N° 721

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 février 2018

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

 

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1),

sur le viol,

PAR

Mme Sophie Auconie et Mme MariePierre Rixain,

Députées.

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(1) La composition de la Délégation figure au verso de la présente page.

 


La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Marie-Pierre Rixain, présidente ; Mme Marie‑Noëlle Battistel, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cabaré, Mme Fiona Lazaar, vice-présidents ; Mme Isabelle Florennes, Mme Sophie Panonacle, secrétaires ; Mme Emmanuelle Anthoine ; Mme Sophie Auconie ; M. Erwan Balanant ; Mme Valérie Beauvais ; Mme Huguette Bello ; Mme Céline Calvez ; M. Luc Carvounas ; Mme Annie Chapelier ; Mme Bérangère Couillard ; Mme Virginie Duby-Muller ; Mme Pascale Fontenel-Personne ; Mme Laurence Gayte ; Mme Annie Genevard ; M. Guillaume Gouffier-Cha ; Mme Nadia Hai ; M. Yves Jégo ; Mme Sonia Krimi ; M. Mustapha Laabid ; Mme Nicole Le Peih ; Mme Jacqueline Maquet ; Mme Cécile Muschotti ; M. Mickaël Nogal ; Mme Bénédicte Peyrol ; Mme Josy Poueyto ; Mme Isabelle Rauch ; Mme Laëtitia Romeiro Dias ; Mme Bénédicte Taurine ; Mme Laurence Trastour‑Isnart ; M. Stéphane Viry.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

SynthÈse des propositions

PREMIÈRE PARTIE : UN ÉTAT DES LIEUX ALARMANT appelant À RENFORCER LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES

I. LE VIOL, UN CRIME ENCORE TROP RÉPANDU DANS UN CONTEXTE DE BANALISATION DES VIOLENCES SEXUELLES

A. LES VIOLS EN FRANCE, UNE RÉALITÉ MASSIVE AUX CONSÉQUENCES DRAMATIQUES

1. Une réalité massive historiquement ancrée

2. Le viol, un crime destructeur, dont les conséquences sont parfois mal connues ou reconnues

B. LA « CULTURE DU VIOL », UN PHÉNOMÈNE DE BANALISATION DES VIOLENCES SEXUELLES

1. La « culture du viol », un élément de tolérance vis-à-vis des violences sexistes et sexuelles

2. La nécessaire approche globale du continuum des violences faites aux femmes

II. PLUSIEURS PISTES D’AMÉLIORATION pour METTRE FIN À LA « CULTURE DU VIOL » ET MIEUX PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES

A. METTRE FIN À LA « CULTURE DU VIOL » : UNE ÉTAPE NÉCESSAIRE POUR RÉDUIRE L’AMPLEUR DES CRIMES DE VIOL

1. Sensibiliser la société à la réalité des crimes de viol

2. Développer l’éducation à la sexualité et à l’égalité

3. Contrôler les images dégradantes des femmes

B. MIEUX ACCUEILLIR, PROTÉGER, ACCOMPAGNER Les victimes

1. Améliorer la détection des violences sexuelles

2. Perfectionner les modalités de prise en charge des victimes

DeuxiÈme PARTIE : FAIRE ÉVOLUER LE TRAITEMENT JUDICIAIRE DU VIOL POUR MIEUX CONDAMNER LES CRIMES SEXUELS

I. DES INTERROGATIONS SUR LA NÉCESSITÉ D’ADAPTER CERTAINES RÈGLES ET PRATIQUES AFIN D’AMÉLIORER LE TRAITEMENT JUDICIAIRE DES VIOLS

A. Le déclenchement de l’action pénale

1. Faciliter le dépôt de plainte

2. Améliorer le recueil des preuves et la prise en charge médicale en urgence

B. Le déroulement de la procédure judiciaire

1. Les étapes de l’enquête

2. Une procédure judiciaire douloureuse pour les victimes

II. Les questions particulières posées par les viols sur mineurs

A. les viols sur mineurs : DES SITUATIONS QUI DOIVENT ÊTRE MIEUX APPRÉHENDÉES

1. L’ampleur des violences sexuelles faites aux enfants

2. Le besoin d’une prise en charge adaptée

B. Adapter la LOI POUR MIEUX PROTÉGER LES MINEURS CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES

1. Allonger à trente ans le délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur mineurs

2. Consacrer le principe du non-consentement des mineurs à un acte sexuel avec un adulte

TRAVAUX DE LA dÉlÉgation

annexes

annexe 1 : Liste des personnes auditionnÉes par lA dÉlÉgation et par les RAPPORTEUREs

ANNEXE 2 : DÉplacements effectuÉs par les rapporteures

I. DÉplacement en rÉgion parisienne, le 11 janvier 2018

II. DÉplacement À Bordeaux, le 15 janvier 2018

III. DÉplacement À Stockholm, les 22 et 23 janvier 2018

IV. DÉplacement au siÈge de la police judiciaire de Paris, le 8 fÉvrier 2018

 


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introduction

 

Le viol, défini par l’article 222-23 du code pénal comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise », est un crime puni de quinze ans de réclusion criminelle, et de vingt ans dans certaines circonstances considérées comme aggravantes ([1]).

En France, les chiffres officiels de 2017 font état de 93 000 femmes victimes de viol ou tentative de viol sur l’année, soit 0,4 % de la population féminine, et 15 000 hommes victimes de viol ou tentative de viol, soit 0,07 % de la population masculine. Parmi ces victimes, 91 % connaissaient leur agresseur et 45 % desdits agresseurs étaient leur conjoint ou exconjoint. Pourtant, seulement 9 % des victimes portent plainte ([2]).

Face à ces constats, la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale a souhaité se saisir de ce sujet et a constitué la présente mission d’information lors de sa réunion du 14 novembre 2017. Vos Rapporteures ont voulu ouvrir largement leurs travaux afin de saisir l’ampleur de ces crimes de viol, d’identifier les difficultés à les dénoncer et d’apprécier les modalités de la prise en charge des victimes de viol et le traitement judiciaire des viols dénoncés.

La Délégation a entendu 29 personnes au cours de 10 réunions ([3]). Par ailleurs, vos Rapporteures ont également reçu ou rencontré au cours de leurs déplacements 54 personnes ([4]). Vos Rapporteures tiennent à remercier les personnes auditionnées pour leur disponibilité et la qualité de leurs contributions.

Au terme de leur réflexion, vos Rapporteures soulignent l’extrême gravité et s’inquiètent de l’ampleur inquiétante des viols en France. Ces crimes s’inscrivent dans un contexte plus large de violences faites aux femmes, mais aussi aux enfants, contre lesquelles de nombreuses mesures législatives et réglementaires ont déjà été prises, permettant des progrès certains, mais qu’il convient sans doute de compléter aujourd’hui.

Par ailleurs, leurs auditions et déplacements ont mis en avant les spécificités des crimes de viol qui sont en réalité très peu dénoncés, alors qu’ils peuvent avoir des conséquences extrêmement lourdes pour les victimes. Ces rencontres ont ainsi permis à vos Rapporteures de dresser un constat commun sur la nécessité d’améliorer la prise en charge de victimes, tant par les forces de l’ordre que sur le plan médical et social.

Vos Rapporteures considèrent qu’il est aujourd’hui primordial de mieux protéger et de mieux accompagner les victimes de viol. D’une part, elles veulent faciliter le dépôt de plainte, améliorer le recueil des preuves et la prise en charge médicale en urgence. D’autre part, il leur semble nécessaire de revoir le délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur mineur, d’insérer dans le code pénal le principe de non-consentement et d’établir deux limites d’âge très claires de treize et quinze ans.

 

 


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   SynthÈse des propositions

 

Recommandation n°1 : Élargir les connaissances statistiques sur les violences sexuelles en systématisant l’actualisation de ces données et en développant des enquêtes incluant les populations mineures ou de plus de 70 ans.

Recommandation n° 2 : Lancer une campagne nationale de grande ampleur pour sensibiliser la société contre le viol et les autres violences sexuelles, afin de faire connaître la réalité de ces crimes et délits, de faire reconnaître la situation des victimes et de réduire la tolérance sociale face à de tels crimes et délits.

Recommandation n° 3 : Renforcer la politique interministérielle d’éducation à la sexualité et s’assurer de l’effectivité de la mise en œuvre des séances d’éducation à la sexualité dans tous les établissements scolaires.

Recommandation n° 4 : Développer l’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre, d’une part, des enseignements moraux et civiques et, d’autre part, du nouveau service national universel.

Recommandation n° 5 : S’assurer que les sources d’information sur la sexualité, à destination des jeunes publics, notamment les sites Internet pédagogiques, comprennent des précisions sur ce qu’est le consentement à une relation sexuelle.

Recommandation n° 6 : Créer une mission sur l’industrie pornographique, afin de mieux cerner l’impact des images pornographiques, notamment sur les jeunes populations, et réfléchir aux modalités d’accès à la pornographie, notamment sur Internet.

Recommandation n° 7 : Mener une large réflexion pour mettre en place un contrôle des images publicitaires permettant de limiter la diffusion d’images dégradantes des femmes.

Recommandation n° 8 : Former l’ensemble des personnels de santé aux problématiques de violences sexuelles pour mieux détecter les victimes, notamment en élargissant l’enseignement sur ces thématiques dans la formation initiale des étudiants en médecine.

Recommandation n° 9 : Poursuivre l’effort engagé pour développer et renforcer la formation initiale et continue des agents des forces de l’ordre afin de garantir un meilleur accueil des victimes de violences sexuelles, de jour comme de nuit.

Recommandation n° 10 : Déployer dès 2018 dix unités spécialisées dans la prise en charge psycho-traumatique des victimes de violences sexuelles, proposant des consultations gratuites.

Recommandation n° 11 : Intégrer aux formations développées en application de l’article 51 de la loi du 4 août 2014 un focus spécialisé sur le viol et autres agressions sexuelles, en particulier à l’encontre des femmes en situation de handicap ou femmes migrantes, et actionner le levier des diplômes et examens pour s’assurer de l’effectivité de ces formations.

Recommandation n° 12 : Faciliter le dépôt de plainte pour viol et plus largement pour violences sexuelles :

− en réfléchissant à la possibilité d’un signalement à distance ;

− en permettant aux victimes de crimes plus anciens de fixer un rendez-vous avec un officier de police ou de gendarmerie spécialisé ;

− en mettant en place des systèmes de dépôt de plainte, ou a minima de pré-plainte dans d’autres cadres que le commissariat ou la gendarmerie, notamment associatifs et hospitaliers, par exemple dans les unités médico-judiciaires (UMJ).

Recommandation n° 13 : S’inspirer du modèle du centre d’accueil d’urgence des victimes d’agressions (CAUVA) de Bordeaux pour améliorer la prise en charge des victimes dans les UMJ et permettre le recueil de preuves sans dépôt de plainte.

Recommandation n° 14 : Procéder à une évaluation du maillage territorial par les UMJ et envisager si nécessaire la mise en place de nouvelles UMJ. Réfléchir au développement et à la généralisation d’un « kit » opérationnel permettant, pour les affaires de viol, de procéder aux observations et aux prélèvements médico-légaux en dehors des UMJ quand cela est nécessaire, en assurant la formation des personnels en charge de ces procédures.

Recommandation n° 15 : Comme cela est déjà le cas pour les victimes mineures, instaurer le recours systématique à l’audition filmée pour les victimes de viol majeures, afin de limiter la répétition du récit du crime subi.

Recommandation n° 16 : Privilégier la conduite des enquêtes pour viol par des enquêteurs spécialement formés sur ces problématiques.

Recommandation n° 17 : Améliorer la prise en charge psychologique et sociale des victimes de viol durant l’enquête préliminaire :

− en systématisant la mise en place d’un poste de psychologue dans l’ensemble des gendarmeries et commissariats, afin de garantir l’accompagnement de la victime dans ce cadre ;

− en développant le rôle des intervenants sociaux, en coopération avec les associations, auprès des personnels de gendarmerie et de police.

Recommandation n° 18 : Poursuivre les réflexions conduites dans ce rapport, afin de mesurer si ces constats et ces problématiques sont les mêmes partout en France, et particulièrement dans les zones rurales et les territoires d’Outre-mer.

Recommandation n° 19 : Mener une réflexion sur le déroulement de la procédure judiciaire en amont de l’instruction pour les affaires de viols et prévoir le cas échéant des mesures d’encadrement, par exemple en termes de délais ou de suivi.

Recommandation n° 20 : Développer et approfondir les formations initiales et continues à destination des magistrats et des avocats sur les violences sexuelles.

Recommandation n° 21 : Systématiser l’inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violences de toute condamnation pour viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle.

Recommandation n° 22 : Garantir une prise en charge spécialisée à toutes les étapes de la procédure judiciaire dans les cas de viol sur mineurs.

Recommandation n° 23 : Revoir le délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur les mineurs.

Recommandation n° 24 : Insérer dans le code pénal le principe de nonconsentement et établir deux limites d’âge à 13 et 15 ans.

Tout acte sexuel d’un majeur sur un mineur de 13 ans est une agression sexuelle aggravée et, en cas de pénétration, un viol.

Entre 13 et 15 ans, tout acte sexuel avec pénétration par un majeur est réputé non consenti.

 

 


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   PREMIÈRE PARTIE : UN ÉTAT DES LIEUX ALARMANT appelant À RENFORCER LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES

Crime défini par le code pénal, le viol est aujourd’hui encore un phénomène de grande ampleur qui touche massivement la population française puisque l’on estime à environ 100 000 le nombre de victimes majeures annuelles. Cette situation alarmante rend aujourd’hui urgente l’amélioration de la détection et de la prise en charge des victimes de viols et plus largement de violences sexuelles en France.

I.   LE VIOL, UN CRIME ENCORE TROP RÉPANDU DANS UN CONTEXTE DE BANALISATION DES VIOLENCES SEXUELLES

Le nombre de victimes de viol ou de tentative de viol en France montre l’ampleur de ce crime aujourd’hui encore. Cette situation s’explique notamment par un contexte plus large de prévalence et de tolérance des violences faites aux femmes.

A.   LES VIOLS EN FRANCE, UNE RÉALITÉ MASSIVE AUX CONSÉQUENCES DRAMATIQUES

Réprimé par le code pénal depuis 1810, le viol n’a pas toujours été appréhendé de la même manière par la société française. Depuis les années 1980, une sensibilisation aux questions de violences faites aux femmes a conduit au développement des connaissances statistiques. Ces données montrent que ce crime reste aujourd’hui encore très répandu en France.

1.   Une réalité massive historiquement ancrée

Le viol, qui correspond aujourd’hui dans le langage courant à un rapport sexuel imposé à une personne sans son consentement, n’a pas toujours été aussi clairement défini et n’a pas toujours été perçu comme un crime.

Sur le plan historique, la notion a fait l’objet d’évolutions complexes qui se sont traduites dans le droit, révélant un changement conséquent d’appréhension par la société française.

« Au XVIIIe siècle, la femme n’est pas considérée comme un sujet à part entière avec le pouvoir de dire non à une sexualité imposée » ([5]) ; de fait, les viols, et autres violences physiques et sexuelles, y compris ceux commis par les membres de la famille ou par les conjoints, n’ont aucune existence légale. Selon les études menées sur cette thématique ([6]) des sanctions importantes pouvaient être prononcées non directement en raison du viol mais des circonstances dans lesquelles il était commis. Ainsi était souvent réprimé par une condamnation à mort le viol lorsqu’il s’accompagnait d’un crime sanglant, commis en public, dans des circonstances particulièrement violentes et avec plusieurs agresseurs impliqués.

L’historien Georges Vigarello montre que ce crime était en effet inclus dans un univers de répression de la violence physique, dans lequel les atteintes aux biens étaient considérées comme plus graves que les atteintes aux personnes. Faute de définition uniforme, la répression du viol était surtout fonction des circonstances. Associé à une violence physique, il est le plus souvent assimilé au « rapt » et ce crime entache le plus souvent les deux protagonistes, le violeur et la victime, de la même manière. Dans les cas où la femme victime d’un viol est mariée, il s’agit alors pour la société d’un adultère et la victime est vue comme coupable.

À la fin du XVIIIe siècle, la perception du viol évolue parallèlement à une progressive évolution des sensibilités sociales et sociétales. Les atteintes aux personnes sont de plus en plus dénoncées et apparaît alors la « figure monstrueuse et perverse du violeur ». Les crimes sur les personnes sont alors progressivement perçus comme plus graves que les atteintes aux biens, inversant la hiérarchie antérieure.

Le code pénal de 1810 introduit une section « attentats aux mœurs » : l’article 331 mentionne les crimes de viol et d’attentat à la pudeur, pour lesquels l’article 332 prévoit une peine aggravée si la victime est un enfant au-dessous de l’âge de quinze ans accomplis. Les crimes de viol et d’attentat à la pudeur n’y sont toutefois pas précisément définis ; c’est la jurisprudence qui va les qualifier progressivement, présentant le viol comme un acte de pénétration vaginale par un pénis perpétré avec violence. Les autres agressions sexuelles, y compris les autres types de pénétration, sont quant à elles qualifiées d’attentats à la pudeur.

Concernant plus spécifiquement les viols commis sur les enfants, l’historienne Anne-Claude Ambroise-Rendu explique que « les juges, suivant les médecins experts qui estiment que la disproportion entre les organes sexuels d’un adulte et ceux d’un enfant rend impossible l’intromission du membre viril en-deçà d’un certain âge, ont jusqu’à la fin du XIXe siècle tendance à ne retenir que le chef d’accusation d’attentat à la pudeur. Les actes de sodomie perpétrés sur des garçons ne peuvent pas non plus être pénalement qualifiés de viol. Dans la pratique pénale, le viol sur enfant n’existe donc pas ou quasiment pas en tant que tel entre 1810 et 1980 » ([7]).

Elle poursuit en rappelant que le crime de viol n’est pas défini précisément dans le code pénal, ce qui conduit à un réexamen systématique de la question de l’emploi de la violence lors de l’agression à chaque procès et fait de cet aspect le point central des condamnations.

La loi du 28 avril 1832 ([8]) marque un tournant dans cette conception des violences sexuelles en criminalisant les attentats à la pudeur sans violence contre les enfants : le crime sexuel peut ainsi être conçu sans violence. Par la suite, l’arrêt de la Cour de cassation Dubas de 1857 ([9]) introduit dans la jurisprudence les notions morales de contrainte et de surprise dans les cas de viol. La Cour de cassation estime alors que le viol se définit comme le fait d’abuser une personne contre sa volonté. La conception juridique du viol évolue par la suite progressivement au fil de la jurisprudence, mais sans révolution notable.

À la suite du procès connu comme le « procès d’Aix-en-Provence » ou le « procès du viol » de 1978, émerge une véritable prise de conscience sociétale de la gravité du crime de viol, qui conduit à une réflexion législative et à l’adoption de la loi du 23 décembre 1980 ([10]). Elle définit le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte ou surprise est un viol ». En 1994, le nouveau code pénal reprend cette définition à l’article 222‑23 en y ajoutant « la menace », désormais quatrième élément constitutif d’une situation de non-consentement. Cette définition est toujours en vigueur aujourd’hui.

Article 222-23 du code pénal

Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.

Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle.

L’inscription aux agendas gouvernementaux des enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes s’accentuant au fil des années 1980 et 1990, le sujet des violences sexistes et sexuelles est lui aussi au cœur de nombreuses réflexions. Lors de la quatrième Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes, qui a eu lieu à Pékin en septembre 1995, sont adoptés la déclaration et le programme d’action de Pékin marquant une avancée sans précédent pour les droits des femmes. La déclaration affirme l’engagement des 189 États membres signataires à « prévenir et éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles » ([11]).

Le programme d’action précise les mesures à prendre pour attendre les différents objectifs, incitant notamment les États signataires à « établir de meilleures statistiques ventilées par sexe et par tranche d’âge sur les victimes et les auteurs de toutes les formes de violence contre les femmes, comme la violence familiale, le harcèlement sexuel, le viol, l’inceste et les sévices sexuels, ainsi que la traite des femmes et des petites filles, y compris les violences commises par des agents de l’État » ([12]).

C’est dans ce contexte qu’est commandée en 1997 par le Secrétariat d’État aux droits des femmes la première enquête nationale sur les violences faites aux femmes, nommée l’enquête Enveff (enquête nationale sur les violences envers les femmes en France).

L’Enveff

Coordonnée par l’Institut de démographie de l’université Paris I, l’enquête a été réalisée par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs appartenant au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à l’Institut national des études démographiques (Ined), à l’Institut national de la santé et de la recherche (Inserm) et aux universités. Elle a été réalisée par téléphone de mars à juillet 2000, auprès d’un échantillon représentatif de 6 970 femmes âgées de 20 à 59 ans (1).

Afin de cerner le phénomène multiforme des violences sexistes et sexuelles, elle prenait en compte l’ensemble des violences envers les femmes d’âge adulte, quel qu’en soit l’auteur. L’objectif prioritaire de l’Enveff était la production de statistiques portant sur l’ensemble de la population.

Concernant les viols, les résultats de l’Enveff ont permis de mesurer la proportion des personnes ayant déclaré avoir subi un viol : cela concernait 0,3 % des femmes interrogées. Rapporté aux 15,9 millions de femmes âgées de 20 à 59 ans vivant en France métropolitaine (2), ce résultat permettait de déduire qu’environ 48 000 femmes âgées de 20 à 59 ans auraient été victimes de viol dans l’année.

En rapprochant cette estimation des chiffres des déclarations faites aux services de gendarmerie et police (7 828 viols en 1998, dont 3 350 concernaient des personnes majeures), les résultats de l’Enveff permettaient ainsi de déduire qu’environ 5 % des viols de femmes majeures faisaient l’objet d’une plainte.

(1)    À ce sujet, voir la revue Population & société n° 364 de janvier 2001, « Nommer et compter les violences envers les femmes : une première enquête nationale en France ».

(2)    Données issues du recensement de la population française de 1999.

Lors de son audition par la Délégation ([13]), Mme Maryse Jaspard, qui a conduit et coordonné l’Enveff, a souligné que le lancement de cette enquête a toutefois été extrêmement difficile ; d’après elle, le sujet des violences faites aux femmes était encore illégitime il y a vingt ans en France, suscitant même l’hostilité de certains membres de la communauté scientifique. Elle a également précisé que le sujet des violences sexuelles est difficile à cerner, car il s’agit d’un champs très vaste et très délicat à aborder avec les personnes interrogées. En outre il s’agit d’un phénomène difficile à mesurer, car il n’est parfois pas évident, pour les victimes, de qualifier ce qu’elles ont subi et de distinguer les différentes agressions sexuelles.

Cette enquête a néanmoins permis de mesurer l’ampleur des agressions sexuelles et l’ampleur de l’occultation de ces violences. Maryse Jaspard a indiqué que, lors de l’enquête, de très nombreuses victimes ont parlé pour la première fois des violences qu’elles avaient subies, la plupart de ces violences intervenant dans des cadres intimes et au sein de la vie de couple. Cette étude a également permis de nommer le viol dans l’espace conjugal, réalité alors impensable. L’Enveff représente donc une réelle avancée dans la compréhension de l’ampleur des violences sexuelles.

Cette avancée a eu des traductions législatives, notamment à travers la loi du 4 avril 2006 relative au renforcement de la prévention et de la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs ([14]), qui reconnaît et réprime le viol conjugal. Depuis cette loi, la présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l’intimité de la vie conjugale ne vaut que jusqu’à preuve du contraire ; c’est-à-dire qu’il ne s’agit que d’une présomption simple de consentement.

En 2009, la Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, créée en 2008 par la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale ([15]), recommande d’organiser une nouvelle enquête sur les violences faites aux femmes sur le modèle de l’Enveff. En 2011, la nouvelle Convention européenne pour l’élimination des violences faites aux femmes incite les États signataires, dont la France, à mesurer les violences liées aux rapports de genre et à mieux évaluer les conséquences sur les victimes.

Ces demandes ont été entendues avec le lancement en 2015 d’une nouvelle enquête sur les violences faites aux femmes : l’enquête « Violences et rapports de genre : contextes et conséquences des violences subies par les femmes et par les hommes » (Virage).

L’enquête Virage

« L’enquête VIRAGE se donne pour objectif de décrire [la] diversité [des violences]. La construction d’une typologie des violences permettra d’établir dans quelle mesure les violences subies par les personnes des deux sexes se ressemblent ou au contraire se distinguent. Une attention particulière sera portée à l’étude des trajectoires des victimes. L’opération de collecte des données de l’enquête Virage a eu lieu de février à novembre 2015 auprès d’un échantillon de 27 268 personnes (15 556 femmes et 11 712 hommes) âgés de 20 à 69 ans, résidant en France métropolitaine et vivant en ménage ordinaire. L’enquête sera aussi conduite dans les DOM auprès d’un échantillon spécifique à partir de 2016. Parallèlement à cette enquête par téléphone, trois autres ont été menées par internet auprès de publics spécifiques : les étudiants, les personnes ayant consulté le site internet d’une association d’aide aux victimes, les populations LGBT (lesbiennes, gaies, bi, trans) » (1).

Permettant d’explorer en détail les actes subis et de les rapprocher des catégories juridiques, l’enquête Virage a établi que « le nombre annuel de personnes de 20 à 69 ans victimes d’au moins un viol ou une tentative de viol est estimé en France à 62 000 femmes et 2 700 hommes. Parmi les personnes victimes, 27 600 femmes et 1 100 hommes cumulent au moins un viol et une tentative de viol. La liste des actes déclarés confirme la multiplicité des formes de viol ».

« Parmi celles qui ont subi des viols et tentatives de viol, 40 % les ont vécues dans l’enfance (avant 15 ans), 16 % pendant l’adolescence et 44 % après 18 ans. Les violences subies dans le cadre familial ou conjugal sont fréquemment répétées et peuvent se poursuivre pendant de longues périodes. En revanche, pour les hommes, les trois quarts des viols et tentatives de viol subis l’ont été avant 18 ans ».

« Globalement, c’est au sein de l’espace privé, c’est-à-dire dans les relations avec la famille, les proches, les conjoints et ex-conjoints, y compris les petits amis, que se produisent l’essentiel des viols et des tentatives de viols » (2).

(1)    https://virage.site.ined.fr/fr/enjeux/objectifs_enquete/ [URL consultée le 11 février 2018].

(2)    Source : Population & sociétés n° 538 de novembre 2016, « Viols et agressions sexuelles en France : premiers résultats de l’enquête Virage ».

Vos Rapporteures soulignent l’importance de la mise à jour régulière de ces données. Il semble nécessaire de mener régulièrement de telles enquêtes, par exemple tous les dix ans, afin de pouvoir comprendre les évolutions du nombre de violences sexuelles et leur perception par la population. Par ailleurs, il apparaît que ces enquêtes chiffrées excluent à tort les personnes mineures et les personnes âgées de plus de 70 ans.

Recommandation n°1 : Élargir les connaissances statistiques sur les violences sexuelles en systématisant l’actualisation de ces données et en développant des enquêtes incluant les populations mineures ou de plus de 70 ans.

La cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, Mme Hélène Furnon-Petrescu, auditionnée par la Délégation le 7 février 2018 ([16]), rappelait que les chiffres officiels de 2017 font état de 93 000 femmes victimes de viol ou tentative de viol sur l’année, soit 0,4 % de la population féminine, et 15 000 hommes victimes de viol ou tentative de viol, soit 0,07 % de la population masculine. Parmi ces victimes, 91 % connaissaient l’agresseur et 45 % des agresseurs étaient le conjoint ou ex-conjoint. Toutefois, seulement 9 % des victimes portent plainte ([17]).

Au-delà de ces données chiffrées, il convient de rappeler que la mesure des violences sexuelles est extrêmement délicate et sans doute encore imprécise. Le rapport mondial de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la violence et la santé explique en effet que, « habituellement, les données sur la violence sexuelle viennent de la police, du milieu clinique, d’organisations non gouvernementales, d’enquêtes et d’études. On peut considérer que ces sources ne permettent de voir que la partie émergée de l’iceberg qu’est le problème mondial de la violence sexuelle. La pointe visible représente les cas signalés à la police. Une partie plus importante peut être révélée par des enquêtes et autre recherche et par le travail des organisations non gouvernementales. Mais sous la surface, demeure une partie du problème importante, quoique non quantifiée » ([18]).

 

 

 

 

 

 

 

 

Le schéma suivant représente la diversité des situations et met en lumière les limites des données statistiques.

Violences sexuelles : l’ampleur du phénomène

Source : Organisation mondiale de la Santé, Rapport mondial sur la violence et la santé, p° 166.

2.   Le viol, un crime destructeur, dont les conséquences sont parfois mal connues ou reconnues

Les données chiffrées présentées précédemment et recueillies grâce aux auditions et à l’enquête de victimation de 2017 ([19]) permettent de prendre conscience de l’ampleur du crime de viol en France. Elles ne mettent cependant pas en évidence les conséquences dramatiques et plurielles de ce crime pour les victimes. Or, comme cela a été rappelé lors de la majeure partie des auditions conduites par vos Rapporteures, le viol est un crime destructeur.

Ce constat alarmant est fait par la plupart des associations travaillant auprès des victimes de violences sexuelles, comme le Collectif féministe contre le viol (CFCV), dont la présidente Mme Emmanuelle Piet a été entendue par la Délégation aux droits des femmes à deux reprises en novembre 2017 ([20]).

De nombreuses recherches et publications existent sur les conséquences psychologiques et physiologiques des violences sexuelles ; vos Rapporteures ont souhaité approfondir cette problématique afin d’établir un diagnostic sur les besoins actuels en matière de prise en charge médicale des victimes de viol. Elles ont, à cet effet, entendu plusieurs professionnels de santé spécialisés sur les problématiques de violences, notamment à travers deux tables rondes organisées les 16 et 18 janvier 2018 ([21]).

Selon son expérience professionnelle, ses parcours et son domaine de spécialité médicale, chacun d’entre eux a mis l’accent sur les différentes facettes des conséquences des violences sexuelles sur les victimes. Toutefois, le constat est unanime et partagé par vos Rapporteures : d’une part, ces conséquences sont extrêmement lourdes, tant par leur gravité que par leur diversité ; d’autre part, elles sont encore mal connues par la société et également par les professionnels, notamment dans les secteurs de la santé et des forces de sécurité.

Sans détailler les mécanismes médicaux à l’œuvre ni prétendre à l’exhaustivité, vos Rapporteures souhaitent néanmoins rappeler quelles sont les principales conséquences des viols, telles qu’elles ont été exposées lors des auditions menées. Les viols causent des dommages à la fois physiques et psychologiques.

Ils causent des dommages physiques immédiats, qui sont, en partie, fonction de la violence du crime. Lorsque la victime est un enfant, la pénétration imposée à un corps non encore pubère entraîne des dommages corporels d’autant plus graves.

Les viols causent également des dommages physiques sur le moyen et le long terme. Le Dr Gilles Lazimi, médecin généraliste et membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), comme la Dr Muriel Salmona, psychiatre, fondatrice de l’association Mémoire traumatique et victimologie, ont insisté sur l’aspect protéiforme des conséquences des violences sexuelles. Au-delà des dommages physiologiques que peut causer un viol, notamment lorsqu’il est réitéré ou accompagné de violences physiques, il peut exister d’autres conséquences physiologiques comme des troubles immunitaires, gynécologiques, gastro-entérologiques, allergiques, ou encore cardiovasculaires.

En outre une agression sexuelle, et a fortiori un viol, engendre de très nombreux dommages psychologiques, plus ou moins profonds et durables selon les circonstances et les individus.

S’appuyant sur les résultats de l’enquête sur l’impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte réalisée par l’association Mémoire traumatique et victimologie en 2015, avec le soutien de l’Unicef ([22]), la Dr Muriel Salmona a présenté plusieurs données chiffrées permettant de comprendre la gravité des conséquences des violences sexuelles qui sont « un problème de santé publique majeur » :

− 96 % des victimes interrogées dans ce cadre estiment que les violences sexuelles qu’elles ont subies ont « un impact sur leur santé mentale » et 60 % qu’elles ont « impact sur leur santé physique » ;

− 78 % des victimes déclarent avoir déjà eu des idées suicidaires et 42 % ont fait au moins une tentative de suicide ;

− 50 % des victimes ont développé des conduites addictives ;

− 50 % des victimes ont développé des troubles dépressifs répétés ;

− 50 % des victimes ont traversé au moins une période de grande précarité et de marginalisation, qui ont pu avoir ensuite de lourdes conséquences sociales et professionnelles.

De plus, lors de la table ronde du 18 janvier 2018, la Dr Carole Azuar, neurologue, a précisé les impacts des violences sexuelles sur le système cérébral, notamment sur les circuits émotionnels et sur la mémoire. Selon ses études, le stress d’une agression modifie le cortex frontal, c’est-à-dire la partie du cerveau qui participe à la prise de décision. Sur le moment même de l’agression, cela explique les réactions de sidération et de tétanie ; sur le long terme, le cortex frontal peut se modifie et modifier les réactions émotionnelles des victimes. En outre, l’agression a également un impact sur le lobe temporal duquel dépend la mémoire temporelle et spatiale. Le processus de mémoire est ainsi modifié et le souvenir n’est alors pas mobilisable normalement ; il réapparait le plus souvent de manière involontaire, en raison d’un stimulus sonore, visuel, olfactif ou autre.

À la lumière de ces différentes études et des éclairages apportés au cours des auditions, vos Rapporteures tiennent à souligner que l’ampleur des violences sexuelles et de leurs conséquences pour la santé physique et psychologique des victimes constitue un enjeu de santé publique de premier ordre.

B.   LA « CULTURE DU VIOL », UN PHÉNOMÈNE DE BANALISATION DES VIOLENCES SEXUELLES

Au-delà des éléments de constat, vos Rapporteures se sont penchées sur les éléments de contexte permettant d’expliquer l’ampleur des violences sexuelles, notamment la culture du viol et le continuum des violences faites aux femmes.

1.   La « culture du viol », un élément de tolérance vis-à-vis des violences sexistes et sexuelles

Lors de son discours du 25 novembre 2017, le Président de la République a souligné que la récente « libération de la parole » montre de la société qu’elle est « encore culturellement empreinte de sexisme, qu'elle est une société où dans nombre d'endroits et de lieux, il y a encore cette brutalité au quotidien, cette violence et que cette empreinte est loin d'être neutre ; par le rapport de domination qu'elle légitime, elle est à la source d'actes encore plus destructeurs et insupportables, comme précisément le harcèlement et les violences. Car le combat contre les violences qui sont l'expression la plus extrême et odieuse de la domination d'un sexe sur l'autre, c'est bien le combat pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines. » ([23]). C’est très précisément dans cette société encore inégalitaire que s’inscrit la « culture du viol ».

La seconde table ronde du colloque du 22 novembre 2017 ([24]), intitulée « Culture du viol : des violences sexuelles répandues et un sexisme banalisé dans les médias », a permis de mettre en évidence l’existence d’une telle « culture du viol » ou « culture du violeur » qui tend à minimiser l’importance des agressions sexistes et sexuelles.

À cette occasion, Mme Marlène Schiappa, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, est revenue avec précision sur cette notion. « Si les chiffres sur le viol sont connus et répétés – 93 000 en 2016 –, la réalité du viol est souvent masquée. La réalité, c’est le violeur, les conséquences du viol sur les victimes et sur l’ensemble de la société, les mécanismes de la culture du viol, ces mécanismes qui excusent, dédramatisent, légitiment, voire encouragent, érotisent ou parfois valorisent les rapports sexuels en l’absence de consentement. […] Car on déplore les viols sans accepter de les voir, et surtout sans en combattre les auteurs » ([25]).

Elle a en outre insisté sur l’importance du traitement médiatique des violences faites aux femmes. « Prenons pour exemple le traitement médiatique du viol. Il a ceci d’étonnant qu’il décrit toujours l’agresseur et la victime avec un champ lexical similaire. Dans le cadre des travaux de recherche pour ce livre, j’avais pris de nombreuses coupures de presse pour étudier la manière dont on parle des victimes de viols, et celle dont on parle des auteurs des viols. Il s’avère que pour la victime, nous trouvons souvent les mots : jeune, pauvre au sens de « à plaindre », seule, avec souvent un détail physique censé être accablant, du type : « blonde, elle avait les cheveux longs, elle était jolie ». Ces exemples viennent de faits qui se sont produits dans le métro à Lille, et à d’autres endroits. Nous trouvons également souvent : « elle avait souri », des mentions de sourire, de bonne humeur de la victime.

Le violeur, lui, a toujours une bonne excuse. J’avais retenu dans ces coupures de presse les excuses des violeurs. Par exemple : « Il avait bu », dans l’Indre ; « Il venait de se disputer avec son amie et il n’avait pas de travail », à Lille. Bref, elle, avant d’être une victime, était déjà marquée par une forme de sceau d’infamie. Et lui, avant d’être un agresseur, était déjà quelqu’un de bien, une forme de « gentleman violeur » qu’il allait redevenir après quelques heures de travaux d’intérêt général. Si bien que notre société est intrinsèquement pleine de victimes de viols, mais vide de ses violeurs » ([26]).

Cette déresponsabilisation de l’agresseur et responsabilisation de la victime participent directement à une forme de tolérance des violences sexuelles dans notre société. Cet environnement social et médiatique culpabilise les femmes victimes et ne les incite pas dénoncer les violences subies.

Par ailleurs, la diffusion d’images ou de messages machistes, réduisant les femmes à des objets sexuels participe également à cette culture de banalisation des violences sexuelles. L’association Les Chiennes de garde, représentée par sa présidente Mme Marie‑Noëlle Bas lors du colloque du 22 novembre 2017, dénonce ainsi régulièrement les publicités sexistes qui sont encore très nombreuses. Le récent rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) sur l’image des femmes dans la publicité télévisée ([27]) a montré que les deux-tiers des publicités présentant une sexualisation des personnages mettent en scène des femmes.

représentation d’une sexualisation des personnages féminins dans les publicités selon les catégories de produits

Source : Conseil supérieur de l’audiovisuel, Représentation des femmes dans les publicités télévisées, octobre 2017.

Ces éléments culturels sexistes sont omniprésents ; au-delà des publicités, on les retrouve également dans de nombreux films ou séries, dans des jeux vidéos, sur les plateaux d’émission de télévision grand public, etc. Lors du colloque du 22 novembre 2017, Lauren Bastide, représentante du collectif Prenons la Une, a par ailleurs insisté sur les pratiques médiatiques, notamment dans la présentation des problématiques ou affaires liées aux violences sexuelles : « les médias ont une responsabilité essentielle dans la diffusion de la culture du viol ». Ces différents éléments participent ainsi à une forme de dévalorisation des femmes et d’acceptation sociale des agressions, physiques ou verbales, dont elles sont victimes.

De la même manière, la tolérance vis-à-vis de comportements sexistes, allant des blagues douteuses aux agressions sexuelles, en passant par les discriminations professionnelles en raison du sexe ou encore le harcèlement de rue, conduit à banaliser les violences faites aux femmes, y compris les violences sexuelles.

2.   La nécessaire approche globale du continuum des violences faites aux femmes

Les violences faites aux femmes revêtent des formes multiples avec des degrés de gravité différents : violences conjugales qui peuvent être physiques, sexuelles, psychologiques, ou encore économiques ; harcèlement de rue ; agressions sexuelles ; viols ; prostitution ; mutilations génitales ; discriminations diverses en raison du sexe, etc. Les femmes peuvent subir ces différentes formes de violences dans toutes les sphères de la vie, sous toutes leurs formes et à tous les âges, c’est ce que l’on appelle le continuum des violences.

Depuis la Conférence de Pékin, l’enjeu de la lutte contre les violences faites aux femmes et de la prise en charge des victimes s’est imposé dans le champ de l’action publique. Cette priorité a par la suite été consacrée par la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d’Istanbul, qui a été adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 7 avril 2011. Cette convention est le premier instrument juridiquement contraignant qui fait référence à cette approche globale et prévoit des mesures spécifiques pour la prévention, la protection et la poursuite de toutes les formes de violence contre les femmes. La France a ratifié cette convention le 4 juillet 2014.

Cette dynamique est au cœur de l’action des pouvoirs publics français depuis le premier plan de lutte contre les violences faites aux femmes, lancé le 21 novembre 2007. Pour permettre à toutes les femmes victimes de violences, d’accéder à leurs droits - notamment celui d’être protégées et celui d’être accompagnées - et pour sortir des violences et les aider à se reconstruire, le 5e Plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes (2017-2019) ([28]) retient trois objectifs :

− assurer l’accès aux droits et sécuriser les dispositifs qui ont fait leurs preuves pour améliorer le parcours des femmes victimes de violences (violences conjugales, sexuelles, psychologiques, etc.) ;

− renforcer l’action publique là où les besoins sont les plus importants ;

− déraciner les violences et lutter contre le sexisme, qui banalise la culture des violences et du viol.

Au-delà de ce continuum des violences faites aux femmes, une autre spécificité de ces violences a été soulignée à plusieurs reprises lors des auditions : l’empilement des vulnérabilités. La Dr Muriel Salmona a ainsi expliqué que « les femmes handicapées subissent 10 à 12 % de plus de violences sexuelles » et que « 90 % des personnes présentant des troubles autistiques ont subi des violences sexuelles ».

En outre, comme l’a également affirmé Mme Emmanuelle Piet, d’après son expérience auprès des victimes, notamment en tant que présidente du Collectif féministe contre le viol, le premier facteur de risque d’être victime de violences sexuelles serait d’en avoir déjà subi. Revenant sur sa propre analyse, la Dr Muriel Salmona fait ce même constat inquiétant, qui ne peut qu’interpeller vos Rapporteures, et estime qu’environ « 70 % des victimes seront à nouveau victimes ». En outre, avoir été victime de violences peut aussi être un facteur de risque pour en commettre ultérieurement.

*

Les statistiques révèlent l’omniprésence des violences faites aux femmes et en particulier les violences sexistes et sexuelles qui sont souvent imbriquées et s’inscrivent dans un environnement sociétal et médiatique caractérisé par une forme de tolérance vis-à-vis des stéréotypes et violences sexistes. Cet état des lieux révèle aussi l’ampleur des crimes de viol en France : ce sont en tout 108 000 personnes majeures ([29]) , femmes et hommes confondus, qui sont victimes d’un viol ou d’une tentative de viol chaque année.

Malgré une politique de lutte contre les violences faites aux femmes qui met en œuvre de nombreuses mesures, il semble aujourd’hui nécessaire de lutter plus efficacement contre les violences sexuelles en général et contre les viols en particulier.

II.   PLUSIEURS PISTES D’AMÉLIORATION pour METTRE FIN À LA « CULTURE DU VIOL » ET MIEUX PRENDRE EN CHARGE LES VICTIMES

Les statistiques alarmantes et les nombreux témoignages et travaux soulignant l’existence aujourd’hui d’une « culture du viol » qui développe une forme de tolérance et de banalisation des violences faites aux femmes, y compris des violences sexuelles, rend nécessaire une réaction rapide et de grande ampleur pour remplacer cette « culture du viol » par une « culture de l’égalité » et pour assurer une amélioration rapide de la détection et de la prise en charge des victimes de violences sexuelles.

A.   METTRE FIN À LA « CULTURE DU VIOL » : UNE ÉTAPE NÉCESSAIRE POUR RÉDUIRE L’AMPLEUR DES CRIMES DE VIOL

Pour lutter contre un élément aussi diffus que la « culture du viol », plusieurs mesures doivent être prises pour sensibiliser la société à la réalité des crimes de viol, développer l’éducation à la sexualité et à l’égalité et contrôler les images dégradantes des femmes.

1.   Sensibiliser la société à la réalité des crimes de viol

La construction d’une société d’égalité entre les femmes et les hommes, éloignée de la « culture du viol », exempte de violences sexistes et fondée sur le respect mutuel dans l’ensemble des relations entre femmes et hommes, y compris dans la vie intime, est un véritable enjeu de politique publique.

Les auditions conduites par vos Rapporteures ont permis de constater que le viol renvoie à un imaginaire collectif déconnecté de la réalité de ce crime. Cet aspect a notamment été développé par Mme Emmanuelle Piet lors de son audition du 9 novembre 2017 par la Délégation ([30]). Pour elle, le viol n’est pas un crime commis dans un lieu désert et sordide pendant la nuit par un homme seul, fou et isolé. Insistant sur l’intentionnalité et la préméditation des agresseurs, elle affirme également que « le violeur n’est pas un type qui a une pulsion comme ça une fois. […] L’agresseur sexuel a une vraie stratégie, d’abord dans le choix de la victime ». Comme le montre le schéma ci‑après, les viols commis dans la rue, qui correspondent pourtant à la représentation mentale de ce crime, ne représentent que 8 % des agressions. De plus, et sans tenir compte des viols conjugaux qui sont aujourd’hui encore mal connus et comptabilisés, près de 80 % des viols sont commis dans l’espace privé : au domicile de la victime dans 53 % des cas ou au domicile de quelqu’un d’autre dans 25 % des cas ([31]).

Lieu de l’agression

Champ : individus de 18 à 75 ans ou plus de France métropolitaine, incident le plus récent dans l’année.

Lecture : en moyenne entre 2012 et 2016, 53 % des victimes de viol ou de tentative de viol en dehors du ménage déclarent que les faits se sont déroulés à leur domicile contre 21 % des victimes d’une agression sexuelle autre que le viol ou une tentative de viol.

Source : ministère de l’Intérieur, Rapport d’enquête « cadre de vie et sécurité » 2017.

Par ailleurs, la notion de consentement est souvent mal interprétée. Dans le cadre d’une relation intime, le consentement sexuel est l’accord qu’une personne donne volontairement au moment de participer à ladite activité. La différence entre un « oui » et un « non » peut sembler a priori évidente, mais plusieurs études révèlent des interprétations pour le moins inquiétantes.

En 2015, une enquête réalisée par l’institut IPSOS et l’association Mémoire traumatique et victimologie ([32]) a interrogé un panel représentatif de la population française majeure à propos des représentations sur le viol et les violences sexuelles. Il en ressort que :

− les personnes interrogées « considèrent très majoritairement que les hommes ont une sexualité plus « simple » que les femmes (66 %), mais aussi qu’il leur est plus difficile de maîtriser leur désir sexuel que ces dernières (63 %) » ;

− 25 % considèrent « que dans le domaine sexuel, les femmes ne sauraient pas vraiment ce qu’elles veulent par rapport aux hommes » ;

− près d’une personne interrogée sur cinq (19 %) considère que « lorsque l’on essaye d’avoir une relation sexuelle avec elles, beaucoup de femmes disent non mais ça veut dire oui ».

Ces représentations stéréotypées sur les violences sexuelles sont donc largement répandues, aussi bien chez les femmes que chez les hommes. En effet, elles sont par exemple 17 % à considérer qu’une femme peut vouloir dire « oui » quand elle dit « non » (contre 22 % d’hommes).

En outre, entre le oui et le non existe ce qui est souvent qualifié de « zone grise du consentement ». Vos rapporteures considèrent que cette notion ne doit pas être retenue : oui c’est oui ; non c’est non. Dès lors qu’il existe une réticence, le consentement n’est pas acquis et il n’existe pas de « zone grise ».

Cette notion a été très bien explicitée par une vidéo ([33]) réalisée par l’Espace santé étudiants (ESE) de l’université de Bordeaux et l’association Kedge Campus Bordeaux qui a été présentée à vos Rapporteures lors du déplacement à Bordeaux le 15 janvier 2018. Cette vidéo, qui fait défiler les réponses de différentes personnes, est structurée en deux parties : d’abord des réponses marquées et claires, soit « oui », soit « non » ; puis des réponses plus hésitantes, moins affirmées, voire des silences. Cette vidéo permet de souligner que lorsqu’une personne n’est pas à l’aise, lorsqu’un consentement n’est pas parfaitement volontaire, lorsqu’une personne ne dit rien, il ne s’agit tout simplement pas d’un consentement.

Cette « zone grise » est également au cœur du travail documentaire réalisé par Mme Delphine Dhilly, notamment dans son film Sexe sans consentement, dans lequel plusieurs témoignages permettent de comprendre la variété et la complexité des situations dans lesquelles un acte sexuel n’est finalement pas désiré. Il peut par exemple s’agir d’un moment où la relation est allée suffisamment loin pour que l’on n’ose plus dire non. Les représentantes de l’ESE de l’Université de Bordeaux ont souligné que pour de nombreux étudiants et étudiantes, il existe un stade à partir duquel on considère, à tort, qu’on ne peut plus changer d’avis au sujet d’une relation sexuelle. Ce point serait souvent atteint quand les deux personnes sont déjà dans une chambre par exemple.

De plus, d’après les données de l’enquête de 2015 sur les représentations ([34]), 21 % des personnes interrogées estiment, à tort, qu’il n’y a pas viol lorsqu’une personne cède quand on la force.

Ces représentations doivent être fermement dénoncées car totalement erronées et véhiculant une grave mésinterprétation de la notion de consentement. Contrairement à ce que ces témoignages laissent penser, le propre du consentement est qu’à tout moment une personne a le droit de dire non. Quelles que soient les circonstances, « céder » n’est pas « consentir ».

À travers une campagne de communication initiée par les étudiants via des affiches mettant en scène de jeunes couples, l’ESE de l’Université de Bordeaux a réussi à aborder cette notion et à en rappeler l’importance. La question du consentement y est aussi bien abordée dans le cadre des soirées étudiantes, dans celui des jeux de séduction ou encore au sein le couple, où le refus doit aussi être respecté. Ces affiches rappellent également que le consentement est volontaire, contextuel et temporaire.

Vos Rapporteures soulignent que cette méconnaissance de la notion de consentement et de la réalité des violences sexuelles est un obstacle fondamental à l’égalité entre les femmes et les hommes dans les relations intimes et nuit à la compréhension et à la reconnaissance des situations des victimes de viols. À ce sujet, elles formulent des recommandations sur la nécessité de développer des campagnes d’information de grande ampleur, sur le modèle des campagnes initiées par l’ESE de l’Université de Bordeaux. Cette recommandation figure également dans l’Avis du HCE pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles ([35]).

Recommandation n° 2 : Lancer une campagne nationale de grande ampleur pour sensibiliser la société contre le viol et les autres violences sexuelles, afin de faire connaître la réalité de ces crimes et délits, de faire reconnaître la situation des victimes et de réduire la tolérance sociale face à de tels crimes et délits.

2.   Développer l’éducation à la sexualité et à l’égalité

Le développement d’une réelle culture de l’égalité passe également par un apprentissage de l’égalité dès le plus jeune âge. Afin de prévenir les violences sexuelles, il apparaît nécessaire, aujourd’hui plus que jamais, de contrer les stéréotypes et préjugés sexistes par le biais d’une éducation à la sexualité.

Ainsi que le rappelle le HCE dans son rapport de juin 2016 ([36]), l’éducation à la sexualité est une manière d’aborder l’enseignement de la sexualité et des relations interpersonnelles en se fondant sur l’égalité des sexes et des sexualités, adaptée à l’âge, et assise sur des informations scientifiques, sans jugement de valeur.

La loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception ([37]) pose le cadre juridique de cet enseignement. Codifié à l’article L. 312-16 du code de l’éducation, son article 22 dispose qu’une « information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupe d’âge homogène » et que ces séances « contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain ». Une circulaire d’application en date du 17 février 2003 ([38]) vient préciser le dispositif et affirme de manière très positive que « l’éducation à la sexualité est inséparable des connaissances biologiques sur le développement du corps humain, mais elle intègre tout autant, sinon plus, une réflexion sur les dimensions psychologiques, affectives, sociales, culturelles ou éthiques ». Y est également affirmée pour la première fois la responsabilité de l’école en matière d’éducation à la sexualité « en complément du rôle de premier plan joué par les familles ».

Par ailleurs, l’article 19 de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées ([39]) a ajouté que « ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes ».

Enfin, la Convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif de février 2013 réaffirme que l’éducation à la sexualité est un moyen pour « renforcer l’éducation au respect mutuel et à l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes » ([40]).

Le cadre juridique est donc clair, mais le problème vient de l’application effective des obligations légales en matière d’éducation à la sexualité qui demeure très parcellaire et inégale selon les territoires car dépendant de bonnes volontés individuelles. Le HCE rappelle les résultats de son baromètre mené auprès d’un échantillon représentatif de 3 000 établissements scolaires (publics et privés) au cours de l’année scolaire 2014/2015 ([41])  :

− 25 % des écoles répondantes déclarent n’avoir mis en place aucune action ou séance en matière d’éducation à la sexualité malgré leur obligation légale ;

− les personnels de l’Éducation nationale sont très peu formés à l’éducation à la sexualité et lorsque des enseignements sont dispensés, ils visent prioritairement les classes de CM1 et de CM2 pour l’élémentaire, les classes de 4e et 3e pour le collège et les classes de seconde pour le lycée ;

− les thématiques les plus abordées sont la biologie, avec notamment les questions de reproduction, l’IVG et la contraception, le sida et les maladies sexuellement transmissibles et la notion de « respect » entre les sexes. En revanche les questions de violences sexistes ou sexuelles ou d’orientation sexuelle sont les moins abordées ;

− le manque de moyens financiers, de disponibilité du personnel et la difficile gestion des emplois du temps sont perçus comme les principaux freins à la mise en œuvre de l’éducation à la sexualité.

Le HCE constate ainsi que parmi les 12 millions de jeunes scolarisés chaque année, seule une minorité bénéficie de séances annuelles d’éducation à la sexualité pourtant prévues par la loi.

Vos Rapporteures considèrent que cette situation n’est absolument pas satisfaisante et qu’il est impératif de généraliser ces séances d’éducation à la sexualité, afin que chaque jeune bénéficie d’au moins quatre séances au cours de sa scolarité : une à l’école primaire, deux durant le collège et une au lycée. Ces séances doivent intégrer une formation sur ce qu’est une relation sexuelle désirée et consentie par les deux parties et rappeller à cette occasion la définition du viol et les quatre éléments constitutifs de ce crime : surprise, menace, violence, contrainte.

Recommandation n° 3 : Renforcer la politique interministérielle d’éducation à la sexualité et s’assurer de l’effectivité de la mise en œuvre des séances d’éducation à la sexualité dans tous les établissements scolaires.

Au-delà des séances d’éducation à la sexualité, vos Rapporteures souhaitent que l’apprentissage de l’égalité et du respect de l’autre, nécessaire pour éliminer les violences sexistes et sexuelles, soit intégré dans d’autres séquences éducatives. Il serait intéressant d’élargir les questions d’égalité abordées dans le cadre des seuls enseignements moraux et civiques. La réflexion actuellement conduite sur la mise en place d’un service national universel serait l’occasion d’intégrer une large formation sur l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, incluant une séquence claire sur ce qu’est le viol.

Recommandation n° 4 : Développer l’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre, d’une part, des enseignements moraux et civiques et, d’autre part, du nouveau service national universel.

L’éducation à la sexualité passe enfin par internet qui est aujourd’hui le support privilégié par les jeunes pour rechercher des informations relatives à leur santé ou à leur sexualité. Selon l’IFOP, plus de 80 % des 15-24 ans possèdent un compte Facebook et 9 adolescents sur 10 utilisent au moins un réseau social. Certains acteurs institutionnels ont bien perçu l’intérêt de cet outil et ont mis en place des sites à destination des jeunes ainsi que le rappelle le rapport du HCE. C’est le cas de l’INPES qui a développé une plateforme complète en matière d’éducation à la sexualité allant au-delà d’une approche santé (www.onsexprime.fr). Il existe aussi désormais un site officiel d’information sur la contraception (www.choisirsacontarception.fr). Des applications mobiles ont été lancées par certaines régions en partenariat avec le Mouvement français pour le planning familial. Vos Rapporteures soulignent l’importance cruciale de développer et d’actualiser les sites internet sur ces thématiques, afin de garantir aux jeunes un accès à une information de qualité.

Recommandation n° 5 : S’assurer que les sources d’information sur la sexualité, à destination des jeunes publics, notamment les sites Internet pédagogiques, comprennent des précisions sur ce qu’est le consentement à une relation sexuelle.

3.   Contrôler les images dégradantes des femmes

Les images dégradantes des femmes participent directement à une vision inégalitaire des relations entre les femmes et les hommes et entretiennent une représentation dangereusement faussée de la sexualité. Ce phénomène passe par exemple par la pornographie : l’usage et l’influence de la pornographie sur les jeunes mériteraient d’être analysés de façon scientifique, mais à la lumière de leurs travaux, vos Rapporteures estiment que la « culture porno », présente de manière diffuse dans la société, ne véhicule pas des valeurs de respect et d’égalité entre les sexes.

L’accès à la pornographie est cependant largement simplifié par internet. L’enquête IFOP « Génération Youporn : mythe ou réalité ? », réalisée en 2013, a révélé qu’à 15 ans, 53 % des jeunes interrogés avaient déjà été sur un site internet pornographique et que ce taux était passé chez les filles de 4 % en 2006 à 42 % en 2013 et chez les garçons de 42 % à 71 %.

Le Président de la République s’est d’ailleurs ému de cette situation dans son discours du 25 novembre 2017. Il a annoncé qu’une « opération de sensibilisation des parents sera […] lancée à l’occasion de la prochaine réunion de rentrée afin d’aider les parents à mieux détecter l’exposition de leurs enfants à la pornographie et à mieux repérer les signes de cyber-harcèlement. Les personnels de l’Éducation nationale mais aussi les personnels sociaux et de santé, présents dans les établissements, les personnels des services périscolaires doivent se former à décrypter, expliquer, prévenir comme ils se sont formés à le faire sur d’autres phénomènes parce qu’aujourd’hui, la pornographie a franchi la porte des établissements scolaires comme naguère l’alcool ou la drogue. Nous ne pouvons pas d’un côté déplorer les violences faites aux femmes et de l’autre, fermer les yeux sur l’influence que peut exercer sur de jeunes esprits, un genre qui fait de la sexualité un théâtre d’humiliation et de violences faites à des femmes qui passent pour consentantes » ([42]).

Cet accès massif aux images pornographiques conduit vos Rapporteures à s’interroger sur la violence de certains contenus et il leur semble aujourd’hui nécessaire de conduire une étude plus approfondie sur l’impact potentiel de la pornographie sur les jeunes et sur leur apprentissage de la sexualité.

Recommandation n° 6 : Créer une mission sur l’industrie pornographique, afin de mieux cerner l’impact des images pornographiques, notamment sur les jeunes populations, et réfléchir aux modalités d’accès à la pornographie, notamment sur Internet.

En outre, vos Rapporteures soulignent qu’il est également nécessaire d’améliorer le contrôle et la régulation des images sexistes véhiculées par certains supports audiovisuels, comme des émissions de télévision ou des publicités.

Concernant cette question de l’image des femmes à la télévision et dans la publicité, la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes d’août 2014 ([43]) a rendu obligatoire pour les chaînes de télévision de rendre au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) un rapport annuel sur la présence des femmes à l’écran selon des critères de quantité et de qualité pour tous les programmes et chaque année elles doivent progresser. En outre, cette loi a étendu les compétences du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) afin de veiller à la lutte contre la diffusion d’images dégradantes à l’encontre des femmes à la télévision. Cette compétence du CSA a été étendue aux publicités  télévisuelles par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et la citoyenneté ([44]).

Mais ce contrôle n’inclut pas les supports imprimés et affichés dans les rues et les transports. En effet, si des plaintes peuvent à ce sujet être déposées auprès du jury de déontologie publicitaire de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), pour certaines associations féministes telles Les Chiennes de Garde, représentée par sa Présidente Marie-Noëlle Bas lors du colloque du 22 novembre 2017, « cette autorité est juge et partie » puisqu’elle est administrée par les représentants des professions publicitaires (annonceurs, agences, médias, régies et supports publicitaires).

Recommandation n° 7 : Mener une large réflexion pour mettre en place un contrôle des images publicitaires permettant de limiter la diffusion d’images dégradantes des femmes.

B.   MIEUX ACCUEILLIR, PROTÉGER, ACCOMPAGNER Les victimes

Vos Rapporteures ont souhaité établir un diagnostic sur les besoins actuels en matière de détection des violences sexuelles et de prise en charge des victimes de violences sexuelles.

1.   Améliorer la détection des violences sexuelles

Plusieurs professionnels de santé auditionnés par vos Rapporteures ont fait état d’une forte carence dans la détection des violences sexuelles par les médecins et les autres professionnels de santé.

Le Dr Gilles Lazimi, médecin généraliste et membre du HCE, a ainsi rappelé qu’il n’a pas été formé lors de ses études sur la prise en charge des victimes de violences et sur les liens entre certaines pathologies et les conséquences post-traumatiques des violences subies dans le passé. C’est par son expérience au sein des centres municipaux de santé qu’il a pu identifier ces liens, en menant notamment des études systématiques auprès des patientes.

En 2004, lors de sa première enquête, sur 100 patientes interrogées, 22 % disaient avoir été victimes de violences sexuelles, 90 % d’entre elles n’en ayant jamais parlé auparavant. La libération de cette parole a permis d’élucider certaines des pathologies dont elles souffraient. Toutes les enquêtes ensuite menées ont donné le même résultat : environ 20 % des patientes avaient subi des violences sexuelles et élucider cette situation permettait de leur proposer une prise en charge adaptée pour les soigner.

Il a également rappelé, comme la Dr Muriel Salmona, que les violences sexuelles sont à l’origine de très nombreuses pathologies et que, paradoxalement, quand ces pathologies sont enseignées aux étudiants, il ne leur est pas indiqué qu’elles sont souvent liées à des violences sexuelles.

Lors de son audition le 7 février 2018 par vos Rapporteures, la Dr Perrine Millet, gynécologue obstétricienne, présidente de l’association Un maillon manquant, responsable pédagogique du diplôme inter-universitaire « Prise en charge des maltraitances rencontrées en gynécologie obstétrique, vers la bientraitance », a entièrement partagé ce constat. Elle estime qu’entre 20 et 25 % des patientes ont été victimes de violences sexuelles et que, sans prise en charge adaptée, ces violences ont des conséquences sur leur santé. Elle a également fait mention de la possible gravité des conséquences de ces violences : par exemple 90 % des femmes atteintes d’une grande toxicomanie ont subi des maltraitances et très souvent des violences sexuelles.

Lors d’une formation dispensée en 2012 à l’Université Paris 4 Sorbonne, le Dr Gilles Lazimi estimait lui aussi que les médecins devaient systématiquement interroger les patientes sur ce sujet. Il précisait que « poser les questions permet aux patientes de parler, d’être enfin écoutées et reconnues comme victimes et aussi de n’être plus seules ; permet de faire le lien avec les tableaux cliniques présentés, passés, présents et les agressions qu’elles ont subies ; permet le dialogue, permet de réfléchir, de changer la honte de camp, de désigner les coupables et d’aider les femmes victimes de comprendre les stratégies, les processus et plus tard d’agir » ([45]).

Cet enjeu de la détection des violences sexuelles par les professionnels de santé est déjà identifié depuis plusieurs années. Il est d’ailleurs au cœur de l’objectif 12 du 5e plan de lutte contre toutes les violences faites aux femmes : « renforcer le repérage des victimes de violences sexuelles et libérer la parole des femmes, notamment par la formation des professionnel.le.s ». Il y est précisé que « la formation des professionnel.le.s aux mécanismes et aux conséquences des violences sexuelles est une condition fondamentale pour permettre une meilleure révélation des violences par les victimes et une orientation vers les dispositifs de prise en charge » ([46]).

Afin d’atteindre cet objectif, le 5e plan prévoit que « la formation initiale des médecins et des sages-femmes intègre ces questions [de prise en charge des femmes victimes de violences sexuelles]. Des urgentistes référent.e.s dans leur service ont été nommé.e.s et formé.e.s. Les policier.e.s, les gendarmes et les magistrat.e.s disposent d’une fiche réflexe sur l’audition des victimes de violences sexuelles. Les magistrat.e.s peuvent suivre un stage « violences sexuelles » de 3 jours en formation continue, organisé par l’École Nationale de la Magistrature. Pour poursuivre cette dynamique, de nouveaux professionnel.le.s doivent désormais être outillés et formés, notamment les pharmacien.ne.s, les infirmier.ère.s, les polices municipales, les médecins et assistantes sociaux exerçant dans le système éducatif » ([47]).

Lors de l’audition du 7 février 2018, Mme Martine Jaubert, cheffe du bureau de la promotion des droits et de la lutte contre les violences faites aux femmes au sein du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, faisait un état de l’avancement de cette action. Une dynamique vertueuse semble s’être installée en matière de formation initiale et continue des professionnels impliqués dans le champ des violences. La Mission interministérielle de protection des femmes contre les violences et de lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) a développé de nombreux outils de formation sur ces enjeux de violences sexuelles. Elle vise de nombreux professionels, en particulier les médecins, les sages-femmes, les dentistes, les agents de la police nationale, de la police municipale, de la gendarmerie, les pompiers et les travailleurs sociaux.

Si des efforts importants ont donc été engagés, vos Rapporteures constatent toutefois que ces formations doivent être mieux valorisées et encore développées pour permettre une bonne détection des violences sexuelles subies. Le Dr Gilles Lazimi a considéré que ces nombreuses formations déployées par la Miprof étaient très utiles, mais tenaient davantage de la sensibilisation que de la formation en profondeur sur ces sujets complexes.

Les efforts doivent donc être poursuivis. Dans le cadre de la formation initiale des étudiants en médecine par exemple, un item sur les violences sexuelles a été intégré dans les examens des « épreuves classantes nationales » ([48]). Comme cela a été souligné par la Dr Perrine Millet, lors de son audition le 14 février 2018, cela correspond à 1 item sur environ 350 au total, ce qui semble insuffisant compte tenu de l’importance et de la prévalence de cette problématique des violences sexuelles.

Vos Rapporteures considèrent en effet qu’il s’agit là d’un véritable enjeu de santé publique et qu’il convient d’intégrer de manière plus approfondie les problématiques de détection des violences sexuelles dans la formation initiale et continue de tous les personnels soignants.

Recommandation n° 8 : Former l’ensemble des personnels de santé aux problématiques de violences sexuelles pour mieux détecter les victimes, notamment en élargissant l’enseignement sur ces thématiques dans la formation initiale des étudiants en médecine.

Dans cette même logique de détection des violences sexuelles, vos Rapporteures ont été alertées par le Dr Gérard Lopez ([49]) sur le faible nombre des signalements de cas de violences sexuelles effectués par les médecins.

Ce problème du signalement des violences sexuelles a d’ailleurs déjà été souligné dans le rapport de Mme Marie Fontanel, M. Patrick Pelloux et Mme Annie Soussy sur la définition d’un protocole national pour l’amélioration de la prévention et de la prise en charge des femmes victimes de violences ([50]) . « Aujourd’hui, il reste une ambiguïté qui laisse à l’appréciation individuelle la responsabilité de signaler les situations de violences dans les cas les plus extrêmes et rend ces signalements exceptionnels. En effet, il n’est pas interdit de signaler les cas de violences faites aux femmes : l’article 44 du Code de déontologie médicale (article R. 412744 du code de santé publique) prévoit bien que « lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection ». Il est ajouté que « lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, il alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience ». Mais dans les faits, le secret médical (article 4 du code de déontologie médicale) est systématiquement invoqué pour empêcher tout signalement en l’absence du consentement de la personne. Le risque de mise en danger qu’impliquerait le signalement d’une personne qui ne serait pas encore protégée du responsable des violences est également invoqué pour justifier la non-opportunité du signalement.

Cependant, le sujet mériterait d’être posé à nouveau, au sein d’un débat politique et d’experts médicaux-associatifs-judiciaires, pour envisager d’inverser la logique et désormais privilégier le principe du signalement, tout en acceptant des exceptions justifiées par la mise en danger supplémentaire à laquelle le signalement exposerait la victime. La protection des enfants maltraités et en danger a considérablement gagné en efficacité quand le signalement est devenu un principe et a été organisé » ([51]).

2.   Perfectionner les modalités de prise en charge des victimes

Une fois les violences sexuelles subies dénoncées ou détectées, la victime doit être correctement prise en charge. Dans ce domaine, les associations d’aide aux victimes jouent un rôle essentiel, que ce soit pour informer ou pour ensuite accompagner les victimes.

C’est notamment le cas du Collectif féministe contre le viol (CFCV) qui assure la permanence téléphonique du numéro d’appel « Violences femmes infos », le 3919.

Données concernant les appels au « 3919 – violences femmes infos »

Type d’appels

2013

2014

2015

2016

Appels traitables

47 380

72 138

65 803

61 259

Prises en charge

24 596

50 780

48 863

49 192

Proportion d’appels traités

52 %

70,4 %

74,30 %

80,30 %

Nombre total d’appels traités provenant d’une femme victime de violence, dont :

18 613

38 972

22 797

 

 violences conjugales

15 692

38 149

21 746

 

 violences sexuelles

Non distinguées des autres types de violences

645

883

 

– mariages forcés

36

51

 

– mutilations sexuelles féminines

14

21

 

– violences au travail

128

96

 

Total motifs 3919

2013

2014

2015

2016
(en %)

 violences faites aux femmes

18 613

38 972

22 797

67,3

 autres violences

1 463

1 741

1 658

4,9

 infos / renseignements

1 468

1 240

4 278

12,6

 appels (dits) parasites

5 973

8 827

5 119

15,1

Source : secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et els hommes, Chiffres clés édition 2017.

Au-delà de ce suivi par les associations, qui sont souvent les plus sensibilisées aux questions de prise en charge des victimes de violences sexuelles, il est nécessaire que les victimes soient bien prises en charge par tous les acteurs qu’elles rencontrent tout au long de leur parcours.

En premier lieu, il est fondamental que les victimes soient bien accueillies par les forces de l’ordre lorsqu’elles se tournent vers elles.

Or, comme cela est d’ailleurs précisé dans le rapport mondial sur la violence et la santé de l’OMS, « beaucoup de femmes ne signalent pas les violences sexuelles dont elles sont victimes à la police parce qu’elles ont honte, qu’elles ont peur qu’on leur dise que c’est de leur faute, qu’on ne les croit pas ou qu’on les maltraite. Quant aux données des centres médico-légaux, elles risquent de porter surtout sur les cas d’agression sexuelle plus violents. La proportion de femmes qui s’adressent aux services médicaux pour des problèmes immédiats liés à des violences sexuelles est elle aussi assez minime » ([52]).

Comme le montre le schéma suivant, le même constat est fait en France dans le cadre de l’enquête « cadre de vie et sécurité » de 2017.

Déclaration à la police ou À la gendarmerie des victimes de violences sexuelles en dehors du ménage

Champ : individus de 18 à 75 ans de France métropolitaine, incident le plus récent dans l’année.

Lecture : en moyenne entre 2012 et 2016, 12 % des victimes de viol ou de tentative de viol ont déposé plainte au commissariat ou à la gendarmerie.

Source : ministère de l’Intérieur, Rapport d’enquête « cadre de vie et sécurité » 2017.

L’enquête constate que « le comportement de plainte est différent entre les victimes d’un viol ou d’une tentative de viol et celles d’un autre type d’agression. Néanmoins, dans les deux cas, le taux de plainte est très faible : en moyenne entre 2012 et 2016, 12 % des victimes d’un viol ou d’une tentative de viol et 5 % des victimes d’une agression sexuelle ont déposé plainte » ([53]).

Le graphique ci‑après détaille les dépôts de plainte pour des violences commises au sein du ménage. Il ne permet cependant pas de différencier les victimes de violences physiques et celles de violences sexuelles ; il n’autorise pas non plus une analyse précise de la situation des victimes de viol ou de tentative de viol. Toutefois, les taux de plainte sont là encore extrêmement faibles et, compte tenu de la mauvaise connaissance et compréhension de ce qu’est un viol conjugal, il est logique de penser que le taux de plainte pour ces cas spécifiques soit, du même ordre de grandeur voire encore plus faible.

Déclaration à la police ou À la gendarmerie des victimes de violences PHYSIQUES et/ou sexuelles au sein du ménage

Champ : individus de 18 à 75 ans de France métropolitaine, incident le plus récent dans l’année.

Lecture : en moyenne entre 2012 et 2016, 10 % des victimes de violences au sein du ménage ont déposé plainte.

Source : ministère de l’Intérieur, Rapport d’enquête « cadre de vie et sécurité » 2017.

Les raisons expliquant ces faibles chiffres sont multiples, mais il est certain que la qualité de l’accueil par les forces de l’ordre joue un rôle important dans cette problématique. Plusieurs associations de victimes font état de dysfonctionnements, ponctuels ou structurels, qui nuisent à l’accueil des victimes.

Des critiques sont faites par « Mme Françoise Brié, directrice générale de la Fédération nationale solidarité femmes, qui regroupe une soixantaine d’associations et accompagne chaque année plus de 30 000 femmes victimes, évoque ainsi « ce policier qui ne prend pas une plainte au motif que le viol conjugal n’existerait pas ; ou cette femme qui dit être tétanisée pendant l’acte sexuel, et à laquelle un policier répond qu’il ne s’agit pas d’un viol tant qu’elle ne démontre pas son absence de consentement » ([54]).

Vos Rapporteures ont constaté qu’il peut en effet exister des dysfonctionnements, qui sont pointés par plusieurs associations ; toutefois elles tiennent à souligner qu’elles ont également rencontré, en particulier lors de leurs déplacements, des policiers et des gendarmes qui font sur ces sujets un travail remarquable. La Délégation a auditionné, le 5 décembre 2017, le directeur général de la police nationale, M. Éric Morvan, et le directeur général de la gendarmerie nationale, M. le général d’armée Richard Lizurey ([55]), sur l’accueil des victimes de violences sexuelles dans les commissariats et gendarmeries.

M. Éric Morvan a souligné les progrès réalisés dans ce domaine par la police nationale : le dispositif d’accueil s’est « construit et amélioré dans le temps [et] demeure perfectible, nous en avons une pleine conscience […]. Nous cherchons à améliorer toujours notre dispositif d’accueil, notamment en demandant à l’inspection générale de la police nationale de procéder chaque année à l’évaluation de l’accueil dans les commissariats […] par des contrôles inopinés et anonymes ». Si les résultats de ces contrôles semblent globalement corrects, il a souligné que ce n’était pas toujours le cas pour l’accueil des victimes de viol, car ces situations sont particulièrement sensibles et délicates.

Il a précisé que depuis plusieurs années la police nationale cherche à professionnaliser ses missions d’accueil. Aujourd’hui, ce sont 522 « référents accueil », des officiers de police judiciaires spécialement désignés dans chaque service accueillant du public, parmi lesquels 346 ont déjà bénéficié d’une formation sur ces problématiques. En outre, 922 agents susceptibles d’occuper les postes de premier accueil au guichet ont été formés.

Au-delà de l’accueil, il a également insisté sur l’enjeu de la prise de plainte des victimes de violences sexuelles. Pour cela, ont été institués 213 policiers correspondants départementaux « aide aux victimes », épaulés par 414 correspondants locaux. Ils travaillent à améliorer l’accueil des victimes, notamment en lien avec les associations spécialisées. Dans les commissariats, on dénombre en outre 73 psychologues contractuels, 140 intervenants sociaux (40 travaillant conjointement en commissariat et en gendarmerie), ainsi que 123 permanences d’associations d’aide aux victimes.

M. le général d’armée Richard Lizurey, soulignant lui aussi l’importance de ces sujets, a fait savoir qu’il avait transmis le 10 novembre 2017 une note rappelant les actions à conduire par les militaires de gendarmerie en cas de plainte pour violences sexuelles. Cette démarche fait suite à une hausse du nombre de plaintes pour violences sexuelles au mois d’octobre 2017. Les deux directeurs généraux ont confirmé qu’au mois d’octobre 2017, en comparaison avec le mois d’octobre 2016, le nombre de dépôt de plaintes de ce type avait en effet augmenté de 30 %.

Cette augmentation pose la question de l’accueil des victimes de façon encore plus aiguë. M. le général d’armée Richard Lizurey a précisé que « la qualité de l’accueil est déterminante ». Venir dans une brigade de gendarmerie n’est pas anodin : « le gendarme doit donc mettre en œuvre une procédure particulière et assurer une confidentialité et une empathie qui permettent de rassurer la victime ».

Il a lui aussi présenté les efforts de formation réalisés dans le cadre de la gendarmerie nationale : les questions liées à l’accueil des victimes de violences sexuelles ont été intégrées dans les modules de formation initiale et 15 000 gendarmes ont été formés depuis quatre ans à cet accueil en partenariat avec des associations. Il affirme qu’« il faut systématiser l’intervention des associations de manière à sensibiliser les gendarmes de manière à mieux appréhender le premier contact avec la victime ».

Vos Rapporteures se félicitent du développement des formations sur ces thématiques dans le cadre des formations initiales et continues des personnels de police et de gendarmerie. Il semble toutefois que cet effort doit encore être accentué, afin de garantir à chaque victime un accueil parfaitement adapté, quelle que soit sa situation géographique ou l’heure à laquelle elle a besoin de déposer plainte. Comme cela a été évoqué lors du déplacement de vos Rapporteures au commissariat de Clichy, certaines des victimes de viol se présentent la nuit, quand le dispositif d’accueil est nécessairement allégé. Cette question de l’accueil de nuit des victimes interpelle vos Rapporteures qui soulignent que les procédures doivent permettre une prise en charge de qualité des victimes aussi bien la nuit que le jour.

Compte tenu de ces spécificités, il semble donc nécessaire d’approfondir ces formations, en y incluant notamment des problématiques encore insuffisamment connues, liées aux réactions et aux phénomènes psychiques dans les cas de violences sexuelles. D’une part, les phénomènes de tétanie ou de sidération peuvent conduire la victime, par un réflexe de survie très bien expliqué par la Dr Carole Azuar, lors de la table ronde organisée le 18 janvier 2018 ([56]), à ne pas se défendre face à leur agresseur. D’autre part, les phénomènes de « dissociation traumatique », présentés par la Dr Muriel Salmona lors de la table ronde du 16 janvier 2018 ([57]), conduisent les victimes à se protéger en annihilant leurs sentiments : elles racontent alors leur agression avec une distance, voire une froideur, parfois difficile à comprendre pour les policiers ou les gendarmes si ceux-ci n’ont pas été sensibilisés à ce type de réactions.

En outre, pour comprendre la complexité des cas de violences sexuelles, les forces de l’ordre doivent également être sensibilisées aux différents types de menaces, contraintes, violences ou surprises que peuvent subir les victimes. Céder n’est pas consentir et il existe de nombreuses formes de contraintes physiques, morales ou économiques qui peuvent être utilisées par un agresseur pour imposer des actes sexuels à une autre personne qui n’est pas consentante.

Vos Rapporteures souhaitent ici insister sur la complexité de ce sujet de la prise en charge par les forces de l’ordre des victimes de viol, et plus largement de violences sexuelles. Il s’agit de situations extrêmement délicates, dans lesquelles peuvent jouer de nombreuses pressions sociales ; les mécanismes psychologiques doivent impérativement être mieux compris et mieux pris en compte.

Recommandation n° 9 : Poursuivre l’effort engagé pour développer et renforcer la formation initiale et continue des agents des forces de l’ordre afin de garantir un meilleur accueil des victimes de violences sexuelles, de jour comme de nuit.

Au-delà du premier accueil des victimes dans les commissariats et les gendarmeries, l’audition des directeurs généraux a également permis d’aborder la question du recueil de la plainte pour viol et celle de la conduite des enquêtes (cf. infra).

La prise en charge médicale des victimes, sur le plan tant physique que psychique, est absolument fondamentale pour accompagner ces victimes et leur offrir les soins appropriés. La question de l’accueil en urgence des victimes de violences sexuelles sera traitée dans la seconde partie du présent rapport.

Lors de la table ronde du 16 janvier 2018, cette question de la prise en charge médicale des victimes de violences sexuelles sur le moyen et long termes a fait l’objet de longs développements. Le Dr Gérard Lopez, affirmant d’emblée que « les soins en psycho-traumatologie en France sont extrêmement insuffisants », fait le constat que certaines initiatives locales fonctionnent très bien, mais que les consultations sont toutefois insuffisantes et délivrées de manière extrêmement inéquitables sur l’ensemble du territoire.

La Dr Muriel Salmona partageait totalement la nécessité d’offre de soins et de prise en charge des victimes de psycho-traumatismes. Compte tenu des conséquences sanitaires qui peuvent être très graves, elle considère qu’il s’agit là d’une question de santé publique. Prendre en charge à temps et correctement les troubles causés par les violences sexuelles permettrait ainsi d’éviter de très nombreuses conséquences sanitaires.

L’ensemble des médecins entendus par vos Rapporteures se sont accordés sur le fait qu’une prise en charge adaptée permet de soigner les victimes de violences sexuelles. Lors de la table ronde du 18 janvier 2018, Mme Frédérique Martz, directrice et fondatrice de l’Institut Women Safe, institut en santé génésique, centre de prise en charge des femmes victimes de violences du Women safe Institute, a insisté également sur cette nécessité de la prise en charge médicale des victimes de violences sexuelles, relevant notamment que même lorsque le crime est ancien, cette prise en charge psycho-traumatique est tout à fait nécessaire et efficace.

 

Ces enjeux ont d’ailleurs été intégrés dans le 5e plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes, qui arrête clairement deux objectifs en ce sens :

− objectif 6 : « Améliorer la prise en charge des soins psycho-traumatiques des femmes victimes de violences ». Faisant le constat que « les violences commises ont de multiples conséquences, aujourd’hui largement reconnues, sur la santé psychique, physique et peuvent causer le développement de comportements à risque », le plan prévoit une action pour garantir la prise en charge psychologique des femmes victimes de violences et précise que cette prise en charge doit s’effectuer par un professionnel formé à la spécificité de ce type de psycho-traumatisme et privilégier l’unité de lieu avec la prise en charge somatique ;

− objectif 14 : « Améliorer la prise en charge médicale des victimes de violences sexuelles ». « Mises en danger, réminiscences, conduites d’évitement, conduites addictives, à risque et auto-agressives, amnésies post-traumatiques sont autant de comportements qui peuvent être les symptômes des troubles psycho-traumatiques que présentent les victimes de violences sexuelles et qui appellent à une réponse du système de santé. Il faut une prise en charge, via des centres de soins répertoriés avec des professionnels de santé formés. ». Au-delà de l’action précédemment évoquée pour l’objectif 6, le plan prévoit également une action spécifique pour mieux mobiliser la connaissance en cours d’élaboration concernant le psycho-trauma ([58]).

Au sujet de cette action 42 de l’objectif 14 du 5e plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes, Mme Martine Jaubert, cheffe du bureau de la promotion des droits et de la lutte contre les violences faites aux femmes, précisait lors de son audition que « la Haute Autorité de santé (HAS) a été saisie et a inscrit dans son programme de travail de 2018 l’élaboration de recommandations pour l’évaluation et la prise en charge du psycho-traumatisme lié aux violences chez l’enfant et chez l’adulte. Seront élaborés des outils en direction des professionnels. Ces recommandations vont permettre d’améliorer la prise en charge des victimes et seront intégrées dans le cadre de la formation des professionnels de santé.

Cette action va également être confortée par la création d’un futur Centre national de ressources et de résilience (CNNR), annoncée le 10 novembre 2017 par le Premier ministre, lors du comité interministériel d’aide aux victimes. Cette structure serait animée par une équipe pluridisciplinaire, spécialisée et expérimentée sur la prise en charge médicale et l’accompagnement psychologique et social des victimes d’un psycho-traumatisme. Elle aurait vocation à développer des réponses adaptées aux besoins des victimes et de leur entourage, en lien bien sûr avec les partenaires et les professionnels concernés. Elle pourrait également rassembler et transmettre des savoirs et des pratiques aux professionnels qui accompagnent les victimes, en concevant des modules de formation en diffusant et valorisant les acquis de la recherche et en facilitant la rédaction des recommandations professionnelles ou pluri-professionnelles, en lien avec la HAS et les sociétés savantes. En concevant des modules de formation. Le troisième volet de cette action serait de recenser et de promouvoir des travaux de recherche dans le domaine de la prise en charge des victimes avec l’ensemble des acteurs concernés et enfin favoriser les échanges de pratiques à l’international » ([59]).

Afin de permettre cette prise en charge intégrée et adaptée des victimes de violences sexuelles, le Dr Gérard Lopez estime que le projet de développer des centres spécialisés en psycho-traumatologie, sur le modèle par exemple des centres qui existent pour les soins aux toxicomanes, est le plus adapté. Les Dr Gilles Lazimi et Dr Muriel Salmona soutiennent eux aussi ce modèle. Cette dernière a d’ailleurs rappelé lors de la table ronde du 16 janvier 2018 que ce projet était à l’étude par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). Le Dr Gilles Lazimi a ajouté qu’il est important que cette prise en charge se fasse dans des centres de soins pluridisciplinaires, qui ne soient estampillés ni « psychiatrie » ni « victimes de violences sexuelles ».

Selon le Dr Gérard Lopez, la solution la plus adaptée serait de créer des « unités de psycho-traumatologies de soins […] au sein des centres médicosociaux, avec l’accord de la fédération nationale des centres de santé et du syndicat des médecins de centres de santé ». Ces soins pourraient être dispensés par des psychologues et devraient être remboursés par la sécurité sociale. Ce projet permettrait de mettre en place un maillage territorial pertinent et une prise en charge psychologique parfaitement adaptée à ces problématiques.

Vos Rapporteures adhèrent à cette analyse et considèrent qu’il s’agit sans doute de la proposition la plus appropriée pour garantir une bonne prise en charge médicale des victimes de violences sexuelles. Elles se félicitent que cette option ait d’ailleurs été retenue par le Président de la République. Dans son discours du 25 novembre 2017, il relevait qu’il s’agit désormais « d’organiser la prise en charge psycho-traumatique des victimes. Nous souhaitons ainsi créer dès 2018 dans les centres hospitaliers des unités spécialisées dans la prise en charge globale du psycho-trauma. La résilience des femmes agressées ne passe pas seulement par une solution judiciaire mais par la consultation, par la reconstruction. La France en ce domaine a déployé de fortes compétences et 10 de ces unités seront créées en France métropolitaine dans les mois qui viennent à titre pilote. Dans le même temps, les soins psycho-traumatiques liés à ces violences pourront être pris en charge par la Sécurité sociale. Beaucoup se joue dans ces établissements de santé » ([60]).

Recommandation n° 10 : Déployer dès 2018 dix unités spécialisées dans la prise en charge psycho-traumatique des victimes de violences sexuelle, proposant des consultations gratuites.

Si un effort doit être fait pour former les forces de l’ordre et les personnels soignants, vos Rapporteures souhaitent rappeler que tous les acteurs qui peuvent être au contact de victimes de violences sexuelles doivent bénéficier d’une formation adaptée. Pour ce faire, elles reprennent à leur compte la recommandation formulée par le HCE dans son Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles ([61]).

Recommandation n° 11 : Intégrer aux formations développées en application de l’article 51 de la loi du 4 août 2014 un focus spécialisé sur le viol et autres agressions sexuelles, en particulier à l’encontre des femmes en situation de handicap ou femmes migrantes, et actionner le levier des diplômes et examens pour s’assurer de l’effectivité de ces formations.

 

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   DeuxiÈme PARTIE : FAIRE ÉVOLUER LE TRAITEMENT JUDICIAIRE DU VIOL POUR MIEUX CONDAMNER LES CRIMES SEXUELS

L’ampleur et la gravité des crimes de viol en France rendent nécessaire l’amélioration du traitement judiciaire du viol afin de mieux protéger les victimes et de mieux condamner les crimes sexuels. Ces progrès impliquent de repenser certaines étapes des procédures judiciaires afin, d’une part, de mieux prendre en compte les spécificités de ces situations et, d’autre part, de mieux protéger les mineurs contre les crimes sexuels.

I.   DES INTERROGATIONS SUR LA NÉCESSITÉ D’ADAPTER CERTAINES RÈGLES ET PRATIQUES AFIN D’AMÉLIORER LE TRAITEMENT JUDICIAIRE DES VIOLS

Les éléments de constat et d’analyse présentés dans la première partie du présent rapport soulignent l’ampleur des crimes de viol et la gravité de leurs conséquences, en termes aussi bien physiques que psychologiques sur la santé des victimes, mais également sur leur vie sociale, l’estime d’elles-mêmes, ou les relations avec leur entourage. Ces éléments permettent de saisir l’extrême complexité des crimes de viol et conduisent vos Rapporteures à proposer des pistes pour permettre une meilleure compréhension et une meilleure prise en compte de cette spécificité dans le cadre des procédures judiciaires.

A.   Le déclenchement de l’action pénale

Les statistiques montrent qu’à peine 10 % des victimes de viol déposent plainte. Vos Rapporteures considèrent qu’il n’est pas possible dans une démocratie moderne de traduire devant le système judiciaire moins de 10 % des cas de viol ou tentative de viol et estiment qu’il convient, d’une part, de faciliter le dépôt de plainte et, d’autre part, d’améliorer le recueil des preuves et la prise en charge médicale en urgence.

1.   Faciliter le dépôt de plainte

Mme Hélène Furnon-Petrescu, auditionnée par la Délégation le 7 février 2018 ([62]), rappelait que, selon les chiffres officiels de 2017, seulement 9 % des victimes portent plainte.

Cette faible proportion de victimes de viol se tournant vers les forces de l’ordre interpelle fortement vos Rapporteures. Cet état de fait appelle une amélioration de la formation des agents d’accueil sur les violences sexuelles, afin de garantir confidentialité, empathie, orientation rapide lors du premier contact des victimes avec les forces de l’ordre. Après l’accueil, la prise en charge de la victime doit également faire l’objet d’une attention toute particulière lors du dépôt de la plainte. Les policiers et les gendarmes en charge de ces procédures doivent en effet être formés à ces problématiques particulières et faire preuve de vigilance.

Comme l’a rappelé le Dr Pierre Foldes, à l’occasion de la table ronde du 18 janvier 2018, le dépôt de plainte est une étape cruciale pour les victimes : « d’après notre expérience […], nous constatons sur le très long terme l’impact de la qualité du dépôt de plainte. Quand la plainte est facilitée et bien faite, cela va changer la vie de la femme. Quand elle rate ce rendez-vous – et cela peut arriver pour de multiples raisons – cela va impacter tout le reste, non seulement la procédure [judiciaire] mais aussi sa propre évolution » ([63]).

Lors de plusieurs déplacements de terrain, à la circonscription de sécurité publique d’Argenteuil ou au cours de la rencontre à Bordeaux avec la direction départementale de la sécurité publique de Gironde, le rôle des psychologues et des intervenants sociaux dans la qualité de l’accompagnement des victimes a été mis en avant. Ce support psychologique immédiat permet en effet de soutenir la victime dès son arrivée et ensuite lors de son dépôt de plainte et de lui expliquer comment s’organiseront ensuite les différentes étapes de la procédure judiciaire. Selon le témoignage des différents policiers rencontrés à Bordeaux, cette intervention permet de lever certains freins constatés lors du dépôt de plainte : les victimes sont souvent inquiètes du déroulement d’une procédure judiciaire qu’elles ne connaissent pas ou mal. La présence d’un psychologue contribue également à la formation continue des forces de l’ordre sur les conséquences psychologiques des crimes sexuels.

À Bordeaux toutefois, le commissaire divisionnaire Éric Krust, chef d’état-major de la direction départementale de la sécurité publique de la Gironde, soulignant le rôle essentiel des psychologues et des assistants sociaux, a insisté sur le nombre insuffisant et la disparité territoriale de ces postes qui ne sont pas organisés et financés de manière uniforme. Il n’y a par exemple qu’une seule psychologue en lien avec la police nationale sur tout le territoire de la nouvelle Aquitaine. Concernant les intervenants sociaux, il y en a un seul pour le département de la Gironde, mais trois pour le département de la Charente-Maritime.

Le commandant de police Alain Duboul, chef de la brigade départementale de protection des familles de Gironde, a fait valoir que des marges de progrès existent dans la procédure de recueil de plainte, considérant qu’il s’agit d’un vrai levier d’amélioration. Selon lui, il est parfois difficile pour les policiers d’accorder au dépôt de plaintes de ce type le temps qui leur est nécessaire. Selon lui, ces plaintes doivent être enregistrées par des brigades spécialisées, car c’est un sujet technique et difficile. Il estime par ailleurs que le respect de l’anonymat est également un aspect très important pour les victimes de violences sexuelles qui ne souhaitent souvent pas se rendre dans un commissariat ou une gendarmerie au sein duquel elles peuvent connaître plusieurs des personnels, notamment dans les petites communes ou en zones rurales.

Au-delà ces enjeux liés au recueil de la plainte, le cadre du dépôt de plainte lui-même est sans doute à redéfinir afin d’inciter davantage de victimes à déposer une plainte. Prévue par le 5e plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes, cette réflexion a été lancée dans le cadre d’un groupe de travail « constitué afin de recueillir les bonnes pratiques existantes sur le territoire qui facilitent le dépôt de plainte des victimes de violences sexuelles et d’identifier les moyens de les généraliser » ([64]).

Lors de l’audition du 7 février 2018 , Mme Martine Jaubert, cheffe du bureau de la promotion des droits et de la lutte contre les violences faites aux femmes, présentait le bilan actuel de cette réflexion : « cette action relève du pilotage du ministère de l’Intérieur et il y a eu la mise en place, au sein de ce groupe de travail, d’un comité de suivi police-gendarmerie. Cette action est très importante et constitue une des mesures phare annoncées par le Président de la République le 25 novembre 2017. Au travers de la mise en place d’un signalement en ligne pour les victimes de violences, harcèlement et discriminations […] se fera en plusieurs temps : d’abord en s’appuyant sur un outil de la brigade numérique développé par la gendarmerie nationale, avec ensuite un usage étendu à la police nationale, avant de mettre en place dans un 2e temps un outil plus intégré commun à la police et à la gendarmerie » ([65]).

Insistant sur cet enjeu du dépôt de plainte, le Président de la République a en effet avancé plusieurs pistes de réforme : « nous déploierons dans les structures d’accueil des femmes victimes de violence des référents de la police et de la gendarmerie. Les associations là aussi font un travail remarquable et sont souvent le premier rempart, avec des bénévoles associatifs qui au quotidien, la nuit comme le jour, protègent, sont les garants du digicode qu’on cache à tout le quartier, au fait qu’on ne va pas pousser la porte, guettent aux fenêtres celui qui vient rôder.

Il est donc indispensable que dans les structures d’accueil, il puisse y avoir une coopération renforcée avec les forces de police et de gendarmerie, pour que le dépôt de plainte puisse aussi venir se faire dans ces centres, parce que bien souvent (on le sait) ces femmes ont peur d’aller jusqu’au commissariat, par la honte, parce qu’elles ont tout simplement peur de sortir et parce qu’il y a déjà tant à faire dans le centre où on les protège.

Les femmes hésitant ou craignant de déposer plainte verront ainsi venir à elles des agents faisant le trait d’union entre une situation de violence et les suites judiciaires à donner. La justice viendra aux femmes et non l’inverse » ([66]).

Vos Rapporteures adhèrent à ces propositions et pensent qu’il est en effet nécessaire de faciliter le dépôt de plainte, d’une part en créant des référents police et gendarmerie dans les structures d’accueil des femmes victimes de violences, notamment au niveau associatif ; d’autre part, en développant une possibilité de signalement à distance, par exemple en ligne si cela est techniquement rendu possible par les travaux du groupe de travail piloté par le ministère de l’Intérieur.

En outre il semblerait judicieux de permettre aux femmes qui ont par le passé été victimes de violences sexuelles de pouvoir contacter les forces de l’ordre par téléphone afin de fixer ensuite un rendez-vous avec un officier de police ou de gendarmerie formé sur ces problématiques.

Recommandation n° 12 : Faciliter le dépôt de plainte pour viol et plus largement pour violences sexuelles :

− en réfléchissant à la possibilité d’un signalement à distance ;

− en permettant aux victimes de crimes plus anciens de fixer un rendez-vous avec un officier de police ou de gendarmerie spécialisé ;

− en mettant en place des systèmes de dépôt de plainte, ou a minima de pré-plainte dans d’autres cadres que le commissariat ou la gendarmerie, notamment associatifs et hospitaliers, par exemple dans les unités médico-judiciaires (UMJ).

2.   Améliorer le recueil des preuves et la prise en charge médicale en urgence

Au début de la démarche judiciaire, en parallèle de la plainte, la victime de viol est ordinairement orientée vers une unité médico-judiciaire (UMJ) afin de subir un examen médical permettant de relever des éléments de preuve. Lors de son audition le 5 décembre 2017 par la Délégation, M. le général d’armée Richard Lizurey a insisté sur l’importance de cette procédure de médecin légale : ces « prélèvements, obligatoires dans le cadre d’une enquête judiciaire, […] permettent de concrétiser les éléments de police technique et scientifique qui serviront à confondre l’auteur. C’est un élément déterminant, car les officiers de police judiciaire doivent saisir tous les matériels, tous les indices utiles à la manifestation de la vérité » ([67]). Ces éléments de preuve, recherchés lors des examens de médecine légale, consistent en des prélèvements et en une observation minutieuse d’autres indices sur l’ensemble du corps, comme des marques de contusion par exemple.

Ces prélèvements sont des actes de médecine légale, réalisés, la plupart du temps, dans le cadre d’UMJ. Ces dernières ne peuvent toutefois pas effectuer un acte de constatation médico-légale sans avoir d’abord l’aval du service de police compétent. Dans les cas de viol, cette procédure semble doublement inappropriée : d’une part, une victime de viol, souvent en état de choc, n’est pas forcément en mesure de se tourner en premier lieu vers un service de police ou de gendarmerie ; d’autre part, plus les prélèvements sont effectués rapidement après la commission du crime, plus le médecin légiste a l’occasion de relever des preuves. En effet certains éléments de preuve peuvent disparaître rapidement. La première prise en charge d’une victime de viol devrait donc se faire dans un cadre médical.

Le 5e plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes s’inscrit dans cette logique et prévoit de faciliter le recueil de preuves de violences en l’absence de plainte : « afin de laisser aux femmes victimes de violences le temps de déposer plainte, sans que cela en porte préjudice pour une procédure ultérieure, une réflexion sera menée pour envisager le recueil de preuves de ces violences en l’absence de plainte et leur conservation pendant une période raisonnable. Ces preuves sont par ailleurs des éléments essentiels, en vue de l’engagement de poursuites judiciaires ultérieures par la victime. Cette analyse s’appuiera notamment sur l’évaluation d’initiatives locales déjà engagées (par exemple avec des unités médico-judiciaires (UMJ), de manière à définir les solutions possibles et les moyens nécessaires pour les mettre en œuvre (évolution réglementaire, etc.). Les Agences Régionales de Santé pourront être sollicitées » ([68]).

Mme Martine Jaubert, cheffe du bureau de la promotion des droits et de la lutte contre les violences faites aux femmes, précise que « cette action se révèle assez complexe à mettre en œuvre aussi bien du point de vue juridique que du point de vue pratique. L’enjeu est de sécuriser les preuves pouvant servir de pièces à conviction, afin qu’elles ne soient ni altérées ni contestables par l’auteur présumé ou sa défense dans le cas où la victime porterait plainte a posteriori » ([69]).

Dans le cadre de cette action, pilotée par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), a un été mis en place, à la fin de l’année 2016, un groupe de travail interministériel associant la DGOS, la Miprof, la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice et le ministère de l’Intérieur, afin de réfléchir au scellé administratif et du statut de la preuve.

Le Président de la République, lors de son discours du 25 novembre 2017, avait rappelé la nécessité du recueil de preuves avant le dépôt de plainte : « Puisque beaucoup se joue dans les établissements de santé, nous mettrons en place dans les unités médico-judiciaires un système de recueil de preuves sans dépôt de plainte, afin de faciliter les démarches des victimes. Et cette facilité est essentielle, parce que le dépôt de plainte est – je l’ai dit – une démarche compliquée, il faut néanmoins déployer de nouvelles façons d’aider les victimes à défendre leur cause » ([70]).

Dans le cadre de leur déplacement à Bordeaux, vos Rapporteures ont rencontré l’équipe du Centre d’accueil d’urgence des victimes d’agressions (CAUVA) du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux qui a mis en place ce type de procédures de recueil et de conservation de preuves sans dépôt de plainte, dans le cadre d’une convention signée avec le parquet en 1999. Comme l’a expliqué la Dr Nathalie Grosleron, responsable médicale du CAUVA, cette entité assure un accueil en urgence des victimes d’agression avec une logique d’unité de lieu et de temps et une approche pluridisciplinaire. L’équipe du CAUVA est en effet composée de sept psychologues, une assistante socio-éducative, d’un cadre, de huit médecins légistes, de deux secrétaires et de quatre infirmiers, dont deux spécialisés en puériculture ([71]). Les locaux du CAUVA sont ouverts de 9h à 19h ; la nuit une astreinte est prévue pour que les médecins légistes prennent en charge les viols récents.

Dans les cas où une victime de viol se présente au CAUVA sans avoir préalablement déposé plainte, les prélèvements légaux sont effectués. Puis deux types de procédures de dépôt de plainte existent :

− soit le dépôt de plainte se fait ensuite en commissariat ou en gendarmerie lors d’un rendez-vous fixé en amont ;

− soit le dépôt de plainte se fait sur place, le plus souvent parce que la victime doit être hospitalisée.

Enfin, une troisième procédure est appliquée pour les cas dans lesquels la victime ne veut pas porter plainte, ou du moins pas immédiatement : l’examen médico-légal est alors pratiqué hors procédure pénale et les prélèvements sont mis sous scellés ; un dossier conservatoire, contenant les données psychologiques, médico-légales et sociales, est également établi ; la victime est aussi prise en charge de manière pluridisciplinaire et il lui est expliqué qu’elle a la possibilité d’engager des poursuites pendant trois ans, période pendant laquelle les relevés médico-légaux sont conservés.

Vos Rapporteures considèrent cette expérience comme un succès : la structure et les procédures du CAUVA sont extrêmement bien adaptées à la prise en charge des victimes de viol, et plus largement de violences sexuelles. Ce modèle devrait être dupliqué pour l’ensemble des UMJ.

Recommandation n° 13 : S’inspirer du modèle du centre d’accueil d’urgence des victimes d’agressions (CAUVA) de Bordeaux pour améliorer la prise en charge des victimes dans les UMJ et permettre le recueil de preuves sans dépôt de plainte.

Vos Rapporteures rappellent toutefois qu’il n’y a pas d’UMJ dans chaque département, ce qui engendre de fortes disparités territoriales dans la prise en charge des victimes de viol.

Pour répondre à ce problème, M. le général d’armée Richard Lizurey a indiqué, lors de son audition, que la gendarmerie est en train de développer un kit, c’est-à-dire une « malette opérationnelle permettant à l’enquêteur et au médecin requis de procéder des prélèvements obligatoires dans le cadre d’une enquête judiciaire […] » ([72]). Il semble important que ces malettes soient complètes, comprenant des éléments pour permettre les prélèvements, notamment gynécologiques, mais également les observations de l’ensemble du corps. Le contenu de cette malette et les modalités de son utilisation pourraient utilement évoluer en fonction des possibilités de télé-médecine.

Vos Rapporteures relèvent d’ailleurs que ce même système de « kit de prélèvements » a été déployé dans la plupart des centres hospitaliers en Suède, comme cela leur a été indiqué lors de leur déplacement à Stockholm les 22 et 23 janvier 2018. Cette solution, qui ne permet toutefois pas la prise en charge aussi complète et adaptée que dans le cadre d’une UMJ, semblerait toutefois être une solution intéressante pour garantir un recueil rapide des preuves médico-légales même dans les zones territoriales dépourvues d’UMJ.

Recommandation n° 14 : Procéder à une évaluation du maillage territorial par les UMJ et envisager si nécessaire la mise en place de nouvelles UMJ. Réfléchir au développement et à la généralisation d’un « kit » opérationnel permettant, pour les affaires de viol, de procéder aux observations et aux prélèvements médico-légaux en dehors des UMJ quand cela est nécessaire, en assurant la formation des personnels en charge de ces procédures.

Les UMJ ont un double rôle vis-à-vis des victimes de violences sexuelles. D’une part, elles sont chargées des observations et des prélèvements médico-légaux, qui sont souvent cruciaux pour obtenir des éléments de preuve. D’autre part, elles doivent fournir aux victimes une prise en charge médicale plus large, impliquant des soins psychologiques et physiques adaptés, ainsi qu’une prévention sur les risques de grossesse et de maladies sexuellement transmissibles, avec notamment la prescription d’une trithérapie préventive contre le VIH.

En dehors des cas où cela est rendu nécessaire par l’absence d’une UMJ suffisamment proche, vos Rapporteures estiment que la prise en charge des victimes de viols doit impérativement être réalisée au sein d’une UMJ, dans un lieu dédié, par une équipe pluridisciplinaire très bien formée sur le sujet des violences sexuelles, comme c’est le cas au CAUVA.

Ce type de prise en charge permet en effet d’apporter aux victimes les soins appropriés, le soutien et les informations nécessaires, aussi bien sur le plan médical, que psychologique, social ou encore juridique. Les différentes atteintes physiques causées par un viol doivent être bien prises en compte ; en outre doivent être très rapidement évoqués avec la victime, les risques de grossesse et de maladie sexuellement transmissible et notamment le VIH.

Vos Rapporteures soulignent, en cohérence avec les auditions de professionnels de santé qu’elles ont conduites, qu’une telle prise en charge intégrée et multidisciplinaire est une nécessité.

B.   Le déroulement de la procédure judiciaire

Du dépôt de plainte au procès, la procédure judiciaire peut être éprouvante, voire douloureuse pour les victimes.

Renvoyant à l’enquête menée en 2015 par l’association Mémoire traumatique et victimologie sur l’impact des violences sexuelles ([73]), le Manifeste contre l’impunité des crimes sexuelles revient sur le ressenti des victimes vis-à-vis de la procédure judiciaire et précise que « 82 % ont mal vécu le dépôt de plainte, 89 % ont mal vécu le procès, 81 % estiment que la justice n’a pas joué son rôle, 70 % ne se sont pas senties reconnues comme victimes par la police et la justice » ([74]).

Afin d’améliorer cette situation et d’inciter les victimes de viols à se tourner vers la justice, vos Rapporteures se sont penchées sur les difficultés rencontrées tout au long de la procédure judiciaire.

1.   Les étapes de l’enquête

Lors de l’audition du 5 décembre 2017 ([75]), les directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale sont tout deux revenus sur les difficultés rencontrées par les victimes au cours des enquêtes pour viol.

M. Éric Morvan, directeur général de la police nationale, a rappelé que « l’enquête se conduit […] à charge et à décharge : le fait qu’elle soit conduite aussi à décharge peut être ressenti comme une agression supplémentaire par la victime ».

Dans la même logique, M. le général d’armée Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, a souligné qu’un « cadre d’enquête et un certain nombre de questions […] peuvent apparaître agressives, […] peuvent être considérées comme niant le crime lui-même, puisque l’enquête travaille à charge et à décharge. Il faut donc continuer à travailler sur les modalités de ces questions, mais ces questions sont indispensables pour la preuve juridique ».

Les différentes étapes de l’enquête peuvent ainsi être plus ou moins difficiles selon les situations. Tout d’abord, l’audition de la victime, qui peut durer souvent longtemps et obliger la victime à revenir précisément sur l’agression qu’elle a subie, peut être une étape douloureuse et conduire la victime à revivre son agression, avec les chocs traumatiques que cela peut induire. À ce sujet, M. le général Richard Lizurey précise le mode opératoire des gendarmes qui ont « un logiciel de rédaction de procédure qui guide l’enquêteur pas à pas avec un certain nombre de questions, de manière à ce qu’il n’oublie rien […] ; c’est assez complet et assez précis ; cela peut être considéré parfois comme une ingérence dans la sphère privée, mais c’est important sur le plan judiciaire de bien acter un certain nombre de faits. Ensuite il y a une évaluation personnalisée qui est faite, c’est aussi prescrit par le code de procédure pénale (article 10-5) qui est faite par des enquêteurs expérimentés ».

Lors d’un entretien au siège de la direction départementale de la police judiciaire de Paris, M. Christian Sainte, directeur de la police judiciaire et M. Éric Guillet, contrôleur général, sous-directeur des services territoriaux, revenant sur les étapes du parcours judiciaire d’une victime de viol, ont expliqué qu’une audition d’une victime de viol dure en général entre trois et quatre heures et que cette étape est toujours en partie traumatisante, car la victime revit l’agression. Ils ont insisté sur la nécessité de bien préciser à la victime l’utilité de cette audition et la nécessité des questions, souvent très précises, qui lui sont posées. Ils ont rappelé que cette audition, sauf pour les victimes mineures, n’était pas filmée.

Sur ce point, vos Rapporteures estiment pourtant qu’il serait judicieux de systématiser l’audition filmée, afin d’éviter par la suite à la victime de devoir trop souvent répéter son histoire et revivre ainsi le traumatisme causé par l’agression subie. Lors d’un entretien avec la responsable nationale des infractions sexuelles de la police suédoise, vos Rapporteures ont d’ailleurs été informées que cette possibilité de filmer l’audition de la victime, même majeure, existe en Suède et peut être demandée dès le début de la procédure, dès la première audition.

Recommandation n° 15 : Comme cela est déjà le cas pour les victimes mineures, instaurer le recours systématique à l’audition filmée pour les victimes de viol majeures, afin de limiter la répétition du récit du crime subi.

Afin de conduire au mieux cette audition, M. Éric Morvan estime qu’elle devait être conduite par un agent expérimenté qui devrait ensuite suivre l’intégralité de l’enquête. Vos Rapporteures considèrent qu’il est en effet important d’assurer une continuité dans ce suivi.

Concernant l’expérience de l’agent en charge de l’enquête, M. Éric Morvan a rappelé que c’est « pour mieux prendre en compte ces faits, [que] la sécurité publique a créé et développé depuis 2009 des brigades de protection de la famille : 183 brigades de protection de la famille ont été constituées et 1 281 policiers sont dédiés à ces brigades et ont été spécifiquement formés ». M. le général d’armée Richard Lizurey a confirmé lui aussi l’importance de la formation spécialisée des enquêteurs dans ce domaine. Il a affirmé que, « au-delà de la libération de la parole, ce qui est important aussi c’est de travailler sur la preuve judiciaire pour conduire à une condamnation et c’est le travail des enquêteurs, qui doit se faire avec humanité et empathie, mais aussi avec précision et professionnalisme, ce qui parfois peut être difficile [pour la victime] ».

Dans la continuité de la recommandation n° 8, vos Rapporteures rappellent que si tous les personnels des forces de l’ordre doivent être formés sur les problématiques des violences sexuelles, il est également nécessaire de permettre aux personnels en charge des auditions et des enquêtes de suivre systématiquement des formations approfondies, afin de garantir aux victimes empathie, précision et professionnalisme.

Recommandation n° 16 : Privilégier la conduite des enquêtes pour viol par des enquêteurs spécialement formés sur ces problématiques.

Les étapes suivantes de l’enquête ne sont pas forcément plus simples pour les victimes. Comme l’a rappelé M. Éric Morvan, « dans 90 % des cas l’auteur est connu et dans cette même proportion, l’affaire, le crime ou le délit, se passe dans la sphère privée ». Sur ce point, M. Le général d’armée Richard Lizurey a insisté sur l’aspect délicat de ce type d’investigations : « l’enquête dans le cercle familial est toujours un moment difficile, parce que la victime peut être doublement victime. Finalement lorsque l’on intervient dans sa sphère privée et dans sa sphère familiale, c’est à ce moment que certaines victimes retirent leur plainte. Nous avons un travail à faire pour que l’action publique se poursuive malgré ces réserves. Le comportement des victimes est à prendre en compte. Elles ont peur des mesures de rétorsion, de la réitération ». Cette difficulté souligne là encore la nécessité de confier les enquêtes pour viol à des enquêteurs spécifiquement formés.

La confrontation avec l’auteur présumé constitue une nouvelle étape particulièrement difficile pour les victimes et ce d’autant plus que, dans 90 % des cas, elles connaissent leur agresseur. Pour pénible qu’elle soit, cette phase de confrontation est pourtant systématiquement demandée par le parquet. Des dispositions particulières sont cependant mises en œuvre. M. Christophe Pinot, commissaire divisionnaire, chef du 2e district de police judiciaire, a expliqué que, lors de ces confrontations, la victime est placée derrière l’agresseur présumé et qu’ils ne se voient donc pas. En outre, si la victime le demande, le psychologue travaillant avec le commissariat ou la gendarmerie peut être présent ; et dans tous les cas, il rencontrera la victime avant et après la confrontation. Pour vos Rapporteures, cet accompagnement psychologique est déterminant.

Recommandation n° 17 : Améliorer la prise en charge psychologique et sociale des victimes de viol durant l’enquête préliminaire :

− en systématisant la mise en place d’un poste de psychologue dans l’ensemble des gendarmeries et commissariats, afin de garantir l’accompagnement de la victime dans ce cadre ;

− en développant le rôle des intervenants sociaux, en coopération avec les associations, auprès des personnels de gendarmerie et de police.

Vos Rapporteures tiennent également à mettre en avant une bonne pratique qui permet d’améliorer la prise en charge et l’accompagnement des victimes de viol lors de la procédure judiciaire. Dans le cadre du plan départemental de lutte contre les violences faites aux femmes, sont organisées pour le département de Paris, deux sous-commissions « justice » et « police » qui associent personnels de la police, magistrats, personnels sociaux, psychologues, l’Observatoire parisien des violences faites aux femmes, ainsi que de nombreuses associations, comme le Collectif féministe contre le viol, le Planning familial, le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles. Comme cela a été expliqué par M. Éric Guillet, sous-directeur des services territoriaux au sein de la direction départementale de la police judiciaire de Paris, et Mme Françoise Guyot, magistrate, chargée de mission « violences faites aux femmes » au cabinet du procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris, ces commissions se réunissent deux fois par an et permettent de réunir la plupart de acteurs impliqués dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Ces réunions sont l’occasion de faire le point sur ces problématiques, notamment pour les situations de violences sexuelles et permettent de faire remonter les difficultés rencontrées et d’y apporter une solution. Vos Rapporteures considèrent qu’il s’agit d’une pratique vertueuse qui garantit la mise en relation et la coopération des acteurs et soulignent que ce type de sous-commissions devrait être mis en œuvre dans chaque département, car aucun territoire ne doit être oublié.

Recommandation n° 18 : Poursuivre les réflexions conduites dans ce rapport, afin de mesurer si ces constats et ces problématiques sont les mêmes partout en France, et particulièrement dans les zones rurales et les territoires d’Outre-mer.

2.   Une procédure judiciaire douloureuse pour les victimes

Lors de leur audition, les représentants du conseil national des barreaux (CNB), Maître Régine Barthelemy, membre du bureau du CNB et Maître Jérôme Karsenti, ont mis en avant certaines difficultés d’ordre organisationnel des procédures judiciaires. Ils ont en effet souligné que les délais de transmission des plaintes au Parquet étaient souvent trop longs et que les parquets étaient trop encombrés par le nombre d’affaires qu’ils ont à traiter. Ces délais, qui peuvent selon eux s’étirer jusqu’à plusieurs mois, seraient un véritable problème, non seulement pour les victimes, mais plus généralement pour la conduite de l’enquête. En effet, plus l’enquête se fait rapidement, plus les chances d’obtenir des preuves sont importantes. Ils ont dénoncé également un manque de coordination, dans certains cas, entre les services enquêteurs et les services du Parquet qui n’assureraient pas systématiquement un suivi suffisant des affaires de viol.

Sans souscrire pleinement à ces analyses, qui dépendent des circonstances de chaque affaire et de chaque service, vos Rapporteures s’interrogent toutefois sur ces enjeux de rapidité et de coordination des acteurs dans le cadre de la procédure judiciaire. Lors de l’audition du 19 décembre 2018 , Maître Claude Katz, avocat, a fait d’ailleurs lui aussi ce constat inquiétant de « délais […] excessifs et inadmissibles » ; il a donné ainsi des exemples d’affaires dans lesquelles, entre le dépôt de la plainte et l’audience, se sont écoulés jusqu’à 7 ans ou 9 ans. Si ces délais peuvent s’expliquer par la complexité de certaines affaires, ces délais ne semblent toutefois pas admissibles, « sachant le poids que représentent pour les plaignantes ces affaires » ([76]). Ces délais sont d’autant moins acceptables quand ce sont des mineurs qui sont victimes et qui peuvent ainsi être amenés à témoigner des années plus tard, alors qu’ils sont devenus adultes. Il semblerait pertinent d’envisager une étude de ces problématiques précises et éventuellement de prévoir des garanties de procédure pour améliorer ces situations.

À l’issue des auditions et notamment des entretiens avec la direction départementale de la police judiciaire de Paris, vos Rapporteures s’inquiètent de l’insuffisance de statistiques prenant systématiquement en compte les femmes victimes. En effet, si les données existent, l’outil 4001 − outil statistique du ministère de l’Intérieur pour comptabiliser les infractions − ne permet pas de faire une recherche spécifique sur les femmes victimes. Dans la mesure où la très grande majorité des violences sexuelles, tout au moins sur les individus majeurs, sont commises contre les femmes, vos Rapporteures considèrent qu’il serait nécessaire d’améliorer ces outils statistiques. Systématiser la production de données sexuées permettrait d’affiner les connaissances dans ce domaine.

En outre, dans son Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels, l’association Mémoire traumatique et victimologie, dénonce également la très grande proportion de classement sans suite : « à 70 % (60 % pour les mineures) sont classées sans suite par le procureur qui a l’opportunité des poursuites avec ou sans enquête préliminaire […]. Un certain nombre le sont parce que prescrits. Pour les autres, les viols les plus fréquents sont ceux qui ont le plus de risque d’être classés sans suite : viols sans violence, viols par partenaire, viols sur de jeunes enfants, viols incestueux paternels dénoncés par les mères, viols sur des personnes handicapées, marginalisées ; de nombreux classements sans suite se font en raison de graves troubles psychodramatiques qui rendent les récits difficilement cohérents, qui sont pris pour des troubles psychotiques, autistiques ou des déficiences mentales qui décrédibilisent la parole des victimes, ou qui font croire à l’absence de conséquences (troubles dissociatifs avec une anesthésie émotionnelle prise pour de l’indifférence) » ([77]).

Selon Mme Véronique le Goaziou, sociologue, entendue par vos Rapporteures le 20 février 2018, ce sont en effet environ deux tiers des viols connus de la justice qui sont classés sans suite par les parquets.

Vos Rapporteures considèrent que ces constats peuvent varier selon les situations et les territoires qui ne connaissent pas tous ces mêmes difficultés. Toutefois, ces informations rapportées par l’association Mémoire traumatique et victimologie et par Mme Véronique Le Goaziou interpellent vos Rapporteures et les conduisent à souligner une fois encore la difficulté des procédures judiciaires pour viols qui doivent être améliorées.

Il semblerait donc pertinent d’envisager une étude de ces problématiques précises et éventuellement de prévoir des garanties de procédure pour faire progresser le traitement judiciaire des viols.

Recommandation n° 19 : Mener une réflexion sur le déroulement de la procédure judiciaire en amont de l’instruction pour les affaires de viols et prévoir le cas échéant des mesures d’encadrement, par exemple en termes de délais ou de suivi.

Lors de l’audition du 19 décembre 2017, Maître Claude Katz a pointé également des difficultés en termes de formation des magistrats et des avocats. « Sur le fond, il y a incontestablement […] un problème de formation des magistrats pour traiter ces affaires. Sur Paris et dans d’autres cours d’appels, il y a des juridictions plus formées, plus spécialisées en matière d’agressions sexuelles et de viols, mais cela nécessite une formation particulière. On ne traite pas les affaires de viols, ou même d’agressions ou de harcèlement sexuels, comme on traite les affaires de vols à la tire. L’écoute des victimes est importante lors de l’instruction, la prise en compte des difficultés pour la plaignante également. […] Le traumatisme [peut avoir] pour conséquence un effacement dans la mémoire de faits circonstanciels – dates ou lieux – et c’est un mécanisme de défense tout à fait normal. Il y a donc cette écoute particulière, le respect du temps par le juge. […]

Il y a également le problème de formation des avocats. Je considère […] que la défense, tout en respectant le principe de présomption d’innocence, [ne doit montrer] ni agressivité, ni mise en cause de la plaignante, mais au contraire respect de cette souffrance qui peut s’exprimer. Or, on voit que les plaignantes, au cours de l’instruction, de l’audience, sont malmenées – parfois de façon brutale, injurieuse, etc. – et je crois qu’il y a là un effort de formation à faire. Il est en train, il me semble, d’être accompli […], mais c’est un problème qui doit être évoqué à l’occasion de ce traitement judiciaire des affaires de viols » ([78]).

Comme cela a été rappelé par le HCE, une session annuelle de formation dédiée aux violences sexuelles a été créée pour les magistrats ([79]) ; il serait toutefois intéressant d’envisager un approfondissement de ces formations, afin de garantir une meilleure prise en compte des spécificités des cas de violences sexuelles par les magistrats. En outre, il semblerait pertinent de développer des modules de spécialisation pour les avocats sur ces problématiques.

Recommandation n° 20 : Développer et approfondir les formations initiales et continues à destination des magistrats et des avocats sur les violences sexuelles.

La correctionnalisation d’un viol consiste à requalifier le « viol », un crime jugé en cour d’assises, en « agression sexuelle », un délit jugé par le tribunal correctionnel.

Cette pratique fait l’objet d’une critique très forte de la part de nombreuses associations, dénonçant une forme de banalisation du viol, une non-reconnaissance du crime subi par la victime et faisant peser sur l’accusé des peines moins lourdes. Lors de l’audition du 9 novembre 2017, la présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV), Mme Emmanuelle Piet, s’est inscrite clairement contre toute forme de correctionnalisation, affirmant que les audiences au tribunal correctionnel sont très courtes et ne permettent pas de donner du sens à la justice : le fait d’aller aux assises permet selon elle d’exprimer et de comprendre.

Pourtant, cette pratique ne semble pas rare : ainsi une étude sur les viols et les agressions sexuelles jugés en 2013 et 2014 réalisée par l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis ([80]) révélait qu’au tribunal correctionnel 46 % des agressions sexuelles jugées sont des viols correctionnalisés.

Dans son Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles, le HCE explique en effet que « le viol est un crime qui constitue la plus grave des violences sexuelles. Or, il fait trop souvent l’objet de disqualification en agression sexuelle constitutive d’un délit. Cette pratique judiciaire de correctionnalisation des viols est souvent justifiée pour des motifs d’opportunité afin que l’affaire soit jugée plus rapidement devant le tribunal correctionnel. De surcroît, raison moins avouable, elle permet de désengorger les Cours d’assises » ([81]).

Reconnaissant que cette pratique de la correctionnalisation correspond en réalité à une « fiction juridique » qui ne peut être réellement satisfaisante, Maître Régine Barthelemy, membre du bureau du CNB, a attiré l’attention de vos Rapporteures sur les avantages que peut toutefois avoir la correctionnalisation. Il s’agit en effet d’une procédure moins coûteuse et surtout bien plus rapide, ce qui pour la victime est parfois une manière d’en finir avec la procédure judiciaire. En outre, la correctionnalisation permet de se retrouver face à des magistrats professionnels et non pas face à un jury populaire devant lequel l’aspect émotionnel a souvent une importance déterminante et devant qui : « la victime doit faire une prestation émouvante ». Maître Régine Barthelemy souligne par cette phrase que le procès aux assises est beaucoup plus douloureux pour les victimes, tandis qu’un procès en correctionnel est plus procédurier et moins traumatisant.

À ce sujet, Maître Avi Bitton a affirmé que dans certains cas, les auteurs peuvent être relaxés devant la cour d’assises, alors qu’ils auraient très probablement été condamnés au tribunal correctionnel avec des magistrats professionnels : « la réalité c’est qu’il y a des affaires qui devant un juré populaire aux assises risquent de déboucher sur un acquittement et on risque de laisser libres les coupables ». Maître Régine Barthelemy fait elle aussi le même constat : le risque d’acquittement en cour d’assises est plus important qu’au tribunal correctionnel. Elle a également rappelé que le choix de la correctionnalisation se fait au cas par cas et toujours avec l’accord de la victime.


Le HCE estime toutefois que « si la disqualification n’a pas pour but de nuire aux intérêts des victimes, qui peuvent d’ailleurs s’opposer au renvoi de l’affaire devant le tribunal correctionnel, elle minimise la gravité du viol et remet en cause le principe d’égalité devant la justice.

Les témoignages de femmes fortement encouragées par leur avocat.e à accepter cette requalification sont nombreux. Selon que l’affaire est traitée au pénal ou en correctionnelle, les conséquences diffèrent significativement : délais de prescription, accompagnement de la victime, prise en compte par le tribunal de la parole de la victime, prise de conscience de la gravité de son acte par l’auteur, dommages et intérêts, pédagogie sociale, etc. […]

C’est pourquoi le HCE recommande qu’une circulaire de politique pénale soit diffusée aux parquets leur demandant de veiller à ce que la qualification criminelle du viol soit retenue et poursuivie devant les Cours d’assises ».

Vos Rapporteures adhèrent à cette analyse du HCE et soulignent qu’en effet la pratique de correctionnalisation des viols contribue à minimiser la gravité de ces crimes. Votre Rapporteure Sophie Auconie considère toutefois, à la lumière des auditions menées, que cette question se révèle complexe et qu’il ne semble pas certain qu’interdire toute forme de correctionnalisation soit une solution satisfaisante. Votre Rapporteure MariePierre Rixain s’inscrit quant à elle fermement contre cette pratique de correctionnalisation et rappelle que le viol est un crime, précisément défini par le code pénal, et que le droit doit être appliqué à ce sujet.

En 2015, 1 048 condamnations pour viol et 4 668 condamnations pour des agressions sexuelles autres qu’un viol ont été prononcées, soit un total de 5 716 condamnations. Ces chiffres, issus des statistiques recueillies par le ministère de la Justice, sont présentés par l’Observatoire national des violences faites aux femmes et récapitulées dans les tableaux ci-dessous.

Condamnations pour violences sexuelles, prononcées en 2015, selon le sexe de l’auteur

 

Hommes

Femmes

Total

Viols

1 032

16

1 048

sur victime de +15 ans

 dont conjugal

701

46

15

0

716

46

sur victimes de – 15 ans

331

1

332

Autres agressions sexuelles

4 614

54

4 668

sur victime de +15 ans

 dont conjugal

2 070

163

17

0

2 087

163

sur victimes de – 15 ans

2 544

37

2 581

Total

5 646

70

5 716

Champ : France hexagonale et collectivités d’Outre-mer

Source : ministère de la Justice – SDSE – exploitation du casier judiciaire national – données provisoires – 2015 cité par La lettre de l’observatoire national des violences faites aux femmes, n° 10, novembre 2016.

Condamnations pour violences sexuelles prononcées entre 2013 et 2015

 

2013

2014

2015

Viols

1 188

1 075

1 048

Autres agressions sexuelles

4 998

4 517

4 668

Total

6 186

5 592

5 716

Champ : France hexagonale et collectivités d’Outre-mer

Source : ministère de la Justice – SDSE – exploitation du casier judiciaire national – données provisoires – 2015 cité par La lettre de l’observatoire national des violences faites aux femmes, n° 10, novembre 2016.

En comparaison des statistiques présentées dans la première partie du présent rapport, qui font état d’environ 100 000 victimes majeures de viol ou de tentative de viol chaque année, le nombre de condamnation pour viol, de l’ordre de 1 % donc, apparaît comme extrêmement faible. Cela s’explique d’une part par la faible proportion de victimes déposant plainte et entamant une procédure judiciaire. Cela peut sans doute également s’expliquer par la difficile obtention de la preuve judiciaire dans le cadre des procès pour viol et une attention tout spécifique doit donc être apportée à cet enjeu.

Le faible nombre de condamnations et l’importante proportion des crimes de viol qui sont finalement jugés en tant que délit par un tribunal correctionnel plaident pour une inscription systématique des auteurs condamnés pour viols ou agressions sexuelles dans les fichiers des forces de l’ordre. Vos Rapporteures considèrent en effet que toute condamnation prononcée pour des infractions d’ordre sexuel doit être intégrée au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) qui sert à prévenir la récidive des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes déjà condamnés et faciliter l’identification des auteurs de ces mêmes infractions et permettre de les localiser rapidement et à tout moment. Vos Rapporteures s’inquiètent du critère selon lequel les délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure à cinq ans ne font pas l’objet d’une inscription dans le fichier, sauf si celle-ci est ordonnée par décision expression de la juridiction ou du procureur de la République. Elles considèrent que toute condamnation pour viol ou agression ou atteintes sexuelles, quelle que soit la peine prononcée, doit impérativement faire l’objet d’une inscription au FIJAISV.

Recommandation n° 21 : Systématiser l’inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violences de toute condamnation pour viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle.

*

II.   Les questions particulières posées par les viols sur mineurs

« En France métropolitaine, 3,7 % des femmes et 0,6 % des hommes déclarent avoir été victimes de viols ou de tentatives de viol au cours de leur vie. Pour plus de la moitié des femmes et pour les trois quarts des hommes victimes, cette agression a eu lieu alors qu’elle ou il était âgé.e de moins de 18 ans » ([82]).

Les viols commis sur les mineurs, qui ne sont que très rarement pris en compte dans les enquêtes statistiques sur les violences sexuelles, alors qu’ils s’inscrivent pleinement dans les problématiques liées aux violences sexuelles en général, sont donc un phénomène criminel, massif et spécifique qui a également été au cœur des travaux de vos Rapporteures.

A.   les viols sur mineurs : DES SITUATIONS QUI DOIVENT ÊTRE MIEUX APPRÉHENDÉES

Les violences sexuelles commises à l’encontre des mineurs constituent une réalité difficile à mesurer précisément, mais qui, compte tenu des différentes statistiques et expertises, semble massive. En outre, ces crimes sexuels sur mineurs s’inscrivent souvent des  contextes particuliers, qui doivent être mieux connus pour être mieux pris en compte.

1.   L’ampleur des violences sexuelles faites aux enfants

Peu dénoncées et la plupart du temps exclues du champ des enquêtes quantitatives et quantitatives, les violences sexuelles sur mineurs sont difficiles à quantifier. Plusieurs chiffres peuvent toutefois être évoqués pour comprendre l’ampleur de ces violences.

En 2015, l’enquête réalisée par l’institut IPSOS et l’association Mémoire traumatique et victimologie ([83]) estime que 124 000 filles et 30 000 garçons sont victimes de viols ou de tentatives de viol chaque année ([84]). L’enquête Virage conduite par l’Ined confirme la lourde prévalence des crimes sexuels commis sur les mineurs, comme le montre le tableau ci-après.

Répartition par groupe d’âge des violences sexuelles (hors harcèlement ou exhibitionnisme) au cours de la vie

Selon le sexe de la personne victime, en %

Groupe d’âge

Viol et tentative de viol

Autre agression sexuelle

Femmes

Hommes

Femmes

Hommes

0 – 10 ans

27,0

34,1

23,3

20,4

11 – 14 ans

11,3

25,1

15,3

17,8

15 – 17 ans

14,4

16,3

16,3

12,5

18 – 24 ans

21,3

5,7

19,5

17,2

25 ans & +

25,8

18,8

25,0

32,0

NSP / NVPD (1)

0,3

0,0

0,6

0,1

Total

(effectif observé)

100,0

(632)

100,0

(77)

100,0

(3 422)

100,0

(567)

Champ : Femmes et hommes âgé.e.s de 25 à 69 ans vivant en France métropolitaine, en ménage ordinaire, ayant subi au moins une violence sexuelle au cours de leurs vies.

(1) : NSP : ne sait pas – NVPD : ne veut pas dire.

Source : Ined, enquête Virage, 2015.

Ce tableau « présente les âges [auxquels sont subies les] violences ou [les] premières violences pour les viols, les tentatives de viol et les autres agressions sexuelles. Il souligne le poids des violences sexuelles subies aux plus jeunes âges. En effet, plus d’un quart des femmes et un tiers des hommes déclarent que les viols et un tiers des hommes déclarent que les viols et tentatives de viol ont commencé avant leurs 11 ans. […] Le fait que les victimes de viols ou de tentatives de viol aient moins de 15 ans au moment des faits constitue une circonstance aggravante. C’est le cas de presque 40 % de ces actes déclarés par les femmes, et près de 60 % de ceux déclarés par des hommes, notamment en raison du poids important des violences subies dans le cadre de la famille, qui surviennent avant les 15 ans de la victime dans plus de 80 % des cas pour les femmes et 86 % pour les hommes » ([85]).

Il semble donc possible d’affirmer que les mineurs sont finalement les plus exposés aux violences sexuelles. Mme Emmanuelle Piet considère qu’aujourd’hui les enfants sont insuffisamment protégés et estime par exemple qu’« autant on a progressé sur le droit des femmes, autant sur le droit des enfants et la protection des enfants, on a franchement reculé dans les cinq dernières années » ([86]).

2.   Le besoin d’une prise en charge adaptée

Les violences sexuelles commises sur des personnes mineures le sont majoritairement au sein de la famille ou par une autre personne proche. En outre, elles « se caractérisent également par leur caractère répété. 62 % des femmes et 68 % des hommes victimes déclarent avoir subi ces violences à de multiples reprises » ([87]).

Une enquête sur les viols commis à Paris en 2013 et 2014 et enregistrés par les services de police ([88]) permet de caractériser plus spécifiquement les viols sur mineurs. Toutefois, ces caractéristiques ne sont révélatrices que des faits déclarés et pour lesquels une enquête a été menée et transmise au Parquet ; l’enquête comporte donc un biais méthodologique qui conduit possiblement à sous-estimer les violences sexuelles intra-familiales.

Elle estime que 75 % des viols sur mineurs sont commis dans des espaces privés ; 2 % des faits ont été commis à la suite d’une rencontre dans un lieu de nuit et 2 % des faits ont été commis à la suite d’une rencontre sur internet.

Au sens du code pénal, seulement 9 % des viols ont été commis « avec violence », c’est-à-dire avec une violence physique destinée à imposer l’acte sexuel ; 49 % ont été commis par « contrainte ou menace » et 42 % par « surprise ». Cette dernière proportion est particulièrement importante ; la même enquête relève que pour les victimes majeures, la surprise est utilisée dans 15 % des cas. Cette enquête estime ainsi que « dans 42 % des situations, l’auteur a donc usé de stratagèmes (jeux, initiations) ou a profité de la difficulté de la victime à appréhender la situation pour agir ».

Cette étude précise que 38 % des victimes étaient âgées de plus de 15 ans, 33 % avaient entre 10 et 14 ans, et 29 % avaient moins de 10 ans. En outre, 96 % des agresseurs présumés sont des hommes et 44 % sont eux-mêmes mineurs. 56 % des mis en cause pour viol sur mineur étaient donc majeurs et « les catégories d’âge les plus représentées étant celles des 18-25 ans et des 35-44 ans (14 faits chacune) ».

Ces statistiques ne tenant pas compte des viols n’ayant donné lieu ni à une dénonciation, ni à une plainte, il est nécessaire de les compléter par les études de victimation et l’expertise des personnels de santé et des associations.

Lors de la table ronde du 16 janvier 2018, le Dr Gérard Lopez, psychiatre, président de l’Institut de victimologie, a insisté sur l’importance des violences sexuelles faites aux enfants et rappelait que « nous ne savons pas très bien quel est le nombre d’enfants violés, même s’ils sont forcément nombreux puisqu’il y a actuellement 4 millions de victimes de l’inceste, car les études rétrospectives que l’on fait ne sont pas très fiables » ([89]). Selon son expertise, il faudrait pour cela intégrer aux cohortes de génération la question des violences sexuelles pour avoir des données fiables.

Le rapport de la mission de consensus présidée par Mme Flavie Flament et M. Jacques Calmettes souligne également les spécificités des crimes sexuels commis sur les mineurs. Il décrit, d’une part, les nombreux obstacles à la libération de la parole des enfants victimes de violences sexuelles, sur lesquels Mme Flavie Flament a d’ailleurs insisté lors de son audition par la Délégation le 31 janvier 2017 ([90]) : difficulté à comprendre la gravité des actes subis, une relation souvent complexe avec son agresseur qui peut impliquer une emprise, sociale ou sentimentale par exemple, et place l’enfant dans un conflit de loyauté qui rend la dénonciation difficile. En outre, le rapport rappelle que « dans le cas d’agressions commises au sein de la famille, d’une communauté ou d’une institution, la victime mineure est confrontée en permanence à la présence de l’agresseur et à la répétition du fait traumatique. En effet, les crimes sexuels sur mineur.e.s sont souvent commis par un même auteur sur de nombreuses victimes et pendant plusieurs années. Le phénomène d’emprise de l’agresseur sur sa victime, et l’efficacité de sa stratégie pour la contraindre au silence, sont alors décuplés » ([91]).

En outre, les troubles d’amnésie traumatique, largement évoqués lors des tables rondes des 16 et 18 janvier 2018, notamment par la Dr Muriel Salmona et la Dr Carole Azuar, sont très importants chez les enfants qui subissent le choc traumatique d’une agression sexuelle. Les violences sexuelles subies durant l’enfance sont intolérables ; elles sont un véritable traumatisme pour l’enfant et son corps. Elles ont ainsi de très lourdes conséquences physiques et psychiques à court, moyen et long termes.

Selon Mme Emmanuelle Piet, ces violences sexuelles sur mineurs contribuent également à créer de futurs agresseurs. Lors de son audition, elle a en effet fait le lien entre le nombre d’enfants victimes de violences et ensuite le nombre de violeurs : en suivant des enfants agresseurs sexuels ou criminels en prison, elle a constaté que 100 % avaient subi des maltraitances graves dans leur enfance, au moins un tiers ayant été victime de sévices sexuels. Selon elle, ces cadres familiaux criminels risquent ensuite d’être reproduits s’ils ne sont pas corrigés : en effet l’apprentissage de l’intimité se fait d’abord en observant le fonctionnement de la famille dans laquelle un enfant évolue.

L’ampleur, la spécificité et la gravité des violences sexuelles faites aux enfants doivent également être prises en compte dans le cadre des procédures judiciaires. Lors de la table ronde du 18 janvier 2018 ([92]), la Dr Caroline Rey Salmon, pédiatre et légiste, à l’origine de l’ouverture des premières urgences médico-judiciaires pour mineurs, a insisté sur ces problématiques spécifiques. Elle a également porté à la connaissance de vos Rapporteures l’existence du programme Nénuphar, développé dans le cadre du Centre de victimologie pour mineurs, qui s’adresse spécifiquement aux mineurs victimes de violences sexuelles et à leurs proches. Dans ce cadre ont été réalisés des guides pour l’UMJ de l’Hôtel-Dieu, adressés aux parents, aux enfants et aux adolescents, donnant des informations précises et adaptées sur l’examen médical sur réquisition et les éventuels symptômes et troubles que la victime peut développer à la suite de ces violences sexuelles.

Vos Rapporteures voient en cette initiative une bonne pratique qui devrait être généralisée pour l’ensemble des UMJ et considèrent en effet que le traitement judiciaire des viols sur mineurs pose des difficultés bien spécifiques. Ainsi, la prise en charge par les forces de police ou de gendarmerie, au sein des UMJ, puis au cours des procès, doit être adaptée à ces spécificités. Lors de déplacement de terrain, elles ont pu constater que certains professionnels étaient particulièrement bien formés sur la prise en charge des enfants dans les cas de viols sur mineurs. Cette formation ne semble toutefois pas uniforme sur le territoire et il apparaît nécessaire de développer les spécialisations des personnels de santé et des forces de l’ordre dans ce domaine. Elles considèrent que ce sujet doit encore être approfondi pour améliorer la prise en charge des victimes mineures de violences sexuelles.

Recommandation n° 22 : Garantir une prise en charge spécialisée à toutes les étapes de la procédure judiciaire dans les cas de viol sur mineurs.

B.   Adapter la LOI POUR MIEUX PROTÉGER LES MINEURS CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES

Afin de mieux protéger les mineurs contre les violences sexuelles, vos Rapporteures se sont concentrées sur deux points qui apparaissaient comme essentiels à la lumière de leurs travaux : d’une part, l’allongement à trente ans du délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur mineur ; d’autre part, la possibilité d’un seuil d’âge de présomption de non-consentement pour les enfants lors d’un acte sexuel avec un adulte.

1.   Allonger à trente ans le délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur mineurs

Dans le cadre du rapport de la mission de consensus, la question de la pertinence de l’allongement du délai de prescription des crimes sexuels commis sur les mineurs a été étudiée en détail. Pointant du doigt les limites de l’actuel système, qui ne prévoit pas de dérogation aux délais de prescription de droit commun pour les crimes sexuels commis sur les mineurs et empêche ainsi de nombreuses victimes de porter plainte, la mission de consensus propose « un allongement du délai de prescription de l’action publique à 30 ans, avec un départ de ce délai à la majorité de la victime. Celle-ci pourrait donc porter plainte jusqu’à l’âge de 48 ans » ([93]).

Les auditions conduites ont permis de revenir sur cette proposition. Certains auditionnés ont en effet souligné les limites de ce projet de réforme. Maître Avi Bitton, avocat en droit pénal, membre du conseil national des barreaux (CNB), considère par exemple que cela reviendrait à désuniformiser les règles de délais de prescription et ferait perdre en cohérence juridique. « Le risque en allongeant les délais de prescription, c’est le risque d’erreur judiciaire. Plus vous permettez à un plaignant de se plaindre tard, plus vous augmentez le risque d’erreur judiciaire, et pour ce plaignant, et pour l’accusé. […] plus la plainte est rapprochée des faits, plus il y a de chances que l’auteur soit poursuivi et sanctionné. Au contraire, plus la plainte est éloignée et tardive et plus, statistiquement, il y a de classements sans suite, de non-lieux, de relaxes, d’acquittements » ([94]). Il souligne également que l’allongement de ce délai pourrait être interprété par la victime comme « un droit d’attendre, un droit de ne pas porter plainte tout de suite » ; en faisant cela, une victime court le risque de voir son agresseur ne pas être condamné par manque de preuves.

M. Jacky Coulon, secrétaire national de l’Union syndicale des magistrats (USM) a lui aussi rappelé que cet allongement n’était pas nécessaire une bonne solution, car plus les faits sont anciens plus ils sont difficiles à prouver. Maître Jérôme Karsenti a qualifié ce projet de « mauvais traitement de victime », considérant qu’il ne faudrait pas que cela conduise à leur faire croire qu’il va être possible de recevoir et de faire aboutir sa plainte aussi tardivement après les faits. Il souligne que cet allongement pourrait également renforcer l’actuel engorgement de la justice.

Lors de déplacements de terrain, ces mêmes inquiétudes se sont exprimées, ainsi que la difficulté de conduite des enquêtes judiciaires sur des faits aussi anciens et le risque d’aggravation du traumatisme que cela pourrait faire courir aux victimes. Sur cette idée qu’un jugement de non-lieu ou de classement sans suite constituerait un traumatisme supplémentaire pour la victime, Mme Flavie Flament a expliqué clairement : « je pense que c’est faux, je pense qu’une victime est tout à fait en mesure d’apprécier le risque qu’elle court si elle est prévenue, si elle est accompagnée » ([95]). Elle a en outre ajouté que « quand la porte de la justice se referme sur le visage d’une victime en demande, c’est la porte de l’impunité qui s’ouvre sur les auteurs de crimes sexuels ». Allonger le délai de prescription permet selon elle d’envoyer un signal clair : « le monde sera plus juste envers les victimes […] et le temps de l’impunité est révolu » et cette mesure est, selon elle, très attendue par la société.

Les échanges avec les personnels de police et de gendarmerie travaillant sur le terrain ont également permis d’identifier un intérêt très important de l’allongement de ce délai. Dans les cas de viols en série, qui ne sont pas rares comme l’a rappelé le CFCV puisque les violeurs d’enfants sont souvent récidivistes et ne font pas qu’une victime, l’allongement du délai de prescription permettrait de pouvoir inclure dans le cadre de la procédure judiciaire un plus grand nombre de victimes, facilitant ainsi le travail des enquêteurs et des magistrats et permettant une justice pour toutes les victimes. Maître Jérôme Karsenti, représentant du CNB auditionné par vos Rapporteures, a également confirmé que pour les violeurs en série, le prolongement de ce délai présente un réel intérêt.

Les associations de victimes ou d’accompagnement de victimes de viols entendues par vos Rapporteures ont souvent fait état de l’injustice du délai de prescription, qu’il soit de 20 ou de 30 ans : Mme Emmanuelle Piet l’a par exemple qualifié de « paix des agresseurs ». Plusieurs associations demandent la création d’une imprescriptibilité des crimes sexuels commis sur mineurs. Les magistrats et les avocats auditionnés par la Délégation et par vos Rapporteures se sont quant à eux montrés très opposés à cette possibilité de l’imprescriptibilité ; les seuls crimes imprescriptibles étant les crimes contre l’humanité, appliquer ce même principe aux crimes sexuels commis sur mineurs déstabiliserait l’organisation de l’ensemble des délais de prescription en l’état actuel du droit. La mission de consensus sur le sujet a d’ailleurs également conclu dans le même sens.

À la lumière de ces échanges, vos Rapporteures insistent sur la nécessité de revoir le délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs, pour permettre à la fois de tenir compte des amnésies traumatiques qui peuvent s’imposer aux victimes et les empêcher de porter plainte et pour augmenter les possibilités de poursuites judiciaires dans le cas de viols en série.

Votre Rapporteure Marie‑Pierre Rixain reprend à son compte les arguments de la mission de consensus présidée par Mme Flavie Flament et M. Jacques Calmettes, estimant que seuls les crimes contre l’humanité doivent être imprescriptibles. Pour autant, elle considère que l’allongement ce délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs de 20 ans à 30 ans, à compter de la majorité de la victime, est une mesure pertinente.

Votre Rapporteure Sophie Auconie estime, quant à elle, que pour les crimes sexuels sur mineurs, aucun délai de prescription ne devrait exister.

Recommandation n° 23 : Revoir le délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur les mineurs.

2.   Consacrer le principe du non-consentement des mineurs à un acte sexuel avec un adulte

Le droit pénal français actuel comprend de nombreuses dispositions visant à protéger les mineurs des violences sexuelles, comme cela a par exemple été rappelé par Maître Jérôme Karsenti, représentant du CNB, considérant que cet arsenal juridique est complet et adapté. Toutefois, plusieurs associations, à la lumière de décisions juridiques récentes, font valoir que dans certains cas les enfants ne sont pas suffisamment protégés.

Cette problématique est apparue notamment lors de procès pour viol qui n’ont pas conduit à une condamnation de l’auteur présumé, alors que les victimes n’avaient même pas quinze ans, tandis que les auteurs présumés étaient majeurs et parfois bien plus âgés. Ces situations ont conduit à s’interroger sur la capacité des enfants à consentir à un rapport sexuel avec un majeur. M. Édouard Durand, juge des enfants, lors de son audition par la Délégation le 14 novembre 2017 ([96]), a expliqué que ces cas ont mobilisé la société « parce que nous avons été capables de nous représenter la scène, de nous représenter l’adulte de 30 ans et la petite fille de 11 ans dans cette scène sexuelle et que ceci a heurté nos consciences ».

Dans son Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles ([97]), le HCE rappelle que le droit pénal prend en compte l’immaturité tant physique que psychique des mineurs à travers plusieurs dispositions :

− l’article 222-22-1 retient le critère de la différence d’âge entre la victime mineure et l’auteur pour caractériser la contrainte ;

− l’article 222-24-2 fait de la minorité de 15 ans une circonstance aggravante du viol ;

− l’article 227-25 du code pénal réprime le fait pour un majeur d’exercer sans violence, contrainte, menace, ni surprise une atteinte sexuelle sur un ou une mineur de 15 ans.

Il convient de souligner que l’arsenal juridique est déjà robuste, mais qu’il peut exister des cas dans lesquels il ne conduit pas nécessairement à la condamnation d’un acte sexuel d’un majeur sur un mineur, situation qui paraît inacceptable. Pour les crimes de viol qui sont jugés en cour d’assises, la différence d’âge n’est par exemple pas clairement définie pour imposer au jury populaire de systématiquement condamner un acte sexuel d’un adulte sur un enfant. Lors de son discours du 25 novembre 2017, le Président de la République s’est exprimé à ce sujet, affirmant que « ces affaires ont révélé un vide juridique que nous souhaitons combler. C’est pourquoi nous fixerons une règle claire dans la loi, parce que nous ne pouvons admettre que la présomption de consentement s’applique de façon aussi floue lorsqu’advient une relation sexuelle entre un mineur et un adulte » ([98]).

En ce sens, il existe une marge de progrès pour clarifier le droit pénal applicable à ces situations et réprimer plus sévèrement les violences sexuelles contre les enfants. M. Édouard Durand, insistant sur l’importance de la cohérence de la législation, a affirmé que concernant la protection de l’enfance, « il y a eu des efforts récents législatifs extrêmement forts pour adapter le système juridique à une meilleure protection de l’enfant.[…] Il y a peut-être quelques progrès à faire encore. […] Il est essentiel de sanctuariser le développement de l’enfant » ([99]).

Revenant sur la conception de l’Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles du HCE, Mme Élisabeth Moiron Braud, secrétaire générale de la Miprof ([100]), expliquait l’intérêt de définir juridiquement un seuil d’âge clair en-dessous duquel un enfant est présumé ne pas avoir consenti à une relation sexuelle avec un adulte : « Lorsque l’on a réfléchi, au HCE, sur la nécessité de légiférer en introduisant dans notre code pénal un seuil d’âge en dessous duquel le non-consentement d’un mineur à l’acte sexuel avec un majeur est présumé, on a trouvé important de créer pour les victimes une certaine sécurité juridique. Aujourd’hui, ceux qui sont contre cette idée de présomption irréfragable, disent que le code pénal comprend tous les outils, notamment car le code pénal prévoit que la contrainte peut résulter de l’écart d’âge, mais il n’y a pas de présomption automatique. […] Définir un tel seuil d’âge permet de clarifier les choses, de créer une sécurité juridique et d’être sûr que sur tous les territoires, quel que soit le tribunal devant lequel on se trouve, la contrainte morale est présumée » ([101]).

Cette proposition de la création d’un seuil d’âge de présomption irréfragable de non-consentement a fait l’objet de nombreuses réactions et discussions. Au cours de leurs travaux, vos Rapporteures ont notamment été alertées sur les inquiétudes des magistrats et des avocats sur le caractère irréfragable d’une telle présomption. Le CNB s’est fortement positionné contre cette proposition qui rend toute défense impossible et ne tient pas compte du principe de présomption d’innocence. M. Jacky Coulon, représentant l’USM, considère que créer une présomption irréfragable de non-consentement revient à créer une présomption irréfagrable de culpabilité, ce qui n’est pas sans soulever de profondes interrogations. Il s’agirait d’un bouleversement des principes et de la logique du droit pénal. En outre, comme de nombreux personnels de police rencontrés lors des déplacements de terrain, les magistrats et les avocats ont rappelé la grande diversité des situations qui ne pourraient pas forcément toutes s’inscrire logiquement dans le cadre d’un seuil d’âge précisément fixé.

Comme cela a également été rappelé par M. Jacky Coulon, représentant l’USM, aujourd’hui la loi ne se pose pas directement la question du consentement. Le droit pénal se concentre sur les éléments constitutifs de l’infraction. En matière de viol, il vérifie ainsi si les faits permettent d’établir qu’existe une menace, une surprise, une violence ou une contrainte. Autrement dit, l’attention se porte sur l’agresseur et non sur la victime. Introduire la notion de non-consentement constituerait une novation juridique totale et surtout inverserait la logique actuelle. La procédure se focaliserait sur la victime au lieu de se concentrer sur l’agresseur. Maître Jérôme Karsenti a lui aussi évoqué ces aspects ; le droit pénal est conçu pour condamner l’auteur : la définition de l’infraction se définit donc par rapport au comportement de l’auteur et c’est dans cette logique qu’a été conçue en 1980 la définition du viol. Pour lui, le risque du débat actuel est de remettre la notion de consentement de la victime au cœur du débat, ce qui reviendrait à connaître un acte pénal non plus par rapport à un acte réalisé, mais par rapport au point de vue subjectif d’une victime.

Lors de son audition par la Délégation, M. Édouard Durand a également mis en garde contre l’introduction d’une telle notion en droit pénal : « il faut faire attention à ce que cela ne dérive pas sur la recherche de l’expression du non-consentement – cela a justement été évoqué par Mme Ernestine Ronai et aussi des travaux de l’AVFT ([102])  : il y aurait un risque très important à aller chercher des modifications législatives sur la question du consentement, plutôt que sur les éléments constitutifs du viol ou de l’agression sexuelle qui sont menace, violence, contrainte ou surprise. […] C’est bien une présomption de contrainte et non pas une présomption de non-consentement ». Faisant de nouveau référence à de récentes affaires judiciaires, il a expliqué que « ce qui a mobilisé nos consciences, c’est bien la contrainte que représente le développement du corps [de l’agresseur], de ses capacités sexuelles et mentales, et le développement non encore abouti sur le plan sexuel, affectif et mental [de la victime] » ([103]).

À la lumière de ces éléments qui tiennent compte à la fois de la cohérence juridique et de l’enjeu de ces notions pour les victimes, vos Rapporteures considèrent qu’en l’état actuel des travaux, introduire le terme précis de « consentement » ou de « non-consentement » dans le droit pénal français soulève plus de difficulté qu’il n’en résoudrait. Toutefois, elles soulignent que cette notion est prise en compte dans la définition du viol, par exemple au Canada, et la Suède réfléchit actuellement à une réforme législative pour introduire cette notion dans la définition du crime de viol. Lors de leur déplacement à Stockholm les 22 et 23 janvier 2018, elles ont conduit de nombreux entretiens à propos de ce projet de réforme, qui, d’après M. le député Thomas Tobé, président de la commission juridique du Parlement suédois, est avant tout une question de société. Il s’agit de créer une nouvelle norme sociale impliquant que tout rapport sexuel soit consenti de manière claire, libre et éclairée. Ces évolutions juridiques interpellent vos Rapporteures qui estiment qu’un tel changement doit être envisagé avec détermination mais aussi avec la plus grande prudence et la plus grande vigilance sur les conséquences de fond en matière de cohérence juridique et de répression des agressions sexuelles.

Au-delà de l’aspect technique de l’introduction du terme lui-même, vos Rapporteures estiment cependant nécessaire de consacrer le principe du non-consentement des enfants à un acte sexuel avec un adulte. Elles considèrent que cette évolution est aujourd’hui primordiale pour faire progresser la protection des mineurs contre les violences sexuelles.

Ce principe est introduit dans le droit de nombreux pays occidentaux. Dans le cadre de leurs travaux d’information, vos Rapporteures ont interrogé plusieurs pays européens sur l’état actuel de leur législation en la matière. Selon les réponses qui leur ont été adressées ([104]), il apparaît qu’un seuil d’âge est souvent fixé pour définir la légalité d’une relation sexuelle entre un mineur et un majeur. Ce seuil n’équivaut cependant pas à un non-consentement irréfragable et n’assimile pas nécessairement la relation à un viol. L’interdit est ainsi posé, dans la même logique que l’infraction d’atteinte sexuelle dans le droit pénal français. Ces seuils d’âge vont de 10 ans pour l’Estonie à 16 ans pour la Suisse et la Lettonie.

Ces comparaisons internationales montrent clairement qu’il n’est pas exceptionnel de faire figurer clairement dans la loi l’interdit d’une relation sexuelle entre un majeur et un mineur. Se pose ensuite la question de la limite d’âge. Comme l’a signalé Mme Élisabeth Moiron-Braud ([105]), c’est autour de cette question que se cristallise le débat. Elle rappelle également que la majorité des pays européens ont choisi l’âge de 14 ans comme limite d’âge.

Cette question du seuil d’âge d’interdiction d’une relation sexuelle entre un mineur et un majeur implique également de s’interroger sur l’écart d’âge entre le majeur et le mineur : il est en effet évident que la situation n’est pas la même entre deux personnes de 14 et 18 ans ou deux personnes de 11 ans et 28 ans. Cette question de l’écart d’âge doit sans doute être prise en compte, comme cela a par exemple été mentionné lors des entretiens au commissariat de Clichy ou à l’occasion de la table ronde du 18 janvier 2018 par la Dr Caroline Rey-Salmon ([106]). Cette dernière rappelait qu’il existe une courbe de dispersion de l’adolescence et de la maturité sexuelle importante ; ainsi les premières menstruations peuvent survenir entre 9 ans et demi et 14 ans et demi. Chez un enfant impubère, il est clair qu’un rapport sexuel causera des lésions physiologiques, des dégâts somatiques flagrants, auxquels s’ajoutent les conséquences psychiques. La question de l’âge devrait donc tenir compte de la question de la puberté et de la maturité sexuelle, qui ne sont pas fixées à un âge donné.

Certains pays, comme le Canada, ont résolu cette complexité en instaurant dans leur droit différents types d’écart d’âge pour qualifier juridiquement la relation sexuelle. La Suède a elle aussi instauré un système de tolérance pour tenir compte de ces situations, comme cela a été expliqué lors d’un entretien avec le parquet national de Suède : une relation sexuelle avec un mineur de moins de 15 ans et un individu de plus de 15 ans est qualifiée de viol. Toutefois, si l’écart d’âge entre les deux individus est faible, par exemple 14 ans et 16 ans, les juges ont la possibilité de qualifier la relation non pas de viol, mais d’abus sexuel.

Lors de l’audition du 14 novembre 2017, au cours de laquelle ces systèmes des écarts d’âge ont été évoqués, Mme Élisabeth Moiron-Braud a toutefois estimé que « cela est contraire à la sécurité juridique et cela complexifie le droit ». Elle a cependant estimé que sans ce type de système, il est évident qu’un seuil d’âge unique est un couperet très strict, dans la mesure où en-dessous du seuil l’acte sexuel est qualifié de crime et passible de 20 années de réclusion criminelle, tandis qu’au-dessus du seuil l’acte sexuel devient tout à fait légal. Il serait sans doute pertinent d’introduire dans la législation un système de gradation qui garantisse une certaine cohérence de droit et de l’échelle des peines.

À la lumière de l’ensemble de ces éléments, vos Rapporteures considèrent qu’il est aujourd’hui nécessaire de légiférer pour mieux protéger les mineurs de 15 ans contre les violences sexuelles.

Elles proposent pour cela d’établir deux seuils d’âge déterminant des interdits juridiques et sociétaux clairs sur les actes sexuels entre un adulte et un enfant :

− pour un mineur âgé de moins de 13 ans, tout acte sexuel par un majeur est qualifié d’agression sexuelle aggravée, c’est-à-dire exposant l’auteur à une peine de 10 ans d’emprisonnement, comme le prévoit l’article 222-29-1 du code pénal. L’acte sexuel avec pénétration est assimilé à un viol, c’est-à-dire considéré comme un crime et puni des peines prévues à l’article 222-24 du code pénal ;

− pour un mineur âgé de 13 à 15 ans, tout acte sexuel avec pénétration par un majeur est réputé non consenti.

Vos Rapporteures considèrent en effet que 15 ans correspond à l’âge auquel les mineurs peuvent donner leur consentement à une relation sexuelle avec un majeur, ce qui est d’ailleurs déjà induit par le délit d’atteinte sexuelle inscrit dans le code pénal. Prenant toutefois en compte l’ensemble des remarques qui ont été portées à leur attention au cours de leurs travaux, il leur semble nécessaire de prévoir une solution juridique précise et graduée. Ainsi, tout acte sexuel commis par un majeur sur un mineur de 15 ans et de plus 13 ans sera considéré comme un délit et tout acte sexuel commis par un majeur sur un mineur de 13 ans sera considéré comme un crime.

Cette solution permettrait ainsi de tenir compte de la construction physique et psychologique progressive de l’enfant et de l’adolescent. Elle permettrait également de prendre en compte les enjeux d’écart d’âge et de clarifier le droit.

Elle semble par ailleurs plus protectrice pour les victimes, car elle concerne l’ensemble des actes sexuels commis sur mineurs et non pas seulement les actes comprenant une pénétration.

Recommandation n° 24 : Insérer dans le code pénal le principe de nonconsentement et établir deux limites d’âge à 13 et 15 ans.

Tout acte sexuel par un majeur sur un mineur de 13 ans est une agression sexuelle aggravée et, en cas de pénétration, un viol.

Entre 13 et 15 ans, tout acte sexuel avec pénétration par un majeur est réputé non consenti.


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   TRAVAUX DE LA dÉlÉgation

 

Lors de sa réunion du 22 février 2018 sous la présidence de Mme Marie‑Pierre Rixain, la Délégation a adopté le présent rapport et les recommandations présentées supra (pages 7 à 9).

La vidéo de cette réunion est accessible en ligne sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5608190_5a8e9421ad6e9.delegation-aux-droits-des-femmes--rapport-d-information-sur-le-viol-22-fevrier-2018.

 

 


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   annexes

annexe 1 : Liste des personnes auditionnÉes par lA dÉlÉgation et par les RAPPORTEUREs

I.   PERSONNES ENTENDUES PAR LA DÉLÉGATION

 Jeudi 9 novembre 2017

– Mme Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol (CFCV), médecin de protection maternelle et infantile (PMI) et gynécologue

● Mardi 14 novembre 2017

– Mme Élisabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), coprésidente de la commission « Violences de genre » du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) et rapporteure de l’avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles (HCE, octobre 2016)

− Mme Ernestine Ronai, ancienne coordinatrice nationale chargée des violences faites aux femmes de la MIPROF et responsable de l’observatoire départemental de Seine-Saint-Denis des violences envers les femmes, coprésidente de la commission « Violences de genre » du HCE et rapporteure de l’avis précité d’octobre 2016

− M. Édouard Durand, magistrat, juge des enfants au tribunal de grande instance de Bobigny, membre du conseil scientifique de l’observatoire national de l’enfance en danger, membre du conseil national de la protection de l’enfance (CNPE) et membre de la commission « Violences de genre » du HCE

● Mercredi 22 novembre 2017

– Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes

− Mme Béatrice Bossard, sous-directrice de la justice pénale générale au sein de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la Justice

− Mme Emmanuelle Piet, présidente du CFCV

− Mme Catherine Le Magueresse, juriste et ancienne présidente de l’association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), spécialiste des questions de violences

− Mme Delphine Dhilly, documentariste, réalisatrice de du film documentaire Sexe sans consentement

− Mme Christelle Hamel, sociologue, chargée de recherche à l’Institut national des études démographiques (INED), responsable de l’enquête Virage (Violences et rapports de genre)

− Mme Sylvie Pierre-Brossolette, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), présidente du groupe de travail « Droits des femmes »

− Mme Marie-Noëlle Bas, présidente de l’association Chiennes de garde

− Mme Lauren Bastide, journaliste féministe, membre du collectif « Prenons la Une »

● Mardi 5 décembre 2017

– M. le général d’armée Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN)

− M. Éric Morvan, directeur général de la police nationale (DGPN), préfet, accompagné de Mme Stéphanie Cherbonnier, conseillère judiciaire au cabinet du directeur général

● Jeudi 14 décembre 2017

– Mme Maryse Jaspard, socio-démographe, membre du comité d’orientation de l’enquête Virage (Violences et rapports de genre, INED), responsable de la première enquête nationale sur les violences faites aux femmes (ENVEFF), et auteure de divers ouvrages sur les violences faites aux femmes, notamment Je suis à toi, tu es à moi : violence et passion conjugales (2015)

● Mardi 19 décembre 2018

– M. Avi Bitton, avocat au barreau de Paris, membre du conseil national des barreaux (CNB) ([107])

− M. Claude Katz, avocat au barreau de Paris

● Mardi 16 janvier 2018

– M. Gérard Lopez, psychiatre, président de l’institut de victimologie, vice-président du conseil national professionnel de médecine légale et expertise médicale

− Mme Muriel Salmona, psychiatre spécialisée en psychotraumatologie et victimologie, présidente de l’association Mémoire traumatique et victimologie

− M. Gilles Lazimi, médecin généraliste au centre municipal de santé de Romainville, maître de conférences en médecine générale à l’Université Pierre et Marie Curie, membre du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) et auteur de nombreux travaux de recherche sur les violences sexuelles

● Jeudi 18 janvier 2018

– Mme Caroline Rey-Salmon, pédiatre et légiste, à l’origine de l’ouverture les premières urgences médico-judiciaires pour mineurs

− Mme Carole Azuar, neurologue, spécialisée sur les déficits neurologiques touchant les fonctions cognitives, la mémoire ou les fonctions comportementales

− Mme Frédérique Martz, directrice et fondatrice de l’Institut Women Safe, institut en santé génésique, centre de prise en charge des femmes victimes de violences

− M. Pierre Foldes, chirurgien urologue, co-fondateur de l’Institut Women Safe, inventeur de la chirurgie réparatrice des mutilations sexuelles féminines, membre de médecins du monde et membre expert de la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF)

● Mercredi 31 janvier 2018

– Mme Flavie Flament, animatrice de télévision et de radio, autrice de l’ouvrage La Consolation

− M. Jacques Calmettes, magistrat honoraire, ancien président de l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation (INAVEM)

● Mercredi 7 février 2018

– Mme Furnon-Petrescu, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes - direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

− Mme Martine Jaubert, cheffe du bureau de la promotion des droits et de la lutte contre les violences faites aux femmes

Les vidéos de ces auditions sont disponibles en ligne sur le site de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale, à l’adresse suivante : http://assnat.fr/iOp6P3.

II.   PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEUREs

● Mercredi 7 février

 Mme Perrine Millet, gynécologue obstétricienne, présidente de l’association Un maillon manquant, responsable pédagogique du diplôme inter‑universitaire « Prise en charge des maltraitances rencontrées en gynécologie obstétrique, vers la bientraitance »

 Jeudi 8 février 2018

 Représentants du conseil national des barreaux (CNB) ([108])  : Mme Régine Barthelemy, membre du bureau du CNB, M. Jérôme Karsenti, membre des commissions « Égalité » et « Libertés et droits de l’homme » et Mme Élisa Abherve‑Gueguen, chargée des relations institutionnelles

− M. Jacky Coulon, secrétaire national de l’union syndicale des magistrats

 Mercredi 14 février

 Mme Violaine Guérin, endocrinologue et gynécologue médicale, et présidente de l’association Stop aux violences sexuelles, Mme Muguette Dini, ancienne sénatrice du Rhône et Mme Pascale Bouthillon-Heitzmann, psychiatre spécialisée en psychotraumatologie et en addictologie

 Mardi 20 février

– Mme Véronique Le Goaziou, sociologue, auteure de l’ouvrage Le viol. Sociologie d’un crime

 

 


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ANNEXE 2 : DÉplacements effectuÉs par les rapporteures

 

I.   DÉplacement en rÉgion parisienne, le 11 janvier 2018

 Direction régionale de la police judiciaire de Paris

 M. Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

 M. Éric Guillet, contrôleur général, sous-directeur des services territoriaux

− M. Vianney Dyevre, commissaire divisionnaire, chef de la brigade de protection des mineurs (BPM)

− Mme Catherine Perez, commissaire divisionnaire, cheffe de la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP)

− M. Christophe Pinot, commissaire divisionnaire, chef du 2e district de police judiciaire (2e DPJ)

− Mme Sandrine Larremendy, psychologue, affectée à la direction régionale de la police judiciaire de Paris

 Commissariat de Clichy

− Mme Anne le Dantec, commissaire de police, chef de la circonscription de Clichy-la-Garenne

 M. Saadi Mansour, commandant divisionnaire, adjoint au chef de service

− M. Frédéric Deprey, commandant, chef du service d’accueil et d’investigation de proximité

− M. Laurent Govin, major, chef de la brigade de traitement du judiciaire en temps réel

− Mme Mélanie Venance, brigadier, brigade locale de protection de la famille

− Mme Katya Briaux, brigadier, brigade locale de protection de la famille

 M. Thierry Renia, gardien de la paix, brigade de police secours et de protection

 

 Circonscription de sécurité publique d’Argenteuil

− M. Stéphan Pilorget, commissaire, chef du service d’aide et d’assistance de proximité du commissariat d’Argenteuil

− Mme Géraldine Allard, commandant, chef de l’antenne de sûreté départementale d’Argenteuil

− M. Semnont, major, chef de la brigade d’atteintes aux personnes de la sûreté urbaine d’Argenteuil

− Mme Élodie Mouysset, technicienne de police technique et scientifique

− Mme Lydie Bouleau, assistante sociale au commissariat d’Argenteuil

− Mme Éloïse Yazid, psychologue au commissariat d’Argenteuil

II.   DÉplacement À Bordeaux, le 15 janvier 2018

 Espace santé étudiants (ESE) de l’université de Bordeaux

− Mme Anne-Cécile Rahis, directrice adjointe de l’ESE de l’université de Bordeaux

− Mme Lorene Carlin, sage-femme, référente santé sexuelle, ESE‑université de Bordeaux

− Mme Lucie Guignot, chargée de projets santé ESE-université de Bordeaux

− Mme Juliette Villenave, étudiante et coordinatrice « étudiants relais sexualité », ESE-université de Bordeaux

 Direction interrégionale des services pénitentiaires

− M. Jean-Michel Camu, directeur interrégional adjoint à la direction interrégionale des services pénitentiaires

 Direction départementale de la sécurité publique de la Gironde

− M. Éric Krust, commissaire divisionnaire, chef d’état-major de la direction départementale de la sécurité publique de la Gironde

− M. Thierry Laborie, commandant de police, correspondant départemental « aide aux victimes »

− Mme Christine Tocoua, commandante de police, cheffe de la section « prévention partenariats »

− M. Alain Duboul, commandant de police, chef de la brigade départementale de protection de la famille

 Tribunal de grande instance de Bordeaux

− Mme Marie-Madeleine Alliot, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux

 Centre d’accueil d’urgence des victimes d’agression (CAUVA) du centre hospitalo-universitaire (CHU) Pellegrin de Bordeaux

− Mme Nathalie Grosleron-Gros, médecin légiste, praticienne hospitalière, responsable médicale du CAUVA

− Mme Émilie CHRISTIN, médecin légiste et psychiatre, praticienne hospitalière contractuelle dans les unités de médecine légale du vivant et thanatologique

III.   DÉplacement À Stockholm, les 22 et 23 janvier 2018

 Bureau du Procureur national

 Mme Lise Tamm, procureure en chef, cheffe de chambre, unité nationale contre le crime international et le crime organisé

− Mme Annika Wennerström, procureure spécialisée

− M. Emelie Källfelt, procureure spécialisée

 Police nationale

− Mme Ann-Marie Orler, cheffe du service international – département opérationnel national

− Mme Anna Lindström, inspectrice au centre de développement Ouest

− Mme Annika Kempas, coordinatrice Union européenne – Karl Rein, stagiaire

 Ministère des affaires sociales et ministère de la justice

− Mme Linda Mohlin, service de la justice pénale, ministère de la Justice

− Mme Emma Ekström, conseil national suédois pour la prévention du crime, ministère de la Justice

− M. Johannes Evers Gester, département Égalité des sexes, ministère des affaires sociales


 Parlement suédois

− M. Tomas Tobé, président de la commission des affaires juridiques, membre du parti modéré

− M. Mats Pertoft, vice-président de la commission des affaires juridiques, parti vert (coalition majoritaire)

− Mme Camilla Ulvenfalk, fonctionnaire parlementaire

− Mme Lena Lindbäck, fonctionnaire parlementaire

 Tribunal administratif de Stockholm

 Mme Maria Hölcke, juge au tribunal administratif de Stockholm

− M. Gustaf Almkvist, auditeur de justice

IV.   DÉplacement au siÈge de la police judiciaire de Paris, le 8 fÉvrier 2018

Figure ci-dessous la liste des personnes présentes lors des sous‑commissions organisées dans le cadre du plan départemental de lutte contre les violences faites aux femmes : d’une part, la sous-commission « justice », animée par Mme François Guyot, magistrate, chargée de mission « violences faites aux femmes » au cabinet du Procureur de la République près du tribunal de grande instance de Paris ; d’autre part, la sous-commission « police » animée par M. Éric Guillet, contrôleur général, sous directeur chargé des services territoriaux.

− Mme Marie-France Casalis, porte-parole de l’association Collectif Féministe contre le viol (CFCV), accompagnée de Mme Justice Platet, chargée de mission pour le CFCV

− Mme Meredith Merlhiot, chef de service au sein du dispositive d’urgence Phare (Paris Hébergement Accueil Refuse Écoute) – Arfog-Lafayette 

− Mme Orélia Tabaste, directrice du centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) de Paris 

− Mme Marie-Claire Abiker du Planning Familial 

− Mme Nathalie Marinier du Planning Familial 

− M. Christian Gassien, policier retraité, chargé de la formation des policiers membres des brigades de protection de la famille 

− Mme Julie Hue, capitaine de police, sous-direction de la formation et cabinet du préfet de police 

− Mme Marie Conrozier, coordinatrice au sein de l’association Femmes pour le dire, Femmes pour agir (FDFA) 

− Mme Bénédicte de Montvallon, directrice administrative de l’institut de victimologie 

− Mme Catherine Beau, représentante de l’association Aurore 

− Mme Maryvonne Chapalain, représentante de l’association Aurore 

− Mme Yaëlle Pierre, assistante sociale 

− Mme Amélie Videau, chargée de mission à l’observatoire parisien des violences faites aux femems – Mairie de Paris 

− Mme Marie-Ange Le Boulaire, créatrice de la fondation Le Boulaire Verrecchia « Tous ensemble pour les victimes »

− Mme Maud Abeloos, représentante de Paris Aide aux victimes 

− Mme Émilie Fouquet, direction de l’action sociale, de l’enfance et de la santé de la Ville de Paris 

− Mme Claire Josserand-Schmidt, avocate au barreau de Paris, membre de l’association Libres Terres des Femmes 

− M. Olivier Mulot, commandant fonctionnel de police du 1er district de police judiciaire de Paris 

− Mme Julie Boudin, commissaire de police du 2e district de police judiciaire de Paris

 


([1]) Article 222‑24 du code pénal.

([2]) Voir la vidéo de l’audition de Mme Hélène Furnon-Petrescu, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, auditionnée par la Délégation le 7 février 2018.

([3]) Voir l’annexe n° 1 du présent rapport.

([4]) Voir l’annexe n° 2 du présent rapport.

([5]) Laurent FERRON, « Georges VIGARELLO, Histoire du viol XVIe-XXe siècle, in Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 9 / 1999, mis en ligne le 21 mars 2003, consulté le 13 février 2018.

([6]) À ce sujet voir notamment l’ouvrage de Georges Vigarello, Histoire du viol, XVIe – XXe siècle, Seuil, 1998.

([7]) Anne-Claude Ambroise-Rendu, « Attentats à la pudeur sur enfants : le crime sans violence est-il un crime ? (1810-années 1930) », in Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2009/4 (n° 56-4), p.°165‑189.

([8]) Loi du 28 avril 1832 contenant des modifications au code pénal et au code d’instruction criminelle.

([9]) Cour de Cassation, chambre criminelle, 25 juin 1857, Dubas.

([10]) Loi n° 80‑1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux mœurs.

([11]) La déclaration et le programme d’action de Pékin peuvent être consultés sur le site d’ONU Femmes : http://beijing20.unwomen.org/~/media/headquarters/attachments/sections/csw/bpa_f_final_web.pdf [URL consultée le 12 février 2018].

([12]) Ibid.

([13]) Audition du 14 décembre 2017 : voir la vidéo de cette audition.

([14]) Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

([15]) http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1799-t1.asp [URL consultée le 12 février 2018].

([16]) Voir la vidéo de cette audition.

([17]) Rapport d’enquête « cadre de vie et sécurité », décembre 2017, ministère de l’Intérieur.

([18]) Organisation mondiale de la Santé, Rapport mondial sur la violence et la santé, sous la direction de Etienne G. Krug, Linda L. Dahlberg, James A. Mercy, Anthony Zwi et Rafael Lozano-Ascencio, Genève, 2002.

([19]) Ministère de l’Intérieur, Rapport d’enquête « cadre de vie et sécurité », 2017.

([20]) Audition du 9 novembre 2017 et colloque du 22 novembre 2017 : voir les vidéos.

([21]) Voir les vidéos de ces deux tables rondes.

([22]) Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte – déni de protection, de reconnaissance et de prise en charge : enquête nationale auprès des victimes, Association mémoire traumatique et victimologie, 2015.

([23])  Voir le compte rendu du discours du Président de la République du 25 novembre 2017, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et du lancement de la grande cause du quinquennat.

([24]) Voir la vidéo de ce colloque.

([25]) Voir le compte rendu de l’intervention de Mme la Secrétaire d’État.

([26]) Ibid.

([27]) Conseil supérieur de l’audiovisuel, Représentation des femmes dans les publicités télévisées, octobre 2017.

([28]) 5e plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes 2017-2019, lancé le 23 novembre 2016.

([29])  Rapport d’enquête « cadre de vie et sécurité », décembre 2017, ministère de l’Intérieur.

([30]) Voir la vidéo de cette audition.

([31]) Pour plus de détails sur les données statistiques des agressions sexuelles et viols, voir le Rapport d’enquête « cadre de vie et sécurité », décembre 2017, ministère de l’Intérieur.

([32]) Enquête « les Français-e-s et les représentations sur le viol et les violences sexuelles », Association mémoire traumatique et victimologie, 2015.

([33]) Vidéo disponible en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=HSzqASpmEWA&t=18s [URL consultée le 16 février 2018].

([34]) Enquête « les Français-e-s et les représentations sur le viol et les violences sexuelles », Association mémoire traumatique et victimologie, 2015.

([35]) Recommandation n°2 de l’Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles n° 206-09-30-VIO-022 publié le 5 octobre 2016 par le HCE.

([36]) Rapport n° 2016-06-13-SAN-021 relatif à l’éducation à la sexualité – Répondre aux attentes des jeunes, construire l’égalité femmes-hommes, Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 13 juin 2016.

([37]) Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception

([38]) Circulaire n° 2003-027 du 17 février 2003 relative à l’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées.

([39]) Loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

([40]) Convention interministérielle du 7 février 2013 pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif 2013-2018.

([41]) Rapport n° 2016-06-13-SAN-021 relatif à l’éducation à la sexualité – Répondre aux attentes des jeunes, construire l’égalité femmes-hommes, Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 13 juin 2016.

([42]) Voir le compte rendu du discours du Président de la République du 25 novembre 2017, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et du lancement de la grande cause du quinquennat.

([43]) Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

([44]) Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

([45]) Source : http://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2012/11/PP-GILLES-LAZIMI.pdf [URL consultée le 11 février 2018].

([46]) 5e plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes, 2017-2019, objectif n° 12.

([47]) 5e plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes, 2017-2019, objectif n° 12, action n° 38.

([48]) Arrêté du 8 avril 2013 relatif aux études médicales, « régime des études en vue du premier et du deuxième cycle », publié au Journal officiel du 23 avril 2013.

([49]) Table ronde du 16 janvier 2018 : voir la vidéo de cette table ronde.

([50])  Marie Fontanel, Patrick Pelloux, Annie Soussy, Définition d’un protocole national pour l’amélioration de la prévention et de la prise en charge des femmes victimes de violences, juillet 2014, rapport remis le 5 novembre 2014 à Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des droits des femmes.

([51]) Ibid.

([52]) Organisation mondiale de la santé, Rapport mondial sur la violence et la santé, Genève, 2002, p° 167.

([53]) Ministère de l’Intérieur, Rapport d’enquête « cadre de vie et sécurité » 2017.

([54]) Source citée dans Le Monde, « Violences sexuelles : porter plainte, l’autre épreuve des victimes » par Julia Pascual, 23 novembre 2017.

([55]) Voir la vidéo de cette audition. 

([56]) Voir la vidéo de cette table ronde.

([57]) Voir la vidéo de cette table ronde.

([58]) Action 42, objectif 14, 5e plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes, 2017-2019.

([59]) Voir la vidéo de cette audition.

([60]) Voir le compte rendu du discours du Président de la République du 25 novembre 2017, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et du lancement de la grande cause du quinquennat.

([61]) Recommandation n° 3 de l’Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles n° 206-09-30-VIO-022 publié le 5 octobre 2016 par le HCE.

([62]) Voir la vidéo de cette audition.

([63])  Voir la vidéo de cette table ronde.

([64])  Action 39, objectif 13, 5e plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes, 2017-2019.

([65])  Voir la vidéo de cette audition.

([66])  Voir le compte rendu du discours du Président de la République du 25 novembre 2017, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et du lancement de la grande cause du quinquennat.

([67]) Voir la vidéo de cette audition.

([68])  Action 41, objectif 13, 5e plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes, 2017-2019.

([69]) Voir la vidéo de cette audition.

([70])  Voir le compte rendu du discours du Président de la République du 25 novembre 2017, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et du lancement de la grande cause du quinquennat.

([71]) La plupart des personnels de l’équipe ne travaillent cependant pas à temps plein au CAUVA.

([72]) Voir la vidéo de cette audition.

([73])  Impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte – déni de protection, de reconnaissance et de prise en charge : enquête nationale auprès des victimes, Association mémoire traumatique et victimologie, 2015.

([74]) Association Mémoire traumatique et victimologie, Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels, Paris, 20 octobre 2017, p° 8.

([75]) Voir la vidéo de cette audition.

([76])  Voir la vidéo de cette audition.

([77]) Association Mémoire traumatique et victimologie, Manifeste contre l’impunité des crimes sexuels, Paris, 20 octobre 2017, p. 7.

([78])  Voir la vidéo de cette audition.

([79])  Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles n° 206‑09‑30‑VIO‑022 publié le 5 octobre 2016 par le HCE.

([80]) Étude sur les viols et agressions sexuelles jugés en 2013 et 2014 en Cour d’Assises, au Tribunal Correctionnel et au Tribunal pour enfants, réalisée par l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis et Bertille Bodineau, démographe, en partenariat avec le tribunal de grande instance de Bobigny.

([81])  Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles n° 206‑09‑30‑VIO‑022 publié le 5 octobre 2016 par le HCE.

([82]) Rapport de la mission de consensus sur le délai de prescription applicable aux crimes sexuels commis sur les mineur.e.s, présidée par Mme Flavie Flament et M. Jacques Calmettes, remis à la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes le 10 avril 2017.

([83]) Enquête « les Français-e-s et les représentations sur le viol et les violences sexuelles », Association mémoire traumatique et victimologie, 2015.

([84]) Cette enquête précise que cette estimation est faite en croisant faite en croisant les données des enquêtes « cadre de vie et sécurité ( 2010-2015 INSEE ONDRP) présentées dans la lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes n° 8 de novembre 2015 et les données de l’enquête « Contexte de la Sexualité en France », réalisée en 2006 par l’Ined.

([85]) Document de présentation de l’enquête Virage et premiers résultats sur les violences sexuelles, Ined, Janvier 2017.

https://virage.site.ined.fr/fichier/s_rubrique/20838/doc.travail_2017_229_violences.sexuelles_enquete.virage_1.fr.fr.pdf  [URL consultée le 15 février 2018].

([86]) Voir la vidéo de cette audition.

([87])  Rapport de la mission de consensus sur le délai de prescription applicable aux crimes sexuels commis sur les mineur.e.s, présidée par Mme Flavie Flament et M. Jacques Calmettes, remis à la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes le 10 avril 2017.

([88]) Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), Grand angle n° 37 (janvier 2016), « Les viols commis à Paris en 2013 et 2014 et enregistrés par les services de police ».

([89])  Voir la vidéo de cette table ronde.

([90])  Voir la vidéo de cette audition.

([91]) Rapport de la mission de consensus sur le délai de prescription applicable aux crimes sexuels commis sur les mineur.e.s, présidée par Mme Flavie Flament et M. Jacques Calmettes, remis à la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes le 10 avril 2017.

([92])  Voir la vidéo de cette table ronde.

([93])  Rapport de la mission de consensus sur le délai de prescription applicable aux crimes sexuels commis sur les mineur.e.s, présidée par Mme Flavie Flament et M. Jacques Calmettes, remis à la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes le 10 avril 2017.

([94])  Voir la vidéo de cette audition.

([95])  Voir la vidéo de cette audition.

([96])  Voir la vidéo de cette audition.

([97])  Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles n° 206‑09‑30‑VIO‑022 publié le 5 octobre 2016 par le HCE.

([98]) Voir le compte rendu du discours du Président de la République du 25 novembre 2017, à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et du lancement de la grande cause du quinquennat.

([99]) Voir la vidéo de cette audition.

([100]) Secrétaire générale de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), coprésidente de la commission « Violences de genre » du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) et rapporteure de l’Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles (HCE, octobre 2016), entendue par la Délégation aux droits des femmes le 14 novembre 2017 (voir la vidéo de cette audition).

([101]) Voir la vidéo de cette audition.

([102]) Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail.

([103])  Voir la vidéo de cette audition.

([104]) Les pays suivants ont précisé leur législation : Albanie ; Allemagne ; Autriche ; Canada ; Croatie ; Estonie ; Finlande ; Hongrie ; Israël ; Lettonie ; Pays-Bas ; Portugal ; République Tchèque ; Roumanie ; Royaume-Uni ; Serbie ; Slovénie ; Suède ; Suisse.

([105])  Voir la vidéo de cette audition.

([106])  Voir la vidéo de cette table ronde.

([107]) Cette organisation a procédé à l’inscription de représentants sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

([108]) Cette organisation a procédé à l’inscription de représentants sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.