciblent l’ensemble des catégories d’usagers. En 2021, les catégories d’usagers contrôlés se répartissent entre les particuliers (44 %), les agriculteurs (19 %), les collectivités territoriales (10 %), les entreprises (11 %) et les propriétaires et multi-usagers (6 %).

Les opérations de contrôles sont programmées dans le cadre de plans de contrôle annuels. Elles peuvent être inopinées ou annoncées pour la personne ou l’établissement qui font l’objet du contrôle. En 2021, 40,5 % des contrôles étaient programmés, 22,3 % étaient réalisés à la suite d’un signalement et 34,4 % étaient le résultat d’une constatation en flagrance.

Le législateur a ainsi confié à l’OFB des missions et des prérogatives particulièrement vastes, qui ont suscité de fortes attentes à l’égard de l’exercice de la police de l’environnement. Afin d’assurer une planification de l’action de l’office dans l’exercice de la police de l’environnement, il revient au représentant de l’État dans le département d’assurer « en tant que délégué territorial de l’office, la cohérence de l’exercice des missions de police administrative de l’eau et de l’environnement de l’office dans les territoires relevant de son ressort avec les actions des autres services et établissements publics de l’État » (article L. 131-9 du code de l’environnement).

Ainsi, la planification des contrôles sur les politiques et territoires prioritaires pour la préservation de l’eau et de la nature se matérialise par l’élaboration, dans le cadre de la mission interservices de l’eau et de la nature (Misen) ([53]) présidée par le préfet de département, d’un plan annuel de contrôle départemental inter-services de l’eau et de la nature ([54]), auquel est associé le procureur de la République en raison de l’articulation nécessaire entre les actions de polices administrative et judiciaire. Ce plan doit décliner au niveau local les priorités nationales définies par le comité stratégique national des contrôles de l’environnement dans le domaine de l’eau et de la nature. Il doit également permettre d’assurer une cohérence de l’action de l’État et de ses administrations déconcentrées, à l’échelle du département, entre les contrôles de l’eau et de la nature avec les contrôles des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), les contrôles de la sécurité des ouvrages hydrauliques, les contrôles de la conditionnalité des aides de la Politique agricole commune (PAC) et les contrôles de l’environnement marin.

Parallèlement, le comité opérationnel de lutte contre la délinquance environnementale (Colden) ([55]), présidé par le procureur de la République territorialement compétent, vise à coordonner, toujours au niveau départemental, les activités de lutte contre les atteintes à l’environnement.

Enfin, la circulaire du 4 novembre 2024 ([56]) a mis en place un contrôle administratif annuel unique des exploitations agricoles, dans le cadre d’une nouvelle instance, la mission interservices agricole (Misa). Le préfet de département, dans son rôle de coordination, veille à articuler les programmes prévisionnels de contrôles établis par chaque service ou organisme concerné, pour s’assurer du respect du principe de contrôle unique des exploitations agricoles. La Misa regroupe l’ensemble des services déconcentrés et établissements de l’État réalisant des missions de contrôle dans un cadre administratif au sein des exploitations agricoles. Le principe du contrôle unique ne concerne que les contrôles réalisés dans un cadre administratif, pour lesquels un agent est physiquement présent sur le terrain et qui font l’objet d’une programmation. La Misa se réunit deux fois par an et doit se coordonner avec la Misen sur les sujets environnementaux.

  1.   Une police injustement contestÉe dans son principe et ses modalitÉs

La police de l’environnement fait l’objet de nombreuses crispations dans le débat public, en particulier auprès d’une partie du monde agricole, en dépit des missions essentielles réalisées au quotidien par les inspecteurs de l’environnement pour permettre l’application et le respect du droit de l’environnement. Ces crispations vis-à-vis des normes environnementales prennent la forme de réticences et de contestations auxquelles les inspecteurs de l’environnement sont confrontés sur le terrain, alors même que la consécration d’une police environnementale aux missions clairement définies est une demande forte et ancienne des élus locaux et de la profession agricole.

Si elles ont culminé lors des crises agricoles de 2024, les manifestations d’hostilité à l’égard des réglementations environnementales sont de plus en plus courantes, tout autant qu’est contestée la manière dont les agents de l’OFB procèdent aux contrôles et à la recherche des infractions. Les inspecteurs de l’environnement sont régulièrement confrontés à des comportements irrespectueux sur le terrain. Dans une tribune publiée dans Le Monde de juin 2024, certains agents de l’établissement disent se faire qualifier de « Gestapo », de « bio cops » ou encore de « cow-boys verts » ([57]). L’hostilité dépasse parfois le cadre verbal : en mars 2023, les locaux de l’OFB à Brest ont été incendiés à la suite du lancement de plus de trois cents fusées de détresse tirées par les pêcheurs en colère et, tout au long de l’année 2024, des implantations territoriales et des véhicules de l’OFB ont été vandalisés.

Pour autant, cette conflictualité médiatisée entre les agriculteurs et les inspecteurs de l’environnement semble en décalage avec la réalité des données révélées par le rapport d’information du Sénat de M. Jean Bacci sur l’évaluation de la loi portant création de l’OFB. En premier lieu, les données rendues publiques par la mission ne témoignent pas d’un « acharnement » des inspecteurs de l’environnement à l’égard du monde agricole : sur 21 635 contrôles administratifs, seuls 2 759 contrôles concernent le monde agricole, soit un peu moins de 13 %. La mission démontre que ces contrôles, ramenés au nombre d’exploitations agricoles, environ 400 000 en France, font état de 0,75 % des installations contrôlées par an. En second lieu, entre 2020 et 2023, la mission révèle que 136 incidents ont été recensés sur l’ensemble des contrôles, dont 70 % d’entre eux pour des menaces, agressions verbales ou outrages, 20 % pour des agressions physiques et 10 % pour des menaces avec armes. Le nombre d’incidents demeure ainsi très faible comparativement au nombre de contrôles effectués ([58]).

Toutefois, il est regrettable que l’établissement et ses agents soient la cible de telles exactions, alors que les agents de l’OFB font preuve de discernement et de bon sens dans la mise en œuvre de la police de l’environnement.

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   Les dispositions de la proposition de loi initiale

L’article 6 de la proposition de loi initiale prévoyait de compléter l’article L. 131-9 du code de l’environnement par une phrase disposant qu’en « cas de primo-infraction ou d’infraction ayant causé un faible préjudice environnemental [le représentant de l’État dans le département] invite l’office à privilégier la procédure administrative ». Il s’agirait, pour les auteurs de la proposition de loi, de confier au préfet la mission « d’inviter l’office à privilégier la procédure administrative, pour éviter autant que faire se peut des procédures judiciaires – ces dernières ayant pu être jugées infamantes, alors que les peines finalement prononcées sont équivalentes à celles de la voie administrative –, dès lors que les faits poursuivis relèvent d’une primo-infraction ou d’une infraction ayant causé un faible préjudice environnemental » ([59]).

  1.   Les modifications adoptÉes par le sÉnat
    1.   L’examen en commission

La commission au Sénat a estimé que la « rédaction proposée semble poser quelques difficultés dans la mesure où la notion de faible préjudice environnemental est sujette à interprétation ». De même, la commission s’interroge sur « l’invitation à privilégier la procédure administrative en cas de primo-infraction, sans considérer la nature de cette primo-infraction » ([60]), et en contraction avec le principe de l’opportunité des poursuites qui appartient non pas au représentant de l’État mais au procureur de la République.

Pour ces deux raisons, la commission a adopté un amendement ([61]), à l’initiative de son rapporteur, visant à réécrire l’intégralité du dispositif envisagé. La rédaction proposée par le rapporteur vise à inscrire à l’article L. 131-9 du code de l’environnement l’existence des missions interservices agricoles (Misa), récemment instituées par voie de circulaire. La commission a estimé qu’au « regard de l’enjeu de meilleure lisibilité des contrôles dont les agriculteurs font l’objet, et de meilleure organisation à l’échelle des territoires de ces contrôles, inscrire les Misa dans la loi, de même que leur objet, est de nature à renforcer le caractère obligatoire de leur mise en œuvre » ([62]).

La commission a par ailleurs adopté un sous-amendement ([63]) à l’amendement du rapporteur visant à préciser au sein du même article que les inspecteurs de l’environnement communiquent à leur supérieur hiérarchique leur procès-verbal d’infraction, ce dernier assurant la transmission, après signature, au procureur de la République territorialement compétent. Cette précision viserait à « permettre un meilleur suivi des procès-verbaux à l’échelle du territoire ainsi qu’une meilleure remontée des problématiques rencontrées par les inspecteurs sur le terrain » ([64]).

  1.   L’examen en séance publique

L’examen en séance publique au Sénat a donné lieu à une nouvelle réécriture intégrale de l’article 6 avec l’adoption de cinq amendements à l’initiative du Gouvernement et du rapporteur :

– un amendement ([65]) du Gouvernement qui modifie l’intitulé du titre IV dans lequel s’insère l’article 6, en remplaçant l’intitulé « Apaiser les relations entre l’office français de la biodiversité et les agriculteurs » par l’intitulé « Mieux accompagner les contrôles et dispositions diverses relatives aux suites liées aux inspections et contrôles en matière agricole » ;

– un amendement ([66]) du Gouvernement qui précise, à l’article L. 131-9 du code de l’environnement que l’OFB contribue, « sous l’autorité du représentant de l’État dans le département », à l’exercice des missions de police administrative et, « sous la direction du procureur de la République », à l’exercice des missions de police judiciaire. L’amendement désigne le représentant de l’État dans le département comme coordinateur de l’exercice des missions de police administrative de l’office, donnant la responsabilité de valider « la programmation annuelle des contrôles réalisés dans le cadre de ces missions » ;

– un amendement ([67]) du Gouvernement qui supprime l’inscription dans la loi des Misa au motif que ces dernières ont déjà été mises en place par voie réglementaire et qu’elles sont déjà opérationnelles dans la plupart des départements ;

– un amendement ([68]) du rapporteur complétant l’article L. 172-16 du code de l’environnement afin que le procès-verbal constatant une infraction soit transmis au procureur de la République « par voie hiérarchique » ;

– un amendement ([69]) du Gouvernement qui permet aux inspecteurs de l’environnement, notamment ceux de l’OFB et aux agents commissionnés des réserves naturelles ainsi qu’aux gardes du littoral, d’être équipés d’une caméra individuelle pour la réalisation des missions de police administrative et de police judiciaire. Les modalités de mises en œuvre retenues sont strictement identiques à celles appliquées aux forces de sécurité intérieure. Il s’agit, pour les auteurs de l’amendement, « d’apaiser les tensions entre les agents chargés de la police de l’environnement et certains usagers en objectivant la réalité des modalités d’exercice de cette police de l’environnement ». Un nouvel article L. 174-3 est inséré à cette fin au code de l’environnement. Son entrée en vigueur est prévue au plus tard un an après la promulgation de la loi. Ses modalités d’application seront précisées par décret en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

L’ensemble de ces amendements ont été adoptés avec un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

  1.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 6, compte tenu de modifications.

Elle a estimé que l’ensemble des mesures adoptées au Sénat concernant le renforcement de la position du préfet de département comme superviseur et coordinateur des missions de police environnementale de l’OFB conduisent à remettre en cause l’autonomie de l’office et de ses agents. Elle a en particulier estimé que la transmission « par voie hiérarchique » au procureur de la République des procès-verbaux constatant une infraction portait une atteinte grave à l’autonomie des agents dans l’exercice de leurs missions de police judiciaire environnementale. La commission a par conséquent adopté, malgré l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, deux amendements identiques ([70]) de suppression de l’ensemble des mesures ajoutées par le Sénat sur le renforcement de la position du préfet de département (exercice des missions de police administrative environnementale sous l’autorité du préfet, organisation d’une programmation annuelle des contrôles administratifs par le préfet et transmission par voie hiérarchique des procès-verbaux au procureur de la République).

La commission a également supprimé la référence à la formation et à la pédagogie des agents de l’OFB dans les finalités d’usage des caméras individuelles ([71]), estimant que cette mention sous-entendait une remise en cause infondée de leurs compétences professionnelles. Elle a également décidé de renforcer les possibilités juridiques offertes par l’utilisation de ces caméras et d’aligner leurs conditions d’utilisation sur celles des agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale (article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure) :

– en permettant « lorsque la sécurité des agents est menacée » que les images captées et enregistrées au moyen des caméras individuelles puissent « être transmises en temps réel à l’établissement concerné et aux personnels impliqués dans la conduite du contrôle » ([72]) ;

– en permettant aux agents d’utiliser directement les enregistrements auxquels ils procèdent dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une intervention pour « faciliter la recherche d’auteurs d’infractions ou l’établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d’interventions » ([73]).

La commission a également souhaité renforcer le suivi des contrôles réalisés par l’office dans le cadre de ses missions de police environnementale :

– par la publication annuelle par « les services compétents » d’un bilan des constats d’infractions environnementales précisant la nature et les suites données, notamment les classements sans suite, les poursuites judiciaires ou les sanctions administratives ([74]) ;

– par la création « d’un outil public de suivi des contrôles » réalisés par l’office, ainsi que des incidents qui pourraient en découler, dans une optique de transparence et d’amélioration de l’efficacité des interventions ([75]).

Enfin, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté cinq amendements rédactionnels de la rapporteure pour avis.

La commission des affaires économiques a adopté ces amendements.

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Article 6 bis (nouveau)
Reconnaissance du rôle des agents de la police de l’environnement et encadrement de la communication des autorités de l’État

Introduit par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant ce nouvel article.

L’article 6 bis, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, interdit aux autorités de l’État toute communication publique dénigrante à l’égard des agents de la police de l’environnement.

La commission des affaires économiques a adopté cet article.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté, malgré l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, un amendement CD172 portant article additionnel de Mme Marie Pochon (EcoS) visant à interdire les communications publiques mettant en cause de manière injustifiée ou dénigrante les agents de la police de l’environnement.

Il s’agit de créer, au sein du code de l’environnement, un nouvel article L. 131-1-1 qui dispose que « les autorités de l’État s’abstiennent, dans leur communication publique, de toute mise en cause injustifiée ou dénigrante à l’encontre des agents de la police de l’environnement (…) dans l’exercice de leurs fonctions. Elles veillent au respect de leur mission d’intérêt général et à la reconnaissance publique de leur rôle dans la préservation de l’environnement ».

Cette disposition est introduite à la suite de plusieurs prises de parole publiques, notamment celles de responsables politiques, qui ont remis en cause, de manière polémique, l’action des agents de l’office. Face à ces attaques politiques, la commission a souhaité réaffirmer la légitimité de l’action des agents de l’OFB et le nécessaire respect dû à leur engagement au service de l’intérêt général.

La rapporteure pour avis partage pleinement la reconnaissance du travail mené par les agents de l’OFB, qui agissent quotidiennement avec compétence et professionnalisme dans des conditions parfois tendues. Il ne lui a pas semblé en revanche justifié d’introduire une disposition spécifique dans la loi pour encadrer la communication publique de l’État en la matière, en réaction à des prises de position individuelle et polémique. Elle estime ainsi que la portée normative de cet article est contestable, voire nulle, et note qu’aucune disposition similaire n’existe en droit, en particulier pour les forces de sécurité intérieure.

La commission des affaires économiques a adopté cet amendement.

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Article 6 ter (nouveau)
Généralisation du port d’arme apparent par les inspecteurs de l’environnement

Introduit par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant ce nouvel article.

L’article 6 ter, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, impose le port apparent de l’arme pour les inspecteurs de l’environnement habilités, afin de garantir la transparence des interventions, en réponse aux critiques suscitées par la généralisation récente du port discret prévue par voie de circulaire.

La commission des affaires économiques a adopté cet article.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté, malgré l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, un amendement CD168 portant article additionnel de Mme Marie Pochon (EcoS) visant à encadrer les conditions de port de l’arme par les agents de la police de l’environnement habilités à en détenir une, en rendant obligatoire son port apparent lors des interventions. L’objectif recherché est double : garantir l’information du public lors des contrôles sur le port de l’arme et assurer la transparence de l’action des agents de l’environnement dans un contexte marqué par des tensions croissantes entre l’OFB et certains usagers, notamment dans le monde agricole.

À ce jour, aucune disposition législative ne précise les modalités de port de l’arme par les inspecteurs de l’environnement. Un cadre a toutefois été fixé par la circulaire du 3 décembre 2024 sur les modalités de contrôle des exploitations agricoles, prise en réponse aux tensions révélées lors des mobilisations agricoles au cours de l’année 2024. Celle-ci prévoit la mise en place immédiate du port d’arme discret par les agents de l’OFB en recourant en particulier à l’utilisation d’étuis dits « inside ». Cette orientation visait à apaiser les relations avec les usagers concernés par les contrôles, notamment dans le monde rural, tout en garantissant la sécurité des agents dans les situations les plus sensibles (trafic d’espèces protégées, braconnage armé, etc.).

Cette mesure de port discret a cependant suscité des critiques, jugée par certains comme une réponse d’affichage peu adaptée au terrain. C’est la raison pour laquelle la commission a généralisé dans la loi le port d’arme apparent par les inspecteurs de l’environnement.

La rapporteure pour avis a toutefois émis un avis défavorable à l’adoption de ce dispositif, considérant, d’une part, que le port discret permet d’adapter la posture des agents à la diversité des contextes d’intervention, dans un souci d’apaisement et de proportionnalité et, d’autre part, que cette disposition empiète sur le pouvoir exécutif en matière d’organisation des forces publiques et de sécurité, alors que les modalités concrètes d’équipement et d’armement relèvent normalement du domaine réglementaire.

La commission des affaires économiques a adopté cet amendement.

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Article 6 quater (nouveau)
Rapport annuel sur l’usage des caméras individuelles par les agents
de la police de l’environnement

Introduit par la commission

 

La commission des affaires économiques a sollicité l’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur les articles 5 et 6 de la proposition de loi et les amendements liés à ceux-ci (délégation au fond). Elle a, pour ce motif, suivi la position prise par la commission commission du développement durable et de l’aménagement du territoire concernant ce nouvel article.

L’article 6 quater, créé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, impose la publication annuelle d’un rapport transmis au Parlement sur l’usage des caméras individuelles par les agents de la police de l’environnement, afin d’évaluer leur utilité, leur usage effectif et les garanties apportées en matière de protection des données.

La commission des affaires économiques a adopté cet article.

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a adopté, malgré l’avis défavorable de la rapporteure, un amendement CD139 portant article additionnel de Mme Marie Pochon (EcoS) imposant de transmettre au Parlement, chaque année, un rapport public sur l’usage des caméras individuelles par les agents de la police de l’environnement. Ce rapport devra détailler le nombre d’interventions ayant donné lieu à un enregistrement, les situations types justifiant ces enregistrements, les transmissions effectuées à des autorités judiciaires ou disciplinaires, ainsi que les mesures mises en œuvre pour garantir la protection des données personnelles.

L’objectif de cette disposition est d’instaurer un cadre de transparence et d’évaluation autour du dispositif de caméra individuelle, introduit par la présente proposition de loi, pour contribuer à l’apaisement des relations entre les agents de l’environnement et certains usagers, notamment dans les milieux agricoles ou ruraux. En effet, si les caméras individuelles sont censées avoir un effet préventif face aux comportements agressifs ou conflictuels, les auteurs de l’amendement estiment que leur efficacité, leur utilité concrète et leurs limites pratiques (autonomie, activation, stockage des données, etc.) restent à objectiver.

La production régulière d’un bilan chiffré et qualitatif viserait ainsi à garantir une information fiable du législateur, à prévenir d’éventuels abus ou dysfonctionnements et à s’assurer du respect des libertés individuelles. Elle s’inscrit dans une logique de responsabilité et de redevabilité des pouvoirs publics dans la mise en œuvre de nouveaux outils de contrôle. La rapporteure pour avis a estimé toutefois que cette mesure était redondante avec la création « d’un outil public de suivi des contrôles » à l’article 6 de la présente proposition de loi.

La commission des affaires économiques a adopté cet amendement.

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Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article étend le champ de l’article L. 258-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) aux macro-organismes non indigènes utilisés dans le cadre de la lutte autocide, afin de donner une base légale à la technique de l’insecte stérile (TIS).

  1.   L’état du droit : un vide juridique autour de la technique de l’insecte stérile

L’alinéa 1er de l’article L. 258-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) encadre l’entrée sur le territoire et l’introduction dans l’environnement de macro‑organismes non indigènes utiles aux végétaux dans le cadre de la lutte biologique, en prévoyant que cette introduction soit soumise à autorisation préalable délivrée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement.

La lutte biologique désigne l’utilisation de macro-organismes essentiellement invertébrés (acariens, insectes et nématodes) pour lutter contre les organismes nuisibles. Elle couvre différentes méthodes :

– La lutte augmentative : régulation rapide des bioagresseurs par introduction massive et provisoire de parasitoïdes ou de prédateurs des ravageurs des cultures ;

– La lutte par conservation : développement d’auxiliaires de culture déjà présents sur le territoire, via notamment des pratiques agroécologiques ;

– La lutte par acclimatation : introduction durable d’auxiliaires de culture dans l’objectif de permettre une gestion à long terme du bioagresseur ;

– La lutte autocide (principalement la technique de l’insecte stérile) : introduction en masse de mâles stérilisés de la même espèce que le nuisible, pour freiner sa reproduction.

L’autorisation préalable prévue par l’article L. 258-1 du code rural et de la pêche maritime permet d’éviter un risque d’invasions biologiques d’organismes non indigènes, telle que celle connue avec la coccinelle asiatique. Elle permet aussi, en principe, de soumettre à autorisation préalable l’introduction d’insectes issus d’une espèce présente sur le territoire mais stérilisés dans le cadre de la lutte autocide. Ces insectes, en effet, ne sont plus considérés comme « indigènes » au sens strict dès lors qu’ils ont été modifiés et ne sont donc pas présents à l’état naturel sur le territoire. Ainsi, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) a expliqué dans sa réponse écrite avoir déjà eu l’occasion ([76]) d’évaluer une demande portant sur l’introduction dans l’environnement d’insectes stériles.

Toutefois, certains acteurs ignorent que les insectes en question ne sont pas considérés comme « indigènes » et ne peuvent donc être introduits dans l’environnement sans autorisation préalable. Il existe donc un risque que de tels macro-organismes soient introduits dans l’environnement sans autorisation en raison d’une mauvaise compréhension du droit actuel.

  1.   le dispositif proposé : une mention ambiguë de la lutte autocide dans la disposition légale relative à la lutte biologique

L’article 7 de la proposition de loi, introduit en première lecture au Sénat (amendements n° 102 et n° 24 du Gouvernement et de M. Louault), vise à soumettre expressément l’introduction dans l’environnement d’insectes stérilisés à la procédure d’autorisation prévue par l’article L. 258-1 du code rural et de la pêche maritime.

L’alinéa 2 de l’article 7 de la proposition de loi modifie le titre du chapitre VIII dont dépend cet article du code, pour y faire une référence explicite à la lutte autocide.

L’alinéa 5 complète la formule actuelle de l’article L. 258-1 du code rural et de la pêche maritime (« l’introduction dans l’environnement d’un macro-organisme non indigène utile aux végétaux ») par les mots : « ou d’un macro-organisme utilisé dans le cadre de la lutte autocide », afin d’en exclure toute interprétation incorrecte.

Les alinéas suivants de l’article 7 remplacent, à l’article L. 258-1 du même code, les occurrences du mot « organisme » par le mot « macro-organisme ». Cette modification est purement formelle, puisque l’article L. 258-1 du même code ne concerne de toute façon pas les micro-organismes, qui sont considérés comme des substances phytopharmaceutiques soumises à une réglementation propre.

Le rapporteur estime qu’il est nécessaire de clarifier le statut des macro‑organismes stérilisés pour sécuriser le recours à cette technique prometteuse, notamment pour lutter contre les mouches des fruits dans la filière arboricole. L’article 7 de la proposition de loi est donc bienvenu, d’autant qu’il garantit une évaluation préalable – par l’Anses – des risques pour l’environnement et la biodiversité.

La rédaction de l’article 7 de la proposition de loi appelle néanmoins plusieurs remarques. Premièrement, la disposition manque de clarté : en introduisant une base légale pour la lutte autocide en complément de la base existante pour la lutte biologique, elle semble opposer la lutte autocide et la lutte biologique, alors que la lutte autocide est une forme de lutte biologique. La disposition ne clarifie pas non plus le fait que les macro-organismes issus de la technique de l’insecte stérile ne sont pas indigènes, au contraire, puisqu’elle semble introduire une base légale nouvelle alors qu’il s’agit de préciser l’étendue d’une base légale existante.

Le rapporteur proposera donc différentes précisions rédactionnelles pour clarifier le cadre légal à droit constant.

Enfin, la notion de « lutte autocide » est ambiguë et pourrait se référer non seulement à la technique de l’insecte stérile visée en premier lieu, mais aussi à la technique du « forçage génétique ». Dans le cadre de celle-ci, la modification est génétique et le gène modifié se transmet de génération en génération, ce qui peut conduire à une extinction rapide et non maîtrisée de l’espèce.

Le rapporteur proposera que la technique du forçage génétique, contrairement aux autres techniques de lutte autocide, soit toujours interdite sans pouvoir faire l’objet d’une autorisation.

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté l’article 7 avec plusieurs modifications issues d’amendements du rapporteur ou d’amendements soutenus par le rapporteur :

– L’amendement CE802 du rapporteur clarifie le titre du chapitre dans lequel s’insère l’article L. 258-1 du code rural et de la pêche maritime ;

– L’amendement CE773 du rapporteur réécrit la première phrase du premier alinéa de l’article L. 258-1 du même code pour clarifier le fait que les insectes utilisés dans le cadre de la lutte autocide sont considérés comme non indigènes et que leur introduction dans l’environnement (désormais dissociée de « l’entrée sur le territoire » qui ne concerne pas ces macro-organismes) est soumise au régime d’autorisation préalable ;

– L’amendement CE41 de M. Benoît Biteau associe le ministre de la santé, en plus des ministres chargés de la culture et de l’environnement, à la décision relative à l’entrée sur le territoire ou à l’introduction dans l’environnement d’un macro-organisme non indigène utile aux végétaux ;

– L’amendement CE769 de Mme Mélanie Thomin associe l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) à l’évaluation du risque phytosanitaire et environnemental aujourd’hui réalisée seulement par l’Anses ;

– L’amendement CE42 de M. Benoît Biteau précise que la dérogation prévue au deuxième alinéa de l’article L. 258-1 du code rural et de la pêche maritime (possibilité d’autoriser l’entrée sur le territoire de macro-organismes non indigènes sans évaluation préalable des risques s’ils sont maintenus en milieu confiné) n’est possible que pour des opérations réalisées à des fins scientifiques ;

– L’amendement CE775 du rapporteur interdit, en tout état de cause, l’introduction dans l’environnement sur le fondement de l’article L. 258-1 du même code de macro-organismes issus de la technique du « forçage génétique ».

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Introduit par la commission

 

Cet article  facilite l’accès des apiculteurs professionnels aux forêts domaniales en obligeant l’Office national des forêts, qui traite des demandes d’installation de ruche, à tenir compte de « l’intérêt légitime » de l’apiculteur.

L’article 7 bis, créé par l’amendement CE798 du rapporteur, introduit dans le code forestier une obligation pour l’Office national des forêts (ONF) de « tenir compte », en cas de demande d’installation d’une ruche dans une forêt domaniale, de « l’intérêt légitime » de l’apiculteur.

Cet amendement a pour but d’éviter que les apiculteurs professionnels ne puissent exercer leur activité en forêt domaniale à cause de refus parfois trop systématiques et insuffisamment motivés de l’ONF. Il consacre un principe de conciliation entre les intérêts « légitimes » de l’apiculteur et les autres intérêts, notamment environnementaux, que l’ONF a pour mission de défendre. L’ONF pourra toujours refuser la demande s’il estime qu’une installation de ruchers porterait une atteinte disproportionnée et non légitime à la préservation de la biodiversité.

L’amendement prévoit en outre une concertation obligatoire entre l’ONF et les représentants de la filière apicole. Les modalités de cette concertation seront déterminées par arrêté du ministre chargé des forêts.

 

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Adopté par la commission avec modifications

 

Cet article habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter le régime de prévention et de sanction des atteintes à la protection des végétaux prévu par le code rural et de la pêche maritime (CRPM).

  1.   L’état du droit : un régime de prévention et de sanction peu adapté

Le régime de prévention et de répression des atteintes à la protection des végétaux défini par les titres V et VII du livre II du code rural et de la pêche maritime (CRPM) a pour but de prévenir la dissémination des organismes de quarantaine.

Les organismes de quarantaine (par exemple la flavescence dorée) sont des organismes nuisibles dont la présence sur le territoire n’est pas encore significative. Pour éviter leur prolifération, la législation impose des mesures de lutte collectives, comme l’obligation d’arracher et de détruire les végétaux infestés dès qu’un foyer est connu.

Le cadre légal et réglementaire actuel prévoit huit délits ([77]) et dix-neuf contraventions ([78]) pour sanctionner les manquements aux obligations relatives à la lutte contre les organismes de quarantaine.

La nature délictuelle de certaines incriminations peut sembler disproportionnée et contre-productive. Ainsi, le délit prévu au 1 du II de l’article L. 251-20 du CRPM de non-respect des mesures de surveillance et de lutte obligatoires contre les organismes de quarantaine est puni d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

D’un point de vue opérationnel, la procédure pénale est lourde à instruire, car elle nécessite de démontrer l’intentionnalité de l’infraction. En pratique, de nombreuses affaires sont classées sans suite ou aboutissent dans des délais incompatibles avec la nécessité de réagir rapidement pour lutter contre la dissémination des organismes de quarantaine.

Le régime répressif actuel n’est donc pas efficace. Ce n’est pas non plus le cas des mesures de police administrative.

Au titre des mesures de police administrative, les agents en charge de la protection des végétaux peuvent ordonner des mesures pour faire cesser un risque, par exemple la destruction des végétaux infestés. La procédure d’exécution d’office permet aux services de l’État d’exécuter directement, à la place du propriétaire défaillant, les mesures de lutte contre les organismes de quarantaine. Mais cette procédure est complexe, faisant intervenir plusieurs échelons, dont le préfet de département, alors que la santé des végétaux ressort en principe de la compétence du préfet de région. De ce fait, la procédure d’exécution d’office nécessite, comme les procédures pénales, plusieurs mois, voire plusieurs années ; elle est en pratique peu mise en œuvre.

  1.   le dispositif proposé : une habilitation à préciser
    1.   Une habilitation à adapter par voie d’ordonnance le régime des sanctions pénales et des mesures de police administrative

L’article 8 de la proposition de loi, introduit en première lecture au Sénat par l’amendement n° 103 du Gouvernement, habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, pour adapter le régime de sanctions et les mesures de police administrative prévus en cas de violation des obligations relatives à la lutte contre les organismes de quarantaine.

Le I de l’article 8 décrit le périmètre des mesures qui pourront être prises sur le fondement de cet article. Ces mesures sont de trois types :

– la modification ou la suppression des sanctions pénales (1° du I de l’article 8) ;

– l’adaptation du contenu et des modalités d’exécution des mesures de police administrative (2° du I de l’article 8) ;

– la modification ou l’abrogation des dispositions devenues obsolètes (3° du I de l’article 8).

Le II de l’article 8 précise le délai de dépôt du projet de loi de ratification (trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance).

  1.   Un article d’habilitation imprécis et partiellement redondant avec les dispositions de la proposition de loi « ott »

Le rapporteur considère que cet article d’habilitation poursuit un objectif louable, mais que ses dispositions ne sont pas suffisamment précises pour donner au législateur une idée adéquate des mesures qui seront prises par voie d’ordonnance sur son fondement.

En particulier, le 1° du I permet aussi bien au Gouvernement de « créer de nouvelles sanctions pénales » que de « réexaminer leur nécessité », c’est-à-dire de les supprimer ou de les remplacer par des sanctions administratives. L’adaptation du régime de sanctions pénales doit se faire, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 8, « en tenant compte de ce que le manquement a été commis à l’occasion de l’exécution d’obligations légales ou réglementaires relatives à la protection des végétaux », ce qui pourrait sous-entendre paradoxalement que les infractions résulteraient de l’exécution des obligations ou que les obligations relatives à la protection des végétaux seraient intrinsèquement de moindre importance.

Dans sa réponse écrite, le Gouvernement indique que les délits pourraient être remplacés tantôt par des sanctions administratives, tantôt par des contraventions. Un régime contraventionnel se substituerait ainsi au régime délictuel pour sanctionner la non-réalisation des mesures de surveillance et de lutte contre les organismes de quarantaine. Le Gouvernement indique toutefois que les infractions les plus graves – par exemple l’introduction volontaire d’un organisme de quarantaine sur le territoire – auraient vocation à rester de niveau délictuel.

Le rapporteur regrette que ces précisions, essentielles pour définir le sens même de l’habilitation et poser des garde-fous, ne figurent pas directement dans le texte de l’article 8. En outre, l’habilitation pourrait partiellement entrer en conflit avec la proposition de loi n° 822 visant à instaurer un dispositif de sanction contraventionnelle pour prévenir le développement des vignes non cultivées qui représentent une menace sanitaire pour l’ensemble du vignoble français (proposition de loi « Ott »), déposée le 21 janvier 2025 à l’Assemblée nationale et examinée au Sénat le 5 juin 2025, qui prévoit précisément des adaptations du droit similaire à celles envisagées via ordonnance.

Aussi, la proposition de loi précitée semble être un cadre plus adéquat pour adapter l’échelle des sanctions pénales que l’habilitation à légiférer par ordonnance, en l’état trop imprécise, de la présente proposition de loi.

Le rapporteur considère néanmoins que l’habilitation conserve sa pertinence pour améliorer l’efficacité des mesures de police administrative existantes (2° du I de l’article 8). La procédure d’exécution d’office doit être simplifiée pour permettre sa mise en œuvre en temps utile, de même que la procédure d’état des lieux contradictoires, qui doit actuellement faire intervenir le maire.

Une simplification par ordonnance des mesures de police administrative serait donc utile en complément des adaptations du régime de sanctions pénales prévues par la proposition de loi « Ott », sous réserve de l’évolution de ce texte au cours des débats parlementaires qui auront lieu au Sénat au mois de juin.

  1.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté l’article 8 modifié par deux amendements du rapporteur :

– L’amendement CE776 supprime l’alinéa 2 de l’article 8, c’est-à-dire tout le volet de l’habilitation relatif aux sanctions pénales ;

– L’amendement CE777 réécrit la partie de l’habilitation relative aux mesures de police administrative en précisant que l’habilitation ne pourra que « compléter » les mesures de police administrative ou « simplifier » leurs modalités d’exécution, ce qui exclut un affaiblissement de ces mesures ; l’habilitation pourra également « faciliter l’identification des propriétaires ou détenteurs de végétaux » qui en font l’objet.

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Introduit par la commission

 

Cet article renforce la peine d’amende associée au délit de versement dans les cours d’eau de substances nuisibles aux poissons.

L’article 9 a été créé par l’amendement CE679 de Mme Julie Ozenne, adopté par la commission avec l’avis favorable du rapporteur.

Cet article double le montant de l’amende, la portant à 36 000 euros, dont est puni le délit de déversement dans les cours d’eau de substances nuisibles aux poissons (article L. 432-2 du code de l’environnement).

L’article ne modifie pas la peine d’emprisonnement associée (deux ans d’emprisonnement).

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examen en commission

Au cours de ses réunions du mardi 13 mai 2025 à 16 heures 15 et 21 heures 30, du mercredi 14 mai 2025 à 9 heures 30, 16 heures 30 et 21 heures 30, et du vendredi 16 mai 2025 à 9 heures 30, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (M. Julien Dive, rapporteur).

1.   Réunion du mardi 13 mai 2025 à 16 heures 15 : discussion générale et examen des articles

Mme la présidente Aurélie Trouvé. La proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur résulte de l’initiative des sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville. À l’issue de son examen par le Sénat, elle comporte huit articles. Notre commission en a délégué au fond les articles 5 et 6 et les amendements connexes à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire : nous n’en débattrons donc pas et nous contenterons d’entériner les amendements qu’elle a adoptés. En revanche, notre commission examinera l’ensemble des 506 amendements aux autres articles.

Je précise que trente amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, en raison de leur incidence financière, après consultation du président de la commission des finances. Par ailleurs, trois amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 20 de la Constitution – injonctions au Gouvernement – et cinquante amendements l’ont été au titre de son article 45, pour absence de lien avec les dispositions dont nous sommes saisis – des cavaliers législatifs. J’ai ainsi été conduite à écarter notamment des amendements portant sur l’interdiction des nouvelles techniques génomiques (NTG), la commercialisation des produits alimentaires ne respectant pas les normes de production nationales, les filières à responsabilité élargie du producteur, le maintien des surfaces cultivées en agriculture biologique, ou encore l’assouplissement des règles de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN).

Ce texte aborde des questions sensibles pour nos producteurs agricoles et sur le plan environnemental, notamment dans les articles 1er à 3, dont nous sommes saisis au fond : l’assouplissement du dispositif de séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques ; la mise sur le marché et l’utilisation de ces produits ; la procédure d’autorisation environnementale et le relèvement des seuils applicables aux installations d’élevage.

La commission du développement durable a adopté des amendements sur les articles dont nous sommes saisis au fond, notamment la suppression des articles 2 et 3. Elle a également, dans le cadre de son avis simple, adopté des amendements de suppression des articles 7 et 8, relatifs à l’introduction dans l’environnement de macro-organismes utilisés à des fins de lutte autocide et à la possibilité d’adapter par ordonnances le régime de prévention et de sanction des atteintes à la protection des végétaux.

M. Julien Dive, rapporteur. Bien que d’ampleur modeste, cette proposition de loi contient une série de mesures très attendues par le monde agricole, complémentaires à celles figurant dans la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture – dite LOA – votée en mars dernier. Si elle comporte également des sujets qui prêtent au débat, nous pouvons nous retrouver sur certains points, notamment ceux qui ont fait l’objet de travaux parlementaires, à l’instar du groupe de travail sur le bilan de la séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytopharmaceutiques, en 2023, dont les corapporteurs étaient Dominique Potier et Stéphane Travert.

Je ne reviendrai pas sur la situation compliquée – pour ne pas dire dégradée – de l’agriculture française et de la souveraineté alimentaire. À l’Assemblée comme en circonscription, nous passons beaucoup de temps à travailler sur les sujets agricoles et à échanger avec les agriculteurs, qui attendent de nous des réponses concrètes. Tel est l’objet de ce texte, initié par les sénateurs Duplomb et Menonville : son rapporteur, le sénateur Pierre Cuypers, a mené un travail de fond pour l’améliorer. Le Sénat l’a d’ailleurs largement modifié, en commission puis en séance, tout comme la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, saisie au fond sur les articles 5 et 6.

J’en viens aux articles 1er, 2, 3, 4, 7 et 8, pour lesquels notre commission est compétente au fond et la commission du développement durable a émis un avis. L’article 1er supprime la séparation des activités de vente et de conseil pour les distributeurs, comme les coopératives, qui constituent des interlocuteurs privilégiés pour conseiller les agriculteurs, et la maintient pour les fabricants de produits phytosanitaires, afin de limiter les risques de conflits d’intérêts. Il prévoit par ailleurs de recentrer sur les distributeurs le dispositif des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), rend le conseil stratégique facultatif, ce qui facilitera le renouvellement des certificats individuels pour les produits phytopharmaceutiques – les certiphytos – et instaure un conseil stratégique global, qui doit inciter les agriculteurs à mener une réflexion d’ensemble pour renforcer la viabilité économique, environnementale et sociale de leur exploitation. L’interdiction des 3R – rabais, remises, ristournes – sur la vente des produits phytopharmaceutiques, figurant dans la loi Egalim du 30 octobre 2018 et supprimée dans la première version du texte, a finalement été conservée par le Sénat.

Quant à tous ceux qui appellent à mettre la science au centre de nos prises de décision concernant l’autorisation de produits phytosanitaires, je leur dis, sans aucune provocation, qu’il leur faudra en toute cohérence voter l’article 2 avec les aménagements que je proposerai. Le débat, qui a commencé dans les médias et s’est poursuivi en commission du développement durable, n’est pas rationnel. Le texte n’entend pas mettre l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sous tutelle des ministres : elle est déjà, par définition, un établissement public sous tutelle. Je suis néanmoins convaincu de la nécessité de procéder à des ajustements, pour ne pas perturber le travail de cet établissement public. Nous avons entendu son directeur général à plusieurs reprises et j’échange régulièrement avec lui.

L’article 2 recense également les usages prioritaires et utiles à tous les acteurs qui travaillent sur les sujets phytosanitaires, que ce soit pour la recherche, l’innovation, la négociation des règles communes au niveau européen ou encore la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM). Il ne faut toutefois pas contraindre l’Anses dans l’organisation de ses travaux – ce qui ne signifie pas pour autant qu’elle ne doit pas dialoguer avec l’ensemble des parties prenantes.

En ce qui concerne l’acétamipride, je forme le vœu que l’on discute du texte dont nous sommes saisis et non des supposées intentions des auteurs de la proposition de loi initiale. Quel est l’effet de l’article 2 sur la question des néonicotinoïdes ? Cela revient à replacer l’Anses et l’évaluation scientifique au centre de la prise de décision. Un décret pourra, à titre exceptionnel et dans des conditions strictes, déroger au principe de l’interdiction d’utiliser des produits contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances. Cette dérogation ne vaudra pas autorisation d’utiliser partout des produits contenant de l’acétamipride. Le texte le prévoit clairement, il faudra que le produit contenant cette substance fasse l’objet d’une AMM : l’Anses, écartée par le législateur en 2016, retrouve son rôle.

La dérogation à l’interdiction d’utiliser des produits contenant des néonicotinoïdes ne pourra concerner que des substances approuvées au sein de l’Union européenne, c’est-à-dire l’acétamipride. La décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de 2003 interdit aux États membres de délivrer des AMM dérogatoires pour des produits contenant des substances interdites au niveau européen, ce qui exclue l’imidaclopride, le thiaméthoxame, la clothianidine et le thiaclopride. Le texte va même plus loin, en limitant la possibilité de dérogation aux substances approuvées, c’est-à-dire utilisées dans l’Union. Il est donc strictement proportionné à l’objectif recherché : apporter une solution ponctuelle, pour un usage précis, à une filière qui, ne disposant pas d’autre solution, est pénalisée par rapport à ses voisines européennes.

La deuxième condition est qu’il ne doit pas exister d’alternatives suffisantes à l’utilisation de produits contenant de l’acétamipride pour l’usage concerné. Enfin, la dérogation implique qu’un plan de recherche d’alternatives soit mis en œuvre. Je proposerai d’apporter la précision suivante : si une alternative apparaît alors que le décret de dérogation a été pris, il devra immédiatement être abrogé. Je souhaite également que la durée d’application du décret soit limitée dans le temps.

Il est donc faux d’affirmer que l’article 2 met fin à l’interdiction des néonicotinoïdes de manière immédiate. L’interdiction reste le principe, avec une possibilité de dérogation dans un cadre très restrictif afin de permettre à l’Anses d’évaluer la possibilité de délivrer une AMM pour les produits concernés et un usage précis.

Remettre la science au centre de la prise de décision, c’est aussi mettre fin à des situations absurdes et dangereuses pour l’environnement et pour la santé. Je pense à l’utilisation des pyréthrinoïdes comme alternative aux néonicotinoïdes. À cet égard, l’intervention intempestive du législateur conduit à des effets de report non anticipés et délétères dans leurs conséquences – j’y reviendrai. Le cadre européen est protecteur. Si vous estimez qu’il ne l’est pas assez, agissons au bon niveau pour le faire évoluer, afin que nos filières ne soient pas pénalisées vis-à-vis de leurs concurrentes européennes.

L’article 3 a lui aussi été très largement modifié par le Sénat. Il assouplit les modalités de consultation du public dans le cadre de la procédure d’autorisation environnementale, telle qu’elle résulte de la loi relative à l’industrie verte, notamment pour les installations d’élevage. Il prévoit que la consultation du public puisse être aménagée par le commissaire enquêteur, en lien avec les autorités, pour les projets à moindre enjeu : les réunions publiques pourront être remplacées par des permanences en mairie. Cet article prévoit également de relever le seuil applicable aux installations d’élevage, en lien avec la directive IED, relative aux émissions industrielles, révisée en 2024 pour une entrée en vigueur au plus tard le 1er septembre 2026.

L’article 4, de nature programmatique, vise à mettre en place un plan pluriannuel de renforcement de l’offre d’assurance récolte, destiné aux prairies. L’enjeu est d’installer la confiance entre les éleveurs et l’outil d’assurance indicielle ; je défendrai un amendement sur ce point.

L’article 7 a pour objet de modifier le code rural et de la pêche maritime quant à l’introduction dans l’environnement d’insectes stériles à des fins de lutte autocide, après évaluation de l’Anses. Le cadre légal du recours à cette technique prometteuse – une alternative aux produits phytosanitaires – doit être clarifié. Incomprise, cette disposition a été supprimée pour avis par la commission du développement durable, sans que cela n’affecte le cadre légal existant. Je proposerai donc un amendement visant à préciser ce point.

Enfin, l’article 8 est une habilitation à légiférer par ordonnance, pour adapter les sanctions pénales et les mesures de police administrative applicables en matière de lutte contre les organismes de quarantaine, comme la flavescence dorée. L’habilitation étant trop large et insuffisamment précise, notamment eu égard aux sanctions pénales, je proposerai de préciser son champ et de le restreindre aux mesures de police administrative.

Je conclurai en formant le vœu que nous puissions avoir des échanges apaisés, argumentés et constructifs, malgré nos divergences.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Hélène Laporte (RN). Depuis de longs mois, les agriculteurs français attendent ce texte, qui leur est promis depuis l’automne dernier et dont notre commission est enfin saisie. Nous désespérions de le voir examiné. Ces multiples reports constituent une trahison pour nos agriculteurs, qui ne pourront bénéficier des mesures attendues pour la campagne 2025.

La disposition centrale de cette proposition de loi tant attendue par l’ensemble du monde agricole était l’abrogation de l’interdiction générale des néonicotinoïdes, décidée par la loi de 2016 dite de reconquête de la biodiversité. En raison de cette mesure idéologique voulue par le pouvoir socialiste alors en place, les producteurs français ont été privés du recours à l’acétamipride, à la flupyradifurone et au sulfoxaflor, des substances qui ne connaissent aucun équivalent et demeurent autorisées partout ailleurs dans l’Union européenne et dans le monde.

Or, rien ne justifie que des substances autorisées dans la réglementation européenne, qu’aucun autre État n’interdit et dont l’impact environnemental ne souffre aucune comparaison avec celui des quatre néonicotinoïdes interdits – l’acétamipride est 3 600 fois moins toxique pour les abeilles que la clothianidine –, soient écartés du marché français sans aucun égard pour les besoins de nos filières, en l’absence de toute alternative crédible.

L’an dernier, en raison de l’interdiction de l’acétamipride, 8 500 tonnes de la filière noisette ont été détruites ou rendues impropres à la consommation, soit 65 % des récoltes, avec pour conséquence des dizaines de milliers d’euros de pertes et une pérennité mise à mal. La filière de la betterave est laissée sans solution depuis l’arrêt de la CJUE de 2023 sur les semences enrobées. Les filières de la pomme, de la cerise et de la fraise sont également concernées. Toutes réclament une réglementation phytosanitaire en adéquation avec la réalité.

Lors de son entrée en fonction, le Premier ministre affirmait : « Pour notre agriculture, le principal enjeu, aujourd’hui, est celui de l’égalité des armes ». La ministre de l’agriculture, qui a fait de ce sujet un axe majeur de sa communication politique, déclarait, en novembre, que « ce qui est autorisé en Europe devrait l’être également en France ». Nos agriculteurs étaient donc en droit de s’attendre à un soutien ferme du Gouvernement et du socle commun. Au lieu de cela, ils ont subi l’abandon d’une Droite républicaine à l’assiduité hasardeuse et sans cohésion, la trahison du camp présidentiel et l’hostilité de l’ensemble de la gauche. Lors de l’examen de la proposition de loi, le Sénat a substitué à la réautorisation une complexe procédure de dérogation limitée à une filière déterminée et soumise à des conditions restrictives. Dernier clou dans le cercueil : à la suite du vote de la commission du développement durable, c’est maintenant l’abrogation pure et simple de cette disposition qui nous est proposée. D’égalité des armes, il n’est plus question.

Alors que ce texte est menacé d’être vidé de toute substance, il apparaît plus clairement que jamais que seul le Rassemblement national s’oppose réellement à un effondrement de l’agriculture française auquel l’ensemble des groupes politiques semblent s’être résignés. Seuls les députés RN ont réclamé l’examen en urgence de la proposition de loi ; ils se sont seuls opposés clairement, la semaine dernière, à la suppression de cinq articles en commission pour avis ; enfin, ils ont toujours été les seuls à défendre les agriculteurs sans dévier et sans aucun compromis.

Nous voterons en faveur du rétablissement de la proposition de loi dans toute la force de sa version originelle.

M. Julien Dive, rapporteur. Il y a un an, nous débattions du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, que votre groupe a rejeté en bloc dans l’hémicycle avant de se dédire quelques mois après et de l’adopter à l’issue de la commission mixte paritaire. La position du groupe Les Républicains, en revanche, n’a pas varié.

Réautoriser, comme vous l’avez demandé, les néonicotinoïdes de manière globale reviendrait à permettre l’utilisation du seul acétamipride puisque quatre des cinq produits contenant des substances de la famille des néonicotinoïdes sont interdits dans l’Union européenne. Surtout, une telle disposition serait inconstitutionnelle et, à ce titre, censurée par le Conseil constitutionnel. En adoptant une telle mesure, on ferait rêver les agriculteurs pour rien.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Tout le monde parle de soutenir notre agriculture mais la question est de savoir quels moyens employer pour ce faire. Pour nous, il convient de garantir la résilience de notre modèle agricole, d’aider nos agriculteurs à faire face aux aléas climatiques, qui ont un impact de plus en plus marqué, et de répondre à des exigences sociétales parfois contradictoires. Cette proposition de loi, d’initiative sénatoriale, complète les mesures prises par le gouvernement de Gabriel Attal début 2024 et celles de la loi d’orientation agricole que nous avons définitivement adoptée au début de l’année.

Le groupe Ensemble pour la République est favorable à l’adoption de mesures concrètes de simplification et d’allègement normatif, qui sont de nature à faciliter la pratique du métier d’agriculteur. Nous serons donc favorables à la plupart des dispositions de ce texte. Nous soutenons notamment les dispositions de l’article 1er visant à assouplir la séparation de la vente et du conseil concernant les produits phytopharmaceutiques – il s’agit là d’une recommandation de la mission menée en 2021 par Stéphane Travert. Notre groupe soutiendra les amendements qui visent cet objectif et espère qu’ils recevront un avis favorable du rapporteur.

On peut s’interroger sur les objectifs de l’article 2. Il est surprenant que le rôle et le positionnement de l’Anses soient à ce point mis en question, dans la mesure où l’appui de cette autorité scientifique indépendante est indispensable. Ne pouvant accepter que la science soit, d’une certaine manière, placée sous la tutelle du politique, nous avons déposé un amendement visant à supprimer la partie du texte relative à l’Anses et aux priorités d’usage. En revanche, nous proposons de renforcer le rôle du comité des solutions, lancé il y a un an par les ministres Marc Fesneau et Agnès Pannier-Runacher, en lui donnant corps juridiquement dans cet article.

Nous sommes aussi, pour une majorité d’entre nous, favorables à la réautorisation de l’acétamipride dans le cadre dérogatoire de droit commun défini par le Sénat. Nous soutiendrons la limitation dans le temps de cette dérogation, telle que vous la proposez, monsieur le rapporteur. Nos propositions sont cohérentes avec le principe « pas d’interdiction sans solution » adopté dans la LOA. En réautorisant ce produit, nous mettrions fin à une surtransposition qui empêche nos agriculteurs de disposer des mêmes conditions de traitement que leurs homologues européens. En effet, les études scientifiques de l’Efsa (ou AESA, Autorité européenne de sécurité des aliments) ont conduit à renouveler l’autorisation d’usage de cette molécule à l’échelle européenne jusqu’en 2033.

Nous sommes également favorables aux mesures d’assouplissement des procédures relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) prévues à l’article 3, tel qu’il a été adopté au Sénat.

Nous regrettons que la commission du développement durable ait supprimé l’article 5, relatif à la gestion de la ressource en eau, qui est un enjeu fondamental pour notre agriculture. Nous proposerons, en vue du débat en séance publique, des amendements de réécriture visant à concilier la préservation du potentiel agricole et celle de la ressource en eau, ainsi qu’à assurer son juste partage.

Cette proposition de loi contient des mesures nécessaires pour améliorer les pratiques de nos agriculteurs. Elle mérite un débat constructif, apaisé, fondé sur la raison scientifique et non l’émotion. Il nous appartient de faire de ce texte un outil utile à notre agriculture et à nos agriculteurs.

M. Julien Dive, rapporteur. Dominique Potier et Stéphane Travert ont enrichi le travail mené en matière de séparation de la vente et du conseil (SVC). La commission d’enquête sur la maîtrise des impacts des produits phytosanitaires avait établi en 2023 que la réforme engagée en la matière avait échoué. Je donnerai un avis favorable sur un certain nombre d’amendements qui visent à aménager le texte et à préserver l’équilibre issu du Sénat.

Je partage pleinement votre volonté de garantir l’autonomie et l’indépendance de l’Anses. La science doit rester la plus libre possible. À cet égard, je suis convaincu de la pertinence du recours à un outil tel que le comité des solutions, pour peu qu’on lui donne une feuille de route et un objectif ; je défendrai un amendement visant à lui conférer une existence légale.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). J’aborde l’examen de ce texte en ayant une pensée pour Christian, qui nous a quittés le 10 avril dernier. Je voudrais rendre hommage au combat de cet agriculteur et fils d’agriculteur, emporté par la leucémie, qui est l’une des maladies reconnues comme étant liée aux pesticides. Il y a deux ans, il était venu témoigner à l’Assemblée. Christian se demandait comment il était possible de continuer à faciliter l’utilisation des pesticides alors que le collectif de soutien aux victimes de ces produits, dont il faisait partie, comprenait 120 personnes reconnues comme étant atteintes d’une maladie professionnelle. Il disait souvent que les pesticides avaient bousillé sa vie.

Nous refusons d’être complices d’un système qui bousille la vie des agriculteurs. Non, la productivité ne repose pas sur l’agrandissement des fermes et la libre utilisation des produits phytosanitaires. Oui, les agriculteurs sont usés par des crises successives, mais ce texte est loin de répondre à leurs maux. Détricoter les normes environnementales ne répondra ni à l’insuffisance de la rémunération des agriculteurs, ni à la multiplication des maladies qui touchent les cultures et les élevages, ni au besoin de renouvellement des générations. En revanche, on continuera de rendre malades les gens et les terres. Lorsque les terres ne seront plus fertiles, comment les agriculteurs travailleront-ils ? Lorsqu’ils seront touchés par la maladie après avoir été contraints d’utiliser des pesticides pour répondre aux exigences de rentabilité, que leur direz-vous ?

C’est surtout la qualité des sols, la rusticité, la diversité des semences, la polyculture-élevage, la préservation des zones humides qui aideront l’agriculture à résister au changement climatique. L’agronomie contribue à l’amélioration de la production alimentaire. Toutefois, en ce domaine comme dans d’autres, les affirmations des scientifiques sont systématiquement remises en question lorsqu’elles ne vont pas dans le sens attendu par les multinationales. Relever le seuil des ICPE, revenir sur la réglementation des produits phytosanitaires sont autant de mesures de court terme qui finiront pas détruire l’outil de travail et la santé des agriculteurs.

Ce texte passe à côté de la question centrale. De nombreuses personnes souhaitent s’installer en agriculture mais se heurtent à des difficultés telles que l’accaparement des terres par quelques-uns et la mise en avant d’un modèle dans lequel la diversité des cultures, la polyculture-élevage, le bio ou encore l’installation en collectif sont parfois mal vus. Ces pratiques sont pourtant sollicitées par les personnes non issues du milieu agricole, qui représentent 60 % des candidats à l’installation.

Ce texte témoigne de la volonté d’homogénéiser l’agriculture pour entrer dans le moule voulu par l’agro-industrie. Ceux qui dirigent l’agriculture d’en haut ne veulent surtout pas changer de système. Sous couvert de défendre les agriculteurs et les agricultrices, ceux-là protègent avant tout leurs profits. Les multinationales continuent de faire ce qu’elles veulent, tandis que les pouvoirs publics détournent le regard.

Par ce texte, vous répondez aux injonctions de l’agro-industrie et de l’agrochimie, qui n’ont que faire des agriculteurs comme Christian. Nous porterons la voix de la majorité agricole silencieuse, qui est confrontée avant tout à des contraintes économiques.

M. Julien Dive, rapporteur. Nous pouvons tous nommer, dans nos circonscriptions, des agriculteurs qui ont été emportés par la maladie ou qui ont mis fin à leurs jours. Les agriculteurs sont à bout, du fait d’une concurrence déloyale – dont le législateur est en partie responsable – qui les étouffe et contre laquelle ils ne peuvent plus rien. Personne ne remet en cause la nécessité de réduire les produits phytosanitaires mais il faut aussi permettre à des filières qui se trouvent dans une impasse – pas seulement sur le plan économique – de retrouver un certain équilibre. En tant que législateur, nous avons le choix : soit nous les abandonnons, avec les conséquences que cela implique, soit nous les accompagnons pour leur permettre de rivaliser avec la concurrence.

M. Dominique Potier (SOC). Dans le meilleur des mondes, on aurait eu le courage de bâtir une loi qui lève véritablement les entraves à la régulation du foncier, pour permettre le renouvellement des générations, une loi qui prépare le partage de la valeur, lutte contre les concurrences déloyales et alloue les moyens publics plus justement. Nous devrions parler du plan stratégique national (PSN), qui doit être révisé. Nous devrions évoquer l’atténuation des effets du dérèglement climatique et l’adaptation à ce dernier. La falaise démographique et le mur climatique sont deux questions essentielles pour la productivité et l’avenir de l’agriculture.

Il nous est proposé un récit aux accents de contre-révolution culturelle qui est largement instrumentalisé par son auteur, le sénateur Laurent Duplomb, et qui exacerbe les tensions entre le monde agricole et le reste de la société. Pour le groupe Socialistes, il est impératif de s’inscrire dans une logique de réconciliation si l’on veut que l’agriculture remplisse ses missions. Nous prenons au sérieux les questions soulevées par la proposition de loi, telles que l’entrée de gamme, la maîtrise des produits phytosanitaires ou la politique publique dans le domaine de l’eau, mais nous estimons que les solutions proposées ne sont pas les bonnes, ce qui nous conduira à nous y opposer ou à vous proposer de les amender.

Pour nous, qui sommes les auteurs de la loi de 2014, dont l’un des objets était d’affirmer l’autonomie de la science, il est impératif qu’aucune influence – politique ou économique – n’entrave la définition du bien commun et de la sécurité. Nous veillerons à ce que cette ligne rouge ne soit pas franchie. Je salue l’évolution de la position du rapporteur, qui, contre vents et marées, défend des mesures qui s’écartent des dispositions initiales et de celles proposées par le ministère de l’agriculture.

S’agissant des néonicotinoïdes, nous suivrons la même logique, en nous en tenant aux enseignements de la science, rien que la science, et en faisant donc abstraction de la dictature de l’opinion et du marché – pour déterminer si ces produits sont ou non toxiques.

Nous sommes clairement opposés au fait qu’une loi agricole traite de la gestion de l’eau. En effet, les solutions passeront par le partage territorial de l’eau. L’agriculture devra trouver sa place, dans ce cadre, pour retirer les bénéfices d’une nouvelle politique de l’eau. Il serait totalement contre-productif, y compris pour le monde agricole, de vouloir régir cette ressource sur nos territoires en partant seulement de l’agriculture.

En matière d’ICPE, nous nous inscrivons dans une logique d’ouverture. À nos yeux, la taille des fermes importe peu : il convient surtout de savoir qui les dirige. Nous défendons une agriculture d’entrepreneurs, de paysans, et non de firmes et de salariés. Nous serons attentifs à ce que ces régimes d’autorisation, qui pourraient légèrement évoluer, prennent en compte la question des actifs et de la transparence des groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec).

M. Julien Dive, rapporteur. Je souscris à vos propos concernant le partage de la valeur, le foncier et le PSN. Nous aurons à nous pencher sur la programmation de la prochaine politique agricole commune (PAC), sujet sur lequel nous avons commencé à travailler, avec Benoît Biteau. Nous réclamions, il y a un an, une grande loi d’orientation agricole comportant un plan de programmation ; malheureusement, les sujets que nous sommes amenés à examiner sont un peu saucissonnés.

La proposition de loi traite d’un certain nombre d’entraves auxquelles se heurte l’agriculture ; je suis convaincu qu’il nous faudra en aborder d’autres, ce que nous n’avons pas pu faire dans le cadre de ce texte compte tenu de l’irrecevabilité au titre de l’article 45 de la Constitution.

Nous reviendrons sur les ICPE à l’occasion de l’examen de l’article 3 ; je prêterai une oreille attentive à vos propositions.

M. Guillaume Lepers (DR). Depuis des années, notre agriculture est à bout de souffle. Cernée par des normes toujours plus complexes, paralysée par des surtranspositions, concurrencée de manière déloyale, elle se bat pour sa survie. Cette proposition de loi adoptée par le Sénat n’est pas seulement attendue : elle est vitale pour un monde agricole à bout de nerfs, au bord de la rupture.

Nous tous, ici, avons été à l’écoute des agriculteurs lors de la crise de 2024. Il nous revient, chers collègues, d’apporter les réponses qui donneront à nos agriculteurs la liberté de faire leur métier, c’est-à-dire de nous nourrir.

Cette proposition de loi est, d’abord, un texte de responsabilité qui réintroduit de la cohérence dans un système devenu absurde. Trop souvent, la France va au-delà des normes européennes, pénalisant ses propres producteurs. En matière phytosanitaire, l’aberration est criante : nos vergers et nos champs sont dévastés pendant que déferlent des produits étrangers traités au moyen de substances que nous interdisons. Cette concurrence déloyale est insupportable : en ce qui concerne l’acétamipride, rien ne la justifie. L’article 2 n’est pas un retour en arrière, dans la mesure où il propose une dérogation encadrée, ciblée pour sortir de véritables impasses sanitaires. C’est une avancée indispensable pour sauver nos filières et notre souveraineté alimentaire.

C’est aussi un texte pragmatique qui corrige les effets contre-productifs de la loi Egalim, notamment sur la séparation entre vente et conseil phytosanitaire, laquelle a affaibli le conseil de terrain. Nous devons cesser de surréglementer et d’affaiblir nos agriculteurs.

C’est, enfin, un texte de compétitivité et d’équité, qui allège les procédures d’élevage, simplifie le régime des ICPE, encourage l’assurance récolte pour les prairies – autant de mesures concrètes ancrées dans la réalité du terrain.

Nous devons tout faire pour harmoniser nos règles avec celles de nos voisins ; nous devons lever les freins injustifiés qui tuent la compétitivité et bloquent le renouvellement des générations et la modernisation des exploitations. Notre groupe défendra des amendements en ce sens.

Ce texte ne sacrifie en rien les exigences environnementales. Il les rend simplement compatibles avec la réalité. Notre agriculture ne peut plus se contenter de grands principes. Elle n’a plus besoin de compassion, mais de solutions. Il est temps de dépasser les postures idéologiques. La question qui nous est posée est grave : voulons-nous qu’il y ait encore, demain, une agriculture française ? Ce débat mérite mieux que des clivages figés. Il nous appelle à l’écoute, à l’ouverture et au courage politique.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Droite républicaine votera avec force pour ce texte. Nous serons toujours aux côtés des agriculteurs pour défendre une agriculture libre, compétitive, respectée et fière.

M. Julien Dive, rapporteur. J’ai eu l’occasion de constater que, dans votre département du Lot-et-Garonne, la filière de la noisette était dans l’impasse, notamment du fait des dégâts causés par la punaise diabolique. La production de noisettes, qui s’étend sur 7 000 à 8 000 hectares à l’échelle nationale, est insuffisante, ce qui rend nécessaire le recours aux importations. De surcroît, la filière n’arrive plus à faire face à la concurrence déloyale de producteurs étrangers qui utilisent des substances interdites en Europe. L’article 2, qui fait l’objet d’un certain nombre d’amendements, vise à déroger – sous réserve du respect de plusieurs conditions – à l’interdiction d’usage des produits contenant des substances de la famille des néonicotinoïdes.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je n’irai pas par quatre chemins : le texte que vous nous proposez est un agrégat d’idées démagogues qui, après avoir tourné le dos à l’agriculture familiale et paysanne, cherchent à sacrifier la santé publique, la science et la biodiversité pour donner l’illusion de répondre aux problèmes des agriculteurs.

Ce texte vise prétendument à lever les contraintes de l’exercice du métier d’agriculteur. Mais de quelles contraintes parle-t-on ? De celles qui ont conduit les agriculteurs à se mobiliser, il y a un peu plus d’un an ? Ce texte permettra-t-il aux agriculteurs de vivre de leur travail ? Non. Il ne propose rien sur le revenu, alors que c’était la première revendication des agriculteurs. Permettra-t-il de désendetter les fermes ? Non. Protégera-t-il les agriculteurs de la concurrence internationale déloyale ? Non. Leur donnera-t-il davantage de marges de manœuvre en tant que chefs d’entreprise ? Non. Ils resteront soumis aux pressions du marché international.

En réalité, les auteurs de ce texte n’ont rien à proposer aux agriculteurs. Il ne s’agit que d’une vaste entreprise de communication désignant les prétendus ennemis de l’agriculture. Le premier d’entre eux est la science, parce qu’elle propose d’utiliser moins de pesticides, voire aucun, et d’écarter du marché les produits dangereux.

Le deuxième ennemi est la santé publique. Le projet de relégation de l’Anses au rang d’organe consultatif est un véritable scandale. Comment les auteurs de ce texte expliqueront-ils à des personnes atteintes de cancer qu’on n’interdit pas les pesticides dangereux qui les ont rendues malades, quand bien même l’Agence le recommande ? C’est insupportable.

Enfin, le troisième ennemi est la biodiversité. Plus de 60 % des insectes volants ont disparu entre 2021 et 2024 : que vous faut-il de plus pour comprendre que nous sommes entrés dans la sixième extinction de masse et que sans biodiversité, il n’y aura pas d’agriculture ? Ce qui menace réellement la souveraineté alimentaire, et donc le revenu des agriculteurs, ce sont le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Alors que la science, l’agronomie et le principe de précaution devraient être notre seule boussole, ce texte propose de les reléguer au rang d’opinions parmi d’autres ; alors que les questions de santé publique et de biodiversité devraient nous rassembler, il soutient une agro-industrie qui s’oppose à la santé et à la biodiversité, sans apporter la moindre réponse aux problèmes des agriculteurs.

Pour notre groupe, ce texte est nul et non avenu, un coup de com’ stérile et dangereux que nous devrions refuser en bloc. Nous espérons qu’il subira le même sort dans notre commission qu’en commission du développement durable où, la semaine dernière, la majorité d’entre nous a voté la suppression de cinq articles sur huit.

Pour conclure, je me joins à Mathilde Hignet dans son hommage à Christian, et je salue la mémoire de mon ami Yannick, premier malade professionnel décédé à cause des pesticides, qui avait dit : « J’espère que je n’ai tué personne. »

M. Julien Dive, rapporteur. Monsieur le député, je n’en attendais pas moins de vous. Nous avons des divergences, c’est incontestable, mais la condition du débat est de les respecter. Concernant la biodiversité, vous vous focalisez sur l’article 2. Or, le texte prévoit de réautoriser une substance par dérogation pour seulement 7 % des surfaces qui, avant la loi Pompili, étaient traitées avec des néonicotinoïdes. De plus, cela ne concernera que des filières en situation d’impasse, et non l’intégralité des filières.

M. Pascal Lecamp (Dem). Le soutien que nous devons aux agriculteurs ne peut pas être passif : il s’agit, avec eux, de préparer l’avenir. L’urgence du dérèglement climatique et de la préservation de notre souveraineté alimentaire impose des transitions. Ce n’est pas un slogan, mais une nécessité : nous devons adapter nos systèmes de production, préserver la biodiversité, protéger les sols, les ressources en eau et la santé. C’est à ces conditions seulement que nous pourrons continuer de produire une alimentation de qualité, en quantité suffisante pour assurer notre souveraineté.

Avec mes collègues démocrates, nous regrettons la manière dont cette proposition de loi aborde des sujets pourtant essentiels, quelques mois à peine après l’adoption de la LOA. On ne prétend pas réformer le stockage de l’eau, l’usage des produits phytosanitaires, la méthode de travail de l’Anses, le droit de l’environnement et celui des installations classées sans étude d’impact, sans consultation, sans données.

« Produire », « quantités », « protéger l’environnement » ne sont pas des gros mots, pas plus que l’équilibre, la nuance ou le consensus. À cet égard, la proposition de loi, même si le Sénat en a réécrit de nombreuses dispositions, soulève des interrogations. Ce n’est pas rendre service aux agriculteurs que de les enfermer sans cesse dans une logique d’opposition aux exigences environnementales, aux attentes croissantes et légitimes d’une partie de la population. Il est possible de faire des choix politiques et de permettre des avancées concrètes pour l’agriculture sans rechercher un bouc émissaire.

C’est cette ligne que nous tenterons de défendre, article après article, avec des principes clairs : pas de souveraineté alimentaire possible sans assumer des transitions ; la science comme boussole, l’Europe comme cadre ; la conviction que l’avenir de notre agriculture ne se construit pas dans la caricature ou en opposition aux attentes des Français.

Nous ferons des propositions complémentaires concernant la séparation de la vente et du conseil ainsi que la mise en place d’un conseil stratégique global obligatoire, sur la base des conclusions du rapport Travert-Potier. Nous serons en revanche très réservés envers ce qui remettrait en cause l’expertise scientifique, qui doit éclairer la décision publique, en réaffirmant le rôle crucial de référence de l’Anses.

Mon collègue Éric Martineau défendra un amendement pour encadrer davantage la réintroduction limitée de l’acétamipride afin d’apporter une réponse aux filières noisettes et pommes. En assumant de dire la vérité à nos agriculteurs, c’est bien vers une baisse de l’utilisation des produits phytosanitaires que nous nous dirigeons. Notre groupe n’est pas unanime sur le sujet mais nous partageons tous la volonté de nous interroger sur la définition de la situation d’impasse, qui est un sujet essentiel.

Apprenons de nos erreurs et préparons l’avenir à travers la recherche d’alternatives. C’est à la science que nous devons faire confiance. Nous soutiendrons l’élevage en proposant des simplifications à la loi « industrie verte », en particulier pour les ICPE, en vue de la révision de la directive IED.

Enfin, nous ne pouvons accepter la remise en cause de la hiérarchie des usages de l’eau, qui pose de vraies difficultés constitutionnelles. Des pistes existent en revanche pour le financement d’ouvrages hydrauliques vertueux, qui permettraient de résoudre les difficultés actuelles liées à la définition des cours d’eau.

Monsieur le rapporteur, nous vous savons acteur de nombreux compromis ; nous serons attentifs aux propositions constructives que vous nous ferez.

M. Julien Dive, rapporteur. Lorsqu’il s’est agi d’interdire les néonicotinoïdes, en 2016, aucune étude d’impact n’a analysé les conséquences du report sur des alternatives plus nocives – l’Anses a d’ailleurs alerté sur certaines d’entre elles. C’est la raison pour laquelle nous en débattons aujourd’hui.

La recherche d’un compromis, d’un point d’équilibre est ce qui me guide depuis le départ, tant lors des auditions que de l’examen des amendements. Je compte bien poursuivre dans cette voie lors des débats en séance.

M. Henri Alfandari (HOR). Les agriculteurs expriment depuis longtemps un épuisement, un malaise profond et durable auquel nous devons répondre avec lucidité et pragmatisme. Soyons clairs : la proposition de loi initiale, déposée au Sénat, comportait des dispositions qui soulevaient de réelles interrogations, notamment sur la protection de l’environnement, la sécurité sanitaire ou encore l’indépendance de l’expertise scientifique. Les débats ont été nourris et parfois vifs. Le texte transmis à l’Assemblée nationale a cependant été profondément retravaillé. Plusieurs dispositions ont été corrigées, précisées ou entièrement réécrites : quatre des six articles d’origine ont été revus en profondeur ; deux nouveaux articles ont été introduits, à l’initiative du Gouvernement. Ce travail parlementaire exigeant a permis de bâtir un compromis solide, entre le soutien nécessaire au monde agricole et la protection de la biodiversité, dans le respect de nos responsabilités environnementales.

Ce texte n’oppose pas agriculture et environnement. Il complète utilement la LOA récemment promulguée, en s’attaquant à des surtranspositions et surréglementations bien identifiées. Il cible des blocages concrets, notamment dans les domaines de la protection des cultures, des projets d’élevage, de la gestion de l’eau, ou encore des modalités de contrôle des exploitations. Le groupe Horizons & indépendants le considère satisfaisant en l’état. Nous veillerons à préserver cet équilibre, sans surenchère ni recul.

M. Julien Dive, rapporteur. Je souscris à vos propos. Il sera toujours possible d’apporter des améliorations, afin de rassurer les collègues qui s’interrogent, notamment sur l’article 2.

M. David Taupiac (LIOT). Le désir de simplification exprimé par les agriculteurs en janvier 2024 est légitime, de même qu’il est normal que le législateur fasse en sorte d’y répondre. Après tout, le travail des agriculteurs est de cultiver la terre, pas de composer avec un cadre normatif trop lourd.

Nous ne pouvons pas pour autant laisser croire que cette proposition de loi répondra à tous les maux. Ce n’est pas elle qui mettra fin aux distorsions de concurrence, pas plus qu’elle ne répondra aux enjeux relatifs aux revenus agricoles ni à la question de l’accès à la terre. Nous n’approuvons pas non plus son postulat de départ : la transition agricole et les mesures de protection de l’environnement ne riment pas nécessairement avec la perte de souveraineté alimentaire.

Si nous partageons la volonté de ses auteurs d’alléger les charges administratives et réglementaires qui pèsent sur les agriculteurs, nous sommes sceptiques quant à certaines de ses mesures. C’est le cas notamment de la révision du mode de fonctionnement de l’Anses, qui complexifie la procédure d’instruction et place l’institution sous pression économique. Faut-il rappeler que le rôle premier de l’agence est de préserver notre santé et notre environnement ? Remettre en question son indépendance, c’est nuire à sa légitimité et à sa capacité de nous protéger.

D’autres dispositions mériteraient d’être retravaillées pour offrir davantage de garanties à ceux qui, comme moi, sont attachés à la défense de l’environnement. Ce texte propose de revenir sur la séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytosanitaires, qui posait des difficultés structurelles. Il faudra cependant établir une séparation opérationnelle pour qu’une même personne ne puisse pas à la fois vendre des pesticides et établir des conseils pour réduire leurs usages, ce qui constituerait un risque de conflit d’intérêts bien trop évident.

S’agissant de l’acétamipride, seule substance concernée par la réautorisation, nous appelons le Gouvernement à négocier une évolution de la législation communautaire pour avancer vers une interdiction généralisée à l’échelle européenne. Cela éviterait qu’une décision individuelle française place les producteurs dans des situations d’impasse, une concurrence déloyale qui mettrait en difficulté nos filières.

En ce qui concerne les élevages, le texte procède à une simplification des procédures de consultation. Nous n’y sommes pas opposés par principe. Encore faut-il que cela concerne exclusivement les élevages et non l’ensemble des installations industrielles, comme le propose le texte.

Convaincus qu’une loi favorable aux agriculteurs n’est pas, par nature, défavorable à l’environnement, nous défendrons des amendements pour revenir à un texte plus équilibré.

M. Julien Dive, rapporteur. Je suis d’accord avec vous : ce texte ne réglera pas tous les problèmes de l’agriculture. Il permettra de lever certaines contraintes mais n’a pas vocation à tout révolutionner. Les manifestations du monde agricole, l’an dernier, ont rappelé que le problème principal était le revenu. Celui-ci, qui se fonde sur les volumes, supporte des charges liées aux formalités administratives et aux normes, dont nous ne sommes pas toujours responsables, et subit la pression exercée par la concurrence, parfois déloyale. C’est un point que nous avons essayé de traiter dans les différentes lois Egalim. Je formule le vœu que nous en débattions lors du futur débat sur Egalim 4.

M. Julien Brugerolles (GDR). Il n’y a pas besoin d’aller beaucoup plus loin que le titre pour comprendre la tromperie sur la marchandise que constitue ce texte. Quand ils se sont mobilisés cet hiver, les agriculteurs ne réclamaient pas seulement moins de tracasseries administratives ou l’assouplissement des contrôles réglementaires : ils demandaient d’abord de pouvoir vivre décemment de leur travail et de mettre un terme à la concurrence déloyale des produits qui ne respectent pas nos standards sociaux et environnementaux. Ils demandaient aussi à ne pas être laissés seuls face aux aléas climatiques, sanitaires et environnementaux qui, eux, sont de plus en plus contraignants.

Prendre à bras-le-corps les difficultés des agriculteurs aurait nécessité d’ouvrir en grand le débat sur l’insécurité économique à laquelle ils font face en matière de prix de vente de leur production, de revenus et de partage de la valeur ajoutée. Prendre à bras-le-corps les menaces qui pèsent sur la pérennité des exploitations aurait exigé de travailler au plus vite à la mise en place d’un régime public de prévention, d’adaptation et d’assurance pour faire face à la fois aux aléas climatiques, environnementaux et sanitaires. Nous défendons depuis longtemps un tel un régime public, couvrant toutes les exploitations sans exception, et non pas seulement celles ayant la capacité de souscrire une assurance multirisque climatique.

Or, le texte que nous examinons ne répond pas à ces priorités. Il est tout entier porté par l’idée que pour venir en aide aux agriculteurs, il faudrait accentuer la déréglementation et revenir sur les normes, qui sont pourtant notre seule protection contre les concurrences déloyales. Je suis convaincu que plus nous alignerons à la baisse nos exigences sur celles des pays moins-disants – qu’ils soient membres de l’Union européenne ou pays tiers –, moins nous aurons d’arguments, de poids et de force pour protéger notre agriculture. Le cercle vicieux du moins-disant, c’est la fuite en avant vers une dévalorisation des productions agricoles. Ceux qui captent déjà l’essentiel de la valeur pourront ainsi continuer librement à mettre en concurrence les producteurs nationaux avec ceux des pays tiers et à exercer une pression à la baisse sur les prix d’achat pour accroître leurs marges.

Moins de deux mois après l’adoption de la loi dite d’orientation agricole – loi sans orientation ni programmation –, nous examinons un texte qui traduit la même volonté de taire les grands enjeux qui pèsent réellement sur la durabilité de nos systèmes et de nos structures agricoles. Dans sa rédaction initiale, le texte comportait de très graves reculs environnementaux et en matière de santé publique. Le travail de modération accompli par le Gouvernement en séance au Sénat a certes permis d’en limiter les dispositions les plus inquiétantes. Toutefois, le texte comporte toujours des reculs majeurs inacceptables : la remise en cause de l’indépendance de l’Anses, l’assouplissement des procédures environnementales pour les plus grosses structures agricoles, l’obstination à vouloir imposer une gestion de l’eau spécifique aux usages agricoles plutôt que de développer une gestion publique multi-usage partagée et concertée à l’échelle des bassins versants.

M. Julien Dive, rapporteur. Pour un agriculteur, vivre du fruit de son travail implique de vendre sa production au prix juste. Certes, la proposition de loi ne supprime pas toutes les entraves mais elle apporte des compléments sur ce sujet. Nous ne sommes pas dans une économie administrée qui fixerait un prix – peut-être est-ce votre vœu mais ce n’est pas le mien, ni celui de nombre de députés. Il faut savoir accepter le monde dans lequel nous vivons. Nous sommes là pour poser des garde-fous, comme nous l’avons fait par exemple dans la loi Egalim 2 avec la sanctuarisation de la part de matière première agricole. C’est de cette façon que nous parviendrons à préserver le prix juste.

M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR). L’ensemble des filières dénoncent constamment les surtranspositions des normes environnementales européennes et appellent à simplifier les lourdeurs administratives. Cette loi est donc très attendue par les agriculteurs, notamment par les arboriculteurs dans la pomme, dans la cerise, dans la fraise, dans la noisette – tous sont aux abois. Se pose une question de rendement et de compétitivité-coût. Voici donc une énième loi agricole, loi que nous soutiendrons dans sa dimension de simplification et d’allégement des normes.

Toutefois, cette loi risque de ne pas porter ses fruits. L’article 2 initial revenait sur l’interdiction générale des néonicotinoïdes pour ne conserver que celle concernant les produits dont la nocivité a été démontrée. Cet article a été détricoté en commission du développement durable, enlevant tout espoir de lutte contre le puceron cendré et la punaise diabolique pour de nombreux agriculteurs, qui subissent ainsi une perte de production de 20 % à 30 %. Dans ces conditions, il est impossible de lutter face aux importations de fruits étrangers.

En l’état des connaissances, interdire dogmatiquement toute utilisation d’acétamipride, même fortement encadrée – elle ne concernerait que 7 % des surfaces anciennement traitées –, est par définition une surtransposition. C’est donc contraire à l’objectif du texte.

Pour mémoire, l’esprit n’est pas de réintroduire les néonicotinoïdes, interdits au niveau européen : l’acétamipride étant autorisé par l’Union européenne au moins jusqu’en 2033, l’introduction proposée est limitée. Une interdiction en France ne serait légitime que sous réserve d’une interdiction dans les pays concurrents, au minimum dans l’Union européenne.

À l’UDR, nous avons plusieurs lignes directrices en la matière : la science doit l’emporter sur la croyance, le réalisme sur l’utopisme ; pas d’interdiction sans solution, principe qu’il s’agit de mettre en œuvre plutôt que de répéter sans l’appliquer ; dans un marché commun, laver plus blanc que blanc ne mène qu’à la mort lente et programmée de nos agriculteurs sous l’effet d’une concurrence que nous rendons nous-mêmes déloyale. Nous voterons donc pour rétablir cette proposition de loi dans une version plus proche de sa mouture – ou bouture – initiale.

M. Julien Dive, rapporteur. Entre ceux qui disent que le texte ne va pas assez loin et ceux qui affirment le contraire, il y a un équilibre à trouver. Nous pourrions y tendre avec ce qui a été négocié au Sénat et ce sur quoi nous discuterons en commission, en séance et en commission mixte paritaire. Je suis peut-être plus optimiste en entendant les différentes interventions, notamment celles selon lesquelles le texte n’irait pas assez loin.

Cela étant, je vous rejoins sur la question de la science : celle-ci doit conserver la plus grande autonomie possible, sans interférence et sans ingérence. Tel est l’objet des amendements que j’ai déposés à l’article 2, qui visent à rendre le pouvoir de décision sur les attributions et les retraits d’AMM à la seule Anses.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Anne-Laure Blin (DR). Après les manifestations de l’année dernière et les intentions affichées dans le projet de loi d’orientation agricole, le moment est venu de concrétiser les promesses faites aux agriculteurs. Oui, il faut simplifier les procédures, arrêter la surtransposition des normes, assainir les relations avec l’administration, aborder la question du stockage des lots et, évidemment, celle des produits phytosanitaires. Ce texte n’est pas une régression environnementale, parce que nos agriculteurs sont les premiers protecteurs de l’environnement. Voici l’occasion de leur donner tous les moyens pour restaurer notre souveraineté agricole et semencière. Gardons ce cap !

Mme Delphine Batho (EcoS). Monsieur le rapporteur, à la demande de notre groupe, vous avez bien voulu auditionner des scientifiques. L’un d’entre eux vous a dit que l’on constatait des pertes de rendement des cultures de 5 à 80 % en raison de l’effondrement des pollinisateurs. L’accélération du changement climatique, dont l’agriculture est la première victime en France, et l’extinction de la biodiversité, notamment à cause des pesticides, menacent à court terme notre sécurité alimentaire. Qui plus est, des forces obscurantistes mènent des attaques contre la science. La France doit-elle s’inspirer du trumpisme et remettre en cause l’Anses ? Non. Aussi allons-nous combattre ce texte en bloc, article par article, amendement par amendement.

M. Julien Dive, rapporteur. La science doit rester indépendante, sans quoi on finira par juger les molécules au gré des bourses politiques. J’ai déposé des amendements en ce sens.

L’un des scientifiques de la liste que vous et Benoît Biteau m’aviez transmise a en effet tenu ces propos sans donner plus de détails toutefois sur les cultures étudiées. J’ai insisté sur le fait que des molécules pouvaient être responsables de la réduction du nombre des pollinisateurs. Cependant, le sujet de l’acétamipride ne concerne pas les cultures mellifères et des amendements ont été déposés pour que cela continue.

M. Dominique Potier (SOC). Il n’y a pas les partisans de la productivité et ceux de la non-productivité. C’est bien au nom de la productivité que nous défendons la protection de l’environnement et des écosystèmes, qui est la condition même de notre survie et de notre capacité à produire demain.

Lors de notre réunion de groupe, ce matin, certains ont exprimé les pressions parfois vives dont ils font l’objet. Il est important que les députés, d’où qu’ils viennent, puissent, en totale sérénité, avec la science et en conscience, délibérer en vue du bien commun, sans qu’aucune menace pèse sur eux.

M. Julien Dive, rapporteur. Nous avons tous reçu des dizaines de milliers de mails pré-écrits. Nous avons aussi subi d’autres pressions sur d’autres textes. Il suffit de prendre le recul nécessaire et de rester froids dans nos décisions.

M. Thierry Benoit (HOR). J’ai eu le sentiment que l’auteur de la proposition de loi voulait régler des comptes avec une certaine forme d’agriculture, notamment l’agriculture bio. Il s’est attaqué de front à l’Anses et à l’Agence bio. Or, l’agriculture conventionnelle a besoin de l’agriculture bio pour évoluer, pour assurer sa transition, et l’agriculture bio ne peut exister que s’il y a une agriculture conventionnelle performante en France et en Europe. Nous devons réconcilier les deux, pour que l’agriculture française soit performante et ne pas décevoir les agriculteurs qui se sont mobilisés pendant l’hiver 2023-2024.

M. Julien Dive, rapporteur. J’ai publié une déclaration officielle sur la préservation de l’Agence bio dans le dernier projet de loi de finances. Nous sommes à l’Assemblée nationale et je n’ai, pour ma part, de comptes à régler avec personne. Je cherche seulement des solutions pour le monde agricole. Je suis pleinement d’accord avec vous : trouvons un équilibre entre le bio et le conventionnel.

M. Stéphane Travert (EPR). Entre la radicalité du texte de départ et celle qui pourrait s’exprimer à l’occasion de notre examen, nous pourrons trouver les compromis nécessaires pour que chaque modèle agricole, qu’il convient de ne pas opposer entre eux, trouve des solutions. Les propositions du rapporteur vont dans ce sens et nous en soutiendrons une grande partie.

En 2018, dans la loi Egalim, nous avions instauré une séparation capitalistique entre la vente et le conseil en matière de produits phytopharmaceutiques. Les missions que j’ai menées à la fois sur les coopératives avec Fabien Di Filippo et sur le bilan de la séparation de la vente et du conseil avec Dominique Potier nous ont convaincus que le dispositif actuel ne fonctionnait pas bien. Dès lors, il s’agit de corriger les erreurs et les approximations sans revenir sur nos objectifs : réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, permettre à notre agriculture de rester compétitive et éviter toute interdiction sans solution.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Ce texte important pour notre souveraineté alimentaire est très attendu par nos agriculteurs. Il simplifie certaines démarches et corrige plusieurs surtranspositions. Trop souvent, nos agriculteurs font face à des règles plus lourdes qu’ailleurs en Europe. Alléger ces procédures, c’est sécuriser les projets et préserver notre modèle agricole. Je souhaite que l’article 5 soit rétabli dans sa version originelle en séance car il facilite la gestion de l’eau, en soutenant des projets de stockage et en garantissant l’accès à la ressource, notamment pour abreuver les animaux. Monsieur le rapporteur, êtes-vous favorable au relèvement des seuils ICPE pour les porcins et les volailles, alors que la France est plus stricte que l’Europe ? Quant aux bovins, pour lesquels il n’existe aucun seuil européen, seriez-vous favorable à une revalorisation des seuils français pour maintenir une production en phase avec notre consommation ?

M. Julien Dive, rapporteur. Plusieurs amendements ont été déposés sur ce sujet à l’article 3 et j’y suis évidemment favorable. En effet, la question se pose dès lors que nous sommes importateurs nets d’un certain nombre de denrées, notamment la volaille, face à une forte concurrence. La loi « industrie verte », en modifiant la procédure d’autorisation environnementale pour les ICPE, a embarqué le monde agricole dans une mauvaise voie.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Le texte que nous nous apprêtons à examiner sera sans doute une belle occasion de faire l’inventaire de ce que la loi d’orientation agricole n’a pas pu traiter, malgré toute l’ambition affichée pour répondre à la crise. Lors de mes discussions avec le monde agricole sur la proposition de loi Duplomb, on m’a dit qu’il s’agissait d’une sorte de voiture-balai. L’examen sera aussi l’occasion de débattre des textes indispensables à inscrire à notre ordre du jour pour traiter correctement de l’élevage ou des grandes lois foncières attendues par le monde agricole.

M. Julien Dive, rapporteur. Ce texte ne suffira pas non plus à faire l’inventaire de ce qui ne va pas en agriculture. Nous aurons peut-être l’occasion de revenir sur plusieurs points, le foncier ou les relations commerciales. Mais ce n’est en rien une voiture-balai.

M. Benoît Biteau (EcoS). Le débat n’est pas binaire entre la deltaméthrine ou l’acétamipride, qui sont autant d’impasses. Il y a une troisième voie, convoquant l’agronomie et les équilibres naturels, les solutions fondées sur la nature, qui permet d’apporter des réponses particulièrement efficaces, d’autant plus quand on parle de souveraineté alimentaire. Écoutez des scientifiques, comme Philippe Grandcolas ou Vincent Bretagnolle, qui nous disent qu’à force d’utiliser des pesticides, l’effondrement des populations de pollinisateurs est tel que les fleurs ne sont plus visitées et que l’on a du mal à produire des grains, des fruits et des légumes.

Mme Justine Gruet (DR). Beaucoup de choses ont été dites sur les contraintes à lever pour faciliter l’exercice du métier d’agriculteur et je ne peux qu’y souscrire. Parmi elles, deux dispositions importantes n’ont malheureusement pas pu être étudiées en commission du développement durable. Un article concernant les injonctions administratives contradictoires avait été voté lors de l’examen de la LOA, avant d’être censuré par le Conseil constitutionnel. Ces hommes et ces femmes qui nous nourrissent sont parfois contraints de choisir entre deux règles incompatibles au risque d’être sanctionnés, alors même qu’ils agissent de bonne foi. Ne soyons, par ailleurs, pas plus royalistes que le roi, en étant les seuls à interdire sans alternative. Enfin, placer l’OFB (Office français de la biodiversité) sous l’autorité du préfet offrirait une meilleure coordination des acteurs sur le terrain. J’espère que nos débats permettront de remédier à des situations incompréhensibles dans le quotidien des agriculteurs.

M. Julien Dive, rapporteur. Je n’ai pas abordé les questions de l’OFB et de l’eau, dans la mesure où elles ne se posent pas au sein de notre commission, compte tenu des travaux de la commission du développement durable dans le cadre de sa délégation au fond, mais cela ne nous empêchera pas d’y revenir en séance.

S’agissant d’une voie alternative, monsieur Biteau, je crois que le choix n’est pas binaire en effet. Il faut se demander si ces alternatives sont efficaces, si elles sont abordables et si elles ne nécessitent pas un trop grand nombre de passages. Des alternatives ont été trouvées pour lutter contre la jaunisse de la betterave, grâce au PNRI (plan national de recherche et d’innovation), mais ce n’est pas le cas pour toutes les filières.

M. Hervé de Lépinau (RN). Nous avons conscience que ce texte répond pour partie à ce qui a été de fait une grande convention citoyenne : les manifestations des agriculteurs, qui ont exprimé leur mal-être ainsi que les dangers structurels et économiques pesant sur leurs exploitations. Nous sommes d’accord pour dire que la LOA n’était pas à même de traiter, par définition, des problèmes qui n’étaient pas encore apparus. Nous sommes là pour répondre aux aspirations de nos agriculteurs. Ils nous regardent. Quant à ceux d’entre vous qui ont versé des larmes de crocodile pendant le Salon de l’agriculture en disant : « Je vous ai compris, rassurez-vous, on va s’occuper de votre cas », mais qui vont voter les amendements de suppression et dévitaliser le texte, je pense qu’ils vous attendront au virage une nouvelle fois.

Avant l’article 1er

Amendements identiques CE252 de la commission du développement durable et CE18 de Mme Delphine Batho

Mme Sandrine Le Feur, présidente de la commission du développement durable. Je laisserai Mme Batho défendre cet amendement, qui est le sien en réalité.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement vise à remplacer le titre Ier « Mettre fin aux surtranspositions et surréglementations françaises en matière de produits phytosanitaires » par celui-ci « Tirer les conséquences des connaissances scientifiques en matière de pesticides ». En effet, il n’y a pas de surtranposition en cette matière, pour la simple et bonne raison que le règlement est d’application directe. Il prévoit une répartition des compétences entre l’autorisation des substances, à l’échelle de l’Union, et celle des produits, qui relève des États membres.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable. Il ne me paraît pas opportun de modifier l’intitulé du titre Ier avant d’aborder les questions de fond. Du reste, la multiplicité des règlements de l’Union européenne entraîne une surréglementation et une potentielle surtransposition.

Mme Delphine Batho (EcoS). Non, il n’y a pas de surtransposition, à tel point que vous n’expliquez pas cette notion dans votre rapport. L’intitulé d’un titre est censé préciser l’intention du législateur, mais je n’ai pas trouvé dans votre rapport quel problème cette proposition de loi entend régler. Le dispositif de séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques souffre-t-il d’une surtransposition ? Non ! La procédure d’examen, par l’Anses, des demandes d’autorisation de mise sur le marché est-elle alourdie par une surtransposition ? Non ! Les interdictions de produits composés de néonicotinoïdes constituent-elles des surtranspositions ? Non ! Il n’y a rien à transposer, puisque le règlement européen est d’application directe. Il faut donc voter cet amendement.

Mme Anne-Laure Blin (DR). S’il n’y a pas de surtransposition, madame Batho, comment expliquez-vous que soit interdite, sur notre territoire, une substance autorisée partout ailleurs dans l’Union européenne ? Pensez-vous que tous les autres pays veulent intoxiquer et faire mourir leur population, et que nos mesures franco-françaises sont bien plus vertueuses que les leurs ? Ce n’est pas cohérent ! L’agriculture française meurt de la volonté de refaire le monde depuis Paris, sous les ors de la République, en dépit des législations de tous nos voisins. Parmi toutes les mesures que comporte cette proposition de loi, l’article 2 vise clairement à mettre fin à une surtransposition.

M. Dominique Potier (SOC). En toute rigueur, Delphine Batho a raison : les dispositifs qu’elle a évoqués ne dénotent aucune surtransposition. Ils s’inscrivent dans une bataille culturelle : à force de dire que les problèmes viennent de l’environnement, des normes et de la surtransposition, on finit tous par le croire. Il faut remettre les pieds sur terre, regarder les réalités économiques et écologiques en face, et arrêter de faire de l’idéologie ou de la propagande.

Sur ces sujets très techniques, soyons précis : il n’y a pas de substance interdite en France qui serait autorisée dans d’autres pays de l’Union européenne, puisque l’Efsa définit un régime européen. Ce sont les produits qui relèvent de règles nationales. Or, il arrive qu’il y ait un décalage calendaire entre l’interdiction d’une substance par l’agence européenne et l’interdiction des produits correspondants par une agence nationale, ou que des dérogations soient prévues. On ne recourt pas assez aux systèmes permettant d’harmoniser les règles ; nous souhaitons tous les utiliser davantage.

Quoi qu’il en soit, ne racontons pas d’histoires : il n’y a pas de surtransposition en matière d’interdiction des substances. Il faut donc modifier l’intitulé du titre Ier.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Madame Blin, vous nous faites prendre des vessies pour des lanternes en mettant sur le compte de surtranspositions la différence de régime entre les substances actives et les formules commerciales. Contre l’intérêt de l’agriculture française, vous prônez l’alignement sur les autorisations de mise sur le marché les moins-disantes ou les moins vertueuses de toute l’Union européenne. Autrement dit, vous voulez recourir aux pires pesticides autorisés en Europe – aux substances utilisées en Hongrie, par exemple – pour produire plus sale et assurer aux agriculteurs le même niveau de revenu que dans ces pays-là. Dites-le directement, mais ne tournez pas autour du pot en présentant les surtranspositions comme le mal absolu, alors qu’elles n’existent pas !

M. Hervé de Lépinau (RN). Du point de vue strictement juridique, je peux souscrire à l’analyse de Mme Batho, mais il faut alors traiter le cœur du problème. Si nous modifions l’intitulé du titre Ier, nous devrons étudier les conséquences d’une réglementation européenne d’application directe. Les agriculteurs ont clairement dénoncé des interdictions sans solution. Le système juridique actuel crée de fait une concurrence déloyale au sein de l’Union européenne, puisque l’on confie à une agence nationale le soin de se prononcer sur l’autorisation de mise sur le marché de produits déjà autorisés dans les autres pays. Ne tournons pas autour du pot : le fond du problème, c’est que les agriculteurs ne peuvent plus produire certaines denrées, parce qu’ils ne disposent plus des produits pharmaceutiques permettant de lutter contre les nuisibles et les maladies.

M. Julien Dive, rapporteur. Je ne sais pas, monsieur Prud’homme, si certaines autorisations sont moins vertueuses que d’autres au niveau européen. Je vous laisse en juger. Pour ma part, je fais confiance à la science, au niveau français et, par ricochet, au niveau européen. Je me fie donc aux avis de l’Anses, mais également à ceux de l’Efsa. Qu’on le veuille ou non, cette dernière dispose aussi d’un comité scientifique, dont les membres sont renouvelés tous les cinq ans.

Du point de vue juridique, les analyses de Delphine Batho et d’Hervé de Lépinau peuvent s’entendre, même si c’est la loi qui, en 2016, a interdit le recours aux néonicotinoïdes en France. Au niveau européen, ces substances sont restées autorisées, jusqu’à ce que la Commission interdise trois d’entre elles en 2018 puis une quatrième en 2021.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous avons donc eu raison !

M. Julien Dive, rapporteur. Je ne sais pas. Il est facile de dire que l’on a eu raison avant les autres. Pour ma part, je fais confiance à la science : je me réfugie derrière l’avis des scientifiques.

La notion de surtransposition est peut-être discutable : je suis prêt à chercher une nouvelle rédaction de l’intitulé du titre Ier d’ici à la séance. Néanmoins, la formulation que vous nous proposez ne va pas du tout dans le sens des articles 1er et 2. Je maintiens donc mon avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Article 1er : Assouplir le dispositif de la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques et renforcer le conseil aux agriculteurs

Amendements de suppression CE13 de M. Benoît Biteau et CE359 de M. Loïc Prud’homme

M. Benoît Biteau (EcoS). En permettant aux distributeurs de produits phytopharmaceutiques d’assurer à nouveau des missions de conseil, l’article 1er priverait les agriculteurs des vertus du système de séparation des activités de vente et de conseil. Nous risquerions ainsi de revenir à une logique commerciale fondée sur la promotion des pesticides au détriment de l’intérêt général.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous souhaitons également supprimer cet article, qui revient sur une avancée notable de la loi de 2018, bien que cette dernière n’ait pas eu les effets attendus. Nous déplorions à l’époque que l’on reste au milieu du gué, car l’interdiction, pour les distributeurs de produits phytopharmaceutiques, d’assurer des missions de conseil n’était assortie d’aucune solution publique indépendante. Une fois de plus, monsieur le rapporteur, il faut admettre que nous avions malheureusement raison avant les autres. Au prétexte que la loi de 2018 est incomplète, vous préconisez un retour vers le pire ; quant à nous, nous proposons de pousser plus loin la logique et de garantir un conseil agricole désintéressé, indépendant de tous les intérêts économiques et financiers qui, aujourd’hui, prévalent et sabordent le principe de séparation des activités de vente et de conseil.

M. Julien Dive, rapporteur. J’espère ne pas froisser votre ego, monsieur Prud’homme, en disant que vous n’avez pas eu raison avant les autres. Comme je l’ai rappelé tout à l’heure dans mon propos liminaire, ce sujet a été considérablement documenté, tant dans le cadre d’une commission d’enquête parlementaire que par nos collègues Dominique Potier et Stéphane Travert, qui seront peut-être les meilleurs défenseurs de l’article 1er. Nous avons pu constater les limites du principe de séparation des activités de vente et de conseil, qui ont d’ailleurs été confirmées lors des auditions que j’ai menées. On peut notamment déplorer l’insuffisance de la formation et le manque de conseillers de terrain, si bien que le conseil est en réalité donné oralement, « sous le manteau », par les vendeurs. Une suppression de l’article 1er ne résoudrait donc pas le problème, mais l’accentuerait au contraire.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous avions effectivement pointé le manque de conseillers indépendants et la nécessité de les former. D’aucuns avaient prédit le développement d’un conseil « sous le manteau », comme vous dites, depuis 2018. Je le répète, il faut pousser plus loin la logique en garantissant un conseil indépendant assuré par des acteurs publics tels que les chambres d’agriculture, comme je l’ai proposé la semaine dernière en commission du développement durable, ou par le réseau des centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (Civam), qui disposent déjà de conseillers formés en matière de produits phytosanitaires.

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous convenons tous de l’efficacité insuffisante du dispositif de séparation des activités de vente et de conseil, mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain ! Nous devons réformer le système pour qu’il devienne réellement efficace : c’est précisément ce qui permettra de surmonter les difficultés économiques des exploitants, que des conseillers indépendants orienteront vers des pratiques agricoles plus rentables. La confusion des activités de vente et de conseil, au contraire, vise davantage à renflouer les caisses des distributeurs de pesticides que celles des agriculteurs.

Mme Hélène Laporte (RN). Nous voterons évidemment contre ces amendements de suppression, car la fin de la séparation des activités de vente et de conseil en matière d’engrais et de produits phytopharmaceutiques est une mesure de bon sens. Elle résulte d’un constat factuel : cette séparation artificielle de deux activités intimement liées n’a absolument pas conduit à une baisse des ventes d’intrants. Cette situation démontre ce qui relève de l’évidence pour quiconque connaît le monde agricole : si les agriculteurs ont recours à des engrais et à des produits phytosanitaires, ce n’est pas parce qu’ils sont manipulés par des lobbys qui leur vendent des substances inutiles, mais au contraire parce que ces produits sont des auxiliaires bénéfiques et même indispensables pour produire de façon compétitive. Comme à l’accoutumée, les groupes Écologiste et LFI préfèrent l’idéologie à la réalité.

Mme Anne-Laure Blin (DR). La séparation des activités de conseil et de vente est une catastrophe pour les agriculteurs, qui se voient privés d’une expertise précieuse. Les conseils stratégiques à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques (CSP) ayant échoué dans leur mission, les agriculteurs ne bénéficient plus des conseils dont ils auraient tant besoin. Un rapport révèle ainsi que seuls 10 000 conseils stratégiques ont été tenus, alors que près de 250 000 exploitations sont concernées par cette obligation, soit un taux d’atteinte de la cible d’environ 4 %. Selon le rapport d’une mission d’évaluation menée par le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, ce manque de CSP a empêché trente mille agriculteurs de renouveler leur certiphyto en 2024. Par ailleurs, le prix unitaire d’un conseil stratégique, pourtant censé permettre des économies, se situe entre 500 et 600 euros.

M. Dominique Potier (SOC). Comme mes collègues Biteau et Prud’homme, je suis très favorable à un conseil indépendant qui affranchirait les agriculteurs du conseil commercial, favoriserait la transition agroécologique et pourrait être délivré par trois familles : la puissance publique, dans le cadre d’une sorte de délégation de service public accordée au réseau consulaire ; les organismes nationaux à vocation générale (Onag) tels que les Civam, ou d’autres ; des conseillers indépendants, libéraux.

Cependant, cette proposition défendue par le Président de la République en 2017 et soutenue par France nature environnement (FNE) s’avère impraticable, car on ne peut empêcher un commercial de donner un conseil à un agriculteur, à moins de mettre un gendarme derrière chacun d’eux. Ce n’est donc pas une question idéologique : en pratique, le conseil indépendant ne marche pas, et nous avons donc continué sur la voie du conseil commercial.

M. Julien Dive, rapporteur. J’entends les positions des uns et des autres : comme tout à l’heure, certains expliquent qu’il faut maintenir le dispositif de séparation des activités de vente et de conseil, tandis que d’autres entendent revenir dessus. Des amendements à l’article 1er visent à l’aménager. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

2.   Réunion du mardi 13 mai 2025 à 21 heures 30 : examen des articles (suite)

Article 1er (suite) : Assouplir le dispositif de la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques et renforcer le conseil aux agriculteurs

Amendement CE520 de M. Patrice Martin

M. Patrice Martin (RN). Nous proposons une réécriture partielle de l’article 1er afin de revenir sur deux mesures particulièrement contestées par le monde agricole : l’interdiction des remises, rabais et ristournes (3R) sur les produits phytopharmaceutiques, d’une part, et la séparation stricte entre la vente de ces produits et le conseil, d’autre part. Ces dispositions, adoptées sans réelle évaluation des impacts, ont fragilisé l’autonomie économique des exploitants et rendu plus complexe l’accès à un conseil technique pertinent.

Nous souhaitons également reprendre le dispositif du conseil stratégique facultatif, en l’intégrant au conseil stratégique global que le rapporteur du Sénat a ajouté en commission. L’objectif est clair : redonner de la souplesse, de la cohérence et de l’efficience à l’accompagnement des agriculteurs sans leur imposer une contrainte administrative supplémentaire déconnectée des réalités du terrain.

M. Julien Dive, rapporteur. Je m’en tiens à l’équilibre qui a été trouvé au Sénat. Nous avons déjà eu ce débat à propos de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Egalim 1 », qui interdit les remises, rabais et ristournes pour les produits phytopharmaceutiques, mais qui les autorise pour les produits de biocontrôle. À l’époque, une comparaison pertinente avait été faite avec la vente de médicaments, qui interdit, elle aussi, les remises au profit du conseil – la qualité de celui-ci étant assurée par des garde-fous. Je suis donc défavorable à cet amendement ainsi qu’à tous ceux qui visent à rétablir les 3R.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CE579 M. Christophe Barthès, amendements identiques CE524 de M. Patrice Martin, CE616 de M. Robert Le Bourgeois et CE639 de M. Guillaume Lepers (discussion commune)

M. Christophe Barthès (RN). Nous souhaitons abroger la section 4 bis du code rural et de la pêche maritime, qui prohibe le cumul du conseil et de la vente. Par cohérence, nous proposons de supprimer les dispositions introduites par le Gouvernement au Sénat qui sabotent la proposition de loi.

Depuis son entrée en vigueur, l’interdiction du cumul entre le conseil et la vente n’a cessé de pénaliser la filière agricole française. Les rapports successifs démontrent qu’elle a complexifié les relations avec le monde agricole. Pire, alors qu’elle visait à diminuer l’usage d’intrants, elle a eu pour effet de réduire l’information donnée aux usagers. L’acharnement du Gouvernement à conserver cette interdiction confine à l’aveuglement. Le secteur déplore en outre l’imprécision du terme « conseil ». Tout cela aboutit à des situations absurdes où les informations sont communiquées oralement aux agriculteurs, qui les recopient sur un bout de papier. Les fabricants qui, par responsabilité et par éthique, s’imposent d’élaborer des instructions d’utilisation de leurs produits en viennent à flirter avec ce qui s’apparente à du conseil prohibé.

M. Patrice Martin (RN). Nous voulons revenir sur l’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques, mesure qui s’est avérée profondément contre-productive : elle a désorganisé les circuits d’approvisionnement, renchéri les coûts pour les agriculteurs sans réduire significativement les volumes utilisés et créé une distorsion avec nos voisins européens, qui n’appliquent pas un dispositif équivalent. Elle pèse sur la compétitivité des exploitations, en particulier des plus modestes, et empêche toute logique de négociation commerciale équitable, surtout quand les agriculteurs attendent des alternatives crédibles aux produits phytopharmaceutiques.

M. Robert Le Bourgeois (RN). En demandant le rétablissement des remises, rabais et ristournes pour les produits phytopharmaceutiques, nous réaffirmons notre confiance et notre soutien aux agriculteurs, sur lesquels le discrédit est trop souvent jeté. Il faut le dire et le redire : nos agriculteurs font, pour la plupart, un usage raisonné de ces produits. L’utilisation des produits de biocontrôle augmente, tandis que celle des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction est en baisse constante et significative. J’ajoute que l’interdiction des 3R a engendré une certaine complexité. Nous souhaitons y mettre fin.

M. Guillaume Lepers (DR). La suppression des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques introduite par la loi Egalim 1 pénalise les agriculteurs, qui ne bénéficient pas systématiquement des meilleurs prix. Cela a des conséquences sur leur compétitivité et introduit une distorsion avec leurs concurrents européens. Nous voulons par conséquent réintroduire ces pratiques commerciales.

M. Julien Dive, rapporteur. J’ai déjà expliqué pourquoi j’étais défavorable au rétablissement des 3R. Je fais moi aussi confiance aux agriculteurs, monsieur Le Bourgeois : ils font un usage responsable et raisonnable des produits. Ils ont aussi besoin d’être accompagnés et conseillés – nous en reparlerons au sujet de la séparation entre le conseil et la vente et du conseil stratégique global.

La pratique des 3R induit, entre autres, le risque que les agriculteurs stockent des produits achetés à un prix attractif, dont ils n’ont pas une utilité immédiate et qui pourraient être prohibés ultérieurement. Ainsi, des substances interdites sont encore employées dans certains territoires. Même si ce n’est pas l’argument principal, c’est aussi pour éviter cet effet de stockage que les 3R doivent être proscrits.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je vois un autre effet pervers à ces pratiques : en maintenant des abattements sur le prix des pesticides, on dissuade les agriculteurs de s’en éloigner. En outre, en vertu du principe « pollueur-payeur », les redevances pour pollution diffuse des agences de l’eau sont calquées sur le prix des produits phytopharmaceutiques. Les ristournes induisent donc un manque à gagner pour ces agences : c’est la double peine. C’est pourquoi nous sommes opposés à ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE636 de M. Guillaume Lepers

M. Guillaume Lepers (DR). Dans les faits, la séparation de la vente et du conseil a surtout fait disparaître le conseil de terrain, essentiellement réalisé par des coopératives et des négociants. L’offre de conseil reste insuffisante au regard des besoins. Les agriculteurs ne bénéficient plus du même accompagnement que précédemment, ce qui nuit à la compétitivité et à l’innovation. Nous proposons donc de mettre fin à cette séparation.

M. Julien Dive, rapporteur. Je maintiens mes positions sur la séparation entre le conseil et la vente. Comme je l’ai dit dans mon propos introductif, je considère qu’il y a matière à revoir entièrement la question – des amendements d’aménagement ont d’ailleurs été déposés. À titre personnel, j’étais favorable à l’abrogation de cette séparation, mais j’ai entendu vos arguments et ceux des personnes auditionnées. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous comprenons la volonté de mettre du conseil à la disposition des agriculteurs ; le problème est que vous proposez qu’il soit dispensé par des vendeurs de pesticides, ce qui nous éloigne de la volonté de séparer le conseil et la vente. Nous plaidons pour un conseil indépendant, éventuellement public, qui redonne une autonomie de décision aux agriculteurs.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CE144 et CE145 de M. Benoît Biteau (discussion commune)

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous souhaitons tous que les agriculteurs retrouvent de la rentabilité – certains parlent même de compétitivité. Pour y parvenir, ils doivent bénéficier de conseils avisés, indépendants de la vente et qui respectent leur autonomie de décision. La séparation du conseil et de la vente prévue par la loi Egalim 1 doit être préservée, de même que la définition des conseils stratégique et spécifique. Le conseil doit être impartial, protecteur pour la santé publique et l’environnement et respectueux de la liberté de choix des agriculteurs. Il ne doit pas être influencé par des objectifs commerciaux. L’absence de séparation entre vente et conseil risque d’entraîner des recommandations en cascade : si, par exemple, on favorise une fertilisation azotée accrue, on devra aussi conseiller une protection phytosanitaire beaucoup plus élevée pour lutter contre les insectes, les champignons et les adventices. Ce peut être l’amorce d’un cercle vicieux : plus on utilise de substances de synthèse, plus on en est dépendant.

M. Julien Dive, rapporteur. Au-delà de votre bel argumentaire, vous souhaitez supprimer les alinéas qui redéfinissent la séparation entre la vente et le conseil, au profit d’un statu quo. Il s’agit, somme toute, de propositions de repli par rapport à vos amendements de suppression : j’y suis tout aussi défavorable. Je préconise un aménagement de la séparation entre la vente et le conseil, dont des travaux parlementaires ont montré l’inefficacité.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE57 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Actuellement, une holding qui détient un agrément pour des activités de vente et de conseil peut en faire bénéficier tous ses établissements, en cascade. Nous souhaitons que chaque établissement qui se livre à ces activités sollicite un agrément en propre. L’objectif est de préserver la valeur et la robustesse des agréments.

M. Julien Dive, rapporteur. Vous voulez instaurer de nouvelles contraintes et de nouvelles entraves à l’attribution des agréments, en complexifiant le dispositif. Avis défavorable.

M. Benoît Biteau (EcoS). Il s’agit, au contraire, de s’assurer que les agriculteurs bénéficieront d’un conseil pertinent qui les aidera à éviter les entraves, notamment la dépendance à des pesticides dont ils peuvent se passer.

M. Stéphane Travert (EPR). Avec la loi Egalim de 2018, nous avons précisément voulu garantir l’indépendance des conseillers et des vendeurs de produits phytosanitaires. La séparation capitalistique devait garantir la robustesse des agréments, et donc la qualité des missions. Or elle s’est avérée inopérante ; elle n’a pas atteint les résultats escomptés, même si la vente de produits phytosanitaires a diminué. Des blocages sont apparus dans certaines entreprises, sans que cela remette en cause la robustesse des agréments et du conseil. C’est pourquoi nous souhaitons faire évoluer le système, tout en maintenant la séparation entre la vente et le conseil.

M. Dominique Potier (SOC). Même si cet amendement mériterait d’être précisé, nous le soutenons : la vente en ligne, la filialisation et l’« ubérisation » risquent d’entraîner une dilution d’agréments désincarnés qui déresponsabilisera les vendeurs.

Avec notre collègue Stéphane Travert, nous avions identifié deux pistes que la commission d’enquête sur les pesticides a explorées. La première, inspirée du modèle québécois, consistait à expérimenter un ordre professionnel des conseillers en phytopharmarcie afin de favoriser le développement de la profession de phytiatre. La proposition était audacieuse et probablement en avance sur son époque, mais elle reste une voie d’avenir.

La seconde piste était de retirer leur agrément aux vendeurs qui n’entraient pas dans une dynamique d’économie des produits phytosanitaires. C’était une menace lourde, qui a été désamorcée par la séparation entre le conseil et la vente. En effet, on ne peut pas exiger d’une coopérative qu’elle enclenche une réduction de ces produits dès lors qu’il lui est formellement interdit de dispenser du conseil. C’est un des effets pervers de la séparation entre le conseil et la vente : elle a ruiné l’espoir des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP).

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous soutenons cet amendement. L’une des entraves actuelles est précisément la dépendance aux produits phytosanitaires, entretenue par les entreprises qui les commercialisent et qui ont tout intérêt à conseiller d’en employer davantage. Or les études démontrent que les fermes qui s’en sortent le mieux sont celles qui cherchent à limiter leurs charges, et donc à réduire l’usage de produits phytosanitaires. Pour des raisons environnementales et sanitaires, mais aussi pour favoriser la performance économique des exploitations agricoles, le conseil doit être indépendant.

M. Julien Dive, rapporteur. Cet amendement ne répond pas à l’objectif louable de sortir de la dépendance aux produits phytopharmaceutiques. Il prévoit plutôt de multiplier et de complexifier les demandes d’agrément, y compris pour les firmes qui proposeraient des solutions de biocontrôle. Vous pénalisez finalement ceux qui cherchent à s’affranchir des produits phytopharmaceutiques.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE58 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Je comprends la frustration de ceux qui ont œuvré à séparer les deux activités. Elle est inévitable, puisque, dans les faits, on ne peut pas empêcher les vendeurs de faire du conseil. Nous ne souhaitons pas contrôler chaque vendeur, mais proposer un conseil totalement dissocié de la vente. Une fois encore, il s’agit de rendre aux agriculteurs leur autonomie de décision. C’est pourquoi nous souhaitons que chaque établissement qui souhaite exercer des activités de vente et de conseil sollicite un agrément.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons exposées précédemment.

M. Stéphane Travert (EPR). Il ne s’agit pas de frustration, mais de pragmatisme : quand un dispositif ne fonctionne pas, on le modifie, même si on y était favorable à l’origine. Nous devons travailler à la sécurisation juridique du vendeur et de l’applicateur. La séparation entre vente et conseil, ainsi que les dispositifs que nous proposerons tout à l’heure, sont essentiels pour assurer l’efficacité de la mesure et réduire l’utilisation de produits phytosanitaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE360 de Mme Mathilde Hignet

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). La séparation de la vente et du conseil permet d’éviter les conflits d’intérêts. Si elle n’a pas bien fonctionné jusqu’à présent, c’est parce que nous ne sommes pas allés assez loin, notamment dans la formation de conseillers indépendants. Les dispositions de l’article 1er vont à rebours des annonces, en particulier du plan Écophyto 2030 qui vise à réduire de 50 % l’utilisation de pesticides à l’horizon 2030 par rapport à la période 2015-2017. Les agriculteurs nous reprochent de leur imposer tout et son contraire ; pour eux, ces injonctions contradictoires sont de vraies contraintes.

M. Julien Dive, rapporteur. Vous voulez détricoter le nouveau cadre de la séparation entre conseil et vente ; j’y suis défavorable. Je rappelle que la proposition de loi entend préserver cette séparation pour les fabricants, ce qui pourra vous rassurer.

M. Dominique Potier (SOC). J’ai rendu un rapport au Gouvernement en 2014 sur les pesticides et l’agroécologie. À l’époque, nous avions écarté le projet de séparer vente et conseil, car nous pressentions, avec le ministre de l’agriculture et toutes les parties prenantes, que c’était une fausse bonne idée. Dix ans après, la commission d’enquête a démontré que ce dispositif ne pouvait pas fonctionner, pour des raisons structurelles, et qu’il avait même des effets pervers puisqu’il déresponsabilisait le vendeur et nous privait de la dynamique des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques.

Nous ne défendons pas une trajectoire anti-agroécologique. Au contraire, nous proposons de créer un conseil public en agronomie et de rétablir les CEPP. Maintenir la séparation entre le conseil et la vente, ce serait perpétuer un échec.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Vous partez du postulat que l’on ne peut pas décorréler la vente du conseil puisque, sur le terrain, le vendeur sera de toute façon obligé de donner des conseils. Mais comment le vendeur pourrait-il donner des conseils désintéressés si l’intérêt économique de son entreprise est de vendre le plus possible de pesticides ? Comment faites-vous pour supprimer ce conflit d’intérêts ? En outre, j’aimerais que vous nous prouviez que vous avez mis suffisamment de moyens pour que la séparation entre vente et conseil soit un succès : nous ne les avons pas vus, ces moyens ; nous n’avons pas vu dans les chambres d’agriculture se multiplier des conseillers allant dans les fermes pour inciter à la baisse de l’utilisation des produits phytosanitaires. À notre avis, c’est cela la raison de l’échec.

Mme Hélène Laporte (RN). Dans ce débat sur la séparation entre vente et conseil, on oublie de dire que l’utilisation des produits phytosanitaires a diminué. Les ventes de substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction se sont même littéralement effondrées au cours des dernières années, passant de 6 111 tonnes en 2009 à 88 tonnes en 2023. Cités par le Président de la République Emmanuel Macron lors du salon de l’agriculture de 2024, ces chiffres n’ont pas été contestés. Une multitude d’amendements sur la séparation entre vente et conseil ont été déposés, mais tenez déjà compte de l’effondrement des ventes !

M. Benoît Biteau (EcoS). Ces indicateurs ne sont pas les bons, madame Laporte : il ne faut pas retenir le tonnage, mais le nombre moyen de doses unités par hectare. Pour obtenir une cuve de deux cents litres de mélange nécessaire au traitement d’un hectare, il suffit désormais de dix grammes d’une substance conditionnée en sachet hydrodispersible, alors qu’il fallait auparavant trois litres de produit pour obtenir une égale toxicité. Dans ces conditions, le tonnage diminue forcément ! Quand on retient le bon indicateur, c'est-à-dire le nombre de doses unités (Nodu), on constate que l’utilisation des pesticides augmente de 5 % par an depuis 2008, date du lancement du plan Écophyto sur fond de Grenelle de l’environnement, qui prévoyait une baisse de 50 % de l’utilisation des pesticides… Si nous utilisions les bons indicateurs, cela irait beaucoup mieux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE119 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Cet amendement reprend une disposition, balayée au Sénat, qui s’inspirait de la loi Egalim du 30 octobre 2018. Nous voulons préserver les règles de séparation capitalistique pour les producteurs de produits phytopharmaceutiques à faible risque et ne laisser faire du conseil stratégique qu’aux seuls vendeurs de produits de biocontrôle (ou utilisables en agriculture biologique). Les produits de biocontrôle et assimilés ont d’ailleurs bénéficié d’un « coupe-file » dans la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014 : l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) les traite en priorité, avant les solutions chimiques.

M. Julien Dive, rapporteur. Si j’ai bien compris votre amendement, vous voulez étendre la séparation entre le conseil et la vente aux produits composés de substances de base et aux produits à faible risque. Si c’est le cas, j’émettrai un avis défavorable, car cela créerait une incohérence dans les dispositions relatives aux produits phytopharmaceutiques du code rural. En effet, les substances de base et les produits à faible risque sont exclus de l’interdiction de remises, rabais et ristourne lors de la vente et sont définis comme des méthodes alternatives. Mais votre présentation de l’amendement me semble différente.

M. Dominique Potier (SOC). Notre intention est évidemment de laisser les vendeurs de produits de biocontrôle promouvoir leurs produits, y compris par du conseil stratégique. Ce privilège du conseil stratégique, retiré aux vendeurs commerciaux et devenu monopole de la puissance publique, est laissé aux vendeurs de produits de biocontrôle. Mais j’admets que ce n’est peut-être pas très clair. Comme ce n’est pas une affaire fondamentale, je vais retirer l’amendement pour éviter toute confusion et malentendu. Nous pourrons proposer une nouvelle rédaction car, quoi qu’il en soit, nous sommes d’accord pour considérer que les produits de biocontrôle doivent bénéficier d’un régime particulier comme dans de nombreux domaines.

M. Julien Dive, rapporteur. C’est une bonne idée de retirer l’amendement : tel que rédigé, il pouvait prêter à confusion et son adoption aurait pu entraîner des conséquences non voulues.

L’amendement est retiré.

Amendement CE59 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Il s’agit toujours de clarifier les rôles, par exemple quand conseillers et vendeurs appartiennent à des établissements différents d’une même entreprise ou quand une entreprise est partiellement détenue ou gérée par un producteur de produits phytopharmaceutiques. Nous proposons d’étendre la séparation entre vente et conseil à ces situations : les vendeurs de pesticides ne doivent pas délivrer de conseils aux agriculteurs.

M. Julien Dive, rapporteur. Il est dans la même veine que les amendements CE144 et CE145. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE691 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Nous voulons que l’activité de conseil soutienne la mise en place de pratiques et d’infrastructures agroécologiques dont l’efficacité pour diminuer la dépendance aux pesticides est avérée. Cela passe par la valorisation de la biodiversité et le renforcement de la santé des sols, l’adoption de mesures préventives telles que l’usage de variétés tolérantes ou résistantes aux maladies, des pratiques agricoles adaptées et la combinaison de solutions agronomiques. À la différence des pesticides, la protection agroécologique des cultures permet aussi d’agir à l’échelle du territoire et de l’agrosystème, ainsi que sur tous les bioagresseurs. L’activité de conseil doit donc valoriser pleinement ces pratiques.

M. Julien Dive, rapporteur. L’alinéa 7 est une modification de coordination avec l’alinéa 6, qui assouplit la séparation vente-conseil. Par souci de cohérence, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE692 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Selon l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, les détenteurs de l’agrément doivent concourir à la réalisation des plans Écophyto. Or, ceux-ci n’ont jamais atteint leurs objectifs, au point qu’une commission d’enquête, pilotée par notre collègue Dominique Potier, a été entièrement consacrée aux causes de ces échecs. Il existe pourtant une solution, préconisée par les scientifiques : engager la transition de notre système agricole vers l’agroécologie. Nous proposons de préciser que les détenteurs de l’agrément doivent promouvoir la mise en place de pratiques et d’infrastructures agroécologiques.

M. Julien Dive, rapporteur. Cela reviendrait à obliger les détenteurs de l’agrément comme les distributeurs, mais aussi les producteurs, à adopter des pratiques et des infrastructures agroécologiques, ce qui n’est pas leur mission. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CE147 de M. Benoît Biteau et CE361 de M. Loïc Prud’homme (discussion commune)

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous proposons de supprimer les alinéas 9 à 25, afin de conserver la séparation capitalistique, organisationnelle et des ressources humaines entre les activités de conseil et celles de mise en vente, vente, distribution ou application de produits phytosanitaires. Si nous n’adoptons pas cet amendement, un salarié d’une entreprise de vente de pesticides pourra délivrer aussi du conseil, soit l’exact inverse de ce que nous avions prévu dans la loi Egalim 1.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous sommes pour la séparation entre vente et conseil, je le répète. « Ce n’est pas parce que ça n’a pas marché que c’est un échec », dirait le président Macron. Nous pensons que cela peut fonctionner. Commencez par répondre à la demande de notre collègue Manon Meunier : prouvez que des moyens suffisants ont été déployés pour faire en sorte que le dispositif fonctionne ! Pour notre part, nous proposons une solution : une séparation intransigeante entre vente et conseil, avec un conseil public gratuit qui fera péricliter le conseil donné sous le manteau par les vendeurs. Si vous pouvez bénéficier d’un conseil pertinent, indépendant et gratuit, vous pouvez réduire vos charges, améliorer votre revenu et le niveau agronomique de votre exploitation. C’est tout bénéfice. Dans ces conditions, la séparation entre vente et conseil fonctionne.

M. Julien Dive, rapporteur. Monsieur Prud’homme, si c’est à mon intention que vous relayez la demande de madame Meunier, je tiens à vous dire que je ne me sens pas visé : je ne suis pas l’instigateur du dispositif de séparation entre vente et conseil et je n’étais pas au Gouvernement lors de sa mise en place. Je n’ai pas les éléments de réponse. Peut-être se trouvent-ils dans les différents rapports parlementaires sur la question ? Sinon, vous pourrez toujours interroger le Gouvernement en séance.

Quant aux amendements, l’un propose de supprimer les alinéas 9 à 25, l’autre les alinéas 9 à 16. On ne taille plus à la serpe, mais à la hache ! Ces amendements dénaturent complètement l’article 1er et l’équilibre obtenu. Avis défavorable.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Vous n’étiez certes pas au Gouvernement, mais la défense de cet article suppose de donner une réponse à la question centrale que je soulève. Cet article est en effet bâti sur un postulat : la séparation entre vente et conseil n’a pas fonctionné. Il faut se demander pourquoi : pour des raisons de fond ou parce que les moyens nécessaires n’ont pas été mis sur la table ? Nous croyons à la deuxième option. Il faut mettre des moyens pour avoir, dans les chambres d’agriculture, des conseillers formés qui pourront accompagner les agriculteurs et contrebalancer l’influence des vendeurs de produits phytosanitaires, omniprésents sur le terrain.

M. Dominique Potier (SOC). Je connais bien notre collègue Manon Meunier, sa formation, son expertise et son engagement, mais je vais répéter ce que disent tous les observateurs et ce qu’enseignent des années d’expérience : on ne peut pas empêcher un commercial de donner un conseil, à moins d’être dans un système policier absolu. Il faut donc développer une offre alternative en guise d’antidote : le conseil public. Au terme de notre commission d’enquête, nous avions proposé un conseil universel prodigué par mille agronomes au cours de deux demi-journées pendant ce que l’on appelait les « mortes-saisons », les périodes où les commerciaux donnaient des conseils pour le printemps et l’automne. Ce conseil agronomique universel inclurait les conséquences des produits sur l’air, l’eau, la biodidiversité, etc. Nous avons un amendement en ce sens, qui, je l’espère, suscitera votre intérêt.

L’expérience nous enseigne aussi que certains agriculteurs n’iront pas voir les conseillers publics, ce qui est leur droit. Par conséquent, il faut que le conseiller commercial soit responsabilisé concernant l’impact des produits sur l’eau, la biodiversité et l’économie de l’exploitation, ce qui est le but du dispositif des CEPP. Si nous séparons le conseil de la vente, le conseiller ne pourra pas entraîner l’agriculteur vers une voie plus responsable. C’est la raison de notre désaccord : la meilleure volonté du monde peut provoquer les pires échecs.

M. Stéphane Travert (EPR). Quand on interdit à un vendeur de faire du conseil, on place aussi bien ce vendeur que l’applicateur du produit en pleine insécurité juridique. On sait en effet que, de toute façon, le vendeur donnera des conseils, pour diverses raisons : il connaît les agriculteurs, les terres exploitées et le territoire ; il a l’habitude de travailler avec eux ; il fait son métier. Dès lors, que se passera-t-il si le produit phytopharmaceutique ne donne pas les résultats escomptés et détruit la récolte ? Vers qui pourra-t-on se retourner ? Ce sont des choses qui arrivent !

S’agissant des moyens, des contrats d’objectifs et de performance (COP) sont signés entre le ministère et les chambres d’agriculture. Celui qui avait été validé en 2018 prévoyait bien l’embauche de personnels pour effectuer ces missions de conseil.

M. Thierry Benoit (HOR). Ce débat, qui me rappelle les échanges que nous avions eus lors de l’examen de la loi Egalim, place les parlementaires en position de suspicion et de défiance vis-à-vis des agriculteurs, des techniciens et des vendeurs. Nous nous torturons le cerveau. Pour ma part, je pense que lorsqu’un agriculteur fait appel à un technicien pour sa culture de céréales, il doit se retrouver devant une personne qui peut à la fois le conseiller et lui vendre les produits. Ce postulat de défiance que nous avons vis-à-vis des agriculteurs et du monde para-agricole nous a conduits à prendre des mesures complexes dans le cadre de la loi Egalim, dont nous mesurons à présent les conséquences. Il est dommage que nous ayons à débattre de ce type d’amendements.

M. Benoît Biteau (EcoS). Pour votre part, vous partez du postulat qu’il est nécessaire d’utiliser des pesticides quand on cultive des céréales. Quand on ne sépare pas le conseil de la vente, on n’a plus affaire qu’à des gens qui font du conseil pour vendre des pesticides. Où les agriculteurs désireux de s’affranchir des pesticides vont-ils alors trouver le conseil si nous ne construisons pas cette force indépendante, éventuellement dans les chambres d’agriculture comme le propose notre collègue Dominique Potier ? Nous devons constituer ce socle de conseillers indépendants pour que le conseil ne soit pas l’apanage des vendeurs de pesticides.

M. Lionel Tivoli (RN). Cet amendement symbolise un mal bien français, consistant à faire toujours plus que l’Europe. En voulant maintenir cette séparation stricte entre vente et conseil, on complexifie au lieu de simplifier et on continue à punir ceux qui conseillent nos agriculteurs sur le terrain – ces techniciens des coopératives, des négoces et des structures locales, que vous accusez d’être juge et partie. Ce sont pourtant ces professionnels qui, depuis des années, aident les exploitants à réduire les doses de pesticides, à changer leurs pratiques et à progresser dans l’agriculture durable. Nous voterons contre ces amendements.

M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). Après ces échanges passionnants, j’aimerais vous faire part d’une expérience personnelle. Je suis producteur de céréales. Si j’avais suivi vos orientations en matière de conseil, j’aurais appliqué deux fongicides sur mon blé cette année – c’est le programme habituel, certains en appliquant même trois. Or, après discussion avec le technicien avec lequel je travaille, je vais me contenter d’un seul, notamment parce que l’année a été peu pluvieuse. Quand un technicien vous suit et vous accompagne, son intervention n’a pas que des effets négatifs et ne se limite pas à vous vendre des produits. Si j’avais eu un programme élaboré en janvier par le technicien de la chambre d’agriculture, j’aurais appliqué deux fongicides.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE362 de Mme Mathilde Hignet

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Dans toutes les écoles de commerce, on vous apprend que, si vous voulez vendre un produit, vous devez créer un besoin – c’est l’exercice « vendez-moi ce stylo », que vous devez connaître. La volonté de faire des profits oriente nécessairement le conseil, comme le montre notamment une récente analyse du Centre d’études biologiques de Chizé : on pourrait réduire de 30 % les pesticides appliqués sur la plupart des cultures céréalières, sans conséquence sur le rendement, si l’on réajustait l’azote en conséquence. Et je ne vous parle même pas de travailler en bio ! Ce sont ces conflits d’intérêts qui empêchent de tels réajustements, qui vont pourtant dans le sens de l’intérêt économique.

M. Julien Dive, rapporteur. Vous proposez de supprimer les alinéas 17 à 22, qui sont des dispositions de coordination. L’alinéa 22, par exemple, permet aux coopérateurs de siéger dans les chambres d’agriculture, en cohérence avec la loi du 15 février 2025 visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE36 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous voulons précisément, en remplaçant l’alinéa 22, revenir sur la loi du 15 février 2025 afin de retrouver l’esprit initial de la loi Egalim et rendre incompatibles des activités de vente de produits phytopharmaceutiques avec un engagement au sein de structures publiques délivrant du conseil, dont les chambres d’agriculture. Un membre d’une coopérative ou d’un organisme de stockage, par exemple, ne devrait pas pouvoir être membre du conseil d’administration d’une chambre d’agriculture. Il s’agit de prévenir les conflits d’intérêts et de préserver l’indépendance des organisations auxquelles nous souhaiterions confier le conseil indépendant.

M. Julien Dive, rapporteur. La loi du 15 février 2025 a permis de pérenniser la possibilité pour les distributeurs, notamment les administrateurs des coopératives, de siéger dans les bureaux des chambres d’agriculture délivrant du conseil, à condition de se déporter lors des travaux concernant l’activité de conseil à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, compte tenu de la séparation entre vente et conseil. Ce déport n’aura plus lieu d’être en raison de l’aménagement prévu par l’article 1er. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Pour notre part, nous ne voyons pas d’inconvénient à réintroduire des présidents de coopératives dans les organes de décision des chambres consulaires. Les règles déontologiques permettent de régler les conflits d’intérêts, comme dans toute société. Il est quand même surréaliste d’exclure les représentants de l’économie sociale et territoriale des conseils de gestion du consulaire. Le problème n’est pas la pression de tel ou tel président de coopérative qui aurait une activité marginale de vente de produits phytopharmaceutiques : le problème, c’est la redevabilité vis-à-vis de l’État. Ainsi, lors des auditions de la commission d’enquête, l’État, le ministère de l’agriculture et les chambres d’agriculture se sont renvoyé la balle concernant l’échec total du conseil stratégique – 9 280 conseils ont été délivrés pour un potentiel de 235 000 bénéficiaires – sans que la responsabilité n’apparaisse.

M. Benoît Biteau (EcoS). La loi du 15 février 2025 visait notamment à remédier à une crise des vocations dans les chambres d’agriculture. Nous avions proposé d’autres solutions, notamment d’imposer une parité stricte entre les hommes et les femmes. Au lieu de cela, on a rouvert à des dirigeants de structures vendant des produits phytopharmaceutiques la possibilité de prendre également le pouvoir dans des structures de conseil. Quant au déport au moment du vote, il ne suffit pas : la personne a forcément eu une influence sur le résultat en intervenant au cours des débats.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE363 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je ne comprends pas que la création d’un conseil entièrement public et indépendant – une manière efficace de prévenir les conflits d’intérêts – n’emporte pas l’adhésion.

En ce qui concerne la présence des présidents de coopérative dans les organes de décision des chambres consulaires, j’ai l’impression que vous vivez sur une autre planète, cher collègue Potier, et j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire en commission du développement durable. Les coopératives agricoles, ce n’est pas le monde des Bisounours. De nombreux syndicats, y compris majoritaire, s’en font l’écho. De nos jours, certaines sont des multinationales qui galvaudent leur statut de coopérative et profitent d’une fiscalité dont elles ne devraient plus bénéficier. Ce sont des parties prenantes de la vente de pesticides, activité dont elles tirent parfois la majeure partie de leur chiffre d’affaires. Arrêtez de donner dans la fausse naïveté, monsieur Potier, vous qui connaissez si bien les sujets agricoles ! N’essayez pas de nous faire croire que les présidents de coopérative seraient des philanthropes.

M. Julien Dive, rapporteur. Vous supprimez des alinéas de coordination qui sont au cœur de l’article 1er. Compte tenu des aménagements que nous voulons apporter au principe de séparation vente-conseil, une personne qui fait du conseil ne pourra pas être employée par un fabricant de produits phytopharmaceutiques et vice-versa ; en revanche, nous laissons cette possibilité aux coopératives et aux distributeurs. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Dans les faits, vous favorisez la non-séparation : c’est un recul inédit et incroyable en matière de conflits d’intérêts, puisque les personnes concernées seront juge et partie, à la fois vendeurs de produits phytosanitaires et conseillers sur l’utilisation de ces mêmes pesticides.

M. Julien Dive, rapporteur. Pas du tout, c’est un abus de langage ! Nous aménageons le dispositif en prévoyant d’exclure les coopératives de l’obligation de séparation de la vente et du conseil, pas les producteurs de produits phytosanitaires. Le cadre est maintenu, mais nous introduisons une nuance de taille, largement documentée par les travaux parlementaires – notamment une commission d’enquête et une mission parlementaire – et nous tenons compte des retours d’expérience du terrain et des acteurs amenés à prodiguer des conseils.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE479 de M. David Taupiac ; amendements identiques CE486 de M. David Taupiac et CE781 de M. Pascal Lecamp ; et amendement CE779 de M. Pascal Lecamp (discussion commune)

M. David Taupiac (LIOT). Le rapport de nos collègues Dominique Potier et Stéphane Travert montre qu’il est nécessaire de revenir sur l’obligation de séparation capitalistique de la vente et du conseil. Il faut toutefois maintenir une séparation opérationnelle, avec le double objectif de limiter les risques de conflits d’intérêts et de réduire l’utilisation des pesticides en agriculture. L’amendement CE479 prévoit donc qu’une même personne ne peut pas exercer les deux activités.

Par ailleurs, si nous mettons fin à la séparation, il faut imposer une facturation différenciée pour permettre à l’agriculteur de distinguer clairement les prestations de vente et de conseil. C’est l’objet de l’amendement CE486.

M. Pascal Lecamp (Dem). Avant de présenter mes amendements, je serais curieux de savoir comment ma collègue Manon Meunier se débrouille pour créer ses besoins d’achats – il faudra qu’on parle « école de commerce »…

Dans une volonté de transparence et d’affichage salutaires, je propose, moi aussi, d’instaurer, comme le recommande le rapport Travert-Potier, une facturation différenciée faisant apparaître le coût du conseil par rapport au prix du produit ; l’agriculteur pourra ainsi faire son choix en fonction du coût réel du conseil.

Mon deuxième amendement vise à interdire, dans les éléments de rémunération variables, l’indexation sur le volume de vente des produits phytosanitaires. Rien n’empêche l’entreprise de prévoir des systèmes de rémunération complémentaire, fondés sur d’autres éléments.

M. Julien Dive, rapporteur. L’amendement CE479 revient sur le cadre établi ; par conséquent, j’y suis défavorable. S’agissant de la question de la facturation distincte, je vous suggère, pour des questions de légistique, de retirer vos amendements au profit de celui de monsieur Travert (CE607), que nous examinerons ultérieurement. À défaut, je donnerai un avis défavorable. Quant à l’amendement CE779, il me semble déjà satisfait mais, par prudence, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Benoît Biteau (EcoS). Même si les dispositions proposées ne sont pas parfaites, nous nous retrouvons dans la volonté de séparation opérationnelle des activités de vente et de conseil. Nous voterons pour cet amendement.

Les amendements identiques CE486 et CE781 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements CE479 et CE779.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE703 de M. Julien Dive, rapporteur.

Amendement CE198 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement vise à supprimer les alinéas 29 à 36 afin de conserver la distinction, justifiée, entre les conseils spécifique et stratégique tels que définis par la loi Egalim. Alors que vous vous donnez la simplification pour objectif, vous complexifiez la procédure en introduisant trois niveaux de conseil : le conseil, à savoir la recommandation d’utilisation d’un produit ; le conseil stratégique, c’est-à-dire les actions pluriannuelles à mener ; et le conseil stratégique global, incluant des données en matière d’agronomie. C’est parfaitement illisible – et, comme chacun sait, quand c’est flou, il y a un loup.

M. Julien Dive, rapporteur. Vous supprimez plusieurs alinéas, dont l’alinéa 31 qui définit le conseil et l’alinéa 36 sur le conseil stratégique. Je ne peux qu’y être défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Outre le conseil opérationnel délivré par un commerçant ou un conseiller indépendant, nous sommes favorables à un conseil stratégique, c’est-à-dire un conseil agroécologique global, annuel, gratuit et universel – nous y reviendrons. Là, ce serait de la simplification. La clarification apportée par monsieur Biteau nous semble bienvenue.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE648 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Cet amendement vise à sécuriser la transmission d’informations techniques, nécessaires à l’accompagnement des agriculteurs. L’article 6 de la directive 2009/128/CE impose en effet aux producteurs de produits phytopharmaceutiques de fournir des informations indispensables sur l’usage d’un produit – conditions d’emploi, risques pour la santé, etc. Ces données ne relèvent pas du conseil, mais bien d’une obligation réglementaire.

Or la définition du conseil retenue dans la proposition de loi ne tient pas compte de cette obligation d’information et entretient une confusion entre le conseil prescriptif et les informations réglementaires, privant les agriculteurs des données indispensables à une utilisation responsable et sécurisée des produits. Pour garantir un cadre juridique clair et sécurisé, il est donc souhaitable de préciser que le conseil se définit comme une recommandation individualisée, portant sur le choix d’une substance active ou d’un produit spécifique et précisant sa cible, les parcelles concernées, la superficie à traiter, la dose recommandée et les conditions précises d’utilisation.

M. Julien Dive, rapporteur. Sur le fond, je suis sur la même ligne. Néanmoins, je vous suggère de retirer votre amendement au profit du mien (CE751), qui reprend cette notion de « recommandation individualisée » et dont la rédaction me semble préférable.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je suis surpris par votre position. Nous proposons un conseil en amont de l’utilisation des pesticides, afin que l’agriculteur conserve son autonomie de décision pour choisir d’en utiliser ou non. S’il décide d’en utiliser, il doit bien entendu disposer de conseils avisés sur leur bon usage, afin de limiter les risques tant pour lui-même que pour les riverains. Vous faites une confusion entre le conseil en amont, qui devrait intégrer des logiques agronomiques et agroécologiques, et le conseil en aval, qui intervient après l’achat de pesticides et porte sur leur utilisation.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Dans une convergence de vues avec le rapporteur, j’accepte de retirer mon amendement au profit du sien, qui est effectivement mieux-disant. J’espère néanmoins qu’il donnera un avis favorable à quelques-uns de nos autres amendements !

L’amendement est retiré.

Amendement CE689 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Notre cap est clair : il faut impérativement réduire l’usage et les impacts des pesticides, afin de respecter l’objectif des plans Écophyto. Nous proposons donc de préciser que le conseil stratégique intègre obligatoirement des recommandations de réduction des produits phytosanitaires, plutôt que des recommandations d’utilisation, ce qui nous semble trop vague.

M. Julien Dive, rapporteur. La réduction des produits phytosanitaires est un objectif qui coule de source lorsqu’on parle de préconisations d’usage. Il ne me semble pas opportun de l’inscrire dans la loi. Le conseil sera individualisé et les préconisations d’usage seront délivrées au cas par cas. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE751 de M. Julien Dive

M. Julien Dive, rapporteur. Cet amendement vise à préciser la définition de l’activité de conseil, qui inclut « toute recommandation individualisée d’utilisation de produits phytopharmaceutiques à un utilisateur final », ce qui permet d’englober les conseils spécifique et stratégique. Cette définition exclut les informations techniques relatives aux produits phytopharmaceutiques publiées et diffusées par les producteurs, auxquels il est bien sûr toujours interdit d’exercer une activité de conseil auprès des utilisateurs.

Mme Delphine Batho (EcoS). La loi doit être claire et intelligible. Ce qui me frappe dans ce débat, dont j’ai l’humilité de reconnaître que je ne suis pas une spécialiste, c’est que vous utilisez le même mot pour évoquer des notions différentes, ce qui fait que plus personne n’y comprend rien.

Le dernier amendement de monsieur Fugit, contrairement à celui du rapporteur, supprimait entre autres la phrase suivante : « Il s’inscrit dans un objectif de réduction de l’usage et des impacts des produits phytopharmaceutiques et respecte les principes généraux de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures mentionnée à l’article L. 253-6. ». Franchement, entre les obligations réglementaires qui doivent figurer sur le produit, le conseil mentionné au 3° du II de l’article L. 254-1, le conseil stratégique, puis le conseil stratégique global, ce texte n’est ni fait ni à faire…

M. Julien Dive, rapporteur. Le conseil individualisé englobe le conseil stratégique. Le conseil stratégique global est une autre notion, sur laquelle nous reviendrons ultérieurement. Vous jugez la rédaction proposée mauvaise, ce n’est pas mon avis.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CE137 de M. Jean-Pierre Vigier, CE626 de M. Robert Le Bourgeois, CE635 de M. Thierry Benoit, CE643 de M. Guillaume Lepers, CE657 de Mme Hélène Laporte, CE757 de Mme Danielle Brulebois et CE771 de Mme Anne-Sophie Ronceret ; amendement CE607 de M. Stéphane Travert (discussion commune)

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Le conseil phytosanitaire, qui est essentiel pour accompagner les agriculteurs dans leurs pratiques, ne doit pas devenir systématiquement payant. Imposer la tarification de cette prestation alourdirait les charges des exploitants, en particulier ceux qui sont déjà fragilisés par la crise, et ne garantirait en rien une meilleure qualité de conseil. Sachant que certaines structures d’accompagnement proposent ce service gratuitement, dans une logique de soutien et d’accès équitable à l’expertise, laissons-leur la liberté de fixer leurs modalités de tarification, en fonction des réalités du terrain.

M. Robert Le Bourgeois (RN). Étant donné la situation économique des agriculteurs, en particulier dans certaines régions, nous ne voyons pas l’intérêt de mentionner explicitement que le conseil doit être effectué à titre onéreux. Cette prestation fait partie de la relation de confiance qui se noue entre l’agriculteur et son conseiller.

M. Thierry Benoit (HOR). Lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, c’est aussi leur simplifier la vie autant que faire se peut. Si, au passage, nous pouvons leur permettre de faire des économies, ce sera encore mieux !

M. Guillaume Lepers (DR). On sait la situation des agriculteurs, dont les revenus baissent et les charges augmentent. Imposer une prestation payante alourdirait encore ces dernières et pèserait sur la compétitivité des exploitations, risquant de pénaliser les plus fragiles et de créer une agriculture à deux vitesses.

Mme Hélène Laporte (RN). Cet amendement vise à supprimer le caractère onéreux de la prestation de conseil délivrée par un distributeur de produits phytopharmaceutiques. Il n’y a en effet aucune logique à augmenter les charges des exploitations agricoles, a fortiori dans un contexte de crise du secteur. Pour de multiples raisons, un acteur peut être amené à délivrer des prestations de conseil à titre gratuit et les agriculteurs sont les premiers à en profiter. Laissons donc aux structures qui les accompagnent la possibilité d’en décider.

Mme Danielle Brulebois (EPR). En mentionnant la facturation de la prestation de conseil, la proposition de loi introduit de la rigidité. Cet amendement va vers une simplification, en laissant la liberté aux organismes qui accompagnent les agriculteurs de facturer ou non ce service en fonction des réalités du terrain.

Mme Anne-Sophie Ronceret (EPR). Il est important de laisser aux structures d’accompagnement agricole la liberté de facturer ou non une telle prestation. Nous favorisons ainsi une meilleure adaptation à la réalité du terrain, encourageons une plus grande adhésion à ce conseil bénéfique pour tous et évitons d’alourdir inutilement les charges des exploitations agricoles, déjà fragilisées.

M. Stéphane Travert (EPR). La mission d’information que nous avions conduite avec monsieur Potier avait mis en lumière la nécessité de clarifier et de renforcer les règles qui encadrent la vente et le conseil des produits phytosanitaires. Cette séparation est essentielle pour répondre aux objectifs de diminution d’utilisation et de vente de ces produits et en garantir une utilisation raisonnée et durable, tout en assurant une transparence totale pour les agriculteurs.

Mon amendement vise à préciser que les activités de vente et de conseil doivent être distinguées sur le plan de la facturation. Cette mesure permettra non seulement de maintenir une certaine flexibilité pour les acteurs du secteur, mais aussi d’assurer une transparence accrue entre ce qui relève de la vente du produit et ce qui relève du conseil prodigué.

M. Julien Dive, rapporteur. Je suggère aux auteurs des amendements identiques de les retirer au profit de celui de monsieur Travert, qui supprime, de fait, la notion de « prestation effectuée à titre onéreux » et intègre celle d’une facturation distincte – dont le montant peut d’ailleurs être nul, s’agissant de la prestation de conseil.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Je souhaiterais obtenir une précision de monsieur Travert : son amendement permet-il le conseil à titre gratuit ou pas ?

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). J’ai eu un moment de trouble : j’ai cru que vous étiez de gauche, puisque vous évoquiez une possible gratuité… Mais non, vous êtes bien de droite ! Dans votre grande naïveté, vous voulez laisser la possibilité de ne pas facturer la prestation de conseil, en faisant croire qu’elle ne sera pas incluse, indirectement, dans le prix du pesticide vendu. On fait comme si on faisait une fleur à l’agriculteur en lui prodiguant gratuitement un conseil, alors que le collègue du service commercial prévoit une marge suffisante pour intégrer le coût de ce service dans le prix du produit…

M. Dominique Potier (SOC). Je défends bien sûr les préconisations de la mission menée avec notre collègue Stéphane Travert. Ce n’est pas l’affaire du siècle, mais une question de transparence commerciale.

Soit on inclut le conseil dans le produit, soit on le distingue. Monsieur Prud’homme pense que je prends des vessies pour des lanternes et que je ne suis pas enraciné sur le terrain – je n’ai, après tout, que quarante années d’exercice professionnel… – mais je vois dans la facturation du conseil une opportunité et un risque. L’opportunité, c’est celle d’inciter l’agriculteur à aller chercher un conseil gratuit et universel auprès de la chambre d’agriculture. Le risque, c’est qu’il se tourne vers des plateformes de vente en ligne, contournant ainsi le conseil. C’est pourquoi nous devrions travailler à une meilleure réglementation des activités de vente des produits phytosanitaires. Il ne faudrait pas que la facturation du conseil nous éloigne de la responsabilisation du vendeur dans la question cruciale de la santé de l’agriculteur qui utilise les produits, ni qu’elle favorise l’ubérisation et les phénomènes d’achat en ligne.

M. Henri Alfandari (HOR). L’adoption des amendements identiques ferait-elle tomber l’amendement CE607 de monsieur Travert ?

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Oui.

M. Henri Alfandari (HOR). Dans ce cas, l’amendement de monsieur Travert laisse-t-il la porte ouverte à une prestation gratuite ? Et si elle est effectuée à titre onéreux, la double facturation est-elle bien la règle ?

M. Thierry Benoit (HOR). Dans la pratique, le produit est facturé une fois et le conseil est dispensé à l’occasion d’une, deux ou trois visites. Je répète donc la question : si le principe d’une facturation distincte est adopté, le conseil peut-il être facturé à zéro ? Car c’était cela, le but de mon amendement : supprimer la facturation du conseil.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement de monsieur Travert supprime la disposition du texte selon laquelle la prestation de conseil est effectuée à titre onéreux pour la remplacer par une facturation distincte, dont on nous dit que le montant peut être nul. Je ne vois rien ici qui concoure à la simplification ni à l’intelligibilité de la loi. Notre collègue Benoît Biteau avait déposé un sous-amendement, qui a sans doute été déclaré irrecevable et qui aurait permis de conserver la mention du caractère onéreux de la prestation en complément de la facturation distincte.

M. Julien Dive, rapporteur. Le fait de supprimer la mention du caractère payant de la prestation ouvre le champ des possibles. Dès lors, on peut considérer que la prestation peut être payante ou gratuite. La facturation distincte permet d’indiquer les coûts respectifs : une facture est d’un certain montant, l’autre peut être à zéro – tout ne sera pas gratuit. Bref, l’un n’empêche pas l’autre.

Les amendements CE137, CE643, CE757 et CE771 étant retirés, la commission rejette les amendements CE626, CE635 et CE657, puis adopte l’amendement CE607.

Amendement CE690 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Notre objectif doit être de mettre fin à la dépendance de notre modèle agricole aux produits phytopharmaceutiques.

Il s’agit d’un impératif de santé publique. Je rappelle que la consommation d’eau est actuellement interdite dans onze communes du Haut-Rhin en raison de sa contamination : cette réalité devrait suffire à nous convaincre d’agir en conséquence.

La suppression totale des pesticides est également un impératif économique. Au sein de l’Union européenne, ils coûtent deux fois plus cher au citoyen qu’ils ne rapportent aux firmes qui les fabriquent et les commercialisent.

C’est enfin un impératif de souveraineté puisque 70 % du marché des pesticides est contrôlé par quatre multinationales détenues par la Chine et par des fonds d’investissement américains.

Il est donc nécessaire d’affirmer l’objectif d’une suppression totale de l’usage des pesticides.

M. Julien Dive, rapporteur. Défavorable. L’exemple de l’eau que vous citez renvoie aux aires de captage, qui sont abordées dans l’article 5. Le parallèle avec l’usage des pesticides en agriculture me semble un peu hasardeux, car les résidus trouvés dans l’eau concernent parfois des produits interdits depuis longtemps, tels que l’atrazine.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE706 de M. Julien Dive, rapporteur.

Amendements identiques CE253 de la commission du développement durable, CE196 de M. Benoît Biteau et CE364 de Mme Mathilde Hignet

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement a été adopté par la commission du développement durable, contre mon avis.

M. Benoît Biteau (EcoS). L’article 1er s’éloigne de la simplification recherchée en instaurant trois niveaux de conseil, dont l’utilité est contestable, et je rejoins madame Batho : plus on avance dans cet article, moins on comprend. Pourtant je suis agriculteur et j’ai été le directeur adjoint d’une grosse coopérative qui faisait de la vente et prodiguait du conseil !

L’article 1er s’éloigne aussi de ce qui doit être notre priorité : l’exigence d’un conseil impartial et protecteur de la santé publique, de l’environnement et de la liberté de choix des agriculteurs.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous attendons toujours une réponse à cette question : comment éviter les conflits d’intérêts si une même structure vend et conseille ?

Les travaux de madame Sophie Devienne portant sur les modèles économiques des exploitations montrent que les modèles agroécologiques s’en sortent parfois bien mieux que les modèles conventionnels du fait de la diminution des charges imputable à la suppression des pesticides. Il y a un intérêt économique pour les agriculteurs.

M. Julien Dive, rapporteur. Vos amendements ont pour effet de supprimer le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, qui a été introduit par la loi Egalim.

Selon l’article L. 254-6-2 du code rural, le conseil stratégique « a pour objet de fournir aux décideurs des entreprises utilisatrices de produits phytopharmaceutiques non soumises à l’un des agréments prévus à l’article L. 254-1, les éléments leur permettant de définir une stratégie pour la protection des végétaux ou pour tout autre usage ». Cette stratégie peut consister en une réduction de l’usage des produits.

Il me semble donc souhaitable de conserver cette disposition. Par conséquent, mon avis est défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE510 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Afin d’éclairer les choix des agriculteurs, l’amendement vise, d’une part, à rendre obligatoire le conseil stratégique et, d’autre part, à limiter sa périodicité à des périodes-clés de la vie des exploitations, telles que l’installation, la reprise ou un changement stratégique.

M. Julien Dive, rapporteur. L’article 1er supprime le caractère obligatoire, qui est une source de blocage pour le renouvellement des certificats individuels pour les produits phytopharmaceutiques (Certiphyto). Nombre d’agriculteurs n’y trouvent pas encore leur compte. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Le conseil stratégique n’est plus obligatoire ? Si tel est le cas, il faut absolument soutenir l’amendement de monsieur Taupiac. La contrepartie minimale de la fin de la séparation de la vente et du conseil est l’obligation d’un conseil stratégique, sinon vous vous en remettez entièrement au secteur commercial. Je ne comprends pas votre position, monsieur le rapporteur, compte tenu de l’équilibre que vous avez défendu jusqu’à présent.

M. Benoît Biteau (EcoS). Le conseil stratégique doit être obligatoire, et à une fréquence plus élevée – c’est mon point de désaccord avec monsieur Taupiac.

Et l’alerte de notre collègue Dominique Potier est pertinente : le conseil stratégique global est déterminant.

M. Julien Dive, rapporteur. Monsieur Biteau, vous vous dites favorable au maintien du conseil stratégique, mais vous avez proposé sa suppression tout à l’heure !

Monsieur Potier, le texte supprime l’obligation de renouvellement périodique du conseil prévue par la loi Egalim. Je serai favorable à l’amendement CE609 de monsieur Travert, dont l’objet est de renvoyer à un décret en Conseil d’État la définition des modalités du conseil stratégique (parmi lesquelles, la périodicité), afin de s’assurer qu’il sera bien délivré aux utilisateurs de produits phytopharmaceutiques.

M. Dominique Potier (SOC). Nous avons besoin d’en savoir plus sur l’amendement de monsieur Travert avant de nous prononcer sur celui de monsieur Taupiac : quelle est la périodicité proposée ? Le conseil y est-il obligatoire ou pas ?

M. Julien Dive, rapporteur. Je vous le lis : « Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles le conseil stratégique est délivré aux utilisateurs de produits phytopharmaceutiques et les exigences nécessaires à la prévention des conflits d’intérêts afin de garantir le caractère objectif du conseil et ainsi favoriser une utilisation appropriée et responsable de ces produits. »

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE707 de M. Julien Dive, rapporteur.

Amendement CE201 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Il faut en finir avec l’idée selon laquelle le conseil stratégique ne s’adresse qu’aux utilisateurs de pesticides. Nous devons raisonner de manière complètement inverse : le conseil stratégique a vocation à déterminer si les pesticides doivent être utilisés ou pas et s’il existe des alternatives agronomiques. Sinon, il n’a aucun intérêt.

Il est impératif que le conseil soit fondé sur la science agronomique et assuré par des conseillers indépendants pour le préserver des intérêts commerciaux.

M. Julien Dive, rapporteur. L’amendement restreint le vivier des conseillers, alors que nous en manquons déjà. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE609 de M. Stéphane Travert, amendement CE732 de M. Benoît Biteau, et amendements identiques CE200 de M. Benoît Biteau et CE494 de M. David Taupiac (discussion commune)

M. Stéphane Travert (EPR). Le rapporteur l’a déjà évoqué : mon amendement vise à renvoyer à un décret en Conseil d’État la définition des modalités du conseil stratégique.

Qu’il soit prodigué par les chambres d’agriculture, par les coopératives ou par un organisme indépendant, le conseil stratégique doit être hermétique aux considérations financières liées au conseil et aux produits phytopharmaceutiques.

M. Benoît Biteau (EcoS). L’amendement CE732 vise à exiger une certification des conseillers commerciaux pour garantir leur indépendance. Quant au CE200, il tend à préciser que l’acte réglementaire relatif à la prévention des conflits d’intérêts est un décret en Conseil d’État.

M. David Taupiac (LIOT). Je souhaite, moi aussi, que ce soit un décret en Conseil d’État.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis favorable à l’amendement CE609 et demande de retrait des trois autres.

M. Dominique Potier (SOC). J’ai du mal à comprendre. Face aux enjeux majeurs de l’usage de produits phytopharmaceutiques (santé, protection de l’eau, maintien de la fertilité des sols…), on est en train non seulement de renoncer à la séparation du conseil et de la vente, mais aussi d’abandonner les rares dispositions efficaces s’agissant du conseil stratégique en les renvoyant au Conseil d’État. C’est une manière de dire au Gouvernement de faire ce qu’il veut ! Or on sait très bien ce que veut le ministère de l’agriculture actuellement : c’est en faire le minimum.

L’Assemblée ne peut pas cautionner des reculs écologiques permanents ni renvoyer au Conseil d’État une décision qui relève pleinement de ses prérogatives. Nous ne pouvons pas renoncer à la séparation du conseil et de la vente sans instaurer nous-mêmes un conseil stratégique à une fréquence raisonnable – au minimum deux fois par an.

M. Thierry Benoit (HOR). Le texte fait du conseil stratégique un outil de prévention de l’usage des produits phytosanitaires, fondé sur un diagnostic et les spécificités d’une exploitation. L’amendement se contente d’un décret en Conseil d’État dont le contenu est flou.

Pour ma part, j’irais bien plus loin : je supprimerais l’alinéa 36, partant du constat qu’en 2025, les agriculteurs et les technico-commerciaux sont tous diplômés (baccalauréat professionnel, enseignement supérieur, école d’ingénieurs) et sensibles à la nécessité de réduire, voire de supprimer, le recours à des produits phytosanitaires. Le texte comme l’amendement n’ont pas de sens. Ils infantilisent les agriculteurs et les technico-commerciaux.

M. Julien Dive, rapporteur. Monsieur Benoit, si vous supprimez l’alinéa 36, vous revenez au doit actuel – donc vous renoncez à l’aménagement de la séparation vente-conseil. C’est votre droit et c’est cohérent avec l’amendement visant à le supprimer que vous avez déposé.

L’amendement de monsieur Travert n’est pas un renoncement à l’obligation de conseil stratégique, qui demeure. À l’instar d’autres amendements, il renvoie au Conseil d’État la fixation de la périodicité. Le décret vient en complément des exigences en matière de conflits d’intérêts posées à l’alinéa 36.

L’amendement CE494 étant retiré, la commission rejette successivement les autres amendements.

Amendement CE555 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit de maintenir une séparation opérationnelle entre la vente et le service, sans exiger pour autant une séparation capitalistique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements CE608 de M. Stéphane Travert et CE782 de M. Pascal Lecamp (discussion commune)

M. Stéphane Travert (EPR). Mon amendement vise à rendre obligatoire le conseil stratégique afin de s’assurer que les conseils prodigués sont objectifs et que les produits vendus sont utilisés de manière appropriée et responsable.

M. Pascal Lecamp (Dem). L’amendement du groupe Démocrate tend à rétablir le caractère obligatoire, ainsi que l’actualisation régulière, du conseil stratégique.

M. Julien Dive, rapporteur. Quel dommage ! L’amendement CE608 formait un ticket gagnant avec le CE609, qui a été rejeté. Il est de nature à rassurer monsieur Potier, puisqu’il inscrit dans la loi l’obligation du conseil stratégique. Je lui donne un avis favorable.

M. Dominique Potier (SOC). Nous soutenons l’amendement. Néanmoins, la question de la périodicité reste en suspens. La loi Egalim l’avait fixée à deux fois par période de cinq ans. Or seuls 5 % des agriculteurs en ont bénéficié à ce jour.

Savez-vous que la moyenne triennale d’utilisation des produits phytosanitaires en Nodu n’a pas varié entre 2010 et 2020 ? On ne peut pas continuer ainsi, il faut changer de rythme. Il faut absolument instaurer une obligation de conseil annuel – nous présenterons un amendement proposant deux rendez-vous par an. Le conseil est une chance, non une contrainte pour les paysans.

La commission adopte l’amendement CE608.

En conséquence, l’amendement CE782 tombe.

Amendement CE683 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Pour être le plus utile possible, le conseil stratégique doit fournir aux agriculteurs toutes les informations leur permettant d’optimiser leurs pratiques et de réduire l’utilisation des pesticides.

Cet amendement propose donc que ce conseil comprenne un diagnostic de la santé des sols, afin de fournir des informations clés sur leur état. Il précise également que ce diagnostic doit être associé à un accompagnement vers des pratiques agroécologiques qui permettent de préserver et d’améliorer l’état des sols.

M. Julien Dive, rapporteur. Votre amendement est satisfait par la rédaction de l’alinéa 36, qui prévoit déjà un diagnostic. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE194 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). La loi prévoit que les modalités d’application des dispositions sur la séparation de la vente et du conseil soient déterminées par un décret en Conseil d’État. Sans que l’on comprenne pourquoi, la proposition de loi supprime cette précision. Nous estimons que cette dernière est utile et l’amendement prévoit de maintenir le texte en vigueur.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable, car l’amendement supprime des alinéas de coordination.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CE365 de M. Loïc Prud’homme et CE190 de M. Benoît Biteau (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Mon amendement propose de supprimer les fameux certificats d’économie de produits phytosanitaires. Les membres de cette commission connaissent bien les limites de ce dispositif, puisqu’il est calqué sur celui des certificats d’économie d’énergie, qui ont prouvé leur inefficacité tout en coûtant très cher aux finances publiques. Quand un des obligés du système baisse sa consommation, un autre obligé rachète ses certificats. Grâce à ce mécanisme, il peut augmenter sa consommation de produits phytosanitaires – il s’est acheté une vertu. C’est un jeu à somme nulle.

Les CEPP ne fonctionnent pas. C’est un mécanisme capitalistique qui permet d’acquérir des droits à polluer contre monnaie sonnante et trébuchante.

M. Benoît Biteau (EcoS). Mon amendement vise à conserver l’obligation de réaliser des actions tendant à réduire l’utilisation de produits phytopharmaceutiques pour les personnes soumises à la redevance pour pollutions diffuses. Il faut appliquer le principe « pollueur-payeur » tout en accompagnant ceux qui peuvent réduire leur consommation de pesticides.

M. Julien Dive, rapporteur. Vous proposez de supprimer des alinéas qui visent à recentrer les CEPP sur les distributeurs de produits phytopharmaceutiques. Cette mesure de simplification a été proposée par le Gouvernement et adoptée par le Sénat. Les applicateurs de produits phytosanitaires et les agriculteurs ayant acheté de tels produits à l’étranger représentent à peine 1 % des obligations prévues par le dispositif. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Je suis stupéfait par ces deux amendements, qui révèlent une ignorance complète.

Les CEPP sont une invention de la gauche et de l’écologie. Ils ont été mis en forme par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et ont été détruits par les lobbies de la phytopharmacie – notamment par le biais de la séparation de la vente et du conseil dans la loi Egalim.

Le CEPP est un mécanisme « BtoB » (business to business) qui permet aux entreprises des filières concernées de trouver des solutions. L’Inrae, l’Institut technique agricole Arvalis et l’Association de coordination technique agricole en ont défini des milliers – pour le colza, le blé, les semences… – qui ne sont pas utilisées. Elles permettraient de réduire la consommation de produits phytosanitaires et de commercialiser des produits plus naturels grâce aux actions déclarées conformes et aux échanges de certificats – sachant que le non-respect des obligations est sanctionné.

Ce modèle très vertueux avait commencé à fonctionner, mais il a été mis à bas parce qu’on a empêché les coopératives agricoles d’utiliser les CEPP en les privant de conseils. Vous ignorez tout du mouvement scientifique et écologique qui est à l’origine de ce mécanisme ! La destruction des CEPP est l’œuvre des lobbies favorables aux produits phytosanitaires.

M. Benoît Biteau (EcoS). Monsieur Potier, vous n’avez pas le monopole de la connaissance et nous celui de l’ignorance ! J’ai été directeur-adjoint d’une très grosse coopérative et je suis agriculteur. Je crois savoir de quoi je parle. Votre analyse est biaisée, car vous croyez que les coopératives agricoles relèvent encore de l’économie sociale et solidaire, ce qui n’est absolument plus le cas – c’est d’ailleurs pour cela que j’en suis parti. Par ailleurs, vous n’avez toujours pas compris que les bénéfices des organismes stockeurs reposent sur la vente de pesticides.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE120 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). J’ai financé personnellement le recours que j’ai déposé avec madame Corinne Lepage devant le Conseil d’État afin d’annuler les dispositions de l’ordonnance de 2019 qui concernaient les CEPP. Je considère que ce texte méconnaissait le champ de l’habilitation conférée au Gouvernement.

Je connais le mécanisme des CEPP : c’est bien parce qu’il allait à l’encontre des intérêts de l’industrie phytopharmaceutique qu’il a été supprimé par la loi Egalim, dans des conditions que j’ai contestées.

Mon amendement propose d’effectuer une évaluation de l’expérimentation de l’obligation de mise en place d’actions visant à réaliser des économies de produits phytopharmaceutiques et d’en rendre publics les résultats.

M. Julien Dive, rapporteur. Votre amendement fait référence à l’expérimentation des CEPP, dont le dispositif a été pérennisé par ordonnance en 2019 en application de la loi Egalim de 2018. Cette expérimentation étant terminée depuis plusieurs années, je vous propose de retirer l’amendement, quitte à le retravailler pour la séance pour demander une évaluation du dispositif des CEPP.

M. Dominique Potier (SOC). La séparation de la vente et du conseil instaurée en 2018 a ruiné la dynamique des CEPP. Ce mécanisme avait pourtant commencé à donner des résultats assez extraordinaires s’agissant de la culture du colza.

Ce que je propose permet de renouveler le soutien aux CEPP, dont le potentiel a pu être entrevu entre 2015 et 2018. Les experts, les scientifiques, les agronomes et le rapport d’une commission d’enquête estiment que ces certificats permettront, avec le conseil agronomique dispensé par les chambres d’agriculture, de réduire enfin la consommation de produits phytosanitaires.

L’amendement est retiré.

Amendement CE121 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Les CEPP ont été pérennisés en 2019, mais la sanction financière a disparu avec l’interdiction pour les vendeurs de dispenser des conseils. La seule menace pesant sur les organismes distributeurs est donc le retrait de leur certification. Comme c’est une sanction terrible, elle n’a quasiment jamais été mise à exécution.

Je propose d’établir une pénalité financière, prononcée à l’issue d’une procédure contradictoire, pour les organismes coopératifs ou privés qui n’atteindraient pas les objectifs de réduction de la consommation de produits phytosanitaires qui leur sont fixés. L’objectif est d’encourager toutes les solutions permettant de réduire cette consommation. Encore une fois, il ne faut pas sous-estimer la dynamique engagée grâce aux CEPP, même si elle a été brutalement interrompue par la fausse bonne idée de la séparation du conseil et de la vente.

M. Julien Dive, rapporteur. L’amendement est satisfait, car l’article R. 254-42 du code rural et de la pêche maritime punit d’une contravention de cinquième classe le fait, pour un obligé mentionné à l’article L. 254-10-1, de ne pas justifier avoir obtenu au moins 10 % des CEPP nécessaires pour satisfaire à l’obligation notifiée. Mais si vous voulez ajouter une nouvelle sanction, avis de sagesse.

M. Benoît Biteau (EcoS). Les choses n’ont en effet pas fonctionné comme on l’aurait souhaité, monsieur Potier. Mais dire que la séparation du conseil et de la vente a fait échouer le mécanisme des CEPP est un raccourci : ce n’était pas inévitable.

J’insiste sur le point que j’ai déjà mentionné : on comprend mieux pourquoi les organismes stockeurs n’ont pas intérêt à ce que le mécanisme fonctionne si l’on examine la source de leurs bénéfices.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE254 de la commission du développement durable et CE496 de M. David Taupiac

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je vais laisser monsieur Taupiac défendre cet amendement auquel je suis très favorable, car il permet de fixer des objectifs de réduction de vente de produits phytosanitaires par le biais des CEPP.

M. David Taupiac (LIOT). Le dispositif des CEPP repose sur une obligation de moyens. L’amendement propose d’instaurer une obligation de résultat grâce à la fixation, par l’autorité administrative, d’objectifs chiffrés de réduction des ventes de produits phytopharmaceutiques.

M. Julien Dive, rapporteur. Si l’intention est louable, je vois trois difficultés. Tout d’abord, comment fait-on pour répartir entre les distributeurs les objectifs de réduction des ventes de ces produits ? Ensuite, une baisse des ventes ne correspond pas nécessairement à un moindre recours aux produits phytosanitaires, mais peut résulter d’un stockage ou de la diminution du nombre de clients. Enfin, on risque de pénaliser certaines filières qui disposent de moins d’alternatives. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Ce très bel amendement propose de fixer des objectifs précis de diminution de l’utilisation de pesticides. Tel est bien l’esprit des CEPP, dont les débuts avaient été prometteurs.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je ne comprends pas la position du rapporteur. Le plan Écophyto existe : pourquoi s’opposer au fait que l’autorité administrative fixe des objectifs de réduction des ventes de ces produits ?

M. Julien Dive, rapporteur. Il est tout à fait possible de fixer de tels objectifs, mais comment fait-on pour les répartir entre les distributeurs ? Va-t-on déterminer un objectif global uniforme ou bien détailler les obligations de chaque distributeur ? Même si l’esprit de la mesure est positif, elle me paraît compliquée à appliquer.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE708 de M. Julien Dive

M. Julien Dive, rapporteur. Cet amendement prévoit de faire figurer les nouvelles dispositions relatives au conseil stratégique global dans le livre III du code rural et de la pêche maritime.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CE255 de la commission du développement durable et CE501 de M. David Taupiac, amendement CE205 de M. Benoît Biteau (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’étais favorable à l’amendement CE255 et je laisse monsieur Taupiac défendre le sien, qui est identique.

M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit de rendre obligatoire le conseil stratégique.

M. Benoît Biteau (EcoS). Le conseil stratégique global est un élément déterminant pour permettre aux agriculteurs d’effectuer des choix pour leur entreprise. Mon amendement propose que ce conseil soit obligatoire et annuel, afin de progresser vers une réduction significative de l’utilisation des pesticides et d’améliorer la rentabilité des exploitations en réduisant les coûts de production.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable à l’amendement CE205, car il introduit une périodicité. Avis de sagesse pour les deux identiques.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CE256 de la commission du développement durable et CE122 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Une commission d’enquête a révélé que la stratégie de maîtrise des produits phytosanitaires menée depuis dix ans avait échoué. Cette commission a entendu soixante-dix personnes au cours de dizaines d’heures d’audition. Elle a conclu que la solution passait par une petite révolution du conseil.

Les deux outils envisagés pour y arriver sont quasiment supprimés à ce point de nos travaux. En l’état, nous avons un conseil stratégique obligatoire dont personne ne connaît ni la périodicité, ni la forme, ni l’objet. Tout est renvoyé au Conseil d’État, ce qui veut dire que les décisions nous échappent complètement. Quant au mécanisme des CEPP qui a suscité des malentendus tout à l’heure, il est quasiment annihilé alors qu’il associe la science et l’économie.

L’amendement insiste sur la nécessité de mettre en place un conseil stratégique global, annuel, gratuit et universel. Il permettra d’aborder non seulement le sujet des phytosanitaires, mais aussi ceux de l’eau, de la biodiversité et du dérèglement climatique.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable, par cohérence avec l’avis que j’ai donné sur l’amendement CE205 de monsieur Biteau.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Notre collègue Dominique Potier défend cet amendement en faisant, une fois de plus, référence au rapport de commission d’enquête qu’il a rédigé. Il considère que nos travaux annihilent la voie de la science. Son rapport faisait pourtant l’apologie du fameux indicateur HRI 1 (indicateur de risque harmonisé 1), qui ne repose sur aucun fondement scientifique mais a permis d’écarter l’indicateur Nodu, lequel s’appuie sur des bases concrètes et permettait d’évaluer vraiment les progrès accomplis.

Je veux bien que l’on se prévale de la science pour nous donner des leçons, mais elle s’impose à tous.

La commission rejette les amendements.

Amendements CE206 et CE731 de M. Benoît Biteau, CE581 de M. Julien Brugerolles, CE123 de M. Dominique Potier, CE257 de la commission du développement durable, CE695 de Mme Julie Ozenne, CE709 de M. Julien Dive et CE693 de Mme Julie Ozenne (discussion commune)

M. Benoît Biteau (EcoS). Le conseil stratégique global est essentiel pour l’autonomie de décision. Un chef d’entreprise doit pouvoir s’appuyer sur des éléments robustes pour faire les bons choix.

Afin que les conseils fournis soient objectifs et fondés sur la science agronomique, l’amendement CE206 vise à garantir que les conseillers stratégiques soient indépendants et n’aient aucun intérêt dans la vente, la distribution ou l’application de produits phytopharmaceutiques. Pour s’assurer que la qualité scientifique de l’analyse fournie est irréprochable, nous proposons que la prestation soit effectuée à titre onéreux.

L’amendement CE731 propose, quant à lui, de mettre en place une certification pour les conseillers dans le cadre du conseil stratégique global. Selon le texte, être agronome pourrait suffire, mais tous les agronomes ne sont pas forcément des bons spécialistes de l’agronomie. Cette certification est indispensable lorsque l’on sait que des chaires d’agronomie sont financées intégralement par des entreprises comme Bayer. On peut s’interroger sur les conseils que fourniraient les agronomes formés par de telles écoles.

M. Julien Brugerolles (GDR). Comme monsieur Biteau, nous sommes extrêmement favorables au conseil stratégique global et regrettons qu’il reste facultatif.

Le Sénat a supprimé l’obligation de certification des conseillers et a prévu que ces derniers doivent être « compétents en agronomie », ce qui reste assez vague. Nous proposons de rétablir l’obligation de certification, car on sent bien que quelque chose se cache derrière tout cela.

M. Dominique Potier (SOC). L’amendement CE123 apporte une précision sémantique : un « conseiller compétent en agronomie » est tout simplement un agronome.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je n’étais pas favorable à l’amendement CE257 adopté par la commission du développement durable. J’aurais préféré que les conseillers détiennent simplement un certificat individuel de produits phytopharmaceutiques.

Mme Julie Ozenne (EcoS). Le terme « compétents » étant beaucoup trop vague, l’amendement CE695 prévoit que les conseillers doivent être certifiés.

M. Julien Dive, rapporteur. L’amendement CE709, qui répond aux préoccupations exprimées par plusieurs collègues, précise que le conseil porte notamment sur la protection des végétaux et sur l’utilisation efficiente et durable des ressources, et qu’il vise à améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale des exploitations.

Mme Julie Ozenne (EcoS). L’amendement CE693 prévoit que les conseillers qui interviennent dans le cadre du conseil stratégique global doivent également être compétents en agroécologie. Cette notion implique une nouvelle conception des systèmes de production, alors que l’agronomie est l’un de ses outils.

M. Julien Dive, rapporteur. Demande de retrait de tous les amendements au profit de l’amendement CE709.

Pour ma part, je ne jetterai pas l’opprobre sur les conseillers, quels que soient les organismes qui les ont formés et quels que soient les financements que ceux-ci ont reçus.

La commission rejette successivement les amendements CE206, CE731, CE581, CE123, CE257 et CE695.

Elle adopte l’amendement CE709.

En conséquence, l’amendement CE693 tombe.

3.   Réunion du mercredi 14 mai 2025 à 9 heures 30 : examen des articles (suite)

Article 1er (suite) : Assouplir le dispositif de la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques et renforcer le conseil aux agriculteurs

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je rappelle que l’adoption hier soir de l’amendement CE709 du rapporteur a eu pour conséquence de faire tomber l’ensemble des amendements suivants se rapportant au même alinéa, donc jusqu’au CE696 inclus.

Amendement CE199 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Il s’agit d’enrichir les options de pratiques culturales proposées à l’exploitant dans le cadre du conseil stratégique global. Lui seraient présentés plusieurs scénarios, dont la conversion et le maintien en agriculture biologique, et précisées les conséquences de chacun d’entre eux, qu’elles soient agronomiques, environnementales, sanitaires ou, surtout, économiques, dans un contexte où le monde agricole cherche une plus forte rentabilité.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable. Votre amendement est satisfait par l’amendement CE709, de clarification, qui précise que le conseil stratégique global « vise à améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale de l’exploitation ».

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE764 de M. Dominique Potier, amendements identiques CE270 de la commission du développement durable et CE38 de M. Benoît Biteau, amendement CE700 de Mme Julie Ozenne (discussion commune)

M. Dominique Potier (SOC). Alors qu’il va être mis fin à la séparation de la vente et du conseil, il nous faut insister sur les leviers à actionner pour s’engager dans une trajectoire de réduction du recours aux produits phytosanitaires, pour des raisons qui tiennent à l’environnement mais aussi à la productivité et à la rentabilité. Le blocage étant systémique, le déblocage doit l’être tout autant. Il convient donc de proposer un conseil agroécologique global balayant un large spectre : réduction de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre, gestion durable de la ressource en eau, optimisation de la fertilisation – dans le bilan énergétique de l’agriculture, les engrais azotés demeurent une grande inconnue –, préservation et restauration de la qualité des sols.

M. Benoît Biteau (EcoS). L’amendement CE38 vise à préciser les contours du conseil stratégique global en indiquant qu’il est fondé sur un diagnostic comportant une analyse des spécificités pédoclimatiques, des moyens humains et matériels disponibles, des cultures et des précédents culturaux. Cette approche éminemment agronomique permettrait de retracer les parcours de production de la structure concernée tout en cernant les évolutions possibles des pratiques, notamment phytosanitaires. Elle serait bien sûr confiée à des personnes agréées, comme nous l’avons évoqué hier soir.

Mme Julie Ozenne (EcoS). Par l’amendement CE700, nous proposons que le conseil stratégique global intègre un diagnostic de santé des sols, sur lequel l’agriculteur pourrait se fonder pour adopter des pratiques agroécologiques plus respectueuses et réduire l’utilisation des pesticides.

M. Julien Dive, rapporteur. Ces amendements ont tous pour objet de préciser le champ du conseil stratégique global, comme mon amendement adopté hier soir, mais en allant beaucoup plus loin. Pour cette raison et du fait, en particulier, de la périodicité du diagnostic prévue par l’amendement CE38, je demande leur retrait au profit du CE764, au sujet duquel je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Thierry Benoit (HOR). Je soutenais l’amendement CE199, qui offrait la possibilité d’évoquer la conversion en bio parmi les scénarios envisageables tout en laissant l’initiative sur le terrain aux conseillers technico-commerciaux, mais ces amendements corsètent leur travail. En voulant tout prévoir et tout maîtriser, ils compliquent tout, à rebours de l’objectif que ce texte doit viser : simplifier la vie des agriculteurs.

M. Dominique Potier (SOC). Monsieur Benoit, il ne s’agit pas ici du conseil opérationnel fourni par le conseiller technico-commercial, mais du conseil stratégique. Nous nous employons dans nos amendements à en définir la portée, partant du principe qu’il ne doit pas se limiter au domaine phytosanitaire, ce qui le placerait dans une impasse. Les personnes qui en seront chargées – conseillers de la chambre d’agriculture, conseillers indépendants ou encore professionnels issus de structures comme les centres d’initiative pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (Civam) ou des coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma) – devront appliquer une approche agroécologique. Ce faisant, ils constitueront une sorte de contrepoids aux possibles dérives du conseil technico-commercial. Entendons-nous bien, je ne veux pas non plus caricaturer ce dernier. Les conseillers technico-commerciaux ne sont pas là seulement pour pousser à la vente ; ils peuvent aider les agriculteurs à faire des économies, à certifier des produits agroalimentaires sous signe de qualité ou les inciter à des efforts en vue d’une conversion ou d’une optimisation.

M. Julien Brugerolles (GDR). Je soutiens ces amendements qui mettent l’accent sur la maîtrise des charges de mécanisation et d’énergie, éléments fondamentaux qui appellent une analyse plus poussée.

M. Benoît Biteau (EcoS). Monsieur Benoit, le conseil stratégique global intervient en amont des opérations d’achat de pesticides et d’intrants. Il vise à cerner les atouts et les faiblesses d’une exploitation sur la base d’une analyse de la fertilité des sols, du contexte pédoclimatique et des moyens humains, afin de déterminer la bonne stratégie à adopter et d’évaluer la possibilité de ne pas recourir aux molécules de synthèse. Il ne relève pas du conseil technico-commercial.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Compte tenu de la nécessité de procéder à une transition agroécologique, il importe d’accompagner au mieux les agriculteurs dans cette voie, d’autant qu’ils ne sont pas opposés aux adaptations qu’implique le changement climatique : 62 % de ceux qui étaient interrogés dans le cadre d’une enquête récente considéraient la transition écologique comme une nécessité, 23 % déclaraient même y voir une opportunité.

M. Julien Dive, rapporteur. Si je n’ai pas émis un avis défavorable à l’amendement de Dominique Potier, c’est qu’il est le seul à déployer une approche systémique. Il prend en outre en compte des éléments présents dans les autres amendements, notamment la ressource en eau et les sols. Ainsi, il garantit le caractère global du conseil stratégique.

L’amendement CE270 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE764.

En conséquence, les amendements CE38 et CE700 tombent.

Amendement CE525 de M. Patrice Martin

M. Patrice Martin (RN). Nous souhaitons ajouter un alinéa précisant que le conseil stratégique global se fonde sur une approche indépendante, objective et contextualisée prenant en compte les spécificités propres à chaque exploitation agricole – taille, système de production, contexte agroéconomie local. Ainsi seront fournies aux exploitants des recommandations concrètes, opérationnelles et directement transposables, susceptibles d’améliorer durablement la viabilité et la résilience de leur exploitation. En affirmant le principe d’indépendance des conseillers et l’exigence d’une adaptation fine des préconisations, cet amendement garantit un accompagnement individualisé pleinement ancré dans les réalités agricoles et éloigné de toute influence commerciale ou institutionnelle.

M. Julien Dive, rapporteur. Défavorable : l’amendement CE764 que nous venons d’adopter prend en compte une partie de ces éléments.

M. Thierry Benoit (HOR). Depuis l’adoption en 2018 de la première loi Egalim, le débat parlementaire sur ces enjeux n’a guère évolué : nous tentons toujours de tout corseter, alors que la population d’agriculteurs, elle, a connu un profond renouvellement. Les nouvelles générations sont de mieux en mieux formées, plus conscientes de la nécessité de procéder à une transition écologique et se sentent prêtes à ne plus recourir à terme aux produits phytosanitaires. Faisons place à l’initiative locale, ménageons de la souplesse et simplifions : bref, laissons les gens respirer !

M. Jean-Pierre Vigier (DR). En effet, faisons preuve de souplesse et laissons de la liberté à nos agriculteurs : ce sont des chefs d’entreprise qui connaissent leur métier ! Ils n’ont pas besoin de conseils à haute dose, ils savent gérer leur exploitation.

M. Julien Dive, rapporteur. L’amendement CE764 n’entend nullement contraindre les agriculteurs : il vise à élargir le champ du conseil stratégique global. Vous devriez plutôt vous réjouir des allégements que l’article 1er introduit dans la séparation du conseil et de la vente.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE710 de M. Julien Dive, rapporteur, l’amendement CE583 de M. Julien Brugerolles ayant été retiré.

Amendements identiques CE269 de la commission du développement durable et CE39 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Monsieur Vigier, loin de remettre en cause les capacités de discernement des agriculteurs, nous entendons nous fonder sur leurs compétences pour élargir le champ des possibilités qui leur sont offertes. L’approche systémique au cœur du conseil stratégique global les aidera à prendre les bonnes décisions.

Par notre amendement, nous précisons que la possibilité d’exercer les fonctions de conseiller sera soumise à l’obtention d’un diplôme d’ingénieur agronome ou d’un master en agronomie. La loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture a instauré un diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie.

M. Julien Dive, rapporteur. Cette fois, vous faites exactement ce que dénonçait Thierry Benoit : corseter et restreindre. En réservant aux détenteurs d’un diplôme d’ingénieur agronome les possibilités d’exercer les fonctions de conseiller, vous mettez de côté les anciens agriculteurs, professionnels aguerris et expérimentés, ou les détenteurs de BTS (brevet de technicien supérieur), sur l’expertise desquels on peut pourtant compter, et vous omettez la VAE (validation des acquis de l’expérience). Avis défavorable.

M. Benoît Biteau (EcoS). Comme la VAE permet généralement d’obtenir un diplôme, mon amendement la prend implicitement en compte. Elle peut permettre à des agriculteurs de devenir conseillers techniques.

La commission rejette les amendements.

Amendements CE686, CE698 et CE699 de Mme Julie Ozenne (discussion commune)

Mme Julie Ozenne (EcoS). L’amendement CE686 tend à combler une énorme lacune du texte : l’accompagnement des agriculteurs et agricultrices en grande difficulté. Pour celles et ceux, de plus en plus nombreux, confrontés à une accumulation de dettes et à l’isolement, il est très compliqué, voire impossible, de se consacrer aux démarches administratives et judiciaires nécessaires au redressement de leur exploitation, a fortiori d’envisager des changements de pratiques. Nous proposons donc que le conseil stratégique global prévoie un accompagnement humain pour leur venir en aide. Celui-ci doit être mis en œuvre en partenariat avec des structures qui œuvrent déjà en ce sens, comme le réseau associatif Solidarité Paysans.

Toujours dans le cadre du conseil stratégique global, nous proposons que les exploitants se voient proposer un plan de restructuration-diversification – diversification des productions agricoles, développement des pratiques agroécologiques, réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques – ou encore un plan de redressement économique de l’exploitation, étape essentielle vers le changement de pratiques. C’est le sens des amendements CE698 et CE699. On ne peut pas laisser les agriculteurs et les agricultrices sur le carreau.

M. Julien Dive, rapporteur. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable : ces trois amendements apportent des précisions inutiles. L’accompagnement humain est assuré, puisqu’un conseiller se rendra auprès des agriculteurs. Quant aux difficultés économiques, elles sont prises en compte par l’amendement CE709 adopté hier soir, qui mentionne la « viabilité économique » des exploitations – le conseil dans ce domaine est l’une des missions des chambres d’agriculture.

Mme D (SOC). Ces amendements montrent bien que la séparation de la vente et du conseil n’a pas été satisfaisante. Pour accéder à un conseil, désormais indépendant, il faut aux agriculteurs capacités financières et temps de cerveau disponible. Pour ceux qui rencontrent des difficultés, cette démarche est donc compliquée.

M. Benoît Biteau (EcoS). Pour avoir milité plusieurs années au sein de Solidarité Paysans, je sais que ce type d’associations permet de soulager les agriculteurs des charges mentales et financières qui pèsent sur eux en leur offrant un conseil réellement indépendant, madame Thomin, qui les aide, dans un premier temps, à sortir de leurs difficultés et, ensuite, à identifier une trajectoire pour leur exploitation. Ainsi, ils peuvent franchir les étapes nécessaires sans avoir à s’en remettre à ceux qui vendent des pesticides. Que l’accès au conseil soit réservé à ceux qui utilisent des pesticides me gêne profondément, je le répète.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous voterons en faveur de ces très bons amendements. Il est fondamental que les agriculteurs en difficulté puissent bénéficier d’un accompagnement sur le plan économique et je salue Solidarité Paysans qui œuvre en ce sens – c’est aussi celui d’une baisse du recours aux phytosanitaires, vu leur coût. De même, les stratégies de diversification sont intéressantes à la fois pour la souveraineté alimentaire et pour réduire l’usage des phytosanitaires dans le cadre d’une approche écosystémique.

La commission adopte l’amendement CE686.

En conséquence, les amendements CE698 et CE699 tombent.

Amendements identiques CE267 de la commission du développement durable et CE367 de M. Loïc Prud’homme, amendement CE366 de M. Loïc Prud’homme (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. L’amendement CE267 a été adopté par la commission du développement durable, contre mon avis.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). J’ai assisté à beaucoup des auditions de la commission d’enquête sur les produits phytosanitaires présidée par Dominique Potier. De l’avis de plusieurs experts, le recours à ces produits répond à des motivations économiques de la part des agriculteurs, qui arbitrent en fonction d’une balance bénéfices-risques. Or, l’article 1er risque d’entraîner un retour vers le pire : si les conseils sont prodigués par les vendeurs, cela biaisera ces décisions. L’amendement CE367 propose que l’État examine les conditions dans lesquelles il pourrait rendre gratuit le conseil stratégique dans le cadre d’une mission de service public.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Par l’amendement CE366, nous proposons que l’État examine les conditions dans lesquelles il peut créer un service public du conseil stratégique et spécifique incombant aux chambres d’agriculture. Cet accompagnement, qui supposerait bien sûr un renforcement des moyens humains, aiderait les agriculteurs à atteindre les objectifs de sortie progressive de l’utilisation des pesticides et engrais de synthèse et à développer des alternatives fondées sur l’agroécologie paysanne. Rappelons qu’ils ne sont nullement opposés à la transition écologique, nous l’avons bien vu à propos des Maec – mesures agroenvironnementales et climatiques.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable. Outre que cette disposition rend la loi bavarde, elle ne me paraît pas opportune dans le contexte budgétaire actuel, même si un soutien aux chambres d’agriculture est bien sûr le bienvenu. La mesure pourrait en outre créer une distorsion de concurrence avec le secteur privé.

M. Dominique Potier (SOC). Nous avons eu l’occasion à de multiples reprises de souligner les défauts du conseil privé. Comme Loïc Prud’homme, nous sommes favorables à l’idée d’un financement public. Sébastien Windsor, président des chambres d’agriculture, a évalué à 60 millions d’euros l’enveloppe budgétaire que celles-ci devraient recevoir de l’État pour assurer cet accompagnement, la commission d’enquête sur l’usage des produits phytopharmaceutiques l’a estimée pour sa part à 70 millions. Elle pourrait être financée par une taxation sur la phytopharmacie ou une extension des taxes servant actuellement à financer la phytopharmacovigilance. Compte tenu du montant du chiffre d’affaires de la phytopharmacie en France – 2,4 milliards d’euros –, cet effort serait très relatif et les chambres d’agriculture auraient bien sûr à rendre des comptes sur l’usage qu’elles feraient de ces sommes. Ce conseil agronomique serait très bénéfique pour le monde agricole sur le plan de la sécurité, de la santé et de la compétitivité.

M. Benoît Biteau (EcoS). J’ai identifié un biais dans l’article 1er : dès lors que la séparation entre vente et conseil est remise en cause, il faudra acheter des intrants pour recevoir des conseils. Loïc Prud’homme propose l’inverse : qu’ils aient l’intention ou non d’acheter des produits phytopharmaceutiques, les agriculteurs pourront bénéficier d’un accompagnement assuré par des conseillers compétents, certifiés, à même de les éclairer sur la transition agroécologique, à laquelle nous les savons en majorité favorables – un sondage réalisé lors des manifestations mettait en évidence une adhésion à 85 % parmi ceux qui ont été interrogés. Ce qu’ils réclament, c’est de recevoir une aide non seulement financière, mais aussi technique ; c’est le sens des amendements.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Pardon d’être bavards, monsieur le rapporteur ! J’ose espérer que les amendements ne se réduisent pas à ce trait ; ils sont tout de même fondés sur des arguments.

C’est extraordinaire – enfin c’est normal, vous êtes de droite – de parler de distorsion de concurrence entre conseil public et conseil privé. Nous ne cessons de vous dire que le conseil privé est un échec, une impasse, qu’il s’agisse de la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires ou de la préservation par les agriculteurs de leurs revenus – ils sont incités à les dépenser bêtement en pesticides qu’on leur recommande à mauvais escient. Nous ne voulons donc aucune concurrence dans ce secteur, nous voulons un conseil 100 % public et indépendant. Le problème n’est peut-être pas que je sois bavard, plutôt que je n’aie pas été compris.

M. Julien Dive, rapporteur. Cessez de mettre les gens dans des petites cases. Vous êtes de droite, vous êtes de gauche, vous êtes agriculteur pollueur, vous êtes agriculteur écolo… Ce n’est pas ainsi que nous aurons des débats apaisés.

Nos positions sont différentes ; c’est possible, compréhensible, respectable. Chacun développe ses arguments en faveur d’une vision de l’agriculture ; c’est comme cela que nous apporterons le plus de solutions possibles à l’ensemble des agriculteurs – n’est-ce pas l’objectif ?

Ce n’est pas vous que je trouve bavard, ce sont vos amendements. Mais je vous invite à être bavard en séance en interpellant la ministre : que « l’État examine les conditions dans lesquelles il peut mettre en œuvre la gratuité du conseil stratégique » implique un coût – évoqué par Dominique Potier.

Je vous suggère donc de retirer les amendements pour les déposer de nouveau en vue de la séance afin de recueillir l’avis de la ministre, puisque c’est le Gouvernement qui tient les cordons de la bourse. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement CE267 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CE367 et CE366.

Amendement de coordination CE711 de M. Julien Dive, rapporteur

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, vous avez dit que je mettais les gens dans des cases, alors que c’est vous qui m’avez rangé dans la case du bavard qui n’y connaît rien.

Vous parliez vous-mêmes des diplômes et de l’expertise des agriculteurs. Certains ici sont ingénieurs agronomes. J’ai moi-même un BTS agricole. Moi, je ne suis pas seulement bavard et vous, vous n’avez pas le monopole du savoir et de l’expertise en matière agricole.

Si vous voulez des débats apaisés, acceptez aussi que nous soyons ici pour faire de la politique – c’est ce que je fais, je mets en évidence des positions politiques – et tout se passera bien.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. S’il vous plaît, mes chers collègues, n’interrompez pas les orateurs, vous apprécierez que je fasse respecter cette règle quand ce sera votre tour de prendre la parole.

M. Julien Dive, rapporteur. Monsieur le député, au-delà du bavardage, c’est de la caricature. Premièrement, je n’ai jamais dit que vous étiez ignorant ; c’est totalement faux. Deuxièmement, je n’ai jamais prétendu tout savoir. Encore une fois, vous versez dans la caricature. Troisièmement, assumez simplement que vous mettez les gens dans des cases. Ce n’est pas grave, vous avez le droit de le faire, vous l’avez fait et vous continuerez de le faire. C’est votre libre arbitre.

M. René Pilato (LFI-NFP). Ce n’est pas une insulte de vous dire que vous êtes de droite !

M. Julien Dive, rapporteur. Je n’ai pas dit que c’était une insulte. Je dis que ça ne sert à rien de mettre les gens dans des petites cases. Ce n’est pas de cette manière que les débats parlementaires avanceront. Que nous ayons des positions différentes, très bien.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE551 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Par cet amendement de simplification, je propose que les diagnostics modulaires créés par la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, dite LOA, soient réalisés dans le cadre des conseils stratégiques. Il s’agit d’éviter toute redondance avec la loi d’orientation, qui prévoit déjà des modules évaluant l’utilisation économe et durable des ressources et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

M. Julien Dive, rapporteur. C’est votre amendement qui crée une redondance par rapport à la LOA. Je vous invite à le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Thierry Benoit (HOR). Je reviens à l’amendement CE366, qui ne mentionnait pas la gratuité du conseil stratégique. Monsieur le rapporteur, sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans la loi, est-ce qu’il n’appartient pas à la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire de confier aux chambres d’agriculture, qui viennent d’être renouvelées, la mission d’assurer un service public de conseil stratégique incluant la transition écologique et l’agroécologie ?

M. Frédéric Falcon (RN). Madame la présidente, pour la bonne tenue des débats, serait-il possible de ne donner la parole qu’à deux orateurs – un pour et un contre –, sauf à propos des amendements de suppression d’un article ? On entend beaucoup la gauche s’écouter parler et se jauger – BTS, master d’agronomie… –, mais nous aimerions avancer.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Monsieur Benoit, on pourrait en effet imaginer une initiative de la ministre, mais comme elle ne vient pas, nous proposons d’inscrire cette mission dans la loi. En notre qualité de parlementaires, nous avons le droit de décider des politiques appliquées dans notre pays.

Cela fait longtemps qu’on essaie de rendre effective la séparation du conseil et de la vente. Nous faisons le même constat d’un échec, mais nos avis divergent sur ses raisons. Selon nous, le Gouvernement n’a pas alloué aux chambres d’agriculture les moyens suffisants pour disposer de conseillers qui accompagneraient les agriculteurs et les agricultrices dans une dynamique de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires afin de protéger la santé et l’environnement, et de diminuer la charge économique des exploitations.

M. Stéphane Travert (EPR). Cette mission doit être inscrite dans le contrat d’objectifs et de performance signé par les chambres d’agriculture. Si l’initiative ne vient pas du ministère, les chambres pourraient lui demander de le faire. Cela éviterait d’alourdir la loi et apporterait un peu plus de souplesse.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Un point à la suite de l’intervention de M. Falcon. Il m’appartient d’assurer la police et l’animation des débats. J’estime que ces derniers sont sereins. Nous avons par ailleurs un très bon rythme d’une trentaine d’amendements à l’heure. Sur certains amendements, il n’y a pas d’intervention ; sur d’autres, il peut y avoir plus de deux orateurs, selon l’importance du sujet. J’aviserai si j’estime nécessaire d’accélérer. À ce rythme, nous pourrons achever l’examen du texte vendredi après-midi.

M. Julien Dive, rapporteur. Monsieur Benoit, vous marquez un point ; je vous invite à interroger la ministre en séance sur cette question – je vous appuierai.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement CE780 de M. Pascal Lecamp

M. Pascal Lecamp (Dem). Cet amendement du groupe Démocrates reprend une recommandation de l’excellent rapport Potier de juillet 2023 sur le bilan de la séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytopharmaceutiques : la création, sur le modèle québécois, d’un ordre professionnel des conseillers. Elle permettrait de renforcer et de formaliser les règles déontologiques de la profession, de garantir leur respect, de lutter contre les conflits d’intérêts et de garantir la transparence de l’activité de conseil. Le but est de développer la profession de phytiatre, qui rassemble les experts en biologie végétale chargés d’émettre des avis sur l’utilisation des produits dans l’agriculture.

M. Julien Dive, rapporteur. La profession n’a pas lieu d’être réglementée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

La réunion est suspendue de dix heures vingt-cinq à dix heures quarante.

 

Article 2 : Mise sur le marché et utilisation des produits phytopharmaceutiques

Amendements de suppression CE262 de la commission du développement durable, CE2 de Mme Delphine Batho, CE127 de M. Dominique Potier, CE368 de Mme Mathilde Hignet et CE584 de M. Julien Brugerolles

Mme la présidente Aurélie Trouvé. De nombreux députés ont demandé que ces amendements soient mis aux voix par scrutin. La proportion d’un dixième des députés requise par le règlement étant atteinte, il sera ainsi procédé.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l’amendement de suppression voté en commission du développement durable.

Il existe deux points bloquants. D’une part, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) doit rester indépendante. Seul le Masa (ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire) est favorable au fait de l’obliger à informer ses ministères de tutelle préalablement à toute prise de décision par son directeur général (DG). Ni le MTE (ministère de la transition écologique), ni le ministère chargé de la santé ne veulent de cette prérogative.

D’autre part, cet article prévoit d’autoriser de nouveau l’usage de l’acétamipride au profit de quelques filières – la noisette, cultivée par 300 agriculteurs –, mais au détriment de milliers d’autres agriculteurs des filières apicoles, des fruits et légumes et des oléoprotéagineux. La baisse des rendements observée dans ces filières est due à la diminution du nombre d’insectes pollinisateurs, pour partie imputable aux néonicotinoïdes. Lors d’une audition, l’Anses et le ministère chargé de la santé se sont dits inquiets du risque neurotoxique de l’acétate hybride.

Enfin, ce n’est pas cet article qui permettra de lever les entraves au métier d’agriculteur.

Mme Delphine Batho (EcoS). Ce débat dépasse largement les sensibilités partisanes. La France doit rester une nation libre, qui fait confiance à la science et qui protège la santé humaine et la santé des écosystèmes.

L’article 2 est une attaque frontale contre la science, la santé et la souveraineté.

Contre la science, d’abord, puisqu’il prévoit une ingérence politique du ministre chargé de l’agriculture dans les procédures d’évaluation des risques et d’autorisation de mise sur le marché (AMM) relevant de l’Anses qui conduirait à un conflit d’intérêts avec les firmes de l’agrochimie. Contre la science aussi parce que la littérature scientifique sur les méfaits des néonicotinoïdes est implacable et accablante.

Contre la santé, ensuite, car la notion d’usage prioritaire consiste à faire prévaloir les intérêts économiques sur la santé publique et la protection de l’environnement.

Enfin, contre la souveraineté, puisque cet article conduirait la France à se dédire alors qu’elle a obtenu l’interdiction des néonicotinoïdes en Europe et qu’elle est en train d’obtenir l’interdiction de l’acétamipride.

M. Dominique Potier (SOC). Cet article est l’un des plus importants de la proposition de loi. La position du groupe Socialistes et apparentés est très claire : il constitue une ligne rouge et un recul de plus de dix ans.

En 2014, après une longue réflexion et un dialogue entre la gauche et la droite, l’Assemblée a finalement décidé de confier à l’Anses la mission de délivrer les autorisations de mise sur le marché, qui est inscrite dans un cahier des charges défini démocratiquement. Ce faisant, elle a considéré que la décision d’autoriser la mise sur le marché d’un produit – en l’occurrence d’une substance à l’échelle européenne – devait être prise par un comité scientifique indépendant et non sous la pression de la dictature du marché ou de celle de l’opinion publique.

Nous avons déposé plusieurs amendements visant à renforcer l’examen par l’Anses de l’impact des produits phytosanitaires. C’est le fruit du travail approfondi et pluriel que nous avons mené dans le cadre de la commission d’enquête sur ces produits. Nous sommes partisans d’une Anses augmentée. Nous nous méfions de toute délibération politique en la matière. Seules la science et la démocratie nous permettront de réconcilier le monde agricole avec la société, et de faire converger l’intérêt général et l’intérêt des filières.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Cet article compromet l’indépendance de l’Anses et son intégrité scientifique. Il s’agit en effet d’une attaque contre les scientifiques.

En outre, il prévoit de revenir sur l’interdiction des néonicotinoïdes, pesticides particulièrement toxiques et connus pour être des tueurs d’abeilles. Ce serait donc une catastrophe pour la biodiversité et pour la santé des agriculteurs et des riverains. La levée de cette interdiction constituerait un recul grave, en totale contradiction avec l’urgence écologique actuelle.

Supprimer cet article, c’est préserver l’indépendance de l’Anses, c’est appliquer le principe de précaution et c’est protéger la biodiversité et la santé publique.

M. Julien Brugerolles (GDR). Cet article est au cœur des intentions initiales rétrogrades du texte. Il remet en cause l’indépendance scientifique et l’expertise de l’Anses, autorise l’usage des drones dans l’agriculture et prévoit de nouveau des dérogations pour certaines molécules, dont l’acétamipride.

L’exercice d’une tutelle sur l’Anses en amont de la décision refusant la mise sur le marché d’un produit serait la porte ouverte à toutes les pressions politiques et économiques dans le domaine phytosanitaire. On ne peut qu’y être défavorable, d’autant qu’une confusion est entretenue entre la tutelle exercée par les ministères, qui concernerait la gouvernance et la gestion de l’établissement public, et celle qui s’exercerait sur les missions directes de l’Anses. C’est très préoccupant.

M. Julien Dive, rapporteur. Notre rôle, en notre qualité de membres de la commission des affaires économiques, est de débattre du contenu de l’article 2, qui concerne un sujet épineux, plutôt que de le rejeter en bloc.

L’article repose sur trois piliers. Le premier, c’est la question des autorisations de mise sur le marché et le rôle de l’Anses. Le deuxième, c’est l’autorisation de l’usage des drones, par exemple dans l’agriculture biologique, qui figure déjà dans la proposition de loi de Jean-Luc Fugit adoptée à l’Assemblée nationale puis au Sénat. Le troisième, c’est la possibilité de déroger à l’interdiction de l’usage de l’acétamipride pour des cultures qui seraient dans l’impasse, dérogation assortie de conditions définies.

L’Anses mérite d’être protégée. L’autonomie des décisions scientifiques est importante. La commission a entendu le directeur général de l’Anses le 25 mars dernier et, dans le cadre des travaux préalables à l’examen de ce texte, j’ai auditionné l’Anses – ce que le Sénat n’avait pas fait. Par ailleurs, j’ai eu des échanges nourris avec son directeur général sur ces questions. Un dialogue réel a été instauré et il n’est pas question d’aborder ces sujets sans tenir compte des remarques de l’agence.

Par conséquent, j’ai déposé plusieurs amendements afin d’aménager l’article.

L’information préalable des ministres de tutelle au sujet de toutes les décisions prises par le directeur général de l’Anses aurait un effet contre-productif : elle alourdirait le processus sans apporter de garanties nouvelles. Je propose donc d’ajuster cette mesure.

S’agissant de l’autosaisine du comité de suivi des autorisations de mise sur le marché, cette mesure est satisfaite car le conseil d’administration de l’Anses est libre de le saisir.

Par ailleurs, le contradictoire imposé avant tout rejet de demande d’AMM conduirait à alourdir la procédure et à allonger les délais. Notre rôle n’est pas d’entraver la procédure car, de facto, cela empêcherait l’usage de certaines substances de biocontrôle ou de synthèse. Je propose donc d’alléger ce dispositif.

Quant aux usages prioritaires, le texte les définit et prévoit la façon de les identifier. Toutefois, il conviendrait de faire intervenir le comité des solutions. J’ai déposé un amendement qui vise à s’appuyer sur ce comité créé il y a un peu plus d’un an et qui réunit les acteurs des filières, les scientifiques et les ONG. En plus de définir les usages prioritaires, il établirait un calendrier d’instruction.

Par ailleurs, j’ai déposé un amendement de suppression des dispositions relatives aux drones, qui sont déjà satisfaites par le droit en vigueur.

Venons-en à la dérogation à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant de l’acétamipride, substance appartenant à la famille des néonicotinoïdes. Sur les cinq substances appartenant à cette famille qui ont été interdites par la loi de 2016, quatre d’entre elles ont été interdites au niveau européen – la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame en 2018, la thiaclopride en 2021. Les avis scientifiques de l’Efsa (Agence européenne de sécurité des aliments) ont nourri la décision de la Commission européenne. Seul l’usage en application foliaire de l’acétamipride est resté autorisé dans l’Union européenne.

Contrairement au texte initial, la rédaction actuelle de l’article 2 ne revient pas sur l’interdiction de 2016. Il permet d’y déroger uniquement pour des substances approuvées au niveau européen, soit l’acétamipride, dans des conditions bien précises et pour un usage déterminé, voire pour une durée limitée si les amendements en ce sens sont adoptés. La dérogation prendrait la forme d’un décret pris après avis du conseil de surveillance créé par la loi Denormandie de 2020 et auquel participent des parlementaires, des scientifiques et des ONG. Une fois ce décret pris, les produits contenant de l’acétamipride devront encore obtenir une autorisation de mise sur le marché.

Si cette substance est autorisée jusqu’en 2033 au niveau européen, c’est parce qu’elle est considérée par les scientifiques comme moins risquée, moins rémanente et ayant une durée de vie dans l’air beaucoup plus courte que les autres néonicotinoïdes du même type.

Avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Hélène Laporte (RN). Nous sommes défavorables à la suppression de l’article 2.

En supprimant cet article, vous, les groupes de gauche, voulez enterrer définitivement le principal apport de ce texte. Vous assumez de soumettre les agriculteurs français à des restrictions plus lourdes que partout ailleurs. Vous assumez de conduire des filières entières à leur perte et vous allez finir de tuer nos exploitations agricoles.

Je voudrais rappeler plusieurs faits sur l’acétamipride, qui est au cœur de tous les débats. Si cette molécule appartient bien à la famille des néonicotinoïdes, elle est totalement incomparable aux quatre molécules interdites au niveau européen. Elle n’est pas un néonicotinoïde tueur d’abeilles. Les travaux de l’Efsa comme ceux de l’Anses l’ont confirmé. Cette substance est 3 600 fois moins toxique pour les abeilles que la clothianidine, et 4 000 fois moins que l’imidaclopride.

Autoriser de nouveau l’acétamipride n’ouvre évidemment pas la porte à son utilisation illimitée et incontrôlée. Comme pour n’importe quelle substance active homologuée, la Commission européenne prévoit des limites maximales de résidus autorisés dans chaque produit alimentaire.

Nous demandons simplement que les agriculteurs français soient de nouveau mis sur un pied d’égalité avec leurs homologues allemands, italiens ou polonais, alors même que nous consommons des produits importés. L’interdiction de l’acétamipride conduit des filières dans une impasse technique s’agissant de la lutte contre les ravageurs. C’est le cas des filières arboricoles, mais également de celle de la noisette.

M. Guillaume Lepers (DR). L’acétamipride est interdite en France mais ne l’est pas au niveau européen, ce qui entraîne des conséquences catastrophiques pour les filières françaises, notamment celle de la noisette. Or, selon l’Efsa et l’Anses, cette substance, dont la persistance dans les sols est faible, ne présente aucun danger. Son usage, qui est encadré, est notamment interdit durant la floraison, ce qui évite l’exposition des abeilles à la substance.

J’en appelle à votre bon sens. Je connais très bien la filière de la noisette ; les 350 producteurs vont crever parce qu’il n’y a aucune solution. Comme dans d’autres filières, ils constatent que des produits sont importés de toute l’Europe. On assiste à une chute de la production et à une explosion des importations, car nous ne disposons pas des mêmes armes que nos concurrents.

On dit à l’opinion publique que tous les néonicotinoïdes vont être réautorisés. C’est faux ! La dérogation ne concernera que l’usage de l’acétamipride, qui sera encadré. Il faut que nous sauvions ces filières d’excellence en France et que nous arrêtions de nous mettre des bâtons dans les roues.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Le groupe EPR s’oppose à la suppression de cet article. Nous proposons de supprimer tant les dispositions relatives à l’Anses, car nous voulons préserver son indépendance et éviter d’emprunter un chemin qui nous semble dangereux, que celles relatives aux drones, qui sont satisfaites. Nous souhaitons compléter le rôle du comité des solutions.

Par ailleurs, le cadre dérogatoire au droit commun s’appliquant à l’usage de l’acétamipride nous convient. La décision d’autoriser la molécule jusqu’en 2033 se fonde sur la science. On ne peut s’appuyer sur certains avis scientifiques et choisir d’en écarter d’autres.

La filière de la noisette n’est pas la seule concernée. Il y a quinze jours, l’Allemagne a appliqué ce régime dérogatoire pour aider les producteurs de pommes de terre. Nous voulons que nos agriculteurs jouent selon les mêmes règles que les agriculteurs des autres pays européens. Marché unique, règles uniques.

M. Henri Alfandari (HOR). En quoi le fait que l’Anses doive informer ses ministères de tutelle remettrait-il en cause son indépendance ?

L’alinéa 9 dispose qu’elle « est tenue, préalablement à l’adoption de toute décision de rejet, de communiquer les motifs pour lesquels elle envisage de rejeter la demande ». Il s’agit de permettre au demandeur « de produire des observations écrites. Ces observations sont prises en compte par l’[Anses] aux fins d’adoption de sa décision ». Donc sa décision n’est en rien remise en cause, il s’agit bien de sa décision, c’est écrit.

Par ailleurs, arrêtons d’être volontairement ambigus : les néonicotinoïdes ne sont pas de nouveau autorisés. Quatre substances sur cinq ont été interdites au niveau européen. Du reste, il ne devrait pas être question d’une molécule dans la loi : cela relève du domaine réglementaire. Ensuite, il est nécessaire de disposer de cette souplesse. Enfin, cette dérogation permet d’être en conformité avec ce que l’Union européenne autorise.

Mme Delphine Batho (EcoS). Monsieur le rapporteur, les amendements que vous proposez sur l’Anses aboutissent exactement au même résultat que le texte qu’ils modifient, puisqu’ils prévoient l’information du ministre de l’agriculture avant toute décision concernant des usages prioritaires, dont l’amendement CE797 propose qu’ils soient déterminés par le ministre chargé de l’agriculture. Cela signifie que l’Anses, au lieu de fonder sa décision d’autorisation ou de rejet sur des considérations liées à la santé humaine ou à l’effondrement des populations d’insectes, déciderait en fonction d’une liste de priorités économiques définies par le ministre chargé de l’agriculture. Les modifications proposées par le rapporteur n’atténuent pas la gravité de l’attaque contre l’expertise scientifique.

Par ailleurs, s’agissant de l’acétamipride – et vous avez oublié une deuxième substance, le flupyradifurone –, je citerai Agnès Pannier-Runacher : l’acétamipride « tue aussi les abeilles et les pollinisateurs […]. [C’est] un des facteurs […] de baisse des rendements de notre agriculture. [C]e produit, il est soupçonné d’avoir un effet de perturbateur endocrinien et d’être un neurotoxique du développement. [C]e produit peut se retrouver dans l’eau potable, par infiltration. Donc c’est évidemment un sujet de santé qui n’est pas à prendre à la légère. Je le dis très directement ». Ainsi parle la ministre chargée de l’écologie dans le Gouvernement actuel.

M. Dominique Potier (SOC). Le danger serait de faire croire que ceux qui s’intéressent aux biens communs écologiques se moquent de la production. Or, nous, socialistes – et plus largement, je crois, à gauche et au centre –, nous sommes convaincus que la défense des biens communs écologiques n’est pas contradictoire avec la productivité. Au contraire, c’est même la condition pour garantir la productivité de demain.

Certains arbitrages sont difficiles, des filières sont en panne, il y a des impasses. Nous prenons ce sujet très au sérieux. Réintroduire d’anciennes molécules, interdites par une décision politique, en se dispensant de l’avis de l’Anses, est-ce la solution ? Ce serait une erreur, car cela reviendrait à prendre une décision politique qui contredit une autre décision politique sans se préoccuper des impacts sur l’environnement.

Enfin, ceux, nombreux à droite et parfois à l’extrême droite, qui veulent repolitiser le débat et qui demandent que nous prenions nos responsabilités pour mesurer les avantages et les inconvénients, les bénéfices et les risques, oublient simplement une chose fondamentale : si les bénéfices seront réalisés par les filières concernées, les risques pèseront sur toute la société et les générations futures.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Il n’y a rien à sauver dans cet article, même en passant par une rédaction alternative. En audition, le directeur général de l’Anses a indiqué que si l’article 2 était adopté, il démissionnerait. De fait, comment pourrait-il endosser les conséquences juridiques des choix effectués par le conseil d’orientation pour la protection des cultures ? Cette situation serait intenable.

Concernant l’acétamipride, nous écoutons les scientifiques, monsieur Fugit. Le principe de précaution n’est pas une vue de l’esprit. Dans un avis de 2014, l’Efsa a pointé la toxicité de cette molécule pour le neurodéveloppement. Si vous souhaitez la réintroduire, vous en assumerez les conséquences, car vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas et que les scientifiques ne savaient pas.

M. David Taupiac (LIOT). La mise sous tutelle de l’Anses au nom d’enjeux économiques ne serait pas une bonne solution, au vu des enjeux environnementaux et pour la santé publique.

Monsieur le rapporteur, la solution alternative que vous proposez n’est pas non plus entièrement adaptée. Par ailleurs, les alinéas concernant l’épandage par drone pourront être supprimés sans dommage, puisque nous avons récemment légiféré en la matière.

Ma position est plus nuancée concernant l’acétamipride, notamment parce que je connais les difficultés de la filière noisettes, qui m’inquiètent. Il faut éviter de la placer dans une impasse. Si une dérogation est adoptée, elle devra être clairement encadrée et subordonnée à un avis de l’Anses. L’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) nous informe que des recherches sont en cours pour trouver des molécules alternatives. Ainsi, la filière est pleinement mobilisée et des solutions seront trouvées d’ici quatre ou cinq ans.

M. Éric Martineau (Dem). Merci de m’accueillir dans votre commission.

L’Anses joue un rôle essentiel pour la science et éclaire les décisions publiques de son expertise. Pour assurer une approche cohérente avec l’Efsa et parce que nous avons la responsabilité de sortir les filières en difficulté de l’impasse, nous ne pouvons fermer la porte de manière définitive aux solutions proposées à cet article. Cela reviendrait à demander aux agriculteurs de courir le 100 mètres avec un boulet au pied.

Si vous souhaitez interdire l’usage de l’acétamipride même dans un cadre très contraint, allez au bout de votre logique, interdisez l’importation des produits qui y ont été exposés et supportez-en les conséquences !

M. Julien Dive, rapporteur. Madame Batho, vous omettez de préciser que les usages prioritaires ne seront définis par le ministère qu’après un avis du comité des solutions. Ce comité, créé par Mme Pannier-Runacher et relancé par Mme Genevard, constitue un lieu informel de débat et d’échanges qui a été soutenu par l’ensemble des acteurs auditionnés – y compris par l’Anses, qui y siège.

Je défendrai tout à l’heure un amendement visant à le formaliser. Les membres du comité, qui ne sont pas hostiles à la discussion, se réuniront pour identifier les situations d’impasse, les cas où il est nécessaire de rechercher une solution alternative et définiront des usages prioritaires. Les autorités de tutelle de l’Anses, c’est-à-dire les ministères, transmettront ensuite à l’Anses l’avis du comité. Elles n’imposeront donc pas leur définition des priorités. En outre, le calendrier d’instruction des demandes d’autorisation de mise sur le marché pour ces usages sera établi par l’Anses.

Celles et ceux qui souhaitent supprimer les dispositions du présent texte concernant l’Anses se dessaisissent du sujet et renvoient de fait la décision à un décret ministériel. C’est peut-être voulu, mais cela pourrait aussi créer des désagréments pour l’Anses.

Monsieur Prud’homme, le directeur général de l’Anses n’a pas menacé de démissionner si l’article 2 était adopté.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Si !

M. Julien Dive, rapporteur. Non, il ne s’agissait pas de l’article 2. Plusieurs d’entre nous, dont vous et moi, l’ont interrogé sur l’acétamipride et il a expliqué que la question serait renvoyée au niveau européen. En outre, il a clairement indiqué – forcément : il n’est pas là pour s’exprimer sur une substance – que l’interdiction des néonicotinoïdes, donc de cette molécule, était bien une décision politique. Ne transformez pas ses propos.

La commission rejette les amendements, mis aux voix par scrutin.

Amendements CE458 de M. Dominique Potier, CE541 et CE5 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

M. Dominique Potier (SOC). Cet amendement de repli vise à instaurer un lieu de dialogue entre tous les acteurs concernés par les questions phytosanitaires. Les filières confrontées à des impasses, à cause de l’interdiction d’insecticides, d’herbicides ou de fongicides, ou les régions confrontées à des plantes invasives pourraient s’y exprimer et dialoguer avec les scientifiques, les représentants de l’Anses et des autorités de tutelle, afin de traiter les questions économiques de revenu des agriculteurs et de souveraineté alimentaire.

Dans ce lieu de dialogue, les acteurs pourraient faire remonter auprès de toutes les autorités compétentes – l’Anses comme les acteurs de la recherche – leurs priorités en matière de recherche. Agnès Pannier-Runacher avait animé de façon informelle un tel espace de dialogue, après les lois Egalim, ce qui avait permis certains résultats. Il faut en tout cas dissocier de l’Anses ce lieu de dialogue sur les préoccupations économiques et écologiques.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement CE541 vise à réécrire l’article 2 pour rétablir la pleine interdiction des néonicotinoïdes telle que nous l’avions adoptée dans le projet de loi Egalim 1 – le rapporteur de ce texte, Jean-Baptiste Moreau, avait alors interpellé l’ensemble des députés, en rappelant à juste titre qu’il n’y a pas d’agriculture sans pollinisateur.

L’amendement vise également à corriger une faille juridique dans la clause miroir adoptée par le Parlement. Nous avons ainsi déposé plusieurs amendements contre la concurrence déloyale, car nous accompagnons chaque mesure d’interdiction d’un pesticide d’une mesure de protection du marché français des produits importés exposés à ces pesticides.

Par ailleurs, si l’acétamipride a effectivement un impact inférieur à l’imidaclopride pour l’abeille domestique, ce n’est pas le cas pour les pollinisateurs sauvages. Pour ces derniers, les deux molécules conduisent également à une hécatombe.

Enfin, l’acétamipride affecte lourdement la biodiversité – notamment les oiseaux et les vers de terre – ainsi que la santé humaine. Cette molécule a été retrouvée dans le liquide céphalo-rachidien d’enfants traités pour un cancer, mais aussi, à des doses supérieures à la moyenne, dans les urines des bébés prématurés les plus petits au vu de leur âge gestationnel.

Les motifs d’inquiétude pour la santé humaine sont si importants que, lors de la réunion du Scopaff (Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale) du 5 décembre 2024, la Commission européenne a indiqué qu’elle avait lancé un réexamen de l’approbation de l’acétamipride, en vertu de l’article 21 du règlement (CE) n° 1107/2009, afin d’évaluer sa neurotoxicité et son rôle de perturbateurs endocrinien. Les données scientifiques concernant cette molécule sont accablantes.

M. Julien Dive, rapporteur. Ces amendements de réécriture visent, de manière déguisée, à supprimer l’article 2.

Monsieur Potier, le comité que vous défendez existe déjà, sous le nom de comité des solutions. Je défendrai tout à l’heure sa formalisation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Madame Batho, vos deux amendements sont proches – le CE5 vise à abroger les deux premiers articles de la loi du 14 décembre 2020, quand le CE541 tend à supprimer les dispositions codifiées qui en sont issues. Avis défavorable. Je suis cependant d’accord avec votre proposition d’interdire la production, le transport et le stockage des substances actives interdites dans l’Union européenne, et j’émettrai un avis favorable à votre amendement ultérieur qui la reprend.

Vous avez raison, l’Efsa a lancé une étude sur l’acétamipride. Elle a également abaissé la limite maximale de résidus pour cette molécule. Cela montre que les scientifiques font bien leur travail et que nous pouvons faire confiance tant à l’Anses, en France, qu’à l’Efsa, au niveau européen.

Si l’Anses en venait à s’exprimer sur l’AMM de l’acétamipride, il nous appartiendrait de respecter sa décision. Celle-ci pourrait d’ailleurs être contestée en justice. Ainsi des associations ont-elles contesté l’AMM du sulfoxaflor – une molécule assimilée à la famille des néonicotinoïdes – et le fabricant a-t-il contesté la décision de février de la cour administrative d’appel de Marseille d’annuler cette AMM. Les filtres existent, les recours scientifiques et judiciaires sont possibles.

Enfin, dans les cas de contamination à l’acétamipride ou à ses alternatives que vous évoquez, la question est celle de l’exposition à la dose. L’exemple le plus criant est celui des pyréthrinoïdes, une alternative aux néonicotinoïdes dont l’usage a explosé après l’interdiction de ces molécules, notamment de l’acétamipride. D’ailleurs, l’Anses a lancé des alertes très sérieuses sur ces molécules, qui nuisent beaucoup plus durablement à la biodiversité et à la santé humaine que l’acétamipride, puisqu’elles sont utilisées de manière plus importante.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Non mais franchement, les socialistes et les écolos, vous êtes extraordinaires ! Vous n’avez de cesse de convoquer la science, mais quand celle-ci contredit vos dogmes, vous érigez ces derniers en vérités scientifiques. « Les néonicotinoïdes », ça n’existe pas ; il y a des néonicotinoïdes. L’acétamipride est 3 000 à 4 000 fois moins toxique que les autres molécules. Ce n’est pas le Rassemblement national qui le dit, mais l’Efsa et l’Anses. Cette molécule n’est pas une tueuse d’abeilles.

C’est vrai, dans les années 1990, le Gaucho posait problème. Mais, depuis vingt ans, nous en avons tiré les leçons – vous me direz qu’on a encore quelques problèmes avec des gauchos, mais ce ne sont pas les mêmes… La science indique que la chute actuelle de la population d’abeilles est avant tout due au frelon asiatique.

Depuis cette salle de commission, à l’abri du réel, vous proposez de faire crever les agriculteurs. Vous ne les rencontrez jamais, pour 95 % d’entre eux. Nous, nous les défendons.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. S’il vous plaît, évitons les petites blagues qui sont en réalité des mises en cause.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Nous nous opposons à ces amendements. Celui de M. Potier est astucieux : en réécrivant l’article, il en évacue le sujet sensible de l’acétamipride. Nous défendrons à peu près le même dispositif, mais sans que cela aboutisse à ce même résultat – supprimer la réautorisation de l’acétamipride.

En ce qui concerne cette molécule, homologuée à l’échelle de l’Union européenne, j’approuve une grande partie de ce qu’a dit le rapporteur sur l’aspect scientifique. Les arboriculteurs et les apiculteurs – ce sont parfois les mêmes, certains agriculteurs installant des ruches au milieu de leurs vergers – déclarent en avoir besoin. Aux termes du texte tel que le rapporteur propose de l’amender, l’acétamipride ne pourrait être autorisée qu’à titre dérogatoire, pendant trois ans. Son utilisation serait donc très encadrée. Ne faisons pas croire à nos concitoyens que nous faisons n’importe quoi !

Mme Anne-Laure Blin (DR). Je suis ébahie : les décroissants osent toujours tout. Madame Batho, vous n’êtes pas à une contre-vérité près. Pensez-vous sincèrement que les pays de l’Union européenne veulent intoxiquer leur population et que l’acétamipride utilisé dans nos jardins intoxique nos compatriotes ? Vous devriez postuler à l’Efsa pour tenter de convaincre ses experts. Pour l’heure, ils ont réaffirmé qu’il n’y a aucune preuve concluante de l’augmentation des risques pour les oiseaux, les organismes aquatiques, les abeilles mellifères et les organismes vivant dans la terre.

L’acétamipride se dégrade rapidement. Elle a été autorisée par l’Anses, qui lui a d’ailleurs attribué la mention abeille il y a quelques décennies. Malgré les contre-vérités que vous assénez, les agriculteurs ont besoin de ce produit pour sauver les filières agricoles, en attendant de trouver des substituts.

M. Dominique Potier (SOC). Certains prétendent que le maintien de l’interdiction de l’acétamipride conduira à une apocalypse pour les agriculteurs ; d’autres, que c’est son autorisation qui sera fatale pour les abeilles et la nature. La seule solution est de s’en remettre à une agence indépendante pour mesurer l’impact réel de cette substance. C’est cela, une démocratie moderne.

Si notre commission vote en faveur d’une autorisation à titre dérogatoire, notre groupe propose une règle simple : l’autorisation ne pourra être effective qu’après un avis conforme et définitif de l’Anses. Le rapporteur, lui, ne prévoit pas une telle condition.

Venons-en au comité des solutions proposées par le rapporteur. Ce comité identifierait des usages prioritaires à la place de l’Anses, qui devrait lui rendre des comptes. Notre proposition de créer un conseil d’appui à la protection des cultures est significativement différente. Un tel conseil constituerait un espace de dialogue entre les chercheurs, les responsables du régime d’autorisation et les producteurs. L’Anses et le conseil resteraient indépendants. Il est capital qu’ils ne soient pas redevables l’un de l’autre.

Mme Delphine Batho (EcoS). Merci, monsieur le rapporteur, pour votre avis favorable sur le II de mes amendements, qui vise à interdire la production, le transport et le stockage des substances actives interdites dans l’Union européenne. Nous y reviendrons.

Les questions de concurrence déloyale sont pour nous centrales. Nous avions déposé des amendements visant à introduire un titre dédié dans le présent texte, mais ils ont été déclarés irrecevables. C’est pourtant l’une des principales revendications des agriculteurs, avec celle concernant leur revenu.

La révision de la limite maximale de résidus de l’acétamipride que vous mentionnez date du début de 2024. Le réexamen de l’autorisation de cette molécule, en revanche, date de décembre 2024. La France, qui demande l’interdiction de cette molécule à l’échelle européenne, a fourni des preuves à l’appui de sa demande, mais l’Efsa a décidé de les écarter. C’est un problème.

Enfin, en matière de perturbateurs endocriniens, la dose ne fait pas le poison. Ce qui compte, c’est le moment de l’exposition. Une exposition in utero à l’acétamipride a des conséquences neurotoxiques.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Les défenseurs de l’acétamipride arguent que cette substance serait moins toxique pour les abeilles que les solutions alternatives prohibées. Mais cet argument ne vaut que si la molécule est évaluée seule et sur le court terme, sans prendre en compte les effets cocktail. Certains cocktails utilisés dans les formules commerciales de l’acétamipride et des autres néonicotinoïdes augmentent la toxicité pour les abeilles.

M. Thierry Benoit (HOR). Si j’ai voté contre la suppression de l’article 2, c’était pour permettre sa réécriture. Nous devons garantir l’indépendance de l’Anses. Quant au problème des drones, il semble réglé par la loi Fugit.

L’interdiction totale des néonicotinoïdes en 2018 met quelques filières dans l’impasse. Je souhaite qu’une dérogation soit possible, mais uniquement si l’indépendance totale de l’Anses est garantie. La version initiale du présent texte est allée beaucoup trop loin en la matière. À nous, avec la ministre de l’agriculture, de préciser les conditions de la dérogation – ses bénéficiaires, ses motifs et sa durée – d’ici l’examen du texte dans l’hémicycle.

M. Julien Dive, rapporteur. Madame Batho, peu importe que l’Efsa ait abaissé la limite maximale de résidus de l’acétamipride avant ou après la demande de réévaluation de l’autorisation de cette molécule. Nous sommes d’accord pour dire qu’il faut faire confiance à la communauté scientifique.

Par ailleurs, vous ne pouvez pas, d’un côté, demander l’indépendance de l’Anses, de l’autre, vous ingérer en tant que décisionnaire politique dans le choix d’autoriser ou d’interdire des molécules. Cela pourrait conduire à des dérives.

Si l’Efsa réévalue les seuils, tant mieux. Si demain, sur avis de l’Efsa, la Commission européenne interdit l’acétamipride au même titre que les autres néonicotinoïdes, la décision s’appliquera à l’ensemble des pays de l’Union européenne. Pour l’heure, cette molécule est autorisée jusqu’en 2033, avec des aménagements au fil de l’eau. Cela montre que l’autorisation n’est pas accordée aveuglément.

Si la molécule se retrouve dans le corps humain, des nourrissons aux adultes, c’est aussi à cause de l’effet cocktail, notamment des produits à usage domestique – en commission du développement durable, vous avez d’ailleurs fait amender le présent texte concernant la composition des produits biocides. De fait, certains biocides d’usage domestique – insecticides, traitements anti-tiques et anti-puces pour chats et chiens – comportent les mêmes molécules qu’en agriculture, parfois même des molécules dont l’usage agricole est interdit depuis belle lurette. Les résidus dans le corps humain que vous mentionnez proviennent peut-être aussi de tels produits.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CE9 de Mme Delphine Batho, CE135 de M. Richard Ramos, CE369 de M. Loïc Prud’homme, CE511 de M. David Taupiac, CE601 de M. Dominique Potier, CE646 de M. Jean-Luc Fugit et CE784 de M. Pascal Lecamp, amendement CE302 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous proposons de supprimer les alinéas 1 à 9, car nous refusons l’ingérence des décideurs politiques et des firmes de l’agrochimie dans les travaux de l’Anses.

En effet, ces alinéas prévoient que le directeur général de l’Anses devra informer ses autorités de tutelle avant de prendre une décision, alors qu’actuellement, l’Anses n’informe les ministres qu’après avoir évalué les risques et décidé d’accorder ou non une autorisation de mise sur le marché. Vous revenez ainsi sur la loi du 13 octobre 2014. Cette confusion est très grave.

Nous refusons également la fixation d’usages prioritaires prévue dans ces alinéas.

M. Richard Ramos (Dem). Il ne faut toucher à la loi que d’une main tremblante. La question de l’acétamipride est complexe. Sans cette molécule, les agriculteurs sont dans l’impasse, mais la science nous dit que c’est un neurotoxique – et ce n’est pas pour les abeilles que je m’inquiète, car pour elles, le danger est au pire très lointain.

Je regrette que nous n’ayons pu examiner des amendements tendant à interdire l’importation de produits issus d’une agriculture recourant à cette molécule. C’est le nerf de la guerre. Les agriculteurs pourraient se passer de l’acétamipride, quitte à produire moins, s’ils n’avaient pas à faire face à une telle concurrence.

La FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) a donné consigne aux agriculteurs de murer la permanence de députés Modem et de se rendre à leur domicile. C’est inadmissible en République. Monsieur Rousseau, ressaisissez-vous !

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je reviens à ce que nous disait ici même le directeur général de l’Anses le 25 mars : « Le changement qui suivrait un texte adopté change mon contrat et donc, pour moi, il n’y a plus de possibilité de rester directeur général de l’agence. C’est très simple. Ça engagera les futurs. »

Il faut absolument supprimer toutes ces velléités d’imposer quelque contrôle que ce soit aux décisions de l’Anses. Elles sont inacceptables. Les processus d’autorisation de mise sur le marché sont certes perfectibles, mais l’indépendance de l’agence doit rester garantie.

M. David Taupiac (LIOT). Je suis surpris que ceux qui se sont évertués à supprimer de nombreux comités dans la loi de simplification de la vie économique veuillent créer ici un conseil d’orientation, qui vient semer le trouble. Il faut soit que nous en restions, comme je le propose, au dispositif actuel pour l’Anses, soit que le ministère reprenne la main et assume les décisions. L’entre-deux ne va pas dans le sens de la simplification. Qui plus est, la participation de certains acteurs de l’industrie phytopharmaceutique à ce conseil pourrait être source de conflits d’intérêts.

M. Dominique Potier (SOC). Même argument. Cette mesure est peut-être la plus grave de cette proposition de loi Duplomb, qui a pu être présentée comme une contre-révolution culturelle en matière d’agroécologie. L’indépendance de la science, qui est l’un des socles de cette dernière, est ici méprisée et fragilisée. La solution proposée est, en outre, assez perverse, car elle désengage totalement le politique pour confier à l’Anses une décision contraire à l’intérêt général. C’est absolument insupportable.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Les alinéas 1 à 9 risquent de fragiliser la gouvernance de la sécurité sanitaire, à laquelle contribue l’action de l’Anses. Il faut préserver l’indépendance de cette dernière face à toute tentative qui pourrait être mal interprétée, voire dangereuse.

M. Pascal Lecamp (Dem). Afin que l’Anses continue à fonctionner comme aujourd’hui, le groupe Démocrates souhaite supprimer des dispositions potentiellement contraires à la mission majeure de l’agence, qui est d’éclairer la décision publique : obligation d’information préalable des ministères de tutelle au sujet des décisions prises par le DG, capacité d’autosaisine du comité de suivi des AMM, logique contradictoire applicable aux décisions de rejet des demandes d’AMM.

Mme Delphine Batho (EcoS). Mon amendement CE302 est en quelque sorte un amendement de repli.

M. Julien Dive, rapporteur. Nous convergeons en partie sur la finalité, mais divergeons sur la manière. Je suis favorable à la suppression de certains des alinéas qui font l’objet des amendements examinés, et j’ai moi-même déposé des amendements en ce sens. C’est notamment le cas pour l’information préalable de l’ensemble des ministères de tutelle, car, comme en a témoigné le DG de l’Anses, il s’agirait alors de faire remonter à ces ministères plusieurs milliers d’informations – il a évoqué le chiffre de 2 000 –, étant donné que le Masa ne serait pas seul concerné, mais aussi, par exemple, les ministères de la santé ou de la transition écologique, ce qui créerait nécessairement un engorgement et une entrave aux travaux de l’Anses. La question ne me semble pourtant intéresser que le Masa, d’où mon amendement CE743. Quant à mon amendement CE797, il concerne la définition des usages prioritaires par le comité des solutions.

Cependant, la reconnaissance mutuelle n’est abordée nulle part dans nos débats. Or, aujourd’hui, lors d’une demande d’AMM – que ce soit pour un produit de synthèse ou pour une solution de biocontrôle, laquelle, en raison d’un règlement européen, est soumise au même parcours du combattant au niveau européen, ce qu’il faudra revoir à cette même échelle –, les agences concernées ne se focalisent pas toujours sur les mêmes questions. Mieux vaudrait, pour accélérer la démarche, que les dossiers soient les mêmes d’un pays à l’autre et que l’Anses puisse demander des documents complémentaires pour reconnaître le travail réalisé dans un autre pays. Cela suppose toutefois que l’alinéa 9 ne soit pas supprimé.

Je demande donc le retrait des amendements. À défaut, avis défavorable.

M. Henri Alfandari (HOR). Je ne vois toujours pas pourquoi le fait de demander une information poserait problème. Il n’est pas question, en effet, de contraindre la décision de l’Anses, qui reste souveraine. L’autosaisine du comité de suivi est, en revanche, plus problématique.

M. Dominique Potier (SOC). Monsieur le rapporteur, je salue votre volonté de dialogue sur ces demandes de suppression qui viennent de quasiment tous les groupes. Le coupe-file dont bénéficie le biocontrôle et l’épidémio-phytopharmacovigilance sont des innovations françaises qui produisent de vrais résultats et qui mériteraient d’être portées à l’échelle européenne.

J’entends vos réserves quant à la suppression de l’alinéa 9 et je prends l’engagement que nous soutiendrons votre initiative en faveur de la reconnaissance mutuelle pour accélérer la sortie des impasses et des situations de concurrence déloyale – nous pouvons y travailler ensemble en vue de la séance publique. Nous souhaitons toutefois supprimer cet alinéa 9, qui est le cœur de la proposition de loi, ce qu’elle a de plus toxique pour l’indépendance de la science.

M. Lionel Tivoli (RN). N’exagérons pas ! L’article 2 ne supprime pas l’Anses et ne la contourne pas : il permet simplement à l’État de prendre en compte ses avis sans s’y soumettre aveuglément – comme Météo-France, qui fournit des prévisions et qui alerte, mais à qui il ne revient pas de décider de fermer une école ou d’annuler un marché, car cela relève des autorités publiques. L’article permet de s’appuyer sur la science tout en tenant compte des réalités économiques, agronomiques et territoriales. La France est le seul pays d’Europe qui transforme un avis scientifique en interdiction automatique. Pendant ce temps, l’Allemagne, l’Espagne et la Belgique continuent de produire avec les mêmes outils. Supprimer ces alinéas reviendrait donc à dire aux agriculteurs qu’ils seront les seuls en Europe à ne pas pouvoir se défendre. Nous voterons contre ces amendements, car faire confiance à la science, ce n’est pas s’interdire de réfléchir : c’est aussi savoir quand il faut protéger ceux qui nourrissent la France.

Mme Anne-Laure Blin (DR). L’Anses suscite de fortes critiques, car elle illustre l’agencification de l’État. J’ai mené cette bataille lors de l’examen du texte relatif à la simplification de la vie économique et je continuerai. Un grand verger de ma circonscription se réjouit que ce texte permette enfin d’obliger l’Anses à communiquer avec ses autorités de tutelle pour s’assurer que ses travaux soient en phase avec les attentes des agriculteurs. C’est essentiel, car cette agence est hors de tout contrôle démocratique depuis 2015. Il faut qu’elle soit pilotée, car elle multiplie les interdictions franco-françaises et décourage, par son zèle, les demandes d’autorisation de solutions phytosanitaires. En tout état de cause, le texte permet déjà une première avancée, qui mérite d’être soutenue.

M. Richard Ramos (Dem). On voit ici une tentative dangereuse pour mettre du politique dans la science, alors que c’est la science qui doit éclairer le politique. Il y a dans cette salle très peu de vrais scientifiques et nous avons besoin de nous appuyer sur la science, mais celle-ci ne doit pas être en relation trop forte avec le politique, pour ne pas être influencée et perdre son indépendance. Le règlement interne de l’Anses set déjà assez compliqué – ce ne sont pas les chercheurs qui rédigent, mais un rapporteur, ce qui peut susciter des conflits avec les chercheurs, certains ayant même démissionné à la publication de certains rapports de l’Anses. Protégeons l’Anses et protégeons-nous en ne nous mêlant pas de science, tout en nous appuyant sur celle-ci pour prendre des décisions politiques.

Mme Delphine Batho (EcoS). La rhétorique idéologique qui s’exprime à l’encontre de l’Anses ressemble terriblement au discours que l’on entend actuellement aux États-Unis contre les agences fédérales dans divers domaines.

Par ailleurs, l’Anses évalue les risques en fonction d’éléments graves touchant par exemple la santé humaine, l’environnement ou l’eau potable et justifiant un retrait de l’AMM. Or, les dispositions de la proposition de loi l’empêcheraient de le faire en lui imposant d’informer ses ministres de tutelle, lesquels n’ont évidemment pas le même point de vue sur la question, de telle sorte que ce serait, au bout du compte, une réunion interministérielle qui déciderait de l’autorisation de mise sur le marché. Si tel est le cas, les ministres devront en porter la responsabilité pénale, conformément aux conclusions d’un rapport d’inspection de décembre 2007 selon lequel, compte tenu de l’état des connaissances scientifiques quant à l’impact des pesticides sur la santé, la responsabilité pénale des pouvoirs publics était désormais engagée. Il me semble donc qu’il vaut mieux supprimer les alinéas 1 à 9.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). À ceux qui accusent la gauche d’un excès de zèle, je rappelle que, lors de son audition, Phyteis – anciennement Union des industries de la protection des plantes –, association professionnelle qui réunit dix-huit entreprises fournissant des produits phytosanitaires et des pesticides, et qui n’est donc pas un lobby proche de la gauche, s’est, elle aussi, inquiétée de la mise sous tutelle de l’Anses, pour des raisons qui sont également économiques. Selon ces industriels, en effet, la création du conseil d’orientation introduit un biais politique et les décisions prises par ce conseil pourraient, en fonction des ministères qui y siègent, nuire à l’indépendance des choix de l’Anses en matière de pesticides, donc éventuellement aussi à Phyteis et aux professionnels fournisseurs de produits phytosanitaires. Nous devons absolument nous en tenir à des analyses scientifiques.

M. Julien Dive, rapporteur. Je confirme. Nous pouvons tous en convenir, quelles que soient nos obédiences politiques : si le politique décide de ce qui est autorisé sur le marché, nous pourrions tous y trouver à redire au gré des changements de majorité parlementaire et de gouvernement, certains pouvant être plus enclins à tout autoriser et d’autres à tout interdire. Faisons donc confiance aux scientifiques.

D’ailleurs, la préservation de l’autonomie de l’Anses devrait rassurer certains au sujet des AMM qu’elle pourrait délivrer pour l’acétamipride et les dissuader de s’opposer à la fin de l’article 2…

Je répète que je ne suis pas en désaccord sur le fond avec l’intégralité de vos arguments. C’est pour alléger les procédures que j’ai insisté sur la reconnaissance mutuelle, d’un commun accord avec certains collègues de différents groupes. Il serait regrettable d’adopter les amendements de suppression d’alinéas que j’étais prêt à étudier un par un avec vous. Je maintiens donc mon avis défavorable et défendrai la reconnaissance mutuelle au fil de vos interventions.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement CE302 tombe, ainsi que tous les amendements se rapportant aux alinéas 1 à 9.

Amendements CE484 et CE485 de M. Hervé de Lépinau (discussion commune)

M. Hervé de Lépinau (RN). Ils portent sur le problème de la surtransposition ou de la restriction normative qu’imposerait l’Anses, qui est juge et partie. L’Anses devrait rester dans sa mission de conseil scientifique, sur la base de quoi il incomberait au politique de prendre ses responsabilités. Que la gauche se rassure : vous savez si bien terroriser les gens que de nombreux ministres y auraient regardé à deux fois !

L’amendement permet une approche plus raisonnée des AMM, en tenant compte du principe selon lequel il ne doit pas y avoir d’interdiction sans solution. Je rappelle que l’Assemblée nationale avait voté, la main sur le cœur, une motion visant à mettre fin aux surtranspositions afin de rétablir un équilibre pour nos agriculteurs dans la compétition européenne. Il faut maintenant passer des paroles aux actes.

L’amendement CE485 est un amendement de repli. Depuis qu’elle est devenue responsable des AMM des produits phytopharmaceutiques, en 2014, l’Anses a fréquemment procédé à des surtranspositions des normes européennes, qui se sont traduites par des contraintes réglementaires disproportionnées pour les agriculteurs français, une dégradation de notre compétitivité agricole et une perte de plusieurs milliards d’euros pour le secteur. En forçant au niveau législatif un alignement sur le reste de l’Union européenne, nous pourrons mettre fin à une décennie d’interdictions abusives de produits phytopharmaceutiques.

M. Julien Dive, rapporteur. Ces amendements, qui suppriment le principe d’évaluation dès lors qu’une substance est autorisée dans un pays de l’Union européenne, suppriment aussi l’évaluation par l’Anses. Or, selon le règlement européen actuellement en vigueur, lorsqu’une reconnaissance mutuelle est engagée, cette évaluation est nécessaire. Les amendements étant ainsi contraires au droit européen, je ne peux émettre qu’un avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Ces amendements représenteraient un abandon de souveraineté de la France – ce qui, compte tenu de leurs autrices et auteurs, mérite d’être noté. De fait, la France ne pourrait qu’appliquer les décisions des autres pays de l’Union européenne, ce à quoi nous nous opposons. La France doit pouvoir décider, puis prendre des mesures visant à ce que ses décisions soient reprises à l’échelle européenne. Notre pays doit protéger son marché intérieur de l’importation de denrées utilisant des pesticides qu’il a interdits.

M. Dominique Potier (SOC). Il ne s’agit pas ici, à proprement parler, de surtransposition, car la loi donne aux nations, par le biais de leurs agences, la possibilité de délivrer une autorisation pour les produits, les substances étant, quant à elles, traitées à l’échelle européenne. Il peut y avoir, en revanche, des distorsions de concurrence, sur lesquelles nous pourrons revenir et qui font l’objet de diverses propositions. Nous devons néanmoins nous garder des abus de langage dans cette bataille idéologique.

Par ailleurs, notre commission d’enquête sur les produits phytosanitaires a notamment proposé un régime d’autorisation des produits et des substances unifié à l’échelle européenne, filière par filière, bien sûr, et en tenant compte des contextes pédoclimatiques. Cette solution a, du reste, été évoquée comme une perspective possible par la ministre Genevard à l’occasion d’un congrès syndical. Cela pourrait faire l’objet d’un débat public intéressant.

M. Hervé de Lépinau (RN). Je suis très attaché au principe de subsidiarité : l’Europe fixe un principe, que la France peut adapter en fonction de ses intérêts hexagonaux. Nous constatons toutefois que l’Anses joue systématiquement contre son camp. Dans le Vaucluse, du fait de l’interdiction par l’Anses, nous avons ainsi perdu la lavande, nous sommes en train de perdre la cerise et nous allons perdre la fraise. Si vous voulez que la France ne soit plus qu’un immense désert agricole, continuons dans ce sens ! Nous sommes confrontés à une compétition intra-européenne avec des pays membres qui continuent d’utiliser des molécules que l’Anses interdit en France. Cela témoigne d’un dysfonctionnement, dans lequel, du reste, le DG de l’Anses, lorsque nous l’avons auditionné, a considéré qu’il n’avait aucune responsabilité, ce qui est particulièrement inquiétant.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il est savoureux de lire un amendement du Rassemblement national visant à promouvoir l’alignement sur la réglementation en vigueur dans les autres pays membres de l’Union européenne – un Rassemblement national pro-Europe ! Alors que nous avons en France des normes d’excellence dans le domaine de l’environnement et de la santé, et qu’on ne cesse de nous présenter comme l’un des modèles agricoles les plus vertueux au monde, vous proposez de nous aligner sur le moins-disant international. Soit vous êtes complètement incohérents et faites la promotion à la fois d’un protectionnisme qui protège les agriculteurs et du libre-échange qui permet de faire n’importe quoi dans le pays, soit vous êtes favorables au libre-échange et ne défendez que l’agro-industrie, qui se développe en encourageant l’alignement sur les normes les moins-disantes à l’international pour être toujours plus compétitifs, au détriment des agriculteurs et des agricultrices.

M. Julien Dive, rapporteur. Indépendamment du fond, je comprends le souhait de M. de Lépinau de favoriser des substances qui sont autorisées un peu partout en Europe – on retrouve d’ailleurs là le débat sur l’acétamipride comme sur la reconnaissance mutuelle. Toutefois, cet amendement ferait sortir l’Anses de sa mission, qui est aussi d’écarter de l’autorisation de mise sur le marché des substances interdites dans d’autres pays européens.

Mon argument principal est néanmoins que ces amendements sont contraires au droit européen et que la Commission européenne pourrait reprocher à la France un manquement à cet égard. Avis défavorable, donc.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CE620 de M. Robert Le Bourgeois et CE796 de M. Julien Dive (discussion commune)

M. Robert Le Bourgeois (RN). Mon amendement vise à revenir à la rédaction initiale du texte. Personne ici ne s’oppose au développement de solutions alternatives viables et efficaces aux produits phytopharmaceutiques : ce qui nous divise, ce sont le plus souvent des questions de méthode ou d’agenda. En l’occurrence, la position du Rassemblement national est claire et ne change pas : pas de suppression sans alternative. Or, l’expérience a malheureusement montré que les agriculteurs – notamment dans la filière sucrière et dans celles des noisettes et des pommes et poires – pouvaient être privés de certains produits au moment même où ils en avaient le plus besoin et sans qu’aucun horizon leur soit proposé. Quelle que soit l’issue de ce texte, il paraît donc fondamental d’offrir à nos agriculteurs la garantie que, si ce zèle normatif devait se poursuivre ou revenir, l’État serait tenu de financer véritablement la recherche d’alternatives acceptables.

M. Julien Dive, rapporteur. Monsieur Le Bourgeois, je souscris pleinement à l’idée qu’il est nécessaire d’avoir des moyens d’accompagnement et de recherche d’alternatives en cas d’interdiction ou d’arrêt de l’utilisation d’un produit ou d’une substance au niveau national.

Votre amendement comporte cependant une deuxième partie, que vous n’avez pas évoquée et qui crée, en matière de décision, une confusion des rôles entre l’Anses et le ministère de l’agriculture.

Je vous propose donc plutôt de vous replier sur mon amendement CE796, qui vise – sans injonction, bien sûr, pour ne pas tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution – à ce que l’État se donne les moyens d’accompagner les filières et la recherche en cas d’interdiction.

Nous en avons des exemples concrets. Le plan national de recherche et d’innovation (PNRI), issu de la loi Denormandie et faisant intervenir notamment l’Institut technique de la betterave (ITB) et l’Inrae, a été doté de 7,2 millions d’euros pour la période 2020-2024 et de 4 millions de plus jusqu’à 2027 pour travailler sur des alternatives pour la filière unique de la betterave. Je pense aussi au Parsada (plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures), doté d’une enveloppe de 140 millions d’euros. Mais comme nous ne maîtrisons pas les coups de rabot successifs que peuvent opérer les projets de loi de finances, il convient d’inscrire dans la loi la volonté de l’État de mettre les moyens sur la table.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous ne comprenons pas que ces amendements aient été déclarés financièrement recevables, alors que certains des nôtres ont été déclarés irrecevables en vertu de l’article 40 de la Constitution. L’amendement CE620, par exemple, prévoit bien une obligation financière pour l’État.

Sur le fond, nous ne leur sommes pas favorables. En cas de retrait de produits dangereux, les agricultrices et les agriculteurs doivent évidemment être accompagnés. Toutefois, beaucoup d’argent public a été engagé depuis l’interdiction des néonicotinoïdes et, lors de l’examen de la précédente loi – avant la censure de la Cour de justice de l’Union européenne –, vous affirmiez que vous aviez seulement besoin de trois ans et qu’avec tout cet argent, vous alliez trouver des solutions et changer les pratiques. Et voilà que les mêmes filières viennent aujourd’hui demander à l’Assemblée nationale le retour des néonicotinoïdes ? Nous ne pouvons pas suivre cette logique.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Pour ce qui est de la recevabilité financière, nous avons suivi strictement les avis du président de la commission des finances.

Mme Anne-Laure Blin (DR). L’État français ne doit pas prendre des mesures franco-françaises et il n’est pas admissible de partir du principe qu’il va continuer à interdire certaines molécules – ce n’est du reste pas ce que souhaitent les agriculteurs. Par ailleurs, le rôle de l’État n’est pas de mener les recherches sur les solutions alternatives, mais d’accompagner les agriculteurs, ainsi que les entreprises qui font de la recherche et du développement, bridées dans cet effort par des mesures imposées par l’État et par notre législation. Il faut un accompagnement de nos forces vives plutôt qu’un interventionnisme étatique dans le domaine de la recherche et du développement, qui n’est pas une solution pérenne.

M. Dominique Potier (SOC). À la tribune de notre assemblée, lors de la discussion générale sur la loi réintroduisant par dérogation les néonicotinoïdes pour les betteraves, en décembre 2020, j’ai demandé à Julien Denormandie, ministre de l’agriculture, s’il pouvait produire les comptes rendus des comités scientifiques, conseils de surveillance et autres comités des solutions consacrés à la filière betterave entre 2016 et 2020. La réponse a été un silence assourdissant du ministre : ils n’avaient pas travaillé.

Je comprends l’esprit de ce qui est proposé, mais il faudrait y ajouter au moins deux éléments. Tout d’abord, que l’État, au lieu d’accorder des compensations après coup, engage une politique de prévention avant les interdictions, car on connaît deux ou trois ans à l’avance les produits visés. Il faudrait aussi recourir aux fonds européens prévus pour accompagner ces transitions et qui sont sous-utilisés par la France.

Nous nous abstiendrons sur ces amendements incomplets.

M. Hervé de Lépinau (RN). Ces amendements mettent en évidence le problème gravissime que va poser aux agriculteurs la multiplication des non-renouvellements d’AMM. Face à l’incertitude entourant la commercialisation de ses produits, l’industrie phytopharmaceutique risque de renoncer à financer sa R&D ou de ne plus en être capable ; charge alors à l’État de compenser.

Petit à petit, l’agriculture sans phyto va devenir une agriculture sans agriculteurs, incapable de nourrir les populations – le bio en est un bon exemple. C’est le changement de paradigme voulu par les écolos.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Entre l’extrême droite et Mme Blin, c’est un concours de propos délirants. Vous considérez que seule la R&D peut proposer des solutions, parce que vous partez du principe qu’il faut absolument un produit. Mais pourquoi faudrait-il impérativement remplacer une molécule sale par une autre dont on découvrira peut-être à l’avenir qu’elle a elle aussi des effets délétères sur la santé et l’environnement ? Il existe pourtant d’autres solutions pour la quasi-totalité des filières, comme l’ont montré les études de l’Inrae – notamment celle de la betterave, dont nous avions plus particulièrement débattu. Mais peut-être Mme Blin veut-elle aussi supprimer l’Inrae dans le cadre du projet de loi de simplification ? Il faut vraiment en finir avec ces discours qui discréditent la recherche publique et cherchent à nous faire financer la R&D des producteurs de produits phytosanitaires.

M. David Taupiac (LIOT). L’Inrae, qui travaille en bonne intelligence avec l’Anses, a souligné l’importance de maintenir le budget consacré au Parsada – en baisse cette année –, qui permet de soutenir la recherche publique et d’accompagner les filières, comme celle de la noisette, dans la recherche de solutions pour remplacer les produits qui seront interdits dans les prochaines années. Je suis donc tout à fait favorable à l’amendement du rapporteur.

M. Julien Dive, rapporteur. Madame Blin, je ne crois pas que vous soyez opposée au financement de la recherche et à des outils comme le crédit d’impôt recherche. Or, l’objectif de mon amendement est bien d’assurer l’accompagnement financier de la recherche, qu’elle soit menée par des instituts techniques, des entreprises privées ou des instituts publics comme l’Inrae, pour trouver des solutions de remplacement. Ces solutions peuvent certes être des produits de synthèse, mais la R&D, monsieur Prud’homme, peut également permettre de trouver des solutions bio ou de biocontrôle.

Il ne s’agit pas ici d’accorder des mesures réparatrices ou compensatoires. Mais, à partir du moment où l’interdiction de l’utilisation d’un produit par l’État laisse une filière dans l’impasse, comme c’est arrivé avec la betterave, mais aussi la noisette, le navet ou les arbres fruitiers, il est normal qu’il accompagne la recherche de solutions de remplacement. Mon amendement ne fait que sanctuariser une pratique qui existe, mais n’a pas été systématiquement appliquée pour toutes les filières.

La commission rejette l’amendement CE620.

Elle adopte l’amendement CE796.

Amendements identiques CE25 de Mme Delphine Batho et CE377 de Mme Mathilde Hignet

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement tend à abroger la loi autorisant l’épandage par drone.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). En poussant à toujours plus de mécanisation – en l’espèce, en incitant au recours aux drones –, la logique « robotique, génétique, numérique » freine l’autonomie des agriculteurs. Il faut absolument repenser l’usage de l’agroéquipement, tourné vers les profits du machinisme agricole, pour en faire un levier réel de la transition agroécologique.

M. Julien Dive, rapporteur. Nous en avons déjà débattu il y a quelques mois à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de Jean-Luc Fugit visant à autoriser le recours à l’épandage par drone dans certaines conditions. Avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau (RN). Pour notre part, nous considérions que cette proposition de loi n’allait pas assez loin, mais il faut un début à tout. La technologie est toujours au service de l’humain : l’usage de drones permet de consommer moins de produit, puisque le traitement est beaucoup plus précis, et d’éviter à l’opérateur d’être directement à son contact, ce qui est bénéfique pour nos agriculteurs. Comme toujours, les écolos tiennent un double discours : en réalité, ils refusent le progrès et la science.

Non seulement le drone sera un auxiliaire utile, mais en plus il coûte beaucoup moins cher qu’un tracteur de 350 chevaux. Nous savons tous que nombre de nos agriculteurs sont des smicards qui roulent en Ferrari…

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Je rappelle que nous avons beaucoup restreint l’usage des drones en le limitant à l’épandage de certains produits – produits de biocontrôle, autorisés en agriculture biologique ou à faible risque. N’oublions pas que l’objectif est de réduire la pénibilité du travail, c’est-à-dire la difficulté physique, mais aussi le contact avec les produits phytosanitaires.

Contrairement à ce que vous pensez, madame Hignet, ce débat transcende les clivages politiques. À l’image de Perceval Gaillard, votre collègue de La Réunion, la plupart des députés ultramarins sont favorables au texte que j’ai défendu, car l’épandage par drone de produits de biocontrôle ou autorisés en agriculture biologique est très intéressant, notamment pour lutter contre la cercosporiose noire, une maladie qui touche les bananeraies, sans imposer aux agriculteurs de manipuler ou d’inhaler des produits très dangereux pour leur santé.

Mme Delphine Batho (EcoS). À plusieurs reprises, un collègue a fait référence à notre groupe en usant d’un langage familier. Nous sommes restés d’un calme olympien, mais je tiens à rappeler que les familiarités n’ont pas leur place dans cette commission. Nous nous appelons « les écologistes » ou le groupe Écologiste et social.

Nous sommes favorables à une interdiction stricte de l’épandage aérien, dont l’expérimentation n’avait pas été jugée totalement concluante par l’Anses, notamment en raison du risque de dérive des produits qui pourrait affecter les riverains. Il ne nous paraît donc pas pertinent de généraliser cette technique.

M. Julien Dive, rapporteur. J’étais pour ma part favorable au texte de Jean-Luc Fugit. Le Sénat avait choisi d’en reprendre les dispositions quasiment à l’identique dans son texte initial – seul le seuil de pente a été modifié – pour les sécuriser, mais puisque la loi a désormais été promulguée, je proposerai, comme d’autres, de supprimer les alinéas 12 à 24.

Ces outils vont dans le sens de l’histoire. Ils ont vocation à accompagner le monde agricole en permettant aux agriculteurs de s’affranchir du machinisme et de se passer de la phase de traitement préventif au profit du seul traitement curatif.

Le recours à l’épandage aérien est bien encadré ; nous pourrions aller beaucoup plus loin, mais ce n’est pas l’objet du texte. Commençons par appliquer les dispositions de la loi Fugit, qui seront évaluées dans trois ans.

La commission rejette les amendements.

Amendements CE534 et CE26 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Ils visent à rétablir la pleine interdiction des néonicotinoïdes en abrogeant les dispositions ad hoc de la loi de 2020, censurées de fait par la Cour de justice de l’Union européenne. À l’époque, il ne s’agissait pas d’autoriser l’acétamipride, mais des substances interdites à l’échelle européenne. Aujourd’hui, vous voulez autoriser l’acétamipride et le flupyradifurone – le rapporteur n’a pas parlé de cette deuxième molécule, mais elle est bien concernée par le texte. À l’inverse, nous proposons de revenir aux dispositions de la loi Egalim 1.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable. L’adoption de votre amendement conduirait à supprimer l’ensemble des dispositions de la loi Denormandie, dont certaines sont toilettées dans le texte et font l’objet d’amendements. Entre autres choses, vous supprimeriez le Conseil de surveillance, qui me semble utile – j’y reviendrai.

J’ajoute que le flupyradifurone comme le sulfoxaflor – dont l’AMM, délivrée par l’Anses, avait été attaquée au tribunal avant d’être définitivement accordée – ne sont pas des néonicotinoïdes à proprement parler ; ils présentent seulement le même mode d’action. Si le flupy venait à être interdit sur la base de données scientifiques, son AMM serait alors retirée. Et j’en profite pour préciser que nous sommes tous attachés à l’indépendance de l’Anses, j’en veux pour preuve l’adoption d’amendements en ce sens tout à l’heure.

Mme Hélène Laporte (RN). Nous voterons contre ces amendements.

Les néonicotinoïdes à usage vétérinaire, soumis à une AMM délivrée par l’Agence nationale du médicament vétérinaire – une agence placée sous la tutelle de l’Anses –, restent autorisés, notamment parce qu’ils ne sont appliqués que localement. Certains colliers pour chiens et chats contiennent ainsi de l’imidaclopride, une substance 4 000 fois plus toxique que l’acétamipride. Elle se retrouve de fait, à travers nos animaux domestiques, directement au cœur de nos foyers, et ce n’est pas considéré comme un problème. Vous craignez que la réautorisation de l’acétamipride ne provoque une crise sanitaire majeure ; si on suit votre logique, il faudrait donc élargir l’interdiction des néonicotinoïdes à tous les usages.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). C’est exactement ce que nous demandons !

Mme Delphine Batho (EcoS). Une substance dangereuse l’est évidemment quel que soit l’usage auquel elle est destinée – agricole, domestique, vétérinaire. Les conséquences des pyréthrinoïdes sur la santé humaine, en particulier, sont une source de préoccupation majeure. En toute cohérence, le groupe Écologiste et social a donc déposé un amendement visant à interdire l’utilisation dans les biocides de substances interdites dans les pesticides. Il a été adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et sera discuté après l’article 2.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, un très bon rapport d’information de Stéphane Travert et Hélène Laporte pour la commission des affaires économiques a montré à quel point le Conseil de surveillance était un échec.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE645 de M. Jean-Luc Fugit et amendements identiques CE745 de M. Julien Dive, CE15 de Mme Delphine Batho, CE129 de M. Dominique Potier, CE378 de M. Loïc Prud’homme, CE512 de M. David Taupiac, CE586 de M. Julien Brugerolles et CE786 de M. Pascal Lecamp (discussion commune)

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Mon amendement vise à supprimer les alinéas 11 à 24, qui reprennent des dispositions du texte sur l’épandage par drone adopté à mon initiative. La loi ayant été promulguée le 23 avril, ces alinéas sont donc satisfaits.

S’agissant du risque de dérive pointé par Mme Batho, l’Anses a montré que la concentration de résidus due à la dérive au-delà de 10 mètres est beaucoup plus faible qu’à 5 mètres. En outre, des études de la MSA (Mutualité sociale agricole) ont mis en évidence les bénéfices du recours au drone sur la santé des applicateurs de produits phytosanitaires de l’Ardèche et de la Drôme, où les terrains sont particulièrement pentus.

Enfin, je rappelle que la partie expérimentale de la loi s’appuie sur les travaux de l’Anses – dont nous défendons tous l’indépendance –, qui devra présenter les résultats des essais chaque année à l’Opecst (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques). Le Parlement suivra donc bien l’application de la loi.

M. Julien Dive, rapporteur. Mon amendement tend également à supprimer les alinéas qui portent sur l’épandage par drone dans les terrains en pente ou cultivés en agriculture biologique, puisque la loi Fugit a été promulguée.

Mme Delphine Batho (EcoS). Quoique pour des raisons opposées, nous demandons également la suppression des alinéas 12 à 24.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Si nous ne sommes pas opposés à l’épandage par drone dès lors qu’il facilite les conditions de travail des salariés et travailleurs agricoles de certaines filières, nous sommes en revanche défavorables à la généralisation de cette technique, car tous les risques pointés par l’Anses n’ont pas été complètement écartés.

Nous avons déjà débattu de tous ces sujets lors de l’examen de la proposition de loi Fugit, il n’est pas pertinent d’y revenir.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Certains veulent supprimer ces alinéas pour laisser prospérer la loi Fugit ; comme l’a expliqué Delphine Batho, nous, nous voulons interdire l’épandage aérien. Le simple fait d’accoler ces deux mots contrevient au bon sens le plus élémentaire. Les dérives sont un des principaux défauts de cette technique, comme l’ont montré les premiers essais.

M. David Taupiac (LIOT). Les débats il y a quelques mois nous ont permis d’encadrer au mieux cette pratique, à laquelle je suis favorable. Concentrons-nous maintenant sur le cœur de ce texte : la simplification.

M. Julien Brugerolles (GDR). Par principe, nous ne sommes pas opposés au développement de l’agriculture de précision. Mais dans le contexte actuel, le recours à l’épandage par aéronef – notamment par drone –, dont l’un des défauts est le risque de dérive des produits, s’inscrit dans une logique visant à lever petit à petit les obstacles aux usages répétés de pesticides, alors que l’effort devrait porter en priorité sur la recherche d’autres solutions.

M. Pascal Lecamp (Dem). Cet amendement du groupe Démocrates vise à supprimer les alinéas 12 à 24, déjà satisfaits par la loi Fugit, dont les dispositions sont elles-mêmes issues des travaux de notre ancien collègue Pascal Lavergne, que je salue. Elles avaient alors été soutenues par notre collègue Hubert Ott. La seule différence entre la loi Fugit et le texte que nous examinons porte sur le seuil de pente autorisant l’épandage par drone – 20 % pour la première contre 30 % pour le second. Mieux vaut respecter l’équilibre du texte promulgué et nous assurer de son application effective.

M. Julien Dive, rapporteur. Je suis favorable à tous les amendements visant à supprimer ces alinéas, quelle qu’en soit la raison profonde. L’Assemblée nationale évaluera l’application de la loi Fugit.

Par cohérence légistique, je vous demande, monsieur Fugit, de bien vouloir retirer votre amendement CE645, car il supprime aussi l’alinéa 11.

M. Lionel Tivoli (RN). Une fois de plus, la gauche écologiste ne cherche pas à encadrer, mais à interdire. Elle s’en prend cette fois à l’épandage par drone, une technologie pourtant plus ciblée et moins dispersive que les méthodes traditionnelles, et qui est l’une des seules permettant de réduire les doses, de préserver les sols en évitant le tassement et de traiter les terrains où les tracteurs ne passent pas – terrains en pente ou détrempés, vignes, zones sensibles.

Surtout, l’usage des drones est déjà autorisé, dans certaines conditions, en Allemagne, en Espagne et en Italie ; en Asie, l’agriculture de précision est devenue un standard. Pourquoi la France devrait-elle être encore une fois le seul pays à interdire ce que les autres développent ? Il y va de notre souveraineté.

Le RN votera contre ces amendements de blocage qui empêchent le développement d’une agriculture moderne, responsable et compétitive. Ce n’est pas en cassant le drone qu’on fera pousser les cultures plus proprement.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Monsieur Brugerolles, vos propos sont gênants, pour ne pas dire blessants pour tous ceux qui ont travaillé sur cette loi de progrès social et environnemental. L’objectif était de réduire la pénibilité pour les employés agricoles, qui travaillent dans des conditions difficiles, en particulier lorsque les terrains sont pentus. Je suis navré que le groupe GDR ne s’y montre pas sensible, d’autant que seuls les produits de biocontrôle et les produits à faible risque peuvent être épandus par drone. Le recours au drone permet donc aussi de réduire les conséquences environnementales des produits.

Libre à vous de travestir l’objectif du texte, mais ce n’est pas très honnête intellectuellement. C’est dommage.

Quant à mon amendement, je le retire.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Puisqu’on parle d’honnêteté intellectuelle, je souligne que l’étude de l’Anses a pointé des faiblesses méthodologiques dans soixante-sept des soixante-quatorze essais menés. Malgré nos demandes répétées pendant l’examen de votre texte, vous ne nous avez jamais indiqué, monsieur Fugit, si vous considériez que dix essais étaient suffisants pour conclure à l’absence de risques de cette technique pour la santé et l’environnement. À nos yeux, ce n’est pas le cas : les travaux de l’Anses doivent se poursuivre, et, en attendant, mieux vaut interdire cette pratique.

Au-delà des données scientifiques, la question est aussi politique : veut-on avant tout améliorer le revenu des agriculteurs pour encourager les vocations ou céder au remplacement par le machinisme agricole ? L’agroéquipement doit faciliter la transition écologique, pas remplacer les agriculteurs.

M. Julien Brugerolles (GDR). Monsieur Fugit, au-delà des risques de dérive, l’étude de l’Anses publiée en 2022 laissait ouverte la question de l’impact de la quantité des dépôts sur les cultures et l’exposition des travailleurs, et soulignait que les niveaux de contamination des mannequins placés à 3, 5 et 10 mètres de la parcelle étaient quatre à six fois plus élevés après application par drone que pour l’atomiseur à dos.

M. Benoît Biteau (EcoS). Vous partez du postulat que, sans pesticides, l’agriculture n’est pas capable de répondre aux besoins. Mais le recours au drone signe une fuite en avant : en tentant de devenir moins dépendants des pesticides, on crée une nouvelle dépendance, à une technologie cette fois.

Essayons plutôt d’imaginer un système dans lequel on se passe des pesticides, donc de toutes les technologies d’application – et on en revient au débat de l’article 1er sur la séparation entre la vente et le conseil. Penser que l’agriculture sans pesticides nous affamera est un biais de raisonnement très dommageable au soutien aux agriculteurs et à la protection de leur revenu et de leur santé.

L’amendement CE645 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, tous les amendements se rapportant aux alinéas 12 à 24 tombent.

Amendements CE310, CE311, CE312 et CE313 de M. Nicolas Thierry (discussion commune)

M. Nicolas Thierry (EcoS). Aussi baptisées polluants éternels, les substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS) sont des composés chimiques très persistants engendrant une pollution invisible et massive de l’air, de l’eau, des sols et des aliments. Ils présentent des risques bien documentés pour la santé publique et l’environnement. L’épandage de pesticides contenant des PFAS, qui a triplé en France entre 2008 et 2021 pour atteindre plus de 2 300 tonnes, aggrave directement cette contamination.

Face à ces substances qui empoisonnent durablement nos écosystèmes et nos corps, nous ne pouvons pas rester inactifs. L’amendement CE310 vise donc à interdire les pesticides contenant des PFAS ou dont la dégradation en libère sous forme de métabolites.

Les amendements CE311, CE312 et CE313 visent à interdire spécifiquement trois pesticides utilisés en France et dont la dégradation libère de l’acide trifluoroacétique (TFA), qui est l’un des polluants éternels les plus préoccupants. Il est à l’origine d’une contamination massive de l’eau potable en France. Il est également reconnu comme un perturbateur endocrinien présentant des risques pour le développement cérébral, la santé des femmes enceintes et des nouveau-nés.

Il faut couper au plus vite le robinet de cette pollution. Il y va de notre santé publique et des finances de nos collectivités chargées du traitement de l’eau, qui feront inévitablement face à un mur financier pour assurer la coûteuse dépollution de l’eau potable.

M. Julien Dive, rapporteur. Comme je l’ai déjà expliqué, seule l’Efsa peut décider d’interdire ou d’autoriser l’usage d’un pesticide. Afin de ne pas pénaliser l’agriculture ni créer de distorsion par rapport aux acteurs européens, mieux vaut respecter ce cadre. Je vous demande donc de bien vouloir retirer ces amendements ; à défaut, avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau (RN). N’oublions pas que moins une molécule est efficace, plus il faut traiter pour obtenir un résultat équivalent. Dans les vignes cultivées en bio, par exemple, le tracteur doit passer plus souvent ; à défaut, la flavescence dorée ou le mildiou se développent et contaminent les parcelles adjacentes en culture conventionnelle.

Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur Biteau, non seulement l’agriculture bio est également consommatrice de produits phytosanitaires, mais en plus, comme ils sont moins efficaces, elle doit en appliquer davantage.

Mme Nicole Le Peih (EPR). Monsieur Biteau, la mécanisation est certainement nécessaire. Mais pour éliminer les adventices avec une herse étrille dans des rangs de maïs séparés de 70 centimètres, il faut que le tracteur passe trois fois. Cela assèche la terre ou, à tout le moins, la tasse, et le ver de terre ne joue plus son rôle d’aération. La consommation de gazole est trois fois plus importante, sans compter le coût du chauffeur. Et le résultat peut être moins bon.

Réduire le recours à certains produits phytopharmaceutiques, soit, mais alors le rendement sera moindre, donc on importera davantage.

M. Benoît Biteau (EcoS). Sortons des impressions et des croyances. Une agriculture qui fait référence à l’agroécologie serait moins productive ? Quand la certification en agriculture biologique est l’aboutissement d’un parcours agronomique, comme cela devrait toujours être le cas, on n’observe pas de différence de productivité.

M. de Lépinau prétend que l’agriculture biologique nécessite beaucoup plus de traitements : je lui rappellerai qu’elle est sévèrement contrôlée et qu’elle est régie par un cahier des charges qui limite drastiquement les doses à utiliser. Surtout, un agriculteur biologique qui fait de l’agronomie part du principe que ce n’est pas parce que certaines molécules sont autorisées qu’il doit les utiliser. Cela fait vingt ans que je suis agriculteur en bio, et je n’ai même pas le Certiphyto, le certificat individuel professionnel produits phytopharmaceutiques. Je n’ai jamais utilisé de molécules, même autorisées. Pourtant, je produis autant que les autres.

Mme Le Peih affirme que les passages de tracteur sont plus nombreux en agriculture biologique et consomment plus de gazole. Je lui rappellerai que pour produire 1 kilo d’azote, il faut 1,5 litre de pétrole : il faut beaucoup de passages de bineuse pour atteindre le niveau de la fertilisation azotée !

M. Éric Martineau (Dem). Il faut tout de même reconnaître que l’agriculture biologique a une production moindre, en tout cas dans les vergers – je peux l’affirmer, puisque je pratique l’agriculture biologique et l’agriculture écoresponsable. Je n’oppose pas les systèmes ; ils sont différents, voire complémentaires. On n’utilise pas les mêmes substances en agriculture biologique, raisonnée ou écoresponsable. Toutefois, je ne peux pas laisser dire que la production est équivalente ; dans nos vergers, elle est au moins moitié moindre alors que notre coût de production est presque deux fois supérieur. J’ajoute que les produits que nous avons le droit d’utiliser ne sont pas tous très bons : par exemple, le Neemazal, l’huile de neem, est un perturbateur endocrinien reconnu.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Les techniques agroécologiques telles que la rotation et la diversification des cultures ou la polyculture-élevage permettent aussi de limiter les passages, y compris le désherbage mécanique. Il est possible de produire différemment.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE653 de Mme Hélène Laporte

M. Christophe Barthès (RN). Nous souhaitons restaurer dans leur rédaction initiale les dispositions de l’article 2 qui abrogent l’interdiction générale des néonicotinoïdes introduite par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Cela permettrait d’aligner le droit français sur le droit européen, qui autorise encore l’usage de l’acétamipride sous une limite maximale de résidus. Les néonicotinoïdes resteraient en revanche interdits pour les cultures de plein air. Cette rédaction s’impose pour mettre fin à la surtransposition du droit européen relatif aux néonicotinoïdes, qui a conduit de nombreuses exploitations à la faillite. Elle mettra les agriculteurs français sur un pied d’égalité avec leurs homologues italiens, allemands et polonais.

M. Julien Dive, rapporteur. Nous agissons dans un maquis où s’entrelacent le cadre légal, avec la loi de 2016, et le cadre jurisprudentiel, avec la décision du Conseil constitutionnel de 2020 et celle de la Cour de justice de l’Union européenne de 2023. Nous ne pouvons pas revenir sur la loi de 2016 – si tel était le cas, nous ne pourrions d’ailleurs réautoriser que l’acétamipride, puisque les autres substances néonicotinoïdes sont interdites en Europe. Surtout, nous risquerions la censure du Conseil constitutionnel, qui précise dans sa décision sur la loi de 2020 : « Les limitations portées par le législateur à l’exercice de ce droit ne sauraient être que liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi. » Je vous propose donc de retirer votre amendement. Nous examinerons plus loin des amendements visant à réautoriser l’acétamipride dans un cadre dérogatoire, notamment pour la culture de la noisette, et qui ne présentent pas le risque d’être censurés par le Conseil constitutionnel.

M. Lionel Tivoli (RN). Disons les choses clairement : on interdit aux agriculteurs d’utiliser certaines substances non pas pour protéger la santé, mais pour se donner bonne conscience. Dans le même temps, des produits cultivés à l’étranger avec les mêmes molécules remplissent nos rayons : pas vu, pas pris. On sacrifie nos producteurs sur l’autel de l’image ; on les montre du doigt ; on leur impose des normes que même Bruxelles n’impose pas. Quand ils ferment boutique, on verse une larme entre deux bouchées de fraises espagnoles. Ce système est hypocrite : il prétend sauver la planète mais ne sauve que les apparences.

Cet amendement ne vise qu’une chose : arrêter de punir ceux qui jouent le jeu. Nos agriculteurs veulent bien faire, mais pas se faire tondre pendant que les autres moissonnent les profits. Un peu de cohérence ! Et surtout, un peu de respect pour ceux qui bossent la terre pendant que d’autres s’en lavent les mains.

Mme Delphine Batho (EcoS). Le Rassemblement national plaide pour s’en remettre à la réglementation européenne : cela ne manque pas de saveur ! Pour rappel, c’est grâce à la France et à sa loi interdisant les néonicotinoïdes que l’Union européenne a proscrit l’usage de certaines substances. C’est grâce au ministre Julien Denormandie – qui, à ma connaissance, n’est pas un écologiste – qu’a été enclenchée la demande d’interdiction de l’acétamipride, du sulfoxaflor et du flupyradifurone.

Nous examinerons des amendements qui traitent de la concurrence déloyale. Cependant, ce n’est pas parce qu’un produit est autorisé ailleurs qu’il doit l’être chez nous : cela reviendrait à tout accepter. La Turquie, par exemple, emploie une quinzaine de produits interdits par l’Union européenne dans ses cultures de noisettes. Devons-nous en faire autant pour lutter contre la concurrence déloyale avec ce pays – dont je précise, pour aller au bout du problème, qu’il reçoit des aides européennes dans le cadre de la procédure de préadhésion ?

M. Pierrick Courbon (SOC). L’apiculteur que je suis a entendu de nombreuses contre-vérités au cours de ces débats. Ceux qui plaident pour réintroduire l’acétamipride, au motif qu’il serait moins dangereux, défendaient hier avec la même conviction les autres néonicotinoïdes, avant que l’accumulation de constats scientifiques, médicaux et agricoles ne conduise à les interdire. Quel modèle agricole voulons-nous défendre ?

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Ces amendements ne manquent pas de sel : le Rassemblement national prétend défendre les agriculteurs, leurs revenus et leur survie, mais souhaite s’aligner sur les normes environnementales les plus sales en Europe et dans le monde, ce qui suppose aussi de s’aligner sur les pratiques tarifaires, salariales et sociales les plus défavorables. Avec un tel dumping, les agriculteurs finiront par toucher 300 euros par mois – c’est déjà le cas pour beaucoup –, comme en Roumanie. Pour notre part, nous voulons protéger les agriculteurs contre la concurrence de pays qui produisent dans de telles conditions. L’exemple de l’interdiction du diméthoate pour la culture de la cerise prouve que c’est possible. Nous devons interdire l’importation de produits étrangers traités avec des substances qui sont interdites en France. C’est ainsi que l’on protégera les revenus des agriculteurs.

Mme Hélène Laporte (RN). Je ne retire pas mon amendement, et je précise que le Conseil constitutionnel n’a pas prononcé une censure.

La commission rejette l’amendement.

4.   Réunion du mercredi 14 mai 2025 à 16 heures 30 : examen des articles (suite)

Amendement CE758 de M. Guillaume Lepers, amendement CE656 de Mme Hélène Laporte (discussion commune)

M. Guillaume Lepers (DR). L’Union européenne est un marché censé appliquer des règles communes. Pourtant, la France est le seul pays interdisant l’usage de l’acétamipride, alors même que les vingt-six autres pays membres peuvent en utiliser un minimum autorisé jusqu’en 2033.

Dans la mesure où cet usage est encadré au niveau européen, mon amendement vise à revenir à la version initiale de la proposition de loi en rétablissant un régime d’autorisation plutôt qu’un régime dérogatoire. Si ce dernier a plus de chance de faire consensus, un retour à la version initiale du texte correspondrait davantage à la situation critique des agriculteurs et à la complexité administrative qu’ils subissent.

Mme Hélène Laporte (RN). Cet amendement de bon sens vise à supprimer le conseil de surveillance prévu au II bis de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, institué par la loi du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, dite loi « Denormandie ».

Ce conseil de surveillance, à la composition pléthorique et hétéroclite, avait pour mission de contrôler les conditions dans lesquelles devaient être pris les actes réglementaires permettant l’usage de semences enrobées de néonicotinoïdes dans la filière betteravière. Après avoir montré toute sa lourdeur durant la période d’application de la loi Denormandie, il n’a jamais été abrogé, alors que les dérogations n’existent plus. Nous proposons de le recycler en lui confiant le contrôle du processus de dérogation en faveur de l’acétamipride ou des substances dont les modes d’action sont assimilés à celui des néonicotinoïdes.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable sur l’amendement CE758, pour des raisons de forme puisqu’il s’expose à une censure du Conseil constitutionnel. Je vous en demande donc le retrait, monsieur Lepers, d’autant qu’il ne concernerait que l’acétamipride, dernière substance autorisée dans l’Union européenne, qui est précisément concernée par l’article 2.

Madame Laporte, j’ai fait partie de ce conseil de surveillance, qui n’a apporté aucune lourdeur à la procédure. Sa composition était en effet assez large puisqu’il rassemblait des scientifiques, des représentants des interprofessions, des parlementaires et des représentants associatifs. J’entends votre argument, consistant à dire qu’il n’a plus d’intérêt puisque la loi Denormandie ne s’applique plus, mais je défendrai tout à l’heure un amendement visant à en faire un outil rendant des avis sur les dérogations. Demande de retrait.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous sommes opposés à ces amendements, dans la défense desquels il me semble entendre une remise en cause des raisons pour lesquelles le législateur et l’Union européenne ont interdit les néonicotinoïdes (à l’exception de trois d’entre eux).

La toxicité de ces insecticides est aiguë, bien plus que celle du dichloro-diphényl-trichloroéthane (DDT) interdit il y a cinquante ans. Ils sont non sélectifs, systémiques et persistants dans l’environnement – certains pendant vingt ans.

La science nous apprend qu’ils sont source de préoccupations majeures en raison de leurs impacts sur la santé humaine, en particulier sur les systèmes nerveux et cérébraux in utero, ce qui affecte le neurodéveloppement des enfants. Comment pouvez-vous remettre en cause la décision que nous avons prise il y a dix ans ?

Mme Hélène Laporte (RN). Je ne nie pas l’utilité du conseil de surveillance lorsque la loi Denormandie s’appliquait ; mais les dérogations n’existant plus, cette utilité n’a plus cours.

Quant à votre réponse, madame Batho, elle est complètement hors sujet !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CE130 de M. Dominique Potier et CE379 de Mme Mathilde Hignet

M. Dominique Potier (SOC). Je ne rappellerai pas les arguments en défaveur de la réintroduction des néonicotinoïdes, qui ont déjà été exposés.

Une décision politique ne peut être corrigée par une autre décision politique : un amendement socialiste à venir propose qu’aucune dérogation ne puisse être octroyée sans que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) procède à un nouvel examen.

L’autorisation donnée il y a dix ans ne tient pas compte des découvertes scientifiques récentes ni de l’évolution du changement climatique. Elle ne tient pas non plus compte des nouvelles capacités de l’Anses à explorer les enjeux de l’exposome, à prendre en considération des coformulants et à mesure les impacts sur la biodiversité à long terme.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Les arguments relatifs à la santé sont alarmants et devraient suffire à nous convaincre, mais permettez-moi d’évoquer ceux qui concernent la filière apicole.

Le texte vise à favoriser une filière en en détruisant une autre. Un article de L’Humanité rapporte les propos de M. Yves Delaunay, vice-président de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf) : « Lorsque [les néonicotinoïdes] sont arrivés, on n’était pas au courant de leur toxicité. En quelques années on est passé de 80 kg de miel à 5 kg par ruche avec des ruches très faibles. Comment voulez-vous qu’une exploitation avec des pertes aussi importantes puisse vivre ? » L’article ajoute que près de trois cent mille ruches seraient amenées à disparaître avec la réintroduction des néonicotinoïdes. C’est inacceptable.

M. Julien Dive, rapporteur. Il ne s’agit pas de rétablir l’autorisation d’utilisation des néonicotinoïdes, mais de permettre un usage dérogatoire et encadré de l’acétamipride, dans des situations identifiées comme étant des impasses. L’interdiction des néonicotinoïdes demeure le principe général, y compris pour le sulfoxaflor et le flupyradifurone, qui leur sont assimilés en raison de leur mode d’action.

L’autorisation de mise sur le marché (AMM) du sulfoxaflor a été contestée par un tribunal, parce qu’elle datait de 2017 et était donc antérieure à la loi : son utilisation est donc interdite. Une évaluation du flupyradifurone est en cours au niveau européen et devrait aboutir à une décision cette année. Faire confiance aux instances scientifiques, qu’il s’agisse de l’Agence européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority, Efsa) ou de l’Anses, est donc un choix judicieux.

Monsieur Potier, vous souhaitez faire de l’Anses le référent, ce à quoi je suis favorable ; mais supprimer la possibilité de déroger l’empêchera de procéder à des réévaluations et de délivrer des AMM.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous soutenons ces amendements, qui auraient pu faire l’objet d’une discussion commune avec les suivants.

La raison de l’annulation, par la justice, de l’AMM du sulfoxaflor est l’absence de données concernant son impact sur les abeilles. Les populations d’insectes ont connu un effondrement de 80 % ; avec cette proposition de loi pro-pesticides, vous proposez d’éliminer les 20 % restants.

Je tiens à la disposition de tous les députés la littérature scientifique relative à l’impact effrayant de l’acétamipride sur les abeilles. Il n’est pas possible d’envisager des dérogations pour en autoriser l’usage, alors que les populations d’insectes s’effondrent et qu’il a des conséquences sur les rendements agricoles de nombreuses filières dont il n’est jamais question.

M. Pierrick Courbon (SOC). Nos collègues favorables à ce texte disent défendre les agriculteurs et considèrent que ceux d’entre nous qui y sont défavorables s’opposent à la souveraineté alimentaire. C’est une fumisterie !

Qui accepterait d’arrêter l’élevage avicole ou bovin pour défendre la filière porcine ? Avec ce texte, afin de préserver la filière Noisette ou la filière Betterave, il faudrait accepter de mettre à mort la filière apicole. Or les apiculteurs sont aussi des producteurs agricoles, dont le poids économique, en France, est sans commune mesure avec celui de la filière Noisette ! Vous procédez à un arbitrage entre ces filières plutôt que de les défendre de manière équitable.

M. Julien Dive, rapporteur. En établissant des parallèles entre ces filières, vous les opposez également les unes aux autres. La possibilité de déroger à l’utilisation de l’acétamipride ne s’applique pas aux cultures mellifères – ce que n’est pas la betterave. De plus, des mesures sont prévues dans ce texte, notamment pour éviter que ces cultures soient implantées sur des surfaces sur lesquelles de l’acétamipride a été utilisé.

L’utilisation de cette substance devra correspondre à différents critères et son usage est plafonné par l’Efsa. La dérogation que les cultures en situation d’impasse pourront demander ne sera pas automatique. Ni vous ni moi, à ce stade, ne sommes capables de dire à l’avance quelle filière pourra recourir à l’acétamipride.

La commission rejette les amendements.

Amendements CE16 et CE27 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Ces amendements visent tous deux à supprimer les alinéas rétablissant l’autorisation d’utilisation des néonicotinoïdes et le conseil de surveillance.

Monsieur le rapporteur, le mode d’action des néonicotinoïdes que vous décrivez est inexact. Les néonicotinoïdes ne tuent pas uniquement les pollinisateurs par le biais des cultures mellifères. Leur substance active, qui est un poison, infiltre l’eau, l’air, les sols et toutes les plantes. Dans les Deux-Sèvres, on en retrouve dans les haies et dans les cultures des agriculteurs biologiques qui n’y ont jamais eu recours.

Les abeilles, les vers de terre, les humains : tout le monde est contaminé en raison de la diffusion et de la persistance de ces substances dans l’environnement. C’est précisément parce que le danger pour les pollinisateurs ne réside pas seulement dans les cultures attractives, que la loi a interdit tous les néonicotinoïdes pour toutes les cultures.

Permettez-moi de porter à la connaissance de notre commission la note des autorités françaises à la Commission européenne du 30 novembre 2020 : « Les autorités françaises, sur la base des procédures antérieures et à la lumière des nouvelles données, demandent à la Commission européenne (...) d’interdire à la vente et à l’utilisation les substances acétamipride, sulfoxaflor et flupyradifurone. L’acétamipride agit par contact et par ingestion. Il présente des caractéristiques de toxicité et de persistance. Selon l’avis du [comité d’évaluation des risques] de l’Agence européenne des produits chimiques du 4 mai 2020, la classification harmonisée devrait également inclure l’indication “toxique pour la reproduction de catégorie 2, susceptible de causer des dommages à l’enfant à naître”. L’approbation de l’acétamipride a été renouvelée pour quinze ans, malgré le manque de données, qui n’a pas permis d’évaluer les effets sub-létaux pour les abeilles. Aucune donnée n’était disponible pour réaliser une évaluation complète des risques pour les bourdons et les abeilles solitaires. Le risque est élevé pour les arthropodes non ciblés sur la culture traitée. »

Il est regrettable de ne pouvoir lire la totalité de cette note, approuvée par le ministre Julien Denormandie.

M. Julien Dive, rapporteur. S’agissant du conseil de surveillance, même avis que sur l’amendement CE656 de madame Laporte.

Madame Batho, il est inexact de prétendre que l’ensemble des néonicotinoïdes sont persistants au-delà de vingt ans ; ceux qui présentent cette caractéristique ont d’ailleurs été interdits dans l’Union européenne. La demi-vie (DT50) de l’acétamipride est de quelques jours au contact de l’air et sa rémanence est beaucoup plus faible. Lorsque vous évoquez la persistance des molécules des néonicotinoïdes, il serait honnête de préciser desquelles il s’agit.

M. Pierrick Courbon (SOC). L’acétamipride ne pose pas qu’un problème d’intoxication aiguë liée à son utilisation sur des plantes mellifères. En apiculture, il provoque une intoxication chronique liée à sa persistance, qui ne se limite pas à quelques jours comme vous voulez le faire croire – c’est scientifiquement faux. On retrouve des traces d’acétamipride dans des parcelles n’ayant jamais été traitées.

La betterave n’est certes pas une plante mellifère. Pourtant, des abeilles ont été intoxiquées à l’acétamipride en raison du phénomène de guttation, qui est une sorte de transpiration des plantes ; elles s’étaient abreuvées à ces gouttes sur des plants de betterave traités à l’acétamipride.

Nous ne sommes pas opposés à cette substance uniquement pour voir des abeilles butiner, mais parce que la contamination chronique par les abeilles est beaucoup plus large que ce que vous décrivez.

Mme Delphine Batho (EcoS). Monsieur le rapporteur, vous citez les évaluations réglementaires… alors que je cite la littérature académique, qui n’est pas financée par les firmes de l’agrochimie contrairement aux tests d’évaluation fournis dans les procédures biaisées de l’Efsa !

Je cite des publications scientifiques à comité de lecture et à revue par les pairs, qui démentent les informations qui viennent d’être données sur la durée de demi-vie de l’acétamipride, qui est en réalité d’au moins deux ans. Cette précision me semble utile pour éclairer nos débats.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Permettez-moi de verser à nos débats le témoignage de M. Jean-Marc Bonmatin, chimiste-toxicologue et chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – par conséquent plus compétent que vous et moi en matière de toxicité de l’acétamipride : « Si l’acétamipride [bien qu’il soit problématique] n’est pas le pire néonicotinoïde pour les abeilles, c’est en revanche probablement le pire pour la santé humaine. L’un des métabolites issus de la dégradation de l’acétamipride a la particularité de rester plus longtemps que les autres dans le corps humain. »

C’est donc l’un des néonicotinoïdes les plus problématiques dont vous êtes en train d’autoriser à nouveau l’utilisation.

M. Julien Dive, rapporteur. Monsieur Courbon, vous êtes apiculteur et vous connaissez donc l’ensemble des causes de mortalité des abeilles, parmi lesquelles les activités humaines figurent en bonne place et se déclinent de différentes façons : erreurs, notamment en matière de nourrissage, activité industrielle, méconnaissance et produits phytosanitaires – désormais interdits pour la plupart d’entre eux. Vous connaissez aussi les autres causes de mortalité, qui sont plus naturelles en quelque sorte : la météorologie (les hivers sont facteur de perte de colonies), mais aussi le varroa et le frelon asiatique.

Parmi ces nombreux facteurs, vous vous concentrez sur les produits phytosanitaires et je l’entends. Toutefois, je rappelle à nouveau que ce texte prend en considération la protection des cultures mellifères. Quant à l’intoxication des abeilles par le biais de la guttation, vous m’accorderez qu’elle n’est pas très fréquente, les abeilles s’abreuvant à de nombreux types de plantes.

La surface agricole utile (SAU) s’élève à 29 millions d’hectares, dont 18 millions d’hectares de terres arables. Seuls sept millions d’hectares étaient concernés par l’usage de néonicotinoïdes avant 2016. Si toutes les filières visées par la dérogation la sollicitaient, la surface concernée serait de cinq cent mille hectares, soit 7 % des surfaces précédemment autorisées à utiliser l’acétamipride.

Madame Batho, vous avez le droit de contester la communauté scientifique, en particulier l’Efsa, comme vous venez de le faire. Nous étions pourtant du même avis, hier, pour défendre autonomie de l’Anses. En 2002, l’Efsa indiquait qu’« aucune preuve concluante et solide d’une augmentation des risques par rapport à l’évaluation précédente n’a été trouvée pour les oiseaux, les organismes aquatiques, les abeilles mellifères et les organismes du sol. Le risque d’exposition des eaux souterraines à l’acétamipride et à ses métabolites lors des utilisations représentatives sur les fruits à pépins et les pommes de terre est faible dans les situations géoclimatiques représentées par les neuf scénarios de focus relatifs aux eaux souterraines. ».

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE654 de Mme Hélène Laporte

Mme Hélène Laporte (RN). Cet amendement vise à réduire la composition du conseil de surveillance. La multiplication des acteurs amenés à y siéger en a fait un organe inefficace, dont les réunions sont propices à des débats qui n’aboutissent pas à grand-chose. Il accueille notamment un représentant du Conseil économique, social et environnemental (Cese), dont la suppression serait bienvenue pour assainir la dépense publique. Nous suggérons de limiter cette composition aux représentants du Parlement, du Gouvernement et des instituts de recherche impliqués.

M. Julien Dive, rapporteur. Les représentants dont vous souhaitez le maintien sont légitimes, mais d’autres acteurs, comme ceux de la filière apicole, le sont tout autant. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous sommes défavorables aux dérogations et favorables à la suppression de ce conseil de surveillance, qui est en situation d’échec.

Monsieur le rapporteur, vous avez dit que la perte des ruches était multifactorielle. Mais qu’en est-il de la perte de pollinisateurs sauvages ? Elle ne peut être imputée à des erreurs de nourrissage ! Le travail des apiculteurs ne saurait être mis en cause dans l’effondrement de 80 % des populations d’insectes en France et en Europe : celui-ci est directement lié aux pesticides, notamment aux néonicotinoïdes.

Contrairement à ce que vous avancez, ce ne sont pas sept millions d’hectares qui ont été concernés par l’usage des néonicotinoïdes, mais l’ensemble de la France. Il suffit d’une application d’imidaclopride sur un champ pour que les cultures suivantes soient contaminées ; cette substance se répand ensuite dans le sol, infiltre les cours d’eau et se diffuse massivement. L’idée selon laquelle un pesticide reste sur la parcelle où il est appliqué est fausse et a été démentie par la science.

Pourriez-vous nous communiquer la liste des filières concernées par les dérogations ? Savoir précisément de quoi nous parlons est l’un des enjeux centraux de ce débat.

Enfin, je ne crois pas que la ministre de l’écologie mente lorsqu’elle déclare que l’eau est contaminée par l’acétamipride en France.

M. Pierrick Courbon (SOC). Monsieur le rapporteur, je ne défends pas un intérêt corporatiste lorsque je m’oppose à l’utilisation de l’acétamipride : je le fais dans l’intérêt de tous, parce que les conséquences pour la santé humaine me semblent suffisamment avérées et graves. La représentation nationale doit être sensibilisée à ce sujet.

Certes, l’utilisation des néonicotinoïdes est l’une des multiples causes de disparition des ruches. Cela justifie-t-il d’en minimiser l’impact ? Lorsqu’une cause est clairement identifiée et facilement supprimable, pourquoi se tirer une balle dans le pied et ne pas en profiter pour se consacrer aux autres causes ? Continuer d’utiliser les néonicotinoïdes au prétexte qu’ils ne sont qu’une cause parmi d’autres n’est pas un argument recevable.

M. Henri Alfandari (HOR). La demande de madame Batho me semble légitime. Monsieur le rapporteur, vous nous avez éclairés quant aux surfaces qui seraient concernées par cette dérogation ; mais quelles sont les filières visées ?

M. Julien Dive, rapporteur. Comme l’a rappelé le directeur général de l’Anses, le débat ne porte pas sur le pourcentage de risque, mais sur le risque acceptable, qui est défini par les scientifiques. Nous souhaitons nous référer à leurs travaux.

La question de la persistance et de la rémanence des pesticides dans les eaux et dans les sols a été soulevée. Elle concerne les aires de captage et les zones humides, qui sont traitées dans un autre article. Par ailleurs, je ne remets aucunement en cause les propos de la ministre de l’écologie à ce sujet. Quant à la persistance dans les sols, madame Batho, elle n’a pas été reconnue s’agissant des substances qui demeurent autorisées dans l’Union européenne, comme l’acétamipride.

Il n’existe pas de liste préétablie des filières concernées, mais vous les connaissez : ce sont celles qui vous ont sollicités. Elles se sont également manifestées lors des auditions auxquelles vous avez peut-être assisté. Celle de la noisette, qui représente huit mille hectares (notamment dans le Sud-Ouest), a été particulièrement mise en avant ; sans solution pour éradiquer les ravageurs, elle perd 70 % de sa production. Les filières du kiwi (qui représente environ quatre mille hectares) et de la betterave (qui en couvre quatre cent mille) sont également concernées. Cette dernière s’affaiblit chaque année, en raison des impasses de production et de la concurrence extra-européenne. Outre ces trois principales filières, d’autres s’interrogeront sans doute sur l’éventualité de demander une dérogation, qui devra être motivée par l’absence de solution alternative.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CE17 et CE28 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Je ne peux pas laisser dire des choses fausses dans une commission de l’Assemblée nationale ! Le balanin et la punaise diabolique sont certes de vrais problèmes pour la filière Noisette, mais les pertes de rendement n’ont jamais atteint 70 %. D’après les chiffres d’Eurostat, la perte s’élève en réalité à 8 % et la baisse maximale entre deux années a été de 25 %. Vous ne pouvez pas, comme vous le faites en p. 25 de votre rapport, mettre en avant une perte de 70 % : c’est tout simplement faux.

L’amendement CE17 vise à interdire le glyphosate, tandis que l’amendement CE28 concerne les fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI).

M. Julien Dive, rapporteur. Je ne peux pas, quant à moi, laisser penser que nous mentirions ! Vous avez parfaitement le droit d’exprimer des désaccords, mais les chiffres que vous présentez sont les vôtres. Mon rapport reprend les éléments qui nous ont été transmis par les représentants de l’interprofession quand nous les avons auditionnés – vous n’étiez pas présente. Ils ont bien fait état d’une baisse de rendement pouvant atteindre 70 %. Je ne sais pas si vous avez eu la chance de vous rendre dans ces départements pour y rencontrer les producteurs de noisettes, comme je l’ai fait au mois de septembre dernier, mais plusieurs députés, qui connaissent bien ces régions, pourraient aussi témoigner de cette réalité.

Je n’entrerai pas dans une bataille de chiffres avec vous. Simplement, ne dites pas que ceux que je présente sont faux : ils nous ont été fournis par les acteurs que nous avons auditionnés.

M. Pierrick Courbon (SOC). Le rapporteur a employé le terme de « risque acceptable ». C’est évidemment une notion toute relative : chacun garde en tête l’image de ce représentant de Monsanto assurant qu’on pouvait boire son produit sans problème… Il ne viendrait évidemment plus à l’esprit de quiconque de prétendre qu’un tel risque serait « acceptable ». Les néonicotinoïdes interdits par le passé faisaient, à une époque, l’objet des mêmes arguments : dans une logique de risque acceptable, ils étaient sans danger et pouvaient donc être utilisés. Les progrès de la science ont depuis fait évoluer les connaissances scientifiques et rendent profondément inacceptable ce que nous autorisions il y a encore quelques années.

Qu’on ne nous prenne pas pour des lapins de trois semaines ! Je ne peux pas croire qu’on nous soumette ce texte dans le seul but de sauver huit mille hectares de noisetiers… Vous savez très bien que nous sommes en train d’ouvrir la boîte de Pandore et que la filière Noisette est le cheval de Troie des néonicotinoïdes.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Ne vous en déplaise, monsieur le rapporteur, les statistiques de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) montrent que la filière Noisette française a atteint un record de production en 2023, avec 17 160 tonnes produites. Si vous voulez prendre pour parole d’Évangile les chiffres de l’interprofession, c’est votre droit ; mais peut-être devriez-vous consulter d’autres sources et recouper un peu les données.

La France présente également le rendement à l’hectare le plus élevé – même si, évidemment, elle peut difficilement rivaliser avec la Turquie, qui consacre une surface dix fois plus importante à la culture de la noisette.

Les problèmes que rencontre la filière et que nous ne nions pas sont aussi les conséquences du modèle adopté par les agriculteurs, qui ont industrialisé leurs pratiques et cultivent, pour certains, des vergers de plusieurs centaines d’hectares qui attirent des ravageurs, contribuant finalement eux-mêmes à créer l’impasse dans laquelle ils se trouvent.

Ne prétendez pas, en tout cas, que les rendements se sont effondrés : les statistiques convergent pour montrer qu’ils sont bons.

M. Guillaume Lepers (DR). En tant que député d’une circonscription regroupant la quasi-totalité de la production de noisettes françaises, je suis choqué d’entendre certains remettre en cause les chiffres des professionnels. Je vous invite, madame Batho, à venir dans le Lot-et-Garonne pour y constater à quel point la production s’est effondrée. Je ne sais pas d’où vous tirez votre chiffre de 8 %, mais il est proprement scandaleux de tenir de tels propos. De la même façon, monsieur Prud’homme, je ne sais pas où vous avez vu de grandes exploitations : pour ma part, je ne connais que des exploitations à taille humaine, dirigées par des personnes qui y ont investi.

La France importe 90 % des noisettes qu’elle consomme. En vous entendant, je me dis que vous vivez dans les livres. Venez donc sur le terrain : il n’existe pas d’immenses exploitations, seulement des agriculteurs qui veulent vivre de leur travail. Trouvez-vous normal de voir des camions remplis de noisettes turques, qui ne sont soumises à aucune norme européenne et contiennent des centaines de substances chimiques, traverser le Lot-et-Garonne pour alimenter nos usines ? Vous êtes totalement déconnectés ! Au lieu de parler depuis Paris en citant des livres, venez sur le terrain, dans nos circonscriptions.

Mme Hélène Laporte (RN). Je suis également députée du Lot-et-Garonne. D’après l’interprofession, alors que le potentiel de récolte était de treize mille tonnes en 2024, seules 6 500 tonnes ont effectivement été récoltées, dont deux mille n’étaient pas consommables – 50 % à cause du balanin et 30 % à cause de la punaise diabolique. La filière Noisette est aussi méritante que les autres et nous devons l’aider.

Clément, agriculteur à Galapian, qui cultive de la noisette et des fraises et a perdu 70 % de ses récoltes en trois ans, m’appelait hier à l’aide, expliquant n’avoir plus que deux solutions à sa disposition : appliquer de l’acétamipride ou arracher ses vergers, ce qui le condamnerait financièrement. Je reçois une multitude de témoignages de ce type, d’agriculteurs et de familles qui ne s’en sortent pas. La coopérative Unicoque a énormément investi pour développer des produits alternatifs à l’acétamipride, mais, pour l’heure, les solutions n’existent pas. En attendant, il faut aider cette filière. Je rejoins notre collègue Lepers : ne restez pas dans vos livres, venez voir les agriculteurs !

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Même si certains le regrettent, la molécule d’acétamipride est homologuée jusqu’en 2 033. La question de la dérogation peut donc légitimement se poser, y compris pour d’autres productions que la noisette. L’Allemagne a ainsi récemment autorisé ses producteurs de pommes de terre à l’utiliser à titre dérogatoire.

Le texte prévoit que la dérogation ne sera possible que si aucune solution alternative n’est disponible, s’il existe un plan de recherche sur ces pistes alternatives et si un décret est publié. Le processus serait donc très encadré, d’autant que le rapporteur propose également de le limiter dans le temps.

J’ai été surpris et choqué par les propos de monsieur Courbon : quand bien même seuls huit mille hectares de noisetiers seraient concernés, cela vaudrait la peine d’agir ; je le dis en tant que député de la nation, qui ne compte aucun producteur de noisettes dans sa circonscription.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’acétamipride bénéficie certes d’une autorisation à l’échelle européenne, mais les autorités françaises demandent son interdiction. Comment notre pays pourrait-il mener cette bataille s’il décide finalement de l’autoriser de nouveau, alors même que cette substance est en cours de réexamen depuis décembre dernier ? Vous ne pouvez pas affirmer que l’acétamipride pourra être utilisé sans difficulté jusqu’en 2033 : son utilisation devra bientôt cesser, en raison de ses effets sur la santé humaine.

La filière Noisette est une des rares à avoir travaillé, en lien avec la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) et l’Institut Veblen, sur la question de la concurrence déloyale. Nous soutenons ses revendications en la matière.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE380 de M. Loïc Prud’homme

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous souhaitons supprimer l’alinéa 28. D’après M. Philippe Grancolas, directeur de recherche au CNRS, « effectivement, [l’acétamipride] est efficace, puisqu’il tue tous les insectes, mais pas seulement ceux ciblés, en l’occurrence la punaise diabolique. L’acétamipride est tellement toxique qu’il tue également des insectes très utiles à la biodiversité. ». C’est ainsi un cercle vicieux qui s’enclenche : « Si on tue des pollinisateurs dans nos vergers de noisettes, les cultures de colza qui sont à proximité, par exemple, ne seront pas pollinisées et on sait que, dans le cas du colza, on aura 30 % de rendement en moins, ce qui va engendrer d’autres problèmes. Il faut avoir un regard global sur notre agriculture. ».

Je me joins à ses propos : nous devons sortir notre agriculture de sa dépendance aux pesticides, donc refuser la réintroduction de l’acétamipride.

M. Julien Dive, rapporteur. Il me semble que vous vous êtes trompée d’alinéa : vous proposez de supprimer celui qui corrige la loi Denormandie de 2020. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE746 de M. Julien Dive

M. Julien Dive, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination juridique.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CE314 de M. Nicolas Thierry et CE381 de M. Loïc Prud’homme, amendement CE382 de Mme Mathilde Hignet, amendements identiques CE131 de M. Dominique Potier et CE383 de Mme Mathilde Hignet, amendement CE132 de M. Pierrick Courbon (discussion commune)

M. Benoît Biteau (EcoS). Toute nouvelle autorisation des néonicotinoïdes constituerait un recul écologique majeur et signerait un refus d’écouter la science indépendante. Des milliers d’études documentent la toxicité de ces substances pour les populations de pollinisateurs. Par ricochet, c’est l’ensemble du vivant et notre souveraineté alimentaire qui se trouvent menacés par l’utilisation de ces pesticides. L’esprit de responsabilité impose de rejeter cette réintroduction. Comme cela vient d’être dit, les néonicotinoïdes ne sont pas sélectifs : ils tuent aussi les prédateurs des ravageurs contre lesquels les agriculteurs entendent lutter, mettant à mal les solutions alternatives aux produits phytosanitaires.

Notre collègue Delphine Batho a souligné à raison que les agences sanitaires elles-mêmes s’appuient, pour leurs travaux, sur les rapports rédigés par les pétitionnaires favorables à l’utilisation de ces produits : l’évaluation est donc biaisée. Il est urgent de cesser d’autoriser ces substances.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). L’argument selon lequel l’acétamipride n’est pas appliqué sur des cultures mellifères n’est pas valable. Il s’agit d’un pesticide systémique : même s’il n’est utilisé que sur des cultures non mellifères et du fait de sa longue rémanence dans le sol, on le retrouve dans les cultures suivantes, qu’elles fleurissent ou non, si bien qu’il empoisonne en réalité tous les insectes (et pas uniquement les abeilles). Par ailleurs, d’après l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), l’effet toxique de l’acétamipride, que vous présentez comme limité, peut être multiplié par cent s’il est employé « en cocktail » avec des fongicides. Enfin, ses effets sur la santé humaine sont désormais avérés : il est reprotoxique, neurotoxique et génotoxique, en plus d’être un perturbateur endocrinien.

La procédure d’interdiction en cours à l’échelle européenne pourrait aboutir dans les prochaines semaines et s’appliquerait à la France. Ceux de nos collègues qui sont vent debout contre l’interdiction promeuvent une fausse solution pour les filières qu’ils prétendent défendre. Si vous faites de la réintroduction de l’acétamipride l’unique remède à leurs problèmes, que ferez-vous quand l’interdiction tombera enfin et que des filières se retrouveront orphelines de toute solution parce que votre aveuglement les aura conduites dans cette impasse ?

M. Peio Dufau (SOC). Il y a quelques semaines, nous avons voté d’une seule voix, en commission du développement durable puis dans l’hémicycle, une proposition de loi visant à préserver les abeilles en luttant contre le frelon asiatique. La contradiction est évidente : il faut protéger les abeilles, mais on peut continuer à utiliser des poisons qui les tuent, elles et les prédateurs des insectes qui ravagent les cultures.

On fait ainsi coup double, puisqu’on tue non seulement les pollinisateurs, mais aussi les espèces qui permettent de réguler les populations et de préserver la biodiversité, c’est-à-dire l’équilibre qui nous protégeait partiellement des dommages contre lesquels on prétend lutter. Il faut remettre un peu d’ordre dans tout cela.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Les néonicotinoïdes sont effectivement un poison : ils affectent très fortement la biodiversité, mais aussi la santé humaine, notamment celle des agriculteurs et des agricultrices. Accepter de les autoriser de nouveau, même par dérogation ou pour un temps limité, c’est accepter de se faire les complices de ceux qui rendent les agriculteurs malades.

Pour notre part, nous refusons de continuer à soutenir un modèle qui tue l’agriculture à petit feu. Monsieur Lepers, vous défendez un modèle agricole qui est arrivé au bout de sa logique. On ne peut pas continuer dans cette dérive agro-industrielle qui pousse les agriculteurs à utiliser toujours plus de produits phytosanitaires et de pesticides.

M. Pierrick Courbon (SOC). Monsieur Lepers se désole de voir des camions remplis de noisettes turques traverser le Lot-et-Garonne : je suis tout à fait d’accord avec lui.

Pour montrer qu’il ne faut pas opposer les filières entre elles, j’appelle votre attention sur l’effondrement de la production de miel en France : en vingt ans, nous avons perdu les deux tiers de notre production. Il y a deux ans, nous importions trente-cinq mille tonnes de miel – bien souvent frelaté, d’ailleurs – pour couvrir la consommation nationale. Savez-vous quel est notre premier pays fournisseur hors de l’Union européenne ? La Chine. Je m’adresse à tous les défenseurs de la souveraineté alimentaire et du patriotisme économique : est-ce acceptable ? Évidemment non ! Il faut donc réagir et protéger nos abeilles pour défendre la production de miel en France.

M. Julien Dive, rapporteur. Les représentants de l’Inrae que nous avons auditionnés en amont de l’examen de cette proposition de loi ont indiqué, en réponse au questionnaire que nous leur avions adressé, que l’acétamipride, s’il est effectivement un insecticide systémique, est rémanent pendant environ vingt jours, sa durée de vie dans le sol étant d’une semaine.

Il est également vrai qu’il s’agit d’un insecticide non sélectif, mais c’est aussi le cas de toutes les solutions alternatives autorisées, dont l’efficacité reste à prouver et est d’ailleurs contestée par les agriculteurs qui les expérimentent. C’est la raison pour laquelle madame Pannier-Runacher, lorsqu’elle était en fonction au ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, avait autorisé des applications plus fréquentes de certains produits comme le Movento, le Teppeki ou les pyréthrinoïdes, eux aussi non sélectifs, avec des effets répétés sur tous les insectes et les pollinisateurs. Par contraste, l’acétamipride serait appliqué moins souvent, à titre dérogatoire, pendant une période limitée, sur des cultures et des productions limitées et avec des rémanences limitées.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je suis navrée, monsieur le rapporteur, mais dans mes Deux-Sèvres rurales, que je connais bien, on trouve de l’acétamipride dans l’organisme des petits mammifères, ainsi que dans des parcelles cultivées en bio, alors que la France a interdit cette substance depuis longtemps. Vous ne pouvez pas tenter de rassurer en prétendant qu’il disparaîtrait complètement de l’environnement au bout de vingt jours.

Nous parlons ici d’un produit qui franchit la barrière placentaire et qu’on retrouve dans le liquide céphalorachidien d’enfants hospitalisés – je n’établis pas de lien avec la maladie : on a seulement constaté la présence d’acétamipride dans leur corps. Vous ne pouvez pas dire des choses pareilles.

M. Éric Martineau (Dem). Pour conforter les propos du rapporteur concernant le Movento et le Teppeki, la grande crainte des arboriculteurs est que ces produits ne soient plus autorisés après 2025 et qu’ils ne puissent donc plus utiliser aucun insecticide dans les vergers à compter de 2026.

J’ai confiance en la science et je me tue à dire qu’on a besoin des abeilles, ne serait-ce que parce que les arboriculteurs ont souvent eux-mêmes des ruches – c’est mon cas. Je ne suis donc pas favorable à la réintroduction des insecticides qui tuent toutes les espèces, mais nous avons tout de même besoin de pouvoir intervenir dans les vergers. L’acétamipride n’est peut-être pas la solution rêvée, mais c’est une solution qui a le mérite d’exister, en attendant d’en trouver de meilleures.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’Anses identifie vingt-deux méthodes alternatives à l’utilisation des néonicotinoïdes. Elle indique que, dans 78 % des cas, au moins une méthode alternative non chimique est disponible, au premier rang desquelles la lutte biologique, ce qui pose la question des moyens consacrés à la recherche en la matière.

M. Julien Dive, rapporteur. Chacun est libre du choix de ses arguments. Seulement, quand on souligne qu’un produit est présent dans les corps, les embryons ou les mammifères, il faut avoir l’honnêteté de préciser si l’on parle de la substance ou des molécules. Les molécules qu’on retrouve dans l’acétamipride sont aussi présentes dans d’autres substances, y compris dans des produits domestiques utilisés par des particuliers. C’est également le cas pour certains produits biocides.

De la même façon, il faut avoir l’honnêteté de spécifier si les molécules dont il est question sont présentes dans l’acétamipride ou dans d’autres néonicotinoïdes interdits depuis de nombreuses années.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CE320 de Mme Delphine Batho et CE570 de M. Dominique Potier (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Les résultats que j’évoquais portent bien spécifiquement sur l’acétamipride et son métabolite. Je tiens la littérature scientifique consacrée à cette question à la disposition de nos collègues.

Tous les amendements visant à empêcher la réintroduction du poison des néonicotinoïdes ayant été repoussés par la commission, nous discutons maintenant des conditions de délivrance des autorisations. Le rapporteur a indiqué que la filière Betterave pourrait en bénéficier. Elle avait pourtant indiqué, voilà cinq ans, avoir besoin de trois ans seulement pour trouver une solution alternative.

L’amendement CE320 vise à supprimer la référence à l’article 53 du règlement européen du 21 octobre 2009, car elle permettrait d’échapper à l’obligation d’obtenir une autorisation de mise sur le marché.

M. Dominique Potier (SOC). Le rapporteur propose de réintroduire une dérogation pour l’acétamipride, en précisant qu’elle tomberait si l’Anses rendait un avis négatif après un an ou deux. Cette précaution montre qu’il nourrit lui-même des doutes quant au caractère justifié de cette autorisation.

Pour ma part, je tire le fil jusqu’au bout : s’il devait y avoir dérogation, la mise en circulation du produit devrait être soumise à l’autorisation préalable de l’Anses. On ne peut pas décider, par un choix politique, d’interdire tel ou tel produit sans imaginer qu’une majorité différente puisse le réintroduire quelques années plus tard. La seule façon d’être cohérent, en la matière, est de s’en remettre à l’Anses « augmentée » que j’appelais de mes vœux ce matin : pas de dérogation sans autorisation de l’Anses, telle est la position des élus socialistes.

M. Julien Dive, rapporteur. La filière Betterave, dont je ne suis pas le porte-parole, indiquait en effet avoir besoin de trois ans pour pouvoir conduire des travaux de recherche. Du fait de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, elle n’a pas bénéficié de ce délai. Les recherches sont désormais conduites à travers le plan national de recherche et d’innovation (PNRI). Si cette filière ne correspond pas aux critères d’éligibilité à la dérogation, sa demande sera tout simplement rejetée : ni vous ni moi n’en déciderons. Il reviendra aux acteurs de la filière de prouver qu’ils se trouvent dans une impasse et que leur demande est légitime.

Vous avez raison, monsieur Potier : je ne suis pas pétri de certitudes, ce qui explique les critères et les filtres que je propose. Dans mon esprit, toutefois, la dérogation ne pourrait tomber que si des solutions alternatives étaient identifiées : dès lors, les conditions pour y prétendre ne seraient plus remplies. En revanche, l’avis conforme de l’Anses sur le projet de décret instituant la dérogation que vous proposez serait inconstitutionnel.

Mme Delphine Batho (EcoS). Les solutions alternatives existent. Seulement, elles ne consistent pas à remplacer un pesticide chimique par un autre, mais à changer de pratiques agronomiques.

Vous n’avez pas répondu techniquement à ma proposition. Elle vise à mettre systématiquement l’Anses « dans la boucle » en rendant obligatoire l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché : on ne pourrait pas autoriser l’usage d’acétamipride en France sans que le produit ait obtenu une AMM.

M. Dominique Potier (SOC). Je suis toujours très heureux quand je dis la même chose, même en des termes différents, que notre collègue Delphine Batho, dont l’intelligence et les convictions sont connues de tous.

Je ne vois pas en quoi la demande du groupe Socialistes serait inconstitutionnelle : vous sortez l’arme lourde pour rejeter une demande consistant à exiger que toute dérogation soit assortie d’une autorisation de l’Anses.

C’est à raison qu’on pose la question de la pertinence de prises de position purement politiques en la matière. Pour ma part, je n’ai pas participé aux décisions relatives à l’utilisation du glyphosate – que ce soit tout à l’heure où il y a quelques années –, car j’estime que, dès lors qu’on interdit une molécule par un vote politique, on doit accepter que des forces conservatrices, voire d’extrême droite, puissent les réintroduire par la suite. La seule ligne cohérente qui tienne consiste à se fier à la science et à la démocratie, donc à conditionner toute dérogation à l’autorisation de l’autorité compétente. On ferait ainsi savoir aux agriculteurs qu’on a entendu leur souffrance et qu’on est prêt à réétudier la question, mais dans le cadre du régime applicable à tous les produits phytopharmaceutiques.

M. Julien Dive, rapporteur. Madame Batho, je préfère que nous restions dans le cadre du règlement européen 1107/2009, qui prévoit les dérogations.

Monsieur Potier, votre proposition est inconstitutionnelle : le législateur ne peut instituer des consultations assorties d’une exigence d’avis conforme, car elles entraveraient l’exercice, par le Premier ministre, du pouvoir réglementaire qu’il tient de l’article 21 de la Constitution. Je vous renvoie aux considérants 35 à 38 de la décision du Conseil constitutionnel n° 2006-544 DC du 14 décembre 2006.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE571 de M. Dominique Potier

Mme Mélanie Thomin (SOC). Nous avons ici une sacrée responsabilité : il s’agit de définir l’avis du politique et de le faire primer sur celui des scientifiques, quand l’enjeu est la préservation de la santé humaine et celle de notre environnement.

Cet amendement de repli vise à renforcer la transparence et la rigueur du processus décisionnel et à faire primer le principe de précaution pour la réintroduction de produits phytosanitaires qui avaient été préalablement interdits. Il propose que ces substances fassent l’objet d’une réévaluation de l’Efsa. Cette exigence garantit que les substances actives utilisées dans le cadre de dérogations exceptionnelles ont été récemment évaluées au regard des connaissances scientifiques actuelles.

M. Julien Dive, rapporteur. Madame Thomin, votre amendement est satisfait : l’Efsa s’est déjà saisie de la réévaluation de l’acétamipride.

M. Benoît Biteau (EcoS). Dans le cadre de mon mandat de député européen, j’ai eu le privilège d’auditionner à deux reprises le directeur de l’Efsa, M. Bernhard Url, sur les méthodes d’évaluation des molécules. Selon lui, le respect de la réglementation européenne impose de prendre en compte la dangerosité sur la biodiversité et la durée d’exposition. Ce qui peut faire la dangerosité d’une molécule, ce n’est pas sa dose, mais la durée d’exposition quelle que soit la dose.

Il a surtout dit que la réglementation elle-même est défaillante, car elle n’évalue ni la dangerosité des métabolites de décomposition, qui peut être plus élevée que les molécules elles-mêmes, ni l’« effet cocktail », qui peut être amplifié par l’apparition de ces métabolites.

M. Hervé de Lépinau (RN). Monsieur Potier emploie un vocabulaire discriminant, qui laisse entendre que tous ceux qui ne sont pas d’accord avec sa position sont d’extrême droite et réactionnaires. Les agriculteurs, qui, pour leur grande majorité, rappellent le vieux principe « pas d’interdiction sans solution », seront ravis de l’entendre.

La gauche et l’extrême gauche saturent ce débat. Vous parlez d’une autre manière de conduire une exploitation, plus vertueuse. Si elle existe, pourquoi n’a-t-elle pas encore été mise en place ? Tout simplement parce qu’elle n’est pas viable économiquement ! Les agriculteurs ne sont pas des jardiniers à votre service : ils sont des professionnels qui doivent gagner leur vie.

M. Dominique Potier (SOC). J’ai simplement voulu dire que ce qu’une majorité peut faire, une autre peut le défaire, et j’imagine qu’une majorité conservatrice ou d’extrême droite pourrait réintroduire un produit préalablement interdit. C’est pourquoi je préfère que nous nous en remettions à la science – et uniquement à la science.

Monsieur le rapporteur, la proposition de loi prévoit que le décret de dérogation doit être pris après avis du conseil de surveillance : en quoi l’avis de l’Anses entraverait-il davantage la liberté du Premier ministre ?

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je pense qu’aucun agriculteur n’aime épandre et utiliser des pesticides. Je me souviens particulièrement d’un céréalier que j’avais rencontré avec notre collègue Hubert Ott, dont les cultures qu’il traite se trouvent en surplomb d’une école. Notre responsabilité est donc de trouver des solutions alternatives. Nous en proposons une : le protectionnisme.

M. Henri Alfandari (HOR). L’inconstitutionnalité tient au fait que l’Anses ne peut reconfirmer une dérogation prévue par la loi.

Je peux rejoindre monsieur Potier sur la nécessité d’évaluer la dérogation au niveau européen. Si celui-ci vient à interdire une molécule, la dérogation doit immédiatement s’éteindre.

M. Julien Dive, rapporteur. Si la Commission européenne venait à interdire l’acétamipride, la dérogation tomberait automatiquement.

Monsieur Potier, le décret de dérogation doit être pris « après avis ». Il s’agit donc d’un avis simple, qui diffère de l’avis conforme que vous proposez.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE748 de M. Julien Dive, sous-amendements CE801 de Mme Hélène Laporte et CE804, CE807 et CE803 de Mme Delphine Batho, amendement CE787 de M. Éric Martineau

M. Julien Dive, rapporteur. Cet amendement a pour objet de limiter dans le temps la durée d’application du décret dérogeant à l’interdiction d’utiliser des produits contenant des néonicotinoïdes. Le décret devra prévoir cette durée dans la limite de trois ans, ce qui laissera notamment le temps de délivrer les autorisations de mise sur le marché avant l’utilisation des produits concernés à titre exceptionnel. Il devra être abrogé sans délai dès lors que les conditions mentionnées au II ter ne sont plus remplies. Les amendements CE513 et CE515 de monsieur Taupiac seraient donc satisfaits, ainsi que l’amendement CE787 de monsieur Martineau.

Il propose par ailleurs que l’interdiction temporaire de plantation (ou replantation) de végétaux attractifs pour les insectes pollinisateurs soit systématique après l’emploi de semences traitées avec de l’acétamipride, dans l’hypothèse de la mise en œuvre d’une dérogation à l’interdiction des produits contenant cette substance. L’amendement CE327 de madame Batho serait donc satisfait.

Mme Hélène Laporte (RN). Mon sous-amendement vise à lever un doute d’interprétation sur la possibilité de renouveler la dérogation au terme de la limite de trois ans. En proposant de limiter à trois ans les dérogations en faveur de l’usage de néonicotinoïdes, l’amendement du rapporteur risque de simplement décaler dans le temps l’impasse dans laquelle se trouvent nos filières au lieu d’y mettre fin.

Les avancées scientifiques ne se décrètent pas. Rien ne garantit donc le développement d’alternatives au bout d’un certain délai, quel qu’il soit.

Mme Delphine Batho (EcoS). Les dérogations ne sont pas vraiment encadrées : elles sont soumises à l’avis d’un conseil de surveillance dont madame Laporte et monsieur Travert nous disent dans leur rapport d’information qu’il est une simple chambre d’enregistrement et on ne sait pas quelles filières sont concernées. De plus, avec l’astuce du recours à l’article 53 du règlement européen, l’acétamipride n’est pas soumise à l’obligation d’autorisation de mise sur le marché.

Mes sous-amendements sont des sous-amendements de repli. Le sous-amendement CE804 propose de prendre en compte les parcelles jusqu’à trois kilomètres, qui sont le rayon que peut parcourir une abeille. En effet, prendre en compte la seule parcelle (et pas celles à proximité) ne correspond pas à l’état des connaissances scientifiques sur la diffusion et la contamination de l’environnement par les différents néonicotinoïdes.

Avec le sous-amendement CE807, je propose que soit prise en compte la durée de persistance de la substance et de ses métabolites dans l’environnement, et, avec le sous-amendement CE803, de supprimer la référence à l’enrobage de semences. Monsieur le rapporteur, j’ai deux questions à ce sujet : l’acétamipride en enrobage de semences a-t-il déjà été autorisé en France par le passé ? En quoi l’usage de l’acétamipride en enrobage de semences concernerait-il la filière Noisette ? Ce texte me semble fait pour la filière Betterave.

M. Éric Martineau (Dem). Mon amendement vise à s’assurer que la France reste sur une trajectoire de sortie des néonicotinoïdes, dont l’interdiction sera généralisée à toute l’Europe d’ici 2033.

Des dérogations ont été accordées de manière temporaire à la filière de la betterave sucrière, en raison du constat d’une impasse technologique. Cet amendement vise donc à restreindre la possibilité d’une dérogation proposée pour la seule substance acétamipride à travers plusieurs conditions cumulatives.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis favorable au sous-amendement CE801 : le texte n’empêche pas le renouvellement de la dérogation, mais cela ne coûte rien de le préciser.

Avis défavorable au sous-amendement CE804 : l’extension aux parcelles à proximité n’est pas justifiée dans l’argumentaire.

Avis favorable au sous-amendement CE803. L’acétamipride est un insecticide foliaire et n’est pas utilisé en enrobage, mais on pourrait imaginer qu’il le soit. Si des semences devaient être traitées avec de l’acétamipride, j’ai prévu dans mon amendement l’interdiction de mettre en culture, dans les années suivantes, des végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs.

Vous m’avez par ailleurs interrogé sur la filière Betterave. Je ne suis pas devin : j’ignore si elle obtiendrait une dérogation au cas où elle la solliciterait.

Je demande le retrait du sous-amendement CE787, qui est satisfait par mon amendement.

Mme Delphine Batho (EcoS). Monsieur le rapporteur, quel coup de théâtre ! Vous avez donné un avis favorable à un sous-amendement du Rassemblement national qui équivaut à une autorisation permanente de l’acétamipride.

Sans le sous-amendement CE803, la mesure de protection des pollinisateurs prévue par le texte est purement cosmétique, puisqu’elle ne concerne pas l’utilisation de l’acétamipride en pulvérisation.

Mme Hélène Laporte (RN). Madame Batho, je ne m’attarde pas sur vos propos grotesques concernant l’avis favorable du rapporteur à notre sous-amendement. Nous avons, comme vous, été élus.

Notre collègue Éric Martineau cherche une solution de compromis pour sauver un article dont le rejet ne pourrait procéder que de motivations idéologiques. Une des conditions prévues par son sous-amendement est lunaire, puisqu’elle concerne une perte de rendement supérieure à 30 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années et une diminution du potentiel de production supérieure à 15 % par rapport à la moyenne des trois dernières années. Il faudrait donc attendre qu’une filière ait déjà subi de plein fouet les conséquences de cette surtransposition française pour éventuellement y déroger… Quand une filière subit de telles pertes, il est déjà trop tard : c’est une faillite, pas un signal d’alarme. Je vous invite à vous intéresser à la comptabilité des entreprises.

M. Éric Martineau (Dem). Je fais ma comptabilité tous les dimanches matin ! Je sais par ailleurs que dans certaines filières, notamment les vergers, on peut déjà constater de telles pertes.

M. Dominique Potier (SOC). Je suis surpris par l’avis favorable donné par le rapporteur au sous-amendement défendu par madame Laporte.

L’Efsa a demandé à la France de revoir l’interdiction de l’acétamipride, ce qui ne prendra pas plus de trois ans. Par ailleurs, le ministère de la transition écologique prévoit que des alternatives, comme le biocontrôle, seront disponibles d’ici deux ans au plus. Dans trois ans, l’affaire sera réglée définitivement, quand bien même il y aurait dérogation.

Je trouve l’amendement de monsieur Martineau très intéressant, car il propose de ne demander qu’un avis simple de l’Anses, plutôt qu’un avis conforme.

M. Henri Alfandari (HOR). Cet amendement répond en effet à une inquiétude sur l’avis et sur les aspects scientifiques.

Concernant les délais, on ne peut parler de surtransposition si le délai prévu par la France est inférieur au délai européen, qui, je le rappelle, court jusqu’en 2 033. Il me semble donc cohérent de prévoir une période de trois ans renouvelable pour trois ans. Nous devons garantir que la dérogation tombera immédiatement si l’Efsa devait conclure, à la fin de son instruction, à la nocivité de la molécule.

Il faut enfin éviter que le renouvellement de la dérogation puisse se faire par tacite reconduction.

M. Julien Dive, rapporteur. Ne feignez pas la surprise : même sans le sous-amendement de madame Laporte, le texte prévoit déjà la possibilité de renouvellement par un nouveau décret.

Monsieur Potier, si des alternatives arrivent sur le marché, alors le décret de renouvellement tombera.

Monsieur Alfandari, si l’Efsa venait à retirer l’autorisation d’usage de l’acétamipride au niveau européen, la France ne pourrait bien sûr plus autoriser de dérogation

La commission rejette successivement les sous-amendements CE801, CE804 et CE807.

Elle adopte successivement le sous-amendement CE803 et l’amendement CE748 sous-amendé.

En conséquence, l’amendement CE787 tombe, de même que les amendements CE327, CE326, CE328 et CE329 de Mme Delphine Batho.

 

La réunion est suspendue de dix-huit heures dix à dix-huit heures trente.

 

Amendement CE513 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Avec cet amendement, je propose que la dérogation ne puisse être accordée que pour une durée maximale de trois ans.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CE321 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). L’enrobage de semence implique l’usage systématique d’acétamipride, même en l’absence de ravageur ou d’un autre problème ponctuel. Cet amendement de repli propose donc d’interdire la dérogation pour l’enrobage de semence.

M. Julien Dive, rapporteur. J’ai mal interprété votre sous-amendement CE803, auquel j’ai donné un avis favorable. Je demande le retrait de celui-ci puisque, concernant l’acétamipride, il n’y a pas de semences traitées. À défaut de retrait, je donnerais un avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je le retire pour le réécrire d’ici à l’examen en séance.

L’amendement est retiré.

À la demande du rapporteur, l’amendement CE515 de M. David Taupiac est retiré.

Amendements CE535, CE322, CE537, CE323 de Mme Delphine Batho, amendement CE133 de M. Pierrick Courbon (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Ces amendements de repli concernent les substances pour lesquelles la dérogation est autorisée. Le texte parle des substances autorisées par l’Union européenne. Je propose des précisions.

L’amendement CE535 vise ainsi à ce que la dérogation ne puisse être accordée pour des substances pour lesquelles existent « des preuves scientifiques justifiant une interdiction au regard des risques pour la santé humaine ou de risques inacceptables pour l’environnement ». L’amendement CE322 est similaire au précédent, avec une rédaction différente.

Avec l’amendement CE537 je propose d’interdire la dérogation pour les substances soumises à une procédure de réexamen ou faisant l’objet de demandes d’études complémentaires, et de le faire, avec le CE323, pour les substances ayant fait l’objet d’une décision de justice annulant l’autorisation de mise sur le marché.

Ces amendements soulignent qu’il n’y a pas, actuellement, de néonicotinoïdes autorisés à l’échelle européenne exempts de problèmes et faisant l’objet d’une autorisation stable de l’Efsa.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Monsieur le rapporteur, avec votre avis favorable à l’adoption du sous-amendement autorisant le renouvellement pour trois ans de la dérogation, le débat a basculé. Nous devons être vigilants pour trouver l’équilibre entre la nécessité de travailler pour la santé humaine et la préservation de l’environnement et l’usage dérogatoire de produits phytosanitaires.

Cet amendement de repli tend ainsi à conditionner toute dérogation à la preuve scientifique de l’innocuité du produit pour la santé humaine.

M. Julien Dive, rapporteur. Sur les amendements CE535 et CE322, je rappelle que, si les gouvernements français successifs ont sollicité l’Efsa, c’est pour mettre fin aux distorsions de concurrence que subissent les agriculteurs français.

Sur le CE537, la condition liée à l’approbation de la substance au niveau européen est tout à fait suffisante, puisque la Cour de justice de l’Union européenne a, dans une décision de 2023, interdit aux États membres de délivrer des dérogations pour les produits contenant des substances interdites. Nous sommes donc plus protecteurs, puisque la substance doit avoir été approuvée.

La condition prévue par le CE323 n’a plus de sens, puisqu’un produit n’en vaut pas un autre au motif qu’ils ont une substance en commun.

Quant à l’amendement de madame Thomin, je répète ce que j’ai déjà dit : la possibilité de renouvellement existe déjà dans le texte initial et elle s’éteindrait si l’Efsa mettait fin à l’autorisation de l’usage de l’acétamipride ou si des alternatives étaient trouvées.

Mme Delphine Batho (EcoS). Monsieur le rapporteur, vous affirmez que les démarches de la France pour interdire l’acétamipride ne seraient faites que pour régler un problème de concurrence déloyale. Cela voudrait dire que les notes des autorités françaises à la Commission européenne et que la littérature scientifique adressée par la France à l’Efsa ne seraient qu’une mise en scène.

Nous sommes d’accord, il y a bien un problème de concurrence déloyale ; mais on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de base scientifique pour arracher l’interdiction de l’acétamipride à l’échelle européenne. Le comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale (Standing Committee on Plants, Animals, Food and Feed, Scopaff) de décembre dernier a d’ailleurs décidé de réexaminer la substance pour évaluer son caractère neurotoxique et perturbateur endocrinien.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CE324 de Mme Delphine Batho et CE655 de Mme Hélène Laporte (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Qu’entend-on par « méthodes alternatives » ? Cette notion est définie par le code rural : ce sont, d’une part, les méthodes non chimiques au sens du règlement européen et, d’autre part, l’utilisation des produits de biocontrôle. Autrement dit, c’est la lutte intégrée contre les ravageurs des cultures. L’alinéa 34 pose problème, puisqu’il laisse entendre que les alternatives à l’acétamipride seraient d’autres produits chimiques – ce qui n’a jamais été la position des écologistes, à l’origine de la loi interdisant les néonicotinoïdes en France. Il y a également, dans cet alinéa, bien d’autres éléments à prendre en compte, comme la toxicité des éventuelles alternatives. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer.

M. Hervé de Lépinau (RN). L’alinéa 34 conditionne l’octroi d’une dérogation pour l’emploi de néonicotinoïdes au fait que les alternatives disponibles sont « manifestement insuffisantes ». Cette expression étant sujette à interprétation, nous proposons de lui substituer la rédaction suivante : « d’une efficacité significativement inférieure pour protéger les cultures contre les ravageurs ». N’attendons pas qu’une filière soit au bord du précipice pour lui accorder le droit d’accéder aux produits que tous les autres agriculteurs européens peuvent utiliser.

M. Julien Dive, rapporteur. Je suis surpris par ces amendements, notamment en provenance de collègues qui s’opposent au retour des néonicotinoïdes. Vous supprimez un filtre à la dérogation et facilitez la possibilité de déroger en l’absence de méthode alternative. Sans ouvrir la porte en grand, l’objectif est de prévoir des conditions à l’octroi d’une dérogation. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Vous ne répondez pas sur le fond : qu’est-ce qu’une solution alternative ? Cet alinéa ne sert à rien s’il ne fait pas référence aux méthodes alternatives mentionnées à l’article L. 254-6-4 du code rural qui, en l’occurrence, sont disponibles, à de rares exceptions près. La rédaction retenue n’est qu’une forme de paravent. Ne restreignons pas le débat aux substances chimiques, d’autant qu’il existe une résistance aux insecticides, qu’il s’agisse des néonicotinoïdes ou d’autres produits. Mieux vaut opérer un changement agronomique que troquer une substance pour une autre.

M. Julien Dive, rapporteur. Si vous aviez déposé un amendement précisant ce que sont les méthodes alternatives, j’y aurais été favorable – vous pouvez encore le faire en séance. Le Rassemblement national ayant un amendement proche du vôtre, il le soutiendra peut-être. En ce qui me concerne, je vous suggère de le retirer ; à défaut, je maintiens mon avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Vous ne pouvez pas dire que l’amendement du Rassemblement national est identique au mien, alors qu’ils n’ont rien à voir ! Je retire mon amendement, afin de le reformuler pour l’examen en séance.

L’amendement CE324 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE655.

Amendement CE516 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Mon amendement vise à ajouter une conditionnalité à la dérogation liée aux pertes significatives d’exploitation pour les filières agricoles qui connaissent des difficultés économiques en raison d’une baisse des rendements due aux ravageurs. Ce dispositif pourrait s’appuyer sur le régime des calamités agricoles, dont le seuil de déclenchement a été fixé à un taux de perte de 30 % de la production annuelle.

M. Julien Dive, rapporteur. Si les alternatives sont manifestement insuffisantes, la condition liée aux difficultés économiques pour les filières concernées a de grandes chances d’être remplie. Il suffit d’observer ce qui se passe pour la filière des noisettes. Votre amendement me semble satisfait, mais je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CE325 de Mme Delphine Batho et CE540 de M. David Taupiac (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous savons tous ce que la science pense des néonicotinoïdes. Depuis dix ans, les filières agricoles qui demandent sans cesse le retour de ces produits en France, au détriment de celles qui sont victimes de l’extinction des pollinisateurs, ont bénéficié d’un soutien à leurs plans de recherche, alors que, dans la plupart des cas, les alternatives agronomiques à l’utilisation de ces substances sont connues de très longue date.

Le présent texte nous est présenté dans les mêmes conditions que lors de l’examen de la loi de 2016 – au cours duquel plusieurs amendements avaient été adoptés pour faire en sorte que l’interdiction des néonicotinoïdes ne soit applicable qu’à partir de 2018 et que des dérogations soient possibles jusqu’en 2020 – ou que lors de l’examen de la loi de 2020 – s’agissant de la filière de la betterave. Une décennie plus tard, il n’est pas possible de rester sur la même ligne.

M. David Taupiac (LIOT). Je propose de modifier l’alinéa 35 afin de conditionner l’autorisation de certains produits à un « plan de sortie » de l’utilisation de ceux-ci – notion importante évoquée lors d’une audition de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement –, plan qui comprendrait un calendrier prévisionnel d’interdiction du produit, un volet relatif à la recherche d’alternatives et un volet relatif à la mobilisation de l’ingénierie – ce qui implique, ensuite, des financements.

M. Julien Dive, rapporteur. Une fois encore, avec l’amendement CE325, vous supprimez l’une des conditions à la possibilité de déroger, alors que nous proposons plusieurs critères, contraintes et objectifs auxquels il faut répondre pour y prétendre. La science conduit l’Union européenne à approuver ou non les substances ; la recherche permettra de l’éclairer et d’apporter des solutions alternatives. Avis défavorable.

J’émets également un avis défavorable à l’amendement de monsieur Taupiac, puisqu’au bout de trois ans le décret de dérogation n’est plus applicable en l’absence de nouvelle demande.

Mme Delphine Batho (EcoS). Le plan de recherche n’est pas une contrainte, puisque les deux lois précédentes comportaient déjà des dispositions en ce sens : c’est bien la preuve qu’imposer des conditions ne fonctionne pas. Ou alors, expliquez-nous pourquoi la filière de la betterave demande de nouveau une dérogation pour recourir aux néonicotinoïdes, alors qu’elle a promis en 2020 que ce serait la dernière fois et qu’elle n’en avait besoin que pour trois ans.

Dans une logique de repli, nous retirons notre amendement CE325 au profit de celui de monsieur Taupiac dont la rédaction, relativement au critère, est meilleure.

L’amendement CE325 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE540.

Amendements CE330 et CE332 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). D’après le premier de ces deux amendements, le décret précisera les modalités par lesquelles les produits contenant des néonicotinoïdes ainsi que leurs métabolites feront l’objet d’une campagne nationale de surveillance dans le cadre du programme de surveillance des eaux de surface et des eaux souterraines menée par les agences de l’eau.

Aux termes du second, le décret doit prévoir les conditions dans lesquelles des prélèvements et des analyses des sols et des eaux de ruissellement sont réalisés, à la charge des détenteurs de l’autorisation de mise sur le marché des produits contenant les substances mentionnées au II. Notre groupe n’est pas le seul à dénoncer un problème de contamination des eaux à l’acétamipride ; la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher le dit également.

M. Julien Dive, rapporteur. Comme vous l’indiquez vous-même dans l’exposé sommaire de votre amendement CE330, les dispositions que vous proposez font déjà partie des missions des agences de l’eau. Cela ne relève pas du décret de dérogation temporaire mentionné à l’alinéa 32. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE749 de M. Julien Dive et CE331 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement de repli a une certaine importance, puisqu’il prévoit que le décret serait pris après un avis, rendu public, de l’Anses et non pas après un avis du conseil de surveillance.

M. Julien Dive, rapporteur. Je suis ennuyé, car si mon amendement rédactionnel est adopté, il fera tomber le vôtre ; or je prévoyais de donner un avis de sagesse, bien que ces amendements soient contradictoires. Je vous invite donc à retirer votre amendement et à y retravailler pour l’examen en séance, afin de parvenir à une proposition pertinente.

Mme Delphine Batho (EcoS). Vous seriez d’accord, monsieur le rapporteur, pour que l’Anses donne un avis à la place du conseil de surveillance ?

M. Julien Dive, rapporteur. En plus du conseil de surveillance, pas à sa place. C’est là où se situe notre différence et c’est pourquoi je vous propose d’en discuter avant la discussion en séance.

Mme Delphine Batho (EcoS). Certainement. À ce stade, je maintiens mon amendement.

La commission adopte l’amendement CE749.

En conséquence, les amendements CE331 et CE333 de Mme Delphine Batho tombent.

Amendements CE316 de M. Nicolas Thierry et CE29 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Julie Ozenne (EcoS). Depuis 2022, la loi interdit la production, le stockage et l’exportation de pesticides dont l’utilisation est interdite dans l’Union européenne. Pourtant, trois ans après, deux failles majeures permettent à ces pratiques de perdurer. Les substances actives pures et celles dont l’autorisation a expiré échappent toujours à l’interdiction. Concrètement, malgré l’interdiction votée par le législateur, la France continue d’exporter près de sept mille tonnes annuelles de pesticides interdits par l’Union européenne vers des pays comme la Russie, le Brésil ou l’Inde. On juge ces produits trop dangereux pour nos champs, mais on les envoie empoisonner d’autres pays ; ils reviennent ensuite dans nos assiettes par le biais des importations. Pour protéger la santé humaine et lutter contre la concurrence déloyale que subissent nos agriculteurs, nous devons fermer ces brèches. Le Gouvernement s’y était engagé à plusieurs reprises : par cet amendement, nous vous donnons l’occasion de le faire.

Mme Delphine Batho (EcoS). C’était une disposition importante de la loi Egalim que nous avions adoptée dans une logique de réciprocité : la France ne peut continuer de fabriquer des produits interdits dans l’Union européenne et de les exporter vers d’autres pays, avec le risque de retrouver sur nos étals des produits alimentaires traités avec ces mêmes substances interdites. Nous laissons le soin à la commission des affaires économiques de choisir entre ces deux amendements, le but étant le même.

M. Julien Dive, rapporteur. J’ai déjà indiqué que j’étais favorable à l’amendement CE29. C’est une question de cohérence par rapport aux débats que nous avions eus sur la loi Egalim 1. Nous devons aller plus loin et confirmer l’interdiction de produire et de stocker des substances non approuvées en France.

L’amendement CE316 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE29.

Amendements CE341 et CE334 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Je remercie le rapporteur et les collègues de l’adoption de l’amendement CE29, qui règle un important problème resté en suspens. L’amendement CE341 vise à garantir la liberté de produire et de consommer sans néonicotinoïdes et à établir un régime de responsabilité concernant les préjudices écologiques ou économiques qui résulteraient de l’utilisation de ces substances – je pense aux apiculteurs ou à des filières qui dépendent largement du service gratuit de la pollinisation.

Ce régime de responsabilité en matière de risques et de préjudices concernerait les distributeurs et les pouvoirs publics qui autorisent la mise sur le marché des substances – et non les agriculteurs, qui en sont les utilisateurs finaux.

Le deuxième amendement concerne la contamination de l’air, de l’eau, du sol, etc.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE538 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il ne s’agit plus ici des néonicotinoïdes, mais de la protection des riverains. Les conséquences sanitaires des épandages de pesticides sur les riverains ont été démontrées. Le rapport d’inspection de 2017 que j’ai déjà évoqué recommandait l’introduction d’une mesure législative imposant des distances minimales entre habitations et lieu d’épandage. Nous proposons que l’autorité administrative fixe une distance de protection de la santé publique de deux cents mètres.

M. Julien Dive, rapporteur. C’est inapplicable sur certaines parcelles ! De plus, les distances minimales à respecter relèvent du pouvoir réglementaire, à la suite de consultations publiques. Par votre amendement, vous privez d’effet le dispositif que nous défendons en matière de dérogation.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous ne sommes plus sur le sujet des dérogations à l’utilisation des néonicotinoïdes ! Il est question ici de tous les pesticides, notamment ceux qui sont cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques. Nous aurions pu débattre de l’ampleur de la distance ou de la nature des substances concernées, mais nous ne pouvons pas nous soustraire à notre devoir de législateur de protéger la santé publique et d’assumer nos responsabilités vis-à-vis de riverains dont les maladies, des cancers en particulier, sont reconnues comme étant liées à l’utilisation des pesticides.

Je discutais récemment avec notre collègue Nicolas Thierry, qui faisait état de données alarmantes dans le département de la Gironde sur l’état de santé d’enfants qui habitent près des vignobles. Il faut bien faire quelque chose, puisque les chartes d’engagement volontaire n’ont pas donné de résultat.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je soutiens cet amendement. Si nous ne légiférons pas pour fixer des distances minimales à même de protéger les populations, nous accentuerons la défiance envers les agriculteurs qui traitent à proximité des écoles ou des habitations.

M. Dominique Potier (SOC). Sachez qu’une directive « omnibus » est en préparation sur les questions agricoles, qu’elle pourrait annihiler les petites avancées du Pacte vert et remettre en cause les réglementations européennes, notamment en matière de distance d’épandage par rapport aux habitations. Nous sommes face à un mur incroyable. Au moment même où nous alertons sur les risques sanitaires importants, non seulement sur l’eau et l’environnement, mais également sur le monde paysan, une mobilisation très forte sera nécessaire pour éviter le pire et contrer le détricotage du Pacte vert à l’échelle européenne.

M. Hervé de Lépinau (RN). Cette disposition aggraverait encore la réduction du potentiel de production : si l’exploitant ne peut pas traiter sur une bande de deux cents mètres, la pérennité de la parcelle est menacée. Ensuite, c’est un problème d’urbanisme. Expliquons alors aux aménageurs qui achètent un terrain qu’ils devront fixer sur la parcelle une limite de deux cents mètres : la gauche et l’extrême gauche ne veulent pas en entendre parler, parce que cela pourrait remettre en cause la construction de logements sociaux, alors qu’ils en veulent un maximum sur un minimum de place – c’est ce qui se passe dans nos campagnes, où le logement social se développe à marche forcée. N’envoyons pas un énième signal négatif aux agriculteurs et votons contre cet amendement !

M. Julien Dive, rapporteur. Cela relève du pouvoir réglementaire. Par ailleurs, cette distance est énorme et de nombreuses parcelles deviendraient improductives – je ne sais d’ailleurs pas sur quoi vous vous êtes fondés pour la définir.

L’argument de monsieur de Lépinau est très juste : le débat sur les zones de non-traitement (ZNT) et les chartes auprès des riverains ne tient pas compte du code de l’urbanisme et des plans locaux d’urbanisme (PLU). Un maire qui décide d’étendre un lotissement exerce, de facto, une pression sur un agriculteur, alors que ce serait plutôt à l’aménageur, public ou privé, de prévoir les distances nécessaires. Certains le font volontairement sans que la loi l’impose. C’est dans cet esprit que nous devrions en débattre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE518 de M. David Taupiac et sous-amendement CE808 de Mme Delphine Batho

M. David Taupiac (LIOT). Il serait légitime que, lorsque des décisions administratives ou législatives conduisent à interdire un produit en France et qu’il en résulte pour les exploitants agricoles des pertes significatives en raison de l’absence de solutions alternatives, un mécanisme d’indemnisation s’applique. Certains exploitants engagent des investissements importants sur des cultures pérennes – je pense à la sylviculture, par exemple – et doivent attendre plusieurs années pour les amortir. Nous ne pouvons pas laisser ceux qui sont confrontés à des difficultés économiques sans indemnisation. Cet amendement vise donc à fixer un objectif d’indemnisation, afin d’assumer pleinement les décisions administratives ou politiques de retrait de substances actives sur le marché et d’en compenser les pertes.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous sommes presque d’accord avec l’amendement de notre collègue. Nous avons toujours été favorables à garantir une sécurité économique aux agriculteurs qui sont confrontés à la fin de l’autorisation de l’usage d’une substance. Cet amendement prouve d’ailleurs qu’il serait possible de trouver des solutions sur le plan économique pour soutenir les filières en difficulté en raison de l’interdiction de l’acétamipride. Nous avions déposé un sous-amendement afin de clarifier l’amendement de monsieur Taupiac sur la question des solutions alternatives et de mentionner l’action de la France contre la concurrence déloyale, mais il a été déclaré irrecevable.

Le sous-amendement CE808 se contente de reformuler la mention qui concerne les solutions alternatives, en préférant parler « d’accompagner le déploiement des méthodes alternatives définies aux 1° et 2° de l’article L. 254-6-4 ».

M. Julien Dive, rapporteur. Vous voulez que l’État se donne les moyens d’indemniser les préjudices subis en raison de l’interdiction de certains produits. C’était l’esprit de mon amendement CE796, qui a été adopté et qui visait à engager des moyens sur la recherche de méthodes alternatives. C’est la même dynamique, sauf que, au lieu de prévoir une indemnisation de préjudices dont on ignore comment ils seront évalués, j’ai préféré entériner le principe d’investir dans la recherche de solutions alternatives (de biocontrôle, de synthèse ou autres) grâce à des dispositifs tels que le PNRI ou le plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada). C’est pourquoi je vous demanderai de retirer votre amendement. Et, par cohérence, j’émets un avis défavorable sur le sous-amendement.

M. Dominique Potier (SOC). Dans un souci de pédagogie, le groupe Socialistes avait publié en 2019 un petit livret intitulé Un plan B comme betterave, dans lequel nous évoquions les trois années de transition et les sept mesures agroécologiques qui permettaient de surmonter les problèmes sanitaires de la betterave. Nous avions imaginé un fonds de compensation des agriculteurs, s’appuyant sur les ressources européennes. La création d’une contribution volontaire obligatoire pourrait permettre de mobiliser le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) et le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE), afin d’y intégrer tous les préjudices. Certes, cela suppose un effort des filières concernées, mais des mécanismes existent, qui sont largement abondés par des fonds nationaux eux-mêmes abondés par des fonds européens. La France utilise trop peu ces mécanismes, qui permettraient d’accompagner socialement et économiquement la transition des producteurs engagés. Ce qui n’est pas incompatible avec un investissement massif dans la recherche.

Mme Delphine Batho (EcoS). C’est un point capital. Votre amendement CE796 sur les plans de recherche ne propose pas du tout la même chose que celui de monsieur Taupiac. Les dispositions que vous avez fait voter concernent les filières qui demandent sans cesse de financer des plans de recherche dont elles ne tirent jamais les conclusions, puisqu’elles réclament tout le temps la réautorisation des néonicotinoïdes. L’amendement de monsieur Taupiac concerne l’indemnisation des exploitants agricoles et soulève une question fondamentale : celle de la sécurité économique. Or certains pesticides, tels que les fongicides ou les insecticides, sont utilisés pour des raisons quasi assurantielles, c’est-à-dire à titre préventif, parce qu’on suppose qu’il pourrait y avoir un risque ou parce que l’analyse agronomique amène à le penser. En apportant une plus grande sécurité économique, nous faciliterions la sortie des pesticides.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Je rejoins madame Batho sur ce point, car les difficultés économiques constituent de véritables freins pour faire évoluer les pratiques agricoles vers l’agroécologie ou l’agriculture biologique. Nous soutiendrons donc le sous-amendement et réservons pour l’instant notre position sur l’amendement de monsieur Taupiac.

M. Julien Dive, rapporteur. Je vois mal comment cet amendement pourrait s’appliquer dans les faits, puisqu’il sera difficile d’évaluer une telle indemnisation. Cependant, je ne m’y suis pas déclaré défavorable, j’ai suggéré son retrait et je veux bien émettre un avis de sagesse. En revanche, je suis défavorable au sous-amendement, qui en restreint le champ.

Successivement, la commission rejette le sous-amendement et adopte l’amendement.

Amendements identiques CE10 de Mme Delphine Batho, CE134 de M. Dominique Potier, CE317 de M. Nicolas Thierry, CE384 de M. Loïc Prud’homme, CE530 de M. David Taupiac, CE588 de M. Julien Brugerolles et CE788 de M. Pascal Lecamp

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous revenons ici sur le sujet de l’Anses. Les dispositions des alinéas 40 à 46 institutionnalisent un conflit d’intérêts et la notion d’« usage prioritaire » est très problématique, puisqu’elle tend à faire prévaloir les besoins économiques sur la protection de la santé publique et celle de l’environnement. Cette notion soulève aussi la question de l’arbitrage implicite entre les filières : les grosses filières, qui disposent de moyens importants, pourront se déclarer prioritaires, au détriment des autres pour qui l’instruction des demandes par l’Anses deviendrait la dernière roue du carrosse.

M. Dominique Potier (SOC). Quelle que soit sa spécialité – grande production végétale, arboriculture, maraîchage, alimentation animale… –, une filière stratégique en difficulté, c’est un drame économique et social pour le territoire et une menace pour notre sécurité et notre souveraineté alimentaires.

Mais s’il est utile d’institutionnaliser le dialogue entre les filières économiques, l’Inrae, l’Association de coordination technique agricole (Acta) et tous les ministères concernés (au premier rang desquels celui de l’agriculture) à travers le « comité des solutions », prenons garde à ce que l’Anses n’ait pas à lui rendre de comptes, sans quoi notre travail de ce matin aura été vain.

Tous ceux qui connaissent un peu le milieu savent bien qu’en pratique, tout le monde se parle et pas seulement au Salon de l’agriculture. L’Anses est parfaitement capable d’identifier les filières stratégiques à l’échelle nationale et internationale qui seraient en difficulté et d’en tenir compte dans son calendrier. De là à la soumettre à des pressions politiques ou économiques en lui demandant de rendre des comptes, il y a un pas que nous ne voulons pas franchir. Nous proposons donc de supprimer les alinéas 40 à 46, qui créent des relations de subsidiarité et de dépendance contraires à l’esprit de la loi de 2014.

Mme Julie Ozenne (EcoS). Créer un conseil d’orientation chargé de prioriser l’instruction des demandes d’autorisation de mise sur le marché des pesticides reviendrait à remettre en cause l’indépendance de l’Anses en permettant à des intérêts industriels de peser sur ses priorités et à faire primer la rentabilité sur la santé publique et l’environnement. Par ailleurs, une telle instance semble contraire au fonctionnement collégial de l’évaluation consacré à l’échelle européenne. Enfin, ce nouvel organe n’est pas sans rappeler la logique qui avait présidé à la création du comité permanent de l’amiante, qui a finalement retardé l’interdiction d’un produit mortel.

Pour ne pas reproduire les erreurs du passé et s’assurer d’une évaluation objective et indépendante des lobbies, cet amendement vise à supprimer la création de ce conseil d’orientation.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Une fois encore, on nage dans la plus grande confusion. La planification de travaux de l’Anses est effectivement nécessaire et c’est une priorité que nous défendons fermement. Par exemple, la filière des protéines végétales ne demande qu’à être relancée et l’État a engagé un plan de soutien en ce sens. Mais ce sujet doit rester bien distinct de celui de l’instruction, par l’Anses, des autorisations de mise sur le marché pour des formulations commerciales, qui peuvent d’ailleurs être utilisées par différentes filières.

M. David Taupiac (LIOT). Par cohérence avec la suppression des nouvelles méthodes de travail de l’Anses proposées au début de l’article, nous proposons de supprimer les alinéas 40 à 46. Selon plusieurs firmes qui fabriquent ou commercialisent des produits phytosanitaires, ce dispositif n’est pas opérationnel : comment définir des priorités alors qu’il existe à la fois des enjeux sanitaires et environnementaux ? Surtout, comment hiérarchiser des produits venant de différentes sociétés, chacune ayant ses propres enjeux économiques ?

Continuons de prioriser la santé et l’environnement et n’interférons pas dans le fonctionnement de l’Anses.

M. Julien Brugerolles (GDR). Il y a un débat que nous n’avons qu’esquissé, alors qu’à mes yeux, il constitue une des priorités du texte : celui de la protection des filières en difficulté. Elle passe tout d’abord par la régulation des marchés et des prix, dont l’absence pour les marchés sucriers nous a, par exemple, coûté une petite filière betteravière de quatre mille hectares en Limagne, dans le Puy-de-Dôme. Elle passe aussi par la prévention des aléas et l’indemnisation des agriculteurs. À cet égard, je me félicite de l’adoption de l’amendement de monsieur Taupiac. Il se trouve que nous disposons également d’un outil essentiel, le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental. Il permet d’indemniser les agriculteurs subissant une baisse de rendement et de les aider à surmonter cette difficulté : il faut donc absolument le conforter.

Troisième levier de protection des filières en difficulté : l’activation des mesures de sauvegarde. C’est ce qui a été fait pour la cerise avec l’interdiction du diméthoate.

M. Pascal Lecamp (Dem). Le travail de l’Anses a vocation à éclairer la décision publique. Or le conseil d’orientation pour la protection des cultures prévu aux alinéas 40 à 46 ne serait pas une instance de dialogue, mais une structure réunissant l’ensemble des acteurs n’ayant pas intérêt, à court terme, à ce que certains produits ne soient pas mis sur le marché. Sans critique aucune des agriculteurs ou des fabricants de produits sanitaires – chacun défend ses intérêts, c’est bien naturel –, nous ne voulons pas mettre nos scientifiques dans une position délicate en leur demandant de faire des choix sanitaires et sécuritaires en fonction d’intérêts économiques ou politiques. Nous proposons donc de supprimer les alinéas 40 à 46.

Je le répète, l’Anses fait bien son travail. Si des filières se retrouvent dans l’impasse, ce n’est pas sa faute, mais celle des parlementaires qui ont décidé d’interdire les néonicoinoïdes.

M. Julien Dive, rapporteur. Ces alinéas constituent une injonction adressée à l’Anses, ce qui me semble maladroit. Reste qu’il est nécessaire de renforcer le dialogue, comme l’a souligné monsieur Potier. À cette fin, je propose de renforcer le « comité des solutions », une instance de dialogue, créée en 2024 et relancée début 2025, qui a vocation à rassembler l’ensemble des acteurs concernés par ce débat (filières, acteurs de la recherche et de l’innovation, Anses, structures interprofessionnelles). C’est l’objet de mon amendement CE797, qui sera bientôt discuté. Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements à son bénéfice.

Mme Delphine Batho (EcoS). Le problème, c’est qu’il présente les mêmes limites que le texte initial : il entérine la notion d’« usage prioritaire » – une filière rencontrant un problème technique serait donc prioritaire par rapport aux enjeux de santé publique ou d’environnement –, la liste des usages prioritaires est fixée par le ministre chargé de l’agriculture après avis du comité des solutions et l’Anses doit arrêter le calendrier d’instruction des AMM en fonction de ces usages prioritaires.

Cette proposition doit aussi être lue à l’aune de votre amendement CE743 : l’amendement est tombé, mais il prévoyait que l’Anses informe ses ministères de tutelle avant toute décision sur un produit répondant à un usage prioritaire.

Une rédaction différente, donc… mais la même volonté d’ingérence politique dans l’Anses et le même niveau d’influence des firmes de l’agrochimie, puisqu’elles seront membres du comité des solutions.

M. Dominique Potier (SOC). Je souscris à l’analyse de notre collègue Delphine Batho : il faut un lieu de dialogue sur les filières en difficulté, mais cela n’a rien à voir avec l’Anses, dont l’indépendance doit être clairement garantie. Commençons par supprimer ces alinéas, puis nous réfléchirons à un dispositif qui réponde réellement aux défis socio-économiques de nos filières et à l’exigence de sécurité alimentaire tout en préservant l’environnement. Nous vous ferons une proposition en ce sens.

M. Julien Dive, rapporteur. Madame Batho, soyez honnête quand vous rapportez mes positions : j’étais favorable à la suppression de l’alinéa 4 et j’ai bien expliqué pourquoi. J’aurais préféré limiter les remontées d’information de l’Anses à ses ministres de tutelle aux seuls produits concernés par un usage prioritaire.

Évidemment, si vous ne réunissez pas une structure, elle ne peut pas trouver de solutions ; mais si vous la réunissez régulièrement, le dialogue s’installe. Le comité des solutions, créé par la ministre Agnès Pannier-Runacher, a été réuni et animé. Il s’agit désormais de lui donner corps en l’inscrivant dans la loi et en lui assignant une mission, condition sine qua non à l’émergence d’un dialogue constructif avec l’ensemble des parties prenantes – je rappelle que des représentants d’ONG, notamment, y siègent.

Cette mission, c’est la définition des usages prioritaires : il ne s’agit pas d’accorder la priorité à une molécule ou une substance, mais d’identifier les usages qui sont le plus manifestement dans l’impasse et qui ont donc besoin que l’AMM de certains produits soit instruite rapidement – c’est-à-dire étudiée, puis accordée ou rejetée ; car c’est bien là le rôle de l’Anses.

Quant au calendrier des instructions, c’est l’Anses qui l’établit : nous proposons seulement qu’elle le présente ensuite au comité des solutions, afin d’ouvrir le dialogue. Quant à votre proposition, monsieur Potier, elle va tomber si ces amendements de suppression sont adoptés.

La commission rejette les amendements.

Amendements CE797 de M. Julien Dive, CE445 de M. Dominique Potier et CE647 de M. Jean-Luc Fugit (discussion commune)

M. Julien Dive, rapporteur. J’ai défendu cet amendement dans mes précédentes interventions.

M. Dominique Potier (SOC). En séance, nous aurions sous-amendé votre proposition, monsieur le rapporteur, pour ne conserver que la partie sur le comité des solutions – car il est utile d’avoir un lieu de dialogue sur les filières en difficulté – et supprimer l’injonction adressée à l’Anses de rendre compte du calendrier d’instruction des AMM – car c’est une démarche en contradiction avec nos convictions profondes. Malheureusement, en commission, ce n’est pas possible. Nous ne pourrons donc pas soutenir votre amendement et vous ferons d’autres propositions en séance.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Mon amendement vise à donner corps, sur le plan juridique, au comité des solutions créé l’an dernier par les ministres Marc Fesneau et Agnès Pannier-Runacher et à lui assigner une mission claire : soutenir le développement des filières et identifier celles qui seraient dans l’impasse. Il permet en outre de préserver l’indépendance de l’Anses, ce qui devrait répondre aux préoccupations de certains. Enfin, contrairement à celui du rapporteur, il précise la composition du comité des solutions (représentants des ministères chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé, représentants de la production agricole et acteurs de la recherche agronomique) plutôt que d’en renvoyer la définition à un décret.

Le comité des solutions existe déjà, il commence à porter ses fruits : il s’agit maintenant de lui assigner des missions claires et de définir, en toute transparence, sa composition.

M. Julien Dive, rapporteur. Comme je vous l’ai expliqué au début de l’article 2, tout ce qui a trait à l’Anses et qui ne figurera pas dans la loi sera, de fait, décidé par décret – un projet de décret est d’ailleurs déjà paru dans la presse professionnelle. Il est donc préférable d’indiquer dans la loi que l’Anses établit elle-même son calendrier, faute de quoi ce sera décidé par voie réglementaire et l’Anses ne sera alors peut-être plus maîtresse de son calendrier – d’où mon amendement. Je précise, monsieur Potier, que je ne suis pas hostile aux sous-amendements, pour peu qu’ils soient constructifs ; je n’y suis pour rien si ceux que vous aviez déposés ont été déclarés irrecevables. Vous pourrez travailler la question d’ici à l’examen en séance.

Je suis défavorable à l’amendement CE445, mais favorable à l’amendement CE647, qui est de repli par rapport au CE797.

M. Dominique Potier (SOC). Je suis plus favorable à l’adoption de l’amendement de notre collègue Fugit, d’ailleurs assez proche du nôtre.

Après avoir reconnu que c’est sans grande conviction que vous avez proposé que l’Anses rende des comptes au comité des solutions, voilà que vous faites valoir que les décisions que nous ne prendrions pas dans la loi seront prises de fait par décret – sur le plan démocratique, c’est un peu étrange.

Nos débats sont enregistrés et éclairent notre intention de législateur. Si nous disons clairement que nous voulons un comité des solutions – car il nous semble important de traiter des questions socio-économiques et de garantir la souveraineté alimentaire – mais aussi que nous sommes attachés à l’indépendance de l’Anses, il sera difficile pour la ministre de prendre un décret allant à l’encontre de la volonté du Parlement. Au reste, un tel décret pourrait alors être attaqué à ce motif.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). J’ajoute que si notre amendement venait à être adopté, vous pourriez toujours le compléter d’ici à la séance, monsieur le rapporteur. Rien ne nous empêche de travailler par étapes. Pour l’heure, notre amendement a l’avantage d’être plus clair et plus rassurant.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous sommes défavorables à tous ces amendements.

Celui du rapporteur organise la mise sous tutelle politique de l’Anses afin de prioriser les enjeux économiques, au détriment des problèmes de santé publique et d’environnement, lors de l’instruction des autorisations de mise sur le marché.

Quant aux deux autres, nous en comprenons l’intention, mais il existe déjà une structure remplissant le rôle qu’ils veulent assigner au comité des solutions : le comité d’orientation stratégique et de suivi de la stratégie Écophyto 2030, dont le travail est tout entier tourné vers la réduction et la sortie des phytos. Nous sommes donc défavorables à la création d’une autre instance.

M. Julien Dive, rapporteur. Madame Batho, l’Anses est un établissement public et, de fait, elle est déjà sous tutelle ministérielle. À travers le comité des solutions, je cherche au contraire à instaurer une logique de dialogue. Et si je souhaite inscrire dans la loi que l’Anses est maîtresse de son calendrier, ce n’est que par souci de clarification.

Monsieur Potier, ne me prêtez pas des intentions qui ne sont pas les miennes : si je n’étais pas convaincu par le bien-fondé du comité des solutions, je n’aurais pas déposé cet amendement. Je défends cette solution parce que c’est celle qui s’est fait jour lors des auditions de l’Anses et des différents acteurs du comité des solutions, notamment la Phyteis.

La commission rejette successivement les amendements CE797 et CE445.

Elle adopte l’amendement CE647.

En conséquence, les amendements CE337 à CE318 tombent.

Amendements identiques CE251 de la commission du développement durable et CE410 de Mme Marie Pochon, amendements CE188 et CE189 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cet amendement a été adopté à l’initiative du groupe Écologiste et social. Je laisse donc à l’un de ses membres le soin de le présenter.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Les abeilles et les pollinisateurs ont des prédateurs que nous déversons nous-mêmes : les pesticides. Ils sont – et de loin – la première cause de l’effondrement des populations de pollinisateurs, avec les espèces envahissantes toxiques, la destruction des habitats et la monoculture agricole : nous l’avons déjà répété un certain nombre de fois, mais cela ne fait pas de mal de le rappeler à nouveau. Alors que cette proposition de loi vise à réintroduire les néonicotinoïdes tueurs d’abeilles et à placer l’Anses sous tutelle politique, nous cherchons, pour notre part, à protéger les pollinisateurs en les préservant des produits qui les empoisonnent et à garantir l’indépendance de l’Anses afin que ses travaux tendent bien à la protection de la santé publique et de l’environnement.

L’amendement CE410 prévoit que l’Agence nationale de sécurité sanitaire garantit que l’évaluation des produits phytosanitaires présents sur le marché et l’instruction des demandes de mise sur le marché est fondée sur les protocoles de tests les plus récents. L’amendement CE188 est de repli.

Par ailleurs, le recours déposé par différentes associations environnementales – Pollinis, Notre Affaire à tous, Biodiversité sous nos pieds, l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières (ANPER-TOS), l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (Aspas) – a permis de mettre en évidence des défaillances dans les procédures d’évaluation des produits phytosanitaires. De nombreux effets des pesticides sur certains insectes pollinisateurs, comme les effets chroniques ou sub-létaux, ne sont pas suffisamment évalués. Il nous semble donc prioritaire de mettre à jour les protocoles d’évaluation de la toxicité des produits sur les insectes pollinisateurs

Bonne nouvelle : ces protocoles existent déjà. L’amendement CE189 prévoit donc la publication annuelle d’un bilan des protocoles existants, soulignant leurs lacunes et formulant des recommandations pour les actualiser avec les dernières connaissances scientifiques – et ainsi garantir la protection des pollinisateurs.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable. Les effets des produits phytosanitaires sur la biodiversité, en particulier sur les insectes, sont déjà évalués au niveau européen. En outre, votre proposition constitue une forme d’ingérence dans le travail de l’Anses. C’est contradictoire avec le débat que nous venons d’avoir sur l’autonomie de l’agence.

La commission rejette les amendements CE251 et CE410.

Elle rejette successivement les amendements CE188 et CE189

Elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendements identiques CE240 de la commission du développement durable et CE30 de Mme Delphine Batho

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement très intéressant prévoit d’interdire l’utilisation, dans les biocides, des produits phytopharmaceutiques proscrits en agriculture. Il a été adopté par la commission du développement durable à l’initiative de notre collègue Delphine Batho. J’espère sincèrement que vous l’adopterez.

Mme Delphine Batho (EcoS). Effectivement, des substances interdites dans les pesticides restent autorisées pour les insecticides domestiques. Compte tenu des données de l’Anses sur l’exposition à ces produits toxiques au sein du domicile – notamment les néonicotinoïdes et pyréthrinoïdes – et dans l’attente de l’harmonisation des règlements européens concernés, il convient d’interdire automatiquement l’usage, dans les produits domestiques, des substances interdites dans les pesticides agricoles.

M. Julien Dive, rapporteur. Il n’est effectivement pas logique d’autoriser dans les insecticides à usage domestique ou les produits à usage vétérinaire – notamment dans les colliers antipuces ou les produits antitiques des chiens et des chats – des molécules interdites en agriculture – d’autant que ce sont souvent des aérosols utilisés en milieu confiné et dont les effets sont donc forcément plus nocifs encore pour la santé humaine. C’est un sujet important qui a été abordé en audition, notamment lors de celle de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Peut-être faudrait-il simplement prévoir une date d’entrée en vigueur de la disposition qui laisse le temps aux firmes développant des répulsifs de trouver des alternatives – nous pourrons y revenir en séance. Quoi qu’il en soit, je suis favorable à ces amendements.

Mme Delphine Batho (EcoS). C’est une mesure transitoire. Il faut également prévoir un dispositif pour la gestion des stocks existants. Adoptons les amendements et nous les compléterons en séance.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE420 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). « Ce n’est pas ta faute, il ne faut pas t’en vouloir, on n’a pas su nous protéger. Il faut que tu te battes, maman, bats-toi. » Ces mots qui ont fait la une, il y a quelques années, sont ceux d’une fillette de onze ans, morte d’un cancer après avoir été contaminée par les pesticides présents dans les fleurs manipulées par sa mère – apprentie fleuriste de 2000 à 2004, puis fleuriste en boutique, avant de devenir représentante sur un marché de gros en 2008.

Pour prolonger le combat de cette mère et de sa fille pour préserver notre santé à tous et, en particulier, celle des professionnels du secteur horticole, cet amendement vise à interdire l’utilisation, dans les produits horticoles, de pesticides et produits phytosanitaire que l’Union européenne a proscrits en agriculture.

M. Julien Dive, rapporteur. Je comprends votre préoccupation pour la filière horticole française, mais une grande partie des fleurs vendues en France sont importées depuis d’autres pays, au premier rang desquels l’Afrique du Sud, et transitent par des pays de l’Union européenne, comme les Pays-Bas. Votre amendement ne sera pas opérationnel et je vous demande de bien vouloir le retirer.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Notre amendement prévoit bien l’interdiction de la vente ou de la distribution de tous les produits horticoles traités par des produits phytopharmaceutiques, y compris lorsqu’ils sont importés depuis des pays extérieurs à l’Union européenne.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il est nécessaire d’aligner la réglementation des produits horticoles sur celle s’appliquant aux usages agricoles. Nous aurions d’ailleurs dû le faire dès l’amendement précédent. D’ailleurs, j’aimerais bien comprendre pourquoi la droite a voté contre, alors que ce matin elle dénonçait combien il était illogique d’autoriser l’utilisation de substances dangereuses pour la santé dans les produits domestiques ou vétérinaires.

M. Julien Dive, rapporteur. Je comprends l’intérêt de cette mesure pour la filière horticole française, mais si les fleurs se trouvent sur le sol européen, par exemple aux Pays-Bas ou dans un autre pays membre de l’Union, on ne peut pas interdire leur transfert vers la France. Je maintiens donc ma position.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE266 de la commission du développement durable et CE701 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Ces amendements, adoptés en commission du développement durable, visent à ajouter un titre spécifique pour répondre aux problèmes de l’agriculture biologique, qui est la grande oubliée de cette proposition de loi. En effet, outre qu’ils doivent faire face à un manque de soutien de la part des pouvoirs publics et à un manque de débouchés, nombre d’agriculteurs biologiques sont contraints de détruire leurs récoltes contaminées par des pesticides qu’ils n’ont pas utilisés, notamment le prosulfocarbe. D’après la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), les destructions de cultures de sarrasin bio contaminées par cet herbicide très volatil se chiffrent, depuis 2020, à plus d’un demi-million d’euros. C’est une injustice totale, à laquelle nous devons mettre fin. L’amendement tend donc à garantir aux agriculteurs biologiques la liberté de produire sans pesticides et à responsabiliser les industriels du secteur des pesticides en cas de préjudice économique lié à une contamination par ces produits.

M. Julien Dive, rapporteur. Il sera difficile d’établir l’origine des préjudices que vous évoquez pour l’agriculture bio. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement vise à ce que les responsables soient identifiés comme les distributeurs et les détenteurs de l’AMM. Je le répète : pour le groupe Écologiste et social, les responsables sont les pouvoirs publics qui autorisent ces produits et les firmes qui les fabriquent, et non pas l’agriculteur qui les utilise. Ce ne sont donc pas les voisins qui doivent indemniser l’agriculteur bio, mais celui qui a fabriqué le prosulfocarbe.

M. Julien Dive, rapporteur. Il arrive que plusieurs firmes commercialisent la même substance, pour laquelle elles ont obtenu une AMM. Il sera, dans ce cas, difficile d’établir le lien de causalité.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE561 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement vise à corriger une anomalie. Actuellement, en effet, les autorisations de mise sur le marché délivrées par l’Anses ne seront pas soumises à la procédure prévue par l’article 7 de la Charte de l’environnement sur la participation du public. Il est donc proposé de les soumettre au régime de base qui s’applique en la matière, qui prévoit une publication en ligne avant la publication formelle. C’est une question de constitutionnalité.

M. Julien Dive, rapporteur. L’Anses assure déjà une grande transparence en matière d’évaluation des produits phytos. On peut ainsi consulter sur son site internet le registre des décisions d’AMM, les avis relatifs aux demandes d’introduction de macro-organismes dans l’environnement, le site E-phy, qui répertorie les produits à usage autorisé, et les chiffres de phytopharmacovigilance. La mesure que vous proposez pourrait même ralentir les procédures de l’Anses. Avis plutôt défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Une autorisation de mise sur le marché est un acte réglementaire et il serait logique qu’elle soit soumise au régime de droit commun de la participation du public.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE557 de Mme Delphine Batho

Amendement CE533 de Mme Marie Pochon

M. Jean-Claude Raux (EcoS). L’amendement propose d’établir une stratégie de maîtrise de la dépendance de la France aux produits phytosanitaires de synthèse fabriqués à partir d’énergies fossiles. En effet, 98 % des engrais azotés industriels sont fabriqués à partir d’énergies fossiles et, qui plus est, la France a augmenté, ces quatre dernières années, sa dépendance au gaz russe, notamment en matière de transformation et de production d’engrais azotés, qui découlent de la séparation d’hydrogène et de méthane brûlés à haute température. La maîtrise de notre dépendance à ces engrais découle nécessairement d’une réduction de leur usage dans les objectifs d’Écophyto, mais, si nous voulons réellement affirmer notre indépendance, instaurons une réelle stratégie d’émancipation de l’usage des produits phytosanitaires.

M. Julien Dive, rapporteur. C’est le rôle qui a été confié au comité des solutions et cela se traduit par le Parsada, qui dispose d’une enveloppe de 146 millions d’euros et qui a pour vocation de travailler sur les alternatives, y compris bio ou en biocontrôle. J’ai déjà vanté les mérites de ce plan, qui est un bel outil et dont j’ai souhaité pérenniser l’esprit avec l’amendement adopté tout à l’heure, qui vise à fixer à l’État un objectif de moyens pour accompagner la recherche d’alternatives en cas d’interdiction de certaines solutions. Je demande donc le retrait de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE529 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Les agriculteurs sont les premières victimes des conséquences des pesticides de synthèse sur la santé humaine. L’objet de l’amendement est que tout exploitant ou salarié agricole utilisateur à titre professionnel de produits phytopharmaceutiques ait droit à une information claire et complète sur les maladies professionnelles liées à l’usage de ces produits et sur l’existence du fonds d’indemnisation des victimes de pesticides.

M. Julien Dive, rapporteur. Votre amendement ne précise pas qui supporte la charge de cette information – l’État, les employeurs des salariés agricoles, les distributeurs ou les metteurs en marché ? Je demande donc son retrait, afin qu’il puisse être précisé en vue de l’examen du texte en séance.

Mme Delphine Batho (EcoS). Ces précisions sont contraintes par l’article 40 de la Constitution. Dans notre esprit, il ne s’agit pas d’ajouter un nouveau « machin » compliqué. Une discussion s’impose pour savoir à quel moment doit intervenir cette information et qui doit la dispenser. La question est très importante et on ne peut pas dire que cette demande soit déjà satisfaite. Or la conscience des impacts sanitaires et de la nécessité de protéger sa santé et celle de son entourage est un levier puissant de changement des pratiques agricoles.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Dans mon département, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath), qui gère notamment le fonds d’indemnisation des victimes des pesticides et est chargée de repérer et d’accompagner les agriculteurs victimes, témoigne que très peu d’agriculteurs la saisissent, même lorsqu’ils sont victimes, que cette démarche passe le plus souvent par les familles ou par les femmes d’agriculteurs et qu’il existe encore un véritable tabou autour de cette question dans le monde agricole. Une véritable information est donc nécessaire et il faut lever le tabou public sur l’usage des pesticides et ses conséquences potentielles. L’État doit bien évidemment accompagner l’indemnisation de ces victimes.

M. Dominique Potier (SOC). Nous soutiendrons cet amendement. La commission d’enquête s’est intéressée à l’usage du fonds d’indemnisation des victimes de phytosanitaires. Il s’agit d’un amendement socialiste déposé au Sénat, que nous avons repris et défendu ensemble et qui a été adopté l’année suivante dans la loi de financement de Sécurité sociale, conformément à un engagement pris par la ministre Agnès Buzyn à la suite d’une niche parlementaire qui n’avait pas pu aller jusqu’à son terme. C’est une victoire collective que nous partagions tous. Ce fonds est très peu utilisé. Nous avons interrogé ses responsables dans le cadre de la commission d’enquête et il est apparu qu’un travail d’information devrait être mené par la Mutualité sociale agricole et le fonds lui-même en direction du grand public.

M. Éric Martineau (Dem). La mesure proposée par madame Batho est une très bonne idée. Étant donné toutefois que l’on reçoit une formation sur la dangerosité de l’usage des pesticides en tant que décideur ou qu’applicateur au moment où l’on passe le certificat phyto, je m’interroge sur l’utilité de l’amendement.

M. Julien Dive, rapporteur. Je ne nie pas l’intérêt du fond de l’amendement, mais il faudrait préciser à qui reviendra la charge de l’information proposée. S’il s’agit de l’État, l’article 40 de la Constitution pourrait être invoqué. Cela doit-il incomber aux distributeurs, aux metteurs en marché ou encore à la MSA, comme vient de le proposer monsieur Potier ? Je vous invite donc à retirer l’amendement pour le retravailler en vue de la séance publique. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

5.   Réunion du mercredi 14 mai 2025 à 21 heures 30 : examen des articles (suite)

Après l’article 2 (suite)

Amendements identiques CE238 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et CE387 de M. Loïc Prud’homme

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. L’adoption de cet amendement a été souhaitée par la commission, mais je n’y suis, quant à moi, pas favorable.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous proposons de rédiger ainsi le 2° de l’article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime : « L’utilisation des produits mentionnés au même article L. 253-1 est interdite dans une zone tampon de 200 mètres autour des lieux mentionnés au 1° du présent article ainsi que dans une zone tampon de 200 mètres autour des centres hospitaliers et des hôpitaux, des établissements de santé privés, des maisons de santé, des maisons de réadaptation fonctionnelle, des établissements qui accueillent ou hébergent des personnes âgées et des établissements qui accueillent des personnes adultes handicapées ou des personnes atteintes de pathologie grave, ainsi que des lieux d’habitation à partir des limites de la propriété et des établissements recevant du public, quelle que soit leur catégorie. »

M. Julien Dive, rapporteur. Lorsque nous avons débattu des zones de non-traitement à l’occasion de l’examen de l’article 2, je vous ai expliqué que leur détermination relevait du pouvoir réglementaire. Je vous renvoie à notre discussion sur ce point. De plus, je ne sais pas comment a été fixée la distance de deux cents mètres – pourquoi pas cent, pourquoi pas cinquante ? – mais je vous répète qu’elle me semble considérable. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Cette distance a été fixée pour tenir compte de la dérive des produits. Si vous êtes d’accord pour entrer dans une discussion sur la distance, monsieur le rapporteur, faisons-le, mais actons d’abord le principe. Nous soutenons ces amendements car les mesures de précaution sont presque inexistantes, ce qui expose les pouvoirs publics à un risque pénal.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CE250 de la commission du développement durable et CE413 de Mme Marie Pochon

M. Jean-Claude Raux (EcoS). On estime que la production agricole, en France, est assurée à 35 % par la pollinisation des abeilles. Or leur mortalité n’a jamais été aussi élevée : 20 % à 30 % des colonies disparaîtraient chaque année, en raison notamment des pratiques de l’agriculture intensive. Les apiculteurs souhaitent produire librement sans subir la mise sur marché, par les industriels de la chimie, de produits qui déciment les pollinisateurs comme les pesticides. Cet amendement vise à les défendre.

M. Julien Dive, rapporteur. Je maintiens l’avis défavorable que j’avais émis précédemment sur ce sujet.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE345 de M. Nicolas Thierry

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous proposons d’interdire les pesticides contenant des substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS), ainsi que ceux dont les métabolites sont des PFAS. Ces polluants éternels peuvent en effet entraîner des troubles hormonaux, affecter le système immunitaire, accroître le risque de certains cancers, perturber le développement du fœtus et être associés à des maladies comme le diabète. Il est urgent de cesser de les utiliser.

M. Julien Dive, rapporteur. Je rappelle que les autorisations de mises sur le marché (AMM) sont délivrées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), dans un cadre européen fixé par l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa). Je maintiens l’avis défavorable que j’ai tenu jusqu’alors sur ce sujet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE233 de la commission du développement durable

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement très intéressant vise à offrir la possibilité aux parcs et aux réserves d’interdire l’utilisation des pesticides dans leur périmètre.

M. Julien Dive, rapporteur. Votre amendement vise un champ extrêmement large et risque de concerner des cultures en situation d’impasse. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). La France est-elle en train de renoncer à toute forme de protection de sa biodiversité et de son patrimoine naturel ? L’effet des pesticides de synthèse sur la biodiversité n’est pas discutable. Le fait de donner aux gestionnaires d’espaces naturels la possibilité de réglementer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques me semble relever du bon sens.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Le Président de la République a considéré que ces zones faisaient partie des 30 % du territoire censés être protégés en vertu de l’accord sur la biodiversité adopté à l’issue de la COP15. Les conclusions de la mission d’information relative à l’agriculture et à la biodiversité montrent que l’usage des pesticides est la première cause de disparition des oiseaux. Dans les zones où la biodiversité est censée être protégée, nous pourrions au moins offrir la possibilité d’interdire ces produits.

M. Jordan Guitton (RN). Le groupe Rassemblement national votera contre cet amendement. Dans mon département de l’Aube, si l’utilisation des pesticides était interdite dans le parc naturel régional de la Forêt d’Orient, ce sont les agriculteurs de plus de cinquante communes qui devraient s’en passer. Cela aboutirait à la suppression des fermes, des emplois et, à la fin, de toute production agricole : sans pesticides, on n’est pas capable de produire. Je ne comprends pas le sens de cet amendement, qui relève de l’agribashing et prône la décroissance agricole. Il va à l’encontre de l’objectif du texte et son adoption serait très dangereuse pour le monde rural.

M. Julien Dive, rapporteur. La superficie de l’ensemble des parcs régionaux et nationaux de France correspond à un quart de la surface terrestre de la France métropolitaine et des départements d’outre-mer : cela donne une idée de la taille des zones concernées.

En outre, cet amendement conduirait à déléguer aux organes gestionnaires de ces parcs le droit d’interdire des produits, alors que nous venons de souligner que ce n’était pas au politique de le faire, mais à la science. Il provoquerait par ailleurs des distorsions de concurrence et aboutirait à une rupture d’égalité devant la loi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE386 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous proposons au Président de la République de se rattraper et de tenir enfin sa promesse de sortie du glyphosate – un produit dont le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a déjà démontré à de nombreuses reprises le caractère cancérogène et qui est responsable de nombreuses maladies professionnelles, en particulier chez les agriculteurs. Des alternatives existent : soixante mille agriculteurs bio s’en passent aisément.

M. Julien Dive, rapporteur. Les débats que nous avons eus à ce sujet en 2018 ont amené à la création d’une mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, à la nomination d’un coordinateur, à la définition d’une trajectoire et à la restriction de l’usage de ce produit à certaines filières et à certaines situations. J’ajoute que le cadre européen l’autorise encore. Avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau (RN). N’oublions pas que certains agriculteurs quittent l’agriculture bio, en raison de sa trop faible rentabilité, pour revenir vers l’agriculture conventionnelle : sans subventions, ils n’y arrivent pas.

Par ailleurs, la profession intègre la dangerosité de certains produits et de certaines pratiques : les tracteurs sont dangereux et provoquent la mort d’agriculteurs tous les ans, mais on ne les interdit pas pour autant ! L’utilisation de protections règle une grande partie du problème évoqué.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Ne dites pas que l’agriculture bio ne s’en sortirait pas si elle n’était pas subventionnée : elle l’est beaucoup moins que l’agriculture conventionnelle, qui perçoit plus de 90 % des sommes versées au titre de la politique agricole commune (PAC) et des subventions nationales. C’est aussi parce qu’elle est aidée par de l’argent public que l’agriculture conventionnelle devrait avoir un mininum de vertu environnementale.

Mme Delphine Batho (EcoS). La dernière expertise collective de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a confirmé qu’il fallait se préoccuper des effets sur la santé du glyphosate. C’est sur cette expertise que nous avons fondé notre proposition de résolution européenne, afin que la France se prononce contre le renouvellement de l’autorisation du glyphosate à l’échelle européenne. Compte tenu du caractère fondamentalement vicié de la décision qui a été prise – je ne reviendrai pas sur l’affaire des « Monsanto Papers » –, il nous paraît indispensable qu’une promesse faite en 2017 soit enfin tenue.

M. Dominique Potier (SOC). Je vous livre mes réflexions, qui ne reflètent pas la doctrine de mon groupe : si nous interdisons le glyphosate sur la base d’une décision politique, il ne faudra pas s’étonner qu’une autre majorité, dans deux ans, ne rétablisse l’usage du S-métolachlore.

Notre combat doit consister à renforcer les agences, pas à prendre des décisions. Je pense que si l’Anses avait travaillé sur la phyto-épidémiovigilance et sur la biodiversité à long terme, le glyphosate n’aurait pas été réintroduit. C’est grâce à l’Anses et à l’Efsa que 95 % des produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR1) ont été éloignés de l’usage agricole.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE550 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Je ne cesse de rappeler que le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), remis au ministre en 2017, était très clair : « Le degré de certitude d’ores et déjà acquis sur les effets des produits phytopharmaceutiques commande de prendre des mesures fortes et rapides sauf à engager la responsabilité des pouvoirs publics. »

Nous proposons, en cohérence avec sa recommandation n° 2, de retirer d’urgence cinq catégories de produits contenant les substances les plus préoccupantes pour la santé publique.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau (RN). Je voudrais répondre à monsieur Prud’homme que, dans mon département, les deux tiers des productions sont hors PAC. Je maintiens donc mes propos au sujet de la reconversion des exploitations bios en agriculture conventionnelle.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). On voit bien là l’opposition du Rassemblement national à l’agriculture biologique. Monsieur Guitton estime que, si tous les agriculteurs de l’Aube travaillaient en bio, ils ne produiraient plus rien. Quel mépris pour l’association Chlorophylle, pour l’association Jardin de cocagne de La Barbuise, pour le producteur Au cœur de la chèvrerie et pour tant d’autres !

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE231 de la commission du développement durable et CE600 de M. Jean-Claude Raux

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je trouve très intéressant cet amendement qui vise à taxer les producteurs de produits phytosanitaires : il permettrait de trouver des financements pour les agences de l’eau, notamment pour le développement de mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) qui sont essentielles pour nos agriculteurs, conventionnels comme bios.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Il n’est pas acceptable que ce soit les usagers et les collectivités qui supportent le coût – environ un milliard d’euros par an dans notre pays – de la dépollution de l’eau potable. Dans le même temps, les géants de l’agrochimie continuent de faire des profits considérables au détriment de notre biodiversité et de notre santé, tandis que leur participation financière reste insignifiante (0,9 % de leur chiffre d’affaires). La loi permet d’élever cette contribution jusqu’à 3,5 %, mais le Gouvernement refuse d’activer ce levier. Ce choix politique en dit long sur les intérêts qu’il privilégie. Nous proposons de faire de ce plafond virtuel de 3,5 % un plancher, selon un principe clair : qui pollue, paie.

M. Julien Dive, rapporteur. L’article 34 de la Constitution réserve à la loi la fixation des règles concernant le taux des impositions de toutes natures. Le législateur peut ne déterminer que les limites à l’intérieur desquelles le pouvoir réglementaire est habilité à arrêter le taux d’une imposition mais, en supprimant le plafond de la taxe pour en faire un plancher, il se mettrait en situation d’« incompétence négative ». J’émets, pour cette raison, un avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau (RN). Si vous considérez que tous les produits phytosanitaires polluent les nappes, y compris ceux qui sont utilisés par l’agriculture biologique, il n’y a aucune raison que ces derniers soient exonérés. Ensuite, notre groupe n’est pas opposé à l’agriculture biologique, qui peut être une filière d’excellence. Ce que nous disons, c’est que, sa production à l’hectare n’étant pas la même, il lui est difficile d’être rentable tout en concurrençant l’agriculture conventionnelle.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous n’avons pas compris votre argumentation, monsieur le rapporteur.

M. Julien Dive, rapporteur. La suppression du plafond de la taxe, pour en faire un plancher, donnerait lieu à une insécurité constitutionnelle.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CE223 de la commission du développement durable et CE599 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Lorsqu’on parle de qualité, on dit souvent qu’on ne trouve que ce que l’on cherche. Pour préserver notre santé, il faut au préalable savoir quels pesticides sont présents, où et en quelle quantité. L’étendue de la contamination de notre eau potable reste largement méconnue, alors que les données disponibles sont alarmantes : d’après une étude de l’association Générations Futures, 71 % des métabolites susceptibles de polluer les eaux souterraines ne font l’objet d’aucun suivi.

Dans l’objectif d’harmoniser et de renforcer les contrôles, nous proposons la création d’une liste nationale de métabolites de pesticides à surveiller, établie sur la base d’un avis conforme de l’Anses.

M. Julien Dive, rapporteur. Je ne sais pas dire si les agences régionales de santé (ARS) doivent pouvoir disposer d’une telle liste et il me semble que nous nous éloignons là de l’objectif du texte. Le sujet de la qualité de l’eau est néanmoins important. Avis de sagesse.

La commission rejette les amendements.

Amendements CE221 de la commission du développement durable et CE680, CE681 et CE682 de Mme Julie Ozenne (discussion commune)

Mme Julie Ozenne (EcoS). Si le groupe Écologiste et social soutient une sortie totale des pesticides, il propose avec l’amendement CE680 une mesure modérée : rendre obligatoire l’apposition d’un avertissement et d’un message d’information sur l’emballage des denrées alimentaires contenant des produits agricoles ayant été cultivés avec des pesticides. Au vu de leur impact sur la santé et l’environnement, il n’est plus audible que des produits non bios apparaissent comme neutres aux yeux des consommateurs.

L’amendement de repli CE681 propose de rendre obligatoire un simple marquage, selon des modalités devant être précisées par décret. Enfin, l’amendement CE682 propose la mise en place d’un marquage et d’un message informatif sur les fruits et les légumes cultivés avec des pesticides. Cette simple mesure de transparence à l’égard des consommateurs renversait la logique actuelle, dans laquelle c’est le bio qui fait figure d’exception.

M. Julien Dive, rapporteur. Vos propositions ne sont pas conformes au règlement européen Inco, relatif à l’information des consommateurs et dont nous avons déjà débattu : il y a deux ans, j’ai été l’auteur, avec l’une de nos collègues, d’un rapport d’information dans lequel nous préconisions sa révision. En vertu de ce règlement, les mesures nationales ne doivent pas interdire, compromettre ou restreindre la libre circulation des marchandises.

En outre, l’information que vous proposez d’afficher ne serait pas disponible pour les denrées alimentaires originaires d’autres pays qui entreraient dans la composition de produits transformés. Cela créerait, de fait, une distorsion de concurrence au détriment de nos agriculteurs.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE457 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). La trajectoire agroécologique apparaît comme la seule susceptible de concilier écologie, économie, souveraineté alimentaire et protection de l’environnement. Cela suppose de lancer une nouvelle génération du plan Écophyto. Le rapport de la commission d’enquête avait inspiré les travaux du ministre de l’agriculture et de la ministre de l’écologie. Madame Élisabeth Borne avait ainsi commencé à élaborer un plan Écophyto 2030 qui reprenait nombre de ses propositions, mais il a été abandonné face à la colère du monde paysan. S’en sont suivies plusieurs années d’atonie gouvernementale en la matière.

Cet amendement propose de relancer le plan Écophyto en lui redonnant ses objectifs fondamentaux, parmi lesquels la réduction de 50 % de l’utilisation des produits phytosanitaires et des risques globaux d’ici à 2030 et la recherche d’alternatives visant à anticiper la réduction des substances actives autorisées, dont on sait qu’elles finiront inéluctablement par être retirées.

M. Julien Dive, rapporteur. Cet amendement d’appel aurait davantage sa place dans une loi d’orientation. Le présent texte cherche à apporter des solutions en levant un certain nombre d’entraves : il ne s’agit donc pas du véhicule législatif approprié. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). J’insiste sur la perspective inéluctable du retrait de certaines molécules identifiées comme présentant un risque pour l’eau et la santé humaine. En l’absence d’alternatives et d’approches agronomiques systémiques, nous nous trouverons confrontés à des contraintes, des entraves et des impasses réelles. Un nouveau plan Écophyto permettrait d’anticiper les mutations de l’agriculture. S’en priver reviendrait à se passer de compétitivité, d’adaptation et de sécurité pour le monde agricole. Les véritables entraves résident dans le dérèglement climatique et les impasses chimiques.

M. Julien Dive, rapporteur. Reprenons les six points de votre argumentaire.

Vous évoquez à la fois la réduction de 50 % de l’utilisation et des risques globaux et le caractère inéluctable du retrait de certaines molécules. Laissons les agences et les autorités sanitaires, en faveur desquelles vous avez effectué un plaidoyer lors de nos débats, travailler pour retirer ces composants du marché.

Vous appelez à la recherche d’alternatives dans la perspective de la réduction du nombre de substances actives autorisées. Or nous avons adopté des amendements visant à disposer de fonds à cette fin, en complément des dispositifs existants tels que le plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada) et le plan national de recherche et d’innovation (PNRI).

Vous demandez le déploiement de solutions agroécologiques dans toutes les exploitations. Un précédent amendement concernait précisément le conseil stratégique aux agriculteurs.

Vous appelez à la réduction des risques pour la santé et l’environnement de l’usage des produits phytopharmaceutiques et souhaitez qu’un soutien soit apporté à la recherche, à l’innovation et à la formation. Or le volet « Formation » est présent dans la loi d’orientation agricole (LOA) et la recherche et l’innovation s’inscrivent dans le cadre de la recherche d’alternatives.

Vous évoquez enfin un pilotage financier révisé de l’ensemble des crédits déployés, directement articulé avec la politique agricole commune (PAC), le plan stratégique national (PSN) et les règles du marché. Je formule le vœu que le Parlement soit amené à se prononcer sur le PSN : ce sera peut-être l’une des conclusions de la mission parlementaire sur la programmation de la PAC 2027-2032 que je conduis avec notre collègue Benoît Biteau dans le cadre de la commission des affaires européennes. Cela semble pertinent dans le contexte d’incertitude géopolitique que nous rencontrons aux portes de l’Union européenne et au travers des agressions économiques en provenance d’outre-Atlantique. Les questions que vous soulevez sont donc soient résolues, soit en voie de l’être.

La commission rejette l’amendement.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement CD419 adopté par la commission du développement durable ne figure pas dans le dérouleur. Je n’ai pourtant reçu aucune notification d’irrecevabilité.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Il correspond, pour la commission des affaires économiques, à l’amendement CE264 et il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40.

Amendement CE246 de la commission du développement durable

M. Julien Dive, rapporteur. Sagesse.

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement concerne la lutte contre la concurrence déloyale en matière de produits phytopharmaceutiques. Il s’agit d’une disposition fondamentale, adoptée par la commission du développement durable. Nous trouverions élémentaire qu’elle le soit également par la commission des affaires économiques.

M. Julien Dive, rapporteur. Je donne finalement un avis favorable à l’amendement, en cohérence avec l’amendement précédemment adopté sur l’interdiction d’importation de produits ne respectant pas les standards nationaux et européens.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE219 de la commission du développement durable et CE319 de M. Nicolas Thierry

Mme Julie Ozenne (EcoS). L’amendement C319 a été adopté par la commission du développement durable saisie pour avis. Dans la continuité de nos précédents amendements sur le sujet, il propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’émission de PFAS dans l’environnement en raison de l’épandage de pesticides. Le sujet de la contamination aux PFAS est très préoccupant et doit nous conduire à anticiper, autant que possible, les risques sanitaires et écologiques. J’appelle le Gouvernement à considérer l’urgence à intervenir.

Mme Delphine Batho (EcoS). Le vote qui vient d’avoir lieu a vu les députés qui soutiennent le Gouvernement et l’extrême droite s’unir pour s’opposer à la protection des consommateurs et des agricultrices et agriculteurs français contre l’importation en France de denrées et produits agricoles traités avec des substances interdites dans l’Union européenne. Vous « sortez les violons » dès qu’il est question de noisettes, mais, en repoussant cet amendement, vous allez autoriser l’importation en France des noisettes turques traitées avec des dizaines de ces substances !

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable sur les amendements identiques.

M. Dominique Potier (SOC). Je partage l’avis de notre collègue Delphine Batho et rappelle que nous avons adopté à l’unanimité la proposition relative aux mesures miroir, très similaire à l’amendement rejeté – ce dernier ne fait qu’en proposer une déclinaison juridique à l’échelle française, à défaut d’une résolution européenne. Je perçois donc une forme d’incohérence et un manque de continuité dans nos désirs politiques.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). C’est là toute l’hypocrisie qui caractérise ce texte. Face à la concurrence déloyale, sans cesse invoquée et que nul ne conteste, deux solutions sont possibles : la compétitivité à tout prix, le libre-échange et l’alignement sur le moins-disant international, que vous prônez ; ou la protection des agriculteurs français grâce à la priorité que nous souhaitons leur donner et à laquelle vous venez précisément de vous opposer. Vous refusez de remettre en question les traités de libre-échange sur lesquels les agriculteurs nous avaient interpellés.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CE258 de la commission du développement durable et CE543 de Mme Constance de Pélichy

M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit d’une demande de rapport sur les actions à mener au niveau européen afin de négocier une interdiction des néonicotinoïdes. La mesure vise à harmoniser la réglementation européenne.

M. Julien Dive, rapporteur. L’interdiction des néonicotinoïdes est en vigueur pour au moins quatre des cinq substances concernées. Cette question est du ressort d’une agence scientifique. Je suppose que vous ne souhaitez donner d’injonction ni à l’Efsa, ni à l’Anses : avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE491 de M. Hervé de Lépinau

M. Hervé de Lépinau (RN). Cet amendement vise à mesurer les effets des surtranspositions de normes européennes en matière d’épandage aérien, notamment les conséquences sur la compétitivité de nos exploitations agricoles.

L’exemple premier de ces surtranspositions est la réglementation en matière d’épandage aérien de produits phytopharmaceutiques par le biais de drones, dont la première incarnation au cœur de la loi Egalim était déjà le fruit d’une rédaction surtransposée issue d’amendements déposés par la gauche et les écologistes, ainsi que d’avis contestables de l’Anses qui continue, lors de récentes auditions, à nier les bienfaits évidents de cette technologie pour l’homme comme pour la biodiversité.

Le dispositif exposé dans la présente proposition de loi procède d’une logique similaire, tant sur les produits que sur les terrains concernés, sans prendre en compte le droit européen. Il convient donc d’évaluer les effets néfastes de cette rédaction pour pouvoir, dans un futur proche, mettre fin à ces surtranspositions.

M. Julien Dive, rapporteur. La loi du 23 avril 2025 visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés, dite loi « Fugit », sera évaluée sous trois ans. La commission des affaires économiques a en effet la possibilité de créer des missions d’évaluation des lois adoptées : je vous renvoie, en l’espèce, aux travaux de cette future mission, qui produira en temps voulu un rapport sur la question que vous évoquez. Avis défavorable à votre demande de rapport.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE499 de M. Hervé de Lépinau

M. Hervé de Lépinau (RN). Cet amendement vise à demander un rapport sur le respect des normes européennes, en particulier sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques autorisés, dans le cadre des importations issues de pays non membres de l'Union européenne.

L'Europe a en effet développé une forte dépendance aux importations extra-européennes, dépendance encouragée par les différents traités de libre-échange en vigueur ou à venir. Par exemple, l’accord avec le Mercosur prévoit une entrée massive de productions agricoles sud-américaines, sans véritables garanties quant au respect des normes sanitaires européennes, notamment en ce qui concerne les produits phytopharmaceutiques utilisés dans les exploitations agricoles brésiliennes ou argentines.

Par ailleurs, l'ouverture récente du marché européen aux productions ukrainiennes pose une problématique similaire, compte tenu des volumes et des surfaces concernées, rendant les contrôles européens particulièrement complexes, voire impossibles dans de nombreux cas.

Enfin, l'Anses ayant souhaité faire de la France le leader européen en matière d'interdiction de produits phytopharmaceutiques, il serait intéressant de vérifier si les productions extra-européennes qui arrivent dans les supermarchés français respectent réellement le cadre normatif défini par l'Anses ou si les agriculteurs français sont les seuls à subir ces surtranspositions.

M. Julien Dive, rapporteur. Ayant émis un avis favorable sur l’amendement C246 relatif à la question des filtres liés à l’utilisation de produits issus de pays tiers, je vais rester cohérent et émettre un avis favorable sur votre demande de rapport.

Mme Delphine Batho (EcoS). Vous osez formuler une demande de rapport en pointant les dangers du Mercosur, alors que vous venez, au travers de l’amendement C246, de voter en faveur des intérêts des importateurs et des pays tiers, de la concurrence déloyale et de l’importation en France de produits alimentaires contenant des pesticides interdits dans l’Union européenne. Ce n’est pas sérieux !

Mme Mélanie Thomin (SOC). Le groupe socialiste ne peut qu’être défavorable à cette demande de rapport. Nous avons produit, il y a environ un an et demi, un rapport sur le plan Écophyto et le respect des normes relatives à l’usage des produits phytosanitaires. Nous avions à cette occasion interrogé l’ensemble des acteurs et spécialistes du domaine à l’échelle nationale et européenne. Notre ancien collègue Grégoire de Fournas, alors membre de la commission d’enquête, avait voté contre ce rapport, dans lequel vous trouverez l’ensemble des informations que vous demandez.

M. Hervé de Lépinau (RN). Depuis le début des débats, votre groupe, madame Batho, a déposé systématiquement des amendements visant à détruire l’agriculture française. Permettez-moi, par conséquent, d’émettre des doutes quant à l’authenticité et à la sincérité de l’amendement CE246. Nous ne vous croyons pas lorsque vous prétendez apporter aux consommateurs français une garantie sur la provenance des productions extra-européennes. Nous savons que votre groupe au Parlement européen fait tout pour dynamiter le marché européen agricole. Vous ne jouissez donc à nos yeux d’aucune crédibilité sur le sujet.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Il y a les faits et les mots : alors que vous avez rejeté un amendement visant à interdire l’importation en France de produits agricoles ne respectant pas les normes européennes, vous demandez à présent un rapport sur la concurrence déloyale ! Vous auriez pu, au moins, avoir la décence de retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Avant l’article 3

Amendement CE684 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Cet amendement a pour objet de compléter le titre II. L’intitulé actuel est trompeur, puisque la proposition de loi s’adresse à une minorité d’éleveurs. Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation visées par le texte ne représentent ainsi que 2 % à 3 % des exploitations d’élevage, essentiellement porcines et avicoles. La proposition de loi ignore les problématiques des éleveurs bovins, dont les revenus sont les plus bas malgré des aides publiques abondantes. Or l’action publique doit soutenir en priorité les acteurs en difficulté. C’est pourquoi il convient de viser spécifiquement la filière bovine dans l’intitulé.

M. Julien Dive, rapporteur. L’article 3 aborde la question de la directive relative aux émissions industrielles (IED) concernant les élevages porcins et avicoles, en cours de révision au niveau européen et qui entrera théoriquement en vigueur en septembre 2026. Les élevages bovins relèvent d’une autre directive. Il n’y a donc pas lieu de réviser l’intitulé du titre II. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE685 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). L’amendement propose de modifier le titre II afin que la proposition de loi soutienne en priorité les éleveurs en difficulté.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Article 3 : Assouplissement de la procédure d’autorisation environnementale et relèvement des seuils applicables aux installations d’élevage

Amendements de suppression CE217 de la commission du développement durable, CE6 de Mme Lisa Belluco, CE389 de Mme Mathilde Hignet et CE589 de M. Julien Brugerolles

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. La commission du développement durable a adopté cet amendement de suppression mais, à titre personnel, je suis favorable au maintien de l’article 3.

Mme Lisa Belluco (EcoS). L’article 3 modifie les procédures liées aux ICPE dans le cadre de l’élevage. Il concerne notamment les modalités de consultation et d’information du public, pourtant déjà modifiées par la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, ce qui interroge sur la manière dont on légifère et sur la qualité des études d’impact des projets de loi.

L’article 3 propose également de doubler les seuils de soumission au régime d’autorisation dans le cadre des ICPE pour un certain nombre d’élevages. Or cette mesure va à l’encontre de la protection de l’environnement et crée une insécurité juridique.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Sur les 2 800 élevages que compte la Haute-Vienne, treize sont concernés par le régime d’autorisation en ICPE. Un quatorzième pourrait s’y ajouter, avec le rachat par la filiale agro-industrielle T’Rhéa de six cents hectares de terres agricoles appartenant jusqu’alors à des agriculteurs. Cet exemple est représentatif de la visée de l’article 3 qui, loin de soutenir l’élevage, accompagne la transition d’un modèle fondé sur des agriculteurs vers un modèle agro-industriel. Protéger les agriculteurs suppose de mettre fin au système de libre-échange qui les écrase et non d’augmenter des normes qui ne vont bénéficier qu’au modèle agro-industriel.

M. Julien Brugerolles (GDR). Assouplir le régime applicable aux très grandes structures d’élevage ne saurait ni en améliorer l’acceptabilité sociale, ni résoudre les problèmes de fond que rencontre l’élevage. Il convient au contraire de développer une politique en faveur de l’installation des agriculteurs sur des structures à taille humaine, familiales et susceptibles, par ailleurs, de favoriser la diversification des productions dans les zones d’élevage.

M. Julien Dive, rapporteur. À l’heure où les fermetures d’usines se multiplient, l’agro-industrie représente une chance pour les territoires, car elle permet la création et le maintien de nombreux emplois. Il faut arrêter de montrer du doigt ce secteur qui n’est pas constitué que de multinationales, mais compte aussi des entreprises de taille intermédiaire et des petites et moyennes entreprises, qui font vivre des salariés et des ouvriers, qui irriguent l’ensemble d’un territoire et représentent aussi l’aval de la production agricole. Je comprends la volonté de protéger les petites exploitations, mais cela ne doit pas conduire à jeter l’opprobre sur l’agro-industrie, qui est nécessaire à l’agriculture et vice-versa.

L’article 3 met en lumière un défaut de la loi relative à l’industrie verte, dont le périmètre englobe les activités d’élevage. Des travaux parlementaires sur la souveraineté alimentaire ont montré l’existence d’une dépendance, d’une balance commerciale déficitaire sur diverses productions. Je ne citerai que l’exemple de la volaille, dont 50 % de la consommation est assurée par des importations, parfois extra-européennes, qui viennent directement concurrencer les éleveurs français. Or la loi relative à l’industrie verte a contraint les éleveurs dans le développement de leurs projets, en leur imposant des démarches de demande d’autorisation assortie d’enquête publique qui n’existaient pas auparavant, la création d’un site internet de présentation de leur projet, ainsi qu’une limitation des seuils.

L’article 3 a précisément pour objet d’aménager ces conditions. Il offre la possibilité de ne pas organiser systématiquement des réunions publiques d’ouverture et de clôture de la consultation publique, tout en maintenant la logique des permanences en mairie. Il vise en outre à relever les seuils applicables aux installations d’élevage, en lien avec la directive en cours de révision au niveau européen.

Je m’oppose donc aux amendements de suppression.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Notre groupe aborde cet article 3 dans un esprit de construction et d’attention à l’égard des compromis les plus utiles pour défendre l’élevage et notre souveraineté alimentaire. Nous sommes prêts à faire évoluer notre positionnement et à entendre les argumentaires relatifs aux enjeux des normes ICPE. Ce pas est toutefois conditionné à l’adoption de plusieurs de nos propositions visant à accompagner les éleveurs. Si simplifier est un principe louable, protéger et mieux accompagner l’élevage est indispensable, grâce à des mesures agroécologiques et de droit social. Il est urgent d’offrir des garanties de concertation et de protection des éleveurs.

En outre, assouplir le régime des ICPE ne permettra pas de surmonter les recours juridiques systématiques auxquels sont confrontés les éleveurs avicoles ou porcins en Bretagne, ni de résoudre les problèmes de revenus, de concurrence déloyale, de renouvellement des générations ou d’aléas climatiques.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Le modèle agro-industriel doit être encadré et contrôlé en raison de son impact sur l’environnement et la santé humaine. Il importe à ce titre de l’intégrer dans la procédure d’autorisation liée aux ICPE. Je rappelle que moins de 5 % des élevages porcins et moins de 11 % des élevages avicoles sont soumis à autorisation et que ces pourcentages pourraient encore décroître si l’article 3 était adopté : cela ne concerne donc qu’une minorité d’élevages, qui ont les moyens de se mettre en conformité avec la loi et de déployer des dispositifs de nature à protéger l’environnement et la santé des riverains. Il faut continuer à leur imposer un encadrement, au bénéfice de la santé de nos concitoyens.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). En France, l’agriculture reste majoritairement aux mains des agriculteurs et agricultrices, dont nous souhaitons qu’ils puissent conserver la maîtrise de leur outil de travail. Il convient pour cela de les protéger de la concurrence internationale. Or l’article 3 va, en assouplissant les normes pour favoriser la compétitivité internationale, conduire à ce que ne subsistent que les structures les plus compétitives, c’est-à-dire les filiales agro-industrielles. Cette situation prévaut déjà dans des pays concurrentiels à l’échelle de l’Europe. Protégeons notre agriculture plutôt que de la vendre !

La commission rejette les amendements.

Amendement CE263 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Cet amendement vise à interdire la construction d’élevages industriels relevant des ICPE.

Afin de revenir à un élevage paysan et familial, nous proposons de suivre une trajectoire de sortie de l’élevage industriel, qui est déjà nettement minoritaire puisqu’il représente moins de 11 % de l’élevage avicole, moins de 5 % de l’élevage porcin et moins de 0,1 % de l’élevage bovin.

M. Julien Dive, rapporteur. Je partage votre préoccupation sur le fond, mais la réglementation prévoit déjà des garde-fous, tenant compte notamment du bien-être animal. Avis défavorable sur cet amendement visant à supprimer les dispositifs prévus à l’article 3.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE138 de M. Jean-Pierre Vigier, CE276 de M. Stéphane Travert, CE456 de M. Didier Le Gac, CE637 de M. Thierry Benoit, CE644 de M. Guillaume Lepers et CE658 de Mme Hélène Laporte

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Le Sénat a introduit des modifications à la procédure d’autorisation environnementale : l’ajout de deux réunions publiques obligatoires, une consultation étendue à trois mois et la création d’un site internet dédié. En pratique, ces démarches seront lourdes à organiser pour un exploitant agricole, entraînant des frais supplémentaires et rallongeant les délais, quand elles ne provoqueront pas l’abandon pur et simple du projet.

L’enquête publique, qui fonctionne de façon satisfaisante, garantit l’information et la participation du public dans un cadre clair et maîtrisé par les services de l’État. Jusqu’en octobre 2024, ce dispositif, rigoureux mais accessible, permettait un juste équilibre entre transparence et faisabilité. Cet amendement vise à le rétablir, afin de ne pas pénaliser inutilement des projets souvent promus par des exploitations familiales.

M. Stéphane Travert (EPR). Des modifications à la procédure d’autorisation environnementale ont été apportées par le Sénat, obligeant les éleveurs à organiser des réunions publiques pendant trois mois et à créer des sites internet dédiés. Pour nombre d’entre eux, de telles exigences sont compliquées à mettre en œuvre sur le terrain.

Nous souhaitons garantir l’avenir de l’élevage en France et maintenir des procédures d’autorisation rigoureuses et accessibles. Cet amendement vise à conserver la participation du public, qui est indispensable, par le biais des enquêtes publiques, dont l’efficacité a été éprouvée et que maîtrisent à la fois les agriculteurs, les services de l’État et les associations. Ces enquêtes ont garanti jusqu’en octobre 2024 un bon équilibre, sans surtransposition.

M. Didier Le Gac (EPR). Ces amendements portent sur le cœur du texte, puisqu’ils visent à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Il est nécessaire de faciliter les projets d’élevage, qu’il s’agisse de créations ou d’extensions.

Tout à l’heure, un collègue disait que cet article ne facilitera pas la transmission, mais ce sont précisément de telles mesures qui rendront l’élevage plus attractif. Construire des bâtiments neufs contribue à améliorer les conditions de travail des éleveurs eux-mêmes, mais aussi de leurs salariés ; c’est également un progrès pour l’environnement et pour le respect des règles. C’est la raison pour laquelle mon amendement vise, lui aussi, à revenir à l’écriture initiale de la proposition de loi.

M. Thierry Benoit (HOR). Il s’agit de soutenir l’implantation d’élevages en France afin de concourir à notre souveraineté alimentaire, par la réduction des délais et des coûts et par la simplification.

Dans ma circonscription, de nombreux jeunes agriculteurs sont prêts à s’installer pour développer une activité d’élevage de porcs, de volailles ou de poules pondeuses. Leur première préoccupation ne porte pas sur le revenu agricole, mais sur le dépôt d’un permis de construire. Cet amendement vise à revenir à la situation antérieure, qui fonctionnait bien.

Un débat semblable se tient au niveau européen, au sujet de la directive relative aux émissions industrielles (IED), qui assimile l’élevage à l’industrie. Gardons-nous de commettre la même erreur !

M. Guillaume Lepers (DR). Comme les précédents, mon amendement a pour but de revenir à la rédaction initiale du texte en matière d’autorisation environnementale des élevages, puisque la réécriture en commission sénatoriale en a alourdi les contraintes, le coût et la durée d’instruction. Nous proposons de rétablir une demande d’autorisation environnementale destinée aux élevages en trois phases : examen, enquête publique et décision.

M. Julien Dive, rapporteur. Comme vous, j’ai entendu les revendications du monde de l’élevage à la suite de l’adoption de la loi Industrie verte, ainsi que ses craintes portant sur plusieurs éléments : la contrainte d’organiser des réunions publiques et des consultations, alors que la procédure était auparavant plus légère ; l’allongement de la durée de la procédure, qui est passée d’un à trois mois en moyenne ; l’obligation, pour un éleveur souhaitant s’installer ou pour un agriculteur cherchant à diversifier son activité, de respecter les mêmes règles qu’un porteur de projet logistique ou industriel ; enfin, l’obligation de créer un site internet.

Les éleveurs sont souvent seuls à mener leur activité, parfois avec un apprenti ou un salarié, alors que les entreprises développant des projets ICPE emploient des équipes capables de mener à bien ces démarches et de gérer ces contraintes. En d’autres termes, on impose à un éleveur les mêmes contraintes qu’à une entreprise ayant des équipes organisées, ce qui crée un sévère déséquilibre.

Pour de nombreux éleveurs, la loi Industrie verte a raté le coche. De plus, les risques de contentieux sont renforcés. Enfin, le coût d’une procédure d’autorisation environnementale pour un élevage augmente : de trente mille euros environ avant la loi Industrie verte, il est désormais majoré de 17 % en moyenne.

Avis de sagesse sur ces amendements, dont j’aurais été signataire si je n’avais pas été rapporteur.

M. Henri Alfandari (HOR). Je soutiens ces amendements qui visent à supprimer l’alinéa 4, qui est superfétatoire, et l’alinéa 6, qui est abusif puisqu’il tend à rendre les réponses facultatives.

La solution consistant à organiser une permanence en mairie à la place des réunions publiques me semble intéressante. Je suggère de l’introduire dans un amendement qui pourrait être déposé pour l’examen du texte en séance publique.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Deux enjeux ressortent des exposés des motifs de ces amendements : celui de la simplification des procédures, pour permettre aux éleveurs de mieux entreprendre, et celui de la sécurisation. Je suis particulièrement sensible à ce dernier, parce que, dans ma circonscription, les problèmes concernent essentiellement des blocages juridiques.

Pour résoudre le problème des conflictualités entre les éleveurs et une partie de la population locale, pour renforcer l’acceptabilité des projets, pour sécuriser les parcours, notamment de jeunes éleveurs qui veulent s’installer, nous devons apporter des réponses complémentaires à ce que prévoient ces amendements : la simplification des procédures ne suffit pas.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Arrêtons de faire croire que cet article répond à des revendications majeures du monde agricole : on n’entendait pas parler des normes ICPE sur les ronds-points !

Le régime d’autorisation des élevages bovins concerne 2 % des élevages en France. Quant aux élevages de porc et de volaille, les cris d’alerte viennent surtout des éleveurs de plein air auxquels sont imposées les normes de biosécurité de l’agro-industrie, qui n’ont aucun sens pour eux : par exemple, prévoir des sas pour changer de bottes entre deux bâtiments, c’est-à-dire entre deux parcelles pour eux.

Vous craigniez l’instauration d’une distorsion de concurrence au sein même du pays, mais c’est précisément ce que provoquera cet article, en signant la mort de l’élevage de plein air.

M. Thierry Benoit (HOR). Ces amendements concernent surtout les élevages de plein air et contribueront à les encourager, pour répondre à la demande des consommateurs ; je rappelle que la France importe désormais des œufs. Les éleveurs qui souhaitent installer des poulaillers de trente mille poules pondeuses en plein air doivent être aidés. Contrairement à l’époque où nous avons élaboré la loi Egalim 1, il y a une petite dizaine d’années, la filière Volaille s’oriente de plus en plus vers le plein air – l’élevage de poules en cage a été mis en extinction.

M. Stéphane Travert (EPR). Ces amendements sont adaptés aux élevages de plein air, qui sont de plus en plus nombreux et pour lesquels nous avons besoin de sécuriser les procédures, dans un objectif de compétitivité et de sécurité alimentaire. La filière Œufs s’est mise à importer, alors qu’elle était excédentaire, il y a peu, avec une production de seize milliards d’œufs.

Des expériences de terrain le montrent : des éleveurs de poulets labellisés « plein air » demandent des extensions qui ne portent pas sur le nombre d’animaux, mais sur la surface, au titre du bien-être animal. C’est le cas notamment dans le Morbihan – je parle sous le contrôle de notre collègue Nicole Le Peih. Or neuf associations se sont portées partie civile pour lancer des recours contre ces extensions.

M. Julien Dive, rapporteur. Madame Meunier, vous n’avez pas entendu les agriculteurs évoquer les ICPE pendant les manifestations, entre décembre 2023 et mars 2024… parce que la loi Industrie verte créant ce dispositif est entrée en vigueur en octobre 2024 ! D’ailleurs, pendant son examen au Parlement, ce dispositif avait échappé à de nombreux éleveurs.

Madame Thomin, le préfet peut toujours ordonner une enquête publique s’il a un doute en matière de sécurisation.

Monsieur Alfandari, je vois également d’un bon œil la proposition d’organiser une permanence en mairie, qui pourra faire l’objet d’un amendement en séance publique si nécessaire. Les mairies, en zone rurale, sont suffisamment accessibles.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les vingt-sept amendements suivants tombent.

 

La séance est suspendue de vingt-trois heures cinq à vingt-trois heures quinze.

 

Amendements CE353 et CE357 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Lisa Belluco (EcoS). Je retire l’amendement CE353.

L’amendement CE357 vise à compléter l’article L. 511-1 du code de l’environnement. Celui-ci dresse la liste des intérêts devant être protégés dans le cadre de la procédure des ICPE : la communauté de voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publique, etc. Nous proposons d’y ajouter la santé animale, afin qu’elle soit protégée des impacts provoqués par la création de nouvelles ICPE.

Cette mesure permettra de prévenir la propagation de zoonoses, de plus en plus prégnantes et qui entraînent de véritables contraintes au métier d’agriculteur.

M. Julien Dive, rapporteur. Des mesures de prévention et de lutte contre les risques d’émergence de zoonoses existent déjà ; votre amendement est donc satisfait.

Mme Delphine Batho (EcoS). La prévention des zoonoses était un point central de la réflexion du conseil scientifique sur la covid-19. Après les déconfinements et alors que l’origine de cette pandémie n’a toujours pas été clairement élucidée, la prévention des zoonoses est un enjeu de santé publique considérable. Je ne comprends donc pas votre réponse, monsieur le rapporteur : faciliter l’agrandissement d’élevages industriels soulève, en soi, des enjeux relatifs à la prévention des risques de zoonoses.

M. Julien Dive, rapporteur. Adopter cet amendement ne changerait rien, puisque les autorités sanitaires prennent déjà les mesures nécessaires pour lutter contre les zoonoses, comme la grippe aviaire.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement prévoit des mesures préventives, quand vous parlez de mesures curatives.

M. Julien Dive, rapporteur. Les autorités sanitaires prennent aussi des mesures préventives dans les élevages, avant qu’ils ne soient touchés par la grippe aviaire par exemple.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Les autorités sanitaires ont bien pour mission de circonscrire les zoonoses après leur déclenchement. L’objectif de cet amendement consiste à tenir compte de la configuration même d’un élevage ICPE, en amont de son installation, afin de mesurer le risque qu’il présente en matière de déclenchement ou d’accélération d’une zoonose.

M. Julien Dive, rapporteur. Le risque de zoonose est très souvent exogène à un élevage ; dès lors, comment déterminer à quel point celui-ci pourrait l’accroître ? Un poulailler domestique de dix poules peut, comme un bâtiment d’élevage, être contaminé par des virus extérieurs.

Je ne comprends même pas comment votre amendement pourrait s’appliquer concrètement. Les autorités sanitaires font déjà œuvre utile en matière de lutte contre les zoonoses.

L’amendement CE353 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE357.

Amendement CE391 de Mme Mathilde Hignet

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer les alinéas 11 à 16, qui prévoient de relever les seuils ICPE faisant basculer les installations d’élevage du régime de l’enregistrement à celui de l’autorisation. Nous craignons légitimement que ce rehaussement soit fatal à l’élevage familial.

Cet article prépare une nouvelle régression, permettant le doublement de la production animale industrielle grâce au rehaussement de ces seuils, de 40 000 à 85 000 emplacements pour les poulets de chair (soit plus du double) et 60 000 pour les poules ; de 2 000 à 3 000 emplacements pour les porcs de production et de 750 à 900 emplacements pour les truies.

M. Julien Dive, rapporteur. Votre amendement vise à supprimer des alinéas prévoyant des dispositions, dont l’agrandissement fait partie, qui faciliteront les transmissions et les reprises d’élevages de porc et de volaille.

De plus, ces alinéas tiennent compte de la révision de la directive IED en vigueur depuis novembre 2010. Garantir la transposition dans la loi de sa version révisée, qui entrera en application en septembre 2026, me semble utile. Avis défavorable.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Ces alinéas visent à rehausser les seuils de soumission au régime de l’autorisation environnementale, pour les aligner sur ceux de la directive européenne d’évaluation des incidences sur l’environnement. La révision de la directive IED les relèvera également, mais pas avant septembre 2026.

Avec l’adoption de cet article, nous allons créer une insécurité juridique : des ICPE qui sont aujourd’hui soumises à autorisation seront demain soumises à enregistrement, avec une évaluation environnementale dite « au cas par cas » et non plus systématique. Ce changement créera un risque de contentieux important, alors que les ICPE soumises à l’enregistrement font déjà l’objet de nombreux contentieux, qui leur sont souvent défavorables, comme l’indique la direction générale de la prévention des risques du ministère de l’environnement.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, vous présentez cette partie du texte comme apportant la solution pour favoriser les reprises d’exploitations agricoles. C’en est sans doute une parmi d’autres et elle favorise avant tout les reprises par agrandissement. De facto, elle favorisera également la diminution du nombre d’agriculteurs. Parallèlement, rien n’est fait pour aider les agriculteurs et les agricultrices souhaitant lancer une activité d’élevage de plein air.

Ainsi, pour les élevages de porcs « cul noir » du Limousin, par exemple, des parcours arborés sont nécessaires ; une simple ouverture vers un coin d’herbe ne suffit pas. Les élevages qui doivent respecter des cahiers de charges stricts sont en train de mourir, parce que les exploitants ne peuvent investir les centaines de milliers d’euros nécessaires au respect des normes de biosécurité basées sur les pratiques de l’agro-industrie.

M. Julien Dive, rapporteur. Ces alinéas ont pour objectif de faciliter l’agrandissement, qui est une condition souvent exigée par les repreneurs. En revanche, les supprimer créerait une insécurité juridique après l’entrée en vigueur de la directive IED rectifiée, en septembre 2026.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE261 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Cet amendement vise également à revenir sur ces alinéas qui rehaussent les seuils de soumission au régime de l’autorisation pour les ICPE d’élevage.

Vous dites que l’installation d’élevages industriels serait facilitée, puisqu’ils seraient soumis à enregistrement et non plus à autorisation ; mais le régime de l’enregistrement est fragile et fait l’objet de nombreux contentieux. Si la procédure est plus légère, elle deviendrait aussi plus complexe, puisque l’évaluation environnementale se ferait au cas par cas, nécessitant éventuellement une étude d’impact. La gestion administrative serait plus complexe et mettrait les éleveurs en difficulté au lieu de les aider.

M. Julien Dive, rapporteur. Je ne dis pas que ce rehaussement entraînera nécessairement des conditions favorables aux reprises, mais cela créera des conditions de reprise favorables. Pour des questions de modèle économique, les repreneurs sont parfois obligés de procéder à l’agrandissement des élevages. Avis défavorable.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Monsieur le rapporteur, vous évoquez des modèles économiques, mais lorsque l’objectif consiste à construire une trajectoire de renouvellement des générations, l’enjeu de la taille des exploitations ne me semble pas central, contrairement à celui de la modernisation : pour qu’un élevage soit cédé à un jeune exploitant, il doit être conforme à diverses exigences en matière, notamment, d’isolation et chauffage.

Pour parler intelligemment de seuils, il me semble plus judicieux de considérer la modernisation des bâtiments. Or, cet enjeu n’apparaît pas dans le texte. On veut simplifier pour agrandir, mais peut-être faudrait-il simplement simplifier pour moderniser l’outil et ainsi le transmettre plus facilement.

M. Julien Dive, rapporteur. Il ne s’agit pas d’agrandir à tout prix tous les élevages, mais de donner la possibilité de le faire à celles et ceux qui ont des projets d’agrandissement. En tout état de cause, je suis d’accord avec vous : l’objectif de modernisation est essentiel et je vous invite à déposer des amendements en ce sens pour l’examen du texte en séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE96 de M. Jean-Pierre Taite, CE139 de M. Jean-Pierre Vigier, CE277 de M. Stéphane Travert, CE451 de M. Didier Le Gac, CE638 de M. Thierry Benoit, CE651 de M. Guillaume Lepers et CE659 de Mme Hélène Laporte, et amendement CE31 de M. Nicolas Ray (discussion commune)

M. Nicolas Ray (DR). L’amendement CE96 vise à maintenir et à développer notre modèle d’élevage familial. Nous proposons ainsi de revenir à la version initiale de la proposition de loi, en ouvrant la possibilité de relever les seuils ICPE pour les élevages porcins et avicoles. Nous nous alignerions ainsi sur la réglementation européenne, sans pour autant la surtransposer.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Comme le précédent, l’amendement CE139 vise à revenir à la version initiale du texte et à affirmer une chose simple et essentielle : la nécessité d’aligner les seuils ICPE relatifs aux élevages porcins et avicoles sur ceux prévus par l’Union européenne. En effet, la surtransposition française fragilise notre modèle d’élevage familial, sans gain environnemental clair. L’alignement sur le cadre européen serait, non pas un recul, mais un retour à l’équilibre. Nous continuerions de respecter les normes environnementales communes, tout en redonnant de l’air à nos éleveurs afin qu’ils puissent maintenir des exploitations à taille humaine, viables et compétitives.

C’est aussi une question de souveraineté alimentaire. Si nous voulons que la production nationale réponde à nos besoins, il faut éviter de décourager et de bloquer les élevages. Par cet amendement, nous proposons de nous adapter à la réalité du terrain, au service de la ruralité et de notre autonomie alimentaire.

M. Stéphane Travert (EPR). Au-delà des arguments déjà formulés par nos collègues, il convient de faire un choix. Allons-nous continuer d’importer 60 % de la volaille que nous consommons, alors qu’elle est produite dans des conditions que nous considérons comme inacceptables ? Allons-nous continuer, au sein de la restauration collective privée, de consommer 70 % de viande bovine étrangère et produite, là encore, dans des conditions que nous n’admettons pas sur notre territoire ?

Se pose aussi une question de cohérence. J’ai fait adopter une proposition de résolution visant à lutter contre les surtranspositions en matière agricole : nous y voilà. Je souhaite permettre à nos éleveurs de produire et d’assurer notre souveraineté alimentaire, qui est l’un de nos objectifs.

M. Didier Le Gac (EPR). Depuis le début de l’examen du texte, nous sommes plusieurs à rappeler qu’il est prioritaire de maintenir et de développer nos capacités de production dans les filières animales, afin de sauvegarder notre souveraineté alimentaire et de freiner nos importations. Par exemple, nous importons 50 % du poulet que nous mangeons, alors qu’il s’agit de la viande la plus consommée dans notre pays.

Or les éleveurs qui veulent se développer et se moderniser sont freinés par la surtransposition de la législation européenne, la France soumettant de nombreux élevages à une procédure d’autorisation environnementale plutôt qu’à une simple procédure d’enregistrement. Un tel fonctionnement est source de complexité, génère des coûts importants et expose juridiquement les professionnels.

M. Thierry Benoit (HOR). Comme les orateurs précédents, je propose l’harmonisation intégrale des seuils ICPE français sur les règles européennes.

Je reprends l’exemple des œufs. Jusqu’il y a environ dix-huit mois, cette filière était autosuffisante. Or depuis, il ne se construit plus de nouveaux poulaillers de poules pondeuses. La filière va donc être déficitaire.

Il faut permettre aux jeunes de construire des bâtiments et de renouveler le parc. Madame Thomin a parlé de modernisation : avec la souveraineté alimentaire, il s’agit effectivement de l’enjeu principal.

J’ajoute qu’il y a aussi la question du bien-être des éleveurs et du bien-être animal. Prenons les exemples des Pays-Bas, de l’Espagne et de l’Allemagne : tout le monde améliore les conditions de travail des éleveurs, mais aussi les conditions d’élevage, donc le bien-être animal.

M. Guillaume Lepers (DR). Depuis le début de l’examen du texte, je ne cesse de dénoncer la surtransposition des normes européennes dans notre droit, phénomène qui désavantage fortement nos agriculteurs vis-à-vis de nos voisins qui, eux, appliquent tous les mêmes règles. Comme mes collègues avant moi, je souhaite donc relever les seuils ICPE pour les élevages porcins et avicoles, afin de les aligner sur la réglementation européenne. Dans le cas contraire, nous fragiliserions la transmission et le développement des exploitations, ainsi que, par voie de conséquence, notre souveraineté alimentaire.

M. Lionel Tivoli (RN). Actuellement, si une exploitation dépasse les 2 000 porcs ou 750 truies, l’éleveur doit obtenir une autorisation environnementale, ce qui représente une démarche longue et coûteuse. Pourtant, la directive européenne IED relative aux émissions industrielles fixe des seuils à 3 000 porcs et 900 truies. Une telle différence induit une distorsion de concurrence, nos agriculteurs étant pénalisés par des règles plus strictes. Par l’amendement CE659, le groupe Rassemblement national fait donc le choix du bon sens, pour une agriculture française compétitive et respectueuse de l’environnement.

M. Nicolas Ray (DR). L’amendement CE31 est différent : il vise à relever le seuil d’enregistrement de la nomenclature ICPE concernant l’élevage bovin. Je rappelle qu’il s’agit d’un seuil intermédiaire par rapport au seuil d’autorisation et que la réglementation environnementale européenne ne prévoit aucun seuil pour les élevages bovins. Cet amendement serait utile pour simplifier les procédures, sécuriser les projets et ne pas surtransposer le droit communautaire s’agissant de ce type d’élevage.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je rappelle que, lorsque nous les avons rencontrés lors du Salon de l’agriculture, les représentants de l’Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair (Anvol) nous ont expliqué que leur première difficulté venait de la concurrence internationale déloyale et féroce, notamment depuis la libéralisation des échanges avec l’Ukraine, où certaines exploitations comptent un à deux millions de volailles. J’espère que nous n’atteindrons jamais un tel nombre en France ; les citoyens ne l’accepteraient d’ailleurs pas.

M. Julien Dive, rapporteur. Si un tel projet devait être présenté, le préfet concerné ouvrirait une enquête publique et vous le savez bien, madame la présidente.

S’agissant des amendements en discussion, je demande leur retrait au profit des CE97 et identiques, que nous examinerons plus tard et dont les premiers signataires sont pour partie les mêmes. Les présents amendements remplaceraient certaines dispositions et le 1° ici proposé nous ferait revenir à la version initiale du texte, qui a été modifiée en commission au Sénat.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Je maintiens le CE139, car son objet me semble différent des amendements CE97 et identiques, qui portent uniquement sur l’élevage bovin.

M. Julien Dive, rapporteur. Les amendements CE97 et identiques concernent à la fois l’élevage bovin et les élevages avicoles et porcins.

Mme Mélanie Thomin (SOC). On parle beaucoup de surtransposition, mais je trouve que l’Europe a bon dos. Il conviendrait plutôt de s’interroger sur les moyens de sauver l’élevage français face à certains blocages juridiques et à certaines impasses administratives. Le sénateur Duplomb, auteur de ce texte, a pour obsession la simplification et le basculement en faveur des seuils d’enregistrement, afin d’échapper au régime d’autorisation. Or, les recours déposés contre la construction ou l’extension d’un bâtiment d’élevage concernent les deux types d’exploitation. Aussi, la question me semble plutôt être celle de l’accompagnement des éleveurs, qui se trouvent isolés et en première ligne dans leurs projets de construction ou de modernisation, ainsi que vis-à-vis des coûts. Le groupe socialiste a plusieurs propositions dans ce domaine.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Puisque nous parlons de l’importance des ICPE pour notre souveraineté alimentaire, je ferai un parallèle entre les élevages bovin et ovin, car si seul le premier est concerné par ce régime, il pourrait connaître un déclin similaire à celui que traverse le second. En effet, nous ne produisons sur notre sol que 50 % de notre consommation de viande ovine. Pourtant, le Limousin a perdu cinq cent mille brebis depuis les années quatre-vingt-dix. La cause du déclin de notre élevage et, partant, du danger pour notre souveraineté alimentaire est donc le recul de l’élevage sur le territoire, lequel est dû à la concurrence directe d’autres pays européens ou de la Nouvelle-Zélande.

Par ailleurs, j’adhère totalement à vos propos relatifs à la restauration collective, monsieur Travert. Pourquoi la puissance publique, comme nous le proposons chaque année lors de l’examen du projet de loi de finances, ne se fixe-t-elle pas pour objectif de servir prioritairement de la viande française en ces lieux ? Ce devrait être un prérequis, mais vous votez toujours contre cette mesure au motif qu’elle coûte trop cher.

M. Benoît Biteau (EcoS). La directive européenne dont nous parlons ne fixe que des seuils. On ne peut convoquer l’excellence de l’élevage français qui, paraît-il, produit une viande exceptionnelle et nettement meilleure que celle que nous pourrions importer dans le cadre d’accords de libre-échange, tout en souhaitant reproduire les logiques d’élevage de pays dont nous critiquons les méthodes de production. Soyons cohérents ! Si nous voulons préserver l’excellence que nous revendiquons, ne sombrons pas dans des logiques qui nous en éloigneraient.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas piétiner les attentes sociétales et citoyennes. Si nous avons limité l’élevage en cage, c’est parce qu’une initiative citoyenne européenne signée par plus d’un million de personnes originaires d’au moins sept États membres l’a réclamé. Nous devons le respecter.

M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). La concurrence internationale n’explique pas à elle seule la diminution du cheptel : soyons honnêtes, il y a aussi les règles que nous instaurons. Nous en sommes à couvrir les fumières, alors que tant de personnes sont à la rue et cherchent un logement. Certes, ce n’est pas une mauvaise chose, car cela évite notamment les jus, mais il s’agit d’une couche réglementaire supplémentaire qui peut conduire des professionnels à abandonner. Le coût est tel qu’à cinquante-cinq ans et au lieu d’investir dans l’avenir ou en vue d’un remplacement par d’autres agriculteurs, certains arrêtent leur production laitière ou de viande bovine. Je le répète, si le cheptel diminue, ce n’est pas seulement à cause de la concurrence : il y a aussi les normes.

M. Julien Dive, rapporteur. Je vais corriger mes explications, tout en maintenant ma demande de retrait. Les amendements en discussion, qui portent sur les filières avicole et porcine, écraseraient plusieurs alinéas relatifs à l’allégement des règles ICPE – alinéas que nous avons souhaité maintenir. Il me semble plus prudent de conserver ces dispositions et de nous reporter sur les amendements CE97 et identiques. Ceux-ci, j’en conviens, ne concernent que la filière bovine, mais nous pourrons ajouter les élevages avicole et porcin au dispositif qu’ils contiennent lors de l’examen du texte en séance.

Les amendements CE277, CE451, CE638 et CE31 sont retirés.

La commission rejette les amendements CE96, CE139, CE651 et CE659.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE715 de M. Julien Dive, rapporteur.

L’amendement CE623 de M. Julien Brugerolles est retiré.

Amendement CE392 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Alors que tout le monde défend le principe de l’autonomie alimentaire, il convient de choisir la trajectoire à suivre. À cet égard, quand nous défendons l’élevage paysan et familial ainsi que la multiplication du nombre d’agriculteurs et d’éleveurs, d’autres s’orientent plutôt vers l’exemple des fermes-usines brésiliennes. Or, avec une telle trajectoire industrielle, nous irions justement à l’encontre de notre autonomie alimentaire. En effet, le recours aux pâturages étant impossible pour nourrir ce type d’élevages, notre dépendance aux sources de protéines étrangères, à commencer par le soja brésilien, s’accroîtrait nécessairement. J’y insiste : nous ne sommes pas capables d’équilibrer autrement les rations protéiques d’élevages de cette taille.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement soulève un sujet important que nous n’avons pas encore abordé, la dépendance en protéines végétales, et qui devra faire l’objet d’un plan – mais cette question est assez éloignée de celle qui nous occupe, en l’occurrence celle des seuils ICPE.

M. Hervé de Lépinau (RN). Nous avons le même objectif, monsieur Prud’homme, mais nous divergeons sur la voie à emprunter pour l’atteindre. Comme vous, nous sommes favorables aux exploitations familiales de taille raisonnable, mais les mesures restrictives que votre camp impose depuis des années font qu’elles ne sont plus viables. Que va-t-il se passer ? D’ici dix à vingt ans, nous aurons des surfaces importantes sans maître, c’est-à-dire qui ne seront plus conduites que par des foncières, associées à des sociétés capitalistiques. Vous aurez alors des entités de trois mille ou quatre mille hectares, utilisant des techniques d’exploitation à l’ukrainienne ou à la brésilienne. J’y insiste : les mesures votées depuis des années par la gauche contribuent, en fait, à l’émergence de ce nouveau paradigme dont nous ne voulons pas.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Il est tout de même assez incroyable, monsieur de Lépinau, que vos propos soient exactement contraires à vos votes depuis le début de l’examen du texte et que vous nous imputiez, au passage, la responsabilité de la politique agricole de ces dernières décennies ! Même si cela ne saurait tarder, je rappelle que nous n’avons pas été au pouvoir et que ni moi ni mes collègues n’avons été ministres.

Par ailleurs, la question de l’autonomie protéique n’est absolument pas détachée des seuils ICPE. Passez-moi l’expression, mais elle est de circonstance : nous sommes en train de « mettre la charrue avant les bœufs ». Nous voulons agrandir et industrialiser l’élevage, alors que nous ne sommes pas même en mesure d’établir une trajectoire pour qu’un jour, nous puissions espérer fournir les protéines dont les animaux auraient besoin. Il faudra donc importer du soja. Nous sommes en train de nous mettre la corde au cou et cela va à l’encontre de l’autonomie alimentaire que tout le monde prône.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CE760 de Mme Lisa Bellucco est retiré.

Amendement CE567 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). L’amendement vise à généraliser une expérimentation menée en Occitanie et bénéfique pour l’élevage. Nous proposons de conditionner les assouplissements réglementaires relatifs aux ICPE à la signature d’un contrat dit « d’agriculture durable ». Nous estimons que si des allégements sont consentis en matière d’autorisation environnementale, particulièrement en ce qui concerne les agrandissements, ils doivent s’accompagner d’un engagement fort et de contreparties favorables à l’agriculture durable.

L’outil ici proposé permettrait de fournir un accompagnement personnalisé et global aux agriculteurs. Les évolutions réglementaires s’inscriraient ainsi dans une démarche tenant compte des besoins des territoires et privilégiant les pratiques vertueuses pour l’environnement ; dans le cas des bâtiments d’élevage, je pense à la gestion des effluents ou encore au filtrage. Au-delà des agrandissements, la question centrale est celle de la modernisation de l’outil de production.

M. Julien Dive, rapporteur. Réserver l’assouplissement réglementaire aux personnes engagées dans un contrat d’agriculture durable reviendrait à stigmatiser celles qui ne le sont pas. De plus, généraliser une expérimentation au bénéfice d’un régime qui induirait une rupture d’égalité ne me semble pas justifié au regard de l’objet de la nomenclature ICPE. Avis défavorable.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je tenais à répondre au « concours Lépinau » de la mauvaise foi ! Vous allez, cher collègue, jusqu’à avancer que c’est la gauche qui est en train de favoriser l’accaparement du foncier par l’agro-industrie. Au contraire, tandis que nous cherchons à ralentir l’augmentation des seuils, vous facilitez des projets comme celui, dans ma circonscription, de T’Rhéa, filiale agro-industrielle qui fait actuellement l’objet d’une enquête ICPE pour le rachat de six cents hectares de terres. Demain, avec vos normes, il n’y aura plus d’enquête publique, ni d’opposition possible à un tel projet : il y aura l’accaparement du foncier par l’agro-industrie.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Nous avons exprimé notre ouverture à l’égard de l’article 3 en précisant qu’il fallait débattre des conditions dans lesquelles les infrastructures d’élevage pouvaient être améliorées. Les contrats d’agriculture durable ne visent pas à stigmatiser une partie des agriculteurs et des éleveurs : il faut simplement que les efforts en faveur du progrès et la souveraineté alimentaire fassent l’objet de contreparties de nature à assurer l’acceptabilité des projets. Une meilleure gestion des effluents et des systèmes de filtrage plus performants seraient des contreparties intéressantes et à hauteur de territoire.

M. Hervé de Lépinau (RN). « Meunier, tu dors ? » J’ai expliqué tout à l’heure que l’excès de réglementation fait disparaître des exploitations et accroît le foncier disponible. Or la nature a horreur du vide : les contraintes que vous accumulez depuis des années vont participer à la construction d’entités agricoles de très grande taille, que vous ne souhaitez pas davantage que nous.

M. Julien Dive, rapporteur. Madame Thomin, je ne dis pas que votre volonté personnelle, ni celle de votre groupe, est de stigmatiser les personnes qui ne sont pas engagées dans un contrat d’agriculture durable, mais cela pourrait être la conséquence de cet amendement s’il était adopté. En outre, il me semble de nature à créer une rupture d’égalité, qui pourrait être attaquée.

La commission rejette l’amendement.

6.   Réunion du vendredi 16 mai 2025 à 9 heures 30 : examen des articles (suite et fin)

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Mes chers collègues, je souhaite tout d’abord évoquer les attaques dont sont victimes certaines permanences parlementaires, visées, particulièrement depuis hier, en raison de positions exprimées sur la proposition de loi. Il n’est pas admissible, quelles que soient les organisations qui les prennent pour cible, que des permanences soient saccagées, ni que des menaces soient proférées à l’encontre de députés pour leur dicter leur vote. (Applaudissements.)

Je prendrai contact aujourd’hui avec la Présidente de l’Assemblée nationale pour discuter de ce sujet, car les pressions importantes qui sont exercées sur les députés ne sont pas acceptables. Je l’ai dit par le passé pour d’autres propositions de loi et je le ferai de nouveau, si nécessaire.

Notre commission ayant délégué au fond à la commission du développement durable les articles 5 et 6 et les amendements qui s’y rapportent, son rôle se limitera, à la fin de l’examen de tous les autres articles, à prendre acte, sans en débattre, des décisions de cette commission. C’est une procédure dont la présidente de l’Assemblée nationale a rappelé, le 3 décembre dernier en Conférence des présidents, qu’elle était la seule valable en cas de délégation au fond. On ne peut pas remettre en cause les votes d’une commission à laquelle on a délégué au fond des articles.

Article 3 (suite) : Assouplissement de la procédure d’autorisation environnementale et relèvement des seuils applicables aux installations d’élevage

Amendements CE470, CE471 et CE472 de M. Dominique Potier (discussion commune)

M. Dominique Potier (SOC). Je vous remercie, madame la présidente, pour vos propos liminaires sur notre démocratie. N’ayons pas peur des mots : c’est bien la démocratie qui est en jeu. Je suis très heureux que vous sollicitiez la présidente afin qu’elle intervienne solennellement et clairement. J’espère que l’exécutif, en particulier la ministre de l’agriculture, aura la décence de faire de même.

Dans le débat sur l’élevage, le groupe Socialistes a plus de questions que de certitudes. Nous cherchons une voie entre le refus d’un modèle d’élevage dit « industriel », l’exigence de souveraineté alimentaire, notamment le besoin de produits d’entrée de gamme, et la qualité des conditions de travail dans les élevages bovins, laitiers en particulier.

Ces amendements proposent une réponse à la question de savoir qui pilote les entreprises agrandies. Monsieur le rapporteur, êtes-vous prêt à ouvrir un débat sur ce point ? Le regroupement d’agriculteurs pour produire de la viande s’inscrit dans une logique différente de celle de la firme, qui a recours au salariat, pour développer un produit agroalimentaire. C’est la raison pour laquelle les amendements visent à faire bénéficier les seuls groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec) de la procédure d’enregistrement applicable aux installations d’élevage. La constitution en Gaec serait ainsi un critère de validation du changement de dimension des modèles d’élevage. Les trois amendements ont le même objet, seul le nombre d’associés du Gaec varie.

M. Julien Dive, rapporteur. Dans le droit fil de vos propos, madame la présidente, j’appelle au calme et à mettre un terme aux pressions – quels qu’en soient les auteurs – exercées, plus fortement depuis l’examen du texte, sur les parlementaires – quels qu’ils soient : la démocratie repose sur la confrontation d’idées, pas sur les menaces et les intimidations.

Monsieur Potier, si vous voulez ouvrir le débat sur les modèles d’exploitation, je vous invite à solliciter la ministre en séance. Vos amendements concernent les modes d’organisation, alors que l’article 3 traite du régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), qui est défini en fonction de l’impact et de la dangerosité de ces installations. Je comprends votre volonté de protéger les porteurs de projet, mais c’est un autre sujet. Je demande le retrait des amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). L’élevage laitier idéal, c’est un outil de production à dimension humaine et familiale, en résonance avec le territoire – un troupeau de cinquante à cent vaches et de la pâture.

Pour gagner en qualité de vie, le changement d’échelle par la robotique est peut-être la solution, qui permettra aussi de rester demain autonome en lait, alors que des craintes se font jour sur la capacité de notre pays à satisfaire ses besoins en 2030.

Ma suggestion consistait à ne pas considérer de la même manière trois associés d’un Gaec qui ont un projet de modernisation et une firme avec des salariés.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je comprends le souci d’atténuer la pénibilité du travail ou les astreintes liées à l’élevage laitier – je suis moi-même producteur de lait.

En revanche, j’appelle l’attention sur le risque de concentrer des animaux et de développer des infrastructures trop conséquentes, alors que le régime des ICPE a précisément pour objet de limiter les conséquences de ces installations sur l’environnement (notamment les effluents). Je pense aux phénomènes désagréables tels que les algues vertes ou la dégradation de la qualité des eaux estuariennes et marines.

M. Thierry Benoit (HOR). Je souhaite revenir sur nos travaux de mercredi soir, au cours desquels le rapporteur a demandé à certains députés de retirer leurs amendements, qui visaient à aligner sur la réglementation européenne, pour les élevages porcins et avicoles, les seuils à partir desquels le régime des ICPE s’applique. Les amendements ont été rejetés par la commission et le rapporteur s’est prononcé en faveur de l’amendement CE97, qui sera examiné prochainement.

Finalement, le régime des ICPE est-il, oui ou non, aligné sur les seuils européens pour les volailles de chair, les poules pondeuses et les élevages porcins, autrement dit les élevages hors sol ?

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je m’associe au soutien à ceux de nos collègues qui ont été visés par des attaques. Les menaces n’ont pas leur place dans le débat public.

S’agissant des amendements, le fait d’exiger que les projets soient portés par des Gaec et non par une filière agro-industrielle est un garde-fou fondamental, mais insuffisant. Nous aspirons non pas à une interdiction des ICPE, mais à un approfondissement des enquêtes préalables à leur installation pour évaluer leur impact sur l’environnement – en particulier, celui du nombre d’animaux présents et ce, dans des régions déjà surspécialisées telles que la Bretagne, notamment.

M. Julien Dive, rapporteur. J’ai en effet demandé le retrait des amendements CE96 et suivants au profit des amendements CE97 et suivants. Les premiers tendaient à rétablir la rédaction initiale de l’article 3. Après des échanges nourris avec les ministères concernés – Agriculture et souveraineté alimentaire, d’un côté, et Transition écologique, de l’autre –, le rapporteur du Sénat avait proposé une réécriture permettant de garantir la sécurité juridique et de se conformer aux directives relatives aux émissions industrielles (IED) et à l’évaluation des incidences de projets sur l’environnement (EIE) pour les élevages bovins. Il s’agissait de soumettre certains élevages de porcs et de volailles au régime d’enregistrement au lieu du régime d’autorisation actuel. Or les amendements dont j’ai demandé le retrait avaient pour conséquence de supprimer cet avantage acquis au Sénat.

Nous débattrons tout à l’heure des amendements CE97 et suivants, qui ne s’appliquent pas aux élevages porcins et avicoles. Ils ont pour objet d’inscrire dans la loi que le principe de non-régression environnementale ne s’oppose pas au relèvement des seuils de la nomenclature ICPE pour les élevages bovins.

Je proposerai aux auteurs des amendements précédents d’amender les dispositions issues des amendements CE97 et suivants afin de les étendre aux élevages avicoles et porcins.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CE393 de Mme Mathilde Hignet et CE354 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Par cet amendement, nous souhaitons reporter l’entrée en vigueur de l’article 3, qui risque d’encourager la poursuite de la spécialisation des régions.

Pour assurer la souveraineté alimentaire, nous prônons la planification à l’échelle nationale de la déspécialisation des territoires par le développement de productions dans lesquelles nous sommes déficitaires (fruits, légumes, volaille, légumineuses, etc.). Nous retrouverons ainsi un système agricole fondé sur la polyculture-élevage.

La polyculture-élevage est un levier pour développer l’agroécologie : elle assure davantage de cultures pérennes dans les assolements, ce qui réduit la pression des adventices ; elle favorise un meilleur ratio entre main-d’œuvre disponible et surface agricole utile (SAU). L’exploitant sera plus précis et plus disponible pour le suivi des cultures et la réduction des produits phytosanitaires.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Il s’agit également de décaler l’entrée en vigueur de l’article 3 à la date de publication du rapport de la Commission européenne sur les émissions des élevages, rapport prévu par la révision de la directive IED.

Ce rapport pourrait nous aider à mieux appréhender les émissions des élevages dans les différents pays européens, en particulier le nôtre, et éclairer le choix des règles destinées à les encadrer.

Le rapport doit être rendu au plus tard le 31 décembre 2026 ; il pourrait l’être plus tôt, peut-être avant septembre 2026, date attendue de l’acte d’exécution de la directive IED.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je soutiens les amendements car on constate, dans les zones de forte concentration d’élevages, des excédents structurels d’azote – la Bretagne en est un exemple probant. À l’inverse, dans des zones où l’élevage a fortement reculé, il faut importer massivement de l’azote de synthèse, qui est aussi à l’origine d’excédents d’azote dans la ressource en eau.

Si on s’inscrit dans une logique de diversification, en vertu de laquelle on fait cohabiter des activités de production végétale et des activités d’élevage, les excédents structurels disparaissent dans les premières zones et la dépendance aux substances de synthèse, fabriquées avec du gaz provenant parfois de Russie, diminue.

M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). Je défends l’inverse, c’est-à-dire une accélération de l’installation des élevages dans les régions qui en manquent. Cela permettrait de mettre fin à l’usage des engrais de synthèse, au bénéfice des engrais naturels produits par nos élevages.

Mme Nicole Le Peih (EPR). J’abonde dans le même sens. Je ne peux que constater les entraves majeures à l’installation des élevages. Depuis 2023, dans le Morbihan, pas un seul bâtiment d’élevage n’a été construit, parce que des ONG bloquent les projets en intentant des recours sans arrêt.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Le Morbihan n’est pas un bon exemple, puisqu’il compte déjà de nombreux élevages. Nous parlons des régions dans lesquelles il est important de réintroduire l’élevage disparu pour retrouver un système de polyculture-élevage.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE642 de M. Thierry Benoit

M. Thierry Benoit (HOR). L’amendement vise à inscrire la spécificité des installations d’élevage dans le régime des ICPE. Il s’agit de ne plus les assimiler aux industries ou à des sites Seveso, puisque cette activité touche au vivant et que les installations jouent un rôle dans le bien-être des éleveurs et des animaux. Il faut aussi tenir compte des évolutions techniques : ainsi, les nouveaux bâtiments sont capables de filtrer l’air, de participer à la transition énergétique et d’améliorer le stockage des effluents. La modernisation des bâtiments d’élevage doit être soutenue.

Je mène avec notre collègue Christophe Barthès une mission d’information sur les problématiques économiques de l’abattage dans le contexte de réduction des cheptels, dont nous vous présenterons les conclusions prochainement. La disparition des abattoirs est brutale et elle est liée à celle de l’élevage en France.

M. Julien Dive, rapporteur. L’article 3 cherche à soutenir les élevages, comme vous nous y invitez.

Votre amendement vise à rétablir une disposition du texte initial, qui a été supprimée par le Sénat pour la simple raison qu’elle était satisfaite par le droit existant : la spécificité des installations est déjà prise en compte dans l’examen des dossiers.

Je vous demande donc de le retirer ; à défaut mon avis sera défavorable – non pas sur le fond, mais sur la forme.

M. Thierry Benoit (HOR). Les procédures sont compliquées, longues et coûteuses. Un dossier soumis à déclaration pour un poulailler de trente mille poules représente un coût de cinq mille euros et trois mois d’instruction ; un dossier soumis à enregistrement pour trente mille à quarante mille emplacements, c’est vingt-cinq mille euros et de trois à cinq mois et demi ; un dossier soumis à autorisation pour plus de quarante mille emplacements, c’est quarante mille euros et de quatre à six mois. Le fait de reconnaître la spécificité des élevages permettrait, dans le respect du code de l’environnement, de simplifier les procédures et de réduire les coûts et les délais.

M. Benoît Biteau (EcoS). Personne, ici, ne s’oppose à ce que vous défendez, monsieur Benoit ; mais le diable est parfois dans les détails.

Il est question d’élevages de très grande taille, qui représentent 3 % des élevages français. Autrement dit, 97 % ne sont pas concernés. On peut s’interroger sur la pertinence d’une révision des seuils pour faciliter l’installation de ces 3 % d’élevages, alors que, dans le même temps, on vante l’intérêt de l’élevage extensif et l’excellence de notre élevage, que ce soit pour le lait ou la viande. On ne peut pas dénoncer l’élevage tel qu’il se pratique de l’autre côté de l’Atlantique et vouloir en importer les méthodes sur notre territoire.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je comprends la volonté de monsieur Benoit de faire entendre que certains élevages, pas forcément ceux qui sont visés par cet article, ont besoin de voir leurs bonnes intentions reconnues.

Même pour les élevages soumis à enregistrement, tout est paralysé en Bretagne. Les projets d’extension et de modernisation sont systématiquement attaqués, en conséquence de quoi on observe un assèchement des projets, auquel on ne s’attendait pas. Autre conséquence dommageable, les rachats ou les fusions d’exploitation se multiplient – faute de pouvoir étendre les bâtiments, on rachète la ferme du voisin. Ce faisant, on aggrave le phénomène de concentration des exploitations.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je ne voudrais pas qu’on fasse croire que l’article 3 permettrait de lutter contre le recul de l’élevage. Ce ne sont pas les seuils de la nomenclature ICPE qui sont responsables de la régression de l’élevage. Je prends l’exemple de l’élevage ovin, qui n’est pas concerné par les ICPE : depuis les années 1990, le Limousin a perdu cinq cent mille brebis.

Il serait bienvenu qu’une proposition de loi s’intéresse au recul de l’élevage, à l’organisation des filières et à la manière dont les agriculteurs et les agricultrices se réapproprient les outils de leur filière. Ce matin, avec notre collègue Mathilde Hignet, nous aurions dû être à l’abattoir de Rostrenen en Bretagne. Cet abattoir a été repris par des agriculteurs et des agricultrices ; aujourd’hui, il tourne bien et un atelier de transformation a été créé en son sein. La proposition de loi aurait pu faciliter ce genre de projet.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE641 de M. Thierry Benoit

M. Thierry Benoit (HOR). L’amendement vise à mieux encadrer la faculté de dérogation dont disposent les préfets.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Un article de la partie législative du code de l’environnement ne peut pas citer un article de la partie réglementaire.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je le constate dans mon territoire : l’avis conforme du préfet n’empêche pas les recours systématiques. Le fait d’accroître les pouvoirs du préfet ne prémunira pas contre les recours, qui bloquent les agriculteurs désireux d’étendre ou de moderniser leur élevage.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE97 de M. Jean-Pierre Taite, CE140 de M. Jean-Pierre Vigier, CE278 de M. Stéphane Travert, CE652 de M. Guillaume Lepers et CE660 de Mme Hélène Laporte

M. Nicolas Ray (DR). L’amendement a pour objet de rehausser les seuils de la nomenclature ICPE pour les élevages bovins, sachant qu’ils ne sont soumis à aucun seuil dans les réglementations environnementales européennes.

L’objectif est de simplifier les procédures, de sécuriser les projets et surtout de ne pas surtransposer le droit communautaire afin de maintenir et développer l’élevage familial français.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Il s’agit de revaloriser les seuils de la nomenclature ICPE pour les élevages bovins, afin de lever les freins qui pénalisent la filière bovine française.

Contrairement aux élevages porcins et avicoles, il n’existe aucun seuil au niveau européen pour les bovins. Pourtant, la France en impose. Résultat : on complique les projets d’extension et d’installation, on freine les transmissions et surtout on fragilise les élevages à taille humaine déjà mis à rude épreuve.

Le soutien que nous apportons à nos éleveurs est une manière de défendre notre souveraineté alimentaire, de relocaliser la production et de maintenir un bon taux d’approvisionnement dans un contexte de hausse de la consommation et de transition des modes d’élevage.

Les objectifs sont très clairs : redonner de l’air à la filière pour lui permettre de rester compétitive, répondre à la demande et faire vivre nos territoires, en particulier ruraux.

M. Guillaume Lepers (DR). Il est proposé d’aligner les seuils de la nomenclature ICPE sur la réglementation européenne pour les élevages bovins. La concurrence déloyale que subissent les agriculteurs français en raison de la surtransposition fragilise nos exploitations, leur développement et leur transmission, ainsi que notre souveraineté alimentaire.

Je partage vos propos sur les permanences, madame la présidente. Puisque vous allez discuter avec la présidente de l’Assemblée nationale, pouvez-vous lui faire part de notre agacement devant les centaines de milliers d’e-mails d’insultes et de menaces que nous avons reçus et de notre inquiétude quant à notre protection numérique ? Les mots sont d’une violence et d’une méchanceté inégalées. Certes, ce ne sont pas des menaces physiques, mais les mots aussi peuvent faire peur.

Mme Hélène Laporte (RN). Il s’agit là encore, avec cet amendement, de relever les seuils ICPE, cette fois pour les élevages bovins. Rappelons que le cheptel bovin, qui a perdu deux millions de têtes depuis 2016, a subi de plein fouet, ces derniers mois, les attaques de maladie hémorragique épizootique (MHE) et de fièvre catarrhale ovine (FCO). Cette filière est au bord du gouffre. Elle risque bientôt, en dépit de toutes les promesses du Gouvernement, de se retrouver en concurrence directe avec les élevages brésiliens, dans le cadre de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur.

Aligner la réglementation applicable au projet de bâtiment d’élevage avec ce qui est imposé chez nos voisins n’est pas un cadeau, mais bien la moindre des choses pour nos éleveurs.

M. Julien Dive, rapporteur. Je suis favorable à ces amendements, qui précisent dans la loi que le principe de non-régression environnementale ne s’oppose pas au relèvement des seuils de la nomenclature ICPE pour les élevages bovins.

Il convient de mettre en balance le principe de non-régression environnementale et, de manière plus générale, les préoccupations autour de l’environnement avec le développement de notre agriculture. Le principe de non-régression environnementale s’impose au pouvoir réglementaire, sauf si le législateur en a écarté l’application ou s’il a confié au pouvoir réglementaire le soin d’en préciser les contours.

Le Conseil d’État a d’ailleurs, à l’occasion de sa saisine par plusieurs associations environnementales, mis en balance l’ensemble des enjeux – à la fois économiques, administratifs et environnementaux – pour prendre sa décision. Il exerce un contrôle concret et effectif sur chaque évolution réglementaire.

Ces amendements ouvrent le débat. Il faudra l’étendre aux élevages avicoles et porcins, à propos desquels vous aviez déposé des amendements dont j’avais demandé le retrait.

M. Benoît Biteau (EcoS). Il est fait référence à la réglementation européenne. La directive IED, qui sera promulguée dans les prochains mois, pose des seuils « bêtes et méchants » de 250 unités de gros bétail (UGB) pour les élevages bovins. Cela n’a aucun sens ! Nous devons être plus subtils et proposer plutôt une référence au chargement. Un élevage de huit cents bovins sur deux mille hectares me semble plus aligné avec ce que nous recherchons qu’un élevage laitier avec quarante bovins confinés dans un bâtiment entouré de cinq hectares d’herbe.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Les ICPE soumises à autorisation ne représentent que 2 % des élevages bovins en France. Ce n’est donc pas comme cela que vous allez sauver l’élevage familial.

Il aurait fallu pouvoir mener une réflexion sur les filières, leurs outils et leurs débouchés (comme ceux de la restauration collective), mais aussi sur la souveraineté alimentaire, puisque nous sommes largement importateurs de protéines végétales pour nourrir les troupeaux.

M. Dominique Potier (SOC). La question est effectivement celle de l’avenir de l’élevage bovin, qui perd cent cinquante mille têtes par an. Il faut la poser de manière ouverte et systémique puisqu’elle englobe, par exemple, le manque de vétérinaires et des questions d’aménagement du territoire. Certaines régions sont sous-équipées alors que d’autres font face à des problèmes de concentration. La solution proposée par ce texte n’est pas la bonne.

M. Thierry Benoit (HOR). Les élevages concernés par cet article ne sont certes pas, en proportion, importants, mais ils contribuent à notre souveraineté alimentaire. Nous devons préserver l’ensemble des modèles : celui-ci, aussi bien que l’agriculture bio et l’agriculture familiale.

L’objectif n’est pas de lever des contraintes – car l’environnement n’est pas une contrainte pour les agriculteurs – mais de simplifier et de soutenir les agriculteurs français et les différents types d’agriculture.

M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). Nous ne devons pas nous occuper seulement des grosses exploitations qui produisent beaucoup. Les symboles sont importants, car ils transmettent un message. Avec ces amendements qui visent à assouplir la réglementation, nous pouvons donner envie à des agriculteurs de s’installer dans des régions où l’élevage est absent.

Mme Nicole Le Peih (EPR). La répartition des élevages sur le territoire pourrait être meilleure, mais il faut prendre en compte la compétitivité. Les outils nécessaires à la transformation alimentaire, le transport et la main-d’œuvre ont un coût. Il faut donc que les consommateurs acceptent d’acheter le produit à un autre tarif.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendement AS554 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Avant de défendre l’amendement, je signale que je retire les amendements CE716, CE417, CE632 et CE356.

Le présent amendement vise à obliger les autorités décisionnaires à motiver publiquement les suites données à l’avis de l’Autorité environnementale afin de renforcer la robustesse des projets.

M. Julien Dive, rapporteur. Le régime de l’enquête publique prévoit que les documents sont mis à disposition et ouvre la possibilité d’un contradictoire. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement apporte une sécurité juridique puisque, aujourd’hui, la réponse du porteur de projet à l’avis de l’Autorité environnementale n’est pas obligatoirement jointe à la procédure, ce qui peut constituer un motif de fragilité dans d’éventuels recours.

M. Julien Dive, rapporteur. Je ne conteste pas ce point sur la sécurité juridique. Nous pourrons y revenir en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS552 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Cet amendement tend à ce que soit mis à disposition du public l’avis de l’Autorité environnementale, mais aussi à soumettre les réponses du pétitionnaire à un nouvel avis de cette Autorité, en vue d’un avis favorable. L’objectif est de renforcer la solidité juridique du dossier.

M. Julien Dive, rapporteur. Il revient à donner un droit de veto à la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) sur l’avis du préfet. Avis défavorable.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Je rappelle que l’Autorité environnementale est indépendante de la Dreal, même si ce sont parfois les mêmes agents qui rendent les avis.

Les contentieux et les recours sont très souvent formulés sur la base de l’avis de l’Autorité environnementale, pour lequel les réponses apportées par le pétitionnaire sont parfois insuffisantes. L’amendement renforcerait donc les dossiers. Je regrette que vous ne le voyiez pas comme cela.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS597 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Mon amendement tend à abroger l’article 32 de la loi d’orientation agricole, qui plafonne l’amende à 450 euros en cas de manquement aux obligations de déclaration ou d’enregistrement pour les installations d’élevage qui auraient agrandi leur exploitation sans se signaler pour modifier le régime d’ICPE. Cela permettrait au juge d’adapter la sanction à un contrevenant de mauvaise volonté ou qui aurait fraudé volontairement et de ne pas « taper » sur les éleveurs de bonne foi qui, parfois, ne savent pas qu’ils ont changé de régime.

M. Julien Dive, rapporteur. Ce dispositif, entériné en commission mixte paritaire (CMP) avec d’autres dispositions de la loi d’orientation agricole, permet le droit à l’erreur et laisse un temps d’adaptation en cas de dépassement de seuil. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE274 de Mme Lisa Belluco, CE395 de Mme Anne Stambach-Terrenoir et CE422 de M. Benoît Biteau

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). L’amendement propose d’instaurer un moratoire sur le développement des fermes intensives de saumon. Cette technique d’élevage n’est en effet pas encore totalement maîtrisée et présente des inconvénients majeurs, notamment pour l’environnement.

M. Benoît Biteau (EcoS). Ces fermes ont un bilan énergétique très défavorable, elles présentent un risque sanitaire avec des rejets de bactéries pouvant mettre en péril des espèces autochtones et elles portent atteinte à la souveraineté alimentaire de pays d’Afrique de l’Ouest – puisque pour produire 1 kg de saumon, il faut 3 kg de sardinelles, qui sont la base du régime alimentaire des habitants de ces pays.

M. Julien Dive, rapporteur. Notre pays est un gros consommateur de saumon, avec trois cent mille tonnes par an, dont à peine trois mille tonnes provenant d’élevages situés en France.

Cette question, relayée par différents collègues, fera l’objet d’une proposition de loi transpartisane. Avis de sagesse.

M. Stéphane Travert (EPR). Cet amendement envoie un message à la filière aquacole française sur ce que nous ne voulons pas – le modèle que l’on trouve en Asie du Sud-Est – et ce que nous valorisons – la qualité de production des exploitations françaises de saumon et d’autres espèces qui, notamment, rejettent une eau plus propre grâce à un travail de transformation.

M. Benoît Biteau (EcoS). Le moratoire que nous demandons ne pointe pas du doigt la filière piscicole française, mais vise à prendre le temps nécessaire pour définir des aquacultures soutenables sur notre territoire – en tout cas, certainement pas de grosses structures comme Pure Salmon, financé par des fonds de pension singapouriens et dont le siège est au Qatar.

M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). Je voterai cet amendement. Nous devons envoyer un message à la filière aquacole, qui a besoin de notre soutien pour se développer et produire localement – plutôt que d’importer du saumon produit à l’étranger de façon catastrophique.

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Ces amendements émanent d’une proposition de loi transpartisane dont je suis l’une des initiatrices. Il faut prendre le temps de réfléchir pour développer un modèle durable plutôt que des projets fous visant une production de dix mille tonnes de saumon par an, voir quarante mille à terme. De tels projets surdimensionnés consomment une énergie équivalente à la consommation d’une ville de quarante mille habitants et présentent des risques de pollution de l’eau.

M. Pascal Lecamp (Dem). Notre pays est l’un des plus gros consommateurs de saumon au monde et nous importons 99 % de notre consommation. Cet amendement permet de prendre le temps de réfléchir au développement de notre propre filière.

M. Julien Dive, rapporteur. Je change mon avis : favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CE208 de la commission du développement durable et CE560 de Mme Lisa Belluco, amendements identiques CE207 de la commission du développement durable et CE562 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Lisa Belluco (EcoS). Les amendements CE208 et CE560 visent à donner la possibilité au juge des référés de suspendre des autorisations dans l’attente de l’examen des recours, afin de renforcer la sécurité juridique des projets – car en cas de recours non suspensif, le pétitionnaire peut voir son projet jugé illégal alors qu’il a déjà engagé des coûts importants.

Les amendements CE207 et CE562 sont complémentaires : ils tendent à réduire à douze mois le délai dans lequel le juge doit statuer au fond sur les recours, afin de garantir un délai raisonnable en cas de suspension

M. Julien Dive, rapporteur. Ces questions relèvent d’un débat sur les moyens et le fonctionnement de la justice. Je vous invite à retirer ces amendements afin que nous puissions avoir ce débat avec le Gouvernement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE414 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Cet amendement vise à ajouter à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, qui définit le champ d’application des ICPE, la prise en compte, dans les intérêts à protéger, de la santé humaine et animale ainsi que le bien-être animal.

M. Julien Dive, rapporteur. La réglementation prévoit déjà la prise en compte du bien-être animal. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Lisa Belluco (EcoS). L’idée est que la question du bien-être animal puisse être appréciée de façon globale dans le cadre de la procédure IPCE. Le bien-être animal est certes déjà pris en compte, mais il s’agit de démarches qui ne sont pas forcément obligatoires.

M. Julien Dive, rapporteur. C’est déjà satisfait, puisque les porteurs de projet doivent respecter certaines conditions relatives au bien-être animal.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE615 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). En juin 2024, le Gouvernement a rehaussé, par décret, les seuils d’évaluation environnementale pour les fixer au même niveau que ceux prévus par la directive EIE. Alors que l’ensemble des ICPE d’élevage de volailles soumises à autorisation devaient jusqu’alors subir une évaluation environnementale, cette dernière n’est désormais plus systématique. L’obligation est appréciée au cas par cas – ce qui complexifie la procédure, les pétitionnaires ne sachant plus toujours s’ils doivent réaliser une étude d’impact. Aussi souhaitons-nous remédier à cette insécurité juridique en revenant à la situation antérieure au décret de juin 2024, c’est-à-dire en fixant les seuils d’évaluation au même niveau que les seuils d’autorisation.

M. Julien Dive, rapporteur. Depuis le début de l’examen de l’article 3 – et peut-être même depuis le début de la discussion de cette proposition de loi – nous essayons d’aligner la législation française sur le droit européen. Nous souhaitons en effet éviter l’excès de règlements et de normes – je n’utilise pas le terme « surtransposition », car je sais qu’il est juridiquement contesté et n’est d’ailleurs pas défini dans la proposition de loi – susceptibles de conduire à des interprétations divergentes et d’entraver l’action des exploitants. Nous sommes là pour lever les contraintes et non pour en ajouter – contrairement à vous, qui voulez sortir du cadre européen et créer une nouvelle norme. Avis défavorable.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Notre volonté n’est pas de surtransposer, mais de corriger une situation de fragilité. Les seuils actuels d’autorisation des ICPE sont ceux de la directive IED en vigueur et non ceux de la directive future, qui ne sera probablement exécutoire qu’en septembre 2026. En revanche, depuis juin 2024, les seuils d’évaluation environnementale systématique sont ceux de la directive EIE. Cette différence est source de complexité et d’insécurité. Nous ne disons pas que toutes les ICPE doivent être soumises à une évaluation environnementale, mais que les seuils d’autorisation et d’évaluation doivent être fixés au même niveau dans l’attente de l’entrée en vigueur de la future directive IED (2026). À cette date, tous ces seuils seront vraisemblablement relevés.

M. Thierry Benoit (HOR). Je suis heureux d’entendre le rapporteur confirmer l’objectif d’aligner les seuils applicables aux ICPE sur les seuils européens – ni plus, ni moins. Je souhaite que tout soit fait, d’ici à l’examen en séance, pour que l’article 3 réponde à cette demande des éleveurs mobilisés sur les axes routiers, dans l’Ouest et ailleurs. Soyons simples, clairs et suffisamment précis !

M. Pascal Lecamp (Dem). Peut-être pourrions-nous trouver un compromis en adoptant tout de suite le principe d’un alignement sur les seuils européens, comme le souhaite monsieur Benoit ? Ces seuils seraient alors modifiés en septembre 2026, lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle directive IED et sans que nous ayons besoin de changer la loi.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous considérons que nous devons viser la souveraineté alimentaire et que cet objectif ne pourra être atteint qu’en adoptant des normes spécifiques à la France. Vous estimez qu’un alignement sur les normes européennes permettra d’améliorer la compétitivité des agriculteurs français, mais vous ne vous inquiétez pas vraiment de l’impact de ces mesures sur l’environnement. Or, une fois que l’on entre dans cette logique de compétitivité, on est vite amené à envisager l’harmonisation des normes sociales. Souhaitez-vous qu’un ouvrier agricole français touche le salaire moyen d’un ouvrier agricole en Europe, ou qu’il gagne par exemple 7 700 euros par an comme en Slovénie ? Ainsi, cette logique d’alignement ne fonctionne pas, car elle impliquera tôt ou tard de casser les normes sociales et les salaires des ouvriers agricoles, ce que nous refusons. Voilà pourquoi nous plaidons pour le protectionnisme et la définition de normes françaises.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Sur les barrages agricoles, particulièrement dans les territoires d’élevage comme la Bretagne, la revendication principale n’était pas l’alignement des seuils applicables aux ICPE – bien au contraire ! Pour ma part, j’ai surtout entendu qu’il fallait lutter contre la concurrence déloyale, car nos exploitants refusent que l’on privilégie, dans notre pays, la volaille ukrainienne, par exemple, au détriment de la volaille française. Les éleveurs nous demandent aussi de lutter contre les marges déraisonnables de la grande distribution et de mener la bataille en vue de leur juste rémunération. Ils nous disent enfin, tout à fait humblement, qu’ils ne veulent pas à tout prix agrandir leurs élevages, mais qu’ils souhaitent surtout pouvoir travailler en paix et produire tranquillement. Cela nécessite qu’au-delà de la simplification, nos amendements prévoient aussi des contreparties et portent sur les enjeux environnementaux.

M. Julien Dive, rapporteur. Je souscris aux propos de madame Thomin : les éleveurs et les agriculteurs veulent travailler en paix, quels que soient les choix qu’ils font pour leur exploitation. Qu’ils souhaitent faire du bio, maintenir une production conventionnelle, engager une conversion, élever un petit cheptel ou au contraire agrandir leur exploitation, pour des raisons économiques ou pour répondre à une demande du marché… laissons-les tranquilles et évitons de leur imposer de nouvelles contraintes !

Vous avez dit, monsieur Benoit, qu’il faudrait avoir, d’ici à la discussion en séance, une discussion avec le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (Masa) sur les seuils applicables aux ICPE pratiquant tout type d’élevage – porcin, bovin ou avicole. Je suis entièrement d’accord avec vous et je pense que nous devons aussi discuter de ces sujets avec le ministère de la transition écologique (MTE). Je me suis entretenu mercredi de ce sujet avec madame Agnès Pannier-Runacher. Nous travaillerons donc évidemment, avant l’examen en séance, afin de converger dans ce sens.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE539 de Mme Marie Pochon

Mme Lisa Belluco (EcoS). En France, les élevages soumis à autorisation au titre des ICPE ne représentent que 2 % à 3 % des exploitations. Or, ces modèles d’élevage industriel et concentré, qui n’amoindrissent pas particulièrement notre dépendance aux importations, se développent au détriment des petites exploitations d’élevage paysan et familial.

Nous, écologistes, défendons un élevage économe, autonome, extensif, pastoral, respectueux du bien-être animal et rémunérateur pour les paysans. Ces formes d’élevage participent à l’optimisation du cycle des nutriments par la production d’engrais naturels, à la préservation et à l’entretien d’espaces naturels remarquables tels que les zones humides et des montagnes, ainsi qu’à la séquestration du carbone dans les prairies permanentes. Nous savons les menaces qui pèsent sur ce modèle, alors que des milliers de fermes de ce genre ont mis la clé sous la porte au cours des dix dernières années.

Plutôt que d’accélérer les procédures et de réduire les contrôles auxquels sont soumises les ICPE, nous proposons donc d’instaurer un moratoire sur l’implantation de nouveaux élevages soumis à autorisation au regard de cette réglementation.

M. Julien Dive, rapporteur. Cette proposition va à rebours de ce que nous souhaitons. Avis défavorable.

M. Thierry Benoit (HOR). Plutôt que d’instaurer un moratoire sur l’implantation de nouvelles ICPE d’élevage, il vaudrait mieux simplifier les procédures et encourager l’agriculture bio et familiale. Nous avons agi en faveur de l’autonomie ou de l’indépendance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et débattu de la suppression de l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, dite « Agence bio » : voilà autant de signaux négatifs pour ce type d’agriculture.

Une nouvelle fois, je plaide pour que nous simplifiions les procédures et soutenions tant les installations classées que les exploitations plus familiales ou tournées vers le bio. En somme, nous devons embrasser et encourager tous les modèles agricoles.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Dans certains territoires où sont instruites des demandes d’autorisation de nouvelles ICPE, le moratoire existe déjà, dans les faits, puisque les recours sont systématiques et finissent par bloquer toute nouvelle installation. Ainsi, dans mon département, aucune réunion publique n’a jamais été organisée dans le cadre de la procédure d’instruction des demandes d’autorisation d’ICPE, tout simplement parce que plus aucun dossier n’a été déposé depuis que la loi impose la tenue de ces réunions. Je suis donc assez défavorable à cet amendement, considérant que les contraintes actuelles constituent déjà, en quelque sorte, un moratoire implicite. Sans doute faut-il trouver des compromis pour redonner aux exploitants des marges de manœuvre : je ne suis pas forcément favorable à l’organisation de permanences en mairie, mais il convient de créer un cadre plus démocratique d’échange et de dialogue entre les différents acteurs.

Mme Delphine Batho (EcoS). Tous ces amendements du groupe Écologiste et social, qui visent à renforcer la clarté de la loi et la sécurité juridique, méritent d’être examinés avec attention. Nous sommes en effet dans une situation « clownesque ». Sous prétexte de simplification, nous modifions en permanence la législation : nous l’avons fait notamment dans le cadre de la loi relative à l’industrie verte et nous le refaisons aujourd’hui, alors même qu’entrera prochainement en vigueur une directive européenne qu’il faudra transposer. Nous sommes ainsi en train de créer un véritable capharnaüm, qui n’apporte pas la moindre simplification ni la moindre sécurité aux porteurs de projets. Le plus sage serait donc de revenir au droit antérieur.

M. Julien Dive, rapporteur. Madame Batho, les amendements que vous évoquez pourront être débattus en séance, avec le Gouvernement, comme je l’ai d’ailleurs proposé. J’ai expliqué que nous étions en train de travailler avec les deux ministères concernés par cette proposition de loi pour converger vers un texte intelligent et constructif.

Je suis néanmoins d’accord avec vous : les modifications incessantes du cadre législatif ne sont pas de nature à stabiliser les secteurs concernés, que ce soit l’agriculture ou l’industrie. Pour tous les acteurs économiques, ce n’est pas très sain. Je remarque d’ailleurs qu’un projet de loi de simplification de la vie économique est en cours de discussion et que le moins qu’on puisse dire est que son examen… n’est pas simple !

La commission rejette l’amendement.

Amendements CE403, CE418, CE419, CE617 et CE619 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Lisa Belluco (EcoS). La présence excessive de nitrates dans les milieux aquatiques est essentiellement due à l’agriculture et à l’élevage intensifs. Avant l’utilisation généralisée des engrais azotés et le développement massif de l’élevage industriel, la concentration en nitrates des eaux des nappes était de quelques milligrammes par mètre cube ; aujourd’hui, elle s’élève à plusieurs dizaines de milligrammes et dépasse même parfois les seuils autorisés. En Europe, la production animale concentrée dans des élevages industriels est responsable d’environ 80 % de l’apport d’azote d’origine agricole dans les systèmes aquatiques.

Les nitrates et les nitrites sont connus pour favoriser la formation de composés nitrosés, dont certains sont cancérogènes et génotoxiques pour l’être humain. Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise que l’eau potable ne contienne pas plus de 50 milligrammes de nitrates par millilitre (mg/ml). Il est même recommandé de ne pas dépasser 25 mg/ml pour les femmes enceintes et les nourrissons, si bien que la consommation d’eau du robinet peut leur être occasionnellement déconseillée.

Pour toutes ces raisons, l’amendement CE403 vise à interdire l’installation d’élevages soumis au régime d’autorisation des ICPE dans les aires d’alimentation des captages d’eau potable.

L’amendement CE418 décline cette proposition en interdisant l’installation de ces élevages dans les bassins où les marées vertes sont récurrentes. Je rappelle que cette mesure ne concernerait pas l’élevage pâturin, extensif et paysan que nous soutenons.

L’amendement CE419 vise à imposer la même interdiction dans les secteurs où l’eau n’est pas disponible en quantité suffisante pour que l’élevage fonctionne correctement. Cette activité ayant besoin d’eau, nous considérons que ce serait mettre les éleveurs en difficulté que de leur permettre de s’installer dans des zones déjà confrontées à une tension structurelle sur la ressource en eau.

Par notre amendement CE617, nous proposons de ne plus permettre l’agrandissement d’élevages soumis au régime d’autorisation des ICPE lorsqu’ils sont implantés à moins de cinq cents mètres d’habitations. Il ne s’agit pas de satisfaire aux exigences de néoruraux râleurs qui ne supporteraient plus les nuisances des élevages, mais d’apaiser les relations entre les exploitants et une partie des riverains. Vous conviendrez que la présence d’énormes bâtiments d’élevage à moins de cinq cents mètres de locaux d’habitation est assez rare !

L’amendement CE619, un peu plus contraignant, vise à interdire l’installation de nouveaux élevages de cette catégorie, là encore, à une distance inférieure à cinq cents mètres des habitations.

M. Julien Dive, rapporteur. L’installation d’élevages est déjà interdite à proximité immédiate des aires de captage. Dans une zone plus large, il n’y a pas d’interdiction absolue, mais un encadrement très strict de l’implantation d’une ICPE. Votre amendement CE403 est donc satisfait. Je comprends toutefois que vous souhaitiez appeler notre attention particulière sur ce sujet. Nous avons d’ailleurs évoqué les aires de captage lors de la discussion des articles précédents et je remarque qu’elles sont aussi concernées par d’autres articles, comme l’article 5, dont l’examen a été délégué à une autre commission. Je conviens donc que nous devons nous montrer très vigilants.

S’agissant de l’amendement CE418, je vous répondrai que les proliférations d’algues vertes sont des événements momentanés et très localisés. Le préfet a toujours la possibilité de prendre des mesures par arrêté – je me suis opposé tout à l’heure à un amendement visant à restreindre son pouvoir – et même de rejeter la demande d’installation d’un élevage soumis à ce type d’autorisation, s’il estime qu’il existe un risque pour l’environnement. Les travaux réalisés dans le cadre de l’enquête publique peuvent d’ailleurs mettre en lumière un tel risque.

Quant à l’installation de bâtiments d’élevage ICPE à proximité des habitations, elle est déjà strictement encadrée : je ne vois donc pas l’utilité de modifier le droit existant.

Je donne donc un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Il ne me semble pas que vous ayez développé votre avis sur l’amendement CE419, qui vise à interdire les élevages soumis à autorisation au titre des ICPE dans les zones connaissant un déficit structurel en eau. Je le disais : l’idée est de ne pas mettre les éleveurs en difficulté en les laissant s’installer dans un endroit où ils ne pourront pas fournir à leurs bêtes l’eau dont elles ont besoin. En cas de sécheresse ou de tensions sur la ressource, la situation est très compliquée, puisque le préfet peut se trouver contraint de réduire l’alimentation en eau de certaines activités agricoles ; nous voulons éviter que ces cas de figure se multiplient. Je précise que cette mesure ne concernerait qu’une petite minorité d’élevages assez consommateurs en eau.

M. Dominique Potier (SOC). Madame Belluco vient de soulever, à juste titre, le problème d’une éventuelle compétition pour l’eau. La question d’une priorisation des consommations, entre l’élevage et d’autres usages tels que la sécurité incendie ou la potabilité, va indéniablement se poser. Cependant, ne vaudrait-il pas mieux la traiter en modifiant le régime applicable aux ICPE afin d’y intégrer l’enjeu de la gestion et de la disponibilité de la ressource en eau ?

M. Julien Dive, rapporteur. Il y a, dans mon village, une entreprise agro-industrielle en péril qui bénéficiait d’une autorisation préfectorale de pompage d’eau dans la nappe. La question se pose de la pérennisation de cette autorisation pour le repreneur. Cet exemple montre bien que les préfets connaissent la structuration des sols et qu’ils en tiennent compte en octroyant, ou non, des autorisations pour le développement de tel ou tel projet. Il en est de même dans le cadre des ICPE.

Vous voulez inscrire dans la loi une interdiction (ou une restriction) généralisée qui, dans la pratique, s’impose de manière localisée. Les conditions structurelles de la présence en eau dans les sols sont différentes dans le Nord ou le Sud de la France : je fais donc confiance au préfet, qui est le bras armé de l’État, pour juger des décisions à prendre. Évitons de lui imposer un certain nombre de contraintes ou d’injonctions : laissons-lui au contraire le pouvoir d’autoriser ou d’interdire une ICPE et d’arbitrer entre les besoins de la sécurité incendie, d’une production industrielle ou d’un élevage.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CE549 et CE577 de Mme Lisa Belluco (discussion commune)

Mme Lisa Belluco (EcoS). Dans le même esprit que l’amendement CE539 de madame Pochon, l’amendement CE549 vise à instaurer un moratoire sur l’implantation d’élevages industriels soumis à autorisation au titre des ICPE. L’amendement CE577 est un amendement de repli, par lequel nous proposons un plan de sortie progressive de cet élevage industriel, qui n’est pas viable à long terme.

Il s’agit, encore une fois, de soutenir les autres modèles d’élevage et de concentrer l’action publique sur l’élevage paysan et familial, plus vertueux, et qui souffre, alors qu’il nous nourrit, maintient nos paysages, économise la ressource en eau, protège notre environnement et est bon pour le climat. Ce ne sont pas les exploitants d’élevages ICPE qui souffrent le plus et qui protestaient, il y a un an et demi, sur les barrages !

M. Julien Dive, rapporteur. L’amendement CE549 vise, de manière déguisée, à supprimer l’article 3.

S’agissant de l’amendement CE577, on expliquait tout à l’heure que les ICPE étaient très marginales, puisqu’elles ne représentaient que 2 % des exploitations d’élevage bovin en France. Nous ne sommes donc pas complètement entrés dans ce modèle : c’est plutôt comme si nous en étions déjà sortis !

Comme madame Thomin, je vous invite à préserver la liberté de nos éleveurs et de nos producteurs plutôt qu’à leur imposer de nouvelles obligations. Il existe déjà un cadre permettant d’éviter les dérives et d’empêcher que ne se développent en France des élevages que l’on voit dans des pays extraeuropéens ou en Ukraine ; je ne souhaite pas prévoir de contraintes supplémentaires.

Là encore, je donne à vos deux amendements un avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE500 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Nous demandons l’abrogation des dispositions de l’article 44 de la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, dite « LOA », qui a modifié le traitement des contentieux relatifs aux élevages industriels.

M. Julien Dive, rapporteur. En simplifiant le traitement de ces contentieux, l’article 44 de la LOA doit permettre d’éviter le petit jeu des recours successifs visant à allonger les délais de procédure et empêcher la réalisation de projets ayant obtenu une autorisation préalable. Avis défavorable.

Mme Lisa Belluco (EcoS). Permettez-moi de citer l’avis rendu par le Conseil d’État sur la LOA : « Le Conseil d’État souligne aussi que l’étude d’impact ne fait pas apparaître de difficultés particulières en ce qui concerne le contentieux de ces projets, notamment en termes de délais de jugement ou de complexité, et se borne à anticiper une hausse du nombre des recours. Le recensement effectué par le Conseil d’État révèle, par ailleurs, que les projets visés ne représentent qu’une part extrêmement limitée des affaires en cours d’instruction devant les tribunaux administratifs. ». Cela montre que l’article 44 de la LOA ne sert à rien, si ce n’est à dégrader de manière symbolique la qualité du traitement des contentieux relatifs aux élevages industriels.

Mme Mélanie Thomin (SOC). J’aimerais que nous ayons, au sein de la commission des affaires économiques et en vue de la séance, une vraie réflexion sur la manière de définir l’élevage familial et la nécessité de soutenir le modèle de polyculture-élevage dans notre pays. On parle beaucoup d’« élevages à taille humaine »… mais quand je demande aux ONG ou aux syndicats agricoles de quoi il s’agit précisément, j’obtiens très peu de réponses concrètes. Une mission parlementaire pourrait être constituée pour creuser ces sujets, cartographier l’élevage en France et construire une trajectoire de cette activité pour notre pays. Nous pourrions ainsi soutenir plus facilement l’élevage dans certains territoires ou en favoriser le développement dans les endroits où il n’existe pas suffisamment (ou est en train de décliner). Quoi qu’il en soit, les parlementaires devraient se montrer plus exigeants s’agissant des données chiffrées.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). L’élevage familial est encore le modèle majoritaire en France. Largement accepté par la population, il suscite des réactions émotionnelles très fortes, notamment dans les territoires ruraux où les agriculteurs et les éleveurs bénéficient d’une véritable reconnaissance : on sait que leur activité contribue notamment à l’entretien des paysages et à la préservation de la biodiversité. Voilà pourquoi l’article 3 pose problème : il prévoit davantage un changement de modèle que le maintien et l’accompagnement de l’élevage familial auquel nous sommes, je l’espère, toutes et tous attachés.

L’article 44 de la LOA, qui vise à simplifier le traitement des contentieux relatifs aux élevages industriels, va dans le sens du projet de loi de simplification de la vie économique, auquel nous sommes opposés. Lorsque l’on simplifie ce genre de procédure, on porte atteinte à l’État de droit et à la possibilité, pour chacun, de faire appel à la justice. Nous sommes donc favorables à cet amendement de notre collègue Lisa Belluco.

M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). Je comprends que l’on ne puisse pas déterminer précisément la taille du cheptel d’un élevage à taille humaine. Entre les fermes familiales d’antan, que mes parents ou moi-même gérions seuls, et les exploitations actuelles, l’évolution a été importante. Il est normal que, pour préserver leur bien-être, les agriculteurs se regroupent et travaillent ensemble : même si j’ai passé vingt ans sans prendre de vacances, les exploitants d’aujourd’hui – surtout les éleveurs de vaches laitières – ont peut-être le droit de partir quelques jours ! Comme monsieur Biteau, je vous invite à mettre en regard la surface d’une exploitation et le nombre de personnes qui y travaillent. Cinq ou six agriculteurs peuvent très bien gérer trois cents hectares ; la superficie par individu n’en restera pas moins inférieure à celle que j’exploitais, tout seul, dans ma ferme.

M. Julien Dive, rapporteur. Si l’avis du Conseil d’État compte lors de l’examen d’un projet de loi, la décision rendue par le Conseil constitutionnel n’est pas moins importante. Or l’article 44 de la LOA n’a pas été censuré.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE273 de Mme Lisa Belluco

Mme Lisa Belluco (EcoS). Cet amendement procède du même esprit que le précédent… et ce n’est pas parce qu’un article est constitutionnel qu’il est pertinent.

M. Julien Dive, rapporteur. De même pour un amendement !

Mme Lisa Belluco (EcoS). J’en conviens.

Pour l’instant, madame Thomin, nous nous bornons à qualifier d’élevages industriels les ICPE soumises à autorisation. C’est en tout cas la définition que le code de l’environnement peut donner de ces élevages non viables et néfastes pour l’environnement. Nous pourrions effectivement faire entrer dans la catégorie des élevages industriels d’autres types d’exploitations, y compris plus petites, mais nous préférons rester très prudents.

M. Julien Dive, rapporteur. Même argumentation que précédemment. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

La réunion est suspendue de onze heures quinze à onze heures trente-cinq.

 

Article 4 : Renforcement de l’offre d’assurance destinée aux prairies

Amendement CE508 de M. Nicolas Ray, sous-amendements CE814 et CE815 de M. Benoît Biteau (discussion commune), sous-amendement CE823 de M. Jean-Pierre Vigier

M. Nicolas Ray (DR). L’amendement vise à revenir à la rédaction initiale de l’article 4 concernant l’assurance destinée aux prairies.

Depuis l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance des récoltes en 2023, l’assurance destinée aux prairies repose sur un système indiciel qui évalue la variation de la pousse annuelle à partir d’images satellitaires et de données météorologiques. Cette approche, permettant d’indemniser rapidement et de manière individualisée les pertes subies par les agriculteurs, représente une réelle avancée. Ce dispositif ne détecte néanmoins pas toujours avec précision l’ampleur des pertes subies. L’outil n’a, par exemple, pas été capable de mesurer l’étendue des pertes dues à la sécheresse en 2023 et aux excès d’eau et aux inondations en 2024. Or les éleveurs ne disposent d’aucune voie de recours pour contester l’évaluation des pertes subies dans les prairies.

La proposition de loi initiale déposée au Sénat visait à créer des modalités de recours en cas de contestation, fondées sur une intervention du comité d’expertise et des missions d’enquête de terrain. En cas d’erreur, il était prévu que les valeurs de l’indice puissent être corrigées, en vue du versement d’une indemnité complémentaire. Au cours de l’examen du texte en séance publique au Sénat, cette mesure a fait l’objet d’un amendement du Gouvernement instaurant un plan pluriannuel de renforcement de l’offre d’assurance des récoltes qui a limité la portée du dispositif. Il nous paraît nécessaire de proposer des voies de recours permettant aux agriculteurs d’être indemnisés.

M. Benoît Biteau (EcoS). Si le dispositif de mesure indiciel a le mérite d’exister, il comporte en effet des dysfonctionnements. L’enchaînement sur le littoral d’une période de sécheresse en 2023 et d’une phase de submersion marine en 2024 a mis en évidence les limites d’un système qui n’a pas permis d’évaluer les pertes réellement subies sur les prairies concernées. Or les éleveurs n’ont disposé d’aucune voie de recours.

Le sous-amendement CE814 vise à remédier à cette situation en créant une structure de recours efficace, fondée sur des approches scientifiques et au sein de laquelle siégeraient notamment des représentants de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et des syndicats agricoles représentatifs.

Le sous-amendement CE815 est de repli. Il reprend la proposition précédente sans détailler la composition du comité de recours, mais conserve l’idée d’y intégrer des représentants de la science issus de l’Inrae et du CNRS.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). L’amendement CE508 est très important, car il offre aux agriculteurs une possibilité de recours lorsqu’une indemnité accordée dans le cadre de l’assurance destinée aux prairies n’est pas conforme à la réalité de la perte subie.

Mon sous-amendement supprime la date d’entrée en vigueur du dispositif fixée au 1er juin 2025, qui n’est pas tenable dans la mesure où la présente proposition de loi n’aura pas terminé son parcours législatif d’ici là.

M. Julien Dive, rapporteur. Il conviendrait en effet que la date d’entrée en vigueur soit postérieure à la date de promulgation de la loi.

Je demande le retrait de l’amendement et des sous-amendements. Vous proposez de rétablir l’article 4 dans la version proposée par nos collègues sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, modifiée lors des débats au Sénat. Je n’ai rien contre cette rédaction, mais force est de constater que la voie de recours contre l’évaluation des pertes en prairie telle qu’elle y est décrite n’aboutit qu’à une recommandation émise par un comité départemental, dont l’assureur fera ce qu’il voudra.

Après avoir entendu à ce propos éleveurs et assureurs, j’ai constaté la difficulté à trouver une solution consensuelle. L’amendement qu’ils avaient élaboré ensemble à l’issue d’un temps d’échange et de travail a été frappé d’irrecevabilité au titre de l’article 40, car il soulevait la question de la solidarité nationale pour financer l’indemnisation. Les éleveurs considèrent que cette prise en charge devrait relever des cotisations. Il serait intéressant d’interroger les ministres à ce sujet, puisqu’il appartiendrait au Gouvernement de se prononcer sur la levée du gage. Les assureurs expliquent, quant à eux, qu’une remise en cause du résultat de l’évaluation par l’indice fragiliserait le système et entraînerait de la part de certains assureurs un retrait de l’assurance destinée aux prairies.

Il ne serait donc pas inutile d’en passer par un plan d’action en faveur du développement de l’assurance destinée aux prairies, tel que proposé dans le texte issu du Sénat. Je propose toutefois un amendement CE799 comportant une réécriture des alinéas 2 et 3. Dans la mesure où l’adoption de cet amendement ferait tomber les autres, j’ai veillé à en conserver certains éléments pertinents, dont les questions de la spécificité des parcelles comportant des associations de cultures pour l’évaluation des pertes, de la prise en compte des pertes de qualité du fourrage et de l’attractivité de l’offre d’assurance en arboriculture soulevées, respectivement, par les amendements CE437, CE739 et CE440 de notre collègue Benoît Biteau.

Je demande le retrait de l’amendement CE508 au profit de l’amendement CE799.

M. Nicolas Ray (DR). Je maintiens mon amendement.

L’amendement reprenant l’accord trouvé entre assureurs et éleveurs ayant été déclaré irrecevable, l’objectif de l’amendement CE508 est de demander en séance au Gouvernement d’améliorer un dispositif que nous jugeons insatisfaisant pour les éleveurs.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je comprends l’inquiétude exprimée par le rapporteur sur le fait que des indemnisations élevées risquent de poser rapidement la question de l’assurabilité. Il convient toutefois de souligner qu’au-delà de 50 % de pertes, la prise en charge ne relève plus des assurances, mais du fonds de solidarité nationale. Leur niveau d’intervention restant limité aux situations situées entre 20 % et 50 % de pertes, la réticence des assureurs me paraît incompréhensible.

M. Julien Dive, rapporteur. Je ne m’oppose pas à votre proposition, mais émets des réserves nourries de mes échanges avec les différents acteurs. Le risque est grand, en effet, en cas de sinistre engageant le recours à l’assurance, de se trouver au-delà des montants de franchise.

La commission rejette successivement les sous-amendements CE814 et CE815.

Elle adopte successivement le sous-amendement CE823 et l’amendement CE508 sous-amendé.

En conséquence, l’article 4 est ainsi rédigé et tous les autres amendements tombent.

Après l’article 4

Amendement CE428 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement invite à une réflexion de fond sur l’assurance des agriculteurs. Le régime assurantiel est perfectible. Certains secteurs agricoles l’utilisent, d’autres moins. Le système assurantiel privé montre ses limites et n’incite pas à la transition agroécologique, qui apparaît pourtant comme un facteur de résilience face au risque assuré. Les agriculteurs étant de moins en moins enclins à souscrire des contrats d’assurance, cela ne favorise pas le développement de pratiques plus résilientes. Se pose alors la question de l’assurabilité et de l’opportunité de créer un système d’assurance basé sur la solidarité nationale.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) et le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) sont des outils mobilisables pour l’indemnisation des pertes de récolte. Je propose que nous soulevions en séance la question de l’indemnisation et celle des risques liés à la sortie du système assurantiel pour la transition écologique.

Je me réjouis que l’amendement CE508 ait été adopté, car cela va permettre à la ministre de l’agriculture de prendre clairement position sur les questions relatives à l’assurance des récoltes et de sortir du flou actuel.

M. Julien Brugerolles (GDR). Une réflexion globale est nécessaire sur la portée très limitée du système assurantiel. Deux ans après la loi du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, dite loi « Descrozaille », il serait intéressant de disposer d’une étude sur le taux de pénétration de l’assurance multirisque climatique et les types d’exploitations qui y souscrivent. J’imagine que cela concerne essentiellement les grandes exploitations et que les petites en sont exclues, alors qu’il faudrait tendre vers un régime public universel de couverture. Je rappelle que le taux de soutien public à l’assurance récoltes est de 70 %. La progression de la souscription n’est toutefois pas à la hauteur des attentes, si bien que la majeure partie de la production et des exploitations agricoles ne sont pas couvertes.

M. Benoît Biteau (EcoS). Le débat sur ces questions doit en effet se poursuivre et je remercie mes collègues de leur soutien. Cet amendement avait notamment pour objet de favoriser une meilleure prise en compte des conséquences des événements climatiques sur la qualité des récoltes et sur les parcelles accueillant plusieurs cultures, ainsi qu’une indemnisation différenciée pour l’agriculture biologique.

Il s’agit en réalité d’un amendement d’appel, que je suis disposé à retirer dans la mesure où les débats pourront se poursuivre en séance.

L’amendement est retiré.

Amendements CE735, CE733 et CE734 de M. Benoît Biteau (discussion commune)

M. Benoît Biteau (EcoS). L’amendement CE735 vise à ajouter la qualité des récoltes dans le cahier des charges des assureurs, afin que la dimension quantitative ne soit plus la seule évaluée. Les événements climatiques peuvent en effet affecter non seulement la quantité, mais aussi la qualité des récoltes. Concernant les prairies, il conviendrait par exemple d’inclure des indicateurs permettant de déterminer la valeur nutritive du fourrage, comme la teneur en protéines digestibles dans l’intestin grêle d’origine alimentaire (PDIA), le taux de protéines digestibles dans l’intestin grêle permises par l’énergie apportée par l’aliment (PDIE) ou les unités fourragères. Cela permettrait d’intégrer dans l’indemnisation accordée aux agriculteurs la prise en considération des effets délétères des événements climatiques sur la qualité des récoltes – donc la qualité de la nourriture proposée aux animaux d’élevage.

L’amendement CE733 a pour objectif d’intégrer les spécificités de l’agriculture biologique dans le système assurantiel. Les pratiques de l’agriculture biologique peuvent parfois permettre aux cultures de mieux résister aux aléas climatiques. Lorsqu’elles sont assurées, peut-être faudrait-il procéder à une indemnisation selon des modalités particulières. Cela permettrait de mesurer la capacité de résilience de l’agriculture biologique et de la comparer à celle de l’agriculture conventionnelle.

L’amendement CE734 vise à intégrer dans les réflexions le fait que les systèmes agronomiques fondés sur le mélange interspécifique, c’est-à-dire sur le semis de plusieurs espèces dans la même parcelle, peuvent constituer une réponse au risque climatique. Il s’agirait, en cas d’aléa climatique, d’évaluer de façon différenciée les pertes de production de chacune des espèces présentes sur les parcelles concernées.

M. Julien Dive, rapporteur. Vous avez de la chance que ces trois amendements n’aient pas été frappés d’irrecevabilité au titre de l’article 40. Ils comportent en effet des éléments susceptibles d’entraîner des conséquences financières lourdes, à la fois pour les assurés et pour l’État qui subventionne les primes d’assurance.

Même si je partage la nécessité de mieux prendre en compte les pertes de qualité des récoltes, j’émets un avis défavorable sur vos amendements.

Concernant l’article 4, j’ajoute que l’un de mes amendements, qui ne sera pas débattu mais que je présenterai en séance, visait à pérenniser l’Observatoire national de la pousse de l’herbe (ONPH), réseau de fermes de référence créé par le biais d’un appel d’offres lancé en 2023 par le ministère de l’agriculture afin de produire des données issues du terrain et de valider l’indice de pousse de l’herbe. Je souhaiterais que cette structure, qui n’a pas vocation à perdurer, soit pérennisée.

Mme Aurélie Trouvé, présidente. Ces trois amendements ont été soumis au président de la commission des finances, qui les a déclarés recevables.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE433 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement de repli reprend, en les simplifiant, des éléments de l’amendement CE735. Il conserve la référence à des indicateurs de qualité reconnus comme la teneur en PDIA, la teneur en protéines digestibles dans l’intestin grêle permises par l’azote apporté par l’aliment (PDIN), l’unité fourragère ou le taux de matière sèche. Cela vise à améliorer la prise en compte de l’impact économique, pour l’agriculture, de la baisse de la qualité des récoltes liée aux aléas climatiques, en complément de la dimension quantitative, seul critère retenu par les régimes assurantiels.

M. Julien Dive, rapporteur. Votre argumentaire mélange assurance destinée aux prairies et comparaison de la pousse de l’herbe. Or cette dernière existe déjà. L’assurance indicielle conventionnée pour les prairies repose en effet sur l’indice de mesure de pousse, alimenté par des images satellitaires et élaboré sur la base de comparaisons avec les quelque 350 fermes de référence de l’Observatoire de la pousse de l’herbe, que mon amendement CE799 vise à pérenniser.

J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement.

M. Benoît Biteau (EcoS). La spécificité de cet amendement est d’introduire une dimension qualitative dans l’évaluation de la perte de récolte due à un événement climatique affectant les prairies.

M. Julien Dive, rapporteur. Les représentants de France Assureurs nous ont indiqué que ce risque pouvait être couvert par des assurances complémentaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE738 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). La question de l’assurance est récurrente pour les agriculteurs, notamment en matière de dommages climatiques. Afin de mieux appréhender le pilotage des logiques assurantielles, cet amendement sollicite la création d’une instance de suivi pluriannuel des décisions prises par les comités techniques dans le cadre des évaluations des besoins d’indemnisation suite à des pertes de récolte liées à des événements climatiques. Il s’agirait notamment d’évaluer la récurrence et l’impact de ces décisions sur le monde agricole.

M. Julien Dive, rapporteur. Sans doute reconnaîtrez-vous avec moi la nécessité de disposer d’un indicateur comparatif de pousse de l’herbe. Tel est l’objectif de l’ONPH, dont la pérennisation permettra de multiplier les références disponibles. L’activité du comité national d’observation de l’assurance récoltes que vous suggérez de créer serait donc redondante. Je vous propose par conséquent de retirer votre amendement et de travailler avec moi à l’amélioration de l’amendement que je n’ai pas pu défendre et que je compte déposer en séance, en y intégrant les objectifs attachés à la création de ce comité.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Quels sont le rôle, la composition et l’apport de l’Observatoire national de la pousse de l’herbe ? Ces informations nous seraient utiles dans le cadre de l’étude du projet de loi de simplification, où sont analysées les activités de divers comités et observatoires. (Sourires.)

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet observatoire pourrait s’attacher à régler les problèmes d’une assurance récoltes promue par le Gouvernement et qui place les agriculteurs dans une situation d’impasse face au changement climatique.

Nous soutiendrons l’amendement CE433, dans la mesure où la réforme de l’assurance récoltes crée des injustices et rend le système moins solidaire. De nombreux agriculteurs se trouvent en effet dans l’obligation de recourir à des assureurs privés et beaucoup d’entre eux ne sont pas correctement assurés. Nous souhaitons donc la création d’un fonds professionnel mutuel et solidaire au niveau national. Dans ce cadre, bénéficier des apports du comité national d’observation de l’assurance récoltes permettrait notamment d’appréhender les impacts négatifs des décisions prises sur nombre d’agriculteurs, qui se trouvent dans l’impossibilité de souscrire une assurance pour faire face aux conséquences des aléas climatiques.

M. Julien Dive, rapporteur. L’indice de pousse de l’herbe est élaboré grâce à des images fournies par un satellite Airbus, dont le cahier des charges a été conçu sur la base des données en provenance d’un réseau composé d’une centaine de fermes de référence. Une fois le satellite en fonctionnement, ce réseau est quelque peu tombé en désuétude. Désireux de disposer d’un comparatif afin d’évaluer la pousse de l’herbe, M. Marc Fesneau, alors ministre de l’agriculture, a lancé en 2024 un appel à projets relatif à la création d’un Observatoire national de la pousse de l’herbe, copiloté par Chambres d’agriculture France et l’Institut de l’élevage. L’observatoire s’appuie sur un réseau de trois cent cinquante fermes réparties sur l’ensemble du territoire, dans lesquelles sont installés des herbomètres permettant de vérifier que l’indice fixé est conforme aux mesures effectuées sur le terrain et aux images satellitaires. Il s’agit donc d’une démarche contradictoire visant à fiabiliser l’indice. Cet observatoire ne vient en aucun cas alourdir le système, mais constitue un outil de sécurité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE477 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Il s’agit de compléter la couverture des risques pour les récoltes, en ajoutant aux aléas climatiques les risques liés aux espèces invasives, comme les sangliers et les choucas des tours. Le tribunal administratif de Rennes a annulé l’arrêté préfectoral autorisant le prélèvement, dans le Finistère, des choucas des tours, lesquels sinistrent les plants d’oignons et d’échalotes ainsi que les mottes de choux-fleurs. Les sangliers prolifèrent également, à la faveur du climat océanique, dans un certain nombre de territoires où ils causent des dégâts considérables. Il nous semblerait par conséquent intéressant de réfléchir à l’intégration de cette dimension dans le risque assurantiel, au bénéfice des agriculteurs.

M. Julien Dive, rapporteur. Le sujet de la dégradation des cultures par des espèces invasives, si important soit-il, me paraît sortir du périmètre de nos réflexions sur l'assurance récoltes en lien avec les aléas climatiques. Sagesse.

M. Thierry Benoit (HOR). Je soutiens cet amendement pragmatique, qui invite à l’exploration de risques grandissants ignorés par le système assurantiel.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Je comprends l’argumentaire du rapporteur. Cet amendement intéressant, que la plupart des membres du groupe soutiendront, vise un problème bien réel et soulève parallèlement la question du financement de telles expérimentations, sur laquelle nous devrons nous pencher.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous voterons pour cet amendement. Notons que nous avions déposé un amendement CE264, dont la finalité était comparable : il visait à expérimenter un mécanisme d’assurance socio-économique pour les pertes liées à des ravageurs, qui permettrait d’éviter l’usage de pesticides. Alors que l’amendement avait été adopté par la commission du développement durable et aurait pu faire consensus ici, il a été déclaré irrecevable. C’est dommage.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. L’amendement CE264 a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution à la suite de l’avis rendu par le président de la commission des finances. Je ne vais pas commenter la décision prise dans ce cadre.

M. Julien Brugerolles (GDR). L’excellent amendement de madame Thomin pose la question des limites du système assurantiel privé, qui ne couvre que les risques climatiques, alors qu’il devrait intégrer un volet sanitaire et environnemental – et donc la question des espèces invasives et des ravageurs.

Une ébauche d’outil existe, dont il faudrait conforter les missions et le financement : le FMSE. Nous pourrions ainsi prendre en compte les risques liés aux ravageurs.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je propose simplement une expérimentation. Elle mérite d’être tentée.

La prolifération des sangliers, qui pose de vrais problèmes, est liée au réchauffement climatique, mais aussi à la déprise de l’élevage et au développement des friches. Il faut mener une réflexion de fond pour dépasser le système actuel de couverture des dégâts liés aux espèces invasives. Actuellement, les fédérations de chasse doivent indemniser les dégâts causés par le grand gibier, ce qui entraîne un grave déficit pour beaucoup d’entre elles. Cela pose la question de la responsabilité de l’État.

M. Julien Dive, rapporteur. Je me range à l’avis des commissaires. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE429 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous demandons un rapport, afin de dresser un état des lieux de l’offre assurantielle proposée aux agriculteurs concernant les événements climatiques.

En 2023, seulement 9 % des prairies et 10,7 % des surfaces dédiées à l’arboriculture étaient assurées. Ces taux progressent, mais restent insuffisants au vu de l’augmentation des risques liés à l’accélération du dérèglement climatique, qui menace la possibilité même d’assurer les fermes françaises.

Le système instauré par la loi Descrozaille repose sur le versement de subventions publiques massives aux compagnies d’assurance privées. Ce modèle doit nous interroger. Le rapport demandé permettrait d’évaluer l’adéquation de l’offre actuelle aux besoins et de réfléchir à d’autres voies, dont la création d’un fonds mutualiste et solidaire qui échapperait aux assurances privées.

M. Julien Dive, rapporteur. Comme vous le savez, le règlement de l’Assemblée nationale prévoit un rapport sur la mise en application des lois, six mois après leur entrée en vigueur, et une évaluation de leur impact, trois ans après leur entrée en vigueur – pour la loi Descrozaille, ce sera donc en 2026. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE793 de M. Pascal Lecamp

M. Pascal Lecamp (Dem). Le réseau de trois cent cinquante fermes de référence installé par monsieur Fesneau quand il était ministre de l’agriculture a été complété par 151 fermes en 2025. Il compte donc désormais cinq cents fermes. Des mesures prises par deux techniques différentes dans ce réseau permettraient de compléter les observations satellitaires d’Airbus – dont les représentants eux-mêmes m’ont confié, quand j’étais commissaire aux finances, qu’elles n’étaient pas satisfaisantes.

Le plan pluriannuel de renforcement de l’offre d’assurance récoltes destinée aux prairies, que le Gouvernement a fait inscrire à l’article 4 lors de l’examen du texte au Sénat, doit donc inclure les mesures prises dans les fermes de référence.

Quant à l’amendement CE793, il a pour objet la production d’un rapport sur l’évolution du coût des primes d’assurance récoltes. L’État verse 650 millions d’euros pour subventionner cette assurance, ce qui correspond au taux maximum de subventionnement permis par l’Union européenne (70 %). Or malgré une telle montée en puissance des subventions, dès la première année, les primes d’assurance ont augmenté de manière disproportionnée. Cela freine les nouvelles souscriptions.

M. Julien Dive, rapporteur. Comme je l’ai indiqué, la loi Descrozaille sera évaluée trois ans après son entrée en vigueur, qui a eu lieu le 2 mars 2022. Cela permettra de nourrir nos débats sur l’assurance récoltes.

Votre rapport permettrait toutefois de connaître dès maintenant quels moyens l’État a mis sur la table – pour l’heure, nous n’avons pas ces données, pourtant utiles au travail parlementaire. Avis de sagesse.

M. Pascal Lecamp (Dem). Depuis deux ans, cette ligne représente 660 millions d’euros sur le budget du ministère de l’agriculture, qui est de cinq milliards d’euros : ce n’est pas rien. La représentation nationale doit savoir comment ces fonds sont utilisés, au regard du montant des primes d’assurance versées par les agriculteurs.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE723 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Afin d’augmenter la transparence sur leurs prestations, nous demandons que les assureurs transmettent annuellement au Haut-Conseil pour le climat des informations sur le volume de contrats souscrits, les conditions de tarification et d’exclusion et le montant des aides publiques perçues au titre de la subvention de l’assurance multirisque climatique – on sait que c’est beaucoup d’argent. Ces informations seraient ensuite rendues accessibles à tous.

M. Julien Dive, rapporteur. Les assureurs remettent déjà, chaque année, des bilans d’application pour l’assurance récoltes à la commission chargée de l’orientation et du développement des assurances garantissant les dommages causés aux récoltes (Codar), aux termes de l’article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime. Votre amendement est donc satisfait.

Mme Delphine Batho (EcoS). Non, il ne l’est pas. Le Haut-Conseil pour le climat, un organe très utile, publie chaque année un rapport sur l’évolution des émissions de gaz à effet de serre et l’impact du changement climatique en France.

Or l’agriculture est la première victime du changement climatique et la situation, déjà dramatique, ne va pas s’arranger. Nous souhaitons donc que ses conséquences pour celle-ci soient suivies annuellement par le Haut-Conseil pour le climat, à travers les informations dont monsieur Biteau demande le transfert.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Cet amendement est intéressant. Il fait le lien entre l’impact des aléas climatiques sur l’agriculture, qui risque encore de s’aggraver dans les prochaines années, et le système assurantiel. Il permettra de savoir si le système assurantiel est adapté ou s’il devra évoluer.

M. Julien Dive, rapporteur. Je n’ai aucune objection de fond concernant vos arguments. Le problème concerne la procédure : cet amendement ferait double emploi. La loi prévoit déjà la transmission des éléments à la Codar. Le Haut-Conseil pour le climat peut donc déjà demander au Gouvernement ces documents administratifs, s’il en a besoin.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE431 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous demandons qu’un rapport étudie l’opportunité de créer un fonds professionnel mutuel et solidaire pour la gestion des risques climatiques. De fait, le système assurantiel actuel, qui mobilise d’importantes subventions publiques au profit des assureurs privés, montre ses limites.

Le système envisagé permettrait de mutualiser les risques entre les paysans ; il serait financé par divers acteurs de la chaîne alimentaire et encadré par l’État et l’Europe. Il permettrait une couverture universelle de base pour toutes les fermes, toutes les cultures et tous les systèmes, y compris les plus diversifiés. Sa gouvernance serait partagée, avec une majorité paysanne. L’État jouerait un rôle d’arbitre ; au niveau local, ce rôle reviendrait aux directions départementales des territoires. Le taux d’indemnisation, de 100 % jusqu’à un plafond d’actifs, serait ensuite dégressif. Enfin, le recours à une assurance privée complémentaire serait possible, sans subvention de la politique agricole commune.

M. Julien Dive, rapporteur. Je l’ai déjà annoncé, une évaluation de la loi Descrozaille aura lieu. Certes, celle-ci n’abordera pas forcément le sujet qui vous intéresse.

J’ai émis un avis de sagesse sur l’amendement de monsieur Lecamp, car il permettra d’obtenir du Gouvernement des informations utiles aux parlementaires sur le système actuel, dans lequel des centaines de millions d’euros ont déjà été investies. Votre amendement, en revanche, vise à étudier l’opportunité de créer un système concurrent. Cela reviendrait à créer un précédent et à ouvrir un nouveau débat. J’émets toutefois un avis de sagesse, puisque j’en ai donné un sur l’amendement de monsieur Lecamp.

M. Dominique Potier (SOC). Cet amendement est différent de celui de monsieur Lecamp, car il ouvrirait un travail de prospective. Nous ne pourrons engager la transition écologique sans assurance sociale et économique de tous les acteurs. Les agriculteurs doivent être protégés des malheurs, mais aussi libres d’expérimenter des solutions novatrices. Ceux qui innovent prennent le risque de l’échec : ils jouent un rôle essentiel et doivent être assurés – les amendements de monsieur Biteau concernant les référentiels des assurances allaient dans le même sens. Bref, nous sommes très favorables au présent amendement.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous constatons déjà que le système assurantiel actuel ne sera pas adapté au changement climatique. Le rapport demandé, qui porte sur un fonds professionnel reposant sur la mutualisation et la solidarité face aux risques climatiques, me semble dont très pertinent.

M. Julien Brugerolles (GDR). Je suis également très favorable à l’amendement. La question centrale, celle de l’universalité de la couverture, serait traitée dans ce rapport. Nous ne pouvons laisser toute une partie, voire la majorité des producteurs sans couverture assurantielle – dans des secteurs tels que l’élevage, le taux de couverture reste très faible.

Or la couverture de l’ensemble des producteurs avec le système privé actuel demanderait des fonds publics considérables, puisque ce système est subventionné à 70 %. Ces sommes seraient plus utiles dans un fonds tel que celui présenté par monsieur Biteau.

M. Benoît Biteau (EcoS). Monsieur le rapporteur, je salue votre cohérence. Soyez rassuré, ce rapport ne « télescopera » pas celui demandé par monsieur Lecamp sur l’usage des fonds engagés par la loi Descrozaille. Au contraire, il l’alimentera et permettra de mieux traiter les difficultés rencontrées par les agriculteurs à cause du changement climatique. Les deux rapports seront plutôt complémentaires.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE444 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). L’amendement a pour objet la production d’un rapport comparant l’impact des événements climatiques extrêmes sur les cultures issues de l’agriculture biologique et sur les cultures conventionnelles. Nous pourrons ainsi savoir si les systèmes agroécologiques et d’agriculture biologique sont plus résilients que les autres. Si c’était le cas, ils seraient plus assurables face aux risques climatiques. Nous avons besoin d’objectiver cette question par la science.

M. Julien Dive, rapporteur. Je suis d’accord avec vous, il faut objectiver cette question par la science. Mais le Gouvernement n’est pas la science. Il faudrait donc plutôt solliciter l’Inrae. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE724 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Les événements climatiques ont un impact sur la qualité des récoltes quand ils forcent à différer ces récoltes ou en cas d’inondation, par exemple. Par cet amendement de repli, nous demandons un rapport afin d’étudier cet impact, afin de l’intégrer aux indemnités prévues dans le cadre de l’assurance multirisque climatique.

Ce rapport prendra en compte des indicateurs reconnus par la science tels que les taux de PDIE, de PDIA, de matière sèche et d’unités fourragères des récoltes. La question de la qualité est supposée être déjà couverte par les contrats d’assurance, mais notre devoir de législateur est de proposer des indicateurs reconnus et incontestables pour améliorer les choses.

M. Julien Dive, rapporteur. Ce sujet mérite plus qu’un rapport. Il devrait être intégré au plan pluriannuel de renforcement de l’offre d’assurance récoltes destiné aux prairies. Nous pourrons aborder ce sujet en séance. Je le traitais dans un amendement qui est tombé. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Article 7 : Création d’un cadre légal pour l’introduction dans l’environnement de macro-organismes utilisés à des fins de lutte autocide

Amendements de suppression CE210 de la commission du développement durable, CE14 de M. Benoît Biteau et CE397 de M. Loïc Prud’homme

M. Benoît Biteau (EcoS). La lutte autocide est présentée comme une alternative miracle aux pesticides, mais c’est un leurre. Aucune solution purement technique ne saurait remplacer la transition agroécologique. Nous devons restaurer la biodiversité ; or le développement des luttes autocides pénaliserait ce travail.

Par ailleurs, le forçage génétique peut avoir des conséquences très ennuyeuses. Ne jouons pas aux apprentis sorciers : ces techniques peuvent mener les écosystèmes à des dérèglements en cascade, qui deviennent incontrôlables. Nous demandons donc la suppression de l’article.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous sommes favorables à la lutte biologique, qui peut encore être améliorée. Toutefois, selon nous, la science manque encore de recul concernant l’impact du recours à des insectes stériles ou incompatibles sur la biodiversité et sur les espèces d’insectes sauvages, y compris celles qui ne sont pas nuisibles.

Il serait ainsi prématuré d’inscrire dans la loi des dispositions en faveur de la lutte autocide. Les expérimentations doivent être poursuivies.

M. Julien Dive, rapporteur. L’article est complexe. J’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois pour le comprendre. L’exposé des motifs de l’amendement qui a introduit cet article au Sénat n’est peut-être pas assez précis et je comprends vos préoccupations.

Dans les années 1990 et 2000, des agriculteurs ont recouru à la lutte biologique, en introduisant des coccinelles asiatiques non stériles. Or ces coccinelles, dont l’espèce n’est pas indigène, ont proliféré, empiétant sur l’espace naturel de la coccinelle européenne.

Un cadre légal a donc été fixé pour soumettre la lutte biologique reposant sur l’introduction d’espèces non indigènes à une autorisation préalable. L’article 7 ne vise pas à revenir sur cette interdiction, contrairement à ce que vous indiquez : il vise simplement à clarifier le fait que l’introduction, dans le cadre de la lutte autocide, d’une espèce indigène stérilisée – une mouche stérile, par exemple – doit également être soumise à autorisation. De fait, dans le droit en vigueur, c’est déjà le cas, mais certains acteurs ne le savaient pas et se plaçaient dans l’illégalité. L’article ne crée donc pas de risque supplémentaire.

Mme Hélène Laporte (RN). Nous cherchons en vain une logique dans la position des écologistes sur cet article.

Vous vous opposez à toutes les solutions chimiques dans la lutte contre les espèces nuisibles. Aucune molécule de synthèse n’est acceptable à vos yeux, car vous considérez que leur utilisation est, par nature, une menace pour la santé humaine et l’environnement. Nous ne partageons pas cette ligne, qui nie toute possibilité d’un rapport bénéfice-risque favorable – mais du moins a-t-elle sa logique.

Or ici, alors que vous ne cessez de marteler qu’il existe des solutions alternatives biologiques aux pesticides, vous vous opposez de toutes vos forces à la proposition de permettre, pour prévenir la prolifération d’espèces invasives, l’introduction d’individus stériles dans un cadre légal nous prémunissant de tout débordement.

Certes, nous ne pouvons pas nous prononcer avec certitude sur l’efficacité de ces méthodes, mais sur quel fondement en bannir le principe même ? Comme pour le nucléaire et les nouvelles techniques génomiques (NTG), vous nous rappelez que vous êtes moins les défenseurs de l’environnement que des opposants à toute perspective d’innovation.

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous ne nous opposons pas à la lutte biologique. Nous proposons d’en rester à l’introduction d’insectes stériles, méthode qui a démontré son efficacité et qui ne pose pas de problème.

Nous défendons ces amendements de suppression car nous nous opposons à l’autorisation de la technique de l’insecte incompatible, sur laquelle nous avons beaucoup moins de recul et qui pourrait menacer des populations utiles dans la lutte biologique.

Quant au forçage génétique, c’est vraiment une technique d’apprenti sorcier, comme le soulignent les conclusions de l’arrêt du 25 juillet 2018 de la Cour de justice de l’Union européenne. Appliquons un principe de précaution.

M. Dominique Potier (SOC). Je comprends le dilemme du rapporteur sur l’introduction d’insectes indigènes stériles afin de limiter le caractère invasif de leur espèce. Le sujet est complexe. L’article tendrait plutôt à améliorer le cadre existant, mais il nous reste des questions et nous souhaitons que l’Anses soit mieux associée à ces sujets.

Le régime d’autorisation actuel est-il soumis à une étude préalable, avec des tests autres que ceux de laboratoire ? Si oui, par quelle organisation ces tests sont-ils validés ? Ce cadre peut-il être renforcé ? Nous n’avons pas d’a priori négatif concernant la technique visée, mais, avant de nous prononcer, nous voulons être sûrs que nous ne jouons pas aux apprentis sorciers.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous ne disposons pas du recul suffisant sur ces techniques. L’exemple de la coccinelle asiatique montre bien l’effet que peuvent avoir ces techniques d’apprenti sorcier consistant à introduire de nouvelles espèces ou de nouveaux individus.

Ces techniques pourraient sembler plus acceptables que le recours aux pesticides, mais elles aussi conduisent à transformer le milieu. Il existe, en revanche, des techniques de lutte biologique reposant sur l’utilisation du milieu lui-même, par exemple celles consistant à favoriser la présence d’espèces auxiliaires, qui régulent le nombre de ravageurs, en recréant des haies et des infrastructures agroécologiques. Bien sûr, c’est une démarche plus complexe et qui demande davantage d’actifs. C’est pour cela que nous encourageons une agriculture riche en agriculteurs et agricultrices.

M. Éric Martineau (Dem). Il ne faut pas s’interdire des recherches. Les études montrent que certains insectes ne s’accouplent qu’une fois au cours de leur vie. Le lâcher de femelles stérilisées, en serre ou dans des cultures de plein champ, permettrait d’économiser, voire de supprimer, le recours à certains insecticides. Cette technique doit être bien encadrée. Elle ne doit pas être interdite.

M. Julien Dive, rapporteur. Oui, monsieur Potier, la question est très complexe. Les écologistes devraient défendre ce genre d’article, qui vise à encadrer des utilisations non conformes et hors le cadre des autorisations préalables.

Actuellement, certains recourent à des insectes stériles sans bénéficier d’une telle autorisation. C’est pour éviter cela que nous proposons cet article.

Monsieur Biteau, nous nous retrouvons sur certains points. Soyez rassuré, j’ai déposé un amendement visant à interdire le forçage génétique. Monsieur Potier, je suis également favorable à un renforcement du cadre scientifique. L’Anses est déjà saisie de la question ; vous proposez d’y associer l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) : j’y serai favorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous pouvons retirer nos amendements de suppression, si tous les commissaires sont d’accord pour soumettre l’introduction d’insectes stériles à autorisation et pour interdire le forçage génétique.

M. Julien Dive, rapporteur. J’ai bien déposé un amendement CE775 pour interdire le forçage génétique, mais je ne peux pas garantir le vote de la commission.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE767 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 2, car la nouvelle rédaction ne mentionne plus la lutte biologique. Cette dernière est indispensable pour réguler naturellement les populations de ravageurs et elle est plus respectueuse de la biodiversité. La lutte biologique et la lutte autocide sont deux méthodes complémentaires, qu’il convient de ne pas opposer.

M. Julien Dive, rapporteur. Cet alinéa constitue le cœur du dispositif : le supprimer revient à vider l’article de son contenu. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE768 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Dans le même esprit, l’amendement souligne la complémentarité potentielle entre la lutte biologique et la lutte autocide. Nous proposons de combiner les deux approches dans une stratégie intégrée de protection des cultures. La lutte biologique permet en effet de diminuer la pression initiale exercée par le ravageur. Il est possible d’améliorer le texte en trouvant un équilibre entre les deux techniques.

M. Julien Dive, rapporteur. La lutte autocide est une forme de lutte biologique. Je vous demande de retirer l’amendement, au profit du CE802 qui suit.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je comprends votre observation : notre groupe réfléchira d’ici à la séance publique aux moyens de valoriser davantage la lutte biologique.

L’amendement est retiré.

Amendement rédactionnel CE802 de M. Julien Dive

M. Julien Dive, rapporteur. Cet amendement rédactionnel clarifie l’intitulé du chapitre VIII.

J’en profite pour préciser que l’article 7 résulte d’un amendement du Gouvernement.

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement n’est pas anodin. On essaie de classer la lutte autocide dans la lutte biologique. Mais la lutte autocide comprend trois techniques : les insectes stériles, les insectes incompatibles et le forçage génétique.

Il aurait fallu préciser que seule la technique des insectes stériles est considérée comme biologique. Dès que l’on envisage d’utiliser les insectes incompatibles ou le forçage génétique, on prend le risque que ces techniques se retournent contre nous.

C’est la raison pour laquelle je ne peux pas soutenir cet amendement.

M. Julien Dive, rapporteur. Le titre actuel du chapitre VIII du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime est le suivant : « Macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux, notamment dans le cadre de la lutte biologique ». Je propose d’en supprimer la fin, à partir de « , notamment » – cet adverbe n’a d’ailleurs aucun sens en droit.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements identiques CE40 de M. Benoît Biteau et CE398 de Mme Mathilde Hignet tombent.

Amendement CE773 de M. Julien Dive

M. Julien Dive, rapporteur. Les insectes stériles utilisés actuellement dans le cadre de la lutte autocide ne sont pas indigènes, puisqu’ils ont été modifiés et ne sont pas présents à l’état naturel. Mais comme ils appartiennent à la même espèce que le nuisible visé, beaucoup d’agriculteurs les considèrent comme indigènes et pensent à tort que leur utilisation n’est pas soumise à autorisation préalable.

L’article 7 vise à clarifier la législation, mais n’y parvient pas complètement. Il semble en effet introduire une base légale pour la lutte autocide distincte de celle qui existe pour la lutte biologique, alors que la lutte autocide est une forme de lutte biologique.

La rédaction proposée par cet amendement précise bien que les insectes stériles ne sont pas indigènes et qu’ils sont, de ce fait, soumis au régime d’autorisation préalable. De plus, l’amendement mentionne que cette autorisation concerne les insectes stériles « utiles aux végétaux », afin d’exclure de ce régime d’autorisation aussi bien les macro-organismes nuisibles – qui sont interdits dans tous les cas – que ceux utilisés pour d’autres objectifs.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous sommes favorables à cet amendement. La précision apportée au régime d’autorisation des macro-organismes non indigènes est importante.

M. Benoît Biteau (EcoS). Comme je l’avais annoncé précédemment, nous voterons pour cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE41 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). L’amendement propose que le ministre chargé de la santé soit associé à l’arrêté autorisant l’introduction d’un macro-organisme. Il faut évaluer tous les effets possibles de la lutte biologique et de la technique de l’insecte stérile, afin de vérifier encore davantage leur innocuité – ou en tout cas leur neutralité.

M. Julien Dive, rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

Mme Delphine Batho (EcoS). On peut recourir à la technique de l’insecte stérile pour lutter contre d’autres insectes vecteurs de maladie, comme le moustique tigre. Il est donc utile que le ministère de la santé soit associé à la délivrance des autorisations d’introduction.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Mon amendement CE762 prévoit également d’associer le ministère de la santé à la procédure d’autorisation d’introduction de macro-organismes non indigènes. Je le retirerais si l’amendement de M. Biteau était adopté.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE769 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mélanie Thomin (SOC). Cet amendement prévoit de confier à l’Anses et à l’Inrae l’analyse des risques phytosanitaire et environnemental liés à l’introduction de macro-organismes, afin de disposer d’une évaluation indépendante et rigoureuse.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis favorable.

M. Dominique Potier (SOC). Nous devons prendre toutes les précautions nécessaires. L’utilisation des produits phytosanitaires a montré qu’il fallait aussi vérifier ce qui se passe in situ. Tel est l’objet du dispositif de phytopharmacovigilance, financé par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Notre groupe proposera en séance publique d’étendre cette surveillance à d’autres techniques afin, d’une part, de vérifier qu’elles n’entraînent pas d’effets pervers qui n’auraient pas été identifiés en laboratoire et, d’autre part, de permettre, le cas échéant, un arrêt anticipé de ces pratiques.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement CE762 de Mme Mélanie Thomin est retiré.

Amendement CE42 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement prévoit de limiter la dérogation à l’autorisation préalable à la manipulation de macro-organismes aux seuls travaux réalisés à des fins scientifiques et de façon confinée, afin de garantir une sécurité sanitaire maximale. Il s’agit de renforcer les mesures de protection destinées à éviter les zoonoses : des chauves-souris ou des pangolins s’échappent parfois… et cela provoque des désastres.

M. Julien Dive, rapporteur. Je précise que les serres ne sont pas considérées comme des espaces confinés.

Votre amendement permet une clarification. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE775 de M. Julien Dive

M. Julien Dive, rapporteur. Comme je l’ai annoncé précédemment, cet amendement exclut expressément le forçage génétique des techniques de lutte autocide qui peuvent être autorisées dans le cadre de l’article L. 258-1 du code rural.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous soutenons cet amendement.

Nous remercions le rapporteur pour les améliorations techniques qu’il a proposées et le débat constructif que nous avons mené.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CE399 de M. Loïc Prud’homme et CE763 de Mme Mélanie Thomin

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement CE399 est satisfait grâce à l’adoption de l’amendement CE41 de monsieur Biteau.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Mon amendement a également pour objet d’associer le ministère chargé de la santé à la procédure d’autorisation, mais il ne porte pas sur le même alinéa que celui de monsieur Biteau.

M. Julien Dive, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

Amendement CE798 de M. Julien Dive

M. Julien Dive, rapporteur. Cet amendement résulte d’échanges, notamment lors des auditions, avec des représentants de l’interprofession et de syndicats apicoles. Les agents de l’Office national des forêts (ONF) interdisent parfois l’installation de ruches dans les forêts domaniales, au motif qu’il faut protéger les abeilles sauvages des abeilles domestiques. Pour les apiculteurs, cette position est ubuesque.

L’amendement prévoit qu’une concertation soit organisée, afin d’atteindre un point d’équilibre permettant aux apiculteurs d’installer des ruches dans les forêts domaniales. L’ONF nous a indiqué qu’une révision des conventions était en cours par endroits.

Mme Delphine Batho (EcoS). On ne crée pas un article de loi pour corriger une note de service ! Mais les difficultés évoquées par le rapporteur sont réelles.

Par ailleurs, on assiste à l’effondrement des populations d’insectes. Le manque de nourriture, qu’il soit lié à l’évolution des pratiques agricoles ou au changement climatique, induit un risque de concurrence entre les abeilles domestiques et les pollinisateurs sauvages.

Nous ne savons pas sur quelle base la note de service de l’ONF a été rédigée. Il faut procéder à des corrections et rétablir le dialogue. Nous sommes globalement d’accord avec l’intention de l’amendement, mais la ministre pourra apporter des explications en séance publique. Le problème doit être réglé autrement qu’en adoptant un article législatif.

M. Dominique Potier (SOC). Nous soutenons votre amendement, monsieur le rapporteur.

Je reviens sur les modifications que nous avons adoptées à l’article 7 s’agissant de la régulation de l’utilisation des macro-organismes. Valent-elles également pour la sylviculture ? Je pense notamment à la lutte contre les scolytes. Des recherches bénéficiant à la fois à l’agriculture et à la forêt sont-elles menées ?

M. Julien Dive, rapporteur. Je dois dire avec humilité que je n’ai pas les réponses à ces questions. Lorsque vous avez évoqué la sylviculture, j’ai tout de suite pensé aux scolytes. Je présume que, par extension, la sylviculture est concernée par le dispositif – mais cela mérite d’être vérifié.

Madame Batho, il faudra interroger la ministre Agnès Pannier-Runacher, puisque l’ONF relève du ministère de la transition écologique et non du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Je ne sais pas quelle ministre sera au banc quand nous examinerons cet amendement, mais la question méritera de lui être posée.

Le sujet a été abordé lors des discussions avec les apiculteurs. L’ONF m’a ensuite fourni des informations et j’ai pris connaissance d’une nouvelle version de la note de service, qui va dans le bon sens, après avoir déposé mon amendement. Ce dernier est le fruit des auditions. J’espère qu’il permettra d’obtenir des éclaircissements et qu’il contribuera à lever certaines entraves.

La commission adopte l’amendement.

Article 8 : Habilitation à légiférer par ordonnance pour adapter le régime de prévention et de sanction des atteintes à la protection des végétaux

Amendements de suppression CE209 de la commission du développement durable, CE4 de Mme Delphine Batho, CE400 de Mme Mathilde Hignet, CE545 de M. David Taupiac et CE598 de Mme Mélanie Thomin

Mme Delphine Batho (EcoS). De manière générale, nous ne sommes pas favorables aux ordonnances – et nous sommes particulièrement opposés à cet article, qui habilite le Gouvernement à légiférer de cette manière. Les débats montrent qu’il s’agit de sujets sensibles ayant des conséquences en matière environnementale, de santé publique et de production agricole.

Il ne faut pas que le législateur se dessaisisse lorsqu’il s’agit de modifier des régimes de sanction.

Soit le Gouvernement sait ce qu’il veut réformer et, dans ce cas, il lui revient de déposer un projet de loi ou un amendement ; soit il ne le sait pas et nous refusons de lui signer un chèque en blanc.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous souhaitons supprimer cet article, car nous sommes, nous aussi, opposés au fait que le Gouvernement légifère par ordonnance sur des sujets qui ne font l’unanimité ni au Parlement, ni au sein de la population, et qui méritent un véritable débat démocratique.

M. David Taupiac (LIOT). Autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance pose un problème. Nous demandons qu’il fasse connaître ses intentions et que l’on débatte de ses propositions au sein de notre assemblée.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Décider par ordonnance ne correspond pas à la doctrine de notre groupe quand il s’agit de traiter d’affaires sensibles comme les questions environnementales. Ces sujets méritent pleinement que le Parlement s’en saisisse. Le dialogue entre tous les acteurs de terrain doit primer et il revient à la représentation nationale de débattre et d’arbitrer, afin de parvenir à un équilibre entre les besoins des différents acteurs.

M. Julien Dive, rapporteur. Aucun parlementaire n’aime signer des chèques en blanc et confier son pouvoir au Gouvernement.

Il est exact que l’article 8, tel qu’il est rédigé, ne peut pas être adopté en l’état. Le Conseil constitutionnel exige qu’une habilitation soit encadrée de manière très précise. Ce n’est pas le cas ici, notamment en ce qui concerne le volet relatif aux sanctions pénales : l’habilitation permet au Gouvernement aussi bien d’ajouter des sanctions que de les supprimer ou de les remplacer.

Néanmoins, une partie de l’habilitation est nécessaire s’agissant des mesures de police administrative, car celles-ci ne sont pas efficaces.

Plutôt que de supprimer l’article, je propose, d’une part, de retirer du champ de l’habilitation le volet relatif aux sanctions pénales et, d’autre part, d’apporter des précisions sur ce champ en matière de mesures de police administrative.

Je demande le retrait des amendements au profit des CE776 et CE777, que j’ai déposés.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je vous remercie de nous donner acte qu’il y a quand même un problème. Cependant, les modifications que vous proposez n’empêcheront pas le Gouvernement de pouvoir abroger ou modifier les dispositions dites « inadaptées » ou « obsolètes », au nom de la simplification.

On peut comprendre que le Gouvernement souhaite légiférer par ordonnance sur des sujets très techniques comme le travail de codification. Mais, en l’occurrence, sa demande porte sur des enjeux de fond. Nous maintenons donc notre amendement de suppression.

M. Julien Dive, rapporteur. Si vous adoptez mes amendements, l’habilitation ne concernera plus que les mesures de police administrative.

La commission rejette les amendements.

Amendements CE776 de M. Julien Dive et CE401 de M. Loïc Prud’homme (discussion commune)

M. Julien Dive, rapporteur. Comme je l’ai déjà indiqué, je propose de retirer de l’habilitation le volet qui concerne les sanctions pénales, c’est-à-dire l’alinéa 2.

Je souligne que mon amendement va plus loin que l’amendement CE401.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous retirons l’amendement CE401 au profit de celui du rapporteur.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Je remarque que le Rassemblement national a voté en faveur de l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, ce qui est surprenant pour un groupe d’opposition.

L’amendement CE401 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE776.

En conséquence, l’amendement CE402 de Mme Mathilde Hignet tombe.

Amendements CE358 de M. Loïc Prud’homme et CE777 de M. Julien Dive (discussion commune)

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement CE358 propose de supprimer l’alinéa 3.

M. Julien Dive, rapporteur. Je propose, pour ma part, d’améliorer la rédaction de cet alinéa 3, en précisant que le champ de l’habilitation concerne seulement les mesures de police administrative.

L’avis est défavorable à l’amendement CE358.

La commission rejette l’amendement CE358 et adopte l’amendement CE777.

Elle adopte l’article 8 modifié.

Après l’article 8

Amendement CE679 de Mme Julie Ozenne

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement est issu des travaux menés par notre collègue Julie Ozenne dans le cadre de la mission d’information sur l’état des cours d’eau, dont elle est corapporteure. Il vise à améliorer le caractère dissuasif des sanctions en matière de pollution des cours d’eau.

M. Julien Dive, rapporteur. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons à l’examen des articles délégués au fond à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Lors de la réunion de la conférence des présidents du 3 décembre 2024, la présidente de l’Assemblée nationale a rappelé que cette délégation impliquait que la commission saisie au fond adopte tels quels les articles dont elle a délégué l’examen – une décision adoptée à l’unanimité par la conférence des présidents.

En l’espèce, nous avons délégué les articles 5 et 6 et les amendements portant articles additionnels avant ou après ces deux articles.

Avant de les adopter formellement, je vous demanderai de voter pour confirmer la volonté de notre commission de déléguer ces articles. Je précise que cela ne préjuge pas de la position de notre commission sur ces articles en séance : en clair, accepter la procédure de délégation ne signifie pas que notre commission approuve les choix de la commission du développement durable.

M. Julien Dive, rapporteur. Je ne voudrais effectivement pas que l’adoption formelle de ces articles soit interprétée comme reflétant la position de notre commission. Je m’abstiendrai donc lors de ce vote.

La commission confirme la délégation au fond des articles 5 et 6 et de l’ensemble des amendements portant articles additionnels avant ou après ces articles.

TITRE III – Faciliter la conciliation entre les besoins en eau des activités agricoles et la nécessaire protection de la ressource

Article 5 (examen délégué) : Reconnaissance de l’intérêt général majeur s’attachant aux prélèvements et ouvrages de stockage d’eau et création d’une nouvelle catégorie de zone humide

La commission adopte l’amendement CE211 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Elle adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5 (examen délégué) 

La commission adopte successivement les amendements CE212, CE214, CE215, CE216, CE213, CE218, CE220, CE224, CE225 et CE222 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Titre IV – Mieux accompagner les contrôles et dispositions diverses relatives aux suites liées aux inspections et contrôles en matière agricole

Avant l’article 6

La commission adopte l’amendement CE259 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Article 6 (examen délégué) : Organisation des contrôles relatifs à la police de l’environnement et amélioration des relations entre les agents chargés de cette police et les usagers

La commission adopte successivement les amendements CE226, CE227, CE229, CE230, CE232, CE234, CE236, CE237, CE239 et CE241 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Elle adopte l’article 6 modifié.

Après l’article 6 (examen délégué) 

La commission adopte successivement les amendements CE242, CE243 et CE244 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. Julien Dive, rapporteur. Je vous remercie pour ce travail constructif. Nos points de vue ont parfois divergé – c’est le propre d’un débat parlementaire –, mais toujours dans un respect mutuel qui a honoré nos débats.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je vous remercie également pour ce travail de grande qualité et pour ces débats de bonne tenue, malgré un agenda chargé.

 

 

 


Liste des personnes auditionnées

Par ordre chronologique

Table ronde avec les acteurs de la filière végétale :

Interfel (Interprofession de la filière des fruits et légumes frais)

M. Daniel Sauvaitre, président

M. Alexis Degouy, directeur général 

Intercéréales

M. Franck Laborde, membre du bureau et président de l’AGPM

Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB)

M. Philippe Heusele, secrétaire général

Mme Lauriane Chamot, responsable des affaires publiques 

Association nationale des producteurs de noisettes (ANPN)

M. Jérôme Bissières, vice-président

Confédération générale des planteurs de betteraves (CGPB)

M. Fabien Hamot, secrétaire général

M. Nicolas Rialland, directeur général 

Audition commune :

Coopération agricole

M. Dominique Chargé, président

M. Antoine Hacard, président de la coopération agricole métiers du grain

M. Bruno Colin, président du pôle animal

M. Thibault Bussonnière, directeur adjoint de la communication et des relations extérieures en charge des affaires publiques

Fédération du négoce agricole (FNA)

M. Olivier Bidaut, vice-président de la FNA, président de la commission agrofournitures

Mme Marie-Sophie Curtelet, déléguée générale

Mme Charlotte Chollet, directrice du pôle juridique, fiscal et social

M. Fabrice du Repaire, directeur général

Audition commune :

Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

M. Luc Smessaert, vice-président

M. Xavier Jamet, directeur des affaires publiques

Mme Nelly Le Corre Gabens, chef du service environnement

Jeunes agriculteurs

M. Julien Rouger, vice-président

Confédération paysanne

Mme Marie Pierre Repecaud, membre du comité national

Audition commune :

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses)

M. Benoît Vallet, directeur général

Mme Charlotte Grastilleur, directrice générale déléguée en charge du pôle produits réglementés

Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae)

M. Thierry Caquet, vice-président

M. Christian Lannou, directeur scientifique adjoint « agriculture »

M. Marc Gauchée, conseiller parlementaire et institutionnel

Table ronde avec les administrations du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire :

Cabinet de Madame Annie Genevard, Ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

Mme Anne Girel-Zajdenweber, conseillère biodiversité, planification écologique, stratégie écophyto et adaptation au changement climatique

M. Gaëtan Santos, conseiller en charge du Parlement et des élus locaux

Direction des affaires juridiques (DAJ)

M. Guillaume de la Taille Lolainville, directeur

Direction générale de l'alimentation (DGAL)

M. Emmanuel Koen, sous-directeur à la santé et protection des végétaux

M. Olivier Prunaux, sous-directeur adjoint

Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)

Mme Elodie Lematte, cheffe du service compétitivité et performance environnementale des entreprises

Direction générale de la prévention des risques (DGPR) - Service santé environnement économie circulaire

M. Philippe Bodenez, chef de service

Coordination rurale

Mme Véronique Le Floc'h présidente

M. Patrick Legras porte-parole

Chambres d’agriculture France

M. Sébastien Windsor, président

Mme Alix David, chargée de mission affaires publiques

Phyteis

M. Yves Picquet, président

Mme Emmanuelle Pabolleta, directrice générale

Mme Eléonore Leprettre, directrice de la communication et des affaires publiques

M. Thibault Loncke, conseil

Table ronde :

France assureurs

M. Christophe Delcamp, directeur des assurances de dommages et responsabilité

Mme Constance Hélias, chargée de mission « Affaires parlementaires et gouvernementales »

Crédit Agricole Pacifica

M. Bertrand Schaefer, secrétaire fédéral de la Fédération nationale du Crédit agricole

M. Jean-Michel Geeraert, directeur du marché de l’agriculture et de la prévention

Groupama

M. Gwénaël Simon, directeur assurances « Particuliers, Professionnels, Agricole et Construction »

M. Pascal Viné, directeur des « Relations institutionnelles et des orientations mutualistes »

InterApi

M. Éric Lelong, président

Table ronde :

Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)

M. Robert Barouki, professeur et directeur de l’institut thématique santé publique

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

M. Philippe Grandcolas, directeur de recherche et directeur adjoint scientifique au sein du département écologie et environnement

Centre d’études biologiques de Chizé (CEBC)

M. Vincent Bretagnolle, directeur de recherche

Fédération nationale d’Agriculture biologique (FNAB)

M. Philippe Camburet, président

Mme Sophia Majnoni, déléguée générale

M. Félix Lepers, chargé de mission réglementation et politiques publiques

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


   avis fait au nom de la commission dU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

I.   Examen des articles pour avis (articles ayant fait l’objet d’un avis simple)

Pour la présentation de l’examen des articles pour lesquels la commission des affaires économiques a sollicité d’avis au fond de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire (délégation au fond à cette commission des articles 5 et 6 et des amendements liés), se référer au rapport au fond précédemment présenté dans ce document.

titre Ier a (nouveau)
mettre fin à la concurrence déloyale

Avant l’article 1er, la commission a adopté l’amendement CD15 de Mme Delphine Batho (EcoS) portant création du titre Ier A « Mettre fin à la concurrence déloyale ».

Introduit par la commission

 

La mise en vente de denrées alimentaires et produits agricoles destinés à la consommation pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques non autorisés par la réglementation européenne, ou qui ne respectent pas les exigences d’identification et de traçabilité de cette dernière, est interdite.

L’article 1er A, créé par la commission, renforce les exigences pour les produits importés, dans le cadre des mesures conservatoires prises par l’autorité administrative, notamment en :

- fixant les limites maximales de résidus de pesticides non approuvés dans l’Union européenne au seuil de détection ;

- prenant en compte les méthodes de production des denrées importées ;

- considérant les preuves scientifiques de dangers pour la santé et la biodiversité des produits contenant des substances encore approuvées dans l’Union européenne mais interdites en France.

L’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime interdit la mise en vente ou la distribution gratuite de denrées alimentaires ou de produits agricoles destinés à la consommation humaine ou animale pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques non autorisés par la réglementation européenne ou qui ne respectent pas les exigences d’identification et de traçabilité de cette dernière.

L’autorité administrative est chargée de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter cette interdiction. En outre, les ministres chargés de l’agriculture et de la consommation peuvent prendre des mesures conservatoires, telles que la suspension ou l’imposition de conditions particulières, concernant l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France des denrées ou produits agricoles concernés.

La commission a adopté l’amendement CD136 de Mme Delphine Batho (EcoS), malgré l’avis défavorable de la rapporteure pour avis. Dans l’attente de la refonte du règlement (UE) 2021/2117 ([79]), cet amendement vise à lutter contre la concurrence déloyale en matière de pesticides en renforçant les exigences pour les produits importés par rapport aux mesures prévues dans le cadre européen.

Par cet amendement, l’autorité administrative devra désormais tenir compte d’éléments supplémentaires en vue des mesures conservatoires. Ainsi, les limites maximales de résidus de pesticides non approuvés dans l’Union européenne sont fixées au seuil de détection. Il impose également de prendre en compte les méthodes de production des denrées importées, même en l’absence de résidus détectables, pour les substances répondant à des critères d’exclusion. Enfin, il exige de considérer les preuves scientifiques de dangers pour la santé et la biodiversité des produits contenant des substances encore approuvées dans l’Union européenne mais interdites en France, si ces preuves ont été notifiées à la Commission européenne.

*

*     *

Introduit par la commission

 

La mise en vente de denrées alimentaires et produits agricoles destinés à la consommation pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques non autorisés par la réglementation européenne, ou qui ne respectent pas les exigences d’identification et de traçabilité de cette dernière, est interdite.

L’article 1er AB, créé par la commission, donne la possibilité au ministre chargé de la santé de prendre des mesures conservatoires au même titre que les ministres de l’agriculture et de la consommation, lorsque cette interdiction n’est pas respectée.

L’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime interdit la mise en vente ou la distribution gratuite de denrées alimentaires ou de produits agricoles destinés à la consommation humaine ou animale pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques non autorisés par la réglementation européenne ou qui ne respectent pas les exigences d’identification et de traçabilité de cette dernière.

L’autorité administrative est chargée de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter cette interdiction. En outre, les ministres chargés de l’agriculture et de la consommation peuvent prendre des mesures conservatoires, telles que la suspension ou l’imposition de conditions particulières, concernant l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France des denrées ou produits agricoles concernés.

La commission a adopté l’amendement CD348 de Mme Marie Pochon (EcoS), conformément à l’avis favorable de la rapporteure pour avis, qui donne la possibilité au ministre chargé de la santé de prendre des mesures conservatoires au même titre que les ministres de l’agriculture et de la consommation.

*

*     *

Introduit par la commission

 

La mise en vente de denrées alimentaires et produits agricoles destinés à la consommation pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques non autorisés par la réglementation européenne, ou qui ne respectent pas les exigences d’identification et de traçabilité de cette dernière, est interdite.

L’article 1er AC, créé par la commission, transforme la faculté pour l’autorité administrative d’appliquer les mesures conservatoires en une obligation, lorsque cette interdiction n’est pas respectée.

L’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime interdit la mise en vente ou la distribution gratuite de denrées alimentaires ou de produits agricoles destinés à la consommation humaine ou animale pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques non autorisés par la réglementation européenne ou qui ne respectent pas les exigences d’identification et de traçabilité de cette dernière.

L’autorité administrative est chargée de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire respecter cette interdiction. En outre, les ministres chargés de l’agriculture et de la consommation peuvent prendre des mesures conservatoires, telles que la suspension ou l’imposition de conditions particulières, concernant l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France des denrées ou produits agricoles concernés.

La commission a adopté l’amendement CD214 de Mme Delphine Batho (EcoS) qui vise à transformer la faculté pour l’autorité administrative d’appliquer les mesures conservatoires, en une obligation. Cette disposition vise à garantir la sécurité sanitaire des aliments et à assurer la conformité des produits mis sur le marché avec les normes européennes en matière de santé publique et de traçabilité. La rapporteure pour avis a émis un avis défavorable à cet amendement, considérant qu’il s’agissait d’une atteinte à la capacité d’appréciation des autorités administratives compétentes.

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*     *

titre Ier b (nouveau) 
lever les contraintes au métier d’apiculteur

Avant l’article 1er, la commission a adopté l’amendement CD251 de Mme Marie Pochon (EcoS) portant création du titre Ier B « Lever les contraintes au métier d’apiculteur ».

Introduit par la commission

 

L’article 1er B, créé par la commission, garantit la liberté de produire sans pesticides aux apiculteurs. Il prévoit également de responsabiliser les distributeurs ou détenteurs d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en cas de préjudices économiques associés à un impact sur les populations d’abeilles.

La commission a adopté l’amendement CD351 de Mme Marie Pochon (EcoS) portant création d’un article L. 253-7-3 du code rural et de la pêche maritime, au sein de la section 6 « Mesures de précaution et de surveillance ». Celui-ci porte un double objet : d’une part, la garantie pour les apiculteurs de produire sans pesticides, et d’autre part, l’établissement d’une responsabilité de plein droit des distributeurs et détenteurs d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques en cas de préjudice économique causé par la dissémination de ces produits et ayant des impacts sur les populations d’abeilles domestiques. En reconnaissant cette responsabilité, ce texte facilite l’indemnisation des apiculteurs affectés. Enfin, il prévoit un décret en Conseil d’État pour préciser les modalités d’application.

Actuellement, la liberté de produire sans pesticides, ainsi que la responsabilité des distributeurs ou détenteurs d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en cas de préjudices économiques liés aux populations d’abeilles, n’est pas formellement consacrée dans le droit français.

Cette proposition soulève toutefois plusieurs questions de mise en œuvre, notamment sur la manière d’évaluer la responsabilité des distributeurs et de déterminer si le préjudice économique subi par les apiculteurs est effectivement lié aux pesticides, et non à d’autres causes, telles que le frelon asiatique ou le varroa. La rapporteure pour avis a ainsi émis un avis défavorable, estimant que ces questions de preuve et de lien de causalité devaient être clarifiées avant l’adoption d’un tel dispositif.

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Introduit par la commission

 

L’article 1er BA, créé par la commission,  impose à l’Anses de garantir que les tests de toxicité des produits phytopharmaceutiques se basent sur des protocoles actualisés par les dernières connaissances scientifiques et techniques, incluant les effets reprotoxiques, à compter du 1er janvier 2026.

Les services compétents publient un rapport annuel évaluant ces protocoles et proposant des améliorations.

La commission a adopté l’amendement CD349 de Mme Marie Pochon (EcoS), avec un avis favorable de la rapporteure pour avis. Cet amendement vise à renforcer la protection des pollinisateurs par l’amélioration continue des protocoles de test de toxicité des pesticides.

La réglementation européenne encadre l’obligation de prendre en compte les connaissances scientifiques et techniques les plus récentes lors de l’évaluation des produits phytopharmaceutiques. Cette exigence est expressément prévue par le règlement (UE) n° 546/2011, qui établit les principes uniformes pour l’évaluation et l’autorisation de ces produits. Ainsi, au point 2.1 de l’annexe de ce règlement, il est stipulé que « les États membres évaluent les informations en tenant compte des connaissances scientifiques et techniques actuelles ». En France, l’Anses publie régulièrement des avis sur l’évolution des méthodologies d’évaluation des risques dans le cadre des demandes d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques. Ces avis comportent des conclusions et recommandations visant à actualiser les protocoles de test pour garantir une évaluation conforme aux avancées scientifiques.

S’agissant des abeilles et des insectes pollinisateurs sauvages, l’Anses a notamment publié un avis le 5 juillet 2019 sur la méthodologie d’évaluation des risques les concernant. Cet avis a souligné les limites des protocoles existants, et a formulé des recommandations pour adapter les méthodes d’évaluation, en vue d’assurer une meilleure protection de ces espèces indispensables à la biodiversité et à la production agricole.

L’article 1er BA impose ainsi à l’Anses, à compter du 1er janvier 2026, de s’assurer que les évaluations de toxicité des produits phytopharmaceutiques reposent sur des protocoles actualisés, intégrant les connaissances scientifiques et techniques les plus récentes. Ces protocoles doivent être complétés par la réalisation de tests sur les effets reprotoxiques. Un rapport annuel sera publié, présentant un état des lieux des protocoles utilisés, identifiant leurs insuffisances et formulant des recommandations d’amélioration.

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titre Ier
Tirer les conséquences des connaissances scientifiques
en matière de pesticides

Avant d’examiner les articles du Titre Ier, la commission a adopté l’amendement CD16 de Mme Delphine Batho (EcoS) portant modification de son libellé. Le libellé initial : « Mettre fin aux surtranspositions et surrèglementations françaises en matière de produits phytosanitaires » a été ainsi rédigé : « Tirer les conséquences des connaissances scientifiques en matière de pesticides ».

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Avis favorable à une adoption avec modifications

 

L’article 1er de la proposition de loi vise à revenir sur la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques pour les distributeurs, mais à la maintenir pour les fabricants.

Il propose une évolution des conseils à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. Il prévoit ainsi de créer un conseil stratégique global, de rendre facultatif le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, et de supprimer le conseil spécifique.

L’interdiction des remises, rabais et ristournes à l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques est maintenue, malgré l’abrogation prévue dans la proposition de loi initiale.

  1.   L’État DU DROIT

A.   La séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques n’a pas eu l’effet escompté

Le chapitre IV du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime traite des modalités de vente et de conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, au travers des articles L. 254-1 à L. 254-12.

1.   La séparation de la vente et du conseil pour les produits phytopharmaceutiques

En vue de limiter les conflits d’intérêts, l’article 88 de la loi « Egalim » ([80]) habilite le Gouvernement à agir par voie d’ordonnance pour séparer les activités de vente et de conseil de produits phytopharmaceutiques. L’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, modifié par deux ordonnances ([81]) ([82]) en 2019, décrit les grands principes de la vente et du conseil en matière de produits phytopharmaceutiques. Ses dispositions sont entrées en vigueur en 2021.

Le II de cet article subordonne l’exercice des activités suivantes à l’obtention d’un agrément :

– la mise en vente, vente, et distribution à titre gratuit des produits phytopharmaceutiques ;

– l’application de produits phytopharmaceutiques ;

– le conseil stratégique et le conseil spécifique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques.

Son VI établit la séparation entre les activités de vente et de conseil et dispose ainsi que « l’exercice de l’activité de conseil mentionnée au 3° du II est incompatible avec celui des activités mentionnées aux 1° ou 2° du II ou au IV ». Ainsi, l’activité de conseil est incompatible avec les activités de mise en vente, de vente, de distribution à titre gratuit, ou d’application des produits phytopharmaceutiques.

L’article L. 254-2 du code rural et de la pêche maritime apporte des informations sur les modalités de délivrance des agréments et les garanties associées à l’obtention des agréments, avec par exemple la garantie du respect des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques lorsqu’on exerce une activité de mise en vente, distribution ou application de ces produits.

L’article L. 254-7-1 du code rural et de la pêche maritime précise les modalités d’application de ces dispositions, et notamment le contenu du décret qui doit être pris en Conseil d’État.

L’article L. 254-12 du code rural et de la pêche maritime prévoit des dispositions pénales en cas d’exercice des activités de mise en vente, de vente, de distribution ou d’application de produits phytopharmaceutiques sans avoir obtenu préalablement d’agrément, ou en cas de non-respect des conditions exigées par cet agrément. Ces faits sont punis de six mois d’emprisonnement ainsi que d’une amende de 15 000 euros.

2.   Une séparation capitalistique et organisationnelle

L’article L. 254-1-1 du code rural et de la pêche maritime impose une séparation capitalistique entre les activités de vente et de conseil, en fixant notamment une limite à ne pas dépasser pour la part de capital, la part cumulée du capital et de droits de vote détenus entre les personnes morales exerçant des activités de vente et celles exerçant des activités de conseil.

L’article L. 254-1-2 du code rural et de la pêche maritime établit des incompatibilités entre les fonctions exercées au sein des organes de surveillance, d’administration ou de direction d’une personne morale proposant du conseil, et celles exercées dans les mêmes organes d’une entité impliquée dans la vente de produits phytopharmaceutiques.

Depuis la promulgation de la loi ([83]) visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la mutualité sociale agricole en février 2025, cet article permet à une personne membre d’un organe de surveillance, d’administration ou de direction d’une personne morale exerçant la vente de produits phytopharmaceutiques de détenir au sein du réseau de Chambres d’agriculture France un mandat de président, de membre du bureau ou du conseil d’administration. Cette personne ne peut cependant pas participer aux travaux ni aux délibérations concernant l’activité de conseil à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et doit effectuer un « déport ». Selon le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (Masa), cette modification provient de difficultés « sur la constitution de la présidence et des bureaux des chambres d’agriculture, mais aussi sur le risque de décourager des candidatures de personnes visées par l’interdiction de cumul des mandats ».

L’article L. 254-1-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit également qu’une personne exerçant une activité de conseil ne peut être employée ni rémunérée par une personne se livrant à la vente de produits phytopharmaceutiques.

3.   Un retour d’expérience mitigé

MM. Dominique Potier (SOC) et Stéphane Travert (EPR), députés, ont présenté en juillet 2023 les conclusions ([84]) du groupe de travail sur le bilan de la séparation des activités de vente et de conseil des produits phytopharmaceutiques. Il ressort de ces conclusions que l’obligation de séparation entre la vente et le conseil n’est pas respectée sur le terrain, et qu’« un nombre important d’acteurs (coopératives et négociants), bien qu’ayant choisi la vente, continuent de prodiguer des conseils oraux tout en étant vendeurs de produits phytopharmaceutiques ». Ils précisent que cette situation est connue de l’administration, mais celle-ci a des difficultés à contrôler ces manquements à la réglementation, en absence de documents écrits. Par ailleurs, cette interdiction de conseil serait difficile à respecter en raison « du lien de proximité établi entre le vendeur et l’acheteur et des habitudes prises au fil des années. De fait, le négociant ou la coopérative font souvent figure d’interlocuteur naturel vers qui l’agriculteur se tourne en cas de problème ponctuel ».

Le Masa ([85]) confirme ce retour d’expérience de la séparation de la vente et du conseil, avec notamment « une trop grande complexité du système actuel », et divers effets recensés :

– de nombreuses difficultés de mise en œuvre sur le terrain, notamment pour définir les limites entre le conseil et les recommandations d’utilisation qui découlent de l’autorisation de mise sur le marché ;

– des contournements avec la poursuite d’une activité de conseil informelle par les distributeurs ;

– des effets contre-productifs liés à l’insuffisance du nombre de conseillers, et à l’articulation avec le dispositif des certificats d’économie des produits phytopharmaceutiques.

B.   Les conseils et outils de réduction à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques

La sous-section 2 de la section 1 du chapitre IV du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime rassemble les dispositions relatives aux activités de conseil au sein des articles L. 254-6-2 à L. 254-7.

1.   Le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques

L’article L. 254-6-2 du code rural et de la pêche maritime, créé ([86]) puis modifié ([87]) par ordonnance, prévoit la mise en place du conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à partir du 1er janvier 2021. Délivré par une entreprise agréée, il vise à permettre aux entreprises utilisatrices de ces produits, plus particulièrement les exploitations agricoles, de définir une stratégie pour la protection des végétaux et pour les autres usages auxquels ils sont destinés.

Ce conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques se base sur un diagnostic comportant « une analyse des spécificités pédo-climatiques, sanitaires et environnementales des espaces concernés », et sur un plan d’action pluriannuel. Le diagnostic peut également prendre en compte d’autres éléments tels que l’organisation et la situation économique de l’exploitation, les moyens disponibles, ainsi que l’historique des cultures sur l’exploitation et des nouvelles pratiques en matière de produits phytopharmaceutiques. Conformément aux articles R. 254-26-3 et R. 254-26-4 du code rural et de la pêche maritime, les exploitants ont l’obligation de réaliser deux conseils stratégiques par période de cinq ans, à intervalle de deux à trois ans, sauf pour des surfaces de culture à traiter inférieures à un certain seuil pour lesquelles un seul conseil stratégique peut être délivré par période de cinq ans.

Le respect de l’obligation de réalisation d’un conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques est vérifié lors du renouvellement du certificat individuel de produits phytopharmaceutiques (certiphyto) ([88]) obligatoire pour utiliser, conseiller, vendre ou acheter des produits phytopharmaceutiques dans le cadre d’une activité professionnelle. Toutefois, le conseil stratégique à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques n’est pas requis pour les entreprises utilisant des produits de biocontrôle ([89]), ou engagées dans une démarche ayant des incidences favorables sur la réduction de l’usage et des impacts des produits phytopharmaceutiques.

MM. Dominique Potier et Stéphane Travert indiquaient ainsi en juillet 2023 dans les conclusions ([90]) du groupe de travail sur le bilan de la séparation des activités de vente et de conseil des produits phytopharmaceutiques que « le nombre d’agriculteurs ayant bénéficié d’un conseil stratégique phytosanitaire est très inférieur à ce qu’il devrait être », avec notamment environ 9 280 conseils stratégiques délivrés, sur environ 235 000 exploitations concernées. Selon le Masa, « le nombre de conseillers formés et expérimentés s’est révélé insuffisant. De fait, les acteurs de la distribution sont restés les interlocuteurs de prédilection des agriculteurs pour la gestion des bioagresseurs, sans que cette proximité puisse être mise à profit pour orienter le choix des agriculteurs dans le sens souhaité par les politiques publiques ». Par ailleurs, « le conseil stratégique a fait l’objet de critiques du monde agricole, fondées notamment sur la qualité hétérogène des conseils stratégiques délivrés ».

Compte tenu des difficultés d’accès aux conseillers et de mise en œuvre, un décret ([91]) publié en 2023 offre, à titre dérogatoire, un délai supplémentaire d’un an, pour les utilisateurs de produits phytosanitaires, pour fournir leur attestation de conseil stratégique lors de la demande de renouvellement du certificat individuel « certiphyto ». Les utilisateurs professionnels de produits phytopharmaceutiques peuvent obtenir un « certiphyto » provisoire d’un an, à condition de s’engager à suivre un conseil stratégique avec un conseiller agréé dans l’année. Cette dérogation est applicable jusqu’au 31 décembre 2027 dans l’hexagone et jusqu’au 31 décembre 2028 en outre-mer, en cas d’absence de mise en place du conseil stratégique. Par un décret ([92]) publié en 2024, la durée de validité des certificats individuels délivrés est prorogée d’un an lorsqu’elle expire entre le 9 avril 2024 et le 1er mai 2025.

Le Masa précise que « le caractère obligatoire pour obtenir le renouvellement des certiphyto a conduit à ce que le conseil stratégique soit perçu avant tout comme une contrainte administrative ». Mme Agnès Pannier‑Runacher, alors ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, lançait ainsi en avril 2024 des travaux sur la révision du conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et recommandait de rendre ce dispositif facultatif.

2.   Le conseil spécifique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques

Le conseil spécifique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques est créé par l’article L. 254-6-3 du code rural et de la pêche maritime par la même ordonnance ([93]) et en complément du conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. Le conseil spécifique comporte une recommandation d’utilisation de produits phytopharmaceutiques, plus précise que le conseil stratégique. Formalisé par écrit, il précise notamment « la substance active ou la spécialité recommandée, la cible, la ou les parcelles concernées, la superficie à traiter, la dose recommandée et les conditions d’utilisation ». Il doit ainsi justifier le caractère approprié de la recommandation et recommander en priorité les produits ou substances qui ont le moins d’impacts sur la santé publique et l’environnement. Le recours au conseil spécifique, délivré par une entreprise agréée, est facultatif.

Les modalités d’application du conseil spécifique et ses objectifs figurent à l’article R. 254-26-5 du code rural et de la pêche maritime :

– indiquer les méthodes alternatives à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques disponibles pour lutter contre la cible du traitement recommandé, en prévenir l’apparition ou les dégâts ;

– promouvoir les actions de réduction de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques compatibles avec les spécificités de l’entreprise ;

– justifier du caractère approprié à la situation de l’entreprise, de toute recommandation d’usage de produits phytopharmaceutiques ;

– recommander en priorité les produits ou substances qui ont le moins d’impacts sur la santé publique et l’environnement.

3.   Le dispositif de certificat d’économie de produits phytopharmaceutiques

Le dispositif des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), inspiré des certificats d’économie d’énergie, vise à diffuser des pratiques économes en produits phytopharmaceutiques. Ce dispositif est intégré au code rural et de la pêche maritime au travers des articles L. 254-10 à L. 254-10-9 et des articles R. 254-31 à R. 254-37 et R. 254-42.

Lancé à titre expérimental en 2016, ce dispositif a été pérennisé par ordonnance ([94]), en application de la loi « Egalim » ([95]). Sont soumis au dispositif CEPP, en qualité d’obligés, les acteurs suivants ([96]) :

 les distributeurs de produits phytopharmaceutiques à usage agricole ;

 les prestataires de services assurant le traitement des semences ;

 les distributeurs de semences traitées ;

 les exploitants agricoles ayant acquis des produits phytopharmaceutiques à l’étranger.

Chaque obligé est tenu de mettre en œuvre des actions destinées à favoriser la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, soit directement, soit par l’acquisition de CEPP auprès d’autres obligés. Ces actions sont standardisées, et sont précisées au sein de « fiches-action » publiées par arrêté ([97]). Elles consistent par exemple à réduire la dose d’herbicide utilisée, installer des filets anti-insectes pour certaines cultures, ou lutter contre des bioagresseurs au moyen de produits de biocontrôle. Les conseils stratégiques et spécifiques doivent comprendre des recommandations d’actions standardisées CEPP, conformément aux dispositions de l’article L. 254-6-4 du code rural et de la pêche maritime.

L’obligation annuelle est déterminée en fonction des volumes de ventes ou d’achats effectués les années précédentes. Elle se traduit par un objectif à atteindre en nombre de CEPP notifié par l’autorité administrative pour chaque période de mise en œuvre. Depuis le 1er janvier 2022, cette durée est fixée par décret en Conseil d’État, dans la limite de quatre ans. Les modalités pour la nouvelle période d’obligation, portant sur la période du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2025 sont précisées par le décret n° 2023-1276 du 26 décembre 2023 ([98]).

Les produits pris en compte dans le calcul des obligations sont ceux disposant d’une autorisation de mise sur le marché incluant au moins un usage agricole, à l’exclusion des produits de biocontrôle, des produits à faible risque, et de ceux exclusivement utilisés dans le cadre de programmes de lutte obligatoire.

Le Masa ([99]) indique que « le bilan de la période 2022-2023 montre que les CEPP sont obtenus majoritairement à travers 3 types d’actions :

 le recours à des méthodes alternatives (équipements ou produits de biocontrôle) ;

 la mise en œuvre de nouvelles pratiques agronomiques (association de cultures par exemple) ;

 l’utilisation de variétés résistantes ou tolérantes aux maladies. »

C.   L’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques

L’article 74 de la loi « Egalim » a créé la section 4 bis « Pratiques commerciales prohibées » au sein du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime, comprenant les articles L. 253-5-1 et L. 253-5-2.

L’article L. 253-5-1 interdit à l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques :

– les remises, les rabais et les ristournes ;

– la différenciation des conditions générales et particulières de vente au sens de l’article L. 441-1 du code de commerce ;

– la remise d’unités gratuites ;

– et toutes pratiques équivalentes.

Toutefois, cette interdiction ne s’applique pas aux produits de biocontrôle ([100]), ainsi qu’aux produits à faible risque et aux substances de base ([101]). Ainsi, l’interdiction des remises, rabais et ristournes lors de la vente de produits phytopharmaceutiques ne s’oppose pas à la promotion de produits de biocontrôle, notamment dans le cadre de la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle.

L’article L. 253-5-2 prévoit des sanctions administratives en cas de non‑respect des interdictions associées à l’article L. 253-5-1, ainsi que les modalités d’information sur les manquements constatés. Le montant de l’amende est de 15 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale, et est doublé en cas de réitération du manquement. Cette amende peut également être assortie d’une astreinte journalière.

Selon le Masa, il n’y a pas de « bilan précis sur les effets de la mesure. Cependant, dans d’autres domaines tels que la vente de médicaments vétérinaires, de telles interdictions ont montré une efficacité pour limiter l’importance de l’argument commercial dans le choix des produits ».

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Une abrogation de la séparation de la vente et du conseil pour les distributeurs, un maintien pour les fabricants

Les dispositions relatives à la séparation de la vente et du conseil pour les produits phytopharmaceutiques au sein de l’article 1er figurent aux alinéas 5 à 25 du texte qui vous est soumis.

  1.   La proposition de loi initiale

La proposition de loi initiale revient sur la séparation de la vente et du conseil pour les produits phytopharmaceutiques. Selon l’exposé des motifs, cette séparation est jugée « contre-productive dans la mesure où elle prive les agriculteurs du conseil des techniciens des coopératives metteuses sur le marché sur l’usage de ces produits et où elle rétrécit le vivier de professionnels éligibles au bureau d’une chambre d’agriculture ».

À ce titre, le VI de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime, mentionnant l’incompatibilité entre l’exercice de l’activité de conseil et celle de la mise sur le marché, la distribution ou l’application de produits phytopharmaceutiques, est abrogé. Les articles L. 254-1-1 à L. 254-1-3 du même code, explicitant les conditions de séparation capitalistique et organisationnelle entre ces activités, sont également abrogés. En conséquence, les mentions aux articles L. 254-1-1 à L. 254-1-3 désormais abrogés sont supprimées à l’article L. 254-2.

  1.   L’examen en commission

Aucun amendement portant sur la séparation de la vente et du conseil pour les produits phytopharmaceutiques n’a été adopté en commission.

  1.   L’examen en séance publique

L’amendement n° 88 rect. du Gouvernement, adopté au Sénat en séance publique, revient sur l’abrogation totale de cette séparation, et modifie l’incompatibilité entre les activités de conseil, et de vente ou de distribution ou d’application de produits phytopharmaceutiques, prévue au point VI de l’article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime. D’après le Gouvernement, « une abrogation totale de toutes les obligations qui s’appliquerait sans contrepartie, n’est pas envisageable ». Toutefois, le retour d’expérience depuis la mise en œuvre de la séparation de la vente et du conseil montre des difficultés d’application, notamment liées à la complexité du dispositif, ainsi que des contournements à ce dernier. Le Gouvernement a proposé les modifications suivantes :

– l’exercice d’une activité de conseil est désormais « interdit aux producteurs au sens du 11 de l’article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 », c’est-à-dire aux fabricants de produits phytopharmaceutiques, sauf dans certains cas particuliers (produits de biocontrôle, à faible risque, composés de substances de base ou utilisés pour l’agriculture biologique). Les fabricants de produits phytopharmaceutiques mettent sur le marché les produits via des réseaux de distribution, et n’exercent généralement pas la distribution à l’utilisateur final, qui est une activité soumise à agrément. Cet amendement rétablit donc la possibilité pour un distributeur de produits phytopharmaceutiques de pouvoir exercer une activité de conseil (alinéas 6 et 7), ce que la rapporteure pour avis approuve ;

– en conséquence, les articles L. 254-1-1 à L. 254-1-3 du code rural et de la pêche maritime, relatifs à la séparation organisationnelle et capitalistique entre les activités de vente, d’application et de conseil, sont rétablis. Ils sont modifiés pour prendre en compte l’interdiction de l’exercice de l’activité de conseil « aux producteurs au sens du 11 de l’article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 », à la fois pour la séparation capitalistique (alinéas 8 à 16), et pour la séparation organisationnelle (alinéas 17 à 21 et 23 à 25) ;

– l’amendement du Gouvernement rend désormais possible pour une personne membre d’un conseil d’administration ou de direction d’un distributeur ou des applicateurs de produits phytopharmaceutiques, exerçant des activités de conseil, de participer aux travaux et délibérations concernant l’activité de conseil au sein de Chambres d’agriculture France (alinéa 22). D’après le Masa, « à l’exception des fabricants de produits phytopharmaceutiques, il n’y aura donc plus d’exigence de séparation des instances de gouvernance pour les structures assurant du conseil et/ou de la vente. Dès lors, la dérogation à la séparation des instances de gouvernance prévue pour les chambres d’agriculture au deuxième alinéa de l’article L. 254-1-2 n’a plus lieu d’être, ainsi que le garde-fou qui était prévu concernant la participation aux délibérations concernant l’activité de conseil » ;

– il propose un allègement rédactionnel de l’article L. 254-7-1 du code rural et de la pêche maritime (alinéas 37 à 41), concernant le décret en Conseil d’État qui précisera les modalités d’application de la section 1 du chapitre IV du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime ;

– il augmente l’amende de 15 000 euros à 50 000 euros, concernant l’exercice d’activités de vente et de conseil sans être préalablement agréé, ou en cas de non-respect des exigences de ces agréments (alinéa 45).

  1.   Une évolution des conseils à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et du dispositif de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques

Les dispositions relatives aux conseils à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques au sein de l’article 1er figurent aux alinéas 4, 27 à 41 et 46 à 51 du texte qui vous est soumis, et celles relatives au dispositif de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques figurent aux alinéas 26 et 42 à 44.

  1.   La proposition de loi initiale

La proposition de loi initiale rend facultatif le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques.

L’article L. 254-6-2 du code rural et de la pêche maritime est modifié pour supprimer l’obligation d’actualisation périodique du conseil stratégique, ainsi que l’obligation de justifier du conseil reçu de manière périodique, de le conserver pendant dix ans maximum, et de respecter la périodicité entre deux conseils. Ces dispositions rendent de fait facultatif le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques.

  1.   L’examen en commission

Les amendements COM-28 et COM-29 du rapporteur M. Pierre Cuypers (LR) sont des amendements rédactionnels qui rétablissent respectivement :

– un renvoi à un texte réglementaire à l’article L. 254-6-2 du code rural et de la pêche maritime, pour définir les modalités d’allègement du contenu du conseil stratégique pour les utilisateurs professionnels de produits phytopharmaceutiques sur des surfaces de dimensions réduites ;

– un renvoi à un décret en Conseil d’État à l’article L. 254-7-1 du code rural et de la pêche maritime, pour déterminer le contenu du conseil stratégique pour les utilisateurs de produits phytopharmaceutiques.

L’amendement COM-27 du rapporteur M. Pierre Cuypers vise à créer un conseil stratégique global facultatif, dont le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques serait une déclinaison (alinéas 46 à 51). L’objectif est de « replacer la question de la stratégie de réduction de l’usage des produits phytosanitaires dans une réflexion plus globale sur l’exploitation agricole ». Les exploitants agricoles peuvent ainsi bénéficier d’un conseil stratégique global, formalisé par écrit, et fourni par des conseillers certifiés pour « leurs connaissances en agronomie, en protection des végétaux, en gestion économe des ressources ou en stratégie de valorisation et de filière », dans le but « d’améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale de l’exploitation ». Les modalités de certification des conseillers du conseil stratégique global sont définies par décret. Ainsi, le décret doit préciser les obligations en termes de « volume horaire annuel de formation », « contenu obligatoire de cette formation », et comprend « un volet spécifique aux enjeux déontologiques », visant notamment à réduire les risques de conflits d’intérêts en lien avec l’abrogation de la séparation de la vente et du conseil de produits phytopharmaceutiques.

  1.   L’examen en séance publique

L’amendement n° 106 de M. Pierre Cuypers, au nom de la commission des affaires économiques, apporte des clarifications sur les modalités de déploiement du conseil stratégique global. Il supprime l’obligation de certification des conseillers chargés d’accompagner les exploitants agricoles, et modifie en conséquence le contenu du décret. Le décret doit définir les « exigences relatives à l’exercice de la fonction de conseiller […], notamment en matière de formation ». Si la notion de formation est conservée, le « volet spécifique aux enjeux déontologiques » est quant à lui supprimé. Selon l’exposé des motifs de cet amendement, supprimer l’obligation de certification des conseillers a pour objectif d’agrandir le vivier des experts et ne pas diminuer l’offre de conseil stratégique global, notamment pour le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques.

La rapporteure pour avis s’interroge sur la suppression de l’obligation de certification des conseillers chargés d’accompagner les exploitants agricoles et souhaite maintenir cette certification.

L’amendement n° 33 rect. nonies de M. Vincent Louault (LIRT) (alinéa 49) remplace la notion de « gestion économe » en « utilisation efficace, économe et durable » des ressources concernant la compétence associée au conseil stratégique global.

L’amendement n° 88 rect. du Gouvernement revenant sur l’abrogation totale de la séparation de la vente et du conseil en matière de produits phytopharmaceutiques prévoit également des dispositions concernant les conseils à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques :

– il crée le conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques (alinéa 4), qui selon le Masa « sera défini de façon large, afin que tout acteur délivrant des recommandations d’utilisation de produits phytopharmaceutiques le réalise dans le cadre sécurisé d’un agrément d’entreprise ». Le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques constitue alors une forme particulière du conseil à leur utilisation, reposant sur un diagnostic à l’échelle de l’exploitation et intégrant une vision pluriannuelle. Pour le Masa, « une distinction est donc maintenue entre le conseil « du quotidien » et le conseil stratégique » ;

– il supprime le conseil spécifique, défini à l’article L. 254-6-3 du code rural et de la pêche maritime (alinéa 28) ;

– les modalités relatives au conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et au conseil stratégique à l’utilisation de ces produits sont désormais précisées au sein de l’article L. 254-6-4, les articles L. 254-6-2 et L. 254-6-3 ayant été abrogés. Le conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques couvre toute recommandation d’utilisation de ces produits, et s’inscrit dans un objectif de réduction de leur usage et de leurs impacts. Ce conseil doit être effectué par écrit et à titre onéreux, afin d’individualiser et de formaliser l’acte de conseil (alinéas 30 à 34). Le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques vise à établir un plan d’action pluriannuel pour la protection des cultures de l’exploitation agricole, conformément au plan d’action national pour une utilisation durable des produits phytopharmaceutiques (alinéas 35 et 36). Il se fonde sur un diagnostic, prenant en compte les spécificités de l’exploitation agricole, et est conditionné au respect d’exigences en matière de prévention des conflits d’intérêts pour les vendeurs et distributeurs de produits phytopharmaceutiques, précisées par voie réglementaire.

La rapporteure pour avis soutient le maintien obligatoire du conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques.

Enfin, l’amendement n° 90 du Gouvernement propose de recentrer l’obligation des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques sur les distributeurs, et d’exclure de ce fait les applicateurs de produits phytopharmaceutiques ainsi que les agriculteurs ayant acheté des produits à l’étranger. Dans l’exposé des motifs, le Gouvernement précise que ces derniers représentent une très faible part des obligations totales de ce dispositif et ont une « possibilité bien moindre de diffuser les pratiques économes que les distributeurs ». Lors de son audition, le Masa a indiqué que sont concernées « environ 70 entreprises, pour seulement 1,3 % des obligations totales ».

  1.   L’interdiction des remises, rabais et ristournes lors de la vente de produits phytopharmaceutiques

Les dispositions relatives à l’interdiction des remises, rabais et ristournes lors de la vente de produits phytopharmaceutiques au sein de l’article 1er figurent à l’alinéa 2 du texte qui vous est soumis.

  1.   La proposition de loi initiale

La proposition de loi initiale visait à revenir sur l’interdiction des remises, rabais et ristournes à l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques. À cette fin, elle abrogeait la section 4 bis du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime. Les articles L. 253-5-1 et L. 253-5-2 du même code, relatifs à l’interdiction d’effectuer une remise, un rabais ou une ristourne à l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques, et aux sanctions associées, devaient ainsi être abrogés.

  1.   L’examen en commission

Aucun amendement portant sur l’interdiction ou l’autorisation des remises, rabais et ristournes lors de la vente de produits phytopharmaceutiques n’a été adopté en commission.

  1.   L’examen en séance publique

L’amendement n° 89 du Gouvernement, adopté en séance publique, vise à conserver l’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques. Le Gouvernement revient sur l’abrogation de la section 4 bis du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime par la proposition de loi initiale, et rétablit les dispositions initiales de section 4 bis.

Pour le Masa, « le maintien de ce dispositif paraît nécessaire si les distributeurs sont de nouveau autorisés à réaliser du conseil. Il y a lieu d’écarter les risques d’interférence avec des considérations commerciales et de s’assurer que le conseil est fondé sur les principes de la protection intégrée des cultures, c’est-à-dire une priorité accordée aux méthodes alternatives, un traitement phytosanitaire en dernier recours et l’utilisation du produit le moins risqué ».

  1.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a adopté plusieurs amendements de modification de l’article 1er, visant notamment à supprimer le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, et à compléter le dispositif de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques.

Le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques a été supprimé par l’adoption de l’amendement CD279 de Mme Mathilde Hignet (LFI), une suppression contre laquelle la rapporteure pour avis s’est opposée, souhaitant maintenir son caractère obligatoire. Par l’amendement CD394, Mme Constance de Pélichy (Liot) a introduit l’obligation pour l’autorité administrative de fixer des objectifs chiffrés de réduction de vente de produits phytopharmaceutiques dans le cadre des certificats d’économie de ces produits.

La commission a également renforcé le cadre du conseil stratégique global, le rendant obligatoire par l’amendement CD345 de Mme Constance de Pélichy (Liot). Ce dispositif a été complété par l’amendement CD210 de Mme Chantal Jourdan (SOC) qui a transformé l’intitulé du conseil stratégique « global » en conseil stratégique « annuel et universel », avec une périodicité annuelle.

L’amendement CD395, également de Mme Constance de Pélichy (Liot) a introduit un nouvel objectif au conseil stratégique global, qui est « d’engager les exploitations dans la transition agroécologique ». Quant à l’amendement CD105 de M. Benoit Biteau (EcoS), il impose que ce conseil stratégique global se fonde sur un diagnostic périodiquement actualisé « comportant une analyse des spécificités pédo-climatiques, sanitaires et environnementales des espaces concernés », et qui prend en compte « l’organisation et la situation économique de l’exploitation et comporte une analyse des moyens humains et matériels disponibles, des cultures, des précédents culturaux ainsi que de l’évolution des pratiques phytosanitaires ».

L’amendement CD209 de Mme Chantal Jourdan (SOC) a renforcé les exigences de compétences des conseillers dans le cadre du conseil stratégique global. Désormais, ce ne sont pas des conseillers « compétents en agronomie », mais des agronomes qui seront en charge de délivrer le conseil stratégique global. Elle donne à cette fin à l’État l’objectif de financer 1 000 ingénieurs agronomes d’ici à 2030, au travers de l’amendement CD206, pour accomplir les missions prévues dans le cadre de ce conseil stratégique global. L’amendement CD153 de M. Benoit Biteau (EcoS) conditionne en complément l’exercice de la fonction de conseiller à l’obtention d’un diplôme d’ingénieur agronome ou d’un master en agronomie. La rapporteure pour avis considère toutefois plus pertinent de prévoir une certification des conseillers plutôt que de limiter l’exercice de ce métier à un diplôme d’ingénieur agronome, notamment pour assurer un vivier de professionnels suffisant pour délivrer ce conseil. L’amendement CD208 de Mme Chantal Jourdan (SOC) a étendu les compétences des conseillers à la fois « en agronomie, en protection des végétaux, en utilisation efficace, économe et durable des ressources » et « en stratégie de valorisation et de filière ».

Enfin, l’amendement CD280 de M. Loïc Prud’homme (LFI) demande à l’État d’étudier les modalités de mise en place de la gratuité du conseil stratégique global, confié aux chambres d’agriculture sous la responsabilité de l’État, pour en garantir l’accessibilité.

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 1er ainsi modifié.

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Introduit par la commission

 

L’article 2 A garantit aux agriculteurs biologiques le droit de produire sans pesticides et rend les metteurs sur le marché de produits phytopharmaceutiques responsables des préjudices économiques causés par leur dissémination sur les cultures biologiques.

La commission a adopté l’amendement CD384 de Mme Julie Ozenne (EcoS) qui vise à garantir aux agriculteurs biologiques le droit de produire sans pesticides et rend les metteurs sur le marché de produits phytopharmaceutiques responsables des préjudices économiques causés par leur dissémination sur les cultures biologiques.

Actuellement, la liberté de produire sans pesticides, ainsi que la responsabilité de distributeurs ou détenteurs d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en cas de préjudices économiques liés à leur dissémination, n’est pas formellement consacrée dans le droit français.

La rapporteure pour avis a estimé que responsabiliser les distributeurs et metteurs sur le marché de produits phytopharmaceutiques pour les préjudices économiques subis par la filière biologique en raison de leur dissémination constituait une idée intéressante. Pour autant, dans sa rédaction actuelle, cet amendement lui semble poser des problèmes de mise en œuvre, notamment pour évaluer ce préjudice et prouver qu’il est directement lié aux produits phytopharmaceutiques. Elle a émis pour cette raison un avis de sagesse.

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Introduit par la commission

 

L’article 2 B vise à assurer l’accessibilité, sous format électronique, des données d’utilisation des produits phytopharmaceutiques à l’Anses et au public.

Le règlement d’exécution (UE) 2023/564 ([102]) établit des règles harmonisées concernant le contenu et le format des registres d’utilisation des produits phytopharmaceutiques tenus par les utilisateurs professionnels, conformément à l’article 67 du règlement (CE) n° 1107/2009. Il vise à garantir une qualité adéquate et uniforme des registres dans toute l’Union européenne.

La commission a adopté l’amendement CD142 de Mme Delphine Batho (EcoS) qui créé un nouvel article L. 253‑8‑4 au sein du code rural et de la pêche maritime. Cet article prévoit que les données sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, définies par l’annexe I du règlement (UE) 2023/564, doivent être enregistrées de manière électronique et dans un format lisible par machine. Ces informations, collectées auprès des exploitants agricoles, sont mises à disposition de l’Anses pour ses missions de surveillance dans le cadre de la phytopharmacovigilance. Elles sont rendues également accessibles au public sous une forme anonyme, en format ouvert et réutilisable, permettant une exploitation par des systèmes automatisés.

La rapporteure pour avis a émis un avis favorable à cet amendement, rappelant l’importance pour l’Anses de disposer d’une base de données robuste et pluriannuelle sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, en vue notamment d’établir des liens potentiels entre certains produits phytopharmaceutiques et leurs impacts sur la santé humaine.

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Introduit par la commission

 

L’article 2 C met en place l’expérimentation d’un mécanisme d’assurance-risque comme alternative à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques pour trois ans à partir du 1er janvier 2026.

La recommandation n° 9 du rapport ([103]) du conseil général de l’environnement et du développement durable, de l’inspection générale des affaires sociales et du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, publié en décembre 2017, prévoit de « faire réaliser une étude de faisabilité et d’opportunité de la mise en place, à un niveau à définir (national, régional, au niveau de groupes d’agriculteurs…) de mécanismes d’assurance-risque ».

La commission a adopté l’amendement CD419 de Mme Delphine Batho (EcoS) visant à mettre en place une expérimentation du mécanisme d’assurance risque comme alternative à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, pour couvrir les pertes économiques liées à une baisse de rendement ou à l’échec d’une culture, quand un agriculteur choisit de ne pas utiliser de pesticides. Cette expérimentation, d’une durée de trois ans, commencera à partir du 1er janvier 2026. Il prévoit par ailleurs un décret qui en détermine les modalités, et la remise d’un rapport d’évaluation de cette expérimentation par le Gouvernement, en vue d’une possible généralisation de cette mesure. La rapporteure pour avis était favorable à une telle expérimentation.

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Avis défavorable de la commission

 

L’article 2 intègre :

– une obligation d’information des ministères de tutelle de l’Anses, préalablement à la publication de ses décisions pour l’ensemble de ses missions ;

– une procédure contradictoire, préalablement à l’adoption de toute décision de rejet de demande d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques par l’Anses.

L’article 2 autorise, par dérogation et sous conditions :

– l’usage de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques.

– l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou plusieurs substances actives de la famille des néonicotinoïdes, ou assimilés.

Enfin, un conseil d’orientation pour la protection des cultures est créé, chargé de suivre la disponibilité des méthodes et moyens chimiques et non chimiques de protection des cultures, et permettant de définir les usages prioritaires associés.

  1.   L’État DU DROIT
    1.   Les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques sont accordées par l’Anses

La procédure d’autorisation est encadrée au niveau européen par le règlement relatif à la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques ([104]), notamment son article 29, et par son règlement d’exécution ([105]). L’Union européenne évalue et autorise les substances actives utilisées dans les produits phytopharmaceutiques, tandis que les États membres autorisent, au niveau national, les produits phytopharmaceutiques. Ainsi, le règlement conditionne l’autorisation de mise sur le marché au respect d’une série de critères faisant l’objet d’une évaluation par l’État membre, respectant des principes uniformes d’évaluation et d’autorisation définis par le règlement d’exécution précité. L’article 75 du règlement d’exécution dispose qu’il appartient à l’État membre de désigner « une ou des autorités compétentes chargées de s’acquitter des obligations découlant du présent règlement ».

Depuis la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ([106]), en 2014, l’Anses détient pour les produits phytopharmaceutiques « des missions relatives à la délivrance, à la modification et au retrait des différentes autorisations préalables à la mise sur le marché et à l’expérimentation » qui étaient auparavant de la compétence du ministère chargé de l’agriculture. Selon l’avis relatif à la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ([107]) de la conférence nationale de la santé, « jusque fin 2014, les autorisations de mise sur le marché des pesticides étaient délivrées par le ministère de l’agriculture, sans nécessairement se conformer à la liste de produits considérés comme dangereux par l’Anses ». Elle conclut que « la séparation du système introduite par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt avait constitué un progrès dans l’intérêt de la santé des agriculteurs et des consommateurs ».

Les missions de l’Anses sont listées à l’article L. 1313-1 du code de la santé publique. Outre la mission relative aux produits phytopharmaceutiques, elle exerce des missions relatives aux médicaments vétérinaires, aux produits biocides, à l’agrément des laboratoires pour la réalisation des prélèvements et des analyses du contrôle sanitaire des eaux.

Conformément à l’article L. 1313-5 du code de la santé publique, le directeur général de l’Anses « émet les avis et recommandations relevant de la compétence de l’agence et prend, au nom de l’État, les décisions qui relèvent de celle-ci ». Les décisions prises par le directeur général de l’Anses « ne sont susceptibles d’aucun recours hiérarchique ». Néanmoins, cet article octroie au ministre chargé de l’agriculture la faculté de « s’opposer, par arrêté motivé, à une décision du directeur général et de solliciter un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à sa décision ».

Le directeur général de l’Anses peut également consulter le comité de suivi des autorisations de mise sur le marché, composé de personnes qualifiées, « qui apporte un éclairage complémentaire à l’évaluation scientifique, pour s’assurer notamment que les mesures de gestion des risques imposées dans le cadre des autorisations de mise sur le marché sont praticables et efficaces en situation réelle, au regard des contraintes des pratiques de terrain » ([108]). Ce comité de suivi est créé à l’article L. 1313-6-1 du code de la santé publique, et peut être consulté sur les sujets relatifs aux produits phytopharmaceutiques, les produits biocides et les matières fertilisantes et supports de culture.

  1.   À la Suite D’une période d’expérimentation, La pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques est désormais possible dans certains cas

En raison de leur impact sur la santé et l’environnement, et notamment de la dérive des produits en dehors des parcelles traités, la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques est interdite en France depuis la loi « Grenelle » ([109]) promulguée en 2009.

L’article 9 de la directive « Sud » ([110]) interdit la pulvérisation aérienne de pesticides au niveau européen. Toutefois, cet article prévoit son autorisation par dérogation, sous certaines conditions. Ainsi, « il ne doit pas y avoir d’autre solution viable », ou « la pulvérisation aérienne doit présenter des avantages manifestes, du point de vue des incidences sur la santé humaine et l’environnement, par rapport à l’application terrestre des pesticides ». Cette interdiction est transposée en droit français au paragraphe I de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. Toutefois, « en cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens », la pulvérisation aérienne est autorisée, par dérogation, et pour une durée limitée, dans sa version antérieure au 25 avril 2025. L’autorisation de la pulvérisation aérienne de pesticides associée à des procédures d’évaluation et de gestion des risques faisait partie du projet de règlement sur l’usage durable des pesticides « Sur », finalement retiré par la Commission européenne en février 2024.

L’article 82 de la loi « Egalim » prévoyait une expérimentation de trois ans, afin de déterminer les bénéfices liés à l’utilisation de drones pour le traitement phytosanitaire des parcelles agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 %, pour la pulvérisation aérienne de « produits utilisés en agriculture biologique, ou dans le cadre d’une exploitation faisant l’objet d’une certification du plus niveau d’exigence environnementale ». Dans le cadre de la loi « Egalim », six essais ont été autorisés en 2020 et 2021 sur des vignes en pente ainsi que deux essais supplémentaires menés sur des pommiers et sur une bananeraie.

L’Anses a évalué les résultats de ces expérimentations en termes d’efficacité, de sécurité de l’opérateur et de protection des riverains des parcelles traitées dans un avis ([111]) publié le 1er juillet 2022. L’étude, fondée sur des données limitées de par la durée et le nombre d’expérimentations réalisées, ne permet pas « à ce stade, de dégager des conclusions générales robustes ». La poursuite des expérimentations reste nécessaire pour confirmer les tendances observées. Les conclusions de l’Anses sont mitigées sur l’efficacité et les risques associés. Elle conclut ainsi qu’en termes d’efficacité, « les performances d’applications par drone apparaissent plus faibles et plus variables que celles d’applications par matériel terrestre ». L’avantage principal de l’utilisation de drones réside dans la réduction de l’exposition des opérateurs qui « est très inférieure lors de l’utilisation d’un drone en comparaison à une utilisation avec un chenillard, en particulier lors de la phase d’application », ainsi que des risques d’accidents du travail par retournement ou glissement d’engins dans les parcelles en pente. S’agissant de la mesure de dérive, du point de vue du risque riverain, les niveaux de contamination à une distance de la parcelle de trois et dix mètres, sont supérieurs lors d’une pulvérisation avec un drone plutôt qu’avec un atomiseur à dos.

La proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés, déposée par le député M. Jean‑Luc Fugit (EPR), a été adoptée le 27 janvier 2025 à l’Assemblée nationale et le 9 avril 2025 au Sénat, puis promulguée ([112]) le 23 avril 2025. Cette loi modifie l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, pour y introduire un paragraphe I bis relatif aux cas particuliers autorisés d’épandage par drone, notamment pour les parcelles comportant une pente supérieure ou égale à 20 %, sur les bananeraies et les vignes mères de porte-greffe conduites au sol. Un paragraphe I ter prévoit la mise en place de nouvelles expérimentations et la procédure pour autoriser l’épandage par drone selon les résultats de ces expérimentations.

D’après le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (Masa), l’épandage par drone dans les bananeraies est recommandé « pour le traitement de la cercosporiose noire, principale maladie de la banane, d’autant plus efficace qu’il est appliqué sur les jeunes feuilles au sommet des bananiers, sur la partie apicale. L’application par drone présente cet autre intérêt de mieux localiser le produit sur la partie supérieure de la plante », outre la réduction de l’exposition de l’opérateur. Le Masa indique également pour le cas particulier des vignes mères de porte-greffe que « les applications terrestres nécessitent le recours à des appareils de pulvérisation à forte assistance d’air pour pénétrer la végétation, qui génèrent plus de dérive et qui écrasent le matériel végétal par le passage de tracteur dans les parcelles ».

  1.   L’utilisation des néonicotinoïdes est interdite en France, et restreinte dans l’Union européenne
    1.   L’interdiction des substances de la famille des néonicotinoïdes et assimilés

Au regard de leurs effets nocifs susceptibles d’affecter des organismes vivants, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques est strictement encadrée au niveau européen par la directive 2009/128/CE ([113]) et le règlement relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ([114]). Les substances actives réputées approuvées par ce règlement sont inscrites à l’annexe I du règlement d’exécution n° 540/2011 ([115]).

La direction générale de la santé (DGS) indique que « les néonicotinoïdes sont des substances particulièrement toxiques pour les pollinisateurs et qui présentent également des effets néfastes pour la santé humaine (perturbation endocrinienne, cancérogénicité, etc.) et des impacts « en cascade » sachant notamment les services écosystémiques rendus par les pollinisateurs ». À ce titre, l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes, substances insecticides utilisées notamment en agriculture, est interdite en France et restreinte dans l’Union européenne depuis 2018.

En France, l’article 125 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, modifiant l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, interdit l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits à partir du 1er septembre 2018, avec des dérogations possibles jusqu’au 1er juillet 2020. Ce dispositif a été renforcé par la loi « Egalim » qui interdit les substances présentant des modes d’action identiques à ceux de la famille des néonicotinoïdes, tels que le flupyradifurone ou le sulfoxaflor. Ces mesures ont fait de la France un pays précurseur en matière de protection des pollinisateurs.

Au niveau européen, cinq substances néonicotinoïdes ont fait l’objet historiquement d’une approbation : la clothianidine, l’imidaclopride, le thiaméthoxame, l’acétamipride et le thiaclopride. En 2018, la Commission européenne interdit l’usage de trois substances (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame), sauf pour les usages sous serre, puis en 2019, elle interdit l’usage de la thiaclopride. Seule la substance acétamipride reste aujourd’hui autorisée au niveau européen, jusqu’au 28 février 2033 ([116]). Conformément à l’article 36 du règlement relatif à la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques ([117]), « un État membre peut refuser l’autorisation du produit phytopharmaceutique sur son territoire si, en raison de ses caractéristiques environnementales ou agricoles particulières, il est fondé à considérer que le produit en question présente toujours un risque inacceptable pour la santé humaine ou animale ou l’environnement », en dépit de la mise en place de mesures nationales d’atténuation des risques. L’utilisation de l’acétamipride reste donc interdite en France.

Cette interdiction peut donc pénaliser certaines filières agricoles ayant recours à des substances néonicotinoïdes par rapport à leurs homologues européennes, notamment les filières des noisettes ou des betteraves, qui indiquent ne pas disposer d’alternatives aux néonicotinoïdes. La rapporteure pour avis précise toutefois que la filière des betteraves, accompagnée par l’État, notamment au travers du conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances, dispose de solutions alternatives.

Dérogations aux conditions de mise sur le marché
de produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes

En 2020, la filière de la betterave a subi une épidémie de jaunisse transmise par l’intermédiaire de pucerons dont l’arrivée fut précoce et massive. La France est le premier producteur de sucre européen. Pour soutenir la production de la filière, le Gouvernement a accordé des dérogations provisoires, par la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, conformément à l’article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009, pour l’utilisation de l’imidaclopride et le thiaméthoxame ([118]) ([119]) jusqu’au 1er juillet 2023. L’article 53 du règlement permet à un État membre d’accorder une dérogation pour l’utilisation d’un pesticide non homologué en Europe pour une période temporaire « n’excédant pas cent vingt jours » et « en raison d’un danger qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables ».

Les députés Mme Hélène Laporte (RN) et M. Stéphane Travert (EPR), dans le cadre de l’évaluation de la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020, ont mis en évidence les risques et conséquences environnementales résultant de l’utilisation des néonicotinoïdes de manière dérogatoire. Les rapporteurs avaient conclu que « les arrêtés de dérogation pris en application de la loi de 2020 ont eu des effets négatifs sur l’environnement, du fait de la dangerosité des substances autorisées », et rappellent que « la forte solubilité des néonicotinoïdes dans l’eau et leur persistance dans les sols et les milieux aquatiques entraînent une contamination étendue de l’environnement, y compris dans les zones non traitées ».

La Cour de Justice de l’Union européenne a précisé au sein de l’arrêt C-162/21 du 19 janvier 2023, à la suite de six autorisations accordées par l’État belge, que l’article 53 ne permet pas à un État membre d’autoriser la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques dès lors que la Commission européenne a expressément interdit, par un règlement d’exécution, l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces produits. Par conséquent, il n’existe plus aucune dérogation pour ces produits.

Lors de leurs auditions, les ministères de la santé et de l’environnement ont indiqué à la rapporteure pour avis qu’il subsiste des incertitudes sur la neurotoxicité et sur le caractère perturbateur endocrinien de l’acétamipride. La DGS a toutefois souligné la difficulté pour établir un lien entre l’utilisation de familles de pesticides et des pathologies qui ont souvent des origines multifactorielles. La DGS indique que : « l’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a rendu en mai 2024 un avis démontrant des incertitudes majeures concernant la neurotoxicité de cette substance et proposant de réduire les valeurs toxicologiques de référence et de baisser les limites maximales de résidus sur 38 productions. En l’état, l’Efsa n’est pas capable de statuer sur l’innocuité de la substance active pour la santé humaine et ces différentes conclusions sont de nature à limiter fortement l’autorisation de produits à base de cette substance active et donc le recours à ces produits. De plus, l’Efsa a renouvelé sa demande de réévaluation du caractère de perturbation endocrinienne de l’acétamipride selon les standards en vigueur depuis 2018 ».

Il a été par ailleurs démontré ([120]) que les néonicotinoïdes affectaient le comportement et l’orientation des abeilles en altérant leur mémoire de navigation, nécessaire pour regagner la ruche. Des travaux de l’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et de l’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) ([121]) soulignent « les corrélations négatives entre l’abondance des populations d’oiseaux et des données relatives soit à l’usage des néonicotinoïdes soit à leur concentration dans les eaux de surface, tout en prenant en compte d’autres facteurs associés à l’intensification agricole (changement d’usage des terres, surface cultivée, utilisation de fertilisants) ». Enfin, une étude ([122]) rapporte des associations entre l’exposition chronique aux néonicotinoïdes et des effets indésirables sur le cerveau et le système nerveux central des nouveau-nés dans des cas d’exposition aux néonicotinoïdes pendant la grossesse.

  1.   Un conseil de surveillance pour la recherche d’alternatives aux néonicotinoïdes a été institué

Le conseil de surveillance, défini au II bis de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, est chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances. Dans le cadre de la procédure de dérogation mentionnée au deuxième alinéa du II de l’article L. 253-8, le conseil « émet un avis sur les dérogations et assure le suivi et l’évaluation de leurs conséquences, notamment sur l’environnement, et de leur incidence économique sur la situation de la filière », pour les dérogations qui étaient valables jusqu’en juillet 2023.

Il est notamment composé de parlementaires, de représentants des ministères, d’associations de protection de l’environnement, d’organisations professionnelles, et d’établissements publics de recherche. Sa composition vise à permettre un dialogue entre des intérêts souvent divergents. D’après le rapport d’évaluation précité de la loi n° 2020-1578 du 14 décembre 2020, « les échanges n’y ont pas été suffisamment apaisés et constructifs ». Il serait davantage considéré comme « une chambre d’enregistrement de décisions de dérogation ». La direction générale de la prévention des risques (DGPR) indique que « la fonction du conseil de surveillance en matière d’avis sur les dérogations à l’interdiction des néonicotinoïdes et sur l’évaluation des conséquences de ces dérogations est devenue obsolète. Cependant, ses missions consistant à superviser la recherche sur les alternatives aux néonicotinoïdes demeuraient pertinentes avec un suivi des avancées du plan national de recherche et d’innovation ». Le Masa établit un bilan positif de ce conseil, qui a notamment « permis à la représentation nationale de suivre les travaux sur la protection des betteraves sucrières contre les pucerons vecteurs de jaunisse, avec notamment un avis préalable sur les projets de dérogation ».

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Un risque d’affaiblissement de l’indépendance décisionnaire de l’Anses

Les dispositions relatives à l’Anses au sein de l’article 2 figurent aux alinéas 1 à 10 du texte qui vous est soumis.

  1.   La proposition de loi initiale

Le I de l’article 2 de la proposition de loi initiale modifie l’article L. 13135 du code de la santé publique et prévoit que le ministre chargé de l’agriculture peut suspendre, par un arrêté motivé, une décision du directeur général de l’Anses en matière de produits phytopharmaceutiques « après avoir réalisé une balance détaillée entre les risques sanitaires et environnementaux et les risques de distorsion de concurrence avec un autre État membre de l’Union européenne, et évalué l’efficience de solutions alternatives ». Ces dispositions reprennent la rédaction de l’article 13 de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, déposée par M. Laurent Duplomb (LR) et plusieurs de ses collègues au Sénat, adoptée le 23 mai 2023 mais qui n’a jamais été examinée à l’Assemblée nationale. Elles visent à intégrer un bilan « bénéfice – risque » en matière de santé humaine et environnementale, tout en prenant en compte plus particulièrement le contexte économique associé aux activités agricoles pouvant être affectées par des décisions de refus ou retrait de l’autorisation de mise sur le marché.

Le II de l’article 2 de la proposition de loi initiale créé un article L. 253-11 du code rural et de la pêche maritime qui :

– impose à l’État de « financer un accompagnement technique et de recherche adapté » aux professionnels concernés en cas de retrait d’autorisation ou de modification de l’autorisation d’utilisation d’un produit phytopharmaceutique ;

– porte les délais de grâce en cas de décision de retrait d’un produit phytopharmaceutique à six mois pour la vente et la distribution, et un an supplémentaire pour l’élimination, le stockage et l’utilisation des stocks existants, c’est-à-dire les délais maximaux prévus à l’article 46 du règlement relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ([123]) ;

– donne la possibilité au directeur général de l’Anses « de s’en remettre à la décision du ministre chargé de l’agriculture » à l’occasion de l’instruction d’une demande d’autorisation préalable à la mise sur le marché et à l’expérimentation de produits phytopharmaceutiques.

  1.   L’examen en commission

À l’initiative du rapporteur, M. Pierre Cuypers (LR), et de M. Vincent Louault (LIRT), la commission a adopté deux amendements identiques, COM-33 et COM-24 rect., visant à supprimer le pouvoir de suspension d’une décision du directeur général de l’Anses par le ministre chargé de l’agriculture, cette disposition étant jugée incompatible avec le droit européen. En effet, les motifs permettant au ministre de procéder à une suspension de la décision de l’Anses, notamment d’ordre économique ou de concurrence, ne sont pas prévus par le règlement relatif à la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ([124]).

Ces amendements reformulent mais maintiennent la possibilité pour le directeur général de l’Anses de s’en remettre à la décision du ministre chargé de l’agriculture pour l’instruction d’un dossier associé à la délivrance, à la modification et au retrait des différentes autorisations préalables à la mise sur le marché et à l’expérimentation de produits phytopharmaceutiques. Ils permettent au ministre chargé de l’agriculture « d’évoquer un dossier » pour pouvoir statuer en lieu et place du directeur général. Dans ce cas, le ministre doit statuer selon les critères d’évaluation définis par la réglementation européenne. Par ailleurs, ils introduisent la possibilité pour le ministre chargé de l’agriculture de demander à l’Anses d’examiner prioritairement un dossier spécifique en matière de produits phytopharmaceutiques. Cette mesure vise à « mieux répondre aux demandes urgentes émanant de filières en situation d’impasse technique » selon l’exposé des motifs de ces amendements.

L’amendement COM-20 rect. de M. Vincent Louault conduit à compléter la liste des missions de l’Anses figurant à l’article L. 1313-1 du code de la santé publique, pour y ajouter celle d’encourager « l’innovation par l’émergence de technologies nouvelles pour répondre aux défis environnementaux, en particulier des technologies et filières de production de fertilisants agricoles ». Lors des débats en commission, le rapporteur M. Pierre Cuypers a émis un avis défavorable soulignant que « ce n’est pas le rôle de l’Anses, mais des instituts comme l’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), ou encore les instituts techniques agricoles ».

L’amendement COM-25 rect. de M. Vincent Louault instaure une capacité d’autosaisine du comité de suivi des autorisations de mise sur le marché « pour pouvoir délivrer un avis consultatif au directeur général de l’Anses à chaque fois qu’il l’estimera nécessaire », considérant que ce comité reste trop peu saisi. Lors de son audition, l’Anses a mentionné qu’elle seule, dotée de la personnalité morale, est habilitée à être saisie et à produire des avis, le comité de suivi des autorisations de mise sur le marché n’étant qu’une instance consultative. L’Anses a ainsi précisé que le comité n’a vocation à intervenir ni dans l’évaluation des risques, ni dans la prise de décision concernant les produits individuels et considère donc qu’« une capacité d’autosaisine ne serait pas cohérente avec ce périmètre de compétence ». La DGPR précise par ailleurs qu’« il est aujourd’hui d’ores et déjà possible pour un membre du comité de faire part au directeur général de l’Anses d’un sujet de préoccupation. Le directeur général décide alors des suites à donner à la demande de façon à privilégier la bonne gestion des équipes et éventuellement, si c’est pertinent, de soumettre la question au comité de suivi des autorisations de mise sur le marché ». La rapporteure pour avis approuve les positions de l’ANSES et de la DGPR.

  1.   L’examen en séance publique

L’amendement n° 91 du Gouvernement, adopté en séance publique, prévoit une obligation d’information des ministères de tutelle de l’Anses, préalablement à la décision de son directeur général. Cette obligation d’information préalable à la décision s’applique à l’ensemble des compétences de l’Anses, et non pas uniquement aux dossiers d’autorisation de produits phytopharmaceutiques. Dans l’exposé des motifs de cet amendement, le Gouvernement précise qu’« il ne s’agit en aucune manière de remettre en cause l’indépendance de l’évaluation scientifique de l’Anses mais d’améliorer la connaissance sur les délais et les perspectives potentielles sur la disponibilité des moyens de protection de cultures en France, particulièrement concernant les usages orphelins, ou mal pourvus qui sont critiques pour la survie de nombre de filières ».

Pour l’Anses, cette disposition engendre « un risque déontologique et un risque de fragilisation de la gouvernance de sécurité sanitaire dans laquelle s’inscrit l’action de l’agence » ([125]). N’ayant pas la qualité d’autorité indépendante, l’agence précise que c’est la robustesse du système de gouvernance et notamment de la clarté du partage des responsabilités entre l’État et ses agences qui constitue le pilier du système de sécurité sanitaire. Elle considère que « présenter des projets de décisions en amont de la phase conclusive à des demandeurs d’autorisation de mise sur le marché et à des utilisateurs de ces produits constitue bien une pression, même involontaire ou inapparente, sur le résultat attendu ».

Interrogés lors de leurs auditions, la DGPR et la DGS soulignent qu’une information systématique obligatoire des ministères entraînerait :

– un flou dans les responsabilités de chacun, pouvant mener à une ingérence et menaçant l’expertise indépendante de l’Anses ;

– une complexification des procédures ;

– un allongement des délais de publication des décisions de l’Anses ;

– une augmentation de la charge de travail des services de l’agence et des ministères.

Ils précisent par ailleurs, qu’en pratique, l’inscription dans la loi de l’information préalable des ministères de tutelle viendrait formaliser une pratique déjà mise en œuvre par l’Anses avant la publication des avis et des recommandations. Des protocoles et des échanges sont en effet présents entre l’Anses et les ministères de tutelle pour permettre un fonctionnement adapté, et apporter une visibilité suffisante aux ministères de tutelle sur les décisions importantes nécessitant une anticipation des services du ministère.

Pour la rapporteure pour avis, cette disposition crée effectivement un risque déontologique et de fragilisation de la gouvernance de sécurité sanitaire. Elle propose donc de supprimer l’information préalable des ministères de tutelle par l’Anses.

L’amendement n° 91 du Gouvernement introduit un nouvel article L. 2538-4 du code rural et de la pêche maritime qui créé un conseil d’orientation pour la protection des cultures. Celui-ci a pour mission de « suivre la disponibilité des méthodes et moyens de protection des cultures, chimiques et non chimiques, donner un avis sur les priorités attendues par les filières sur leurs usages et suivre le calendrier d’instruction des autorisations de mise sur le marché par l’Anses sur ces usages prioritaires ». Ce conseil vise donc à hiérarchiser l’instruction par l’Anses des dossiers selon l’usage prioritaire défini par le ministère de l’agriculture.

Le I de l’article L. 253-8-4 précité définit le terme « d’usage prioritaire ». Le II instaure un conseil d’orientation pour la protection des cultures qui a pour mission de suivre la disponibilité des méthodes et moyens de protection des cultures, chimiques et non chimiques, ainsi que d’informer le ministre chargé de l’agriculture sur les usages estimés comme prioritaires. Du fait du III, le ministre chargé de l’agriculture est tenu de fixer par arrêté, après avis du conseil d’orientation pour la protection des cultures, la liste des usages prioritaires. Le Masa précise que « la priorisation des usages par rapport à l’objectif de protection des cultures ne devrait concerner qu’une proportion minoritaire d’usages de produits phytopharmaceutiques (un usage est la combinaison d’un produit, d’une culture et d’un bioagresseur ou adventice), à fixer par voie réglementaire ». Le IV prévoit l’obligation pour l’Anses d’établir un calendrier d’instruction tenant compte du cycle cultural présenté devant le conseil d’orientation. Le V prévoit un décret d’application.

L’objectif du Masa est de « rendre certaines décisions à un moment plus utile pour leur utilisation », compte tenu « de retards pour la délivrance des autorisations » et du fait que « la grande majorité des décisions sont prises dans un délai excédant le délai réglementaire, par conséquence de l’effet « file d’attente » » ([126]). Il considère par ailleurs que « l’établissement d’un calendrier d’instruction spécifique au regard des usages prioritaires est sans incidence sur le sens des décisions à prendre, qui sont une prérogative du directeur général de l’Anses ».

La création d’un tel conseil avait été annoncée le 30 novembre 2024 par la ministre chargée de l’agriculture, Mme Annie Genevard, dans un contexte de mobilisation du monde agricole lors des négociations de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur et de mesures visant à soutenir la compétitivité des agriculteurs français. Selon le Masa, « le conseil d’orientation pourrait être présidé par le ministre chargé de l’agriculture ou son représentant, et pourrait associer des représentants des ministères de l’environnement, de la santé et de la recherche, de l’Inrae et de l’Anses, des instituts techniques agricoles qualifiés dans le secteur des productions végétales, des organisations syndicales agricoles, des organisations professionnelles de metteurs sur le marché de produits phytopharmaceutiques conventionnels et de biocontrôle. Le secrétariat du conseil pourrait être assuré par la direction générale de l’alimentation » ([127]). Les modalités de fonctionnement et la composition du conseil d’orientation ne sont pas connues et seront précisées par un décret d’application.

Le comité de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts de l’Anses souligne dans son avis n° 2025-1 ([128]), publié le 10 avril 2025, qu’il « a été informé de l’existence d’un « comité des solutions » et de l’éventualité de la création d’un « comité d’orientation » sur les produits réglementés pouvant peser sur les priorités de travail et de publications de l’Anses. De tels comités pourraient remettre en cause le fonctionnement actuel et les garanties de transparence sur les avis et d’indépendance des décisions de l’Anses. ». Ce dispositif pourrait notamment conduire à prioriser les dossiers qui comportent des enjeux économiques pour les filières de production au détriment d’autres préoccupations, notamment sanitaires ou environnementales.

Le rôle de l’Anses serait réduit à l’établissement d’un calendrier d’instruction des demandes en fonction des usages prioritaires définis par le ministère chargé de l’agriculture, après avis du conseil d’orientation, posant des questions sur la capacité de ce conseil à assurer l’équilibre entre les enjeux économiques et les enjeux sur la santé et l’environnement, et menaçant l’indépendance de l’Anses. Par ailleurs, selon la DGPR, la priorisation « serait de nature à désorganiser le flux de gestion des dossiers en retardant la délivrance des autorisations de mise sur le marché des dossiers jugés non prioritaires et à exercer une pression implicite sur le travail d’évaluation des dossiers jugés prioritaires ». Elle précise que l’Anses est tributaire de délais d’instruction fixés par la réglementation européenne. À ce titre, la dépriorisation de certains dossiers au profit d’autres serait de nature à entraîner des dépassements de délais, et des risques contentieux avec les entreprises soutenant des dossiers considérés comme non prioritaires.

La rapporteure pour avis propose de supprimer le conseil d’orientation pour la protection des cultures.

L’adoption de l’amendement du Gouvernement n° 91 conduit à la suppression de dispositions de la proposition initiale ou d’amendements adoptés en commission, notamment concernant :

– la possibilité pour le directeur général de l’Anses de s’en remettre à la décision du ministre chargé de l’agriculture ;

– l’examen prioritaire d’un dossier par l’Anses sur demande du ministre chargé de l’agriculture ;

– l’extension des missions de l’Anses visant à encourager l’innovation ;

– l’accompagnement de l’État en matière technique et de recherche en cas de retrait d’autorisation ou de modification de l’autorisation ;

– l’extension systématique du délai de grâce en cas d’une décision de retrait de mise sur marché.

Également adopté en séance publique, l’amendement n° 87 rect. de M. Laurent Duplomb (LR) modifie l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime pour établir une procédure contradictoire dans le cadre d’une décision à venir de rejet. Ainsi, l’Anses est tenue de communiquer, dans les meilleurs délais, les « motifs pour lesquels elle envisage de rejeter la demande ». Le demandeur peut alors soumettre des observations écrites que l’Anses doit prendre en compte avant de rendre sa décision finale.

Cette étape supplémentaire dans l’évaluation des dossiers d’autorisation de mise sur le marché n’est pas prévue dans la réglementation française et européenne, et notamment par le règlement relatif à la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques ([129]). Le tribunal administratif de Melun a ainsi rappelé dans sa décision n° 2204588 du 28 octobre 2024 qu’« aucune disposition, ni aucun principe, n’impose de façon générale à l’Anses de communiquer, avant la décision statuant sur la demande d’autorisation de mise sur le marché, les conclusions de l’évaluation du produit phytopharmaceutique, ni d’engager un débat contradictoire sur les conclusions de son évaluation ». La mise en œuvre de cette procédure contradictoire implique donc un allongement des délais d’instruction, non pris en compte par les délais fixés par le règlement européen, et une complexification de la procédure, ainsi qu’une charge de travail supplémentaire. Par ailleurs, l’Anses précise que le principe du contradictoire s’applique généralement aux décisions associées à des sanctions, alors que l’octroi ou le refus d’une autorisation « n’a pas le caractère d’une sanction, mais se borne à tirer les conclusions de la conformité ou non de la demande aux exigences fixées par la réglementation ».

L’Anses a toutefois indiqué lors de son audition qu’« en pratique, les conclusions de l’évaluation sont systématiquement transmises au pétitionnaire, de même qu’il est informé des intentions de retrait d’autorisation de mise sur le marché ». Ainsi, l’Anses estime que la procédure mise en œuvre permet déjà de garantir des exigences de transparence à l’égard du demandeur et qu’une telle modification engendrerait une complexification de la procédure. En cas de rejet de la demande d’autorisation de mise sur le marché, le pétitionnaire peut solliciter un réexamen de la décision auprès de l’Anses dans le cadre d’un recours gracieux dans un délai de deux mois.

Cette vision est partagée par le ministère chargé de l’agriculture, le Gouvernement ayant demandé le retrait et émis un avis défavorable à cet amendement, considérant que ce principe du contradictoire existe déjà avec les pétitionnaires.

La rapporteure pour avis propose de supprimer la procédure de contradictoire dans le cadre d’une décision à venir de rejet de l’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques.

  1.   Le recours aux aéronefs en agriculture est déjà permis par l’adoption de la proposition de loi de M. Jean-Luc Fugit

Les dispositions relatives à la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques par drone au sein de l’article 2 figurent aux alinéas 12 à 24 du texte qui vous est soumis.

  1.   La proposition de loi initiale

La proposition de loi initiale créé un I bis à l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. Ce I bis permet, par dérogation, de recourir à la pulvérisation par drone de produits phytopharmaceutiques issus des deux catégories de produits phytopharmaceutiques suivantes :

– les produits de biocontrôle, utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures ;

– les produits autorisés en agriculture biologique.

Conformément à l’article 9 de la directive « Sud » ([130]) l’utilisation de la pulvérisation par drone de produits phytopharmaceutiques est conditionnée au fait qu’il n’existe « pas d’autre solution viable », et uniquement si elle « présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre ou en cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens ».

Le texte prévoit que les conditions d’application de cette dérogation seront prises par voie réglementaire par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé.

  1.   L’examen en commission

Aucun amendement portant sur la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques par drone n’a été adopté en commission.

  1.   L’examen en séance publique

L’amendement n° 92 déposé par le Gouvernement porte sur la réécriture des dispositions relatives à l’usage des aéronefs en agriculture. L’amendement modifie l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime en ouvrant, par dérogation au travers des paragraphes I bis et I ter, la possibilité de recourir aux drones pour appliquer des produits phytopharmaceutiques.

Le I bis autorise par dérogation l’épandage de produits phytopharmaceutiques par drone lorsqu’ils présentent « des avantages manifestes pour la santé des personnes travaillant sur les parcelles à traiter et pour l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre ». Cette dérogation s’applique aux parcelles comportant une pente supérieure ou égale à 30 %, sur les bananeraies et sur les vignes mères de porte-greffe conduites au sol. Elle est limitée aux produits à faible risque ([131]), aux produits utilisables en agriculture biologique et aux produits de biocontrôle ([132]). Les conditions d’autorisation des programmes d’application par drone sont définies par un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé, pris après avis de l’Anses et après consultation des organisations professionnelles et syndicales.

Le dispositif au paragraphe I ter met en place de nouveaux cadres expérimentaux sur d’autres types de parcelles, visant à déterminer les avantages observés sur la santé des opérateurs et sur l’environnement, en vue, le cas échéant, d’une autorisation pérenne de cet usage. Cet amendement étend les programmes d’application par aéronef à d’autres types de parcelles et de cultures, à titre expérimental, pour une durée maximale de trois ans, selon des conditions définies par décret, après avis de l’Anses. Les résultats de ces essais sont évalués par l’Anses et présentés à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Si ces essais démontrent des avantages pour la santé et l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre, l’amendement prévoit la possibilité d’autoriser ultérieurement le recours aux drones. Pour ces cas, un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé établit la liste des parcelles et cultures concernées.

Lors de son audition, la DGS a rappelé l’intérêt majeur de l’épandage par drone, qui réside « dans la bien meilleure protection de l’opérateur en vignoble pentu ». Elle précise que « la pente de 30 % est celle qui a fait consensus pour définir la limite d’utilisation des matériels de pulvérisation terrestres ». Toutefois, elle indique qu’une généralisation aux bananeraies et aux vignes-mères de porte-greffe conduites au sol n’a pas été évaluée par l’Anses et appelle à « la plus grande vigilance sachant le manque de données et la problématique de l’exposition des riverains ». En effet, lors des essais, les niveaux de contamination à une distance de la parcelle de trois et dix mètres, sont supérieurs lors d’une pulvérisation avec un drone comparé à celle avec un atomiseur à dos. Selon la DGS, « la position de précaution serait de prolonger le dispositif expérimental », et il serait opportun de « limiter les conditions au critère de pente supérieure à 30 % ». La DGPR indique également qu’« il sera nécessaire de compléter les données de la première campagne d’expérimentation concernant la caractérisation des dérives de pulvérisation ainsi que l’exposition des riverains, des opérateurs et de travailleurs en vue d’optimiser la sécurisation du recours aux drones pour la protection des cultures concernées ».

Cet amendement du Gouvernement s’appuie sur la proposition de loi de M. Jean-Luc Fugit (EPR), député, visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés. Les termes sont quasi-identiques, la principale différence étant l’abaissement du seuil associé à la pente à 20 %. Cette proposition de loi a été adoptée le 27 janvier 2025 à l’Assemblée nationale et le 9 avril 2025 au Sénat, puis promulguée le 23 avril 2025. Par conséquent, les dispositions du texte qui vous est soumis sont déjà prévues.

La rapporteure pour avis propose en conséquence de supprimer l’ensemble des dispositions relatives à la pulvérisation par drone, et propose de poursuivre les expérimentations liées à l’épandage de pesticides pour confirmer les tendances observées, peu de tests ayant été réalisés.

  1.   Un retour en arrière sur l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes

Les dispositions relatives à la ré-autorisation dérogatoire des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques, au sein de l’article 2, figurent aux alinéas 25 à 39 du texte qui vous est soumis.

  1.   La proposition de loi initiale

La proposition de loi initiale abroge les II et II bis de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime.

L’abrogation du II implique désormais l’autorisation, sans conditions, de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques, ainsi que des semences traitées avec ces mêmes produits. Selon l’exposé des motifs, l’article 2 « revient sur une surtransposition française du droit européen en abrogeant les dispositions relatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes pour en revenir à l’application stricte du droit européen ». L’objectif est ainsi notamment de permettre la ré-autorisation de produits à base d’acétamipride.

L’abrogation du II bis met fin au conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances.

L’article L. 253-8-3 du code rural et de la pêche maritime, faisant référence à des arrêtés mentionnés au II de l’article L. 253-8 du même code est également abrogé en conséquence de l’abrogation du II de l’article L. 253-8.

  1.   L’examen en commission

Aucun amendement portant sur l’autorisation d’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques n’a été adopté en commission au Sénat.

  1.   L’examen en séance publique

Adopté en séance publique, l’amendement n° 112 déposé par le rapporteur M. Pierre Cuypers, au nom de la commission des affaires économiques, modifie l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime afin de rétablir l’interdiction nationale des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et des substances au mode d’action identique. Cependant, il prévoit la possibilité de bénéficier d’une dérogation à cette interdiction à titre exceptionnel par décret, après avis du conseil de surveillance. Celle-ci ne peut être accordée que si « les substances actives contenues dans les produits sont approuvées en application du règlement (CE) n° 1107/2009 », si « les alternatives disponibles à l’utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes », et à la condition qu’« il existe un plan de recherche sur les alternatives à leur utilisation ».

Cette dérogation serait accordée dans les conditions prévues à l’article 53 du règlement relatif à la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques. En pratique, trois substances pourraient être concernées par une telle dérogation : l’acétamipride, le flupyradifurone, ainsi que le sulfoxaflor (pour des usages sous serre permanente ou abris).

Le conseil de surveillance doit se prononcer, dans son avis, « sur la nécessité d’une dérogation exceptionnelle, sur les conditions auxquelles cette dérogation serait adéquate et strictement proportionnée et sur l’état de la recherche d’alternatives ». Il est également chargé du suivi des dérogations par la publication d’un rapport relatif à chaque dérogation exceptionnelle, portant sur leurs conséquences notamment environnementales et économiques, ainsi que sur l’état d’avancement du plan de recherche d’alternatives.

Il est important de souligner que l’Anses n’est pas consultée dans le cadre du conseil de surveillance. Selon la DGPR, « une représentante de l’Anses a été nommée en tant que personnalité qualifiée au conseil de surveillance, et a participé aux premières réunions. Elle a par la suite démissionné. Les avis émis par ce conseil au cours des campagnes 2021, 2022 et 2023 ont été, après des débats suivis de la démission des représentants des organisations non gouvernementales et du représentant de l’Anses, tous favorables aux dérogations, son action se concentrant sur les mesures de gestion de risques visant à limiter les effets non-intentionnels des néonicotinoïdes utilisés en traitement de semences de betteraves sucrières sur les cultures suivantes ».

Alors que le Gouvernement a émis un avis de sagesse sur cet amendement, la rapporteure pour avis estime qu’un retour sur l’autorisation des néonicotinoïdes, même dérogatoire, n’est pas envisageable au regard des effets néfastes sur les pollinisateurs et de fortes présomptions également sur la santé humaine. Elle propose ainsi de supprimer les dispositions relatives à la ré-autorisation, même dérogatoire, de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques. Compte tenu de la fin de l’autorisation et d’une interdiction possible des néonicotinoïdes en 2033, la rapporteure pour avis considère que l’État doit accompagner les agriculteurs vers une sortie des néonicotinoïdes et vers la transition agroécologique d’ici à 2033.

  1.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a émis un avis défavorable à l’article 2, en adoptant les amendements identiques CD471 de la rapporteure pour avis, CD1 de Mme Delphine Batho (EcoS), CD205 de M. Fabrice Barusseau (PS), CD282 de Mme Mathilde Hignet (LFI) et CD411 de Mme Marcellin Nadeau (GDR).

Favorable à la suppression de cet article, la rapporteure pour avis a rappelé que l’article 2 portait diverses mesures inacceptables, menaçant l’indépendance de l’expertise de l’Anses, et actant un recul sur des enjeux de santé publique et environnementaux avec notamment :

– un risque d’affaiblissement de l’indépendance décisionnaire de l’Anses, par l’obligation d’information préalable des ministères de tutelle avant la publication des décisions, et par la mise en place d’une procédure de contradictoire ;

– la réduction du rôle de l’Anses à l’établissement d’un calendrier d’instruction des demandes d’autorisation de mise sur le marché en fonction des usages prioritaires définis par le ministère de l’agriculture au travers de la création d’un conseil d’orientation pour la protection des cultures ;

– la ré-autorisation sous dérogation des néonicotinoïdes ;

– l’épandage de pesticides par drones, désormais autorisé par dérogation et sous conditions, pour lequel les expérimentations sont insuffisantes.

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Introduit par la commission

 

L’article 2 bis, créé par la commission,  introduit une interdiction de l’autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide dont la substance active n’est plus approuvée ou dont l’autorisation a expiré au titre du règlement portant sur la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques.

Les produits biocides sont encadrés par le règlement européen (UE) 528/2012 ([133]) et sont définis comme des substances ou préparations constituées « d’une ou plusieurs substances actives, en contenant ou en générant, qui est destinée à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre ».

L’évaluation des produits biocides est effectuée en deux temps : d’abord par l’approbation au niveau européen des substances actives biocides, puis par une autorisation de mise sur le marché de produits biocides, accordée au niveau national ou européen. Depuis 2016, la gestion des autorisations de mise sur le marché des produits biocides a été confiée à l’Anses, conformément à l’article L. 1313-1 du code de la santé publique.

La commission a adopté l’amendement CD33 de Mme Delphine Batho (EcoS), conformément à l’avis favorable de la rapporteure pour avis. Cet amendement introduit un rejet systématique de l’autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide lorsqu’il est composé d’une substance active qui n’est plus approuvée pour les produits phytopharmaceutiques au titre du règlement (CE) 1107/2009 ([134]) relatif aux produits phytopharmaceutiques, en raison de leurs dangers pour la santé humaine ou la biodiversité.

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Introduit par la commission

 

L’article 2 ter, créé par la commission, instaure une zone tampon de 200 mètres autour des espaces scolaires et parascolaires, et des établissements de santé. Il intègre de plus les produits reconnus comme cancerogènes, mutagènes ou reprotoxiques au champ de l’article L. 253‑7‑1 du code rural et de la pêche maritime.

Le 1° de l’article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit qu’à l’exclusion des produits à faible risque ou dont le classement ne présente que certaines phases de risque déterminées par l’autorité administrative, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques est interdite dans les espaces fréquentés par les enfants, notamment dans l’enceinte des établissements scolaires, « des haltes-garderies et des centres de loisirs ainsi que dans les aires de jeux destinées aux enfants dans les parcs, jardins et espaces verts ouverts au public ». Telle que prévue au 2° de cet article, l’utilisation de ces produits autour des établissements de santé fait l’objet de mesures de protection adaptées permettant d’éviter la présence de personnes vulnérables pendant le traitement. Dès lors que ces mesures ne peuvent être mises en œuvre, le pouvoir administratif doit déterminer « une distance minimale adaptée en deçà de laquelle il est interdit d’utiliser ces produits à proximité de ces lieux ».

Un arrêté ([135]) de 2019 fixe une distance minimale de 20 mètres pour les lieux mentionnés à l’article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime, en l’absence de distance de sécurité spécifique fixée par l’autorisation de mise sur le marché du produit concerné.

La commission a adopté l’amendement CD294 de M. Loïc Prud’homme (LFI), malgré l’avis défavorable de la rapporteure pour avis. Cet amendement modifie le 2° de l’article L. 253‑7‑1 du code rural et de la pêche maritime en renforçant les conditions d’utilisation des produits phytopharmaceutiques et des adjuvants à proximité de certains lieux spécifiques. Il introduit ainsi une zone tampon de 200 mètres autour des espaces scolaires et parascolaires, et autour des établissements de santé, interdisant l’usage de ces produits afin de protéger les riverains.

Cet amendement intègre de plus les produits reconnus comme cancerogènes, mutagènes ou reprotoxiques au champ de l’article L. 253‑7‑1 du code rural et de la pêche maritime.

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Introduit par la commission

 

L’article 2 quater, créé par la commission, rétablit les expérimentations sur l’épandage de pesticides par drone pour les fortes pentes, les bananeraies et les vignes-mères de porte-greffe conduites au sol, et limite cette pratique à une pente supérieure ou égale à 30 %.

L’article 82 de la loi « Egalim » ([136]) prévoyait une expérimentation de trois ans concernant l’utilisation de drone pour la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques sur des parcelles agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 %.

L’Anses a évalué, dans son avis publié le 1er juillet 2022, les résultats de ces expérimentations en termes d’efficacité, de sécurité de l’opérateur et de protection des riverains des parcelles traitées. Cette étude, fondée sur des données limitées de par la durée et le nombre d’expérimentations réalisées, « ne permet pas, à ce stade, de dégager des conclusions générales robustes compte tenu des incertitudes observées ». Néanmoins, la loi n° 2025-365 du 23 avril 2025 visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés a modifié l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, pour y introduire :

– un paragraphe I bis relatif aux cas particuliers autorisés d’épandage par drone, notamment pour les parcelles comportant une pente supérieure ou égale à 20 %, sur les bananeraies et les vignes-mères de porte-greffe conduites au sol ;

– un paragraphe I ter relatif à une généralisation des expérimentations, hors des cas prévus au paragraphe I bis, et la possibilité, après évaluation des résultats par l’Anses, d’autoriser l’épandage par drone pour de nouveaux types de parcelle ou de culture.

L’amendement CD493 de la rapporteure pour avis, adopté par la commission, vise à poursuivre les expérimentations de l’épandage de pesticides par drones sur les types de parcelles et les cultures pour lesquelles l’épandage par drone a été autorisé au titre de la loi n° 2025-365 du 23 avril 2025 : les fortes pentes, les bananeraies et les vignes-mères de porte-greffe conduites au sol. Cet amendement revient également aux conditions de l’expérimentation portée par la loi « Egalim », c’est-à-dire aux parcelles agricoles comportant une pente supérieure ou égale à 30 %.

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Introduit par la commission

 

L’article 2 quinquies, créé par la commissiion, ouvre la possibilité pour les parcs et réserves d’interdire l’utilisation de pesticides dans leur périmètre.

La commission a adopté l’amendement CD34 de Mme Delphine Batho (EcoS) qui complète l’article L. 253‑8 du code rural et de la pêche maritime, traitant notamment de l’interdiction des néonicotinoïdes et de l’épandage par drone, au sein de la section relative aux mesures de précaution et de surveillance liées aux produits phytopharmaceutiques.

Cet amendement introduit un III bis, ouvrant la possibilité pour les parcs et réserves d’interdire l’utilisation de pesticides dans leur périmètre, à l’exception des produits de biocontrôle, des produits autorisés en agriculture biologique et des produits à faible risque.

La rapporteure pour avis a émis un avis défavorable en raison des effets restrictifs importants pour les agriculteurs exerçant dans ces périmètres, sans délai de mise en application en vue de la sortie des pesticides. Cet amendement induit par ailleurs une insécurité juridique pour les exploitants travaillant sur des parcelles agricoles relevant de plusieurs territoires, avec des réglementations locales pouvant être très différentes.

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Introduit par la commission

 

L’article 2 sexies, créé par la commission, augmente le taux appliqué de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques vendus sur le territoire français à un seuil plancher de 3,5 %.

L’article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime prévoit une taxe sur les produits phytopharmaceutiques bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché. Le taux de cette taxe est fixé par arrêté des ministres chargés de l’agriculture et du budget, et est plafonné à 3,5 % du chiffre d’affaires issu de la vente réalisées au cours de l’année civile précédente, à l’exclusion des ventes des produits qui sont expédiés vers un autre État membre de l’Union européenne ou exportés hors de l’Union européenne.

La commission a adopté l’amendement CD265 de M. Jean-Claude Raux (EcoS), modifiant l’article L. 253-8-2 du code rural et de la pêche maritime, qui vise à augmenter le taux de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques mis sur le marché en France. Le plafond de 3,5 % devient ainsi un seuil plancher, le taux de la taxe étant désormais au moins égal à 3,5 %. La notion de plafond de cette taxe a été supprimée. Cet amendement exclut par ailleurs les produits de biocontrôle du champ d’application de cette taxe.

La rapporteure pour avis a émis un avis favorable à cet amendement, dont la rédaction est cohérente avec l’article 3 de la proposition de loi visant à protéger durablement la qualité de l’eau potable, adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire le 11 février 2025.

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Introduit par la commission

 

L’article 2 septies, créé par la commission, étend les missions de l’Anses à l’organisation et à la supervision des essais en complément de l’évaluation de l’impact de produits réglementés.

La commission a adopté l’amendement CD295 de M. Loïc Prud’homme (LFI) visant à renforcer le rôle de l’Anses dans les procédures d’évaluation des produits réglementés. L’article L. 1313-1 du code de la santé publique énumère les missions de l’Anses, notamment l’évaluation des produits phytopharmaceutiques, des médicaments vétérinaires, des produits biocides, ainsi que la supervision des laboratoires chargés des analyses sanitaires de l’eau. Il précise que l’Anses « met en œuvre une expertise scientifique indépendante et pluraliste » et « contribue également à assurer [...] la protection de l’environnement, en évaluant l’impact des produits réglementés sur les milieux, la faune et la flore ».

L’amendement propose de modifier cet article pour confier à l’Anses une mission supplémentaire : l’organisation et la supervision systématique des essais et l’interprétation des résultats afin de mieux caractériser les produits évalués, pour l’ensemble de ses missions.

Toutefois, la rapporteure pour avis a émis un avis défavorable, rappelant que les règlements européens (CE) 1107/2009 et 546/2011 ([137]) n’imposent pas aux organismes chargés de l’évaluation, comme l’Anses, de superviser les essais fournis par les industriels. En effet, la mission de l’Anses est d’évaluer la « validité scientifique des données fournies par les industriels, et leur conformité aux exigences réglementaires » ([138]).

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Introduit par la commission

 

L’article 2 octies, créé par la commission, renforce le contrôle de la qualité de l’eau, en instaurant une liste nationale de contrôle de la présence de métabolites de pesticides dans les eaux destinées à̀ la consommation humaine. 

La commission a adopté l’amendement CD264 de M. Jean-Claude Raux (EcoS), modifiant l’article L. 1321‑5 du code de la santé publique, afin de renforcer le contrôle de la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine. Il introduit une liste nationale de contrôle de la présence de métabolites de pesticides dans ces eaux, établie par le ministre chargé de la santé après avis conforme de l’Anses.

Les produits phytopharmaceutiques se dispersent dans l’environnement, contaminant notamment les eaux de surface et souterraines, et sont susceptibles d’être transférés dans l’eau destinée à la consommation humaine. La directive (UE) 2020/2184 ([139]) prévoit dans un considérant que « lorsque cela est nécessaire au vu du recensement des dangers, les États membres devraient surveiller les polluants qu’ils considèrent comme pertinents, tels que les nitrates, les pesticides ou les produits pharmaceutiques ». Au niveau national, l’article L. 1321‑5 du code de la santé publique encadre le contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine, plus particulièrement concernant les prélèvements et analyses d’eau réalisés par l’agence régionale de santé ou par un laboratoire agréé.

Cet amendement renforce également le contrôle de la qualité de l’eau destinée à̀ la consommation humaine en intégrant un « contrôle de la présence de métabolites de pesticides dont la recherche est justifiée au regard des circonstances locales d’utilisation ou des quantités vendues de produits phytopharmaceutiques dans le département. »

La commission a également adopté le sous-amendement CD496 de la rapporteure pour avis, ajoutant la mention « chaque année » pour la mise en place de cette liste nationale, en cohérence avec la rédaction de l’article 2 de la proposition de loi visant à protéger durablement la qualité de l’eau potable, adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire le 11 février 2025. Après adoption de ce sous-amendement par la commission, la rapporteure pour avis a émis un avis favorable à l’amendement CD264.

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Introduit par la commission

 

L’article 2 nonies, créé par la commission, vise à signaler aux consommateurs par voie de marquage ou d’étiquetage toute denrée alimentaire ayant été cultivée avec un traitement phytopharmaceutique.

La commission a adopté l’amendement CD446 de Mme Julie Ozenne (EcoS) visant à signaler par marquage ou étiquetage les denrées alimentaires ayant été cultivées avec un traitement phytopharmaceutique. Cette initiative a pour objectif de renforcer l’information des consommateurs, notamment au moment de l’achat, et de favoriser de ce fait la consommation de produits issus de l’agriculture biologique.

Bien que ce marquage ou étiquetage puisse sensibiliser davantage les consommateurs à la présence de pesticides parmi certaines denrées alimentaires commercialisées en France, la rapporteure pour avis a émis un avis défavorable en raison de plusieurs problématiques :

– les produits phytopharmaceutiques ont des impacts variables sur la santé humaine, selon leur nature et leur dosage. Sans information précise sur le produit utilisé ou sa quantité, les consommateurs ne disposent pas d’éléments permettant une évaluation éclairée, ce qui peut créer une perception de risque même pour des substances autorisées par l’Anses ;

– cette mesure peut être incompatible avec le principe de libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne.

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Introduit par la commission

 

L’article 2 decies, créé par la commission,  dispose que le Gouvernement adresse au Parlement, dans un délai de six mois, un rapport sur l’émission de Pfas dans l’environnement liée à l’utilisation de pesticides.

La commission a adopté l’amendement CD114 de M. Nicolas Thierry (EcoS) qui prévoit que, dans un délai de six mois, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’émission de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (Pfas) dans l’environnement en raison de l’utilisation de produits phytosanitaires.

Selon l’étude ([140]) de l’association Générations futures et du réseau Pesticide action network Europe de novembre 2023, que cite M. Nicolas Thierry, trente substances actives, dont l’utilisation dans les pesticides est actuellement autorisée, sont des Pfas, soit 13 % de toutes les substances synthétiques autorisées en France. Par ailleurs, l’évaluation actuelle menée par les agences sanitaires ne prendrait pas en compte de manière approfondie les propriétés toxiques et de perturbations endocriniennes, ainsi que les effets cocktails, de ces substances.

La demande de rapport a donc pour objectif d’avoir des précisions sur cette pollution aux Pfas, en vue d’une possible restriction ou interdiction des pesticides contenant ces substances.

La rapporteure pour avis a émis un avis favorable, considérant que la publication d’un tel rapport permettra d’obtenir davantage de données sur l’émission des Pfas lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et de mesurer plus précisément l’ampleur de ce phénomène.

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Introduit par la commission

 

L’article 2 undecies, créé par la commission, dispose que le Gouvernement adresse au Parlement, dans un délai de six mois, un rapport présentant les démarches engagées au niveau européen en vue de l’interdiction des néonicotinoïdes.

La commission a adopté l’amendement CD403 de Mme Constance de Pélichy (Liot) prévoyant la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement « présentant les actions menées aux niveaux européens pour négocier une interdiction des néonicotinoïdes ».

La rapporteure pour avis a estimé que la transmission d’un tel rapport constituait un pas vers l’objectif d’interdiction des néonicotinoïdes et plus particulièrement de l’acétamipride, au niveau européen. Elle a, à ce titre, émis un avis favorable à l’adoption de l’amendement.

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Avis défavorable de la commission

 

L’article 3, dont la version initiale a été largement modifiée par le Sénat, allège la procédure d’enquête publique des projets soumis à autorisation environnementale, en permettant de transformer les deux réunions publiques obligatoires en une simple permanence en mairie. Cet article prévoit en outre de relever les seuils au-delà desquels des projets d’élevage sont soumis à autorisation environnementale, et non plus à un simple enregistrement.

  1.   l’état du droit
    1.   LA LOI « INDUSTRIE VERTE » a modifié LA PROCÉDURE D’AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE

Les installations classées pour la protection de l’environnement (Icpe) et les installations, ouvrages, travaux et activités (Iota) susceptibles de présenter de graves dangers ou inconvénients pour l’environnement, la santé et la sécurité publique sont soumis à autorisation environnementale. Depuis 2017, ce régime d’autorisation fait l’objet d’une procédure unique, qui concerne les projets d’ampleur dans le domaine industriel, logistique, mais aussi dans le domaine de l’élevage.

Afin d’accélérer la procédure de délivrance de l’autorisation environnementale, la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, dite loi « Industrie verte », a modifié la procédure d’instruction des demandes d’autorisation. Alors que celle-ci comportait trois phases distinctes et successives (une phase d’examen, une phase de consultation du public et une phase de décision), la nouvelle procédure fusionne la phase d’examen et de consultation, tout en instaurant de nouvelles modalités de participation du public.

Le déroulement de la nouvelle procédure de consultation du public est détaillé à l’article L. 181-10-1 du code de l’environnement, créé par l’article 4 de la loi « Industrie verte ». Désormais, le public est consulté dès le début de la phase d’examen et pour une période de trois mois, contre un mois auparavant.

Le commissaire enquêteur doit notamment organiser deux réunions publiques, au début et à la fin de la période de consultation, en présence du porteur de projet.

Plus précisément, le III de l’article L. 181-10-1 précité dispose que la consultation est conduite par le commissaire enquêteur de manière à permettre au public de disposer d’une information complète sur le projet et de participer effectivement au processus de décision, selon les modalités suivantes :

– dans les quinze jours suivant le début de la consultation, le commissaire enquêteur organise une réunion publique d’ouverture avec la participation du pétitionnaire (1° du III) ;

– le public peut faire parvenir ses observations et propositions, pendant la durée de la consultation, par courrier électronique ainsi que par toute autre modalité précisée dans l’avis d’ouverture de la consultation (2° du III). Les observations et propositions transmises par voie électronique sont accessibles sur un site internet désigné dans des conditions fixées par voie réglementaire (3° du III) ;

– les réponses éventuelles du pétitionnaire aux avis mis en ligne et aux observations et propositions du public sont transmises et publiées dans les mêmes conditions, y compris lorsque ces réponses ont été formulées lors d’une réunion publique (4° du III) ;

– dans les quinze derniers jours de la consultation du public, le commissaire enquêteur organise une réunion publique de clôture avec la participation du pétitionnaire. Il recueille les observations des parties prenantes jusqu’à la clôture de la consultation (5° du III).

Enfin, les réponses apportées par le pétitionnaire au plus tard lors de la réunion de clôture de la consultation sont réputées faire partie du dossier de demande d’autorisation, de même que les éventuelles modifications consécutives du projet, sous réserve qu’elles n’en modifient pas l’économie générale.

Cette réforme, appelée « parallélisation des procédures », s’est inspirée du rapport « Guillot » ([141]) qui formulait en 2022 plusieurs recommandations visant à accélérer l’implantation de projets industriels et logistiques sur le territoire. Toutefois, en modifiant la procédure d’autorisation environnementale pour tous les Icpe et les Iota, elle a également concerné les projets importants d’élevage, qui sont considérés comme de telles installations.

L’impact de cette réforme sur l’implantation de projets d’élevage reste difficile à évaluer dans la mesure où elle ne s’applique qu’aux demandes d’autorisation environnementale déposées à compter du 22 octobre 2024, en application de l’article 70 du décret n° 2024-742 du 6 juillet 2024 portant diverses dispositions d’application de la loi industrie verte et de simplification en matière d’environnement.

Interrogée par la rapporteure pour avis, la DGPR a indiqué que « compte tenu de la date d’entrée en vigueur de ces dispositions et des délais propres à cette procédure, les services du ministère ne disposent pas encore de suffisamment de matière et de recul pour procéder à une analyse des impacts de la réforme. À ce stade, ils n’ont pas connaissance d’effets dissuasifs concernant le dépôt des dossiers. Un retour d’expérience sera conduit dans le courant de l’année 2025. »

  1.   Au-delà de certains seuils, les élevages sont soumis à autorisation environnementale

Les activités industrielles ou agricoles relevant de la législation des Icpe sont énumérées dans une nomenclature comportant trois régimes de classement, des moins dangereuses aux plus dangereuses : déclaration, enregistrement ou autorisation. Ces trois régimes procéduraux nécessitent des démarches administratives préalables, réalisées par l’exploitant, qui sont plus importantes pour les installations les plus risquées, c’est-à-dire celles soumises à autorisation environnementale. En pratique, la soumission d’un projet à autorisation environnementale emporte ouverture d’une enquête publique.

Le champ des installations soumises à enregistrement est défini à l’article L. 512-7 du code de l’environnement. Il s’agit des « installations qui présentent des dangers ou inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1, lorsque ces dangers et inconvénients peuvent, en principe, eu égard aux caractéristiques des installations et de leur impact potentiel, être prévenus par le respect de prescriptions générales édictées par le ministre chargé des installations classées ».

L’article L. 512-7 précité précise que les activités pouvant, à ce titre, relever du régime d’enregistrement concernent les secteurs ou technologies dont les enjeux environnementaux et les risques sont bien connus, lorsque les installations ne sont soumises :

– ni à la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles au titre de son annexe I (directive dite « IED ») ;

– ni à une obligation d’évaluation environnementale systématique au titre de l’annexe I de la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (directive dite « EIE »).

La directive IED ne permettait pas, jusqu’à présent, d’appliquer le régime de l’enregistrement à des projets d’élevage relevant du champ d’application de cette directive. Cette directive a toutefois été révisée en avril 2024 afin de consacrer l’existence, en droit européen, du régime d’enregistrement et de prévoir un régime spécifique pour les élevages de porcs et de volailles. Ceux-ci seront, à l’avenir, soumis à des règles d’exploitation définies dans un acte d’exécution de la Commission européenne qui doit être adopté avant le 1er septembre 2026. Cette modification ouvrira la possibilité, à partir de la publication de ces règles, d’appliquer le régime de l’enregistrement aux installations qui ne sont pas soumises à évaluation environnementale systématique.

  1.   Le dispoSItif proposé
    1.   L’assouplissement des modalités de consultation du public

● L’article 3 supprime l’obligation de réaliser systématiquement des réunions publiques d’ouverture et de clôture de la consultation du public, dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation environnementale (amendement COM-30 du rapporteur M. Pierre Cuypers, adopté par le Sénat en commission).

L’article L. 181-10-1 du code de l’environnement est ainsi complété pour prévoir que le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête peuvent choisir, en concertation avec le préfet, de remplacer la réunion publique d’ouverture et la réunion publique de clôture par une permanence à des lieux, jours et heures qu’ils déterminent, incluant au moins une journée dans la mairie de chaque commune du lieu d’implantation du projet (b) et c) du  bis du I.

Cette disposition introduit de la souplesse dans l’organisation de la consultation du public en permettant aux commissaires enquêteurs d’adapter les modalités de participation aux enjeux locaux. Les projets à moindres enjeux, qu’ils soient agricoles ou non, pourront ainsi bénéficier de modalités de consultation simplifiées grâce à la mise en place de permanences où les commissaires enquêteurs pourront recueillir l’avis du public. Des réunions publiques pourront être organisées, en présence du porteur de projet, pour les dossiers à plus forts enjeux.

● L’article L. 181-10-1 précité a également été complété par le Sénat en séance publique (amendement n° 108 du rapporteur M. Pierre Cuypers) pour préciser que les réponses du pétitionnaire aux avis ainsi qu’aux observations et propositions du public, à l’exception de la réponse à l’avis de l’autorité environnementale, sont facultatives. Cet ajout ne modifie pas l’état du droit, puisque le 4° du III de l’article L. 181-10-1 mentionne déjà les réponses « éventuelles » du porteur de projet. De même, le caractère obligatoire de la réponse à l’avis de l’autorité environnementale est déjà prévu à l’article L. 122-1 du code de l’environnement.

Le Sénat a également tenu à préciser au 4° du III de l’article L. 181-10-1 précité que les réponses aux observations et aux propositions du public peuvent être transmises et publiées en une seule fois, jusqu’à la fin de la consultation du public. Là encore, cette modification ne modifie pas le droit en vigueur dans la mesure où, dès lors que les réponses aux observations et propositions du public sont éventuelles, rien n’empêche le porteur de projet d’y répondre en une fois, jusqu’à la fin de la consultation.

L’intérêt de ce nouvel alinéa (b) bis du  bis du I est donc essentiellement pédagogique, afin de répondre aux inquiétudes de la profession.

● Enfin, les a), d) et e) du bis du I procèdent à des coordinations rédactionnelles.

  1.   Le Relèvement des seuils faisant basculer certains projets d’élevages du régime de l’enregistrement à celui de l’autorisation

● L’article 3 complète l’article L. 512-7 du code de l’environnement afin de permettre à certains projets d’élevages de bénéficier du régime d’enregistrement et non plus de celui de l’autorisation environnementale.

Ce dispositif, issu d’un amendement COM-32 du rapporteur M. Pierre Cuypers, concerne les élevages de porcs et de volailles soumis à la directive IED, mais non énumérés à l’annexe I de la directive EIE (b) du  du I.

En considérant le périmètre actuel de la directive IED, ces installations correspondent :

– aux élevages de truies de 751 à 900 emplacements ;

– aux élevages de porcs à l’engraissement de 2 001 à 3 000 emplacements ;

– aux élevages de poules pondeuses de 40 001 à 60 000 emplacements ;

– aux élevages de poulets de chair de 40 001 à 85 000 emplacements ;

– à l’ensemble des autres élevages de volailles de plus de 40 001 places.

L’ensemble de ces installations représente environ 230 élevages porcins et 1 300 élevages de volailles.

D’après les premières estimations du ministère en charge de l’agriculture, la nouvelle version de la directive IED, révisée en 2024, permettrait à environ 1 300 élevages supplémentaires de relever du champ de cette directive, et donc de bénéficier du régime de l’enregistrement. Une analyse plus poussée de ce périmètre est toutefois en cours, en lien avec la profession agricole.

En effet, les nouveaux seuils qui seront applicables aux élevages sont les suivants :

– 350 unités de cheptel pour les élevages de porcs (soit 1 167 emplacements de porcs ou 700 emplacements de truies reproductrices) ;

– 300 unités de cheptel pour les poules pondeuses (soit 21 429 emplacements de poules pondeuses) ;

– 280 unités de cheptel pour les autres volailles (soit quarante mille emplacements de poulets de chair) ;

– 380 unités de cheptel pour les élevages mixtes.

Interrogée par la rapporteure pour avis, la DGPR a indiqué que le périmètre retenu devrait permettre de faciliter le développement, la transmission et la reprise des élevages, en simplifiant l’agrandissement des installations. En effet, près de 2 900 élevages se trouvent aujourd’hui à moins de 10 % du seuil de l’enregistrement actuel. Par ailleurs, le périmètre retenu permet de répondre aux objectifs européens issus de la directive EIE, en maintenant une procédure d’autorisation pour les installations soumises à évaluation environnementale systématique.

Le a) du du I procède à une modification rédactionnelle de cohérence.

● Le II prévoit que ces dispositions entrent en vigueur à la date de publication de l’acte d’exécution prévu par la directive IED révisée, prévue avant le 1er septembre 2026.

L’article 3 correspond donc à une transposition anticipée de la directive révisée.

  1.   Les dispositions initiales de l’article 3 supprimées dans la version adoptée par le Sénat

Les dispositions suivantes, qui figuraient à l’article 3 de la proposition de loi initiale, ont été supprimées lors de l’examen de l’article par le Sénat :

– une précision selon laquelle l’avis de l’autorité environnementale doit être fondé sur les enseignements de la science et citer les études académiques mobilisées pour son élaboration. Même si l’on ne peut que souscrire à l’intention de cette disposition, celle-ci exposait les projets à des risques d’annulation par le juge au simple motif qu’une étude académique ne serait pas mentionnée dans l’avis de l’autorité. Elle a été supprimée en séance publique par un amendement n° 93 du Gouvernement ( à  du I supprimés) ;

– le retour aux trois phases successives de l’instruction des demandes d’autorisation environnementale pour les élevages de bovins, de porcs ou de volailles. Cette disposition avait l’inconvénient de complexifier le paysage juridique, en créant une procédure spécifique à un secteur, alors que le seul critère doit demeurer celui des incidences potentielles du projet sur l’environnement. Elle a été remplacée en commission par un allègement des modalités de consultation du public pour toutes les Icpe (amendement COM-30 créant le  bis du I, voir le commentaire supra) ;

– la mention de la prise en compte des spécificités agricoles dans le cadre de la procédure relative aux Icpe, supprimée en séance publique par un amendement n° 95 du Gouvernement ( du I supprimé). Cette prise en compte se traduit en effet déjà dans les bonnes pratiques administratives, qui pourront d’ailleurs faire l’objet de lignes directrices.

  1.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

Malgré l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission a émis un avis défavorable à l’article 3 en adoptant les amendements identiques CD9 de Mme Lisa Belluco (EcoS), CD197 de Mme Chantal Jourdan (SOC), CD296 de Mathilde Hignet (LFI-NFP) et CD416 de M. Marcellin Nadeau (GDR).

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titre iv
Mieux accompagner les contrÔles et dispositions diverses relatives aux suites liÉes aux inspections et contrÔles
en matiÈre agricole

Avis défavorable de la commission

 

Introduit par amendement en séance publique au Sénat, l’article 7 vise à établir le régime juridique de la technique de lutte autocide, consistant à utiliser des insectes stériles, en vue de diminuer des populations de ravageurs. Il permettrait ainsi de développer dans l’avenir une filière en France et de limiter le recours aux pesticides.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT : l’absence de dispositions spécifiques relatives à la technique de lutte autocide

Le terme de biocontrôle est utilisé pour regrouper les différentes alternatives à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques de synthèse contre les ravageurs des récoltes. Les scientifiques distinguent quatre moyens principaux : substances naturelles, médiateurs chimiques, micro-organismes et macro-organismes. Ces derniers incluent une vaste diversité d’espèces et donnent lieu à de nombreuses stratégies, qu’il est possible de résumer en deux volets : les stratégies de lutte biologique et les stratégies de lutte autocide.

Les stratégies de lutte biologique sont fondées « sur les relations antagonistes entre espèces, le macro-organisme auxiliaire étant un des « ennemis naturels » du bioagresseur » ([142]).

La lutte autocide, appelée également technique de l’insecte stérile (TIS), a été développée depuis plus de cinquante ans. Elle est largement pratiquée hors de France, pour lutter par exemple contre la mouche des fruits en Amérique centrale. Elle consiste à introduire en grande quantité sur un espace précis (champ, plantation) des individus mâles du ravageur cible. Ces individus sont préalablement élevés et rendus stériles par irradiation. Les femelles avec lesquelles ils s’accouplent ne donnent alors pas de descendance, ce qui réduit naturellement la population de l’insecte visé.

Cette technique n’est pas appliquée en France, par manque de capacités de production. En revanche, notre pays recourt largement à la lutte biologique, dont le régime est prévu par l’article L. 258-1 du code rural et de la pêche maritime.

Cet article fixe les règles générales d’entrée sur le territoire et d’introduction dans l’environnement d’un macro-organisme non indigène utile aux végétaux, notamment dans le cadre de la lutte biologique contre les insectes nuisibles aux cultures. Celles-ci sont soumises à une autorisation préalable par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement, comprenant une analyse de l’impact sur la biodiversité que l’organisme peut représenter.

Plusieurs textes réglementaires précisent l’application des dispositions de l’article L. 258-1 précité, principalement le décret n° 2012-140 du 30 janvier 2012 relatif aux conditions d’autorisation d’entrée sur le territoire et d’introduction dans l’environnement de macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux, notamment dans le cadre de la lutte biologique, l’arrêté du 28 juin 2012 relatif aux demandes d’autorisation d’entrée sur le territoire et d’introduction dans l’environnement de macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux, notamment dans le cadre de la lutte biologique, et l’arrêté du 26 février 2015 établissant la liste des macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux, notamment dans le cadre de la lutte biologique, dispensés de demande d’autorisation d’entrée sur un territoire et d’introduction dans l’environnement.

La technique est mature et a fait l’objet le 28 octobre 2022 de la publication d’un guide par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), portant sur l’introduction dans l’environnement de macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux. Il ne peut toutefois y être recouru qu’après une étude vérifiant si le macro-organisme introduit sur un territoire ne crée pas de dommages pour d’autres espèces que le ravageur ciblé. Cette vérification est de la compétence de l’Anses ([143]).

Le code rural précité ne mentionne pas spécifiquement les macro-organismes utiles aux végétaux issus de la technique de lutte autocide, consistant, comme indiqué supra, à interrompre le cycle de reproduction des ravageurs. Cette technique, considérée comme respectueuse de l’environnement, s’est révélée efficace dans d’autres pays pour lutter contre plusieurs insectes ravageurs, à l’instar des mouches des fruits ou des pyrales.

Le recours à la lutte autocide est considéré par la filière arboricole française comme une solution à explorer, en particulier au regard du manque de techniques opérationnelles pour lutter contre la mouche des fruits (ceratitis capitata). En Espagne, la lutte autocide a fait ses preuves dans la région de Valence contre cette espèce. En France, des expérimentations ont récemment vu le jour (à l’instar du centre opérationnel de Balandran, qui s’est doté en 2021 d’une plateforme consacrée au développement de la TIS sur les ravageurs des fruits et légumes). L’hexagone, la Corse et l’île de La Réunion pourraient être intéressés par cette technique pour lutter contre la carpocapse des pommes et des poires (cydia pomonella), la mouche des fruits précitée, la mouche orientale des fruits (bactrocera dorsalis) et le moucheron asiatique (drosophila suzukii), ce dernier étant un ravageur de petits fruits tels que la cerise, la fraise, la framboise, la myrtille et la prune.

Son déploiement à l’échelle nationale pourrait donc être envisagé à court et moyen termes, mais nécessite une base juridique.

  1.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE SÉNAT

L’amendement n° 24 présenté en séance publique au Sénat par M. Vincent Louault (LIRT) et plusieurs de ses collègues vise à créer un cadre juridique permettant de recourir à la lutte autocide, en modifiant l’article L. 258-1 du code rural et de la pêche maritime.

La modification consiste à faire référence dans l’article précité à la notion de « macro-organisme utilisé dans le cadre de la lutte autocide » dans le cas du régime d’autorisation applicable aux macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux. Par coordination, le titre du chapitre VIII du titre V du livre II du code rural et de la pêche est également modifié de façon à inclure une mention relative aux macro-organismes utilisés dans le cadre de la lutte autocide.

On notera que le dispositif proposé par le Sénat n’a guère de portée pratique pour le moment, mais vaut principalement pour l’avenir. À la différence des pays d’Amérique du Nord et d’Amérique centrale, la France ne dispose pas d’outil industriel pour la production de masse d’insectes. Le rattrapage de ce retard exigerait donc de se doter de compétences techniques et scientifiques, qui certes suscitent actuellement l’intérêt des producteurs de fruits comme de certains industriels, notamment ceux opérant dans le domaine de la santé publique (lutte contre les moustiques), mais qui n’en sont qu’au stade de projets.

  1.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a émis un avis défavorable à l’article 7 en adoptant l’amendement CD8 de M. Benoît Biteau (EcoS).

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Avis défavorable de la commission

 

Introduit au Sénat par un amendement du Gouvernement lors de l’examen en séance publique de la proposition de loi, l’article 8 l’habilite à légiférer par ordonnance pour adapter le régime de prévention et de sanction des atteintes à la protection des végétaux, prévu par les titres V et VII du livre II du code rural et de la pêche maritime.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT
    1.   LE DROIT DE L’Union européenne ÉTABLIT UN CADRE DE LUTTE CONTRE LES ORGANISMES NUISIBLES AUX PLANTES ET VÉGÉTAUX

Le règlement (UE) 2016/2031 du 26 octobre 2016 du Parlement européen et du Conseil relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux vise à lutter contre l’introduction et la dissémination d’organismes nuisibles au sein des États membres de l’Union européenne (UE). Ce règlement, qui a abrogé la directive 2000/29/CE, est applicable depuis le 14 décembre 2019. Il introduit une classification des organismes nuisibles aux végétaux, avec la création de deux catégories : les organismes de quarantaine (OQ) et les organismes réglementés non de quarantaine (ORNQ).

Les organismes de quarantaine (OQ) correspondent à des organismes nuisibles absents d’une zone concernée par la réglementation, ou présents faiblement. Ils sont néanmoins susceptibles de se développer, et ainsi d’avoir une incidence économique, environnementale ou sociale inacceptable. La catégorie OQ fait donc l’objet de réglementations strictes et exige pour chaque État membre la mise en place obligatoire de programmes pluriannuels de surveillance des organismes concernés, ainsi que des mesures de lutte d’éradication ou à défaut d’enrayement. Parmi les organismes concernés par la catégorie OQ, se trouve notamment le phytoplasme de la flavescence dorée, un agent pathogène de la flavescence dorée à l’origine de dégâts importants sur les vignes.

Les organismes réglementés non de quarantaine (ORNQ) correspondent à des organismes nuisibles présents sur le territoire de l’Union européenne, transmis via des végétaux spécifiques destinés à être plantés et dont la présence peut avoir une incidence économique inacceptable. La réglementation est moins stricte que pour la catégorie précédente et vise principalement à interdire l’introduction ou la circulation des végétaux susceptibles de porter des organismes nuisibles.

  1.   La codification des mesures de lutte contre les organismes nuisibles aux vÉgÉtaux

Le droit européen a été codifié au sein du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime, relatif au régime de protection des végétaux. Les articles L. 250-1 à L. 250-9 organisent notamment les inspections et les contrôles afin de constater les manquements au droit de l’Union européenne.

Ainsi, aux termes de l’article L. 250-7, les propriétaires de végétaux, produits végétaux ou autres objets présentant ou susceptibles de présenter un danger pour la santé publique, la sécurité des consommateurs ou l’environnement peuvent se voir ordonner la destruction, la consignation, le retrait ou le rappel, en un ou plusieurs lieux, desdits végétaux ou produits végétaux.

Le code rural précité organise également la surveillance biologique du territoire. L’article L. 251-3 établit une liste des organismes nuisibles réglementés, parmi lesquels figurent les OQ et les ORNQ mentionnés par le règlement 2016/2031 précité. Il prévoit une catégorie supplémentaire, « les autres organismes nuisibles figurant sur une liste établie par l’autorité administrative, pour lesquels il peut être nécessaire, dans un but d’intérêt collectif, de mettre en œuvre des mesures de prévention, de surveillance ou de lutte ».

Les articles L. 251-6 à L. 251-11 fixent les obligations auxquelles les propriétaires de végétaux, produits végétaux et autres objets sont soumis. L’article L. 251-10 dispose en particulier que « si un propriétaire ou détenteur refuse d’effectuer dans les délais prescrits et conformément aux arrêtés pris en la matière les mesures de prévention, de surveillance ou de lutte imposées, un agent habilité prend les mesures nécessaires pour l’exécution de ces arrêtés. […] ».

Le cadre actuel du régime de sanctions prévoit huit délits et dix‑neuf contraventions pour sanctionner les manquements aux obligations prévues par la législation relative à la santé des végétaux visant à prévenir l’introduction et la dissémination des organismes de quarantaine. Le II de l’article L. 251-20 du code rural et de la pêche maritime établit un régime de sanctions permettant d’incriminer le non-respect des mesures de luttes imposées. Le délit prévu au 1° du II de l’article L. 251-20 précité incrimine le non-respect des mesures par une peine de six mois de prison et de 150 000 euros d’amende.

On notera enfin que le titre VII du code rural précité (articles L. 271-1 à L. 271-15) fixe un régime spécifique pour la protection des végétaux en Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte.

  1.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ par le SÉnat

L’article 8 a été introduit par l’amendement n° 103 du Gouvernement, lors de l’examen de la proposition de loi en séance publique au Sénat.

La rapporteure pour avis relève que les menaces sanitaires sur les végétaux ont fait l’objet d’un récent rapport législatif de M. Hubert Ott (Dem), au nom de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale (n° 1003, 19 février 2025), sur la proposition de loi n° 822 visant à instaurer un dispositif de sanction contraventionnelle pour prévenir le développement des vignes non cultivées qui représentent une menace sanitaire pour l’ensemble du vignoble français. L’objectif de la proposition de loi est de modifier le régime de sanctions prévu par l’article L. 251-20 du code rural précité permettant d’incriminer la non-réalisation des mesures de lutte imposées contre un organisme nuisible.

Le dispositif de l’article 8 a un champ plus large que les vignes. L’objectif du Gouvernement est d’améliorer les leviers mobilisables par les services de l’État à l’encontre des propriétaires ne prenant pas les mesures de lutte contre les organismes nuisibles de quarantaine. Les objectifs sont ainsi similaires à ceux de la proposition de loi n° 822 précitée, même si cette dernière se cantonne au cas de la flavescence dorée.

En application de l’article 38 de la Constitution, l’article 8 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance « dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi concernant, en vue d’assurer l’efficacité et la cohérence de l’action des services de contrôles de l’État, le régime de prévention et de sanction des atteintes à la protection des végétaux prévu par les titres V et VII du livre II du code rural et de la pêche maritime ». Un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance prévue par le présent article.

Le champ envisagé de l’ordonnance est triple. Il s’agit :

– d’adapter l’échelle des peines et de réexaminer leur nécessité, s’agissant des obligations légales ou réglementaires de protection des végétaux. De nouvelles sanctions pénales pourraient être instaurées, et un régime de répression administrative pourrait remplacer des sanctions pénales existantes ;

– d’adapter le contenu et les modalités d’exécution des mesures de prévention, de surveillance et de lutte contre les dangers phytosanitaires ;

– d’abroger ou de modifier des dispositions prévues par les titres V et VII, jugées inadaptées ou obsolètes.

Selon les informations transmises à la rapporteure pour avis, le Gouvernement prévoit de revenir sur la nature délictuelle des sanctions en vigueur, sans que cela implique l’abrogation complète d’articles aux titres II et V du livre II du code rural précité. Pour le Gouvernement, ce régime alourdit aujourd’hui les procédures pénales. La procédure délictuelle serait aussi lourde à instruire car elle impose de démontrer l’intentionnalité de l’infraction.

Le Gouvernement prévoit de modifier l’article L. 251-20 précité fixant le régime de sanctions. Ce dernier lui apparaît disproportionné dans la majorité des situations et ne permettrait pas de réagir rapidement face à la dissémination des organismes de quarantaine. Le Gouvernement envisage d’instaurer un régime contraventionnel pour sanctionner la non-réalisation des mesures de surveillance et de lutte contre les organismes de quarantaine en lieu et place du délit existant. Seules les mesures de surveillance ou de lutte seraient concernées par le changement de régime de sanction. Les infractions les plus graves, telles que l’introduction volontaire d’un organisme nuisible de quarantaine, conserveraient une nature délictuelle. Pour ne pas avoir deux sanctions différentes incriminant les mêmes faits, la mise en place du nouveau régime retirerait la non-réalisation de mesures de surveillance ou de lutte du champ d’application du délit prévu au 1° du II de l’article L. 251-20 précité.

En parallèle de l’adaptation du régime de sanction, le Gouvernement entend simplifier les bases légales permettant aux agents en charge de la protection des végétaux de prendre des mesures de police administrative en complément de leur pouvoir de police judiciaire. Il prévoit notamment de simplifier la procédure d’exécution d’office prévue à l’article L. 251-10 du code précité. La procédure actuelle fait intervenir plusieurs échelons et notamment le préfet de département, qui, à l’inverse du préfet de région, ne détient pas la compétence en matière de santé des végétaux.

Le Gouvernement prévoit aussi de simplifier la procédure d’état des lieux contradictoire prévue à l’article L. 251-9 du code précité. Selon les informations transmises par le Gouvernement à la rapporteure pour avis, cette procédure serait trop complexe car elle impose la présence cumulée des services en charge de la protection des végétaux du propriétaire, et du maire ou de son délégué.

L’amendement du Gouvernement a été précisé par un sous-amendement n° 111 déposé par le sénateur Pierre Cuypers (LR), prévoyant que la flavescence dorée sera l’un des organismes nuisibles concernés par l’adaptation des mesures de prévention, de surveillance et de lutte prises par ordonnance.

  1.   LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a émis un avis défavorable à l’article 8 en adoptant les amendements identiques CD6 de Mme Delphine Batho (EcoS) et CD324 de Mme Mathilde Hignet (LFI).

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Introduit par la commission

 

L’article 8 bis, créé par la commission, prévoit un régime spécifique de référé à l’encontre d’une décision accordant une autorisation environnementale.

  1.   L’État du droit

Les procédures de référé se répartissent, dans l’ordre administratif, entre les référés d’urgence, les référés pour lesquels la condition d’urgence n’est pas requise et les référés spécifiques au droit de l’environnement.

Les référés d’urgence sont au nombre de trois :

– le référé-suspension prévu par l’article L. 521-1 du code de justice administrative : il autorise le juge des référés à ordonner la suspension de l’exécution d’une décision administrative lorsque celle-ci fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation ;

– le référé-liberté, prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative : il permet au juge d’ordonner, en cas d’urgence, toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale ;

– enfin, le référé-conservatoire, prévu par l’article L. 521-3 du code de justice administrative, permet au juge de prononcer, en cas d’urgence, toute « mesure utile », sous réserve qu’elle ne soit pas contraire à une décision.

Les référés sans condition d’urgence permettent principalement de procéder au constat d’une situation pouvant générer un litige devant une juridiction ou impliquant l’administration.

Les procédures spécifiques au droit de l’environnement viennent pour leur part compléter les instruments à la disposition du juge administratif pour prendre, sans condition d’urgence, des décisions provisoires visant à éviter les risques d’atteinte à l’environnement. Le référé-étude d’impact et le référé-enquête publique ont, respectivement, été créés en 1976 et 1983. Ces mécanismes contentieux ont été codifiés dans le code de justice administrative (articles L. 554-11 et L. 554-12) et dans le code de l’environnement (articles L. 123-12 et L. 122-2). Ils obéissent aux règles fixées par l’article L. 123-16 du code de l’environnement aux termes duquel « le juge administratif des référés, saisi d’une demande de suspension d’une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête, fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci ».

Ainsi, le juge des référés fait droit à toute demande de suspension d’une décision prise sans étude d’impact – ou sans qu’elle ait été mise à la disposition du public – ou malgré les conclusions défavorables de cette étude, ainsi qu’à toute demande de suspension d’une décision prise sans que l’enquête publique requise (ou la participation du public prévue) ait eu lieu. Par ailleurs, une troisième procédure, créée en 2010, étend la procédure de suspension applicable aux seules décisions administratives prises sans étude d’impact aux décisions intervenues en l’absence d’évaluation environnementale. Il s’agit du référé-évaluation environnementale, prévu par l’article L. 122-12 du code de l’environnement.

  1.   les travaux de la commission

L’efficacité des référés pour des litiges touchant à l’environnement fait l’objet de réflexions depuis plusieurs années, en raison de difficultés de lisibilité et de la durée parfois insuffisamment rapide des procédures pour répondre à des situations d’urgence spécifiques. En outre, la complexité et la technicité de certains dossiers environnementaux demandent une instruction approfondie et une analyse scientifique qui prennent du temps et sont difficilement compatibles avec les procédures d’urgence. Sans éléments techniques suffisants, le juge décide parfois de ne pas suspendre la décision administrative, au risque que la décision contestée soit déjà exécutée.

Adopté par la commission contre l’avis de la rapporteure pour avis, l’amendement CD341 de Mme Lisa Belluco (EcoS) vise à accélérer la procédure de référé à l’encontre d’une décision d’autorisation environnementale « dans le cas notamment où le requérant fait état d’un risque irréversible, même si celui-ci est incertain ». L’objectif de l’amendement est d’éviter les atteintes irréversibles à l’environnement.

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Introduit par la commission

 

L’article 8 ter, créé par la commission, fixe à douze mois le délai dans lequel le juge administratif statue sur les recours contre les décisions accordant une autorisation environnementale

  1.   L’État du droit

La procédure devant le juge administratif à l’encontre d’une décision portant autorisation environnementale est prévue par les articles L. 181-17 et L. 181-18 du code de l’environnement. Elle n’enserre le travail du juge dans aucun délai.

  1.   les travaux de la commission

La commission a adopté l’amendement CD343 de Mme Lisa Belluco (EcoS), contre l’avis de la rapporteure pour avis, tendant à ce que le juge administratif statue dans un délai de douze mois sur les recours contre les décisions accordant une autorisation environnementale, afin d’accélérer le règlement de tels contentieux, compte tenu des dommages irréversibles pouvant être causés à l’environnement par certains travaux. Ce délai est étendu par l’amendement au recours à l’encontre d’une série d’actes administratifs portant sur les opérations énumérées à l’article L. 381-2 du code de l’environnement (Iota, émission de gaz à effet de serre, évaluation des incidences Natura 2000, etc.).

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II.   Réunions de la commission saisie pour avis

Lors de ses réunions des mardi 6 mai, après-midi et soir, et mercredi 7 mai, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, pour avis, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (Mme Sandrine Le Feur, rapporteure).

  1.   Réunion du mardi 6 mai, après-midi

M. Gérard Leseul, président. La proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur sera examinée en séance publique du lundi 26 au vendredi 30 mai. Notre commission a délégation au fond sur les articles 5 et 6, pour lesquels les amendements ne seront donc recevables qu’en son sein : selon l’usage, ils seront repris sans discussion par la commission des affaires économiques.

Nous sommes par ailleurs saisis pour avis simple sur les articles 1 à 3 et 7 et 8 : les amendements de notre commission seront transmis à la commission des affaires économiques, qui les adoptera ou non. Nous avons 419 amendements à examiner.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cette proposition de loi, dont la version initiale a été largement modifiée par les travaux du Sénat, comporte des points utiles. Le travail parlementaire doit néanmoins se poursuivre : ce texte ne doit pas servir de cheval de Troie pour affaiblir nos exigences environnementales, au nom d’une fausse urgence. Notre responsabilité est de bâtir une agriculture résiliente, respectueuse du vivant et des générations futures.

Nous devons tenir une ligne claire. À cet égard, réintroduire les néonicotinoïdes, même partiellement, serait un recul inacceptable pour la santé des pollinisateurs et la crédibilité de notre transition agricole. De même, la ressource en eau et les zones humides doivent être préservées. Si j’ai conscience des difficultés sur le terrain, nos ambitions environnementales ne sauraient être sacrifiées au nom de solutions de court terme. Mon engagement, comme rapporteure pour avis et comme agricultrice, consiste à défendre une agriculture durable, qui s’émancipe des dépendances chimiques et s’appuie sur l’innovation, la recherche et l’accompagnement des producteurs.

Nous sommes saisis au fond sur l’article 5, qui a pour objet de contourner ou de réduire les procédures et obligations du droit environnemental pour l’accès à l’eau pour l’agriculture. Dans sa version initiale présentée au Sénat, l’article visait à instaurer un principe – juridiquement flou – de « non-régression du potentiel agricole », modifiant ainsi la définition des zones humides, en l’affaiblissement considérablement. Un amendement du gouvernement a permis de réécrire entièrement cet article, qui demeure inacceptable, sur les questions du stockage ou des zones humides.

L’article 5 tend ainsi à accorder une qualification d’intérêt général majeur et de raison impérative d’intérêt public majeur aux ouvrages de stockage de l’eau pour l’agriculture et aux prélèvements réalisés dans les eaux de surface ou dans les nappes phréatiques. Ces qualifications permettent de lier l’octroi de dérogation au respect, d’une part, de la directive-cadre sur l’eau visant à la protection des milieux aquatiques et de notre ressource en eau, et, d’autre part, de la directive « habitats », visant à la protection des espèces protégées et des habitats naturels.

J’entends et je connais le besoin en eau pour l’agriculture. Confrontées aux conséquences du dérèglement climatique, des exploitations pourraient être contraintes de recourir à l’irrigation, au détriment de la protection de la ressource et de la nécessaire limitation des prélèvements, telle qu’affirmée à de nombreuses reprises, des assises de l’eau au plan Eau de mars 2023.

Or la France compte déjà entre 600 000 et 800 000 retenues d’eau, qui perturbent le cycle de l’eau au détriment du stockage naturel. Elles ne sauraient toutes être reconnues d’intérêt général, sans examen au cas par cas, en dérogeant aux obligations du droit environnemental. À cet égard, une concertation territoriale est nécessaire, via les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) et les schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage). Ceux-ci autorisent déjà, dans de nombreux cas, le maintien ou la création de retenues d’eau dans l’intérêt du territoire. Il faut distinguer entre les retenues collinaires, alimentées par ruissellement et déconnectées du réseau hydrographique, et les retenues de substitution, qui puisent dans les nappes.

Les dispositions actuelles de la proposition de loi relatives au stockage généralisent une présomption d’intérêt général juridiquement fragile. En effet, la même notion, appliquée au potentiel agricole, a récemment été censurée par le Conseil constitutionnel. Avec l’adoption de cet article, le droit de l’environnement serait affaibli et les institutions de concertation, légitimes pour organiser la gestion de l’eau sur le territoire, seraient contournées.

L’article 5 prévoit aussi la création d’une nouvelle catégorie de zone humide « fortement modifiée », dont la dégradation serait dispensée des procédures relevant de la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités (Iota) et de la compensation écologique. Nous ne savons pas comment ces zones seraient sélectionnées, ni sur quels critères, ni quelle superficie elles représenteraient.

Surtout, l’urgence n’est pas de continuer à dégrader les zones humides, mais de les restaurer. En effet, 50 % d’entre elles ont disparu en France entre 1960 et 1990. Pourtant, les études scientifiques sont claires : elles fournissent des services essentiels, filtrent l’eau, la stockent, font tampon contre les crues et absorbent le carbone. 6 % des émissions de l’Union européenne sont dues à la destruction des tourbières. Leur dégradation s’inscrit à contresens de nos objectifs de préservation de la biodiversité, d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, inscrits dans le droit national et européen ; le risque de contentieux est élevé. Pour une agriculture durable sur notre territoire, un soin particulier doit être accordé aux deux biens communs sur lesquelles elle repose : la terre et l’eau. Je défendrai donc un amendement de suppression de l’article 5.

L’article 6 me semble équilibré et je ne souhaite pas le modifier. Il renforce utilement la coordination des missions de police de l’environnement en clarifiant les rôles respectifs du préfet et du procureur de la République, tout en apportant des garanties pour une meilleure lisibilité et acceptabilité des contrôles sur le terrain. La validation par le préfet de la programmation annuelle des contrôles administratifs, la transmission des procès-verbaux par voie hiérarchique, ainsi que la possibilité d’équiper les agents de caméras individuelles, sont autant de dispositions qui permettent de concilier efficacité de l’action publique, apaisement des relations et respect des principes de l’État de droit. Ce compromis, fruit d’un travail entre le Sénat et le gouvernement, mérite d’être conservé en l’état.

L’article 1er traite quant à lui de la séparation de la vente et du conseil des produits phytopharmaceutiques, instaurée pour limiter les conflits d’intérêts. L’intention était juste mais la mise en œuvre s’est révélée difficile, avec des contournements par certains acteurs qui continuent de prodiguer des conseils à l’oral. La version initiale de la proposition de loi abrogeait complètement cette séparation. À travers un amendement du gouvernement adopté au Sénat, la séparation de la vente et du conseil est conservée pour les fabricants de produits phytopharmaceutiques, et abrogée pour les distributeurs. Je soutiens ce compromis : il maintient une indépendance, tout en tenant compte des réalités du terrain.

L’article 1er propose également une évolution des conseils à destination des exploitants agricoles. Le conseil spécifique est supprimé pour laisser place au conseil « à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques », défini de façon large par toute recommandation d’utilisation de produits phytopharmaceutiques, ainsi qu’au « conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques », fondé sur un diagnostic et un plan pluriannuel pour la protection des cultures.

Je propose le rétablissement du caractère obligatoire du conseil stratégique à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Il serait une déclinaison du conseil stratégique global, également créé, avec pour objectif d’améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale des exploitations agricoles.

Enfin, l’interdiction des remises, rabais et ristournes à l’occasion de la vente de produits phytopharmaceutiques est maintenue, grâce à un amendement du gouvernement adopté au Sénat.

L’article 2 propose diverses mesures en lien avec les autorisations de produits phytopharmaceutiques et l’établissement qui les délivre, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Les dispositions relatives à l’Anses m’inquiètent profondément, car elles constituent un risque d’affaiblissement de l’indépendance décisionnaire de cette agence. Ainsi, l’obligation est faite d’informer les ministères de tutelle de l’Anses avant l’émission d’une décision par son directeur général. De plus, une procédure contradictoire est instaurée, préalablement à l’adoption de toute décision de rejet. Ces mesures ne sont pas anodines : elles complexifient les procédures et allongent les délais de publication des décisions de l’Anses. Surtout, elles mènent à une ingérence, menaçant directement l’expertise indépendante de l’Agence.

Un conseil d’orientation pour la protection des cultures est créé pour suivre la disponibilité des méthodes et moyens de protection des cultures et donner un avis au ministère chargé de l’agriculture sur les usages à définir comme prioritaires. Le rôle de l’Anses est alors réduit à l’établissement d’un calendrier d’instruction des demandes en fonction des usages prioritaires définis. Je m’oppose fermement à toutes ces dispositions sur l’Anses.

L’article 2 traite également de la question de l’épandage par drones de produits phytopharmaceutiques. Il est désormais possible, par dérogation et sous conditions, sur les parcelles agricoles comportant une pente de plus de 30 %, sur les bananeraies et sur les vignes-mères de porte-greffe conduites au sol. Des programmes d’expérimentations peuvent, en complément, être mis en place pour étendre les types de parcelles ou de cultures concernées. La loi proposée par notre collègue Jean-Luc Fugit, visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés, a été promulguée le 23 avril dernier. Il convient donc de supprimer les dispositions du présent texte.

L’article 2 revient sur l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou assimilés, par dérogation et sous conditions : lorsqu’il n’existe pas d’alternatives disponibles à l’utilisation de ces produits, ou qu’elles sont manifestement insuffisantes ; lorsqu’il existe un plan de recherche sur les alternatives à leur utilisation. Ces dérogations sont prises par décret, après avis du conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou assimilés.

Je considère qu’un retour à une autorisation des néonicotinoïdes, même de manière dérogatoire, n’est pas envisageable, en raison des effets néfastes sur les pollinisateurs et de l’existence de fortes présomptions sur la neurotoxicité et sur le caractère de perturbateur endocrinien de certains néonicotinoïdes, dont l’acétamipride. Mon message est sans ambiguïté : la France et l’Union européenne doivent demeurer à l’avant-garde de la protection de la santé humaine et de l’environnement. Je défendrai donc un amendement de suppression de l’article 2 dans son ensemble.

L’article 3 allège la procédure de consultation du public pour les projets d’installation soumis à autorisation environnementale. Il permet de transformer les deux réunions publiques obligatoires en une simple permanence en mairie. Si les travaux du Sénat ont amélioré les dispositions initiales, cet assouplissement pourrait être limité aux élevages, sans être étendu à l’ensemble des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Je soutiendrai à cet égard l’amendement du groupe LIOT.

L’article 3 prévoit en outre de relever les seuils au-delà desquels les projets d’élevage de volailles et de porcs sont soumis à autorisation environnementale, et non plus à un simple enregistrement. Cette disposition reprend la directive relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution), dite IED, qui a été révisée en avril 2024.

L’article 7 traite de plusieurs secteurs de l’agriculture en recherche de solutions alternatives aux produits phytosanitaires de synthèse, notamment l’arboriculture fruitière et la viticulture. L’une des principales solutions réside dans les techniques de biocontrôle. Les scientifiques distinguent quatre moyens principaux : substances naturelles, médiateurs chimiques, micro-organismes et macro-organismes. Ces derniers incluent une vaste diversité d’espèces et donnent lieu à de nombreuses stratégies, que l’on peut résumer en deux volets – lutte biologique ou lutte autocide.

Les stratégies de lutte biologique sont fondées sur les relations antagonistes entre espèces, le macro-organisme auxiliaire étant l’un des ennemis naturels du bioagresseur. La lutte autocide – ou technique de l’insecte stérile – a été développée depuis plus de cinquante ans. Il s’agit, sur un territoire donné, d’introduire des mâles rendus stériles sur une population d’insectes ravageurs, afin de limiter leur nombre par la limitation de la fécondation. Si la France ne pratique pas la lutte autocide, elle dispose d’une législation très encadrée sur la lutte biologique – un avis de l’Anses est notamment requis dès qu’un macro‑organisme est introduit sur un territoire. L’article 7 vise à donner une base législative à la lutte autocide dans le code rural et de la pêche maritime.

Enfin, l’article 8 résulte d’un amendement du gouvernement adopté par le Sénat. Il s’inscrit dans le dispositif de lutte contre les organismes nuisibles aux plantes et végétaux, établi au niveau européen et inscrit dans le code rural et de la pêche maritime. Les propriétaires de végétaux, produits végétaux ou autres objets présentant ou susceptibles de présenter un danger pour la santé publique, la sécurité des consommateurs ou l’environnement peuvent se voir ordonner la destruction, la consignation, le retrait ou le rappel desdits végétaux ou produits végétaux. La commission des affaires économiques a d’ailleurs récemment travaillé sur ce sujet, en examinant la proposition de loi de notre collègue Hubert Ott, visant spécifiquement les menaces sur les vignes.

Avec l’article 8, le gouvernement souhaite actualiser le régime de sanctions à l’encontre des personnes portant atteinte à la protection des végétaux. Il demande à cette fin l’habilitation du Parlement pour y procéder par ordonnances. Il souhaite notamment agir plus efficacement à l’encontre des propriétaires qui ne prennent pas les mesures nécessaires contre les organismes dits de quarantaine.

M. Gérard Leseul, président. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Emmanuel Blairy (RN). Ce texte est né d’un constat, partagé par tous ceux qui sont au contact du monde paysan. Nos agriculteurs souffrent et étouffent sous les normes, les surtranspositions et l’empilement de contraintes technocratiques. Nos producteurs n’ont pas besoin de grands discours : ils demandent des actes concrets pour simplifier, débloquer et protéger. Cette proposition de loi apporte des réponses de bon sens, notamment en allégeant les procédures sur les zones humides déjà artificialisées. Surtout, elle propose de reconnaître l’agriculture comme une priorité légitime dans la gestion de l’eau, ressource stratégique pour la souveraineté alimentaire.

Loin des dogmes écologistes qui sacrifient nos campagnes au profit d’une vision déconnectée des réalités, nous devons défendre une gestion pragmatique de l’eau, fondée sur l’équilibre entre protection et développement. Sans agriculture en effet, il n’y a pas de ruralité : c’est l’âme de la France qui disparaît. Nous devons accompagner la nécessaire adaptation du monde agricole à la raréfaction de l’eau. Elle passe par des outils de sécurisation, non par des interdictions déguisées ou des logiques punitives. L’usage agricole de l’eau doit être reconnu comme stratégique.

Sur la question des contrôles, nous soutenons certaines mesures, telles que l’équipement des caméras piétonnes pour certains agents chargés de la police de l’environnement, de façon à apaiser les tensions, protéger les agents et garantir une certaine transparence.

Cette proposition de loi laisse toutefois une question fondamentale en suspens : quelle est la mission prioritaire de l’Office français de la biodiversité (OFB) ? Historiquement, l’Office national de la chasse et la faune sauvage (ONCFS) avait une mission claire : encadrer la chasse, lutter contre le braconnage, protéger la faune. Depuis sa fusion avec l’Agence française de la biodiversité (AFB), pour former l’OFB, ses missions ont été diluées. La mission flash sur la conciliation des usages de la nature et la protection de la biodiversité, dont j’ai été le corapporteur, a relevé une baisse préoccupante de l’activité de l’OFB en matière de police de la chasse. En raison des nombreuses missions qui lui ont été confiées, l’Office a ainsi réorienté son action vers d’autres priorités, laissant la charge de la police de la chasse aux agents de développement des fédérations de chasse et aux gardes particuliers ; cela sera source de difficultés dans les années à venir, s’agissant de notre souveraineté alimentaire. Bien qu’imparfait, ce texte permet de retrouver pragmatisme et respect pour nos agriculteurs et nos territoires, et de cesser d’opposer agriculture et environnement.

Mme Anne-Sophie Ronceret (EPR). Depuis plusieurs années, nos agriculteurs alertent sur la complexité croissante des normes, le poids des procédures administratives, les difficultés à concilier leur métier avec les exigences environnementales, pourtant essentielles. Depuis des années, ils nous disent : « Laissez-nous travailler, faites-nous confiance. » Ce texte répond à ce cri du terrain : il remet du bon sens dans notre droit ; il allège, clarifie et protège.

L’objectif de la proposition de loi est simple mais fondamental : permettre à nos agriculteurs d’exercer leur métier dans des conditions dignes, durables et sécurisées, tout en respectant les règles environnementales dans un cadre cohérent. Elle s’inscrit dans la continuité de la récente loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture. Il ne s’agit pas d’une loi supplémentaire, mais d’une brique de plus pour pérenniser notre souveraineté alimentaire et faire en sorte que la France reste un pays qui produit, qui nourrit, qui choisit librement le contenu de ses assiettes.

Dans ma circonscription, je rencontre nos agriculteurs, je les écoute et comprends leurs inquiétudes. Je le dis avec clarté, notre rôle n’est pas de leur compliquer la tâche mais de leur donner les moyens de réussir. Ils veulent produire, transmettre, innover. Ils ont besoin qu’on les soutienne et leur fasse confiance. Je le rappelle, l’agriculture française est la plus saine au monde.

L’article 5 fait un choix de responsabilité. Dans les zones où l’eau manque, les ouvrages de stockage agricole, s’ils sont sobres, concertés et équitables, seront présumés d’intérêt général majeur. Il en va ainsi de l’abreuvement du bétail, une évidence. Cela signifie moins de blocages et plus de solutions concrètes. Un champ retourné dix fois ne pouvant être traité comme un sanctuaire naturel, la réglementation relative aux zones humides a été fortement modifiée : il faut l’adopter. Ces mesures de bon sens sont ancrées dans le quotidien de nos agriculteurs.

L’article 6 est consacré au contrôle des infractions. Il renforce la coordination des différents acteurs, place le préfet au cœur du pilotage et encadre l’usage des caméras-piétons. Ces mesures sont attendues et nécessaires. Elles permettront à tous les acteurs de travailler ensemble. L’autorité de l’État doit être juste, lisible et assumée : moins d’arbitraire, plus de respect, plus de transparence.

Ce texte ne cherche pas à opposer agriculture et écologie. Il renoue avec la nécessaire responsabilité, le dialogue et la confiance. Être aux côtés de nos agriculteurs, c’est leur donner les moyens d’agir, de produire, de transmettre, c’est choisir de les accompagner pour garantir la souveraineté alimentaire de la France et le devenir de nos agriculteurs. C’est pourquoi, à titre personnel, je voterai en faveur de cette proposition de loi.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Cette proposition de loi agricole est un contresens historique. Prétendant répondre à la détresse du monde paysan, elle en aggrave les causes profondes. Si elle se présente comme une solution, elle est un leurre, une fuite en avant dictée par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), principal artisan de décennies de dérégulation agricole destructrice. En ciblant les normes environnementales, ce texte se trompe d’ennemis. Ce ne sont pas les jachères, les rotations, les insectes ou les oiseaux – bref, les exigences écologiques – qui étranglent les agriculteurs. Ce sont les prix cassés, la guerre des marges imposée par la grande distribution, la concurrence faussée par des traités de libre-échange. Ce sont des décennies de choix politiques qui ont livré l’agriculture à la loi du marché mondial, à la loi du plus fort.

Les mêmes sont toujours à la manœuvre – le gouvernement, la direction de la FNSEA et les géants de l’agro-industrie, ces deux derniers étant parfois les mêmes. Ils osent se poser en sauveurs alors qu’ils ont patiemment construit le piège dans lequel sont tombés nos agriculteurs. Cette proposition de loi est une diversion, pire, une négation grave de la science. En effet, elle piétine les alertes de la recherche. Les faits sont là. Les insectes pollinisateurs, indispensables à nos cultures, s’effondrent : 80 % d’entre eux ont disparu en Europe en vingt ans. Le Royaume-Uni a connu une baisse de 63 % en seulement trois ans. En France, la perte de productivité varie entre 5 % et 80 % selon les cultures, faute de pollinisation. Ces données scientifiques alarmantes sont bien établies.

Répondre à ce constat par un allégement des normes environnementales est non seulement irresponsable, mais dangereux. Cela revient à ignorer les conditions même de la production agricole d’aujourd’hui et de demain. Mon groupe a toujours défendu une autre voie : des prix planchers rémunérateurs ; une répartition équitable de la valeur, du champ jusqu’au consommateur ; le rejet clair des traités de libre-échange ; l’investissement massif dans l’installation, la transmission, la transition écologique. Ce texte est un cadeau fait au président de la FNSEA, son groupe agroalimentaire Avril et ses porte-flingue : ils veulent mettre du plomb dans notre droit environnemental, pour servir exclusivement leurs intérêts. C’est une trahison pour les agriculteurs : ce n’est pas en saccageant le vivant que nous sauverons l’agriculture. Ce n’est pas en niant la science que nous construirons la souveraineté alimentaire tant réclamée. Cette proposition de loi est un retour en arrière, ou plutôt un saut dans l’abîme. Nous ne l’accepterons pas.

M. Fabrice Barusseau (SOC). J’évoquerai tout d’abord la méthode de travail et l’influence de ce texte sur notre calendrier parlementaire. La proposition de loi Duplomb a fait l’objet, pendant plusieurs semaines, d’une véritable saga à l’Assemblée, alimentant les conflits au sein du gouvernement – les ministres ne soutenant pas tous ce texte – et la pression syndicale auprès du Premier ministre. Le travail parlementaire devrait être davantage respecté.

La proposition de loi illustre parfaitement la période politique de remise en cause des grands principes scientifiques, climatiques et sociaux que nous traversons : réintroduction des néonicotinoïdes, dont la dangerosité pour la santé humaine et environnementale a été largement démontrée par de nombreuses études ; remise en cause de la science et des grands principes de contrôle sanitaire mis en place par la loi Le Foll de 2014, notamment le transfert des décisions d’autorisation de mise sur le marché à l’Anses visant à séparer l’évaluation du risque de la prise de décision d’autorisation, ce qui a permis de couper le cordon ombilical entre le ministère de l’agriculture et la régulation du secteur des produits phytopharmaceutiques ; stigmatisation des agents publics et remise en cause du rôle et des missions conduites par l’OFB ; remise en cause des règles de police de l’eau et assouplissement des règles relatives à la construction de mégabassines. Les sujets de préoccupation des agriculteurs ne sont pas ceux-là. Le monde agricole veut être accompagné dans le changement de pratiques ; il veut pouvoir opérer sa mutation, pour ne pas être le perdant de la transition écologique et du changement climatique.

La proposition de loi que nous examinons est dirigée contre l’agriculture ; elle vise à saboter la biodiversité et l’environnement, premier outil de travail des agriculteurs. Elle obéit à une logique de marché et de renforcement de la productivité. Or la bonne santé d’une filière agricole ne repose pas seulement sur la compétitivité des prix et la dérégulation : une telle vision est celle des industriels qui cherchent le profit ; elle repose sur l’hypothèse d’une agroéconomie faible et peu ancrée dans nos territoires. La financiarisation de l’économie doit s’arrêter. La séparation pure et simple de la vente et du conseil peut être discutée, mais seulement pour une amélioration de la pratique agricole.

Faciliter l’agrandissement des élevages revient à réduire l’autonomie financière et alimentaire des exploitations. Le développement des infrastructures d’irrigation ne compense pas l’augmentation des prélèvements de l’eau et assèche les zones humides ; les pompes à nitrate, qui évitent les déversements de pollution, sont détériorées. Si le texte satisfait les attentes d’aujourd’hui, il ne répond pas aux besoins de demain. Le principe de précaution doit être la norme. Nous amenderons donc ce texte rétrograde, qui ne propose pas une bonne politique de préservation des écosystèmes et n’apporte aucune solution concrète pour les agriculteurs : rien en faveur d’un meilleur revenu ni d’un rééquilibrage des relations commerciales, rien pour réguler le foncier agricole ou pour réformer notre système d’aides, lequel reste orienté vers le productivisme.

M. Jean-Pierre Taite (DR). La proposition de loi Duplomb-Menonville améliorerait fortement le quotidien de nos agriculteurs. Complément de la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture défendue par Mme la ministre Annie Genevard, ce texte est très attendu par les filières agricoles. Son vote permettra à toutes celles et ceux qui sont aux côtés des agriculteurs d’en faire la preuve.

Cible d’une campagne de dénigrement grossière qui n’est pas à la hauteur des enjeux, il est une réponse concrète à une surtransposition normative qui pourrit la vie de nos agriculteurs et conduit notre agriculture au déclassement sur le marché international. Il est la première pierre, le premier acte pour revitaliser cette fierté française qu’est notre agriculture, aujourd’hui menacée par une concurrence qui ne s’embarrasse pas des règles que nous nous imposons : si nous n’agissons pas, elle nous submergera d’importation de produits frelatés et nous ferons le deuil de notre puissance agricole, pilier économique historique de notre pays.

Je reviens sur l’article 2, relatif aux néonicotinoïdes. Si j’en crois la presse, nous autoriserions la réintroduction de plusieurs substances interdites et toxiques : cela est totalement faux. Il est fort dommage que les questionnements – je les comprends – soient instrumentalisés à des fins uniquement partisanes. Premièrement, ce ne sont pas « des » mais bien un produit dont il est question : l’acétamipride. Deuxièmement, ce produit n’a jamais été interdit par les agences de santé, française ou européenne. Troisièmement, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) vient de proposer d’augmenter la limite maximale de résidus d’acétamipride dans le miel, preuve que celle-ci ne présente pas de toxicité nécessitant son interdiction. Quatrièmement, nous sommes le seul pays de l’Union européenne à avoir interdit cette substance. En persévérant dans notre bêtise, nous importerons des produits cultivés avec ce produit et nous aurons sacrifié nos agriculteurs et tué nos filières. Cela est totalement irresponsable.

Ce texte présente en outre des avancées très attendues par nos agriculteurs : la simplification du régime ICPE pour les bâtiments d’élevage ; la mise en place de possibilités de recours en cas de contestation des évaluations des pertes pour nos éleveurs ; la primauté de la procédure administrative sur la procédure judiciaire pour les petites infractions relevées par l’OFB. Il propose des avancées réelles et majeures pour nos agriculteurs. C’est pourquoi nous plaiderons pour une adoption aussi conforme que possible à la version sénatoriale.

Il est grand temps de redonner de l’air à notre agriculture. C’est un enjeu économique, environnemental et écologique, mais aussi de souveraineté. Soutien de notre agriculture et fier de nos agricultures, le groupe Droite républicaine, autour de son président Laurent Wauquiez, votera cette proposition de loi sans réserve.

Mme Marie Pochon (EcoS). En février 2024, en préambule du Salon de l’agriculture, en pleine mobilisation agricole, Emmanuel Macron a annoncé : « On ne peut pas raconter des craques aux agriculteurs, il faut arrêter. » Un an après l’examen d’une loi censée orienter l’agriculture française – elle n’en a rien fait –, nous examinons un texte qui vise à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Cessons de prétendre qu’il changera en mieux quoi que ce soit à la vie des agriculteurs : il est en réalité une menace pour des filières toutes entières et pour notre capacité à produire demain. Il faut cesser de faire croire que des entraves sont levées, alors que tous nos amendements sur le revenu ont été jugés irrecevables et que vous renvoyez aux calendes grecques la loi Egalim 2 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, donnant la priorité à la réautorisation des néonicotinoïdes et à la destruction des zones humides.

Nous sommes fiers de notre agriculture, ses labels de qualité et ses paysages. Arrêtons de tirer vers le bas les prix agricoles, la qualité, la productivité de nos sols, les droits sociaux des agriculteurs et de leurs salariés, au nom de la loi du marché. Quelle incohérence, à l’heure de la contestation massive des accords de libre-échange ! Ce nivellement généralisé par le bas tuera nos fermes paysannes, le pastoralisme, l’apiculture, le bio et les productions de qualité et menacera notre santé. Ce texte est une attaque frontale contre la Charte de l’environnement, contre le principe de précaution et de non régression, contre la science environnementale et sanitaire, par la réautorisation de l’acétamipride – un néonicotinoïde tueur d’abeilles. Il contribue aussi à faciliter les projets de mégabassines et l’implantation de l’élevage industriel, aux dépens des pratiques pastorales et de l’élevage extensif ; la protection des zones humides connaît un affaiblissement ; l’Anses est mise sous tutelle du pouvoir politique, au lieu de privilégier la science.

La protection des zones humides est abîmée pour faciliter les mégabassines, symboles de la mal-adaptation et de l’accaparement de l’eau par une poignée d’exploitations, la très grande majorité des exploitations familiales et locales n’y ayant pas accès et subissant tout autant la sécheresse. Les missions de l’OFB et son existence même sont menacées. Il est pourtant essentiel pour assurer le respect du droit. Face à ces postures démagogiques et irresponsables, le groupe Écologiste et social affirmera toujours son soutien à la science, au cap de santé humaine que nos politiques publiques devraient toujours fixer et à une agriculture à taille humaine, rémunératrice, résiliente, autonome, nous permettant de produire demain. Ce texte n’est autre qu’une immense entrave à notre capacité à produire notre alimentation, aujourd’hui et demain. Nous le combattrons, article par article.

M. Hubert Ott (Dem). La proposition de loi prétend lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Rappelons, en préambule, un principe de base : l’exercice de toute profession est naturellement soumis à des contraintes, car la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Ce texte vise à limiter autant que possible les obstacles à la réussite à laquelle aspirent tous les agriculteurs. Avec ses multiples visages, l’agriculture française doit pouvoir évoluer et progresser sans cesse. Or force est de constater que les dispositions proposées dans le texte ne conduisent ni au progrès, ni au mieux-être, ni à la cohésion nationale, pourtant indispensables pour que les bienfaits de l’agriculture soient pleinement reconnus.

L’article 5, qui touche au sujet sensible de l’eau, met le doigt sur un véritable enjeu d’avenir pour les agriculteurs et les éleveurs. Le changement climatique et les difficultés d’approvisionnement en eau nous obligent à trouver des moyens nouveaux afin de subvenir aux besoins des exploitations. Néanmoins, cela doit-il se faire au risque de détruire des biotopes ou des espèces vivantes ? Face aux enjeux de notre époque, les agriculteurs demandent non pas des permis de détruire mais des solutions et davantage de simplification. C’est pourquoi nous devons rejeter la notion de zones humides fortement dégradées, qui contrevient aux engagements pris aux niveaux national et européen en matière de préservation de l’eau et du vivant.

Je n’insisterai pas sur l’absolue nécessité de préserver l’indépendance de l’Anses, en rejetant toutes les formes de tutelle ministérielle imaginées dans ce texte. La science, c’est la science et le pouvoir politique n’a rien à lui dicter ; au contraire, il doit l’écouter et intégrer ses préconisations avant de décider.

Dans son article 2, la proposition de loi prévoit d’autoriser de nouveau l’usage d’un néonicotinoïde interdit en France depuis 2018 : l’acétamipride. Pourtant, les dernières études confirment son impact sur la santé : reprotoxique, il a des effets sur le neurodéveloppement – ce qui a des conséquences chez les enfants –, est génotoxique et cancérogène, en particulier s’agissant des cancers du sein chez les jeunes femmes. Le principe constitutionnel de précaution nous impose donc de refuser toute dérogation pour cette molécule, sans qu’une évaluation rigoureuse, actualisée et indépendante ait été menée. En raison de l’utilisation des néonicotinoïdes, 80 % de la population d’insectes a disparu. Cette catastrophe silencieuse nous prive des solutions fondées sur la nature, qui sont pourtant la meilleure voie d’avenir pour l’agriculture de demain. Nous n’avons moralement pas le droit de priver les générations futures de cette perspective.

Le récent rapport du Shift Project incite à développer l’agriculture biologique et l’agroforesterie, à diminuer les intrants, à diversifier et à alterner les cultures, à favoriser les prairies et l’élevage extensif, pour émettre moins de CO2 et garantir une meilleure santé, ainsi qu’une plus grande indépendance énergétique. Or ce n’est pas cet avenir, pourtant essentiel, que promeut le texte, qu’il faut revoir sérieusement.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Le monde agricole traverse une crise profonde, à la fois économique, sociale, climatique et sanitaire. La mobilisation des agriculteurs a rappelé avec force ce que nous sommes nombreux à constater sur le terrain depuis longtemps : un sentiment de lassitude, d’incompréhension, voire de résignation, chez celles et ceux qui nous nourrissent. Si ce sentiment n’est pas nouveau, il s’est intensifié ces dernières années sous le poids des normes, de la volatilité des prix, de la pression concurrentielle, de la complexification des procédures, des aléas climatiques et de la hausse des prix de l’énergie. Les agriculteurs veulent produire, innover, transmettre, mais ils doivent trop souvent se justifier, gérer une charge administrative croissante et adapter en permanence leurs pratiques aux nouvelles exigences.

La loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, promulguée le 24 mars dernier, a constitué une première étape. Le texte de nos collègues sénateurs vient la compléter, avec la volonté de s’attaquer à des surtranspositions et à des excès de réglementations françaises bien identifiées, notamment dans les domaines de la protection des cultures, des projets d’élevage, de la gestion de l’eau et des modalités de contrôle en exploitation.

Toutefois, le texte que nous examinons n’est pas celui déposé initialement au Sénat, puisque certains articles ont été entièrement réécrits et que d’autres, portant sur l’encadrement de l’usage de macro-organismes dans le cadre de la lutte autocide et l’adaptation, par ordonnance, du régime de prévention et de sanction des atteintes à la protection des végétaux, ont été introduits à l’initiative du gouvernement.

Si le groupe Horizons°et°indépendants salue les évolutions apportées sur plusieurs points très largement débattus au Sénat, permettez-moi, en tant que députée et présidente du groupe santé-environnement, de nuancer mon propos, en soulevant plusieurs interrogations, non exhaustives, partagées par certains de mes collègues.

Les dispositions initialement prévues, qui accordaient au ministre de l’agriculture le pouvoir de suspendre une décision de l’Anses et permettaient au directeur général de s’en remettre au ministre pour prendre une décision d’homologation, ont été abandonnées. Néanmoins, nous nous interrogeons sur le risque de mise sous tutelle de l’agence et d’une possible remise en cause de son indépendance, pouvant restreindre ou contourner son rôle dans l’évaluation scientifique des pesticides. Si les décisions politiques ou économiques devaient primer sur les avis sanitaires, l’Anses perdrait en crédibilité, en indépendance et en efficacité pour protéger la santé publique et l’environnement. En outre, la remise en cause de décisions scientifiquement éprouvées ferait courir un risque déontologique et le passage en revue de plus d’un millier de décisions rendues chaque année par l’opérateur créerait une charge administrative supplémentaire.

De même, qu’en est-il des critères définis – par qui ? – pour le conseil d’orientation pour la protection des cultures, alors qu’un comité interne regroupant toutes les parties prenantes fonctionne en souplesse, sans être sous l’influence de qui que ce soit ?

Concernant les néonicotinoïdes, si le texte ne prévoit plus d’abroger leur interdiction, il introduit la possibilité d’une dérogation pour les substances autorisées au niveau européen : en l’occurrence, l’acétamipride. J’appelle cependant votre attention sur le travail et le suivi réalisé depuis de nombreuses années par l’Anses : près de 25 millions d’euros ont été investis par les pouvoirs publics en recherche et développement, afin de trouver des solutions alternatives.

En conclusion, grâce au travail du Sénat et des ministères concernés, le texte est désormais plus mesuré et tente de répondre aux attentes légitimes. Notre groupe veillera donc, en commission comme en séance publique, à préserver l’équilibre trouvé entre le soutien nécessaire au monde agricole confronté à des défis immenses et le respect des fondements de notre action collective. Toutefois, les votes des membres de notre groupe étant indépendants, une majorité ne soutiendra pas le texte.

Mme Constance de Pélichy (LIOT). L’hiver 2023-2024 a été le théâtre d’un mouvement de colère sans précédent des agriculteurs ; cela faisait des années que les revendications s’accumulaient. Depuis, le gouvernement a annoncé et instauré une série de mesures d’urgence, avant que la loi d’orientation agricole ne soit enfin adoptée. Nous progressons, mais certaines revendications légitimes n’ont toujours pas été traitées, notamment celles exprimées par les agriculteurs en faveur de plus de simplification et de davantage de justice en matière de concurrence.

La présente proposition de loi se veut une réponse à ces deux points. Si nous partageons la volonté de ses auteurs d’alléger les charges administratives et réglementaires qui pèsent sur les agriculteurs, nous sommes sceptiques quant aux mesures envisagées. En effet, le texte a tendance à confondre simplification et régression environnementale.

À cet égard, l’article 5 est éloquent : il vise à sécuriser juridiquement les retenues d’eau, en permettant des dérogations à la directive-cadre sur l’eau et à la directive en matière d’habitat. Or ce n’est pas en restreignant la protection de la biodiversité que nous parviendrons à garantir, dans la durée, l’approvisionnement en eau.

S’agissant des relations entre l’OFB et les agriculteurs, les mesures annoncées par les ministres Agnès Pannier-Runacher et Annie Genevard, le jeudi 17 avril dernier, devraient permettre d’apaiser les tensions.

Je reviendrai sur les dispositions sur lesquelles notre commission est saisie pour avis. Permettez-moi auparavant d’exprimer mon scepticisme concernant la priorité donnée aux enjeux économiques par rapport aux enjeux sanitaires dans le cadre des procédures d’autorisation de mise sur le marché des pesticides de l’Anses, ma volonté de limiter le risque de conflit d’intérêts pour les entités qui exercent à la fois des activités de vente et de conseil en matière de produits phytosanitaires et mon souhait d’avancer dans un cadre européen vers une interdiction généralisée de l’acétamipride.

En résumé, j’aborde ce texte en étant convaincue qu’une position d’équilibre est possible. Nous pouvons à la fois lever les entraves qui complexifient le travail des agriculteurs et préserver l’environnement et la santé de nos concitoyens. Ce sera l’objet des amendements que je défendrai lors de l’examen du texte.

M. Marcellin Nadeau (GDR). La proposition de loi prétend lever les contraintes au métier d’agriculteur. Néanmoins, nous avons bien compris de quelle agriculture il s’agit : une agriculture productrice et exportatrice. Le texte comporte plusieurs mesures concrètes, dont la séparation des activités de vente et de conseil en matière de produits phytosanitaires, la remise en cause de l’interdiction des produits contenant des substances actives appartenant à la famille des néonicotinoïdes, le régime des installations classées pour la protection de l’environnement ou encore la question de l’eau.

J’insisterai sur deux points en particulier : l’Anses et l’épandage de produits phytosanitaires par drone. En prévoyant que l’Anses ait l’obligation d’informer son ministère de tutelle de l’ensemble des demandes d’agrément qu’elle reçoit, en amont de tout projet ou de toute décision, le gouvernement remet en cause son indépendance, d’autant plus qu’il souhaite lui indiquer désormais ses priorités. Le 13 mars dernier, quinze administrateurs de l’Anses ont d’ailleurs voté une motion au conseil d’administration, par laquelle ils s’inquiétaient « des impacts particulièrement graves sur l’indépendance de l’Anses et l’expertise scientifique », ajoutant que cette proposition de loi « conduirait à placer sous tutelle de l’État les décisions dont l’Anses assume la responsabilité en matière d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques et instaurerait un droit de regard de l’État sur celle-ci ». Rappelant que son conseil d’orientation serait composé non seulement de représentants de l’État mais aussi d’organisations représentatives de la production agricole et de l’industrie phytopharmaceutique, les administrateurs déploraient une évolution qui « constituerait une remise en cause grave de la gouvernance de l’Anses ».

L’épandage par drone concerne deux cultures en particulier : la vigne et les bananeraies – les territoires ultramarins sont donc particulièrement concernés. Aucune leçon n’a donc été tirée de l’expérience ? Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que cette mesure ne soit pas appliquée, compte tenu de la catastrophe sanitaire, écologique et humaine que constitue le scandale du chlordécone. Comment peut-on revenir à de telles méthodes, alors que l’on connaît les conséquences de ces pratiques qui relèvent davantage d’une agriculture productiviste et spéculative que d’une agriculture destinée à nourrir les populations ?

M. Gérard Leseul, président. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Delphine Batho (EcoS). Permettez-moi, pour commencer, de remercier la rapporteure pour avis de son propos introductif et de son opposition à une grande partie des dispositions contenues dans le texte. Je remercie également les porte-parole des différents groupes qui ont exprimé leur désaccord avec plusieurs mesures, sur un débat qui dépasse largement les clivages habituels sur les orientations de politique agricole. En effet, le contexte est important : nous avons traversé une pandémie mondiale, les agriculteurs sont les premières victimes du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité, une guerre a été déclenchée en Ukraine et, à l’échelle internationale, une offensive politique obscurantiste se fait jour contre la science. Or ce texte comprend un hit-parade de dispositions d’inspiration trumpiste, hostiles non pas à la recherche scientifique, mais aux faits établis par la connaissance scientifique. C’est pourquoi il doit être rejeté en bloc et je remercie les collègues qui sont prêts à s’émanciper de la tutelle de leur groupe, parce qu’il s’agit de défendre des valeurs et l’identité de la France dans son rapport à la science.

M. Vincent Descoeur (DR). Comme de nombreux collègues, j’ai regretté que dans un contexte de changement climatique qui affecte la ressource en eau, la question cruciale de la disponibilité de cette ressource n’ait pas été abordée lors de l’examen de la loi d’orientation agricole. C’est pourquoi je me réjouis que cette proposition de loi ait pour objectif de concilier les besoins en eau des activités agricoles et la nécessaire protection de la ressource.

Dans le rapport de la mission d’information, créée au sein de notre commission, sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique dont mon collègue Yannick Haury et moi-même étions les rapporteurs, nous avions insisté sur la nécessité d’encourager et de développer le stockage de l’eau en réponse à l’irrégularité croissante de la ressource, en raison notamment d’une évolution préoccupante de la fréquence des précipitations. Dans son article 5, ce texte a pour objet de sécuriser l’accès à l’eau pour les activités agricoles, en inscrivant dans la loi la préservation de l’accès à la ressource en eau aux fins d’abreuvement des animaux – ce qui découle d’une logique implacable – et en introduisant de manière très encadrée une présomption d’intérêt général majeur pour les ouvrages de stockage, dès lors que ces projets répondent à un enjeu de stress hydrique et s’inscrivent dans une démarche globale concertée et de plus grande sobriété. Nous soutiendrons ces propositions.

Mme Julie Ozenne (EcoS). Lymphome, cancer du pancréas, maladie de Parkinson, myélome, cancer de la prostate, troubles cognitifs, bronchopneumopathie chronique obstructive, leucémie, tumeur du cerveau, tumeur du système nerveux central : autant de maladies évitables, qui détruisent des familles entières et dont la proposition de loi aggravera l’explosion. Sur la question, en effet, toutes les études scientifiques convergent. Hier encore, un millier de médecins et de scientifiques ont dénoncé les dangers du texte.

L’agriculture est en crise. Mais, au lieu d’apporter des réponses sérieuses, ce texte détruit méticuleusement les menues barrières qui protègent encore notre santé, y compris celle des agriculteurs, et notre environnement ; en revanche, il ne contient aucune mesure sur le revenu des agriculteurs, l’agriculture biologique ou l’agroécologie, l’activité des éleveurs herbagés et pastoraux. Il ne fait que menacer davantage la santé et la nature.

Pour ne citer qu’un seul article hautement problématique, l’article 5 prévoit de faciliter les bassines et les prélèvements dans les eaux souterraines, même lorsque ces projets concernent des zones accueillant des espèces protégées. Ce même article prévoit de simplifier la destruction des zones humides, alors qu’elles sont essentielles à l’agriculteur.

En adoptant la proposition de loi, vous scierez la branche sur laquelle sont assis les agriculteurs, la société et la nature, dans le seul but de protéger les intérêts d’une poignée de bénéficiaires de l’agro-industrie.

M. Pascal Lecamp (Dem). En tant que rapporteur, avec Nicole Le Peih, du projet de loi d’orientation agricole, je tenais à prendre position sur ce texte, d’autant que j’avais rencontré le sénateur Duplomb en octobre dernier et lui avais proposé d’intégrer certaines de ses dispositions dans le projet de loi. Le sénateur a préféré maintenir sa proposition de loi et certains ont accédé à ses demandes. Pourtant, ce texte ne porte aucune vision de l’agriculture de demain ; au contraire, il ne propose que des reculs, en fonction d’une vision tournée vers le passé. Dans un contexte de décrédibilisation générale de l’expertise scientifique, il véhicule une opposition systématique entre l’agriculture et l’environnement, alors que nous nous étions efforcés, dans la loi d’orientation agricole, de trouver des points d’atterrissage permettant à l’agriculture de se développer, tout en préservant l’environnement. Au groupe Les Démocrates, nous souhaitons constituer un rempart contre ces dynamiques populistes qui existent au sein de tous les groupes politiques, en particulier ceux du bloc commun, au Sénat.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Le texte vise à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, ce qui est surprenant pour une proposition de loi aussi éloignée des attentes du monde agricole. Élaboré sur-mesure pour quelques grands exploitants exportateurs qui se moquent de la science et de l’avenir comme de l’an quarante, ce texte constitue, en réalité, une bombe à retardement. Enfermé dans une vision dépassée de l’agriculture, il nous entraîne dans une course à l’échalote à la dérégulation et, donc, à la mise en péril des écosystèmes et des organismes.

Aux groupes qui se disent favorables à la proposition de loi, j’aimerais poser trois questions : vivez-vous encore sur la même planète que nous ? Êtes-vous aveuglés au point de ne plus penser à la biodiversité et à notre santé ? Ne voyez-vous pas que produire plus nous conduit tout droit dans le mur, si cela signifie détruire plus ?

Alors que nous connaissons les dangers des produits que M. Duplomb et ses amis cherchent à épandre, voire à répandre, partout en France, certaines décisions politiques sont criminelles. Vous serez responsables et comptables de l’explosion des maladies à venir chez les Françaises et les Français, si vous votez en faveur du texte.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je vous remercie pour vos propos, et je respecte les positions de chacune et de chacun d’entre vous. J’espère que notre débat sera tout aussi respectueux et apaisé.

Ne confondons pas les normes environnementales qui ont été adoptées pour accompagner la transition agricole et les contraintes administratives qu’elles génèrent. Ce sont bien ces dernières que les agriculteurs remettent en cause. Pour assurer notre souveraineté alimentaire, nous devons accompagner les agriculteurs dans la transition et non les envoyer dans le mur, sous prétexte de remettre en cause l’environnement, par souci de suivre une mode politique.

Je n’aime pas évoquer ma situation personnelle. Toutefois, en tant qu’agricultrice, je subis chaque jour le réchauffement climatique sur mon exploitation, auquel je dois m’adapter. Je peux vous assurer que cette proposition de loi n’apportera aucune réponse à la transition agricole ni à la souveraineté alimentaire !

M. Gérard Leseul, président. Nous en venons à l’examen des articles de la proposition de loi, sur laquelle 419 amendements ont été déposés, dont 44 ont été déclarés irrecevables : 9 l’ont été au titre de l’article 40 de la Constitution – 7 car ils constituaient une charge et 2 car la perte de recettes n’était pas gagée ; 1 amendement l’a été car il modifiait la partie réglementaire d’un code ; 28 amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45, car ils constituaient des cavaliers législatifs ; enfin, 6 d’entre eux sortaient du champ de la saisine de la commission, puisqu’ils concernaient l’article 4.

TITRE III – FACILITER LA CONCILIATION ENTRE LES BESOINS EN EAU DES ACTIVITÉS AGRICOLES ET LA NÉCESSAIRE PROTECTION DE LA RESSOURCE

Avant l’article 5 (examen prioritaire)

Amendements identiques CD74 de M. Jean-Pierre Taite, CD94 de M. Vincent Descoeur et CD425 de Mme Danielle Brulebois, amendement CD380 de Mme Julie Ozenne (discussion commune)

M. Jean-Pierre Taite (DR). La loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, adoptée le 20 février 2025 par le Parlement, dispose que « la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche sont d’intérêt général majeur ». Notre amendement vise à préciser que la nécessité juridique de protéger les ressources en eau rejoint celle de protéger l’agriculture, source de souveraineté agricole et alimentaire de la nation. C’est pourquoi nous proposons de rédiger l’intitulé du titre III en ces termes : « Concilier la nécessaire protection des activités agricoles et de la ressource en eau ».

M. Vincent Descoeur (DR). Il nous semble indispensable d’afficher l’objectif poursuivi, qui consiste à concilier la protection de la ressource en eau, dans un contexte de diminution programmée, et la poursuite des activités agricoles, qui est tout aussi essentielle.

Mme Danielle Brulebois (EPR). La loi d’orientation agricole dispose en effet que « la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche sont d’intérêt général majeur ». Cet amendement permet de préciser que la nécessité juridique de protéger les ressources en eau rejoint celle de protéger l’agriculture.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le titre actuel insiste davantage sur la protection de la ressource en eau, alors que votre proposition la subordonne aux activités agricoles. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Ces amendements identiques inversent la hiérarchie des usages de l’eau : l’eau sert d’abord à un usage domestique – c’est l’eau potable –, puis aux besoins des milieux aquatiques et naturels et, enfin, aux usages économiques. L’inversion que vous opérez constitue un miroir aux alouettes, puisque le cadre que je viens de rappeler est applicable à la France comme à l’ensemble de l’Europe : modifier le titre III de la proposition de loi n’y changera rien.

Mme Julie Ozenne (EcoS). Mon amendement propose une solution alternative. Les scientifiques sont unanimes : pour préserver durablement la ressource en eau, essentielle à l’agriculture, la solution est d’opérer la transition vers l’agroécologie. En effet, d’après l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), « l’agroécologie permet de tendre vers une agriculture moins gourmande en eau, notamment en visant à capter et à conserver au maximum l’eau dans les sols ». La formulation que nous proposons est donc davantage protectrice de l’eau.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le titre actuel n’est pas le problème. Il faut protéger la ressource en eau et permettre aux agriculteurs d’en disposer. Avis défavorable également.

La commission rejette successivement les amendements identiques et l’amendement CD380.

Article 5 (examen prioritaire) : Reconnaissance de l’intérêt général majeur s’attachant aux prélèvements et ouvrages de stockage d’eau et création d’une nouvelle catégorie de zone humide

Amendements de suppression CD487 de la rapporteure pour avis, CD3 de Mme Delphine Batho, CD193 de M. Fabrice Barusseau, CD299 de M. Loïc Prud’homme, CD417 de M. Marcellin Nadeau et CD437 de M. Hubert Ott

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Mon amendement vise à supprimer l’article 5, pour les raisons longuement exposées dans mon propos liminaire.

Mme Delphine Batho (EcoS). Les dispositions de l’article 5 posent éminemment problème, compte tenu de la situation critique de la ressource en eau dans notre pays et du changement climatique que nos agriculteurs subissent massivement – depuis 2020, il n’y a pas eu une seule année normale de récolte à l’échelle nationale. La situation est d’autant plus critique que l’eau est notamment contaminée par les nitrates – sur ce point, la Commission européenne attaque la France devant la Cour de justice de l’Union européenne – et par les pesticides, créant un problème majeur de santé publique.

De plus, alors que la lutte contre les inondations ou les sécheresses et la restauration de la biodiversité exigent celle des zones humides, les dispositions de l’article 5 procèdent à leur liquidation.

Quant aux conflits d’usage de l’eau apparus dans plusieurs territoires – en tant que députée des Deux-Sèvres, je suis bien placée pour en parler – les dispositions du texte n’apportent pas le début d’un commencement de réponse permettant d’éviter une guerre de l’eau ; il propose, tout au contraire, d’appuyer sur l’accélérateur à l’origine des problèmes que nous rencontrons partout.

M. Fabrice Barusseau (SOC). Notre amendement vise à protéger la ressource hydrique et à empêcher de graves reculs environnementaux qui conduiraient inévitablement à une mal-adaptation, au vu des effets du changement climatique.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous souhaitons supprimer l’article 5, lequel facilitera le déploiement des mégabassines dans des zones prétendument affectées par un déficit d’eau. Sans mauvais jeu de mots, ce déficit en eau est évalué un peu au doigt mouillé. En effet, alors que les études sur l’hydrologie, les milieux, les usages, le climat (HMUC) devraient être effectuées avant la réalisation de retenues, elles ne sont que très rarement menées et, dans la majorité des cas, les bassines sont développées en dehors de toute étude sérieuse. C’est pourquoi nous nous opposons aux mégabassines, d’autant qu’elles sont imposées sans le moindre débat démocratique, qu’elles représentent une mal-adaptation et nous conduisent dans une impasse écologique.

De plus, cet article redéfinit les zones humides fortement modifiées et contribue à affaiblir leur protection. Les installations, ouvrages, travaux et activités seront facilités dans ces zones car ils seront exemptés de procédures d’autorisation ou de déclaration. Au lieu d’engager la nécessaire restauration des zones humides, qui jouent un rôle clef dans la protection de la biodiversité, et de s’appuyer sur les solutions fondées sur la nature, qui sont les seules à même de répondre au défi qui nous est posé, le texte tend vers une accélération de leur dégradation.

M. Marcellin Nadeau (GDR). Notre amendement vise également la suppression de l’article pour toutes les raisons déjà évoquées, dans un souci de protection de la ressource en eau. Par ailleurs, une conférence de l’eau à l’échelle nationale avait été annoncée par le Premier ministre Barnier, et l’actuel Premier ministre a repris ce projet en lui donnant une dimension régionale. Nous pensons donc que légiférer sur la gestion de l’eau alors que ces conférences n’ont pas encore eu lieu, et en l’absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, pose problème.

M. Hubert Ott (Dem). Cette proposition de loi revient sur plusieurs aspects de la politique de l’eau, alors que des dispositions importantes visant à établir un équilibre dans la gestion de cette ressource ont déjà été adoptées dans le cadre de la loi d’orientation agricole. Ces dispositions, comme la définition d’un étang piscicole ou la possibilité offerte aux départements de recevoir un mandat de maîtrise d’ouvrage à titre gratuit pour la production, le transport, le stockage d’eau destiné à la consommation humaine ou encore l’approvisionnement en eau, ont besoin de temps pour porter leurs fruits.

L’article 5 introduit la préservation de l’accès à la ressource en eau aux fins d’abreuvement. Cependant, les mécanismes existants promeuvent déjà le développement, la mobilisation et la protection de la ressource en eau, ainsi qu’une politique active de stockage de l’eau et son utilisation économe et durable. Il n’apparaît donc pas nécessaire de redéfinir les enjeux de l’accès à l’eau, déjà traités dans un cadre juridique rigoureux.

L’article 5 crée également une présomption d’intérêt général majeur pour les retenues et les stockages d’eau à vocation principalement agricole. Cette présomption, parce qu’elle renverse l’ordre des priorités d’usage de la ressource, serait contre-productive et risquerait d’en compromettre la gestion durable.

Enfin, l’article 5 introduit la notion de zone humide fortement modifiée, qui rompt avec les principes du droit de l’environnement et avec les engagements pris aux niveaux national et européen en matière de préservation de l’eau et de lutte contre l’érosion de la biodiversité. Cette notion floue et scientifiquement infondée présente un risque juridique majeur en introduisant une subjectivité dans la reconnaissance de ces milieux. Elle pourrait faciliter leur déclassement au profit d’aménagements ou d’exploitations, même lorsqu’ils conservent en partie leurs fonctions écologiques essentielles. Les zones humides, même partiellement altérées, jouent un rôle crucial dans le cycle de l’eau, la régulation des inondations, la prévention des sécheresses, le stockage de carbone et la préservation de la biodiversité. Les qualifier de non fonctionnelles reviendrait à ignorer leur potentiel de restauration et à compromettre les efforts de résilience face au dérèglement climatique.

M. Jean-Pierre Taite (DR). Permettez-moi d’exposer deux arguments pour vous convaincre de ne pas supprimer cet article.

Préserver l’accès des éleveurs à la ressource en eau pour abreuver leurs bêtes est un enjeu en matière de santé animale. La suppression de cet article éliminerait cette priorité, que je croyais consensuelle. Compte tenu de l’importance de l’élevage dans notre pays, une telle décision me surprendrait.

De plus, l’adoption de l’article 5 faciliterait la concrétisation de projets de stockage d’eau, qui ont pour objectif de concilier la préservation du potentiel agricole, la protection de la ressource en eau et son juste partage.

M. Vincent Descoeur (DR). Il serait regrettable que notre commission s’interdise de débattre du stockage de l’eau, qui ne prend pas nécessairement la forme de bassines ou de mégabassines. Notre capacité à nous adapter à la dérégulation du volume et des fréquences des précipitations est un enjeu crucial. Dans certains territoires, le volume des précipitations demeurera peut-être identique, mais sera beaucoup plus concentré dans le temps ; il me semble judicieux de prévoir l’utilisation de cette eau à d’autres moments de l’année. Ne caricaturons pas le débat en évoquant uniquement les bassines, alors que le stockage de l’eau peut prendre des formes beaucoup plus respectables et raisonnables.

Mme Delphine Batho (EcoS). En lisant le terme d’abreuvement dans le texte, j’ai cherché à quel endroit en France des animaux auraient été privés d’eau parce que les règles d’usage de l’eau s’y opposeraient ; je n’ai rien trouvé, parce que ça n’existe pas. Tous les usages agricoles de l’eau sont prévus par le code de l’environnement ; même lorsque des arrêtés de sécheresse sont pris, prélever de l’eau pour abreuver les animaux demeure autorisé. Cette disposition est donc inutile.

Les dispositions relatives au stockage de l’eau figurant dans ce texte sont proclamatoires, évoquant l’intérêt public majeur ; elles ne changeraient malheureusement rien au droit en vigueur et aux réalités de terrain. Pour ma part, je suis favorable à un moratoire à ce sujet, parce que les grands ouvrages de stockage comme les bassines sont une mal-adaptation au changement climatique.

Enfin, l’article 5 soulève un problème de sécurité civile au regard de la nécessaire restauration des zones humides pour lutter contre les inondations.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Je vous recommande la lecture du rapport de la mission d’information sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique, rédigé par MM. Vincent Descoeur et Yannick Haury. Compte tenu de l’évolution des précipitations et des niveaux des nappes phréatiques, qui ne feront que se dégrader, le stockage de l’eau est indispensable.

En revanche, les mesures prévues par l’article 5 concernant les zones humides fortement modifiées me posent un problème de conscience, parce que nous en avons déjà trop détruit.

M. Vincent Descoeur (DR). La question de l’abreuvement des animaux n’est pas si simple. Parce que leur réseau d’adduction d’eau potable a été sous-alimenté, des exploitations envisagent de renforcer leur autonomie grâce à l’installation de solutions de stockage. Dans certaines régions, la transhumance des animaux a été interrompue en raison d’un manque d’eau, que pourrait pallier une solution de stockage.

M. Dominique Potier (SOC). L’abreuvement n’est qu’un prétexte : c’est une priorité absolue que nul ne conteste.

Je souscris aux propos de M. Nadeau – sans doute les plus importants : les enjeux relatifs à l’usage de l’eau ne peuvent être traités de façon compartimentée. Imaginez si nous devions adopter différentes lois consacrées à l’usage de l’eau dans l’industrie, dans la lutte contre les incendies ou par les collectivités ! Cela n’aurait aucun sens. L’eau est un bien commun, qui doit être géré et partagé comme tel, en favorisant l’innovation et la sobriété.

En attendant le projet promis par Matignon, il nous faut déjouer les logiques visant à compartimenter l’usage de l’eau, qui créent des tensions là où nous avons besoin de concorde, de science et de démocratie.

La commission adopte les amendements, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 5.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Après l’article 5 (examen prioritaire)

Amendement CD372 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Cet amendement tend à ajouter au code de l’environnement une référence aux milieux naturels aquatiques d’eau douce, distincts des milieux terrestres et marins. La dégradation de la ressource en eau met directement en péril la durabilité de notre agriculture et menace l’activité des agriculteurs qui en dépendent. Il convient de mentionner explicitement l’appartenance des milieux naturels aquatiques au patrimoine commun de la nation pour renforcer leur préservation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable, puisque cette mention figure déjà dans le texte, que je ne souhaite pas alourdir.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD310 de Mme Clémence Guetté

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Les études d’impact des projets soumis à autorisation et faisant l’objet d’une évaluation environnementale permettent d’apprécier leurs incidences directes et indirectes sur les terres, le sol, l’air et le climat, en tenant compte notamment des effets du changement climatique sur la ressource en eau.

Certaines études scientifiques s’appuient sur des données relatives aux ressources en eau remontant sur plusieurs décennies ; or ces ressources évoluent rapidement, au fur et à mesure de l’aggravation des sécheresses. Par cet amendement, nous souhaitons que les études d’impact prennent aussi en considération des données prospectives.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il appartient au juge administratif de déterminer si l’étude d’impact est suffisante. Dans le cadre d’un recours, les dernières études produites doivent être compatibles avec les Sdage, qui tiennent déjà compte des effets du changement climatique sur la ressource en eau. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 5 bis (nouveau) : Modification des objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau

Amendement CD311 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). L’amendement n’a plus lieu d’être puisque nous avons émis un avis favorable à la suppression de l’article 5.

Nous ne sommes pas opposés au principe du stockage de l’eau mais à certaines façons de procéder ; ainsi, nous sommes favorables aux retenues collinaires. Tous les scientifiques le confirment : dans le contexte d’adaptation au changement climatique, le meilleur stockage est celui qui est naturellement accompli dans les nappes phréatiques, les milieux naturels et les zones humides.

Nous devons identifier les meilleures manières de réduire la vitesse d’écoulement de l’eau entre son point de chute et son exutoire, afin de la retenir dans les sols des bassins-versants. Il nous faut rétablir le grand cycle de l’eau, la stocker dans les nappes phréatiques et dans les sols des zones humides dont nous aurons restauré la matière organique, plutôt que dans des méga-ouvrages qui accaparent la ressource pour quelques-uns au détriment de la majorité.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable, puisque les objectifs de la politique de l’eau font déjà état du besoin d’un usage partagé de l’eau. De plus, réserver toute l’eau stockée à la seule agriculture biologique poserait un problème de faisabilité et priverait de nombreux agriculteurs de cette ressource.

La commission adopte l’amendement.

Article 5 ter (nouveau) : Protection des captages d’eau

Amendement CD489 de la rapporteure pour avis, sous-amendements CD497 et CD495 de M. Jean-Claude Raux, sous-amendement CD494 de Mme Delphine Batho ; amendements CD259, CD260, CD261 et CD262 de M. Jean-Claude Raux, CD35 de Mme Delphine Batho et CD263 de M. Jean-Claude Raux (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CD489 s’inspire largement de la proposition de loi présentée par Jean-Claude Raux relative à la protection des captages d’eau. Il vise à insérer un article modifiant différents articles du code général des collectivités territoriales et du code de l’environnement, afin de protéger durablement les captages d’eau potable contre les pollutions diffuses d’origine agricole et industrielle, tout en assurant un meilleur suivi de la qualité des eaux prélevées et distribuées.

Dans un premier temps, il s’agit de systématiser la délimitation d’aires d’alimentation des captages (AAC) au sein desquels l’autorité administrative compétente instaure un plan d’action pluriannuel visant à préserver la qualité de l’eau.

Dans un second temps, il s’agit d’interdire, à compter du 30 septembre 2030, l’usage de pesticides de synthèse et d’engrais azotés minéraux dans les AAC associées à des points de prélèvement sensibles – c’est-à-dire qui approchent des seuils limites de tolérance pour les pollutions concernées.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). En matière de qualité de l’eau, le volontariat a longtemps prévalu et continue d’être la norme. Pour protéger les captages d’eau, en particulier les plus vulnérables ou les plus sensibles, ce sous-amendement CD497 vise à passer du volontariat à l’obligation.

Les aires d’alimentation concernent les captages sensibles, c’est-à-dire les points de prélèvement déjà en danger en raison de problèmes de qualité de l’eau. Pourtant, en 2019, 40 % des points de prélèvements sensibles n’avaient toujours pas d’aire d’alimentation. Or, plus celles-ci tardent à être délimitées, plus longtemps perdurent les pollutions de l’eau. Afin d’accélérer la protection des captages en danger, le sous-amendement CD495 vise à obliger le préfet à suspendre l’AAC en l’absence de proposition de délimitation.

Mme Delphine Batho (EcoS). Le sous-amendement CD494 vise à intégrer un délai de trois ans de conversion vers l’agriculture biologique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable sur les deux sous-amendements de M. Raux et défavorable sur celui de Mme Batho. Dans des zones de captage, certaines exploitations agricoles, sans être labélisées en agriculture biologique, pratiquent une forme d’agroécologie et testent des cultures sans recourir aux pesticides ni aux azotes ; elles sont susceptibles de généraliser ces bonnes pratiques. Je ne souhaite pas que les zones de captages protégées soient réservées aux exploitations pratiquant l’agriculture biologique.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je vais retirer mon sous-amendement CD494 au profit de ceux de Jean-Claude Raux, puisque mon objectif consiste avant tout à sortir d’une logique de programmes volontaristes, qui ne règlent pas les problèmes.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Depuis des décennies, on nous répète qu’il faut protéger l’eau ; nous le répétons à notre tour. Pourtant, cette proposition de loi tend clairement à affaiblir nos protections et risque d’accentuer la pollution des écosystèmes. De la qualité de l’eau en amont dépend la qualité de l’eau que nous buvons. En 2023, 17 millions de Françaises et de Français ont consommé au moins une fois une eau contaminée aux pesticides. Il est temps de choisir entre la santé publique et les lobbys de l’agrochimie ; agir maintenant, c’est prévenir des scandales sanitaires à l’avenir.

L’amendement CD259 vise à protéger durablement la qualité de l’eau potable en sanctuarisant les aires d’alimentation des captages sensibles contre les pollutions aux pesticides.

Entre 1980 et 2024, 14 000 captages d’eau ont été fermés, essentiellement en raison de la dégradation de la qualité de l’eau. Chaque année, la lutte contre la pollution de l’eau courante coûte entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros, uniquement pour l’élimination des pesticides.

Par conséquent, sanctuariser les périmètres de protection éloignée de tous les captages d’eau, comme le propose l’amendement CD260, c’est appliquer une politique de prévention efficace et empêcher de futures pollutions qui conduiraient à de nouvelles fermetures de captage, voire à des restrictions d’usage de l’eau. Finalement, cela éviterait aux Françaises et aux Français de boire une eau contaminée. Nous le savons, la prévention est beaucoup moins coûteuse que la dépollution.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Demande de retrait des cinq amendements de M. Raux au profit du mien, qui est mieux-disant, a fortiori s’il est modifié par les deux sous-amendements de M. Raux.

Le sous-amendement CD494 est retiré, de même que les amendements CD259, CD260, CD261, CD262, CD35 et CD263.

La commission adopte successivement les deux sous-amendements CD497 et CD495.

Elle adopte l’amendement CD489 sous-amendé.

Après l’article 5

Amendement CD247 de Mme Julie Lechanteux

Mme Julie Lechanteux (RN). Cet amendement vise à confier au comité de bassin une mission essentielle d’évaluation des besoins en matière d’irrigation et de stockage de l’eau, dans un objectif de préservation durable de la ressource et de soutien à l’agriculture.

Le code de l’environnement, dans son chapitre consacré à la planification de l’eau, ne mentionne pas explicitement l’agriculture et l’irrigation ; ces besoins fondamentaux sont trop souvent ignorés ou relégués au second plan. Pourtant, face aux sécheresses à répétition et aux aléas climatiques, les agriculteurs ont besoin de visibilité et de prévisibilité, d’outils concrets à l’échelle des bassins-versants. Sans eau, pas d’agriculture et sans agriculture, pas non plus de souveraineté alimentaire ; il est urgent de placer cette réalité au cœur de nos politiques de l’eau.

Il s’agit donc de mieux connaître, mieux anticiper et mieux organiser les besoins en matière d’irrigation, afin d’en faire un véritable levier de dialogue entre tous les acteurs concernés. Cette démarche de bon sens serait utile à la planification, notamment dans le cadre des Sdage, et au renforcement de la cohérence et de l’efficacité de notre politique de l’eau.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les comités de bassin remplissent déjà cette mission : l’article L. 212-1 du code de l’environnement stipule qu’ils doivent tenir compte des besoins liés à la production alimentaire. Leur priorité demeure la protection de la ressource ; la production d’une évaluation chiffrée des besoins en matière d’irrigation n’est pas de leur ressort. Avis défavorable.

Mme Julie Lechanteux (RN). C’est précisément la raison pour laquelle je souhaite ajouter cette mission.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il n’y a pas de raison de l’ajouter.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD248 de Mme Julie Lechanteux

Mme Julie Lechanteux (RN). Afin de mieux articuler la politique de l’eau et les exigences de notre souveraineté agricole et alimentaire, cet amendement vise à prévoir une dérogation aux objectifs fixés par les schémas directeurs en matière de qualité ou de quantité d’eau lorsqu’un projet est en contradiction avec l’objectif fondamental du code de l’environnement de préservation de nos capacités de production agricole.

Il ne s’agit pas de contourner les exigences environnementales, puisque cette dérogation serait encadrée, motivée et exceptionnelle, mais l’agriculture ne peut pas toujours être sacrifiée lorsque des arbitrages sont nécessaires. Que notre alimentation soit produite sur notre sol par nos agriculteurs est un impératif stratégique. Dans le contexte de bouleversement climatique, cela suppose une gestion de l’eau pragmatique, équilibrée et adaptée. Nous proposons une reconnaissance juridique des conflits d’usage qui peuvent survenir et des outils pour les résoudre intelligemment, sans opposer systématiquement agriculture et écologie. C’est une démarche de bon sens au service de l’intérêt général et de la résilience de notre pays.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Alors que les Sdage, dont les principales missions sont prévues par la loi, ont précisément pour vocation de concilier au mieux les différentes exigences en matière d’accès à l’eau, votre amendement vise à modifier ces missions au nom de la protection des seuls impératifs agricoles. Avis défavorable.

Mme Julie Lechanteux (RN). Il s’agit au contraire de proposer un cadre pour ne pas les opposer, afin d’éviter les confrontations.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les Sdage prévoient déjà des concertations et des échanges, qui permettent de parvenir à des consensus dans les comités de bassin entre les usagers, les agriculteurs et les autres parties prenantes. Je m’oppose à ce que l’impératif agricole prévale sur les autres, comme votre amendement tendrait à le favoriser.

La commission rejette l’amendement.

Article 5 quater (nouveau) : Interdire le financement par les agences de l’eau des réserves de substitution

Amendements CD313 de M. Loïc Prud’homme et CD312 de Mme Mathilde Hignet (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Il n’est pas acceptable que quelques acteurs accaparent un bien commun dans des mégabassines tout en faisant reposer le financement de celles-ci sur l’ensemble de la société.

Dans son rapport de juillet 2023 sur la gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique, la Cour des comptes remarque que « la cristallisation des oppositions autour de certains projets […] n’est pas sans rapports avec cette inégale répartition du financement de la politique de l’eau. Elle témoigne aussi de la faiblesse de la concertation sur cette politique dans de nombreux territoires dépourvus de commissions locales de l’eau ».

Théoriquement, les mégabassines doivent s’inscrire dans le cadre d’un projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) – encadré par la directive du 7 mai 2019. C’est précisément ce qui a fait défaut dans le cas des bassines des Deux-Sèvres : certaines parties prenantes ont été expulsées du tour de table du PTGE, entraînant l’opposition que nous connaissons.

La Coop de l’eau 79, porteuse du projet, a réévalué le coût des seize bassines installées dans les Deux-Sèvres à 76 millions, soit 20 millions de plus que le coût estimé en 2019. Leur financement repose à 70 % sur des fonds publics issus notamment de l’agence de l’eau Loire-Bretagne et sur des fonds du plan de relance. Il ne nous semble pas opportun que ces infrastructures soient financées de manière aussi déséquilibrée par de l’argent public, alors qu’elles ne satisfont que quelques acteurs privés.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’amendement vise à conditionner les concours des agences de l’eau à la réduction des prélèvements et à l’usage exclusif de l’irrigation pour l’agriculture biologique. Il s’agit d’empêcher le financement de mégabassines, qui empêchent la bifurcation écologique et enferment une partie du monde agricole dans un modèle uniquement basé sur la compétition mondiale entre agriculteurs, qui montre ses limites, notamment écologiques. Il est préférable de se donner les moyens d’accompagner les agriculteurs vers un changement de pratiques en faveur de l’agroécologie, plutôt que de continuer de financer des bassines au profit de l’agrobusiness.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les agences de l’eau, qui participent à l’élaboration des Sage et des Sdage, ont des objectifs de réduction des prélèvements et de préservation de la ressource. Elles apportent parfois leur concours à des organismes ayant pour mission de mieux répartir les prélèvements et d’organiser le dialogue, même si certains acteurs ne pratiquent pas une agriculture biologique ou que leurs actions ne reposent pas sur une étude hydrologique préalable. Nous devons leur faire confiance pour ne pas contribuer à la dégradation de la ressource.

Avis défavorable sur les deux amendements.

Mme Delphine Batho (EcoS). Depuis une circulaire de Jean-Louis Borloo datant de 2010, la pratique ne correspond pas à ce que vous venez de dire, et je suis bien placée pour en parler. Dans les Deux-Sèvres, l’agence de l’eau aurait pu jouer un rôle pour éviter qu’on se retrouve dans la situation actuelle, mais cela n’a pas été le cas, car elle avait des directives lui demandant de ne pas aller dans ce sens ; et quand le comité de bassin plaide pour un arrêt des travaux et la reprise du dialogue, il n’est pas écouté. Nous soutenons donc l’amendement CD312, qui correspond exactement à celui que nous avions déposé à l’article 5, à nos amendements à la proposition de loi du groupe LFI visant à instaurer un moratoire sur le déploiement des mégabassines, ainsi qu’à une disposition de notre propre proposition de loi sur le sujet.

La commission adopte l’amendement CD313.

En conséquence, l’amendement CD312 tombe.

Article 5 quinquies (nouveau) : Réalisation d’une étude hydrologique obligatoire préalable à toute autorisation environnementale d’ouvrage de stockage d’eau pour l’irrigation agricole

Amendement CD309 de Mme Clémence Guetté

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Cet amendement revient sur la prise de décision – jusqu’à présent au doigt mouillé – pour la construction de ces infrastructures. Il faudrait s’appuyer sur une connaissance approfondie du milieu, notamment pour bien mesurer l’impact des retenues sur les territoires concernés, en menant à chaque fois des études HMUC. Souvent, le technosolutionnisme qui nous est vendu quand il est question des mégabassines ne fonctionne pas. Les études HMUC sont réalisées de manière scientifique sur les cinq années précédant les demandes d’autorisation et sont donc très sérieuses. Elles conduisent à des avis défavorables, car elles démontrent dans la grande majorité des cas que les mégaretenues ne remplissent pas leur fonction, qui est de permettre de trouver des solutions en matière de stockage d’eau ou du moins de pallier la modification de la fréquence et de l’intensité des pluies sur nos territoires.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Nous avons abordé la question des études, qui sont déjà demandées par les Sage, lesquels déclinent les Sdage.

Mme Delphine Batho (EcoS). Le groupe Écologiste et social est très favorable à cet amendement, qui est absolument nécessaire. La réalité concrète du terrain, c’est que soit les projets reposent sur des données anciennes et ne tiennent donc aucun compte du changement climatique, soit il existe des données plus récentes, comme les études HMUC, mais le préfet décide de n’en tenir aucun compte pour la délivrance des autorisations environnementales – notre collègue Lisa Belluco pourrait en parler longuement, après ce qui s’est passé dans la Vienne. Il est important que les données scientifiques sur l’état des milieux, les nappes phréatiques et leur devenir, dans un contexte d’accélération du changement climatique, soient la base à partir de laquelle un dialogue s’engage quant aux perspectives et solutions à déployer dans les territoires.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Madame la rapporteure pour avis, je suis très déçu par cet avis défavorable. Il faut asseoir les décisions sur des faits scientifiques. Vous l’avez d’ailleurs rappelé tout à l’heure : nous suivons une pente glissante qui nous conduit vers un trumpisme à la française. Cet amendement très clair et de bon sens permettra de se fonder sur des études scientifiques, donc sérieuses, et non sur des considérations complètement irrationnelles à propos des mégabassines.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 5 (examen prioritaire)

Amendement CD457 de M. Hubert Ott

M. Hubert Ott (Dem). Cet amendement vise à sécuriser la définition du cours d’eau afin de simplifier les démarches pour de très nombreux agriculteurs en l’absence d’enjeux liés au cycle de l’eau.

Selon le code de l’environnement, « constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année. L’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales ». Une instruction du gouvernement en date de juin 2015 a précisé la méthode d’identification des cours d’eau qui doit être utilisée par les préfets afin d’en établir une cartographie dans les départements. Cette méthode se fonde sur les critères cumulatifs retenus par le Conseil d’État dans un arrêt du 21 octobre 2011 : la présence ou permanence d’un lit naturel à l’origine, l’alimentation par une source et un débit suffisant une majeure partie de l’année. En cas de difficultés d’appréciation, des critères supplémentaires peuvent être utilisés suivant la méthode dite du faisceau d’indices : la présence de berges et d’un lit au substrat spécifique, la présence de vie aquatique et la continuité amont-aval.

Sur le terrain, les difficultés d’appréciation sont grandes, ce qui génère des incertitudes et des complications majeures quant aux démarches administratives nécessaires. La définition des cours d’eau doit donc être sécurisée juridiquement et la cartographie en cours au sein des départements doit devenir opposable, dans un esprit de sécurisation des démarches administratives et de simplification, sans aucune remise en cause des enjeux environnementaux et de biodiversité liés aux cours d’eau.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ce n’est pas du tout une mauvaise idée mais une mission d’information sur les cours d’eau a été confiée à Freddy Sertin et Julie Ozenne. Je vous propose de retirer l’amendement dans l’attente des conclusions de cette mission.

M. Hubert Ott (Dem). Je maintiens l’amendement, la question étant importante et urgente.

Mme Julie Ozenne (EcoS). Je préconise aussi d’attendre la fin de la mission d’information, qui travaille notamment sur les définitions des cours d’eau, avant de revenir sur le sujet – c’est évidemment une bonne initiative.

M. Freddy Sertin (EPR). Je salue également l’initiative de notre collègue mais je rejoins Julie Ozenne. Nous rendrons nos conclusions dans quelques mois et nous souhaitons donc attendre.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous avons besoin d’éclaircissements ou d’une réécriture, notamment si vous souhaitez vraiment revenir sur l’instruction donnée en 2015. Ce qui pose problème, c’est l’effacement du chevelu hydrographique.

La commission rejette l’amendement.

Article 5 sexies (nouveau) : Interdiction de l’irrigation des cultures intermédiaires à vocation énergétique à partir de prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines

Amendement CD36 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit de mettre fin à une confusion entre les usages agricoles de l’eau, pour la production d’alimentation, et l’usage de l’irrigation pour des cultures à vocation énergétique. Nous pensons que dans un contexte marqué par des situations qui sont critiques pour bon nombre de masses d’eau depuis des années, en lien avec des prélèvements excessifs, et qui sont désormais aggravées par le changement climatique, les cultures à vocation énergétique ne doivent pas être irriguées.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis très partagée à l’égard de cette proposition. Je n’ai pas le recul nécessaire sur le territoire national : on ne manque pas d’eau en Bretagne et les cultures intermédiaires ne sont pas irriguées – en général, elles ont lieu en hiver et au printemps –, mais je sais que la situation est plus tendue en matière d’accès à l’eau dans d’autres départements durant les mêmes périodes. Par ailleurs, les cultures intermédiaires à vocation énergétique permettent une couverture du sol et une retenue d’azote, ce qui signifie un apport agronomique. Ces cultures sont donc bénéfiques pour le sol. Madame Batho, avez-vous des exemples de départements dans lesquels une irrigation de ces cultures intermédiaires aurait lieu ? Pour le moment, demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Cela existe dans le département des Deux-Sèvres, à partir des bassines, étant entendu que l’amendement porte sur les prélèvements dans ces dernières et les nappes. On utilise de l’argent public, venant des agences de l’eau, pour construire des bassines, et de l’eau stockée ou prélevée dans les nappes est utilisée pour des cultures énergétiques. Même du strict point de vue de la rationalité de l’usage de l’argent public, un problème se pose.

Par ailleurs, nous entrons dans une période où il faut se poser la question du bon usage de chaque goutte d’eau. L’amendement ne propose pas d’interdire les cultures à vocation énergétique et ne nie pas leur rôle dans le cadre de certaines rotations. Nous pourrions aussi avoir un débat, important, au sujet de la méthanisation. La question posée par l’amendement est de savoir à quoi on consacre l’eau dans l’agriculture. Il a ainsi été question tout à l’heure de l’abreuvement des animaux. Par ailleurs, des cultures ont besoin d’être irriguées, même s’il faut développer des stratégies d’adaptation au changement climatique qui ne reposent pas sur le déploiement massif de l’irrigation, parce que cela ne marchera pas et que cela flinguera l’eau potable.

Je précise enfin que l’amendement avait été adopté par l’Assemblée lors de l’examen du texte « énergie-climat » ou « climat et résilience », mais que le Sénat a empêché qu’il figure dans la loi.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je m’en remets à la sagesse de la commission et à votre connaissance des territoires.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 5

Amendements CD340 et CD339 de Mme Lisa Belluco

Mme Marie Pochon (EcoS). Ces amendements visent à supprimer le régime dérogatoire instauré par l’article 44 de la loi d’orientation agricole pour les mégabassines, qui vise à accélérer leur déploiement et celui des élevages industriels. En tant qu’écologistes, nous y sommes défavorables. Cet article est par ailleurs très problématique juridiquement. Selon l’avis du Conseil d’État, « les dispositions du projet de loi, qui sont susceptibles de présenter des risques de constitutionnalité au regard notamment du principe d’égalité devant la justice, comportent des inconvénients importants en termes de sécurité juridique pour les justiciables et, plus généralement, pour la bonne administration de la justice. Il propose en conséquence de ne pas les retenir. » C’est clairement une fausse promesse, y compris pour les irrigants et les éleveurs industriels, qui a été faite. Le Conseil d’État a prévenu que la nouvelle procédure allait ralentir les délais d’instruction. Par ailleurs, comme un référé sera possible dans un délai resserré, tous les requérants auront tendance à y recourir très rapidement. Cet article ne contentait personne : au lieu de médiations, les désaccords se traduiront directement en processus judiciaires. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer cette disposition de la loi d’orientation agricole. L’amendement suivant est de repli.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sur le fond, demande de retrait, sinon avis défavorable. Sur la forme, il faudrait viser le code auquel est rattaché l’article de la loi, et non celui-ci.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 5 septies (nouveau) : Moratoire suspendant l’autorisation de construction de méga-bassines

Amendement CD308 de Mme Clémence Guetté

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP). Nous proposons un moratoire sur la délivrance des autorisations pour les mégabassines, comme nous l’avions fait lors de notre niche parlementaire de novembre 2023.

Les mégabassines sont des projets complètement démesurés : celle de Sainte-Soline s’étend sur plus de 15 hectares – son bassin est aussi grand que dix-sept terrains de football et contient l’équivalent en eau de près de 300 piscines olympiques. Ces systèmes accaparent la ressource en eau au détriment d’une très grande majorité d’agriculteurs. Dans les Deux-Sèvres, M. Vincent Bretagnolle, chercheur au CNRS – Centre national de la recherche scientifique –, a expliqué que les bassines profiteraient à seulement 7 % des agriculteurs, majoritairement ceux qui produisent du maïs, ce qui privilégie de fait une minorité, ayant les moyens de financer ce genre de structures, au détriment des autres, qui partagent pourtant la même nappe phréatique. Des maraîchers se trouvent ainsi menacés alors que leurs exploitations sont durables et de petite taille, parce qu’un exploitant industriel s’est installé à côté et pompe toute l’eau. De plus, celle-ci stagne dans des bassins, ce qui accentue le risque de développement des algues et des bactéries et expose jusqu’à 20 % de l’eau à l’évaporation.

Voilà pourquoi nous parlons d’une mal-adaptation au changement climatique en cours. On gaspille encore plus l’eau et on fait même courir un risque de contamination des cultures ainsi arrosées. Dans un contexte de raréfaction de la ressource en eau, d’augmentation de la sécheresse – 2024 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée –, nous pensons qu’il est urgent d’appuyer sur « pause » et de réfléchir avant de continuer à déployer des systèmes démesurés et délétères. Nous proposons donc un moratoire de dix ans.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. En cohérence avec ma position lors de l’examen de la proposition de loi que vous avez évoquée, je suis défavorable à un moratoire. Les discussions doivent se tenir au niveau des comités de bassin. Il faut que chaque territoire puisse adapter sa gestion de l’eau, y compris par des réserves de substitution, en prenant évidemment toutes les précautions nécessaires – j’ai eu l’occasion de dire que je n’étais pas favorable, telles quelles, à ces réserves. Par ailleurs, les mégabassines n’ont pas de définition précise à l’heure actuelle.

La commission adopte l’amendement.

Article 5 octies (nouveau) : Autorisation d’utilisation des ouvrages de stockage d’eau alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines conditionnée à des conditions environnementales renforcées

Amendement CD147 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement est complémentaire du précédent, qui demandait un moratoire pour les projets futurs. Il s’agit ici des ouvrages existants qui sont alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou les nappes souterraines. Nous proposons de soumettre la poursuite de l’exploitation de ces ouvrages à quatre conditions : l’existence d’un schéma directeur de la biodiversité et d’un plan d’adaptation des pratiques agricoles au changement climatique ; la baisse des volumes prélevés ; le partage de l’eau entre agriculteurs ; l’utilisation de l’eau pour l’agriculture biologique ou une conversion vers celle-ci, eu égard aux graves problèmes d’effondrement de la biodiversité et de pollution des nappes d’eau, notamment potable, que nous connaissons.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Selon moi, les conditions posées sont trop drastiques, notamment le conditionnement de l’usage de l’eau pour l’agriculture biologique ou la conversion à celle-ci.

Mme Delphine Batho (EcoS). Il y a un désaccord entre nous : nous considérons que nous sommes, en France, dans un état d’urgence absolu pour ce qui est de la ressource en eau. Il est impossible de continuer comme aujourd’hui. Il est urgent de mettre à plat l’irrigation et l’usage des ouvrages existants. On parle beaucoup de ceux en projet et en construction, mais nombreux sont ceux, déjà existants, qui ne sont soumis à aucune règle de partage de l’eau entre les agricultures, à aucune règle agroécologique, à aucune rationalité. Dans le département des Deux-Sèvres, s’agissant de certains ouvrages, le prix de l’eau pour les agriculteurs est même décroissant avec l’augmentation des volumes. Si un agriculteur a besoin de 25 000 ou trente mille mètres cubes, par exemple, il paiera plus cher le mètre cube d’eau que quelqu’un qui prélèverait 180 000 ou 190 000 mètres cubes. Il est vraiment nécessaire de remettre de l’ordre.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les trois premiers critères que vous proposez me conviennent, mais je trouve le dernier trop drastique.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Ces critères sont de bon aloi. J’en aurais plutôt ajouté un cinquième : il faudrait que l’irrigation soit destinée à des cultures qui n’ont pas vocation à être exportées – on exporte ainsi notre eau – mais à produire, en premier lieu, de l’alimentation humaine et, pourquoi pas, avec toutes les conditions cumulatives précédentes, de l’alimentation pour du bétail. Il ne doit pas s’agir, comme dans le département de Delphine Batho, d’irriguer du maïs qui finit au port de La Pallice pour nourrir ensuite je ne sais quelles vaches sud-américaines. Nous déposerons peut-être un sous-amendement en ce sens.

La commission adopte l’amendement.

Article 5 nonies (nouveau) : Rapport annuel sur les volumes totaux d’eau prélevés par les ouvrages de stockage d’eau

Amendement CD375 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). La raréfaction de la ressource en eau est une des principales menaces qui pèsent sur notre agriculture et donc sur l’activité des agriculteurs. Dans ce contexte, comme le recommande le Conseil économique, social et environnemental (Cese), il convient d’objectiver clairement les enjeux du partage de l’eau pour assurer une répartition équilibrée et durable entre tous les acteurs et tous les agriculteurs. C’est pourquoi notre amendement demande que l’État publie annuellement un bilan des volumes totaux d’eau prélevés par les ouvrages de stockage et des différentes stratégies d’irrigation agricole, dans le cadre du changement climatique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je partage votre envie de progresser s’agissant de l’identification et du comptage des prélèvements d’eau, notamment par des compteurs intelligents à déployer un peu partout, y compris sur les ouvrages de stockage, mais un rapport spécifique sur le stockage d’eau ne me semble pas pouvoir être opérant. En outre, on mélangerait ainsi tous les types de stockage, sans faire de différence entre les périodes de prélèvement, les types d’ouvrage et les conditions d’utilisation. Je doute que l’information ainsi recueillie soit très pertinente. Pour ces raisons, avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 5 decies (nouveau) : Rapport relatif aux pratiques agricoles économes en eau

Amendement CD189 de M. Fabrice Barusseau

M. Fabrice Barusseau (SOC). Dans la perspective de la prochaine loi d’orientation agricole, nous demandons un rapport sur les pratiques agricoles économes en eau qui permettent de réduire les besoins d’irrigation afin de parvenir à un meilleur équilibre compte tenu de l’évolution du climat. Le changement climatique conduira, en effet, à une raréfaction de la ressource en eau, indispensable à toute pratique agricole. Préserver cette ressource implique nécessairement d’agir sur l’irrigation, dont les deux tiers servent aux grandes cultures, en particulier le maïs. La question de l’irrigation n’est toujours pas posée de manière systémique, alors que le changement climatique conduit à s’interroger sur les cultures. Pour des raisons de résilience et de souveraineté alimentaire, il faut accompagner dès maintenant l’agriculture française vers des pratiques économes en eau.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Une identification des activités économiques et de leurs besoins est déjà prévue dans le cadre des Sdage et des Sage. Les pratiques agricoles économes en eau pourraient être identifiées dans ce cadre. Il n’est donc pas forcément nécessaire que le gouvernement remette un rapport. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

M. Fabrice Barusseau (SOC). Des Sdage et des Sage n’existent pas dans tout le territoire, ce qui pose un problème pour l’identification des pratiques.

La commission adopte l’amendement.

Article 5 undecies (nouveau) : Stratégie nationale de préservation et de restauration des cours d’eau

Amendement CD373 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). L’eau des fleuves, rivières, ruisseaux et rus joue un rôle essentiel pour l’agriculture française, qui est actuellement la première consommatrice d’eau douce. Or plus de la moitié des cours d’eau français ne sont pas en bon état écologique et leur dégradation se poursuit malgré les objectifs fixés en 2018, lors des assises de l’eau – il était prévu de restaurer 25 000 kilomètres de cours d’eau d’ici à 2022. Cette dégradation est une menace directe pour la résilience de notre système agricole et alimentaire. Il convient donc de se donner les moyens d’atteindre les objectifs de restauration des cours d’eau, par la mise en place d’une véritable stratégie nationale.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis d’accord avec l’objectif mais je vous demande de retirer cet amendement compte tenu de la mission d’information que vous menez : j’aimerais en attendre les conclusions.

La commission adopte l’amendement.

TITRE IV – MIEUX ACCOMPAGNER LES CONTRÔLES ET DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES AUX SUITES LIÉES AUX INSPECTIONS ET CONTRÔLES EN MATIÈRE AGRICOLE

Avant l’article 6 (examen prioritaire)

Amendements CD178 de Mme Marie Pochon et CD462 de la rapporteure pour avis (discussion commune)

Mme Marie Pochon (EcoS). Depuis plus de deux ans, l’OFB subit des attaques venant de responsables politiques et syndicaux qui se sont traduites par des actions violentes sur les sites de la police de l’environnement – incendie du siège de l’OFB à Brest –, des dégradations et des actes de vandalisme partout dans le pays, le sabotage de la voiture d’un chef de service dans le Tarn-et-Garonne et des appels au meurtre d’agents. Certains responsables politiques en appellent même publiquement, parfois à grand renfort d’argent public, à la soustraction aux contrôles de la police de l’environnement et remettent en cause l’autorité de l’OFB.

Face à la multiplication de ces attaques, et parce que les missions de l’OFB ne recoupent que pour une part minime les contrôles sur les exploitations agricoles, nous souhaitons inscrire dans le titre IV l’objectif d’assurer le soutien aux missions de l’OFB dans un cadre apaisé entre le monde agricole et les agents de l’office.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’amendement CD462 est rédactionnel.

Le titre est centré sur les modalités de mise en œuvre des contrôles de police environnementale en lien avec les activités agricoles. Il n’a donc pas vocation à traiter de l’ensemble des missions de l’OFB, comme y tend l’amendement CD178. Avis défavorable.

M. Emmanuel Blairy (RN). Tous, ici, nous dénonçons les appels au meurtre d’agents publics, mais j’aimerais vous entendre condamner de la même façon ceux qui visent les policiers et les gendarmes.

Notre position sur l’OFB est claire : si nous ne remettons pas en cause le travail des fonctionnaires – je suis moi-même fonctionnaire, je sais ce que cela signifie d’appliquer la loi dans un territoire –, nous contestons en revanche la doctrine d’emploi de l’OFB, qui est mal ficelée. Avec le député Daniel Labaronne – qui n’est pas de mon bord politique –, nous avons rendu un rapport rappelant que les missions de l’OFB n’étaient pas bien comprises et appliquées dans les territoires. Nous voterons donc contre ces amendements.

Mme Marie Pochon (EcoS). Pourquoi voteriez-vous contre notre proposition de titre – « Assurer les missions de l’Office français de la biodiversité et mieux accompagner les contrôles en matière agricole » –, sur lequel nous pouvons tous tomber d’accord ?

M. Emmanuel Blairy (RN). L’OFB a deux casquettes : ses agents ont des missions administratives mais également judiciaires, lorsqu’ils deviennent inspecteurs de l’environnement. Or l’article en question n’a rien à voir avec les seuls agents de l’OFB puisqu’il concerne un panel d’agents chargés de la police de l’environnement. Nous voterons contre pour cette raison.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je ne peux pas laisser passer l’allusion inacceptable de M. Blairy : notre soutien à tous les agents de la force publique, qu’ils soient policiers, gendarmes, douaniers, militaires ou de la police de l’environnement, est constant. Ceux qui ne se lèvent pas pour applaudir la police de l’environnement quand elle est citée dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale devraient balayer devant leur porte : manifestement, ce serait la seule police de France qui n’aurait pas le droit à la considération de la représentation nationale !

Successivement, la commission rejette l’amendement CD178 et adopte l’amendement CD462.

Article 6 (examen prioritaire) : Organisation des contrôles relatifs à la police de l’environnement et amélioration des relations entre les agents chargés de cette police et les usagers

Amendements de suppression CD166 de Mme Marie Pochon et CD314 de M. Loïc Prud’homme

Mme Marie Pochon (EcoS). L’article 6 nous semble dangereux. Les attaques pleuvent contre l’OFB depuis des années. Qu’il s’agisse du discours de politique générale du Premier ministre, des appels au refus d’obtempérer à la police de l’environnement lancés par un chef de groupe du socle commun ou encore des amendements de suppression de l’OFB déposés par le Rassemblement national dans le projet de loi de simplification de la vie économique, tout semble permis dès lors qu’il est question d’environnement ! Le fait même qu’un tel article ait été introduit dans le présent texte constitue une menace parce qu’il ouvre la voie à des amendements visant à affaiblir l’OFB, comme le démontrent ceux déposés par les groupes UDR et RN.

La version que nous examinons n’est pas celle initialement présentée au Sénat, qui proposait de limiter les procédures judiciaires contre les auteurs d’infractions environnementales et de réduire les peines appliquées en cas de préjudice environnemental. Mais nous devons rester vigilants : l’OFB est un maillon essentiel de la protection de l’environnement et de la restauration de la biodiversité. L’office doit être protégé, sanctuarisé ; ses agents doivent bénéficier du soutien inconditionnel du gouvernement, au même titre que les autres polices judiciaires et administratives de notre pays.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous souhaitons la suppression de l’article 6, qui prévoit la mise sous tutelle des missions de police administrative et de police judiciaire sous l’autorité respectivement du représentant de l’État dans le département et du procureur de la République. Il prévoit également la validation de la programmation annuelle des contrôles, ce qui est extraordinaire quand on connaît leur fréquence.

Une telle remise en cause des pouvoirs de l’OFB s’inscrit dans un cadre de défiance et d’attaques inédites de l’OFB et de ses agents. Le Premier ministre, François Bayrou, avait jeté de l’huile sur le feu, en pleine crise agricole, en déclarant : « Quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter les fossés ou les points d’eau avec une arme à la ceinture dans une ferme déjà mise à cran par la crise, c’est une humiliation et c’est donc une faute. » Cette remise en cause est d’autant plus grave que les agents de l’OFB sont menacés et agressés, leurs locaux et leurs voitures étant pris pour cibles. Nous sommes à rebours de ce que devrait faire le gouvernement, à savoir apporter un soutien inconditionnel à la police de l’environnement, comme il le fait pour d’autres fonctionnaires de l’État. Nous déplorons que le gouvernement cède à la pression. L’article 6 étant délétère, nous souhaitons qu’il soit supprimé.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’article 6 a été rédigé par le gouvernement au Sénat en accord avec l’OFB et ses agents, qui ne souhaitent pas sa suppression. Celle-ci reviendrait en outre à supprimer l’autorisation de port de caméras individuelles, qui est très attendue par les agents. Avis défavorable.

M. Emmanuel Blairy (RN). Je viens d’entendre que l’OFB ferait partie des forces de l’ordre ; or il n’en est rien ! Les forces de l’ordre publiques sont la gendarmerie nationale et la police nationale. L’OFB a certes des compétences judiciaires mais celles-ci doivent être placées sous la tutelle du procureur de la République.

Certains ont évoqué un risque de déperdition d’information si les agents doivent transmettre leurs procès-verbaux à leur hiérarchie. Or cela se passe ainsi pour toutes les forces de police : les policiers, qu’ils soient nationaux ou municipaux, et les gendarmes transmettent leurs procès-verbaux par voie hiérarchique. Cela permet d’assurer une traçabilité et de poser des garde-fous.

M. René Pilato (LFI-NFP). Vous avez vraiment un problème avec l’État de droit. C’est nous qui écrivons la loi et qui la votons ; les agents l’appliquent ensuite sur le terrain. Il est donc inutile de s’en prendre aux agents de l’OFB, qui ne font que le travail pour lequel ils sont missionnés, à savoir faire appliquer la réglementation qui nous évitera des cancers. Actuellement, 43 % des eaux du robinet sont polluées – et vous continuez à dénoncer les excès de réglementation et à montrer du doigt l’OFB ? Ce n’est pas sérieux. Il y va de la préservation de l’écosystème et de la survie de l’humanité. On ne tire pas sur la personne qui fait son travail : on la soutient.

Mme Delphine Batho (EcoS). Le principal problème posé par cet article est son alinéa 6. Les agents chargés de la police de l’environnement seraient les seuls à ne pas pouvoir transmettre leurs procès-verbaux au procureur de la République. Dans aucune police de France, un officier de police judiciaire n’est obligé de demander la permission d’un chef de bureau avant de transmettre un procès-verbal au procureur de la République, car c’est ce dernier qui décide de l’opportunité des poursuites, et non le chef de service, le commissaire ou le préfet.

Lorsque j’étais ministre de l’écologie, un préfet a interdit aux inspecteurs ICPE – installations classées pour la protection de l’environnement – de transmettre un procès-verbal au parquet concernant l’usine Lubrizol. Je vous mets donc en garde : les agents de la police de l’environnement doivent pouvoir, sous l’autorité du parquet et du procureur de la République, transmettre leurs procès-verbaux sans aucun filtre ou contrôle.

M. Dominique Potier (SOC). Nous avons été l’un des premiers groupes à condamner les propos malheureux du Premier ministre, qui avait discriminé les agents de l’OFB dans son discours de politique générale.

Le préfet peut-il jouer le rôle d’un filtre dans la transmission du procès-verbal et intervenir sur la programmation des contrôles sur le terrain ? Nous n’avons pas encore les idées claires sur cette question. L’article 6 vise-t-il à redonner au préfet le pouvoir d’accepter ou de refuser un contrôle sur le terrain ? Ce serait très critiquable eu égard à la liberté de l’OFB de protéger la biodiversité.

M. Emmanuel Blairy (RN). Passer par la voie hiérarchique ne signifie pas que l’agent qui a rédigé et transmis le procès-verbal ne s’en occupe plus. Cela veut dire que l’autorité hiérarchique est elle-même obligée de transmettre le procès-verbal au procureur de la République ; à défaut, cela constituerait une infraction. Il n’est pas très correct de travestir ainsi mes propos. La voie hiérarchique n’est pas un filtre ni une barrière : c’est le mode de transmission obligatoire d’un procès-verbal au procureur de la République.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. La transmission par voie hiérarchique se fait déjà au niveau de l’OFB, comme nous l’a confirmé son directeur. Cela ne signifie pas que le préfet bloque ensuite le transfert au procureur. Par ailleurs, le préfet gère la procédure administrative et organise les contrôles administratifs sur son territoire ; la procédure judiciaire passe toujours par le procureur. L’article 6, tel qu’il est rédigé, ne pose donc pas de problème et l’OFB, que j’ai longuement auditionné, pense comme moi que cela revient à mettre par écrit ce que l’office pratique déjà.

M. Vincent Descoeur (DR). L’article 6 a pour objectif d’apaiser les contrôles, au bénéfice du contrôlé comme du contrôleur. Il n’y a donc pas d’intention malveillante dans la rédaction de cet article, qui ne vise qu’à apporter de la sérénité. Je trouverais donc dommage de le supprimer.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous devons supprimer l’article 6 car il est mal rédigé. Il faut réfléchir à une version mieux bordée en vue de la séance. Le gouvernement doit faire un travail un peu plus précis pour lever tous les doutes.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. On ne peut pas dire que l’article 6 est mal écrit. Sa rédaction a fait l’objet d’un travail commun avec le Sénat, le ministère chargé de la transition écologique et l’OFB. Loin de changer la pratique actuelle, l’article sécurise le travail de l’OFB sur le terrain.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CD133 de M. Richard Ramos et CD315 de Mme Mathilde Hignet

M. Richard Ramos (Dem). Mon amendement vise, d’une part, à supprimer les dispositions concernant le renforcement de la position du préfet, déjà délégué territorial de l’OFB et, d’autre part, à supprimer la généralisation du principe de transmission hiérarchique des procès-verbaux en alignant la procédure sur celle issue de la procédure pénale classique. Il vise également à redonner une autorité pleine et entière aux agents de l’OFB, qui font un travail formidable. C’est un compromis qui va dans le sens souhaité par Mme Batho.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Il s’agit de supprimer la mise sous tutelle de l’OFB. Je renouvelle notre soutien à ses agents et dénonce les attaques de la droite et de l’extrême droite qui les visent – je citerai par exemple la lettre de Laurent Wauquiez adressée à tous les agriculteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes. En outre, selon un rapport d’inspection interministérielle sur les contrôles effectués dans les fermes, 89 % des exploitations agricoles n’ont pas subi le moindre contrôle en 2023 ; une exploitation sur dix a connu un seul contrôle ; 1 % seulement a subi deux contrôles ou plus. De fausses informations sont donc diffusées, en plus des attaques qui se sont multipliées ces derniers mois.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable car il s’agit d’une de l’OFB et de ses agents, afin de sécuriser les procédures déjà à l’œuvre sur le terrain.

M. Richard Ramos (Dem). Vous ne pouvez pas parler au nom de tous les agents de l’OFB : moi aussi, j’ai rédigé mon amendement avec des agents de l’OFB.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je soutiens ces amendements qui suppriment le principal problème posé par l’article 6. En dépit de l’avis de l’OFB, quand nous rédigeons la loi, nous devons penser à l’intérêt général. Actuellement, l’article L. 172-16 du code de l’environnement dispose que « les procès-verbaux sont adressés dans les cinq jours qui suivent leur clôture au procureur de la République ». L’article 6 vise à ajouter qu’ils sont adressés « par voie hiérarchique », mettant ainsi en place un contrôle hiérarchique de leur transmission ou de leur non-transmission au procureur de la République. Cela correspond malheureusement à une pratique.

Mme la rapporteure pourrait lever un malentendu : le pouvoir des préfets sur les Dreal – directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement – et sur l’OFB est une tendance qui s’est développée ces dernières années. Les agents de la police de l’environnement, quand ils exercent une mission de police judiciaire, doivent rendre compte au procureur et à lui seul.

M. Emmanuel Blairy (RN). Cet article ne fait qu’entériner une pratique. Selon vous, l’agent de l’OFB contrôle, recherche les infractions et le constate, puis il envoie son procès-verbal par courrier au tribunal compétent ou le dépose directement chez le procureur. Or ce n’est pas ainsi que cela fonctionne : cela se fait systématiquement par voie hiérarchique.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CD316 à CD319 tombent.

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  1.   Réunion du mardi 6 mai, soir

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a poursuivi l’examen pour avis de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 856) (Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis).

Article 6 (examen prioritaire) (suite) : Organisation des contrôles relatifs à la police de l’environnement et amélioration des relations entre les agents chargés de cette police et les usagers

Amendement CD320 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous proposons de supprimer les alinéas 7 à 17, qui, sous prétexte « d’apaiser les tensions », autorisent les agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) à porter des caméras-piétons. Ces dispositions ne sont qu’un gage donné à celles et ceux qui souhaiteraient exercer leur métier en échappant à tout contrôle du respect des normes en vigueur. En réalité, je ne connais aucune profession qui réclame de pouvoir agir de la sorte. Ce doit être encore moins le cas des agriculteurs, dont l’activité dépend largement de subventions – une situation que je ne critique pas, mais qui nécessite que nous nous assurions que cet argent public est utilisé dans le respect des normes et des lois votées par le Parlement, lesquelles visent à préserver non seulement l’environnement, mais aussi et surtout la santé publique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je ne comprends pas l’intérêt de supprimer le déploiement des caméras-piétons. Cette mesure n’est pas un frein aux contrôles, dont nous ne contestons pas la nécessité ; elle permettra au contraire d’apaiser les tensions, de vérifier les conditions dans lesquelles s’est déroulée une inspection qui a mal tourné, et donc de sécuriser tant l’agent de l’OFB que l’agriculteur contrôlé. Que ce soit dans les transports ou lors d’un contrôle opéré par les forces de l’ordre, l’activation de la caméra incite généralement les uns et les autres à descendre d’un cran dans leurs propos, ce qui améliore la qualité des échanges.

M. Timothée Houssin (RN). Je suis assez surpris par cet amendement, car l’extrême gauche prétend, depuis le début des débats, défendre l’OFB et ses agents. Pour ma part, je suis allé rencontrer les agents sur le terrain : ils m’ont dit qu’ils étaient non seulement favorables à cette disposition, mais même absolument demandeurs de caméras-piétons. Quant aux syndicats agricoles, ils semblent eux aussi estimer que cette mesure est plutôt positive. Je ne pense pas non plus que les chasseurs y soient opposés. On a donc l’impression que les caméras-piétons sont acceptées par toutes les parties, et que seule La France insoumise conteste leur déploiement. Si l’OFB les réclame et que les personnes contrôlées n’y voient pas d’inconvénient, pourquoi s’opposer à ces instruments qui permettront d’apaiser les tensions et de clarifier certaines situations ?

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je rappelle tout d’abord à nos collègues d’extrême droite qu’il n’y a pas d’extrême gauche dans notre assemblée, comme l’a confirmé le Conseil d’État.

Un rapport des services d’inspection des ministères de l’agriculture et de la transition écologique a conclu que la récente décision d’imposer un port discret de l’armement aux inspecteurs de l’OFB et d’expérimenter l’usage de caméras-piétons ne suffira pas pour retrouver des relations normales entre contrôleurs et contrôlés.

J’ai expliqué tout à l’heure que cette disposition n’était qu’un gage donné à ceux qui voudraient continuer d’échapper à tout contrôle. Il est un peu croquignolesque de prétendre qu’il s’agit d’apaiser les tensions, quand on sait qu’une exploitation a la probabilité d’être visitée par un agent de l’OFB une fois tous les 500 ans. Je ne pense donc pas que l’on puisse parler d’une pression excessive de ces inspecteurs…

M. Fabrice Barusseau (SOC). Pour avoir travaillé avec les syndicats, nous pouvons attester que l’utilisation de caméras-piétons constitue une vraie plus-value, très largement reconnue. Elle sécurisera tant les agents de l’OFB que les exploitants soumis à un contrôle. Nous ne voyons donc aucun aspect négatif dans ces dispositions.

M. Vincent Descoeur (DR). De toute évidence, l’usage de caméras piétons permet d’objectiver la relation entre le contrôleur et le contrôlé. Aucune des parties n’aurait donc intérêt à ce que nous supprimions ces alinéas.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CD321 de Mme Mathilde Hignet.

Amendement CD322 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Quelle serait l’utilité de ces caméras dans la prévention des incidents au cours des inspections ? Ces outils ne permettent ni d’agir en amont de potentielles tensions, ni de désamorcer d’éventuels malentendus, d’ailleurs favorisés par le gouvernement, entre des agents de l’OFB et des agriculteurs.

Au cours des trois dernières années, 3 370 procédures ont été engagées par l’OFB à l’encontre d’exploitants agricoles, dont 90 % concernent des infractions constatées en flagrance. Les caméras piétons n’ont donc pas non plus de réelle plus-value en matière de collecte de preuves.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Une caméra individuelle n’est pas nécessairement utilisée pour recueillir des preuves. Elle doit servir de témoin lorsque la tension monte entre les parties. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD323 de Mme Mathilde Hignet

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Nous souhaitons supprimer, à l’alinéa 10, la mention de « la formation et la pédagogie » des agents de l’OFB, qui jette le discrédit sur ces derniers en sous-entendant que l’une des causes des incidents serait précisément leur manque de formation ou de pédagogie – ce que nous réfutons.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il est bon que chacun se forme tout au long de sa carrière professionnelle. J’ajoute que les enregistrements des caméras individuelles pourraient être utilisés à des fins pédagogiques, car visionner des événements qui se sont mal passés permet d’en tirer des enseignements. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Reconnaissez qu’il est difficile d’interpréter le texte dans le sens d’une utilisation des enregistrements à des fins de formation des agents ! Peut-être faudra-t-il y revenir en séance.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je propose que nous retravaillions la rédaction de l’alinéa 10 d’ici à la séance afin de dissiper tout malentendu.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je tiens à relever une incohérence entre l’alinéa 10 et les suivants. Vous dites, madame la rapporteure pour avis, que ces enregistrements auront une visée pédagogique : j’en déduis que les agents de l’OFB seront très réactifs, puisque les enregistrements devront être effacés au bout de trente jours.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CD464 de la rapporteure pour avis tombe.

Amendement CD187 de Mme Chantal Jourdan

M. Fabrice Barusseau (SOC). Cet amendement vise à calquer le dispositif de caméra individuelle sur celui applicable aux agents de police et de gendarmerie. En effet, il paraîtrait cohérent que les agents de l’OFB en proie à des difficultés lors d’un contrôle puissent bénéficier d’une transmission des images captées en temps réel. Cela permettrait de les protéger au mieux, de les traiter de la même façon que les autres agents publics et d’assurer la réactivité la plus élevée possible.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sur le fond, je suis favorable à cette disposition, même si j’ai quelques doutes quant à sa mise en œuvre effective.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD186 de Mme Chantal Jourdan

M. Fabrice Barusseau (SOC). Nous souhaitons que les agents de l’OFB puissent, comme les agents de police, utiliser les enregistrements pour faciliter la recherche d’auteurs d’infractions ou la description fidèle des faits dans les comptes rendus d’interventions. Sinon, quelle serait l’utilité réelle des caméras embarquées ?

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD465 et CD466 de la rapporteure pour avis.

Amendement CD121 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). L’OFB assure différentes missions telles que la lutte contre le trafic d’animaux sauvages, la lutte contre les espèces exotiques envahissantes ou la prévention de la dégradation des zones protégées. En ces temps de crise écologique majeure et d’effondrement des populations d’espèces sauvages, il serait intéressant de publier un bilan annuel des infractions constatées par les agents de l’OFB, de leur nature et des suites qui y ont été données. Nous pouvons déjà trouver de telles informations au sujet des infractions routières ; il serait pertinent d’élargir cette pratique à la délinquance environnementale.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’OFB fournit déjà dans ses rapports d’activité une partie de ces informations, même si je conviens qu’elles mériteraient sans doute d’être précisées. Par ailleurs, je doute de l’efficacité de cette publication pour la prévention des atteintes à l’environnement. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Notre amendement prévoit la publication d’un bilan récapitulant non seulement les infractions constatées par l’OFB, mais également les suites qui y ont été données. Sur cet aspect, il est très difficile d’obtenir des informations. Si ma mémoire est bonne, nous avons réussi à connaître, lors des débats sur la proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide, le nombre de classements sans suite ainsi que d’autres précisions, mais je ne crois pas qu’il y ait de bilan annuel des suites données par la justice aux infractions environnementales constatées.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD467 de la rapporteure pour avis.

Amendement CD225 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). Ces derniers mois, les critiques envers l’OFB ont porté sur les tensions qui seraient, selon certains responsables politiques et syndicaux, omniprésentes lors des contrôles menés par les inspecteurs de l’environnement. Il convient pourtant de rappeler que moins de 10 % des contrôles se déroulent dans des exploitations agricoles, la plupart des missions de l’Office ayant trait à la police sanitaire en lien avec la faune sauvage, à la recherche scientifique, au suivi des espèces, aux diagnostics sur l’état des milieux naturels et à la lutte contre le braconnage et le trafic d’espèces protégées. Ainsi, selon un rapport interministériel, les contrôles de l’OFB ne suscitent en réalité qu’une minorité de situations conflictuelles. Nous proposons cependant de créer un outil public de suivi des contrôles, qui permettra de dresser des bilans réguliers du déroulement de ces derniers, de mesurer les suites données et peut-être d’objectiver un peu le débat public sur ces questions.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Nous venons d’adopter une demande de rapport sur ces sujets. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Marie Pochon (EcoS). Non, il ne s’agit pas du même sujet.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD468 de la rapporteure pour avis.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 modifié.

Article 6 bis (nouveau) : Reconnaissance du rôle des agents de la police de l’environnement et encadrement de la communication des autorités de l’État

Amendement CD172 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). « Une coalition d’idéologues, qui entend vous empêcher de travailler et de vivre dignement » : voilà comment un responsable politique de premier plan, président de groupe à l’Assemblée nationale et candidat potentiel à l’élection présidentielle, décrivait l’OFB dans un courrier adressé en février dernier aux agriculteurs de sa région. Ce type de propos menace des agents de police chargés de faire respecter la loi. Imagine-t-on un président de la République dénigrer la police de l’environnement, placée sous la tutelle de plusieurs ministères ? Imagine-t-on un membre du gouvernement remettre en question les missions et l’existence de cette institution, garante de la préservation de l’environnement ? Imagine-t-on un ministre de l’intérieur critiquer de manière aussi véhémente la police nationale ? Aussi notre amendement vise-t-il à prévenir la mise en cause injustifiée ou dénigrante des inspecteurs de l’environnement et agents de l’OFB par les autorités de l’État.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sur le fond, je partage vos propos : les agents de l’OFB mènent au quotidien, avec compétence et professionnalisme, des missions exigeantes de police de l’environnement, souvent dans des contextes sensibles. Toutefois, il ne me semble pas justifié de voter une disposition spécifique sur la communication de l’État, alors que l’engagement de ces agents est largement salué dans les cercles institutionnels et professionnels.

Je vois aussi un risque d’instrumentalisation politique du texte, car vous avez déposé cet amendement pour réagir à des déclarations individuelles récentes. Aussi son adoption fragiliserait-elle la portée juridique de la proposition de loi. Du reste, sa formulation me paraît trop floue pour être juridiquement opérante. Avis défavorable, donc.

Mme Marie Pochon (EcoS). Nous ne parlons pas de l’expression d’individus lambda, mais de la prise de parole d’un président de groupe du socle commun et des propos du Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Ces personnes sont des responsables politiques importants, qui incarnent l’autorité de l’État.

M. Vincent Descoeur (DR). Quand on ne partage pas le point de vue d’un responsable politique, on ne dépose pas d’amendements visant à lui répondre dans la loi. Sinon, nous pourrions nous-mêmes défendre de nombreux amendements sur de nombreux autres sujets…

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je tiens à défendre Mme Pochon. L’instrumentalisation politique n’est pas dans cet amendement, mais dans la lettre envoyée à tous les agriculteurs d’une région pour critiquer un organisme d’État, ou dans la déclaration démagogique du Premier ministre. Ces propos sont très graves, car ils mettent en danger tant les agriculteurs que les agents de l’OFB et alimentent un climat de tension dans les exploitations. Alors que nous convenons tous ici que ce climat ne devrait pas exister, certains responsables politiques jettent de l’huile sur le feu. C’est pourquoi il me paraît tout à fait pertinent d’adopter cet amendement, qui met le sujet sur la table. Nous devons nous montrer à la hauteur et protéger les agents de la police de l’environnement autant que ceux des autres polices. Ils n’ont pas à être dénigrés.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 6 (examen prioritaire)

Amendement CD250 de Mme Julie Lechanteux

Mme Julie Lechanteux (RN). Cet amendement d’appel vise à souligner un déséquilibre évident au sein du comité d’orientation de l’OFB, où les agriculteurs ne sont pas représentés de façon spécifique. Les collèges « humanités » et « citoyens » occupent plus de la moitié des sièges, alors qu’aucun collège agricole n’est formellement constitué. Pourtant, qui est plus directement concerné par la biodiversité que nos agriculteurs ? Ils sont sur le terrain, acteurs du vivant et soumis en permanence à des obligations environnementales.

Cette absence de reconnaissance institutionnelle alimente un sentiment d’exclusion, d’injustice et de défiance vis-à-vis de l’OFB. Si nous voulons restaurer la confiance et le dialogue, nous devons donner aux agriculteurs toute leur place dans les instances de concertation. La création d’un collège agricole, dont les membres seraient désignés par les chambres régionales d’agriculture, serait un geste simple mais fort, un signe de respect et de considération pour une profession essentielle à nos territoires et à notre souveraineté alimentaire.

Cet amendement n’est pas une remise en cause du comité d’orientation de l’OFB, mais un appel au dialogue, à l’équilibre et à la reconnaissance.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Vous l’avez dit vous-même, il s’agit d’un amendement d’appel. Du reste, des représentants agricoles siègent au conseil d’administration de l’OFB. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Cet amendement du Rassemblement national me paraît bien timide. Vous devriez proposer que les agriculteurs soient directement nommés agents de l’OFB : ainsi, ils pourraient s’autocontrôler, et vous seriez satisfaits.

Mme Julie Lechanteux (RN). Cette caricature est vraiment pénible. Quand nous proposons des dispositions équilibrées, visant à encourager la justice et le dialogue, elles ne vous conviennent pas. Soyez un peu constructifs !

M. Fabrice Barusseau (SOC). C’est stigmatiser les agriculteurs que de vouloir un collège d’agriculteurs. Bien d’autres professions sont aussi concernées par les missions de l’OFB et pourraient avoir leur propre collège. Cet amendement est donc malvenu.

Mme Julie Lechanteux (RN). Il ne s’agit pas de stigmatiser les agriculteurs ni de constituer un collège qui leur soit propre. Comme je l’ai bien expliqué, nous proposons de créer un collège composé de tous les représentants du monde agricole. C’est donc vous qui, là encore, stigmatisez certaines personnes ou certains partis au détriment de l’intérêt général.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD336 de M. David Magnier

M. David Magnier (RN). Cet amendement vise à envoyer un signal fort à nos agriculteurs, qui croulent sous des contrôles environnementaux souvent vécus comme une sanction plutôt que comme un accompagnement. Alors que les règles sont complexes, une erreur involontaire – un plan d’épandage mal rempli, une norme méconnue – peut entraîner des amendes immédiates. C’est injuste, et cela alimente un sentiment de défiance.

Afin d’améliorer les relations entre l’OFB et les agriculteurs, nous proposons de consacrer un droit à l’erreur pour les exploitants de bonne foi. Inspiré de la loi pour un État au service d’une société de confiance, dite loi Essoc, cet amendement vise à permettre à un agriculteur ayant commis un manquement non intentionnel de régulariser sa situation sans être sanctionné, sauf si l’infraction cause un dommage grave à l’environnement, à la santé ou à la sécurité. Un rapport clair prévoyant des mesures précises et un délai raisonnable serait transmis à l’agriculteur pour le guider dans la mise en conformité.

Ce droit à l’erreur, modulé selon la gravité des faits, n’est pas un blanc-seing, mais une main tendue pour accompagner plutôt que punir et pour rétablir la confiance entre les agriculteurs et l’administration. C’est une mesure de justice, qui allège les contraintes et simplifie les relations. Adopter cet amendement, c’est choisir la confiance plutôt que la sanction et l’accompagnement plutôt que la répression.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. La loi Essoc, que vous avez évoquée, ne s’applique pas en matière environnementale, ce qui est une bonne chose. Par ailleurs, les agents ont déjà un pouvoir d’appréciation ; ils peuvent également mener des contrôles « à blanc », à visée pédagogique, dont j’ai d’ailleurs déjà bénéficié à titre personnel. Enfin, votre amendement excède le périmètre et modifie l’équilibre de la proposition de loi. J’y suis donc défavorable.

M. David Magnier (RN). Je suis souvent en circonscription, auprès de mes agriculteurs, et je n’ai jamais vu de contrôles à blanc. Les agriculteurs sont oppressés, ils ont très peur d’écoper d’une amende à la moindre erreur en cas de contrôle.

Encore une fois, c’est un dispositif inspiré – j’insiste sur ce terme – de celui prévu dans la loi dite Essoc.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je ne doute pas que vous soyez proche de vos agriculteurs. Mais je vous rappelle que l’OFB ne contrôle chaque année que 1 % des exploitations à l’échelle nationale. L’administration comme l’OFB mènent bien des contrôles à blanc, et leurs agents sont sensibilisés à la nécessité de faire preuve de pédagogie lors d’un premier contrôle ; en cas de récidive, ils sanctionnent, et c’est bien normal. Je suis défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD337 de M. David Magnier

M. David Magnier (RN). Cet amendement se veut une bouffée d’oxygène pour nos agriculteurs, pris en étau dans un maquis de normes environnementales souvent incohérentes.

Par une absurde réalité, suivre scrupuleusement une règle du code de l’environnement pour protéger une rivière peut conduire un exploitant de bonne foi à se mettre en infraction au regard d’une autre règle du code rural ou forestier sur la gestion des haies. Ces contradictions réglementaires jettent nos agriculteurs dans une insécurité juridique intolérable.

Par cet amendement, nous proposons une solution simple et juste à cette situation : exonérer de responsabilité administrative ou pénale tout agriculteur de bonne foi victime de ces incohérences – pas de sanctions pour ceux qui se retrouvent piégés par des règles mal alignées. L’amendement prévoit en outre qu’un rapport écrit précisant les contradictions et démarches à entreprendre pour clarifier sa situation est remis à l’exploitant, et que les autorités compétentes, comme l’OFB, sont tenues de signaler ces aberrations à leur ministère de tutelle dans un délai de six mois et de proposer des mesures concrètes pour harmoniser les normes.

À l’heure de la simplification des normes, c’est une mesure de bon sens qui protège nos agriculteurs et pousse l’État à faire le ménage dans les règles qu’il impose. Pour lever les injustices et soutenir les agriculteurs dans leur bonne foi, je vous invite à adopter cet amendement.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les articles 37 et 38 de la loi pour la souveraineté alimentaire et agricole – dite LOA – ont résolu la question des conflits qui pouvaient naître des quatorze réglementations régissant la gestion des haies. Les services de l’État sont d’ailleurs censés accompagner et éclairer les agriculteurs sur cette réglementation.

En outre, le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions de la LOA similaires à celle que vous proposez, pointant un risque sur la définition juridique des normes contradictoires.

M. Hubert Ott (Dem). Monsieur Magnier, pouvez-vous nous donner des exemples d’incohérences ? Concrètement, quels sont les attributs d’une norme cohérente à vos yeux ? Soyons précis ! Ces discours flous qui laissent imaginer tout et son contraire discréditent ce que l’on appelle le système, alors même que rien ne prouve qu’il y a des lacunes, des contradictions ou des difficultés d’interprétation des règles communes. Et si tel est le cas – ce que je peux entendre –, travaillons-y, plutôt que de contester purement et simplement leur application.

M. David Magnier (RN). Suivre scrupuleusement les règles du code de l’environnement pour protéger une rivière, par exemple, peut conduire à se mettre en infraction au regard des dispositions du code rural ou du code forestier relatives à la gestion des haies.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ce problème a été résolu dans la LOA, et je ne vois pas d’autres exemples qui illustreraient votre propos.

M. Julien Guibert (RN). En voici un : pour des raisons environnementales – notamment pour protéger les périodes de nidification –, les haies doivent être taillées avant une date limite, sauf si cette taille vise à sécuriser la voie publique. Voilà un exemple très précis de contradiction entre les dispositions des différents codes, sur lequel j’ai d’ailleurs interrogé le ministre – j’attends toujours sa réponse.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les dates butoirs de taille sont justifiées par de bonnes raisons, comme la nidification. Et elles laissent largement le temps aux agriculteurs – ou, à défaut, à la commune – de tailler des haies et élaguer les arbres qui pourraient représenter un danger pour la voie publique ou gêner les câbles de la fibre durant l’hiver, d’autant qu’ils savent qu’ils n’y seront plus autorisés l’été.

M. Hubert Ott (Dem). Les règles relatives à la taille des haies ou à la réduction du volume des houppiers sont effectivement bien connues des agriculteurs. Certes, il existe des dérogations pour répondre à des obligations en matière de sécurité, mais si nous incitons le monde agricole et l’OFB à travailler ensemble et à se tenir mutuellement informés, les éventuelles difficultés pourront être facilement évitées.

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Ces argumentaires dénotent une vision un peu manichéenne du monde, qui opposerait les gentils agriculteurs victimes des réglementations aux méchants agents de l’OFB.

Vous partez du principe que les agriculteurs sont toujours de bonne foi, mais ce n’est pas toujours le cas – certains sont même d’une mauvaise foi absolue. Tout le monde a droit à l’erreur, mais certains se trompent plus d’une fois et en toute connaissance de cause : simplement, ils préfèrent payer des amendes plutôt que de respecter les normes. En tant qu’ancien maire, je pourrais vous citer plusieurs exemples.

M. Julien Guibert (RN). Les dates limites sont différentes d’un département à l’autre. En outre, la plupart de ces travaux sont assurés par des entreprises de travaux agricoles (ETA) : lorsque des intempéries retardent leur calendrier ou empêchent le passage des engins sur certains chemins, comme cela a été le cas dans la Nièvre à la suite de fortes pluies, les préfectures peuvent accorder des dérogations. Seulement, cela ne suffit pas toujours pour répondre aux obligations dans les temps : c’est dans ce vide juridique que naissent les contradictions. Voilà toute la complexité que présente l’application des normes sur le terrain.

Mme Marie Pochon (EcoS). Comme vous venez de le souligner, il existe des dérogations aux règles du droit commun en cas d’événement imprévu – de nature climatique, notamment –, mais il ne me semble pas opportun de les généraliser.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD167 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). Les missions de police de l’environnement assurées par l’OFB garantissent la préservation des écosystèmes et la diversité génétique des organismes vivants, et permettent de lutter contre les crimes environnementaux. Elles répondent à des objectifs d’intérêt général et de réparation des atteintes à l’environnement – notamment celles mentionnées dans la Charte de l’environnement – et s’inscrivent dans une logique de prévention, de sensibilisation et de régulation visant à maintenir l’équilibre des milieux naturels et la pérennité des espèces. Il nous semble donc primordial d’inscrire dans le code de l’environnement que ces missions concourent pleinement à l’intérêt général. Reconnaître cette dimension renforcerait la légitimité des actions menées sur le terrain par l’OFB et de mieux faire valoir les enjeux environnementaux au sein des politiques publiques.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cette proposition à la portée essentiellement symbolique dépasse le champ de la proposition de loi. Avis défavorable.

M. Emmanuel Blairy (RN). À vous entendre, madame Pochon, l’OFB incarnerait à lui seul la police de l’environnement. En réalité, cette dernière repose sur des lois spéciales et une multitude d’agents de différentes structures. Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par « police de l’environnement » ? Cela déterminera notre position sur cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD335 de M. David Magnier

M. David Magnier (RN). Nos agriculteurs vivent dans l’angoisse des contrôles environnementaux de l’OFB, souvent synonymes de sanction immédiate, y compris pour des non-conformités mineures ou méconnues. Loin d’encourager la conformité, cette approche répressive creuse un fossé de méfiance entre les exploitants et les autorités. Nos agriculteurs ne demandent pas l’impunité, mais un accompagnement juste pour naviguer dans la complexité des normes environnementales.

Cet amendement vise donc à instaurer des contrôles à blanc, une véritable révolution pédagogique menée conjointement par l’OFB et les chambres d’agriculture. Annoncés à l’avance, ils ne visent pas à punir mais à guider, en informant l’exploitant des éventuelles non-conformités – sans le verbaliser – et les mesures à prendre pour se mettre en règle, à travers un rapport clair, rédigé en concertation avec la chambre d’agriculture. Un contrôle de suivi est fixé dans un délai raisonnable pour vérifier les progrès. Pour garantir la transparence et l’équité, les modalités de ces contrôles seront définies par décret.

Véritable pont entre les agriculteurs et les autorités, cette mesure est une main tendue pour remplacer la sanction par le dialogue. Elle s’appuie sur la proximité des chambres d’agriculture, partenaires de confiance des exploitants, pour accompagner plutôt que réprimer. En adoptant cet amendement, nous envoyons un message clair : nous croyons à une agriculture responsable, soutenue par une administration qui guide plutôt qu’elle punit. C’est une chance unique de restaurer la confiance, de lever les tensions et de donner à nos agriculteurs les moyens de réussir dans le respect de l’environnement.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les contrôles à blanc existent déjà. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD228 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). Cet amendement vise à inscrire dans le code de l’environnement le comité opérationnel de lutte contre la délinquance environnementale (Colden), créé par décret en 2023. Souvent coprésidés par le procureur de la République, ces comités départementaux où siègent les agents assermentés chargés de la constatation des atteintes à l’environnement sont un cadre privilégié d’échange d’informations entre les services verbalisateurs et le parquet.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable : cela relève du champ réglementaire.

Mme Delphine Batho (EcoS). Pourtant, sauf erreur de ma part, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) sont bien inscrits dans le code de la sécurité intérieure, à l’instar de plusieurs autres structures de coordination de l’action publique ou spécialisées dans la lutte contre certains types de criminalité. Nous voterons en faveur de cet amendement ; s’il n’était pas adopté, il faudrait réfléchir à ce sujet d’ici à l’examen en séance publique, ne serait-ce que par parallélisme de forme.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD122 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). Si nous sommes plutôt favorables au port de caméras par les agents de l’OFB, il convient, dans un souci de cohérence légistique, d’inscrire cette mesure dans le code de la sécurité intérieure, comme pour tous les autres agents assermentés qui garantissent la sécurité et la sûreté dans l’espace public.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cette proposition, qui dépasse largement le cadre du texte, risque d’être source de complexité et d’incohérence juridique. Avis défavorable.

M. Emmanuel Blairy (RN). Encore une fois, la rédaction est beaucoup trop large, car même un agent chargé de contrôler le stationnement dans la commune serait concerné par votre amendement. Cela va très loin ; nous voterons contre. Soyez précis : l’environnement est un sujet sérieux !

M. Gérard Leseul, président. Merci pour cette pointe d’humour, monsieur Blairy.

La commission rejette l’amendement.

Article 6 ter (nouveau) : Généralisation du port d’arme apparent par les inspecteurs de l’environnement

Amendement CD168 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). Loin de rassurer les personnes contrôlées, le port de l’arme discret par les agents de terrain de l’OFB est plutôt de nature à susciter le doute et l’inquiétude. En outre, les inspecteurs de l’environnement, qui sont les plus susceptibles de contrôler des individus potentiellement armés – trafiquants d’animaux, braconniers –, doivent pouvoir se défendre le plus efficacement possible en cas de danger grave et imminent. Or le port d’arme discret complique la saisie d’une arme de poing.

Pour protéger les agents de l’État tout en assurant la plus grande transparence possible pour les citoyens contrôlés, privilégions le port d’arme visible pour les agents de l’OFB.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Défavorable sur le fond.

M. Emmanuel Blairy (RN). Effectivement, c’est paradoxal : comme les policiers et les gendarmes, soit l’agent est en uniforme et l’arme doit être visible, soit il est en civil, et l’arme doit être discrète et sortie uniquement en cas de nécessité.

Peut-être faudra-t-il créer plusieurs services au sein de l’OFB – c’était l’objet des amendements de mon collègue David Magnier : un service administratif, non armé, chargé de la prévention et de l’accompagnement des agriculteurs et des maires ruraux dans la transition écologique, et un service doté de toutes les qualités judiciaires idoines et composé d’agents de terrain armés afin de se prémunir face aux situations périlleuses, comme le contrôle d’individus chassant sur le terrain d’autrui – que vous appelez le braconnage.

M. Hubert Ott (Dem). La police de l’environnement est avant tout une police. Nous croisons tous les jours ici des agents bardés d’armes de tous calibres, et cela ne pose aucune difficulté : ces agents font simplement leur travail, et les choses se passent tout à fait bien. Pourquoi monter de toutes pièces une sorte de scénario catastrophe en imaginant des monstres qui pourraient dégainer à tout moment une arme cachée sous leur uniforme ? C’est grotesque, on patauge en pleine comédie absurde.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 6

Amendement CD137 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). Équiper les agents de contrôle de l’OFB de caméras-piétons semble aller dans le bon sens, mais nous manquons de données attestant de l’utilité réelle de cette mesure. Malgré un risque de surenchère en matière d’équipement, ce dispositif permet de sécuriser les agents et de prouver, comme le souligne un récent rapport interministériel, que les conflits en cas de contrôle restent minoritaires.

Reste la question du financement de cet équipement. Les caméras individuelles des policiers municipaux peuvent être financées par une ligne budgétaire du ministère de l’intérieur, puisqu’elles sont éligibles au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), mais en l’absence d’autre précision, celles des agents de l’OFB seraient financées par l’Office lui-même, au risque d’obérer encore un peu plus son budget – ce que personne ne souhaite.

Afin de garantir l’efficacité, la continuité et l’indépendance des missions de police de l’environnement, cet amendement tend à créer un comité national de concertation sur les modalités de financement pérennes des missions de police de l’environnement, en s’inspirant du FIPD.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cette proposition dépasse le cadre et la finalité de la proposition de loi. En outre, il existe déjà des instances compétentes en matière de programmation budgétaire. Avis défavorable.

M. Vincent Descoeur (DR). Pour faire honneur à l’important travail de simplification que nous venons de mener dans l’hémicycle, peut-être pourrions-nous essayer de rester inactifs quelques semaines…

Mme Marie Pochon (EcoS). Cet amendement d’appel visait à ouvrir le débat sur le financement de ces nouveaux équipements, car il ne faudrait pas qu’ils amputent le budget déjà restreint de l’OFB. Je retravaillerai mon amendement en vue de la séance publique pour leur assurer un financement propre digne de ce nom.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). La question du financement des équipements de la police de l’environnement est tout à fait légitime, mais comme tout sujet financier, sa place est dans le projet de loi de finances, dont une des missions est justement consacrée aux moyens de l’OFB.

Votre proposition illustre parfaitement ce dont nous ne voulons plus – la création d’un nouveau comité – et elle est d’autant plus caricaturale que nous sommes en train, parallèlement, d’examiner un texte sur la simplification. Essayons d’être plus sobres et de limiter les comités superfétatoires.

La loi organique relative aux lois de finances est très claire : tous les sujets financiers dépendent de la loi de finances.

Mme Marie Pochon (EcoS). Alors qui va financer ces équipements ?

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Vous n’aurez qu’à déposer un amendement au projet de loi de finances pour augmenter la dotation de la mission consacrée à la police de l’environnement, en fléchant les crédits vers ces nouveaux équipements. Ce sujet n’a pas sa place dans un autre texte.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Soyez honnêtes, la question n’est pas hors sujet. Le texte autorise les agents de l’OFB à utiliser un nouvel équipement. Or, chaque année, vous refusez d’augmenter ses crédits. Si l’argent nécessaire à l’achat des équipements doit être pris sur le financement du suivi de la biodiversité, cela peut remettre en cause notre vote.

M. Antoine Vermorel-Marques (DR). Après avoir voté pour armer les agents de l’OFB, vous défendez le financement de caméras-piétons. Pourtant, lors de l’examen des projets de loi de finances, certains de nos collègues du NFP votent systématiquement contre le financement de tels équipements et contre l’armement des policiers. Je vous invite à voter les mêmes amendements en faveur de la police nationale, de la gendarmerie et de toutes les forces de sécurité civile – y compris des polices municipales, que vous voulez parfois désarmer.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Vous avez bien conscience, madame Meunier, que l’adoption de l’amendement n’augmenterait pas le budget de l’OFB ? Elle ne servirait à rien, sauf à créer un comité. Nous n’examinons pas un projet de loi de finances ; de plus, en tant que députée, vous ne pouvez pas déposer un amendement tendant à aggraver la charge de l’État : votre amendement n’est pas un amendement de financement.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous sommes cohérents : nous avons voté contre l’autorisation des caméras-piétons mais, maintenant que l’article a été voté, nous demandons sur quelle mission de l’OFB seront prélevés les crédits nécessaires au financement du matériel supplémentaire, puisque vous bloquez tous les ans l’augmentation de son budget – augmentation que nous, nous soutenons. À budget constant, l’achat d’équipements se traduira par une perte autre part, donc affectera soit les conditions de travail des agents, soit la biodiversité.

La commission rejette l’amendement.

Article 6 quater (nouveau) : Rapport annuel sur l’usage des caméras individuelles par les agents de la police de l’environnement

Amendement CD139 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). Le présent amendement tend à obtenir un bilan annuel statistique de l’utilisation des caméras-piétons par les agents de la police de l’environnement. Leur utilité est encore hypothétique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

M. Emmanuel Blairy (RN). Nous pourrions voter pour cet amendement, mais il faudrait définir ce que vous appelez « police de l’environnement ».

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 6

Amendement CD159 de M. Emmanuel Blairy

M. Emmanuel Blairy (RN). Pendant que certains voudraient transformer l’OFB en OFBI, revenons plutôt au sujet du texte. Les dégâts de gibier portent atteinte à la souveraineté alimentaire et gênent l’exercice du métier d’agriculteur. Il faut donc des chasseurs pour réguler le gibier sur les parcelles rurales. Or les actions cynégétiques nécessitent un contrôle, donc une police de la chasse. Le rapport d’information du Sénat relatif à l’évaluation de la loi du 24 juillet 2019, publié en septembre 2024, indique que l’OFB s’est départi à 85 % de ses missions de police de la chasse, souvent en les confiant à des bénévoles, lesquels n’ont pas les compétences judiciaires requises pour mener les contrôles à bien. En conséquence, nous demandons que le gouvernement remette au Parlement un rapport relatif aux missions de l’OFB ; selon nous, il faut les recentrer autour de la police de la chasse.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis défavorable aux demandes de rapport en général.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Monsieur Blairy demande ce que désigne la notion de police de l’environnement. Le code de l’environnement la définit clairement : elle est constituée des « inspecteurs de l’environnement », dont fait partie le personnel de l’OFB ainsi que d’autres agents assermentés, comme les gardes forestiers et les gardes du littoral.

M. Emmanuel Blairy (RN). La police de l’environnement est une appellation globale qui désigne une boîte à outils destinée à lutter contre certaines contraventions et certains délits. L’amendement que je défends concerne la police de la chasse, également exercée par différents agents, comme les policiers nationaux, les gendarmes et les gardes champêtres. Avant la fusion, elle constituait le cœur de métier de l’OFB, qui doit lui redonner la priorité, sans quoi nous le regretterons. Jusqu’ici tout va bien parce que les fédérations de chasse s’en chargent, mais elles ont très peu de moyens, de même que les gardes particuliers qui s’y emploient également, avec une formation insuffisante – je l’ai montré dans les conclusions de la mission d’information flash sur la conciliation des usages de la nature et la protection de la biodiversité, déposées en mars. Je demande ainsi au gouvernement un rapport établissant les priorités en matière d’environnement, donc de police de la chasse.

Mme Delphine Batho (EcoS). À la page 17 de son rapport, Mme Le Feur précise que la chasse est le premier domaine dans lequel l’OFB exerce ses contrôles – elle concerne 31 % des actions menées.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Mme Batho a raison : la chasse est le premier domaine d’intervention de l’OFB.

M. Emmanuel Blairy (RN). Ce n’est pas parce que c’est son premier domaine d’intervention que c’est le principal. Depuis la fusion des établissements, ses actions de police de la chasse ont diminué de 85 %. J’ai interrogé des agents de l’OFB et des représentants du monde cynégétique : tous s’accordent à dire que ce sont parfois des bénévoles qui assurent cette mission. Pourtant, nous avons fait des agents de l’OFB des inspecteurs de l’environnement dotés de compétences en matière pénale afin de pallier le trop faible effectif de la gendarmerie et de la police nationale. Mais cela aboutit parfois au résultat inverse : ils renvoient la procédure à la gendarmerie.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD226 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). L’amendement CD226 vise à obtenir un bilan des contrôles de l’OFB ayant provoqué des conflits. Il faut objectiver notre connaissance de la tenue de ces contrôles et de leurs éventuelles conséquences.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il est déjà satisfait par l’adoption des amendements CD121 et CD225. Je vous invite à le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement est retiré.

M. Gérard Leseul, président. Nous avons terminé l’examen des articles délégués.

Avant l’article 1er

Amendement CD15 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Aucune réponse n’a été apportée aux deux principaux problèmes que les agricultrices et les agriculteurs ont dénoncés lors de leurs mobilisations : leur revenu et la concurrence déloyale, liée notamment à la dérégulation des échanges et à l’importation de denrées produites dans des conditions très éloignées de nos normes sociales et environnementales. Nous tournons autour du pot en examinant des textes sans rapport avec ces deux revendications. Or, tant qu’ils ne recevront pas de réponse, nous continuerons à surenchérir en matière de lois inutiles et censurées par le Conseil constitutionnel.

On ne peut parler des contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur sans évoquer le revenu ni la concurrence déloyale, avec laquelle certaines dispositions du texte, par exemple celles relatives aux pesticides, ont un rapport direct. Aussi le présent amendement vise-t-il à insérer un titre Ier A : « Mettre fin à la concurrence déloyale ».

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le sujet est crucial mais j’émets un avis défavorable à l’insertion d’un titre supplémentaire.

M. Timothée Houssin (RN). Bien que défavorables à la concurrence déloyale, nous ne voterons pas cet amendement : en pompiers pyromanes, les écologistes s’en plaignent alors qu’ils sont responsables des surtranspositions qui en sont la cause.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Votre intervention illustre bien l’incohérence du Rassemblement national sur ce sujet. Deux scénarios sont possibles. Soit nous mettons fin au libre-échange pour instaurer en France des normes à même de protéger l’environnement et la santé des agriculteurs, et nous assumons un système protectionniste qui empêche la concurrence internationale déloyale, soit nous ouvrons les frontières aux produits agricoles en acceptant de nous aligner sur le moins-disant international. Le Rassemblement national, lui, propose tout à la fois de fermer les frontières et de faire n’importe quoi à l’intérieur du pays. S’il y a un non-sens, il se trouve bien à l’extrême droite.

La commission adopte l’amendement.

Article 1er A (nouveau) : Renforcement des exigences pour la mise sur le marché de produits alimentaires pour lesquels il a été fait usage de pesticides non autorisés

Amendement CD136 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement CD136, essentiel à nos yeux, vise à mettre fin à la concurrence déloyale liée aux pesticides. En Turquie, les producteurs de noisette – pour ne citer que cet exemple – utilisent une quinzaine de substances interdites dans l’Union européenne ; ceux de l’Oregon, vingt-sept, dont des perturbateurs endocriniens, des cancérogènes, des reprotoxiques, des néonicotinoïdes. En attendant la fin de la refonte du règlement européen, nous proposons, afin de protéger la santé, l’agriculture et la biodiversité, d’appliquer les règles en tenant compte des limites maximales de résidus (LMR) au seuil de détection pour les substances non autorisées dans l’Union européenne ; des modes de production pour les substances répondant dans l’Union européenne à des critères d’exclusion, même en l’absence de détection de résidu ; des preuves scientifiques des dangers pour la santé et la biodiversité s’agissant des produits composés de substances encore approuvées par l’Union européenne mais interdites en France, dès lors que ces preuves scientifiques ont été notifiées à la Commission européenne.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il vaut d’autant mieux attendre la fin de la modification des règlements que l’adoption de cette disposition entraînerait un risque de contentieux et qu’elle pourrait se révéler inefficace. Le contournement du cadre européen pourrait nuire à une réforme collective. J’émets un avis défavorable à l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

Article 1er AB (nouveau) : Donner la possibilité au ministre de la santé de prendre des mesures conservatoires relatives à la mise sur le marché de produits alimentaires pour lesquels il a été fait usage de pesticides non autorisés

Amendement CD348 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). L’amendement CD348 tend à autoriser le ministre de la santé, garant de la sécurité sanitaire, à prendre des mesures conservatoires visant à suspendre l’importation et la mise sur le marché de denrées alimentaires ou de produits agricoles qui ne respectent pas nos normes, par exemple en matière d’usage de produits phytopharmaceutiques, susceptibles d’être dangereux pour la santé.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Article 1er AC (nouveau) : Obligation pour l’autorité administrative de prendre des mesures conservatoires en cas de mise sur le marché de produits alimentaires pour lesquels il a été fait usage de pesticides non autorisés

Amendement CD214 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Pour lutter contre la concurrence déloyale en matière de pesticides et pour protéger la santé publique, le code rural et de la pêche maritime prévoit que les pouvoirs publics ont la faculté de prendre des mesures conservatoires. Le présent amendement tend à en faire une obligation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Une telle disposition risquerait de porter atteinte à la capacité d’appréciation des autorités administratives compétentes. Elle imposerait une réponse automatique unique à des situations diverses par leur nature, par l’intensité du risque encouru et par le contexte réglementaire. Le droit en vigueur permet de proportionner l’action de l’administration à la gravité des faits constatés et à l’état des connaissances scientifiques. Une obligation générale pourrait entraîner des décisions inadaptées voire excessives.

Mme Delphine Batho (EcoS). Le code prévoit ceci : « Il est interdit de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation.

« Les ministres chargés de l’agriculture et de la consommation peuvent […] prendre des mesures conservatoires afin de suspendre ou de fixer des conditions particulières à l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France de denrées alimentaires ou produits agricoles mentionnés [au précédent alinéa]. » Nous voulons remplacer « peuvent » par « doivent ». La question, primordiale, a des implications commerciales. Ne soyons pas naïfs quant aux reconfigurations géopolitiques en cours : il faut protéger nos normes en matière de santé, de biodiversité et d’agriculture.

La commission adopte l’amendement.

Avant l’article 1er

Amendement CD251 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). Malgré son titre, l’adoption de cette proposition de loi ne lèverait aucune des contraintes qui s’exercent sur les agriculteurs : elle ne prévoit rien en matière de rémunération, d’accès au foncier, de lutte contre la concurrence déloyale, d’accompagnement dans la crise climatique. Parce qu’elle autorise la réintroduction de néonicotinoïdes, elle fera même courir de graves dangers à la filière apicole et à l’agriculture en général.

Nous défendons donc plusieurs amendements visant à appliquer aux produits sanitaires vendus ou en cours de mise sur le marché les protocoles de test les plus récents ; à permettre la publication d’un bilan des protocoles existants pour réaliser les tests de toxicité sur les insectes pollinisateurs ; à garantir aux apiculteurs la liberté de produire sans pesticides et, en cas de préjudice économique, d’en rendre responsables les distributeurs et détenteurs d’autorisations de mise sur le marché (AMM).

Le présent amendement tend donc à insérer un nouveau titre, « Lever les contraintes au métier d’apiculteur » : nous devons protéger tous les agriculteurs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. À ce stade, j’émets un avis défavorable. Si des amendements spécifiques à l’apiculture étaient adoptés, nous pourrions y revenir lors de l’examen en séance publique.

La commission adopte l’amendement.

Article 1er B (nouveau) : Garantie pour les apiculteurs de la liberté de produire sans pesticides, et responsabilisation des distributeurs et metteurs sur le marché en cas de dissémination de ces produits

Amendement CD351 de Mme Marie Pochon

Mme Marie Pochon (EcoS). On estime que 35 % de la production agricole française sont assurés grâce à la pollinisation. Dans le même temps, la mortalité des colonies d’abeilles n’a jamais été aussi élevée puisque, chaque année, entre 20 et 30 % d’entre elles sont décimées en raison de l’usage des pesticides, du changement climatique et des pratiques de l’agriculture intensive, que cette proposition défend bec et ongles.

L’amendement vise donc à protéger les apiculteurs dont les colonies sont victimes de l’épandage de pesticides – et notamment des néonicotinoïdes, que certains souhaitent autoriser de nouveau grâce à ce texte. Les apiculteurs donnent l’alerte et souhaitent produire librement, sans subir les choix des industriels de la chimie de mettre sur le marché des produits qui déciment les pollinisateurs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je comprends votre objectif mais cet amendement pose diverses questions de mise en œuvre. Comment évaluer concrètement la responsabilité des distributeurs et de ceux qui mettent les produits sur le marché ? Comment s’assurer que le préjudice économique résultant de la perte de colonies d’abeilles est effectivement lié aux pesticides et non à d’autres facteurs, comme le frelon asiatique ou le varroa ?

Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 1er BA (nouveau) : Obligation pour l’Anses de se baser sur les connaissances scientifiques les plus récentes pour les tests de toxicité des pesticides avec une publication annuelle d’un bilan des protocoles existants

Amendements CD349, CD222 et CD224 de Mme Marie Pochon (discussion commune)

Mme Marie Pochon (EcoS). La disparition des pollinisateurs est due à plusieurs causes, dont l’arrivée d’espèces invasives, la destruction des habitats et la monoculture. Mais les pesticides sont de loin la première d’entre elles.

Avec l’amendement CD349, nous voulons garantir à la fois l’indépendance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), pour qu’elle œuvre en faveur de la santé publique et de l’environnement, et la protection des pollinisateurs. Pour ce faire, nous proposons que l’Anses assure que les protocoles de tests les plus récents sont utilisés pour évaluer les produits phytosanitaires déjà en vente ou en cours de mise sur le marché. Si nous souhaitons protéger les abeilles et les pollinisateurs, tâchons de les préserver des produits qui les empoisonnent.

L’amendement CD224 fait quant à lui suite à un recours déposé par plusieurs associations environnementales – Pollinis, Notre affaire à tous, Biodiversité sous nos pieds, l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières - truites, ombres, saumons et l’Association pour la protection des animaux sauvages. Il a mis en évidence différentes lacunes dans les procédures d’évaluation des produits phytosanitaires. De nombreux effets des pesticides sur certains insectes pollinisateurs ne sont pas suffisamment pris en compte, dont par exemple les effets chroniques ou sublétaux.

Il est donc nécessaire de mettre à jour les protocoles actuellement utilisés pour évaluer la toxicité de ces produits, afin de lever les entraves au métier d’apiculteur. La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons le faire car de nouveaux protocoles existent.

Cet amendement vise à obtenir un bilan des protocoles actuels des tests de toxicité, afin de formuler des recommandations pour permettre l’adoption des protocoles les plus récents. Nous pourrons ainsi garantir la protection des pollinisateurs et, de fait, des apiculteurs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable à l’amendement CD349, qui est plus complet, et défavorable aux autres.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je soutiens l’amendement CD349.

Quand on étudie la question des pesticides, on constate qu’il existe un écart certain entre la toxicologie réglementaire, utilisée par l’Anses, et la toxicologie académique, qui progresse à un rythme plus rapide. Les différences sont importantes, notamment s’agissant de la connaissance des mécanismes de perturbation endocrinienne, du fonctionnement des molécules fongicides SDHI, qui attaquent les mitochondries des cellules, ou encore des néonicotinoïdes. Le rôle carcinogène de ces derniers est désormais documenté par la toxicologie académique, mais il n’est pas encore pris en considération dans tous les protocoles des agences sanitaires.

Il est urgent de procéder à une mise à jour, qui est réclamée non seulement par ces agences, mais aussi et surtout par la société civile et les associations, afin que les autorisations de mise sur le marché tiennent compte des avancées scientifiques les plus récentes.

La commission adopte l’amendement CD349.

En conséquence, les amendements CD222 et CD224 tombent.

Avant l’article 1er

Amendement CD16 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Mon amendement propose de corriger le libellé du titre Ier, dont la rédaction n’est pas acceptable.

En effet, on ne peut écrire qu’il s’agirait de mettre fin aux surtranspositions et aux surréglementations en matière de produits phytosanitaires. Le règlement de l’Union européenne prévoit une répartition claire des compétences entre l’autorisation des substances, qui dépend de l’Union, et celle des produits, qui relève des États membres. L’amendement propose donc le titre suivant : « Tirer les conséquences des connaissances scientifiques en matière de pesticides ».

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis d’accord avec vous : il n’y a ni surtransposition ni excès de réglementation en matière de pesticides.

Avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Article 1er : Abrogation de la séparation de la vente et du conseil pour les distributeurs de produits phytopharmaceutiques, évolution des conseils à l’utilisation de ces produits et maintien de l’interdiction des remises, rabais et ristournes

Amendements de suppression CD7 de M. Benoît Biteau et CD276 de M. Loïc Prud’homme

Mme Marie Pochon (EcoS). Notre assemblée a encore travaillé sur la séparation du conseil et de la vente de produits phytosanitaires il y a à peine trois mois, alors que nous étions à quelques jours des élections des chambres d’agriculture.

Sans refaire tout le débat, on peut quand même noter qu’il existe un consensus sur le fait que la séparation du conseil et de la vente telle qu’elle a été formulée dans la loi Egalim doit être améliorée. Mais comment ?

Depuis cette loi, si vous vendez des pesticides, vous n’avez pas le droit de fournir des conseils aux agriculteurs. Le législateur souhaitait ainsi que les agriculteurs bénéficient de conseils de qualité qui ne soient pas influencés par la nécessité de vendre. Nous savons que sa volonté n’est pas respectée dans les faits. Nous n’avons pas réussi à faire sortir des fermes les vendeurs de pesticides.

Mais est-ce pour autant une raison d’abandonner la séparation du conseil et de la vente ? Certains se saisissent de toutes les opportunités pour faciliter le développement de pratiques agricoles intensives. Ce fut le cas notamment lors des débats sur la loi dite Le Peih, qui a notamment ouvert la gouvernance des chambres d’agriculture aux vendeurs de pesticides. Ce texte a en effet facilité le travail de lobbying des administrateurs de coopératives au sein de ces chambres.

Avec cette proposition, il nous est proposé d’enfoncer le clou en supprimant la séparation du conseil et de la vente. Cela revient à légaliser des conflits d’intérêt en retirant les maigres garde-fous que le législateur était parvenu à instaurer timidement.

Nous pensons que le principe de séparation du conseil et de la vente est bon. Il doit être défendu bec et ongles, faute de quoi c’est toute l’agronomie qui sera reléguée au rang de simple argument commercial. Nous refusons la nouvelle fuite en avant voulue par cet article et proposons de le supprimer.

M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Avec l’amendement CD276, nous demandons également la suppression de cet article, qui constitue un recul grave en matière de santé publique, de protection de l’environnement et d’accompagnement des agriculteurs. Il met fin à la séparation entre la vente et le conseil des produits phytosanitaires, réinstaurant un modèle dépassé où ceux qui vendent des pesticides peuvent également conseiller leur usage. C’est un conflit d’intérêt évident. Comment croire qu’un conseil est objectif quand il est donné par celui qui a intérêt à vendre ? La loi Egalim de 2018 avait à juste titre instauré cette séparation pour garantir un accompagnement indépendant.

Alors que la France est le deuxième utilisateur de pesticides en Europe et que 17 millions de nos concitoyens ont bu une eau contaminée en 2023, on nous propose de faire machine arrière. Le conseil stratégique devrait au contraire devenir une mission de service public afin de favoriser la transition écologique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il faut faire preuve de pragmatisme et regarder ce qui se passe réellement. La séparation ne fonctionne pas. En fait, les vendeurs de produits phytosanitaires ont toujours conseillé les agriculteurs et, malgré la loi Egalim, ils continuent à le faire oralement. En effet, les agriculteurs n’ont pas pour habitude de payer pour un conseil. C’est une mauvaise chose qu’il faut certes essayer de modifier, mais en tenant compte de la réalité.

Il faut aussi noter que les certificats d’économies de produits phytosanitaires (CEPP) empêchaient de vendre ces produits à tire-larigot. Les techniciens qui les commercialisaient devaient respecter des objectifs de réduction de la consommation de pesticides et étaient formés pour conseiller et accompagner les agriculteurs.

La loi Egalim leur a demandé de choisir entre la vente et le conseil. Beaucoup ont opté pour la vente. On pensait que le conseil aurait pu être assuré davantage par les chambres d’agriculture, mais cela n’a pas été le cas car elles ne disposaient pas de personnels formés en nombre suffisant.

Cet article, dont la rédaction résulte de l’adoption par le Sénat d’un amendement du gouvernement, propose que la séparation entre la vente et le conseil s’applique aux seuls fabricants de produits phytosanitaires et non plus aux distributeurs de ces derniers, ce qui me semble pertinent.

Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Nous avons consacré des heures de travail à la séparation du conseil et de la vente. Archétype de la fausse bonne idée, cette mesure figurait dans le programme du président de la République et avait été proposée par des ONG environnementales. Cela partait d’un bon sentiment, mais c’est une catastrophe sur le terrain. C’est pire qu’avant, car on a ajouté une insécurité juridique pour les agriculteurs et les distributeurs.

Ça ne marche pas et ça ne peut pas marcher, comme l’ont montré les travaux que j’ai menés avec Stéphane Travert dans le cadre d’une mission flash. Il avait fait adopter cette mesure sur commande lorsqu’il était ministre de l’agriculture et je salue son honnêteté intellectuelle, qui l’a conduit à reconnaître qu’il s’agissait d’une erreur. La commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires, créée à la demande du groupe socialiste, avait également consacré des heures d’auditions à ce sujet.

Il faut bien évidemment revenir sur cette mesure. Mais il faut aussi proposer autre chose. Or ce texte maintient un statu quo que nous sommes très nombreux à juger insupportable.

Le groupe socialiste considère qu’il faut mettre fin à la séparation du conseil et de la vente, car c’est un échec qui conduit à une insécurité juridique et sanitaire. Nous proposons des mesures complémentaires. D’une part, il s’agit de rénover le dispositif des CEPP – qui avait été abandonné avec la séparation entre le conseil et la vente –, afin de responsabiliser l’ensemble des entreprises qui composent la chaîne de distribution. D’autre part, nous proposons de mettre en place un conseil agronomique sous l’autorité des chambres d’agriculture. Cela passe par le recrutement de 1 000 agronomes, permettant d’apporter à chaque agriculteur deux demi-journées de conseil gratuit en abordant non seulement le sujet de la phytopharmacie mais aussi ceux de l’eau, du climat et de l’agroécologie. Bref, c’est une approche globale et systémique.

L’indépendance et la responsabilité commerciale : c’est la réponse que nous apportons à ce qui est un échec. Je veux bien croire qu’il ne résulte pas de mauvaises intentions mais, sur le terrain, c’est un accident industriel.

M. Benoît Biteau (EcoS). On entend beaucoup dire qu’il ne faut pas d’interdiction sans solution et, pour compenser l’interdiction d’un pesticide, on évoque souvent l’apparition d’une nouvelle molécule, mais la solution viendra en fait de l’agronomie. En ne séparant pas le conseil de la vente, on se privera de conseils agronomiques qui permettraient pourtant de nous affranchir des pesticides. C’est assez simple à comprendre et c’est la raison pour laquelle nous sommes très attachés à cette séparation. Tant que certains auront intérêt à vendre des pesticides et qu’on n’aura pas admis que l’agronomie est la science qui permet de ne plus utiliser ces produits, nous ne progresserons pas.

La séparation du conseil et de la vente n’a en effet pas bien fonctionné. Mais faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Ne faudrait-il pas d’abord s’interroger sur les causes et sur les solutions ?

Revenir sur cette séparation est une hérésie. Cela continuera à faire le lit de ceux qui veulent encore vendre des pesticides, avec tous les dégâts que cela entraîne sur la santé de nos concitoyens et des agriculteurs, mais aussi sur la biodiversité, les ressources vitales et le climat – car les pesticides accélèrent le dérèglement climatique.

L’agronomie doit donc être mise au cœur de l’action. Et qu’on ne nous dise pas qu’on n’en a pas les moyens ! Les chambres d’agriculture lèvent l’impôt et ont des armées de techniciens, dont le rôle est précisément de diffuser les préconisations de l’agronomie et de ne pas promouvoir les pesticides.

Un recul a déjà eu lieu lors de l’examen de la proposition de loi relative à l’exercice de la démocratie agricole, qui a permis à des marchands de pesticides de diriger des chambres d’agriculture. Avec le texte du sénateur Duplomb, on va de surcroît continuer à laisser ceux qui prescrivent des pesticides donner des conseils qui ne relèvent pas de la véritable agronomie.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je ne peux que souscrire aux propos de notre collègue Benoît Biteau.

Dominique Potier nous dit que c’est pire qu’avant. Mais ce sera encore pire si nous ne supprimons pas cet article. Il faut certes faire des propositions, mais n’aggravons pas les choses au prétexte que la mesure de la loi Egalim n’est pas une réussite. Nous avions d’ailleurs averti lors des débats et nous avions indiqué que l’activité de conseil devait relever des chambres d’agriculture, et donc de la puissance publique – comme vous le suggérez vous-même, monsieur Potier.

Mes amendements CD208 et CD281 visent ainsi à créer un statut particulier pour ceux qui donnent des conseils sur les produits phytosanitaires, afin de les prémunir des pressions – notamment lorsque leur chambre d’agriculture est présidée par des personnes qui ne sont pas très enclines à diminuer l’utilisation des pesticides.

Mais il faut avant tout en finir avec cet article premier. Nous pourrons ensuite rapidement rédiger une proposition transpartisane si un consensus se dégage sur le rôle que doit jouer la puissance publique pour assurer l’indépendance du conseil et le retour à l’agronomie.

M. Dominique Potier (SOC). Dans la pratique, on ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque vendeur et chaque agriculteur. La séparation artificielle de la vente et du conseil permet tous les abus. C’est pire que tout.

Le CEPP faisait peser une responsabilité sur le vendeur vis-à-vis de l’acquéreur. Ce dispositif obligeait le vendeur de produits phytosanitaires à trouver des solutions alternatives, comme le biocontrôle ou le génie génétique. Cette obligation a été supprimée lorsque l’on a séparé le conseil et la vente.

Il faut, d’une part, prévoir des obligations pour le vendeur – ce que nous proposons – et, d’autre part, mettre en place un conseil agronomique global annuel et universel.

Il n’est donc pas nécessaire de rédiger une nouvelle proposition de loi, car nos amendements suffisent.

M. Gérard Leseul, président. Vous n’avez pas convaincu M. Biteau.

M. Benoît Biteau (EcoS). En effet ! Je réfuterai d’ailleurs par la suite les arguments de M. Potier.

La commission rejette les amendements.

Amendement CD447 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). Nous avons échappé de peu à la suppression de cet article. Sa portée avait été réduite de manière inopportune par le Sénat en séance, alors que le texte initial nous convenait assez bien.

Il prévoyait notamment de supprimer l’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques. Nous sommes en effet le seul pays en Europe ayant procédé à une telle interdiction. Cela pénalise une fois de plus nos agriculteurs en renchérissant leurs coûts de production et en créant une forme de dumping écologique qui profite aux agriculteurs des autres pays européens, souvent plus polluants.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis favorable à l’interdiction des remises, rabais et ristournes, qui figure de nouveau dans le texte grâce à l’adoption d’un amendement du gouvernement lors de l’examen en séance au Sénat.

Bien que le gouvernement ne dispose pas d’un bilan précis de cette mesure dans d’autres domaines, comme la vente de médicaments vétérinaires, de telles interdictions sont efficaces pour limiter l’importance de l’argument commercial lors du choix des produits.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CD277 de Mme Mathilde Hignet.

Amendement CD213 de M. Fabrice Barusseau

M. Fabrice Barusseau (SOC). Cet amendement vise à préserver les règles de séparation capitalistique pour les producteurs de produits phytopharmaceutiques à faible risque.

Au Sénat, un amendement de réécriture de cet article, déposé par le gouvernement en séance, a rétabli la possibilité d’exercer une activité de conseil lorsque l’on distribue des produits phytopharmaceutiques. Par ailleurs, il encadre cette activité par des règles de prévention des conflits d’intérêt et maintient les CEPP.

En revanche, l’exercice de l’activité de conseil stratégique reste interdit à ceux qui mettent sur le marché des produits phytopharmaceutiques, en raison du risque élevé de conflit d’intérêt. À ce titre, les règles de séparation capitalistique des activités continueront de s’appliquer aux producteurs de produits phytopharmaceutiques.

Toutefois, le gouvernement a prévu une exception en précisant que ces règles ne s’appliqueront pas à ceux qui fabriquent seulement des produits à faible risque, de biocontrôle ou utilisables en agriculture biologique, afin de favoriser le développement de solutions alternatives aux substances les plus nocives.

Avec cet amendement, nous proposons de limiter cette exception aux seuls produits de biocontrôle ou utilisables en agriculture biologique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il convient de maintenir la cohérence entre les différentes dispositions relatives aux produits phytopharmaceutiques qui figurent dans le code rural.

Les substances de base et produits à faible risque sont exclus de l’interdiction de remises, rabais et ristourne, au même titre que les produits de biocontrôle. Les mesures de protection des personnes habitant à proximité des zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties à usage d’agrément contiguës à ces bâtiments ne leur sont pas applicables. Enfin, ces substances de base et ces produits à faible risque sont définis comme des méthodes alternatives.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL278 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Pour vendre un bien ou un service, il faut savoir créer un besoin.

Si vous vendez des pesticides et que vous fournissez en même temps un conseil sur leur utilisation, vous aurez forcément davantage intérêt à prescrire la dose maximale qu’à prendre en compte les besoins de l’agriculteur – qu’il s’agisse de ses finances, de la qualité écologique ou de sa santé.

C’est pour cela que nous voulons maintenir la séparation du conseil et de la vente.

Nous avançons à chaque fois des arguments qui concernent la santé. Une étude publiée à la fin de 2024 a établi une corrélation entre l’usage de pesticides et le cancer du pancréas.

Mais vous serez peut-être plus sensibles aux intérêts économiques des agriculteurs. Des études montrent que les exploitations agricoles qui s’en sortent le mieux sont celles qui limitent les charges. Cela suppose aussi de réduire l’emploi des produits phytosanitaires, et donc d’avoir un conseiller capable de vous dire ce dont vous avez réellement besoin – et pas ce dont il a besoin pour gagner le maximum d’argent. Ça tombe sous le sens.

Il faut mettre en place un conseil indépendant dispensé par les chambres d’agriculture. Celles-ci doivent employer davantage de conseillers, qui ne vendent pas des produits mais sont au service de l’intérêt général et de l’agriculteur.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement CD101 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Comme je commençais à l’indiquer, la loi « démocratie agricole » est revenue sur la séparation de la vente et du conseil et, surtout, a permis la réintégration, au sein de la gouvernance des chambres d’agriculture, de personnes tirant profit de la vente de pesticides. Or, comme l’a très bien dit Manon Meunier, la principale mission de ces organes de service public est de conseiller.

Par ailleurs, pour répondre à mon ami Dominique Potier, avec qui, pour une fois, je suis en désaccord, je trouve presque méprisant de dire que si nous avons échoué à séparer ces deux activités, c’est parce que les agriculteurs et les paysans, au fond, ne sont pas capables de prendre des décisions, même quand ils sont éclairés par un conseil agronomique judicieux. Grâce à la séparation de la vente et du conseil, nous voulons justement redonner de l’autonomie aux professionnels. Nous avons confiance en leur capacité de prendre les bonnes décisions, dès lors qu’elles sont libérées des arguments commerciaux associés aux pesticides.

Enfin, j’invite le collègue Houssin, qui estime que la compétitivité dépend nécessairement d’une bonne prescription de pesticides, à regarder les résultats économiques publiés par les centres de gestion spécialistes de l’agriculture. Il comprendra que moins on utilise d’intrants, de pesticides et d’engrais de synthèse, plus on gagne en compétitivité. Nous ne sommes plus au XXe siècle : le prix des engrais a été multiplié par trois en cinq ans et les performances ne dépendent plus de ces substances de synthèse. D’où la nécessité de disposer d’un conseil indépendant et efficace pour retrouver les vertus de l’agronomie. C’est ainsi que les agriculteurs gagneront en compétitivité et, je le répète, en autonomie de décision.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Il y a quelques années, j’aurais soutenu cet amendement, mais j’y serai défavorable. Les chambres d’agriculture ont évolué. En tant qu’agricultrice, je reçois leurs propositions de formation et de conseil et je n’ai pas le sentiment qu’elles cherchent à vendre des produits phytosanitaires, ni qu’elles sont influencées par certaines personnes pour le faire.

M. Dominique Potier (SOC). Je crois que nous partageons le même objectif, mais que nous divergeons sur la manière de l’atteindre. Collègue Biteau, même quand nous aurons créé un conseil indépendant, agronomique et global, les agriculteurs pourront toujours acheter des produits chimiques ou de biocontrôle et, dans la pratique, nous ne pourrons pas interdire au vendeur de leur prodiguer des conseils. C’est aussi bête que cela. Dès lors, soit nous responsabilisons le conseil, par l’intermédiaire des CEPP, que nous avons créés en 2014 et qui ont été tués en 2017, soit nous continuons comme avant, mais en pire. On peut toujours donner des leçons en matière de santé ou d’agronomie, mais pour être précis et efficace, il faut apporter des solutions pratiques.

Par ailleurs, de ce que j’entends, les présidents de coopérative sont réduits à leur activité de marchands de pesticides, alors qu’ils sont avant tout les dirigeants d’organes décisionnels relevant de l’économie sociale et solidaire (ESS) – secteur qui régit 50 % du commerce agroalimentaire et de l’agrofourniture. Ils méritent donc notre respect et, je le répète, ne peuvent pas être réduits à leur fonction de distribution de produits chimiques, quoi qu’on pense de ces substances. Qu’ils soient à la tête d’une petite ou d’une grande coopérative, il convient de rendre hommage à leur engagement, sachant que je préfère l’ESS à une économie libérale et uniquement spéculative et financière.

M. Benoît Biteau (EcoS). J’entends les arguments de la rapporteure pour avis ainsi que ceux de Dominique Potier, que je rejoins s’agissant de l’économie sociale et solidaire. Cela étant, nous venons de voter une loi qui réintègre les présidents de coopérative, qui ont intérêt à vendre des pesticides, dans la gouvernance des chambres d’agriculture qui, elles, exercent une mission de service public.

Les structures de conseil indépendantes que nous avons auditionnées nous l’ont dit : les agriculteurs s’en sortent beaucoup mieux et retrouvent leur autonomie de décision en redécouvrant les vertus de l’agronomie, qui apporte des solutions y compris économiques puisque cette pratique réduit les coûts de production.

Quant aux coopératives, quand bien même il s’agit de structures d’économie sociale et solidaire, je vous invite à consulter la liste de leurs activités commerciales les plus rémunératrices et rentables. Il ne s’agit pas de la collecte de grains ou de céréales, mais bien de la vente d’intrants. Tant que ce constat n’aura pas été fait, on ne comprendra pas complètement l’intérêt de séparer la vente du conseil. Même une entreprise relevant de l’ESS peut avoir intérêt à vendre des pesticides et des engrais de synthèse.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je crois, cher Dominique Potier, que vous êtes bloqué dans un siècle qui n’est plus le nôtre. Cela a été documenté par de nombreux articles de presse, les coopératives agricoles sont devenues des multinationales, qui vont jusqu’à retirer aux coopérateurs la possibilité d’influer sur leurs stratégies. Il ne faut pas vivre dans le monde des Bisounours. Pour la plupart d’entre elles, les coopératives ne sont plus des structures de l’ESS au sens où nous l’entendons. Certaines devraient même, ainsi que je l’avais proposé par voie d’amendement dans le passé, se voir retirer leur statut de coopérative.

De plus, rappelons comment se passait la vente de pesticides avant la séparation de cette activité et du conseil. Des viticulteurs de Gironde me l’ont expliqué, les vendeurs venaient les voir et leur indiquaient, semaine par semaine, quelles substances ils devaient utiliser. Et une fois que le calendrier était ainsi établi, ils remplissaient le bon de commande et fournissaient les bidons correspondants.

Il est donc impératif de ne pas considérer les coopératives comme les bienfaitrices de l’agriculture et des agriculteurs, car c’est en grande partie faux, et, comme je le disais plus tôt, de réserver le conseil à la puissance publique. Cela ne réglerait pas la question des conseils prodigués en douce, mais il nous appartient de trouver les bonnes solutions sur ce point – étant entendu que nous divergeons sur le niveau de radicalité à retenir pour garantir cette indépendance.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CD391 et CD392 de Mme Constance de Pélichy

Mme Constance de Pélichy (LIOT). Nous prenons acte de l’échec de la séparation capitalistique des activités de vente et de conseil. En revanche, il serait opportun de tenter une séparation opérationnelle. L’amendement CD391 vise ainsi à empêcher un même professionnel de vendre et de conseiller. Quant au CD392, il tend à instaurer l’obligation d’une facturation différenciée pour ces deux activités.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Un tel dispositif obligerait les entreprises, notamment de négoce, à établir deux facturations, la première pour la vente de produits phytosanitaires, la seconde pour le conseil. Or les agriculteurs ne sont pas prêts à payer pour cette seconde activité, n’ayant pas intégré que ce coût était compris dans le prix des produits. Une séparation organisationnelle ne me semble donc pas constituer la solution adaptée pour assurer la distinction effective entre la vente et le conseil. Avis défavorable

M. Benoît Biteau (EcoS). J’aurais pu adhérer à la proposition de Mme de Pélichy si je n’avais pas, en tant que directeur adjoint d’une très grande coopérative, été justement chargé d’animer un service de conseil indépendant, séparé de la vente. Nous facturions bien aux agriculteurs ce service de conseil, mais ils récupéraient ce coût grâce à des ristournes accordées lors de l’achat de produits phytosanitaires. Qu’une même entreprise puisse à la fois conseiller et vendre induit donc nécessairement une forme de porosité, ce qui fait perdre toute effectivité à la séparation des activités.

Il faut donc faire autrement, raison pour laquelle j’insiste tant sur le rôle des chambres d’agriculture. Puisqu’elles ne vendent pas de produits, qu’elles exercent une mission de service public et qu’elles lèvent l’impôt, elles sont à même de proposer un service de conseil, pourvu, je le répète, que des vendeurs de pesticides ne puissent participer à leur gouvernance.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques CD88 de M. Vincent Descoeur, CD99 de M. Freddy Sertin et CD346 de Mme Danielle Brulebois

M. Vincent Descoeur (DR). Ces amendements visent à supprimer, à l’alinéa 31, la disposition selon laquelle la prestation de conseil est effectuée à titre onéreux. Par définition, une telle mesure augmenterait la charge liée au traitement phytosanitaire et donc les coûts de production, ce qui ne semble pas opportun dans le contexte actuel. Pourquoi ne pas laisser la possibilité aux agriculteurs de bénéficier d’une prestation à titre gracieux, particulièrement si celle-ci est assurée par un technicien appartenant à un organisme consulaire, comme certains collègues viennent de l’évoquer ?

Mme Danielle Brulebois (EPR). En effet, ces amendements tendent à laisser la possibilité aux structures d’accompagnement des agriculteurs de faire payer ou non leurs prestations de conseil.

M. Gérard Leseul, président. Quel est votre avis, madame la rapporteure, sur ces amendements rédigés en lien avec la FNSEA ?

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis partagée sur ce point. Il faut que les agriculteurs prennent conscience que le conseil a un coût ; les techniciens sont formés et leur travail doit être valorisé. Cela étant, je sais que les professionnels ne sont pas prêts à accepter ce coût, même si celui-ci pourrait être compensé par la réduction de la consommation de produits phytosanitaires qui pourrait justement en résulter.

Je m’en remettrai donc à la sagesse de la commission sur ces amendements. Il faut que nous prenions acte que le conseil a un coût, mais aussi trouver le moyen d’accompagner les agriculteurs dans ce domaine. À cet égard, nous pourrions nous inspirer des formations proposées par Vivéa, pour partie directement financées par l’organisme et pour lesquelles les agriculteurs ne doivent s’acquitter que d’un reste à charge. De cette manière, le coût du conseil ne serait pas trop excessif.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cette question est intéressante et même éclairante. Nous sommes nombreux à souhaiter que le conseil relatif aux produits phytosanitaires et aux pesticides soit gratuit, surtout dans l’optique d’une réduction de leur consommation. Mais, en même temps, si un organisme privé prodigue un conseil gratuit, cela signifie qu’il trouvera par ailleurs une rentabilité à cette activité : le conseil sera donc nécessairement lié à la vente. Le cas échéant, nous en reviendrons au cercle vicieux que nous essayons d’exposer, à savoir que quand votre intérêt économique est de vendre des pesticides, il est aussi de conseiller d’en acheter le plus possible. Ces amendements sont donc très révélateurs et montrent bien que nous avons besoin d’un organisme public et indépendant, doté de financements importants. Car c’est bien parce que les moyens alloués n’ont pas été suffisants que l’accompagnement des agriculteurs par des personnes formées n’a pas fonctionné. Voilà de quoi nous avons besoin pour réussir la séparation du conseil et de la vente et aboutir à une baisse de la consommation des produits phytosanitaires.

M. Vincent Descoeur (DR). Je comprends que vous souhaitiez une prise de conscience au sujet du coût du conseil, tout comme j’entends que certains organismes recourent à des astuces pour faire disparaître cette charge pour les agriculteurs, mais j’estime que le débat mérite d’être ouvert, ainsi que celui relatif au potentiel apport des chambres consulaires. Ainsi ne me paraît-il pas opportun de graver dans la loi que le conseil doit obligatoirement être effectué à titre onéreux. Si d’aventure un organisme, dans l’esprit d’une coopérative, souhaite dispenser un conseil à titre gracieux, il me semblerait tout de même assez curieux qu’il en soit empêché par le législateur. Préservons cette possibilité.

M. Benoît Biteau (EcoS). Référons-nous à la notion d’investissement. En effet, tous les agriculteurs qui font appel à un service de conseil payant pour leur ferme – car toutes les chambres d’agriculture ne sont pas au point en matière d’agronomie – ont l’impression, ou même la conviction de réaliser un investissement, car la prestation est liée à une obligation de résultat. Dit autrement, un retour d’investissement, prenant la forme d’une réduction des coûts de production, est attendu. Ainsi, même payant, un tel service constitue un levier supplémentaire pour que nos exploitations gagnent en compétitivité – objet de nos discussions.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Pour résoudre cette quadrature du cercle, plutôt que de parler de compétitivité, peut-être pourrions-nous nous fonder sur le revenu paysan. En l’occurrence, nous qui nous battons pour sa progression considérons que la gratuité du conseil pourrait constituer un levier intéressant, mais à la condition, j’y reviens, d’une exclusivité absolue du conseil par la puissance publique.

L’indépendance agronomique vis-à-vis de tous les intrants est source de revenu. Si elle est considérée comme telle par les agriculteurs et les chambres d’agriculture, et si nous garantissons que le conseil est prodigué d’une manière totalement indépendante, alors les choses pourront fonctionner.

M. Dominique Potier (SOC). Monsieur Descoeur, il n’existe pas de conseil gratuit. Qu’il soit directement ou indirectement facturé, il s’impose de toute façon aux agriculteurs. Aucun prestataire ne prodigue de conseils sans se rémunérer d’une manière ou d’une autre, quitte à user d’un artifice commercial.

Monsieur Biteau, pour avoir également auditionné des conseillers indépendants, je peux vous assurer qu’ils ne couvrent qu’une très faible surface agricole. Et je vous invite à regarder la sociologie des personnes auxquelles ils s’adressent, à leur niveau socioculturel, ou encore à la taille de leur ferme. Ce système n’est donc pas modélisable. Nous avons besoin de ces conseillers pour un certain profil d’agriculteurs, mais pour le commun des professionnels, le service public, assuré par les chambres d’agriculture, est vraiment la solution.

La commission rejette les amendements.

*

  1.   Réunion du mercredi 7 mai

M. Gérard Leseul, président. Nous poursuivons l’examen des articles de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur. Il reste 163 amendements à discuter.

Article 1er (suite) : Abrogation de la séparation de la vente et du conseil pour les distributeurs de produits phytopharmaceutiques, évolution des conseils à l’utilisation de ces produits et maintien de l’interdiction des remises, rabais et ristournes

Amendement CD279 de Mme Mathilde Hignet

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Cet amendement vise à maintenir les dispositions à caractère législatif en faveur de la séparation complète de la vente et du conseil stratégique et spécifique à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Les chambres d’agriculture pourraient conférer aux conseillers le statut de salariés protégés, pour leur éviter de subir des pressions des présidences de chambre d’agriculture et leur permettre de prodiguer un conseil gratuit et indépendant dans les fermes. Les agriculteurs auraient un intérêt économique à diminuer leur consommation de pesticides, réduisant ainsi leurs charges et augmentant leurs revenus : le conseil commercial du vendeur serait rendu inopérant.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Votre amendement vise à supprimer les alinéas 35 et 36 de l’article 1er, soit la disparition du conseil stratégique à l’utilisation des produits phytosanitaires. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). La rédaction actuelle ne nous convient pas. J’ai d’ailleurs déposé l’amendement CD280 qui en propose une autre.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CD469 et CD393 de Mme Constance de Pélichy et CD491 de la rapporteure pour avis tombent.

Amendement CD394 de Mme Constance de Pélichy

Mme Constance de Pélichy (LIOT). Le dispositif des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) repose à l’heure actuelle sur une obligation de moyens pour les obligés. Afin d’inciter à une plus grande diminution de l’achat et de l’utilisation de ces produits, cet amendement propose une première étape vers une obligation de résultat, en prévoyant des objectifs chiffrés de réduction de vente de produits phytopharmaceutiques.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’y suis favorable, d’autant que vous laissez l’autorité administrative fixer les objectifs, dans le cadre des CEPP.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD212 de M. Fabrice Barusseau

M. Fabrice Barusseau (SOC). Cet amendement vise à responsabiliser les acteurs de la vente de produits phytopharmaceutiques avec des objectifs clairs en matière d’obtention de certificats d’économie de produits phytosanitaires, en renouvelant le soutien apporté aux CEPP. Ces derniers sont un moyen efficace de faire participer les entreprises distributrices de ces produits à la politique de réduction des usages des produits de synthèse et au développement de solutions plus durables, répondant ainsi à la recommandation n° 15 du rapport de la commission d’enquête sur les produits phytopharmaceutiques, publié sous la précédente législature.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement reprend en partie l’ancienne rédaction – abrogée – de l’article L. 254-10-4 du code rural et de la pêche maritime, reposant sur l’expérimentation mise en place en 2016. Depuis, le dispositif a été pérennisé. Les bilans pour la mise en œuvre du dispositif de CEPP sont disponibles sur le site du ministère de l’agriculture, pour chaque période d’obligation, notamment 2022-2023. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Nous évoluons dans un système ultralibéral dérégulé. La cupidité des entreprises de vente de pesticides lui est inhérente. L’argent n’est pas mis au service d’un projet d’entreprise ou de production agricole. Les CEPP s’inscrivant dans cet écosystème ultralibéral, ils se font happer par cette chasse au profit, qui a conduit à l’échec des mesures précédentes.

L’amendement est retiré.

Amendement CD211 de M. Fabrice Barusseau

M. Fabrice Barusseau (SOC). Cet amendement vise à rétablir une sanction en cas de non atteinte des objectifs fixés aux distributeurs en termes de CEPP, en contrepartie de l’abrogation de la séparation de la vente et du conseil.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Une sanction existe déjà dans la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime, à l’article R. 254-42. Je ne suis pas favorable à l’ajout d’une autre sanction.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD268 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Il s’agit de faire en sorte que tous les exploitants agricoles, y compris en société, puissent bénéficier du conseil stratégique global : aucun agriculteur ne doit être laissé au hasard. Ne pas mentionner les milliers d’exploitants agricoles qui exercent aujourd’hui en société revient à courir le risque de les exclure, injustement. Le monde agricole a évolué : une part croissante des exploitations sont organisées sous forme sociétaire, pour répondre aux défis économiques et environnementaux. L’objectif est également d’éviter des angles morts administratifs, une ambiguïté législative pouvant être interprétée restrictivement par l’administration. Cet amendement permet d’éviter un futur bras de fer entre les agriculteurs et les services instructeurs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je comprends votre inquiétude. Néanmoins, je n’ai pas relevé que certaines sociétés agricoles auraient été privées de conseils. Elles sont composées d’exploitants agricoles, une notion qui ne fait pas l’objet de restrictions dans le texte. Une précision à cet égard ne me semble donc pas utile. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD345 de Mme Constance de Pélichy

Mme Constance de Pélichy (LIOT). Cet amendement vise à rendre le conseil stratégique obligatoire, en allégeant les contraintes actuelles. Il ne serait plus délivré de manière périodique mais à des périodes clés de la vie des exploitations, telles qu’une transmission, une acquisition, un gros investissement ou un changement de système de production.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je comprends la volonté d’alléger les contraintes pesant sur les agriculteurs. Néanmoins, l’objectif du conseil stratégique est d’avancer sur des logiques agronomiques, ce qui suppose de procéder à une évaluation avec une récurrence suffisamment forte, à l’aide d’indicateurs. Une réorientation est parfois nécessaire. La périodicité et la récurrence – elle doit être au moins annuelle – du conseil stratégique sont importantes.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Amendement CD210 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement propose la création d’un conseil agronomique global annuel et universel, sous l’autorité des chambres d’agriculture. Le conseil stratégique doit être conçu pour produire et protéger autrement. L’interdiction doit laisser place à une logique de vision globale sur l’ensemble du système agricole. Par ailleurs, il faut prendre en considération l’ensemble des questions propres aux transitions – le rapport à la consommation d’énergie, aux émissions de gaz à effet de serre, la gestion de ressources en eau, la maîtrise de la fertilisation et la qualité des sols.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Nous venons d’adopter un amendement qui permettra aux agriculteurs de bénéficier d’un conseil stratégique global à des périodes clés. Je ne suis pas favorable à ce qu’il soit annuel et universel.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CD209 de Mme Chantal Jourdan, CD410 de M. Marcellin Nadeau et CD490 de la rapporteure pour avis (discussion commune)

Mme Chantal Jourdan (SOC). Mon amendement vise à assurer que le conseil est prodigué par des agronomes de formation.

M. Marcellin Nadeau (GDR). L’article 1er propose la création d’un conseil stratégique global, malheureusement facultatif, dont le conseil stratégique à l’utilisation des produits pharmaceutiques ne constitue qu’un volet. Si l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) a souligné que la condition du succès de ce conseil n’était pas tant sa gratuité que sa qualité – les conseillers qui en sont chargés doivent effectuer des formations poussées –, le Sénat a supprimé l’obligation de certification des conseillers, pour lui substituer la notion de « conseillers compétents en agronomie, en protection des végétaux, en utilisation efficace, économe et durable des ressources ou en stratégie de valorisation et de filière ». Le présent amendement propose de revenir à l’exigence de disposer au moins de conseillers certifiés.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je partage vos préoccupations sur la qualification des conseillers. C’est pourquoi mon amendement propose de créer une certification pour les conseillers dans le cadre du conseil stratégique global. Je suis donc défavorable aux amendements CD209 et CD410, au profit de l’amendement CD490.

La commission adopte l’amendement CD209.

En conséquence, les amendements CD410 et CD490 tombent.

Amendement CD269 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Mon amendement vise à intégrer la compétence en économie agricole dans le conseil stratégique global, pour accompagner pleinement les exploitants. Une exploitation agricole étant aussi une entreprise, le conseil ne peut pas s’arrêter aux champs ou à l’étable : il doit aider à trouver des débouchés, sécuriser les revenus et naviguer dans les aides, de façon à mettre fin à l’isolement économique des agriculteurs. Trop souvent, les exploitants se retrouvent seuls face au marché. Cet amendement répond à un besoin criant de soutien sur le plan économique. Pour accompagner les agriculteurs, il faut prendre en compte la dimension économique de leur activité. Au-delà de la production, il faut aussi vendre, valoriser et investir. Le renforcement des compétences économiques du conseil permettra aux agriculteurs de rester compétitifs et maîtres de leur avenir.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement me semble déjà satisfait par la compétence en « stratégie de valorisation et de filière » et par l’objectif de « viabilité économique ». Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD270 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Il s’agit d’intégrer le droit rural aux compétences requises, pour un conseil stratégique global réellement protecteur et opérationnel. L’objectif est de protéger les agriculteurs face à la complexité juridique – statuts fonciers, baux ruraux, autorisations d’exploitation. Trop souvent, les exploitants sont seuls face à des règles complexes et évolutives. Un accompagnement stratégique ne peut pas ignorer le droit. Il ne suffit pas de conseiller sur des cultures, il faut aussi sécuriser juridiquement les projets agricoles, pour éviter les litiges et les erreurs irréversibles, et pour sécuriser l’avenir des exploitations. Une mauvaise décision juridique peut compromettre toute une exploitation. Intégrer le droit rural, c’est prévenir les risques avant qu’ils ne deviennent des problèmes.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Les enjeux juridiques que vous mentionnez ne sont pas uniquement associés au droit rural. Si je partage votre avis quant à l’importance des connaissances juridiques des conseillers en matière rurale et environnementale, la seule notion de « droit rural » me semble trop restrictive. De plus, les agriculteurs disposent d’un panel de personnes compétentes pour les conseiller en la matière – centres de gestion, chambres d’agriculture. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD208 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Pour garantir un conseil stratégique global, il est indispensable que les compétences des agronomes soient les plus exigeantes possible.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Amendement CD395 de Mme Constance de Pélichy

Mme Constance de Pélichy (LIOT). Mon amendement vise à ce que le conseil stratégique global inclue la question de la transition agroécologique des exploitations.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Amendement CD207 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à rappeler le rôle central de l’adaptation des activités agricoles aux conséquences du changement climatique, pour assurer la viabilité économique des exploitations. Il est en effet possible d’améliorer la performance des rendements agricoles, tout en respectant les normes environnementales.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je vous invite à retirer cet amendement et à le retravailler pour la séance. La notion de « réchauffement climatique » n’est pas suffisamment large et laisse de côté la viabilité environnementale et sociale.

L’amendement est retiré.

Amendement CD104 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). La proposition de loi établit un nouveau conseil annualisé, le « conseil stratégique global ». Or, aucune disposition ne permet d’avancée significative en la matière. Alors que beaucoup se sont émus des difficultés des agriculteurs depuis le début de l’année 2024, ce conseil doit aussi être un moyen d’intégrer, dans une approche globale et une vision à long terme, des spécificités pédoclimatiques, des moyens humains et une amélioration de la compétitivité de l’entreprise. Il faut réaliser un diagnostic périodique, actualisé, afin d’identifier les marges de manœuvre et de permettre aux agriculteurs de mieux s’en sortir, notamment sur le plan économique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable d’autant que la séparation de la vente et du conseil pour les fabricants est déjà prévue pour le conseil stratégique à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. De plus, cet amendement applique une séparation spécifique aux produits phytopharmaceutiques à un conseil global.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD105 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement vise à préciser les attendus du document de conseil stratégique global afin que les conseils délivrés soient fondés sur une approche rigoureuse, scientifique et de qualité. L’objectif est de démontrer que moins on utilise de pesticides, moins on en a besoin, de façon à enclencher un cercle vertueux.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis de sagesse. À titre personnel, je ne suis pas opposée à rendre obligatoire le conseil stratégique global.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD272 de Mme Manon Bouquin

Mme Manon Bouquin (RN). Cet amendement vise à affirmer que le conseil stratégique doit être indépendant, objectif et adapté à chaque exploitation. L’objectif est de garantir son efficacité. Il ne saurait être standardisé, car chaque exploitation est unique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Chaque exploitation est effectivement particulière et doit pouvoir bénéficier d’un conseil spécifique. Les amendements adoptés précédemment permettent de le garantir. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD153 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Le conseil doit intégrer la façon de produire et le cadre de vie. Au-delà des agriculteurs, les riverains et les personnes installées en territoires ruraux doivent pouvoir en bénéficier.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je n’y étais pas favorable à l’origine. Néanmoins, puisque nous avons adopté une disposition indiquant que les conseillers devaient être des agronomes, il est préférable que l’exercice de la fonction de conseiller soit réservé aux titulaires d’un diplôme d’ingénieur agronome ou d’un master en agronomie. Avis favorable, dans un souci de cohérence.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD397 de Mme Constance de Pélichy

Mme Constance de Pélichy (LIOT). Des diagnostics modulaires ont été créés par la loi, afin de faciliter l’installation et la transmission, et d’accélérer la transition agroécologique. Afin d’éviter les redondances, il convient de les reconnaître comme faisant partie intégrante du conseil stratégique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. À l’inverse de ce que vous proposez, la loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, promulguée en mars dernier, stipule que « les informations recueillies lors des diagnostics sont utilisées dans le cadre d’un conseil stratégique global destiné à améliorer la viabilité économique, environnementale et sociale ainsi que le caractère vivable du projet agricole ». Les diagnostics modulaires peuvent donc servir au conseil stratégique global. L’adoption de votre amendement pourrait prêter à confusion. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous devrions avoir une approche systémique, et non cloisonnée, des différents modules, conseils et diagnostics, dans un souci de cohérence et de simplification envers les agricultrices et les agriculteurs.

L’amendement est retiré.

Amendement CD206 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à souligner la nécessité de financer rapidement et de manière pluriannuelle la formation et le recrutement massif d’agronomes, en cohérence avec l’ensemble des amendements que nous venons d’adopter au sujet de l’obligation du conseil stratégique global.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Même si je soutiens le financement et la promotion d’ingénieurs agronomes, il ne me semble pas pertinent d’inscrire dans la loi un nombre précis. Nous en avons déjà débattu lors de l’examen du projet de loi d’orientation agricole, et les besoins d’ici à 2030 pourraient évoluer. Avis défavorable.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Si l’amendement fixe un objectif d’ici à 2030, c’est en fonction de l’évaluation des besoins.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CD280 et CD281 de M. Loïc Prud’homme (discussion commune)

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Ces amendements tendent à mettre le conseil pour l’utilisation des produits phytosanitaires entre les mains des chambres d’agriculture, pour garantir sa gratuité, son indépendance et l’absence de conflits d’intérêts. Ainsi, nous pourrons enfin trouver des solutions fiables et efficaces pour réduire réellement l’utilisation de ces produits, pour diminuer les charges qui pèsent sur les agriculteurs du fait de l’achat d’intrants chimiques et donc pour améliorer les revenus, ce qui correspond à la demande première des agriculteurs qui se mobilisent aujourd’hui. Ils ne veulent pas qu’on déglingue toutes les normes environnementales, mais simplement que leur travail soit respecté et rémunéré correctement. Ces amendements permettront de répondre à leurs revendications.

Par ailleurs, en nous appuyant sur un tel instrument plutôt que sur des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques qui coûtent de l’argent public et dont l’efficacité peut être discutée, nous pourrons atteindre une meilleure efficacité et créer une possibilité de contrôle de la maîtrise et surtout de l’orientation à la baisse des trajectoires d’utilisation des pesticides. Je vous invite, en cohérence avec l’adoption de l’amendement CD279, à voter ces amendements.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. S’agissant du premier amendement, même si l’idée que vous proposez pourrait être intéressante pour inciter les exploitations agricoles à se tourner vers des solutions de conseil, plusieurs questions se posent, notamment sur la capacité de l’État de financer le dispositif. Par ailleurs, confier ce service public aux chambres d’agriculture pourrait exclure les structures indépendantes déjà engagées dans le conseil stratégique et déstabiliser le marché en rendant économiquement non viable l’offre privée, y compris celle de qualité. Je suis donc défavorable à votre premier amendement. Même avis concernant le second, puisque le conseil spécifique est supprimé par la proposition de loi : cet amendement ne serait pas applicable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je crois que vous avez bien saisi la mécanique de ces amendements : il s’agit bien de rendre non viable le conseil privé. Nous voulons un conseil public, entre les mains de la puissance publique, pour garantir son indépendance – c’est au cœur de la discussion que nous avons depuis hier. Je vous remercie d’avoir ainsi pointé l’objectif : c’est un argument supplémentaire en faveur de l’adoption de ces dispositions.

La commission adopte l’amendement CD280.

En conséquence, l’amendement CD281 tombe.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

Article 2A (nouveau) : Garantie pour les agriculteurs biologiques de la liberté de produire sans pesticides, et responsabilisation des distributeurs et metteurs sur le marché en cas de dissémination de ces produits

Amendement CD384 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Nous proposons de créer un titre et un dispositif spécifique pour répondre aux problématiques des grands oubliés de cette proposition de loi, les agriculteurs biologiques. Alors que nous devrions tout mettre en œuvre pour soutenir les producteurs qui ont choisi de se tourner vers l’agriculture biologique, qui est aujourd’hui le modèle agricole le plus vertueux et le plus durable, ce texte passe délibérément et complètement sous silence leurs difficultés. En plus d’avoir à faire face à un manque de soutien des pouvoirs publics et à un manque de débouchés, nombre d’agriculteurs biologiques sont contraints de détruire des récoltes contaminées par des pesticides qu’ils n’ont pas utilisés, notamment le prosulfocarbe, qui est très volatil. D’après la Fédération nationale d’agriculture biologique, les destructions de cultures de sarrasin bio contaminées par cet herbicide se chiffrent depuis 2020 à plus d’un demi-million d’euros. C’est une injustice totale à laquelle nous devons mettre fin. Cet amendement tend donc à garantir aux agriculteurs biologiques la liberté de produire sans pesticide et à responsabiliser les industriels en cas de préjudice économique lié à une contamination par des pesticides.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Le principe d’une responsabilisation des distributeurs de phytos à l’égard des préjudices économiques pour la filière bio me paraît intéressant. Ce que vous évoquez correspond une réalité sur le terrain, mais l’amendement soulève plusieurs questions, notamment celle de l’évaluation concrète de la responsabilité et du préjudice économique, mais aussi celle de la manière de s’assurer que le préjudice économique est bien lié aux phytos et non à d’autres facteurs, ce qui peut arriver. S’agissant de cet amendement, qui fait écho à un autre, relatif aux apiculteurs, qui a été adopté hier soir, me semble-t-il, je donne un avis de sagesse.

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement est déterminant. On entend dire dans les campagnes que toutes les agricultures doivent cohabiter et qu’elles sont compatibles entre elles, sauf que ce n’est pas tout à fait le cas dans la vraie vie. En Bretagne, on trouve ainsi des cas très sévères de pollution d’agriculteurs qui ont tout mis en œuvre pour respecter le cahier des charges de l’agriculture biologique et dont la conduite est parfaitement irréprochable, mais dont les récoltes sont détruites ou déclassées parce que des voisins les ont polluées, voire qui perdent la certification agriculture biologique pour la totalité de leur structure, ce qui les met dans des situations économiques extrêmement délicates. Et après on s’étonne que l’agriculture biologique puisse parfois être en difficulté sur ce plan ! Quand une agriculture piétine à ce point les pratiques vertueuses des autres, un vrai problème se pose. Cet amendement est donc particulièrement bienvenu si nous voulons essayer de faire en sorte que toutes les agricultures cohabitent. Mais pour que cela soit possible, en vérité, il faudrait vraiment mettre un coup d’accélérateur s’agissant du développement de l’agriculture biologique, de manière que l’autre agriculture n’empêche pas la plus vertueuse de continuer de progresser.

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement est effectivement important. Il établit, d’abord, la responsabilité du détenteur de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) : il existe souvent, quand on parle des pesticides, une confusion en la matière. La responsabilité, c’est notre position constante, incombe aux pouvoirs publics qui autorisent des produits et aux firmes qui les fabriquent et les mettent sur le marché, et non à l’agriculteur qui, compte tenu des autorisations, les utilise.

Il est ici question du préjudice économique résultant de la dissémination des produits et de leur impact sur les productions relevant du mode de production biologique. Un décret est prévu pour traiter les points que vous avez évoqués, madame la rapporteure pour avis – qui établit quoi, comment on mesure et de quelle façon on détermine ensuite l’indemnisation.

La commission adopte l’amendement.

Article 2B (nouveau) : Accessibilité des données d’utilisation des produits phytopharmaceutiques à l’Anses et au public

Amendement CD142 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous nous rapprochons des questions abordées à l’article 2, qui prévoit une régression inédite et gravissime dans le rapport à l’expertise scientifique en ce qui concerne le poison que sont les néonicotinoïdes, alors même que nous avons appris cette semaine que les populations d’insectes s’étaient effondrées de 61 % sur le continent européen au cours des trois dernières années – pas seulement à cause des pesticides, mais ils constituent un des facteurs principaux en la matière. Or, comme chacune, chacun le sait, l’agriculture dépend de ce qu’on appelle les auxiliaires des cultures, c’est-à-dire tous les insectes qui jouent un rôle fondamental pour la biodiversité mais aussi pour la production agricole.

Le présent amendement porte sur le registre de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Vous savez qu’il existe jusqu’à présent un registre papier et que l’Union européenne oblige à passer à un format numérique, normalement à partir du 1er janvier prochain. Nous souhaitons que les données de ce registre soient rendues accessibles automatiquement à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), dans le cadre de ses missions de phytopharmacovigilance, et qu’elles soient, sous une forme anonymisée, rendues publiques. Actuellement, les seules données publiques sont celles concernant la vente des pesticides par département. Le cadre actuel n’est donc pas conforme à la Charte de l’environnement, qui donne à tout citoyen le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement qui sont détenues par les pouvoirs publics.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Article 2C (nouveau) : Expérimentation d’un mécanisme d’assurance-risque comme alternative à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques

Amendement CD419 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement revient sur un sujet récurrent, dont nous avons notamment discuté avec Stéphane Travert lors de l’examen de la loi Egalim. Un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (Cgaaer), de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (Cgedd) de décembre 2017 soulignait ce que nous disons depuis longtemps, à savoir qu’il faut, s’agissant de la réduction des pesticides, suivre une approche dans laquelle on apporte une réponse socio-économique au lieu de se placer seulement sur le plan agronomique. On constate, en effet, qu’un certain nombre d’exploitantes et d’exploitants agricoles ont recours aux pesticides ou aux fongicides dans une logique en quelque sorte assurantielle. C’est d’ailleurs tout le problème des néonicotinoïdes et une des raisons pour lesquelles on les a interdits en France : on en met même quand il n’y en a pas besoin, en l’absence de ravageurs, ce qui est une catastrophe pour la santé publique et la biodiversité.

Notre proposition, qui a été testée notamment en Italie pour le maïs, est d’expérimenter une logique d’assurance-risque dans laquelle, au lieu d’acheter des phytos, on cotise, pour moins cher, à une caisse mutuelle. Si jamais les cultures subissent un ravageur, un plancher de revenu est garanti par le mécanisme d’assurance-risque, qui sert d’alternative socio-économique à l’utilisation de pesticides. Compte tenu du cadre contraint de l’article 40 de la Constitution, nous proposons une expérimentation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable à cette expérimentation.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je suis également favorable à cette expérimentation, qui peut être particulièrement éclairante. Il existe déjà des retours d’expérience extrêmement intéressants : Delphine Batho a parlé de l’Italie, mais nous avons aussi des choses qui ressemblent à cela en France. On constate que moins on utilise de pesticides, plus on a de résultats. Contrairement à une idée reçue selon laquelle les pesticides protègent les récoltes, la réduction de ces produits conduit à avoir des insectes – ils sont malheureusement en grave difficulté, Delphine Batho l’a également évoqué – qui viennent sur les fleurs, ce qui signifie plus de grains, de fruits et de légumes. On peut ainsi continuer à avancer suivant des logiques de productivité qui reposent sur des solutions basées sur la nature.

Par ailleurs, on se rend compte que plus on réduit l’utilisation des pesticides, voire quand on les supprime, plus on crée les conditions d’un retour des prédateurs des ravageurs. On parle beaucoup, s’agissant des noisettes, de la punaise diabolique. Or elle a un prédateur naturel qui s’appelle la guêpe samouraï : ne plus utiliser de pesticides permet ainsi de lutter efficacement contre la punaise diabolique.

L’expérimentation qui nous est proposée risque de n’être que transitoire : on se rend compte rapidement que c’est la bonne manière de trouver des réponses agronomiques, écologiques, mais aussi économiques.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 : Révision de la procédure de délivrance des autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques par l’Anses, utilisation de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques, et autorisation à titre dérogatoire de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou assimilés

Amendements de suppression CD471 de la rapporteure pour avis, CD1 de Mme Delphine Batho, CD205 de M. Fabrice Barusseau, CD282 de Mme Mathilde Hignet et CD411 de M. Marcellin Nadeau

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Sans revenir sur ce que j’ai déjà dit hier, je propose de supprimer cet article qui prévoit diverses mesures non acceptables, qu’il s’agisse de l’Anses, de la réautorisation, à titre dérogatoire, des néonicotinoïdes ou de l’épandage de pesticides par drone, cette disposition étant de toute façon caduque depuis la loi adoptée le 23 avril.

M. Nicolas Thierry (EcoS). Le groupe écologiste demande la suppression de cet article qui constitue un tournant inquiétant. Il marque une rupture avec le principe de l’indépendance de l’expertise scientifique, en cédant à une logique politique court-termiste et idéologique. C’est une régression assumée, qui s’inscrit dans une dérive illibérale également observée à l’échelle internationale : il s’agit de discréditer la science, d’affaiblir les autorités indépendantes et de soumettre la décision publique aux intérêts économiques.

Concrètement, l’article 2 propose de mettre la France dans la roue de pays qui affaiblissent la science. C’est devenu une stratégie politique : aux États-Unis, par exemple, l’administration Trump a écarté les experts de l’EPA (Agence de protection de l’environnement) ; au Brésil, sous Bolsonaro, des centaines de pesticides ont été autorisés malgré les alertes de l’agence sanitaire nationale ; en Hongrie, l’Académie des sciences a été placée sous la tutelle du pouvoir, pour museler les critiques. C’est exactement la même logique ici : en s’attaquant à l’Anses, qui est une agence publique indépendante, reconnue pour sa rigueur, cet article cherche à disqualifier toute parole scientifique qui pourrait déranger. Il ne s’agit pas d’éclairer la décision politique mais de soumettre l’expertise à une ligne idéologique, au détriment de l’intérêt général.

En proposant de réintroduire les néonicotinoïdes, cet article piétine la littérature scientifique, abondante et cohérente, qui établit sans ambiguïté, malgré ce qui a été dit à plusieurs reprises, la toxicité de ces substances pour les pollinisateurs. Il n’y a pas de débat en la matière : c’est un déni de la science.

Cet article est dangereux pour la santé publique, pour l’environnement et pour la démocratie, et il ouvre une brèche que d’autres demain, s’ils le peuvent, n’hésiteront pas à élargir.

M. Fabrice Barusseau (SOC). Je ne répéterai pas tout ce qui vient d’être dit. Notre amendement vise simplement à supprimer cet article aussi incohérent que dangereux pour la santé humaine et environnementale.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Je ne reviens pas davantage sur tous les points développés par M. Thierry. Cet article conduirait à un recul grave s’agissant de l’indépendance de l’Anses et de l’indépendance scientifique en général.

Nous avons auditionné au sein de la commission des affaires économiques, à l’occasion des travaux sur ce texte, Phyteis, qui est une organisation professionnelle regroupant les entreprises du secteur de l’agrochimie : pour les acteurs de la filière, il serait absolument contre-productif de revenir sur l’indépendance de l’Anses. En créant un conseil d’orientation qui choisirait quels produits seraient à privilégier, vous introduiriez un avis politique dans le processus – les différents ministères seraient représentés – et vous iriez dans le sens d’un ralentissement de l’homologation, ce qui inquiète les professionnels de l’agrochimie. Tout cela va en réalité à l’encontre de ce que souhaitent celles et ceux qui défendent cet article.

Selon Phyteis, des améliorations pourraient être prévues du côté de l’Anses, mais elles consisteraient plutôt à mettre de l’huile dans les rouages, en faisant en sorte qu’on puisse déposer de nouvelles pièces dans des dossiers en cours d’homologation et qu’on accélère les processus. En tout cas, nous vous proposons de supprimer le présent article.

M. Marcellin Nadeau (GDR). Nous souhaitons également la suppression de cet article, qui remet en cause l’indépendance de l’Anses et de l’expertise scientifique, autorise l’usage des drones dans l’agriculture, en contradiction avec les recommandations de l’Anses, et crée une nouvelle dérogation pour l’acétamipride dans les filières où il n’existerait pas de solution alternative suffisante, en violation du principe de non-régression et des articles 2 à 5 de la Charte de l’environnement.

M. Timothée Houssin (RN). Le mieux est l’ennemi du bien. Cet article est un des fondements de la proposition de loi : si on le supprime, on fait disparaître les principales dispositions du texte, pour suivre de bonnes intentions qui conduiraient, en réalité, à nuire à notre économie et à l’environnement.

Je reviens sur un sujet qui est un peu instrumentalisé, celui des néonicotinoïdes et de l’acétamipride en particulier, pour la filière sucrière. Le texte, dans sa rédaction actuelle, propose un régime dérogatoire et temporaire pour l’utilisation exceptionnelle, quand c’est indispensable, des néonicotinoïdes afin qu’une filière puisse continuer à vivre. Si vous empêchez une telle dérogation, vous laisserez nos agriculteurs face à une concurrence déloyale venant non seulement de pays extra-européens, qui utilisent toutes sortes de produits nocifs, mais aussi de sucreries et de producteurs de betterave de pays européens qui ont le droit d’utiliser des néonicotinoïdes.

Nous sommes en train de financer la recherche pour trouver des solutions alternatives ; elle avance, mais on perd en France une sucrerie par an depuis le début de la Macronie, ce qui veut dire que lorsqu’on aura trouvé, dans quelques années, une solution pour éviter d’être obligé d’utiliser des néonicotinoïdes à des moments exceptionnels, on aura tué la filière et il n’existera plus de sucreries. La gauche, qui va faire fermer les sucreries de nos circonscriptions, avec ses amendements, aura demain des larmes de crocodiles pour les emplois détruits. La recherche en cours n’aura servi à rien et vous laisserez donc la place, comme c’est déjà le cas du reste, à du sucre qui vient d’ailleurs en Europe. Nos sucreries appartiennent à des groupes internationaux, qui généralement sont aussi implantés ailleurs en Europe et qui regardent aussi les différences entre les législations, celles qui nuisent à nos sucreries et qui risquent de fermer des sites de production.

Vous ferez également venir du sucre du bout du monde, qui sera produit non seulement avec des néonicotinoïdes mais aussi avec d’autres pesticides, et parfois à l’issue de déforestations. Nous serons donc perdants en matière d’économie, d’emploi, d’environnement et de santé publique. Vous allez peut-être faire fermer des sucreries, mais vous n’arrêterez pas de manger du sucre.

M. Pierrick Courbon (SOC). Je soutiens ces amendements de suppression.

Nous avons décidé d’interdire les néonicotinoïdes, parce que nous avions considéré que la littérature scientifique était suffisamment abondante et précise s’agissant de la toxicité de ces produits non seulement pour les abeilles et l’ensemble de la chaîne alimentaire, mais aussi pour la santé humaine. Il n’était pas question de considérations partisanes, de lubie temporaire. Des travaux ont mis en évidence, en effet, des cancers, une diminution de la fécondité et des contaminations in utero, en particulier en raison de l’acétamipride, qui, s’il fait partie des néonicotinoïdes les moins dangereux pour la biodiversité, est l’un des plus nocifs pour la santé humaine. Vous nous proposez de faire marche arrière en toute connaissance de cause : les faits scientifiques n’ont pas changé, ces dernières années, bien au contraire. Or il n’est pas possible de légiférer contre la science, ni d’accepter de faire prévaloir les intérêts économiques, fussent-ils légitimes, sur les faits scientifiques.

Vous présentez une très mauvaise réponse à un vrai problème. En prétendant défendre certaines filières agricoles, comme celles de la noisette et de la betterave, vous acceptez d’en tuer une autre. Selon quelle logique la défense d’un type d’agriculture ou d’une production agricole peut-elle se faire au détriment d’autres ? L’apiculture est aussi une production agricole qu’il faut respecter. Ce que vous avez dit à propos du sucre vaut tout autant pour le miel.

Je dénonce, enfin, l’hypocrisie de certains collègues qui nous expliquaient hier pour défendre l’économie générale du texte qu’il était indispensable pour nos agriculteurs et ne posait pas de vrai problème pour la filière apicole. Je le rappelle, ils ont voté la main sur le cœur, il y a quelques semaines, un texte visant à préserver cette filière et à lutter contre le frelon asiatique. Or avec cette proposition de loi ils vont simplement tuer l’apiculture. J’appelle à faire preuve d’un peu de cohérence.

M. Antoine Vermorel-Marques (DR). À titre personnel, je comprends que les agriculteurs demandent une évolution de la loi, en raison de l’impact qu’elle peut avoir sur les filières. Ces demandes doivent être respectées parce qu’elles font souvent suite à des crises économiques fortes et à des difficultés résultant d’une concurrence déloyale à laquelle nous n’arrivons pas à apporter des réponses, dans le cadre du marché intérieur et même plus largement. Les limites maximales de résidus sont, en effet, très peu contrôlées par les services des douanes, qui laissent entrer dans notre pays tout et n’importe quoi. Néanmoins, l’évolution législative qui nous est proposée se ferait au détriment d’une autre filière, celle de l’apiculture. Or on sait, scientifiquement, que l’acétamipride a des conséquences durables sur la production et la santé des abeilles, mais aussi d’autres animaux, en particulier les oiseaux et les insectes, et peut-être les mammifères, dont les humains. Pour toutes ces raisons, je voterai personnellement contre la réintroduction de l’acétamipride, donc pour ces amendements de suppression.

Mme Delphine Batho (EcoS). Il faut rappeler un peu l’histoire. L’interdiction des néonicotinoïdes, prévue par voie d’amendement en 2015, est devenue la loi de la République l’année suivante, avec une entrée en vigueur d’abord en 2018 puis de façon définitive en 2020. Cela fait donc dix ans. Quand vous avez voté, en 2020, la loi réautorisant les néonicotinoïdes interdits dans l’Union européenne, texte qui a été censuré par la Cour de justice de l’Union européenne, la filière de la betterave disait qu’elle avait besoin de trois ans et que ce serait ensuite terminé. Or nous sommes en 2025.

Par ailleurs, les dispositions interdisant les néonicotinoïdes ont été élargies en 2018 par la loi Egalim, défendue par un ministre qui s’appelait Stéphane Travert et un rapporteur nommé Jean-Baptiste Moreau. Je me souviens de l’intervention dans laquelle ce dernier a dit en séance publique à l’ensemble des collègues qu’il n’y avait pas d’agriculture sans pollinisateurs. Les pertes de productivité vont aujourd’hui de 5 à 80 % selon les cultures, par manque de pollinisateurs. On ne peut seulement mettre en avant l’intérêt de telle ou telle filière : toutes les autres sont concernées par l’effondrement des populations d’insectes.

Les trois néonicotinoïdes qui sont encore autorisés au niveau européen – l’Union européenne ayant suivi la France pour l’interdiction de ces produits, une des questions qui se posent est également celle du rôle de notre pays en Europe – sont sur la sellette. S’agissant de l’acétamipride, 1 576 études académiques, scientifiques, ont montré depuis 2020 les méfaits de cette substance pour la biodiversité et la santé humaine – c’est un poison considérable. Cela suffit.

Les dispositions concernant l’Anses constituent aussi une régression absolument spectaculaire : il faut supprimer l’article 2.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Il faut absolument repousser l’article 2, qui est l’un des fondements de la proposition de loi Duplomb. Il convient de rendre sa juste place à la science et à la santé de l’homme, de l’animal, du végétal ainsi que de tous les écosystèmes.

M. Hubert Ott (Dem). Des producteurs de noisettes m’ont dit qu’en Italie, malgré l’usage de l’acétamipride, qui y est toujours autorisé, la punaise diabolique continue à causer des dégâts considérables. On promet un miracle mais, en réalité, on va nous faire subir une double peine. L’impasse dans laquelle on se trouve ne tient pas tant aux restrictions à l’usage de produits chimiques qu’à l’insuffisante valorisation économique de la filière. La seule coopérative française existante dans le secteur de la noisette rémunère les producteurs à hauteur de 1,70 à 1,80 euro le kilo, alors que la rémunération de leurs homologues italiens et espagnols s’élève à près de 2,50 euros. Ceux qui ont quitté la coopérative ont certes obtenu des rendements plus faibles, mais mieux valorisés dès le départ. La question est de savoir si l’on respecte le travail des agriculteurs, si l’on accepte de le reconnaître et de le valoriser. Le véritable enjeu est la structuration économique et commerciale de la filière, et non l’autorisation du recours à des molécules chimiques pour le moins controversées.

M. Benoît Biteau (EcoS). Les études scientifiques ont mis en évidence un phénomène qui s’apparente à un cercle vicieux : plus on emploie de pesticides, plus on en a besoin. Un bon exemple en est donné par la filière de la betterave, qui est devenue dépendante aux néonicotinoïdes à partir du moment où il a été mis fin aux quotas betteraviers. La filière a mis l’accent sur la fertilisation azotée pour amplifier la production, ce qui a rendu les plantes turgescentes : autrement dit, elles sont devenues très vulnérables aux attaques de champignons et de parasites, comme les pucerons, dont certains sont des vecteurs de la jaunisse nanisante. La prolifération de pucerons a eu des effets dramatiques. Ceux qui n’emploient pas les néonicotinoïdes préservent des prédateurs comme les chrysopes, qui neutralisent les pucerons très efficacement, dans des délais assez courts. Loin de sauver les agriculteurs, cet article produirait des effets exactement inverses.

M. Timothée Houssin (RN). Les apiculteurs de ma circonscription, qui sont installés à côté d’une sucrerie et entourés de champs de betteraves, disent tous que, la betterave ne fleurissant pas, les traitements qui lui sont appliqués ne leur créent pas de problèmes particuliers. En outre, la durée d’effet de ces produits a été divisée par cinquante en quelques années – l’acétamipride n’est évidemment pas une solution de long terme. Dans sa rédaction issue du Sénat, le texte prévoit qu’un décret, pris à titre exceptionnel, peut autoriser l’utilisation de ces produits. Ces derniers ne seraient donc employés que de façon marginale, lors de crises de grande ampleur – la dernière remontant à 2020. On sait qu’à court terme, ces produits seront probablement interdits à l’échelle européenne, ce qui ne fera plus subir à notre filière sucrière la concurrence déloyale de nos voisins. Il faut laisser à nos agriculteurs, à titre exceptionnel, la possibilité de faire survivre la filière en attendant, d’une part que les progrès accomplis leur permettent de se passer de ces traitements et, d’autre part, que l’on applique les mêmes règles partout en Europe. À défaut, vous mangerez demain du sucre étranger fabriqué dans de mauvaises conditions.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Monsieur Houssin, vous défendez le maintien de l’acétamipride sur le fondement d’arguments ineptes, au mépris de la santé humaine et de la préservation de l’environnement, notamment des pollinisateurs. Vous prétendez que l’on risque de consommer demain du sucre venu de je ne sais où alors que la moitié de la production française est exportée. Si j’ai bien compris, vous nous proposez un alignement par le bas, sur le plus sale et le moins cher. Vous entendez aligner nos règles environnementales et peut-être, aussi, la rémunération de nos agriculteurs sur celles de la Roumanie, où les revenus agricoles sont de l’ordre de 300 euros par mois. Il faut cesser de tenir des discours centrés sur la concurrence. Des alternatives existent, qu’il s’agisse de la noisette, des betteraves ou des asperges.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Les néonicotinoïdes sont présents dans nombre de nos foyers puisque les produits utilisés pour traiter les chiens et les chats contiennent de la perméthrine et de la tétraméthrine. Nos canapés sont également contaminés. Les enfants sont exposés à ces substances. Pourtant, voilà des sujets dont on n’entend jamais parler.

M. Pascal Lecamp (Dem). Nous devons revenir à notre rôle de législateurs, qui nous impose de légiférer sur des bases scientifiques. Avec Hubert Ott, nous avons rencontré, au cours des quinze derniers jours, des représentants de l’Anses, de l’Inrae, des dix-neuf instituts techniques agricoles et de l’Institut de l’élevage, pour ne citer que nos principaux interlocuteurs. La conclusion de ce travail de fond est qu’il faut protéger l’Anses et lui laisser la main, comme la loi et la réglementation actuelles le lui permettent, pour décider des autorisations, des interdictions, voire des dérogations. Il est essentiel que nous votions contre cet article.

M. Marcellin Nadeau (GDR). Le Rassemblement national est prompt à nous dire que les outre-mer, c’est la France. Pourtant, le sucre, à ses yeux, ne serait pas français s’il venait de La Réunion : il y a là une contradiction que je voulais souligner.

M. Nicolas Thierry (EcoS). M. Houssin a déclaré que, comme la betterave ne fleurit pas, les traitements qui lui sont appliqués ne poseraient pas de problème aux abeilles. Cette affirmation est battue en brèche par l’ensemble des agences scientifiques. L’empoisonnement des pollinisateurs et des insectes ne se fait pas uniquement par les betteraves traitées car les autres plantes sont contaminées par les sols, qui sont pollués pour plusieurs années. C’est bien d’écouter les habitants de sa circonscription mais c’est encore mieux de lire les rapports scientifiques et de ne pas museler les agences sanitaires.

Madame Brulebois, je vous informe que Mme Batho a déposé un amendement sur les insecticides domestiques qui répond à votre préoccupation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis choquée par le fait que certains défendent la filière de la betterave ou de la noisette sans se préoccuper des autres productions alors que les néonicotinoïdes mettent en difficulté la filière apicole, ainsi que celles des fruits et légumes et des céréales, pour ce qui concerne le sarrasin. Pour obtenir un bon rendement en sarrasin, par exemple, il faut avoir deux ruches à l’hectare. Pour produire des courgettes, des fraises, des tomates commercialisables, il faut de la pollinisation. En 2018, année au cours de laquelle de nombreuses ruches ont disparu, j’ai subi une perte de rendement considérable sur mon exploitation. On ne peut pas se focaliser sur la filière de la betterave qui, d’ailleurs, nous mène par le bout du nez. Depuis 2016, en effet, les betteraviers savaient qu’on allait interdire les néonicotinoïdes ; ils n’ont rien fait pendant quatre ans puis, en 2019 et en 2020, ils nous ont demandé de leur accorder des dérogations – personnellement, je m’étais opposée à ces mesures. Ils nous ont dit qu’ils allaient trouver des solutions en trois ans. Le travail engagé arrive à son terme. L’État a été à leurs côtés pour les aider à trouver des alternatives, et cela a porté ses fruits. Je suis défavorable à la réintroduction, à titre dérogatoire, de l’acétamipride, et appelle donc à la suppression de l’article.

La commission adopte les amendements, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 2.

En conséquence, les autres amendements portant sur l’article tombent.

Article 2 bis (nouveau) : Rejet de l’autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide lorsqu’il est composé d’une substance active non approuvée pour la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique

Amendement CD33 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Des substances interdites dans les pesticides – je pense aux néonicotinoïdes mais aussi à un certain nombre de pyréthrinoïdes – continuent d’être autorisées pour d’autres usages, par exemple dans les insecticides domestiques. L’Anses nous a alertés à de nombreuses reprises sur cette voie de contamination et ses conséquences pour la santé humaine. En attendant que le processus législatif européen aboutisse – ce qui prendra du temps –, il nous faut adopter des règles pour nous prémunir contre ces dangers.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Article 2 ter (nouveau) : Instauration d’une zone tampon autour des espaces scolaires et parascolaires et des établissements de santé

Amendement CD294 de M. Loïc Prud’homme

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Une étude parue fin 2024 dans le Journal européen d’épidémiologie a tenté d’établir une corrélation entre les zones d’utilisation des pesticides et les cas de cancer du pancréas. Pour ce faire, les auteurs ont croisé les données de l’assurance maladie et les chiffres des ventes de pesticides par commune, ce qui leur a permis de mettre en évidence un lien significatif entre la répartition des cancers et l’utilisation des pesticides. Au sein du Nouveau Front populaire, nous préconisons, à l’instar de nombreux collectifs et associations luttant contre ces cancers, la création d’une zone tampon s’étendant sur une surface de 200 mètres autour des lieux d’habitation et des zones clés comme les centres hospitaliers et les établissements de santé.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à l’établissement de distances minimales, qui ne me paraît pas être la solution pour lutter contre les pesticides. Il me semble préférable d’agir en faveur de la transition agricole. Les pesticides étant très volatils, je doute de l’impact de la distance, qu’elle soit de 20 mètres, comme le prévoit l’arrêté de 2019, ou de 200 mètres. En outre, d’un point de vue technique, je ne vois pas comment les exploitants pourraient appliquer une telle mesure.

M. Jean-Michel Brard (HOR). Mieux vaut s’efforcer d’améliorer l’usage qui est fait des pesticides et tendre vers leur abandon que de chercher des mesures palliatives qui ne résoudront pas le problème et derrière lesquelles l’agriculteur s’abritera.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 quater (nouveau) : Rétablissement des expérimentations d’épandage par drone pour les fortes pentes, les bananeraies et les vignes-mères de porte-greffes conduites au sol

Amendement CD493 de la rapporteure pour avis

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à poursuivre les expérimentations, autorisées par la loi Egalim, sur l’épandage de pesticides par drone sur les types de parcelles et les cultures pour lesquelles ce type d’épandage a été autorisé par la loi n° 2025-365 du 23 avril 2025 – à laquelle j’étais défavorable. En effet, l’Anses estime qu’il n’y a pas eu suffisamment d’expérimentations. La généralisation de l’épandage par drone me paraît prématurée.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je soutiens cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 2

Amendement CD449 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). Cet amendement vise à permettre la réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride jusqu’en 2027, en attendant que le plan national de recherche et d’innovation (PNRI) porte ses fruits.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Article 2 quinquies (nouveau) : Possibilité pour les parcs et réserves d’interdire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans leur territoire

Amendement CD34 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit de permettre aux territoires classés, tels que les parcs nationaux et les réserves naturelles, d’interdire l’utilisation de pesticides dans leur périmètre.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cette disposition imposerait des restrictions excessives aux agriculteurs qui se trouvent dans ces zones et serait source d’insécurité juridique pour les exploitants agricoles à cheval sur plusieurs territoires. En outre, cela pourrait conduire à des mosaïques réglementaires locales. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 sexies (nouveau) : Instauration d’un taux plancher pour la taxe sur les produits phytopharmaceutiques vendus sur le territoire français

Amendement CD265 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (EcoS). La très lucrative industrie phytopharmaceutique devrait assumer une partie des conséquences de la pollution aux pesticides. Le coût des traitements liés à la pollution de l’eau potable par les pesticides est estimé entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros par an – l’imprécision s’expliquant par le fait que le gouvernement n’a pas jugé utile d’actualiser le chiffre depuis une dizaine d’années. Alors que les fabricants engrangent des profits monumentaux sur le dos de nos ressources naturelles et de notre santé, leur contribution, au titre de la taxe sur les produits phytosanitaires, est dérisoire puisqu’elle ne représente que 0,9 % de leur chiffre d’affaires annuel. La loi permettrait de porter le taux à 3,5 % du chiffre d’affaires, mais le gouvernement s’y refuse – ce qui illustre les intérêts qu’il défend. Appliquant le principe du pollueur-payeur, cet amendement vise à inverser la logique actuelle en faisant du plafond un plancher d’imposition – le taux de 3,5 % demeurant toutefois très faible eu égard au coût de la dépollution. L’argent devrait évidemment servir à accompagner la transformation agroécologique.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Notre commission avait voté cet amendement lors de l’examen de la proposition de loi visant à protéger durablement la qualité de l’eau potable. Par cohérence, je vous propose de l’adopter à nouveau.

M. Jean-Michel Brard (HOR). Je suis très favorable à cet amendement. Lorsqu’on organise des réunions sur la qualité de l’eau, agriculteurs et collectivités répondent présent, mais ce n’est jamais le cas des prescripteurs. Ces derniers passent entre toutes les mailles. Ils doivent être reconnus comme pollueurs.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 2

Amendement CD454 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). Cet amendement, qui avait été adopté en commission spéciale, au Sénat, avant d’être supprimé en séance, vise à charger l’Anses de contribuer à encourager l’innovation – laquelle est essentielle pour trouver des alternatives aux pesticides, aux engrais chimiques et aux produits à risque – en favorisant la souveraineté technologique et agricole dans le but de répondre au défi du changement climatique. Il s’agit de ne pas cantonner cette agence à un rôle de gendarme sanitaire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. À mon sens, le rôle que vous souhaitez conférer à l’Anses relève plutôt de l’Inrae. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 septies (nouveau) : Renforcement des missions de l’Anses pour organiser et superviser les essais évaluant l’impact des produits réglementés

Amendement CD295 de M. Loïc Prud’homme

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Afin d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché d’une formulation, des sociétés telles que Bayer commandent des études à des laboratoires, opèrent un tri pour ne conserver que les résultats les plus favorables et présentent ces derniers dans un dossier qu’elles soumettent à l’Anses. Or cette agence n’a pas les moyens de réaliser les contre-expertises scientifiques nécessaires, notamment pour vérifier la toxicité de long terme. En outre, des conflits d’intérêts ont été mis au jour dans des affaires traitées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Aussi proposons-nous que les entreprises pétitionnaires fournissent les produits à l’Anses, qui aurait la responsabilité d’organiser et de superviser la réalisation des diverses études, notamment de toxicité – à court et à long terme – par des laboratoires indépendants qu’elle choisirait, aux frais des demandeurs. L’agence analyserait ensuite ces études avant de décider de délivrer ou non l’autorisation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à cet amendement. En effet, la procédure d’évaluation des produits phytosanitaires est définie par des règlements européens. L’Anses n’a pas à superviser les essais mais à tenir compte des « éléments d’incertitude obtenus pendant l’évaluation ». Sur son site internet, l’Anses précise qu’elle commence par vérifier la validité scientifique des données fournies par les industriels et leur conformité aux exigences réglementaires. Votre proposition contribuerait en outre à accroître la charge de travail de l’agence.

M. Benoît Biteau (EcoS). La procédure d’autorisation de mise sur le marché des pesticides s’articule en deux étapes : une évaluation à l’échelon européen et la confirmation de l’AMM par chaque agence nationale. Cela étant, le directeur général de l’Efsa, que j’ai auditionné à deux reprises lorsque j’étais député européen, a rapporté l’existence de biais dans les dossiers des pétitionnaires, ce qui rejoint le constat dressé par Loïc Prud’homme. On ne peut pas donc pas considérer que le travail réalisé au niveau européen constitue une garantie. Il me semblerait très pertinent qu’au moins à l’échelon national, une évaluation indépendante des molécules soit réalisée.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Madame la rapporteure, vous affirmez que les dossiers seraient vérifiés par l’Efsa mais on ne compte plus les articles qui montrent qu’un grand nombre d’études académiques sont écartées sur le fondement de critères parfaitement opaques. Les dossiers d’homologation des matières actives, à l’échelon européen comme au niveau national, comportent dès lors un nombre réduit d’études, triées sur le volet par les pétitionnaires. L’Efsa comme l’Anses opèrent des vérifications à partir d’un dossier largement biaisé.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avez-vous demandé à l’Anses ce qu’elle pensait de votre proposition ?

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Je discute depuis de nombreuses années avec l’Anses. Tout ce qui peut contribuer à renforcer la confiance des citoyens, des filières et des personnes ayant affaire à l’Anses étant bon à prendre, je ne doute pas que l’agence serait favorable à cette façon de procéder. Je vais prendre son attache au sujet d’une proposition de loi que je vais déposer à ce sujet, ce qui permettra de mettre en lumière le fait que l’agence est désireuse de sortir de la situation actuelle. Elle est en effet tenue de se prononcer sur des dossiers de pétitionnaires au sujet desquels elle n’a pas les moyens de réaliser des contre‑expertises. Elle est obligée de rendre des avis qui sont souvent sujets à caution.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 2

Amendement CD450 de M. Timothée Houssin

M. Timothée Houssin (RN). Il vise à introduire un mécanisme permettant au ministre de l’agriculture ou à celui de l’économie de solliciter le comité de suivi des autorisations de mise sur le marché afin de réévaluer une autorisation lorsqu’un risque avéré de distorsion de concurrence avec un autre État membre de l’Union européenne est identifié, ou lorsque des risques de pénalités pour le marché français sont avérés.

Nous ne pouvons laisser nos agriculteurs exposés à une concurrence déloyale, non seulement avec le reste du monde, comme nous l’avons montré hier en votant des amendements visant à empêcher l’importation d’aliments cultivés avec des produits interdits dans l’Union européenne, mais aussi avec les autres pays européens.

Nous sommes bien seuls à défendre cette position, contrairement aux discours de la Macronie et des Républicains. Ce texte, initialement défendu par le groupe Les Républicains du Sénat, avait fait l’objet d’un consensus avec le gouvernement. Il a été pourtant entièrement démantelé dans notre commission avec les voix des députés macronistes. Quant aux députés du groupe Droite républicaine (DR), ils n’ont jamais été plus de deux à participer à nos débats ! Lorsque les amendements de suppression de l’article 2 ont été adoptés, non seulement les députés du groupe RN étaient les seuls à s’y opposer, mais l’un des deux députés du groupe DR a voté pour ! Les agriculteurs et les membres des syndicats agricoles qui nous regardent pourront constater qu’il ne reste plus rien du texte du sénateur Duplomb.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement vise à rétablir les dispositions prévues à l’article 2, dans leur lettre comme dans leur esprit.

Par ailleurs, permettez-moi de rappeler que nous avons adopté hier un amendement relatif à la lutte contre la concurrence déloyale, ajoutant au texte un titre avant le titre 1er.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 octies (nouveau) : Instauration d’une liste nationale de contrôle des métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine

Amendement CD264 de M. Jean-Claude Raux et sous-amendement CD46 de la rapporteure pour avis

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Toutes celles et ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la qualité de l’eau potable s’accordent sur une évidence : on ne trouve que ce qu’on cherche. Pour protéger notre santé contre les risques avérés induits par les pesticides, encore faut-il en avoir connaissance. Bien que l’ampleur de la contamination de l’eau que nous buvons soit loin d’être connue, nous savons néanmoins qu’en 2023, 17 millions de personnes en France ont bu une eau contaminée aux pesticides.

Selon une étude intitulée « Métabolites de pesticides, Générations futures dévoile la partie immergée de l’iceberg », 71 % des métabolites présentant un risque de contamination des eaux souterraines ne font l’objet d’aucune surveillance. Si 200 molécules environ sont étudiées en France, de grandes disparités existent entre les départements. Pour y remédier, cet amendement vise à créer une liste nationale de contrôle de la présence de métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine, établie après avis conforme de l’Anses. Cette mesure permettra de renforcer les contrôles et d’agir en connaissance de cause pour garantir une eau courante de qualité dans l’ensemble du territoire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Mon sous-amendement vise à mettre l’amendement en cohérence avec l’article 2 de la proposition de loi de M. Jean-Claude Raux, adoptée par notre commission en février 2025.

Avis favorable sur l’amendement CD264 sous réserve de l’adoption du sous‑amendement.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Article 2 nonies (nouveau) : Instauration d’une signalétique pour toute denrée alimentaire ayant été cultivée avec un traitement phytopharmaceutique

Amendement CD446 de Mme Julie Ozenne

Mme Julie Ozenne (EcoS). Il est urgent de soustraire les agriculteurs et les consommateurs aux effets des pesticides. Si le groupe Écologiste et social encourage une sortie totale des pesticides, il propose avec cet amendement une mesure plus modérée : rendre obligatoire un simple marquage sur l’emballage des denrées alimentaires contenant des produits agricoles cultivés à l’aide de pesticides. C’est une question de transparence à l’égard des consommateurs, afin d’éclairer leur choix.

Au vu des effets des pesticides sur la santé humaine et l’environnement, il n’est plus acceptable que des produits agricoles non biologiques apparaissent comme neutres aux yeux des consommateurs ; ils ne sont neutres ni pour l’environnement ni pour leur santé et celle des agriculteurs. De plus, un tel étiquetage renforcerait l’attractivité des produits biologiques et l’activité de leurs producteurs.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Cette proposition présente un intérêt certain pour améliorer la prise de conscience des consommateurs. Toutefois, tous les produits phytosanitaires n’ont pas les mêmes effets sur la santé humaine ; sans précision sur la nature du pesticide et la quantité utilisée, il me semble difficile de connaître l’impact réel du produit. Par ailleurs, ces produits sont autorisés par l’Anses. Enfin, cette mesure pourrait constituer une entrave à la libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne et serait contraire aux règlements européens sur l’information des consommateurs.

Ajouter un étiquetage supplémentaire risquerait aussi de brouiller les informations ; les consommateurs disposent déjà de l’information nécessaire et savent que les produits labellisés AB sont issus de cultures n’utilisant pas de pesticide.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 decies (nouveau) : Demande de rapport sur l’émission de Pfas liée à l’utilisation de pesticides

Amendement CD114 de M. Nicolas Thierry

M. Nicolas Thierry (EcoS). Cet amendement vise à demander au gouvernement de nous remettre un rapport sur les pesticides contenant des substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS) ou qui en libèrent par le biais de leurs métabolites.

Dans cette commission, nous avons souvent parlé des polluants éternels ; nous connaissons la gravité de la situation sanitaire. Leur présence dans quelques dizaines de pesticides différents est désormais identifiée comme une source significative de pollution par les PFAS, notamment l’acide trifluoroacétique (TFA), un polluant éternel à chaîne courte – le plus petit des PFAS. Les autorités allemandes ont proposé à l’Agence européenne des produits chimiques (AEPC) de classer le TFA comme toxique pour la reproduction ; sa présence inquiétante dans nos fleuves s’explique par la présence de PFAS dans certains pesticides.

J’ai conscience que les demandes de rapport sont bien souvent accueillies avec réserve, mais il me semble vital que le gouvernement considère l’urgence de la situation et éclaire au plus vite le Parlement grâce à un rapport analysant objectivement la situation.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je ne suis pas particulièrement adepte des demandes de rapport, mais celui-ci me semble très pertinent. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 2

Amendement CD334 de M. David Magnier

M. David Magnier (RN). Cet amendement vise à corriger une injustice qui frappe nos agriculteurs. Les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous : nos exploitants respectent des normes strictes interdisant certaines substances phytopharmaceutiques, que leurs concurrents en Europe et ailleurs ont le droit d’utiliser, souvent sans aucune justification agronomique, environnementale ou sanitaire.

Nos agriculteurs, déjà sous pression, se battent à armes inégales face à des importations bénéficiant de conditions et de normes beaucoup plus souples, ce qui crée une distorsion de concurrence insupportable. Leur compétitivité en souffre, leur viabilité économique est menacée et c’est toute la filière agricole française qui vacille.

Avec cet amendement, nous demandons la remise d’un rapport clair et précis dressant un état des lieux des différents régimes d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques dans les pays partenaires de la France, afin d’identifier les substances actives interdites en France mais autorisées dans ces pays. Ce rapport nous permettra de mesurer l’impact de cette situation sur la compétitivité des exploitations agricoles françaises.

Parce qu’il est primordial de proposer des solutions concrètes aux agriculteurs pour ne pas affecter leur compétitivité, ce rapport formulera des propositions à court terme, dont l’utilité et la faisabilité seront étudiées – la reconnaissance mutuelle des autorisations ou l’accélération des équivalences, par exemple. Il proposera également des solutions à plus long terme.

Adoptons cet amendement et donnons à nos agriculteurs les moyens de se battre à armes égales ; c’est une question de justice et de souveraineté alimentaire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Le gouvernement a engagé deux actions pour évaluer les molécules interdites en France mais autorisées dans d’autres pays – membres de l’Union européenne ou non : le plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada) et le comité des solutions créé par Agnès Pannier-Runacher.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 undecies (nouveau) : Demande de rapport sur les actions menées au niveau européen par le gouvernement en vue d’une interdiction des néonicotinoïdes

Amendement CD403 de Mme Constance de Pélichy

Mme Constance de Pélichy (LIOT). L’attractivité et l’équilibre économique des filières agricoles, tout comme les questions environnementales, se jouent essentiellement à l’échelle européenne.

Nous venons de supprimer l’article 2, confortant l’interdiction de l’usage des néonicotinoïdes. Afin d’assurer à nos agriculteurs une pleine compétitivité tout en permettant à la recherche d’avancer, nous devons faire preuve de cohérence et promouvoir les mêmes décisions au sein de l’Union européenne. Par cet amendement, nous demandons au gouvernement de remettre au Parlement un rapport présentant les actions menées au niveau européen pour négocier une interdiction des néonicotinoïdes.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis favorable. Il me semble tout à fait pertinent de connaître les actions menées par le gouvernement au niveau européen pour interdire les néonicotinoïdes, en particulier l’acétamipride qui sera réévalué en 2033.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je comprends l’intention de cette demande de rapport, mais celui-ci ne me semble pas indispensable puisque nous disposons déjà de ces informations. Elles éclaireront d’ailleurs les débats lors de l’examen de ce texte en commission des affaires économiques et en séance publique.

La France a fait le nécessaire pour interdire l’acétamipride et le flupyradifurone à l’échelle européenne, mais l’Autorité européenne de sécurité des aliments a décidé d’écarter une partie de la littérature scientifique fournie par la France. Le gouvernement devra d’ailleurs nous expliquer pourquoi après avoir apporté à l’Union européenne les preuves scientifiques de la toxicité de l’acétamipride, il propose d’en autoriser l’usage en France.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Compte tenu de ces informations, demande de retrait.

Mme Constance de Pélichy (LIOT). J’entends les arguments apportés par Mme Batho, mais je maintiens l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

TITRE II – SIMPLIFIER L’ACTIVITÉ DES ÉLEVEURS

Article 3 : Allègement de la procédure d’enquête publique des projets soumis à autorisation environnementale ; relèvement des seuils au-delà desquels des projets d’élevage sont soumis à autorisation

Amendements identiques de suppression CD9 de M. Lisa Belluco, CD197 de Mme Chantal Jourdan, CD296 de Mme Mathilde Hignet et CD416 de M. Marcellin Nadeau

M. Benoît Biteau (EcoS). L’article 3 vise à supprimer les différents contrôles encadrant le développement de l’élevage industriel et des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

On ne peut vanter, la main sur le cœur, la qualité de son élevage reposant sur des systèmes herbagés et connectés avec la nature, tout en facilitant le développement d’élevages industriels, qui piétinent les concepts de bien-être animal et de qualité. Dans le cadre des accords de libre-échange, on refuse d’importer des animaux élevés en feed-lots – des parcs d’engraissement , mais on voudrait ouvrir les vannes du développement de l’élevage industriel. La réglementation sur les ICPE joue le rôle de garde-fous contre l’industrialisation de l’élevage. Les élevages sous ICPE représentent 3 % du secteur en France. Nous devons maintenir ce pourcentage, afin d’éviter que les élevages industriels ne se multiplient au cours des prochaines années.

La souveraineté alimentaire est souvent mise en exergue pour justifier le développement de ces élevages, mais de quelle souveraineté est-il question ? Ces élevages produiront des œufs et de la viande de piètre qualité, qui auront nécessité l’importation de grandes quantités de soja depuis l’autre bout de la planète et participé à la déforestation de la forêt amazonienne, alors même que nous dénonçons les accords de libre-échange avec le Mercosur, Je ne comprends pas cette vision étriquée de la souveraineté, qui rejette une approche globale et systémique.

Dans les zones où sont regroupés les élevages ICPE se concentrent également les atteintes à l’environnement : les algues vertes en Bretagne, la pollution des cours d’eau évoquée par Jean-Claude Raux, etc. Les coûts externalisés de l’intensification de l’élevage, considérables, sont couverts par des fonds publics.

On ne peut continuer à convoquer l’excellence gastronomique de nos produits – la gastronomie française a été inscrite au patrimoine immatériel de l’humanité – et vanter les mérites de l’élevage industriel, qui échapperait aux contraintes de la réglementation des ICPE. C’est pourquoi cet amendement vise à supprimer l’article 3.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Nous souhaitons supprimer cet article, qui remet en cause le principe de concertation au cours de la phase d’instruction d’une demande d’autorisation environnementale et qui souhaite assouplir les règles concernant l’élevage.

Nous avons besoin de clarté et de transparence : chaque nouveau projet doit faire l’objet de réunions publiques, au cours desquelles les parties prenantes peuvent s’exprimer et partager des informations. La suppression des démarches de concertation, en rompant le dialogue dont nous avons particulièrement besoin actuellement, serait préjudiciable à la démocratie.

L’avenir appartient non pas à une agriculture industrielle et à la concentration des élevages, mais à des modèles de polyculture et d’élevage extensif.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Rien ne va dans l’article 3, qui vise la réduction de la participation du public et faciliterait, grâce à la modification des seuils relatifs aux ICPE, la création, l’extension et le regroupement des élevages. L’adopter contribuerait à décupler les tensions entre les citoyens et le monde agricole.

Cet article s’oppose à la défense d’une agriculture familiale à taille humaine que nous prônons. Son objectif est clairement énoncé dans le rapport sénatorial : « L’assouplissement et l’encadrement des procédures environnementales sont une revendication centrale pour certaines filières d'élevage. »

M. Marcellin Nadeau (GDR). Nous souhaitons également la suppression de cet article qui vise à assouplir le régime applicable aux ICPE. Il risque de porter à nouveau atteinte au principe de non-régression du droit de l’environnement en excluant les activités d’élevage du cadre applicable aux autorisations environnementales et en permettant d’alléger l’enquête publique. En supprimant les deux réunions publiques obligatoires, il revient sur l’un des éléments clés de la loi relative à l’industrie verte en matière de démocratie environnementale.

Ce n’est pas en édulcorant la consultation du public que l’on améliorera l’acceptabilité des projets ou que l’on trouvera un remède à la décapitalisation des cheptels. Les causes de ces problèmes sont à trouver ailleurs, notamment dans la rémunération du travail paysan.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. L’article n’aura pas pour conséquence la suppression des ICPE ; il prône un allègement des contraintes, en faisant passer 1 300 élevages de la catégorie nécessitant une autorisation à celle nécessitant un simple enregistrement.

Parler d’élevages industriels, au regard de ce qui est pratiqué dans d’autres pays, me met mal à l’aise, bien que je ne sois pas particulièrement favorable à ce modèle agricole.

S’agissant de l’organisation des réunions publiques d’ouverture et de clôture de la consultation, je suis favorable à l’amendement CD406 du groupe LIOT, qui vise à limiter cette mesure aux ICPE d’élevage.

Avis défavorable sur ces amendements de suppression.

M. Hubert Ott (Dem). La rédaction de l’article 3 qui nous est proposée, après que l’esprit initial en a été modifié par les sénateurs en séance publique, revêt un caractère malsain.

Ce qui ne concernait à l’origine que les ICPE d’élevage s’appliquerait à l’ensemble des projets soumis à autorisation environnementale, c’est-à-dire une grande variété d’installations : des entrepôts logistiques, des parcs éoliens, des sites de stockage de liquides inflammables, des fonderies, des usines, des ateliers d’incinérateur, des méthaniseurs, des carrières, des centres de traitement de déchets, etc. Ce glissement est inacceptable.

Je ne participerai pas au vote, parce qu’on ne sait tout simplement pas de quoi il est question ; c’est tout à la fois désinvolte et dangereux.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet article montre toute l’hypocrisie de ce texte, dont les promoteurs prétendent qu’il défendrait une agriculture familiale, alors qu’il favorise en réalité le modèle agro-industriel. L’élevage français, en particulier, est considéré comme n’étant plus compétitif ni rentable. Au lieu de le protéger, cet article vise à promouvoir le modèle international, qui est moins-disant.

Une véritable réflexion permettrait de dégager des solutions pour protéger les élevages de porcs et de volaille et assurer notre souveraineté en la matière. À l’inverse, les normes de l’agro-industrie leur sont appliquées, entraînant la fermeture des élevages de plein air. La semaine dernière, un éleveur porcin m’a ainsi raconté avoir dépensé 150 000 euros pour adapter son exploitation depuis l’entrée en vigueur des normes de biosécurité en 2019, alors que ces travaux n’ont aucun sens pour un élevage en plein air.

De plus, supprimer les zones humides, revient à faire disparaître les prairies humides adaptées à un modèle d’élevage bovin ; neuf éleveurs sur dix, dans notre pays, ont des troupeaux de moins de cent vaches, alors qu’une autorisation pour les ICPE n’est nécessaire qu’à compter de 800 bovins !

Les modèles que ce texte de loi vise à développer sont défendus par l’agro-industrie et ses filières, qui accaparent des centaines d’hectares pour implanter des exploitations qui n’ont plus rien de paysannes !

M. Benoît Biteau (EcoS). J’entends vos arguments, madame la rapporteure, et je connais un peu vos convictions. Permettez-moi d’appeler votre attention sur un paradoxe : tout en vantant les mérites d’un mode d’élevage paysan, tourné vers les espaces naturels auxquels il rend d’ailleurs des services, on prétend être contrarié par l’application de contrôles plus étroits à des exploitations qui s’éloignent de ce mode.

Vous avez vous-même rappelé que seules 1 300 exploitations sont concernées. Il ne s’agit pas de les interdire, mais simplement de mieux les contrôler, parce qu’on a constaté qu’elles produisent des externalités négatives. Assouplir la réglementation risque de menacer sérieusement l’élevage que nous voulons continuer à promouvoir sur notre territoire.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Monsieur Ott, vos remarques sont tout à fait pertinentes. Comme je l’ai indiqué, je suis favorable à l’amendement CD406 de Mme Constance de Pélichy visant à restreindre la portée de l’article 3 aux seuls ICPE relatifs à l’élevage.

Monsieur Biteau, les élevages doivent effectivement faire l’objet de contrôles ; la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) continuera de s’en charger. L’article 3 porte uniquement sur des installations et des agrandissements d’ICPE.

La commission adopte les amendements, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 3.

En conséquence, les autres amendements portant sur l’article tombent.

TITRE IV – MIEUX ACCOMPAGNER LES CONTRÔLES ET DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES AUX SUITES LIÉES AUX INSPECTIONS ET CONTRÔLES EN MATIÈRE AGRICOLE

Article 7 : Macro-organismes utilisés dans le cadre de la lutte autocide

Amendement de suppression CD8 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Le texte renoue avec des logiques de fuite en avant, permettant l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés (OGM) dans le cadre de la lutte autocide. Plutôt que de se tourner vers les solutions basées sur la nature, on préfère encore une fois recourir au technosolutionnisme et jouer aux apprentis sorciers. Si les résultats de ces techniques peuvent être évalués rapidement, les dégâts collatéraux qu’elles causent sont souvent graves et méconnus. Nous souhaitons orienter le développement agricole vers des logiques plus agronomiques.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Je suis étonnée de votre amendement. La lutte autocide, validée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, fait partie intégrante des stratégies de biocontrôle et contribue à la réduction de l’utilisation des pesticides.

Mme Delphine Batho (EcoS). Cette solution, qui constitue une alternative positive à certains pesticides et insecticides, peut déjà être utilisée : l’Anses a validé une demande de la filière de la noisette relative à la technique de l’insecte stérile. À quoi sert l’article 7 s’il n’élargit pas le champ des autorisations ? Nous avons un doute sur son bien-fondé.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Jusqu’à présent, la loi autorisait la lutte biologique mais pas spécifiquement la technique de l’insecte stérile. L’article 7 apporte cette précision.

M. Benoît Biteau (EcoS). L’article 7 ne concerne pas uniquement la technique de l’insecte stérile, que nous ne remettons pas en question. Il va beaucoup plus loin et acte même une dérive, ouvrant la voie à des solutions basées sur les OGM dont la réglementation communautaire nous préservait depuis 2001.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Ne souhaitant pas la suppression de l’article, je vous propose de retirer votre amendement – à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Je serai en revanche favorable à vos amendements suivants.

La commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 7.

En conséquence, les amendements CD129, CD161, CD165 et CD220 de M. Benoît Biteau tombent.

Article 8 : Recours à une ordonnance pour améliorer l’action de l’État à l’encontre des propriétaires ne prenant pas les mesures de lutte contre les organismes nuisibles de quarantaine

Amendements de suppression CD6 de Mme Delphine Batho et CD324 de Mme Mathilde Hignet

Mme Delphine Batho (EcoS). Il n’est pas possible de réformer par voie d’ordonnance des dispositions aussi importantes que celles listées à l’article 8 – d’autant plus que, sur les thématiques de la présente proposition de loi, le gouvernement a réalisé un très mauvais travail légistique. Soit il sait ce qu’il veut faire, auquel cas il soumet au Parlement les dispositions qu’il propose ; soit il ne le sait pas et, dans ce cas, nous refusons de nous dessaisir de nos propres compétences.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). L’article 8 autoriserait le gouvernement à légiférer par ordonnance sur un sujet très important, celui des pesticides, qui ne fait l’unanimité ni au Parlement ni au sein de la population.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. J’entends vos arguments. Avis de sagesse.

La commission adopte les amendements, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 8.

Article 8 bis (nouveau) : Création d’un régime spécifique de référé à l’encontre d’une décision d’autorisation environnementale

Amendement CD341 de Mme Lisa Belluco

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Cet amendement modifierait le régime du référé suspension en créant un régime spécifique s’agissant des requêtes en annulation d’autorisation environnementale. Je comprends le souci des auteurs mais je vois mal notre commission modifier la procédure devant les tribunaux administratifs à l’occasion du présent texte.

La commission adopte l’amendement.

Article 8 ter (nouveau) : Délai dans lequel le juge administratif statue sur les recours à l’encontre d’une autorisation environnementale

Amendement CD343 de Mme Lisa Belluco

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

La commission adopte l’amendement.

Mme Sandrine Le Feur, rapporteure pour avis. Notre commission a réalisé un travail de fond très intéressant. Même si je conçois que vous ne soyez pas en accord avec l’ensemble des dispositions, j’aimerais que nous donnions un avis favorable à leur adoption, afin que notre travail puisse être transmis à la commission des affaires économiques.

Mme Delphine Batho (EcoS). Partageant cette préoccupation, le groupe Écologiste et social émettra un avis favorable. Celui-ci est en effet nécessaire pour que les articles sur lesquels nous avons été saisis au fond servent de base à la discussion en séance, et pour que ceux sur lesquels nous avons été saisis pour avis soient transmis à la commission des affaires économiques.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Même si nous n’avons pas réussi à transformer le plomb en or, nous sommes parvenus à limiter les dégâts ! Notre groupe donnera donc un avis favorable à l’adoption du texte.

M. Vincent Descoeur (DR). Le texte soumis à notre vote est très éloigné de la proposition de loi initiale. À titre personnel, je regrette la disparition de certains articles, en particulier de l’article 5 relatif à l’approvisionnement en eau et à son stockage. Le sujet devra être de nouveau débattu : compte tenu de la perspective du changement climatique, de la raréfaction de la ressource et de l’irrégularité des précipitations, il me semble coupable de ne pas poser ouvertement la question du stockage de l’eau.

Je regrette aussi que nous ayons émis, il y a quelques instants, un avis défavorable à l’adoption d’un article qui ne visait qu’à simplifier les procédures.

Il faut néanmoins laisser prospérer le texte, dans l’espoir que les articles attendus puissent y être réintégrés. La rédaction sur laquelle nous allons nous prononcer ne correspond absolument pas à ce qu’attendent les agriculteurs qui se sont manifestés il y a quelques mois. En ce qui me concerne, je m’abstiendrai.

M. Marcellin Nadeau (GDR). Notre groupe se félicite du travail effectué en commission et émettra un avis favorable à l’adoption du texte. Je suis soulagé que nous ayons supprimé les dispositions relatives à l’épandage par drone. Le fait que les Antilles soient empoisonnées pour des siècles devrait aider certains à prendre conscience de ce qu’est une agriculture productiviste et tournée essentiellement vers l’exportation.

M. Hubert Ott (Dem). Quelle que soit notre appartenance politique, nous souhaitons tous de bonne foi aider l’agriculture française dans toutes ses composantes. Nos agriculteurs ont besoin que nous soyons à leurs côtés pour revaloriser leur travail, respecter leur dignité et assurer la compétitivité de leur travail, au sens non seulement pécuniaire du terme mais aussi qualitatif. Dans ce domaine, la France a tout pour réussir.

Si le texte en est là où il est, c’est qu’il ne cherchait pas à opérer une synthèse. Le fait que la diversité des opinions de la population soit ici représentée est une chance pour notre pays, mais nous ne savons pas en tirer profit. C’est bien dommage.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Notre groupe émettra un avis favorable à l’adoption du texte tel que modifié. Nous approuvons la suppression de dispositions qui nous paraissaient dangereuses pour le modèle agricole mais aussi pour la santé végétale, animale et humaine.

Nous avons eu des débats très riches, au cours desquels se sont affrontées des visions différentes mais des solutions alternatives sont aussi apparues. Celles-ci doivent être mises en avant et ne demandent qu’à être accompagnées.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.

 

*

*     *

III.   liste des personnes auditionnées par mme sandrine le feur, rapporteurE pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

(par ordre chronologique)

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

Pr Benoit Vallet, directeur général

Mme Agathe Denéchère, directrice générale adjointe

Mme Charlotte Grastilleur, directrice générale déléguée en charge des produits règlementés

Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles

France Nature Environnement (FNE) *

Mme Laure Piolle, animatrice du réseau « Agriculture »

Mme Anna Cohen, chargée de mission du réseau « Agriculture »

Mme Morgane Piederrière, chargée de plaidoyer

Office français de la biodiversité (OFB)

M. Olivier Thibault, directeur général

Association Ramsar France

M. Bastien Coïc, directeur

Mme Frédérique Tuffnell, vice-présidente et ancienne députée de Charente-Maritime

M. Jean Jalbert, administrateur et directeur général de la Tour du Valat

M. Luc Barbier, administrateur

Direction générale de la santé (DGS) – Sous-direction de la prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation

Mme Adeline Croyere, sous-directrice

Mme Cécile Lemaitre, sous-directrice adjointe

Services du ministère de la transition écologique, de la biodiversité,
de la forêt, de la mer et de la pêche

– Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) – Direction de l’eau et de la biodiversité (DEB)

M. Damien Lamotte, adjoint à la directrice

– Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

M. Philippe Bodenez, chef du service « Santé, environnement et économie circulaire »

Services du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

– Direction des affaires juridiques (DAJ)

M. Guillaume de La Taille, directeur

Mme Vanessa Mendes, adjointe à la sous-directrice du droit des politiques agricoles

– Direction générale de l’alimentation (DGAL)

M. Olivier Prunaux, sous-directeur adjoint à la santé et à la protection des végétaux

Mme Petronille Delorme, cheffe du bureau adjointe des semences et des solutions alternatives

– Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE)

Mme Elodie Lematte, cheffe du service « Compétitivité et performance environnementale »

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

*

*     *

IV.   contributions écrites reçues PAR mme sandrine le feur, rapporteurE pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Irrigants de France

Chambres d’agriculture France *

Confédération paysanne *

Confédération française démocratique du travail (CFDT) Agri-Agro

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

 


([1])  Ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019 portant mise en cohérence des dispositions législatives des codes et lois avec celles du code de commerce dans leur rédaction résultant de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.

([2])  Ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l’indépendance des activités de conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques.

([3]) Voir rapport de la commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2023, p. 180.

([4])  Présentée en mai 2024, la stratégie dite « Écophyto 2030 » fixe l’objectif de réduire de 50 % l’utilisation et les risques globaux des produits phytopharmaceutiques à l’horizon 2030 par rapport à la moyenne triennale 2011-2013. La stratégie Écophyto 2030 vise notamment à accélérer la recherche d’alternatives pour se préparer à la réduction du nombre de substances actives autorisées ainsi que le déploiement dans toutes les exploitations des solutions agroécologiques.

([5]) Article L. 254-10 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

([6])  Activités mentionnées aux 1° ou 2° du II ou au IV de l’article L. 254-1.

([7]) La rédaction actuelle est issue de l’article 1er de la loi n° 2025-136 du 15 février 2025 visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la mutualité sociale agricole.

([8]) Rapport de la commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2023, p. 182.

([9])  Conséquences de la séparation des activités de conseil et de vente de produits phytopharmaceutiques, CGAAER et CGEDD, octobre 2018.

([10])  Communication du 12 juillet 2023.

([11]) Réponses au questionnaire du rapporteur.

([12]) Ibid.

([13])  Les trieurs à façon exercent une activité de triage et de préparation de semences.

([14]) Réponses au questionnaire du rapporteur.

([15]) Article L. 254-6-4 du code rural et de la pêche maritime.

([16]) Il existe cinq types de Certiphyto : conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques ; mise en vente, vente et distribution à titre gratuit de produits phytopharmaceutiques ; utilisation des produits phytopharmaceutiques dans la catégorie décideur en entreprise soumise à agrément (DESA) ; utilisation des produits phytopharmaceutiques dans la catégorie décideur en entreprise non soumise à agrément (DENSA) ; utilisation des produits phytopharmaceutiques dans la catégorie opérateur (OPE).

([17]) Communication de MM. Dominique Potier et Stéphane Travert, au nom du groupe de travail de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale visant à dresser le bilan de la séparation des activités de vente et de conseil des produits phytopharmaceutiques, 12 juillet 2023.

([18]) Décrets n° 2024-326 du 9 avril 2024 et n° 2025-222 du 7 mars 2025.

([19]) Communication de MM. Dominique Potier et Stéphane Travert, au nom du groupe de travail de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale visant à dresser le bilan de la séparation des activités de vente et de conseil des produits phytopharmaceutiques, 12 juillet 2023.

([20]) Op. cit.

([21]) Réponses au questionnaire du rapporteur.

([22])  Voir le rapport fait au nom de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 27 novembre 2024 par M. Jean-Luc Fugit, sur la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés (n° 380)

([23]) L. W. Pisa, V. Amaral-Rogers et alii, « Effets des néonicotinoïdes et du fipronil sur les invertébrés noncible », Environmental Science and Pollution research, 22, 68-102 (2015). F. Sanchez-Bayo, L. Belzunces, & J.M Bonmatin (2017), « Lethal and sublethal effects, and incomplete clearance of ingested imidacloprid in honey bees (Apis mellifera) », Ecotoxicology, 26 (9), 1199-1206, 2017.

([24]) F. Millot, A. Decors et alii, « Field evidence of bird poisonings by imidacloprid-treated seeds : a review ofincidents reported by the French SAGIR networkfrom 1995 to 2014 », Environmental Science and Pollution research (2016).

([25]) . Sánchez-Bayo, K. Goka, & D. Hayasaka « Contamination of the Aquatic Environment with Neonicotinoids and its Implication for Ecosystems », Frontiers in Environmental Science, 4 (71), 2016.

([26]) A. Jones, P. Harrington, & G. Turnbull « Neonicotinoid concentrations in arable soils after seed treatment applications in preceding years » Pest Management Science, 70 (12), 1780-1784, 2014.

([27]) Efsa « Statement on the toxicological proprerties and maximum residue level of acetamprid and its metabolites », Efsa journal, adopté en mars 2024, disponible en ligne sur : https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.2903/j.efsa.2024.8759

([28]) Anses, « Phytopharmacovigilance : Alerte issue de la veille scientifique relative à l’effet de l’exposition aux pyréthrinoïdes lors de la grossesse sur le neurodéveloppement des enfants à un an », février 2025, disponible en ligne sur : https://www.anses.fr/sites/default/files/PPV-2022-VIG-0256.pdf

([29])  Réponses de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) au questionnaire du rapporteur.

([30]) M. Laurent Guillot, « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », janvier 2022.

([31])  Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), « Nomenclature relative aux activités agricoles ».

([32]) Réponses au questionnaire du rapporteur.

([33]) Contribution écrite transmise par la FNSEA au rapporteur.

 

([34]) Réponses écrites au questionnaire du rapporteur.

([35]) Contribution écrite transmise par la FNSEA au rapporteur.

([36]) Directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, qui reprend et codifie les dispositions de la directive 85/337/CEE.

([37]) Réponses de la DGPR au questionnaire du rapporteur.

([38]) L’article 47 de la loi n° 2025-268 du 24 mars 2025 d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture prévoit ainsi que le principe de non-régression environnementale ne s’oppose pas, en ce qui concerne les chiens de protection de troupeau, à la modification de la nomenclature ICPE.

([39]) Voir par exemple CE, 30 décembre 2020, Associations One Voice et France Nature environnement, n° 426528.

([40]) OFB, Banque nationale des prélèvements quantitatifs en eau (volumes prélevés) ; EDF (données de consommation d'eau pour les centrales électriques) ; Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement (taux de rendement des réseaux de distribution d'eau potable). Traitements : SDES, 2024.

([41]) Carluer N., Babut M., Belliard J., Bernez I., Leblanc B., Burger-Leenhardt D., Dorioz J.M., Douez O., Dufour S., Grimaldi S., Habets F., Le Bissonnais Y., Molénat J., Rollet A.J., Rosset V., Sauvage S., Usseglio-Polatera P., 2017. Impact cumulé des retenues d’eau sur le milieu aquatique. Expertise scientifique collective (Irstea). Agence française pour la biodiversité – Collection Comprendre pour agir.

([42]) ibid.

([43]) Paul Bernard, 1994 - De l’évaluation des politiques publiques. Les zones humides : rapport de l’instance d’évaluation. https://www.zones-humides.org/sites/default/files/a9r8.tmp_.pdf

([44]) Giersbergen, Q. et al. (2024) Identifying hotspots of greenhouse gas emissions from drained peatlands in the European Union.

([45]) https://sig.reseau-zones-humides.org/

([46]) Paul Bernard, 1994 - De l’évaluation des politiques publiques. Les zones humides : rapport de l’instance d’évaluation https://www.zones-humides.org/sites/default/files/a9r8.tmp_.pdf

([47]) Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires 

([48]) https://www.strategie.gouv.fr/files/2025-01/fs-2024-na_136_enjeux_et_usages_de_leau_avril.pdf

([49]) https://www.inrae.fr/sites/default/files/projetexplore2-synthese_final.pdf 

[50]https://www.bulletin-officiel.developpement-durable.gouv.fr/documents/Bulletinofficiel-0024505/met_20100017_0100_0025.pdf;jsessionid=EB0489E2037816C58D90B86D173436E3

([51]) https://agriculture.gouv.fr/analyses-hydrologie-milieux-usages-climat-dans-le-bassin-loire-bretagne-retour-dexperience-sur-leur 

([52]) Rapport (n° 1902) sur la proposition de loi (n° 1766) de Mme Clémence Guetté et plusieurs de ses collègues visant à instaurer un moratoire sur le déploiement des méga-bassines, déposé le 22 novembre 2023.

([53]) Décret n° 2023-876 du 13 septembre 2023 relatif à la coordination en matière de politique de l’eau et de la nature et de lutte contre les atteintes environnementales.

([54]) Instruction du Gouvernement du 2 janvier 2024 relative à la stratégie des contrôles en matière de police de l’eau et de la nature (SNCPEN).

([55]) Décret n° 2023-876 du 13 septembre 2023 relatif à la coordination en matière de politique de l’eau et de la nature et de lutte contre les atteintes environnementales.

([56]) Circulaire n° 6462-SG du Premier ministre relative à la mise en place du contrôle unique dans les exploitations agricoles, 4 novembre 2024.

([57]) Le Monde, 29 juin 2024, « À l’Office français de la biodiversité, des “flics verts” abandonnés en rase campagne ».

([58]) Rapport d’information n° 777 (2023-2024) de M. Jean Bacci relatif à l’évaluation de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l’Office français de la biodiversité (OFB), modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement, 25 septembre 2024.

([59]) Proposition de loi n° 108 rectifié (2024-2025) de MM. Laurent Duplomb, Franck Menonville et plusieurs de leurs collègues visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, Sénat, 1er novembre 2024.

([60]) Rapport n° 185 (2024-2025) de M. Pierre Cuypers sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, Sénat, 4 décembre 2024.

([61]) Amendement n° COM-35 de M. Pierre Cuypers, rapporteur.

([62]) Rapport n° 185 (2024-2025) de M. Pierre Cuypers sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, Sénat, 4 décembre 2024.

([63]) Sous-amendement n° COM-26 de M. Laurent Duplomb, sénateur.

([64]) Rapport n° 185 (2024-2025) de M. Pierre Cuypers sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, Sénat, 4 décembre 2024.

([65]) Amendement n° 98 du Gouvernement.

([66]) Amendement n° 100 du Gouvernement.

([67]) Amendement n° 99 du Gouvernement.

([68]) Amendement n° 109 de M. Pierre Cuypers.

([69]) Amendement n° 101 du Gouvernement.

([70]) Amendements n° CD133 de M. Richard Ramos et CD315 de Mme Mathilde Hignet (LFI)

([71]) Amendement n° CD323 de Mme Mathilde Hignet (LFI)

([72]) Amendement n° CD187 de Mme Chantal Jourdan (SOC)

([73]) Amendement n° CD186 de Mme Chantal Jourdan (SOC)

([74]) Amendement n° CD121 de Mme Marie Pochon.

([75]) Amendement n° CD225 de Mme Marie Pochon.

([76]) Dans le cadre du projet AttracTIS Ecophyto 2023-2025, le centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) de La Réunion a demandé, sur le fondement de l’article L. 258‑1 du code rural et de la pêche maritime, une autorisation d’introduction dans l’environnement d’une souche stérilisée de Bacterocera dorsalis.

([77])  Articles L. 250-9 à 251-20 du CRPM.

([78]) Articles R. 251-41 et R. 251-41-1 du CRPM.

([79]) Règlement (UE) 2021/2117 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 modifiant les règlements (UE) 1308/2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits agricoles, (UE) 1151/2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, (UE) 251/2014 concernant la définition, la description, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des produits vinicoles aromatisés et (UE) 228/2013 portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union

([80]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([81]) Ordonnance n° 2019-1110 du 30 octobre 2019 portant adaptation du livre II du code rural et de la pêche maritime au droit de l’Union européenne.

([82]) Ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l’indépendance des activités de conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques.

([83]) Loi n° 2025-136 du 15 février 2025 visant à adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la mutualité sociale agricole.

([84]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-economiques/missions-de-la-commission/gt-bilan-vente-conseil-produits-phytopharmaceutiques

([85]) Réponses du ministère de l’agriculture et de la souveraineté agricole au questionnaire de la rapporteure pour avis.

([86]) Ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l’indépendance des activités de conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (article 1).

([87]) Ordonnance n° 2019-1110 du 30 octobre 2019 portant adaptation du livre II du code rural et de la pêche maritime au droit de l’Union européenne (article 4).

([88]) Défini au II de l’article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime.

([89]) Définis à l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime.

([90]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-economiques/missions-de-la-commission/gt-bilan-vente-conseil-produits-phytopharmaceutiques

([91]) Décret n° 2023-1277 du 26 décembre 2023 relatif au renouvellement du certificat individuel prévu par le II de l’article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime.

([92]) Décret n° 2024-326 du 9 avril 2024 prorogeant d’un an la durée de validité du certificat individuel prévu par le II de l’article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime.

([93]) Ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l’indépendance des activités de conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (article 1er).

([94]) Ordonnance n° 2019-361 du 24 avril 2019 relative à l’indépendance des activités de conseil à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et au dispositif de certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (article 2).

([95]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (article 88).

([96]) https://alim.agriculture.gouv.fr/cepp/content/ap_dispositif

([97]) Arrêté du 9 mai 2017 modifié définissant les actions standardisées d’économie de produits phytopharmaceutiques (versions consolidées disponibles au lien suivant : https://alim.agriculture.gouv.fr/cepp/content/ap_fiches_action)

([98]) Décret n° 2023-1276 du 26 décembre 2023 relatif à l’application du dispositif des certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques pour la période 2024-2025.

([99]) Réponses du ministère de l’agriculture et de la souveraineté agricole au questionnaire.

([100]) Définis à l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime.

([101]) Définis respectivement par les articles 22 et 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

([102]) Règlement d’exécution (UE) 2023/564 de la Commission du 10 mars 2023 en ce qui concerne le contenu et le format des registres des produits phytopharmaceutiques tenus par les utilisateurs professionnels en application du règlement (CE) 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil

([103]) https://igedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/Affaires-0010434/011624-01_rapport-et-annexes_publies.pdf

([104]) Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

([105]) Règlement (UE) n° 546/2011 de la Commission du 10 juin 2011 portant application du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques.

([106]) Loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (article 51).

([107]https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/cns_ppl_duplomb_point_de_vigilance_cns_250325_revu_ok_er_fiche_030425.pdf

([108]https://www.anses.fr/fr/content/evaluation-des-produits-phytopharmaceutiques-avant-mise-sur-le-marche

([109]) Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (article 31).

([110]) Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

([111]) Note d’appui scientifique et technique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relative à « l’expérimentation de l’utilisation de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques » : https://www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2022AST0026.pdf

([112]) Loi n° 2025-365 du 23 avril 2025 visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés.

([113]) Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

([114]) Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

([115]) Règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 de la Commission du 25 mai 2011 portant application du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, en ce qui concerne la liste des substances actives approuvées.

([116]) Règlement d’exécution (UE) 2018/113 de la Commission du 24 janvier 2018 renouvelant l’approbation de la substance active « acétamipride » conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 de la Commission.

([117]) Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

([118]) Arrêté du 5 février 2021 autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam.

([119]) Arrêté du 31 janvier 2022 autorisant provisoirement l’emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam et précisant les cultures qui peuvent être semées, plantées ou replantées au titre des campagnes suivantes.

([120]) J. Fischer, T. Müller, A.-K. Spatz, et al., « Neonicotinoids Interfere with Specific Components of Navigation in Honeybees », PLOS ONE, 9, Public Library of Science, 2014.

([121]) S. Leenhardt, L. Mamy, et al., Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques, Synthèse du rapport d’ESCo, Inrae – Ifremer, 2022, p. 5.

([122]) G. Ichikawa, J.-M. Bonmatin, et al., « LC-ESI/MS/MS analysis of neonicotinoids in urine of very low birth weight infants at birth », 2019.

([123]) Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

([124]) Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

([125]) Réponses de l’Anses au questionnaire de la rapporteure pour avis.

([126]) Réponses du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire au questionnaire.

([127]) Réponses du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire au questionnaire.

([128]) https://www.anses.fr/fr/system/files/Avis2025-1-CDPCI_Enjeuxdeontologiques-associes-calendrier-modalites-diffusion-resultats-differents-types-productions-Anses.pdf

([129]) Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

([130]) Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable

([131]) Au sens de l’article 47 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

([132]) Tels que mentionnés à l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime et figurant sur la liste mentionnée au IV de l’article L. 253-7 du même code.

([133]) Règlement (UE) 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides

([134]) Règlement (CE) 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil

([135]) Arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques et modifiant l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime

([136]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([137]) Règlement (UE) 546/2011 de la Commission du 10 juin 2011 portant application du règlement (CE) 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques

([138]) Anses, Évaluation des produits phytopharmaceutiques avant mise sur le marché, 2022

([139]) Directive (UE) n° 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinée à la consommation humaine

([140]) https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2023/11/pesticides-pfas-finale.pdf

([141]) Laurent Guillot, « Simplifier et accélérer les implantations d’activités économiques en France », janvier 2022.

([142]) Nicolas Ris, Nicolas Borowiec, Alexandre Bout, Allan Debelle, Simon Fellous, Anne Le Ralec, Laura Moquet, Jean-Claude Ogier, Nicolas-Olivier Rode, Louise Van Oudenhove et Xavier Fauvergue : Biocontrôle et macro-organismes : panorama – Inrae, 2022.

([143]) L’Anses a par exemple publié un avis le 20 octobre 2023 portant sur la lutte contre la mouche orientale des fruits, à la demande du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), afin de mieux protéger les mangues, goyaves, papayes, avocats et agrumes.