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N° 2110

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 juillet 2019.

 

 

RAPPORT  D’INFORMATION

 

 

DÉPOSÉ

 

 

en application de l’article 145 du Règlement

 

 

PAR LA MISSION D’INFORMATION
sur l’aide sociale à l’enfance ([1]),

 

 

ET PRÉSENTÉ PAR

 

M. Alain RAMADIER,

Président,

 

Mme. Perrine GOULET,

Rapporteure

 

Députés.

 

——

 

La mission d’information de la Conférence des présidents sur l’aide sociale à l’enfance est composée de :

– M. Alain Ramadier, président ;

 Mme Perrine Goulet, rapporteure ;

 M. Olivier Damaisin, Mme Nathalie Elimas, M. Olivier Marleix, Mme Sandrine Mörch, viceprésidents ;

 Mme Gisèle Biémouret, M. Paul Christophe, Mme Mathilde Panot, Mme Florence Provendier, secrétaires ;

 Mme Delphine Bagarry, M. Lionel Causse, M. Guillaume Chiche, Mme Jeanine Dubié, Mme Françoise Dumas, Mme Nadia Essayan, Mme Elsa Faucillon, Mme Emmanuelle Fontaine‑Domeizel, Mme Monique Limon, M. Gilles Lurton, M. Franck Marlin, Mme Bénédicte Pételle, M. Jean Terlier

 

 

 

 

 

 

 

 

Les comptes rendus des auditions sont disponibles sur le site Internet de l’Assemblée nationale, à l’adresse :

http://www2.assemblee-nationale.fr/15/missions-d-information/missions-d-information-de-la-conference-des-presidents/aide-sociale-a-l-enfance/(block)/ComptesRendusCommission/(instance_leg)/15/(init)/0-15

L’ensemble des informations relatives à la mission sont accessibles sur son portail, à l’adresse :

http://www2.assemblee-nationale.fr/15/missions-d-information/missions-d-information-de-la-conference-des-presidents/aide-sociale-a-l-enfance/(block)/58554

 

 


  1  

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos de m. alain ramadier, président

Introduction

I. l’aide sociale à l’enfance en quelques chiffres : un aperçu nécessairement imparfait et un manque de données

A. Qui sont « les enfants de l’ASE » ?

B. Un public touché par diverses formes de précarité

C. Une dépense publique mal connue mais significative

II. Une gouvernance complexe, À rÉinterroger

A. L’aide sociale À l’enfance a ÉtÉ dÉcentralisÉe aux dÉpartements au dÉbut des annÉes 1980.

1. Un bref rappel historique

2. Le conseil départemental, pivot de la gouvernance actuelle de la protection de l’enfance

B. la décentralisation engendre autant de politiques d’aide sociale à l’enfance qu’il existe de départements.

C. la logique de coordination nationale d’une politique demeurant décentralisée pourrait avoir atteint ses limites.

1. Des organismes nationaux ont été créés afin d’améliorer le niveau d’information et de tenter de mieux coordonner les actions de protection de l’enfance.

2. Le constat de la diversité des pratiques doit sans doute amener à une réinterrogation profonde de la manière dont doit être pensée la décentralisation de l’aide sociale à l’enfance.

III. le repérage des enfants À protéger : un chantier constant

A. une procédure articulée autour des cellules départementales de recueil des informations préoccupantes

B. améliorer les conditions de transmission des informations par les principaux émetteurs, Grâce à une meilleure formation

1. Par les personnels de l’éducation nationale

2. Par les professionnels de santé

IV. Des relations à coordonner avec les différents acteurs gravitant autour de l’enfant dans son parcours de protection

A. L’autorité judiciaire occupe logiquement une place centrale dans l’aide sociale à l’enfance.

B. Les procédures peuvent être améliorées dans le sens d’un renforcement des droits des enfants.

1. Faciliter la désignation d’un représentant chargé d’assister les enfants

2. Permettre une écoute optimale des parties prenantes

V. la relation entre l’enfant et sa famille d’origine doit toujours être appréhendée dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

A. une problématique cruciale et complexe

B. un changement de paradigme en cours, à poursuivre

1. Compléter sur certains points les avancées de la loi du 14 mars 2016

2. Faciliter le recours aux tiers dignes de confiance

VI. mettre l’enfant protégé au cœur des préoccupations reste plus que jamais un objectif À poursuivre.

A. L’État des lieux : « ASE », trois lettres désignant des modalités de prise en charge très différentes

1. Les mesures d’aide sociale à l’enfance, entre prévention et protection

2. Au sein du volet « protection », une grande diversité des modalités de placement

B. face aux dysfonctionnements du système actuel d’accueil, plusieurs chantiers engagés demeurent inachevés.

1. La santé des enfants protégés : une priorité absolue

2. Le droit à une scolarité comme les autres enfants

3. L’enfant en situation de handicap

4. Le projet pour l’enfant

5. Des professionnels mieux formés et mieux accompagnés pour être plus soutenants pour les enfants

a. La formation des professionnels encadrant les enfants

b. Une formation nécessaire pour les acteurs en contact avec les enfants

6. Lever les freins juridiques qui continuent d’empêcher les enfants de l’ASE d’avoir une vie normale

a. L’attachement nécessaire

b. Le partage d’information pour un meilleur suivi de l’enfant

c. Le lien avec les frères et sœurs

d. Une clarification des actes usuels nécessaire

e. Les normes d’hygiène et de sécurité rappellent constamment son statut à l’enfant placé

7. Mettre en place une véritable politique nationale de contrôle

C. UNE VÉRITABLE DOCTRINE RESTE À CONSTRUIRE SUR LES MODES DE PLACEMENT.

1. La question des besoins de places, un « angle mort » de la réflexion sur l’aide sociale à l’enfance

2. Des nouveaux modes d’accueil restent à inventer.

3. Une réflexion plus aboutie doit être conduite pour bâtir une doctrine du « bon placement ».

VII. Les mineurs non accompagnés : une problématique spécifique devenue centrale pour l’ase

A. Une problématique spécifique

B. Quelques défis essentiels ont été identifiés en attendant un travail plus approfondi.

Annexes

annexe  1 : liste des propositions

annexe  2 : liste des personnes auditionnées

annexe  3 : Déplacement de la mission dans le département du Nord 5 juin 2019

annexe  4 : Déplacement de la mission dans le département de seine-saint-denis 12 juin 2019

ANNEXE N° 5 : Contributions DE MEMBRES DE LA MISSION

annexe  6 : liste des visites individuelles organisées par les membres de la mission


  1  

   Avant-propos de m. alain ramadier, président

La protection de l’enfance est depuis la Révolution française chère aux Français et elle s’est imposée au fil des siècles d’utilité publique. Depuis, nombreux ont été les textes, lois et règlements venus l’encadrer. Politique décentralisée depuis 1983, la protection de l’enfance est assurée par les départements qui en ont la pleine compétence.

Aujourd’hui, malgré les lois de 2007 et 2016 le dispositif de la protection de l’enfance et particulièrement celui de l’aide sociale à l’enfance (ASE), objet de notre mission d’information, se retrouve sur le devant de la scène médiatique avec les excès inhérents à ce type de traitement mais qui ne peuvent nous laisser sans réagir.

La mission parlementaire d’information créée par la Conférence des Présidents du 5 mars 2019, que j’ai eu l’honneur de présider, a travaillé intensivement et sans complaisance pendant plusieurs mois complétant les auditions par de multiples déplacements et visites sur le terrain afin de faire un état des lieux de la politique d’aide sociale à l’enfance et d’autre part, constater les manquements et détecter les dispositifs qui fonctionnent afin de les généraliser.

Les membres de notre mission ont rapidement pu constater que des réalités fort différentes leur étaient parfois décrites gardant toujours en tête le fil conducteur de notre travail, la première audition de la mission d’information, la plus importante, celle des anciens enfants confiés à l’ASE. Les témoignages de ces adultes ayant pour la grande majorité d’entre eux vécu le pire, alors que d’autres prenaient conscience de la chance d’avoir eu la « vie sauve » grâce à leur placement, ne nous ont jamais quitté lors des auditions qui ont suivi.

Cette table ronde a permis de dresser le constat de défaillances structurelles du système : ruptures dans les parcours de vie des enfants quand prévaut la préservation d’une autorité parentale chancelante, absence quasi générale de tout soutien psychologique ou de suivi médical régulier, méconnaissance des droits dont pouvaient bénéficier ces enfants, autant de carences auxquelles s’ajoutent pour la plupart un sentiment général d’insécurité, de solitude, de manque d’affection et pour la totalité d’entre eux y compris les plus chanceux un quotidien d’enfant qui n’est jamais celui des autres enfants lorsqu’une sortie extrascolaire au cinéma ne peut pas dépendre de sa famille d’accueil ou qu’il faut trouver une solution de remplacement lorsque ladite famille part en vacances.

Les auditions de représentants des assistants familiaux et des structures d’accueil ou de travailleurs sociaux ont montré en contrepoint l’engagement, le désintéressement de ces personnes qui auraient besoin d’un soutien et d’une reconnaissance de leur travail qui fait actuellement cruellement défaut et qui doit passer par une réflexion sur la formation, la rémunération et la coordination de ces acteurs de proximité avec l’ensemble des autres acteurs pour redéfinir, au plus près des besoins quotidiens de l’enfant et de son intérêt, les rôles respectifs de chacun des intervenants.

Les interventions des représentants institutionnels au niveau de l’État ou des départements ont donné lieu à des appréciations plus contrastées du système. Certains ont exposé tous les mécanismes mis en place ou le foisonnement de structures et d’instances chargées de collecter l’information ou de coordonner les actions en faveur des enfants sans véritablement donner le sentiment de prendre conscience des difficultés existantes sur le terrain, d’autres auditions en revanche ont bien permis aux membres de la mission de mesurer les limites de la décentralisation en matière d’aide sociale à l’enfance et de poser plus globalement la question de la gouvernance.

La décentralisation est à n’en pas douter un moyen de multiplier et d’inventer des solutions concrètes et adaptées au contexte mais encore faut-il que politiquement chaque département accorde à cet objectif de protection de l’enfant une priorité qui s’exprimera lors des équilibres budgétaires et qu’il ait la possibilité de confronter ses pratiques à celles des autres dans le but d’une optimisation et d’une généralisation des meilleures d’entre elles. Encore faut-il aussi que la loi soit correctement appliquée par les départements et notamment que chacun d’eux se dote d’un projet pour l’enfant sérieusement élaboré et que la déjudiciarisation qui résulte de la décentralisation se traduise effectivement dans les faits. En théorie la compétence du juge n’est que subsidiaire et ne devrait concerner que les cas les plus graves lorsque par exemple la famille est source de danger pour l’enfant. En pratique aujourd’hui beaucoup trop souvent les mesures envisagées dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance, y compris les plus légères, restent prononcées par le juge et sont mal exécutées dans des délais qui les vident largement de leur utilité. Trop de familles qui seraient aptes à participer sont « dans la contrainte » de la décision de justice et non pas « dans le consentement » à l’application de mesures définies avec les services du département dans l’intérêt de leur enfant.

Actuellement plus que la contractualisation avec les familles, la coordination avec l’ensemble de tous les acteurs et l’harmonisation des procédures inspirées des bonnes pratiques c’est la diversité qui confine à l’inégalité de traitement qui semble prévaloir selon que l’on relève de tel ou tel département. C’est là l’un des problèmes majeurs mis en exergue au cours de notre travail : celui de la gouvernance de cette politique publique. L’aide sociale à l’enfance est aujourd’hui une politique décentralisée au niveau des départements et il existe ainsi autant de politiques de l’aide sociale à l’enfance qu’il existe de départements. Cette pluralité entraîne inévitablement des inégalités inacceptables.

L’État qui n’est pas absent de cette politique publique doit pour autant retrouver toute sa place.

Si l’échelon départemental est apparu tout au long des auditions comme étant le plus adéquat pour mener cette politique, s’est vite posée la question d’une réintroduction de l’État dans le dispositif de l’aide sociale à l’enfance pour définir des outils de connaissances partagées de la situation (données générales sur les enfants, leur état de santé, leur cursus scolaires, statistiques et évolutions…) bâtir un référentiel national permettant d’unifier les procédures (comment faire une information préoccupante, sur quels critères évaluer un établissement d’accueil, la dangerosité d’une situation etc…).

À l’échelle départementale il est nécessaire que l’État revienne plus clairement dans le jeu.

La politique de protection de l’enfance qui souffre de l’entre-soi dans lequel elle s’est enlisée depuis de nombreuses années a besoin d’acquérir une identité beaucoup plus forte en franchissant un nouveau cap.

L’État, via les préfectures, a donc tout son rôle à jouer. Il pourrait permettre la mise en place d’un partenariat inter-institutionnel avec les partenaires les plus importants de l’aide sociale à l’enfance : la justice, l’éducation nationale et la santé. Si nous saluons l’initiative prise par Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la anté et Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre, de la nomination d’un délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, il y a nécessité à ce que la protection de l’enfance soit considérée sous sa spécificité, méritant ainsi un délégué interministériel qui lui serait propre.

À l’échelle nationale, ensuite, la multiplicité des acteurs, certes complémentaires (GIPED, ONPE, CNPE, …) empêche actuellement la protection de l’enfance d’être portée d’une seule et même voix.

Sous bien des aspects, l’aide sociale à l’enfance a de nombreux défis à relever, que cela soit en matière de prévention, de santé, de justice, d’éducation ou de formation des professionnels mais le défi de la gouvernance de cette politique publique est essentiel et il est la condition sine qua non qui permettra l’émergence d’une nouvelle politique de l’aide sociale à l’enfance efficiente, juste et harmonisée sur l’ensemble du territoire.

C’est la raison pour laquelle, avec la rapporteure et l’ensemble des députés membres de la mission, nous avons décidé de mener un travail approfondi pour répondre aux inquiétudes légitimes concernant des enfants confrontés à des injustices douloureuses et dont les droits doivent être reconnus et respectés.

 


  1  

Introduction

● La Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale a décidé, le 5 mars dernier, de créer une mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance. La solennité de la procédure, plus grande que pour une « simple » mission d’information décidée par l’une des commissions permanentes de l’Assemblée, reflète bien l’importance – et pour tout dire la gravité – du sujet.

Au sens strict, l’aide sociale à l’enfance (ASE) est un service du département dont la première mission est d’ « apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de 21 ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre » (article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles).

La mission d’information s’est donc bien évidemment intéressée au fonctionnement de ce service, départemental depuis les lois de décentralisation des années 1980, sans être insensible aux dysfonctionnements – parfois graves – rapportées notamment par de récents reportages télévisés, mais aussi sans aucune intention de dénonciation aveugle et malhonnête, qui ne prendrait pas en compte les réussites.

Au-delà d’être un service au sens fonctionnel, l’ASE s’inscrit dans le cadre d’une politique publique plus globale, la protection de l’enfance, qui fait intervenir de nombreux acteurs : l’éducation nationale, les professionnels de santé, la justice et notamment la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), entre autres. C’est bien dans cette acception large que la mission d’information a entendu la notion d’aide sociale à l’enfance, ne serait-ce que pour analyser ses relations avec les autres acteurs de la protection de l’enfance.

● En revanche, la mission a décidé de ne pas mettre au cœur de ses travaux un certain nombre de thématiques, traitées en détail par des missions dédiées ([2]) :

– le sort des jeunes majeurs quittant l’ASE à 18 ans a fait l’objet d’une proposition de loi de notre collègue Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales, adoptée en première lecture par notre Assemblée le 7 mai dernier ([3]). En outre, le Gouvernement a confié à la présidente Brigitte Bourguignon une mission d’approfondissement de cette question. Il n’en demeure pas moins que les acteurs auditionnés ont souvent évoqué ce sujet et leurs inquiétudes ;

– la protection maternelle et infantile (PMI), service départemental comme l’ASE, est le sujet d’un rapport remis au Gouvernement par notre collègue Michèle Peyron, en tant que parlementaire en mission ([4]) ;

– notre collègue Monique Limon, membre de la mission d’information, a également été nommée parlementaire en mission, avec notre collègue sénatrice Corinne Imbert, sur la question de l’adoption, l’une des voies de sortie possibles de l’ASE pour certains enfants.

● Les travaux de la mission d’information s’inscrivent dans le continuum de réflexions publiques qui, plus ou moins directement, s’intéressent à la protection de l’enfance :

– en juin 2018, le Conseil économique, social et environnemental a rendu un avis, sur demande du Premier ministre, afin de Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l’enfance ([5]) ;

– la protection de l’enfance est l’une des préoccupations au cœur de la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, conduite par le délégué interministériel Olivier Noblecourt ;

– enfin, le secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la santé, Adrien Taquet, conduit en ce moment même de larges concertations afin d’élaborer une stratégie nationale, dont les contours seront présentés prochainement.

● Il est assez original de relever que ces nombreux travaux sont conduits à peine plus de trois ans après l’entrée en vigueur de la dernière grande loi sur le sujet, celle du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant ([6]).

Cette loi a explicitement consacré comme objectif essentiel de politique publique l’intérêt supérieur de l’enfant, marquant en cela une différence avec des normes et pratiques antérieures, tendant à sauvegarder autant que possible les droits des parents. Or, force est de constater, hélas, que les uns peuvent contrevenir à l’autre.

En privilégiant l’intérêt de l’enfant, la loi de 2016 est conforme aux engagements internationaux de la France, l’article 9.1 de la Convention relative aux droits de l’enfant stipulant que « les États parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur de l’enfant ».

● La mission d’information a procédé à de nombreuses auditions – 33 au total – , en commençant par réunir dans une table ronde plusieurs anciens enfants confiés à l’ASE, recueillant ainsi des témoignages qui resteront sans nul doute dans les mémoires et dans les cœurs, et qui honorent le courage et la dignité de ces jeunes femmes et hommes.

Parce qu’ils sont symboliques d’un placement « réussi », avec toutes les précautions qu’exige l’emploi de cet adjectif, et parce qu’en conséquence ils résonnent comme un écho aux difficultés parfois terrifiantes rencontrées par ceux qui ont témoigné en même temps qu’elle, on peut reproduire ici les propos de Maëlle Bouvier, qui réagissait lors de la table ronde à ce que venaient de dire ses « camarades » d’infortune.

Extrait de l’intervention de Mme Maëlle Bouvier devant la mission d’information

Entendre ces témoignages m’a grandement émue et je me suis rendu compte en creux de la chance que j’ai pu avoir.

J’ai été assez étonnée d’entendre les nombreux témoignages où les enfants ont dû retourner dans leur famille alors que ces dernières étaient violentes ou maltraitantes.

[Après le décès de ma mère, mon père] a gardé l’autorité parentale mais je n’ai jamais eu à retourner chez lui, je n’ai jamais eu à subir ses décisions et ses actes un peu délirants. […] Je crois que cette stratégie a été très bénéfique pour moi et mon frère. Par ailleurs, nous savons d’où nous venons et nous avons créé des liens affectifs et familiaux avec nos grands-parents, avec nos oncles et tantes, avec nos petits frères et sœurs qui sont nés après, avec nos cousins. Je sais qui je suis, je sais d’où je viens, j’ai cet ancrage sans avoir à subir des liens réguliers avec les éléments perturbateurs de ma famille biologique.

Il est vrai que mon frère et moi-même n’avons pas très bien vécu le temps où nous avons été placés en foyer, mais nous étions petits. Nous n’y sommes pas restés très longtemps mais j’ai quand même souvenir de cette violence symbolique et institutionnelle forte. Le passage en famille d’accueil a évidemment été pour nous une chance, on est tombé sur une famille d’accueil formidable que j’aime très fort, qui est ma deuxième famille aujourd'hui.

[…]

Si je n’avais pas eu la tendresse de ma famille d’accueil, sa patience infinie face à deux enfants très en colère, je n’en serais certainement pas là aujourd'hui. Ils ont été aidants à bien des égards.

Dernier point, je pense qu’il faut vraiment travailler sur l’accompagnement psychologique des enfants, les engager dans un parcours de résilience, prendre soin d’eux, entendre leur colère, leur donner la parole. […] C’est un socle, un outil, une respiration fondamentale que l’on devrait activer dès le plus jeune âge avec bienveillance et adresse, parce que cela reste encore un sujet un peu tabou en France alors que dans ces cas-là, notamment pour des enfants placés, cela me semble fondamental.

Source : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/cr-miaidenf/18-19/c1819002.pdf

Les auditions ont en outre permis d’entendre l’ensemble des acteurs concernés, qu’ils relèvent du champ institutionnel, associatif ou universitaire.

La mission s’est déplacée dans deux départements, le Nord tout d’abord puis la Seine-Saint-Denis, pour effectuer une série de visites « de terrain », visites qui ont été complétées à titre individuel par plusieurs membres de la mission, dans les départements suivants : Allier, Alpes-de-Haute-Provence, Bouches-du-Rhône, Cher, Deux-Sèvres, Eure, Haute-Garonne, Hauts-de-Seine, Isère, Nièvre, Paris, Saône-et-Loire, Var ([7]).

La rapporteure constate avec regret qu’il a parfois été difficile aux membres de la mission d’être accueillis par les conseils départementaux, ou de se rendre dans des foyers d’accueil ; ce manque de transparence peut laisser interrogatif.

Faute d’avoir pu organiser dans des conditions convenables une table ronde dédiée, la mission a adressé à l’ensemble des parlementaires ultramarins un questionnaire sur les spécificités de l’ASE dans ces territoires. Deux réponses ont été reçues.

La rapporteure a également adressé un questionnaire général à l’ensemble des 101 départements, recevant 26 réponses. Elle tient à remercier sincèrement ces départements, qui lui ont permis d’illustrer utilement certains de ses propos ([8]). Les réponses ont notamment été l’occasion pour les conseils départementaux de faire état des difficultés causées, pour le financement de l’ASE, par la limitation à 1,2 % de la croissance annuelle des dépenses de fonctionnement, objectif fixé par les dernières lois de programmation des finances publiques.

● Compte tenu de la grande diversité des sujets abordés, de leur technicité parfois très poussée et de la disponibilité parfois toute relative d’informations, ce rapport n’a nullement prétention à constituer une « somme » sur l’aide sociale à l’enfance.

Une démarche encyclopédique n’aurait du reste eu guère de sens, car l’apport du Parlement aux réflexions sur l’action publique, tout particulièrement dans ce secteur aussi spécifique que complexe, réside dans la formulation des options politiques qui s’ouvrent aux décideurs et avant tout au législateur, afin d’opérer des choix structurants.

Aussi, le présent rapport s’articule en trois grandes thématiques :

– un panorama général permet de fournir quelques éléments chiffrés (I) et de décrire la gouvernance actuelle et ses limites (II) ;

– une analyse de chaque étape du placement permet de faire état des difficultés rencontrées en matière de repérage (III) et de procédures judiciaires (IV), de la problématique sensible du maintien du lien familial pendant le suivi (V), et enfin des diverses mesures d’ASE, s’agissant tout particulièrement du placement (VI) ;

– enfin, la question transversale des mineurs non accompagnés fait l’objet d’un traitement spécifique (VII).

 


  1  

I.   l’aide sociale à l’enfance en quelques chiffres : un aperçu nécessairement imparfait et un manque de données

Il s’agit ici de présenter très brièvement les principales données chiffrées relatives à l’ASE, afin d’identifier les enfants concernés, de caractériser les diverses formes de précarité qui les touchent davantage que les autres enfants, et enfin d’avoir une idée des dépenses afférentes à la politique publique de protection de l’enfance. On se bornera à ce stade à de simples constats, car le caractère parfois lacunaire et en tout état de cause épars des données disponibles s’explique par les modalités particulières de gouvernance, sur lesquelles on s’attardera plus loin.

A.   Qui sont « les enfants de l’ASE » ?

● Expression régulièrement employée dans la littérature consacrée à ce sujet, « les enfants de l’ASE » désignent non seulement les enfants accueillis en foyer ou en famille mais également ceux faisant l’objet de mesures de suivi à domicile (cf. infra pour une présentation des différentes catégories de mesures).

Sur saisine du Premier ministre, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a publié en juin 2018 un avis intitulé Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l’enfance ([9]), fournissant notamment les dernières données statistiques disponibles alors, et qui demeurent à ce jour parmi les plus récentes et immédiatement exploitables ([10]). Le treizième rapport au Gouvernement et au Parlement de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), rendu public en avril dernier ([11]), permet d’actualiser plus encore certaines de ces données. Enfin, les documents produits par le secrétariat d’État avant le lancement des concertations évoquées en introduction ([12]) fournissent certains chiffres plus récents, concernant notamment l’année 2018.

Le premier chiffre qui ressort de l’exploitation de ces sources est qu’en 2018, le nombre de mesures relevant du dispositif de protection de l’enfance était estimé à 341 000 sur la France entière, ce qui représente environ 2 % des mineurs. Il faut tout de suite préciser que l’ensemble des données figurant dans le présent rapport, sont exprimées « hors Mayotte » ; la rapporteure ne peut que regretter l’absence quasi-systématique de statistiques concernant ce qui est pourtant un département français, particulièrement confronté de surcroît à la question des mineurs non accompagnés (MNA, cf. infra([13]).

La prise en charge des MNA n’est pas étrangère à l’augmentation, sur moyenne période, du nombre d’enfants de l’ASE et, corrélativement, du nombre de mesures prises (cf. graphique suivant).

ÉVOLUTION DES SUIVIS DE MINEURS EN PROTECTION DE L’ENFANCE AU 31 DÉCEMBRE

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Source : ONPE, précité, page 25.

S’agissant de la répartition par sexe et par âge, on peut sommairement noter :

– que 57 % des enfants pris en charge sont des garçons et 43 % des filles ;

– que plus de la moitié (53 %) ont entre 11 et 18 ans. L’âge moyen des enfants confiés est de 12 ans.

Parmi les enfants pris en charge par l’ASE, les différentes sources documentaires soulignent le cas particulier des pupilles de l’État, au nombre de 2 778 au 31 décembre 2017. Il s’agit d’enfants « sans parents », pour l’essentiel nés sous le secret (« sous X » 610 des 1 260 admis au statut de pupille en 2017) ou pour lesquels est une décision judiciaire de délaissement parental a été prise (cf. infra – 385 admissions à ce titre en 2017). Les pupilles de l’État, confiés à l’ASE, sont placés sous la tutelle du préfet de département.

● Dans la continuité de la littérature relative à la protection de l’enfance, la rapporteure constate le manque de données fiables pour conduire et évaluer cette politique publique. Dans son rapport précité, le CESE relève ainsi le « défaut de connaissance quantitative et qualitative des besoins et des parcours » ; à titre d’exemples, « il est […] impossible actuellement de connaître le nombre de jeunes ASE en situation d’handicap, de mesures d’ASE concernant des familles en grande pauvreté [,] le chiffrage des dépenses de la protection de l’enfance est rare et souvent trop approximatif [et] nous ne disposons pas non plus d’une description exhaustive des établissements » ([14]).

B.   Un public touché par diverses formes de précarité

La littérature générale sur la protection de l’enfance fait ressortir la forte prévalence de trois ordres de difficultés parmi les enfants de l’ASE.

S’agissant du handicap, le Défenseur des droits, dans son rapport annuel d’activité 2015 ([15]), souligne que 17 % des enfants de l’ASE présenteraient un handicap physique ou mental reconnu par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), contre 2 % dans la population générale des enfants. Mais le CESE relève que « d’après les actrices et acteurs de terrain auditionnés, ce chiffre serait d’environ un tiers pour les jeunes placés » ([16]).

S’agissant de la scolarité, l’avis précité du CESE relève qu’à l’âge de 17 ans, 23 % des enfants de l’ASE ne sont plus scolarisés dans une formation diplômante, contre 9,6 % pour l’ensemble des jeunes du même âge.

S’agissant du logement, deux chiffres – encore une fois tirés de l’avis du CESE ([17]) – apparaissent frappants :

– 30 % des utilisateurs de services d’hébergement temporaire et de restauration gratuite nés en France ou y étant arrivés avant l’âge de 18 ans sont des anciens de l’ASE ;

– 25 % des personnes de moins de 25 ans sans domicile ont été placées en foyer ou en famille d’accueil. D’après le 24 ème rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, « parmi les personnes qui ont connu la rue après l’ASE, 21 % l’ont connue moins d’un an après leur sortie, tandis que 39 % l’ont subie plus de 10 ans après » ([18]).

C.   Une dépense publique mal connue mais significative

Le rapport précité de l’ONPE indique qu’en 2017, les dépenses des départements pour l’ASE se sont élevées à près de 8 milliards d’euros (7,934 précisément), là aussi hors Mayotte. Ce montant a crû de 2 % par rapport à 2016, et de près de 40 % entre 1998 et 2016, comme l’illustre le graphique suivant.

Évolution des dépenses d’aide sociale à l’enfance

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Source : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/22-10.pdf

Mais il s’agit là de dépenses « brutes », ne tenant en particulier pas compte de la rémunération des personnels administratifs, notamment des travailleurs sociaux. Au surplus, seules sont prises en compte les dépenses des départements, à l’exclusion notamment de celles engagées au titre de la protection de l’enfance par l’État (protection judiciaire de la jeunesse, par exemple). Ainsi, le CESE évalue à environ 10 milliards d’euros le total des dépenses publiques engagées au titre de la protection de l’enfance.

Le caractère très évaluatif de ce chiffrage illustre la difficulté à disposer de données financières incontestables, ce qui résulte de la diversité des coûts des mesures d’un département à l’autre, et d’une situation à l’autre. Le CESE indique ainsi que « le prix de journée d’un établissement est en moyenne de 180/200 euros et de 100 euros […] en famille d’accueil [et que] 10 ans de placement en établissement équivalent à 1 million d’euros » ([19]).


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II.   Une gouvernance complexe, À rÉinterroger

La gouvernance de la protection de l’enfance est intrinsèquement complexe, car de nombreux acteurs y prennent part. À cette complexité intrinsèque s’ajoute le caractère décentralisé de l’ASE, induisant logiquement des différences sur le terrain. Ces différences, voire ces inégalités de traitement, étant difficilement tolérables compte tenu de la nécessité de faire prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant, des structures de coordination ont été instituées, comme pour « compenser » les effets de la décentralisation. Cette logique apparaît à bout de souffle, et doit amener à réinterroger sans tabou la gouvernance de la protection de l’enfance au regard de la décentralisation, car il s’agit d’une politique régalienne.

A.   L’aide sociale À l’enfance a ÉtÉ dÉcentralisÉe aux dÉpartements au dÉbut des annÉes 1980.

1.   Un bref rappel historique

Sans prétendre peindre une fresque pluriséculaire qui dépasse largement le cadre de ce rapport, on doit néanmoins rappeler que la prise en charge par la collectivité des enfants privés de liens familiaux répond historiquement à un double impératif : impératif de protection de la société contre des personnes désocialisées susceptibles d’en menacer l’unité, mais également – et sans doute de plus en plus avec le passage du temps – impératif de solidarité, inspiré par des raisons religieuses, puis morales et enfin philosophiques, pour caricaturer à grands traits.

« Laïcisée » au lendemain de la Révolution, la protection de l’enfance a logiquement été prise en charge par l’État central, selon la pratique jacobine alors incontestée. Les vicissitudes institutionnelles du grand XIXème siècle n’empêcheront pas l’élaboration progressive d’une législation protectrice des enfants : décret du 19 janvier 1811 concernant les enfants trouvés ou abandonnés et les orphelins pauvres, loi du 24 juillet 1889 sur la protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés, loi du 28 juin 1904 relative à l’éducation des pupilles de l’assistance publique difficiles ou vicieux. En dépit du caractère aussi policier que suranné de son titre, cette dernière loi a jeté les bases de la législation moderne, en confiant au préfet la tutelle des pupilles de l’État et en transférant à l’État la charge des dépenses d’assistance, jusqu’alors supportée par les hôpitaux et hospices.

 

Ce n’est que bien plus tard que naîtra une expression fréquemment usitée pour désigner les mineurs protégés, à savoir « les enfants de la DDASS » ; ce sont en effet les directions départementales des affaires sanitaires et sociales ([20]), placées sous l’autorité du préfet donc de l’État, qui pilotaient dans les territoires la politique nationale de protection de l’enfance. Si l’expression est parfois utilisée aujourd’hui encore, c’est doublement à tort : d’une part, parce que les DDASS ont disparu il y a près de 10 ans, remplacées par les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) ; d’autre part, et surtout, parce que la protection de l’enfance est une politique décentralisée auprès des départements depuis le début des années 1980.

L’article 37 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ([21]) confie en effet au département la responsabilité et le financement du service de l’aide sociale à l’enfance, comme de manière plus générale les compétences d’aide et d’action sociales à destination de la généralité des publics concernés. En pratique, c’est à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 ([22]) que les départements sont véritablement devenus les pilotes de l’ASE.

2.   Le conseil départemental, pivot de la gouvernance actuelle de la protection de l’enfance

● L’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) ([23]) dispose que l’ASE est un service non personnalisé du département, donc sans personnalité juridique distincte, chargé d’une série de missions, détaillées dans l’encadré suivant, certaines d’entre elles ayant vocation à faire l’objet d’analyses plus spécifiques infra.

 

Les missions de l’ASE

« 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de 21 ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ;

2° Organiser, dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale, des actions collectives visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles, notamment des actions de prévention spécialisée ;

3° Mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs mentionnés au 1° […] ;

4° Pourvoir à l’ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation, en collaboration avec leur famille ou leur représentant légal ;

5° Mener, notamment à l’occasion de l’ensemble de ces interventions, des actions de prévention des situations de danger à l’égard des mineurs et, sans préjudice des compétences de l’autorité judiciaire, organiser le recueil et la transmission […] des informations préoccupantes relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité sont en danger ou risquent de l’être ou dont l’éducation ou le développement sont compromis ou risquent de l’être, et participer à leur protection ;

5° bis Veiller au repérage et à l’orientation des mineurs victimes ou menacés de violences sexuelles, notamment des mineures victimes de mutilations sexuelles ;

6° Veiller à ce que les liens d’attachement noués par l’enfant avec d’autres personnes que ses parents soient maintenus, voire développés, dans son intérêt supérieur ;

7° Veiller à la stabilité du parcours de l’enfant confié et à l’adaptation de son statut sur le long terme ;

8° Veiller à ce que les liens d’attachement noués par l’enfant avec ses frères et sœurs soient maintenus, dans l’intérêt de l’enfant. »

Source : article L. 221-1 du CASF.

Le même article précise que pour l’application de ses missions, le service de l’ASE peut faire appel à des organismes publics ou privés ou à des personnes physiques, dont il assure dans ce cas le contrôle. Autrement dit, le conseil départemental peut gérer l’ASE directement – en régie – ou avec le concours d’établissements et de professionnels dûment habilités. En pratique, s’il n’est pas rare que les départements gèrent directement l’accueil d’urgence par exemple, les structures d’accueil sont le plus souvent associatives, en relation contractuelle avec le conseil départemental. Par construction, l’accueil en famille nécessite le recours à des professionnels, salariés par le département, les assistants familiaux. Seul responsable du service de l’aide sociale à l’enfance, le département doit néanmoins gérer une complexité de fait, intrinsèque à l’exécution déléguée d’un service public (en l’espèce, auprès d’une pluralité de structures associatives et d’une multitude de familles d’accueil).

● Au-delà du seul service de l’ASE et de la potentielle multiplicité de ses exécutants, la protection de l’enfance au sens large fait intervenir des acteurs nombreux et divers, en relation plus ou moins étroite avec le département :

– la justice, encore à l’origine de la majorité des mesures mises en place par l’ASE (cf. infra), malgré la logique de subsidiarité introduite par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance ;

– l’éducation nationale, première émettrice d’informations préoccupantes (cf. infra également) ;

– les professionnels de santé dans toute leur diversité, soit dans la phase de détection des enfants en situation de danger, soit dans le suivi sanitaire et psychologique des enfants pris en charge par l’ASE (cf. infra, toujours) ;

– une administration centrale productrice des normes devant être appliquées par les départements, sans pour autant exercer une quelconque tutelle sur eux. Il s’agit de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), et plus particulièrement de son bureau « Protection de l’enfance et de l’adolescence » ;

– la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui est en réalité le seul secteur de la protection de l’enfance dans lequel l’État exerce des compétences similaires à celles des départements (cf. encadré suivant).

Les missions de la PJJ

Historiquement soumise à un régime distinct du droit commun, tenant évidemment à la jeunesse des auteurs des actes incriminés, la justice des mineurs s’exerce dans le cadre général instauré par l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, modifiée près de 40 fois depuis sa création.

Instaurée par cette ordonnance, l’éducation prioritaire est devenue PJJ en 1990. La Direction de la PJJ (administration centrale du ministère de la Justice) et ses divisions territoriales sont chargées de la mise en œuvre des décisions des tribunaux pour enfants à l’endroit des mineurs délinquants, que les décisions relèvent du droit civil ou du droit pénal.

Seuls les jeunes délinquants ayant commis des actes sérieux sont confiés par le juge à la PJJ ; dans 60 % des cas, le procureur décide d’une alternative aux poursuites (réparation du dommage causé, rappel à la loi).

Ce sont environ 140 000 jeunes qui sont suivis par la PJJ, dont 85 000 environ au pénal.

Le suivi consiste pour la majorité (53 %) en des mesures éducatives en milieu ouvert. Néanmoins, 4 % des mesures prises aboutissent à un placement, dans des établissements publics ou dans le secteur associatif habilité, sur le même modèle donc que l’ASE.

Source : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/plaquette_presentation_pjj.pdf

 

B.   la décentralisation engendre autant de politiques d’aide sociale à l’enfance qu’il existe de départements.

● La Convention relative aux droits de l’enfant, également désignée sous l’acronyme CIDE (pour Convention internationale des droits de l’enfant) confie à l’État la responsabilité de la protection de l’enfance, comme c’est la règle usuelle en droit international. Son article 2 stipule en effet que « les États parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune ».

Cette responsabilité unique confiée par le droit international aux États devrait logiquement conduire à ce que la politique de la protection de l’enfance soit homogène sur l’ensemble du territoire national ; or, elle ne l’est pas.

● Le seul énoncé de la liste, même ramassée, des acteurs de la protection de l’enfance laisse entrevoir la complexité de sa gouvernance. À cet égard, le constat dressé par le CESE dans son rapport précité résume les propos tenus, sous une forme ou une autre, par la quasi-totalité des personnes auditionnées par la mission d’information, et traverse, presque comme un mantra, la littérature sur le sujet : « Une telle complexité peut nuire à l’efficacité de la protection de l’enfance. Elle ne doit pas occasionner de différences de traitement, selon les départements, en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux des parents et des enfants. C’est pourtant ce qui est constaté, dans un contexte de tensions budgétaires et compte tenu de la variété des choix politiques des départements » ([24]).

En soi, le constat de la diversité des pratiques entre départements n’a rien d’étonnant, s’agissant d’une politique décentralisée ; il est même d’une certaine manière conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales posé par l’article 72 de la Constitution, qui dispose en son troisième alinéa que « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ». Dès lors qu’une compétence est confiée à une collectivité territoriale, celle-ci peut l’exercer comme elle l’entend, dans le respect de la loi bien sûr, mais sans tutelle d’une autorité supérieure. Le seul contrôle exercé par l’État sur les actes des collectivités est un contrôle de légalité, opéré par le préfet, mais pas un contrôle de type hiérarchique, qui tendrait à s’assurer de la bonne exécution d’une politique publique définie au niveau national.

Corollaire de leur libre administration, les collectivités territoriales exercent les compétences qui leur sont conférées avec les moyens budgétaires dont elles disposent, le terme « disposent » revêtant ici un sens double : d’une part, les moyens des collectivités sont limités au budget voté par leur conseil élu, sans « droit de tirage » supplémentaire sur des crédits d’État leur permettant si besoin d’assumer des dépenses imprévues ; d’autre part, le conseil élu alloue librement les recettes dont il dispose à des dépenses dont il fixe librement l’ordre de priorité. En matière d’aide sociale à l’enfance, les départements sont donc contraints d’assumer les missions que la loi leur confie avec leur budget propre, ce qui peut s’avérer en soi difficile lorsqu’un département « pauvre » doit mettre en place des mesures d’ASE particulièrement nombreuses ([25]) ; et certains départements peuvent consacrer proportionnellement davantage de moyens que d’autres à l’ASE, selon leurs priorités politiques. L’analyse des réponses des conseils départementaux au questionnaire de la rapporteure, évoqué en introduction, montre une très grande disparité des budgets consacrés à l’ASE, dans un rapport du simple au triple (de 5,3 à 18,8 % du budget total sur l’échantillon étudié).

Avant toute chose, il faut préciser qu’il ne s’agit pas ici de porter un jugement sur les choix de tel ou tel département, la rapporteure étant bien consciente de la charge que représente pour chacun la gestion du service de l’ASE. L’objectif est simplement d’interroger la compatibilité de cette diversité avec ce qui doit être in fine le seul objectif de la protection de l’enfance, à savoir la sauvegarde de l’intérêt supérieur de l’enfant, avec une égale exigence sur l’ensemble du territoire.

● Les diversités de pratiques face à des situations pourtant identiques, générées par le caractère décentralisé de l’aide sociale à l’enfance, sont trop nombreuses et variées pour faire l’objet, ici et sans doute même où que ce soit, d’une recension exhaustive. Comme l’indiquait lors de son audition la directrice de l’ONPE, « les données montrent des disparités importantes entre les territoires. Quant aux phénomènes explicatifs, voilà une autre question, qui constitue un énorme travail de fond ».

Les quelques exemples ci-après, tirés pour l’essentiel des auditions réalisées par la mission, n’ont donc pas d’autre valeur qu’illustrative.

On peut ainsi relever, avec le CESE, la très forte variabilité du coût des mesures d’ASE : si le prix moyen d’une journée en famille d’accueil est de 100 euros, il est de seulement 48 euros dans les Alpes-Maritimes ([26]) ; le prix d’une journée d’action éducative en milieu ouvert (AEMO, cf. infra) varie quant à lui entre 8 et 20 euros.

Même sans données chiffrées précises et comparables, a été régulièrement évoquée la diversité des capacités d’accueil, et en conséquence des délais de mise en place des mesures décidées.

 

Le déplacement de la mission dans le département du Nord a permis d’appréhender une spécificité des départements les plus peuplés, qui renforce sans doute l’effet de disparité propre à la décentralisation : dans ces départements, le service de l’aide sociale à l’enfance est en effet organisé en plusieurs directions territoriales, qui peuvent développer chacune des pratiques légèrement différentes de celles des autres.

La question des observatoires départementaux de la protection de l’enfance (ODPE) est à elle seule une illustration des contradictions de la gouvernance de la protection de l’enfance, puisque leur création, nécessaire à l’amélioration de la gouvernance locale, est freinée par les problèmes de gouvernance nationale. Instaurés par la loi du 5 mars 2007 et renforcés par la loi du 14 mars 2016, les ODPE sont des structures ([27]) placées sous l’autorité du président du conseil départemental, et réunissant les différents acteurs de la protection de l’enfance afin de mutualiser les connaissances et les pratiques (cf. encadré suivant pour le détail des missions des ODPE). Il s’agit donc prendre en compte le caractère pluridisciplinaire et en conséquence « pluriadministratif » de la politique publique de la protection de l’enfance, au niveau local. Mais la mise en œuvre de cet outil de réponse à la complexité intrinsèque de la protection de l’enfance se heurte à une difficulté résultant du caractère essentiellement décentralisé de cette politique publique, puisqu’en 2018 seuls 74 départements avaient mis en place un ODPE (7 n’en ayant prévu aucun, 17 en ayant lancé la constitution et 2 ayant mis en place des observatoires plus larges assurant la mission des ODPE). Ces chiffres figurent dans le rapport précité de l’ONPE, qui est lui-même un organisme créé afin de disposer d’une vision consolidée au niveau national, que la décentralisation ne permet pas.

Les missions des ODPE

« Dans chaque département, un observatoire départemental de la protection de l’enfance, placé sous l’autorité du président du conseil départemental, a pour missions :

1° De recueillir, d’examiner et d’analyser les données relatives à l’enfance en danger dans le département […]. Ces données sont ensuite adressées par chaque département à l’Observatoire national de la protection de l’enfance ;

2° D’être informé de toute évaluation des services et établissements intervenant dans le domaine de la protection de l’enfance […] ;

3° De suivre la mise en œuvre du schéma départemental [d’organisation sociale et médico-sociale] ;

4° De formuler des propositions et avis sur la mise en œuvre de la politique de protection de l’enfance dans le département ;

5° De réaliser un bilan annuel des formations continues délivrées dans le département […], qui est rendu public, et d’élaborer un programme pluriannuel des besoins en formation de tous les professionnels concourant dans le département à la protection de l’enfance. »

Source : article L. 226-3-1 du CASF.

C.   la logique de coordination nationale d’une politique demeurant décentralisée pourrait avoir atteint ses limites.

1.   Des organismes nationaux ont été créés afin d’améliorer le niveau d’information et de tenter de mieux coordonner les actions de protection de l’enfance.

 La diversité des pratiques selon les territoires, et le déficit d’informations consolidées qui en résulte quasi-automatiquement, ont été constatées assez rapidement après la décentralisation. Le site Internet de l’ONPE ([28]) indique ainsi que dès les années 1990, « le développement de l’observation et de l’évaluation dans le champ de la protection de l’enfance est apparu nécessaire », plusieurs rapports publics ayant abouti aux constats suivants :

– «  des systèmes d’informations limités ;

– «  des pratiques mises en œuvre en protection de l’enfance à travers les différentes prestations et les modes d’intervention peu référencées, avec une extrême diversité en fonction des services ou des territoires ;

– «  des connaissances scientifiques faibles et sans capitalisation ».

Ces constats ont abouti à la création de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) par la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance. Associé au Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (SNATED – le 119, cf. infra), l’ONED, devenu Observatoire national de la protection de l’enfance avec la loi du 14 mars 2016, constitue le groupement d’intérêt public «Enfance en danger » (GIPED).

Aux termes de l’article L. 226-6 du code de l’action sociale et des familles, le GIPED est chargé « d’exercer, à l’échelon national, les missions d’observation, d’analyse et de prévention des mauvais traitements et de protection des mineurs en danger ». Au sein du GIPED, l’ONPE est chargé de collecter et de synthétiser l’information disponible concernant les différents aspects de la protection de l’enfance, auprès de l’ensemble de ses acteurs.

Les missions de l’ONPE

« L’Observatoire national de la protection de l’enfance contribue au recueil et à l’analyse des données et des études concernant la protection de l’enfance, en provenance de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des fondations et des associations œuvrant en ce domaine. Il contribue à la mise en cohérence des différentes données et informations, à l’amélioration de la connaissance des phénomènes de mise en danger des mineurs et recense les pratiques de prévention ainsi que de dépistage et de prise en charge médico-sociale et judiciaire des mineurs en danger, dont les résultats évalués ont été jugés concluants, afin d’en assurer la promotion auprès de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des fondations et des associations œuvrant dans ce domaine. Il présente au Gouvernement et au Parlement un rapport annuel rendu public. »

Source : article L. 226-6 du CASF.

L’ONPE dispose d’une équipe d’une quinzaine de personnes, et son conseil scientifique est composé de dix chercheurs et dix représentants des organismes commanditaires de recherche, parmi lesquels on trouve notamment la DGCS, l’École nationale de la PJJ (ENPJJ), ou encore l’Association nationale des directeurs d’action sociale et de santé des départements (ANDASS) ([29]).

● La loi du 14 mars 2016 a institué, en plus de l’ONPE, un Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE). Placé – du moins formellement – auprès du Premier ministre, le CNPE est « chargé de proposer au Gouvernement les orientations nationales de la politique de protection de l’enfance, de formuler des avis sur toute question s’y rattachant et d’en évaluer la mise en œuvre » (article L. 112-3 du CASF). Comme une allégorie de la difficulté à articuler gestion décentralisée de l’ASE et volonté de limiter les effets de la diversité induite par cette gestion, la loi précise que le CNPE « promeut la convergence des politiques menées au niveau local, dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales ». Le détail des missions du CNPE est présenté dans l’encadré suivant.

Les missions du CNPE

« Le Conseil national de la protection de l’enfance favorise la coordination des acteurs de la protection de l’enfance. À cette fin :

1° Il propose au Gouvernement les orientations nationales de la protection de l’enfance dans le but de construire une stratégie nationale ;

2° Il assiste le Gouvernement en rendant des avis sur toutes les questions qui concernent la protection de l’enfance et peut de sa propre initiative proposer aux pouvoirs publics, après évaluation, les mesures de nature à améliorer les interventions en protection de l’enfance ;

3° Il contribue à orienter les études stratégiques, les travaux de prospective et d’évaluation menés dans le champ de la protection de l'enfance ;

4° Il promeut la convergence des politiques menées au niveau local en s’appuyant sur les expériences conduites au niveau territorial comme à l’étranger ;

5° Il formule des recommandations dans le champ de la formation initiale et continue des professionnels de la protection de l’enfance.

En outre, le Conseil national de la protection de l’enfance est consulté sur les projets de texte législatif ou réglementaire portant à titre principal sur la protection de l’enfance.

Il peut être saisi par le Premier ministre, le ministre chargé des familles et de l’enfance et les autres ministres concernés de toute question relevant de son champ de compétences.

Il peut se saisir de toute question relative à la protection de l’enfance. »

Source : article D. 148-1 du CASF.

Présidé par le ministre chargé de l’enfance, le CNPE compte 82 membres répartis en 5 collèges : 24 membres représentent les institutions, collectivités et administrations compétentes ; 23 membres représentent la société civile et les associations ; 13 membres représentent les associations de professionnels ; 5 membres représentent les organismes de formation ; le cinquième collège, composé de 17 personnalités qualifiées, est celui dans lequel est désigné le vice-président du CNPE, qui supplée le ministre en cas d’absence.

Le volume et la qualité des avis et autres productions du CNPE depuis sa mise en place ([30]) sont d’autant plus remarquables que, comme le relève le CESE ([31]), le CNPE est « insuffisamment doté » en moyens administratifs pour l’exercice de ses missions : il compte en effet un seul agent, en la personne de sa secrétaire générale.

● On peut ajouter à cette liste, même s’ils sont moins directement ou moins exclusivement impliqués dans l’analyse et la conduite de la politique de protection de l’enfance, les organismes suivants :

– l’Observatoire national de l’action sociale (ODAS), de longue date producteur de données et d’analyses sur l’aide sociale à l’enfance ;

– le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), qui s’intéresse à la protection de l’enfance en tant qu’organisme d’expertise ;

– l’Agence française de l’adoption (AFA), dont on a dit plus haut qu’elle est une possible voie de sortie de l’ASE.

2.   Le constat de la diversité des pratiques doit sans doute amener à une réinterrogation profonde de la manière dont doit être pensée la décentralisation de l’aide sociale à l’enfance.

● L’insuffisance manifeste des moyens du CNPE pourrait conduire la rapporteure à formuler, à la suite notamment du CESE dans son avis précité, le vœu d’un renforcement de ces moyens et, plus généralement, d’un « renforcement de la coordination entre acteurs », ou toute autre formulation du même type interdisant en réalité de poser une question qui semble presque taboue : l’aide sociale à l’enfance doit-elle demeurer une politique décentralisée ?

Si la question semble taboue, c’est notamment parce qu’elle n’a pour ainsi dire jamais été abordée frontalement lors des auditions conduites par la mission d’information. Néanmoins, elle a souvent été effleurée. Ainsi, la directrice générale du GIPED s’interrogeait en ces termes sur le pilotage national de la protection de l’enfance : « Peut-être faudrait-il désigner un pilote au niveau de l’État ? Il pourrait ainsi rappeler les responsabilités des uns et des autres sur ce sujet et serait l’interlocuteur unique du conseil départemental au niveau de l’État ». Plus globalement, la directrice de l’ENPJJ estimait nécessaire de « définir une véritable politique nationale de protection de l’enfance ». Plus directement, les représentants de l’Association nationale des directeurs de l’enfance et de la famille (ANDEF) ont estimé que si « de belles lois organisent la protection de l’enfance [,] encore faut-il pouvoir les mettre en application en raison de l’obstacle extrêmement prégnant pour les services de l’aide sociale à l’enfance que constitue la libre administration des collectivités territoriales ».

Il n’est pas question ici de sur-interpréter les propos tenus par ces personnes auditionnées, mais de constater une forme d’aporie dans la gouvernance de la protection de l’enfance : décentralisée, elle engendre des différences de traitement qui ne sont manifestement pas bien tolérées puisque des structures d’analyse et de pilotage ont été créées au niveau national, sans parvenir à réduire de manière probante les différences de traitement, n’en ayant ni les moyens ni même au fond la mission – puisque ce processus circulaire se déroule sous l’empire du principe à valeur constitutionnelle de libre administration des collectivités territoriales... Aussi, plus de 30 ans après qu’elle soit devenue effective, il ne paraîtrait pas irrationnel de dresser un véritable bilan de la décentralisation de l’aide sociale à l’enfance, sans s’interdire d’en interroger la pertinence et de renforcer l’implication de l’État dans cette politique.

Proposition 1 : Faire évoluer la gouvernance de la protection de l’enfance, en :

– réunissant l’ensemble des organismes impliqués dans la protection de l’enfance (CNPE, ONPE, AFA, ODAS et HCFEA pour leurs sections consacrées à l’enfance) en une unique Agence nationale de protection de l’enfance, co-pilotée par l’État et les départements, afin d’assurer une application homogène de cette politique sur le territoire ;

– nommant auprès de chaque préfet un référent « protection de l’enfance », sur le modèle des délégués des préfets pour la politique de la ville ;

– déclinant au niveau départemental le modèle de l’Agence nationale, co-pilotée par le président du conseil départemental et le référent « protection de l’enfance » du préfet, qui réunirait toutes les parties prenantes associatives et institutionnelles (justice, éducation nationale, santé), et comprenant obligatoirement une association d’anciens enfants placés.

 

 


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III.   le repérage des enfants À protéger : un chantier constant

A.   une procédure articulée autour des cellules départementales de recueil des informations préoccupantes

● Une situation susceptible de déclencher des mesures de protection de l’enfance peut être portée à la connaissance des autorités de deux façons distinctes :

– le signalement direct au parquet, réservé par principe aux situations les plus urgentes ou les plus graves, et réalisé dans la généralité des cas par des professionnels (personnels éducatifs, personnels de santé…), dont la responsabilité pénale peut être engagée en cas de défaut de signalement, notamment sur la base de l’article 434-3 du code pénal ([32]) ;

– la transmission d’une information préoccupante (IP) à la cellule départementale de recueil des informations préoccupantes (CRIP), créée par la loi du 5 mars 2007 ([33]) afin de centraliser le recueil des IP, antérieurement plus erratique.

Le schéma suivant résume utilement les deux types de procédure ; il est tiré du rapport d’information sur la protection de l’enfance de nos collègues sénatrices Muguette Dini et Michelle Meunier, datant de juin 2014 et à l’origine de la loi du 14 mars 2016 (cf. infra).

https://www.senat.fr/rap/r13-655/r13-6551.gif

Source : https://www.senat.fr/rap/r13-655/r13-6551.pdf, page 56.

● Des marges d’amélioration semblent exister dans le traitement des IP, d’après le Conseil national de la protection de l’enfance. Lors de son audition par la mission d’information, sa vice-présidente a en effet proposé de créer « un référentiel national d’évaluation des informations préoccupantes
 comment définir le danger, comment poser un diagnostic de danger. Car si nous nous trompons dans le diagnostic, nous nous trompons dans la thérapeutique. Nous estimons que ce référentiel est un moyen de garantir une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire. Nous avons donc rendu un avis visant à étendre le référentiel, déjà existant dans de nombreux départements, et qui a reçu un certain nombre de validations scientifiques, au niveau national ». La rapporteure souscrit à cette proposition.

Proposition  2 : Établir un référentiel national d’évaluation des informations préoccupantes en se basant sur une consultation ethno-clinique (évaluation culturelle des relations entre les parents et les enfants), la santé et le handicap

 

 

Les réponses fournies par les conseils départementaux au questionnaire de la rapporteure font apparaître une interrogation supplémentaire, tenant à la diversité d’organisation des CRIP, qui sont tantôt centralisées tantôt non, et qui ne disposent pas toutes de ressources dédiées. En conséquence, le nombre d’IP que chaque professionnel doit traiter est très variable, dans un rapport de 1 à 7 (de 78 à 587 IP par professionnel).

● Postérieurement à l’étape de l’information préoccupante, des investigations complémentaires peuvent être lancées.

La mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE) est une mesure d’investigation qui vise à évaluer la situation d’un mineur, obligatoire en matière pénale. Elle est mise en œuvre par les éducateurs de la PJJ dans un tiers des cas et par des associations habilitées pour les autres, afin de recueillir et analyser des éléments sur la situation scolaire, familiale, sanitaire, sociale et éducative du jeune et de sa famille. Elle constitue ainsi une aide au magistrat dans sa prise de décision, lui permettant de vérifier si les conditions d’une intervention judiciaire sont réunies et de proposer, si nécessaire, des réponses adaptées à la situation.

Parmi les retours d’expérience positifs, la rapporteure souhaite citer la mise en place à Colmar d’un service d’investigation de proximité, dédié à l’investigation en amont, sans lien mécanique avec le placement.

La période d’investigation doit être le moment privilégié pour entreprendre un nécessaire – même si pas toujours suffisant – travail préventif auprès des enfants et de leurs familles, afin d’évaluer la capacité parentale avec comme seule boussole les besoins fondamentaux des enfants. C’est à ce moment que peuvent notamment être appréhendées les spécificités culturelles de certaines familles, tenant par exemple à leurs origines géographiques, afin le cas échéant d’inciter les parents à faire évoluer des pratiques possiblement dommageables pour les enfants.

De véritables « équipes de réussite éducative en prévention » peuvent être constituées afin de faire de l’étape des investigations complémentaires un moment utile à tous.

● On ne saurait achever cette partie sans rappeler le rôle essentiel du 119, numéro de téléphone unique du Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger.

Les 45 écoutants du SNATED sont des professionnels de la protection de l’enfance (éducateurs spécialisés, psychologues, juristes), qui se relaient 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 et reçoivent près de 400 000 appels par an. Certains de ces appels ne sont pas directement destinés au 119, si bien que 34 000 appels sont finalement transférés sur le plateau d’écoute, ceux qui concernent vraiment les missions de protection de l’enfance.

 

Trois missions sont alors dévolues au 119 :

– une mission de prévention, puisque presque 30 % des appelants sont des parents qui demandent des conseils et un soutien ;

– une obligation de transmission d’IP, quand est identifiée une situation de danger pour l’enfant. En cas d’urgence, les services de premiers secours sont appelés (250 fois en 2018) ;

– un rôle d’information, avec l’affichage obligatoire du « 119 » dans tous les lieux qui reçoivent habituellement des mineurs, tout particulièrement les établissements scolaires (120 000 affiches envoyées chaque année dans 65 000 établissements scolaires).

Proposition 3 : Améliorer la visibilité du 119, en :

– rendant obligatoire la mention du 119 dans le livret de famille, le carnet de santé, et les carnets de liaison des élèves du second degré ;

– prévoyant une information spécifique à destination des enfants du premier degré et de leurs parents ;

– assurant l’effectivité de l’affichage obligatoire dans les foyers et les familles d’accueil, assorti d’une information sur la possibilité de saisir le Défenseur des enfants

B.   améliorer les conditions de transmission des informations par les principaux émetteurs, Grâce à une meilleure formation

Il ressort des auditions conduites par la mission que le principal obstacle à la transmission la plus fluide possible des informations aux autorités compétentes – par la voie de l’IP ou du signalement – réside dans le défaut d’information des personnes principalement concernées, que l’on pourrait qualifier par commodité d’ « institutionnelles ».

Pourtant, l’article L. 542-1 du code de l’éducation pose, pour ces personnes, une obligation de formation à la protection de l’enfance en danger : « Les médecins, l’ensemble des personnels médicaux et paramédicaux, les travailleurs sociaux, les magistrats, les personnels enseignants, les personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs et les personnels de la police nationale, des polices municipales et de la gendarmerie nationale reçoivent une formation initiale et continue, en partie commune aux différentes professions et institutions, dans le domaine de la protection de l’enfance en danger ».

 

1.   Par les personnels de l’éducation nationale

Parmi les « institutionnels », l’éducation nationale est la première source d’IP, ce qui s’explique par le fait que l’école est un passage obligé pour les enfants de plus de 6 ans (et bientôt tous les enfants de plus de 3 ans), et qu’elle est en réalité bien plus qu’un « passage », car elle est le lieu où ces enfants sont quasi-continuellement sous le regard d’adultes qui ne soient pas de leur famille.

La table ronde organisée par la mission d’information avec des représentants du ministère de l’éducation nationale et des syndicats d’assistants sociaux intervenant en milieu scolaire a permis de montrer que la transmission des IP est le produit d’une interaction fructueuse, quoique parfois insuffisante faute notamment de moyens humains, s’agissant notamment des assistants sociaux, tout particulièrement dans le premier degré. Dans les collèges et lycées, le rôle des infirmiers scolaires dans le processus de détection pourrait également être renforcé.

Les remontées des CRIP auprès des membres de la mission tendent à montrer que les enseignants rencontrent des difficultés dans l’identification des situations, ce qui engendre des pics de déclarations avant les fêtes de Noël ou avant les congés d’été, lorsque d’une certaine manière les enfants échappent à la vue des enseignants.

Proposition n° 4 : Prévoir pour les personnels éducatifs un module de formation spécifique, afin notamment que les enseignants soient plus à l’aise avec la déclaration des informations préoccupantes

2.   Par les professionnels de santé

Dans leur rapport précité, les sénatrices Muguette Dini et Michelle Meunier dressaient le constat d’un paradoxe, celui de la très faible part des informations transmises par les professions médicales : « Les professionnels de santé, plus particulièrement les médecins (médecins généralistes, pédiatres, pédopsychiatres, etc.), sont un maillon essentiel de la protection de l’enfance : tous les enfants sont, un jour ou l’autre, examinés par un médecin […]. Or, les chiffres relatifs aux IP transmises aux CRIP […] témoignent de la très faible part que représente le secteur médical (hôpital, médecine de ville) dans les sources émettrices » ([34]).

Afin de résoudre ce paradoxe, ou en tout cas d’y contribuer, le rapport sénatorial proposait la création au sein de chaque conseil départemental d’un médecin référent en protection de l’enfance. Cette proposition a trouvé une traduction juridique dans la loi du 14 mars 2016, l’article L. 221-2 du CASF prévoyant depuis lors que « dans chaque département, un médecin référent "protection de l'enfance", désigné au sein d’un service du département, est chargé d’organiser les modalités de travail régulier et les coordinations nécessaires entre les services départementaux et la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, d’une part, et les médecins libéraux et hospitaliers ainsi que les médecins de santé scolaire du département, d’autre part ».

Le CNPE a transmis à la rapporteure, à la suite de son audition, le résultat d’une enquête menée par questionnaire auprès des départements. Il en résulte que sur les 83 ayant répondu, seuls 51 départements ont mis en place cette obligation légale, ce qui est bien sûr insuffisant plus de trois ans après l’entrée en vigueur de la loi. Ce constat est confirmé par les réponses des conseils départementaux au questionnaire de la rapporteure, qui relèvent pour certaines les difficultés rencontrées dans un contexte de désertification médicale.

Plusieurs professionnels de santé, réunis lors de la table ronde consacrée par la mission au repérage médical des enfants en danger, ont plaidé en faveur de la duplication de ce modèle au sein même des hôpitaux, avec la création d’une équipe référente pluridisciplinaire (médecins, psychologues, assistants sociaux). Les unités médico-judiciaires (UMJ) pédiatriques, représentées lors de cette table ronde, disposent sans doute d’une vision d’ensemble qui manque peut-être à l’hôpital, mais elles ne sont hélas pas présentes dans chaque centre hospitalier.

Plus fondamentalement encore, l’attention de la mission a été appelée sur la nécessité d’assurer une meilleure formation aux professionnels de santé sur l’enfance en danger, alors même que la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié un référentiel au titre on ne peut plus clair : « Maltraitance chez l’enfant : repérage et conduite à tenir » ([35]).

Deux témoignages sont particulièrement marquants à cet égard :

– le Docteur Caroline Rey-Salmon, cheffe de l’UMJ de l’Hôtel-Dieu à Paris, a évoqué « un problème, qui tient à l’ignorance, à l’obscurantisme et au défaut de formation des médecins en la matière. On sait, grâce à des études, que, dans les pays socialement et économiquement comparables au nôtre, 10 % des enfants sont victimes de violences, tous milieux confondus. C’est plus que pour une maladie chronique, comme le diabète, par exemple. Or la formation consacrée aux maladies chroniques, comme le diabète ou l’infarctus du myocarde, est énorme dans nos facultés, mais la part des formations consacrées aux victimes de violences est vraiment très faible » ;

– le Docteur Pierre Suesser, co-président du Syndicat national des médecins de la protection maternelle infantile (SNMPMI) a indiqué que les professionnels ne savent pas qu’ « un médecin qui transmet un signalement ou une information préoccupante ne doit plus pouvoir être sanctionné par l’ordre, pourvu qu’il l’ait fait suivant les règles de déontologie ».

Proposition n° 5 : Améliorer la prise en charge médicale au moment de l’IP, en :

– généralisant au plus vite la mise en place dans les départements de médecins référents « protection de l’enfance », ou en permettant la désignation d’un autre professionnel médical de type infirmier de pratiques avancées, qui serait spécifiquement formé ;

– créant, dans chaque centre hospitalier susceptible d’accueillir des enfants, une équipe pluridisciplinaire référente « protection de l’enfance » ;

– créant au moins une UMJ par département ;

– prévoyant un module dédié de formation effective des personnels de santé au repérage de l’enfance en danger


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IV.   Des relations à coordonner avec les différents acteurs gravitant autour de l’enfant dans son parcours de protection

A.   L’autorité judiciaire occupe logiquement une place centrale dans l’aide sociale à l’enfance.

● Les mesures d’ASE revêtent soit un caractère administratif, soit un caractère judiciaire : dans le premier cas, elles sont décidées par le conseil départemental, le cas échéant avec l’accord des parents ; dans le second cas, elles sont ordonnées par un juge.

En 2017 ([36]), comme les années précédentes, la très grande majorité des mesures d’ASE résultaient de décisions judiciaires :

– 68 % des 164 530 mesures éducatives relevaient des actions éducatives en milieu ouvert (AEMO), décidées par les juges ([37]) ;

– 79 % des 160 650 enfants confiés à l’ASE l’ont été par une décision judiciaire ;

– par construction, 100 % des 15 590 décisions de placement direct ont été prises par un juge (dans le placement direct, le service de l’ASE se contente de financer la mesure judiciaire, sans avoir son mot à dire sur les modalités de placement).

Le juge des enfants est généralement saisi par le procureur de la République. Il peut aussi intervenir à la demande des parents (ensemble ou non), de la personne ou de l’institution à qui l’enfant avait été confié provisoirement par l’ASE, ou de l’enfant lui-même. Exceptionnellement, le juge des enfants peut se saisir d’office. Le juge compétent est celui du tribunal de grande instance (TGI) du domicile de la personne chez qui l’enfant réside.

● Le caractère très majoritaire de l’origine judiciaire des mesures d’ASE, notamment en matière de placement, résulte logiquement du fait que seule la justice est habilitée à contraindre des parents qui ne le souhaitent pas nécessairement à se séparer de leurs enfants, même temporairement. À cet égard, la perspective d’une inversion de la proportion entre l’origine administrative et l’origine judiciaire des mesures d’ASE demeure assez illusoire, et ne saurait au fond constituer en soi un objectif de politique publique souhaitable.

Certains départements y parviennent néanmoins, les réponses au questionnaire de la rapporteure indiquant régulièrement un taux de mesures d’origine administrative de plus de 30 %, et même de plus de 50 % dans le Loiret.

B.   Les procédures peuvent être améliorées dans le sens d’un renforcement des droits des enfants.

1.   Faciliter la désignation d’un représentant chargé d’assister les enfants

● L’article 1186 du code de procédure civile dispose que, dans le cadre des procédures d’assistance éducative « le mineur capable de discernement, les parents, le tuteur ou la personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été confié peuvent faire choix d’un conseil ou demander au juge que le bâtonnier leur en désigne un d’office. La désignation doit intervenir dans les huit jours de la demande. Ce droit est rappelé aux intéressés lors de leur première audition ».

La première table ronde organisée par la mission d’information, celle des anciens enfants confiés à l’ASE, a permis de constater que l’information des enfants sur le droit à être représentés par un avocat était loin d’être systématique. Ce retour d’expérience n’a certes pas en soi de valeur statistique, mais il est d’autant plus parlant qu’il a été confirmé par des professionnels autorisés lors de la table ronde réunissant des avocats spécialisés dans la protection de l’enfance.

Pour les avocats entendus, la rédaction de l’article 1186 du code de procédure civile est problématique car elle « fait dépendre, pour l’essentiel, l’assistance de l’avocat d’enfants de la décision du juge des enfants, en particulier sur la question du discernement de l’enfant et sur l’information donnée aux parties, notamment à l’enfant, sur le droit à l’assistance d’un avocat ». Or, l’information sur le droit à un avocat n’est pas systématiquement délivrée « parce que les juges des enfants sont surchargés ». Cette surcharge est clairement ressortie des auditions d’association et de syndicats de magistrats, conduites par la mission d’information. Pour autant, il ne semble pas déraisonnable de demander que l’obligation légale faite aux juges soit pleinement respectée, dans l’intérêt supérieur des enfants.

Il serait également de bonne pratique que les frais d’avocat soient pris en charge, pour les enfants, au titre de l’aide juridictionnelle.

● La législation prévoit la possibilité de l’intervention d’un autre tiers, au-delà de l’avocat, chargé d’assister le mineur dans une procédure judiciaire : l’administrateur ad hoc.

En application de l’article 388-2 du code civil, le juge désigne un administrateur ad hoc « lorsque, dans une procédure, les intérêts d’un mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux ». L’article 37 de la loi du 14 mars 2016 a prévu une avancée procédurale significative s’agissant de la procédure d’assistance éducative, puisque dans ce cas, désormais, l’administrateur ad hoc « doit être indépendant de la personne morale ou physique à laquelle le mineur est confié, le cas échéant ». Il s’agissait d’éviter la confusion des rôles entre l’accueil (par l’ASE) et la défense des intérêts (par l’administrateur ad hoc).

Dans son rapport de 2018 consacré aux droits des enfants, intitulé De la naissance à six ans : au commencement des droits, le Défenseur des droits estime que « la désignation d’un administrateur ad hoc paraît être la solution la plus protectrice des droits du tout-petit, à charge ensuite pour ce professionnel de demander la désignation d’un avocat pour le compte de l’enfant s’il l’estime nécessaire » ([38]). La désignation d’un administrateur ad hoc pour les plus petits pourrait donc utilement compléter celle d’un avocat pour les mineurs capables de discernement. Le Défenseur des droits est cependant conscient de la difficulté à systématiser cette désignation, compte tenu du manque d’administrateurs ad hoc et du risque de ralentissement des procédures.

2.   Permettre une écoute optimale des parties prenantes

● L’article 1182 du code de procédure civile prévoit, dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative, l’audition par le juge de l’ensemble des parties concernées, à savoir :

– chacun des parents ;

– le cas échéant, le tuteur ;

– la personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été éventuellement confié ;

– le mineur lui-même, s’il est capable de discernement ;

– toute autre personne dont l’audition lui paraît utile.

● Il ressort des auditions conduites par la mission d’information que les pratiques pourraient être améliorées sur au moins trois points, toujours dans l’intérêt supérieur des enfants :

– les représentants des assistants familiaux ont insisté sur la nécessité d’une audition systématique des familles auxquelles les enfants sont confiés, car elles sont le mieux à même de témoigner de la manière dont le placement se déroule au quotidien ([39]) ;

– les anciens enfants confiés à l’ASE ont pour leur part exprimé le souhait que les enfants puissent être systématiquement auditionnés hors la présence de leurs parents, afin de permettre une parole aussi libre que possible. Il s’agit clairement de remettre l’enfant au cœur des procédures, de l’écouter quand il exprime par exemple le souhait de rester dans la famille qui l’a accueillie et de ne pas retourner dans sa famille d’origine ;

– le passage devant le juge est souvent une épreuve pour les enfants, qui plus est quand ils se retrouvent dans la même salle d’attente que leurs parents, certains en arrivant même à se faire pipi dessus. Il faut que l’attente soit sécurisante pour l’enfant, entouré de personnes qui lui sont proches et se déroulant dans un lieu adapté ;

– en amont de la procédure, il serait sans doute utile de réfléchir aux moyens d’améliorer la motivation des décisions, afin de les rendre systématiquement compréhensibles par les enfants.

● L’écoute des parties prenantes pourrait sans nul doute être indirectement améliorée par un renforcement des synergies au sein des juridictions, typiquement avec la création de pôles spécialisés sur les questions de l’enfance, qui regrouperaient le juge des enfants, le juge aux affaires familiales et le juge des tutelles.

Avant même une réforme si structurelle, le renforcement des moyens de la justice des mineurs pourrait contribuer à son meilleur fonctionnement ; à cet égard, limiter à 350 le nombre de dossiers suivis par chaque juge des enfants ne paraît pas un objectif déraisonnable.

Proposition n° 6 : Améliorer la prise en compte de l’enfant dans la procédure judiciaire, en :

– rendant obligatoire la présence d’un avocat auprès d’un enfant quand une mesure d’assistance éducative ou de placement est envisagée ;

– auditionnant systématiquement les assistants familiaux en cas de placement en famille d’accueil ou les éducateurs qui suivent au quotidien l’enfant dans l’accueil collectif ;

– réalisant obligatoirement l’audition des enfants hors la présence de leurs parents ;

– mettant en place dans chaque tribunal pour enfant une salle d’attente dédiée équipée de sanitaires

 

 


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V.   la relation entre l’enfant et sa famille d’origine doit toujours être appréhendée dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

A.   une problématique cruciale et complexe

● La loi du 14 mars 2016 résulte d’une initiative parlementaire, à savoir la proposition de loi relative à la protection de l’enfant, déposée le 11 septembre 2014 par les sénatrices Muguette Dini et Michelle Meunier, premières signataires. Cette proposition de loi résultait d’un rapport d’information sur la protection de l’enfance, des mêmes auteures, datant de juin 2014 ([40]).

En quelques pages très éclairantes, ce rapport d’information résume une tension encore prégnante aujourd’hui, et maintes fois exprimée au cours des auditions, entre l’intérêt de l’enfant et les droits des parents. Toute paraphrase de ces pages serait inutile tant elles reflètent non seulement la pensée de la rapporteure, mais également les questionnements soulevés au cours des travaux de la mission ; aussi, l’encadré suivant cite expressis verbis les mots de nos collègues sénatrices.

L’articulation entre l’intérêt de l’enfant et les droits des parents :
extraits du rapport d’information du Sénat sur la protection de l’enfance

« Les structures en charge de la protection de l’enfance ont pendant très longtemps exercé leurs missions auprès de l’enfant sans associer la famille au travail éducatif mis en place. La famille était considérée comme défaillante, incompétente, toxique, responsable des troubles de l’enfant. C’est donc par la séparation et l’éloignement du milieu familial que l’évolution de l’enfant était envisagée.

Les années 1980 marquent un véritable changement de paradigme. […] Une nouvelle conception de la place de la famille émerge, selon laquelle les parents sont responsables et non plus coupables et doivent dès lors être associés aux mesures de protection mises en œuvre pour leur enfant. Cette approche, centrée sur un travail de coconstruction avec la famille, a prévalu et s’est même amplifiée jusqu'aux années 2000, faisant dire à certains que le système de protection de l’enfance avait basculé dans ʺle familialismeʺ.

[…]

Bien que la notion d’intérêt supérieur de l’enfant irrigue désormais tout le droit de la protection de l’enfance, […] le système français reste profondément marqué par une idéologie familialiste, qui donne le primat au maintien du lien avec les parents biologiques.

Cette conception, que certains professionnels n’hésitent pas à qualifier de dogme, s’exprime d’abord à travers les représentations sociologiques de la famille. En France, il est très difficile d’envisager un aménagement voire une rupture du lien familial biologique. Preuve en est, par exemple, l’injonction qui est souvent faite aux assistants familiaux de ne pas s’attacher aux enfants qu’ils accueillent. Or, certaines situations nécessitent assurément de libérer les enfants de la tutelle de leurs parents, lorsque celle-ci ne peut plus s’exercer dans des conditions raisonnables, est néfaste, ou ne repose sur aucun lien affectif durable.

L’idéologie familialiste imprègne ensuite les pratiques sociales. Par leur formation, les travailleurs sociaux attachent beaucoup d’importance à l’adhésion des parents, à leur accompagnement et à leurs facultés de progression. Bien sûr, cette démarche est parfaitement louable et doit être mise en œuvre dans la majorité des situations. Mais dans certains cas, les plus difficiles (délaissement, maltraitance), elle peut être préjudiciable à l’enfant en retardant la prise de décisions, qui seraient pourtant bénéfiques à son développement (l’éloignement, par exemple).

Le dogme du lien familial perdure également au sein de l’institution judiciaire. [Notamment], il est assez rare que le retrait de l’autorité parentale soit prononcé. »

Source : https://www.senat.fr/rap/r13-655/r13-6551.pdf, pages 62 à 64.

● La première audition conduite par la mission d’information, destinée à recueillir le témoignages d’anciens enfants accueillis par l’ASE, a permis, hélas, d’avoir des illustrations concrètes des ravages que la tension irrésolue entre les droits des parents et l’intérêt de l’enfant peut causer pour ces derniers. On retiendra entre autres le cas d’une mère psychotique, chez qui le retour était manifestement impossible après un premier placement – tardif –, mais qui conservait néanmoins l’autorité parentale, ce qui a notamment entraîné un changement dommageable de structure de placement, à l’occasion d’un déménagement de la mère.

Les exemples de ce type, qui pourraient être multipliés, ne reflètent peut-être pas la majorité des situations, et leur existence n’invalide pas ipso facto les démarches de prévention et de soutien à la parentalité. Mais leur caractère tragique doit amener à élaborer une doctrine claire de politique publique, plaçant l’intérêt de l’enfant en son centre. Parmi les nombreuses interventions en ce sens des personnes auditionnées par la mission d’information, on retiendra notamment trois formules, de sens similaire bien que prononcées par des acteurs distincts :

– le Docteur Martin Pavelka, membre du conseil d’administration de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API), a déclaré qu’ « il faut centrer la protection de l’enfance […] sur l’enfant, d’abord et toujours, et sur les parents, quand cela est possible. Par exemple, la question du retour au domicile doit être toujours pensée, mais toujours en rapport avec les capacités des parents à l’assumer. » ;

– la directrice de l’ENPJJ a très justement souligné que « la temporalité du soutien au développement de l’enfant et du soutien à la parentalité ne sont pas les mêmes. […] Nous ne pouvons pas attendre, pour répondre aux besoins de l’enfant, que l’accompagnement que nous mettons en place pour les parents produise des résultats. » ;

– la Défenseure des enfants a rappelé la nécessité d’évaluer les besoins de l’enfant au regard des principes posés par la Convention internationale des droits de l’enfant, qui « organise une interdépendance entre trois notions clefs : les droits de l’enfant, les besoins fondamentaux et l’intérêt supérieur de l’enfant. L’objectif est de parvenir au meilleur niveau de développement et de bien-être des enfants grâce à cette interdépendance. Quand nous parlons de droits fondamentaux des enfants, nous faisons référence aux besoins fondamentaux des enfants et à l’intérêt supérieur des enfants, qui est une notion qui, quoique d’application directe aujourd’hui dans notre droit interne, n’est pas définie par la convention. L’intérêt supérieur de l’enfant peut être défini comme la synthèse de la réalisation complète de l’ensemble des besoins fondamentaux des enfants, qu’ils soient physiques, mentaux, sociaux etc., ainsi que de ses besoins d’affection et de sécurité ».

B.   un changement de paradigme en cours, à poursuivre

1.   Compléter sur certains points les avancées de la loi du 14 mars 2016

Sur un sujet si complexe, sensible et intime que le lien familial, une doctrine claire ne se décrète sans doute pas. Néanmoins, le législateur peut contribuer à l’évolution des mentalités et des pratiques, et s’en nourrir. À cet égard, la loi du 14 mars 2016 a apporté plusieurs modifications substantielles, dont deux méritent ici une attention particulière, car des marges de progression sont apparues au cours des travaux de la mission.

 L’article 40 de la loi a substitué à la notion d’abandon parental celle de délaissement parental. Aux termes de l’article 381-1 du code civil, « un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l’année qui précède l’introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit ». En application de l’article 381-2 du code civil, la requête en délaissement parental est introduite auprès du tribunal de grande instance (TGI) par le ministère public ou par la personne ayant recueilli l’enfant (y compris donc le service de l’ASE). Lorsque le TGI déclare l’enfant délaissé, l’autorité parentale est transférée à la personne qui a introduit la requête. Ultérieurement, le délaissement ouvre la voie à une admission au statut de pupille de l’État ou à une procédure d’adoption.

La définition du délaissement parental est un peu plus objectivable que celle, préexistante, d’abandon parental, bâtie autour du constat de désintérêt manifeste des parents, étant « considérés comme s’étant manifestement désintéressés de leur enfant les parents qui n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires au maintien de liens affectifs ». De plus, selon les travaux préparatoires à la loi, le caractère manifeste du désintérêt était interprété par les juridictions comme un désintérêt volontaire.

Néanmoins, selon notamment la vice-présidente du CNPE, la rédaction résultant de la loi de 2016 demeure perfectible, la notion d’empêchement constituant un blocage à la déclaration de délaissement dans des situations où elle pourrait être nécessaire dans l’intérêt de l’enfant : « L’article 381-1 du code civil dispose que les parents ne doivent pas avoir été empêchés par quelle que cause que ce soit. Or une schizophrénie, par exemple, est un empêchement ; l’enfant va être délaissé. Un enfant dont les parents disparaissent du paysage familial parce qu’ils souffrent de maladie mentale ou d’addiction sévère est un enfant délaissé. Donc, si la notion d’empêchement vient neutraliser la notion de délaissement, nous allons rencontrer de grandes difficultés à définir, de façon simple, les critères de ce délaissement ». Une clarification de la rédaction du code civil sur ce point pourrait donc être bienvenue.

 Il conviendrait également d’évaluer la « capacité parentale », afin d’apporter la meilleure réponse possible pour l’enfant ; cela implique de bien différencier :

 les « incompétences parentales », à savoir les cas des parents qui ne savent pas « faire », mais qui sont en capacité de transformer leur comportement dans une temporalité compatible avec celle de l’enfant ;

 et les « incapacités parentales », à savoir les cas des parents qui ne peuvent pas « être », car empêchés par exemple par leurs troubles de développement psychiques.

Le plus souvent ce type de diagnostic différentiel n’est pas posé et sont alors testés des accompagnements, qui échouent à transformer suffisamment les comportements parentaux et retardent la mise à l’abri des enfants. Les vraies difficultés des parents sont rarement qualifiées, et en conséquence les négligences répétées sont rarement diagnostiquées, alors qu'elles ont un impact majeur sur le développement de l’enfant.

Lorsque l’incapacité parentale est constatée, il faut offrir à l’enfant une solution de vie, autre que de passer toute son enfance dans les structures de l’aide sociale à l’enfance. Les cas d’incompétences parentales devraient faire l’objet d’un accompagnement très structuré, en fixant aux parents des objectifs clairs, tendant à leur faire modifier leurs comportements.

 En lien avec cette question plus générale, il pourrait être opportun de réinterroger les conditions dans lesquelles s’exerce le droit de visite d’un parent maltraitant (envers les enfants ou le conjoint), si toutefois le parent ne s’est pas vu retirer l’autorité parentale comme le permettent les articles 378 et suivants du code civil. Dans ce type de cas, il serait logique que, de manière systématique, le droit de visite ne puisse s’exercer qu’à la demande de l’enfant.

Proposition n° 7 : Mieux évaluer les capacités parentales pour mettre en place les procédures adaptées, en :

– modifiant l’article 381-1 du code civil pour supprimer ou préciser la notion d’empêchement des parents, afin de faciliter la déclaration de délaissement parental lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige ;

– introduisant la notion d’incapacité parentale pour ouvrir un projet à long terme pour l’enfant (adoption simple en maintenant des rencontres avec les parents empêchés, par exemple) ;

– mettant en place en parallèle de la mesure de protection de l’enfant un accompagnement pour les parents dont on estime qu’un étayage peut favoriser une évolution positive ;

– attendant que l’enfant soit prêt et le dise pour revoir le parent qui l’a maltraité

 L’article 26 de la loi du 14 mars 2016 a par ailleurs fait obligation aux présidents des conseils départementaux de mettre en place la commission d’évaluation de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC) ([41]).

Les missions de la CESSEC

« Le président du conseil départemental met en place une commission pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle chargée d’examiner […] la situation des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance depuis plus d’un an lorsqu’il existe un risque de délaissement parental ou lorsque le statut juridique de l’enfant paraît inadapté à ses besoins. La commission examine tous les six mois la situation des enfants de moins de deux ans. Sont associés à l’examen de la situation de l’enfant son référent éducatif et la personne physique qui l’accueille ou l’accompagne au quotidien. La commission peut formuler un avis au président du conseil départemental sur le projet pour l’enfant […]. »

Source : article L. 223-1 du CASF.

Dans une publication d’avril 2018 dressant un état des lieux de la mise en place des CESSEC ([42]), l’ONPE rappelle que la commission a été « envisagée comme un lieu de réflexion, de partage autour de différentes approches théoriques et disciplinaires dans le but d’élaborer une culture commune autour de la notion de délaissement parental, cette instance devait constituer un groupe ressource pour les professionnels de terrain ».

L’ONPE a interrogé en novembre 2017 l’ensemble des départements, mais seuls 79 ont répondu à l’enquête :

– 28 départements avaient mis en place avant la loi de 2016 un dispositif d’examen de la situation des enfants confiés à l’ASE qui fonctionnait toujours en novembre 2017 (sous la même forme ou sous une forme repensée) ;

– 34 départements indiquaient qu’une commission était à l’état de projet ou en cours de mise en place depuis 2016 ;

– 17 départements n’avaient ni commission ni projet de commission.

De l’avis général des personnes auditionnées qui se sont prononcées sur cette question, la mise en place des CESSEC est nécessaire au processus de révision des schémas de pensée et de fonctionnement qui, dans la tension entre droits des parents et intérêt supérieur de l’enfant, empêchent parfois de privilégier ce dernier. Aussi, il conviendrait de s’assurer au plus vite de la généralisation des CESSEC, afin de permettre la construction d’un parcours de vie cohérent pour des enfants dont le retour dans leur famille d’origine s’annonce illusoire ([43]).

Proposition n° 8 : Généraliser la mise en place des commissions d’évaluation de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC) et fixer dans la loi les acteurs pluridisciplinaires et pluri-institutionnels qui doivent y siéger (justice, éducation nationale, professionnel de santé, État, associations de protection de l’enfance…)

● Sans remettre en cause fondamentalement le lien familial sur le plan juridique, quelques mesures simples permettraient que la permanence de ce lien ne porte pas atteinte aux intérêts fondamentaux de l’enfant.

En application de l’article 1181 du code de procédure civile, les mesures d’assistance éducative sont en principe prises par le juge des enfants du lieu où demeurent les parents. En cas de déménagement des parents, le juge jusqu’alors compétent se dessaisit au profit de celui du nouveau lieu de résidence. Il semblerait que dans la généralité des cas, cela emporte déménagement de l’enfant accueilli, tout particulièrement en cas de changement de département. Sur la base de données quantitatives fiabilisées, il serait opportun d’analyser l’ampleur de ce phénomène avant, le cas échéant, de proposer une modification de la loi ou une révision des pratiques.

Sur un tout autre sujet, la législation prévoit qu’en cas de placement, l’allocation de rentrée scolaire est versée au profit de l’enfant, sur un compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations. Outre qu’elle s’interroge sur la parfaite application de cette règle, la rapporteure déplore qu’elle ne soit pas applicable aux allocations familiales, perçues donc par les parents.

2.   Faciliter le recours aux tiers dignes de confiance

La révision des schémas de pensée, pour indispensable qu’elle soit, doit s’accompagner d’une réflexion sur les alternatives au retour en famille et au placement, deux pôles entre lesquels sont trop souvent « baladés » les enfants de l’ASE. Si la question de l’adoption n’a pas été explorée par la mission pour les raisons indiquées dès l’introduction, celle des tiers dignes de confiance mérite qu’on s’y penche.

Le tiers digne de confiance fait partie de la liste des personnes et services auxquels le juge des enfants peut décider de confier l’enfant si sa protection l’exige (article 375-3 du code civil). Il ressort des auditions, notamment de celle des anciens enfants accueillis par l’ASE, que le placement auprès de tiers de confiance pourrait constituer une base d’attachement particulièrement utile à la stabilité et au développement des enfants.

Cette analyse est partagée par les experts les plus autorisés, qu’il s’agisse de la vice-présidente du CNPE ou de la Défenseure des enfants. Mais l’une comme l’autre constatent le recours assez faible à cette solution, ce qui pourrait résulter de l’absence de statut spécifique pour ces personnes, qui ne sont pas accompagnées dans la gestion des situations difficiles alors mêmes qu’elles ne sont pas des professionnels de la protection de l’enfance. Ce constat avait déjà été dressé et développé dans le rapport précité de nos collègues sénatrices Muguette Dini et Michelle Meunier ([44]), qui formulaient une recommandation que la rapporteure fait sienne, à savoir la définition d’un statut spécifique aux tiers digne de confiance.

Proposition n° 9 : Permettre le recours aux tiers digne de confiance, en :

– engageant une réflexion sur le statut des tiers digne de confiance (accompagnement par les services de l’ASE en éducatif et financier), afin d’encourager cette modalité de placement dans l’intérêt de l’enfant ;

– rendant obligatoire l’exploration de la solution d’un tiers digne de confiance avant de renouveler l’ordonnance de placement provisoire


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VI.   mettre l’enfant protégé au cœur des préoccupations reste plus que jamais un objectif À poursuivre.

Alors que la prise en compte de l’ « intérêt de l’enfant » a considérablement progressé dans les textes, force est de constater qu’il n’est toujours pas assez central dans la réalité vécue par les enfants accueillis.

La situation actuelle de l’accueil semble en effet placée sous le sceau du paradoxe : la diversité, réelle et bénéfique à certains égards, des formes que peut prendre l’aide sociale à l’enfance ne se traduit pas suffisamment par des solutions « cousues main » pour s’adapter à la situation de chacun. Au contraire, le dispositif retenu n’a encore trop souvent pour seule qualité que d’être disponible à un instant donné, au détriment de la cohérence et de la pertinence de la réponse apportée. Dans le même temps, un certain nombre de règles continuent d’empêcher la normalisation de la vie des enfants, quel que soit le mode d’accueil finalement retenu.

Plus fondamentalement, toute tentative de mieux structurer l’offre de placement en partant des besoins de l’enfant semble aujourd’hui obérée par la gestion à courte vue d’une pénurie quantitative et qualitative, qui empêche de bâtir une véritable « doctrine » du placement.

Il s’agit ici ni plus ni moins que de mettre fin à des situations qui ne sont pas acceptables : ainsi des représentants des magistrats ont indiqué à la mission qu’ils étaient amenés parfois à privilégier le placement faute de mesure d’aide éducative en milieu ouvert (AEMO) pouvant être mise en place, dans un délai compatible avec la gravité de la situation familiale ([45]) ; et à l’inverse, certains professionnels rencontrés par la rapporteure lui ont indiqué que le choix des modalités de placement était fait uniquement en fonction des places disponibles et non en fonction des besoins de l’enfant.

A.   L’État des lieux : « ASE », trois lettres désignant des modalités de prise en charge très différentes

Réduite parfois à la seule question du placement, l’aide sociale à l’enfance recouvre en réalité des modes d’intervention très différents.

1.   Les mesures d’aide sociale à l’enfance, entre prévention et protection

● Comme évoqué supra, le législateur estime que l’aide sociale à l’enfance « comprend des actions de prévention en faveur de l’enfant et de ses parents, l’organisation du repérage et du traitement des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant ainsi que les décisions administratives et judiciaires prises pour sa protection ».

L’aide sociale à l’enfance est donc clairement organisée dans le code de l’action sociale et des familles autour de ses deux missions de prévention et de protection. Cette situation constitue une première explication de la diversité des mesures que recouvre l’ASE : à chacune de ces missions correspond une catégorie de mesures à décliner sur le terrain.

On peut ainsi distinguer, d’une part, la catégorie des mesures de prévention et des aides, qu’elles soient financières ou éducatives, qui ont pour finalité commune d’identifier une situation et d’éviter l’apparition ou la réitération de dysfonctionnements au sein de la famille et, d’autre part, la catégorie des mesures de placement qui constituent des mesures de protection de l’enfant face à un danger ou un risque de danger avéré.

Chacune de ces catégories recouvre par ailleurs des mesures elles-mêmes diverses, tant par les acteurs mobilisés que par les moyens d’intervention. Il existe en effet au sein de ces catégories un dégradé de réponses en fonction de la nature et de la gravité des difficultés rencontrées. Ainsi, le volet « prévention » recouvre tout à la fois l’intervention des services de l’aide sociale à l’enfance pour mener une action éducative ou évaluer la situation, une simple mesure de recueil d’information mais aussi des mesures qui relèvent davantage de l’accompagnement social comme une aide à la gestion de l’économie du foyer à travers la présence d’un conseiller dédié ou le financement d’une aide-ménagère. La prévention intègre également bien évidemment l’action des services départementaux de la protection maternelle et infantile. Sur le volet « protection », les modalités d’accueil sont également très variées (cf. ci-dessous).

Par ailleurs, s’ajoute à cette diversité des catégories une plus grande diversité encore des dénominations, puisque des mesures, dont les effets concrets sont très proches, peuvent porter un nom différent selon qu’elles sont prises par une décision judiciaire, sur le fondement du code civil ou de procédure civile, ou par une décision administrative, avec l’accord des parents, sur le fondement du code de l’action sociale et des familles.

Le tableau suivant entend présenter de manière synthétique ces réalités multiples de l’aide sociale à l’enfance, sur le champ de la prévention, celui de la protection faisant l’objet de développements plus approfondis infra.

Les mesures de l’ase relevant de la prévention

Les aides à domicile

Sur décision judiciaire

Sur décision administrative

Mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial (MJAGBF)

Mesure administrative d’accompagnement en économie sociale et familiale (MAAESF)

Les actions éducatives

Sur décision judiciaire

Sur décision administrative

Action éducative en milieu ouvert (AEMO)

Action éducative à domicile (AED)

Source : mission d’information, à partir du code de l’action sociale et des familles et du rapport du CESE, déjà cité.

● Au regard de ces multiples facettes de l’aide sociale à l’enfance, interroger son fonctionnement suppose donc de faire des choix, pour mieux identifier les priorités de cette politique publique.

Ainsi, si le déséquilibre entre les deux volets au détriment des politiques de prévention a parfois été pointé lors des auditions comme une des faiblesses de l’ASE, l’attention de la mission, à travers ses auditions et le questionnaire transmis aux conseils départementaux s’est naturellement beaucoup portée sur le placement.

Ce choix de consacrer une large partie des travaux à améliorer l’accueil plutôt que de s’interroger sur un éventuel rééquilibrage entre prévention et protection s’explique par plusieurs éléments :

– comme l’a rappelé M. Olivier Hiroux, représentant de l’Association nationale des directeurs de l’enfance et de la famille (ANDEF), lors de son audition, la mission d’accueil et de protection des enfants maltraités est la raison d’être historique de l’action publique en matière de protection de l’enfance, plus que le soutien à la parentalité : « Je me référerai à l’histoire de la protection de l’enfance. La particularité tient au paradigme de la contrainte qui sous-tend le processus décisionnel de l’aide sociale à l’enfance. Je ne parle pas de l’aide ni de l’accompagnement, c’est d’abord et avant tout un diagnostic établi d’après les mauvais traitements faits à l’enfant, les atteintes à son développement intellectuel, physique, social et affectif, mais ce diagnostic est conduit sous contrainte. » ;

 

 

 

– par ailleurs, sur un plan symbolique comme pratique, la responsabilité de la puissance publique est d’autant plus importante en matière d’aide sociale à l’enfance qu’elle prétend parfois se substituer intégralement à la famille dans l’intérêt de l’enfant ([46]) ; il n’est donc pas anormal de s’assurer prioritairement que ces enfants entièrement confiés aux services de l’aide sociale à l’enfance bénéficient de conditions d’accueil satisfaisantes, ou pour le dire comme l’un des anciens enfants placés entendus par la mission : « savoir si l’État ou les départements, en fonction de là où on placera le débat, sont un bon parent » ;

– sur un aspect plus quantitatif, et malgré une évolution très nette sur le moyen et long terme, le placement constitue encore aujourd’hui la majorité des mesures d’aide sociale à l’enfance (169 114 sur 333 461 enfants suivis en 2017 ([47])) ;

– enfin, dans un contexte de tension globale sur les budgets de l’ASE, il n’est pas souhaitable d’opposer prévention et protection, comme si le développement de la première pouvait toujours mettre fin à la nécessité de la seconde.

2.   Au sein du volet « protection », une grande diversité des modalités de placement

● Bien qu’elle ait le mérite de désigner une réalité aisément compréhensible par tous, la notion de « placement » n’a en réalité pas d’unité :

 juridique, puisqu’il peut s’agir aussi bien de mesures administratives, prises avec l’accord des parents sur le fondement du code de l’action sociale et des familles que judiciaires, sous la contrainte, en application du code civil ;

 ni d’unité pratique puisque les modes d’accueil qu’elle recouvre sont en réalité très nombreux.

On peut compter, a minima, six modes d’accueil différents que l’on retrouve dans tous les départements :

 les foyers de l’enfance sont des établissements qui ont vocation à accueillir des enfants ayant besoin d’une aide d’urgence ; il s’agit souvent d’un lieu d’orientation en attendant l’identification d’une solution plus pérenne ; les auditions ont néanmoins permis de relever qu’en raison d’un manque de places dans d’autres structures, le séjour en foyer de l’enfance pouvait durer plusieurs mois ;

 le placement pouvant parfois intervenir dès les tous premiers mois de la vie, les pouponnières à caractère social accueillent de manière urgente ou pérenne des enfants ayant moins de 3 ans ;

 les maisons d’enfants à caractère social (MECS) constituent des solutions d’hébergement pérennes pour les enfants accueillis ; communément appelées « foyers », il s’agit du « noyau dur » de l’accueil en établissement ;

 les lieux de vie et d’accueil (LVA) désignent des établissements accueillant des jeunes en plus petit nombre, ce qui permet une prise en charge plus « familiale » ;

 les villages d’enfants ont également un dimensionnement plus familial, associé généralement à un objectif de prise en charge de frères et sœurs, sans séparation des fratries ;

 les assistants familiaux, aussi appelés plus communément « famille d’accueil », sont des professionnels rémunérés qui accueillent les enfants à leur domicile et s’occupent d’eux à l’année.

La liste n’est pas exhaustive car il existe de nombreux autres modes d’hébergement, quoique plus rares statistiquement. On peut citer parmi d’autres les internats scolaires, qui pourraient être développés comme solution complémentaire d’accueil, mais aussi les instituts thérapeutiques éducatifs pédagogiques (ITEP) ou les instituts médico-éducatifs (IME) à destination plus particulièrement des enfants en situation de handicap.

Par ailleurs, une minorité de jeunes sont placés dans d’autres formes d’hébergement, en « autonomie ». Si ces modalités peuvent s’entendre pour de grands adolescents et de jeunes adultes dans des situations très précises, force est de constater qu’une partie de ces enfants, souvent des mineurs non accompagnés (cf. infra) mais pas seulement, sont hébergés dans des hôtels. Pour la rapporteure, il s’agit d’une première limite à la diversité acceptable de l’offre d’accueil : celle-ci ne saurait conduire des mineurs à vivre seuls dans des lieux inadaptés.

● Cette catégorisation, utilisée tout au long des auditions par les interlocuteurs de la mission, a une faible signification juridique, le seul réel point commun de ces modes d’accueil étant leur qualification générique d’établissements médico-sociaux habilités par le conseil départemental ([48]), à l’exclusion des assistants familiaux qui ont un statut de salarié (article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles). Le mode d’accueil propre à chacune des catégories d’établissements n’est que peu, voire pas du tout, défini au niveau législatif et règlementaire ([49]), si bien que c’est au conseil départemental qui les habilite et les finance de définir plus précisément leur mode de fonctionnement et les exigences qu’ils doivent remplir.

À la diversité des mesures de l’ASE et celle des grandes catégories de mode de l’accueil s’ajoute donc un « troisième étage » de diversité, car peu de normes garantissent au final qu’une MECS dans un département ressemble réellement à une MECS dans un autre département.


Les modes d’accueil lors d’un placement : quels chiffres ?

Sans avoir toujours de solide fondement juridique, la catégorisation des modes d’accueil présentée ci-dessus a une certaine réalité statistique.

L’enquête sociale annuelle de la DREES concernant les catégories de décisions prises mais pas les modes de placement, il n’existe pas de données consolidées annuellement relatives aux établissements et services d’accueil.

Pour avoir ne serait-ce que des ordres de grandeur en tête, il est donc nécessaire de se pencher sur des travaux ponctuels. Le site de l’ONPE renvoie ainsi à une enquête ancienne, mais très fournie (371 pages), réalisée par la DREES en 2012 sur l’année 2008, et portant sur les seuls établissements ([50]) . On comptait ainsi à cette date 1 113 MECS pouvant accueillir 39 582 enfants, 211 foyers de l’enfance pouvant accueillir 10 296 enfants, 30 pouponnières à caractère social pouvant accueillir 751 enfants, 21 villages d’enfants pouvant accueillir 1 129 enfants et 384 lieux de vie et d’accueil pouvant accueillir 2 217 enfants.

Une enquête plus récente, mais plus sommaire (6 pages), conduite par la même DREES en 2016 ([51]) à partir des chiffres de 2012 permet quant à elle de connaître la seule répartition des 55 000 enfants placés en établissement à cette date : 41 100 enfants en MECS, 9 400 en foyers de l’enfance, 2 500 en lieux de vie et d’accueil, 1 300 en villages d’enfants et 700 en pouponnières.

Ces chiffres singulièrement anciens et peu nombreux sont reproduits, sans actualisation, dans le « Portrait social de la France » de la DREES chaque année. Compte tenu du temps de collecte et de traitement que semblent prendre ces données, probablement non sans lien avec la départementalisation, la rapporteure ne peut que souhaiter que ce portrait ne reste pas figé plus longtemps.

S’agissant des assistants familiaux, mode d’accueil plus « homogène », la DREES met à disposition des chiffres chaque année, portant uniquement sur le nombre d’enfants accueillis. Les dernières données disponibles font état de 74 677 enfants accueillis en famille en 2016, sur 152 926 enfants hébergés ([52]). Représentant de manière assez stable environ 50 % des placements, les familles d’accueil constituent donc le modèle numériquement prépondérant.

Il ne s’agit en revanche pas du mode d’accueil le plus important sur un plan financier, puisqu’il s’agit « seulement » d’un tiers des dépenses brutes en 2016, contre 64,4 % pour les établissements (cf. supra).

Source : mission d’information.

B.   face aux dysfonctionnements du système actuel d’accueil, plusieurs chantiers engagés demeurent inachevés.

De l’avis convergent de nombreuses personnes auditionnées par la mission, le cadre législatif a évolué très favorablement en faveur de la construction d’un parcours de l’enfant placé mieux suivi, plus cohérent et plus stable. Toutefois, au-delà de ce constat partagé, les travaux de la mission conduisent la rapporteure à douter de la traduction réelle et uniforme de ces louables intentions juridiques sur le terrain.

Cette disjonction entre les progrès du droit et la réalité tangible pour les enfants placés procède sans conteste des difficultés de gouvernance, ainsi que du caractère encore relativement récent de ce nouveau cadre juridique.

Toutefois, les travaux de la mission ont permis de révéler cinq autres pistes d’amélioration insuffisamment approfondies, parfois par absence de mesures dans la loi du 14 mars 2016, déjà souvent citée, mais aussi, et de manière plus inquiétante, malgré les mesures adoptées dans cette dernière.

1.   La santé des enfants protégés : une priorité absolue

● Dès la première audition qui a permis de recueillir le vécu de huit enfants anciennement placés, les membres de la mission ont été unanimement stupéfaits de constater qu’un seul d’entre eux avait bénéficié d’un véritable suivi psychologique tout au long de son parcours et le bénéfice ressenti sur sa vie actuelle était manifeste.

Cet état de fait est corroboré par les chiffres rendus publics par le Défenseur des droits, d’après lequel seuls 44 % des conseils départementaux mettent en œuvre un bilan de santé, et 28 % l’ont rendu systématique ([53]).

Ces statistiques inquiétantes contrastent avec la force légale qui devrait s’attacher à ce bilan. Il est en effet légalement obligatoire dès lors que tout enfant doit bénéficier d’un projet pour l’enfant (PPE, cf. infra), et que ce PPE doit, entre autres choses, intégrer une évaluation médicale et psychologique afin de détecter les besoins de soins : « l’élaboration du projet pour l’enfant comprend une évaluation médicale et psychologique du mineur afin de détecter les besoins de soins qui doivent être intégrés au document. » (article L. 223-1-1 du code de l’action sociale et des familles).

 

 

Ce constat est d’autant plus aberrant que la situation familiale ayant justifié le placement, d’une part, comme le placement lui-même, d’autre part, devraient justifier à eux seuls la mise en place d’un suivi médico-psychologique rigoureux et adapté très en amont dans le processus d’accueil.

Il est par ailleurs d’autant plus inacceptable que pour des enfants au profil très proche suivis par la PJJ, la situation serait, quoique perfectible, significativement meilleure. D’après une enquête quantitative et qualitative conduite en 2016 par plusieurs chercheurs et commandée par le Défenseur des enfants et le fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (fonds CMU), « si à la PJJ, la majorité des bilans de santé est effectuée dans le premier mois dans un centre de la CPAM, ils ont lieu entre un et trois mois à la PMI à la suite d’une mesure gérée par l’ASE » ([54]).

● La rapporteure a naturellement souhaité comprendre les sources d’un tel échec des politiques de santé à l’égard des enfants de l’ASE. Plusieurs éléments d’explication se sont révélés au cours des travaux de la mission.

Le premier, aussi trivial que puissamment explicatif, est le temps disponible des éducateurs, notamment lorsque le mode d’accueil n’est pas familial, pour assurer ces missions consistant à accompagner l’enfant chez le médecin. La problématique aurait donc partie liée à la fois avec le mode d’accueil et le taux d’encadrement, notamment dans les foyers (cf. infra).

Les difficultés résulteraient également des dysfonctionnements de l’offre médicale, particulièrement visibles notamment dans deux filières sinistrées que sont la protection maternelle et infantile (PMI) et la pédopsychiatrie.

Comme l’ont indiqué les membres du syndicat national de la PMI auditionnés par la mission ainsi que nos collègues Cyril Isaac-Sybille et Erika Bareigts, d’une part, et Michelle Peyron, d’autre part, dans leurs rapports respectifs, le manque de moyens de la PMI se traduit par un rétrécissement des missions exercées, au détriment d’un suivi plus construit en matière de prévention sanitaire ([55]). Sans entrer dans un détail superflu sur ce sujet, parfaitement documenté par les travaux précités, il est apparu très clairement lors des auditions de la mission que les services de la PMI sont en effet accaparés par certaines tâches, par exemple les mesures d’investigation dans les familles, au détriment de celles, au moins aussi importantes, consistant à assurer un véritable suivi médical.

 

S’agissant de la pédopsychiatrie, il a été rappelé à la mission que ce secteur connaît une crise d’une ampleur exceptionnelle dont le principal symptôme est la diminution de moitié du nombre de pédopsychiatres en 10 ans. Cette situation ne doit pas justifier ou excuser mais, au contraire, interpeler : on ne saurait s’habituer à une mauvaise prise en charge de ces enfants par les professionnels de la pédopsychiatre ou de la psychologie, ce d’autant que le temps perdu, lors de l’enfance, entraîne des complications à l’âge adulte, qui entraîne à leur tour un surcroît de travail médical. La présence de cette spécialité, y compris dans les hôpitaux de taille modeste, afin d’assurer un maillage suffisamment fin sur le territoire, constitue donc un enjeu de grande importance.

Sans aller jusqu’à détailler l’ensemble des mesures à prendre pour y remédier, qui relèvent au demeurant d’autres travaux menés concomitamment ([56]), la rapporteure estime qu’il sera très difficile de rendre effectifs les droits protégés par la convention internationale des droits de l’enfant, sans traiter ces deux crises simultanées.

● D’autres solutions propres au secteur de la protection de l’enfance doivent être explorées. L’enjeu est la construction, au-delà des seules affirmations législatives, d’une prise en compte spécifique des besoins de l’enfant accueilli à l’ASE, autour d’un parcours adapté. C’était d’ailleurs la préconisation du Conseil national de la protection de l’enfance, réitérée lors de son audition par la mission.

Sur le plan organisationnel, la Défenseure des enfants a soumis à la mission une piste, déjà évoquée dans un précédent rapport, consistant à désigner dans chaque département un médecin référent pour la protection de l’enfance au sein du système de santé, qui assurerait la bonne coordination entre les acteurs sociaux et médicaux. Cette meilleure identification de la fonction de coordination, spécifique à la question de l’aide sociale à l’enfance, semble intéressante à la rapporteure qui souhaite qu’elle soit évaluée.

Il s’agirait donc d’un rôle complémentaire, voire gémellaire, de celui du médecin référent « protection de l’enfance » des services départementaux prévu au troisième alinéa de l’article L. 221-2 du code de l’action sociale et des familles, issu de la loi du 14 mars 2016.

 

Une autre piste d’amélioration pourrait venir de l’expérimentation par deux Agences régionales de la santé, sous la tutelle de la direction générale de l’offre de soins (DGOS), toutes entendues par la mission, d’un forfait global permettant de prendre en charge les besoins des enfants à l’échelle d’un parcours. Cette initiative, menée dans le cadre de l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([57]), est trop récente pour en tirer un bilan concret mais pourrait constituer la base utile d’une refondation de la prise en charge médicale des enfants placés. Si le bilan de cette expérimentation est concluant, la rapporteure souhaite qu’elle soit généralisée rapidement au niveau national.

Pour la rapporteure, ce forfait doit inclure une part importante permettant de financer le bilan de santé à l’entrée de l’aide sociale à l’enfance. Un objectif cohérent avec l’obligation légale dont il fait l’objet et mobilisateur pour les acteurs devrait être d’arriver à 100 % de bilan de santé dès le premier mois pour les enfants placés, à une échéance raisonnablement proche.

Dans cette perspective, le caractère obligatoire du bilan de santé, aujourd’hui trop indirectement exprimé dans le cadre du projet pour l’enfant, doit être réaffirmé plus clairement, au niveau législatif si nécessaire. 

L’autre avantage d’un bilan médical précoce est de permettre d’entamer un travail avec les parents en leur montrant bien les manquements et les carences dont a bénéficié l’enfant et mais également de pouvoir mesurer dans le temps l’évolution de la santé physique et mentale des enfants confiés.

● De manière plus ambitieuse, la présence d’un psychologue référent dans chaque établissement constituerait une avancée certaine pour le suivi des enfants protégés. Celui-ci pourrait en effet accompagner et former à une approche médicale les professionnels présents, sans temps de déplacement pour ces derniers, et construire avec eux des protocoles permettant de gérer les difficultés en général, de violence en particulier, ainsi que de la retracer dans la perspective d’un véritable système d’autoévaluation de la qualité de la gestion de la violence.

En miroir, pour les nombreux enfants placés en famille d’accueil, des équipes mobiles pour enfants en souffrance pourraient venir appuyer les assistants familiaux directement dans le lieu de vie.

 

Proposition n° 10 : Améliorer la prise en charge médicale des enfants confiés, en :

– généralisant à court terme la prise en charge au forfait des enfants placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance ;

– inscrivant le droit à un bilan de santé dès le premier mois de placement au niveau législatif ou réglementaire ;

– remboursant les consultations de psychologues et psychiatres de ville quand les délais de prises en charge en centre d’action médico-sociale précoce (CAMPS) ou en centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) dépassent les deux mois ;

– ajoutant dans le cadre du service sanitaire la possibilité d’intervenir auprès des enfants en protection de l’enfance ;

– évaluant avec les acteurs concernés l’opportunité de désigner un médecin référent au sein de l’assurance maladie et des Agences régionales de santé en matière de protection de l’enfance ;

– développant des solutions permettant de prendre en charge les enfants dans leur lieu de vie

2.   Le droit à une scolarité comme les autres enfants

● Quitte à énoncer ce qui devrait être une évidence, la rapporteure souhaite rappeler que nombre d’enfants placés auprès des services de l’ASE ont vocation à passer plusieurs années, voire parfois toute leur enfance sous la protection du conseil départemental.

Il en résulte une très forte responsabilité de ce dernier dans l’accompagnement et l’orientation des enfants dont il a la charge. Cette charge parfois partagée avec les parents, parfois exercée seul, consiste ni plus ni moins à construire avec eux leur avenir.

Or, l’expérience, plus que des statistiques récentes et fiables à ce stade (voir encadré ci-dessous), montre une prévalence élevée chez les enfants placés d’échec scolaire ou, même en l’absence d’échec, un fort enfermement dans des trajectoires trop restreintes à certaines filières, notamment professionnelles. Il résulte de cette « double peine » des ambitions scolaires et éducatives une grave injustice, loin d’être inévitable.

Le parcours scolaire des enfants placés, un domaine peu exploré

Faute de données disponibles, retracer avec une bonne fiabilité statistique le destin scolaire des enfants placés demeure difficile. Des améliorations sont probablement à attendre de l’enquête ELAP (étude longitudinale sur l’accès à l’autonomie des jeunes en protection de l’enfance), seule enquête menée sur une cohorte de jeunes dans quelques départements sur plusieurs années, mais elles tardent à venir.

Une étude conduite par la DREES en 2013 sur des données de 2008 illustre néanmoins les difficultés des jeunes en établissement. Initialement faible (2,3 % en moyenne entre 6 et 16 ans), la déscolarisation croît avec l’âge pour atteindre près de 9,69 % à l’âge de 15 ans, 15,8 % à 16 ans (5,8 % dans le reste de la population), 22 % à 17 ans (9,6 % dans le reste de la population).

Par ailleurs, cette même étude montre qu’à l’âge d’entrer en sixième, deux tiers des enfants placés en établissement auraient au moins un an de retard contre 20,4 % pour le reste de la population, témoignant ainsi des difficultés scolaires.

Les choix de filière, relevés dans l’étude, traduisent également une trajectoire très singulière aux enfants placés : à 15 ans, seul 5,3 % d’entre eux auraient choisi la voie générale ou technologique, contre 49 % pour le reste de la population. 78 % des enfants de l’ASE suivent un enseignement professionnel contre 33 % pour les autres adolescents.

Source : mission d’information.

La première source de cette divergence des trajectoires des enfants placés est évidemment la question d’une bonne prise en charge médicale, afin d’éviter ou de limiter les troubles du développement, déjà évoquée comme prioritaire.

Elle procède aussi très largement des difficultés liées à une scolarisation heurtée, souvent tributaire des errements du placement. Cet enjeu doit être repensé sur le temps long, afin que ces enfants ne cumulent pas d’emblée les difficultés. Sur ce point, la rapporteure constate que c’est le manque de souplesse du système scolaire qui peut aussi parfois conduire à cette situation. Cette souplesse devrait se traduire :

– autant que possible, par une adaptation du rythme scolaire, conçue en bonne intelligence avec les assistants sociaux de l’éducation nationale, pour tenir compte des difficultés spécifiques de l’enfant ;

– lorsque c’est nécessaire, par la possibilité d’assurer une scolarisation directement dans les lieux d’accueil, et notamment les lieux d’hébergement temporaires.

Sur ces deux sujets, la rapporteure se félicite de l’ouverture de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), auditionnée par la mission, sur ce premier point et ne peut que regretter ses réticences sur le second, motivées par une priorité très théorique mise sur le milieu normal.

Elle souligne par ailleurs l’importance d’un bon maillage d’assistants sociaux de l’éducation nationale, dont des représentants ont été entendus par la mission, dans l’accompagnement de ces solutions « sur mesure », en plus des questions de repérage préalablement évoquées.

Parfois, l’absence d’ambition et d’intérêt pour le potentiel de l’enfant conduit tout simplement l’ensemble du système, soucieux d’assurer son autonomie financière rapidement à flécher les enfants protégés vers des filières courtes.

L’association plus étroite des éducateurs, d’une part, et des personnels de l’enseignement scolaire, d’autre part, sur ces questions d’orientation, pour faire primer le projet de l’enfant sur toute autre considération semble indispensable, pour compenser ce manque.

Proposition  11 : Lutter contre la discrimination scolaire, en :

– nommant des professeurs des écoles dans les structures d’accueil d’urgence pour les jeunes déscolarisés pour éviter les ruptures dans les parcours ;

– faisant participer l’éducation nationale au PPE pour que les choix d’orientation de l’enfant soit mieux pris en compte

3.   L’enfant en situation de handicap

Comme indiqué lors de la présentation des chiffres disponibles sur les « enfants de l’ASE » supra, les difficultés liées au handicap sont à la fois très présentes et peu traitées. Sans prétendre avoir épuisé ce sujet complexe à la charnière des politiques sociales et médico-sociales, la rapporteure souhaitait attirer l’attention sur deux constats inquiétants, ressortant notamment des auditions réalisées :

 il semblerait que l’accès des enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance aux IME et aux ITEP, qui constituent des modes d’accueil pertinents lorsque les difficultés rencontrées sont aigues, soit parfois réduit par rapport aux autres enfants ; cela procéderait d’une étrange priorisation des dossiers, dans un contexte global de manque de places : il est parfois considéré que les enfants protégés, notamment en foyers, étant déjà dans une structure, auraient moins besoin de ces établissements spécialisés ; la rapporteure ne peut que s’indigner que ce contresens total – les foyers n’assurent pas une prise en charge médicale du niveau de celle des IME et des ITEP, est-il vraiment besoin de le rappeler ? – produise de telles discriminations ; il s’agit donc de rétablir rapidement, lorsque de telles situations se produisent, la stricte égalité dans la prise en charge, le cas échéant, en faisant repasser les consignes nécessaires auprès des services concernés afin d’assurer un accès effectif des enfants protégés à ces structures ;

 

– les liens entre les services de l’aide sociale à l’enfance et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sont encore insuffisamment développés ; il faut donc renforcer ces interactions, comme le proposait déjà le Défenseur des droits dans son rapport précité de 2015, le cas échéant en nommant un référent « protection de l’enfance » au sein de ces maisons départementales, pour faciliter les démarches.

4.   Le projet pour l’enfant

Plus fondamentalement, c’est un véritable suivi à la fois global et individualisé, assuré en principe pour tous les autres enfants par leurs parents sur le temps long, qui fait défaut, faute d’outils et de moyens dédiés.

Il s’agissait pourtant de l’esprit du projet pour l’enfant, créé par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, qui devait rassembler dans un document cosigné par le service de l’ASE et les parents, lorsqu’ils étaient connus et encore titulaires de l’autorité parentale, les actions engagées pour l’enfant, suivies sur le long court par un véritable référent.

Renforcé dans ses ambitions par la loi du 14 mars 2016, le projet pour l’enfant doit désormais « garantir le développement de l’enfant, dans ses dimensions physique, affective, intellectuelle et sociale ». Dans sa nouvelle rédaction, la loi prévoit également que l’élaboration de ce document doit associer l’enfant lui-même.

 

Le projet pour l’enfant depuis 2016 :

une ambition renforcée, un contenu enrichi

Le PPE était l’un des principaux chantiers de la loi du 14 mars 2016 qui entendait en faire un outil structurant pour l’enfant, davantage qu’un simple contrat d’engagements réciproques entre le conseil départemental et ses parents.

L’article L. 223-1 du code de l’action sociale et des familles, tel que réécrit par la loi, a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de définir un référentiel national fixant le contenu de ce projet pour l’ensemble des départements. Les articles D. 223-12 à D. 223-17 du même code ont ainsi déterminé :

– un délai d’élaboration rapide, puisque le projet pour l’enfant doit être établi en principe dans un délai de trois mois après le début de la prestation d’aide ou la mesure judiciaire ;

– un champ très large, puisqu’il doit prendre en compte « les domaines de la vie » ;

– une grande ambition opérationnelle, puisque le projet doit définir les objectifs poursuivis et un plan d’actions à mener pour les atteindre.

Source : mission d’information.

 

Or, malgré une intention et des principes de fonctionnement prometteurs, ce projet pour l’enfant n’a pas atteint les résultats escomptés, par défaut d’application. Sans être attestée par un chiffre unique et solide, cette application variable semble être actée par tous les acteurs entendus par la mission, et d’autant plus plausible qu’elle était déjà très rare, dans la version plus sommaire du PPE antérieure à la loi de 2016 (41 % des départements sondés en 2014 par l’ONED).

Les réponses au questionnaire de la rapporteure semblent indiquer des taux d’application encore plus faibles, d’environ 30 à 40 % pour les conseils départementaux répondants les plus « exemplaires ».

La lourdeur administrative de ce document, venu s’ajouter à beaucoup d’autres, est citée par un grand nombre de professionnels et de conseils départementaux comme l’un des principaux freins à lever pour permettre sa généralisation.

Il serait donc souhaitable d’en simplifier les conditions d’utilisation afin d’en faire, plutôt qu’une contrainte supplémentaire, « une méthode de travail », comme cela semble être le cas dans les services du département de la Moselle, dont les représentants ont été auditionnés par la mission. On pourrait ainsi envisager un travail de recentrage du travail des éducateurs référents autour du PPE en supprimant ou fusionnant d’autres écrits comme le document individuel de prise en charge, le livret d’accueil, le projet personnalisé individualisé ou d’accompagnement.

Proposition n° 12 : Fusionner au sein du PPE les autres documents écrits remplis par les éducateurs référents, et normaliser davantage son contenu

Un second frein tient au temps que nécessite la bonne utilisation de ce document, et au-delà du document, de la vision pour l’enfant dont il doit être le support. M. Jean-Paul Raymond, directeur de l’Association nationale des directeurs d’action sanitaire et sociale (ANDASS), a souhaité insister sur ce point, auprès de la mission : « la mise en œuvre du projet pour l’enfant (PPE), au centre de la loi de 2016, est difficile pour des services qui travaillent dans l’urgence en permanence ».

Il sera donc difficile, pour la rapporteure, d’assurer le bon fonctionnement du PPE sans :

– que les éducateurs des services ne suivent un nombre plus raisonnable d’enfants qu’ils ne le font aujourd’hui (parfois, entre une quarantaine ou une soixantaine selon les départements) ;

– endiguer le turn-over important dans ce métier.

 

On peut aussi relever la difficulté de réaliser ce PPE quand l’éducateur référent est absent, malade ou autres. Pour assurer la continuité de la prise en charge de l’enfant, la bonne organisation des équipes de référents demeure primordiale, par exemple en systématisant le fonctionnement en binôme.

● La bonne coordination sur le terrain semble également un moyen important d’assurer une véritable logique de parcours, pendant le placement. Lors de son audition, M. Antoine Dulin a relevé la bonne pratique de quelques départements consistant à confier à des commissions de cas complexes, réunissant l’ensemble des acteurs, le suivi des enfants aux difficultés multiples.

Difficilement généralisables sans porter atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales, de telles initiatives doivent être encouragées si le cadre de la gouvernance actuel était maintenu, et généralisées si une prise de responsabilité plus forte de l’État était envisagée.

● Pour la rapporteure, si la bonne utilisation du projet pour l’enfant constitue une étape indispensable et encore lointaine à ce stade malheureusement, il ne faut pas s’interdire de réfléchir à l’étape suivante de l’amélioration du suivi du parcours.

Il pourrait s’agir d’un dossier unique comprenant les aspects judiciaires, relatifs à l’enfant et à ses parents, mais aussi médicaux, sociaux, avec l’ensemble de son parcours au sein de l’aide sociale à l’enfance (placement, aide éducative, …), son suivi relatif à son handicap, le cas échéant, et le volet scolaire. Ce dossier de suivi, panoramique, suivrait l’enfant jusqu’à ses 21 ans et permettrait que tous les professionnels puissent assurer une prise en charge adaptée, en pleine connaissance de cause.

Outre sa grande utilité dans le suivi individuel, le renseignement de ces données permettrait de réaliser des statistiques qui manquent aujourd’hui : dans les réponses aux questionnaires envoyés par les conseils départementaux, peu d’entre eux sont en mesure d’identifier les enfants suivis qui ont déjà connu plus de trois accueils, alors qu’il s’agit d’un indicateur essentiel de la continuité des parcours. Dans le nouveau dispositif proposé, les données pourraient remonter directement à l’ONPE, pour être exploitées.

5.   Des professionnels mieux formés et mieux accompagnés pour être plus soutenants pour les enfants

a.   La formation des professionnels encadrant les enfants

À titre liminaire, la rapporteure souhaite rappeler que l’immense majorité des responsables dans les services départementaux, des éducateurs spécialisés du département ou en foyers, des autres travailleurs sociaux ou des assistants familiaux sont bien évidemment des professionnels compétents et dévoués à l’accomplissement de la mission de service publique qui leur incombe.

Trop souvent, les scandales ont conduit à nourrir une forme de suspicion à leur encontre, une forme de démotivation, et parfois un « risque de disqualification des professionnels » comme l’a souligné lors de son audition Mme Devreese, directrice de l’ENPJJ, risque dont la rapporteure est convaincue qu’il n’est dans l’intérêt de personne.

S’interroger sur les moyens d’améliorer la formation et l’accompagnement des professionnels ne doit donc pas être un moyen d’ajouter à la crise de confiance que vit parfois le secteur. Compléter et conforter les compétences doit être, tout au contraire, un moyen de revaloriser des métiers insuffisamment reconnus, en rendant un service de qualité, à la hauteur des nobles motivations qui ont conduit les femmes et les hommes de la protection de l’enfance à s’orienter vers ce secteur.

Le constat de la forte disparité des moyens accordés à la formation des professionnels de l’ASE par les conseils départementaux qui vont du simple au décuple laisse entrevoir l’immense marge d’amélioration sur ces enjeux.

● Une première question porte sur la réaffirmation de la nécessité de disposer des diplômes requis pour travailler dans le secteur.

S’occuper d’enfants aux difficultés multiples ne s’improvise pas, et il convient tout d’abord de rappeler que la formation initiale et continue des professionnels ne doit être vécue, pour citer à nouveau Mme Devreese, « ni comme une punition, ni comme une récompense mais bien comme une condition d’exercice des missions ».

L’aide sociale à l’enfance, dans sa globalité, doit donc apporter la garantie que ses personnels sont dûment diplômés, qu’il s’agisse du diplôme d’éducateur pour exercer dans un foyer mais aussi du diplôme d’assistant familial pour les assistants familiaux.

Concernant les assistants familiaux, la rapporteure souhaite souligner que cette nécessité de les former est largement partagée par leurs organisations représentatives, entendues par la mission. Depuis un décret n° 2005‑1772 du 30 décembre 2005, le métier d’assistant familial a son diplôme d’État, délivré par la direction régionale de la jeunesse, des sports et la cohésion sociale (DRJSCS). Cette formation comprend un stage préparatoire de 60 heures puis 240 heures de formation à réaliser sur 18 à 24 mois.

En principe, seul le suivi des 60 premières heures conditionne l’agrément départemental permettant de recevoir des enfants. La rapporteure, a été interpellée sur plusieurs matières à réflexion pour faire évoluer cette formation. En effet, plusieurs assistants familiaux on fait part de leurs difficultés d’accueillir un enfant avec une formation aussi brève, qui porte par ailleurs davantage sur la règlementation applicable que sur la réalité de l’accueil. Ceci explique que beaucoup d’assistants rencontrés indiquent être mal préparés à l’accueil du premier enfant confié.

 Il serait donc intéressant de repenser la formation initiale pour mieux préparer les assistants familiaux à l’accueil de l’enfant. Il est également assez étonnant, pour la rapporteure, qu’un agrément puisse être conservé alors qu’il y aurait eu un échec à l’obtention du diplôme d’État correspondant. Il faudrait donc que l’agrément soit conditionné au diplôme tout en laissant éventuellement la possibilité au département d’y déroger, dans des conditions  très précises. Il faut également mettre en place des formations spécifiques en fonction des profils d’enfants accueillis.

Proposition  13 : « Repenser » la formation des assistants familiaux, en vue de davantage la tourner vers les enjeux concrets de l’accueil

Cette question ne saurait se limiter aux seuls éducateurs et assistants familiaux et concerne également :

– les cadres de la protection de l’enfance ; la rapporteure souscrit pleinement au constat de Mme Devreese : « Il n’est pas possible d’assumer des responsabilités d’encadrement en protection de l’enfance sans un certain nombre de connaissances en matière juridique et clinique, qui permettent justement d’adapter l’organisation aux besoins des publics, dans une dimension très réflexive de ce qu’impose l’exercice de ces missions non seulement pour les professionnels qui sont placés sous notre autorité, mais pour nous-mêmes aussi, les cadres exposés, en particulier les cadres de proximité. » ;

 tous les autres acteurs « gravitant » autour de l’enfant, notamment en foyer, tels que les « maîtresses de maison » qui assurent les travaux « domestiques » dans les établissements et les surveillants-visiteurs de nuit, parfois appelés « veilleurs de nuit » dont l’exercice suppose des qualifications ; s’agissant des seconds, la rapporteure souhaite insister sur le fait qu’il devrait toujours y avoir un éducateur diplômé d’État présent dans le foyer, y compris la nuit, car lui seul sera à même de s’occuper convenablement d’un enfant en crise, laquelle survient bien souvent durant la nuit.

S’agissant des personnels éducatifs, il semblerait que des pénuries de personnel conduisent parfois les établissements à recruter des personnels non qualifiés. Cette pratique, impossible à quantifier, n’en doit pas moins être clairement interdite, au même titre que l’exercice illégal de toute autre profession réglementée.

La proposition de la création d’un ordre professionnel, chargé d’assurer le respect de règles déontologiques dans la profession, a été suggérée à la mission par M. Lyes Louffok lors de la table ronde réunissant des anciens enfants confiés à l’ASE. Cette hypothèse n’est pas à exclure de ce point de vue, même si elle fait un parallèle avec des professions très anciennement organisées sous cette forme, difficilement reproductible dans un tout autre secteur professionnel. Il faut également ne pas négliger le recours aux éducateurs de jeune enfant (EJE) qui, de l’avis de ceux qui les ont intégrés dans leurs équipes, apporte une réelle plus-value.

Une question, qui concerne plus spécifiquement la formation initiale des éducateurs spécialisés, a été soulevée par les associations gestionnaires auditionnées par la mission d’information, ainsi que par la Défenseure des enfants, Mme Geneviève Avenard. La formation initiale consacrerait un temps très faible à la protection de l’enfance en général pour les premières, nul s’agissant plus précisément des droits de l’enfant d’après la seconde.

Il ne fait pas de doute que l’existence d’un tronc commun à la formation de l’ensemble des travailleurs sociaux et la relative brièveté de cette dernière (trois ans) ne permettent pas toujours le degré de spécialisation nécessaire à une pratique professionnelle, au demeurant très éloignée du reste de l’action sociale. Toutefois, le manque de préparation spécifique au métier de l’enfance peut inquiéter à double titre : en premier lieu, l’absence de sensibilisation au cours de la formation à ces questions peut participer du manque d’attractivité du métier et, en second lieu, il conduit à envoyer dans les associations ou dans les établissements gérés en régie par les conseils départementaux des jeunes professionnels encore très éloignés des problématiques qui les attendent.

Interrogé par la rapporteure, le directeur général de la cohésion sociale, M. Jean-Philippe Vinquant, s’est montré rassurant à ce sujet, estimant que les stages réalisés dans le cadre de la nouvelle maquette de la formation des travailleurs sociaux répondraient à cette nécessité de spécialisation. Les diplômes ayant été réformés par deux décrets et un arrêté du 22 août 2018 ([58]) et les premières promotions concernées devant sortir l’année prochaine, le temps de l’évaluation n’est probablement pas encore venu. La rapporteure se montrera vigilante à ce que des changements concrets et favorables résultent rapidement de cette réforme.

b.   Une formation nécessaire pour les acteurs en contact avec les enfants

Dans la lignée de la réflexion précédente sur la nécessaire association des assistants familiaux, enfin reconnus comme des travailleurs sociaux à part entière, au travail d’équipe autour de l’enfant, il est également souhaitable de développer par la formation continue une culture de la protection de l’enfance, commune à l’ensemble des professionnels, y compris au-delà du seul cercle de l’aide sociale à l’enfance stricto sensu (justice, école, police, …).

Le « fer de lance » de cette culture commune pourrait être l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) dont les compétences sont très larges s’agissant de la formation continue. Interface très précieuse entre les travaux de recherche et la formation des pratiques professionnelles, ses moyens doivent être renforcés en vue de dépasser les positionnements institutionnels ou catégoriels pour renforcer l’offre de « co-formations » disponible sur le territoire.

Outre les professionnels de la protection de l’enfance stricto sensu, ces co–formations tournées vers la compréhension des besoins fondamentaux des enfants doivent inclure davantage les médecins, les juges, les personnels des forces de l’ordre ainsi que ceux de l’éducation nationale afin de partager aussi largement que possible cette culture commune de l’intérêt supérieur de l’enfant.

6.   Lever les freins juridiques qui continuent d’empêcher les enfants de l’ASE d’avoir une vie normale

Parmi les constats les plus frappants de l’ensemble des auditions conduites par la mission, celui de la persistance de nombreuses règles incompatibles avec une vie normale pour les enfants accueillis occupe une place exemplaire, tant « la norme pour la norme » semble parfois avoir pris le pas sur l’intérêt des enfants placés. 

Au risque de procéder à un inventaire regroupant des éléments d’ordres très divers, la rapporteure souhaite néanmoins les rassembler sous l’angle de leur finalité, à savoir donner toutes les chances aux enfants et à ceux qui les entourent de vivre une vie sociale et affective aussi normale que possible.

a.   L’attachement nécessaire

La première d’entre elles concerne précisément la question de l’attachement des professionnels de la protection de l’enfance aux enfants accueillis. De l’avis de nombreuses personnes auditionnées, il s’agit de battre définitivement en brèche l’idée, encore souvent trop répandue dans les formations et les pratiques professionnelles du milieu, qu’il serait négatif de montrer toute forme d’affection pour ces enfants. Mme Anne Devreese, directrice de l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ), a d’ailleurs rappelé devant la mission que de nombreux travaux de recherche scientifique réfutent ces principes qui ont longtemps prévalu. L’attachement fait au contraire partie des besoins fondamentaux de l’enfant, tels qu’ils sont reconnus par le législateur, et définis par le remarquable travail de consensus mené par le Docteur Marie-Paule Martin-Blanchais, auditionnée par la mission.

Les enfants placés qui ont été « portés » par des éducateurs ou des familles d’accueil à un moment de leur vie souhaitent d’ailleurs souvent maintenir ou retrouver ce lien de nature incontestablement affective qu’ils ont pu nouer avec les professionnels. Ils n’y parviennent pas toujours, garder contact n’étant certes pas interdit par les textes, mais rarement encouragé en pratique.

Si ce changement de culture professionnelle ne saurait se traduire par une mesure unique aux effets « magiques », la rapporteure souhaite qu’une vigilance accrue soit portée à l’adaptation des formations initiales et continues à ces nouvelles données scientifiques.

b.   Le partage d’information pour un meilleur suivi de l’enfant

Un deuxième élément de normalisation de la vie des enfants doit consister à réinterroger la notion de « secret professionnel » ou de « secret médical » autour de l’enfant, qui se traduit parfois par une ignorance, tant des professionnels que parfois des enfants eux-mêmes, de leur passé, dont on ne voit pas vraiment comment elle pourrait être bénéfique. Une meilleure transparence, dans le strict cadre de la communauté des professionnels qui suivent l’enfant, éducation nationale comprise, devrait au contraire permettre de mieux adapter certaines réponses, certaines attitudes à son parcours de vie.

Si d’aventure, cette évolution devait nécessiter une adaptation du cadre législatif et réglementaire, ce qui n’apparaît pas avec netteté, la rapporteure y serait bien évidemment favorable.

Elle insiste toutefois sur le fait que ce partage de l’information ne doit pas conduire à une stigmatisation, par exemple à l’école.

Proposition  14 : Permettre aux professionnels de l’éducation nationale, de la justice, de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), de l’ASE et des personnels entourant au jour le jour l’enfant d’échanger sur les éléments importants pour la vie de celui-ci, en pratiquant le secret partagé

Proposition 15 : À terme, mettre en place un seul système d’information permettant aux acteurs d’interagir, le conseil départemental jouant un rôle de « chef d’orchestre » du dispositif

c.   Le lien avec les frères et sœurs

● Malgré la prise en compte inédite de cet enjeu par la loi du 14 mars 2016, la question de la séparation des fratries est demeurée, comme l’ont illustré certaines auditions, très prégnante. L’une des principales difficultés d’application qu’elle pose tient à l’offre de placement disponible, souvent insuffisante pour accueillir plusieurs enfants en même temps au sein de la même structure ou de la même famille d’accueil. Elle pose ainsi une question très profonde sur la nécessité de repenser l’offre d’accueil, au-delà des besoins à un instant donné et d’un « décompte » trop sommaire qui rend tous les enfants interchangeables. L’effectivité de ce droit à ne pas être séparé doit par ailleurs aussi s’apprécier, notamment en foyer, à la capacité à mettre les frères et les sœurs réellement en contact quotidien, dans des grandes structures où les enfants peuvent être rapidement éloignés. Bien entendu, cette mise en relation des fratries est à évaluer en fonction des situations, et doit prendre en compte des rapports qui peuvent parfois être « toxiques ».

 

 

Tout en étant convaincue que les solutions à cette problématique se trouvent moins dans un principe législatif que dans des réflexions plus globales sur l’offre et les modalités d’accueil, sur lesquels elle aura l’occasion de revenir infra, la rapporteure souhaitait néanmoins mettre en exergue à ce stade de sa réflexion ce sérieux obstacle à une vie normale pour les enfants accueillis.

Quelques pistes spécifiques à cette question pourraient être explorées :

– un financement spécifique notamment dans les villages d’enfants permettant l’accueil de fratries (cf. infra) ;

 en cas d’accueil dans deux familles d’accueil, un dispositif pourrait être mis en place en vue de mettre ces familles en « binôme de relais » afin que les fratries partagent des moments pendant les vacances scolaires ou les week-ends ;

 revoir l’organisation interne des MECS autour de groupes « verticaux » plutôt que par âge, afin de permettre d’accueillir des fratries ; ce système fonctionne dans certains foyers visités par la mission à Blanzy ou à la Courneuve ; les résultats de cette organisation sont très bénéfiques, les grands pouvant aider les petits comme dans une famille.

d.   Une clarification des actes usuels nécessaire

L’harmonisation et la simplification entre départements de la liste des « actes non usuels » qui doivent faire l’objet d’un accord préalable de la famille semblent également une nécessité, évoquée lors de très nombreuses auditions.

Cet imbroglio juridique procède de la réalité que de nombreux parents peuvent avoir perdu la garde de leurs enfants à la faveur d’une mesure de protection, sans pour autant avoir perdu leurs droits liés à l’autorité parentale, prévue à l’article 371-1 du code civil. Lors du placement, le service départemental de l’aide sociale à l’enfance a donc la charge des seuls actes dits « usuels », c’est-à-dire les actes du quotidien qui n’engagent pas son avenir, mais ne peut effectuer seul d’autres actes, qualifiés de « non usuels », pour lesquels il doit recueillir le consentement des titulaires de l’autorité parentale.

Au quotidien, le service « gardien » doit donc systématiquement se demander si l’acte qu’il engage est « usuel » ou « non usuel ». Or, le droit n’est pas toujours clair sur cette frontière, qui est parfois laissée au libre choix des départements, dans l’attente d’une jurisprudence ou d’un texte plus précis. Les exemples de ces « zones grises » sont très nombreux, dans des aspects variés de la vie de l’enfant (santé, éducation, image et droit à l’image, administration, loisirs et transports, …). Beaucoup des illustrations données lors des auditions concernaient un sujet aussi banal que fondamental : la socialisation de ces enfants. Qu’ils s’agissent d’une simple sortie ou d’une « soirée pyjama » chez des amis, il est encore trop souvent nécessaire d’obtenir l’accord, en quelques heures, de parents qui peuvent être de mauvaise volonté ou indisponibles. Il a aussi été question des difficultés, particulièrement graves, pour faire soigner un enfant quand le parent s’y oppose ou est injoignable.

La rapporteure estime nécessaire de clarifier ces points, dans l’intérêt des professionnels et des enfants. Cette clarification devrait se faire dans la mesure du possible, dans le sens d’une confiance accrue vers le service « gardien », qui est au plus près des besoins de l’enfant.

Sur la forme, cette clarification pourrait être conduite au niveau législatif si nécessaire, au regard de l’atteinte qu’elle pourrait constituer au principe de libre administration des collectivités territoriales. Sur le fond, elle pourrait s’appuyer sur les conclusions du groupe de travail de la direction générale de la Cohésion sociale (DGCS) qui a publié un guide de recommandation sur la question, précieux mais en grande partie indicatif ([59]).

C’est notamment dans ce cadre éclairci que pourraient être envisagées des consignes plus directives adressées aux services de l’ASE pour que les enfants placés participent, comme les autres, à des activités culturelles et sportives, choisies en bonne intelligence avec leur foyer ou leur famille d’accueil.

Proposition n° 16 : Clarifier les distinctions entre actes usuels et non usuels au niveau national en établissant une liste claire qui répond aux besoins fondamentaux dans la vie de tous les jours des enfants et dans le sens d’une plus grande confiance envers le service « gardien »

Par ailleurs, si certains actes courants demeuraient malgré cette clarification des actes « non usuels » au sens de la loi, il resterait loisible de réfléchir à des modalités de simplification du consentement du parent. Il pourrait s’agir d’autorisations annuelles, sécurisées juridiquement, comme cela a souvent été évoqué au sujet des sorties scolaires, qui peuvent être vécues comme discriminantes par les enfants protégés, en raison de la longue attente de la validation par leurs parents.

e.   Les normes d’hygiène et de sécurité rappellent constamment son statut à l’enfant placé

Un grand chantier de simplification des normes d’hygiène et de sécurité devrait également être mené dans les aspects les plus quotidiens de la vie d’un établissement. En effet, les foyers de l’enfance étant des lieux accueillant du public ils sont soumis à toutes les normes y afférent. Ces règles et normes rappellent constamment à l’enfant qu’il est dans une structure collective et le privent d’activités formatrices.

À titre d’illustrations, ils ne peuvent pas se rendre dans la cuisine pour participer à la préparation des repas ou simplement échanger avec le cuisinier. Dans certains foyers qui développement des activités de jardinage, il est en principe interdit de consommer les produits du potager s’ils ne sont pas à plus d’un mètre du sol.

Concernant les normes de prévention des incendies, les enfants se retrouvent avec des portes de chambres coupe-feu dotées d’un ferme-porte qui peut empêcher de voir ce qui peut se passer dans le couloir. Autre exemple : à Paris, un foyer visité a été contraint par les services d’incendie de demander aux enfants de ne pas trop accrocher de décorations aux murs.

Un chantier, particulièrement technique, d’adaptation de ces normes au fait que ce sont des lieux de vie, et non de simples lieux d’accueil, pourrait ainsi être utilement mené.

7.   Mettre en place une véritable politique nationale de contrôle

● La thématique du contrôle demeure l’une des grandes oubliées des dernières évolutions du cadre entourant la protection de l’enfance. Or, il s’agit, comme c’est le cas dans d’autres politiques publiques sanitaires ou sociales, d’un puissant facteur d’amélioration du système. La rapporteure souhaite donc réinterroger à la fois la responsabilité du contrôle, les règles applicables et les modalités du contrôle.

● Confié, dans une logique compréhensible de responsabilisation, au conseil départemental qui habilite et finance les établissements comme les familles d’accueil, la politique de contrôle dépend donc de l’investissement respectif de chacun des 101 départements. Or, les délais moyens de contrôle évoqués lors des auditions (un tous les cinq à six ans), y compris par les départements les plus vertueux, comme la multiplication des scandales révélés par la presse, et non par les services départementaux, invitent à réévaluer la pertinence de cette logique de responsabilisation.

Même en l’absence de refonte plus profonde de la gouvernance de l’aide sociale à l’enfance (cf. supra), la rapporteure ne sort pas convaincue que le conseil départemental, soumis à un aléa moral, demeure le mieux à même de mener à bien ces contrôles. En effet, celui-ci prend le risque, en renforçant ces derniers, de révéler des dysfonctionnements soit de ses propres établissements gérés en régie, soit d’associations habilitées par lui. Son analyse peut être perturbée par différents enjeux, lorsque la culture du contrôle n’est pas assez forte.

Une dé-corrélation entre autorité d’habilitation et autorité de contrôle pourrait ainsi être utilement étudiée, par exemple en associant mieux les services de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse dans ce domaine. Cette distinction n’aurait rien d’inédit : ainsi, dans le domaine sanitaire, les agences régionales de santé contrôlent la sécurité de l’ensemble des piscines, y compris si elles sont gérées par des collectivités territoriales, ou, plus proche du sujet de l’enfance, les services départementaux de la protection maternelle et infantile celle des crèches, y compris lorsque celles-ci appartiennent à une commune ou encore le contrôle des centres de loisirs pour mineurs (« centres aérés ») par les directions départementales de cohésion sociale (DDCS), sous la tutelle du préfet. Par ailleurs, on peut rappeler que la fermeture effective d’un établissement habilité par le conseil départemental dépend encore aujourd’hui du préfet (articles L. 313-15 à L. 313-17 du code de l’action sociale et des familles) qui, faute de services compétents, s’appuie sur l’avis des services départementaux. La situation pourrait donc être utilement clarifiée en renforçant la compétence de contrôle étatique.

Une autre option, plus originale sur le plan de la gouvernance, pourrait également consister à confier à des associations d’anciens enfants placés agréées le contrôle des lieux de vie. Elles auraient objectivement une connaissance fine du sujet, ce qui constitue un véritable atout, mais l’articulation de leur rôle avec une mission aussi régalienne reste à évaluer. On peut penser notamment au prononcé de sanctions, pouvant aller jusqu’à la fermeture administrative, qui appartiennent normalement à des autorités publiques.

● Les modalités de contrôle semblent également à ce jour témoigner d’un manque de professionnalisation de cette fonction. Sans prétendre à l’exhaustivité, la rapporteure a relevé trois exemples très significatifs :

– sur le plan de l’évaluation davantage que sur celui du contrôle proprement dit, les représentants des assistants familiaux auditionnés évoquent la quasi-absence de bilan de fin d’accueil permettant de constater les progrès réalisés par les enfants au sein des assistants familiaux, parfois au terme de plusieurs années ; il s’agirait de mettre en place ces bilans en famille d’accueil mais aussi en foyer, qui permettraient de partager les meilleures pratiques et de dénoncer les plus mauvaises ; cette culture de l’évaluation, trop limitée aujourd’hui dans l’organisation des services de l’ASE, pourrait également passer par un appui renforcé, voire une modélisation, des analyses des pratiques professionnelles accompagnées par des psychologues, pour les éducateurs, d’une part, et des réunions entre assistants familiaux pour partager leur expérience, sur le modèle de ce qui existe avec les relais d’assistantes maternelles (RAM), d’autre part ;

– l’absence de fichier national de l’accueil familial, si bien qu’un assistant familial qui se verrait retirer son agrément par un conseil départemental pour des faits nécessairement graves pourrait tout à fait postuler à un agrément dans un autre conseil départemental, qui n’aurait pas connaissance de ces antécédents.

● Un contrôle solide devrait par ailleurs s’appuyer sur de nouvelles règles claires, applicables à l’ensemble des établissements ou familles d’accueil contrôlées.

Ainsi, l’absence de toute norme relative au taux d’encadrement dans les établissements semble propice à tous les dysfonctionnements, parfaitement réguliers sur le plan du droit. Il s’agit par ailleurs d’une spécificité du secteur de l’enfance, ces taux étant très répandus dans le secteur social (crèches par exemple), scolaire ou sanitaire. Ce vide contraste également avec la limitation du nombre d’enfants accueillis chez les assistants familiaux à travers leur agrément (trois en principe par assistant agréé). Il faut donc remédier à cette dangereuse spécificité, en créant un taux d’encadrement spécifique aux accueils collectifs de la protection de l’enfance.

On peut également rappeler parmi ces règles clarifiant le contenu du contrôle le lien renforcé entre l’exercice de la profession et la possession des diplômes nécessaires (cf. supra).

● L’absence de culture du contrôle sur place inopiné, ou « quasi inopiné » (contrôle dont la structure ou la famille serait avertie une heure avant pour d’évidentes raisons pratiques) ; les représentants des assistants familiaux, auditionnés par la mission, ont convenu que ce type de contrôle n’était mis en œuvre que dans de rares départements, alors qu’ils sont nécessaires y compris pour attester des bonnes pratiques des familles d’accueil et des établissements.

● Un autre point a été soulevé par les acteurs associatifs concernant la gestion des remplacements des éducateurs « au pied levé » : il est parfois difficile pour l’employeur de contrôler la probité des professionnels au contact des enfants, lorsqu’ils sont recrutés dans l’urgence. En effet, l’employeur n’a pas un accès direct au bulletin n°2 du casier judiciaire du candidat et reste donc obligé d’en faire la demande dans des délais qui peuvent être longs. Ainsi un remplaçant peut déjà avoir terminé son contrat, avant que l’employeur ait pu avoir accès à l’extrait de casier judiciaire pertinent. Il va sans dire que cette situation fait courir un risque inacceptable pour les enfants, qui pourrait être évité par un fonctionnement plus fluide.

● Enfin, un meilleur contrôle réside probablement dans l’association de tous les acteurs concernés à la gouvernance des établissements – la situation étant, par construction, un peu plus complexe pour les assistants familiaux. La rapporteure se montre donc favorable à toute initiative tendant à créer des conseils de vie sociale intégrant à la fois d’anciens enfants placés, le cas échéant, via des associations, les enfants accueils dans l’établissement, et les personnels, sans exclusive.

Par ailleurs, au terme de travaux qui ont parfois révélé des difficultés d’accès aux lieux d’accueil, il semblerait assez logique que les parlementaires disposent, à l’instar de ce que prévoit l’article 719 du code de procédure pénale ([60])  sur le droit de visite dans les lieux privatifs de liberté, un droit de visite législatif dans les structures de la protection de l’enfance. Ce droit serait ainsi plus facilement mis en œuvre qu’aujourd’hui, où il est conditionné à l’exercice d’un pouvoir de contrôle sur place dans le cadre d’une commission d’enquête, notamment. Tout en ayant conscience que cette mesure dépasserait le cadre de la présente mission et nécessiterait l’accord de la majorité de ses collègues, la rapporteure verrait très positivement que ce nouveau droit législatif soit promu et mis en œuvre par une délégation dédiée de notre assemblée sur ces questions si essentielles de protection de l’enfance.

Enfin, aller au bout de cette logique consistant à retrouver un « contrôle civique » sur le mode de fonctionnement des structures de la protection de l’enfance suppose une exigence de transparence renforcée. Si certains documents départementaux sont publiquement disponibles, comme les schémas départementaux, tel n’est pas le cas des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) et des projets d’établissements. Certes, en raison du rôle important des associations dans ce secteur, beaucoup des structures concernées appartiennent au secteur privé non-lucratif, mais elles participent à une mission de service public de première importance. Rendre obligatoire la disponibilité pour le public de l’ensemble de ces éléments, dans un domaine où doit jouer l’exigence et non la concurrence, semble donc à la fois souhaitable et nécessaire.

Proposition  17 : Mieux normer et mieux contrôler le secteur, en :

– étudiant la reprise des contrôles des établissements accueillant des enfants par les services de la DDCS ;

– mettant en place des taux d’encadrement par des éducateurs dans les MECS, en AED, AEMO et AEMO « renforcé » en fonction de l’âge de l’enfant et pour les éducateurs référents ;

– réalisant un fichier des agréments des assistants familiaux au niveau national ;

– permettant aux associations du secteur d’accéder au casier judiciaire de leurs employés dans son ensemble ainsi qu’au fichier des délinquants sexuels ;

– créant un droit législatif de visite des structures de la protection de l’enfance pour les parlementaires, qui pourrait être mis en œuvre notamment par une délégation dédiée à l’Assemblée nationale


C.   UNE VÉRITABLE DOCTRINE RESTE À CONSTRUIRE SUR LES MODES DE PLACEMENT.

Au-delà de la question des pistes permettant d’améliorer les modes d’accueil tels qu’ils existent aujourd’hui, la mission a souhaité ne pas se satisfaire du paradigme actuel, et s’interroger sur un changement de modèle.

Pour la rapporteure, ce changement doit répondre à trois questions fondamentales qui sont restées en filigrane au cours des auditions : N’est-on pas en train de gérer, sans le dire, une pénurie de places adaptées ? Ne doit-on pas enrichir l’offre de placement en créant de nouveaux dispositifs ? Ne faut-il énoncer une véritable doctrine, au niveau national, privilégiant les accueils de type familial, notamment pour les placements qui interviennent tôt dans la vie de l’enfant et qui ont vocation à durer ?

1.   La question des besoins de places, un « angle mort » de la réflexion sur l’aide sociale à l’enfance

Avant d’aborder le fond de cette question, il convient de préciser que le manque de connaissances sur les besoins, par ailleurs très variables d’un territoire à l’autre, rend évidemment très difficile d’objectiver la question du manque de places.

Ce dernier n’en est pas moins patent, en interprétant des éléments largement convergents :

– le nombre de personnes auditionnées qui ont évoqué les conséquences dysfonctionnelles de cette insuffisance (séparation des fratries, surnombre d’enfants dans certaines familles d’accueil, accueil non adapté au besoin de l’enfant …) ;

– le constat convergent d’un fort taux d’inexécution des décisions judiciaires, notamment en matière d’AEMO, évoqué à de très nombreuses reprises lors des auditions, et qui a vocation à être documenté prochainement par un travail mené par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale de la justice (IGJ) en partenariat avec l’ONPE ;

– la durée anormale du placement dans les foyers de l’enfance, qui devraient rester un lieu d’accueil d’urgence et d’orientation (cinq mois en moyenne ([61])) ;

 

 

Il n’y a d’ailleurs aucune raison que dans un système très largement dominé par la décision judiciaire, et géré par des conseils départementaux, l’offre s’adapte correctement à la demande de places. C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé M. Didier Lesueur de l’ODAS devant la mission : « La question des places disponibles pose une autre question : celle de la régulation du système au niveau départemental. En effet, une fois qu’un enfant entre dans le dispositif de l’aide sociale à l’enfance, il a du mal à en sortir. La régulation est difficile à faire, car s’il s’agit d’une mission décentralisée qui s’appuie en grande partie sur la justice, alors même que nous vivons dans un système de séparation des pouvoirs. Il manque un maillon entre la justice et le département pour aborder cette question, au niveau à la fois stratégique et opérationnel. ».

À ce problème, s’ajoute celui de la non-mutualisation des moyens entre conseils départementaux, même limitrophes. Cette faculté est pourtant ouverte par le troisième alinéa de l’article L. 221-2 du code de l’action sociale et des familles mais semble ne pas exister sur le terrain d’après certaines associations. Le diagnostic a été posé en des termes sévères par M. Marc Chabant, directeur du développement de la Fondation Action enfance, qui insistait notamment sur les conséquences sur la préservation des fratries : « S’agissant de la préservation des fratries, il faudrait des villages d’enfants, que ce soit SOS ou Action enfance, accessibles à tous les départements français. Or des départements n’ont pas la capacité financière nécessaire qui les autoriserait à augmenter le nombre de places. En revanche, deux ou trois départements, ensemble, le pourraient, sachant toutefois qu’il est difficile de faire travailler des départements limitrophes sur cette question. Les territoires sont animés d’un instinct qui peut se traduire par : ʺCe sont mes places, c'est mon départementʺ. ».

La question de la mise en place d’une véritable cartographie des besoins, au-delà des schémas territoriaux, demeure donc largement ouverte, non sans lien avec le choix de gouvernance qui sera retenu à l’avenir (cf. supra).

Au-delà du problème organisationnel, la rapporteure souhaite souligner la gravité du problème, à plusieurs égards :

– sur le plan des principes, des décisions judiciaires demeurent inexécutées faute de place ;

– concrètement, cela se traduit par le maintien dans la famille d’origine d’enfants qui sont en danger en pratique.

Un bon accueil, soucieux des besoins de l’enfant accueilli, de son âge, de la composition de sa famille, des motifs du placement, nécessitera probablement d’ouvrir de nouvelles places, par exemple sur la base des décisions inexécutées qui dessinent en creux les lacunes de l’offre de placement.

 

L’ouverture de nouvelles places, quitte à ce que certaines soient libres à un instant donné, ouvrirait vraisemblablement une souplesse bienvenue à des structures pour mieux accueillir les enfants, et notamment les fratries. C’est ce qu’a confirmé devant la mission M. Hervé Laud de l’association SOS Village d’enfants, s’agissant plus particulièrement de ce mode d’accueil : « Aucune magie ne préside à leur fonctionnement. L’intention n’est pas le seul moteur, se pose aussi la question de la vacance possible. Si quatre enfants s’en vont, légitimement, tout favorable que je sois aux familles d’accueil, je vais reprendre un enfant puis un autre, qui ne sont pas forcément frères et sœurs. Dans les maisons d’enfants qui travaillent sur la fratrie, cette question de la vacance se pose. Disposer de quatre ou six places libres autorise l’accueil. C’est un élément clé qui permet de faire ce que nous avons à faire… Au moment où nous négocions les tarifications de 50 places, pourquoi ne pas décider de ce que l’on fait des 46 premières et de réserver 4 places supplémentaires qui nous donneraient la possibilité d'agir ? Au cours d’une année, avec 50 gamins, nous serons confrontés immanquablement à 4 situations exceptionnelles qui nécessiteront de renforcer l’équipe, de proposer un maillage avec une association collègue, de créer un lien très singulier et d’accueillir à titre exceptionnel, et tout cela dans un cadre préétabli. ».

Cette vacance ne serait d’ailleurs pas utile seulement aux fratries mais aussi :

– pour assurer la prise en charge des enfants qui connaissent des ruptures de parcours en raison de leur passage par la protection judiciaire de la jeunesse, et qui retrouvent difficilement une place une fois qu’ils reviennent à l’aide sociale à l’enfance ;

– pour permettre de financer un accueil « en biseau » permettant à l’enfant placé, à l’instar de ce qui existe en matière d’adoption, de se familiariser avec son nouveau lieu de vie, qu’il s’agisse d’un foyer ou d’une famille d’accueil avant de s’y installer de manière plus pérenne ; cette faculté est très rare en pratique alors que la rapporteure estime qu’il pourrait s’agir d’un mode « normal » d’entrée dans le placement.

Quoique consciente des possibilités qu’ouvrirait une offre de places plus conséquente, la rapporteure ne souhaite cependant pas s’enfermer dans un constat uniquement quantitatif : l’adéquation théorique entre le nombre de places et les besoins de placement, administratifs comme judiciaires, n’est qu’une condition nécessaire et non suffisante d’une politique de protection de l’enfance ambitieuse.

2.   Des nouveaux modes d’accueil restent à inventer.

Il ressort des auditions que, malgré la diversité des modalités d’accueil existantes (cf. supra), il pourrait se révéler nécessaire de reconnaître ou d’appuyer des formes d’accueil qui ne rentrent pas dans les « cases » habituelles.

 

La rapporteure souhaite notamment mettre en exergue quelques exemples :

– l’internat socio-éducatif médicalisé pour adolescents (ISEMA), une petite structure socio-éducative (12 jeunes accueillis) expérimentée dans le département de l’Eure-et-Loir, qui semble constituer un modèle intéressant permettant de répondre à des enjeux multiples touchant à la fois à l’hébergement, à l’éducation et à la santé des jeunes ; il pourrait s’agir d’une réponse adaptée, ayant vocation à être davantage développée sur le territoire, pour des jeunes relevant du handicap ou de la prise en charge psychiatrique et qui ne rentrent pas dans les cases habituelles des structures de protection de l’enfance ou des structures médicalisées ; de manière plus générale, la rapporteure est sensible à l’idée qu’il existera toujours des enfants protégés aux difficultés multiples qui nécessiteront une prise en charge globale « sur site » et que ces enfants n’ont pas leur structure adaptée à ce jour ;

– le Docteur Martin-Blachais, auditionnée par la mission lors d’une table ronde, a souhaité insister sur la pertinence d’une réponse plus classique mais souvent sous-estimée, consistant à développer les internats scolaires, ce qui permet aux enfants d’être dans un cadre « de droit commun » tout en étant une bonne solution pour des situations dans lesquelles il ne serait pas nécessaire de les placer durant toute la semaine ;

– l’AEMO, ou l’AED, renforcée, avec hébergement de répit dans la mesure du possible, a également été présentée à la mission comme un complément utile à l’offre actuelle, à la charnière entre l’aide éducative et le placement ; plus dense en accompagnement que l’AEMO « classique » limitée à un contact de deux heures par mois entre l’enfant et l’éducateur, il s’agit d’assurer un suivi plus « serré » associé à des solutions d’hébergement d’urgence en cas de besoin, fonctionnant tous les jours, 24 heures sur 24 ;

– sans qu’il s’agisse à proprement parler d’une nouvelle solution d’hébergement, d’autres dispositifs proches de l’AEMO (ou AED) renforcée peuvent également assurer un meilleur continuum entre placement et retour en famille et sont donc également à promouvoir ; la rapporteure pense notamment à rendre obligatoire une mesure de placement à domicile en cas de retour en famille qui servirait de « sas » entre les deux situations ; mis en place depuis les années 1980 par certains conseils départementaux, le placement à domicile consiste à assurer un suivi aussi « serré » qu’en foyer ou en internat, dans le milieu d’origine de l’enfant, tout en assurant une astreinte permettant d’héberger celui-ci en cas de crise ; comme l’indique le carrefour national de l’aide éducative en milieu ouvert (CNAEMO), entendu par la mission, dans sa documentation, entre AEMO/AED renforcée et placement à domicile, « si les bases juridiques sont différentes, les pratiques peuvent apparaître similaires » ([62]) ; le placement dit « séquentiel » répond lui aussi à la même logique : il s’agit d’un hébergement à temps partiel en établissement, pendant lequel le lien avec les parents est largement travaillé ; quels que soient le terme et les variantes retenues, ce sont ces solutions qui doivent être approfondies, mieux partagées et davantage développées ;

– toujours dans l’esprit de modalités « d’accueil » souples mais précieuses, le parrainage demeure lui aussi largement négligé ; il donne pourtant la possibilité à un enfant de bénéficier de liens privilégiés avec un adulte ou une famille tiers pour créer une nouvelle relation affective complémentaire de celle qu’il a avec ses parents, et à ceux-ci de trouver un répit, et parfois un appui dans leur parentalité ;

– enfin, les visites médiatisées, utilisées avec excès dans certains départements, impossibles à mettre en œuvre pour des raisons matérielles par l’absence de lieux dédiés dans d’autres, doivent permettre de mieux préparer la sortie, dans ce même souci de continuité de parcours.

La question de la reconnaissance juridique de ces nouveaux statuts mérite d’être posée, même si la rapporteure a constaté que la faible définition juridique des structures existantes n’a jamais été un obstacle à leur essor.

 Il lui apparaît donc que c’est principalement le degré d’initiative du financeur dans la redéfinition de l’offre de son territoire qui semble décisive pour le développement de ces nouvelles solutions. Des moyens ciblés associés à un pilotage ambitieux au plan national, assurant la diffusion de ces modèles encore isolés, semblent les plus à même de parvenir à diversifier utilement l’offre de protection.

3.   Une réflexion plus aboutie doit être conduite pour bâtir une doctrine du « bon placement ».

● Un dernier constat ressort très nettement de la mission : tout est comme si, accaparés par les difficultés de l’existant, les gestionnaires de la protection de l’enfance, entendus dans un sens très large, manquaient de temps pour s’interroger sur une évolution plus profonde du modèle d’accueil.

Pour la rapporteure, on ne saurait se limiter à une réflexion de court ou moyen terme sur ces sujets, mais il faut entamer rapidement un travail de construction d’une véritable « doctrine » de l’accueil, répondant à des questions simples : Tous les types d’accueil sont-ils adaptés à toutes les situations ? Ne faut-il pas redéployer des moyens dans un sens ou dans un autre ? La priorité doit-elle être mise à construire davantage de foyers ou à revaloriser le métier d’assistants familiaux ?

Ce travail de réflexion que la rapporteure ne prétend certainement pas avoir épuisé en quelques semaines pourrait néanmoins être orienté par quelques constats, qui semblent partagés quoiqu’insuffisamment explicités. 

La rapporteure estime ainsi qu’il faut relever un véritable défi pour l’accueil ; la contradiction n’a jamais été aussi forte entre :

– d’une part, un besoin manifeste d’accueil familial, ou de type familial, notamment pour les enfants les plus jeunes ;

– d’autre part, la crise que connaît le métier d’assistant familial aujourd’hui, qui souffre à la fois d’une démographie peu favorable à relativement brève échéance (avec une moyenne d’âge autour de 50 ans) et d’une crise de vocation alors que le métier est extrêmement exigeant.

Résoudre cette contradiction suppose, pour la rapporteure, de travailler dans deux sens.

Le premier chantier à ouvrir et à accélérer est la revalorisation du métier d’assistant familial. Conscients du problème, certains conseils départementaux ont d’ores et déjà lancé des campagnes de recrutement. Il reste toutefois à mettre en place des mesures plus radicales pour renforcer l’attractivité du métier. Plusieurs pistes, issues des échanges avec les associations du secteur, pourraient être explorées.

L’incompatibilité du métier d’assistant familial avec une activité professionnelle constitue un sérieux obstacle pour des vocations. Sans préjudice du suivi des enfants concernés, des aménagements semblent envisageables, sous réserve d’un encadrement en fonction de plusieurs critères (âge de l’enfant, temps complet ou partiel) qui pourraient conduire à moduler l’agrément et la rémunération en conséquence ([63]). Ces agréments pourraient également servir à mieux cadrer l’accueil d’enfants en période de répit pour les assistants familiaux par d’autres familles.

Une meilleure combinaison avec les structures pourrait être alors envisagée, par exemple avec les pouponnières comme lieux d’accueil de jour, afin de permettre aux assistants familiaux d’exercer leur activité professionnelle.

Des solutions mieux cadrées de « répit » doivent être pensées, comme l’ont suggéré les représentants de l’ANDASS, auditionnés par la mission. Aujourd’hui, la mission d’accueil se déroule non seulement 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, ce qui est l’essence même du placement familial, mais aussi parfois 365 jours par an, dans des familles où cohabitent souvent enfants des assistants et enfants accueillis. Un placement temporaire dans une autre famille quelques jours par an, sur la base d’un roulement organisé par le conseil départemental, aujourd’hui largement pratiqué sur le mode de l’improvisation, doit être mieux cadré et organisé. La solution consistant à privilégier des binômes ou trinômes d’assistants, au plus, dans lesquels l’enfant pourrait aller lors des périodes de répit est à privilégier.

Les dispositions financières, que la rapporteure ne souhaitait pas placer au premier rang tant la fonction d’assistant familial est irréductible à la seule question des rémunérations, doivent être clairement réinterrogées. La rémunération d’un assistant familial ne peut être inférieure à 50 heures de salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) pour la part « fixe » liée à la fonction d’accueil et à 70 heures de SMIC par enfant pour la part modulable (article D. 423-23 du code de l’action sociale et des familles). Elle est soumise à cotisations sociales et peut faire l’objet de majorations et d’indemnités supplémentaires pour une attente entre accueils ou une suspension d’agrément dans le cadre d’une procédure de signalement. Un assistant suivant un enfant reçoit donc a minima 1 203,60 euros bruts par mois.

Si ce montant est assez peu parlant dans l’absolu, force est de constater qu’il n’est pas suffisamment attractif pour suivre des enfants, parfois en difficulté sur plusieurs plans, à temps complet, toute l’année. L’accueil impacte objectivement l’ensemble de la vie des personnes qui choisissent d’en faire leur métier. Dans ces conditions, une revalorisation réglementaire de la rémunération minimale des familles d’accueil doit être envisagée.

De plus, les assistants familiaux ont également fait part de difficultés financières dans le cadre de l’obligation d’avance des frais entre le moment d’accueil de l’enfant et le premier salaire versé pour l’enfant accueilli dans la famille, la nécessité de parfois s’équiper à ses frais pour l’accueil d’un enfant par exemple pour un bébé… les exemples ne manquent pas.

Une autre amélioration pourrait consister à généraliser la délibération prise par le conseil départemental de Saône-et-Loire qui prévoit un « bonus » pour les assistants familiaux ayant les enfants 24/24 heures par rapport à celles dont les enfants sont scolarisés, afin de tenir compte de la charge de travail. Il pourrait en aller de même s’agissant de cas particulièrement complexes.

Il serait par ailleurs utile de créer un dispositif permettant de tenir compte du fait que certains assistants familiaux « investissent » davantage que d’autres en faveur de leur enfant. Considérer des forfaits permettant de subventionner 50 % des dépenses engagées pour leurs activités culturelles ou sportives dans la limite d’un plafond pourrait constituer une piste intéressante permettant de récompenser ces bonnes pratiques, qui se font aujourd’hui au détriment des revenus de celui qui les engage.

Les assistants familiaux, comme les éducateurs en foyers, méritent par ailleurs d’être mieux accompagnés sur un plan psychologique. L’arrivée et le départ parfois très soudains d’enfants auxquels on s’est attaché, constituent une épreuve peu commune dans le monde professionnel.

La construction d’un parcours professionnel pour les assistants familiaux qui le souhaiteraient vers celui d’éducateurs doit être sérieusement envisagée. Ce passage pourrait être facilité par un parcours de formation professionnelle continue spécifique, bâti par exemple sur la validation des acquis de l’expérience (VAE), afin de limiter les épreuves à passer pour obtenir le diplôme d’État d’éducateur.

Enfin, deux mesures, très pragmatiques, pourraient normaliser à la fois la vie des assistants familiaux et celles des enfants placés.  

Ainsi, il serait bon d’éviter les ruptures de placement en croisant justement les âges des enfants et celle des assistants familiaux, pour éviter de mettre un bébé chez une assistante proche de la retraite, ce qui arrive encore trop souvent. Il faut donc soutenir la mise en place d’outils de traitement informatique permettant de croiser tous ces éléments.

S’agissant de la relation entre l’éducateur référent et la famille, il serait souhaitable, sans que la rapporteure n’en mésestime la difficulté dans certaines situations, de nommer un éducateur référent pour l’ensemble des enfants accueillis chez le ou les assistants familiaux, au même domicile. La multiplication des interlocuteurs conduit en effet à une déperdition d’énergie, de temps de transport et d’information, préjudiciable au bon fonctionnement du service et de l’accueil. Renforcer le regroupement effectif des fratries rendrait cette préconisation d’autant plus nécessaire. La rapporteure n’écarte pas l’idée que l’inscription juridique de ce principe, accompagné le cas échéant des dérogations nécessaires, renforcerait l’incitation des services de l’ASE à s’organiser en ce sens.

Parce que la crise des assistants familiaux qui se profile sera probablement d’une ampleur telle que même des mesures radicales ne pourraient complètement l’endiguer, un second chantier doit être ouvert. Les villages d’enfants et les lieux de vie et d’accueil, qui restent aujourd’hui confidentiels à regarder les chiffres disponibles (voir supra), doivent ainsi être soutenus. Ils sont pourtant une branche utile de l’alternative, permettant un suivi plus individualisé.

C’est donc toute la filière de l’accueil familial ou de type familial qui doit accompagner la montée en charge de l’offre d’accueil.

Proposition n° 18 : Revoir le statut des assistants familiaux, en :

– autorisant les assistants familiaux à exercer une autre activité professionnelle, sous réserve d’adaptation des modalités d’agrément et de rémunération ;

– revalorisant la rémunération minimale des assistants familiaux et la prise en compte des frais professionnels qu’ils engagent ; et harmoniser cette rémunération sur l’ensemble du territoire

 

 

● Ouvrir de nouvelles places, dans les filières les plus pertinentes et notamment un accueil familial revalorisé, aura nécessairement un coût. Une part de ce dernier doit clairement être le résultat d’un choix budgétaire en faveur de l’investissement social que constitue une bonne prise en charge, en amont, dans le cadre d’un placement. Une autre part pourrait être autofinancée par un effet de reconversion de places en établissements « classiques » en places familiales : ainsi, un enfant placé dans une famille d’accueil coûte deux fois moins cher à la journée qu’en établissement (100 euros environ contre 200 euros environ ([64])). Enfin, l’ouverture plus grande à un exercice professionnel permettrait d’améliorer la situation des assistants sans nécessairement que le coût pèse sur la collectivité publique.

Cette réorientation souhaitable des crédits vers l’offre la plus adaptée et la moins coûteuse n’a pas vocation à se faire contre les foyers, mais au contraire en faveur d’un meilleur positionnement de ces derniers. L’accueil en MECS pourrait ainsi se réorienter vers l’urgence, les astreintes d’AEMO renforcées et l’hébergement de long terme des adolescents, potentiellement moins sensibles au caractère familial de l’accueil.

Pour les foyers, l’enjeu n’est donc plus la quantité mais surtout la qualité de l’accueil, et à cet égard, les chantiers ne manquent pas : outre le taux d’encadrement dont il a déjà été question, il s’agirait de renforcer l’accès aux outils numériques, dont les enfants placés en établissements sont trop souvent privés ou encore d’engager un travail ambitieux et délicat de développement des liens sociaux à l’extérieur du foyer (entreprises, associations, structures de quartiers, centres sociaux, moments de convivialité avec les voisinages, invitation des enfants extérieurs au foyer, par exemple à la faveur d’un anniversaire …).

Sur ce même sujet des foyers, la rapporteure est profondément convaincue que l’avenir n’est plus aux MECS de grandes capacités, implantées dans des lieux pas toujours choisis dans l’intérêt des enfants, mais aux plus petites unités, qu’elles soient familiales et collectives en établissement.

● Ces modèles enrichis et rénovés impliqueront évidemment de nouveaux besoins d’éducateurs. Or, il serait illusoire de sous-estimer la crise d’attractivité que traverse le métier d’éducateur spécialisé, largement exprimée lors de la table ronde que la mission a souhaité dédier à cette question ainsi que lors des déplacements. Le travail considérable par le Conseil national du travail social (CNTS mené à la suite du rapport de Brigitte Bourguignon, précité) se poursuit mais il implique des choix politiques et financiers structurants. La qualité et le caractère suffisant du recrutement des éducateurs passe très probablement par une revalorisation des salaires, prenant en compte l’importance, la difficulté et les diplômes requis pour exercer cette profession. Une partie de cette revalorisation est déjà intervenue, puisque certains travailleurs sociaux ont basculé de la catégorie B à la catégorie A au 1er février 2019, à la faveur de la réforme des diplômes déjà évoquée. Toutefois, cette revalorisation est limitée aux nouveaux entrants et au secteur public, sans qu’aucun mécanisme ne permette d’assurer cette revalorisation. Si aucune autorité publique ne décide du salaire des éducateurs dans le secteur privé, qui dépend très largement de négociations conventionnelles de branche, la rapporteure souhaite que le cadre financier global permette ce travail de revalorisation qui est de l’intérêt des employeurs, qui peinent à recruter, des éducateurs bien évidemment et enfin et surtout des enfants qui doivent être encadrés par des professionnels diplômés.

L’offre d’accueil ne doit donc plus évoluer mais se métamorphoser, afin de répondre enfin aux attentes des enfants, et plus généralement de tous ceux qui en font leur priorité.

 

 


  1  

VII.   Les mineurs non accompagnés : une problématique spécifique devenue centrale pour l’ase

Les mineurs ressortissants étrangers arrivant sur le territoire français sans parents, hier appelés « mineurs isolés étrangers » (MIE), aujourd’hui « mineurs non accompagnés » (MNA), sont considérés par le droit français par construction comme en danger, et sont donc pleinement éligibles à des mesures d’aide sociale à l’enfance. La répercussion de l’évolution très rapide du nombre d’enfants pris en charge à ce titre sur l’ensemble du système devait conduire la mission à aborder cette thématique, comme convenu lors de sa réunion constitutive.

Relevée très régulièrement au cours de l’ensemble des auditions, et plus particulièrement lors d’une table ronde spécifique, ainsi que lors des déplacements sur le terrain, la question des MNA fait pourtant apparaître des questionnements très spécifiques, liés à la nature même du phénomène et aux modalités de traitement administratif qui lui sont particulières.

Aussi, le présent rapport, sans éluder ce problème devenu central, n’a pas la prétention d’avoir épuisé l’analyse de ce sujet, à la charnière des droits de la protection de l’enfance et de l’immigration, ni d’avoir tranché les nombreux débats qui étaient encore ouverts lorsque la mission a commencé ses travaux. Un travail de l’Assemblée nationale plus approfondi, conduit dans un autre cadre, sera vraisemblablement nécessaire,  du point de vue de la rapporteure.

Toutefois, à la fois pour rendre justice aux interventions nombreuses et pertinentes sur ce point et pour apporter sa pierre au vaste et complexe édifice de l’accueil des MNA ([65]), la rapporteure a souhaité présenter synthétiquement les principales spécificités et les principaux enjeux qui lui sont apparus au cours des travaux de la mission.

A.   Une problématique spécifique

● L’article 1er de la loi du 5 mars 2007 a affirmé pour la première fois, avec netteté, que « la protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge » (article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles).

 

Sans jamais mentionner directement la notion de « mineurs non accompagnés », dépourvue de définition juridique explicite, ces dispositions sibyllines sont pourtant le fondement légal de la prise en charge par la protection de l’enfance des mineurs étrangers non accompagnés.

Qualifié par la doctrine juridique de « nouveau venu de la protection de l’enfance » ([66]), le mineur non accompagné se caractérise, par construction, par deux éléments, qui conditionnent sa prise en charge : sa minorité, qu’il doit pouvoir démontrer, et son isolement constitué dès lors qu’ « aucune personne majeure n’en est responsable légalement sur le territoire national ou ne le prend effectivement en charge et ne montre sa volonté de se voir durablement confier l’enfant, notamment en saisissant le juge compétent » ([67]).

On évoque généralement sous le terme de MNA les seuls enfants ressortissants d’États extérieurs à l’Union européenne, car le droit de l’Union garantit directement aux ressortissants des États membres le bénéfice des prestations de la protection de l’enfance.

● Le rattachement des MNA au cadre commun de la protection de l’enfance masque cependant les nombreuses spécificités de leur situation :

– par construction, l’ensemble de ces mineurs relèvent d’une mesure de placement, contrairement aux autres enfants de l’ASE qui peuvent faire l’objet d’un simple suivi éducatif ;

– leur origine migratoire implique des caractéristiques particulières avec une surreprésentation des garçons (96 % de l’ensemble ([68])) et une moyenne d’âge plus élevée que celle des enfants suivis par l’ASE (44,39 % des MNA rentrent à 16 ans dans le dispositif de la protection de l’enfance) ([69]);

– une dispersion géographique spontanée moins uniforme que pour les autres enfants de l’ASE, avec des points d’arrivée très marqués en région parisienne mais aussi à Mayotte, même si les mécanismes de répartition (voir infra) ont atténué ce phénomène, s’agissant de la France hexagonale.

Il faut ajouter à ces caractéristiques, inhérentes à la définition même de MNA, une croissance numérique tendancielle bien plus forte que pour les autres enfants suivis, avec près de 2 555 enfants accueillis en 2012 contre 14 908 en décembre 2017 ([70])

Ensuite, on constate une différence de prise en charge de ces jeunes reconnus mineurs en fonction des territoires. Certains sont pris en charge en mesure éducative et d’autre en mesure des tutelles.

Enfin, l’enjeu de la minorité, qui ne se pose quasiment pas pour les enfants placés français disposant de tous les éléments probants, est d’une toute autre ampleur s’agissant des MNA, car dans un cas, ils pourront être pris en charge par la puissance publique et espérer construire leur vie en France, à condition d’obtenir un titre de séjour, tandis que dans l’autre, ils ont vocation à être reconduits à la frontière sur le fondement des dispositions de droit commun du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

● Les réponses respectives des conseils départementaux face à cet afflux massif ont été marquées par une « forte hétérogénéité » ([71]), dont la mission a pu prendre la mesure lors de ses travaux. Certains conseils départementaux ont intégré les mineurs non accompagnés dans les dispositifs habituels (MECS, foyers de l’enfance, …), quand d’autres ont développé à partir des structures qui préexistaient à la loi de 2007 des solutions d’hébergement spécifiques.

Néanmoins, l’analyse de l’ensemble des conseils départementaux converge sur un point : la contestation du principe, ou a minima des modalités de financement, de la prise en charge de cette problématique d’origine migratoire.

Une part de ce diagnostic repose sur deux éléments incontestables :

– la croissance du nombre de mineurs non accompagnés (MNA) a évolué plus vite que les moyens des conseils départementaux, les obligeant à faire des choix dans leur budget général, et au sein de leur budget consacré à la protection de l’enfance, entre la qualité de prise en charge des MNA et celle des autres enfants ; comme pour d’autres politiques sociales départementalisées, aucun mécanisme n’assure d’ailleurs de corrélation entre l’évolution des charges et celle des ressources ;

– la prise en charge par l’État de l’hébergement durant la phase d’évaluation de la minorité (parfois appelée « mise à l’abri »), le doute bénéficiant bien naturellement au jeune, est restée longtemps notoirement insuffisante ; le fonds national de financement de la protection de l’enfance (FNFPE) apportait jusqu’à une date récente un concours financier aux départements à hauteur de 250 euros par jour et par enfant, dans la limite de cinq jours ([72]), quand le prix de journée d’un hébergement en établissement classique est en moyenne de 200 euros et la phase d’évaluation dure parfois jusqu’à 60 jours ([73]). Or, chacun peut s’accorder à dire que cinq jours constituent un temps très bref qui doit comprendre à la fois la décision du président du conseil départemental ou du juge mais aussi le choix de l’orientation du jeune reconnu mineur. En moyenne les conseils départementaux s’accordent sur une prise en charge de 15 à 20 jours de ces jeunes, ce qui fait un différentiel de financement de 10 à 15 jours à la charge exclusive des départements.

Ces difficultés, réelles, se sont traduites par une saturation des structures d’accueil et la création d’une protection de l’enfance « à deux vitesses », la prise en charge des MNA se faisant parfois « au rabais », alors que celle des autres enfants de l’ASE n’est elle-même pas toujours satisfaisante, loin s’en faut (cf. supra).

La rapporteure souhaite évidemment que ces difficultés soient résolues rapidement, et promeut plusieurs pistes d’amélioration pour ce faire (cf. infra). Il y va de l’honneur d’une politique publique qui ne fait pas de discrimination en fonction de la nationalité. Il y va aussi d’une meilleure lisibilité, parmi les nombreuses difficultés de l’aide sociale à l’enfance, entre ce qui relève d’un choc incontestablement exogène, d’une part, et de la qualité intrinsèque des politiques départementales dans ce domaine, d’autre part.

B.   Quelques défis essentiels ont été identifiés en attendant un travail plus approfondi.

Sans prétendre à l’exhaustivité, la rapporteure souhaite insister sur quelques pistes intéressantes d’amélioration.

● S’agissant de la prise en charge administrative dans les dispositifs de protection de l’enfance, la spécificité de leur situation doit être pleinement assumée, avec plusieurs conséquences qui pourraient en être concrètement tirées :

– il a parfois été souligné que la situation des MNA devrait davantage relever de la compétence du juge des tutelles, plutôt que du juge des enfants puisque ce sont des enfants dont la filiation n’est pas établie ; en effet, en droit civil, des enfants privés de parents sont des pupilles de l’État qui relèvent de la juridiction des tutelles ; outre sa cohérence juridique, cette évolution permettrait de mieux partager la charge administrative dans le système judiciaire ; par ailleurs, la mise sous tutelle permettrait de leur ouvrir des modes d’hébergement qui leur sont aujourd’hui fermés comme l’accueil en famille bénévole ;

 

– l’accueil et l’orientation doivent passer davantage par des services spécifiques, en dehors du cadre généraliste, comme le service départemental d’orientation des MNA mis en place par les départements du Nord et de Haute Garonne qui traitent l’ensemble de ces mineurs, à l’exception des plus jeunes (moins de 15 ans) et des plus traumatisés ; dans ces départements très en avance sur le sujet, des appels à projets spécifiques ont été lancés pour expérimenter des dispositifs globaux associant mise à l’abri, accueil et accompagnement dédié.

● La question de la pertinence du conseil départemental comme « opérateur » de l’État en matière d’évaluation de la minorité demeure posée et posable ([74]), bien qu’elle ait été écartée jusqu’ici par le Gouvernement pour des raisons de fluidité avec les politiques départementales une fois cette évaluation réalisée. La rapporteuse estime qu’à la lumière des témoignages entendus la prise en charge de l’évaluation en direct par les services de l’État doit être à nouveau sérieusement envisagée.

Un second débat, d’un ordre différent, s’est fait jour lors des auditions sur le même sujet de l’évaluation de minorité : dans un souci de bonne gestion administrative, un fichier national doit être mis en place ([75]), afin d’éviter que l’évaluation de minorité soit doublonnée d’un département à l’autre. La question de la possible utilisation de ce fichier biométrique pour alimenter le fichier des étrangers en situation illégale est venue « polluer » cet outil qui aurait dû rester consensuel, car protecteur des deniers publics et, in fine, des moyens consacrés aux mineurs avérés. Compte tenu du déplacement du débat sur ce terrain, la rapporteure s’interroge, sans réponse définitive, sur l’opportunité de cloisonner ces deux fichiers, afin de mettre un terme à des polémiques inutiles.

De manière plus générale, la rapporteure souhaite insister sur la nécessité de ne pas ajouter de la suspicion à la suspicion, la complexité des réalités de l’immigration faisant se côtoyer, parfois dans les mêmes départements, des filières de fraude, soutenues par des passeurs, et des mineurs qui ne font pas valoir leurs droits à être protégés de l’exploitation par peur des représailles de ces mêmes passeurs (situation évoquée dans le département du Nord).

● Une fois la minorité constatée, la question de la répartition géographique, dont le principe a été reconnu par le législateur dans la loi du 14 mars 2016 ([76]), doit être également ouverte, sans opposer villes et campagnes. Trois pistes d’évolution ont été évoquées, lors des travaux de la mission :

– cette clef de répartition ne prend aujourd’hui pas en compte le comportement vertueux des départements qui accompagnent les ex-MNA à leur majorité avec des contrats jeunes majeurs ([77]), ce qui constitue une « prime » aux départements qui délaissent les jeunes dès leurs 18 ans ;

– elle ne bénéficie aujourd’hui pas à certains départements, et notamment à Mayotte ; s’il est difficile d’envisager des transferts compte tenu de la géographie de ce département, une compensation financière pourrait être envisagée permettant d’en tenir mieux compte ;

– enfin, le prix du transfert entre départements, en application de la clef, doit être globalement mieux « tarifé » entre départements.

● Durant leur accueil, s’il se révèle pérenne, un référent « MNA » pourrait prendre en charge leurs démarches administratives, notamment en vue d’obtenir un titre de séjour ; il s’agit en effet d’une condition sine qua non pour se projeter rapidement dans un avenir, notamment professionnel.

La situation d’urgence à Mayotte

La rapporteure a été alertée, notamment par la direction de la protection de l’enfance du conseil départemental de Mayotte, sur la situation extrêmement problématique des mineurs non accompagnés sur ce territoire. Ainsi, deux tiers des enfants suivis par l’ASE mahoraise et 30% des enfants placés en 2018 seraient des MNA. Cette situation est évidemment directement liée aux difficultés migratoires que rencontre ce territoire, avec notamment un afflux important de personnes originaires des Comores voisines. La construction d’un parcours scolaire et professionnel pour ces enfants est rendue extrêmement complexe au regard des difficultés structurelles du territoire de Mayotte sur ces questions.

Même au regard des solutions déployées au niveau national, le département de Mayotte demeure un cas spécifique puisque, s’il est concerné par la compensation financière depuis la loi du 14 mars 2016, il ne l’est pas s’agissant du système de répartition, pour d’évidentes raisons géographiques. Outre des solutions diplomatiques et juridiques qui dépassent le champ de cette mission, la non-prise en compte de cette situation hors norme pose un problème de principe. La rapporteure souhaite donc qu’un dispositif soit travaillé avec l’État pour compenser effectivement l’inapplicabilité du mécanisme de répartition géographique à Mayotte.

Source : mission d’information, sur la base d’une note du Conseil départemental de Mayotte.

 

Proposition n° 19 : Définir une vraie politique de prise en charge des MNA qui soit harmonisée sur le territoire et qui réponde aux réels besoins des jeunes reconnus mineurs et qui n’ont pas de famille sur le territoire


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Annexes

annexe N° 1 :
liste des propositions

 Proposition n° 1 : Faire évoluer la gouvernance de la protection de l’enfance, en :

– réunissant l’ensemble des organismes impliqués dans la protection de l’enfance (CNPE, ONPE, AFA, ODAS et HCFEA pour leurs sections consacrées à l’enfance) en une unique Agence nationale de protection de l’enfance, co-pilotée par l’État et les départements, afin d’assurer une application homogène de cette politique sur le territoire ;

– nommant auprès de chaque préfet un référent « protection de l’enfance », sur le modèle des délégués des préfets pour la politique de la ville ;

– déclinant au niveau départemental le modèle de l’Agence nationale, co-pilotée par le président du conseil départemental et le référent « protection de l’enfance » du préfet, qui réunirait toutes les parties prenantes associatives et institutionnelles (justice, éducation nationale, santé), et comprenant obligatoirement une association d’anciens enfants placés.

 Proposition  2 : Établir un référentiel national d’évaluation des informations préoccupantes en se basant sur une consultation ethno-clinique (évaluation culturelle des relations entre les parents et les enfants), la santé et le handicap

 Proposition n° 3 : Améliorer la visibilité du 119, en :

– rendant obligatoire la mention du 119 dans le livret de famille, le carnet de santé, et les carnets de liaison des élèves du second degré ;

– prévoyant une information spécifique à destination des enfants du premier degré et de leurs parents ;

– assurant l’effectivité de l’affichage obligatoire dans les foyers et les familles d’accueil, assorti d’une information sur la possibilité de saisir le Défenseur des enfants

 Proposition n° 4 : Prévoir pour les personnels éducatifs un module de formation spécifique, afin notamment que les enseignants soient plus à l’aise avec la déclaration des informations préoccupantes

 Proposition n° 5 : Améliorer la prise en charge médicale au moment de l’IP, en :

– généralisant au plus vite la mise en place dans les départements de médecins référents « protection de l’enfance », ou en permettant la désignation d’un autre professionnel médical de type infirmier de pratiques avancées, qui serait spécifiquement formé ;

– créant, dans chaque centre hospitalier susceptible d’accueillir des enfants, une équipe pluridisciplinaire référente « protection de l’enfance » ;

– créant au moins une UMJ par département ;

– prévoyant un module dédié de formation effective des personnels de santé au repérage de l’enfance en danger

 Proposition n° 6 : Améliorer la prise en compte de l’enfant dans la procédure judiciaire, en :

– rendant obligatoire la présence d’un avocat auprès d’un enfant quand une mesure d’assistance éducative ou de placement est envisagée ;

– auditionnant systématiquement les assistants familiaux en cas de placement en famille d’accueil ou les éducateurs qui suivent au quotidien l’enfant dans l’accueil collectif ;

– réalisant obligatoirement l’audition des enfants hors la présence de leurs parents ;

– mettant en place dans chaque tribunal pour enfant une salle d’attente dédiée équipée de sanitaires

 Proposition n° 7 : Mieux évaluer les capacités parentales pour mettre en place les procédures adaptées, en :

– modifiant l’article 381-1 du code civil pour supprimer ou préciser la notion d’empêchement des parents, afin de faciliter la déclaration de délaissement parental lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige ;

– introduisant la notion d’incapacité parentale pour ouvrir un projet à long terme pour l’enfant (adoption simple en maintenant des rencontres avec les parents empêchés, par exemple) ;

– mettant en place en parallèle de la mesure de protection de l’enfant un accompagnement pour les parents dont on estime qu’un étayage peut favoriser une évolution positive ;

– attendant que l’enfant soit prêt et le dise pour revoir le parent qui l’a maltraité

 Proposition n° 8 : Généraliser la mise en place des commissions d’évaluation de la situation et du statut des enfants confiés (CESSEC) et fixer dans la loi les acteurs pluridisciplinaires et pluri-institutionnels qui doivent y siéger (justice, éducation nationale, professionnel de santé, État, associations de protection de l’enfance…)

 Proposition n° 9 : Permettre le recours aux tiers digne de confiance, en :

– engageant une réflexion sur le statut des tiers digne de confiance (accompagnement par les services de l’ASE en éducatif et financier), afin d’encourager cette modalité de placement dans l’intérêt de l’enfant ;

– rendant obligatoire l’exploration de la solution d’un tiers digne de confiance avant de renouveler l’ordonnance de placement provisoire

 Proposition n° 10 : Améliorer la prise en charge médicale des enfants confiés, en :

– généralisant à court terme la prise en charge au forfait des enfants placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance ;

– inscrivant le droit à un bilan de santé dès le premier mois de placement au niveau législatif ou réglementaire ;

– remboursant les consultations de psychologues et psychiatres de ville quand les délais de prises en charge en centre d’action médico-sociale précoce (CAMPS) ou en centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) dépassent les deux mois ;

– ajoutant dans le cadre du service sanitaire la possibilité d’intervenir auprès des enfants en protection de l’enfance ;

– évaluant avec les acteurs concernés l’opportunité de désigner un médecin référent au sein de l’assurance maladie et des Agences régionales de santé en matière de protection de l’enfance ;

– développant des solutions permettant de prendre en charge les enfants dans leur lieu de vie

 Proposition n° 11 : Lutter contre la discrimination scolaire, en :

– nommant des professeurs des écoles dans les structures d’accueil d’urgence pour les jeunes déscolarisés pour éviter les ruptures dans les parcours ;

– faisant participer l’éducation nationale au PPE pour que les choix d’orientation de l’enfant soit mieux pris en compte

 Proposition n° 12 : Fusionner au sein du PPE les autres documents écrits remplis par les éducateurs référents, et normaliser davantage son contenu

 Proposition n° 13 : « Repenser » la formation des assistants familiaux, en vue de davantage la tourner vers les enjeux concrets de l’accueil

 Proposition n° 14 : Permettre aux professionnels de l’éducation nationale, de la justice, de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), de l’ASE et des personnels entourant au jour le jour l’enfant d’échanger sur les éléments importants pour la vie de celui-ci, en pratiquant le secret partagé

 Proposition n° 15 : À terme, mettre en place un seul système d’information permettant aux acteurs d’interagir, le conseil départemental jouant un rôle de « chef d’orchestre » du dispositif

 Proposition n° 16 : Clarifier les distinctions entre actes usuels et non usuels au niveau national en établissant une liste claire qui répond aux besoins fondamentaux dans la vie de tous les jours des enfants et dans le sens d’une plus grande confiance envers le service « gardien »

 Proposition n° 17 : Mieux normer et mieux contrôler le secteur, en :

– étudiant la reprise des contrôles des établissements accueillant des enfants par les services de la DDCS ;

– mettant en place des taux d’encadrement par des éducateurs dans les MECS, en AED, AEMO et AEMO « renforcé » en fonction de l’âge de l’enfant et pour les éducateurs référents ;

– réalisant un fichier des agréments des assistants familiaux au niveau national ;

– permettant aux associations du secteur d’accéder au casier judiciaire de leurs employés dans son ensemble ainsi qu’au fichier des délinquants sexuels ;

– créant un droit législatif de visite des structures de la protection de l’enfance pour les parlementaires, qui pourrait être mis en œuvre notamment par une délégation dédiée à l’Assemblée nationale

 Proposition n° 18 : Revoir le statut des assistants familiaux, en :

– autorisant les assistants familiaux à exercer une autre activité professionnelle, sous réserve d’adaptation des modalités d’agrément et de rémunération ;

– revalorisant la rémunération minimale des assistants familiaux et la prise en compte des frais professionnels qu’ils engagent ; et harmoniser cette rémunération sur l’ensemble du territoire

 Proposition n° 19 : Définir une vraie politique de prise en charge des MNA qui soit harmonisée sur le territoire et qui réponde aux réels besoins des jeunes reconnus mineurs et qui n’ont pas de famille sur le territoire

 

 


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annexe N° 2 :
liste des personnes auditionnées

(dans l’ordre chronologique)

● Table ronde réunissant d’anciens enfants accueillis :

– Mme Maëlle Bouvier

 M. Dylan Legrand

– M. Lyes Louffok

– Mme Sonya Nour

– M. Gilles Salmon

– Mme Gabrielle Scherrer

– M. Mamédi Diarra, président de REPAIRS 94 ! – Association des accueillis et anciens accueillis en protection de l’enfance du Val-de-Marne (ADEPAPE 94)

– M. Joao Bateka, administrateur de Repairs 75 ! – Association des accueillis et anciens accueillis en protection de l’enfance de Paris (ADEPAPE 75)

 Observatoire national de l’action sociale (ODAS) : M. Jean–Louis Sanchez, délégué général, et M. Didier Lesueur, directeur général

 Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) : Mme Michèle Créoff, vice-présidente, et Mme Marie Derain de Vaucresson, secrétaire générale

 Conseil économique, social et environnemental (CESE) : M. Antoine Dulin, auteur du rapport Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l’enfance, et Mme Morgane Hiron, collaboratrice du groupe des organisations étudiantes et mouvements de jeunesse

 Groupement d’intérêt public Enfance en danger (GIPED) –Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE) : Mme Michèle Berthy, présidente du GIPED, Mme Violaine Blain, directrice générale, et Dr Agnès Gindt Ducros, directrice de l’ONPE

 Défenseur des droits : Mme Geneviève Avenard, défenseure des droits des enfants, Mme Marie Lieberheer, cheffe du pôle défense des droits des enfants, Mme Bérengère Dejean, juriste-défense des droits des enfants, et Mme Candice Lequiller, attachée parlementaire

 École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) : Mme Anne Devreese, directrice générale

 Table ronde réunissant des représentants des assistants familiaux :

– Fédération nationale des assistants familiaux (FNAF) : Mme Michelle Babin, présidente, Mme Odile Usereau et Mme Patricia Benoît, membres du conseil d’administration

– Union fédérative nationale des associations de famille d’accueil et assistants maternels (UFNAFAAM) : Mme Martine Orlak, présidente, et Mme Sandra Onyszko, responsable communication

 Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) : Mme Muriel Eglin, sous-directrice des missions de protection judiciaire et d’éducation

 Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes : M. Olivier Noblecourt, délégué interministériel, et M. Clément Cadoret, conseiller

● Table ronde réunissant des acteurs de la détection et de la prise en charge médicale des enfants en situation de vulnérabilité :

‑ Dr Martine Balençon, présidente de la Société française de pédiatrie médico-légale

‑ Dr Béatrice Bennevault et Dr Martin Pavelka, membres du Conseil d’administration de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API)

‑ Dr Marie-Paule Martin-Blachais, directrice de l’École de protection de l’enfance, membre expert de la Haute autorité de santé (HAS)

‑ Dr Caroline Rey-Salmon, cheffe de l’unité médico-judiciaire (UMJ) de l’Hôtel-Dieu, Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), et Mme Mélanie Dupont, psychologue pour les mineurs à l’UMJ de l’Hôtel Dieu, et présidente de l’association Centre de victimologie pour mineurs

‑ Dr Pierre Suesser, Dr Maryse Bonnefoy, et Dr Cécile Garrigues, co-présidents du Syndicat national des médecins de la protection maternelle infantile (SNMPMI)

‑ Dr Nathalie Vabres, pédiatre-coordonnateur de l’unité d’accueil des enfants en danger, centre hospitalier universitaire de Nantes

 Association des directeurs d’action sociale et santé des départements et métropoles (ANDASS) : M. Jean-Paul Raymond, président, et M. Roland Giraud, délégué au développement des partenariats

 Table ronde réunissant des avocats spécialisés dans la protection de l’enfance :

– Me Josine Bitton, avocate au Barreau de Seine-Saint-Denis

– Me Isabelle Corrales, avocate au Barreau de Lille

– Me Isabelle Gerdet, avocate au Barreau de Tours

– M. Jacques-Édouard Briand, directeur des affaires législatives du Conseil national des Barreaux (CNB)

 Table ronde réunissant des sociologues spécialistes de la protection de l’enfance :

‑ Mme Isabelle Frechon, socio-démographe, chargée de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Laboratoire Printemps à l’Université Paris Saclay

‑ Mme Pierrine Robin, sociologue, maître de conférences habilitée à diriger des recherches en sciences de l’éducation à l’Université Paris‑Est Créteil Val‑de‑Marne

 Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) : M. Laurent Gebler, président, et Mme Gisèle Delcambre, secrétaire générale

 Assemblée des départements de France (ADF) : Mme Marie‑Louise Kuntz, vice-présidente du conseil départemental de la Moselle ; M. Ludovic Maréchal, directeur de l’aide sociale à l’enfance de Moselle ; M. Jean‑Michel Rapinat, directeur délégué des politiques sociales ; et Mme Ann‑Gaëlle Werner‑Bernard, conseillère chargée des relations avec le Parlement

 Table ronde réunissant des associations œuvrant dans le secteur de la protection de l’enfance :

– Fondation Action enfance : M. François Vacherat, directeur général, et M. Marc Chabant, directeur du développement

– SOS villages d’enfants : M. Hervé Laud, directeur de la prospective et du plaidoyer

– ATD-Quart Monde : Mme Isabelle Bouyer, membre de la délégation nationale, et Mme Céline Truong, référente du secrétariat famille-petite enfance

 Association nationale des directeurs de l’enfance et de la famille (ANDEF) : Mme Chantal Rimbault, présidente, et M. Olivier Hiroux, directeur général adjoint des solidarités humaines des Pyrénées-Atlantiques

 Table ronde sur la thématique des mineurs non accompagnés :

‑ Conseil départemental de Seine-Saint-Denis : M. Stéphane Troussel, président ; Mme Flora Flamarion, directrice générale adjointe au pôle solidarité ; et M. Cédric Costille, conseiller technique solidarité et familles au cabinet du président

‑ Apprentis d’Auteuil : M. Baptiste Cohen, directeur de projet au pôle protection de l’enfance ; Mme Anne Werey, directrice régionale adjointe Grand-Est ; et Mme Émilie Casin, responsable du plaidoyer et des relations extérieures

‑ Secours catholique – Caritas France : Mme Claire Sabah, chargée de projets au département accueil et droits des étrangers

 Unité magistrats  SNM FO : Mme Béatrice Brugère, secrétaire générale, et Mme Claire Danko, membre du bureau national

 Syndicat de la magistrature : Mme Sophie Legrand et Mme Lucille Rouet, secrétaires nationales

 Union syndicale des magistrats : M. Florent Boitard, secrétaire général adjoint, et Mme Nina Milesi, secrétaire nationale

 Table ronde réunissant des associations représentant des parents contestant les décisions de placement de leurs enfants :

– Association contre l’aliénation parentale pour le maintien du lien familial (ACALPA) : Mme Olga Odinetz, présidente

– Autisme France : Mme Danièle Langloys, présidente

– Rendez-nous nos enfants : Mme Hélène Lombard, présidente

– Violette justice (*) : M. Sylvain Moraillon, vice‑président

 Table ronde réunissant des acteurs de l’Éducation nationale :

‑ Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) : Mme Véronique Gasté, cheffe du bureau de la santé, de l’action sociale et de la sécurité

‑ Syndicat de tous les assistants sociaux de la fonction publique (SNUAS-FP FSU) : Mme Nathalie Andrieux-Hennequin et M. Brice Castel, co-secrétaires généraux

‑ Syndicat national des assistants sociaux de l’Éducation nationale (SNASEN) : Mme Tiphaine Jouniaux, secrétaire générale

‑ Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) : Mme Christine Coq‑Moutawakkil, chargée de mission

 Carrefour national de l’action éducative en milieu ouvert (CNAEMO) (*) : M. Salvatore Stella, président

 Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) : M. Jean‑Philippe Vinquant, directeur général, et Mme Isabelle Grimault, sous‑directrice de l’enfance et de la famille

 Table ronde réunissant des administrations responsables des politiques de santé :

– Direction générale de l’offre de soins (DGOS) : Mme Sylvie Escalon, adjointe auprès du sous-directeur de la régulation de l’offre de soins, et M. Thierry Kurth, chef du bureau prises en charge post aigües, pathologies chroniques et santé mentale

– Agence régionale de santé (ARS) des Pays de la Loire : M. Jean‑Jacques Coiplet, directeur général

– Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle Aquitaine : M. Samuel Pratmarty, directeur de l’offre de soins et de l’autonomie

 Association nationale de recherche et d’action solidaire (ANRAS 31) : M. Gérard Castells, directeur, et M. Julien Chanut, directeur‑adjoint

 Convention nationale des associations de protection de l’enfance (CNAPE) (*) : Mme Fabienne Quiriau, directrice générale, et Mme Laure Sourmais, responsable du pôle protection de l’enfance

 Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS) : M. Patrick Doutreligne, président, et Mme Marie Lambert-Muyard, conseillère technique Enfances‑familles-jeunesses

 Table ronde réunissant des éducateurs spécialisés et chefs de service :

– Mme Stéphanie Coudari, éducatrice spécialisée de l’association départementale de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence de Seine–et-Marne (ADSEA 77)

– M. Yannick Cravageot, chef du service de mesures d’investigation et de proximité de Mulhouse (MIP)

– Mme Caroline Haegelin, chef du service d’investigation éducative du Haut-Rhin (SIE 68) – Antenne colmarienne

– M. Thomas Latrasse, éducateur spécialisé au service Mineurs non accompagnés de l’association départementale de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence du Var (ADSEA 83)

– Mme Sabrina Regragui, éducatrice spécialisée du service d’éducation en milieu ouvert de Lorient (SEMO ‑ SAUVEGARDE 56)

– Mme Vanessa Vollaire, éducatrice spécialisée en hébergement du comité dauphinois d’action socio-éducative (CODASE) de Grenoble

 M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la santé

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


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annexe n° 3 :
Déplacement de la mission dans le département du Nord
5 juin 2019

● 9h-10h30 : Visite de la maison d’enfants à caractère social (MECS) Albert Châtelet à Mériginies, gérée par l’Association laïque pour l’éducation, la formation, la prévention et l’autonomie (ALEFPA)

– Mme Nathanaëlle Debouzie, directrice territoriale de l’ALEFPA

– M. Abdelaziz Ouarab, directeur de la MECS

● 11h-13h : Table ronde relative à la prise en charge des mineurs non accompagnés (hôtel du département, à Lille)

– Département du Nord :

     M. Martin Renard, conseiller technique du Président

     Mme Laetitia Lecerf, assistante du vice-président Enfance, famille, jeunesse

     Mme Patricia Delorme, directrice Enfance, famille, jeunesse

     Mme Isabelle Ivanoff, responsable du pôle Jeunesse

     Mme Camille Nouethou, responsable du pôle service contentieux

‑ GME (Groupement momentané d’employeurs, œuvrant pour le département) :

     Mme Aurélie Boulesteix, coordinatrice du groupement

     Mme Nathanaëlle Debouzie, directrice territoriale de l’ALEFPA

‑ Trajet (Groupement de coopération sociale et médico-sociale, œuvrant pour le département) :

     M. Maxime Cabaye, président-administrateur

     Mme Stéphanie Deregnaucourt, directrice générale

● 13h-14h15 : Déjeuner de travail avec des représentants du département du Nord, autour de la question des jeunes majeurs sortant de l’aide sociale à l’enfance (ASE)

– M. Martin Renard, conseiller technique du Président

– Mme Laetitia Lecerf, assistante du vice-président Enfance, famille, jeunesse

– Mme Patricia Delorme, directrice Enfance, famille, jeunesse

– Mme Isabelle Ivanoff, responsable du pôle Jeunesse

– Mme Camille Nouethou, responsable du pôle service contentieux

● 14h15-15h30 : Table ronde avec des représentants du département du Nord, relative à l’offre de services et de soins au regard des besoins de l’enfant

– M. Jean-René Lecerf, président

– M. Martin Renard, conseiller technique du Président

– Mme Laetitia Lecerf, assistante du vice-président Enfance, famille, jeunesse

– M. Jean-Pierre Lemoine, directeur général adjoint Solidarité

– Mme Patricia Delorme, directrice Enfance, famille, jeunesse

– Dr Laurence Lecomte, chargée de la stratégie santé à la direction générale Solidarité

– Dr Valérie Ternel, responsable de service de protection maternelle et infantile (PMI)

– M. Bruno Lombardo, directeur de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH)

● 15h45-17h15 : Table ronde autour des acteurs de la justice (Préfecture du Nord)

– M. Thierry Pocquet du Haut-Jussé, procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lille

– M. Thibaut Arnou, vice-procureur, chef de la section des mineurs du parquet

– Mme Delphine Thibierge, première vice-présidente du tribunal pour enfants de Lille

– Mme Christine Soyez-Martin, vice-présidente du tribunal pour enfants de Lille

– Mme Marie-Cécile Pineau, directrice territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du Nord

– M. David Carion, directeur adjoint de la PJJ

– M. François Dehaies, directeur du service territorial de milieu ouvert de Valenciennes-Maubeuge


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annexe n° 4 :
Déplacement de la mission dans le département
de seine-saint-denis
12 juin 2019

● 9h-10h : Entretien avec Mme Fadéla Benrabia, Préfète déléguée à l’égalité des chances

● 10h-10h15 : Accueil au Conseil départemental par M. Frédéric Molossi, vice-président chargé de l’enfance et la famille

● 10h15-10h45 : Présentation du contexte départemental et des grands axes du schéma de protection de l’enfance

– M. Pierre Stecker, directeur de l’enfance et la famille

– Mme Dorothée Lamarche, responsable de l’Observatoire départemental de la protection de l’enfance (ODPE)

● 10h45-12h : Table ronde réunissant les acteurs locaux de la protection de l’enfance

– Mme Claire Paucher, juge des enfants

– M. Jean-Christophe Brihat, directeur territorial de la protection judiciaire (PJJ)

– M. Hervé Sébille, directeur académique adjoint

– Mme Morgane Nicot, directrice générale du Centre départemental enfance et familles (CDEF)

– Mme Michèle Estraillier président de l’association Idée93

– M. Stéphane Eudier, directeur général de l’association Sauvegarde de Seine-Saint-Denis

● 14h-15h : Visite du centre maternel La Chrysalide

● 15h30-16h30 : Visite de la maison d’enfants à caractère social (MECS) Le Chenay et de l’hôtel des familles de l’association Jean Cotxet à La Courneuve

 


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ANNEXE N° 5 :
Contributions DE MEMBRES DE LA MISSION

Contribution de Mme Elsa Faucillon, députée des Hauts-de-Seine

 

1-     Instaurer un contrôle externe sur les structures d’accueil de l’aide sociale à l’enfance réalisé par des associations d’anciens enfants placés et des travailleurs sociaux recueillant la parole des jeunes

 

Evidemment, une cellule d’écoute interne ne suffit pas à enrayer cette violence.

Parfois, les enfants et les jeunes n’osent pas se confier à d’autres jeunes ou d’autres éducateurs au sein de leur structure. Un contrôle externe doit également être organisé afin de s’assurer que dans des cas de violences, tout est mis en place pour y remédier. Nous proposons donc la création d’organes de contrôle externe composés notamment d’associations d’anciens enfants placés et de travailleurs sociaux qui pourraient être saisis, par un enfant, un employé ou un parent, afin de réaliser une mission de contrôle dans une structure faisant visiblement face à des violences.

Les associations d’anciens enfants accueillis sont les mieux placées pour réaliser cette mission de contrôle, étant capable de créer un lien de confiance avec les jeunes, qui pourront plus facilement se confier sur les violences dont ils sont victimes ou témoins. Les travailleurs sociaux, confrontés au quotidien à ces problématiques, ont une expertise indispensable à ces missions de contrôle.

Cette mission de contrôle devra aboutir sur un rendez-vous avec le ou la responsable de la structure d’accueil, un représentant du Département et u représentant du personnel éducatif afin de trouver une solution pour faire cesser les violences dans la structure. La solution pourra être appréciée par ces représentants et cet organe de contrôle en fonction de la gravité et de la situation du ou des jeunes concernés. S’il y a lieu et si la solution n’est pas mise en place, les organes de contrôle doivent être en mesure de saisir un juge pour mettre fin aux violences. Nous proposons également que ces organes de contrôle interviennent dans les familles d’accueil. En effet, les jeunes dénoncent souvent le contrôle très superficiel de la part des services sociaux qui ne permet que de déceler des maltraitances visibles. Cependant, le mal-être de certains jeunes dans leurs familles d’accueil peut être plus profond et n’est pas toujours dû à des maltraitances de l’assistant familial mais à un malaise du jeune plus global. Nous proposons qu’ils interviennent une première fois trois mois après le placement dans une famille d’accueil puis une fois par an par la suite afin de pouvoir s’entretenir avec le jeune et réaliser un contrôle plus qualitatif sur la mesure dont le jeune a fait l’objet.

S’il y a lieu, ces organes de contrôle pourront saisir un juge afin de modifier la mesure de placement dont fait l’objet l’enfant ou le jeune.

 

2-     Réaliser des entretiens tous les six mois à partir de 10 ans en présence de l’éducateur, l’assistant familial s’il y a lieu, un pédopsychiatre, un représentant du Département, un représentant pédagogique et le jeune.

 

Pour aller plus loin dans la mise en place d’un projet pour l’enfant, des entretiens doivent être réalisés avec des personnes diverses. L’actualisation du projet pour l’enfant intervenant une fois par an, celle-ci doit être précédée de discussions permettant à l’enfant de comprendre les options qui s’offrent à lui. Ces entretiens doivent être réguliers afin de permettre à l’enfant de changer d’avis, de réfléchir à ce qu’on lui propose, d’évaluer les possibilités. Nous proposons une série d’entretiens tous les six mois afin de s’adapter aux évolutions de l’enfant et à ses questionnements. Il est nécessaire de réaliser ces entretiens avec plusieurs personnes ayant des points de vue différents sur la situation de l’enfant et des compétences multiples.

La présence de l’éducateur et l’assistant familial, s’il y a lieu, est indispensable.

Ces deux personnes suivent l’enfant quotidiennement et connaissent son parcours, ses difficultés et son évolution. Cependant, la présence de personnes plus extérieures, moins impliquées, est aussi importante, permettant un plus grand recul sur les options qui s’offrent à lui. Un pédopsychiatre peut évaluer de manière différente l’attitude et les paroles de l’enfant. Il a un regard médical très important pour le bien-être de l’enfant. Pareillement, la présence d’un représentant pédagogique, un professeur ou un représentant administratif dans l’école dans laquelle étudie l’enfant, serait salutaire. Il pourrait aider le jeune ou l’enfant à choisir des options éducatives en fonction de son parcours et de ses passions. Le parcours scolaire occupe une place très importante de la vie d’un enfant et doit être central dans son projet. Il doit être construit avec lui et non lui être imposé afin que l’investissement de l’enfant dans ses études soit plus grand. Enfin, la présence d’un représentant du Département permet d’évaluer la mesure dont bénéficie l’enfant de manière extérieure et peut la modifier ou saisir un juge s’il y voit une nécessité ou si l’enfant le demande.

Pour certains entretiens et en fonction des besoins et des voeux de l’enfant, un représentant de l’autorité parentale pourra être présent afin de participer également à son projet de vie, à des possibles changements de mesures de l’aide sociale à l’enfance et à une meilleure communication avec les équipes éducatives. Nous aimerions cependant prévoir une exception afin de ne pas instaurer une « injonction à se raconter ». Sur la demande de l’enfant, si sa situation le permet et si les travailleurs sociaux qui le suivent donnent leur accord, cet entretien peut avoir lieu moins fréquemment.

 

3-     Créer des instances participatives composées de jeunes au sein de chaque structure d’accueil collective

 

Les jeunes accueillis par des structures de l’aide sociale à l’enfance doivent pouvoir

participer pleinement à la vie de leurs structures. Aujourd’hui, certaines structures le font déjà, d’autres restent très hiérarchisées et n’ouvrent pas la porte à des initiatives des jeunes alors même que c’est leur lieu de vie. Sur le modèle d’un conseil de vie lycéenne ou d’un conseil d’internat, les jeunes pourraient se réunir tous ensemble ou élire des représentants afin de créer des projets qui leur parait important pour améliorer leur quotidien. Les jeunes peuvent également être répartis dans différents groupes de travail en fonction de leurs intérêts.

Ils pourraient même participer plus largement à établir des propositions de politiques

publiques sur le sujet de l’aide sociale à l’enfance. La participation des jeunes à la prise de décision est non seulement indispensable à une amélioration concrète de leur quotidien grâce à des initiatives permettant la mise en place de certains projets, mais elle contribue également à l’éducation civique et la responsabilisation des jeunes. SOS Villages d’enfants a créé des instances de participation de jeunes élus dans les villages faisant des propositions concrètes et les jeunes sont accueillis dans les groupes de travail. Nous proposons de rendre ces instances de participation obligatoire dans toutes les structures d’accueil collectives. Ces instances de participation pourront proposer des projets ou instaurer certaines règles améliorant leur quotidien et les propositions qui en ressortiront devront être, dans la mesure du possible, respectées par les responsables des structures d’accueil.


 

Focus sur : Passerelle 92

 

L’association Passerelle 92 a pour but d’accueillir 24 heures sur 24, des enfants dont les parents sont confrontés à des problèmes familiaux, sociaux ou de santé, ponctuels ou périodiques, cet accueil se fait en dehors de toute mesure officielle. Il se propose de répondre à la difficulté d’être parent sans pouvoir s’appuyer sur un réseau familial ou de voisinage et d’offrir à l’enfant un lieu intermédiaire entre l’intimité familiale et le monde extérieur.  La structure d’accueil se définit comme un « relais parental », se situant en complémentarité de l’action exercée par le service social de secteur, la protection maternelle et infantile et l’aide sociale à l’enfance qui le considèrent comme un outil de prévention.

 

 

4-     S’assurer du soutien juridique du jeune à chaque étape

 

De nombreux jeunes accueillis par l’aide sociale à l’enfance devront faire face à des juges pour enfants, décidant ou non de leur maintien dans la structure, décidant ou non du retour dans la famille d’origine… Lors de l’audition de la mission d’information de l’aide sociale à l’enfance, Gabrielle nous confiait cette angoisse du Tribunal où elle arrivait seule. Le juge demandait pourquoi elle n’avait pas d’avocat. D’après elle, personne ne l’avait jamais informée de la possibilité de prendre un avocat.

Nous proposons donc que, pour chaque étape juridique, notamment devant le juge des enfants, les services de l’aide sociale à l’enfance s’assurent de la préparation du jeune à l’audience ainsi que de la présence d’un avocat. Les jeunes doivent tous être représentés par un avocat lors des audiences devant le juge des enfants afin de connaître leurs droits et que leur parole soit entendue et défendue.

 

5-     Harmonisation des statuts des familles d’accueil ASE et PJJ

 

Au cours de nos rencontres avec le syndicat FSU de la PJJ et l’Union Fédérative

des Associations de Familles d’Accueil et Assistants Maternels (Ufnafaam), nous avons réalisé les différences profondes entre les familles d’accueil ASE et les familles d’accueil PJJ.

Il y a tout d’abord un écart considérable de rémunération. Les assistants familiaux dépendant de l’aide sociale à l’enfance sont rémunérés pour l’accueil d’enfants.

Les familles d’accueil PJJ, elles, sont défrayées et ne bénéficient pas de fiches de paie. Elles ont le statut de bénévoles indemnisés. De plus, le métier d’assistant familial nécessite une formation et un agrément. Les familles d’accueil PJJ sont souvent très peu formées et n’ont pas besoin d’agrément. L’Ufnafaam nous faisait notamment part d’une anomalie : les familles d’accueil PJJ sont souvent les personnes qui se sont vus refuser l’agrément d’assistant familial de l’aide sociale à l’enfance. Ici encore, nous assistons à un dispositif de seconde classe pour les jeunes relevant de la PJJ. Alors même que ces jeunes demandent souvent une formation particulière, un suivi renforcé et le développement d’un lien d’attachement, les familles d’accueil qui leur sont réservées ne sont pas formées et sont très peu contrôlées. Nous proposons donc une harmonisation des salaires, des formations et du suivi dont bénéficient les familles d’accueil relevant de l’aide sociale à l’enfance et celles relevant de la PJJ. Evidemment, les conditions des familles d’accueil de la PJJ devront être alignées sur celles des familles d’accueil de l’ASE et non l’inverse. Cela permettra d’introduire de nouvelles mesures cumulatives entre l’ASE et la PJJ, permettant aux familles d’accueil de travailler côte à côte, pour le bien des jeunes accueillis.
 


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Contribution Mme Delphine Bagarry, députée des Alpes-de-Haute-Provence

 

 

Alors que les MNA ne représentent qu’une part de l’ensemble des mineurs et jeunes accueillis à l’aide sociale à l’enfance, les mesures de protection des départements pour ces enfants se distinguent de celles à destination des enfants nés en France.

 

Alors que le droit français garantit une protection d’urgence aux mineurs étrangers, dans les faits rien n’assure qu’un enfant isolé fasse l’objet de mesures immédiates de mise à l’abri ; parce qu’il peut attendre plusieurs mois pour disposer d’une évaluation dans un département ou alors que les notifications de refus de prise en charge du département ne sont pas suspensives lors de leur contestation devant l’autorité judiciaire.

 

Tant que ni le parquet, ni le juge des enfants ne sont saisis, le président du conseil départemental apprécie discrétionnairement la situation du jeune et peut conclure qu’il n’est pas un mineur en danger et lui signifier un refus de l’admettre plus longtemps dans son service.

 

Les mineurs non-accompagnés, lorsqu’ils arrivent en France, ne peuvent pas être assurés de bénéficier d’une mise à l’abri et d’une prise en charge que leur statut d’enfant en danger doit normalement leur assurer.

 

A cette situation, s’ajoute une disparité forte dans l’évaluation et la mise à l’abri. Certains départements peuvent être tentés de lier les reconnaissances de minorité à leurs capacités d’accueil. Certaines collectivités font des enfants isolés étrangers la variable d’ajustement de leur politique de protection de l’enfance.

 

A cette situation s’ajoute une disparité forte dans la mise à l’abri. Un rapport parlementaire de 2017 faisait état d’hébergement d’urgence au tarif de 17 euros par jour, dans des hôtels à bas coûts, sans accompagnement éducatif ni accès aux soins. Les enquêtes menées par le Défenseur des Droits ont confirmé ces faits ; des départements confient l’hébergement des enfants étrangers placés aux moins-disants répondant à des appels d’offre dont les cahiers des charges négligent l’assistance éducative.

 

Cette inégalité de traitement nous met, ipso facto, en inconformité avec nos engagements internationaux relatifs aux droits de l’enfant et motive l’harmonisation entreprise par l’Etat.

 

La circulaire du 31 mai 2013 proposait une répartition nationale. Annulée par le Conseil d’Etat, elle a amené le législateur, dans la n°2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, à inscrire dans la loi des principes présidant à la répartition des mineurs non-accompagnés et renforçant les compétences des magistrats concernant les conditions de leurs placements.

 

Plusieurs textes réglementaires découlant de ces principes fixés par le législateur ont abouti à étoffer le code de l’action sociale et des familles afin de déterminer des règles communes relatives aux conditions d’accueil et aux conditions d’évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

 

Ainsi, des règles nationales ont été déterminées, posées par voie réglementaire et sanctionnées par les tribunaux des deux ordres de juridiction. Elles n’ont pas permis de garantir, localement, la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant, principe à valeur constitutionnelle depuis le mois de mars, sur celui du département.

 

Dans le même temps, des départements, se déclarant exsangues, ont, par voie contentieuse, contesté le fait qu’ils devaient porter seuls la protection de l’enfance et de ce fait, la mise à l’abri et l’évaluation et des mineurs non-accompagnés. Dans une décision de 2017, le Conseil d’Etat a admis que la prise en charge pouvait-être refusée, faute avérée de ressources. De façon supplétive, le Juge administratif exige de l’Etat qu’il assure ou finance une protection de remplacement.

 

Depuis 2017, l’Etat et les départements ont travaillé à renouveler leur relation concernant la prise en charge des enfants isolés étrangers. A la demande du Chef du Gouvernement, une mission bipartite a formulé diverses recommandations visant à définir un cadre rénové de prise en charge des mineurs non-accompagnés et définir les responsabilités incombant soit à l’Etat, soit à la collectivité.

 

Parmi les propositions, ont été retenues les conditions du soutien de l’Etat pour la mise à l’abri et l’évaluation des mineurs non-accompagnés, l’extension de 5 à 23 jours de la prise en charge financière de la phase de premier accueil et l’annonce de financements supplémentaires constituent de vraies avancées.

 

Néanmoins, dans la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, le législateur a également repris une proposition de la mission : la création d’un fichier biométrique des personnes évaluées.

 

Les débats parlementaires ayant abouti à cette mesure ont mis en exergue une implication plus grande du ministère de l’Intérieur dans les moyens mis par l’Etat pour une politique qui relève de la protection de l’enfance.

 

Le décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 relatif aux modalités d'évaluation des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille créant le fichier biométrique, est allé au-delà du périmètre ouvert par le législateur en modifiant le code de l’action sociale et des familles, en modifiant les conditions d’évaluation :

 

Le président du conseil départemental peut solliciter le concours du préfet du département pour l’assister dans les investigations contribuant à l’évaluation de la situation de la personne et vérifier l’authenticité des documents fournis par la personne présumée mineure.

 

De surcroît, le décret prévoit également les conditions d’accès des travailleurs sociaux des départements aux fichiers AGDREF2 et Visabio, et permet, aux services préfectoraux exécutant les obligations de quitter le territoire français (OQTF), de disposer d’informations concernant de présumés mineurs, évalués majeurs par un département, alors qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une décision de justice. Seule l’autorité judiciaire peut se prononcer définitivement sur la minorité ou la majorité d’une personne.

 

Ce décret a immédiatement fait l’objet d’une procédure contentieuse, 19 organisations requérantes en ont demandé l’annulation. Contestant auprès du Conseil d’Etat la constitutionalité de la mesure, celui-ci a décidé de renvoyer la question au Conseil constitutionnel qui sera amené, au courant du mois de juillet 2019, à se prononcer sur l’article L. 611-6-1 du CESEDA.

Ainsi, l’orientation des jeunes qui se préfigure ne semble pas, à ce jour, répondre au double objectif d’harmonisation des pratiques et de défense de l’intérêt supérieur de l’enfant. De surcroît, le décret semble être un obstacle aux échanges, nécessaires, entre les organisations de protection de l’enfance et l’Etat, ces dernières dénonçant, comme le Défenseur des Droits, un dévoiement de la protection de l’enfance ; les enfants isolés étrangers seraient/sont traités comme des étrangers, il serait/est exercé sur eux un contrôle migratoire.

 

Pourtant, l’harmonisation est plus que jamais souhaitable. Il est nécessaire d’introduire un cadre nouveau, conforme avec le principe constitutionnellement garanti de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, présidant aux relations entre l’Etat et les départements, entre l’Etat et les organisations de protection de l’enfance.

 

Des dispositions réglementaires avaient été posées par le pouvoir Exécutif en 2016, en application n°2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant. Il conviendrait de leur donner une valeur normative supérieure, ce qui reviendrait à inscrire dans la loi les modalités d’évaluation des personnes dites « mineurs non-accompagnés », afin de donner un cadre légal à l’harmonisation.

 

Concrètement, cette transposition reviendrait à inscrire le principe de formation commune des évaluateurs. Les crédits pour financer cette formation existent, ils ont été votés par le législateur dans la loi de Finance pour 2019 (action 19 du programme 304 de la mission Solidarité) dans le cadre de la mise en œuvre du plan de lutte contre la pauvreté.

 

De la même façon, il est nécessaire de mettre systématiquement en place un bilan médical complet adapté à l’âge des enfants isolés, une mise à jour vaccinale, un dépistage de la tuberculose et un entretien avec un psychologue. L’extension de la phase du premier accueil de 5 à 23 jours permet la réalisation de cet objectif qui doit se faire durant un temps de répit accordé au jeune.

 

Le législateur doit prendre acte de l’exigence constitutionnelle de protection des enfants et du principe de présomption de minorité qui en découle en définissant la notion de personnes reconnues mineures.

 

Enfin, il doit s’assurer que l’évaluation respecte l’authenticité des actes de l’état civil dans les conditions mentionnées à l’article 47 du Code civil et que l’évaluation se déroule systématiquement dans une langue comprise par l’intéressé, le cas échéant avec le recours d’un interprète faisant preuve de neutralité vis-à-vis de la situation.

 

Pour assurer la mise en œuvre de l’ensemble de ces propositions, la centralisation du premier accueil pourrait être envisagée. Toutefois, pour les raisons précitées, il reviendrait aux services de l’Etat les plus compétents en matière de protection de l’enfance, protection judiciaire de la jeunesse ou direction générale de la cohésion sociale, de les mettre en œuvre.

 

De façon concomitante, plusieurs démarches pourraient être entreprises pour améliorer la situation des mineurs isolés étrangers déjà pris en charge par l’ASE. En premier lieu, il conviendrait de faciliter, voire d’automatiser leur régularisation pour éviter des ruptures de parcours mais aussi par cohérence avec l’accompagnement social qui a pour objectif de mener ces jeunes à une autonomie et une intégration sociétale.

 

Ainsi, une harmonisation des pratiques préfectorales pour ces futurs majeurs est souhaitable, facilitant l’accès aux études, au travail, au service civique, elle permettrait également aux départements de mieux anticiper les sorties de l’ASE et la contractualisation avec les jeunes irait de pair.

De même, la généralisation des administrateurs ad hoc, ou d’un tiers digne de confiance, doit-être prise en compte ; il faut que le jeune puisse s’appuyer sur un adulte apte à prendre des décisions pour lui ou à l’aider dans la construction de son parcours.

 

Au regard des travaux de la mission ASE, des problèmes soulevés durant les auditions et retracés dans cette contribution, il paraît nécessaire de créer une mission d’information sur les mineurs non-accompagnés.

 

Cette mission devra s’attacher à la singularité du parcours de ces enfants et aux conditions de mise en œuvre d’un dispositif adapté pour cesser des prises en charge ne répondant pas à nos engagements internationaux relatifs aux droits de l’enfant afin de les considérer avant tout comme des enfants et non des migrants.


Contribution de Mme Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne

 

Bien au-delà de l’Aide Sociale à l’Enfance

 

Ce qu’on de commun les enfants de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), ce sont les difficultés multiples qu’ils rencontrent à la sortie. Ignorer les liens entre l’enfance en danger et l’accompagnement des jeunes majeurs revient à ignorer l’intérêt supérieur de l’enfant. La loi Bourguignon choisit d’ignorer les besoins des Mineurs Non Accompagnés et de favoriser la contractualisation à minima. Tous les groupes parlementaires étaient arrivés à un consensus mais le gouvernement, comme à son habitude a vidé de sa substance la proposition de loi, le jour même de son vote. En prévoyant un contrat d’accès à l’autonomie sans financement d’aides sociales obligatoires et un délai minimal de 18 mois cumulés dans les 24 derniers mois avant la majorité pour constituer une demande, la mission d’information a été orientée dans une voie sans issue. Cette loi discrimine ouvertement les enfants protégés tardivement, les plus fragiles selon les mots de Lyes Louffok. Creuser les inégalités, est-ce cela les propositions pour les enfants de l’Aide Sociale ?

Nombreux sont les témoignages qui dénoncent les injonctions paradoxales entre le maintien du lien parent-enfant et l’intérêt supérieur de l’enfant. Plus de soixante-dix ans après les ordonnances de 1945, qui définissent le cadre législatif de la protection de l’enfance, les questionnements s’articulent autour des mêmes thématiques, les moyens financiers et humains, la santé, l’éducation et la prévention des violences domestiques.

 

Des constats transversaux

 

Le premier constat est d’ordre budgétaire mais il ne peut aucunement justifier les dérives. L’ASE a pour mission essentielle de venir en aide aux enfants et à leur famille par des actions de prévention individuelles ou collectives, de protection et de lutte contre la maltraitance. Lorsqu'un mineur ne peut être maintenu dans sa famille, l’ASE est chargée de répondre à l'ensemble de ses besoins. Or, on constate que la loi est appliquée inégalement sur le territoire et ne permet pas à tous les enfants de bénéficier des mêmes dispositifs de protection. Même les critères qui définissent une situation ou un risque de danger, l’intérêt supérieur de l’enfance ou encore les éléments des informations préoccupantes sont laissés à l’appréciation des professionnels des services. La question des moyens raisonne et prend un sens tout particulier lorsqu’il s’agit des Mineurs Non Accompagnés. La création d’un système parallèle pour l’accompagnement des enfants protégés tardivement est un scandale politique au vu de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Monsieur Le Secrétaire d’Etat a mentionné son souhait de maintenir « l’unicité de la protection de l’enfance ».  Aujourd’hui, nous devons nous engager pour la prévention des violences et la protection de tous les enfants en leur garantissant les besoins fondamentaux.

 

Le deuxième constat porte sans nul doute sur la place de l’enfant dans les dispositifs de la protection de l’enfance. L’écoute des besoins et des attentes de l’enfant a été opposé à plusieurs reprises au poids de l’autorité parentale dans les procédures de l’Aide Sociale à l’Enfance. Aujourd’hui, ce système de protection dysfonctionne et la diversité des mesures de protection, des propositions alternatives et des fonctionnements départementaux n’ont pour seul point commun que la rupture. Les ruptures dans le parcours de soin, dans les orientations scolaires, dans les liens familiaux, conduisent les enfants à une insécurité qui vient s’ajouter aux difficultés existantes. Si la généralisation les Unités d’Accueil Médico-Judiciaires Pédiatrique (UAMJ) sont nécessaires pour recueillir la parole des enfants dans de bonnes conditions, la formation de l’ensemble des professionnels est tout aussi importante. La lumière doit être mise non pas sur la stigmatisation du parent violent mais sur la maltraitance de l’enfant. La refonte de la protection de l‘enfance doit impliquer un changement des pratiques et des mentalités. Dans ce cadre, la politique publique de l’adoption doit être améliorée en faveur de l’intérêt de l’enfant.

 

Le troisième constat concerne la construction d’un maillage coordonné de l’ensemble des services. La décentralisation empêche l’élaboration d’un pilotage national de l’enfance en danger. Les Informations Préoccupantes (IP) et l’élaboration d’une grille commune des critères de maltraitance ont été mentionnés comme des outils majeurs. Mais, la méconnaissance institutionnelle et le travail en urgence ne permettent pas d’approfondir les questionnements sur le terrain. De nombreux dispositifs innovants existent, l’intervention sociale doit être adaptée à chaque situation. Un point semble faire consensus, la prévention primaire reste le soutien à la parentalité. Des questionnements restent en suspens, quel accompagnement pour les enfants en situation de handicap ? Quelle prise en compte des adoptions ?  Quelles décisions à l’égard des violences institutionnelles ? Le maillage s’étoffe de la Protection Maternelle et Infantile à la médecine scolaire, de la formation des professionnels sur les violences domestiques et institutionnelles à la maltraitance, et nous nous en réjouissons de voir que l’aspect transversal des politiques de l’enfance en danger est largement médiatisé. Aujourd’hui, la mise en œuvre se doit d’être à la hauteur des efforts de la médiatisation.

 

Aussi, le maintien des liens de la fratrie est primordial lorsqu’il existe et qu’il n’est pas toxique pour les enfants. Ainsi les modes d’accompagnement qui renvoient à la sphère familiale répondent pleinement à sécuriser les besoins primaires des enfants. La notion de suppléance familiale, qui vise à assurer les tâches éducatives habituellement effectuées par les parents par un autre adulte tiers, est reconnue comme nécessaire pour construire la figure de l’attachement. Ainsi, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, l’Aide Sociale à l’Enfance doit penser la posture des intervenants dans l’objectif de répondre aux besoins fondamentaux de ce dernier. Le décloisonnement des fonctions éducatives, en protection de l’enfance n’a pas sens, si ce n’est qu’il insécurise l’enfant. Une véritable vision globale de l’accompagnement et de l’intérêt de l’enfance est nécessaire : un maillage pluridisciplinaire, basé sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Le dogme de l’affection, défini au travers des actes usuels et non usuels met en exergue les paradoxes subis par l’enfant, les familles et les professionnels.

Aujourd’hui, nous devons porter une réflexion sur l’élaboration d’un schéma national commun en interrogeant le turn-over des professionnels, le déficit de formation, les difficultés d’embauche et autant de points nécessaires à la sécurisant des besoins de l’enfant.

Enfin, il nous faudra nous attacher à renforcer la formation et la recherche pour produire des statistiques de manière continue et cohérente afin d’ajuster les dispositifs notamment en termes d’accompagnement des enfants en situation de handicap. Le déficit de formation des professionnels sur les problèmes de la maltraitance est criant tant chez les enseignants que chez le personnel médico-social. La construction d’une culture commune autour de l’enfance en danger favoriserait la coordination des instances et leurs interactions.

 

La protection de l’enfance en danger ne se circonscrit pas à l’Aide Sociale à l’Enfance. Elle englobe un ensemble de secteurs d’action et de prévention. La loi pour une école de confiance rend obligatoire la scolarité dès l'âge de 3 ans et favorise le recrutement des AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap), ainsi que des visites médicales renforcées. Nous pensons que c’est une bonne mesure pour renforcer le parcours scolaire des enfants en situation de handicap accompagnés par les services de protection de l’enfance. C’est une bonne mesure, mais il n’est pas sans rappeler que le gouvernement a supprimé 120 000 contrats aidés 2018[78], dont une majorité d’auxiliaires de vie qui accompagnement des enfants en situation de handicap.  Cette situation a une fois de plus laisser la responsabilité de ces postes aux collectivités territoriales créant ainsi des disparités territoriales.  En revanche, la réforme de la fonction publique qui vise à supprimer toujours plus de postes va à l’encontre des constats que nous avons tous fait. Les médecins du secteur public scolaire, les enseignants et les assistants de services sociaux sont autant de professionnels qui contribuent pleinement au repérage, à l’évaluation et à la transmission des situations de maltraitances. Supprimer des postes, c’est supprimer des interlocuteurs formés à la protection de l’enfance.

Enfin, les dommages psychologiques de l’enfermement des enfants en Centre de Rétention Administrative sont à dénoncer avec ardeur par l’UNICEF. Boris Cyrulnik [79] parle lui de « bombes à retardement ». A six reprises la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour « traitement inhumain et dégradant » à l’égard de mineurs étrangers. Selon l’UNICEF, plus de « 86 % des jeunes enfermés avaient moins de 12 ans et 24 % moins de 2 ans » en 2018. Alors que soixante-dix Préfets n’ont enfermé aucun enfant, d’autres battent des records. Pour respecter nos engagements auprès de tous les enfants, nous devons y mettre fin.

 

Une politique globale et plurisectorielle

 

D’un point de vue globale, les préconisations du rapport vont dans le sens de l’harmonisation des services et de la mutualisation des moyens. Au regard des dysfonctionnements dénoncés, c’est sans nul doute des préconisations qui s’attachent à soutenir l’intérêt de l’enfance. Dans ce cadre, je les soutiens. 

Cependant, la volonté de faire évoluer la gouvernance ne peut s’associer à une baisse des moyens. Les constats s’accordent sur les aspects positifs des petites structures qui s’organisent de façon coordonnée pour accompagner au mieux les enfants. Aussi, s’il est vrai que le renforcement des contrôles dans les établissements est une nécessité, il y a peu de préconisations concernant les moyens d’exercice des intervenants sociaux, que ce soit au sein des MECS ou dans le cadre d’une mesure AEMO.

De plus, s’il convient d’adapter les structures d’accueils aux problématiques rencontrées par les jeunes, les propositions d’accompagnement doivent être les mêmes sur l’ensemble du territoire et pour tous les enfants. Faire persister des différences de traitement est discriminatoire. Je vous alerte donc sur la situation des enfants que l’ASE a pris en charge tardivement.

Enfin, si la loi du 14 Mars 2016 fait consensus, elle est aujourd’hui en partie responsable « des maux qui frappent le secteur de la protection de l’enfance » pour reprendre le vocable utilisé par Monsieur le Secrétaire d’Etat. La mobilisation de plusieurs ministres montre combien le sujet est transversal et combien la prise en compte des regards croisés est nécessaire. Le Secrétaire d’Etat à l’enfance a évoqué son souhait de maintenir « l’unicité de la protection de l’enfance ».  Aujourd’hui, nous devons nous engager pour la prévention des violences et la protection de tous les enfants en leur garantissant les besoins fondamentaux.

La précarité́ financière, la recherche d’un emploi ou l’accès à un logement sont autant de secteurs qui peuvent les mettre en échec. Elle est la recherche d’un équilibre entre le milieu protégé́ et le milieu ordinaire, d’un positionnement qui permet à̀ l’enfant d’être rassuré, confiant, d’avoir l’esprit disponible pour l’apprentissage et d’entreprendre des expériences nouvelles. Aujourd’hui, le rôle que nous avons à jouer est grand. Les réformes de la Protection Maternelle et Infantile (PMI) et le Revenu Universel d’Activité (RUA), ne suffiront pas à combler les manquements, si elles sont toutefois bien réalisées.


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Contribution de Mme Nathalie Elimas, députée du Val-d’Oise

 

Compte-rendu de visites dans le Val d’Oise :

 

  1. Visite de la pouponnière « Les poussinets » à Saint-Gratien, structure qui accueille un peu plus de 60 enfants de 0 à 10 ans.

 

  1. Entretien avec les services de l’Aide Sociale à L’Enfance du Conseil départemental du Val d’Oise, en compagnie de Madame Michèle Berthy, Vice-présidente, déléguée à l’Enfance, à la Famille et à l'Égalité Femmes-Hommes. 

 

  • Visite des locaux et rencontre avec les professionnels 

 

  • Échanges (en présence pour la DESF de M. Lecoq et Karine Poupée)

 

  • Table ronde en présence de :
    • Deux cheffes de service territorialisées ASE
    • Une responsable d'équipe ASE

 

L’équipe Val d’Oise est composée de 120 personnes qui arrivent globalement à remplir leur mission, ce qui est une particularité de ce département.

 

Les équipes sont dévouées et ont souligné une réelle évolution du métier à laquelle elles doivent s’adapter, vers plus de coordination. Elles en soulignent le "non-sens" dans cette profession où l’on doit d’abord repérer, comprendre, s’adapter et personnaliser. Les équipes déplorent également de devoir faire face à plus de tension et de violence chez les jeunes ou dans les familles. 

 

On note une demande de formation spécifique, la difficulté à recruter et un fort turn-over. Trop de jeunes éducateurs abandonnent dans les premiers mois en raison de la lourdeur des situations, des difficultés auxquelles ils n’ont pas été préparées, du stress et de la fatigue engendrée.

 

 

     Rappel des missions du conseil départemental : repérage et accompagnement

 

 

Les équipes de professionnels participent à la protection de l'enfance, en apportant aussi un soutien aux parents, en proposant des conseils personnalisés aux familles qui le souhaitent ou qui en ont besoin. Elles assurent le suivi des familles qui ont des difficultés dans la relation avec leur enfant et font l'évaluation des situations de protection de l'enfance.


     Points d’alerte mis en avant par les équipes de protection de l’enfance

 

A l’occasion de cette audition riche et émouvante, plusieurs sujets, revendications ou points d’alerte ont été mis en avant :

 

  1. Le nombre élevé de naissances sous X

 

En 10 ans, les naissances sous X ont doublé dans le département, ce qui interpelle les équipes.

 

Les services rencontrés reconnaissent toutefois l’amélioration de la procédure de délaissement parental depuis la loi du 14 mars 2016, permettant de déléguer l'autorité parentale à l’entité ayant recueilli l’enfant (ou à qui ce dernier a été confié), pour une période transitoire et de rendre l'enfant immédiatement adoptable.

 

Un travail plus global mériterait d’être mené sur l’adoption. Les conclusions de la mission gouvernementale confiée à notre collègue Monique Limon seront donc les bienvenues, et devront donner lieu à des mesures fortes pour simplifier le système et donner toutes leurs chances à ces enfants vulnérables. 

 

  1. Le manque d’écoute des recommandations des équipes

 

Les services mettent cependant en avant les difficultés rencontrées dans leurs relations avec les instances judiciaires, qui bien souvent n’entendant pas suffisamment leurs préconisations.

 

A titre d’exemple, le cas d’une fillette, aujourd’hui âgée de 3 ans, dont la maman était bien connue des services avant la naissance et pour laquelle une anticipation de la situation avait été notée. Après la naissance et deux années d’errance et de maltraitance, l’enfant a été retrouvée abandonnée dans une voiture. Elle est aujourd’hui adoptable, à plus de 3 ans, ce qui semble plus compliqué.

 

Les services déplorent trois années perdues pour l’enfant et auraient apprécié une écoute de leurs préconisations par les instances judiciaires.

 

  1. Les Mineurs Non Accompagnés (MNA) 

 

Le Val d’Oise a consacré au total 97,6 millions d’euros l'an dernier à l'ASE, une somme débloquée pour la prise en charge :

 

 

La principale incidence de la progression des prises en charge de MNA concerne la charge financière, pour un coût annuel moyen par jeune d’environ 50 000 euros, soit 140 euros par jour.

  1. Les mineurs délinquants

 

Les services indiquent que leur placement en structure ordinaire n’est pas adapté. L’ASE est souvent le dernier recours et les structures se retrouvent dans l’obligation d’accueillir ces jeunes, violents et délinquants récidivistes et de les placer avec des mineurs ASE déjà fragilisés.

 

Les conséquences désastreuses de ces décisions ont été pointées à plusieurs reprises, ainsi que les difficultés rencontrées par les encadrants.

 

  1. La recrudescence de la prostitution des mineurs, de plus en plus jeunes 

 

Tous et toutes sont très jeunes - la plus jeune citée à 11 ans – tous sont fragilisés, placés, au parcours de vie chaotique. Ils et elles se prostituent régulièrement ou occasionnellement, entrainés par l’un d’entre eux et surtout par un réseau plus structuré qu’il n’y paraît, polarisé autour de différents établissements d’accueil du Val-d’Oise, et qui profite de leurs faiblesses.

 

Les jeunes se prostituent dans des appartements, dans des hôtels de la région mais également de Rouen ou d’Orléans. Les éducateurs sont eux-mêmes totalement démunis devant ces situations qu’ils ne savent pas comment arrêter.

 

  1. La prise en charge de certains handicaps lourds ou troubles psychiatriques

 

Pour certains handicaps lourds ou troubles psychiatriques, la problématique du lien et du suivi a été pointée entre les hôpitaux (soin) et l'ASE. Les prises en charge sont trop brèves, laissant aux équipes, souvent démunies, la gestion de ces situations ou crises et plaçant parfois le jeune en situation de danger pour lui-même ou pour les autres.

 

  1. La plus grande fréquence de troubles psychiatriques chez certaines mamans selon leurs origines ethniques

 

Ce constat est partagé par la direction de la pouponnière « Les poussinets », mais demeure sans solution réelle et pérenne. On parle d’un « vide » quant à leur prise en charge, quand elles se retrouvent aux urgences puis « sortantes » de l’hôpital sans solution adéquate. Le lien a été fait avec des problèmes grandissant de prise en charge psychiatrique en France.

 

  1.                 La diminution du nombre de familles d'accueil depuis 2005

 

Il s’agit d’un constat récurrent : c’est une situation alarmante et en inadéquation avec le nombre d’enfants, qui lui augmente.

 

Les causes seraient multiples : tout d’abord une crise de l’engagement, mais également des enfants placés de plus en plus difficiles, au regard de leur passé et enfin un métier en évolution vers plus « d’administratif » et moins de contact.

 

La responsabilité et les contraintes du métier rebutent ces familles, qui exercent leur mission comme un sacerdoce, de plus en plus professionnalisée mais mal indemnisée et peu reconnue.


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Contribution de Mme Florence Provendier, députée des Hauts-de-Seine

 

La France est signataire de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE) qui célèbrera cette année ses 30 ans. A ce titre elle s’est engagée à faire respecter les droits fondamentaux de tous les Enfants et à mettre au cœur de ses politiques publiques l’intérêt supérieur de l’enfant, tel que prévu à l’article 3-1.

 

Depuis les lois de décentralisation, l’État a confié aux départements la mise en œuvre de la politique de Protection de l’Enfance, déployée sur nos territoires par leurs services d’aide sociale à l’enfance (ASE).

La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant est venue, quant à elle, réaffirmer l’importance de respecter les droits de l’enfant relevant de l’aide sociale à l’enfance et de garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant.

L’objectif de cette mission d’information sur l’Aide Sociale à l’Enfance est de dresser le bilan de la politique de l’ASE, afin d’identifier les bonnes pratiques, les dérives ainsi que de recueillir les propositions de tous les acteurs, à commencer par d’anciens enfants « placés » (terme auquel la mission dès sa première rencontre préférée celui « d’accueillis »).

 

Au travers de cette note, j’ai souhaité mettre en avant quelques exemples, ainsi que des pistes de réflexion sur des chantiers à mener sans attendre.

 

1. Des bonnes pratiques à partager

 

En fonction des territoires et des structures, mais avant tout des femmes et des hommes engagés dans l’ASE, nombreux sont les exemples qui permettent à l’Enfant d’être traité comme tel, dans le respect de ses droits et de ses besoins fondamentaux (pm : son développement physique, mental, spirituel, moral et social, tels qu’ils figurent dans le texte de la CIDE)

1.1 Les associations actrices incontournables

Les associations sont des acteurs clés du dispositif, notamment du fait de leur connaissance de l’aide éducative et de l’existence historiques d’infrastructures adéquates. Il est évident que sans le monde associatif, la protection de l’enfance dans notre pays ne pourrait pas fonctionner. Lorsque l’on réfléchit à la politique en faveur du monde associatif, il est important de garder en tête cela pour ne pas mettre en danger par diverses mesures fiscales et administratives l’existence de ces structures. De même, la personne publique ne peut pas se reposer exclusivement sur le secteur associatif, en lui laissant l’exécution de cette politique sans contrôle

1.2 Le développement des structures de prévention 

La prévention est cruciale dans notre politique de protection de l’enfance. Il a été constaté lors de cette mission, que certaines situations de placement auraient pu être évitées si la famille avait été accompagnée durant les moments difficiles. Cet accompagnement, plusieurs acteurs le développent à leur frais depuis quelques années. C’est le cas de la fondation Apprentis d’Auteuil qui a mis en place un dispositif « Coup de Pouce 92 », en cas de maladie, d’hospitalisation ou de problème familial ponctuel. Deux relais parentaux existent dans les Hauts-de-Seine. Des professionnels y accueillent jour et nuit les enfants, dans la limite de 13 ans, pour une ou plusieurs journées, et ce dans la limite de deux mois. Les enfants continuent à se rendre à leur crèche ou à leur école, à leur centre de loisirs ou à leur club de sports. Et il y a un maintien du lien par des contacts téléphoniques avec leur famille.

Cette initiative vertueuse est financée exclusivement par la fondation Apprentis d’Auteuil grâce à du mécénat financier.

 

1.3 La promotion du 119

 

Le service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger a été mis en place en il y a bientôt 30 ans et est encore parfois méconnu.

En 2017, le 119 a reçu 465 942 appels entrants, soit 1 277 chaque jour. Près de 20% de ces appels proviennent des enfants eux-mêmes pour dénoncer des violences physiques ou morales.

Pour 60% des appels recensés, la famille n'était pas connue pour faits de maltraitances. Ce chiffre montre la nécessité de promouvoir auprès des enfants mais aussi du grand public l’existence de ce numéro. L’écoute par des professionnels permet aux enfants et aux parents d’obtenir des conseils juridiques, médicaux, psychologiques et d’accompagner à la parentalité. Ce service combine à la fois un volet préventif et un volet d’accompagnement vers une prise en charge par les services de l’ASE. Il doit pouvoir bénéficier d’une notoriété supplémentaire et de moyens permettant au service de fonctionner correctement 24h/24h 7 jours sur 7.

 

2. Enfance en danger 

 

Certains dysfonctionnements de l’ASE ont été systématiquement évoqués durant la mission d’information. Ils incarnent les inégalités auxquelles sont confrontées les enfants confiés à l’ASE.

2.1 Les disparités des politiques départementales

 

La prise en charge par les services de l’ASE varie significativement d’un département à un autre, entraînant des inégalités entre les enfants protégés. Les choix budgétaires et politiques déterminent grandement l’accueil de l’enfant, créant ainsi une rupture d’égalité devant le service public entre chacun des territoires (qui dans certains cas mettent l’enfant en danger).

L’État est le garant de la protection de l’enfance !  C’est de sa responsabilité d’en définir les objectifs, d’en assurer un pilotage, et de veiller à une harmonisation entre départements.

2.2 La difficulté à recruter et des besoins de formation récurrents

Les structures sont confrontées à une « pénurie » de professionnels de l’éducation. Le métier est peu attractif. Ainsi, les établissements ont recours à l’intérim pour attirer du personnel qui est, dans les faits, peu qualifié et encore moins formé. Ce déficit de formation initiale aux besoins de l’enfant et à ses droits, peut conduire à une mise en danger de l’enfant.   De même que, la formation continue est très peu développée, ce qui limite la maîtrise de nouvelles méthodes éducatives par les éducateurs. Travailler en MECS est intense et demande beaucoup de sacrifices personnels : larges horaires de travail, salaires peu attractifs, manque de considération...

2.3 Les cas particuliers des enfants qui présentent des troubles

Entre 15 et 30% des enfants pris en charge par les services de l’ASE présentent un handicap. Les professionnels auditionnés expliquent tous que leur nombre augmente au fil des années. En effet, lorsqu’un enfant présente des troubles psychologiques ou liés à un handicap, certaines familles éclatent, et l’enfant se voit placé.

Pour autant les structures de l’ASE ne sont pas toutes adaptées aux problématiques de ces enfants. Pour preuve, il n’y a pas de psychiatre à l’ASE. Ce manque de personnel qualifié entraîne une prise en charge peu adaptée aux besoins spécifiques de ces enfants.

De plus, il y a un problème de financement entre ce qui est pris en charge par l’agence régionale de santé (l’ARS) et ce qui est pris en charge par l’ASE. 

2.4 Les ruptures des parcours de vie

Lors de l’audition d’anciens enfants placés, il a été clairement mis en lumière des ruptures dans leur parcours de vie. La loi du 14 mars 2016 avait pour vocation de sécuriser les parcours en protection de l’enfance en confiant aux départements la mission de « veiller à la stabilité du parcours de l’enfant confié et à l’adaptation de son statut sur le long terme ». 

Il apparaît, plus de trois ans après l’adoption de cette loi, que les parcours ne sont pas stabilisés. Il est difficile d’évoquer une durée moyenne de placement dans un établissement ou une famille d’accueil tant les situations entre enfants diffèrent. On estime qu’un placement dure en moyenne 13 mois. Les différents témoignages recueillis font état de la difficulté pour l’enfant de s’installer dans un établissement, de nouer des relations de confiance avec les éducateurs ou sa famille d’accueil, et les jeunes qui l’entourent, car il sait son départ proche.  Aussi, pour les enfants dits « inclassables » le sort est encore plus dur : ils passent d’établissements en établissements puis de famille d’accueil en famille d’accueil pendant toute leur jeunesse. Ce traitement institutionnel vient aggraver l’instabilité psychologiques de ces enfants, avec les conséquences que l’on connaît sur leur vie d’adulte et pour la société.

Cette rupture s’accentue si l’enfant change de département. D’une part la transmission d’information est parfois difficile entre les départements et d’autre part, l’enfant est confronté à de grandes inégalités de traitement (comme vu plus haut).

2.5 Le danger des sorties sèches

Tout le monde s’accorde pour dire qu’un jeune âgé de dix-huit ans doit être accompagné vers l’autonomie ! Pour les jeunes de l’ASE cette autonomie est demandée dès le jour de leur dix-huitième anniversaire…  A 18 ans, le jeune a besoin d’un appui éducatif pour se lancer dans la vie active, surtout, lorsque ce jeune ne dispose d’aucun appui familial stable.

Aujourd’hui, cet anniversaire rime souvent avec errance et décrochage. Cela installe les jeunes dans une extrême précarité : 30% des moins de trente ans usagers des centres d’hébergement et de restauration gratuits sont des anciens de l’ASE, une personne sans domicile fixe sur quatre est passé par l’ASE.

Pour autant, un accompagnement est possible par le biais du contrat jeune majeur délivré par les départements pour les jeunes de 18 à 21 ans.  Malgré les chiffres alarmants de la précarité de ces jeunes, de moins en moins de contrats jeunes majeurs sont délivrés depuis quelques années. Et lorsqu’ils le sont, ils sont plus exigeants et plus courts ce qui place beaucoup de jeunes dans une situation précaire.

2.6 La particularité des Mineurs Non Accompagnés (MNA)

L’afflux de MNA ces cinq dernières années a déteint sur l’ASE. A titre d’exemple, dans les Hauts-de- Seine, leur nombre a triplé en trois ans. Les services d’accueil d’urgence sont souvent peuplés à grande majorité de MNA. Cela restreint le nombre de place dans ces établissements pour les enfants de l’ASE.

A noter que l’ASE n’apporte pas forcément les réponses adéquates à ces enfants au parcours de vie, la plupart du temps, traumatique. Le besoin n’est pas tellement éducatif, il est plutôt d’insertion et d’accompagnement dans leur nouvelle vie en France. A ce niveau force est de constater que nous n’avons pas de réponse adaptée.

 

3. De nombreuses propositions émergent

 

Au fil des auditions, des suggestions récurrentes pour améliorer le « système » ont été abordées par les professionnels et les anciens bénéficiaires. Nombre d’entre elles figurent dans la liste ci-dessous :

 

Repenser la gouvernance de l’ASE

                                             Clarifier la vision de l’État en concertation avec les parties prenantes sur le positionnement de l’ASE dans le respect des droits de l’Enfant

                                             Faire de l’État le garant de l’égalité de prise en charge par les services de l’ASE entre les départements, sans venir remettre en cause la compétence départementale  

                                             Faire participer les anciens enfants de l’ASE aux instances de gouvernance

                                             Faire participer les enfants « accueillis » à l’organisation de leurs structures d’accueil

                                             Mettre en place un système de remontée de l’information des départements vers l’État afin d’obtenir annuellement un panorama chiffré

                                             Développer une culture de l’évaluation et de la mesure d’impact

                                             Faciliter le partage et l’échange d’information entre la PJJ et l’ASE

                                             Faciliter le transfert d’information entre les départements

 

Assurer le respect des droits de l’enfant

                                             Prévenir les ruptures dans le placement et les discontinuités de parcours

                                             Assurer à l’enfant un suivi médico-social régulier, une fois par an au minimum

                                             Former aux droits et aux besoins de l’enfant

                                             Créer un coffre-fort numérique regroupant toutes les données personnelles des enfants sous le coup de mesure de protection, accessible à la majorité

                                             Développer une culture de l’ambition scolaire chez les enfants, les accompagnants, les professionnels et les parents 

 

Mieux accompagner les acteurs de l’ASE

 

Renforcer les liens entre l’ASE et la société

                                             Institutionnaliser le parrainage des enfants protégés pour faciliter l’intégration dans le monde professionnel

                                             Former les professionnels de la protection de l’enfance au système scolaire et à l’orientation professionnelle

                                             Former les professionnels de l’éducation nationale à la protection de l’enfance

                                             Lancer une campagne de recrutement de nouvelles familles d’accueil

                                             Rendre attractif les métiers de la protection de l’enfance

                                             Développer une communication transparente autour de l’ASE pour restaurer son image

 

Développer la prévention

                                             Faire connaître aux enfants leurs droits au titre de la convention internationale des droits de l’Enfant CIDE et des Objectifs de Développement Durable ODD

                                             Décloisonner la politique de l’ASE et celle de l’accompagnement à la parentalité

                                             Améliorer le processus de détection des enfants « en danger » grâce à une formation des professionnels de l’enfance (éducation nationale, médecin, acteurs associatifs, agent de puériculture, animateurs sportifs…)

                                             Améliorer la détection des troubles et handicaps pour une prise en charge précoce

                                             Développer les structures d’accueil pour enfants et parents hors mesures judiciaires

                                             Assurer à l’enfant et à la famille un logement commun pour éviter des mesures de placements

 

Développer des solutions spécifiques aux besoins de chaque enfant

                                             Développer une prise en charge adaptée des MNA

                                             Veiller la prise en charge adaptée pour les enfants disposant de troubles et de handicaps

                                             Prendre en compte la situation des jeunes aidants, pour éviter qu’ils ne se retrouvent « placés »

 


 

En conclusion, il nous incombe de placer l’Enfant et son intérêt supérieur au cœur de la politique de l’Aide Sociale à l’Enfance avec comme

 

Cap, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant et les Objectifs du Développement Durable

Boussole, une gouvernance resserrée qui regroupe les instances existantes autour de l’État

Moteur, les départements dans la mise en œuvre cette politique au plus près des territoires et l’implication de tous les professionnels

Sextant, la création d’une délégation parlementaire aux droits de l’enfant

 

 


Contribution de Mme Sandrine Mörch, députée de Haute-Garonne

 

RAPPORT SUR LA SITUATION DE LA PROTECTION DE L’ENFANCE

DANS LE DEPARTEMENT DE LA HAUTE-GARONNE (31)

 

Au cours de la mission d’information sur l’Aide sociale à l’enfance (ASE), Mme la députée Sandrine Mörch a effectué plusieurs visites et rencontré une multitude d’acteurs du territoire :

 

PARTIE I

LE BILAN DE MON TRAVAIL DANS LE DEPARTEMENT DE HAUTE-GARONNE

 

  1. La situation générale du Département 31

 

Depuis avril 2015, le Département 31 a effectué des efforts budgétaires pour améliorer et créer des places d’accueil. Le budget pour l’aide sociale à l’enfance et à la famille était de 159,6 M€ en 2018 (+10% par rapport à 2017) et est de 168,5 M€ en 2019 (+9,2% par rapport à 2018). Ce sont quelques 400 places qui ont été créées depuis 2018, avec l’arrêt du logement dans les hôtels sociaux cette année et un effort d’investissement dans les Maison d’enfants à caractère social (Mecs). Près de 4 300 jeunes ont été pris en charge par les services départementaux de l’ASE en 2018. 7 000 sont bénéficiaires de l’ASE.

 

S’agissant de la situation des mineurs non-accompagnés (MNA), le Département a pris en charge 1095 MNA en 2018 et prend actuellement en charge déjà 1100 MNA en 2019 (+43% entre 2016 et 2018). Le coût de la prise en charge des MNA a de fait augmenté dans des proportions extrêmement fortes sur les 3 dernières années. En 2019, le montant des dépenses à ce titre (48 M€) sera supérieur au double de celui de l’année 2015 (23,19 M€). L’évaluation et la prise en charge des MNA est confiée au Dispositif Départemental de l’Accueil et de l’Evaluation des Mineurs Isolés (DDAEOMI) géré par l’association ANRAS.

 

Lors des différentes auditions, les acteurs de l'ASE du département, les acteurs ont souligné l'effort de rattrapage du Département. Néanmoins, ils ont aussi témoigné des besoins croissants de places, de professionnels de la santé et de travailleurs sociaux en raison de l'augmentation des mesures éducatives. En particulier, les acteurs du monde judiciaire dénoncent les délais d'exécution des mesures judiciaires par le Département qui sont de 5 à 7 mois en moyenne. En 2015, le collectif Enfance 31 s’est constitué pour alerter les pouvoirs publics sur la situation catastrophique de la prévention et de la protection de l’enfance sur le département : saturation des dispositifs, attente insupportable pour des prises en charge sociales ou judiciaires, accueil inadapté aux besoins, faute de places dans les services sanitaires ou médicosociaux. Nous avons rencontré plusieurs de ses membres.

 

Par ailleurs, s’agissant de la projection des moyens financiers, il ne faut pas oublier que la ville de Toulouse connait une croissance démographique de +10 000 habitants par an en moyenne. Par conséquent, les moyens alloués aux services doivent suivre cette augmentation.

 

  1. La situation des places d’accueil

 

Malgré l’effort de rattrapage du Département pour offrir de nouvelles places, les différents acteurs ont souligné le manque de places chronique dans les différentes structures d’accueil et dans les familles d’accueil, d’autant plus en situation d’urgence.

 

S’agissant des familles d’accueil, elles sont environ 490 dans le département. La famille d’accueil rencontrée a déploré les conditions de travail. Elle critique le niveau de rémunération (2 450€ pour 3 enfants, même rémunération les jours travaillés le week-end, jours fériés décomptés comme jour de congés), l’impact sur sa vie de famille (les jours de congés, les week-end annulés à cause des parents qui ne veulent pas récupérer l’enfant), les services d’astreintes inefficaces et l’absence de médecine du travail. Le Département a beaucoup de difficulté à recruter des familles dans ces conditions.

 

Le Département 31 nous a informé avoir arrêté les nuitées d’hôtel et avoir augmenté le budget des différentes Mecs de 90M€ à 120M€ depuis 2015. Il souhaite développer le recours au solution de placement à domicile (PAD) avec notamment des programmes séquentiels (ex : 3 jours de placement en établissement et 4 jours dans la famille).

 

  1. Le parcours de santé des enfants

 

Les acteurs soulignent la difficulté d’accès aux soins des enfants en raison de l’absence d’accords spéciaux avec l’Agence régionale de santé. Cela pose de graves problèmes pour les enfants « incasables » qui souffrent de troubles du comportement et/ou psychiatriques demandant un accompagnement particulier. Ce problème est aggravé avec la fermeture des Instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques (ITEP) et des Instituts Médico-Educatifs (IME) le week-end, ce qui contraint d’autres structures d’accueil non adaptées à accueillir les enfants. Il y a également de graves manquements de pédopsychiatres et de psychologues qui empêchent un suivi et une prise en charge des enfants. Les acteurs demandent une plus grande coordination entre les services de l’ASE et les services de soins, notamment la Région et l’ARS.

 

  1. La situation des jeunes majeurs

 

Le Département dénombre 743 contrats jeunes majeurs dont 400 jeunes MNA. Les contrats jeunes majeurs sont en augmentation de 10% depuis 2016. Il appartient au jeune de faire la demande d’un contrat jeune majeur. Les jeunes sont accompagnés en moyenne jusqu’à l’âge de 21 ans. Les contrats sont signés pour une durée minimale de 3 mois à 1 an renouvelable. Le jeune bénéficie d’un logement et d’une allocation, s’il ne travaille pas, le but étant de l’accompagner vers l’autonomie.

 

Le problème des contrats jeunes majeurs est qu’ils ne permettent pas aux jeunes de faire de longues études, notamment supérieures. Il y a donc une orientation vers les baccalauréats professionnels ou des CAP car leur temps est limité. Un contrat jeune majeur à l’ANRAS coûte environ 180€/jour alors que l’accompagnement des jeunes majeurs dans des logements diffus à Toulouse coûte environ 60€/jour et vise principalement des MNA.

 

  1. La situation des MNA

 

Le Département a confié l’accueil, l’évaluation et l’orientation des personnes se présentant comme mineurs isolés au Dispositif Départemental d’Accueil, d’Evaluation et d’Orientation des Mineurs Isolés (DDAEOMI), géré par l’ANRAS (voir audition et note annexe). Ce dispositif a eu pour conséquence d’inverser les rapports : auparavant 80% de reconnaissance de minorité, aujourd’hui 20% de reconnaissance de minorité. Sur la saturation des dispositifs d’accueil de l’ASE, le Département avance l’accueil des MNA comme cause. L’ANRAS nous informe que les dispositifs étaient déjà saturés avant les MNA. Le DDAEOMI est très critiqué par le Collectif Enfance 31 et le Collectif autonoMIE qui fustige le rôle de « tri » de ce dispositif et la chute des reconnaissances de minorité. On perçoit une véritable contradiction, presque idéologique, entre le DDAEOMI et ces collectifs. 

 

  1. La situation des éducateurs et travailleurs sociaux

 

Le Département emploie exclusivement des travailleurs sociaux qualifiés. Tous ont souligné les difficultés de travail pour trouver des places, le nombre d’enfants à suivre et le poids du travail administratif. Ils ont tous parlé du basculement dans l’approche de leur travail des lois Sarkozy de 2002 et de 2005 qui ont déstabilisé tout le système de l’ASE avec comme nouveau leitmotiv : responsabiliser par la sanction. Depuis, les travailleurs sociaux ont commencé à aller de moins en moins dans les familles, ce qui a dénaturé leur travail. L’assistante sociale de la polyvalence dénombre environ 115 familles à suivre par collègues, ce qui rend extrêmement difficile le suivi et l’accompagnement des familles.

 

Actuellement, est mené un changement dans le dispositif de la territorialisation des MDS qui instaure des secteurs plus étendus et des spécialisations des travailleurs sociaux sur une compétence comme les informations préoccupantes. Il y a des craintes sur cette spécialisation fasse perdre les repères des travailleurs sociaux et les relais sur le terrain.

 

La profession connaitrait de grandes difficultés dans le Département. Sur la totalité des demandes de reclassement, 50% proviendraient des travailleurs sociaux. Dans la région de Toulouse, les travailleurs sociaux sont nombreux et qualifiés, mais il y par exemple bien plus de manque de travailleurs du côté de Montauban.

 

Pour autant, l’ancien enfant placé a salué le rôle de son éducateur ASE dans son éducation et dans les situations qu’il a connues. Il a joué un véritable rôle de boussole.

 

  1. L’articulation ASE-PJJ

 

Les acteurs ont tous souligné les problèmes de relations et le manque de coordination avec les services de la PJJ, notamment dans le cadre des double-mesures ou pour faire les liens avec les services de l’AEMO. 

 

 

TITRE II

PROPOSITIONS

 

Ces propositions émanent de mes expériences, aussi bien dans le cadre de mon mandat, que personnelles. En propos introductoire sur la protection de l’enfance, je souhaite insister sur l’impérieuse nécessité de sortir de la spirale négative autour de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), de la notion d’échec parental et de la culpabilité collective. Aussi, le bien-être et la construction saine et pérenne de l’enfant doit être au centre de l’action de l’ASE.  L’enfant a besoin d’être protégé, et non inquiété plus encore. Son avenir proche est suffisamment incertain pour ne pas rajouter la propre inquiétude de l’adulte.

 

Il faut miser systématiquement sur les ingrédients positifs : amour familial et la fratrie, même si l’enfant est en désaccord, mettre en avant ses capacités et non ses incapacités, rendre visible ses atouts, même s’ils sont cachés derrière des actes nuisibles. La confiance en l’enfant est quasi le seul levier pour maintenir le lien entre cet enfant et le monde adulte en qui il n’a plus confiance. Au moins un adulte doit croire en l’enfant pour que tout lien ne soit pas rompu mais au contraire, servir, fructifier, parfois des années plus tard ou après des années de crises.

 

L’amour envers l’enfant et de l’enfant vers l’adulte est le deuxième ingrédient nécessaire pour grandir droit. Il est plus complexe, plus intime, plus inhibé, plus douloureux, plus subjectif. Il rappelle sans cesse le manque d’amour « qui va de soi » parental. Ce mot n’apparait nulle part dans le traitement administratif et judiciaire de l’enfant de l’ASE. C’est pourtant le maitre mot pour grandir. L’amour ne s’inscrit pas dans la loi mais pourrait s’inscrire dans la culture de travail de l’ASE. L’objectif de tout éducateur, parent biologique ou adulte tiers, est bien d’aider l’enfant à se forger un capital social :  pour qui je compte, sur qui je compte.

 

Propositions : 

 

 

 

 

Il convient également de reconnaitre la véritable fonction de la PJJ en matière d’assistance éducative.

 

Elle permettrait à l’enfant de bien comprendre les motivations des décisions administratives et/ou judiciaires.

 

 

 

 

 

 

 

 


—  1  —

Contribution de Mme Nadia Essayan, députée du Cher

 

Synthèse des visites dans le département du Cher

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                  

                                  

                                  

 

                                 ConseilDépartemental du Cher

- Rencontre avec le Président du Conseil Départemental

- Foyer de l’Enfance

- Cher’Ados

- Centre de parentalité

- Familles d’accueil

 

                                 Fondation Grancher à Vierzon

 

                                 Assistants Familiaux

 

                                 Tivoli Initiatives

 

                                 ITEP

 

                                 PJJ

 

 


CONSEIL DÉPARTEMENTAL DU CHER

 

      Difficultés rencontrées par la structure :

      Problèmes en matière de recrutement et de souffrance du personnel, dus à des problèmes de moyens, et ainsi d’un manque de formation.

      Changement de comportement des enfants de l’ASE avec des troubles psychiques plus importants et une manifestation de la violence. Les professionnels, ainsi que les familles d’accueil se trouvent de plus en plus en difficultés et se sentent parfois dépassés. Les structures ne sont plus adaptées à ce type de profil.

      Effectif insuffisant de 4 pédopsychiatres sur le département.

      Pas d’équipe mobile sur le territoire, faute de moyens.

      Difficultés de financement des contrats jeunes majeurs…

     L’ASE arrive souvent en dernier recours : lorsqu’un ITEP refuse un enfant, que la PJJ n’a plus de place

      100% d’augmentation des placements en urgence.

      Les familles d’accueil sont aujourd’hui au nombre de 230 sur le département : il en faudrait au moins 180 de plus.

      Augmentation du nombre de MNA

      1 dossier de demande d’accueil familial seulement sur 10 est actuellement instruit. La moyenne d’âge des assistants familiaux est de 55 ans.

     4 à 5 enfants par famille

      Difficultés de repérage des enfants maltraités : milieu rural

     De moins en moins de rencontres entre éducateurs, enfants, parents, familles d’accueil : pas suffisamment de temps pour les organiser.

      Points forts :

      Le SAMED a été mis en place en 2012 sur le département

      Promotion en octobre d’une campagne de publicité pour le métier d’assistant familial.

      Préconisations :

      Budgets supplémentaires : Personnel, formation, MNA…

 

FOYER DE LENFANCE

 

      Difficultés rencontrées par la structure :

Pour les enfants handicapés placés à l’ITEP, il est déploré un manque de coordination

      Les délais d’attente sont très importants et ne permettent pas une prise en charge immédiate. En cas d’urgence, le CAOD délivre uniquement un traitement médicamenteux

      Le public a évolué ces dernières années, notamment en terme de besoins psychiques et d’accompagnements spécialisés : les éducateurs ne sont pas formés à ces difficultés

      Préconisations :

      S’ouvrir davantage vers l’extérieur ; améliorer les techniques en explorant les domaines du sport et de la culture qui sont de réels leviers pour certains enfants

      Un projet global de l’enfant où tous les acteurs s’engageraient. Il pourrait être créé un poste de référent pour coordonner les parties et établir le projet

      Créer une structure médico-sociale de quelques places où des professionnels pourraient être mis à disposition sur le dispositif

      Créer une équipe mobile

      Développer la télémédecine

      Organiser une astreinte

 

CHER’ADOS

 

      Points forts :

      Des éducateurs travaillent la levée des freins et les aident à concrétiser un projet : retour à la scolarité, apprentissage, emploi, mobilité, sociabilité…dans le but de rendre le jeune autonome

      La structure est devenue très réactive pour répondre aux besoins des jeunes grâce au développement d’un réseau de partenaires

      Accompagnement « sur mesure » pour chacun des jeunes

      Préconisations :

      Budget pour la mobilité

 

CENTRE DE PARENTALITÉ

 

Rencontre avec 2 familles d’accueil : 

 

      Difficultés rencontrées par les familles:

      Manque de soins notamment en psychiatrie, difficultés dans le suivi des traitements médicamenteux »

      « Parents de plus en plus exigeants »

      « Enfants de plus en plus abîmés »

      « La communication entre les familles d’accueil et l’ITEP de Chantoiseau semble rompue…au profit de celle avec les parents (bulletins scolaires, PRONOT …) »

      Points forts :

      « Création d’une association de familles d’accueil : se retrouver tous les mois pour un temps d’échange d’expériences »

      Préconisations :

      « Equipe éducative qui devrait être plus présente »

      « Laisser des libertés aux familles »


FONDATION GRANCHER

 

Echanges avec 4 familles d’accueil :

 

      Difficultés rencontrées par la structure :

      Manque d’assistant familiaux et la difficulté de fidéliser ce personnel. Il en résulterait d’un secteur peu attractif et des salaires non assurés (en fonction des placements). Les familles se trouvent de plus en plus confrontés à accueillir des enfants « abimés » qui requiert d’importantes ressources personnelles et un maintien de l’équilibre familial

      Décalage éthique et des conflits de valeurs

      Plus de problématiques des enfants, plus de ruptures et plus de mal être et de ce fait des difficultés d’accompagnement pour les familles

      Plannings chargés dans le sens où des familles travaillent pour plusieurs employeurs (ASE et Fondation) et également le fait que les parents ont de plus en plus de droits qui engendrent plus de visites. De plus, les parents séparés contribuent à l’augmentation de créneaux de visites. Ces paramètres amènent à une réorganisation des services

      Le Conseil Départemental refuse de plus en plus la signature de contrats jeunes majeurs. Cela engendre parfois de la part des professionnels de démotivation de constater que le travail effectué précédemment risque de et de la part des enfants une incertitude quant à leur aveni

      Points forts :

      Les parents peuvent visiter leurs enfants tous les 15 jours, voire toutes les semaines. Les frais de transports sont à la charge de la Fondation. Des espaces confortables et accueillants sont mis à leur disposition.

      Échanges avec l’équipe toutes les 6 semaines, les groupes de travail avec les pédopsychiatres et les analyses de pratiques qui constituent un soutien important.

      Un numéro d’astreinte est disponible pour ces derniers 24 heures sur 24 pour ces dernier en cas de besoins.

      L’éducatrice fait le lien entre les équipes, les parents, les familles d’accueil et les enfants. Elle gère le suivi d’une vingtaine d’enfants.

      Les familles bénéficient d’analyses de pratiques régulières avec des intervenants extérieurs. Ces actions se révèlent nécessaires pour échanger et sortir de l’isolement que peut engendrer la profession.

      La sortie des jeunes de 18 ans se prépare en amont avec l’équipe éducative. L’orientation s’effectue vers les FJT, pôle Emploi, les Missions Locales. Il réside une difficulté dans l’orientation des enfants victimes de handicaps.

      Préconisations :

      L’évaluation initiale doit faire l’objet d’un travail plus encadré

 

TIVOLI INITIATIVES- Accueil de mineurs

 

Le nombre de MNA passe de 88 à 140. 75% sont de nationalité ivoirienne, malienne, et guinéenne.

 

      Difficultés rencontrées par la structure :

      La structure déplore de plus en plus de sorties sèches : plus de signature CMJ…

      Les récépissés et les cartes de séjours n’ouvrent pas les mêmes droites (APL)

      Les sorties sèches engendrent un remplissage des foyers d’hébergement d’urgence et une certaine délinquance d’où une insécurité publique

      Le parcours scolaire et éducatif n’est pas suffisamment pris en compte et ne permet pas aux jeunes de se préparer à des diplômes

      La difficulté actuelle est que les maliens ne se voit pas délivrer de titre de séjour. Ce problème a pour conséquence l’impossibilité de travailler et de se loger. Les récépissés et les cartes de séjours n’ouvrent pas les mêmes droites (APL)

      Points forts :

      Un dispositif spécifique a été mis en place à Tivoli pour répondre et accompagner favorablement les MNA (intervenants sociaux, poste de conseiller en insertion professionnelle), le but étant de travailler l’autonomie afin d’éviter les sorties sèches

      Le département finance un poste de psychologue à raison d’une demi-journée par semaine.

      La priorité étant donné à l’autonomie

      Préconisations :

      Les différents acteurs et dispositifs doivent, ensemble, trouver des solutions.

      Prévoir une plateforme de sorties pour accompagner les familles, accéder au logement…

      Développer et former des familles d’accueil à la problématique de la migration

      Le récépissé de titre de séjour doit pouvoir autoriser à travailler.

 

ITEP

 

      Difficultés rencontrées par la structure :

       Le problème de l’attribution de l’autorité parentale et le lien quasiment systématique avec les parents qui ne semblent pas toujours être au bénéfice de l’enfant. Ne pas laisser aux parents le choix du placement

       Les débordements de la liberté pédagogique

       Formation insuffisante des éducateurs

       Recrutement d’éducateurs trop jeunes et sans expérience ni recul nécessaire

       La loi ne mentionne pas le cas de « père isolé »

       Manque de coordination avec les acteurs du territoire

       La sortie sèche est très appréhendée car les jeunes finissent par se tourner vers les foyers d’hébergements d’urgence (80% du public de ces hébergements auraient un passé ASE). Il est observé que certains jeunes quittent l’ITEP au profit de la Garantie Jeune qui n’est pas adaptée à ce public (appât du gain)

      Points forts :

      La formation et l’acquisition de nouvelles méthodes de travail semblent être bénéfiques pour enfants et professionnels : moins de violence de la part des enfants, moins d’arrêt maladie…

      A raison de 2500 euros par mois, la structure bénéficie d’un coaching.


PJJ

 

      Difficultés rencontrées par la structure :

      Les injonctions de soins sont parfois impossibles à mettre en œuvre.

      90% des jeunes sont fumeurs de cannabis…Il déplore un manque de psychiatre pour le suivi des plus de 15 ans

      Le recrutement d’éducateurs devient un réel problème.

      Points forts :

      La Direction mise avant tout sur la bienveillance et l’amélioration des prises en charge santé 

      Il est envisagé prochainement de pouvoir accueillir ces jeunes au sein de familles bénévoles indemnisées (36 euros/jours)

      L’équipe professionnelle bénéficie d’un psychologue à temps plein

      Diverses interventions sont effectuées dans le cadre de la citoyenneté et de la laïcité

      Préconisations :

     Diversifier les structures d’accueil, qui sont insuffisantes sur le territoire.

 

ASSISTANTS FAMILIAUX

 

      Difficultés rencontrées par la famille 

      Manque d’information sur les problématiques lors de l’accueil d’un enfant. Ils considèrent qu’ils manquent de soutien dans le cadre de leurs missions. Aucun PPE n’a été rédigé pour ces enfants.

      Il n’y a pas de psychologue à Vierzon, ce qui engendre des manquements et des déplacements jusqu’à St Amand.

      Aucune réunion d’échanges n’est organisée entre professionnels. Les familles se sentent seules…

      Précarité du poste : si un assistant familial ne se voit pas confié un enfant pendant 4 mois, il est licencié…

      Un taux important de démissions est constaté qui serait dus aux conditions salariales et aux disparités entre les départements.

      Points forts :

      Pour pallier à des absences ponctuelles, ils peuvent compter sur le relais d’autres assistants familiaux

      Préconisations :

      Statut national

 


—  1  —

annexe N° 6 :
liste des visites individuelles organisées
par les membres de la mission

● Visites de la rapporteure dans le département de la Nièvre :

– Conseil départemental de la Nièvre (services de l’aide sociale à l’enfance – ASE)

– Maison des enfants de Champrieux

– Table ronde réunissant des familles à Nevers

– Foyer Bourgoin à Challuy

– Service de médiation familiale de la Sauvegarde à Nevers

– Action Village d’enfants

● Visites de la rapporteure dans le département de l’Allier :

– Centre médico-psychologique de Vichy

– Maison d’enfants à caractère social (MECS) MNA à Vichy

 Visites de la rapporteure à Paris :

– Association Aire de famille

– Foyer de la rue Monsieur le Prince

– Association Enfant présent

 Visite de la rapporteure en Saône-et-Loire :

– Centre éducatif Le Méplier

 Visites de Mme Delphine Bagarry dans le département des Alpes-de-Haute-Provence :

– Association départementale de sauvegarde de l’enfant à l’adulte (ADSEA)

– MECS Saint-Martin


 Visite de Mme Delphine Bagarry dans le département des Bouches-du-Rhône :

– Direction des maisons de l’enfance et de la famille (DIMEF)

 Visites de Mme Delphine Bagarry dans le département du Var :

– ADSEA

 Visites de M. Guillaume Chiche dans le département des Deux-Sèvres :

– Conseil départemental des Deux-Sèvres (services de l’aide sociale à l’enfance, protection maternelle et infantile)

– ADEPAPE

– Juge aux affaires familiales

– Juge des enfants

– Association Conseil et défense des mineurs

– Maison départementale de l’enfance

– Centre hospitalier de Niort (pédopsychiatrie, pédiatrie, pôle mères/enfants, unité médico-judiciaire)

– Union départementale des associations familiales (UDAF)

– ASEN des Deux-Sèvres

– Centre communal d’action sociale de Niort

– Agora

– Un toit en Gâtine

– La Salamandre

– Jeunes suivis par l’ASE

– Familles d’accueil

 Visites de Mme Nadia Essayan dans le département du Cher :

– Fondation Grancher

– Tivoli Initiatives

– Famille d’accueil

– Foyer départemental de l’enfance de Bourges

– Cher’Ados

– Centre de protection judiciaire de la jeunesse de Bourges

– Conseil départemental du Cher (Président et services de l’ASE)

– Centre de parentalité de Bourges

– Institut thérapeutique éducatif et thérapeutique (ITEP) de Saint-Florent-sur-Cher

 Visites de Mme Monique Limon en Isère :

– Conseil départemental de l’Isère (services de l’aide sociale à l’enfance, protection maternelle et infantile, accueil familial, direction d’un établissement)

– Lieu de vie

– Association des accueillis et anciens accueillis en protection de l’enfance (ADEPAPE)

 Visites de Mme Monique Limon dans l’Eure :

– Foyer de l’enfance

– Service Adoption et parents adoptifs

 Visites de Mme Sandrine Mörch en Haute-Garonne :

– Association nationale de recherche et d’action solidaire (ANRAS) :

     MECS Le chêne vert à Flourens

     Dispositif départemental d’accueil, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés (DDAEOMI) à Toulouse

– Centre départemental de l’enfance et de la famille

– Conseil départemental de Haute-Garonne (vice-président en charge de l’enfance et de la famille et services de l’ASE)

– Juge des enfants au Tribunal de grande instance de Toulouse

– Assistante sociale du service polyvalence d’une Maison départementale des solidarités de Toulouse

– Association Protection de l’enfance et de l’adolescence (PEA)

     Assistante sociale du service d’investigation éducative

     Psychologue chargée du suivi des jeunes majeurs

– Éducateur des services de l’ASE

– Famille d’accueil

– Ancien enfant placé de l’âge de 12 ans jusqu’à sa majorité puis qui a bénéficié d’un contrat jeune majeur jusqu’à l’âge de 21 ans

– Réseau Adolescence et Partenariat 31 (RAP 31)

– Collectif autonoMIE (Mineurs Isolés Étrangers)

– Éducatrice de la protection judiciaire de la jeunesse

– Bénévole de l’association Tous en classes 31

 Visites de Mme Bénédicte Pételle dans les Hauts-de-Seine :

– Conseil départemental des Hauts-de-Seine (services de l’ASE)

– Pôle social de la commune de Villeneuve-la-Garenne

– Pouponnière Paul Manchon

– Cité de l’enfance du Plessis-Robinson

– Association L’Essor

     MECS Quennessen

     Structures d’aide éducative à domicile (AED) et d’aide éducative en milieu ouvert (AEMO) d’Asnières et Courbevoie

     Centre parental de Courbevoie

     Centre éducatif renforcé de Malakoff

     Service de prévention spécialisée de Clichy

– Association Olga Spitzer

     Antennes AED et AEMO d’Asnières, Colombes et Nanterre

     Service d’investigation

– Fondation des Apprentis d’Auteuil

     Village éducatif de Saint-Philippe

     Accueil éducatif d’Asnières

– Association laïque pour l’éducation, la formation, la prévention et l’autonomie (ALEFPA)

     Foyer Jean Zay

     AED

     Service de milieu ouvert avec hébergement (SEMOH)

– Fondation Léopold Bellan

– Association SOS Village d’enfants

– Association Cent familles (MECS L’Arche à Clichy et Colombes)

 Visite de Mmes Bénédicte Pételle dans l’Eure :

– Famille d’accueil

 Visites de Mme Florence Provendier dans les Hauts-de-Seine :

– Conseil départemental des Hauts-de-Seine

– Fondation des Apprentis d’Auteuil (centre d’accueil d’urgence à Meudon)

– Association Jeunes aidants ensemble (JADE)

 


([1])  La composition de cette mission figure au verso de la présente page

([2]) Sans jamais, toutefois, interrompre les propos des personnes auditionnées sur ces sujets, dont l’importance n’est bien évidemment niée par personne.

([3]) Le dossier législatif est consultable au lien suivant :

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/accompagnement_jeunes_majeurs_vulnerables_autonomie

([4]) https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/2018-102r-pmi.pdf  

([5]) https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2018/2018_17_protection_enfance.pdf

([6]) Loi n° 2016-297.   

([7])  La démarche de la mission a en outre suscité une visite similaire dans le département de l’Essonne par un député qui n’était pas membre de la mission.

([8]) Les départements ayant répondu sont les suivants : Allier, Alpes-de-Haute-Provence, Ardennes, Aude, Cantal, Charente-Maritime, Essonne, Finistère, Gers, Haute-Garonne, Haut-Rhin, Indre, Landes, Loiret, Manche, Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Oise, Puy-de-Dôme, Rhône, Seine-et-Marne, Seine-Maritime, Somme, Vaucluse, Vendée.

([9]) https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2018/2018_17_protection_enfance.pdf

([10]) Les données – brutes – relatives à l’ASE publiées en avril dernier par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ne sont ainsi pas consultables en ligne, vraisemblablement en raison d’une difficulté technique : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2382589?sommaire=2382915.

Les dernières données publiées par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), thématiques et ventilées par département (http://www.data.drees.sante.gouv.fr/ReportFolders/reportFolders.aspx?IF_ActivePath=P,371,372,596 ; https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/22-10.pdf), sont celles qui ont été consolidées par le rapporteur du CESE, M. Antoine Dulin, bien évidemment auditionné par la mission d’information.

([11]) https://onpe.gouv.fr/system/files/publication/13e_ragp_complet_web_0.pdf

([12]) https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dp_annonce_concertation_protectenfancevdef.pdf  

([13]) La situation particulière de Mayotte en matière de protection de l’enfance – ASE mais également voire surtout protection maternelle et infantile (PMI) – a été étudiée par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport de février 2016, Mission d’appui au département de Mayotte sur le pilotage de la protection de l’enfance (http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2015-087R_TOME_1_Mission_d_appui_MAYOTTE_.pdf). Sollicitée par la mission d’information pour une audition de ses membres ayant travaillé au cours des dernières années sur la protection de l’enfance, l’IGAS n’a pas fourni de réponse dans des délais compatibles avec l’organisation des travaux de la mission. Dans son rapport précité, le CESE estime entre 3 000 et 6 000 le nombre de MNA à Mayotte « qui sont, pour beaucoup, abandonnés et en situation de totale errance » (page 20).

([14]) Page 17 du rapport du CESE de juin 2018, précité.

([15]) https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/raa2015_courtv2.pdf

([16]) Précité, page 9. 

([17]) Qui lui-même exploite notamment les travaux de Mme Isabelle Frechon, socio-démographe auditionnée par la mission d’information.

([18]) L’état du mal-logement en France 2019 :

https://www.fondation-abbe-pierre.fr/documents/pdf/rapport_complet_etat_du_mal_logement_2019_def_web.pdf 

([19]) Précité, page 14. 

([20]) Créées en 1964, par la fusion des directions de la population et des affaires sociales, d’une part, et des directions de la santé publique, d’autre part. 

([21]) Complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État.

([22]) Adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d’aide sociale et de santé.

([23]) Qui ouvre le chapitre Ier (« Service de l’aide sociale à l’enfance ») du titre II (« Enfance ») du livre II (« Différentes forme d’aide et d’action sociales ») de la partie législative du code.

([24]) Précité, page 15.   

([25])  Cf. infra la problématique spécifique des MNA.

([26]) Ce qui n’est possiblement pas sans lien avec le caractère variable des rémunérations des assistants familiaux d’un département à l’autre, souligné par leurs représentants lors de leur audition. 

([27]) Légères, puisqu’il s’agit en pratique de réunions périodiques. 

([28]) https://onpe.gouv.fr/lhistoire

([29]) Tous auditionnés par la mission d’information. 

([30]) https://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/acteurs/instances-rattachees/conseil-national-de-la-protection-de-l-enfance-cnpe/article/avis-recommandations-et-communiques-du-cnpe

([31]) Précité, page 16. 

([32]) « Le fait, pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n’ont pas cessé est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Lorsque le défaut d’information concerne une infraction mentionnée au premier alinéa commise sur un mineur de quinze ans, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. »

([33]) L’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles dispose que « l’évaluation de la situation d’un mineur à partir d’une information préoccupante est réalisée par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés à cet effet. À cette occasion, la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée ».

([34]) Pages 56 et 57.

([35]) https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-11/fiche_memo_maltraitance_enfant.pdf  

([36]) Dernière année pour laquelle des données chiffrées sont disponibles, ici : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er1090.pdf

([37]) Les actions éducatives à domicile (AED) étant pour leur part décidées par le conseil départemental. 

([38]) https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/rae-2018-num-15.11.18.pdf, page 44.

([39]) Dans la même logique, les assistants familiaux pourraient être destinataires des synthèses réalisées par les éducateurs à destination de la justice, afin d’être mieux associées à la procédure judiciaire.  

([40]) https://www.senat.fr/rap/r13-655/r13-6551.pdf  

([41]) Ainsi dénommée par le décret n° 2016-1639 du 30 novembre 2016.

([42]) https://www.onpe.gouv.fr/system/files/publication/enquete_commissions.pdf

([43]) Sachant que l’article 375 du code civil prévoit déjà une procédure de « placement long » : si la décision de placement ne saurait en principe excéder deux ans, « lorsque les parents présentent des difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques, évaluées comme telles dans l’état actuel des connaissances, affectant durablement leurs compétences dans l’exercice de leur responsabilité parentale, une mesure d’accueil exercée par un service ou une institution peut être ordonnée pour une durée supérieure, afin de permettre à l’enfant de bénéficier d’une continuité relationnelle, affective et géographique dans son lieu de vie dès lors qu’il est adapté à ses besoins immédiats et à venir ».

([44]) Précité, pages 84 et 85.

([45]) Les cas ont été évoqués devant la mission pour la Seine-Saint-Denis, d’une part, et Mayotte, d’autre part.

([46]) L’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles prévoit ainsi que l’une des missions de l’aide sociale à l’enfance est de « pourvoir à l’ensemble des besoins des mineurs confiés au service».  

([47]) Ces chiffres plus à jour que les données publiques ont été cités par la secrétaire générale du Conseil national de la protection de l’enfance lors de son audition par la mission.

([48]) Au sens de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles.

([49]) À la notable exception des pouponnières, dont de nombreuses caractéristiques sont précisées à l’article D341-1 du code de l’action sociale et des familles.

([50]) https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/seriestats173.pdf

([51]) https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er974.pdf

([52]) Données mises en ligne par la DREES, issues de son enquête sociale 2018, disponible ici : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/panoramas-de-la-drees/article/l-aide-et-l-action-sociales-en-france-edition-2018

([53]https://defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/recherche_acces_sante_et_sens_du_soin_rapport_final_janv_2017.pdf  

([54]https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/recherche_acces_sante_et_sens_du_soin_rapport_final_juin2016.pdf

([55]) Rapport d’information sur la prévention de la jeunesse : http://www.assemblee-nationale.fr/15/rap-info/i1234.asp et rapport Pour sauver la PMI, agissons maintenant, remis en qualité de parlementaire en mission : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/2018-102r-pmi.pdf

([56])  Rapport d’information du sénateur Michel Amiel sur la situation de la psychiatrie des mineurs en date du 4 avril 2017 (disponible ici : http://www.senat.fr/rap/r16-494/r16-494.html), communication de la mission flash de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, présentée le 6 février 2019, sur le financement de la psychiatrie :

(http://www2.assembleenationale.fr/content/download/75538/775110/version/3/file/Communication+mission+flash+financement+de+la+psychiatrie+finale+modifi%C3%A9e.pdf, http://www2.assembleenationale.fr/content/download/75539/775118/version/2/file/MF+Psychiatrie+-+Support+4+pages+final.pdf) et les travaux en cours de la mission d’information de cette même commission sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie.

([57]) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017. 

([58]) Arrêté du 22 août 2018 relatif au diplôme d’État d’éducateur de jeunes enfants.

([59]) Ce guide est disponible ici : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide_acte_usuels.pdf 

([60]) « Les députés et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France sont autorisés à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les lieux de rétention administrative, les zones d’attente, les établissements pénitentiaires et les centres éducatifs fermés mentionnés à l’article 33 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

À l’exception des locaux de garde à vue, les députés, les sénateurs et les représentants au Parlement européen mentionnés au premier alinéa du présent article peuvent être accompagnés par un ou plusieurs journalistes titulaires de la carte d’identité professionnelle mentionnée à l’article L. 7111-6 du code du travail, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. ».

([61]) Ces chiffres, un peu anciens, sont issus de la dernière enquête complète de la DREES datant de 2012.  

([62]) http://cnaemo.com/regards_critiques_sur_laemolaed_une_reponse_de_professionnels__cnaemo_-_cnape-pdf  

([63]) Dans cette perspective, l’agrément minimal pourrait être revu à un enfant, ce que le droit existant ne permet pas actuellement (troisième alinéa de l’article L. 421-4 du code de l’action sociale et des familles).

([64]) Ces chiffres mentionnés dans le rapport du CESE précité, ainsi que lors de l’audition de l’Observatoire national de l’action sociale (ODAS), sont corroborés par une partie des documents départementaux examinés par la rapporteure. Il n’existe toutefois pas de moyenne « officielle ».

([65]) Parmi les travaux conduits sur la question, on peut également citer le rapport de nos collègues Élisabeth Doineau et Jean-Pierre Godefroy, pour la commission des affaires sociales du Sénat, disponible ici : http://www.senat.fr/rap/r16-598/r16-5981.pdf  

([66]) Aude Cavaniol, « Le nouveau venu de la protection de l’enfance : le mineur non accompagné », Revue de droit de la sécurité sociale, n° 2017-801. 

([67]) Article 1er de l’arrêté du 17 novembre 2016 pris en application du décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 relatif aux modalités de l’évaluation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

([68]) Chiffres issus du rapport d’activité 2017 de la mission du ministère de la Justice sur les mineurs non accompagnés (MMNA), disponible ici : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/RAA-MMNA-2017.pdf 

([69]) Ibid. 

([70]) Ibid.

([71]) Rapport de la Convention nationale des associations de protection de l’enfance (CNAPE) remis au ministère de la justice, février 2018, disponible ici :

http://www.justice.gouv.fr/art_pix/1_CNAPE_Rapport_Accompagnement_accueil_MNA_2018.pdf

([72]) Protocole d’accord du 31 mai 2013, qui a fait l’objet d’une refonte par la loi de finances pour 2019. Ces modalités sont désormais plus favorables puisque le concours financier est augmenté depuis le 1er janvier à 500 euros, auquel s’ajoute un montant forfaitaire de 90 euros par jour pendant les 14 premiers jours puis 20 euros les 9 jours qui suivent.

([73]) Le rapport du Sénat précité faisait état de 60 jours pour le département de la Seine-Saint-Denis, 30 jours pour Paris, 20 jours pour le Val d’Oise. À l’occasion de son déplacement dans le département du Nord, la mission a entendu parler de délais allant de 5 jours à 1 mois, « en fonction du flux ».

([74]) Le rapport de la mission bipartite entre l’État et les conseils départementaux sur les mineurs non accompagnés avait conclu dans le sens d’une recentralisation. Ce rapport est disponible ici : http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2017-177-Rapport_MNA.pdf 

([75]) Décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 pris en application de l’article 51 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. 

([76]) La base légale se trouve désormais à l’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles. 

([77]) S’agissant plus spécifiquement des enjeux autour du contrat jeune majeur, on pourra utilement se reporter au rapport de Brigitte Bourguignon, compris dans le dossier législatif précité sur sa proposition de loi, ainsi que sur le rapport du CESE, maintes fois précité.

[78] https://www.lemonde.fr/emploi/article/2018/08/08/les-contrats-aides-de-2018-ont-ete-sous-consommes-au-premier-semestre_5340542_1698637.html

[79] Neuropsychiatre français.